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UNIVERSITE DE KINSHASA
FACULTE DES SCIENCES ECONOMIQUES ET DE GESTION

Par

Le Professeur MABI MULUMBA

Notes de Cours pour la Première Licence


en Economie

2008-2009

INTRODUCTION
2

Cet ouvrage intègre une grande partie du cours de théorie monétaire que nous
dispensons en licence à la Faculté des Sciences Economiques de l'Université de
Kinshasa ainsi qu'à l'Institut Supérieur de Commerce de Kinshasa. Il ne s'adresse
cependant pas uniquement aux étudiants mais également à tous ceux qui, de par leur
profession, sont concernés directement par les phénomènes monétaires ainsi qu'à tout
citoyen soucieux de mieux comprendre son environnement économique, financier et
monétaire.

Tout en rappelant quelques notions de base, en matière monétaire, en réalité, le livre


plonge d'emblée le lecteur dans l'analyse de différentes théories monétaires. Comme les
sujets abordés s'insèrent dans le cadre d'un enseignement dispensé dans un pays en
développement qu'est le Congo dont l'histoire économique et monétaire est jalonnée de
diverses crises, les phénomènes particuliers et particularisés de l'environnement
économique congolais sont analysés à la lumière des théories monétaires répertoriées.

Cette approche obéit à la volonté maintes fois exprimée par les pouvoirs publics, les
employeurs et les étudiants eux-mêmes de voir notre enseignement supérieur s'intégrer
à son milieu pour sa meilleure connaissance en vue de trouver des solutions
appropriées aux problèmes économiques et monétaires qui se présentent.

Nous nous sommes efforcés de répondre à cette attente en puisant nos cas d'application
dans notre propre environnement et en mettant en exergue les éléments spécifiques aux
comportements des agents économiques des pays en développement.

La théorie monétaire s'emploie à établir les relations entre la monnaie et les variables
réelles de l'économie (production, consommation, emplois, etc.) afin d'asseoir la
politique monétaire.

Pour mieux se pénétrer de la quintessence des différentes théories monétaires, il s'est


imposé de les situer dans une approche historique. En effet, en accord avec R. Harrod ,
nous sommes persuadé "qu'il est impossible de comprendre parfaitement les principes
de la monnaie sans en connaître toute l'évolution historique " . Selon toujours R. Harrod,
" il est certainement possible de considérer la monnaie comme un concept abstrait,
s'appuyant sur diverses définitions, mais la théorie pure à laquelle on aboutit en
faisant abstraction de l'évolution historique est forcément superficielle. Pour qu'une
théorie pure serve l'interprétation des phénomènes courants et l'élaboration de
décisions quotidiennes, elle doit être en plus étoffée par de nombreuses références
historiques" (1).

En conformité avec cette ligne de conduite, les différents chapitres composant ce livre
s'alignent sur cette approche. C'est ainsi qu'après que le premier chapitre ait cerné les
origines et la définition de la monnaie, il est passé en revue, dans le deuxième chapitre,
l'évolution des théories relatives à la demande de la monnaie ainsi que de la théorie
quantitative de la monnaie, des classiques aux théoriciens modernes tels que Don
Patinkin, Milton Friedman, etc.

(1)
Roy Harrod, La monnaie, Dunod, Paris, 1971, p.XII
3

Le troisième chapitre qui traite de l'offre de monnaie met un accent particulier sur le
rôle de plus en plus important que jouent les institutions financières non bancaires ces
dernières années dans la théorie monétaire suite aux mutations qu'elles ont connues.

CHAPITRE I : LA MONNAIE ET SES ORIGINES HISTORIQUES


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Au fil des temps, la monnaie a revêtu un caractère de plus en plus complexe. Ce qui en
complique la définition. C'est ainsi qu'elle est définie de manière indirecte à travers ses
différentes fonctions.

Avant d'en arriver là, il est approprié d'établir les origines historiques de la monnaie.

1. EVOLUTION HISTORIQUE DE LA MONNAIE

1.1. Le troc

Dans la phase primitive de l'évolution de l'économie caractérisée par des activités


basées sur la chasse, la pêche et la cueillette, chaque individu se procure directement ce
dont il a besoin. Il y a un minimum d'échanges et ceux-ci se font par le troc.

Au fur et à mesure que la société enregistre des progrès dans le mode de production
avec l'apparition de la spécialisation, chacun se consacre à une seule activité (culture,
pêche, élevage ou à l'artisanat) et ne peut plus satisfaire la totalité de ses besoins avec sa
propre production, une nécessité pressante d'échanger une partie de celle-ci avec
d'autres biens fabriqués par d'autres devient un impératif incontournable.

En outre, la production devenant de plus en plus abondante, variée et complexe, le


mode d'échange basé sur le troc constitue alors un frein à la croissance des échanges et
de la production.

En effet, le troc comporte des inconvénients, à savoir:


- la difficulté de coïncidence de besoins quant à la nature, à la quantité
des biens échangés et au moment où ils le seront;
- l'expression de la valeur des biens et services requiert une multitude de
rapports de valeurs autant qu'il y a des combinaisons possibles de
biens et services pris deux à deux;
- la dissociation temporelle de l'acquisition et de la cession de biens est
impossible.

Un tel système décourage les échanges et la division du travail qu'ils supposent et dès
lors handicape la productivité et le développement économique. En effet, le troc est
toujours particularisé et n'a pas de valeur universelle. Il ne permet pas d'atteindre une
expression unique de l'ensemble des relations d'échange de tous les biens.

Les inconvénients inhérents au système de troc vont militer, au fur et à mesure que
l'économie se spécialise et se développe, en faveur d'un étalon de valeurs constitué par
un élément pris parmi tous les autres devant servir d'élément de comparaison.

1.2. La monnaie concrète ou matérielle

La monnaie matérielle, c'est le bien qui brise le troc et intervient réellement dans les
échanges.

• La monnaie marchandise
5

La monnaie de paiement a d'abord été un bien matériel, une marchandise choisie parmi
beaucoup d'autres comme ayant des qualités fondamentales, à savoir: (1)

- Son homogénéité, sinon les contrats exprimés en cette monnaie sont d'un
contenu incertain;

- Sa malléabilité pour qu'il soit possible de le diviser en parties exactement égales;

- Son inaltérabilité sans laquelle la monnaie ne pourrait pas remplir sa fonction


de réserve de valeur, ni même servir de simple moyen d'échange.

Avant de trouver l'instrument monétaire réunissant optimalement ces qualités


fondamentales à savoir les métaux précieux (or et argent), les fonctions monétaires ont
été acquises tout d'abord à des biens matériels demandés par la communauté pour leur
propriété à satisfaire les multiples besoins des hommes. Cependant, les objets qui
constituaient des signes extérieurs de richesse semblent avoir été les premiers à
posséder réellement les attributs monétaires.

C'est ainsi que les civilisations primitives ont souvent conféré le rôle de la monnaie à
des animaux domestiques: le bœuf, le mouton, la chèvre, etc. Des objets tels que des
coquillages ont également joué le rôle d'instruments monétaires.

