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Pour une histoire du christianisme

dans le désert occidental d’Égypte


par Victor Ghica*

En 1976, après plusieurs prospections, Serge Sauneron lançait la première


mission de fouilles à Dūš 1, dans le sud de l’oasis d’al-Ḫāriǧa 2, étendant ainsi aux
déserts les travaux de l’Institut français d’archéologie orientale (Ifao). Dès la première
campagne à Dūš, l’occupation chrétienne du site était devenue une évidence 3
et Dūš un nouveau toponyme sur la liste des sites chrétiens d’al-Ḫāriǧa. C’est à
l’instigation d’Ahmed Fakhry, le pionnier de l’archéologie du désert occidental,
que Guy Wagner, papyrologue et membre scientifique de l’Ifao, débutait en 1973
ses premières recherches sur la documentation papyrologique et épigraphique
grecque des oasis 4 et se rendait à al-Baḥriyya en 1974 5. La réouverture progressive
des routes d’Égypte après la guerre du Kippour avait, en effet, permis à plusieurs
chercheurs de l’Institut d’entamer des explorations à travers le pays. Le premier
membre scientifique de l’Ifao à s’être intéressé aux monuments et documents
chrétiens en particulier est Gérard Roquet, qui s’attache, dès 1976, à l’étude
des graffites coptes de la nécropole chrétienne d’al-Baǧawāt 6. La même année,
Jean Gascou fouille avec Guy Wagner l’église de Šams al-Dīn 7 et ensemble ils
s’attellent à l’édition des ostraca grecs découverts lors de cette première campagne
à Dūš 8.

* Cet article est une version remaniée d’une communication présentée le 6 mai 2011 à l’Académie des
inscriptions et belles-lettres.
1. La translittération de l’arabe suit la norme de la revue Arabica.
2. Sauneron 1976, p. 404-412. Pour les références bibliographiques, nous renvoyons le lecteur à la
bibliograhie publiée en fin d’article.
3. Sauneron 1976, p. 407.
4. Sauneron 1973, p. 242-243.
5. Sauneron 1975, p. 466.
6. Sauneron 1976, p. 411.
7. Sauneron 1976, p. 410.
8. Sauneron 1976, p. 409.
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Pendant une trentaine d’années, les travaux de terrain réalisés dans le cadre de
l’Ifao sur le christianisme oasite en resteront là 9, les efforts de l’Institut dans cette
région étant investis essentiellement dans les fouilles de ¨Ayn Aṣīl/Balāṭ, Dūš et à
al-Baḥriyya. Des recherches seront cependant menées dans ce domaine par deux
équipes au sein du Dakhleh Oasis Project (DOP), actif depuis 1978, par le North
Kharga Oasis Project (NKOS) à partir de 2001 et par une équipe de l’Institut
tchèque d’égyptologie dont les travaux, entamés en 2003, se concentrent dans
l’oasis d’al-Ḥayz.
En 2005, alors membre scientifique de l’Ifao, j’ai entamé l’étude systéma-
tique des sites chrétiens du désert occidental dans le cadre d’un programme
intitulé « Chrétiens d’Égypte dans le désert occidental. Implantations, dévelop-
pements, rapports avec les autres communautés (ive-xive siècles) » 10. Les travaux
de terrain effectués dans les cinq grandes oasis de Sīwa, al-Baḥriyya, al-Farāfira,
al-Dāḫila et al-Ḫāriǧa, dans le groupe d’oasis situé entre al-Baḥriyya et Sīwa
– al-A¨raǧ, al-Baḥrayn, al-Wāṭiyya, Nuwīmīsa et Sitra – ainsi que sur deux
anciennes pistes caravanières ont permis l’établissement et l’analyse d’un corpus
archéologique comprenant plusieurs dizaines de sites chrétiens ou fréquentés
par des chrétiens.
Cette étude a pour objet de donner un état de la question sur la présence
chrétienne dans le désert occidental, à la lumière de mes propres travaux et de
ceux qui y ont été menés par les diverses équipes mentionnées plus haut. Pour
des raisons de cohérence historique, l’ordre de présentation de la documen-
tation suivra l’importance des communautés chrétiennes, de la Grande Oasis
(d’abord al-Ḫāriǧa, ensuite al-Dāḫila), à l’oasis d’Ammon, en passant par la
Petite Oasis et les oasis d’al-Ḥayz et al-Farāfira. Les sites inédits seront traités
et discutés de manière plus détaillée que ceux qui ont déjà fait l’objet de
descriptions 11.

9. Il faut toutefois mentionner la monographie de Wagner 1987. Cet ouvrage monumental livre une
synthèse des travaux de l’auteur dans le désert occidental pendant une quinzaine d’années. L’étude présente
également l’état des connaissances sur le développement du christianisme dans la région.
10. Aux diverses missions de terrain ont participé, de manière ponctuelle, Zulema Barahona Mendieta
(céramologue), Yann Béliez (archéologue), Delphine Dixneuf (céramologue), Damien Laisney (topographe),
Florence Lemaire (papyrologue, helléniste), Sylvie Marchand (céramologue), Per Rathsman (architecte),
Jennifer Westerfeld (épigraphiste, coptisante), Michel Wuttmann (ingénieur chimiste, archéologue). Des
rapports succincts des travaux menés dans le cadre de ce programme ont été publiés dans Ghica 2008a,
Ghica 2008b, Ghica 2009a, Ghica 2009b, Ghica 2009c.
11. L’information disponible avant les années 1990 est rassemblée par Wagner 1987, en particulier
p. 355-372, et par Timm 1992, p. 2925-2977.
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La Grande Oasis extérieure (oasis d’al-Ḫāriǧa)

Malgré l’importance des problèmes que pose la reconstruction de l’histoire


du christianisme dans l’Égypte des trois premiers siècles, on s’accorde aujourd’hui
à reconnaître une progression certaine du christianisme dans les villes de province
pendant le iiie siècle 12. La documentation papyrologique révèle que la Grande
Oasis est partie prenante à cette avancée de la nouvelle religion dans la chôra
égyptienne.
Les documents qui font état d’une présence chrétienne dans le désert à l’ouest
du Nil à l’époque pré-constantinienne sont au nombre de deux. Le premier, daté
de 246-249, est un cahier de tablettes en bois contenant la liste d’hydreumata
situés à proximité de ¨Ibit¬n póliv 13. Dressé par un amphodarque de la cité,
Aurelius Geminus, cet inventaire porte en en-tête le mot eîrßnj 14, dans lequel on
a reconnu de bonne heure la formule néo-testamentaire ên eîrßnjÇ 15. Le second
document est le fameux P. Grenf. II, 73, l’« Épître de Psenosiris » 16, un des papyri
du dossier des nécrotaphes de Kysis, provenant de la nécropole de Dūš 17. Le
papyrus est datable sur critères paléographiques de la seconde moitié du iiie siècle
ou de la première décennie du ive, alors que le contexte historique de la lettre
semble être celui d’une persécution, peut-être celle de Dioclétien 18. La missive,
envoyée par le prêtre Psenosiris à son confrère Apollon, annonce l’arrivée de la
momie de Politiké à Kysis, où elle doit être confiée aux nécrotaphes. La lettre atteste
l’existence d’une communauté chrétienne à Kysis, à laquelle appartiennent certains
des nécrotaphes de la ville. Avec le liturge Geminus, ces exopylites complètent le
pauvre et pourtant significatif tableau social du christianisme pré-constantinien
de l’oasis d’al-Ḫāriǧa.
Au iiie siècle semble remonter aussi un des graffites grecs de la nécropole
d’al-Baǧawāt, dans lequel, au-dessous d’une croix ansée, on lit clairement eîrßnj 19.
Il s’agit soit d’un anthroponyme, soit d’une allusion à l’allégorie de la paix repré-
sentée sur la coupole du même mausolée, dit de la Paix, sous la forme d’une figure

12. Pour la vaste bibliographie sur la diffusion du christianisme avant le ive siècle, je me limite ici à
renvoyer à Martin 1996, p. 17-28.
13. Parsons 1971.
14. Parsons 1971, p. 166, l. 1.
15. Naldini 1968, p. 128 (#19, l. 8), 224 (#50, l. 9), 346 (#89, 23) ; Parsons 1971, p. 179 ; Wagner 1987,
p. 357.
16. Naldini 1968, p. 131-135 (#21). Le caractère chrétien du document est mis en doute par Martin
1979, p. 5, n. 16.
17. Wagner 1987, p. 178, n. 8, p. 355, n. 5.
18. Deissmann 1902 ; Naldini 1968, p. 131.
19. Bag. 32.09 ; Wagner 1987, p. 73.
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féminine portant dans sa main droite une croix ansée. En dépit des dates tardives
avancées par les historiens de l’art (ive-vie siècles) 20, l’épigraphie 21 vient confirmer
la haute datation (iiie siècle) 22 proposée par les fouilleurs 23 pour la fondation de ce
vaste cimetière 24 de la ville d’Hibis 25, à la fois « païen » et chrétien 26.
L’évangélisation des centres urbains de l’oasis d’al-Ḫāriğa est ainsi contempo-
raine de celle de l’Oxyrhynchite et de Panopolis, et n’a probablement qu’un retard
de moins d’un demi-siècle sur les sièges épiscopaux de Thmouis, de l’Arsinoïte,
de Nilopolis, Hermopolis, Antinoë et de Cyrénaïque. Comme ailleurs en Égypte
à cette haute époque, l’adhésion au christianisme est un phénomène essentiel-
lement urbain. Les deux localités d’où proviennent les documents papyrologiques
précédemment mentionnés constituent les plus denses zones d’habitat de l’oasis
d’al-Ḫāriğa à l’époque romaine, mais aussi sièges de garnisons 27 : Hibis est la
métropole du nome éponyme, et Kysis le centre administratif et militaire du lobe
méridional de l’oasis. Notons également que ces deux agglomérations sont situées
sur le Darb al-Arba¨īn, axe commercial majeur reliant l’Égypte au Darfour 28, et à
l’intersection de plusieurs autres routes caravanières menant notamment à la vallée

20. Pour bibliographie et discussion, cf. Roquet 1976, p. 25 et n. 3-10. Nous ajouterons les récentes
monographies de Zibawi 2005 et Cipriano 2008.
21. Trente-cinq des mausolées d’al-Baǧawāt conservent encore des graffites ou des dipinti. Au total,
nous avons répertorié 23 inscriptions grecques, 386 coptes ou gréco-coptes et 92 arabes (il s’agit là
uniquement des documents jugés publiables). Le corpus copte est actuellement en cours de publication par
G. Roquet et moi-même.
22. Bag. 8.01 est également gravée par une main des iiie-ive siècles ; Wagner 1987, p. 64-65.
23. Je retiens la dernière datation livrée par les membres de la mission du Metropolitan Museum :
Hauser 1932, p. 50.
24. Aux 263 mausolées funéraires enregistrés et numérotés par Fakhry 1951a, s’ajoutent 36 autres,
identifiées lors de plusieurs missions du projet « Chrétiens d’Égypte… » de l’Ifao, entre 2003 et 2008.
25. Bien avant les fouilles du Metropolitan Museum, Edmonstone 1822, p. 109, avait justement
remarqué la relation entre la nécropole et la zone d’habitat de l’ancienne Hibis.
26. Le mobilier funéraire est plus que clair sur ce point (Hauser 1932). Les nombreuses études ayant
pour objet cette nécropole (pour une bibliographie, cf. Roquet 1976) dispensent d’une description qui ne
saurait rendre compte de la complexité du site.
27. Wagner 1987, p. 374-389.
28. Cette route caravanière majeure est encore mal connue. Pour la situation du Darb al-Arba’in à
l’époque romaine, on se référera à Morkot 1996 et Roe 2005-2006. Khoury-Wagner, Décobert 1981 publient
les résultats d’une enquête menée auprès des caravaniers Rašā’ida, les derniers à avoir pratiqué cette piste
au xxe siècle. La revue critique faite par Roe 2005-2006 des sources qui documentent la fréquentation du
Darb al-Arba¨īn à l’époque préislamique ne prend pas en compte les données de l’oasis de Salīma, autre
étape majeure sur le Darb al-Arba¨īn, où un bâtiment construit en pierres sèches, dont la date de fondation
demeure inconnue, a été hâtivement identifié avec un monastère chrétien (pour bibliographie et discussion,
cf. Pichler, Negro 2005 ; on ajoutera aux références non critiques du « monastère », Morkot 1996, p. 90).
Abstraction faite de la nature de cette construction, le matériel céramique observé dans cette petite oasis
confirme l’usage du Darb al-Arba¨īn au moins depuis l’époque méroïtique (Pichler, Negro 2005, p. 174c).
Telle que nous la connaissons aujourd’hui, l’occupation d’al-Ḫāriğa au Bas-Empire et au début de l’époque
byzantine laisse peu de doutes sur l’existence d’une route nord-sud traversant l’oasis. Cependant, les
LE CHRISTIANISME DANS LE DÉSERT OCCIDENTAL D’ÉGYPTE 193

du Nil 29. Militaires et caravaniers ne sauraient être étrangers au rayonnement du


christianisme depuis les centres urbains de la vallée du Nil.
Après l’édit de Milan, le christianisme investit massivement les oasis du
désert occidental 30. À l’essor économique oasite répond, au ive siècle, la propa-
gation galopante du christianisme. Sans appui missionnaire 31, à partir du règne
de Constantin, les églises se répandent dans les zones habitées du désert et, excep-
tionnellement, même dans le « désert intérieur », à l’est du Nil 32. La nouvelle
religion s’affranchit de ses limites urbaines : bourgs et villages se munissent
pendant cette période d’églises, à l’instar des villes. Elle s’y installe avec cette
désinvolture que nous lui connaissons dans le diocèse d’Orient et que nous
constatons, par exemple, dans le temple principal de la polis de l’Oasis extérieure,
où une église est aménagée vers le milieu de ce siècle 33. En même temps 34, les
cultes locaux, battus en brèche pendant deux siècles par le manque de finan-
cement impérial 35, désertent les temples de la Grande Oasis 36. Ce double
phénomène ne saurait suggérer les proportions de l’évangélisation au détriment

mentions du Darb al-Arba¨īn faites dans cette étude se réfèrent uniquement au tronçon documenté dans
l’oasis.
29. Skriwanek 2005, p. 92, 95, pl. 4.
30. C’est un fait qui avait déjà été constaté, à partir des sources papyrologiques, dans la vallée et le delta
du Nil, avant que la documentation archéologique du désert occidental ne devienne accessible. Voir, par
exemple, Rémondon 1972, p. 256 ; Wipszycka 1974, p. 204-205 ; Bagnall 1982.
31. Les remarques de Munier 1938, p. 41, à propos de la diffusion du christianisme dans la chôra
égyptienne demeurent valables.
32. Aux pieds du Ǧabal Qaṭṭār, dans les montagnes du Šaˆib al-Banāt, une église est bâtie sous
Constantin II (337-340) (Murray 1951).
33. De Lacy O’Leary 1938, p. 51 et 54, considérait que les temples abandonnés d’Égypte n’avaient pas
été utilisés comme lieux de culte chrétien avant le vie siècle. Si cette observation se vérifie dans plusieurs cas
dans la vallée et le delta du Nil, le temple d’Hibis présente une situation différente. Comparée à la chrono-
logie des conversions des anciens lieux de culte dans l’Égypte nilotique, la haute datation de la transfor-
mation du temple d’Hibis en église détonne, d’autant plus qu’il subit une restauration au iie ou au iiie siècle
et qu’il demeure en activité jusqu’au iiie siècle (Winlock 1941, p. 25, 37, 42, 45, 48 et n. 10). Deux autres
temples de l’oasis d’al-Ḫāriǧa, celui de ¨Ayn al-Tarākwa et le temple d’Osiris de Dūš, connaissent une
évolution semblable.
34. Bagnall 1998, p. 267-268, l’affirme à juste raison : la déchéance des cultes égyptiens et grecs et
l’essor du christianisme en Égypte sont, certes, des phénomènes contemporains, mais non interdépendants.
Bien que nous ignorions tout de la manière dont les chrétiens conçoivent, dans cette région et à cette époque,
leur rôle civique, nous constatons que dans la Grande Oasis les églises chrétiennes investissent le terrain
cultuel déserté par les temples. Il convient toutefois de rappeler à ce propos les réserves exprimées par
Lepelley 1996, p. 11, selon qui « le christianisme (…) n’était guère préparé à prendre le relais, à se substituer
comme religion civique au paganisme défaillant, à devenir le ciment religieux de la collectivité tout entière ».
35. Bagnall 1988.
36. Le phénomène touche l’Égypte entière (Bagnall 1993, p. 261-268). À l’exception notable du temple
rupestre de Piyris, à ¨Ayn Labaḫa – où les pèlerins inscrivent encore des graffites au tout début du iiie siècle
(Wagner 1996 ; Wagner 2000) et se rendent encore à l’époque de Constance II (Schaad 2000) –, dans les
temples, les inscriptions ne dépassent pas l’an 140 (Wagner 1987, p. 166).
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des cultes dits « païens » 37, privés désormais d’expression cultuelle 38. C’est plutôt
une dynamique que la documentation disponible met en évidence : avant l’édit de
Thessalonique, les chrétiens de la région profitent de « la paix de l’Église » pour
pratiquer publiquement leur foi, sans pour autant hésiter à y convertir les tenants
du polythéisme. Les dégradations de temples documentées ici et là surtout à la
fin du siècle n’affectent pas l’oasis, où d’ailleurs ceux-ci sont déjà abandonnés.
On cède facilement à l’impression qu’en matière religieuse, à la différence d’autres
régions de l’Égypte, les solutions pacifiques semblent ici s’imposer d’elles-mêmes,
aussi bien au ive qu’au ve siècle.
Ce qui donne cependant la meilleure mesure de l’épanouissement de la foi
chrétienne à cette époque, c’est peut-être la vie monastique, que nous devinons à la
fois précoce et mûre. Les concepteurs du cœnobium de Dayr al-Baǧawāt conjuguent
exigences architecturales et impératifs de la vie angélique avec cette créativité qui
trahit une expérience acquise ailleurs. Le site de ¨Ayn Sa¨af est abrite une commu-
nauté pacômienne, et à ¨Ayn Ǧallāl nous apercevons derrière le plan du complexe
monastique une institution attestée au temps de Pacôme, la xenodocheia. Comme
c’est le plus souvent le cas en Égypte 39, l’isolement des monastères, et même des
ermitages, est relatif. Dans leurs monastères séparés et cachés de la polis d’Hibis par
la necropolis d’al-Baǧawāt, les moines de l’Oasis extérieure cherchent sans doute à
être dans le monde mais pas du monde. L’emplacement de ces établissements le
long du Darb al-Arba¨īn et leur investissement dans les activités agricoles nous
permettent de mieux saisir les limites de cette dialectique subtile.
Lorsque les partisans d’Athanase sont exilés dans la Grande Oasis en 356 40, ils y
trouvent donc plusieurs communautés bien établies, des paroisses et, probablement,

37. Pour la question très débattue de la balance démographique entre chrétiens et « païens » au
ive siècle, on se référera surtout à Bagnall 1982 ; Wipszycka 1986 ; Bagnall 1987 ; Wipszycka 1988. Des
éléments de réponse fiables aux questions concernant l’équilibre religieux de l’oasis sont apportés par les
fouilles des nécropoles de Dūš (ier siècle e.c. - ve siècle e.c.), ¨Ayn Labaḫa (ier siècle a.e.c. - ive siècle e.c.) et
Umm al-Ġanāˆim (ve siècle a.e.c. - iiie siècle e.c.), qui ont mis au jour peu de matériel archéologique chrétien.
Sur ces fouilles, cf. Dunand, Heim, Henein, Lichtenberg 1992 ; Dunand, Heim, Henein, Lichtenberg 2005 ;
Ibrahim, Dunand, Heim, Lichtenberg, Hussein 2008 ; Dunand, Heim, Lichtenberg 2010. La nécropole
ouest d’Umm al-Ġanāˆim (Dunand, Heim, Lichtenberg 2010, p. 48) et la tombe 1 de la nécropole du
pigeonnier de Dūš (voir infra, p. 214 et n. 126), les seules à livrer des inhumations chrétiennes, sont inédites.
Pour l’oasis d’al-Dāḫila, voir surtout Bowen 2003b.
38. La difficulté à démontrer de véritables permanences tardives de la religion égyptienne au niveau
populaire se reflète dans des études comme celles de De Lacy O’Leary 1938 ou de Rémondon 1952.
39. Pour la topographie de la koinonia pacômienne, cf. Goehring 1996.
40. Sur les sources littéraires qui documentent cet événement, cf. Schwartz 1966, p. 1484, n. 7.
Schwartz semble accréditer, lui aussi, l’idée fort répandue mais infondée qu’Athanase aurait été du nombre
de ces exules.
LE CHRISTIANISME DANS LE DÉSERT OCCIDENTAL D’ÉGYPTE 195

aussi un ou deux monastères. Comme Denys l’avait fait en Libye 41, les quatre
évêques athanasiens auront sans doute contribué à l’évangélisation de la région.
Nous ne saurons peut-être jamais ce que leur doit la carte chrétienne de l’oasis
d’al-Ḫāriǧa au ive siècle, pas plus que ce que doit, à un niveau plus général, la
diffusion du christianisme dans le désert occidental aux déportations pratiquées
pendant les persécutions du iiie siècle 42. Huit sites chrétiens (fig. 1) dans le nord
de l’oasis d’al-Ḫāriǧa (Hibis, avec l’église du temple et celle de ¨Ayn al-Ṭurba,
les villages de ¨Ayn al-Tarākwa et Umm al-Dabādīb, les monastères de Dayr
al-Baǧawāt et ¨Ayn Ǧallāl, les ermitages de Dayr Muṣṭafā Kāšif et Ǧabal al-Ṭayr)
et trois dans le sud (le bourg de Dūš, les villages de Šams al-Dīn et ¨Ayn al-Waqfa)
pourraient être contemporains du séjour de ces athanasiens.

L’église du temple d’Hibis

Au cœur même d’Hibis 43, centre administratif et seule polis de la Grande


Oasis, une église est aménagée contre le portique du temple d’Amon (ˆAmen±biv) 44,
désaffecté au plus tard à l’époque de Constantin. Elle est fondée vers le milieu du
ive siècle, en même temps que le secteur d’habitat situé au sud du temple 45. Les
deux sont abandonnés un siècle plus tard, vraisemblablement à la suite de l’attaque
des Noubades en 435 46 ou de celle des Maziques vers 440-450 47, qui semblent
responsables de la reconfiguration des zones résidentielles d’Hibis et de sa

41. Eusèbe de Césarée, Historia ecclesiastica VII, 11, 12-14, éd. et trad. Bardy 1955, p. 182. Voir
aussi infra n. 459.
42. Martin 1996, p. 26 ; Frend 1974, p. 265. La question du bannissement dans les oasis a été traitée
par Schwartz 1966 et Wagner 1987, p. 117-118.
43. Sur l’emplacement de l’ancienne Hibis, cf. Winlock 1941, p. 2, pl. xxix ; Wagner 1987, p. 157.
44. CIG 4955 ; Wagner 1987, p. 25 (graffite no 15).
45. Winlock 1941, p. 2, 44-49, 58 ; pl. x, xxvb, xxix, xlixb, lii. Le matériel épigraphique associé à
l’église (un bloc inscrit, deux dipinti et un graffite) peut être attribué à la période d’activité de l’église ;
Evelyn-White, Oliver 1938, p. 51 (#9), 57 (#30), 58 (#32), 62 (#41). Des visiteurs ont également pu graver
des graffites sur les parois du temple, tel ce Panare de Kellis qui laisse également son nom dans un des
mausolées de la nécropole voisine d’al-Baǧawāt et sur une pierre erratique découverte à Ḥalfat al-Bi’r, dans
l’oasis d’al-Dāḫila (Ghica 2006, p. 326).
46. Winlock 1941, p. 48-49, et Appendix I, p. 51-55 (pour le monnayage). Une datation provisoire qui
prolonge la fréquentation de l’église jusqu’à l’époque arabe est donnée par Winlock 1910, p. 228. Sur une
mise en contexte pertinente de l’attaque noubade de 435, cf. Wagner 1987, p. 397. Ce raid est mentionné par
Évagre le Scolastique, Historia ecclesiastica I, 7, éd. Bidez, Parmentier, p. 13-15. Selon l’historien byzantin,
Nestorius, qui tomba prisonnier aux mains des agresseurs, aurait été « relâché de chez les Blemmyes »
(mèn êk t¬n Blemmúwn). Comme Wipszycka 2009, p. 630, le fait justement remarquer, il convient de retenir
la version de Nestorius même, lequel parle de Noubades.
47. Évagre le Scolastique, Historia ecclesiastica I, 7, éd. Bidez, Parmentier, p. 14.
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Fig. 1 – Carte de l’oasis d’al Ḫāriǧa indiquant les sites qui font état d’une présence chrétienne
(V. Ghica).
LE CHRISTIANISME DANS LE DÉSERT OCCIDENTAL D’ÉGYPTE 197

périphérie au ve siècle. Dans le plan basilical de l’église, on distingue la nef tripartite,


typique de l’architecture ecclésiale oasite du ive siècle, délimitée par quatre piliers
carrés, et un baptistère aménagé dans l’angle nord-ouest. Comme à Šams al-Dīn et
à Dūš, le sanctuaire est de forme rectangulaire. L’entrée principale côté nord, qui
fait figure d’exception parmi les églises contemporaines d’al-Ḫāriǧa 48, est dictée
par l’installation de l’église contre le côté nord du portique. Une seconde porte a pu
être aménagée dans le mur sud 49.

¨Ayn al-Ṭurba

À 500 m du temple, à l’extrême nord de l’ancienne Hibis 50, un quartier de la


ville est conservé aujourd’hui sur le site connu sous les noms de ¨Ayn al-Ṭurba et
¨Ayn al-Ḫarab. Les résultats des fouilles 51 permettent de reconnaître, à côté
d’un ¨ayn, une zone d’habitat installée sur le versant est et, aux pieds d’une butte
constituée à partir du creusement du puits et ayant servi de nécropole à une période
non identifiée par les fouilleurs, un petit fortin, une église et un cimetière contem-
porain probablement de la dernière occupation. Le secteur résidentiel porte les
caractéristiques architecturales de l’époque romaine : maisons en briques crues,
souvent à deux étages, parfois avec des chambres souterraines, dans lesquelles la
voûte en berceau est tout aussi présente que le dôme dans la nécropole voisine
d’al-Baǧawāt. Le répertoire cultuel est constitué de bâtiments et d’un mobilier
dont la mise en contexte est difficile : peintures murales à sujets « païens » et autels
privés 52 ont été dégagés non loin d’une église chrétienne. En l’absence de contextes
stratigraphiques exploitables, ces structures et ce mobilier doivent être considérés à
l’intérieur de la fourchette chronologique dans laquelle s’inscrit le monnayage mis
au jour, qui situe l’occupation du site entre le règne de Dioclétien et celui de Flavius

48. Les églises d’al-Ḫāriǧa datées des ive-ve siècles privilégient l’entrée côté sud, contre les vents
dominants. On retrouve cette particularité aux Kellia (Descœudres 1989, p. 51).
49. Winlock 1941, p. 45 et pl. lii.
50. Hauser 1932, p. 38 ; Winlock 1941, p. 2, pl. xxix ; Wagner 1987, p. 157, n. 3. L’ancien nom d’Hibis
s’est transmis dans la toponymie locale. Hibeh désignerait une zone proche de ¨Ayn al-Ṭurba (Wagner 1987,
p. 157, n. 3).
51. Comme pour les campagnes du Metropolitan Museum à al-Baǧawāt, des fouilles effectuées par le
musée à ¨Ayn al-Ṭurba en 1908 et 1909 n’ont été publiés que des résumés : Winlock 1941, p. 2 (et n. 5), 44,
48, 57 ; Lythgoe 1908, p. 208 ; Lythgoe 1909, p. 121-122. L’inspectorat d’al-Ḫāriǧa du Conseil suprême des
antiquités (CSA) a repris en 2007 la fouille du site dans le fortin et le secteur d’habitat. J’ai effectué plusieurs
prospections à ¨Ayn al-Ṭurba en juin 2003, mai 2004, décembre 2006, mars 2007, avril et décembre 2008 et
novembre 2009.
52. Lythgoe 1909, p. 122a ; Winlock 1941, p. 48.
198 VICTOR GHICA

Fig. 2 – Église de ¨Ayn al-Ṭurba, vue ouest (cl. M. ¨Uṯmān).


LE CHRISTIANISME DANS LE DÉSERT OCCIDENTAL D’ÉGYPTE 199

Arcadius 53. Les dimensions et le plan de l’église (fig. 2) 54 partagent, en effet,


plusieurs des traits distinctifs des basiliques du ive siècle connues dans la Grande
Oasis. Six piliers de section carrée reposant sur un soubassement en blocs de grès
forment les deux colonnades qui délimitent la nef des bas-côtés nord et sud.
L’entrée côté sud trouve des parallèles dans les églises de Šams al-Dīn, Dūš-nord,
Qaṣr Nisīma et ¨Ayn al-Tarākwa. Comme à ¨Ayn al-Tarākwa 55, l’éso-narthex,
marqué par la cloîture, à l’ouest, du bas-côté sud, présente une forme archaïque.
La disposition des volumes internes du bêma rappelle l’église de Qaṣr Nisīma,
avec cependant une singularité notable : la table d’autel – dont seul le pied en
pierre de taille est conservé – est située à l’extérieur du presbytère, au centre de
la nef.

