L’Argent, la Monnaie une valeur sans valeurs.

Author: ZAMBO Paul

hpzambo@gmail.com
+237 699 51 77 34
+237 673 55 19 34

Function: Vice-chancellor

- Doctoral School of Applied Sciences

- Ecole Doctorale des Sciences Appliquées

- Department of Economics

Field of research – International Economics (Monetary)

Review Committee:

Ousmanou Ibrahim
Djomgoue Ngaleu Louis Alain

Publications site

Published in 2015

Wilson University – Université Wilson

Ecole Supérieure des Sciences Appliquées de Bertoua – Higher School of Applied Sciences of Bertoua 1
 Résumé (French)
Abstract (English)

Introduction

I. Matthieu Dubost : Argent et aliénation dans les Manuscrits de 1844 de Karl Marx.
1.1. Argent objet ou instrument universel de commerce
1.2. Argent objet d’aliénation et non de valeur
1.3. Revenons aux classiques : l’argent comme un instrument de mesure et un outil
d’échange.
1.4. Trois thèses sur la forme pure et abstraite de l’argent
1.5. L’argent et l’aliénation par l’abstraction

II. Célestin Monga l’Argent qui appauvrit.

2.1. Un argent sans valeur : le cas des contraintes de seigneuriage

2.2. Les contraintes du seigneuriage
2.3. Les possibilités en matière d’emprunts internes
2.4. La surliquidité des banques et refus de crédit
2.5. Les réserves et les couts économiques
Conclusion
Bibliographie

RESUME (French) parce que cet argent n’est pas productif à

La présente publication analyse deux
situations l’une précédent l’autre, il s’agit
de la vision opposée sur la valeur de
l’argent. D’un coté, nous présentons le
cause des placements que ce dernier fait au
détriment des bénéficiaires.
Mots clés : Valeur de l’argent – Aliénation –
Endettement public – Surliquidité des banques.

cadre de la conception de cette vision sous

l’angle de Karl Marx, de l’autre nous la
présentons sous l’angle des économies
africaines du système franc.
Ainsi, Karl Marx démontre que l’argent
n’a pas de valeur, parce sa valeur ne reste
qu’une valeur marchande de plus, le
détenteur de l’argent, ne fait pas bon usage
au niveau des mœurs sociales. Il devient
déviant.
Monsieur Monga, nous fait parcourir
l’absence de valeur de l’argent des
économies africaines confisquées dans les
comptes d’opérations du trésor français,
ABSTRACT
This publication analyzes two situations,
one precedent to the other, the opposite
view of the value of money. In one hand,
we present the framework of the
conception of this vision from the point of
view of Karl Marx, and in the other one,
we present it from the angle of the African
economies that are tied up by the French
system.
Thus, Karl Marx demonstrates that money
has no value, because its value remains

