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BYZANTINS
Elisabeth YOTA
elyota@yahoo.fr
cette tendance qui, loin d’être nouvelle, reflète une certaine spiritualisation de la
théologie des images. Les nombreux tétraévangiles qui surgissent à cette époque
l’image au texte. Le rôle de la mise en page en tant que régisseur de l’entité texte-
évangélique1.
texte et l’image est fondée sur la primauté du texte. L’image disposée dans les
nombre de scènes illustrées qui s’observe dans les tétraévangiles, surtout à partir
véritables tableaux munis d’un cadre qui confère à chaque image une autonomie
équivalente à celle du texte. Ce type d’illustration, qui n’est pas propre aux
1 Une des premières études critiques du texte des Quatre Evangiles et de sa forme originelle a été
entreprise par H. von Soden. L’auteur a publié quatre volumes sur le texte du Nouveau Testament
et a présenté un catalogue des manuscrits répartis en familles (voir H.F. von SODEN, Die
Schriften des Neuen Testamentes. Berlin 1902, 1906, 1910 et Göttingen 1913, vol. I-IV et pour le
catalogue I, p. 45-289). A la même époque, C.R. Gregory, dans son étude sur le texte du Nouveau
Testament, développe un autre système de numérotation des manuscrits qui est sensiblement
moins compliqué que celui de von Soden (voir C.R. GREGORY, Textkritik des Neuen
Testamentes. Leipzig 1900, vol. I, p. 124-262). Citons aussi, entre autres, C.R. GREGORY, Canon
and Text of the New Testament. Edinburgh 1907; B.H. STREETER, The Four Gospels. A Study of
Origins. Londres 1924 ; B.M. METZGER, The Text of the New Testament. New York et Oxford
1968 (2e éd.); A. et B. ALAND, The Text of New Testament. Grand Rapids 1989 (2e éd.).
2 Il est d’usage également dans les Homélies de Grégoire de Nazianze, de Jacques de
Kokkinobaphos et de Jean Climaque, dans les Ménologes, les Octateuques, les Psautiers et les
livres des Prophètes. Pour ce qui est des évangéliaires, seul l’évangéliaire Mont Athos Dionysiou
gr. 587 présente ce type de format. Voir M.L. DOLEZAL, Illuminating the liturgical word : text
and image in a decorated lectionary (Mount Athos, Dionysiou Monastery, cod. 587). In: Word &
Image, 12, 1996, p. 23-60.
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l’illustration en tableau encadré. Mon attention sera tournée uniquement sur les
de prouver que l’image ainsi éloignée du contexte textuel devient le prélude visuel
montreront clairement, d’une part que la réalisation de chaque manuscrit est une
commanditaire et, d’autre part, que le cycle des Grandes Fêtes Liturgiques et les
les tétraévangiles.
décorent les sept premiers folios précédant les Tables de Canons. Au fol. 2v est
illustrée la scène de la Déïsis et les quatre évangélistes (fig. 1). Elle est suivie de
Baptême (fol. 3v), la Crucifixion (fol. 4r), l’Anastasis (fol. 4v), l’Ascension (fol.
5r), et enfin la Pentecôte (fol. 5v) (fig. 2-7). L’image de la Transfiguration (fig. 8)
que symbole de la divinité du Logos8, se combine parfaitement avec les six autres
Sur ces derniers, la Déïsis, située au centre, est entourée de part et d’autre de
douze panneaux en bois sur lesquels sont représentées les Grandes Fêtes
à l’étude de l’illustration des tétraévangiles du Xe au XIIIe siècle, (thèse de doctorat non publiée).
Paris 2001.
4 R. NELSON, Text and Image in a Byzantine Gospel Book in Istanbul (Ecumenical Patriarchate,
cod. 3). Université de New York 1978 (avec la bibliographie antérieure).
5 E. YOTA, Un tétraévangile provincial d’origine syro-palestinienne : Florence Bibliothèque
Laurentienne Conv. Soppr. gr. 160. In : The Material and the Ideal: Studies in medieval art and
archaeology in honour of Jean-Michel Spieser, A. Cutler et A. Papaconstantinou (dir.), éd. Brill.