Au début, les fonctions monétaires de ces biens étaient accessoires mais petit à petit, la
nécessité d'assurer les échanges et de conserver une réserve de valeur accentua de plus
en plus leur caractère monétaire.

Toutefois, les animaux domestiques ne sont jamais parvenus à garder leur caractère de
monnaie. En effet, ils sont périssables et ne peuvent remplir que difficilement la
fonction de réserve de valeur. De plus, leur indivisibilité constitue un obstacle sérieux à
la conclusion de petites opérations.

• La monnaie métallique
Les biens de consommation utilisés comme monnaie ont été rapidement remplacés par
des métaux précieux notamment l'or et l'argent. Outre qu'ils étaient fortement
demandés par la communauté pour leur beauté et leur rareté en orfèvrerie, ils étaient
pratiquement indestructibles et susceptibles d'être présentés sous la forme de très
petites unités. Donc, très rapidement, les fonctions monétaires des métaux précieux
devinrent dominantes et prirent le pas sur leur usage industriel ou artistique.

Des marchands réputés ou des templiers apposaient leur sceau pour authentifier le
poids et le titre du métal inscrits sur le lingot de façon à éviter la vérification du poids et
du titre à chaque transaction.

Le pouvoir public est intervenu ensuite pour appliquer son propre sceau et légaliser
l'instrument monétaire accepté comme ayant une certaine valeur d'usage. Les qualités

(1)
Roy Harrod, La monnaie, Dunod, Paris, 1971, p.5
6

exigées de celui-ci sont : qu'il soit divisible, qu'il inspire confiance à tout le monde et
qu'il soit relativement conservable.

En outre, pour qu'un instrument serve de monnaie, il fallait qu'on ne puisse pas le
reproduire à loisir à des coûts trop bas, c'est - à - dire qu'il fallait qu'il ait une rareté
relative permanente.

Il suffirait au bien choisi comme monnaie de faire l'objet d'un consensus social, d'être
acceptable par la communauté dans les échanges et dans l'acquittement des dettes.
L'acceptation et la confiance sont les conditions ultimes qui font un instrument
monétaire d'un bien ou d'un signe quelconque. Toutefois, une utilité intrinsèque
constituait une garantie, rendait plus crédibles les qualités de monnaie du bien qui la
possédait.

D'abord " pesée ", puis " comptée ", la monnaie métallique a rapidement été " frappée ",
c'est - à - dire que le pouvoir politique, devant la puissance qui s'attache à la détention
et par conséquent à la création, à la fabrication et à la mise en circulation de la monnaie,
s'est peu à peu réservé le droit d'émettre les signes monétaires et de définir l'étalon
monétaire (pouvoir régalien de battre monnaie).

Cette monnaie émise par le prince (l'Etat), avait son contenu en métal garanti et
possédait un pouvoir libératoire. Donc, le droit régalien de battre monnaie a été la
conséquence de l'intervention du prince dans l'authentification des instruments
monétaires, elle-même justifiée par le souci de protéger les citoyens contre la
falsification et surtout de se ménager des recettes fiscales à l'occasion de la frappe; le
seigneuriage étant la commission que le prince prélevait de droit lors de la fabrication
des monnaies, la différence entre la valeur acceptée et le coût de production.

1.3. La monnaie dématérialisée (sans valeur intrinsèque)

a) la monnaie fiduciaire

Si le métal est commode mais il présente cependant un inconvénient. Il peut être perdu
ou volé. C'est pourquoi, ceux qui possédaient des pièces d'or ou d'argent avaient pris
l'habitude de les déposer chez des commerçants appelés orfèvres. Ces derniers
délivraient un reçu en contrepartie de ce dépôt. La pratique s'établit très vite entre
commerçants de remettre ces reçus en paiement de biens vendus et services prestés au
lieu de se servir du métal lui-même pour conclure la vente.

La remise et l'acceptation de ces reçus ne soulevaient aucune difficulté puisque le


détenteur du reçu savait pouvoir reprendre l'or qui se trouvait en dépôt chez l'orfèvre
quant bon lui semblait. Les reçus furent ainsi transmissibles de la main à la main. Les
orfèvres devenus banquiers facilitèrent leur circulation en y inscrivant des sommes
rondes. La monnaie de papier était née.

Le banquier s'aperçut bien vite que la plus grande partie de l'or déposé dans ses coffres
n'était pas retirée et demeurait inutilisée. En effet, les porteurs des reçus ne
demandaient pas tous à la fois le remboursement en métal. Pour éviter d'assumer eux-
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mêmes les charges et les risques de conserver les métaux précieux, ils préféraient se
servir des reçus moins encombrants que les pièces et d'une valeur tout aussi grande.

Ces nouveaux banquiers eurent alors l'idée d'émettre des reçus pour un montant
supérieur à celui des réserves métalliques entreposées dans leurs coffres, le supplément
circula sans difficultés. Les billets en circulation n'étaient plus couverts entièrement
par les métaux précieux. La contrepartie de l'émission de billets non gagés par l'or était
représentée par du crédit au privé d'abord et à l'Etat ensuite. La monnaie fiduciaire
était née. Il s'agit d'une monnaie reposant sur la confiance.

Le pouvoir d'émettre de la monnaie de papier devait, comme on peut l'imaginer,


entraîner de nombreux abus.

En effet, pour faire admettre en toute confiance dans le public


l'usage du billet de banque, il fallait s'assurer de l'honnêteté du dépositaire qui gardait
l'or, gage des billets et veiller à la moralité et à la compétence du banquier qui émet les
billets de banque pour un montant supérieur à la valeur des réserves métalliques
déposées dans ses coffres. Aussi l'Etat, protecteur et promoteur de l'intérêt commun, se
devait de contrôler et d'organiser l'émission du papier monnaie et finalement d'en
réserver le monopole à une seule banque agréée à savoir la Banque Centrale ou l'Institut
d'Emission.

b) La monnaie scripturale

Devant l'emprise de l'Etat sur l'émission de billets, les banquiers privés ne s'avouèrent
pas vaincus. Ils amenèrent les particuliers à déposer dans leurs coffres les billets
conservés dans les caisses particulières. En contrepartie de ces dépôts, les banquiers
ouvrirent au profit des déposants des comptes au crédit desquels ils inscrivirent le
montant des sommes déposées en billets. Les déposants avaient l'entière disposition de
leurs fonds. Bien vite, au lieu de retirer directement leurs dépôts, ils prirent l'habitude
de régler leurs transactions commerciales par un simple jeu d'écritures sur le registre
des comptes sans manipulation des billets.

Ainsi pour effectuer un paiement valable, le débiteur qui possède un compte en banque
se borne à donner au banquier l'ordre de déduire de ses avoirs en compte le montant
des sommes dues et de l'ajouter aux avoirs en compte de son créancier.

Le transfert de cette somme d'un compte à un autre équivaut à une remise de billets du
débiteur au créancier avec cette différence qu'il n'y a pas de manipulation de billets,
mais un simple jeu d'écritures sur des registres. C'est pourquoi cette forme
immatérielle de la monnaie s'appelle la monnaie scripturale.