Dayr Muṣṭafā Kāšif

L’ensemble de Dayr Muṣṭafā Kāšif est situé sur la falaise sud-ouest du Ǧabal
al-Ṭayr, en surplomb de la plaine traversée autrefois par le Darb al-Arba¨īn. Au
centre du complexe se trouve une tombe d’époque romaine 56 qui semble avoir été
utilisée, vraisemblablement au courant du ive siècle, comme ermitage. Autour de
cette installation érémitique – qui marque la vie des chrétiens de l’oasis au point de
justifier l’édification, probablement au ive siècle, du monastère de Dayr al-Baǧawāt
à seulement 250 m – un monastère 57 est construit entre la seconde moitié du ve siècle

53. Lythgoe 1908, p. 208b ; Lythgoe 1909, p. 121b.


54. Un dégagement partiel de l’église a été réalisé par l’inspectorat local du CSA sous la direction de
M. ¨Uṯmān en 2010.
55. Voir infra, p. 213.
56. La présentation très sommaire donnée ici de cet ensemble ne rend pas compte de sa
complexité. Le site a été étudié par W. Müller-Wiener au début des années 1960. Pour une description
détaillée, je renvoie à Müller-Wiener 1963. Rohlfs 2002b, p. 244, et De Bock 1901, p. 34-37, fournissent
de brèves présentations. Meinardus 1965, p. 344, et Capuani 1999, p. 231-232, résument brièvement
mais avec inexactitude les conclusions de Müller-Wiener 1963. Des missions épigraphiques, topogra-
phiques et de prospection ont été menées à Dayr Muṣṭafā Kāšif par des membres de notre projet en
février (V. Ghica), mars (V. Ghica) et septembre (V. Ghica, D. Laisney) 2007, en décembre 2008
(V. Ghica, S. Marchand, M. Wuttmann) et en janvier 2012 (Z. Barahona Mendieta, Y. Béliez, V. Ghica,
M. Wuttmann).
57. Il convient de revisiter les opinions émises par le passé au sujet de cet ensemble de bâtiments. Tout
en l’identifiant aux kástra ÊIbewv attestés dans la seconde moitié du ive siècle dans les O.Douch (III, 218,
220 ; IV, 397 ; V, 512, 518, 522, 565, 578, 583, 586, 618 [sans Hibis], 627), Wagner 1987, p. 171, 362, voit
dans ce complexe une forteresse byzantine, le kástron mentionné par Jean Moschus à la fin du vie siècle
(voir infra, p. 228-230). La manière dont Wagner entend cette association n’est pas claire. Cette position
était déjà préfigurée chez Gascou, Wagner, Grossmann 1979, p. 13. En faveur d’un couvent fortifié plaident
Müller-Wiener 1963 ; Reddé 1991, p. 489 ; Reddé 1999, p. 383 ; et Bagnall 2001a, p. 4. L’hypothèse de
200 VICTOR GHICA

et le début du viie siècle. L’architecture des murs extérieurs de cet imposant


bâtiment suggère une date de fondation postérieure aux incursions des Noubades
ou des Maziques. Il serait hasardeux de tenter de préciser s’il s’agit du raid des
Noubades de 435 ou des deux attaques perpétrées dans l’oasis par les Maziques
au début et à la fin du vie siècle 58. Il est toutefois probable qu’une de ces razzias
soit à l’origine de l’architecture défensive de l’édifice 59, qui est sans parallèle
contemporain connu. Des annexes de petites dimensions accolées à l’extérieur du
monastère, près de l’accès ouest de la tombe-ermitage, dans la première moitié du
viie siècle portent à croire que la vénération de l’ermite fondateur aura, à cette
époque, transformé le monastère en un lieu de pèlerinage. Le complexe est ensuite
affecté par un incendie, à la suite duquel une restauration est effectuée, laquelle
n’altère pas le plan d’origine du bâtiment central. Des modifications sont cependant
apportées à l’aménagement intérieur de l’édifice, la plus significative étant la
construction d’une église, encore visible aujourd’hui, dans l’angle sud-est, à l’étage
(fig. 3) 60. Enfin, une seconde destruction, dont nous ignorons le contexte, inter-
vient pour mettre fin au monastère en tant que tel. Seul un secteur du bâtiment
central est réaménagé pour une petite communauté monastique, la dernière à avoir
occupé le bâtiment 61.
Cette chronologie relative et l’interprétation des espaces de l’ensemble,
proposées voici un demi-siècle 62 et reprises systématiquement depuis, nécessitent
une révision. Les analyses radiocarbone et l’examen de la céramique de surface
permettent de poser quelques repères chronologiques absolus : si le bâtiment

Wagner 1987 réclame cependant une discussion autour du système de fortifications de l’ancienne Hibis, sur
lequel nous sommes fort mal renseignés. En tant que polis, on s’attendrait à ce qu’Hibis possède sa propre
place forte. Attribuer ce rôle à la forteresse de Umm al-Ġanāˆim (voir infra, p. 230), distante de la ville de
22 km, en ferait une exception dans le maillage défensif byzantin en Égypte (sur cette question, voir
Maspero 1912, p. 17-23). Comme Bagnall 2001a, p. 6-7, l’a proposé – et avant lui Rohlfs 2002b, p. 244 –, les
fortifications d’Hibis sont plutôt à chercher dans l’enceinte murée du temple de Nāḍūra (on note toutefois
les réserves de Reddé 2004c, p. 204). Le seul castrum à proprement parler de l’oasis est celui de Umm
al-Ġanāˆim (Reddé 1999, p. 379, 383 ; Grossmann 2002, p. 352).
58. Sur les raids des Maziques dans l’oasis d’al-Ḫāriǧa au vie siècle, cf. Wagner 1987, p. 397.
59. Justement mise en évidence par Müller-Wiener 1963, p. 136, n. 2.
60. Un plan de ce bâtiment a été publié par Müller-Wiener 1963, p. 128. L’amoncellement de débris
causé par l’affaissement des murs et des voûtes à ce niveau de l’édifice ne permet pas la lecture du plan de
l’église. Les seuls éléments d’architecture visibles sont le chevet et la voûte du pastophorion sud. L’église
comprenait deux pastophoria communiquant avec la nef.
61. Des dipinti et des graffites coptes et grecs, essentiellement l’œuvre de moines résidents, sont
inscrits sur les parois des salles situées aux deux premiers niveaux, côté nord. Il est difficile à l’heure actuelle
d’assigner la rédaction de ces documents à l’une ou l’autre des trois phases majeures d’occupation du
monastère.
62. Müller-Wiener 1963, p. 123-138.
LE CHRISTIANISME DANS LE DÉSERT OCCIDENTAL D’ÉGYPTE 201

Fig. 3 – Église de Dayr Muṣṭafā Kāšif, vue est (cf. V. Ghica).

Fig. 4 – Dayr al-Bağawāt, vue sud-ouest (cl. V. Ghica).


202 VICTOR GHICA

annexe situé à l’ouest date, en effet, du viie siècle 63, le mur ouest de l’église, quant à
lui, remonte aux iie-iiie siècles 64. Cette datation invite à reconsidérer l’hypothèse
de la présence d’une tombe d’époque romaine isolée. Les caractéristiques formelles
de ce mur semblent indiquer l’existence, sous le Principat, d’un bâtiment de nature
administrative ou militaire à cet endroit. Enfin, le faciès général de la céramique
de surface est byzantin 65.
La situation géographique du site, à la fois sur le Darb al-Arba¨īn 66 et à
proximité de la ville d’Hibis, met en évidence une stratégie d’implantation des
établissements monastiques commune à l’oasis : en lisière des zones habitées et
sur les routes caravanières. Dans le même temps, la disposition des trois seuls autres
monastères connus actuellement dans l’oasis (Dayr al-Baǧawāt, ¨Ayn Ǧallāl et ¨Ayn
Sa¨af-est) autour de Dayr Muṣṭafā Kāšif pourrait suggérer que ce dernier fonctionne,
du moins pendant un certain temps, comme un siège épiscopal. La présence des
évêques d’Hibis, Pedeu, Mêna et Kostan(tinos) 67 dans l’ermitage de Ǧabal al-Ṭayr,
situé à une heure de marche de cet édifice, n’étonnerait guère.

63. Toutes les analyses 14C dont les résultats sont mentionnés dans cet article ont été effectuées dans le
laboratoire de datation par le radiocarbone de l’Ifao, sur la paille extraite des briques crues prélevées sur les
sites. En un seul cas, celui du site de Ǧanūb Qaṣr al-¨Aǧūz, les échantillons analysés consistaient en charbon
de bois. Les prélèvements à Dayr Muṣṭafā Kāšif ont été réalisés au mois de décembre 2008. La datation
radiocarbone des annexes livre une fourchette chronologique plutôt étroite : Ifao 285 (339) – 1412 ± 49 ans
BP (d13C mesuré de –23,147 % vs PDB), soit 600 e.c. : 660 e.c. (68,2 %) (1s).
64. Le mur sur lequel le prélèvement a été effectué sépare le couloir est de l’espace dans lequel est
aménagée l’église. La datation obtenue est : Ifao 286 (340) – 1826 ± 45 ans BP (d13C mesuré de –24,757%vs
PDB), soit 130 e.c. : 239 e.c. (68.2%) (1s).
65. Dans le mobilier céramique de surface, analysé par Z. Barahona Mendieta lors d’une visite archéo-
logique en janvier 2012, on remarque surtout des fragments d’amphores – Late Roman 7 (ve- xe siècles) et
Late Roman 5/6 (vie-viie siècles) – et de la céramique de table – écuelle à engobe rouge datable des
ive-vie siècles, jattes à engobe rouge et décor noir, attestées au ve siècle.
66. Skriwanek 2005, pl. 4, ne répertorie pas cette piste secondaire (ṭarīq) du Darb al-Arba¨īn, qui
contourne Ǧabal al-Ṭayr le long du versant ouest. Il s’agit d’un tronçon du Darb al-Arba¨īn qui bifurque au
nord de la montagne de Ǧabal al-Ṭayr ; l’une des pistes rejoint la route principale du Darb al-Arba¨īn, à
l’est, et l’autre, à l’ouest, relie Hibis à ¨Ayn Labaḫa (cette dernière piste n’apparaît que sur la « working
sheet » à l’échelle 1/250 000 éditée par G. Poehlmann, B. Meissner et F.K. List et publiée en 1985 par la
Technische Fachhochschule de Berlin). Ce tronçon est documenté par la céramique présente en surface
dans la pleine située à l’ouest de Ǧabal al-Ṭayr et par les installations romaines de Ṭāḥūnat al-Hawā et Burǧ
al-Ḥamām. Bagnall 2001a, p. 5-6, interprète les accumulations de poterie de surface sur ces deux sites
uniquement par le prisme des installations agricoles. À la différence de Burǧ al-Ḥamām qui est à l’évidence
une ferme, rien n’indique des activités agricoles à Ṭāḥūnat al-Hawā. En revanche, les deux lieux ont
servi comme maḥaṭṭa-s sur le ṭarīq. Sur la fonction de la tour de Ṭāḥūnat al-Hawā, cf. Gascou, Wagner,
Grossmann 1979, p. 13-14 ; Reddé 1999, p. 381 ; Dunand, Heim, Lichtenberg 2010, p. 30.
67. Voir infra, p. 228.
LE CHRISTIANISME DANS LE DÉSERT OCCIDENTAL D’ÉGYPTE 203

Dayr al-Baǧawāt
Érigé entre 332 et 426 68, à 250 m à l’ouest de Dayr Muṣṭafā Kāšif, Dayr
al-Baǧawāt (fig. 4) est vraisemblablement le premier monastère 69 fondé dans l’Oasis
extérieure 70. Le choix de son emplacement semble être dicté par la proximité à la
fois de la memoria autour de laquelle sera plus tard édifié le monastère de Dayr
Muṣṭafā Kāšif 71 et d’un hydreuma (aujourd’hui ¨Ayn Sa¨adallah). En l’absence de
rapport de fouilles, seule la fonction de certains espaces peut être restituée, ainsi
qu’une chronologie très relative de l’ensemble 72.

68. Ifao 282 (336) – 1666 ± 45 ans BP (d13C mesuré de –23,668%vs PDB), soit 332 e.c. : 426 e.c.
(62.8%) (1s).
69. Jusqu’ici, ce bâtiment a été considéré, à tour de rôle, comme une dépendance du monastère de
Muṣṭafā Kāšif destinée aux moniales (Müller-Wiener 1963, p. 138), un centre d’accueil des pèlerins se
rendant à la memoria de Muṣṭafā Kāšif (Bagnall 2001a, p. 4-5), un monastère-caravansérail (Cruz-Uribe,
Piccione, Westerfeld 2004, p. 40), ou même un ermitage (Capuani 1999, p. 232). Deux erreurs d’interpré-
tation fondent l’hypothèse de Müller-Wiener et sont reprises dans les publications ultérieures : les bâtiments
de Dayr al-Baǧawāt et Dayr Muṣṭafā Kāšif seraient contemporains et feraient partie d’un complexe unique ;
l’église du monastère serait une salle d’attente (pour un parallèle de ce type d’église, voir infra, n. 77).
70. La première description du site est due à Müller-Wiener 1963, p. 138, et elle dépend visiblement du
niveau d’ensablement du site. Pour un croquis partiel et approximatif du bâtiment est, cf. Müller-Wiener
1963, p. 124, fig. 2. Une brève présentation du site, partiellement inexacte, est donnée par Cruz-Uribe,
Piccione, Westerfeld 2004, p. 40-41. Notre projet a effectué des missions épigraphiques et topographiques
sur le site en mars (V. Ghica) et septembre 2007 (V. Ghica, D. Laisney) et septembre 2008 (V. Ghica,
J. Westerfeld).
71. Une chronologie différente, indéfendable aujourd’hui, est proposée par Müller-Wiener 1963,
p. 137, et Bagnall 2001a, p. 4-5 (voir supra, n. 69).
72. Le site a été dégagé par l’inspectorat local du CSA entre 1990-1995. Aucun rapport de fouilles n’a
été publié. Je reprends dans la description qui suit une partie des informations reçues de ¨A.¨A.Ḫ. ¨Abd
al-¨Azīz, inspecteur du CSA à al-Ḫāriǧa, qui a dirigé le dégagement et que je tiens à remercier de m’avoir
fait part de ces renseignements. Le complexe monastique se compose de deux bâtiments accolés : à l’est,
le corps de logis, construit partiellement sur deux niveaux, et, à l’ouest, une cour contenant une série
d’annexes. Dans le corps est, au rez-de-chaussée, l’espace de vie est divisé en deux sections, dont l’accès
est commandé par deux salles distributrices. La moitié nord est occupée par des locaux fonctionnels :
deux réfectoires, pourvus chacun de deux stibadia ; une cuisine à deux salles communicantes ; sept magasins
de natures différentes ; deux pièces de fonction inconnue. La partie sud est réservée à l’habitat et la prière
et comporte : une église-synaxe avec quatre accès, une abside et, au sud de celle-ci, un pastophorion, les deux
en transversale de la nef ; l’appartement du supérieur, placé au centre de la moitié sud, avec chambre
à resserre, oratoire privé et accès à l’église par un vestibule ; une série de huit cellules alignées le long de
la partie sud du mur extérieur est, avec des couches en maçonnerie ; deux escaliers de desserte d’un
étage supérieur ; trois autres salles dont la fonction n’a pas pu être établie. Le plan du niveau supérieur
est indiscernable. La position des escaliers indique cependant qu’il pouvait abriter d’autres cellules et
des magasins. La lecture après fouilles des structures bâties à l’intérieur de l’enceinte ouest est difficile.
Les vestiges de deux fours sont encore discernables, de même que plusieurs murs de séparation. Il est
envisageable que dans un des espaces fermés le long du mur sud étaient aménagées des latrines. L’existence
d’un puits, de locaux de stockage, voire d’ateliers serait attendue, mais n’est pas vérifiable sans reprise des
fouilles. Le portail du monastère est situé dans le mur sud de l’enclos ouest, contre l’entrée dans le vestibule
de l’église.
204 VICTOR GHICA

Le plan de base unitaire du corps de logis (bâtiment est) (fig. 5) et les jointures
des murs dénotent une construction en une seule phase, alors que la cour du
monastère (bâtiment ouest) est le résultat d’un agrandissement, qui a pu être
immédiat. Le manque de remaniements apportés au plan du module est, l’état de
conservation des aménagements intérieurs fragiles et des murs à l’abri de l’érosion
éolienne indiquent une occupation plutôt brève. Cependant, le badigeon qui
couvre les parois intérieures de l’église, traversé à mi-hauteur par une bande
peinte en rouge-brun que l’on retrouve dans le cimetière d’al-Baǧawāt, subit une
réfection. C’est essentiellement sur ce nouvel enduit badigeonné à la chaux, ainsi
que sur les parois de l’abside et dans le vestibule de l’appartement du supérieur,
qu’un grand nombre de dipinti et graffites coptes et grecs est encore conservé 73.
Pour la plupart, ce sont des mémentos contemporains ou postérieurs à l’occu-
pation du monastère. Parmi les signataires, on relève un habitant d’Hibis 74 et
un autre de l’oasis d’al-Dāḫila. Une inscription peinte au-dessus de l’ouverture
de l’abside, sur le badigeon initial, par une main du ive siècle, sort du lot : eîrßnj
p¢si 75. Enfin, un petit lot d’ostraca coptes, grecs et démotiques a été découvert
dans une jarre encastrée dans le sol de la chambre du supérieur. Un de ces
documents, copte, dont la main est datable de la seconde moitié du ive siècle ou de
la première moitié du ve, fait allusion aux activités agricoles dans lesquelles le
monastère serait engagé 76.
Le plan de l’église, avec un sanctuaire en transversale de la nef 77, et la voûte
parabolique qui coiffait cette dernière en font un cas unique dans l’architecture
ecclésiale du désert occidental 78. Le manque de division de la nef et les banquettes
courant le long des quatre parois reflètent des spécificités propres à une église
monastique, qui, dans ce cas précis, semble avoir fonctionné également comme
synaxe.

73. Ce dossier est actuellement en cours d’étude par moi-même et J. Westerfeld.


74. Deux éditions de ce graffite sont données par Bagnall 2001b et Cruz-Uribe, Piccione, Westerfeld
2004, p. 43-44, dont la seconde fautive. Une photographie est publiée par Willeitner 2003, p. 36.
75. Lecture et interprétation erronées de cette inscription chez Cruz-Uribe, Piccione, Westerfeld
2004, p. 41.
76. Le document est actuellement en cours d’étude par mes soins. Les trois ostraca démotiques
du lot ont été étudiés par M. Chauveau, que je tiens à remercier pour m’avoir communiqué ses trans-
criptions et ses commentaires. La datation haute des documents démotiques (époque ptolémaïque,
probablement milieu du iiie siècle a.e.c.) pose la question de l’assemblage de ces ostraca d’époques
diverses.
77. Pour un plan similaire dans l’église contemporaine de Quṣūr ¨Īsā 1, cf. Descœudres 1989, p. 48 et
fig. 32.
78. L’église du xenodocheion de ¨Ayn Ǧallāl présente un plan similaire. Faute d’élévations importantes
conservées, il est impossible de savoir si la nef de cette église était voûtée.
X=569. 680
X=569. 690
X=569. 700
X=569. 710
X=569. 720
X=569. 730
89,17

89,27
89,49 D AYR AL- B AGAWAT
89,49
89,44
89,71
Y=310. 760 Y=310. 760
N

89,37 89,56

89,46
89,21

89,17 89,34
89,67

89,78

89,26 89,34
89,36

89,30

89,28

89,35
89,31

90,19
89,28
89,37
89,51
Y=310. 750 89,24 Y=310. 750

89,33 89,75
89,88

89,30
89,19

89,74 89,46
89,98 89,40

91,54
92,43
89,74
89,52 89,17
89,43

89,93
89,70 89,38
89,22

89,37 90,27
89,74
89,83
89,62

89,48 89,21
89,38

Y=310. 740 89,48 Y=310. 740


89,33 89,81 89,77

89,34 89,96 89,60

89,34
89,40
89,75
89,82
89,52
89,30
89,63
89,84 89,49
89,58 90,05
89,30
89,58
92,01 91,25 89,40
(plancher étage)

89,39
90,01
89,58 89,40
89,34

89,70 89,30
89,63
89,35
89,39

Y=310. 730 89,72 Y=310. 730


89,70

mur 89,36
89,70

89,78
mastaba
89,74
89,17
contrefort 89,24

89,57 89,34
89,30 altitude

89,32 89,81
LE CHRISTIANISME DANS LE DÉSERT OCCIDENTAL D’ÉGYPTE

89,25

Y=310. 720 Y=310. 720


C IFAO, 2007 - DL
0 10 20 30 40 50 m Projection : Egypt Red Belt

X=569. 680
X=569. 690
X=569. 720
X=569. 730

X=569. 700
X=569. 710
205

Fig. 5 – Dayr al-Bağawāt (plan D. Laisney).


206 VICTOR GHICA

Eu égard aux remarques précédentes, on songe à un abandon du monastère au


milieu du ve siècle, contemporain peut-être de la désertion du nord de la ville Hibis
du fait du raid des Noubades 79. En l’état actuel, le site ne présente pas d’indices de
destruction volontaire.

¨Ayn Ǧallāl

À 1,6 km au sud de Dayr al-Baǧawāt, à ¨Ayn Ǧallāl, un second monastère


est fondé à proximité de trois hydreumata qui marquent la périphérie nord-ouest
de l’ancienne Hibis 80. Le complexe s’articule en deux bâtiments (fig. 6) de plans
rectangulaires, distants de 80 m. Le secteur sud abrite le koinobion 81, alors que
la conception planimétrique et les aménagements intérieurs du secteur nord
accréditent l’hypothèse d’un xenodocheion 82. Les éléments d’analyse disponibles à

79. On ne saurait attribuer l’abandon de ce monastère à l’assèchement de la région (comme l’affirme


Capuani 1999, p. 232), alors que trois autres sites (Dayr Muṣṭafā Kāšif, ¨Ayn Sa¨af est et ouest), situés à
proximité et desservis par des puits alimentés par la même couche aquifère, sont attestés à partir du ve siècle.
80. Voir la reconstitution du plan de la ville donnée par Winlock 1941, pl. xxix. Une des sources situées
à proximité du bâtiment nord a fait l’objet de travaux d’abductions. Les qanāt-s indiquent l’exploitation de
l’eau de cet ¨ayn dans l’aire urbaine d’Hibis.
81. Le site, encore inédit, semble avoir fait l’objet de fouilles à l’époque coloniale (les dégagements
ultérieurs ont mis en évidence l’absence presque totale de mobilier et d’éboulis d’effondrement). Il a été
partiellement dégagé lors de trois campagnes en 1994-1996 et 2001 par l’inspectorat local du CSA, sous la
direction de ¨A.¨A.Ḫ. ¨Abd al-¨Azīz. Dans le cadre de notre projet, l’Ifao a effectué sur le site des prospec-
tions archéologiques et un relevé topographique en mars et septembre 2007 (V. Ghica), en septembre 2008
(V. Ghica, D. Laisney, J. Westerfeld) et janvier 2012 (Z. Barahona Mendieta, Y. Béliez, V. Ghica). La lecture
du plan du bâtiment sud met en évidence au moins deux phases majeures de construction.
Un corps de logis, bâti partiellement sur deux niveaux, est d’abord édifié à l’ouest de l’ensemble actuel.
À l’intérieur, on reconnaît une cour qui donne accès à quatre cellules alignées le long du mur sud, à deux
magasins dans l’angle sud-ouest, à une cuisine accolée à deux magasins, dans l’angle nord-ouest, et à un
bâtiment sur deux ou plusieurs niveaux. Enfin, l’organisation des deux espaces situés contre le mur est ne
permet pas d’en préciser le rôle. En un deuxième temps, une seconde structure, communicante, est érigée
contre le mur est, étant elle-même pourvue d’une entrée côté est. Un tiers de l’espace intérieur est occupé
par une église à plan basilical, pourvue d’un ésonarthex, probablement d’un baptistère dans l’angle nord-
ouest, d’une structure en retrait de façade, et enfin, dans l’angle sud-est, d’un édicule surmonté
d’une coupole, au-dessous duquel est aménagée une crypte. Le reste des aménagements intérieurs de cette
moitié est se partage entre un vestibule côté est, une série de quatre cellules contre le mur sud, une cuisine
entourée de trois petits magasins, et enfin une cour dans laquelle sont maçonnés cinq fours à pain contre
le mur ouest.
82. L’accès à la structure nord se fait principalement du côté est, en direction du centre d’Hibis, mais
aussi côté sud, où une porte plus étroite a été condamnée lors d’un réaménagement. Un long espace de
circulation orienté est-ouest et deux couloirs disposés sur un axe nord-sud et jouxtant l’entrée desservent la
totalité de l’espace intérieur. Le tiers nord-est semble être occupé par des salles à fonction religieuse : une
église à nef unique et double accès, un baptistère, ainsi que deux locaux dont la fonction n’a pas pu être
déterminée (la salle de l’angle nord-est abrite une série de tombes maçonnées construites dans une phase
tardive). Le tiers sud-est comporte quatre chambres, une double cuisine, un réfectoire communiquant avec
LE CHRISTIANISME DANS LE DÉSERT OCCIDENTAL D’ÉGYPTE 207

X=569500

X=569550

X=569600
Y=309250 Y=309250

80,0
0
puits

80,00
82,50

Y=309200 puits Y=309200

tombe

secteur nord
,00
80

Y=309150 Y=309150
80,00

Y=309100 Y=309100

secteur sud

80
,00

Y=309050
puits Y=309050

‘A YN G ALLAL

C IFAO, 2007 - DL
0 50 100 m
Equidistance des courbes de niveau : 0,50 m.
Projection : Egypt Red Belt

Fig. 6 – ¨Ayn Ğallāl (plan D. Laisney).


208 VICTOR GHICA

l’heure actuelle ne permettent pas de déterminer si cette hôtellerie correspond à


une infrastructure de koinonia pacômienne 83 ou s’il s’agit d’un bâtiment d’accueil
pour les pèlerins.
En l’absence de fouille stratigraphique, de mobilier en contexte, de documents
inscrits et de datation 14C des structures bâties 84, seules quelques considérations
d’ordre architectural et décoratif peuvent être formulées ici, à titre provisoire. Tout
d’abord, l’absence de travée occidentale dans l’église du bâtiment sud suggère
une tradition architecturale antérieure au plan basilical de type égyptien développé
aux ve-vie siècles. Il en va de même du muret de cloisonnement du bêma, dont la
grande église est d’Ismant al-Ḫarāb offre un parallèle daté de la première moitié
du ive siècle 85. La nef unique de l’église du secteur nord n’est pas sans rappeler
l’église ouest d’Ismant al-Ḫarāb, construite au ive siècle 86. Le narthex 87 trouve des
parallèles comparables dans les églises de Fāw Qiblī (phase III) et d’Armant, les
deux datées du ve siècle, bien que dans ces deux cas il s’agisse d’exo-narthex 88.
L’église sud d’Hermopolis Magna livre un exemple du ve siècle de crypte sous
édicule 89. Dans l’église de Tall al-Maḫzan, datée du ive siècle, un coffre-reliquaire
est installé dans l’angle sud-est 90. L’ermitage Quṣūr ¨Īsā 1 présente un parallèle des
ive-ve siècles de table d’autel à l’intérieur du sanctuaire 91. Quant à la crux ansata
peinte sur les fonts baptismaux du bâtiment nord (fig. 7), elle est datable, dans cette
région, des ive-ve siècles 92. Enfin, nous ne possédons aucun exemple de baptistère

la cuisine par une baie de petites dimensions et quatre autres pièces à fonction indéterminée (dont deux non
fouillées). Enfin, le tiers ouest de l’édifice, quoique fouillé seulement en partie, semble réservé essentiel-
lement au stockage et à la cuisson du pain (quatre fours à pain occupent la salle attenante au baptistère).
L’état actuel de dégagement laisse penser que le bâtiment comporte un seul niveau.
83. Veilleux 1980, p. 61, 63-64, 325-326 ; Veilleux 1981, p. 127, 153-154. Les papyri font également
allusion à des structures d’accueil à l’intention des moines itinérants (Barison 1938, p. 59-60, 100).
84. Des échantillons ont été prélevés sur le site en janvier 2012 en vue d’une analyse radiocarbone.
85. Bowen 2002, p. 70b.
86. Bowen 2002, p. 75-81, fig. 8 et pl. 8.
87. La fonction et la longueur de l’espace suggèrent davantage un narthex qu’un vestibule. Sur cette
distinction, cf. Grossmann 2002, p. 104-105.
88. Grossmann 2002, p. 458-459, 551-552, pl. 74, 163. Reste que la forme du narthex dans le bâtiment
sud de ¨Ayn Ǧallāl est difficilement classable dans un des types documentés en Égypte.
89. Grossmann 2002, p. 437-441, pl. 58.
90. Bonnet 2004, p. 81.
91. Descœudres 1989, p. 49, fig. 32.
92. Fakhry 1951a, p. 28, 36-38 ; Wagner 1987, p. 34 (#35) et pl. xi ; Bowen 2002, p. 71 et fig. 5 ; Bowen
2003a, p. 161a ; Bowen 2010, p. 14 (le contexte archéologique de ce dernier document n’est pas clairement
établi ; il remonte aux ive-vie siècles). Le monastère de Dayr al-Baǧawāt livre plusieurs autres exemples de
cruces ansatæ peintes sur la paroi est de la chapelle située dans l’appartement du supérieur ainsi que sur la
première couche de badigeon dans la nef de l’église. Sur l’usage de la crux ansata en Égypte, cf. Cramer
1955 ; Doresse 1960, 24-26.
LE CHRISTIANISME DANS LE DÉSERT OCCIDENTAL D’ÉGYPTE 209

Fig. 7 – Fonts baptismaux du secteur nord de ¨Ayn Ğallāl.

avant le ve siècle ailleurs que dans les oasis 93, et la cuve des fonts baptismaux en
superstructure maçonnée est inconnue en Égypte avant le Moyen Âge 94. L’exis-
tence même du baptistère soulève des interrogations quant à son usage. S’agit-il
d’une de ces installations réservées aux candidats au monachisme non encore
baptisés, connues par la Vie de Pacôme 95 et attestées aux Kellia 96, ou d’un baptistère
destiné tout particulièrement aux pèlerins, similaire en quelque sorte à celui du
gerontokomeion de Ḥawwāriyya/Marea 97 ? La nature du bâtiment nord ferait
pencher vers cette dernière hypothèse.

93. Les fonts baptismaux dégagés lors de la fouille de l’église de Šams al-Dīn, datables de la première
moitié du ive siècle, sont le seul exemple antérieur au ve siècle que je connaisse (voir infra, p. 217).
94. Grossmann 2002, p. 140-148.
95. Lefort 1943, p. 141, 250-251.
96. Descœudres 1989, p. 49. Cf. aussi Grossmann 2002, p. 138. L’hypothèse de baptêmes d’hérétiques
a été évoquée à juste titre par Descœudres 1989, p. 49. Aux Kellia, chaque centre ecclésiastique possédait,
en effet, son propre baptistère.
97. Grossmann 2002, p. 244.
210 VICTOR GHICA

Ces remarques invitent à situer la fondation de cet ensemble aux ive-ve siècles,
datation confortée par l’étude de la céramique issue des fouilles du secteur sud 98.
Il reste que le phasage du site, la date de son abandon, la relation chronologique
avec le monastère de Dayr al-Baǧawāt, ainsi que de nombreuses autres données
fondamentales demeurent, pour l’instant, inconnues 99.

Umm al-Dabādīb
Le site occupe une petite oasis (oasis de ¨Abbās), constituée autour de ¨Ayn
Ilwān, au pied du plateau de grès nubien qui borde l’extrémité nord de l’oasis, et
sur la bretelle nord du Darb ¨Ayn Amūr 100. Habitée probablement dès l’époque
ptolémaïque, voire plus tôt, c’est notamment au iiie siècle que l’oasis commence
à être exploitée de manière intensive. L’ensemble archéologique est composé de
plusieurs secteurs, comprenant au sud un périmètre délimité sur trois côtés par un
mur d’enceinte, qui renferme entre autres un bâtiment administratif à quatre
étages 101 et une église, au nord et à l’est des zones d’habitat à proximité desquelles
se trouve un temple, à l’ouest un parcellaire, et plusieurs cimetières au nord et à
l’est. Au secteur nord, qui intéresse notre propos, est associé du matériel céramique
datable du iiie siècle, alors que les secteurs sud et est remonteraient, selon les
prospecteurs 102, au début du ive siècle 103. L’abandon du village aurait eu lieu vers
la fin du ive siècle, sans que des indices de destruction aient été identifiés.