Leiden 2007, p. 189-203.
6 Il s’agit d’un manuscrit de 243 folios sur parchemin (178x228mm), écrit en une seule colonne de
24 lignes par folio et 30 lettres par ligne. Il est réglé selon le de type de réglure Leroy 54C1. Voir
NELSON, Text and Image, p. 265-277.
7 L’illustration de ce tétraévangile se complète avec une série de dix Tables de Canons (fol. 6r-
10v), la chronologie d’Hyppolite de Thèbes (fol. 11r-12v), le portrait d’Eusèbe (fol. 12v), les
quatre symboles des évangélistes (fol. 18r, 83r, 126v, 196v) ainsi que leurs portraits (fol. 18v, 86v,
132v, 199v) et enfin une croix au fol. 243r. Voir NELSON, op. cit., p. 261-265.
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gr. 3 en choisit sept, chacune d’elles symbolisant une étape importante de la Vie
du Christ. Ainsi rassemblées, juxtaposées les unes aux autres, et entourées d’un
cadre décoratif, elles font office d’icônes portatives au même titre que les
avant le portrait de l’évangéliste Luc. L’explication d’un tel choix n’est point
facile. Cela pourrait s’expliquer uniquement par le lien liturgique entre l’épisode
encore des scènes tirées des quatre évangiles, comme c’est le cas dans le psautier
Vat. gr. 75212. La distance entre l’image et le texte auquel elle se réfère et sa mise
en valeur dans un cadre en pleine page lui confèrent une double fonction : elle
8 Pour la place de la Déïsis dans les manuscrits, voir aussi A. WEYL CARR, Gospel Frontispieces
from the Comnenian Period. In : Gesta 21/1, 1982, p. 3-20 et plus particulièrement p. 6.
9 Voir aussi G. HABRA, La Transfiguration selon les pères grecs. Paris 1973 ; J.A. McGUCKIN,
The Transfiguration of Christ in Scripture and Tradition. Lewiston N.Y. 1986 ; A. GRABAR,
L’iconographie du ciel dans l’art chrétien de l’antiquité et du moyen-âge. In : Cahiers
Archéologiques, 30, 1982, p. 5-24.
10 NELSON, Texte and Image, p. 197-207.
11 Pour l’influence du templon sur l’iconographie du tétraévangile Istanbul Patriarcat Œcuménique
gr. 3, voir NELSON, op. cit., p. 197-199. Pour l’évolution du templon et l’emplacement des Douze
Fêtes sur l’épistyle, voir J.-M. SPIESER, Le développement du templon et les images des Douze
Fêtes. In : Bulletin de l’Institut historique belge de Rome, 69, 1999, p. 131-164.
12 NELSON, Texte and Image, p. 202 et E. DE WALD, The Illustrations in the Manuscripts of the
Septuagint, III, Psalms and Odes, 2 : Vaticanus Graecus 752. Princeton 1942, p. XI-XIII.
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évangiles.
Œcuménique gr. 3 avec une série d’épigrammes est aussi singulière que son
illustrations des tétraévangiles. Ceci est probablement dû au fait que l’image est
introduite le plus souvent dans le texte et que les épigrammes n’ont ainsi aucune
raison d’être citées, car le texte évangélique et, dans une certaine mesure, les titres
XIVe siècle, le Mont Athos Vatopédi gr. 937, qui présente une série de miniatures
neuf scènes christologiques figurent en pleine page sur les folios qui précédent le
début de l’évangile de Matthieu : la Nativité (fol. 15r) (fig. 9), le Baptême (fol.
le Thrène (fol. 17v) (fig. 10), la Crucifixion (fol. 18r) (fig. 11), l’Anastasis (fol.