Tout comme la monnaie de papier était née de la pratique du dépôt de métal, la


monnaie scripturale naquit de la pratique du dépôt de billets.

Tout comme l'orfèvre-banquier pouvait émettre des billets de banques pour un montant
supérieur à la valeur de la couverture métallique, le banquier moderne, constatant qu'il
possédait toujours dans ses coffres une réserve de billets inutilisés, se mit à ouvrir des
comptes pour un montant dépassant la valeur des billets. La contrepartie de cette
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émission de monnaie scripturale fut constituée par du crédit aux particuliers et à l'Etat.
La monnaie scripturale " fiduciaire" était née.

Dans le monde contemporain, la monnaie se présente sous les formes suivantes:

• les pièces de métal, frappées en alliages vulgaires (cupro-nickel p.e.) servant de


monnaies divisionnaires et d'appoint et n'ont aucun rôle déterminant dans la
création monétaire;
• la monnaie fiduciaire, en fait exclusivement composée de la monnaie de papier
dont chaque billet représente des unités monétaires. Le billet de banque, dans sa
forme moderne, n'est plus convertible en métal et ne peut être refusé (il a " cours
forcé " );
• la monnaie scripturale, monnaie impalpable, abstraite, consistant en des sommes
d'unités monétaires inscrites sur des comptes convertibles en billets auprès des
banques;
• la monnaie " électronique " (1) : l'innovation technologique permettant de stocker
un pouvoir d'achat dans une carte prépayée a conduit à l'apparition de ce que
certains auteurs qualifient de "monnaie électronique". Cette expression est
considérée comme impropre du fait qu'il s'agit, dans ce cas, de l'utilisation des
techniques modernes de circulation de monnaie scripturale au même titre que le
chèque bancaire. Ces techniques se différencient de la monnaie sur ces deux
remarques:
- elles n'ont pas de cours légal (on peut les refuser);
- elles ne sont pas réutilisables en tant que telles alors que le billet peut
servir à effectuer plusieurs règlements successifs.

2. LES FONCTIONS DE LA MONNAIE

La monnaie joue essentiellement trois fonctions dans l'économie:

1° La fonction de numération ou d'étalon de valeur

Les échanges constituant une vente et un achat portent sur une série de biens
hétérogènes de telle sorte que pour qu'il y ait échange, il faudrait une commune mesure,
un étalon de valeur. De par son indétermination, la monnaie remplit cette fonction.

2° La fonction d'intermédiaire d'échange

Les biens et services peuvent s'échanger les uns contre les autres. C'est le troc. Pour que
celui-ci ait lieu, il faut une adaptation mutuelle des besoins des coéchangistes.

La multiplication des biens et services échangés rend quasi irréalisables de telles


transactions. Ce qui entrave l'échange et ralentit la circulation des biens. Ainsi
s'explique le désir d'un instrument d'échange, fonction essentielle de la monnaie. Cette

(1)
- D. Besnard et M. Redon, La monnaie : politique et institution, Dunod, Paris, 1987, p.6
- Didier Bruneel, La monnaie, La Revue Banque Editeur, Paris, 1992, p.17.
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fonction d'échange suppose que la monnaie joue en même temps le rôle de numération
et qu'elle est une réserve de valeur.

3° La fonction de réserve de valeur

La monnaie étant un instrument d'échange de biens et services, il s'impose qu'elle soit


une réserve de valeur. En effet, tous les échanges ne s'effectuent pas sur un même
marché ni au même moment. L'unité monétaire acquise aujourd'hui par la vente doit
permettre d'acheter un autre bien demain par exemple. Pour cela, elle doit garder sa
valeur. Donc située dans le temps et dans l'espace, la monnaie est une réserve de valeur.

3. LA DEFINITION DE LA MONNAIE

A la lumière de son évolution historique et de ses fonctions, la monnaie peut être


définie comme tout bien ou instrument qui est généralement accepté par une
collectivité en paiement de biens et services ou créances.

Ce rôle peut être attribué à un bien ou instrument:

- soit par la loi qui permet à tout acheteur ou tout débiteur de


l'imposer immédiatement en paiement d'une marchandise ou en règlement d'une dette
sans que le vendeur ou le créancier puisse le refuser ou en discuter la valeur.

- soit par la coutume: Ce deuxième élément démontre que ce n'est


pas l'obligation légale qui est la condition suffisante pour qu'un bien joue le rôle de la
monnaie. Ce rôle provient essentiellement d'un consensus général de la collectivité. Il
n'est qu'à citer le cas de la cigarette qui a joué le rôle de monnaie dans des camps de
prisonniers pendant la guerre.

Toutefois, "il apparaît donc que la confiance est intrinsèquement liée aux phénomènes
monétaires, le consensus social nécessaire étant renforcé par l'autorité de l'Etat qui
garantit l'usage de la monnaie sur sa zone de souveraineté" (1) .

Un phénomène intéressant survenu en République Démocratique du Congo lors de la


réforme monétaire opérée le 22 octobre 1993 avec un changement de signes monétaires
peut illustrer l'importance de l'élément confiance. Suite au refus des deux provinces du
Kasaï d'utiliser les nouveaux signes monétaires, il s'est créé, dans le pays, un nouvel
espace monétaire où les anciens signes monétaires ont continué à circuler malgré leur
démonétisation par une loi. (2)
" En effet, lorsque la population n'a aucune confiance en une monnaie, celle-ci meurt de
sa belle mort malgré une imposition légale" (3).

(1)
D. Besnard et M. Redon, op. cit., p.2.
Fr. Kabuya Kalala et Matata Ponyo Mapon, L'espace monétaire kasaïen, Crise de légitimité et
(2)

souveraineté monétaire en période d'hyperinflation au Congo (1993- 1997), L'Harmattan, Paris,


1999
La réforme monétaire du 22 octobre 1993 in Mabi Mulumba, Les Dérives d'une gestion prédatrice, le cas du Zaïre
(3)

devenu République Démocratique du Congo, CRP, Kinshasa, 1998, p.170


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A la faveur d'une nouvelle réforme monétaire intervenue le 30 juin 1998, les billets de
banque démonétisés qui circulaient dans les deux provinces du Kasaï ont retrouvé
légalement leur pouvoir libératoire après avoir été, pendant cinq ans, dans une situation
informelle.

Avant de clore ce chapitre consacré à la définition de la monnaie, il faut cependant


signaler que les économistes ne se sont pas toujours accordés sur la définition de la
monnaie. C'est ainsi qu'un auteur comme Pierre Pascallon (1) trouve que l'approche
fonctionnelle pour définir la monnaie est insuffisante et bornée. Il préfère " remplacer la
définition de la monnaie en termes de fonctions par une définition en termes de
dimensions ". Pour lui, la monnaie qui est par essence valeur vécue, possède, en
quelque sorte, trois dimensions : individuelle, en tant que pouvoir de choix individuel,
sociale, en tant qu'instrument de solidarité collective et temporelle, en tant que réserve
de valeur.