98. La céramique, très fragmentaire, provenant de la fouille du secteur sud a pu être étudiée par
Z. Barahona Mendieta lors d’une visite archéologique en janvier 2012. Le mobilier céramique du secteur se
compose d’amphores égyptiennes Late Roman 7, difficilement datables (ve-xe siècles), vaisselle fine de table de
production locale (Kharga Red Slip Ware) ou importée (African Red Slip Ware, Late Roman B / Sigillée
claire D), datée des ive-ve siècles, céramique en pâte locale, décorée avec des spirales peintes en brun sur engobe
jaune, attestée du ve jusqu’au viie siècle, et un fragment de bord avec décor incisé remontant aux ve-vie siècles.
99. L’affirmation de Capuani 1999, p. 232, selon qui, entre le ve et les xiie-xiiie siècles, la région de
Dayr Muṣṭafā Kāšif « était certainement riche en fondations monastiques », n’est pas fondée sur des faits
archéologiques.
100. Le Darb ¨Ayn Amūr et sa bretelle sud ont été décrits par Winlock 1936, en particulier p. 44-52.
Pour une étude de cette piste à partir des images satellites et des cartes de la région, cf. Skriwanek 2005,
p. 86-91, pl. 3. Des résultats partiels de la prospection réalisée sur la piste par le NKOS ont été publiés dans
Rossi, Ikram 2002, p. 145a-150b, et Ikram, Rossi 2007, p. 178-180.
101. Cette construction aussi imposante que vulnérable mériterait d’être analysée en parallèle avec
les centenaria contemporains du Limes Tripolitanus ; sur ces structures, cf. Mattingly 1996, en particulier
p. 127-133. Le bâtiment d’Umm al-Dabādīb a été incorrectement interprété par Müller-Wiener 1963,
p. 136, n. 2, comme un monastère. Gascou, Wagner, Grossmann 1979, p. 15 ; Wagner 1987, p. 169 ; Wagner
1991c ; Rossi, Ikram 2002, p. 145a, y reconnaissent à tort une forteresse.
102. Le site a fait l’objet de deux visites archéologiques par C. Rossi, en 1997 et 1998, et d’une
prospection par le NKOS en 2003. Je suis dans la description archéologique du site les comptes rendus
publiés par le NKOS : Rossi 2000 et Rossi, Ikram 2006 (pour une bibliographie, cf. p. 279). J’ai effectué une
visite archéologique du site lors de ma prospection du Darb ¨Ayn Amūr en avril 2006.
103. Rossi, Ikram 2006, p. 283-284. Selon Reddé 1999, p. 381, le fort serait « très tardif ».
LE CHRISTIANISME DANS LE DÉSERT OCCIDENTAL D’ÉGYPTE 211

Le plan de l’enceinte dénote que l’église est bâtie après que le plan du périmètre
sud ait été établi. Contemporaine peut-être de la fondation de l’église, une croix
gravée sur le linteau qui surmonte l’entrée du bâtiment à étages 104 témoigne de la
conversion de l’oasis au courant du ive siècle. Le plan de l’église n’est pas entiè-
rement lisible sur le terrain 105. Face à l’abside, conservée dans sa totalité jusqu’à la
fin des années 1990, on décèle toutefois l’entrée de l’église à l’ouest 106. Deux piliers
et deux colonnes soutenaient probablement une voûte en berceau, aujourd’hui
effondrée, alors que le naos et le pronaos étaient vraisemblablement séparés par un
tribelon dont ne subsiste que l’amorce de l’arc sud. Le bâtiment a pu être construit
en deux phases, dont la seconde consisterait en la moitié est, comprenant ce qui
serait devenu le naos et la conque 107.
À l’instar de ¨Ayn al-Tarākwa, partiellement de Dūš, et comme Ismant al-Ḫarāb
dans l’oasis d’al-Dāḫila, le bourg de Umm al-Dabādīb est évacué vers la fin du
ive siècle pour des raisons non élucidées. Après abandon, une présence érémitique
est documentée au courant du ve siècle 108. Il s’agit d’un ermitage aménagé dans
un abri sous roche, situé sur le trajet de l’aqueduc 4, sur l’escarpement, non loin
du niveau du wādī (non vidi). L’ermitage porte des indices d’habitat permanent et
quelques graffites 109. Une autre installation, ermitage ou poste de guet, a été repérée
à mi-chemin sur la falaise, le long de l’aqueduc 6 (non vidi) 110. Un assemblage de
céramique homogène, datable du ive siècle, est associé à cette dernière structure.
Plusieurs graffites coptes, copto-grecs et arabes, qui subsistaient encore en 1976
sur les parois de l’église, surtout dans l’abside, témoignent de la fréquentation des
lieux après leur abandon 111. Un certain Anastasios, de l’oasis d’al-Dāḫila, fait halte
sur le Darb ¨Ayn Amūr à Umm al-Dabādīb au milieu du printemps, y trouve de
l’eau et, reconnaissant, laisse un mémento de son passage sur une des meilleurs
surfaces à l’intérieur de l’église, à l’abri du vent 112.

104. Rossi, Ikram 2006, p. 291.


105. Pour des descriptions de cette église, cf. Grossmann 1989, p. 1897-1898 ; Rossi, Ikram 2006,
p. 291-292.
106. L’entrée côté est mentionnée par Jenkins, McBride, Rossi 1999, p. 6, n’existe évidemment pas.
107. Rossi 2000, p. 343. Ceci expliquerait, en effet, la répartition inhabituelle de l’espace à l’intérieur
de l’église.
108. Selon Rossi, Ikram 2002, p. 144b, toutes les forteresses du Darb ¨Ayn Amūr – y compris le
grand bâtiment d’Umm al-Dabādīb – auraient été réutilisées comme monastères. Aucun indice n’étaie cette
affirmation.
109. Rossi, Ikram 2006, p. 292-293, 300-301.
110. Ikram, Rossi 2007, p. 181.
111. Contrairement à ce que laissent entendre Rossi 2000, p. 343-344 et fig. 5, et Rossi, Ikram 2006,
p. 292, plusieurs graffites subsistent sur les parois de l’église. Sur ces documents, cf. Gascou, Wagner,
Grossmann 1979, p. 16 ; Wagner 1987, p. 169, 364 ; Wagner 1991c.
112. Un fac-similé de ce graffite, pas tout à fait fidèle à la paroi, est publié par Rossi 2000, p. 344, fig. 6.
Bien entendu, le document ne mentionne pas la mort du signataire, comme l’affirme Rossi. Voici le texte
212 VICTOR GHICA

¨Ayn Amūr

Halte obligée sur la route caravanière éponyme reliant les oasis d’al-Dāḫila et
d’al-Ḫāriǧa, l’enceinte du temple de ¨Ayn Amūr, érigé à proximité d’une source
artésienne probablement à l’époque romaine 113, est, par sa situation même, un
de ces lieux privilégiés pour l’épigraphie désertique. Les graffites et dipinti inscrits
sur ses différentes parois – coptes, grecs 114 et un probablement démotique 115 –
s’échelonnent entre l’époque romaine et le xxe siècle. Les documents chrétiens,
coptes, témoignent plutôt de passages 116 que d’un habitat érémitique permanent,
comme on a pu le suggérer 117. Il est impossible de leur assigner une date sur critères
paléographiques, et la céramique qui parsème le Darb ¨Ayn Amūr, allant de l’époque
romaine à la période ottomane 118, n’est pas d’un grand secours.

¨Ayn al-Tarākwa

Situé au nord-est de la montagne de Ǧabal al-Ṭayr, à 14,7 km à vol d’oiseau


du temple d’Hibis, sur le Darb al-Arba¨īn 119, ¨Ayn al-Tarākwa abrite les vestiges
d’un village fondé, d’après le diagnostic préliminaire de la céramique de surface, au

avec sa traduction : ƁƍƏƊ ƁƍƁƒƓƁƒmƏƒ | ƍƓƁmƅ ƅƂƏƋ %ƍƏƔƁ%ƅ | ƍ%ƏƔƍ ƍƒƏƔƌƍƓƏƔƈƅ |


ƍƐƁƑƌƌƏƔƓƅ ƁƉƅƉƅ | ƁƍƉƌƁ Ɓm'ƉƌƏƏƔ | [ƊƔƑƉƏ]ƒ ƁƑƉƐƅƔ[ƅ ƍ]ƁƊƁƐƅ, « C’est moi, Anastasios, qui
suis venu de l’Oasis Intérieure le 11 parmmoute. Je suis venu en ces lieux et j’ai pris de l’eau. Seigneur, agrée
de faire mémoire de moi ! » Je discuterai ailleurs les particularités linguistiques du document.
113. Cailliaud 1826, p. 227-229, est le premier à décrire le temple. Winlock 1936, p. 48-50, pl. xxxiv-
xxxvi, et Fakhry 1940a offrent des présentations plus amples et plus précises. De brèves descriptions de
l’état actuel du site sont publiées par Rossi 2000, p. 339 (p. 340 pour une bibliographie succincte), et Ikram,
Rossi 2007, p. 180. J’ai fait une visite archéologique du site en avril 2006, pendant ma prospection du Darb
¨Ayn Amūr.
114. Trois graffites coptes ou grecs sont mentionnés par Winlock 1936, p. 49, et quatre par Fakhry
1940a, p. 764-765. Les pillages récents en ont mis en évidence d’autres. Harding King 1925, p. 333, semble
avoir reconnu plusieurs inscriptions démotiques, aujourd’hui indiscernables.
115. Ce graffite-dipinto, copié par Harding King 1925, p. 333 (#244), Winlock 1936, p. 49, et Fakhry
1940a, p. 764 et pl. xcvib, a été jugé et lu comme safaïtique ou thamudéen par Winlock. Fakhry y voit des
caractères « of a semitic origin », tandis que Dijkstra 2008, p. 366, considère le graffite comme démotique.
La fin du texte est en effet rédigée en démotique, mais le document est difficilement compréhensible en
dépit de sa conservation exceptionnelle. Je remercie Philippe Collombert pour son avis préliminaire sur ce
graffite.
116. Tel voyageur d’Hibis laisse son nom sur un des montants du portique du temple (Winlock 1936,
p. 49). Des traces inexploitables de graffites de voyageurs sont également décelables sur des blocs provenant
du temple de ¨Ayn Amūr que j’ai pu identifier en avril 2006 sur le tronçon du Darb ¨Ayn Amūr qui traverse
le plateau d’Abū Ṭarṭūr.
117. Fakhry 1940a, p. 763 ; Fakhry 1951a, p. 14 ; Coquin 1991b, p. 1658b.
118. Ikram, Rossi 2007, p. 179.
119. Skriwanek 2005, pl. 3.
LE CHRISTIANISME DANS LE DÉSERT OCCIDENTAL D’ÉGYPTE 213

iiie siècle 120. C’est vraisemblablement l’époque à laquelle remonte l’édification du


temple construit au centre de cette petite agglomération rurale 121. Dans une phase
d’occupation ultérieure, une église est construite à l’intérieur de l’enceinte du
temple, en face de l’entrée du sanctuaire. L’église est bâtie en briques crues, avec
une abside côté est et l’entrée dans l’angle sud-ouest, alignée sur l’axe du temple, de
manière à obturer la visibilité de la porte du sanctuaire depuis l’entrée de la cour du
temple 122. Le plan est basilical, avec un vaisseau central séparé des collatéraux par
un alignement de trois (nord) et respectivement deux (sud) piliers carrés. À l’abside,
pourvue de quatre niches, fait face, côté ouest, un éso-narthex flanqué à l’est par
une rangée de trois piliers 123. La toiture horizontale est trahie par les sept piliers
– conservés sur toute la hauteur – aussi bien que par les murs dépourvus de traces
d’encorbellement. Enfin, l’absence de céramique sigillée en surface suggère un
abandon du site au courant du ive siècle, ce qui date l’édification de l’église de ce
même siècle. Cette datation est confirmée par la comparaison du plan du bâtiment
avec celui des églises, contemporaines, du temple d’Hibis, de Šams al-Dīn et
Dūš-nord, dont la datation est assurée.

Kysis/Dūš

Dūš, l’ancienne KÕsiv, est à la même époque un gros bourg, chef-lieu de


toparchie et, vers la fin au ive siècle, siège d’une garnison 124. Attesté depuis l’époque
de Domitien (81-96), Kysis connaît un épanouissement économique certain au
ive siècle, suivi par un abandon progressif, entamé dès la fin du siècle et marqué
notamment, au milieu du ve siècle, par le départ des militaires qui laissent la place à
une population pastorale 125. L’importante masse de documents inscrits issus des

120. Ikram, Rossi 2007, p. 180-181. Prospecté par le NKOS en 2004, le site n’a jamais fait l’objet de
fouilles. L’information présentée ici est fondée sur le rapport publié dans Ikram, Rossi 2007. J’ai effectué
une visite archéologique à ¨Ayn al-Tarākwa dans le cadre d’une mission de reconnaissance en février 2007.
121. Le matériel céramique d’époque romaine antérieur au iiie siècle, repéré dans la nécropole de ¨Ayn
al-Tarākwa (Ikram, Rossi 2007, p. 181), n’a pas pu être associé à une phase d’occupation précise.
122. Un plan de l’église est publié par Ikram, Rossi 2007, p. 173 (fig. 3). Pour la description de l’église,
voir Ikram, Rossi 2007, p. 169, 171.
123. En l’absence d’un chronologie absolue des sites de ¨Ayn al-Tarākwa et ¨Ayn Ǧallāl, on se limitera
à observer que le plan de l’église de ¨Ayn al-Tarākwa semble présenter une phase intermédiaire dans
l’évolution du narthex, à mi-chemin entre la rangée ouest de la colonnade centrale (églises du temple
d’Hibis, de Šams al-Dīn et de Dūš-nord) et l’éso-narthex de l’église du monastère de ¨Ayn Ǧallāl.
124. Wagner 1987, p. 382 ; Reddé, Dunand, Lichtenberg, Heim, Ballet 1990, p. 287, 292 ; Reddé
2004c, p. 199-205. Notons que cette garnison n’en est probablement pas une au sens strict (Reddé 2004c,
p. 205).
125. Reddé, Dunand, Lichtenberg, Heim, Ballet 1990, p. 287, 292 ; Bonnet 2004, p. 76.
214 VICTOR GHICA

fouilles laisse transparaître une présence plutôt discrète mais certaine du christia-
nisme, implanté déjà à Kysis dans la seconde moitié du iiie siècle ou la première
décennie du ive, comme le montre le dossier des nécrotaphes.
L’expression du christianisme dans le matériel archéologique de Dūš est
essentiellement limitée à l’architecture et aux documents papyrologiques. Dans
l’ensemble des cimetières, seule la tombe 1 de la nécropole du pigeonnier a, jusqu’ici,
livré un cas d’inhumation chrétienne 126. Un graffite et un dipinto chrétiens signalent,
à leur tour, la désaffectation du temple d’Osiris 127. Ce qui caractérise le paysage
chrétien de Kysis, ce sont les églises. Fr. Cailliaud en mentionne une, non identifiée
aujourd’hui, dont la voûte aurait été richement décorée 128. Un autre bâtiment,
dégagé à l’est du temple en pierre en 1994, dont le niveau d’abandon est associé à
des monnaies frappées entre 364 et 395, a été identifié provisoirement comme une
église 129. Enfin, un troisième lieu de culte chrétien est aménagé, dans la seconde
moitié du ive siècle, à l’intérieur du bâtiment I du village, pour être abandonné
moins d’un siècle plus tard 130. Lors de la phase d’occupation tardive du village,
entre la fin du ive et le milieu du ve siècle, un stibadium bâti dans la pièce 1 du
bâtiment IV du village 131, une installation typiquement chrétienne qui, très tôt, sera
intégrée dans l’architecture monastique 132, témoigne vraisemblablement d’activités
cultuelles à l’extérieur de l’église.

126. Reddé, Dunand, Lichtenberg, Heim, Ballet 1990, p. 294, n. 3 ; Dunand, Heim, Lichtenberg
1998, p. 131-132 ; Lichtenberg Dunand, Heim, Henein, Lichtenberg 2005, p. 4, 6. Les deux premiers titres
échappent à Bowen 2003b, p. 169a, selon qui il n’y aurait pas eu de nécropole chrétienne à Dūš.
127. Wagner 1987, p. 57-58, 358 et n. 4.
128. Cailliaud 1821, p. 90.
129. Grimal 1994, p. 398-399 et fig. 2 ; Grimal 1995, p. 567, 583 ; Grimal 1996, p. 519 ; Reddé 2004a,
p. 6. L’identification de ce bâtiment avec une église ne fait pas de doute.
130. Bonnet 2004. Aravecchia 2009, p. 151, situe à tort cette église à l’est du temple.
131. Reddé 2004b, p. 56-57, 73-74.
132. L’identité formelle et fonctionnelle entre les stibadia découverts en contextes non monastiques
dans les oasis d’al-Ḫāriǧa et al-Dāḫila et les Sitzringe des réfectoires conventuels de la vallée du Nil échappe
aussi bien à Reddé 2004b, p. 57, qu’à Grossmann 2002, p. 90-292. Dans le désert occidental, ces structures
circulaires sont attestées sur cinq sites non monastiques, tous datés des ive-ve siècles : Ismant al-Ḫarāb
(Hope 1986, p. 77b), Amḥayda (communication personnelle de P. Davoli), Dūš (Reddé 2004b, p. 5-57,
73-74), Šams al-Dīn (Reddé 2004b, p. 5, fig. 8) et al-Baǧawāt (Fakhry 1951a, p. 159, 169 et fig. 113, 120 ;
Grossmann 2002, p. 18). À la même époque, quatre stibadia sont construits dans les trapezai du monastère de
Dayr al-Baǧawāt. Les autres attestations proviennent de monastères plus tardifs, dans la vallée du Nil : Dayr
al-Baḫīt (ve-viiie siècle ; Eichner, Fauerbach 2005, p. 143-146, fig. 2 et pl. 22b, 23, 24a ; Burkard, Eichner
2007, p. 271 et fig. 384), Saint-Jérémie, à Saqqāra (viie siècle ; Quibell 1912, pl. viii ; Grossmann, Severin
1982, p. 156, fig. 1, p. 162-163 ; pour une interprétation différente, cf. Thirard 2000, p. 98-100) ; Qaṣr
al-Wizz (ixe-xe siècle ; Scanlon 1972, p. 21 et p. 8, fig. 1) ; et Saint-Siméon, à Aswān (xiie siècle ; Monneret
de Villard 1927, p. 106-107 et fig. 114). Grossmann 2002, p. 292 considère l’installation circulaire de la pièce
4 de l’ermitage Quṣūr al-¨Izayla 45 comme un Sitzring. La description qu’en font les fouilleurs (Favre,
Nogara 1999, p. 170, 185b et fig. 164) ne permet pas de déterminer précisément la nature de cet élément
architectural.
LE CHRISTIANISME DANS LE DÉSERT OCCIDENTAL D’ÉGYPTE 215

Telle que nous les devinons à travers les ostraca grecs et coptes de Dūš 133,
entre le milieu du ive siècle et les deux premières décennies du ve, les chrétiens
de Kysis se laissent difficilement distinguer de leurs concitoyens sinon par leurs
noms et par les épithètes âgapjtóv 134 ou ƌƅƑƉƓ. La statistique onomastique livre
cependant un tableau d’ensemble évocateur : parmi les soldats cantonnés ici
pendant plusieurs décennies, entre 20 et 30 portent des noms chrétiens, pour 50-60
ayant des noms « païens » 135. Les O.Douch indiquent également que le pourcentage
des anthroponymes chrétiens dans l’ensemble de la documentation se monte
à 20 % 136. Il va sans dire qu’il ne s’agit là que de minima, en sachant les délais
d’intégration de l’onomastique chrétienne. Néanmoins, ces chiffres suggèrent en
eux-mêmes le rôle qu’a pu jouer dans la diffusion de la nouvelle religion l’instal-
lation des militaires à Kysis, vers le milieu du ive siècle. Par un ostracon copte,
nous apprenons qu’un des principes du camp de Kysis, Pistôi, est chrétien 137. Enfin,
plusieurs mentions de presbyteroi 138 et d’un diakonos 139 évoquent la structure
ecclésiale de Kysis. Quelques attestations d’une ou plusieurs monaches 140 prouvent
qu’une communauté monastique féminine est fondée dans l’oasis, probablement
dans la région même de Kysis, à cette haute époque 141.

¨Ayn al-Waqfa

L’expansion du christianisme au sud d’al-Ḫāriǧa au ive siècle se vérifie


également à ¨Ayn al-Waqfa. Situé à 10 km à l’ouest/sud-ouest de Dūš, à l’inter-
section entre le Darb al-Arba¨īn et le Darb al-Dūš 142, le site abrite les vestiges d’un
geôrgion, actif aux époques romaine et byzantine 143. Les O.Waqfa grecs mettent en

133. Les ostraca grecs inédits de Dūš sont actuellement en cours d’étude par Fl. Lemaire. La publi-
cation du dossier copte est préparée par mes soins.
134. Sur la fortune de cet adjectif dans l’épistolographie chrétienne, cf. Naldini 1968, p. 18-19.
135. Reddé 2004c, p. 200.
136. Reddé 2004c, p. 206. Ces évaluations provisoires devront être revues une fois que la publication
des O.Douch grecs et coptes sera achevée. Voir aussi l’introduction de l’éditeur aux O.Douch iv.
137. Roquet 1978, p. 32 ; Choat, Gardner 2003.
138. O.Douch 44 (?), 52 (?), 172, 196, 361, 415, 449. Voir aussi Grimal 1994, p. 399.
139. Grimal 1994, p. 399.
140. O.Douch 190, 611. Voir aussi Grimal 1994, p. 399.
141. À ma connaissance, seuls cinq papyri font allusion à de structures monastiques féminines dans
la documentation papyrologique du ive siècle (on ajoutera P.Oxy. 1774 et SB 7243 [= SB 9746] aux trois
références citées par Wipszycka 2009, p. 609-610).
142. Skriwanek 2005, pl. 4.
143. À al-Ḫāriǧa, le CSA a effectué des fouilles sur un secteur de la zone d’habitat de ¨Ayn al-Waqfa
pendant deux saisons en 1986 et 1988-1989. Un rapport de la première campagne est publié dans l’intro-
duction aux O.Waqfa, p. 11-14. La céramique récoltée dans le tessonnier des fouilles se situe dans une
216 VICTOR GHICA

lumière non seulement la livraison, à divers titres, de produits agricoles depuis cette
exploitation agricole au centre administratif de Kysis, mais aussi une évolution fort
semblable des communautés chrétiennes des deux localités. À l’instar des O.Douch,
le dossier grec des O.Waqfa 144 transmet une série d’anthroponymes typiquement
chrétiens, auxquels s’ajoutent les noms de trois prêtres, qui apparaissent systé-
matiquement comme contribuables ou intermédiaires. Tout comme les prêtres
mentionnés dans les O.Douch 145, ceux des O.Waqfa sont engagés dans des activités
agricoles. Psilis, présent à la fois dans O.Douch 361 et O.Waqfa 3, 19, 46, pouvait
desservir les églises des deux localités 146.

Mônêsis/Šams al-Dīn

À 16,5 km à vol d’oiseau au nord de ¨Ayn al-Waqfa, à l’endroit où une piste


secondaire du Darb al-Dūš rejoint le Darb al-Arba¨īn 147, est fondé probablement à
la même époque un village au lieu-dit Šams al-Dīn, dont nous connaissons le nom
à l’époque romaine : Mwnßsiv/Mounßsiv 148. Dans l’angle sud-ouest du périmètre de
la zone résidentielle antique, une église de plan basilical est érigée probablement
dans la première moitié du ive siècle 149. Les quelques soixante-dix graffites et
dipinti grecs inscrits sur les parois de l’église, implicitement tous chrétiens, ainsi
que les cinq ostraca grecs mis au jour pendant la fouille de l’église 150 remonteraient,
quant à eux, à la seconde moitié du ive siècle 151. On remarque dans le dossier épigra-
phique le nombre élevé de soldats chrétiens, dont certains campaient à Mônêsis
même 152, mais aussi un moine. Enfin, on se laisse surprendre par la métaphore de
la « maison bien ombragée de Dieu » (eûskístjÇ oîkíaç toÕ qeoÕ) 153.

fourchette chronologique assez large (ier-ve siècles e.c.), avec toutefois un nombre supérieur d’individus
datant des ive-ve siècles. Je dois ces informations à l’obligeance de M. Wuttmann.
144. Quatre ostraca coptes, encore inédits, ont également été mis au jour lors des deux campagnes à
¨Ayn al-Waqfa.
145. Le Psilis du O.Douch 361 est exploitant agricole, alors qu’en O.Douch 415 Psenosiris apparaît
comme intermédiaire. En revanche, le prêtre qui pourrait être cité en O.Douch 172 serait camelarius.
146. Voir l’introduction aux O.Waqfa, p. 28.
147. Skriwanek 2005, pl. 4.
148. Wagner 1987, p. 29 (#11), 36-37 (#49).
149. Wagner 1987, p. 358-359.
150. Seule l’église a été dégagée, lors d’une brève saison en 1976 (Sauneron 1976, p. 410-411).
151. Wagner 1987, p. 27-47, 358. Une planchette en bois inscrite a été retrouvée au niveau du sol de la
sacristie pendant la brève fouille de 1976. Wagner 1987, p. 44, 47, date sa cursive du iiie siècle. Il s’agit de
l’unique élément de datation disponible des phases d’habitat du village antérieures à l’édification de l’église.
Selon Wagner 1987, p. 47, ce document ferait remonter la fondation de l’église au iiie siècle.
152. Wagner 1987, p. 29 (#11), 32 (#31), 37 (#49), 381, 387.
153. Wagner 1987, p. 28 (#7).
LE CHRISTIANISME DANS LE DÉSERT OCCIDENTAL D’ÉGYPTE 217

Comme celles d’Hibis et de Dūš (nord et est), l’église de Šams al-Dīn 154 suscite
la question de l’origine et du contexte de diffusion des chevets à plan rectangu-
laire 155, et appelle, une fois de plus, le parallèle avec les Kellia 156, mais aussi avec
l’église de Tall al-Maḫzan 157. L’hypothèse d’un modèle oasite d’architecture ecclé-
siale, formulée à juste titre en relation avec plusieurs éléments de conception
spatiale et d’aménagements intérieurs 158, pourrait rendre compte également de la
proportion d’églises à sanctuaire rectangulaire dans l’oasis d’al-Ḫāriǧa au ive siècle.
Il en va de même pour le bas-côté occidental, à cette même époque, à Šams al-Dīn,
à Dūš (église du bâtiment I du village) et à Ismant al-Ḫarāb (la grande église est).
Celui-ci réclame une reconsidération de la datation du plan basilical de type
égyptien 159. Quant aux fonts baptismaux mis au jour devant le mur ouest de l’église,
témoins directs de la mission chrétienne dans la première moitié du ive siècle,
ils livrent la plus ancienne attestation archéologique en territoire égyptien d’un
baptistère. Enfin, le stibadium aménagé au nord de l’église 160 requiert une étude
de l’ensemble de ces structures et de leur fonction dans l’oasis d’al-Ḫāriǧa.

Qaṣr Nisīma

Un des anciens villages de l’enoria d’Hibis 161, Qaṣr Nisīma, se situe à une
dizaine de kilomètres au sud de l’ancienne ville, le long du Darb al-Arba¨īn et à
seulement 3,5 km du point d’eau le plus proche d’Hibis sur le Darb al-Ġubbārī,
¨Ayn Ḫanāfis (¨Ayn Tirawǧī) 162. Le village (fig. 8) se compose d’une petite quinzaine
d’unités d’habitation disposées autour d’un grand bâtiment sur plusieurs niveaux
et d’un pigeonnier à deux étages 163. Un espace de circulation autour des deux

154. Les descriptions données par Sauneron 1976, p. 411 (voir aussi pl. lxxiv), Grossmann 1989,
p. 1899-1900, et Bonnet 2004, p. 80, 81 (pour le plan, voir p. 84, fig. 69), dispensent ici d’une présentation
de l’église.
155. Sur cette question, cf. Grossmann 1978, p. 89* (135) ; Grossmann 2002, p. 116-118. Selon
Capuani 1999, p. 232, l’origine du chevet rectangulaire de l’église de Šams al-Dīn serait à chercher dans la
fonction initiale du bâtiment, lequel aurait été une simple maison. Aucune des zones résidentielles ayant fait
l’objet de fouilles dans le désert occidental n’étaie cette hypothèse.
156. Descœudres 1989, p. 49 et fig. 32.
157. Bonnet 2004, p. 80-81 et n. 123.
158. Bonnet 2004, p. 80.
159. Voir la brève discussion de Grossmann 1978, p. 89* (135)-90* (136).
160. Reddé 2004b, p. 57, 65, fig. 58.
161. Sur l’étendue probable de l’enoria d’Hibis, cf. Wagner 1987, p. 157-165, 171.
162. Winlock 1936, p. 7.
163. Seul Wagner 1991b réserve une petite notice à ce site, qui n’a pas fait l’objet de fouilles. Trois
missions de l’Ifao, organisées en février 2007 (V. Ghica), septembre (V. Ghica, D. Laisney) et décembre 2008
218
X=569180
VICTOR GHICA

X=569200

X=569220

X=569240

X=569260

X=569280
QASR NISIMA
Y=298380 Y=298380

53,77
(altitude des terres cultivable de la palmeraie)

55,40
(altitude du sol)

Y=298360 pillage Y=298360

bâtiment fortifié
pil
la

Y=298340 Y=298340
ge

58,20
(altitude du seuil d’entrée du fort)

pigeonnier

57,5
0

pillage

Y=298320 Y=298320

église
55,00 (niveau du sol)
pillage

pillage

pillage
55,00

Y=298300 Y=298300
Equidistance des courbes de niveau : 0,5 m
Datum : WGS 84
Projection : Egypt Red Belt

0 20 40 60 80 100 m
C IFAO, 2008 - DL

Fig. 8 – Qaṣr Nisīma (plan D. Laisney).


LE CHRISTIANISME DANS LE DÉSERT OCCIDENTAL D’ÉGYPTE 219

ouvrages centraux permet la communication entre les différentes maisons et avec


l’extérieur 164. Des parcellaires antiques, un seul secteur, à 0,5 km au sud-ouest
du village, subsiste encore 165. Le grand bâtiment central, initialement de plan
rectangulaire, a subi un agrandissement à l’est, et ses murs extérieurs, à l’origine
peu épais, ont été renforcés, côté nord et ouest, par un second mur taluté. Une des
unités d’habitation du côté sud renferme une petite église, pourvue d’une entrée
au nord donnant par un vestibule vers l’allée centrale et d’une autre au sud qui
assure la communication avec la maison attenante 166. Le fort ensablement de
l’église rend impossible le relevé complet de son plan et l’observation des colonnes
octogonales dont deux ont été signalées par G. Wagner le long de la paroi nord 167.
Cependant, après des pillages récents dans la moitié est du bâtiment, la zone du
sanctuaire est devenue visible 168. Ce dernier est constitué d’une abside semi-
circulaire, décorée de quatre piliers engagés entre lesquels sont aménagées trois
niches, et de deux cancelli, ornés de deux colonnes engagées, qui ferment le bêma
côté ouest.
L’appareillage des briques, l’inclusion même du lieu de culte dans le plan
initial du village, le muret de clôture du bêma 169, la présence du columbarium 170,
suggèrent une date de fondation au ive siècle tardif ou au ve siècle. Quelques graffites
visibles dans les décombres du bâtiment central attestent la christianisation du
village 171.