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 only on more market value, the holder of
the money, does not make good use at the
level of social mores. He becomes deviant.
Mr. Monga, makes us browse the lack of
value of the money of the African
economies confiscated in the accounts of
operations of the French treasury, because
this money is not productive because of the
investments that it does to the detriment of
the beneficiaries.
Key Words – Value of money – Indebtedness –
Alienation – Bank excess liquidity.
INTRODUCTION
« Au sens de Karl Marx, le capitalisme
(par définition) a besoin de plus de pauvres
et préfère des droits de négociations faibles
et des inégalités grossières1 ». Le
capitalisme ne pourrait survivre sans la
pauvreté. Son essence est d’accroître le
fossé des inégalités, qu’il concentre de plus
en plus de pouvoir entre les mains de
moins en moins de ploutocrates2, afin que
ses jours ne soient point comptés.
Le marxisme, de façon unique parmi les
philosophies politiques, s’est défini lui-
même comme une science. Pour ses
adhérents, ses propositions ne sont pas
spéculatives mais empiriques. En tant que
bon hégélien, Marx voyait ses prévisions
comme faisant parti d’un processus
historique inexorable. Et pourtant, elles se
sont toutes – toutes – révélées fausses au
fil de l’histoire.
La présente publication, analyse l’Argent,
la Monnaie comme une valeur sans valeurs
1
= Le cas patent est la signature des accords de partenariats
économiques entre le Cameroun et l’Union
Européenne.
2
= C’est le cas du groupe Bolléré, qui contrôle à lui seul
près de 14 ports dans 14 pays d’Afrique francophone.
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au sens de Karl Marx et de plusieurs autres
auteurs contemporains. Au sens de Karl
Marx et de Matthieu Dubost, l’argent n’a
pas de valeur puisqu’elle contribue à
l’avilissement de l’être humain.
Cependant, bien que notre intention
première n’est pas de faire l’apologie du
capitalisme, mais de montrer qu’au fil de
l’histoire, les prédictions de Karl Marx
sont devenues fausses pour les nations
occidentales, parce qu’elle contribue à la
création des richesses, c'est-à-dire de la
valeur ajoutée dans ces économies. Par
contre, les propositions de Marx restent
vérifiables à justes titres pour les pays du
tiers monde en général, et l’Afrique
Francophone en particulier.
Parce que, l’argent, au vue de sa
conception dans ces pays reste un objet de
valeur. Pas au sens monétaire du terme,
mais au sens du refus de création de la
valeur qui permet de l’obtenir. Car on
valorise, quelqu’un en Afrique lorsqu’il a
de l’argent. Il devient l’intellectuel public
même si ce dernier n’a jamais fréquenté les
amphithéâtres des universités. Son opinion
compte désormais en politique, en
économie, dans le domaine médical et dans
tous les autres domaines sociaux.
En Afrique on cherche l’argent, on ne
cherche pas la valeur qui permet de
l’obtenir. C’est ce qui explique la
politiques de détournement massif observé
par les ministres et hauts cadres des
institutions publiques camerounaises. On
rentre dans le cercle vicieux de la pauvreté
qui veut que l’homme ne s’affranchit pas
de l’ignorance, mais reste attacher au
paradigme de l’obsession du gain.
Ainsi dans notre analyse, nous allons
reprendre les travaux de certains auteurs
comme Mathieu Dubost dans l’analyse de
l’argent facteur d’aliénation (1) et de
3
 l’argent qui appauvrit de Celestin Monga
(2).
I. Matthieu Dubost3 : Argent et aliénation
dans les Manuscrits de 1844 de Karl Marx.
Cet auteur, réfute les travaux de Karl
Marx, mais nous démontre à suffisance,
que Marx ne reconnait pas la valeur de
l’argent, comme explicité par Adam Smith
ou David Ricardo. Pour Karl Marx l’argent
est un objet d’aliénation et non de valeur.
1.1. Argent objet ou instrument universel
de commerce.
Le capitalisme affirme Mathieu Dubost,
assume explicitement et volontairement la
recherche du profit. Mais, il semble
toutefois que les théoriciens de l’école
libérale n’ont accordé qu’une place bien
modeste à son représentant le plus
sensible, c’est-à-dire l’argent.
Dans les différents écrits d’Adams Smith,