" …. C'est par la monnaie que l'activité privée des individus ou des entreprises prend un
caractère social. C'est en arrivant à se vendre, donc à s'échanger contre de la monnaie,
que dans une société d'économie privée les produits cessent d'être seulement le résultat
du travail individuel de ceux qui les ont fabriqués et qu'ils deviennent en quelque sorte
le résultat d'un travail social " (2).

Ce n'est qu'en prenant en compte toutes ces dimensions qu'il est alors possible de saisir
l'essence de la monnaie.

4. HISTORIQUE DES INSTRUMENTS MONETAIRES AU CONGO DURANT LA


PERIODE PRECOLONIALE.

Les instruments d'échange dans le Congo précolonial peuvent être classés en quatre
catégories :

1° les coquillages : le coquillage est un instrument d'échange presque idéal, car il


est facile à transporter et à compter, il ne se corrompt pas, ne s'use guère, ne peut être
diminué de poids ou de valeur par la main du rogneur et il serait bien difficile de le
contrefaire : il a presque toutes les qualités d'une véritable monnaie.

Parmi ces coquillages, il y a eu :

a) le musanga ou quiranda : ceintures et colliers formés par des rondelles découpées


dans une coquille dénommée achatine. Ces rondelles étaient ensuite perforées et
enfilées pour former des chapelets. Cet instrument d'échange figure parmi les plus
anciens en cours au Congo et en Angola.

b) Les N'ZIMBU, ils furent le produit d' "un des premiers instituts d'émission" de la
Côte Occidentale de l'Afrique Equatoriale qui se trouvait dans une petite île, face à
Loanda dont le gouverneur était le roi du Congo. "On réunissait des femmes qui,

Pierre Pascallon, Théorie Monétaire, les Editions de l'Epargne, Paris, 1985, p.74.
(1)

Ch. Bettleim, L'économie soviétique, Recueil Sirey, 1950, PP.339 et 455, cité par P. Pascallon, Théorie
(2)

Monétaire, les Editions de l'Epargne, Paris, 1985, pp. 465-466.


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entrant quelque peu dans la mer, lavaient le sable dans des corbeilles et en retiraient
de petits coquillages n'zimbu de l'un et de l'autre sexe; elles triaient ceux-ci,
séparaient les mâles des femelles qui sont plus précieuses que les mâles parce
qu'elles sont plus brillantes et plus agréables à l'œil et portaient le tout au trésor du
roi" (1).

2° Les tissus de fabrication artisanale ont joué également le rôle de monnaie dans
les transactions commerciales. Il s'agit des nattes et des pagnes confectionnés à partir
des fibres, tirées notamment du palmier raphia, du pandanus et de l'ananas.

3° les métaux, qui ont fourni des instruments d'échange les plus résistants et les
plus adaptés à des transactions successives et au transport. Ils étaient :

a) les uns en fer : haches, fers de lance, couteaux de jet en forme de serpe, fers de
houe, cloches, barres, lingots, etc.

b) les autres en cuivre, dont l'un acquit une réelle célébrité. C'est la croisette, lingot de
cuivre en forme de croix de Saint-André.
Cette monnaie était émise par l'"Institut d'émission" de Msiri, roi du Garenganze
ou du Katanga qui eut un grand rayonnement avant l'arrivée des Européens. Ces
croisettes ont été trouvées pour ainsi dire dans toute l'Afrique, de l'Egypte au Cap
et de l'Océan Indien à l'Atlantique (2).
Le cuivre a été également utilisé comme instrument d'échange sous forme
d'anneaux, de bracelets, de colliers, de houes, de fer, de lance et surtout de fils de
cuivre.

4° Les animaux domestiques : poules, chèvres, bœuf, etc. qui sont les signes de
richesses mais qui ont l'inconvénient d'être difficilement maniables et non divisibles
pour permettre les petites transactions.
Les instruments d'échange énumérés ci-haut ont existé seuls au Congo durant des
siècles. Suite au contact avec l'extérieur, d'autres instruments d'échange apparurent
dont :

a) les cauris, des jolies coquilles blanches provenant de l'Océan Indien et les plus
estimées étaient récoltées sur les rivages des îles maldives, au sud-ouest de l'Inde. Ils
furent introduits en Afrique par les Arabes d'abord et les Portugais en amplifièrent
l'usage au XVIè siècle ensuite.
b) Les tissus de fabrication européenne : coton écru, teint, imprimé, laine et coton,
toile de tous genres etc. Les plus en vogue furent: l'americani, l'indigo drill, la
cretonne, les pagnes, les mouchoirs, les couvertures, etc.

c) Les perles de fabrication européenne dont celles en provenance de Venise dès le


XVIème siècle.

(1)
Banque du Congo belge, 1909-1959, Ed. L. Cuypers-Bruxelles p. 24

Banque du Congo belge - op. cit. p. 25.


(2)
12

d) Le laiton d'origine européenne vint détrôner le cuivre. Le "mitako" (barrettes de 8 à


25 cm de laiton groupées en faisceaux) devint alors une sorte de monnaie de compte
à longueur variable à laquelle était ramenée la valeur des marchandises.

e) Le sel importé, comprimé sous forme de cubes de volume approximatif de


morceaux de sucre actuels. Cette monnaie avait l'inconvénient de perdre rapidement
de son poids.

Il est évident que ces différents instruments d'échange n'avaient pas tous le même
rayonnement auprès de la population. Les uns ne voulaient que des cauris, les autres les
N'ZIMBU ou l'indigo drill ou encore l'américani.

Les premières monnaies métalliques européennes, ayant un véritable cours ont été
introduites en Afrique Occidentale par les Portugais à partir du XVème siècle. A cette
époque, les rois de Lisbonne portaient aussi le titre de "Rois des Guinées" c'est - à - dire
les deux Guinées : la Supérieure entre le Rio Numez et le Cap Lopez - la Basse Guinée
ou Congo, groupant les territoires de Loango, d'Angola, de Benguela et du Congo situés
entre le cap Lopez et le Cap Negro.

Jean II de Portugal, devenu roi en 1481 fit frapper certaines pièces de monnaie portant
l'inscription : DOMINUS GUINEAE. C'est ainsi que circulèrent sur les côtes
occidentales d'Afrique les crusados, les justos et les espadins en or, les testaos, les indios
et reales en argent, les reales preto en cuivre.

En 1762, le roi Joseph 1er ordonna l'émission par l'Hôtel des monnaies de Lisbonne pour
la circulation en Afrique Occidentale des pièces de cuivre, portant les armes, la
couronne royale et le mot macuta.

Plus tard, les Portugais émirent également des macuta en argent, d'une valeur plus
élevée que l'unité primitive en cuivre. Le macuta était antérieurement une monnaie de
compte employée par les populations de la côte : c'était en fait un faisceau de mitako,
unité de compte variable. Le roi du Portugal voulait ainsi substituer, sous le même nom,
une pièce de monnaie européenne d'une valeur certaine à une unité de compte variable.

Il circula également au Congo le célèbre thaler (tari) dit " de Marie- Thérèse", produit
des ateliers autrichiens.