(V. Ghica, S. Marchand, M. Wuttmann), ont permis de prospecter le site et d’en dresser le plan topogra-
phique. L’étude de la céramique de surface et des prélèvements de briques crues en vue d’une datation au
radiocarbone sont prévus sur le site en 2012.
164. Le niveau d’ensablement du site ne permet pas de situer tous les passages assurant la communi-
cation entre l’espace de circulation intérieur et l’extérieur du village. Deux voies publiques de sortie possible
sont visibles sur le côté est de l’enceinte.
165. L’étendue des parcellaires anciens ne peut pas être appréciée. Ceux-ci ont été détruits par les
travaux de bonification des terres dans cette zone, aujourd’hui contiguë à la périphérie sud de Madīnat
al-Ḫāriǧa.
166. On corrigera en ce sens les remarques de Wagner 1991b.
167. Wagner 1991b.
168. L’affirmation de Wagner 1991b concernant la similarité entre cette église et celle de Šams al-Dīn
est contredite par plusieurs éléments structurels des deux monuments.
169. Un muret analogue est aménagé dans la grande église est d’Ismant al-Ḫarāb (Bowen 2002,
p. 70b).
170. La majorité des columbaria conservés dans les oasis d’al-Ḫāriǧa – ¨Ayn al-Dabašiyya (Ikram,
Rossi 2007, p. 174, 175, 181 et pl. 23b), Dūš (Dunand, Heim, Henein, Lichtenberg 2005, p. 2), Umm
al-Dabādīb (Rossi, Ikram 2006, p. 287), Burǧ al-Ḥamām (Gascou, Wagner, Grossmann 1979, p. 14) – et
al-Dāḫila (le mieux conservé a été publié par Mills 1993) remontent à une période antérieure à la fin du
ive siècle. D’autres, comme celui de ¨Ayn Ilwān (non vidi ; Wagner 1987, p. 174) ou celui situé à l’ouest de
Bilayda (Wagner 1987, p. 173), n’ont pas fait l’objet d’études.
171. Les anthroponymes de ce graffite sont suggestifs : Ɓ ƏƊ ƅmƏƁ|Ɗmƍ ƍƒƓƇ|ƕƍ.
220 VICTOR GHICA

Au ive siècle remontent également deux documents papyrologiques connus de


longue date : P.Giss. 103 172 et P.Lips. 111 173.
Ce qui fait suite à cette première phase d’effervescence chrétienne qui carac-
térise le ive siècle est mal cerné par les sources à notre disposition, éparses, presque
inexploitées ou difficiles à situer chronologiquement. À la fin de ce siècle d’or, nous
perdons la trace de plusieurs paroisses qui disparaissent, en même temps que les
bourgs et les villages qui les abritent sont abandonnés. C’est, à ce qu’il paraît, le cas
de Umm al-Dabādīb, ¨Ayn al-Tarākwa et partiellement de Dūš. Dans l’oasis
d’al-Dāḫila, le même phénomène se produit dans le cas d’au moins deux commu-
nautés chrétiennes, à Ismant al-Ḫarāb et ¨Ayn al-Ǧadīda 174. Le centre et le nord
d’Hibis sont encore habités jusqu’au milieu du ve siècle quand les incursions
des Noubades et des Maziques 175 provoquent leur abandon définitif, et la nécropole
d’al-Baǧawāt cesse naturellement de fonctionner à la même époque. Si le mon(astßrion)
ˆOasítwn attesté entre le milieu du vie siècle et le premier quart du viiie par trois
papyri de Kūm Išqāw (P.Flor. iii, 285 ; P.Cair.Masp. 67325 ; P.Lond. iv, 1419) 176
désigne une communauté monastique originaire de la Grande Oasis, il serait envisa-
geable que celle-ci soit celle de l’un des deux monastères de l’oasis d’al-Ḫāriǧa,
Dayr al-Baǧawāt ou ¨Ayn Ǧallāl, au cas où l’on puisse confirmer des dates d’abandon
antérieures au vie siècle.
Les conflits théologiques qui déchirent les provinces égyptiennes au ve siècle
ne laissent pas de traces dans notre documentation et nous ignorons tout des
allégeances confessionnelles des communautés chrétiennes locales entre le ive et le
viie siècle. Comment un Nestorius a-t-il été perçu dans l’oasis en 435 ? Quel accueil
a été réservé quelques dizaines d’années plus tard à Pierre le Foulon, patriarche
monophysite d’Antioche, ou à l’évêque dyophysite Calandion 177 ? Nous savons
seulement que l’oasis se trouve dans le giron du patriarcat non chalcédonien
d’Alexandrie à la fin du viie siècle, quand le siège épiscopal d’Hibis est attesté dans
la liste épiscopale de Pococke 178. L’iconographie du cimetière d’al-Baǧawāt nous

172. Naldini 1968, p. 198-201. Il s’agit d’une lettre chrétienne sur papyrus, postérieure à l’an 309, date
à laquelle remonte le recto du papyrus. Le signataire de la lettre, Apollonios, écrit au diacre Stephanos
évoquant son arrivée dans la Grande Oasis.
173. Naldini 1968, p. 245-248. Dans ce document, Sion, surintendant de travaux agricoles, écrit à
Isidoros, possesseur de champs, que son frère est devenu praipósitov dans l’oasis (à Hibis, selon Wagner
1987, p. 358 et n. 1). La phrase « très haut (Àcistov) Dieu » trahit le caractère chrétien du document.
174. Des raisons liées à l’exploitation du sol et des ressources d’eau sont souvent invoquées à ce
propos : abaissement des nappes phréatiques, aridification ou surexploitation des terres.
175. Voir supra, p. 195-197.
176. Barison 1938, p. 122-123 ; Wagner 1987, p. 370-372.
177. Sur ces exils célèbres, voir les sources citées par Schwartz 1966, p. 1485 n. 7, 1486 n. 1, 2.
178. Munier 1943b, p. 61.
LE CHRISTIANISME DANS LE DÉSERT OCCIDENTAL D’ÉGYPTE 221

renseigne davantage sur les goûts doctrinaux de certains chrétiens locaux. Elle
révèle un christianisme souple, peu enclin à la dogmatique, qui fédère au lieu de
diviser. Les concepteurs dépassent à l’évidence les artistes, mais nous devinons
derrière ces peintures une foi nourrie aussi bien par les apocryphes que par les
textes canoniques, une manière originale et peu provinciale d’intégrer l’Évangile.
Les coupoles des mausolées dits « de la Paix » et « de l’Exode » renferment une
propédeutique chrétienne dans laquelle le Christ, bien qu’absent dans la figuration,
est symboliquement omniprésent. Sans doute délibérée, voire programmatique,
maniée avec une assurance théologique certaine, cette tropologie oriente la datation
des deux coupoles vers l’époque préconstantinienne.

Les chapelles funéraires de la nécropole d’al-Baǧawāt

Les chapelles funéraires de la nécropole al-Baǧawāt représentent un type parti-


culier de lieux de culte, unique dans l’architecture chrétienne du désert occidental.
Parmi les mausolées de la nécropole, quelques-uns sont associés à des petites
chapelles funéraires chrétiennes (nos 9, 24, 90), d’autres le deviennent par l’addition
de structures spécifiques (nos 25, 66, 130) 179. Le mausolée 180 livre l’exemple le
plus achevé de cette architecture funéraire chrétienne 180. Le bâtiment d’origine, un
mausolée « païen », subit une série de transformations (démontage du portique
ouest, installation de six colonnes supplémentaires pour diviser la nef des bas-côtés,
construction d’un périptère et de six stibadia, dans les bas-côtés et dans l’interco-
lumnium du périptère) qui l’adaptent aux besoins d’une chapelle destinée essentiel-
lement aux cenæ funebres 181. Dans le contexte de l’abandon des quartiers nord
d’Hibis, peut-être de la ville entière, vers le milieu du ve siècle, il est difficile de
situer ce remaniement après cette date 182.

179. Grossmann 2002, p. 340-342.


180. Plusieurs descriptions de ce bâtiment se trouvent chez Hauser 1932, p. 40 ; Fakhry 1951,
p. 157-159 ; Meinardus 1965, p. 343 ; Grossmann 1989, p. 1899 ; Grossmann 1991a ; Capuani 1999, p. 231 ;
Grossmann 2002, p. 318-319 ; Bonnet 2004, p. 80.
181. Grossmann 2002, p. 12-13.
182. Le vie siècle proposé par P. Grossmann sur la base d’un parallèle à Dandara d’un vestibule situé
dans l’angle sud-ouest (Leclant 1979, p. 386) se défend difficilement. La documentation du désert occidental
met en évidence les limites de ce comparatisme diachronique avec comme référentiel les monuments de la
vallée. Nombreuses sont les publications de divulgation qui donnent comme date de l’abandon de la
nécropole le début de l’époque arabe (voir, par exemple, Capuani 1999, p. 229). Rien dans la documentation
disponible n’appuie cette datation.
222 VICTOR GHICA

¨Ayn Sa¨af-est

À une date située entre 430 et 560 183, un ensemble de bâtiments (fig. 9)
est construit à 1,5 km au nord de Dayr Muṣṭafā Kāšif, sur le piémont du versant
ouest du Ǧabal al-Ṭayr, dans le secteur est de ¨Ayn Sa¨af 184. Le site est concentré
autour d’une zone résidentielle (fig. 10), établie à proximité d’un ¨ayn rūmānī
(¨Ayn ¨Azzār) et entourée au nord, à l’est et au sud de plusieurs installations
funéraires (tombes rupestres, mausolées ou simples sépultures sans supers-
tructure) placées sur la falaise 185. Le plan initial du secteur d’habitat est dominé
par deux bâtiments : une église, dans l’angle nord-ouest, et, au centre de la moitié
nord, une salle voûtée orientée nord-sud. Les dimensions de l’église laissent
penser qu’une partie importante de la zone d’habitat se trouve actuellement sous
les dépôts alluvionnaires qui couvrent l’est du site. Une cour centrale assure la
communication des parties est et ouest du périmètre résidentiel. Faute de rapports
de fouilles, la fonction de la plupart des espaces et leur agencement ne peuvent
être déterminés. En revanche, l’état actuel du site permet de suivre certaines
étapes d’une restructuration qui affecte plusieurs ensembles bâtis. Tout d’abord,
une partie de l’intercolumnium est de l’église est condamnée pour aménager un
ḫūrus pourvu de trois accès. Cette phase peut être située à la fin du viie siècle
ou pendant le viiie. Ultérieurement, au moins deux de ces portes sont murées.
Contemporain de ce dernier réaménagement, un muret est bâti, qui ferme partiel-
lement la conque. Dans cette phase, l’église est probablement réduite aux dimen-
sions d’une chapelle, avec la conque pour sanctuaire et le presbyterium initial
comme nef 186. À son tour, la grande salle voûtée est transformée en chapelle, grâce

183. Le hameau semble appartenir à la génération de zones d’habitat postérieures à l’attaque noubade
de 435.
184. Des descriptions sommaires et partiellement inexactes du site sont données par Capuani 1999,
p. 232, et Cruz-Uribe, Piccione, Westerfeld 2004, p. 38-40. Müller-Wiener 1963, p. 137, croît y recon-
naître un monastère, plus étendu que celui de Dayr Muṣṭafā Kāšif et postérieur à celui-ci. Selon
M. ¨Uṯmān, des dégagements partiels du site ont été effectués par l’inspectorat local du CSA lors de deux
saisons, en 1988-1989 et 1989-1990 (ces dates sont cependant en contradiction avec les informations
publiées dans Leclant, Clerc 1989, p. 405 et n. 384). Aucun rapport de fouille n’a été publié. L’Ifao a
consacré à l’étude des deux secteurs de ¨Ayn Sa¨af quatre missions en mars et septembre 2007 (V. Ghica),
septembre (V. Ghica, D. Laisney, J. Westerfeld) et décembre 2008 (V. Ghica, S. Marchand, M. Wuttmann).
Des relevés épigraphiques et topographiques ont été effectués, de même qu’un survey céramologique
et des prélèvements de briques crues pour analyse radiocarbone. La datation 14C obtenue pour le site
est : Ifao 279 (333) – 1554 ± 48 ans BP (d13C mesuré de – 25,172 % vs PDB), soit 430 e.c. : 560 e.c.
(68,2 %) (1s).
185. Deux des mausolées sont signalés par Gascou, Wagner, Grossmann 1979, p. 14-15.
186. Capuani 1999, p. 232, considère à tort le chœur comme appartenant au plan initial de cette église.
Aravecchia 2009, p. 153, décèle des indices de réaménagement.
LE CHRISTIANISME DANS LE DÉSERT OCCIDENTAL D’ÉGYPTE 223

Fig. 9 – ¨Ayn Sa¨af est, vue sud-ouest (cl. V. Ghica).


X=569500

X=569550

X=569600
95,00

Y=312150 Y=312150

N
90,00
habitat

g é e s
église

h y p o

habitat
Y=312100 Y=312100

95,0
0
'Ayn 'Azzar
'AYN SA'AF
est
zone basse
s
e
é
g
o
p

mausolée
y

100,00
h

Projection : Egypt Red Belt


Equidistance des courbes de niveau : 1 m.
0 50 m 100 m C IFAO, 2007 - DL

Fig. 10 – Zone Basse de ¨Ayn Sa¨ef est (plan D. Laisney).


224 VICTOR GHICA

à l’adjonction de deux murs, qui ferment l’espace du sanctuaire, et d’un troisième


destiné à délimiter, côté sud, le nouvel aménagement. Le contexte de ces remanie-
ments est difficile à cerner. Les ostraca grecs découverts lors du dégagement 187
laissent penser qu’une communauté pacômienne est installée sur les lieux au
ve siècle 188. En effet, plusieurs ordres de livraison mentionnent comme bénéfi-
ciaire l’oîkía toÕ patròv Makaríou monáxou 189. On ne saurait préciser auquel des
trois monastères connus dans l’oasis – pourvu que ces trois complexes aient été
indépendants – appartenait cette « maison » 190. En faveur d’une confrérie monas-
tique plaide aussi le dipinto laissé dans la partie est de l’abside, qui livre les noms
de dix-neuf moines. En revanche, un autre dipinto copte suggère qu’à l’époque
arabe le site est occupé par des laïcs. Inscrit sur le muret tardif qui limite
l’ouverture de la conque, celui-ci évoque le $Ƃƌmƕ du lieu, un terme qui désigne
en règle générale un fonctionnaire civil 191.

¨Ayn Sa¨af-ouest

La fondation du secteur ouest de ¨Ayn Sa¨af pourrait être contemporaine ou


postérieure à celle du hameau qui lui fait face aux pieds du versant ouest du Ǧabal
al-Ṭayr 192. Il s’agit d’une petite exploitation agricole (fig. 11), établie au centre de
parcellaires antiques irrigués autrefois par un système de canalisation des eaux de
l’hydreuma voisin (fig. 12). La relation entre ces deux localités, contemporaines
pendant un certain temps, et la tour voisine de Ṭāḥūnat al-Hawāˆ, dont on ne
connaît pas la période d’occupation, demeure inconnue 193. La fouille très partielle
effectuée sur le tell et l’état d’ensablement actuel (le site se trouve sur le cordon
dunaire d’Abū Muḥarriq) ne permettent pas une évaluation précise du périmètre
d’habitat. Au vu de la configuration des structures visibles, la zone résidentielle

187. Le contexte archéologique précis de ces ostraca m’est inconnu. La présence de documents
démotiques dans le même lot, conservé à l’inspectorat de Madīnat al-Ḫāriǧa, suscite des interrogations.
Il reste que les ostraca grecs forment un groupe homogène.
188. L’installation des communautés pacômiennes dans des villages abandonnés est un fait bien
connu. Voir en particulier Goehring 1996.
189. Le dossier des ostraca grecs de ¨Ayn Sa¨af est actuellement étudié par Fl. Lemaire, à l’amitié de
qui je dois ces renseignements.
190. Pour la mise au point la plus récente sur les « maisons » des monastères pacômiens, cf. Wipszycka
2009, p. 507-511.
191. Les graffites et dipinti coptes des deux secteurs de ¨Ayn Sa¨af sont en cours d’édition par mes
soins et ceux de J. Westerfeld.
192. La datation radiocarbone des structures bâties du site est : Ifao 281 (335) – 1516 ± 45 ans BP
(d13C mesuré de – 23,418 % vs PDB), soit 440 e.c. : 484 e.c. (19,0 %), 532 e.c. : 604 e.c. (49,2 %) (1s).
193. Seules quelques centaines de mètres séparent ces trois sites.
LE CHRISTIANISME DANS LE DÉSERT OCCIDENTAL D’ÉGYPTE 225

Fig 11 – ¨Ayn Sa¨af ouest, vue sud (cl. V. Ghica)


X=569250

X=569300
habitat

Y=312350 N Y=312350
n pierres
vent e
ara
u rp
m

ravent en pierr
mur r pa es
en mu
pierres
90
,0
0

Y=312300 Y=312300

habitat

église

'AYN SA'AF
ouest

Y=312250 Y=312250

C IFAO, 2007 - DL
0 50 m Projection : Egypt Red Belt

Equidistance des courbes de niveau : 1 m.

Fig 12 – ¨Ayn Sa¨af ouest (plan D. Laisney).


226 VICTOR GHICA

X=570250

X=570300

X=570350

X=570400

X=570450

X=570500
secteur 5

Y=313350
* Y=313350

N secteur 4

* 160,00

GABAL AL-TAYR
170,00

Y=313300 * inscriptions Y=313300

Y=313250 Y=313250

150
,00
150,00

Y=313200 Y=313200

Y=313150 Y=313150
,00
140

140
,00
Y=313100 Y=313100

130,00

Y=313050 Y=313050
00
120,

130,00

Y=313000 Y=313000
,00
110

Y=312950 Y=312950

120,00

Y=312900 Y=312900

**
**
**
Y=312850 *** secteur 2 Y=312850

*
110

secteur 3
,00

* *
*

Y=312800 Y=312800

Y=312750 100
,00
Y=312750

Y=312700 Y=312700

Y=312650 Y=312650
100,00

secteur 1
* 110,00

110,00

Y=312600 Y=312600

Projection : Egypt Red Belt


0 100 200 300 400 500 600 m
Equidistance des courbes de niveau : 2 m. C IFAO, 2006 - DL

Fig 13 – Ğabal al-Ṭayr (plan D. Laisney).


LE CHRISTIANISME DANS LE DÉSERT OCCIDENTAL D’ÉGYPTE 227

comporte approximativement cinq unités d’habitat 194. Dans l’angle sud-est du


périmètre, une église de petites dimensions conserve encore une bonne élévation
et des aménagements intérieurs relativement lisibles sur le terrain. Oblongue, avec
une colonne au centre de la nef, elle est pourvue à l’origine d’un chevet rectangu-
laire, délimité par un mur de cloisonnement à ouverture large, dans lequel une abside
est construite ultérieurement 195. Côté nord, une porte voûtée assurait la communi-
cation avec un vestibule. Trois graffites grecs chrétiens, contemporains de la
période d’activité de l’église, subsistent au-dessus du niveau d’ensablement.

Ǧabal al-Ṭayr

Ǧabal al-Ṭayr dominait jadis, au nord, la ville d’Hibis et sa nécropole,


construite sur le long piémont sud de cette montagne. Au cœur des vallons rocheux,
le long d’un ancien ṭarīq du Darb al-Arba¨īn 196, graffites et tessons de céramique
témoignent de la fréquentation de cette piste depuis la Préhistoire jusqu’aux temps
chrétiens. Cinq secteurs épigraphiques sont décelables à Ǧabal al-Ṭayr (fig. 13),
dont un, situé au nord (secteur 4), intéresse l’archéologie chrétienne 197. Il s’agit
d’une cavité naturelle dans la roche calcaire du massif, utilisée comme habitat
érémitique. Le mobilier céramique récolté sur le site, qui met en évidence des
activités domestiques, témoigne de l’occupation de l’abri aux vie-viie siècles 198. La
nature de cette installation est mieux éclairée par le matériel épigraphique, riche de
quelques dizaines de graffites et dipinti coptes 199. Composé d’invocations, de
mémentos et de quelques litanies, le dossier atteste la fréquentation du lieu par des
résidants d’Hibis, tel un fils de Kollou(thos) 200 et surtout ce Seuêros, fils d’un

194. Le site a été fouillé par l’inspectorat local du CSA en 2003. L’unique publication qui mentionne
le secteur ouest de ¨Ayn Sa¨af est celle de Cruz-Uribe, Piccione, Westerfeld 2004, p. 40.
195. Seule la fouille du bâtiment peut assurer que le local de culte n’est pas installé dans une salle
préexistante.
196. Cette piste secondaire, reliant Dayr Muṣṭafā Kāšif et ¨Ayn al-Dabašiyya, n’est pas répertoriée par
Skriwanek 2005, pl. 4. Elle est, en revanche, décrite chez Fakhry 1942, p. 3-4, et Fakhry 1951b, p. 401-403.
L’information est reprise, avec inexactitudes, par Wagner 1987, p. 145.
197. Le site a été sommairement décrit par de Bock 1901, p. 38. Une présentation détaillée est donnée
par Fakhry 1951b, qui publie 17 des 42 inscriptions coptes de ce secteur. L’Ifao a mené trois missions
à Ǧabal al-Ṭayr, en février (V. Ghica) et septembre 2007 (V. Ghica, D. Laisney), et en septembre 2008
(V. Ghica, D. Laisney).
198. Le matériel céramique récolté dans le secteur 4 de Ǧabal al-Ṭayr est en cours d’étude par les soins
de S. Marchand.
199. Le dossier, brièvement décrit par Roquet 1991b, est en cours d’étude par mes soins et ceux de
J. Westerfeld.
200. Inscription inédite.
228 VICTOR GHICA

lašane d’Hibis (fig. 14), qui signe aussi trois autres graffites dans la nécropole
d’al-Baǧawāt 201. Ce dernier laisse, en même temps que son nom et la fonction de
son père, une date : 552 am (= 836-837 e.c.). L’invocation par laquelle commence
cette inscription (« au nom de Dieu, unique et incarné (?) ») 202, son caractère
polémique implicite dévoilent une oasis qui connaît déjà l’islam. Cependant, le lieu
attire aussi des étrangers. Un Annanias de la « région de l’Oasis intérieure » 203 et un
moine du monastère de Bāwīṭ 204 laissent un souvenir de leur passage. L’invocation
récurrente de la triade Apollo-Anoup-Phib rend Bāwīṭ plus présent que ne le laisse
croire la rareté des toponymes. On y trouve également des clercs et, notamment,
trois évêques, Pedeu, Mêna et Kostan(tinos) 205. Enfin, la mémoire d’un martyr
Mêna est particulièrement à l’honneur, à en juger d’après les quatre inscriptions
qui en font état, dont deux lui attachent l’épithète ƁƐƁ. Est-ce le même personnage
que l’évêque Mêna dont l’inscription est accompagnée de mőŽ ƄƉ 206 ? Y aurait-il un
rapport avec l’ermite de la tombe sur laquelle Dayr Muṣṭafā Kāšif sera érigé plus
tard ? Nous ne saurions répondre.
Toujours est-il que la diversité des origines et le statut social ou ecclésiastique
des visiteurs, le soin apporté, dans la plupart des cas, aux inscriptions et aux dessins,
de même que la longue fréquentation du lieu reflètent sa signification particulière
dans la mémoire collective des chrétiens du nord de l’oasis. Soulignons enfin un
dernier aspect : cet abri est situé à une heure de marche, souvent pénible, de la plus
proche source d’eau, qui se trouve à ¨Ayn Sa¨af.
De ce vie siècle, si mal connu dans l’oasis, nous possédons une source littéraire
qui livre un aperçu aussi fugitif que précieux de quelques établissements chrétiens
d’al-Ḫāriǧa nord. Lors du séjour de Jean Moschus eîv ‰Wasin (sc. ‰Wasin megáljn),
sous Tibère II Constantin (578-582), des Maziques font une incursion dans la
région, tuant des moines et emmenant d’autres en captivité 207. Parmi ces derniers,

201. Roquet 1976, p. 35 ; Roquet 1991a, p. 1317b.


202. %ƌƐƑƁƍ ƌƐƍƏƔƓ[ƅ] ƒƅƒƁƑƖƉƏƒ (sesarkwménov ?) ƏƔƁ. La copie que donne Fakhry 1951b, p.
431, de ce dipinto est incomplète et fautive. Sur ce document, voir les commentaires de Winlock 1941, p. 49,
n. 12 ; Roquet 1976, p. 35 ; Wagner 1987, p. 399 ; Roquet 1991a, p. 1317b. Meinardus 1965, p. 345, reproduit
les informations de Winlock 1941.
203. Inscription inédite.
204. Mallon 1914, col. 2864. Des copies, plus ou moins correctes, de ce dipinto ont été publiées par de
Bock 1901, p. 38 ; Touraïev 1902, p. 246 ; Fakhry 1951b, p. 432.
205. Seule une de ces trois inscriptions est reproduite, de manière incomplète et erronée, par Fakhry
1951b, p. 430.
206. La seule manière de lire ce numéral est de l’associer à l’abréviation suivante. Il s’agirait alors
d’une date : l’an 16 am (300 e.c.). Nous aurions là la plus haute attestation de ce système de datation
(MacCoull, Worp 1990).
207. Jean Moschus, Pratum spirituale 123, PG 87/3, col. 2975-2978 ; trad. M.-J. Rouët de Journel,
Sources chrétiennes 12, Paris, 2006, p. 163-165.
LE CHRISTIANISME DANS LE DÉSERT OCCIDENTAL D’ÉGYPTE 229

Fig 14 – Ğabal al-Ṭayr, dipinto de Seuêros (cl. V. Ghica).

Fig 15 – Graffites et dipinti à l’intérieur du temple d’Umm al-Ġanāˆim (cl. V. Ghica).


230 VICTOR GHICA

il y a trois pateres (dont deux, on ne manquera pas de le remarquer, sont originaires


de Rome et de Constantinople) de la laure située dans les environs de la ville, qu’un
certain Léon, moine originaire de Cappadoce, fera libérer au prix de sa propre vie.
À l’heure actuelle, nous ne connaissons aucune laure dans l’oasis d’al-Ḫāriǧa 208.
Pourvu que Moschus ait été moins exact dans ce passage qu’ailleurs dans son
Leimôn, la laure en question semble désigner soit le monastère de ¨Ayn Sa¨af-est,
probablement actif à la fin du vie siècle, soit celui de ¨Ayn Ǧallāl, au cas où ce
dernier n’est pas déjà abandonné.
Nous suivons l’histoire chrétienne dans l’oasis au hasard de quelques témoi-
gnages littéraires et d’une poignée de sites, dont, à défaut de fouilles, nous ne
connaissons, dans le meilleur des cas, que les termini post quem, exprimés en
siècles.

Umm al-Ġanāˆim

Le petit bourg d’Umm al-Ġanāˆim (al-Dayr), situé à une distance de 21 km au


nord-est d’Hibis, tirait parti à la fois des ressources agricoles d’une petite oasis,
jadis fertile, et de sa position sur le Darb al-Rufūf, qui liait l’oasis à la région située
entre Ǧirǧā et Faršūṭ 209. Dans les environs du secteur résidentiel, fondé à l’époque
perse 210, une forteresse est érigée à la fin du iiie siècle ou au début du ive 211 pour
surveiller le trafic par le Naqb Abū Siġwāl et probablement abriter l’Ala I
Abasgorum 212. Peu d’édifices associés à l’habitat antique d’Umm al-Ġanāˆim sont
connus à l’heure actuelle 213. Parmi ceux-ci, le temple en brique crue d’« Amon
d’Hibis » 214 concerne de près l’histoire chrétienne d’al-Ḫāriǧa. Les graffites et les
dipinti coptes et gréco-coptes inscrits sur la paroi sud de la dernière salle du
bâtiment 215 (fig. 15) lui ont valu d’être considéré à tour de rôle comme une tombe,

208. Contrairement à ce qu’affirme Wagner 1987, p. 362, les installations du Ǧabal al-Ṭayr ne corres-
pondent en rien à une laure, pas plus que celles de ¨Ayn Ṭafnīs. Quant à ¨Ayn Murra (Wagner 1987, p. 360,
362, 398, n. 2), cité par Winkler 1939, p. 7, ce n’est en réalité qu’un autre nom du site de ¨Ayn Ṭafnīs
(Winkler 1939, carte [site no 55]) ; les graffites coptes que Wagner 1987, p. 360, présente comme venant de
¨Ayn Murra se trouvent à Ǧabal Duqm (Winkler 1939, p. 5, pl. vii, 1 et carte [site no 44]).
209. Skriwanek 2005, pl. 4.
210. Dunand, Heim, Lichtenberg 2010, p. 35, 46, 48.
211. Les observations d’ordre général faites, entre autres, par Morkot 1996, p. 87 ; Reddé 1999, p. 383 ;
Rossi, Ikram 2006, p. 284, sont confirmées par Brones, Duvette 2007, p. 21.
212. Reddé 1999, p. 383.
213. Dunand, Heim, Lichtenberg 2010, p. 30-34.
214. Dunand, Heim, Lichtenberg 2010, p. 20, n. 2, 47.
215. La date de construction du bâtiment demeure inconnue. Des fondations et quelques ostraca
démotiques d’époque ptolémaïque fournissent cependant un terminus (Dunand, Heim, Lichtenberg 2010,
p. 47). Pour un plan du temple, cf. Naumann 1939, p. 15, fig. 7.
LE CHRISTIANISME DANS LE DÉSERT OCCIDENTAL D’ÉGYPTE 231

une chapelle ou une église chrétienne 216, voire un ermitage 217. Ce petit dossier
épigraphique est constitué exclusivement de marques de passage s’étalant sur
plusieurs siècles 218 et n’a pas de rapport avec la communauté chrétienne documentée
dans la nécropole ouest entre la fin du ive et le ve siècle 219. Un mémento d’époque
arabe inscrit par un moine de Bāwīṭ a pu laisser croire que le bâtiment abritait
une chapelle dédiée à l’archange Michel 220. Comme les mausolées d’al-Baǧawāt ou
l’ermitage de Ǧabal al-Ṭayr, le temple d’Umm al-Ġanāˆim, situé dans une station
caravanière, attire naturellement les voyageurs. On le constate plus d’une fois en
épigraphie copte et arabe d’Égypte : les lapicides s’inspirent souvent de leurs prédé-
cesseurs. À Umm al-Ġanāˆim, la piété des passants a pour objet l’archange Michel.
Trois signataires l’invoquent, parmi lesquels un Iôhanês de la ville d’Hibis, qui
laisse son nom pendant les deux premiers siècles de l’hégire 221. On note aussi deux
moines du monastère d’Apa Chénouté 222 et un Arôn qui vient de Kerámion, proba-
blement le Kerameíwn kÉmj du nome mothite mentionné en 315 dans P.Kellis 34 223.