de David. Ricardo, de T. R. Malthus et de
J. B. Say, l’argent ne fait pas l’objet d’une
analyse approfondie. L’économie est
décrite en termes de prix, de salaires, de
profit, de capital, de travail, de valeurs, de
marchés, mais il n’est qu’un phénomène
secondaire.
En effet, dans une société où des besoins
existent et dans laquelle les individus
tendent à diviser le travail, l’échange est
une nécessité. Nul ne peut satisfaire lui-
même l’ensemble de ses besoins et
l’optimisme des classiques veut que
chacun gagne à se spécialiser. Dès lors les
individus doivent constituer un système
permettant l’échange des produits du
travail sous forme de troc.
3 = Dubost Matthieu, « Argent et aliénation dans les
Manuscrits de 1844 de K. Marx », Archives de
Philosophie, 2008/3 (Tome 71), p. 489-506. DOI :
10.3917/aphi.713.0489. URL
https://www.cairn.info/revue-archives-de-philosophie-
2008-3.htm-page-489.htm.
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Mais le troc, comme mode spontané de
l’échange souffre essentiellement de deux
défauts selon Smith : d’une part, il ne
permet pas une estimation fine et précise
des valeurs; d’autre part, il a des
inconvénients matériels évidents.
La monnaie, et plus généralement l’argent,
sont aisément manipulables et permettent
une mesure précise des valeurs. C’est ainsi
que l’argent apparaît comme le moyen le
plus élaboré pour permettre les échanges.
Mais, il n’est qu’un outil, une médiation
plus commode que le troc : « Les métaux
ont non seulement l’avantage de pouvoir se
garder avec aussi peu de déchets que
quelques autres denrées que ce soit,
aucunes n’étant moins périssable qu’eux,
mais encore ils peuvent se diviser sans
perte en autant de parties qu’on veut, et ces
parties, à l’aide de la fusion, peuvent être
de nouveau réunies en masse. (…) C’est de
cette manière que la monnaie est devenue
chez tous les peuples civilisés l’instrument
universel de commerce, et les
marchandises de toute espèce se vendent et
s’achètent, ou bien s’échangent l’une
contre l’autre par son intervention. »4 
1.2. Argent objet d’aliénation et non de
valeur
Les mercantilistes pensent comme Moses
Hess5 dans son ouvrage
intitulé : « L’essence de l’argent », que s’il
y a une aliénation dans le capitalisme, elle
n’est pas à due à l’argent lui-même.
Comment Marx selon Mathieu Dubost,
articule-t-il les concepts d’aliénation et
d’argent ? C’est en répondant à cette
question qu’on comprendra comment Marx
se réapproprie l’économie politique des
4
= A. SMITH, Recherches sur la nature et les causes de la
: richesse des nations, Paris, Gallimard, 1976, ch. 2.
5
= Moses Hess (1875), pour plus de details :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Moses_Hess.
4
 classiques pour la critiquer. On verra qu’il
parvient de la sorte à élaborer une théorie
homogène de l’argent malgré l’apparente
dispersion des remarques à ce sujet dans
ses manuscrits.
1.3. Revenons aux classiques : l’argent
comme un instrument de mesure et un
outil d’échange.
L’argent n’existe que comme la
conséquence d’une économie qui n’est pas
originellement fondée sur lui. Et,
ultimement, « les produits s’échangent
contre des produits 6»   comme l’écrit J.-B.
Say. En effet, les économistes classiques
considèrent l’argent comme une réalité
secondaire, comme un « voile » déposé sur
l’économie. Il n’est qu’un support sensible
qui facilite les échanges de biens. Mais il
n’en est que la médiation pratique.
Cette conception est d’autant plus sensible
qu’elle s’oppose radicalement à celle de
l’école mercantiliste. Pour celle-ci, l’argent
métallique et surtout l’or constituent la
richesse fondamentale. Et c’est sur la base
de cette conviction qu’ils analysent le
fonctionnement global de l’économie.
Engels résume clairement ce point de vue :
« On vivait encore dans la naïve opinion
que l’or et l’argent constituaient la
richesse, et l’on n’avait donc rien de plus
pressé que d’interdire partout l’importation
de métaux “précieux” »7.  forme pure et abstraite.
C’est par cette culture que Marx développe
sa propre conception de l’argent. L’idée
fondamentale du mercantilisme n’est pas