CHAPITRE II : THEORIES DE LA DEMANDE DE LA MONNAIE ET LA


THEORIE QUANTITATIVE DE LA MONNAIE

1. LA NATURE DE LA DEMANDE DE LA MONNAIE

Ce chapitre appelle une question : la monnaie peut - elle faire l'objet d'une demande
propre?
13

La réponse n'est pas unique si cette problématique est située dans le contexte de
l'histoire économique.

Les économistes classiques tels que Stuart Mill, J.B. Say, James Mill, Ricardo et les
économistes viennois comme Menger, L.V. Mise n'admettaient pas que la monnaie
puisse faire l'objet d'une demande propre, qu'elle puisse être désirée pour elle-même.
Pour eux, elle n'est qu'un intermédiaire des échanges et que sa demande n'est qu'une
demande indirecte des biens. La monnaie n'est qu'un voile, l'échange ayant eu lieu, il
est constaté qu'en fait les biens s'échangent contre d'autres biens. D'où leur insistance
sur la neutralité de la monnaie. Une monnaie est dite neutre lorsqu'elle n'exerce pas
d'impact sur les variables réelles, c'est - à - dire sur la production des biens et services.

Pour ces auteurs, l'utilité de la monnaie n'est qu'une utilité dérivée, un reflet, celle qui
lui revient en tant qu'instrument d'échange.

Par contre, les économistes contemporains (J.M. Keynes, Don Patinkin, M. Friedman)
démontrent que la monnaie est investie d'une utilité propre, directe, absolument
distincte des biens qu'elle permet d'acquérir. Les individus ont bien besoin de la
monnaie en sa qualité d'instrument d'encaisses de liquidités mettant ainsi en exergue sa
fonction de réserve de valeur.

" Les achats et les ventes se réalisent tout au long de la période sans que l'individu
puisse prévoir avec certitude leur échelonnement respectif. Même si la somme des
achats est égale à celle des ventes, l'individu doit détenir une réserve de monnaie,
fonction du degré de sécurité dont il veut disposer, sinon, il doit accepter le risque
d'insolvabilité" (1).

La monnaie a une utilité directe et possède bien une dimension individuelle en tant que
pouvoir de choix et forme de richesse fournissant un flux d'utilité.

"La monnaie peut être conçue comme l'invention d'une nouvelle forme de capital
produisant un rendement sous la forme d'un flux d'utilité" (1). Elle est un actif détenu
parce qu'il est productif et (ou) parce que ses services sont sources d’utilité (2).
Toute cette argumentation autorise la construction d'une fonction de demande de
monnaie en tant qu'actif ou bien de capital et de rattacher la monnaie à la théorie
générale de la valeur subjective.

En conclusion, la monnaie fait l'objet d'une demande propre en raison de ses qualités
particulières. Celles-ci proviennent du fait que la monnaie est un pouvoir d'achat mais
cette qualité peut être collée à tous les biens, seulement en plus de celle-ci, le pouvoir
d'achat de la monnaie est général et immédiat. Celui qui détient un bien, doit dans un
premier temps transformer ce bien en monnaie pour pouvoir se procurer d'autres biens

(1)
P. Pascallon, op. cit. , p. 483.
(1)
H.G. Johnson, Inside money, outside money, income, wealth and welfare in monetary theory, Journal
of Money, Credit and Banking, February, 1969, p.33, cité par P. Pascallon, op. cit. p.483
(2)
A.H. Meltzer, Money, intermediation and growth, journal of Economic literature, vol. VII, March 1969, p.53, cité
par P. Pascallon, op.cit. p.483.
14

de son choix. La monnaie confère à son détenteur un véritable pouvoir de choix vu son
acceptation générale. En effet, l'indétermination de la monnaie permet d'acquérir
n'importe quel autre bien. C'est pourquoi il est affirmé que la monnaie est porteuse de
liberté.

De là, il ressort que la monnaie de par la liberté qu'elle confère à son détenteur grâce à
son indétermination par rapport aux autres biens, peut être demandée pour elle-même.

Toutefois, la liberté que confère la monnaie à son détenteur connaît une limite. En effet,
on ne peut acheter qu'à concurrence du volume de son revenu (contrainte budgétaire).
Malgré tout, le détenteur de la monnaie peut se porter sur n'importe quel bien de son
choix.

La conception de la monnaie neutre se rencontre encore chez certains économistes


contemporains tels que les théoriciens de l'équilibre monétaire (Wicksell, Hayek,
Koopmans, Holtrop, etc.) et Keynes (la notion de la trappe monétaire, la monnaie dans
une situation de plein emploi). Mais celle-ci est développée dans des modèles si
différents du modèle classique que leur dénominateur commun se réduit à un accord
sur ce que l'on entend par neutralité monétaire.

La relativité de la notion de liquidité

En parlant de l'indétermination de la monnaie, on insiste sur son caractère liquide.


Néanmoins, le caractère de liquidité n'est pas un attribut absolu attaché à la monnaie
(celle que l'on doit obligatoirement accepter en règlement de créances, l'obligation étant
légale).

En effet, dans certaines circonstances, tout autre bien peut jouer le rôle de monnaie (par
exemple, les cigarettes pendant la guerre). Comme on le constate, la qualité de la
monnaie attachée à un bien lui vient d'une volonté collectivement exprimée. Il n'est pas
nécessaire qu'il y ait une intervention étatique. La liquidité attachée au chèque bancaire
payable à vue là où existe une confiance aux banques résulte d'un consensus dans une
communauté donnée.

Toujours dans le même ordre d'idées, il est noté une certaine graduation dans la
liquidité en se référant à certains actifs. C'est ainsi que l'on parle de :

1. Liquidités primaires : comprenant les espèces métalliques, monnaies fiduciaires à


cours légal (billets de banque) et monnaies scripturales (dépôts et comptes courants
à vue en banque).

2. Liquidités secondaires : il s'agit des dépôts à terme, de certaines créances à court


terme bénéficiant des facilités de réalisation immédiate et automatique. C'est le cas
des bons du Trésor et des effets mobilisables, etc. Ces liquidités secondaires sont
également appelées de la quasi-monnaie.

3. Liquidités tertiaires : là où existe un marché financier bien organisé, les valeurs


mobilières cotées en bourse (actions, obligations..) rentrent dans cette catégorie. En
15

effet, par leur mobilisation, les actions et obligations qui sont en réalité des titres de
créances à long terme se transforment dans un délai assez court en monnaie.

Cependant, malgré ces nuances, la monnaie (espèces métalliques, billets de banque et


monnaie scripturale) reste la liquidité par excellence. En effet, elle n'a pas à être
liquidée. Donc, celui qui dispose de la monnaie a un véritable privilège dû à sa
liquidité. Ainsi, on peut saisir pourquoi la monnaie fait l'objet d'une demande propre.

Les différents marchés où se rencontre la demande de la monnaie

1. Une monnaie peut être demandée en échange d'autres monnaies ayant un pouvoir
libératoire en d'autres lieux. Dans ce cas, il s'agit du marché des changes.