¨Ayn Ṭafnīs

Il faut attendre l’époque fatimide pour assister à la fondation d’un nouvel


établissement chrétien, cette fois dans le sud de l’oasis, une région dans laquelle
nous perdons les traces du christianisme dès le ve siècle 224. ¨Ayn Ṭafnīs est situé à

216. De Bock 1901, p. 5 ; Maspero 1912, p. 22 ; Naumann 1939, p. 16 ; Meinardus 1965, p. 346 ;
Wagner 1991a, p. 695a.
217. Coquin 1991b, p. 1658b.
218. J’ai réalisé le relevé de ces inscriptions lors d’une mission en février 2007.
219. Dunand, Heim, Lichtenberg 2010, p. 48.
220. Selon Maspero 1912, p. 22, cette chapelle aurait servi à la garnison de la forteresse. Maspero (p. 147)
prend appui sur la datation haute qu’il propose de ce document pour prouver la présence des militaires à Umm
al-Ġanāˆim à l’époque byzantine. Wagner 1987, p. 387, reprend le même raisonnement, et Antonini 1940,
p. 158, les mêmes conclusions. Le dipinto, mentionné par de Bock 1901, p. 6, et dont une copie peu utilisable est
publiée par Cailliaud 1821, p. 114, pl. xxiii (#11), se lit ainsi : ‫ ؿ‬Ɗ© ¦ Ÿ© Ə ĢƑƖĢƃƃƅƋƏƔ DZƉƖĢƇƋ
ƐĢƑĢƊĢƋƅƒƏƔƌƅ ¤¦ Ÿ© | ƅƑƅmƒƏƍ DZ ő ƏƔ ƊƏƈƋ úƉ DZőĢ|ƊĢőƑƉő Ə
ő ĢƓ ƽ ƒƽƐĢƒƏƍ ƽ ƂƘƇƈmƅ ƄƉĢ DZ ő . . . .
ő ƒ
dzƐƓƘƑ ƌĢƅƓƇƒ %DZƐƇƽƏ ƍƅƂƘƓ œ¦© ¯ DZ›¤¦© ƅ, « ‫ ؿ‬Seigneur Dieu ! Archange Mikhael,
intercède auprès de D(ie)u, aie pitié de nous, protège et aide ! Par moi, Kolth, fils du bienheureux . . . . ., disciple dans
le territoire de Bāwīṭ, écrit le 25 du mois d’(Ha)thôr. » La paléographie suggère une datation basse, peut-être
d’époque fatimide. Wagner 1991a, p. 695a, lit dans ¦© l’année des martyrs 576. Le sigma est pourtant clair.
221. Wagner 1987, p. 156, n. 1.
222. Ce graffite est édité par Mallon 1914, col. 2873.
223. Le village attesté dans la première moitié du viiie siècle par les papyri de Kūm Išqāw (Calderini, I/2,
p. 343-344 ; III, p. 95-96) demeure toutefois possible. Wagner 1991a, p. 695b, opte pour Kerame⁄a/ƐƅƓƅƌƏƔƓ,
l’ancien Madāmūd.
224. Plusieurs missions, menées conjointement par les membres des projets « Chrétiens d’Égypte… »
et « Peuplement de l’oasis de Kharga », ont été effectuées à ¨Ayn Ṭafnīs entre 2006 et 2008. Y ont participé
Y. Béliez, M. Chauveau, V. Ghica, S. Marchand et M. Wuttmann.
232 VICTOR GHICA

Fig. 16 – ¨Ayn Ṭafnīs, arases des bâtiments construits sur la terrasse (cl. V. Ghica).

15 km à vol d’oiseau de l’ancienne Kysis et à une dizaine de kilomètres du Darb


al-Arba¨īn. Le site s’organise autour d’une source de montagne, ¨Ayn al-Ǧabal, la
seule reconnue dans la partie sud de l’oasis d’al-Ḫāriǧa, située aux deux tiers
supérieurs de l’escarpement qui ferme la dépression à l’est. La position du lieu en
fait un accès privilégié au plateau et justifie l’installation ici d’une maḥaṭṭa sur le
parcours du Darb al-Dūš 225. La zone archéologique de ¨Ayn Ṭafnīs, qui s’étend sur
un rayon de 500 m, comprend, hormis plusieurs dépôts céramiques et du mobilier
paléolithique, un campement, plusieurs types d’abris – sous roche ou en pierre
sèche –, ainsi qu’un ensemble de constructions en pierre et brique crue (fig. 16).
Le lieu est fréquenté sur une longue période, comme l’indiquent les ensembles

225. Wagner 1987, p. 144, affirme qu’il n’y a pas d’accès sur le plateau à ¨Ayn Ṭafnīs et que, par consé-
quent, « les caravanes devaient longer le Gebel Tafnis sur une dizaine de kilomètres, vers le sud, jusqu’à la
piste de Douch ». Giddy 1987, p. 10, évoque, à ¨Ayn Ṭafnīs, un sentier qui rejoint le plateau. La prospection
dirigée par M. Wuttmann dans le cadre du projet « Peuplement de l’oasis de Kharga » a permis l’identifi-
cation de trois sentiers qui, partant de la source, débouchent sur le plateau. La route caravanière est visible
sur les images satellitaires Google sur plusieurs kilomètres, avec plusieurs interruptions. Elle se dirige vers
le sud-est pour rejoindre la piste principale du Darb al-Dūš.
LE CHRISTIANISME DANS LE DÉSERT OCCIDENTAL D’ÉGYPTE 233

céramiques répertoriés en surface, qui s’échelonnent entre le iiie et le xxe siècle.


Quant aux bâtiments en pierre et brique crue édifiés sur une esplanade au pied de
la falaise, leur construction remonte à l’époque fatimide 226. La nature de l’habitat
permanent qu’attestent ces structures ne saurait être qu’érémitique 227. On y associe
naturellement plusieurs groupes de dipinti chrétiens inscrits sur les parois de trois
abris situés à quelques dizaines de mètres plus loin 228. D’exploitation plutôt
difficile, ce corpus épigraphique porte la marque de la proximité de la garnison
de Kysis. Oblitérée par des anthroponymes typiquement chrétiens, perdure une
onomastique autochtone, indice d’une datation haute lorsqu’elle est associée à un
épimélète, que nous imaginons engagé dans l’administration de l’annone militaire à
Kysis. On relève également un ƋƁƌƁ$ƅ, titre militaire attesté sous cette forme
uniquement dans la nécropole d’al-Baǧawāt. Les invocations aux saints militaires
Théodore le Stratélate et Victor (le Stratélate ou le martyr de Šū) ne surprennent
pas sur le Darb al-Dūš, que les détachements de soldats et d’auxiliaires se rendant
de la vallée au sud de l’oasis ont emprunté systématiquement au Bas Empire. Enfin,
un ƒƓƑƁƓƉƏƓƇƒ ƁƑƉƈƌ‫{ ׏‬ƔƁ}ƔƁƒƉƓƏƍ livre l’unique attestation d’un corps oasite de
l’armée byzantine. Cette documentation épigraphique, dont une partie remonte
sans doute au début de l’époque byzantine, est associée à un mobilier céramique
bien caractérisé, daté entre le ive et les viie-viiie siècles. Le répertoire de ces assem-
blages comprend des conteneurs de transport et de la vaisselle de cuisine 229. Bien
représentée, cette dernière met en lumière un habitat permanent similaire à celui de
Ǧabal al-Ṭayr.
Enfin, trois autres sites archéologiques de l’oasis, Ṭāḥūnat al-Hawā, Bilayda et
Qaṣr al-Ġuwaiṭa, conservent quelques graffites grecs et coptes d’époque byzantine
que leur état de conservation rend peu exploitables. Il est actuellement impossible
d’établir la relation entre ces documents et les zones d’habitat en question 230.

226. La datation 14C obtenue pour les échantillons provenant de ces structures livre la fourchette
chronologique suivante : Ifao 277 (332) – 991 ± 44 ans BP (d13C mesuré de – 23,283 % vs PDB), soit
994 e.c. : 1046 e.c. (41,1 %) ; 1090 e.c. : 1122 e.c. (20,9 %) ; 1139 e.c. : 1149 e.c. (6,1 %) (1s).
227. Un relais caravanier ou une installation destinée à l’entretien du ¨ayn pourraient également être
envisagés à titre théorique. Il reste que les sites similaires du désert occidental, situés soit en col de montagne
sur des pistes, soit autour d’une source artésienne, n’offrent pas d’exemples de ces types d’aménagements.
228. Winkler 1939, p. 7, Giddy 1987, p. 10, et Wagner 1987, p. 360, signalent des inscriptions à ¨Ayn
Ṭafnīs, sans toutefois fournir des détails sur leur nombre ou leur position sur le site. Le dossier, riche d’une
soixantaine de dipinti coptes, fait partie de ceux que j’ai en cours d’étude.
229. Ce mobilier est en cours de publication par S. Marchand.
230. À Qaṣr al-Ġuwaiṭa, Wagner a identifié un graffite grec qui pourrait être chrétien (Wagner 1987,
p. 26 [graffite no 18], 166). Deux autres graffites, non répertoriés par Wagner, sont gravés à l’intérieur d’une
des structures tardives construites dans l’enceinte fortifiée du temple. Enfin, un autre, copte, est inscrit sur
un des blocs du temple. Dans le sanctuaire d’un des deux temples accolés de Bilayda (le temple ouest),
subsistent encore plusieurs graffites coptes et grecs (voir la description du site donnée par Wagner 1987,
234 VICTOR GHICA

À la rareté des sources chrétiennes après la conquête arabe fait pendant le


silence des auteurs arabes. L’explication que donne Ibn Ḥawqal de ce fait, bien que
réductrice et relevant d’un cliché de la géographie arabe, est confirmée par les
diverses prospections à al-Ḫāriǧa : « Avant la conquête, les oasis étaient une région
peuplée, avec de l’eau, des arbres et des Byzantins (al-rūm) 231. » Les quelques
mentions des oasis chez des géographes des viiie-xe siècles (al-Fazārī, al-Ya¨qūbī,
Ibn Faqīh, al-Hamdānī) 232, laconiques quand elles ne sont pas vagues, préfigurent
la vision d’al-Iṣṭaḫrī, al-Muqaddasī et al-Idrīsī – pour ne citer que quelques
noms –, pour qui, à l’aube de l’époque fatimide, les wāḥāt sont dépeuplées 233. Nous
savons cependant par al-Ya¨qūbī qu’autour du milieu du iiie siècle de l’hégire, à
al-Ḫāriǧa, on exploite encore les ressources du sol et du sous-sol 234, alors qu’Ibn
Ḥawqal évoque la présence de Banū Hilāl dans les oasis 235. C’est chez al-Mas¨ūdī
qu’on devine les raisons de l’oblitération de cette frontière par les auteurs arabes.
En 943, à la tête des oasis se trouve un Lawāta marwānide, qui a sous ses ordres
plusieurs cavaliers montés 236. À l’abri des sables du désert Libyque égyptien, de
l’autonomie militaire et de l’autarcie économique, les Berbères Lawāta cultivent
des sympathies omeyyades. Installés entre al-Ḫāriǧa et al-Farāfira 237 à une époque
postérieure à leur migration à Kufra au vie siècle, ils sont perçus tantôt comme
défenseurs du ribāṭ des oasis, tantôt comme adversaires de celui-ci. L’agenda
idéologique des chroniqueurs et géographes arabes n’autorisera pas l’émergence
dans les sources littéraires musulmanes des « protégés » chrétiens. Seule exception,

p. 172-173). Nous ne connaissons pas la date de l’abandon de ce village. Les seules structures bâties du
site qui ont pu être datées sont la voûte du temple est – Ifao 283 (337) – 1725 ± 45 ans BP (d13C mesuré
de –23,661 % vs PDB), soit 255 e.c. : 306 e.c. (32,6 %) ; 312 e.c. : 356 e.c. (26,7 %) ; 366 e.c. : 381 e.c. (8,9 %)
(1s) – et celle du temple ouest, laquelle a fait l’objet d’un remaniement – Ifao 284 (338) – 1563 ± 45 ans BP
(d13C mesuré de –23,261 % vs PDB), soit 435 e.c. : 490 e.c. (32,8 %) ; 509 e.c. : 518 e.c. (4,3 %) ; 528 e.c. :
576 e.c. (31,1 %) (1s). Des missions de l’Ifao ont eu lieu à Bilayda en septembre (V. Ghica, D. Laisney,
J. Westerfeld) et décembre 2008 (V. Ghica, S. Marchand, M. Wuttmann).
231. Ṣūrat al-arḍ 23, éd. Kramers 1938, p. ١٥٣.
232. Décobert 1982 offre un survol critique et circonstancié des traités de géographie arabes des
viiie-xe siècles.
233. « Il n’y restait (même) pas un moine » (‫ ; )لم يبق فيها ديار‬al-Iṣṭaḫrī, Kitāb masālik al-mamālik,
éd. De Goeje 1927, p. 52. Il faut lire dans ce passage ‫ديَّا ٌر‬, َ « moine », et non pas ‫ ِد َيا ٌر‬, « maisons », comme le
laisse entendre la traduction de Décobert 1982, p. 105 (« aucun humain n’y est resté »). La version d’al-Idrīsī,
par exemple, varie à peine : « Ce pays des Wāḥāt Ḫāriǧa, aujourd’hui désert (‫ )صحراء‬est sans aucun habitant
(‫)لا أنيس بها بلقع لا عامر لها‬, quoiqu’on y trouve de l’eau, était jadis fertile en palmiers, habité et fréquenté » ; Dozy,
de Goeje 1866, p. 50, ٤٣.
234. Kitāb al-buldān, éd. de Goeje 1892, p. ٣٣٢.
235. Ṣūrat al-arḍ 23, éd. Kramers 1938, p. ١٥٥.
236. Al-Mas¨ūdī, Murūǧ al-ḏahab wa-ma¨ādin al-ǧawāhir xxxiii, Barbier de Meynard, de Courteille
1864, p. 51-52. Au xie siècle, les Lawāta sont signalés de nouveau par al-Bakrī (al-Maġrib fī ḏikr bilād
Ifrīqiyya wa-al-Maġrib, éd. et trad. Mac Guckin de Slane 1965, p. 38, ١٥).
237. Mac Guckin de Slane 1965, p. 38, ١٥.
LE CHRISTIANISME DANS LE DÉSERT OCCIDENTAL D’ÉGYPTE 235

l’auteur anonyme du Kitāb al-istibṣār, livre un tableau de la situation religieuse des


oasis au xiie siècle, sinon plus cohérent, du moins plus conforme aux sources
documentaires : « Les oasis sont peuplées de musulmans […]. Dans certaines villes
des oasis se trouvent les tribus de Lawāta, mais [hormis ceux-ci] les habitants de
ces oasis sont coptes 238. »
L’épigraphie arabe est tout aussi discrète sur la situation des ḏimmī oasiens.
Miroir partiel mais fidèle d’Hibis, ensuite de Qaṣr al-Ḫāriǧa, mais aussi du Darb
al-Arba¨īn, les parois des mausolées d’al-Baǧawāt conservent des graffites arabes
inscrits par des musulmans à l’intention de musulmans 239. On y relève à peine, et
non sans surprise, le nom d’un moine persan gravé en 1311 240, sans doute accom-
pagnant une caravane, comme beaucoup des signataires des graffites arabes de la
nécropole 241. Ces documents confirment en revanche une évidence : de la fin du
xe siècle à la fin du xviie, dates entre lesquelles se rangent les inscriptions datées,
l’oasis est bel et bien habitée.
Pauvre en renseignements qui dépassent la petite histoire, le matériel épigra-
phique copte d’époque arabe d’al-Ḫāriǧa permet néanmoins de compléter le
tableau austère livré par les auteurs arabes. On en comprend que l’usage du copte
perdure dans l’oasis au moins jusque dans la première moitié du ixe siècle, période
à laquelle remonte le dipinto susmentionné de Ǧabal al-Ṭayr 242. Des chrétiens
coptophones venus d’ailleurs visitent le temple d’Umm al-Ġanāˆim 243 et les
mausolées d’al-Baǧawāt à l’époque fatimide 244. C’est cette nécropole qui conserve
deux graffites bohaïriques gravés en 1013 245, les derniers documents chrétiens de
datation certaine que l’on connaisse dans l’oasis 246. À cette époque, l’arabisation de
la toponymie copte est entamée, comme le montre le nom d’Hibis marqué par la
phonétique arabe %Ɖ(ƅ (< *‫ < هيف‬%ƇƂ) 247. Une main du viiie siècle grave à al-Baǧawāt
le nom d’un ƌƏƔ%ƁƌƌƅƓ 248, peut-être le premier oasien converti à l’islam dont le
nom nous soit transmis. Pendant les deux premiers siècles de l’hégire, deux chrétiens
au service de l’administration locale, exerçant la même fonction de courrier, gravent

238. Kitāb al-istibṣār, éd. von Kremer 1852, p. ٣٤. Le manuscrit édité par von Kremer contient ‫انباط‬
pour ‫ اقباط‬: ‫واهلها مسلمون … وفي بعض مدن الواحات قبائل من لواتة وانما اهلها انبات‬.
239. Une partie des graffites arabes de la nécropole d’al-Baǧawāt a été éditée par Haggagi 1978.
240. ‫ ; فخر الايراني الراهب‬Haggagi 1978, p. 286 (mausolée no 192).
241. Fakhry 1951a, p. 4.
242. Voir supra, p. 228.
243. Voir supra, p. 231.
244. Sur les graffites coptes de la nécropole d’al-Baǧawāt, cf. Roquet 1976 ; Roquet 1991a.
245. Mallon 1914, col. 2874 ; Roquet 1976, p. 26, 31-33.
246. Wagner 1987, p. 156 et n. 1, affirme à tort que le signataire de ces deux graffites est un habitant
d’Hibis.
247. Fakhry 1951a, pl. xla, xlib.
248. Roquet 1976, p. 37, 43, fig. 5.
236 VICTOR GHICA

leur nom dans la même nécropole. Signe des temps, le technonyme fluctue : l’un se
dit ƗƇƌƁƖƏƒ de l’émir Abraeim 249, l’autre ƐƋƁƐƁƑmƓƇƒ (Ɛ-‫البريد‬-tjv) des deux
régions de l’oasis 250. Enfin, dans un étonnant graffite, nous surprenons deux chrétiens
se réfugiant dans un des mausolées afin d’échapper à un certain ƁƐƏƑƑƅń*ƁƋŃ
(= ‫ )أبو الرجال‬à la solde du « Sarrasin des villages » (ƐƁƋƁƒƑƁƊ åƍƓƉƌƅ) 251.
Les listes épiscopales de l’Église copte nous livrent quelques noms d’évêques
des oasis entre les époques fatimide et mamelouke. Parmi les 47 évêques qui parti-
cipent au synode tenu à Miṣr en 1086, nous trouvons les « évêques des oasis »
(‫ )اسقفا الواحات‬Bifām (= ƕƏƉƂƁƌƌƘƍ) et Quzmān (= ƊƏƒƌƁ) 252, dont nous ignorons
et la localisation et l’étendue des diocèses 253. Ce même Bifām est mentionné dans
l’Histoire des patriarches, qui nous transmet la date de sa consécration épiscopale
par le patriarche Christodoulos : août-septembre 1070 254. De l’époque mamelouke,
probablement des xiiie-xive siècles, date l’original de la liste copto-arabe des
diocèses d’Égypte livrée par le Vat. copto 44, dans laquelle ƏƔƁ%/‫ الواح‬est énuméré
parmi les 62 évêchés du pays 255 (on songe dans ce cas à la Grande Oasis 256). À la fin
du xiiie et au début du xive siècle, les oasis et al-Ašmūnayn ont le même évêque,
Buṭrus, un des prélats qui prennent part à la consécration du chrême en 1299, 1300
et 1305, dont le nom nous est transmis en tant que ‫ اسقف الواحات والاشمونين‬257. Moins
d’un siècle plus tard, en 1346, à la coction du chrême participe l’« évêque de l’oasis »
(‫ )اسقف الواح‬Īsāk 258. Enfin, une liste de diocèses égyptiens, à dater probablement du
xive siècle, mentionne deux évêchés dans les oasis : wsasw katw (l. ‰Wasiv kátw) /
ƏƔƁ% Ɛƅƌ'ƅ ƎƔƑƉƃƊƏƔ / ‫( واح البهنسا الخرجة‬sic) (oasis d’al-Baḥriyya) et anw asanka
(l. ãnw ‰Wasiv) / ƂƁ% ƗƏƉ / ‫( واح البهنسا الداخلة‬sic) (oasis d’al-Ḫāriǧa et al-Dāḫila) 259.

249. Roquet 1976, p. 39.


250. Roquet 1976, p. 34, 38-39.
251. Fakhry 1951a, p. 113, pl. xxxia.
252. Munier 1943b, p. 28.
253. Wagner 1987, p. 366, estime qu’un des deux évêques est celui du diocèse de la Petite Oasis. Rien
ne l’indique.
254. Atiya, Abd al-Masih, Burmester 1959, p. 184, 280-281.
255. Munier 1943b, p. 64 ; Atiya, Abd al-Masih, Burmester 1959, p. ٢١٤, 335.
256. Pour la désignation par antonomase de la Grande Oasis (™) ‰Oasiv, cf. Wagner 1987, p. 133-134.
Pour les ambiguïtés de cet usage, voir cependant Wagner 1987, p. 136-137, 138-140. Sur l’identité ‫ = الواح‬la
Grande Oasis, cf. Amélineau 1893, p. 289.
257. Munier 1943b, p. 6, 37.
258. Munier 1943b, p. 41. Dans l’édition de Munier, ‫ اللواح‬est évidemment une erreur typographique.
259. Amélineau 1893, p. 573, 576 ; Munier 1943b, p. 50, 56-57. Tels qu’ils apparaissent dans le
Par. copte 53, les toponymes arabes sont ambigus. L’interprétation qu’en donne Timm 1992, p. 2931 et que
j’adopte ici se défend mieux que celle proposée par Munier 1943b, p. 56-57. Wagner 1987, p. 366 cite à tort
Amélineau 1893, p. 290-292 pour prouver que l’évêché de la Petite Oasis est attesté à l’« époque copte » ;
les trois manuscrits qui transmettent cette liste sont à l’évidence médiévaux (cf. Munier 1943b, p. 43-44).
Les toponymes cités ici suivent les transcriptions de Munier et non celles d’Amélineau.
LE CHRISTIANISME DANS LE DÉSERT OCCIDENTAL D’ÉGYPTE 237

La Grande Oasis intérieure (oasis d’al-Dāḫila)

Kellis/Ismant al-Ḫarāb

Le raccord entre le P.Genova 20 et le P.Mil.Congr. XIV 68, 82 (= SB 12530,


P.Genova Append.) 260 atteste une communauté chrétienne à al-Dāḫila en 319.
Le document est un contrat d’association entre deux habitants d’un village situé à
proximité de Môthis dont le nom se trouve partiellement en lacune (âpò kÉmjv [.]
éllewv t±v Mwqit¬n) 261. En 1995, après une dizaine d’années de fouilles, sont
publiés les premiers papyri grecs d’Ismant al-Ḫarāb 262 et le toponyme y apparaît
clairement : Kélliv / Kéllewv kÉmj.
L’importante masse de documents inscrits mis au jour à Ismant al-Ḫarāb
livre une image complexe et mouvante de la vie religieuse et culturelle de ce
village provincial au ive siècle. Quelques textes littéraires, essentiellement grecs et
coptes, mais aussi syriaques – un fragment de l’Iliade, trois discours d’Isocrates
(P.Kellis III), quelques-unes des Épîtres de Mani (P.Kellis VI), des Psaumes
manichéens (P.Kellis II et VI), un fragment de l’Épître aux Romains, etc. – en sont
le reflet direct. Paradoxalement peut-être, cette documentation, foisonnante si on
la compare à l’ensemble des oasis, répond à autant de questions qu’elle en soulève
des nouvelles. Dès l’époque constantinienne, des chrétiens sont attestés à Kellis par
les sources archéologiques et papyrologiques 263, alors que les esquisses prosopo-
graphiques qui se dégagent des papyri d’Ismant al-Ḫarāb suggèrent une présence
chrétienne dans l’oasis dès la fin du iiie siècle 264. Cependant, l’implantation précoce
du christianisme ne va pas toujours de pair avec une évangélisation profonde :
en P.Kellis 48, le « christianisme exceptionnel » (üperbol® xristianótjtov) 265 clamé
par le signataire et le réflexe langagier üpò Día G±n ÊJlion s’accommodent sans
embarras. C’est dire que les textes de Kellis relèvent d’une période de transition.
On y saisit sur le vif la mixité religieuse : des chrétiens, des païens (le temple du

260. Wagner 1987, p. 190, 327-328, 365.


261. La nature chrétienne du document est assurée par la formule sùn qe¬ç (l. 10).
262. Les fouilles de Ismant al-Ḫarāb, sans doute les plus significatives pour l’étude du christianisme
oasite, sont menées depuis 1986 par l’université Monash sous la direction de C.A. Hope. Les nombreuses
publications issues de ces fouilles, dont on trouvera une liste sur le site http://arts.monash.edu.au/
archaeology/excavations/dakhleh/index.php#reports (22.08.2011), dispensent d’une description du site
archéologique, qui déborderait les objectifs de cette étude.
263. P.Genova 20 + P.Mil.Congr. XIV 68, 82 est daté de 319, P.Kellis 13 de 335, et P.Kellis 58 de 337.
Pour les dates des émissions monétaires auxquelles correspondent les documents numismatiques associés
aux trois églises de Kellis, voir infra, n. 282, 284.
264. Bowen 1998, p. 158-161.
265. Cette expression pourrait tout aussi bien désigner le manichéisme (P.Kellis V, p. 79).
238 VICTOR GHICA

dieu-sphinx Toutou/Tithoês semble être encore en activité en 335 266) et, depuis
320-330 267, un groupe de catéchumènes manichéens 268 cohabitent dans le village
pendant quelques décennies. Plus encore, il est parfois difficile, sinon impos-
sible, de distinguer à cette haute époque et dans ces contrés lointaines entre un
christianisme qui échappe probablement au contrôle dogmatique alexandrin, et un
manichéisme par excellence protéique et missionnaire, dont le fondateur se veut
« apôtre de Jésus Christ » (P.KellisCopt. 53, 12, 1-2) 269. Il en est ainsi d’un ou deux
monastères mentionnés dans les papyri 270, dont nous ignorons la localisation 271 et
surtout l’appartenance religieuse 272. Les références dans ces archives à divers
grades cléricaux – lecteur, diacre, prêtre, évêque 273 – sont tout aussi difficilement
attribuables aux chrétiens qu’aux manichéens. En deux cas 274, on serait tenté de
trancher vu le contexte explicitement manichéen des documents, mais la présence
d’un diacre dans le clergé manichéen est surprenante. Aux mentions des actes
de charité (âgápj) sont associés aussi bien des chrétiens que des manichéens 275.
Cet enchevêtrement confessionnel trahit l’assimilation des manichéens à l’église

266. P.Kellis 13 ; P.Kellis II, p. xi et n. 22. Le nom de l’Aurêlios Stônios mentionné dans P.Kellis 13,
ïereúv du village, apparaît également dans les papyri du temple principal de Kellis (Worp 2002).
267. P.Kellis II, p. xii. Une date plus haute est proposée dans P.Kellis VI, p. 4.
268. P.Kellis II, p. viii-ix ; P.Kellis V, p. 74 ; P.Kellis VI, p. 3-4.
269. Dubois 2003, p. 294 met bien en évidence la difficulté qu’il y a à interpréter l’appartenance
religieuse de certains de ces documents.
270. P.Kellis 12, P.KellisCopt. 12 et P.Kellis IV, 320, 513. O.Kellis 121 contient le nom d’un mónox(ov).
271. Dans leurs commentaires respectifs à P.Kellis 12 et P.KellisCopt. 12 (voir aussi P.Kellis V, p. 76 ;
Gardner 2000, p. 254), les éditeurs avancent l’hypothèse de Tinayda, toponyme dans lequel Wagner 1987,
p. 196, voit le copte Ɠ%ƅƍƅƅƓƅ, « monastère ». Le même rapprochement est fait dans P.Kellis IV, p. 75.
En supposant que cette étymologie soit correcte, il reste qu’aucun des vestiges dans les environs de Tinayda,
à l’extrême est de l’oasis, ne peut être identifié avec un monastère.
272. Le caractère manichéen de ce monostß[rion] de P.Kellis 12, l. 18-19, qui est le même que le
%ƅƍƅƓƅ de P.KellisCopt. 12, l. 6, est affirmé par les éditeurs de P.KellisCopt. 12 sur la base d’un raison-
nement circulaire (P.Kellis V, p. 72 ; le « monastère manichéen » est également évoqué dans P.Kellis V,
p. 76-78 ; P.Kellis VI, p. 3). Prouver que ces deux termes ainsi que mƘƓ (P.KellisCopt. 12, l. 7) sont attri-
buables à une structure monastique manichéenne nécessite un autre type d’argumentaire (voir les réserves
exprimées par Dubois 2003, p. 295-296). Il reste que le signataire de P.Kellis 12 semble être manichéen.
Pour ce qui est du désormais fameux Tóp(ov) Mani de P.Kellis IV, 320, 513, son identification avec le
monastère précédemment mentionné (voir P.Kellis V, p. 128 ; Gardner 2000, p. 253-254) demeure conjec-
turale. Les seules informations connues au sujet de ce topos (sa désignation et la mention d’un monax(óv) qui
y réside – P.Kellis IV, 975, 1109, 1433) recommandent une communauté monastique chrétienne. Pourvu que
de tels établissements aient existé dans le manichéisme occidental, on imagine mal un monastère manichéen
portant le nom du fondateur à une époque où cette religion fait l’objet de persécutions. Si P.Kellis IV le date
de 376-379, et non de 361-364, il est postérieur à l’édit émis par Valentinien en 372.
273. P.Kellis 32, 21 ; 24, 3.11 ; 58, 8 ; P.Kellis IV, 96, 142, 576, 621, 706, 707, 1155-1156, 1179, 1307,
1315, 1576.
274. P.KellisCopt. 19, 48 ; 30, 4.
275. P.KellisCopt. 15, 16. 23 ; 17, 24. 34 ; 44, 12 ; P.Kellis IV, passim. Voir aussi Gardner 2000, p. 256.
LE CHRISTIANISME DANS LE DÉSERT OCCIDENTAL D’ÉGYPTE 239

chrétienne locale 276. La législation impériale anti-manichéenne du ive siècle semble


expliquer non seulement l’installation des manichéens dans l’Oasis intérieure au
début du siècle – probablement à la suite du rescrit de Dioclétien – mais aussi, par
la suite, leur insertion dans la communauté chrétienne, phénomène bien attesté
dans l’Égypte du ive siècle 277. C’est précisément ce crypto-manichéisme qui justifie
les lois anti-manichéennes émises sous Gratien, Valentinien et Théodose en 381,
382 et 383 278.
On perd de vue cette communauté hétérogène dans la dernière décennie du
ive siècle, quand le village est abandonné, probablement du fait de l’abaissement des
nappes phréatiques. Plusieurs nécropoles 279 et trois églises témoignent de ces débuts
chrétiens à Ismant al-Ḫarāb 280. Au centre du complexe ecclésial est se trouvent
deux églises, une grande basilique et une chapelle aménagée dans deux salles
préexistantes 281. Les pièces de monnaies et la céramique associées au niveau du
sol indiquent comme période d’activité de la petite église est les années 320-330 282.
La grande église est – dont l’édification, dans le même groupe de bâtiments, répond
vraisemblablement aux besoins d’une communauté grandissante – correspond
probablement à l’êkkljsía kaqolikß évoquée dans P.Kellis 24, 3 ; 32, 21 ; 58, 8 283.
Son plan basilical invite à situer sa fondation entre 313 et 337, datation corroborée
par le matériel monétaire identifié sur et dans le sol de l’église 284. Si ces deux lieux
de culte offrent un ample faisceau d’indices qui étaye leur caractère chrétien,
l’église ouest présente une situation légèrement différente. Son association avec
plusieurs sépultures chrétiennes 285 et sa planimétrie porteraient d’emblée à croire
qu’il s’agit d’une chapelle funéraire chrétienne. Il reste toutefois que l’édifice est
dépourvu de décoration et que la fouille a mis en évidence une absence presque
totale de mobilier cultuel 286. Mettre en relation ce bâtiment avec le sanctuaire (èƐƅm)

276. Gardner, Lieu 1996, p. 167-168 ; P.Kellis II, p. ix, xi, xii ; P.Kellis v, p. 73-75, 79-80 ; P.Kellis VI,
p. 7.
277. Stroumsa 1986, p. 312-317.
278. Sur cette législation, cf. Beskow 1988.
279. Plusieurs articles ont été consacrés aux structures et au mobilier funéraire découvert dans les
nécropoles de Kellis. Pour une étude d’ensemble des pratiques funéraires chrétiennes attestées à Kellis,
cf. Bowen 2003b.
280. Pour la description de ces monuments, cf. Bowen 2002 et Bowen 2003a.
281. La réutilisation d’un bâtiment préexistant n’en fait pas un domus ecclesiæ, édifice défini comme tel
par Bowen 2003a, p. 162b.
282. Bowen 2003a, p. 164a.
283. Les doutes exprimés par l’éditeur (note à P.Kellis 58, 8) quant au caractère chrétien de cette
désignation ne sont pas justifiés par les parallèles connus dans la documentation papyrologique. Voir dans le
même sens, P.Kellis v, p. 72 n. 76 et p. 74.
284. Bowen 2002, p. 81-83.
285. Bowen 2002, p. 78b, 81a.
286. Bowen 2002, p. 77b.
240 VICTOR GHICA

mentionné en P.KellisCopt. 22, 61 – une lettre manichéenne – demeure envisa-


geable 287. Les documents numismatiques placent la période d’activité de cette
église entre 350-360 et 390 288, jalons qui correspondent avec ceux de la documen-
tation écrite manichéenne de Kellis 289.
Comme pour al-Ḫāriǧa, nous ne possédons pas de sources qui indiquent expli-
citement la localisation de l’évêché de l’oasis, attesté dans la seconde moitié du
ive siècle par P.Kellis IV, 620-621, 706. Tout semble pourtant recommander la
capitale du nome, M¬qiv, actuellement Mūṭ al-Ḫarāb 290, un site dont les niveaux
de la fin du Bas-Empire et du début de l’époque byzantine sont cependant mal
conservés 291. Les établissements romains qui ont livré des vestiges chrétiens datés
du ive siècle sont situés dans l’aire urbaine ou péri-urbaine des deux localités princi-
pales de l’oasis à l’époque, Môthis et Trimithis 292.