13 Le texte de ces épigrammes est transcrit dans NELSON, Texte and Image, p. 16-22.
14 W. HÖRANDNER, Ein Zyklus von Epigrammen zu Darstellungen von Herrenfesten und
Wunderszenen. In: Dumbarton Oaks Papers, 46, 1992, p. 107-115 ; Idem, A Cycle of Epigrams on
the Lord’s Feasts in Cod. Marc. Gr. 524. In : Dumbarton Oaks Papers, 48, 1994, p. 119-133. Voir
aussi SPIESER, Douze Fêtes, p. 149-150.
15 Pour ce tétraévangile, voir : V.J. DJURIĆ, Les miniatures du tétraévangile de Vatopédi n° 937
et leurs peintres (en russe et avec un résumé en français). In : Zograf, 1989, p. 61-73. Il s’agit d’un
manuscrit sur parchemin de 398 folios (240x165mm). Le texte évangélique est écrit à l’encre noire
sur une seule colonne.
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18v) (fig. 12), l’Ascension (fol. 19r), la Pentecôte (fol. 19v) (fig. 13)16. Deux
folios avant le portrait de l’évangéliste Luc (fol. 203v) est représentée la scène de
l’Annonciation (fol. 201v) (fig. 14), alors que la Résurrection de Lazare (fol.
321r) (fig. 15) et l’Entrée à Jérusalem (fol. 321v) figurent aussi avant le portrait de
réalisation. Selon une première hypothèse les miniatures du Vatopédi gr. 937
réalisée au même moment que la copie du manuscrit, mais que la disposition des
nouvelle reliure.
Œcuménique gr. 3 que dans le Mont Athos Vatopédi gr. 937, le choix des scènes
aussi dans les tétraévangiles Parme Bibliothèque Palatine gr. 517 et Péloponnèse
16 Ces scènes sont précédées du portrait de l’évangéliste Matthieu au fol. 14r. Aux fol. 17r, 129v et
317v est représenté le tétramorphe alors qu’aux fol. 129r, 203r et 322r sont peints respectivement
l’aigle, le bœuf et le lion.
17 Le tétraévangile Parme gr. 5 est un manuscrit de 283 folios en parchemin (300x231mm). Le
texte est écrit à l’encre noire en une seule colonne de 21 lignes par folio et de 29 lettres par ligne.
Voir P. ELEUTERI, (a cura), I manoscritti greci della Biblioteca Palatina di Parma. Milan 1993,
p. 3-13.
18 Il s’agit d’un tétraévangile sur parchemin de 301folios (220x175mm). Voir C. MEREDITH, The
Illustration of codex Ebnerianus. A Study in Liturgical Illustration of the Comnenian Period. In:
Journal of the Warburg and Courtauld Institutes, XXIX, Londres 1966, p. 421.
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Dans le Parme Bibliothèque Palatine gr. 519 chacun des portraits des
évangélistes fait pendant à une scène évangélique,20 alors que trois miniatures en
pleine page sont placées avant l’évangile de Marc. Chacune d’elles est divisée en
Passion et deux épisodes qui se situent après la Résurrection. Au fol. 89v sont
Cène (fig. 16) ; au fol. 90r figurent le Mont des Oliviers, la Trahison de Judas, le
pleine page est placée juste après la fin de l’évangile de Marc, comportant dans
en place des scènes illustrées est bien plus visible dans le tétraévangile Florence
page entourées d’un portique à arcade sont situées, les deux premières, dans les
deux folios précédant l’évangile de Matthieu, et les deux autres dans les deux
derniers folios. Au fol. 6v figure la Pentecôte (fig. 18), qui fait pendant à l’image
de la Déïsis (fig. 19) peinte au folio 7r. Au fol. 213v est représentée la scène de la
Descente de la Croix (fig. 20) et enfin, au fol. 214r, figurent en une seule
réalisateur cherche à établir un lien visuel entre la diffusion de la parole divine par
entre ces deux scènes, l’artiste forme également une homogénéité iconographique
en représentant dans les deux miniatures tous les personnages, excepté le Christ,
fragmentaire et seuls cinq folios subsistent. Pour le Ludwig II 5, nous savons qu’une grande partie
de son cycle iconographique a été ajoutée postérieurement dans des folios séparés. Voir F.