2. La monnaie peut être demandée en échange de titres de créances à court ou à long


terme. On parle de marché monétaire lorsque la monnaie est demandée en
contrepartie de titres de créances à court terme et de marché financier lorsqu'il s'agit
de titres de créances à long terme.
Ces deux marchés ne sont pas absolument isolés. En effet, des créances à long terme
du fait de leur mobilisation revêtent les caractères de celles à court terme. Il s'agit
par exemple des actions cotées en bourse qui peuvent être facilement mobilisées.

3. La monnaie peut également être demandée en échange de marchandises (biens


matériels ou services). Tout vendeur est un demandeur de monnaie. On se trouve
sur le marché de marchandises et services. Analyser la demande de la monnaie,
c'est d'une part, établir les motifs de détention de la monnaie et d'autre part,
rechercher la construction d'une fonction permettant d'expliquer et de prévoir les
interactions entre monnaie, prix et activité économique.

2. LA DEMANDE DE LA MONNAIE ET LA THEORIE QUANTITATIVE DE LA


MONNAIE CHEZ LES CLASSIQUES.

2.1. Les classiques et la demande de la monnaie

Les classiques fondent leur analyse sur la loi de J.B. Say connue sous l'appellation de
"loi des débouchés". Selon cette loi, toute offre crée sa propre demande. En d'autres
termes, la sommation des revenus sécrétés par une économie correspond exactement à
la valeur des biens et services offerts par cette économie. Par conséquent, dans une
économie monétaire, l'excédent de la demande de monnaie sur la valeur de la
production est toujours identique à zéro.

La loi de Say peut être mathématiquement représentée par l'identité de Walras :


Bd + Md ≡ BS + MS

Bd : demande de marchandises
Md : demande de monnaie
BS : offre de marchandises
MS : offre de monnaie.
16

D'après la loi de Say ou loi de débouchés, l'excédent par rapport aux biens offerts de la
demande de la monnaie est égal à zéro. D'où :

Md - MS ≡ 0
En effet, BS = Md (l'offre de biens est nécessairement égale à la demande de monnaie
de cette catégorie d'agents) et Bd = MS (la demande de biens exige que l'on offre la
valeur correspondante en unités monétaires).

Ainsi l'équilibre réel obtenu lorsque BS ≡ Bd exige l'équilibre Monétaire Md ≡ MS et ces


deux équilibres sont rigoureusement indissociables.

Il s'ensuit, d'après l'identité de Walras, que l'excédent de l'offre de marchandises sur la


demande doit être identiquement égal à zéro :

BS - Bd ≡ 0
A tout instant et en toute circonstance, l'offre et la demande de marchandises doivent
toujours être identiquement égales : BS ≡ Bd

De cette identité, il découle que toute variation de la quantité de monnaie provoque


aussitôt une adaptation du niveau des prix. La monnaie ne joue que le rôle d'un
multiplicateur des prix relatifs. Elle est neutre.

La monnaie est dite neutre, lorsqu'elle n'exerce aucun effet sur le processus réel de
l'économie, c'est - à - dire sur la création de biens et services. Les classiques réduisent
son action au seul rôle de faciliter les échanges, qui auraient lieu dans une économie
sans monnaie, sans les dénaturer.

La conception classique de la monnaie est très exactement exprimée chez John Stuart
Mill : " En réalité, ce n'est pas au moyen de la monnaie que l'on acquiert les choses. Le
revenu de personne, à l'exception de l'extracteur de mines d'or et d'argent, ne vient de
métaux précieux. Les livres et shillings que chacun reçoit par semaine ou par an ne sont
pas ce qui constitue son revenu; ces pièces de monnaie ne sont que des sortes de cartes
ou ordres de payer qu'il peut présenter à telle boutique qui lui convient, et qui lui
donnent le droit de recevoir une certaine valeur de telle marchandise qu'il peut choisir.
Bref, il n'est pas dans l'économie d'une société une chose moins importante en elle-
même que la monnaie " (1).

Malgré leur adhésion à la loi des débouchés, il faut signaler certaines réserves implicites
en ce qui concerne la validité de cette loi dans tous les cas chez James Mill, John Stuart
Mill et JB Say lui-même du moment qu'ils tiennent compte des fluctuations
économiques et des mécanismes d'ajustement évitant une surproduction ou une sous-
consommation durable reconnaissant par là un déséquilibre (au moins temporaire)
entre la demande et l'offre.

J.S. Mill, Principes d'économie politique, Paris, 1873, Tomes II, pp 6-7 cité par
(1)

Classen, Monnaie, revenu, prix, Dunod, Paris, 1968, p.9.


17

Quand John Stuart Mill dit par exemple que rien n'est moins important que la monnaie,
il le dit pour attaquer les mercantilistes qui identifient monnaie et richesse. En effet, il
reconnaît en fait les crises commerciales dues à la monnaie.

En règle générale, ces théoriciens méconnaissent la fonction de réserve de valeur jouée


par la monnaie. Ils affirment que la monnaie ne sert qu'à alimenter des flux de
transactions commerciales et financières et ne sert jamais à alimenter des flux de
thésaurisation.

Pour eux, la monnaie ne peut jamais faire l'objet d'une demande propre. Sa demande
n'est qu'une demande indirecte des biens et services. En réalité, les biens s'échangent
contre d'autres biens, la monnaie jouant le rôle d'instrument des échanges n'est qu'un
voile qui, apparemment cache le fondamental (les biens s'échangent contre d'autres
biens).

C'est pourquoi, les classiques affirment que la monnaie est neutre à tout instant et en
toute circonstance.

La science économique de nos jours a rejeté la conception classique de la neutralité de la


monnaie sur la base d'une analyse approfondie des phénomènes monétaires. En effet, à
l'heure actuelle, il est reconnu que la monnaie fait l'objet d'une demande propre en
raison de ses qualités particulières. Elle est notamment la liquidité par excellence et
constitue un pouvoir de choix.

En outre, l'histoire économique démontre que la monnaie peut être à la base d'une
remise en cause de l'équilibre économique général.

La conception de la monnaie neutre se retrouve encore chez certains économistes


contemporains mais elle est développée dans des modèles si différents du modèle
classique que leur dénominateur commun se réduit à un accord sur ce que l'on entend
par neutralité monétaire.

2.2. La théorie quantitative chez les classiques

La formulation de la théorie quantitative de la monnaie est présentée d'une façon


rigoureuse chez D. Ricardo.

Cet auteur raisonne dans une économie sans monnaie comme tous les classiques. C'est
pourquoi son approche est dite réelle. L'introduction de la monnaie dans son modèle
n'exerce aucune influence. Ricardo défend le principe de la neutralité de la monnaie.

D'après lui, les valeurs d'échange sont déterminées par les coûts réels c'est - à - dire les
quantités de facteurs consommés. Il suppose que la totalité de la population active est
au travail. En d'autres termes, il suppose, en toutes circonstances, une production
correspondant au plein emploi de la main-d'œuvre.