¨Ayn al-Ǧadīda

Le site de ¨Ayn al-Ǧadīda, situé à 11 km est/nord-est de l’ancienne Môthis


et 5,5 km ouest/nord-ouest de Ismant al-Ḫarāb, est une de ces agglomérations de
l’arrière-pays de Môthis. La nature du site archéologique – village agricole,
monastère, etc. – n’a pas été établie 293. Des cinq tells sur lesquels se concentrent les
vestiges du site, un seul (tell I) a fait l’objet de fouilles 294. Ce secteur abrite plusieurs

287. Voir aussi P.Kellis IV, p. 81.


288. Bowen 2002, p. 83b.
289. P.Kellis V, p. 10-11, 55-58.
290. P.Kellis IV, p. 81 ; Hope 2003, p. 74b.
291. Voir cependant l’inscription chrétienne relevée et incorrectement lue par Mills 1981, p. 188b,
pl. xiib (lecture reprise par Bowen 1998, p. 335), et éditée par Wagner 1987, p. 80 (voir aussi pl. xxxiv).
Wagner 1987, p. 189-190, résume les références à Môthis dans les sources écrites. Pour le peu d’informa-
tions livrées par les fouilles de Mūṭ al-Ḫarāb sur Môthis aux époques romaine et byzantine, cf. Hope 2001,
p. 36b ; Hope 2003, p. 74b.
292. Le site de Dayr al-Ḥaǧar ne saurait être compté parmi les sites chrétiens de l’oasis d’al-Dāḫila.
Meinardus 1965, p. 346-347, et Capuani 1999, p. 228 signalent à l’intérieur du temple bâti sous Néron une
église, dont aucun vestige ne subsiste aujourd’hui (même conclusion chez Coquin 1991a, qui, cependant,
situe à tort l’érection du temple à l’époque ptolémaïque).
293. Bayumi 1998 y reconnaît un monastère, identification adoptée également par Bowen 2008, p. 15,
n. 2. Pour une ample discussion sur la nature de cet établissement, cf. Aravecchia 2009, p. 241-260.
294. Le site a été prospecté par le DOP en 1980 ; pour les résultats de ce survey, cf. Mills 1981, p. 185a
(site 31/405-N3-1). Les premiers dégagements du site ont été effectués entre 1993 et 1995 par l’inspectorat
du CSA à al-Dāḫila sous la direction de K. al-Bayūmī ; les résultats de ces campagnes sont très brièvement
présentés par Bayumi 1998. La fouille a été poursuivie en 2006 et 2007 par une mission conjointe du CSA
et de la Columbia University, laquelle continue seule, depuis 2008, les travaux de terrain. Une présentation
exhaustive des résultats préliminaires des travaux effectués par la Columbia University est donnée par
Aravecchia 2009, en particulier p. 51-57, 64-82.
LE CHRISTIANISME DANS LE DÉSERT OCCIDENTAL D’ÉGYPTE 241

insulæ de plan irrégulier, dominées par deux complexes de bâtiments, une église
avec plusieurs salles associées et un temple transformé au courant du ive siècle en
atelier de potiers. L’église oblongue, avec une nef dépourvue de bas-côtés 295, est
aménagée dans un édifice préexistant dont le plan est élargi à l’est par l’adjonction
d’un sanctuaire pourvu d’une abside et d’un pastophorion, côté sud-est. Le binôme
fonctionnel constitué par cette église et la salle nord avec laquelle elle communique
– un kathestêrion 296 – rapproche cet ensemble de ceux de la petite église est de Kellis
et, surtout, de ¨Ayn Sa¨af-ouest. Le mobilier céramique et numismatique indique
comme fourchette chronologique sûre de l’occupation du village le ive siècle 297.
L’abandon du site correspond au modèle qui se vérifie sur nombre de sites des oasis
à la fin du ive siècle 298.

Trimithis/Amḥayda

Le lieu-dit Amḥayda, l’ancienne Trim⁄qiv/ƓƑƉä%ƉƓƅ 299, a livré jusqu’ici peu


d’indices de sa christianisation. Le fait surprend dans une localité qui, déjà en 304 300
et jusqu’au vie au moins 301, jouit du statut de ville et concentre l’activité écono-
mique et militaire dans l’ouest de l’oasis 302. Les fouilles du site ont cependant visé
jusqu’à présent des secteurs restreints 303. De la vie chrétienne de cette polis qui

295. La liste d’églises égyptiennes sans bas-côtés fournie par Aravecchia 2009, p. 150-157, sous-entend
le choix stylistique fait par les constructeurs de l’église de ¨Ayn al-Ǧadīda. Comme dans le cas de la petite
église est de Kellis, il s’agit à l’évidence d’une solution dictée par le contexte même de réaménagement dans
un espace exigu.
296. Aravecchia 2009 avance des propositions divergentes quant à la fonction de cette salle : local de
réunion (p. 97), pronaos (p. 92, 163, suivant l’interprétation donnée par Bowen 2003a, p. 162b, de la salle qui
jouxte, au nord, la petite église est de Kellis), voire réfectoire, etc. (p. 243). Ce kathestêrion, avec une cuisine-
vestibule accolée (pièce B6 ; cf. Aravecchia 2009, p. 98-100), partage les caractéristiques principales de celui
de l’église de Šams al-Dīn (cf. Wagner 1987, p. 38-39, 387).
297. Aravecchia 2009, p. 140, 145-148, 221-222. Le matériel inscrit, ostraca et graffites grecs et coptes,
est inédit (Aravecchia 2009, p. 62, 223-224).
298. Sur le contexte de l’abandon de ¨Ayn al-Ǧadīda, cf. Aravecchia 2009, p. 224-225.
299. P.KellisCopt. 50, 19.
300. P.Kellis 49, 1-2 (pour une bibliographie actualisée sur les attestations de Trimithis à cette haute
époque voir note ad loc.).
301. Georges de Chypre, Descriptio Orbis Romani 786, éd. Honigmann 1939, p. 61. Voir aussi Wagner
1987, p. 191, n. 6. Sur les problèmes de chronologie posés par la liste de l’auteur de la Descriptio, voir
Honigmann 1939, p. 49-50a.
302. Wagner 1987, p. 190-192, 386-387.
303. Des fouilles systématiques du site ont été entamées en 2000 par la Columbia University, sous
la direction de R.S. Bagnall. Depuis 2008, les travaux de terrain sont menés sous le patronage conjoint
des universités de Columbia et New York. Les rapports annuels des fouilles sont consultables sur le site
http ://www.amheida.org/index.php ?content=reports (22.08.2011). L’information présentée ici provient
essentiellement de ces rapports.
242 VICTOR GHICA

aurait pu abriter un siège épiscopal 304, témoigne surtout une église de petites
dimensions, datable du ive siècle 305. Le plan du monument correspond au modèle
basilical attesté dans les églises contemporaines de la Grande Oasis. On note
un chevet de plan rectangulaire, deux entrées dans les murs ouest et sud, ainsi que
deux sépultures, considérées par les fouilleurs contemporaines de la période
d’activité de l’église. Enfin, les O.Trim. lèvent encore plus le voile sur le paysage
religieux de Trimithis, où, au ive siècle, on découvre, à côté d’une anthroponymie
timidement christianisée, un clergé composé de prêtres et diacres 306.

Qaṣr al-Dāḫila

À la même époque, dans la partie ouest de l’ancienne Oasis intérieure, à 3,5 km


au nord de Trimithis, Qaṣr al-Dāḫila abritait également une communauté
chrétienne. Depuis 2008, les fouilles effectuées à l’intérieur de la ville médiévale
d’al-Qaṣr 307 ont mis en évidence des pans du mur d’enceinte du castrum 308 attesté
par les documents papyrologiques au ive siècle 309 et décrit à l’époque fatimide
par al-Bakrī 310. Plusieurs ostraca coptes, associés pour la plupart à un mobilier
céramique d’une amplitude chronologique significative (ive-viiie siècles) 311, ont été
mis au jour lors de fouilles dans deux secteurs de l’enceinte 312. Un de ces documents,
datable entre la fin du ive siècle et le milieu du ve, confirme que le « castrum impérial »
(ƐƊƁƒƓƑƏå äƐƑƑƏ) se trouvait à Qaṣr al-Dāḫila et atteste l’existence d’un village à
proximité du fort militaire 313.

304. Voir les commentaires de Bagnall, Ruffini 2004, p. 143, n. 4 à propos de Wagner 1987, p. 191 et n. 5.
305. Cette église a été présentée par N. Aravecchia au colloque du DOP tenu à Leyde en juin 2012.
Une description du monument est publiée dans le rapport de fouilles de la saison 2012.
306. Bagnall, Ruffini 2004 ; Bagnall, Ruffini 2012.
307. Des fouilles et des travaux de restauration sont menés à Qaṣr al-Dāḫila depuis 2002 sous l’égide
de l’Université de Groningue, sous la direction de Fr. Leemhuis. Les rapports des travaux de terrain, dont
les renseignement présentés ici sont tirés, sont publiés sur le site http://arts.monash.edu.au/archaeology/
excavations/dakhleh/index.php (22.08.2011).
308. Rapport 2008, p. 6-8.
309. P.Bingen 119B, ro, 9 ; 120, vo, 43 ; P.Kellis IV, 793, 1263, 1338 ; O.Kellis 102, 5 ; 291, 8 (dans ce
dernier document, le substantif est au singulier : [t]ò kástro[n] ; sur l’usage indifférencié du singulier et
du pluriel de kástron pour désigner les forts militaires en Égypte entre le ive siècle et le début du viiie,
cf. Bagnall 2001a, p. 7-8).
310. Al-Maġrib fī ḏikr bilād Ifrīqiyya wa-al-Maġrib, éd. et trad. Mac Guckin de Slane 1965, p. 37, ١٥.
311. Rapport 2009, p. 4, 6-8 ; Rapport 2010, p. 3, 5 ; Gardner 2012.
312. Rapport 2009, p. 4, 6, 7 ; Rapport 2010, p. 3. Quatre de ces ostraca coptes ont été dégagés par le
CSA dans un autre secteur de la muraille (Gardner 2012).
313. Gardner 2012. I. Gardner a eu l’amabilité de me faire parvenir une copie de l’édition de cet
ostracon avant sa publication. Qu’il trouve ici l’expression de ma reconnaissance.
LE CHRISTIANISME DANS LE DÉSERT OCCIDENTAL D’ÉGYPTE 243

¨Ayn Sabīl

Tout récemment, une église a été dégagée sur le site archéologique de ¨Ayn
Sabīl, situé à 1,7 km au sud-ouest d’Ismant al-Ḫarāb 314. De plan basilical, l’édifice
partage avec les églises de Šams al-Dīn, Dūš-nord, Dūš-est, ¨Ayn Sa¨af-ouest
(phase I) et l’église du temple d’Hibis un chevet rectangulaire. La nef est séparée
des bas-côtés, y compris côté ouest, par une colonnade composée de dix colonnes
maçonnées 315. Le monument n’est actuellement pas daté, mais les ostraca coptes
découverts sur le site orientent sa datation vers les ive-ve siècles 316.
Le tableau de la propagation du christianisme dans l’Oasis intérieure à la fin
du Bas Empire et au début de l’époque byzantine est complété par plusieurs nécro-
poles de petites dimensions 317. L’exemple du cimetière à l’est de ¨Izbat al-Šayḫ
Mawhūb, le seul à avoir été examiné de manière plus détaillée, confirme l’homogé-
néité des pratiques funéraires chrétiennes sur l’ensemble de la Grande Oasis 318.
Enfin, un ermitage a été identifié dans la partie est de l’oasis (non vidi) 319.

Dayr Abū Mattā

Sur le christianisme d’époque byzantine, nous sommes renseignés uniquement


par la documentation provenant de Dayr Abū Mattā, un ensemble de bâtiments
situé à mi-distance entre Qaṣr al-Dāḫila et l’ancienne Môthis. Le toponyme arabe
semble dans ce cas refléter la fonction de ce complexe archéologique, composé,
selon les descriptions des fouilleurs 320, d’une église, une tour, un bâtiment annexe,
d’un cimetière chrétien et de plusieurs pans de murs appartenant à des aménage-
ments dont la nature n’est pas encore identifiée. Le caractère monastique du site,
reconnu avant le début des fouilles 321, est étayé par le plan de la basilique, qui

314. Les seules informations publiées par les fouilleurs sont parues dans le journal al-Ahrām : http://
english.ahram.org.eg/NewsContent/9/42/28128/Heritage/Coptic/A-Coptic-city-uncovered-in-Dakhla.
aspx (10.12.2011).
315. Une description sommaire de l’église est fournie par Aravecchia 2009, p. 42.
316. J’ai pu voir les photographies de ces ostraca à l’inspectorat du CSA d’al-Dāḫila en février 2009.
317. Pour bibliographie et analyse d’ensemble, cf. Bowen 2003b.
318. Bowen 2008, p. 11-12.
319. Mills 1979, p. 182 (site 33/390-I6.1).
320. Après des prospections et des sondages effectués en 1979 et 1980 par le DOP, le site fait l’objet,
depuis 2008, d’une fouille systématique menée par la Monash University (Melbourne), sous la direction
de G.E. Bowen. Certaines observations qui apparaissent dans Mills 1981, p. 185b, comme celle concernant
les neuf salles de l’église, doivent être considérées à la lumière des rapports publiés par les fouilleurs
australiens.
321. Mills 1981, p. 185b ; Grossmann 1991b, p. 706a ; Capuani 1999, p. 229.
244 VICTOR GHICA

adopte un modèle essentiellement conventuel bien connu entre le ve et le vie siècle 322,
et par la tour, dans laquelle on peut reconnaître un ǧawsaq, structure attestée aux
Quṣūr ¨Īsā dès le ve siècle 323. Les structures bâties relèvent de plusieurs phases
d’occupation 324, dont l’une, postérieure mais probablement aussi contemporaine
de l’utilisation cultuelle de l’église, est caractérisée par plusieurs sépultures
chrétiennes 325. Le mobilier archéologique situe la période de fonctionnement de
l’église au ve et au vie siècle 326. Enfin, les ostraca mis au jour, inédits 327, ne sont
actuellement pas utilisables comme marqueurs chronologiques.
L’église est une des nombreuses répliques de la basilique du monastère Blanc 328.
La nef est délimitée sur trois côtés par une colonnade rectangulaire ouverte devant
le sanctuaire 329. En l’absence de narthex – absent dans la plupart des églises
monastiques –, deux entrées, l’une au centre du mur ouest, l’autre dans l’angle
nord-ouest, assurent l’accès depuis l’extérieur directement dans la nef. Une ou
plusieurs fenêtres 330 – élément composant du modèle architectural du monastère
Blanc – détonnent dans la documentation oasienne disponible pour l’époque. Un
chevet trilobé occupe, avec deux couloirs orientés est-ouest (des pastophoria
dessinés sur le modèle des églises des monastères Blanc et Rouge 331), le mur est.
Lors d’un réaménagement, un périmètre fermé, d’utilisation non identifiée, a été
créé entre les colonnes ouest et les trois premières colonnes des rangées nord et sud
qui ont été, du moins partiellement, engagées dans un muret 332.
L’église de Dayr Abū Mattā, la seule basilique triconque connue à l’extérieur de
la vallée du Nil, soulève la question des vecteurs de transmission du modèle archi-
tectural de Sūhāǧ à al-Dāḫila et, implicitement, des relations entre ce monastère
et le monastère Blanc. Il serait peut-être utile de rappeler à ce propos une tradition
rapportée dans la version arabe de la Vie de Chenouté, qui attribue au fondateur du

322. Les églises à chevet trilobé de Dayr Anbā Šinūda, Dayr Anbā Bišūy de Sūhāǧ et celle du temple
de Dandara sont datées du ve siècle. Celles de Dayr Abū Fānā et Dayr al-Maṭmar remontent au vie siècle.
323. Bridel 1990, p. 27.
324. Le phasage provisoire donné par Bowen 2010, p. 18-20, remplace les observations antérieures de
Bowen 2008 et Bowen 2009.
325. Mills 1981, p. 185b ; Bowen 2008, p. 7, 8 ; Bowen 2009, p. 10, 11, 13 ; Bowen 2010, p. 12, 13, 18-19.
326. On retiendra cette datation, avancée dans le dernier rapport de fouilles de Bowen 2010, p. 19.
Grossmann 1991b, p. 706a, assignait la construction de l’église au vie siècle tardif. Grossmann 2002, p. 566,
revient sur cette affirmation pour proposer une date antérieure à la conquête arabe.
327. Bowen 2008, p. 11 ; Bowen 2009, p. 11 ; Bowen 2010, p. 12, 17.
328. Grossmann 2002, p. 120.
329. Deux plans de cette église ont été publiés avant la fouille de la Monash University par Winlock
1936, pl. xiii, et Grossmann 1991b, p. 706b (repris dans Grossmann 2002, pl. 180). Le plan le plus actualisé
est celui de Bowen 2010, p. 10-11.
330. Winlock 1936, p. 24 ; Bowen 2008, p. 11 ; Bowen 2009, p. 12.
331. Grossmann 2002, p. 530, 538.
332. Bowen 2010, p. 8.
LE CHRISTIANISME DANS LE DÉSERT OCCIDENTAL D’ÉGYPTE 245

monastère Blanc l’édification, dans « la ville de l’oasis », d’une église dédiée à la


sainte Trinité 333. Certes, la valeur historique de cet épisode, agrémenté comme il
est de miracles, reste à démontrer. Il n’en demeure pas moins que le rapprochement
entre Sūhāǧ et cette madīnat al-wāḥ – que nous ne saurions guère situer sur la carte
du désert occidental – ne relève pas du cliché littéraire.
Pendant un millénaire, du vie siècle jusqu’à l’époque ottomane, le christia-
nisme disparaît des sources littéraires et archéologiques dont nous disposons pour
l’Oasis intérieure. Le fait s’explique avant tout par le déclin démographique que
connaît la Grande Oasis à l’époque byzantine, fait mis en évidence par les prospec-
tions systématiques des oasis d’al-Ḫāriǧa et al-Dāḫila. Si le floruit du christianisme
oasite sous les Constantiniens et les Valentiniens bénéficie d’une documentation
archéologique qui dépasse de beaucoup les sources similaires contemporaines
connues dans la vallée et le delta du Nil, c’est que cette époque coïncide avec la
dernière période de prospérité de la Grande Oasis. La surexploitation des ressources
d’eau pendant la colonisation romaine se traduit, sous les Théodosiens, par un
désengagement marqué de l’Empire dans cette région, que les sources archéolo-
giques reflètent fidèlement. Les seuls documents explicitement chrétiens que nous
possédons pour l’oasis d’al-Dāḫila pendant cette longue période sont conservés sur
deux pistes caravanières, le Darb al-Ṭawīl et le Darb al-Ġubbārī.

Darb al-Ṭawīl

Jusqu’au début du siècle passé, la piste du Darb al-Ṭawīl était la principale


voie de communication directe entre al-Dāḫila (Balāṭ) et la vallée du Nil (Banī
¨Adī, Asyūṭ, Manfalūṭ) 334. Non loin de son point de départ dans l’oasis, au lieu-
dit Ḥalfat al-Biˆr, plusieurs graffites pariétaux 335 et une inscription sur pierre
erratique 336 témoignent de la fréquentation de la piste par des coptophones entre
le ive 337 et le xe siècle 338. Un graffite daté du xe siècle, peut-être de l’an 313 de
l’hégire (925-926 e.c.), est signé par un Stephne, fils de Psate, habitant de Môthis

333. Amélineau 1888, p. 376.


334. Skriwanek 2005, p. 87-88, pl. 3.
335. Hormis les graffites coptes mentionnés ici, les rochers qui entourent le lieu-dit Ḥalfat al-Biˆr
sont couverts de nombreux dessins et de quelques graffites pharaoniques isolés. Sur cette documentation,
cf. Giddy 1987, p. 209, 253-255.
336. Wagner 1987, p. 146 ; Ghica 2006, p. 325-326.
337. Le Panare qui grave la pierre erratique est un habitant de ƃƘƋƘƋƅ, l’ancienne Kellis (Ghica 2006),
qui cesse d’être habitée à la fin du ive siècle.
338. J’ai identifié ce groupe de graffites lors d’une prospection épigraphique en février 2006. Les
documents sont encore inédits.
246 VICTOR GHICA

(ƌƘƓ) 339. Même si le Darb al-Ṭawīl n’a pas fait l’objet d’une prospection archéo-
logique complète, on y a identifié un type de jarre de transport dont les dates
présumées de production se situent à l’époque byzantine 340.

Darb ¨Ayn Amūr et Darb al-Ġubbārī

La chronologie des contacts entre les oasis d’al-Dāḫila et al-Ḫāriǧa, attestés


par les sources papyrologiques et épigraphiques, repose sur les résultats des
prospections effectuées sur deux des trois pistes 341 qui reliaient autrefois les deux
oasis, le Darb ¨Ayn Amūr et le Darb al-Ġubbārī 342. La route du nord, plus longue
et plus accidentée mais bénéficiant du point d’eau de ¨Ayn Amūr, est attestée par le
mobilier céramique au moins depuis le Nouvel Empire, alors qu’une des inscriptions
hiéroglyphiques répertoriées sur la piste pourrait remonter à l’époque protodynas-
tique 343. Cette route connaît une fréquentation accrue entre les époques romaine et
ottomane 344. Quant au Darb al-Ġubbārī (fig. 17), il présente un contexte chronolo-
gique différent 345. Même si des fragments de céramique datant des époques romaine
et byzantine ont pu être identifiés sur le trajet de la piste, cette dernière est surtout
caractérisée par un mobilier céramique qui s’étale entre le viie siècle 346 et l’époque
moderne 347. Les inscriptions répertoriées sur la piste comptent 15 documents
coptes et grecs de contenu chrétien, identifiés dans la station caravanière DG17 et
dans la zone de campement de ¨Ayn Barābiḫ 348. Digne d’intérêt est la signature
d’un ƒƁƏƔƋmƌƁƍ, vraisemblablement un converti de la première heure.

339. Les seules deux autres attestations en copte de ce toponyme présentent les formes ƌƏƏƓ
(P.KellisCopt. 50, 18) et ƌƏƓ (commentaire ad P.KellisCopt. 50, 18).
340. Eichhorn, Hendrickx, Riemer, Stern 2005.
341. Sur la piste Kysis-Môthis, cf. Harding King 1925, p. 305 ; Giddy 1987, p. 10 ; Wagner 1987, p. 145.
342. Le tronçon ¨Ayn Amūr-Umm al-Dabādīb du Darb ¨Ayn Amūr fait l’objet d’une prospection par
le NKOS (cf. Ikram, Rossi 2007, p. 178-180). Les deux pistes, Darb ¨Ayn Amūr et Darb al-Ġubbārī, ont été
prospectées par l’Ifao en avril 2006 (V. Ghica pour Darb ¨Ayn Amūr) et février 2009 (D. Dixneuf, V. Ghica pour
Darb al-Ġubbārī). La documentation d’époques romaine, byzantine et arabe des pistes du désert occidental
prospectées par le Theban Desert Road Survey, sous la direction de J.C. Darnell, est inédite (Darnell 2002, p. 150).
343. Ikram, Rossi 2004.
344. Winlock 1936, p. 44-52. Pour le tronçon ¨Ayn Amūr-Umm al-Dabādīb de cette piste, cf. Ikram,
Rossi 2007, p. 178-180.
345. La piste a été décrite par Winlock 1936, p. 7-15 ; Winkler 1939, p. 7-8.
346. Le Darb al-Ġubbārī n’est donc probablement pas, comme le pense Wagner 1987, p. 144, la route
empruntée dans les années 370 par l’Aurêlios Kleoboulos de Chrest.Mitt. 78.
347. Winlock 1936, p. 14-15 ; Ghica 2009c.
348. En renvoyant à Winkler 1939, p. 7-8 (sites nos 55-69), Wagner 1987, p. 144, mentionne sur le Darb
al-Ġubbārī de « très nombreux graffites dont certains sont grecs et coptes ». Seuls les sites nos 57-69
enregistrés par Winkler sont situés sur le trajet de la piste. Winkler 1939, p. 8, ne mentionne des graffites
grecs et coptes que pour le site no 63. Quant au graffite copte publié par Winlock 1936, p. 12, nous n’avons
pas été en mesure de l’identifier.
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LE CHRISTIANISME DANS LE DÉSERT OCCIDENTAL D’ÉGYPTE

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Fig. 17 – Stations caravanières sur le trajet du Darb al-Ġubbārī (V. Ghica, fond de photographie satellite Google Earth).
247
248 VICTOR GHICA

Dayr al-Malāk

Dayr al-Malāk est la seule église du désert occidental à sanctuaires multiples 349.
L’édifice est une Hallenkirche avec quatre piliers cruciformes placés au centre de la
nef, qui soutenaient autrefois neuf coupoles. Trois absides circulaires de volumes
égaux occupent le mur est. Trois autres sont installées au centre des murs ouest,
nord et sud, et confèrent à l’église l’aspect d’un plan cruciforme. Le plan à neuf
compartiments et trois haykal-s rapproche le bâtiment des églises de la région
d’Aḫmīm 350 et recommande une datation d’époque mamelouke ou ottomane 351.
L’absence du ḫūrus, qu’on note dans deux autres Hallenkirchen, Dayr al-¨Aḏrā
d’al-Ḥawāwīš et Dayr Mār Ǧirǧis al-Ḥadīdī, autorise, quant à elle, une datation
basse (xvie-xviie siècles) 352. Lors d’une extension ultérieure, vraisemblablement
contemporaine de la période d’activité de l’église 353, une chapelle est adjointe
contre les deux tiers du mur sud 354. Comme son plan le suggère, l’église a pu appar-
tenir à un monastère 355, dont aucun autre vestige n’a été identifié.
En l’absence d’autres sources, on ne peut rapprocher ce monument, qui se
trouve à quelque sept kilomètres au nord-est de Mūṭ, d’aucune communauté
chrétienne connue à l’époque.
Du christianisme médiéval tardif dans l’oasis nous ne possédons que quelques
toponymes aujourd’hui tombés dans l’oubli, recueillis par des voyageurs au xixe
siècle : ¨Ayn al-Naṣrānī, al-Ṣalīb, Buyūt al-Naṣārā 356. Selon Ibn Ḥawqal, dans le
dernier quart du xe siècle, al-Dāḫila est le centre administratif des oasis et la
résidence des ¨Abdūn, les Berbères Lawāta qui contrôlent le désert Libyque
égyptien 357.