retenue. En accord avec Engels, il
considère cette théorie comme « naïve ».
6
= J.-B. SAY, Traité d’économie politique, Paris,
Calmann-Lévy, 1972.
7
= F. E NGELS, Esquisse d’une critique de
8
l’économie politique, Paris, Aubier Montaigne, 1992,
p. 10.
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On pourrait donc penser que son point de
vue est proche de celui des économistes
classiques et c’est ce que suggère le peu de
lignes qu’il consacre à cette notion dans le
premier manuscrit de 1844. Marx évoque
bien le « système de l’argent »8 , mais
l’argent n’est que l’expression d’un
système qui se fonde sur autre chose.
Comme les classiques, Marx décrit
l’économie à l’aide d’autres notions et tout
ce qui pourrait s’exprimer en termes
d’argent est ramené à du « travail
accumulé », à de la « valeur » et à du
« capital. »
Ainsi, tout comme les classiques, il
considère l’argent comme un instrument de
mesure et un outil d’échange; il ne cherche
pas à distinguer les différentes formes
d’argent (métallique, fiduciaire,
scripturale) pour cerner leurs spécificités,
mais considère l’argent en général; enfin,
tout dans le premier manuscrit laisse à
penser que s’il y a une aliénation dans le
capitalisme, elle n’est pas à due à l’argent
lui-même.
1.4. Trois thèses sur la forme pure et
abstraite de l’argent.
Dubost nous fait observer qu’il est possible
d’apercevoir trois thèses sur l’argent dans
les développements que lui consacre Marx.
Le deuxième manuscrit le dernier, permet
premièrement de comprendre que l’argent
se caractérise primordialement par sa
Marx y donne des détails sur le rapport de
l’argent et de l’aliénation, où l’argent
participe d’une création de besoins
artificiels qui accroissent la dépendance de
l’individu. Mais cette deuxième analyse,
en discutant le problème des besoins, ne
rend pas encore assez compte de la relation
= K. MARX, Manuscrits de 1844, Paris, GF
Flammarion, 1996, p. 108.
5
entre l’abstraction qui caractérise l’argent
et l’aliénation par l’abstraction. D’où une
troisième thèse où Marx précise ce rapport
par l’abstraction.
1.5. L’argent et l’aliénation
l’abstraction
Pour Marx, l’argent est la cause d’une
aliénation spécifique, même si elle n’est
pas autonome. Car, l’abstraction dont il est
capable peut s’accroître, faisant de la
quantité pure une valeur en soi, à l’aune de
laquelle tout est réévalué. C’est cette
gradation de l’abstraction de ce qui au
départ n’est qu’un moyen d’échange qui
explique qu’il devient peu à peu ce qui
régit tout échange et ce qui conditionne ses
termes.
Il est capital de voir comment Marx définit
l’argent pour comprendre son rôle dans le
processus d’aliénation.
 Le rôle de l’argent dans le
processus d’aliénation.
C’est au début du second manuscrit que
Marx explicite sa conception, au moment
où il décrit l’évolution des formes de
propriétés privées.
En effet, la propriété foncière se présente
comme la plus archaïque. A la différence
de la propriété mobilière, elle est située
géographiquement, ce qui en limite les
manipulations et les utilisations. Aussi, la
propriété foncière ralentit-elle à terme le
progrès (c’est-à-dire l’accroissement du
profit) et contredit-elle l’exigence de
productivité du capitalisme : ainsi, le
capitaliste voit dans le propriétaire foncier
« le contraire de l’industrie libre et du
capital libre, indépendant de toute
détermination naturelle »9.
9
= K. MARX, Manuscrits de 1844, p. 130.
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Le capitaliste se considère comme le
successeur moderne du propriétaire foncier
et affirme que les tenants de la propriété
foncière ne comprennent pas que la vraie
source de richesses n’est pas la terre mais
par
le travail humain, pour Marx: « la propriété
foncière, à la différence du capital, est la
propriété privée, le capital encore entaché
de préjugés locaux et politiques, le capital
inachevé qui ne s’est pas encore dégagé de
son enchevêtrement avec lui-même. Au
cours de son développement et de son
expansion dans le monde entier, il doit
arriver à son expression abstraite, c’est-à-
dire pure » .
Ce vocabulaire logique n’est en rien