Pour cet économiste, les conclusions tirées d'une analyse faite dans une économie
d'échange pur (économie de troc) sont encore valables pour une économie monétaire.
18

Le recours à la monnaie selon Ricardo, permet simplement de transformer les valeurs


d'échange en prix et de poser le problème du niveau moyen des prix.

L'équation monétaire de Ricardo se présente ainsi : M = P T


T : Transactions : une constante et exogène à la monnaie parce que déterminée par les
équations réelles.
M : masse monétaire en circulation
P : niveau général moyen des prix.

T étant une donnée, il s'agit de dégager les influences réciproques de M et P. Toute


variation de la quantité de monnaie se répercute de façon directement proportionnelle
sur la variation du niveau général moyen des prix.

En ce qui concerne les règles qui devraient présider à l'émission de la monnaie, cet
auteur est pour une couverture à 100 % en or des billets en circulation. Donc, d'après
lui, la monnaie en circulation dépend du stock d'or national.

Ricardo admet les sorties ou les entrées d'or dues au renversement de la balance des
paiements. Il affirme que le stock d'or mondial est réparti entre les pays
proportionnellement à leurs besoins de monnaie, c'est - à - dire aux volumes de
transactions auxquelles ils doivent faire face.

3. LA THEORIE QUANTITATIVE CHEZ LES NEO-CLASSIQUES

Les néo-classiques ont maintenu la théorie quantitative. C'est le cas chez K. Menger, L.
Walras, I. Fisher, etc. Toute l'approche réelle est maintenue avec cette différence que
chez eux, les valeurs d'échange ou prix relatifs ne dépendent plus des coûts réels de
production mais des utilités marginales.

Toutefois, une importante évolution dans le sens d'un affinement de la théorie


quantitative est constatée à travers trois améliorations :
a. Le principe d'une couverture partielle des émissions est admis;
b. L'introduction du concept vitesse de circulation de la monnaie;
c. La découverte du rôle monétaire des dépôts bancaires et leur vitesse de circulation
qui est différente de celle des billets et pièces.

L'offre de monnaie devient alors : MV + M' V' = PT


M : la monnaie fiduciaire
V : vitesse de circulation de la monnaie fiduciaire
M' : la monnaie scripturale
V' : vitesse de circulation de la monnaie scripturale.

Cet affinement de l'analyse soulève des problèmes graves du point de vue de la théorie
quantitative. Avant de relever ces problèmes, il s'impose de faire un rappel des
éléments de la théorie telle qu'elle se trouve systématiquement formulée chez I. Fisher.

3.1. La démonstration de I. FISHER

Cet auteur part de l'équation des échanges :


19

MV + M' V' = PT où P = niveau général des prix et


T = les transactions (biens et services).

Cette équation est vraie par définition. Elle signifie en effet, du point de vue des
producteurs, que la dépense globale dans une période est égale au volume des
transactions multiplié par le niveau des prix; que du point de vue des consommateurs,
la dépense totale est égale à la monnaie détenue par eux, multipliée par la vitesse de
circulation de cette monnaie.

L'équation des échanges devient une théorie quantitative de la monnaie, lorsqu'on


privilégie les éléments monétaires de l'équation en affirmant que les prix varient en
raison de la quantité de monnaie.

Cette théorie repose sur trois hypothèses retenues par I. Fisher :


 V et V' sont des constantes. La vitesse de circulation de la monnaie dépend des
psychologies individuelles et des conditions du milieu. Cette vitesse de
circulation (ou rythme de dépenses) est constante ou ne varie que lentement sans
aucun rapport avec M;
 Le rapport M’/M est constant, car ceux qui font des dépôts sont habitués à
opérer une certaine répartition de leurs avoirs en billets et en dépôts. Les
banques s'imposent à maintenir un rapport constant entre leur encaisse et les
crédits qu'elles accordent. Toute variation de dépôts provoquera une variation
proportionnelle et de même sens des crédits.
 T est une constante. Les quantités échangées dépendent de l'état des ressources
naturelles et des conditions techniques de production et non de MV et M' V'. Ce
ne sont que les progrès techniques qui peuvent modifier T.

Ces hypothèses faites, I. Fisher affirme que le niveau général des prix varie en fonction
directe de la variation des quantités de monnaie mises en circulation et
proportionnellement à ces quantités.

L'élément P est passif. Ce qui détermine une modification dans l'équation, donc
l'élément actif est le premier terme de l'équation (MV + M'V') étant donné que T
est une constante.

LES CRITIQUES

- Dans la formule des néo-classiques, il peut se faire qu'une modification de M


provoque des variations de sens divers de M' , V et V' de telle sorte qu'en tenant T
comme une constante, il n'est pas possible d'évaluer l'influence exercée sur P. Suite
à cette critique, Fisher a été amené à considérer MV + M'V' comme un tout dont
les variations provoquent une variation proportionnelle de P . Cette conception
paraît artificielle car MV + M'V' est une sommation d'éléments composites dont
les mouvements peuvent être de sens divers.
20

- Aftalion a démontré qu'une hausse des cours des devises étrangères sur le marché
des changes peut provoquer directement une variation de prix, à laquelle s'ajustent,
après coup, les éléments M', V, V' et M lui-même.

- Le cas de l'inflation des coûts (inflation salariale, inflation de profit, etc.) est un
élément qui infirme la conclusion essentielle de la théorie quantitative. Dans ce cas,
P augmente d'abord et MV + M'V' ensuite.

- Le niveau général des prix est une abstraction car on observe qu'en cas des
mouvements de la masse monétaire, tous les prix n'évoluent pas de la même façon.
L'inflation par exemple entraîne une hausse très rapide des marchandises dont
l'offre est rigide; d'autres prix, en ce cas, sont plus stables, d'autres même peuvent
ne pas monter du tout (surtout s'ils résultent de contrats ayant prévu à l'avance une
série de prestations successives à un cours donné).

La théorie quantitative, fondée sur une étude des mouvements du " niveau
général des prix " élude donc l'observation de phénomènes essentiels.

- La théorie quantitative prend en considération les quantités de monnaies mises à la


disposition de l'économie par les autorités émettrices. Il se peut que la monnaie
supplémentaire soit thésaurisée et l'accroissement de la masse monétaire peut
provenir d'une déthésaurisation.

- La théorie quantitative ne se fonde que sur la relation émissions monétaires - prix.


En effet, il se peut que la pénurie des marchandises soit à la base des hausses de
prix.

- Si le public est persuadé que les prix vont monter, il peut précipiter ses achats et ce
comportement peut aboutir à la hausse des prix et exiger une adaptation de MV +
M'V' par une augmentation de V et V'.

- Le rapport M’/M n'est pas constant car les gens ne se sont pas nécessairement
amenées à constituer des dépôts en banque en proportion de leur encaisse en
monnaie fiduciaire comme des automates.

Ces critiques ne veulent pas dire que la théorie quantitative de la monnaie est
entièrement fausse. Elle a le mérite d'être une approximation de la vérité. Mais
seulement elle n'explique pas une série de détails qui l'affaiblissent. Les mouvements
des prix ne sont pas bien perçus et en tant que théorie générale de la monnaie, elle ne
s'intéresse qu'au rôle de la monnaie sur les prix sans faire ressortir ce rôle sur les
éléments réels (l'activité T).