MOREY, East Christian Paintings in the Freer Collection. New York 1914, p. 31-62, pl. III-X et
A. WEYL CARR, Byzantine Illumination, 1150-1250. The Study of a Provincial Tradition.
Chicago-Londres 1987, cat. 71, p. 43-50 et 252-253.
23 Une note postérieure écrite sur le premier folio de l’évangile de Matthieu nous informe que ce
manuscrit appartenait au XVIIIe siècle au monastère des bénédictins à Florence. Ce tétraévangile
contient 214 folios de parchemin (225×200mm). Le texte des quatre évangiles est écrit à l’encre
brune en une seule colonne contenant 27 lignes et 30–35 lettres par ligne. Tous les cahiers sont
réglés selon le système 1 de J. Leroy et selon le type de réglure 44D1. Voir YOTA, Un
tétraévangile provincial d’origine syro-palestinienne, p. 189-190.
24 Le tétraévangile Florence B.L. Conv. Soppr. gr. 160 est aussi doté de dix Tables de Canons (fol.
1r-4r) et de quatre portraits des évangélistes (fol. 7v, 66v, 106v, 169v). Voir YOTA, Un
tétraévangile provincial d’origine syro-palestinienne, p. 191-192.
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à cette proximité, l’artiste met aussi en relief la juxtaposition des deux natures du
apparition.
textuel et placées l’une en face de l’autre apparaissent comme des diptyques, dont
du message christologique. Il n’est par conséquent pas exclu que le Conv. Soppr.
gr. 160 soit un tétraévangile à usage privé dont le décor incite son commanditaire
évangélique.
même titre que le psautier. C’est à cette même époque que l’illustration du
l’on cherche à privilégier l’image en lui accordant une entière autonomie et une
l’Incarnation avant même de lire le texte évangélique. L’image acquiert ainsi une
part entière.
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Nombreux sont les tétraévangiles qui sont réalisés à cette même époque. Le choix
des scènes illustrées, l’association sémantique entre elles ainsi que leur
L’insertion de l’image dans le texte crée des liens de complémentarité entre ces
deux entités. Elle apporte à l’image un rôle égal à celui du texte puisqu’elle
début du manuscrit sont peu nombreux. Chacun d’eux présente une disposition et
siècle, et dans celui du Mont Athos Vatopédi gr. 937, daté du XIVe siècle
les quatre évangélistes. Elle est suivie de de la Nativité (fol 3r), du Baptême (fol.
3v), de la Crucifixion (fol. 4r), de l’Anastasis (fol. 4v), de l’Ascension (fol. 5r), et
ensemble et se situe avant l’évangile de Luc. Dans le Vatopédi gr. 937 neuf scènes
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l’évangile de Matthieu (fol. 15r Nativité, fol. 15v Baptême, fol. 16r
Transfiguration, fol. 16v Présentation du Christ au Temple, fol. 17v Thrène, fol.
18r Crucifixion, fol. 18v Anastasis, fol. 19r Ascension, fol. 19v Pentecôte). Deux
321v.
l’épistyle mais également celle de l’illustration des psautiers. Dans deux autres
Mega Spiléon gr. 8 le choix des scènes illustrées est similaire à celui des
différente.
Soppr. gr. 160, les scènes représentées sont beaucoup moins nombreuses. Ainsi
message précis. Quatre miniatures en pleine page entourées d’un portique à arcade
sont situées, les deux premières (la Pentecôte au fol. 6v et la Déïsis au fol. 7r)
dans les deux folios précédant l’évangile de Matthieu, et les deux autres dans les
deux derniers folios (la Descente de la Croix au fol. 213v et les Saintes Femmes
diffusion de la parole divine par les apôtres et la divinité du Logos alors que sa fin
leur cycle iconographique fait penser que nombreux d’entre eux servaient de livre
avant même de lire le texte évangélique. L’image acquiert ainsi une valeur
entière.