innocent puisque c’est celui qui s’accole à
toutes les formes d’aliénation telles que
Marx les décrit dans les trois manuscrits.
Par conséquent, selon Mathieu Dubost,
tout comme le « travail abstrait » est la
forme aliénée du travail, parler d’un mode
plus abstrait et plus pur de propriété
revient à signaler une plus grande
aliénation. Mais s’il y a une histoire des
formes d’aliénation, quelle place accorder
à l’argent dans celle-ci ?
 L’argent et les formes
d’aliénation.
Selon Marx :
« De même qu’en général le mouvement
doit l’emporter sur l’immobilité, la
bassesse franche et consciente sur la
bassesse cachée et inconsciente et la
cupidité sur le goût de la jouissance, de
même l’égoïsme effréné et multiforme des
Lumières doit vaincre l’égoïsme borné,
bonasse, paresseux et fantaisiste de la
superstition. De même l’argent doit
triompher de toute autre forme de
propriété privée. »
6
Ces quelques lignes apportent des et la puissance de son argent diminue en
enseignements essentiels : d’abord l’argent raison inverse de l’accroissement du
possède un rôle à part entière dans volume de la production. Autrement dit,
l’évolution du capitalisme; ensuite cette son indigence augmente à mesure que croît
place est nécessaire, tout comme la la puissance de l’argent. »10 C’est ce que
propriété mobilière doit nécessairement se pense Célestin Monga11.
substituer à la propriété foncière; enfin,
elle constitue la forme la plus pure et la II. Célestin Monga l’Argent qui
plus achevée de propriété privée car c’est appauvrit.
la plus abstraite. Cette dernière thèse est 2.1. Un argent sans valeur : le cas des
capitale et mérite explication. Comment contraintes de seigneuriage.
comprendre Marx lorsqu’il écrit :
« l’argent doit triompher de toute autre Si Marx parle de l’argent qui aliène,
forme de propriété privée »? Monga parle d’un argent disponible dans
les banques camerounaises qui ne participe
Cette affirmation peut paraître paradoxale
pas au financement de l’économie
car à priori l’argent est lui-même une
nationale.
propriété privée nous dit Mathieu Dubost.
C’est un paradoxe s’explique-t-il. L’Etat
Marx ne le nie pas, mais c’est en tant que
ne dispose pas d’un espace de financement
forme accomplie et ultime de la propriété
assez large pour se doter des ressources
que l’argent supplante toutes les autres
nécessaires au financement des
formes de propriété.
investissements publics qui pourraient
On peut décrire ce rapport de deux points
soutenir une véritable accélération de la
de vue : celui de la relation de l’argent au
croissance. D’un autre coté, les banques
travail aliéné, et celui de la relation de
sont en situation de surliquidité alors
l’argent aux besoins.
même qu’elles ne touchent que 5% des
« Sous le régime de la propriété privée (...) ménages et n’ont pas d’incitation à mettre
chacun s’applique à susciter chez autrui un ces ressources au service de
besoin nouveau pour le contraindre à un l’investissement public ou privé.
nouveau sacrifice, pour le placer dans une Il s’agit ainsi d’envisager les enjeux
nouvelle dépendance et le pousser à un structurels du cadrage macro-financier
nouveau mode de jouissance, donc de caractériser par un espace de financement
ruine économique. Chacun cherche à créer structurellement limité.
une force essentielle étrangère dominant Ainsi, sur le plan macroéconomique,
les autres hommes pour en tirer la l’espace de financement d’une telle
satisfaction de son propre besoin égoïste. économie est constituée de trois
possibilités : le seigneuriage,
Avec la masse des objets produits, correspondant au financement que tout
augmente donc l’empire des êtres étrangers
auxquels l’homme est soumis. Tout produit 10
= K. MARX, Manuscrits de 1844, p. 185.
nouveau renforce encore la tromperie C’est nous qui soulignons.
11
réciproque et le pillage mutuel; l’homme = Célestin Monga (2008), L’argent qui
appauvrit : un état des lieux
devient de plus en plus pauvre en tant
macroéconomique et financier du Cameroun.
qu’homme; il a de plus en plus besoin Editions Terroirs, Etat du Cameroun,
d’argent pour s’emparer de l’être hostile, Prescriptor, page 133.