349. Des plans de ce bâtiment ont été publiés par Mills 1981, pl. xi ; Grossmann 1991c, p. 822a ;
Grossmann 2002, pl. 181.
350. Dayr al-¨Aḏrā, Dayr Malāk Mīḫā’īl, Dayr al-Šuhadā’, Dayr Mār Ǧirǧis al-Ḥadīdī.
351. Sur le développement des Hallenkirchen, cf. Grossmann 2002, p. 94-98.
352. Grossmann 2002, p. 567. Ces remarques d’ordre architectural détonnent avec les résultats d’un
sondage pratiqué dans la partie sud de l’église, au cours duquel des tessons de céramique d’époque byzantine
semblent avoir été repérés dans les comblements sableux (Mills 1981, p. 184b-185a). En l’absence de strati-
graphie publiée pour ce sondage, on ne peut conclure qu’à du mobilier parasite, expliqué par la réoccu-
pation du site à l’époque ottomane, voire moderne (cf. Mills 1981, p. 185a).
353. Mills 1981, p. 184b.
354. Sur cette pratique en Nubie, cf. Grossmann 2002, p. 97.
355. Grossmann 1991c, p. 822a.
356. Winlock 1936, p. 24, n. 17. Coquin 1991b, p. 1658b, ajoute à cette brève liste le nom du village
d’al-Qalamūn, qui conserverait la mémoire d’ermites, lesquels justifieraient l’étymon du toponyme
(kálamov). Cette étymologie n’est pas à exclure.
357. Ṣūrat al-arḍ 23, éd. Kramers 1938, p. ١٥٣.
LE CHRISTIANISME DANS LE DÉSERT OCCIDENTAL D’ÉGYPTE 249

La Petite Oasis (oasis d’al-Baḥriyya)

Qaṣr al-Miqīṣba et al-Mi¨ṣara

Les ostraca grecs et coptes dégagés par A. Fakhry dans le temple dit
« d’Alexandre » à Qaṣr al-Miqīṣba, dans le village à côté du temple, ainsi qu’à
al-Mi¨ṣara 358 mettent en évidence des institutions chrétiennes bien établies dans
la Petite Oasis dans la seconde moitié du ive siècle. À Qaṣr al-Miqīṣba, l’ancienne
Póka de l’O.Bahria 10 359, un village occupé de l’époque ptolémaïque au moins
jusqu’au dernier siècle fatimide 360, une communauté chrétienne est attestée dans
les années 370. En l’an 51 de l’ère d’Oxyrhynque (374/375), on trouve à cet endroit
un moine, Plolos, qui doit verser une artabe de blé à un soldat 361. En situation
de contribuable se trouve aussi Petros, prêtre de la kÉmj Póka au ive siècle 362.
Les O.Sarm., un dossier de reçus et ordres de paiement associés au geôrgos Isak fils
de Philêas et datant de 403-404/412-413, confirment ce que l’on sait déjà par les
autres corpus papyrologiques contemporains sur l’origine sociale des chrétiens
oasiens. À côté de trois mentions indépendantes de moines, datées de 374-375 et
410-411 363, une communauté monastique, en relation avec Constantinople est
attestée aux ive-ve siècles 364.
Comme dans le cas des ostraca de Dūš, l’expression du christianisme dans ces
documents se limite le plus souvent à l’anthroponymie et à la mention de fonctions
ecclésiastiques 365. Si l’onomastique gréco-égyptienne ne permet pas de définir les
rapports confessionnels dans le village aux ive-ve siècles, des noms arabes grécisés
tels ˆAbdobálov et ˆAbdomálix(ov) 366 dévoilent la mixité ethnique de l’oasis 367. C’est à

358. Fakhry 1950, p. 42, 47, 92, pl. xxviiib, xxix, lx, lxi. Pour une présentation d’ensemble des diffé-
rents dossiers d’ostraca grecs et coptes mis au jour par A. Fakhry dans l’oasis d’al-Baḥriyya, cf. Wagner
1987, p. 86-87 et aussi p. 202 n. 4. Les ostraca grecs (O.Bahria) ont été publiés par Wagner 1987, p. 87-109.
Le dossier copte est en voie d’édition par mes soins.
359. Wagner 1987, p. 92, 202-203.
360. Fakhry 1950, p. 42, 47. Les résultats publiés par Colin, Laisney, Marchand 2000, p. 155 de
l’examen du mobilier céramique observé sur le site constituent la référence principale pour la chronologie
de Qaṣr al-Miqīṣba.
361. O.Bahria 6.
362. O.Bahria 10.
363. O.Bahria 6 ; O.Bahria div. 6 ; 8.
364. O.Bahria div. 1.
365. D’autres ostraca datant des ive-ve siècles provenant de ces deux sites contiennent des noms
chrétiens : O.Bahria 4 ; 7 ; 11 ; O.Dor. 2 ; O.Bahria div. 10.
366. O.Bahria 21.
367. Pour l’onomastique exceptionnelle de la tablette d’al-A¨raǧ, voir en dernier lieu Wagner 1987,
p. 248-249.
250 VICTOR GHICA

ce cosmopolitisme, qui caractérise la Petite Oasis depuis le Nouvel Empire, que


l’on peut – faute d’une véritable explication – attribuer la présence de syrophones à
Poka, révélée par un ostracon syriaque mis au jour dans la zone résidentielle du
village 368. Daté de la fin du ve ou du début du vie siècle 369, ce document unique
traite de la nature du Christ (« filiation divine qui n’est pas séparation » 370) et
constitue la plus haute attestation disponible à ce jour d’une communauté non
chalcédonienne à l’ouest du Nil.
La documentation écrite produite par les fouilles partielles de Qaṣr al-Miqīṣba
et d’al-Mi¨ṣara, localités situées approximativement à 5 et 10 km de l’ancienne
métropole de la Petite Oasis, Psôbthis, suggère la diffusion profonde et rapide du
christianisme au ive siècle, sans doute facilitée par les relations étroites entre l’oasis
et Oxyrhynque. Des vestiges chrétiens de Psôbthis, site couvert aujourd’hui par
les habitations de Qaṣr al-Bāwīṭī 371 – toponyme qui évoque le passé chrétien de
l’ancienne métropole (Bāwīṭī < ƐƁ(Ə)ƔƇƓ, « le monastère » 372) –, seul un dipinto
gréco-copte était encore visible en 1977 à ¨Ayn Bišmū 373. Il en va de même d’al-Zabū,
dont nous ne connaissons qu’une stèle funéraire copto-grecque 374.
Les fouilles récentes de deux missions de l’Ifao ont cependant permis l’identi-
fication d’une église et d’un monastère dans l’arrière-pays de Psôbthis.

Qārat al-Ṭūb

Inauguré en 288, le fort romain de Qārat al-Ṭūb 375 est abandonné par l’armée
au cours du ve siècle pour être réoccupé par une population civile, chrétienne 376.
Le retrait, au début du ve siècle 377, de l’ala secunda Armeniorum, casernée selon
toute vraisemblance ici, semble être contemporain de l’abandon des garnisons de
Kysis et d’Umm al-Ġanāˆim 378, pour ne mentionner que les garnisons oasiennes
dont nous connaissons à grands traits les dates d’installation et d’évacuation. Lors

368. Fakhry 1950, p. 47, pl. xxviiia.


369. Kamil 1957, p. 411.
370.  –      ; Kamil 1957, p. 412.
371. Wagner 1987, p. 198. Pour une discussion détaillée autour de cette identification et la biblio-
graphie afférente, voir Colin, Laisney, Marchand 2000, p. 159-160.
372. Wagner 1987, p. 208.
373. Wagner 1987, p. 366 et n. 6. Nous n’avons pas pu retrouver ce document.
374. Fakhry 1950, p. 82, pl. xlixb ; Fakhry 1951a, p. 16.
375. Le site est fouillé depuis 2000 par une mission conjointe de l’Ifao et de l’université de Strasbourg
sous la direction de Fr. Colin.
376. Labrique, Colin 2003, p. 168.
377. Colin 2011a, p. 206.
378. Brones, Duvette 2007, p. 22.
LE CHRISTIANISME DANS LE DÉSERT OCCIDENTAL D’ÉGYPTE 251

de la dernière phase d’occupation militaire ou simultanément avec la reconversion


du bâtiment, une église, dont la construction est datée par un dépôt de fondation
monétaire du premier quart du ve siècle, est aménagée à l’intérieur de l’enceinte
est du castrum 379. La relation entre l’installation du lieu de culte à l’intérieur du fort
– phénomène attesté ailleurs en Égypte à l’époque byzantine 380 – et la présence
des Maziques dans l’oasis à la même époque 381 reste à élucider. Sa désaffectation a
lieu à une date située entre le milieu du vie siècle et le début du viie, quand les
constructions à l’intérieur du fort sont partiellement détruites 382. À la période de
fonctionnement de l’église sont associés du mobilier et des documents inscrits pour
la plupart manifestement chrétiens 383. Un des ostraca mis au jour dans la couche de
destruction du bâtiment, qui fait mention d’une église d’ƁƌƁ ƌƁƑƉƁ 384 – personnage
inconnu par ailleurs, plutôt fondatrice 385 que patronne du lieu –, invite à supposer
qu’une communauté monastique féminine existait dans la Petite Oasis à l’époque
byzantine.

Ǧanūb Qaṣr al-¨Aǧūz

Le seul établissement monastique dont les vestiges soient actuellement connus


dans la Petite Oasis est situé à 2,4 km au sud/sud-est du village byzantin au-dessus
duquel est construit le qaṣr d’al-¨Aǧūz 386, et au nord-ouest et nord-est des fermes

379. Labrique, Colin 2003, p. 169 ; Colin 2011b, p. 66.


380. La documentation papyrologique livre au moins un autre exemple d’église installée dans un
castrum, dans la région de Syène, au milieu du vie siècle. P.Lond. V, 1719, l. 3-4, provenant d’Éléphantine et
datant probablement de 541, mentionne un certain Paam, pr(esbúterov) [t±v] ägíav ê[k]kljsíav [kástrou …],
où le castrum en question pourrait, selon l’éditeur, être le kástron Keraméwv, attesté dans P.Lond. V, 1720,
l. 5. Dans P.Leid. Z (= SB XX, 14606), daté entre 425 et 450, et provenant probablement de Philæ, l’évêque
Appiôn de Syène demande aux empereurs Théodose II et Valentinien III que les églises sous sa tutelle,
menacées par les Blemmyes et les Noubades, soient üpò t¬n (…) stratiwt¬n (Worp, Feissel 1988, p. 105).
Sur la défense militaire des églises, voir Antonini 1940, p. 157-159.
381. Vers 408, quand Pallade rédige son Dialogue avec Théodore (la date donnée par Wagner 1987,
p. 397 et n. 2, est fondée sur une confusion entre l’Histoire lausiaque et le Dialogue), la Petite Oasis est
connue comme ‰Oasin t®n geítona t¬n Mahíkwn (Pallade de Galatie, Dialogus de vita S. Joannis Chrysostomi,
PG 47, col. 71). Dans les Vies des Pères, elle est tout simplement appelée Oasa ubi genus est Mazicorum (Vitæ
Patrum, PL 73, col. 1010C).
382. Colin 2011a, p. 202.
383. Les niveaux byzantin et arabe de la fouille de Qārat al-Ṭūb sont encore inédits. Des informations
préliminaires sont publiées par Labrique, Colin 2003, p. 169 ; Colin 2011b, p. 58 ; Colin 2011a, p. 207-208.
384. Colin 2011a, p. 207.
385. Pour un cas similaire d’église fondée par une moniale, cf. Antonini 1940, p. 174.
386. Pour la datation des structures de Qaṣr al-¨Aǧūz qui ont fait l’objet de fouilles, cf. Fakhry 1950,
p. 90-92. Fakhry 1951a, p. 16, évoque un bâtiment fouillé à Qaṣr al-¨Aǧūz qu’il identifie à titre provisoire
comme une église.
252 VICTOR GHICA

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X=99550

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Y=3140550 Y=3140550

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161,00

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161,

Y=3140300 Y=3140300

162,00
Datum : WGS 84.
Projection : UTM. 0 50 100 m C IFAO, 2009 - DL
Equidistance des courbes de niveau : 0,25 m.

Fig. 18 – Ğanūb Qaṣr al-¨Ağūz (plan D. Laisney).


LE CHRISTIANISME DANS LE DÉSERT OCCIDENTAL D’ÉGYPTE 253

romaines de ¨Ayn Ǧaffāra 387 et du Ǧabal al-Ḥafḥūf 388. La même stratégie d’implan-
tation des monastères et des ermitages d’al-Ḫāriǧa se vérifie à Ǧanūb Qaṣr al-¨Aǧūz :
le périmètre occupé par le site est traversé par le tronçon commun de trois pistes
menant à la vallée du Nil, Darb al-Mas¨ūdī, Darb al-Bahnasāwī et Darb al-Rūbī 389.
Les quatre groupes de bâtiments (fig. 18) identifiés lors de la première campagne
de fouille appartiennent à un complexe monastique de type laure, occupé, à en
juger d’après le mobilier céramique du secteur fouillé (GQA 1), entre le ve siècle et
le début du vie. Le contexte archéologique initial du secteur GQA 1 (fig. 19) est
caractérisé par un ermitage rupestre pourvu d’un oratoire, autour duquel sont
aménagés, en plusieurs phases successives, d’autres espaces bâtis. Après leur
abandon par la communauté monastique, les bâtiments sont réoccupés par une
population d’éleveurs. Le faciès de la céramique permet de supposer que ces deux
occupations ont lieu sur une période d’approximativement un siècle. Au viie ou au
viiie siècle 390, une population pastorale fréquente sporadiquement les lieux. Telle
qu’elle est révélée par le secteur fouillé, l’organisation des espaces datant de l’occu-
pation monastique dénote un type d’établissement érémitique sans parallèle parmi
les exemples contemporains connus. Les quelques documents épigraphiques réper-
toriés à l’intérieur de l’ermitage GQA1 ne permettent pas de se prononcer sur le
rapport qui pourrait exister entre les occupants de cette colonie monastique et les
moines attestés dans les ostraca susmentionnés de Qaṣr al-Miqīṣba, al-Mi¨ṣara et
Qārat al-Ṭūb.

¨Ayn al-Mārūn

Une occupation érémitique isolée est attestée dans une des sépultures de la
nécropole 391 de l’ancien village de ¨Ayn al-Mārūn (fig. 20) 392, à 8,4 km au nord de
Qaṣr al-¨Aǧūz. Il s’agit d’une tombe rupestre de petites dimensions, appartenant à
un type abondamment attesté sous le Haut-Empire dans les oasis d’al-Baḥriyya et

387. Fakhry 1942, p. 35, mentionne en passant une des ruines de ce site. Voir aussi Fakhry 1974, p. 106.
388. Depuis 2009, le site est en cours d’étude par une équipe de l’Ifao. Ont participé à la première
campagne de fouille Y. Béliez, V. Ghica, D. Laisney et S. Marchand. Un bref rapport de la mission de 2009
a été publié par Ghica 2009b.
389. Skriwanek 2005, p. 80, pl. 1.
390. Une des structures associées à cette phase d’occupation a été datée par le radiocarbone : Ifao 474
(435) – 1252 ± 51 ans BP (d13C estimé de – 25,00 % vs PDB), soit 680 e.c. : 782 e.c. (56,3 %) ; 789 e.c. :
810 e.c. (9,1 %) ; 848 e.c. : 855 e.c. (2,8 %) (1s).
391. Le site a été découvert lors de la prospection dirigée par Fr. Colin dans l’oasis d’al-Baḥriyya.
392. ¨Ayn al-Mārūn est mentionné par Fakhry 1942, p. 33. Wagner 1987, p. 207-208, en donne une
brève description.
254 VICTOR GHICA

Fig. 19 – Secteur GQA1 de Ğanūb Qaṣr al-¨Ağūz (cl. V. Ghica).

Fig. 20 – Tombe-ermitage de la nécropole de ¨Ayn al-Mārūn (cl. V. Ghica).


LE CHRISTIANISME DANS LE DÉSERT OCCIDENTAL D’ÉGYPTE 255

Sīwa, ainsi que dans les oasis du groupe al-A¨raǧ. Des trous pratiqués dans la partie
supérieure des parois témoignent d’un aménagement sommaire qui, à Ǧabal
al-Ṭayr, correspond à une toiture légère de branchage. Parmi les quelques graffites
et dessins gravés sur les parois du tombeau, on relève un nom chrétien (ƌƁƑƊƏƔƒ).

Al-Qa¨ṣa

Au nord de ¨Ayn al-Mārūn, dans la montagne d’al-Qa¨ṣa, une inscription


chrétienne repérée dernièrement 393 atteste, elle aussi, d’une présence chrétienne,
possiblement anachorétique, dans la périphérie désertique nord de l’oasis, sur le
parcours commun des pistes partant vers l’est et le nord-est (Darb al-Rayyān, Darb
al-¨As¨as, Darb al-Mas¨ūdī et Darb al-Qāhira) 394.

Dinīsa

Les deux sites archéologiques de Dinīsa et Quṣūr Muḥārib 395, séparés par
seulement quelques centaines de mètres, sont situés dans la partie est de la dépression
d’al-Baḥriyya, en marge du trajet commun des pistes en direction de l’est (Darb
al-Mas¨ūdī, Darb al-Bahnasāwī et Darb al-Rūbī) 396. Les maigres données chronolo-
giques disponibles actuellement pour les ensembles bâtis conservés en élévation sur
ces deux sites n’assurent pas leur appartenance à un seul et unique tissu urbain,
comme cela a pu être suggéré 397. Si la céramique observée à la surface du sol dans le
secteur de Quṣūr Muḥārib qui concentre les bâtiments en élévation date des

393. Ce document a été identifié par les membres de la mission dirigée par Fr. Colin.
394. Skriwanek 2005, pl. 1.
395. Cailliaud 1826, p. 149-151 offre la première description de ce site, qu’il appelle Qaṣr al-Naṣrānī,
un toponyme aujourd’hui oublié (deux dessins sont publiés par Cailliaud 1823, pl. xxxviii 2-3). Fakhry
1942, p. 35, mentionne le site, qu’il décrit ultérieurement de manière sommaire dans Fakhry 1950,
p. 95-96. Cette dernière publication livre en revanche un croquis de situation et plusieurs plans des struc-
tures les plus visibles des deux sites (fig. 81-90 ; deux photographies sont publiées pl. liv). C’est
visiblement sur ces documents que repose en grande partie la description qu’en donne Wagner 1987,
p. 207, 392 et n. 7. Colin, Laisney, Marchand 2000, p. 152-153, livrent les résultats d’une prospection
effectuée à Quṣūr Muḥārib en 1999. J’ai effectué des visites archéologiques sur les deux sites en février
2006 et avril 2007.
396. Skriwanek 2005, p. 80, pl. 1. Wagner 1987, p. 207, ajoute aussi « la piste du Fayoum ». S’il est vrai
que cette dernière (Darb al-Rayyān), tout comme le Darb al-Qāhira, peut être rejointe, à l’est d’al-Ḥārra,
à partir du trajet commun des Darb al-Mas¨ūdī, Darb al-Bahnasāwī et Darb al-Rūbī, son tronçon principal
passe par le Ǧabal al-Maġrafa, le Ǧabal al-Ġurābī et Dumbell Hill.
397. Fakhry 1942, p. 35 ; Fakhry 1950, p. 96 ; Fakhry 1974, p. 106.
256 VICTOR GHICA

ier-iie siècles 398, l’unique structure qui a pu être datée à Dinīsa 399 remonterait à
une période comprise entre la seconde moitié du viie siècle et le début du viiie 400.
Il s’agit d’un monument interprété par A. Fakhry 401 comme temple et reconsidéré
ensuite comme église par P. Grossmann 402. Selon le plan dressé par l’architecte
allemand 403, l’édifice comprend un narthex, couvrant toute la largeur du bâtiment,
une nef séparée des bas-côtés par des piliers vraisemblablement de section rectangu-
laire dont deux seulement sont actuellement visibles, un ḫūrus, dont on ne connaît
pas le nombre d’ouvertures, et un presbyterium constitué d’un sanctuaire de plan
carré, flanqué par deux pastophoria, dont celui situé au sud communique aussi avec
le sanctuaire. Enfin, une salle oblongue, dont on aperçoit à peine le contour, accolée
contre une grande partie du mur nord de la nef et peut-être aussi du narthex, avait
été interprétée par A. Fakhry comme péribole 404.
Les fonctions des autres bâtiments dont les plans sont décelables sur les deux
sites 405 ne sauraient être précisées en l’absence de fouilles.
Pour la période comprise entre la fondation présumée de l’église de Dinīsa à
l’époque omeyyade et le iiie siècle de l’hégire, nous ne disposons d’aucune source
relative aux chrétiens d’al-Baḥriyya. C’est vraisemblablement dans ce laps de temps
que l’islam s’installe à al-Baḥriyya.
Deux des ostraca arabes du petit lot dégagé par A. Fakhry dans une maison
de Qaṣr al-Bāwīṭī 406 offrent un aperçu du contexte religieux de l’oasis au
ixe siècle. Ainsi, les habitants de la madīna mentionnés dans une obligation écrite
(ḏikr) se nomment Qultah Abanūb (= ƊƏƋƈƅ ƁƐƁƍƏƔƂ), Bifām (= ƕƏƉƂƁƌƌƘƍ)

398. Colin, Laisney, Marchand 2000, p. 152-153. Pour une datation identique, fondée sur des critères
non mentionnés par l’auteur, cf. Fakhry 1942, p. 35 ; Fakhry 1950, p. 95 ; Fakhry 1974, p. 106.
399. L’étendue de chacun des deux sites n’est pas clairement définie par l’inspectorat du CSA à
al-Baḥriyya, qui inclut dans la zone de Dinīsa le monument discuté ici. Cet édifice est considéré dans la
littérature spécialisée comme appartenant à la partie ouest du site de Quṣūr Muḥārib. J’adopte provisoi-
rement le point de vue des inspecteurs du CSA.
400. Grossmann 1997, p. 104 ; Grossmann 2002, p. 468.
401. Fakhry 1950, p. 96 ; Fakhry 1974, p. 106. Cette identification semble relativement tardive chez
Fakhry, qui n’en fait pas état en 1942, p. 35. Elle est reprise sans discussion par Wagner 1987, p. 207. En
revanche, Fakhry 1951a, p. 16, mentionne une église à quelques centaines de mètres plus au nord.
402. Grossmann 1997 ; Grossmann 2002, p. 468.
403. Le niveau actuel du sol ne permet pas de confirmer l’existence du pan de mur qui, selon le plan
publié par Grossmann 1997, p. 103, fig. 2, et Grossmann 2002, fig. 84, appartiendrait au ḫūrus de l’église.
La datation de l’édification de l’église proposée par Grossmann repose sur cet élément architectural précis.
404. Fakhry 1950, p. 97, fig. 81 ; p. 98, fig. 83. Pour une discussion de cette interprétation,
cf. Grossmann 1997, p. 99-100.
405. Ces structures sont mentionnées ou décrites par Fakhry 1942, p. 35 ; Fakhry 1950, p. 95-96 ;
Fakhry 1974, p. 106.
406. Les circonstances de la trouvaille sont décrites par Grohmann 1957, p. 499, et Fakhry 1974, p. 71,
n. 2.
LE CHRISTIANISME DANS LE DÉSERT OCCIDENTAL D’ÉGYPTE 257

et Wīṣṣā 407 (= ƂƇƒƁ) b. Mūnah, mais aussi Muḥammad b. Šukr, Wardān et Ḥassān
b. ¨A[…] 408. Deux autres ostraca datables, eux aussi, du ixe siècle, un reçu et une
lettre, font état l’un d’une transaction entre musulmans, l’autre d’une correspondance
entre chrétiens (la lettre est adressée par un Abū Ya¨qū[b] à un Ǧirǧah b. Yūsuf) 409.
Dans le dernier quart du xe siècle, nous retrouvons ces ḏimmī mentionnés par
Ibn Ḥawqal, selon qui les ¨Abdūn – les Lawāta dont les chefs résident dans l’oasis
d’al-Dāḫila – soumettent les chrétiens de l’oasis d’al-Bahnasā à l’impôt foncier
(ḫarāǧ), mais pas à l’impôt de capitation (ǧizya) 410. La couleur locale du christia-
nisme, c’est al-Bakrī qui nous la restitue un siècle plus tard : les Coptes de l’oasis
ont une vénération particulière pour un saint que le géographe andalou appelle Ibn
Qarmā, dont les reliques sont portées en procession, lors de sa fête, sur un char
traîné par des bœufs 411. Abū al-Makārim évoque lui aussi, en 1174, une coutume
semblable, cette fois concernant le culte de saint Georges, dont les reliques auraient
été conservées dans une église portant son nom, dans l’oasis d’al-Bahnasā, ensuite
cachées dans une montagne, confisquées sous le caliphat d’al-Ḥāfiẓ (1130-1149)
par le wālī des oasis pour être enfin restituées à l’évêque local 412. Selon Abū
al-Makārim, même les reliques de saint Barthélemy auraient reposé dans l’oasis
– lieu, nous dit-on, de son martyre –, plus exactement à Qarbīl 413. Nous recon-
naissons dans cette dernière information le reflet d’une tradition transmise par
le synaxaire copto-arabe, qui voudrait que les oasis aient été évangélisées par
cet apôtre et par Pierre 414. Enfin, le même Abū al-Makārim fait mention d’un
« Monastère du Lépreux » (dayr al-abraṣ) dans l’oasis 415.

À en croire les listes épiscopales coptes, le dernier évêque de l’oasis semble être
nommé à l’époque mamelouke, probablement au xive siècle 416. Les détails de la

407. La lecture de Bifām (Pqām) et la translitération de Wīṣṣā (Waiṣā) données par Grohmann 1957,
p. 504-505 sont erronées.
408. Grohmann 1957, p. 504.
409. Grohmann 1957, p. 507-509.
410. Ṣūrat al-arḍ 23, éd. Kramers 1938, p. ١٥٥.
411. Le passage trahit le témoin oculaire. Derrière la charge confessionnelle, nous reconnaissons dans
la suite du texte une forme de piété qui perdure jusqu’à nos jours : « En faisant cette procession ils croyaient
s’attirer toute espèce de bonheur et mériter la faveur divine. Ce char était traîné par des bœufs. Les endroits
d’où ces animaux s’écartaient sans vouloir y passer étaient réputés impurs (‫فإن نفرت من موضع ولم تسر فيه علموا أن‬
‫)في ذلك الموضع نجاسة‬. » (al-Maġrib fī ḏikr bilād Ifrīqiyya wa-al-Maġrib, éd. et trad. Mac Guckin de Slane
1965, p. 36, ١٤-١٥).
412. Evetts 1895, p. 258-259, ١١٨.
413. Evetts 1895, p. 215, ٩٥. Ce toponyme est actuellement inconnu dans l’oasis (Fakhry 1951a, p. 11).
414. Basset 1904, p. 224-225.
415. Evetts 1895, p. 260, ١١٩.
416. Munier 1943b, p. 50, 56-57. Voir supra, p. 236.
258 VICTOR GHICA

régression et de l’extinction du christianisme dans la région demeurent inconnus.


Dans les années 1940, le folklore local conservait encore le souvenir de quelques
familles considérées comme les dernières à avoir été converties à l’islam 417.

Oasis d’al-Ḥayz

¨Ayn Rīs

Aussi peu étendue et isolée qu’elle soit, l’oasis d’al-Ḥayz, région agricole
prospère et halte caravanière majeure à l’époque romaine 418, conserve à elle seule
les vestiges de trois églises. Dans le secteur résidentiel de ¨Ayn Rīs situé à proximité
du bâtiment fortifié (al-Qaṣr al-Rūmānī), A. Fakhry dégageait en 1938-1939 et
1945 une salle qui conservait des aménagements correspondant à une chapelle
chrétienne. Se fondant sur des dates de construction et d’abandon hautes qu’il
attribuait à l’unité d’habitat (iie siècle pour l’édification et la fin du iiie siècle ou le
début du ive pour la désaffectation 419), l’archéologue égyptien voyait dans cette
église un des plus anciens monuments chrétiens. Lors des recherches menées sur
le site dans les années 1980-1990, une des structures maçonnées à l’intérieur de la
chapelle a pu être identifiée comme un ḫūrus 420, suggérant ainsi la seconde moitié
du viie siècle comme terminus post quem de l’aménagement de l’église. La décoration
du mur est de la salle exiguë servant de sanctuaire 421 ainsi que la position de l’autel
au centre de cette salle 422 confirment une datation basse.
Une seconde chapelle, elle aussi pourvue d’un ḫūrus, est installée dans la vaste
salle à péristyle d’un bâtiment 423 qui remonte probablement au iie siècle 424. Quatre
inscriptions grecques inscrites sur les parois de cette salle 425 – deux invocations aux
« saint apa Pachoum » et « saint apa Apollôn », le nom [T]abiq[¢] et celui d’un prêtre
de ˆApiv, peut-être la localité mentionnée par Claude Ptolémée (Geographia iv, 5, 5),

417. Fakhry 1950, p. 60 ; Fakhry 1974, p. 38.


418. Skriwanek 2005, pl. 1.
419. Fakhry 1950, p. 64. Fakhry 1974, p. 121, situe l’abandon de la zone résidentielle de Rīs au ve siècle.
420. Hawass, Grossmann 1993, p. 95-97.
421. Fakhry 1950, p. 65, fig. 43 et pl. xxxviii c.
422. Fakhry 1950, p. 63, fig. 41 ; Hawass, Grossmann 1993, p. 97, fig. 2.
423. Il s’agit de la structure désignée par Fakhry 1950, p. 60-61, comme « palais » (voir aussi p. 62,
fig. 40 et pl. xl-xliva). Cette chapelle, que Fakhry 1950, p. 60-61, hésite à définir comme telle, est correc-
tement interprétée et décrite par Hawass, Grossmann 1993, p. 97-99.
424. Hawass, Grossmann 1993, p. 93.
425. Fakhry 1950, p. 61, pl. xliii a, xliv a ; Fakhry 1974, p. 120. Les textes sont édités et traduits par
Wagner 1987, p. 367 et n. 6, p. 368 et n. 1.
LE CHRISTIANISME DANS LE DÉSERT OCCIDENTAL D’ÉGYPTE 259

située entre Alexandrie et Paratonion 426 – semblent antérieures au viie-viiie siècles 427,
période dont daterait l’aménagement de l’église. L’articulation de ces données n’est
pas claire en l’état actuel.
Enfin, la grande basilique de Rīs, construite au nord de l’ancien village et de sa
nécropole, remonterait probablement au viiie siècle 428, vu la forme et les dimen-
sions de son ḫūrus 429. Si l’on accepte la période d’activité de la nécropole voisine
proposée par les fouilleurs, qui ne dépasserait pas le ve siècle 430, l’identification de
ce bâtiment avec une église cimétériale 431 est anachronique. La situation de la zone
résidentielle de ¨Ayn Rīs à l’époque omeyyade et au début du caliphat abbasside
étant inconnue 432, la fonction de cette église demeure incertaine 433.
Comme Fr. Cailliaud distinguait une tête de cheval dans les traces de peinture
encore visibles au début du xixe siècle sur une des parois de l’église 434, il parut
tentant d’y reconnaître l’église Saint-Georges mentionnée par Abū al-Makārim 435.
Rien n’étaye cette identification, si tant est que le chroniqueur égyptien ait connu
l’existence même d’al-Ḥayz. Il n’en demeure pas moins qu’en 1091-1092, quelques
décennies avant la rédaction du Taˆrīḫ d’Abū al-Makārim, un certain Khaêl grave
son nom sur la paroi nord de l’église 436, sans que nous puissions savoir si cette
dernière est encore utilisée à cette époque.