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Ecole Supérieure des Sciences Appliquées de Bertoua – Higher School of Applied Sciences of Bertoua 7
 Etat tire du processus de création
monétaire ; l’endettement interne et les
options de financements externes12. Une
analyse de ces différentes sources montre
bien les lourdes contraintes qui peuvent
peser sur une telle économie.
2.2. Les contraintes du seigneuriage
La formule suivante est généralement
utilisée pour estimer le seigneuriage au
cours d’une période à l’accroissement de la
monnaie centrale.
[ ] [ ]
Mc est la monnaie émise par la Banque
Centrale, P le niveau de générale des prix
et Y le revenu national à prix constants.
Dans le dernier membre de l’équation, le
premier terme entre crochets représente
l’accroissement de la demande d’encaisses
réelle en monnaie centrale liée à la
croissance économique (seigneuriage
vertueux) et le second terme la taxe
d’inflation. Le niveau d’encaisses réelles
Mc/P représente l’assiette de la taxe et le
taux d’inflation détermine le taux
d’imposition.
Ainsi, les ressources du seigneuriage ne
peuvent être mobilisées que de manière
très prudente, de façon à ne pas provoquer
d’inflation insoutenable.
Pour le Cameroun, les deux sources de
potentielles de seigneuriage ici sont les
avances de la Banque Centrale (BEAC) à
l’Etat et les bénéfices reversées par les
Banques Centrales au Trésor Public.
Les avances de la BEAC sont limitées par
l’article 18 du statut de la BEAC, qui
stipule : le montant total des avances en
compte courant consenties aux Etats
membres de la Banque Centrale, ajouté au
montant total des opérations sur effets
publics mobilisés au guichet de l’institut
12
= Dans le cadre de cette publication, nous
nous limiterons aux financements internes.
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d’émission par les établissements de crédit,
ne peut dépasser 20% des recettes
budgétaires ordinaires fongibles d’origine
nationale constatées au cours de l’exercice
écoulé.
Comme si ce plafond n’était pas d’ailleurs
pas suffisant, les gouvernements de la zone
CEMAC ont pris des engagements de
réduire à zéro les découverts en compte
coutant des Trésors publics à la Banque
Centrale. C’était en 1998, quatre ans après
la création de l’union économique et
[ ]
monétaire. Le Cameroun semble se
conformer à cet engagement. L’Etat
diminue régulièrement son utilisation des
avances statutaires, qui sont passées de 376
milliards de FCFA en décembre 2003 à
161 milliards en décembre 2007.
Les bénéfices reversés par la banque
centrale au Trésor public camerounais sont
également très limités. Une augmentation
de la masse monétaire qui se répercute sur
la base monétaire monnaie manuelle et
réserves des banques commerciales à la
Banque Centrale) a pour contrepartie un
surplus d’actifs rémunérateurs dans le
bilan de la Banque centrale sous forme
d’avoir extérieurs et de crédits intérieurs.
C’est là une source de Seigneuriage. Celle-
ci est limitée au Cameroun parce que son
montant global est faible au sein de la
CEMAC où les taux d’inflation sont
relativement bas, et à cause de la règle de
répartition des bénéfices de la BEAC entre
les Etats de l’Union.
La BEAC affiche une forte rentabilité, car
elle ne verse pratiquement pas de
rémunération aux banques pour leurs
dépôts obligatoires ou libres dans ses
comptes et ses actifs, constitués
principalement d’avoirs extérieurs, sont
relativement bien rémunérés. Environ 65%
de ses réserves extérieures sont placées sur
le compte d’opérations auprès du Trésor
Public français qui les rémunère au taux de
8
prêts marginale de la Banque Centrale
Européenne (3,75% en novembre 2008).
Le Cameroun ne bénéficie du seigneuriage
collecté par la BEAC qu’au travers de la
distribution d’une partie des bénéfices.
Avant d’être repartis entre les Etats, la
moitié de ceux-ci est affectée aux réserves.
L’autre moitié est repartie entre les Etats
de la CEMAC selon une clé fixée par
l’article 37 des statuts de la BEAC : 15%
en fonction de la circulation fiduciaire,
70% en fonction du pourcentage de la
contribution effective de chaque Etat au
résultat réel de la Banque Centrale, et 15%
redistribuées de façon égalitaire.
2.3. Les possibilités en matière
d’emprunts internes.
Si donc le seigneuriage est limité, le
recours à l’emprunt interne, deuxième
source de financement pour l’économie
camerounaise, offre quelques possibilités
qui pourraient être exploitées
judicieusement par l’Etat sans faire une
concurrence déloyale au secteur privé et
pousser les taux d’intérêt à la hausse (car il
théoriquement possible que les banques
préfèrent détenir des titres publics avec une
rémunération garantie plutôt que de prêter
au secteur privé et de prendre des risques).
Mais la relative surliquidité du système
bancaire et l’importance des réserves
extérieures de la BEAC réduisent une telle
probabilité, permettant le développement
d’une stratégie d’endettement interne de
l’Etat.
2.4. La surliquidité des banques et refus
de crédit
La surliquidité se reflète dans l’absence de
refinancement des banques camerounaises
par la BEAC depuis 2002, et le niveau
élevé des taux des réserves obligatoires : le
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coefficient de réserves obligatoires sur les
dépôts à vue est de 11,75% et de 9,25% sur
les dépôts à terme. En juillet 2008, les
réserves obligatoires représentaient un
montant de 192,7 milliards de FCFA et les
réserves libres s’élevaient à 382,5 milliards
de FCFA, soit un total de 575,2 milliards
de FCFA (1810 milliards pour l’ensemble
de la CEMAC).
Un tel niveau de réserves intérieures
suggère qu’un recours plus important de
l’Etat Camerounais aux emprunts
intérieurs ne poserait pas de risque
d’éviction des entreprises privées du
marché national du crédit.
On note toutefois, que dans les pays qui
entretiennent le contrôle des changes sur
les mouvements de capitaux comme ceux
de la CEMAC, la principale source de
vulnérabilité extérieure se trouve au niveau
de la balance commerciale (rapport
exportation/importation). Il est logique de
comparer le montant des réserves aux
importations, qu’il faut régler en devises
tirées des exportations. Pour le Cameroun,
les réserves brutes de change détenu par la
Banque centrale sont passées de deux mois
d’importation en 2001 à plus de six mois
en 2006, alors que trois ou quatre mois
seraient amplement suffisants dans la
situation actuelle.
Il est habituel aussi de comparer le volume
des réserves à la masse monétaire, ceci
pour alléger le risque d’une crise de
change qui serait provoquée par une
panique soudaine de la clientèle et une
ruée sur les dépôts bancaires. Pourtant, les
autorités ont adopté une politique
monétaire qui a conduit ce ratio à
augmenter de 22% en 2001 à 68% en
2007.
2.5. Les réserves et les couts
économiques
9
Un tel niveau de ressources extérieures est
certes signe de bonne santé financière,
mais il pose également un problème
fondamental de stratégie de financement
de l’économie nationale. Face à un choc
extérieur temporaire négatif sur la balance
des paiements, l’existence de réserves
importantes permet d’éviter un ajustement
brutal de l’économie entrainant une baisse
de l’activité économique.
Mais l’accumulation d’un tel niveau de
réserves représente un coût économique,
car elle signifie automatiquement un
excédent de la balance des paiements, ce
qui implique que l’économie n’utilise pas
toutes les ressources issues des
exportations, des revenus nets de facteurs
et des entrées nettes de capitaux. Or
l’économie camerounaise a de grands
besoins de financement internes.
Par ailleurs cette stratégie d’accumulation
de réserves à l’étranger a également un