426. Calderini, Diz.geogr. I, 2, p. 139, 143-145 ; Suppl. 3, p. 18.


427. Wagner 1987, p. 206 n. 4, 367.
428. Grossmann 2002, p. 467. Fakhry 1950, p. 58, datait la construction de l’église entre la fin du
ive siècle et le milieu du ve.
429. Des descriptions et des plans de cette église sont publiés par Cailliaud 1826, p. 193-194 et pl. xlii,
fig. 5-6 (voir aussi Cailliaud 1823, pl. xxxvi, fig. 2) ; Fakhry 1950, p. 55-58 et p. 59, fig. 38 (voir aussi
pl. xxxvi-xxxviiia) ; Fakhry 1951a, p. 14 ; Fakhry 1974, p. 114, 117 fig. 53, 118-119 fig. 54 ; Grossmann
1989, p. 1895-1897 et fig. 23 ; Capuani 1999, p. 227, 233, fig. 89 ; Grossmann 2002, p. 466-467, fig. 83 et
pl. xvib.
430. Hawass, Grossmann 1993, p. 106. Pour une raison incompréhensible, Hawass affirme que le
mobilier céramique dégagé dans les tombes de Rīs proviendrait du village.
431. Hawass, Grossmann 1993, p. 95.
432. Il importe cependant de noter que la céramique observée à l’intérieur de l’enceinte fortifiée de Rīs
indique une occupation au ixe-xe siècles (Colin, Laisney, Marchand 2000, p. 158).
433. Lorsque Coquin 1991b, p. 1658b, mentionne un monastère à Rīs, il fait sans doute référence à
cette basilique. On reconnaît dans cette identification l’opinion de Belzoni 1820, p. 427-428. Aucune des
structures visibles ou fouillées dans la région de ¨Ayn Rīs ne peut être identifiée avec les ruines d’un
monastère.
434. Cailliaud 1826, p. 193.
435. Les discussions de Fakhry 1950, p. 58, 60, et Fakhry 1951a, p. 15, ne sont pas à interpréter comme
le fait Grossmann 2002, p. 466, n. 262. Meinardus 1965, p. 347-348, est un des premiers à avoir identifié
cette église avec celle décrite par Abū al-Makārim.
436. Wagner 1987, p. 367, consacre quelques lignes à deux graffites grecs inscrits sur les parois de
l’église. Les inscriptions coptes (cf. Fakhry 1951a, p. 16), photographiées en 1977 par A. Lecler et G. Roquet
et disparues lors de la restauration récente du monument, sont en cours d’édition par mes soins.
260 VICTOR GHICA

Pour la période médiévale nous ne disposons que d’un contrat de mariage


d’époque mamelouke, trouvé par A. Fakhry parmi les ruines du village de ¨Ayn
Rīs 437. Enveloppé dans un tissu copte datable du viiie siècle, le document est, aussi
bien dans sa forme que dans son contenu, musulman 438.

Biˆr Šawīš

Biˆr Šawīš, une agglomération agricole attestée entre le iiie siècle et la fin
du ve 439, est à ce jour le seul autre site de l’oasis d’al-Ḥayz à avoir révélé une
présence chrétienne. Le dossier ostracologique issu des premières campagnes de
fouille sur le site 440 met en évidence une petite communauté de fermiers dont
certains portent des noms chrétiens et parmi lesquels on retrouve un prêtre 441.

Oasis d’al-Farāfira

À l’époque romaine, le peuplement du désert entre les oasis d’al-Ḥayz


et al-Dāḫila se concentre dans la région de l’oasis d’al-Farāfira, ainsi qu’à Abū
Minqār, Wādī Abū Ḥinnis et ¨Ayn Dālla 442. La documentation actuelle est fort
pauvre en renseignements sur la population chrétienne de cette partie profonde du
désert occidental. Hors contexte archéologique, la croix en bronze découverte à
¨Ayn Dālla 443, datable des ve-vie siècles 444, ne saurait dénoter autre chose que la
fréquentation épisodique de cet établissement, vraisemblablement romain, à une

437. Grohmann 1957, p. 499-500.


438. Grohmann 1957, p. 499, 500-503.
439. Musil, Tomášek 2009, p. 233.
440. Depuis 2005, des fouilles sont menées sur le site par l’Institut tchèque d’égyptologie, sous la
direction de M. Bárta.
441. Cette documentation est encore inédite. Les informations mentionnées ici sont tirées de la
communication présentée par M. Dospěl au XXVIe Congrès international de papyrologie de Genève, dont
il a eu l’amabilité de me faire parvenir le texte avant sa publication. Je le remercie vivement.
442. Fakhry 1940b, p. 870-871 ; Fakhry 1974, p. 164-166. En l’absence de fouilles et de prospections
céramologiques systématiques, les fermes installées à l’époque romaine dans ces zones ne sont pas datables
de manière précise. On ignore à quelle époque elles ont cessé de fonctionner. J’ai mené des prospections
épigraphiques et archéologiques dans la région de l’oasis d’al-Farāfira (¨Ayn Ğillāw, ¨Ayn Simbilla, ¨Ayn
Mu¨dumiyya, ¨Ayn Ḍumriyya, ¨Ayn Buṭrus, ¨Ayn al-Šamanāda, ¨Ayn al-Ramla, ¨Ayn al-Fallāw, ¨Ayn
Mufirra, ¨Ayn al-Ḥaǧar, ¨Ayn Ḫalīfa, ¨Ayn Bissay, ¨Ayn Biǧīra, ¨Ayn Abū Nāǧib, ¨Ayn al-Ḥurra) et à Abū
Minqār, en février 2006 et janvier 2007.
443. La croix porte l’inscription suivante : © - ­© - ƉƘ - ƒƇƕ (Breccia 1932, p. 59 et pl. xxxviii,
fig. 134-135 ; Fakhry 1951a, p. 14 ; Fakhry 1974, p. 165 ; Wagner 1987, p. 150 et n. 4, 365 et n. 5).
444. Pour un parallèle, voir Strzygowski 1904, p. 305 et pl. xxxiv (#9177).
LE CHRISTIANISME DANS LE DÉSERT OCCIDENTAL D’ÉGYPTE 261

époque probablement postérieure à son abandon 445. On peut dire de même d’une
stèle copte de Qaṣr al-Farāfira 446. Quant aux deux toponymes à résonance
chrétienne recueillis dans la région par Fr. Cailliaud et G. Rohlfs 447, ils ne dépassent
pas un folklore local invérifiable aujourd’hui.
Les seuls indices d’une véritable présence chrétienne – plus exactement
anachorétique – dans cette vaste région proviennent de deux zones agricoles de
petites dimensions situées au sud de Qaṣr al-Farāfira 448.
À ¨Ayn Fallāw, P. Ascherson, botaniste, membre de l’expédition de G. Rohlfs,
a identifié en 1874 un graffite copte 449, probablement associé à plusieurs tombes 450
qui ont pu servir d’habitat anachorétique.
Le même type d’habitat érémitique est attesté à ¨Ayn Ǧillāw, une exploitation
agricole d’époque romaine située à 5,7 km au sud de Qaṣr al-Farāfira 451. De ce
geôrgion typique du désert occidental, seuls un ¨ayn rūmānī avec deux qanāt-s,
un parcellaire et trois tombes rupestres excavées dans le substrat crayeux, ne
sont pas couverts par les fermages modernes. Une de ces sépultures (fig. 21) a fait
l’objet d’une réoccupation anachorétique, datée par la céramique observée pendant
la fouille de l’époque byzantine 452. Plusieurs séries de croix peintes à l’intérieur

445. Selon la description de Fakhry 1974, p. 165, les bâtiments d’époque romaine de ¨Ayn Dālla (non
vidi) correspondent davantage à un centenarium qu’à un simple epoikion. Si cette interprétation se vérifie, il
s’agit du point le plus occidental des installations à fonction militaires fondées sur le limes égyptien sous le
Haut Empire. ¨Ayn Dālla se trouve à la limite est de la Grande mer de sable, à l’intersection de plusieurs
routes caravanières menant aux oasis d’al-Baḥriyya, al-Farāfira, al-Dāḫila (carte à l’échelle 1/500 000 éditée
en 1941 par le « Survey of Egypt » ; Fakhry 1974, p. 159, fig. 78 ; Giddy 1987, p. 14 ; Wagner 1987, p. 150 ;
Skriwanek 2005, p. 83, pl. 1-2) et Sīwa, ainsi que vers la Libye (Fakhry 1974, p. 162).
446. Zibawi 2005, p. 9. Je n’ai pas pu identifier cette stèle dans le « vieux cimetière » de Qaṣr.
447. Rohlfs 2002b, p. 182, mentionne un Qabr al-Naṣrānī, situé, semble-t-il, sur le plateau de Qiss
Abū Sa¨īd. À propos de ce dernier toponyme, Cailliaud 1826, p. 197, fait le rapprochement gratuit avec le
médecin homonyme, chrétien, du calife abbasside al-Mutawakkil.
448. Wagner 1987, p. 365, estimait qu’« on ne sait rien sur Farafra chrétienne ».
449. Rohlfs 2002b, p. 216. Je ne suis pas parvenu à retrouver le graffite. La traduction qu’en
donne le collaborateur d’Ascherson (« Joseph, le maître, Athènes en Grèce, fils de Sigmaeus ») est
fantaisiste. Le fac-similé publié dans Rohlfs 2002b, p. 216, permet de déchiffrer ceci : ƉƘ%ƁƍƍƇƒ
ƁƓƓƍƁƉƍ ƅƒ%Ɓ Ɛ$Ɖƍ%ƇƋƌƅƏƒ, « Iôhannês, illettré (?), fils de Hêlmeos ». Nous y reconnaissons ce nom
rare, %ƅƋƅƌƅƏƒ (et var.), peut-être oasite, attesté uniquement sur les parois de la nécropole d’al-Baǧawāt
(3.055, 3.061, 3.085, 3.104, 5.11, 25.1, 31.015, 31.017, 31.018, 31.019, 31.021, 31.075, 31.113, 31.118,
31.122) et dans les ostraca de Frangé (Boud’hors, Heurtel 2010, p. 131 [#155, 4] [%ƅƋƅ . ƅƏƒ], 132 [#155,
18-19] [[%ƅ]Ƌƅ . ƅƏƒ]).
450. Fakhry 1938, p. 432 ; Fakhry 1951a, p. 14 ; Fakhry 1974, p. 163. Fakhry appelle ce site « Jallaw ».
451. La petite oasis ¨Ayn Ǧillāw est mentionnée par Rohlfs 2002b, p. 77, 165, qui ne connaît vraisem-
blablement pas l’ermitage. Fakhry 1938, p. 432, est le premier à le signaler (information reprise dans Fakhry
1974, p. 163, et Coquin 1991b, p. 1658b).
452. La fouille de la tombe-ermitage a eu lieu en avril 2008 sous ma direction (voir Ghica 2008b). Le
mobilier céramique, très fragmentaire et dans un mauvais état de conservation, a été étudié par S. Marchand.
Le récipient le plus tardif appartient à un type datant du ve siècle.
262 VICTOR GHICA

x= 980

x= 990

x= 1.000

x= 1.010
Y= 520 Y= 520
N

Y= 510 Y= 510

99.00

Y= 500 Y= 500

.50
99

.00
99
0
.5
98

.00

.50
98

97

Y= 490 Y= 490
x= 1.000

x= 1.010
x= 980

x= 990

0 10 20 30 35m

Fig. 21 – Tombe-ermitage de la nécropole de ¨Ayn Ğillāw (plan V. Ghica).


LE CHRISTIANISME DANS LE DÉSERT OCCIDENTAL D’ÉGYPTE 263

Fig. 22 – Tombe-ermitage de la nécropole de ¨Ayn Ğillāw, croix peintes à l’intérieur du cubiculum est
(cl. V. Ghica).

du cubiculum est (fig. 22) et de la salle distributrice assurent la nature de cette


réoccupation. Comme tous les autres sites monastiques ou érémitique du désert
occidental, ¨Ayn Ǧillāw se trouve sur une piste caravanière, dans ce cas une bretelle
reliant le Darb Abū Minqār du Darb al-Dāḫila 453.
On est surpris, à en croire al-Bakrī et Ibn Ḥawqal 454, d’apprendre l’existence
d’« un grand nombre de villages dont les habitants sont Coptes chrétiens » 455 à
al-Farāfira, aux x-xie siècles.

453. Skriwanek 2005, pl. 2.


454. Ṣūrat al-arḍ 23, éd. Kramers 1938, p. ١٥٥.
455. Al-Maġrib fī ḏikr bilād Ifrīqiyya wa-al-Maġrib, éd. et trad. Mac Guckin de Slane 1965,
p. 37, ١٥.
264 VICTOR GHICA

Oasis de Sīwa

Il faut d’emblée préciser que l’oasis d’Ammon et la Marmarique sont consi-


dérées dans les sources coptes comme des pays étrangers 456 et l’évêché de l’Ammo-
niaque ne figure pas dans les listes épiscopales de l’Église copte 457.
À une exception près, la présence chrétienne dans l’oasis de Sīwa est docu-
mentée par des sources littéraires, en majorité chrétiennes 458. De même que dans
les oasis d’al-Dāḫila et al-Ḫāriǧa, mais aussi à Kufra 459, l’arrivée du christianisme
dans l’oasis de Sīwa est le résultat paradoxal de son isolement par rapport à la
vallée et au delta du Nil, qui en fit un lieu de déportation privilégié. Les premiers
émissaires du christianisme dans l’oasis d’Ammon sont des diacres d’Alexandrie
exilés pendant la persécution de Dèce 460. Au ive siècle, c’est au tour d’évêques
hérétiques de la Thébaïde d’être bannis dans l’oasis ammoniaque, tout comme
des évêques libyens ont pu être relégués dans la Grande Oasis 461. Par Épiphane de
Salamine 462 et par Athanase d’Alexandrie 463 même, nous savons que l’Ammo-
niaque se trouve au début du ive siècle sous juridiction alexandrine. C’est ce qui
explique la visite que fait Athanase dans l’Ammoniaque et la Pentapole 464, en 332,
dont un des buts est d’arracher à l’arianisme la Cyrénaïque et peut-être aussi la

456. Munier 1943a, p. 142, 149.


457. Munier 1943b.
458. Quatre ouvrages rassemblent de manière plus ou moins exhaustive les sources littéraires ayant
trait au christianisme dans l’oasis de Sīwa : Fakhry 1944, p. 46-48 ; Fakhry 1973, p. 90-92 ; Wagner 1987,
p. 369-370 ; Kuhlmann 1998, p. 173-175.
459. En 257, lors de la persécution de Valérien, Denys d’Alexandrie est exilé par le préfet Émilien dans
l’oasis de Kufra (KefrÉ) ; Eusèbe de Césarée, Historia ecclesiastica VII, 11, 5.10.12.15.17, éd. et trad. Bardy
1955, p. 180-183. Sur la mission de l’archevêque alexandrin à Kufra, voir, entre autres, Frend 1974, p. 265 ;
Frend 1979, p. 420 ; Frend 1991, p. 104.
460. Eusèbe de Césarée, Historia ecclesiastica VII, 11, 24, éd. et trad. Bardy 1955, p. 185. Le passage
de la lettre de Denys d’Alexandrie à Dométius et à Didyme cité par Eusèbe évoque l’exil de l’archevêque
ên êrßmwç kaì aûxmjr¬ç t±v Libújv tópwç, à trois jours de marche de Paratonion. Ensuite, sont mentionnés
des diacres morts ên t±Ç nßswç (nßswç étant une correction de nóswç, adoptée par les éditeurs sur la base des
traductions latine et arménienne). Cette « île » située dans les environs de Paratonion ne saurait être que
l’Ammoniaque. Nous connaissons fort bien la fortune de cette métaphore, qui désigne, chez les auteurs
antiques, les oasis du désert occidental (Wagner 1987, p. 113-115).
461. Athanase d’Alexandrie, Apologia ad Constantium 32 ; Apologia de fuga 7 ; éd. et trad. Szymusiak
1987, p. 165, 191. Sur la déportation dans le désert occidental, cf. Schwartz 1966. Martin 1996, p. 26, n. 45,
p. 87, 93 et n. 263, apporte un correctif bienvenu à la contribution de J. Schwartz.
462. Épiphane de Salamine, Adversus hæreses II, 68, PG 42, col. 186 ; trad. Williams 1994, p. 316.
Ce passage d’Épiphane doit être toutefois lu avec les précautions critiques énoncées par Martin 1996,
p. 262-263.
463. Athanase d’Alexandrie, Epistolæ festales … cum chronico prævio, PG 26, col. 1351 ; trad. Camplani
2003, p. 562 ; Martin, Albert 1985, p. 224-225 et p. 279, n. 1.
464. Athanase d’Alexandrie, Epistolæ festales … cum chronico prævio, PG 26, col. 1352 ; trad. Camplani
2003, p. 565 ; Martin, Albert 1985, p. 230-231 et p. 282-283, n. 14 ; Martin 1996, p. 67, n. 158.
LE CHRISTIANISME DANS LE DÉSERT OCCIDENTAL D’ÉGYPTE 265

Marmarique 465. La première attestation incontestable d’un évêché dans l’oasis de


Sīwa nous est livrée par un texte récemment identifié, une Historia episcopatus
Alexandriæ rédigée vers la fin du ive siècle 466, qui fait mention de deux évêques de
l’Ammoniaque ordonnés par Théonas d’Alexandrie (282-300) 467.
Une nouvelle vague de christianisation de l’oasis a probablement lieu au courant
du vie siècle, à la faveur de l’installation d’un arithmos de Paraton⁄tai ˆIoustinianoí
à Paratonion (Marsā Maṭrūḥ) 468. Justinien nomme à sa tête un dux Libyci limitis
(sc. Libyæ Inferioris), dont les troupes sont cantonnées à Paratonion, mais aussi dans
les six cités de la Libye Inférieure sous sa juridiction, parmi lesquelles l’Ammo-
niaque 469. Cette nouvelle situation semble avoir attiré dans l’oasis quelques ermites
au courant du vie siècle 470. La liste de Georges de Chypre 471 autorise à supposer que
la présence militaire dans l’oasis perdure au moins jusqu’à la fin du vie siècle 472.
Il n’en demeure pas moins que vers le milieu du viie siècle, lorsque Samuel de
Qalamūn est pris en otage, dans le Wādī al-Muwayliḥ (Fayyūm), par des Berbères
et amené esclave probablement dans l’oasis d’Ammon 473, les habitants du lieu – ou,
du moins, une partie d’entre eux – pratiquent un culte solaire et l’autorité impériale
y est implicitement absente 474. Malgré un passage d’Eusèbe de Césarée – dont la

465. Williams 2001, p. 29-30 ; Camplani 2003, p. 74, 565, n. 24 ; Martin 1996, p. 124.
466. Le texte complet est transmis par une version ge‘ez, dont le seul témoin connu date au plus tard
du xiiie siècle. Le document a été présenté par A. Bausi et A. Camplani au IXe Congrès de l’Association
internationale d’études coptes, tenu au mois de septembre 2008 au Caire. Je dois à l’amitié de A. Camplani
l’information concernant la consécration des deux évêques de Sīwa par Théonas. Qu’il trouve ici l’expression
de ma gratitude.
467. On lira à la lumière de la documentation présentée ici l’affirmation de Martin 1996, p. 93 (cf. aussi
p. 114), selon qui « l’oasis d’Ammon (…) ne semble pas avoir jamais été érigée en évêché ». Même conclusion
chez Martin, Albert 1985, p. 283, n. 14.
468. Corpus juris civilis, édit XIII.18, éd. Schöll, Kroll 1912, p. 789 ; Procope, De ædificiis VI, 2, 2, éd.
et trad. Dewing, Downey 1940, p. 364-368.
469. Corpus juris civilis, édit XIII.18, éd. Schöll, Kroll 1912, p. 789. L’édit stipule que le duc aura son
siège à Paratonion kaì tàv üpotetagménav aût¬ç póleiv, ên afiv ∂sontai <oï> üp’ aûtòn strati¬tai ta⁄v aûtoÕ
keleísesin üpjretoúmenoi. Les cités de l’éparchie de Libya Inferior sont énumérées par Hiéroklès, Synekdèmos
732, 8 – 734, 5, éd. Honigmann 1939, p. 47-48.
470. Jean Moschus, Pratum spirituale 123, PG 87/3, col. 2936 ; trad. M.-J. Rouët de Journel, Sources
chrétiennes 12, Paris, 2006, p. 173.
471. Georges de Chypre, Descriptio Orbis Romani 787e, éd. Honigmann 1939, p. 61. L’Ammoniaque
apparaît aussi dans le Synekdèmos (734, 4, éd. Honigmann 1939, p. 48), ce qui pose la question de la valeur
historique de sa mention dans la Descriptio.
472. Du point de vue militaire, la réorganisation administrative du diocèse d’Égypte par Justinien se
solde dans le duché de Libye par des fortifications ou restaurations de forteresses dans quatre poleis
(Paratonion, Teucheira, Bérénice et Ptolémaïs), mais aussi par l’érection de castra dans quatre localités sans
statut de cité (Borion, Antipyrgos, Dinarthion et Agriolôdès) ; Maspero 1912, p. 148 ; Reynolds 2000,
p. 170, n. 5.
473. Appelée « pays des Maxyès » (ƓƅƖƘƑƁ åƍƅƌƁƒƃƎ) (Alcock 1983, p. 15, 91). Rémondon 1952,
p. 72, se méprend lorsqu’il situe les événements de la Vie de Samuel dans les oasis d’al-Baḥriyya et al-Farāfira.
474. Alcock 1983, p. 15-17, 91-92.
266 VICTOR GHICA

visée apologétique n’échappe pas – qui laisse entendre la fermeture du temple


d’Ammon dès le ive siècle 475, il est fort probable que celui-ci reste en activité
jusqu’aux vie-viie siècles. Dans une de ses épigrammes, composée entre le dernier
quart du ive siècle et le début du ve, le poète alexandrin Palladas ridiculise un de
ses contemporains qui s’était fait abuser par l’oracle 476. Selon un Africain de
naissance comme Corippe, l’oracle est encore consulté par des Libyens à l’époque de
Justinien 477. Les propos de Corippe sont recoupés, peu ou prou à la même époque,
par Procope, qui précise que de son temps le temple est ouvert au culte et va jusqu’à
en mentionner les hierodouloi. Le Césaréen nous apprend aussi que Justinien ordonne
la christianisation de l’oasis et y fait construire une église dédiée à la Vierge 478. Pour
peu que l’information de Procope recouvre une part de vérité, cette évangélisation
doit être pour le moins partielle, eu égard à l’épisode, fiable, de la Vie de Samuel de
Qalamūn mentionné plus haut et, surtout, à l’absence de vestiges de lieux de culte
conservés dans l’oasis. Cette situation nous rappelle, si besoin était, que l’Ammo-
niaque appartient à cette époque au monde libyen. À en croire le même Procope,
les habitants de Borion sont, eux aussi, atteint par la maladie du polythéisme 479.
En revanche, dans les autres oasis du désert Libyque égyptien, les temples sont
fermés au courant du ive siècle 480, alors qu’en Égypte seule Philae 481 et quelques
autres poches isolées opposent encore une certaine résistance au christianisme 482.
Une tradition orale locale transmise par le « manuscrit sīwī » fait état d’une
église chrétienne et d’un cimetière de « patriarches » (baṭārika) au pied du Ǧabal
Bilād al-Rūm, dans la partie est de l’oasis 483. Selon le même document, le premier
roi de l’oasis aurait été grec et chrétien 484. Des décennies durant, ces minces rensei-
gnements à allure anecdotique de même que le sens même du toponyme (« le village
des Byzantins ») ont laissé supposer que Bilād al-Rūm pouvait abriter des vestiges

475. Eusèbe de Césarée, De theophania III, 13, éd. Lee 1892, p. 120 :    
(...)   ! " ##  $ %
 %
& , « Où est celle (l’image) d’Ammon, (qui était) dans
le désert de Libye ? Tous les dieux se sont glissés sous terre (…) ».
476. Anthologie palatine VII, 687, éd. et trad. Waltz, des Places, Dumitrescu, Le Maitre, 1960, p. 145.
477. Corippe, Johannis III, 81-85 ; VI, 145-151, 189-191 ; trad. Teurfs, Didderen 2007, p. 46, 88, 89.
478. Procope, De ædificiis VI, 2, éd. et trad. Dewing, Downey 1940, p. 368-369. Bien qu’il accom-
pagne Bélisaire dans sa campagne d’Afrique du Nord en 533, Procope situe le temple d’Ammon de Sīwa
et celui d’Alexandre d’al-Baḥriyya dans l’oasis d’Awǧila. À l’exception de Wagner 1987, p. 369 et n. 6, et
Kuhlmann 1998, p. 174, la grande majorité des auteurs qui citent ce passage de Procope le prennent au pied
de la lettre.
479. Procope, De ædificiis VI, 2, éd. et trad. Dewing, Downey 1940, p. 368-369.
480. Voir supra, p. 193.
481. Sur Philae, nous disposons maintenant d’une étude exhaustive par Dijkstra 2008.
482. De Lacy O’Leary 1938 ; Rémondon 1952.
483. Stanley 1911, p. 37 ; Fakhry 1973, p. 90. Sur ce recueil rédigé à partir de la fin du xixe siècle,
cf. Fakhry 1973, p. 39-40.
484. Stanley 1911, p. 36.
LE CHRISTIANISME DANS LE DÉSERT OCCIDENTAL D’ÉGYPTE 267

Fig. 23 – Tombe de Bilād al-Rūm (cl. V. Ghica).

chrétiens, les seuls que l’on ait pu soupçonner dans l’oasis de Sīwa. Les fouilles
menées entre 1997 et 2000 à Bilād al-Rūm ont, en effet, mis au jour une tombe
chrétienne (fig. 23), qui constitue la première preuve matérielle de la présence d’une
communauté chrétienne dans l’oasis. Aménagée à l’époque byzantine dans un
tombeau semi-rupestre construit et employé, selon toute vraisemblance, sous le Haut
Empire, cette tombe collective a livré trois stèles funéraires à caractère chrétien 485.
Hormis la nécropole, construite dans la falaise rocheuse, le site archéologique de
Bilād al-Rūm comporte également, sur une terrasse au pied de la montagne, une

485. Al-Dumayrī 2005, p. 137-150, en particulier p. 144-146, fig. 29-31. Les éléments de datation de cette
tombe tardive ne sont pas précisés par le fouilleur égyptien. Une prospection céramologique a été menée par
D. Dixneuf et moi-même en mars 2009 dans le but d’entamer l’établissement d’un catalogue provisoire des
formes et des pâtes locales qui permette l’identification du mobilier céramique issu de la fouille de Bilād
al-Rūm. 11 sites ont été prospectés : Bilād al-Rūm, Dihība, Ǧabal al-Ǧārī, al-Ḫamīsa, Timāṣīrayn, al-Qurayšit,
Abū Šurūf, Qaṣr Minayyāl, al-Zaytūn, Salām, Abū l-¨Awwāf. Les résultats obtenus lors de cette mission ne
permettent pas de déterminer l’origine et la date de production des céramiques identifiées sur le site.
268 VICTOR GHICA

construction en briques crues d’assez grandes dimensions connue par les habitants
de la région sous le nom de Qaṣr al-Rūm 486, non fouillée, qui a, selon les cas,
été identifiée comme église 487, camp militaire romain 488 ou mausolée 489. Si l’on
confronte les informations fournies par le « manuscrit sīwī » avec la mention, par
Georges de Chypre, d’une forteresse byzantine dans l’oasis à la fin du vie siècle
– qui devait être davantage une agraria, comme celle du P.Bingen 121, qu’une place
forte – on pourrait, à titre d’hypothèse, identifier celle-ci avec Qaṣr al-Rūm 490.
À partir du viie siècle, les informations au sujet de l’oasis de Sīwa se font
particulièrement rares et le peu de sources littéraires disponibles sont muettes sur
la situation du christianisme. On ignore l’époque où l’oasis est convertie à l’islam.
À peine sait-on, par al-Idrīsī, qu’au milieu du xiie siècle la ville de Santariyya
(Sīwa) possède un minbar 491.
Aucun document ou monument chrétien n’a été identifié dans les oasis,
aujourd’hui désertes, du groupe d’al-A¨raǧ, dont al-A¨raǧ, al-Baḥrayn et Nuwīmīsa
ont été habitées probablement sous le Haut Empire 492.

486. Fakhry 1973, p. 126, n. 2. Une photographie du bâtiment est donnée par Fakhry 1944, pl. ix.
Comme Cailliaud 1826, p. 72, Rohlfs 2002a, p. 177, 181, 193, appelle ces ruines « Amoudeïn ».
487. Fakhry 1944, p. 69 et n. 2. Belgrave 1923, p. 88, a cru identifier sur un des blocs du temple dit
« dorique » une croix, qui ferait de ce bâtiment construit sous le Haut Empire, peut-être à l’époque des
Antonins, une église. Il s’agit en réalité d’une marque de carrier (Fakhry 1944, p. 71 ; Fakhry 1973, p. 90, n. 2).
488. Fakhry 1973, p. 90, 126.
489. Al-Dumayrī 2005, p. 138.
490. En effet, le XIIIe édit de Justinien laisse entendre qu’à l’époque byzantine le rôle des troupes
cantonnées en Égypte est plutôt celui d’une « réserve de police au service de l’administration des finances »
(Maspero 1912, p. 15, n. 2). C’est ce que semble indiquer le bâtiment en question, qui est dépourvu de tout
élément de fortification. Nous ignorons si les troupes envoyées de Paratonion dans l’Ammoniaque étaient
composées de soldats réguliers ou de ces gardes-frontière colons, les kastrêsianoi, que nous connaissons au
début du vie siècle dans la Pentapole (Maspero 1912, p. 23). Si le christianisme est resté dans l’oasis la religion
de l’administration impériale, nécessairement militaire dans cette région, le cantonnement de limitanei à Bilād
al-Rūm expliquerait peut-être la présence du corps d’une femme dans la tombe chrétienne susmentionnée.
491. Dozy, de Goeje 1866, p. 52, ٤٤ : ‫ومدينة سنترية صغيرة وبها منبر‬.
492. Les publications contenant des observations d’intérêt archéologique sur ces oasis sont peu
nombreuses : Rohlfs 2002b, p. 156-157 ; Steindorff 1904, p. 135-138, ph. 88-92 ; De Cosson 1937 ; Fakhry
1939 ; Fakhry 1974, p. 26-27 ; Wagner 1987, p. 212, 248-249. L’habitat dans l’oasis de Baḥrayn date au moins
du règne de Nectanebo Ier (380-362 a.e.c.), ainsi que l’indique les documents épigraphiques d’un temple
d’Amon découvert en 2003 par une mission de l’université de Turin, dirigée par P. Gallo. Le site est encore
inédit. Fakhry 1939, p. 617, fait remonter la date de la tombe 15 (côté nord) de l’oasis d’al-A¨raǧ aux
iie-ier siècles a.e.c. Dans le même temps, Fakhry 1939, p. 613-614, attribue les deux dessins de la tombe 12 (côté
sud) de la même oasis à une occupation érémitique. Aucun indice positif n’appuye cette hypothèse. D’ailleurs,
plus tard, Fakhry 1951a, p. 16, affirmera ne pas avoir identifié des vestiges chrétiens dans ces petites oasis. Les
deux compositions en question, fort schématiques mais pas pour autant moins originales (un homme attaqué
par un félin ou un canidé, et un autre, une machette à la main, hissé sur un palmier-dattier, au tronc duquel
est attaché un bovidé) n’ont rien de la symbolique et encore moins de l’iconographie chrétienne connues.
De surcroît, sur la même paroi, est inscrit un dipinto libyque. Quant à la représentation de la tombe 14 (côté
sud) (non vidi), dans laquelle un homme transperce un lion, Fakhry 1939, p. 614-615, l’assigne au ve siècle.
LE CHRISTIANISME DANS LE DÉSERT OCCIDENTAL D’ÉGYPTE 269

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