cout financier non négligeable, qu’il
faudrait comparer à la sécurité qu’elle
procure, surtout si les rendements des
placements extérieurs sont inférieurs aux
rendements des crédits internes. Cette
accumulation des réserves extérieures est
la conséquence de la Convention de
Compte d’opérations qui lie le Trésor
public français à la BEAC et d’éviter aux
Etats Africains d’avoir à ajuster
brutalement leur taux de change et à
suspendre la convertibilité de leur monnaie
en cas de choc négatif.
La surliquidité devrait donc encourager
l’Etat du Cameroun à explorer des
possibilités d’emprunts locaux en vue
13
d’élargir l’espace budgétaire. Ceci peut
s’effectuer par le biais de l’émission de
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titres publics (bons et obligations du
Trésor)13.
Conclusion
« L’argent est la valeur humaine exprimée
en chiffres, il est la marque de notre
esclavage, le stigmate ineffaçable de notre
servitude. Les hommes qui peuvent
s’acheter et se vendre sont bien des
esclaves. » L’argent est à l’origine d’une
double aliénation : de la liberté
personnelle, qui devient monnayable; et du
rapport à autrui : « L’aliénation de
l’essence humaine par isolement des
individus et l’avilissement de cette essence
réduite à n’être plus qu’un moyen
d’existence pour ces individus. L’égoïsme
du monde moderne marchand, réalisé en
son principe fait disparaître ici-bas comme
dans l’au-delà, théoriquement et
pratiquement, tout commerce immédiat,
toute vie immédiate et fait de celle-ci un
simple moyen pour l’existence privée.
Là où tout commerce humain et toute
activité humaine sont immédiatement
supprimés et ne peuvent plus être utilisés
que comme des moyens en vue de
l’existence égoïste, là où tous les rapports
depuis l’amour naturel, le commerce des
sexes jusqu’à l’échange des pensées du
monde cultivé, ne peuvent être pratiqués
sans argent. (...) on peut dire que avec
Marx que l’argent en terme comportement,
n’induit pas son utilisateur vers
l’acquisition des vertus sociales, mais
= Cette opération n’est possible que si l’Etat
respecte les critères de convergence de la
CEMAC, selon la directive du 3 aout 2001 : un
solde budgétaire de base excédentaire ou en
équilibre, - un taux d’endettement maximal de
70% du PIB, un taux d’inflation maximal de 3%
par an ; et le non accumulation des arriérés de
paiement.
10
plutôt vers une sorte d’esclavage qui laisse BIBLIOGRAPHIE
au sein de la société des clivages qui ne
peuvent être soulagés à cause de
1. Fabien EBOUSSI EBOULAGA
l’exploitation du prolétaire par le
(2008). Etat du Cameroun 2008, in Célestin
capitaliste d’un autre coté. Monga : l’Argent qui appauvrit, Editions
Terroir, Cameroun. pp135-143.
Les pays de zone CEMAC détiennent des
réserves immenses en avoirs extérieurs. 2. F. E NGELS, Esquisse d’une critique
Mais ces réserves monétaires, ne peuvent de l’économie politique, Paris, Aubier
Montaigne, 1992, p. 10.
aucunement financer leurs économies à
causes des conventions monétaires qu’ils
3. Karl MARX, Manuscrits de 1844,
ont signées avec le trésor public français. Il
Paris, GF Flammarion, 1996, p. 108.
ne reste ces Etats que des financements
qu’ils peuvent lever au moyen de l’appel 4. Adams. SMITH, Recherches sur la
public à l’épargne, des bon, et obligations nature et les causes de la richesse des
de Trésor etc. nations, Paris, Gallimard, 1976, ch. 2.

5. Moses Hess (1875), pour plus de

details :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Moses_Hess.

6. Jean-Baptiste SAY, Traité

d’économie politique, Paris, Calmann-Lévy,
1972.

7. Dubost Matthieu, « Argent et aliénation

dans les Manuscrits de 1844 de K. Marx », Archives
de Philosophie, 2008/3 (Tome 71), p. 489-506. DOI
: 10.3917/aphi.713.0489. URL :
https://www.cairn.info/revue-archives-de-
philosophie-2008-3.htm-page-489.htm.

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