En effet, le raisonnement de I. Fisher ne prend en compte qu'une situation de plein


emploi. En sous-emploi, c'est - à - dire situation où tous les facteurs de production ne
sont pas optimalement utilisés, l'augmentation de MV + M'V', au lieu de provoquer la
hausse des prix donc de P, va plutôt entraîner l'augmentation de T , c'est - à - dire
l'accroissement des biens et services.
21

L'approche fisherienne reste fondamentalement dichotomique séparant le secteur " réel


" du secteur monétaire.

Selon Fisher, le domaine de la production, de la circulation et de la vente relève du


domaine de la physique et de la technique industrielle, aucun de ces éléments ne
dépend de la quantité de monnaie en circulation. L'émission monétaire est une donnée
exogène, une variable indépendante détachée de l'activité économique productive.

Le pouvoir d'achat de la monnaie s'établit dans la rencontre du flux de marchandises et


du flux de monnaie pendant une période donnée.

La monnaie est considérée comme un bien indifférent n'accordant aucun privilège à son
détenteur et recherché uniquement comme moyen d'acquérir d'autres biens. Elle n'a
jamais semblé faire l'objet d'une demande spéciale pouvant varier suivant les
circonstances.

Fisher et les fishériens, définissent la monnaie fonctionnellement comme intermédiaire


des transactions et affirment que les individus la détiennent par nécessité, pour le
processus d'échange et non après un choix délibéré. La monnaie n'ayant pas d'utilité
spécifique, il n'y a donc pas une demande de monnaie pour elle-même mais seulement
une demande involontaire, pour utilisation, l'acceptation de la monnaie étant nécessaire
pour acquérir le bien désiré.
" L'approche fishérienne fondée sur le rôle d'intermédiaire des échanges de la monnaie
n'est pas formulée en termes de théorie de la demande " (1).

3.2. La notion de la vitesse de circulation de la monnaie

La vitesse de circulation de la monnaie mesure la fréquence avec laquelle une unité


monétaire change de main au cours d'une période.

Cette notion est fondamentale car elle indique que selon sa


vitesse de circulation, une même quantité de monnaie pourra servir au paiement d'un
volume plus ou moins important de règlements. De même, un même flux de
transactions pourra être assuré par une plus ou moins grande quantité de monnaie.

Dans l'équation de FISHER, il se dégage clairement que le total des règlements (P.T.) est
relié autant à la vitesse de circulation de la monnaie (V) qu'à la quantité de la monnaie
(M) même si cet auteur n'a pas pu se rendre compte que V est variable en rapport avec
les comportements des agents économiques non financiers (entreprises et ménages).

En effet, en acceptant que les entreprises non financières et les ménages peuvent
modifier leur comportement en matière de détention d'encaisses, il devient évident que
la modification des flux monétaires qui en découle pourra se traduire par modification
du niveau général des prix P, du volume des transactions T ou des deux à la fois.

PT

(1)
P. Pascallon, op. cit. , p. 475.
22

En pratique, la vitesse de circulation de la monnaie (V = ) est difficile à difficile à


quantifier. M

Si le stock de monnaie (M) peut être connu après coup et le niveau général (P) saisi de
façon assez précise, il est, par contre, impossible de mesurer le volume des transactions
T qui s'effectue au cours d'une période donnée, et par conséquent de connaître
directement le produit PT.

Pour calculer la vitesse, il est donc nécessaire d'adopter une approximation de ce


paramètre. La mesure de la vitesse de circulation s'effectue à partir de deux approches
différentes :
- la vitesse - transaction et
- la vitesse revenu.

La vitesse – transaction

La saisie de vitesse devrait se faire en recensant les règlements eux-mêmes. Pour les
billets, on se contente des indicateurs approchés, fondés par exemple sur les
mouvements d'entrées et sorties de billets en certains points privilégiés. Pour les
comptes bancaires, on peut totaliser les mouvements débiteurs et, en les rapprochant
sur une période donnée des soldes (moyens ou de fin de période), établir un ratio :

Mouvements débiteurs
Soldes

qui reflète la vitesse de circulation des disponibilités considérées.

Cette formule comporte des lacunes, notamment :


 les mouvements débiteurs peuvent être des opérations purement financières
(retraits en billets, virement entre différents comptes d'un même titulaire,
remboursement de dettes, paiements de titres, etc.)
 et peuvent être des opérations non financières (transactions ne faisant la
différence entre biens et services neufs et anciens, rémunérations des facteurs
de production ou paiements des impôts, etc.).

La vitesse-revenu

L'intensité de l'utilisation du stock de monnaie est valablement illustrée par la


comparaison des variations de ce stock et la production des richesses en valeur
courante.

Il n'en reste pas moins que les agrégats de la comptabilité nationale ne fournissent pas
le montant effectif des transactions économiques. Ils n'en donnent que des indicateurs
approchés.
23

La formule la plus courante consiste à comparer au stock de monnaie le produit


national (ou intérieur) brut : PIB
M
Toutefois, le PIB ne retrace pas les transactions sur consommations intermédiaires et
celles des biens anciens.

La vitesse revenu peut être calculée en rapprochant le flux des règlements, des
définitions plus ou moins larges des liquidités : M1 , M2 , M3 .

3.3. Le taux de liquidité de l'économie


M
Le taux de liquidité de l'économie s'obtient par le rapport :
PIB

Celui-ci représente la mesure de l'adéquation des liquidités aux besoins de liquidités


probables de l'économie tandis que la vitesse de circulation de la monnaie (V) mesure
l'intensité de l'utilisation de la monnaie. Ce qui donne l'équation inverse :
PIB = V
M

4. L'ECOLE DE CAMBRIDGE ET L'APPROCHE DES ENCAISSES

L'approche de D. Ricardo et I. Fisher est appelée " approche par les transactions "parce
que ces auteurs mettent en relation la quantité de monnaie en circulation d'une part, la
masse des transactions à financer d'autre part. Cette approche saisit directement les
quantités globales au plan de la collectivité nationale, donc sur le plan macro -
économique.

L'Ecole de Cambridge, et notamment A. Marshall, a procédé autrement pour


interpréter la théorie quantitative. Son approche est par les encaisses contrairement à
celle des classiques qui est par les transactions.

A. Marshall part de l'échelle individuelle en affirmant que la demande d'encaisse par un


agent économique est toujours en relation fixe, matérialisée par un coefficient k, avec
deux facteurs : - la demande de biens de l'individu au cours de la période égale à t ;
- le niveau général des prix.

Autrement dit, pour un individu, le rapport entre son patrimoine, le volume de ses
transactions et le niveau de son revenu serait constant, tout au moins à court terme.
D'après l'Ecole de Cambridge, la demande de monnaie en termes réels est
proportionnelle au revenu réel pour chaque individu et, par conséquent, pour
l'ensemble de l'économie par sommation.

Donc par sommation, on passe des demandes individuelles (ménage, firme) à la


demande totale d'encaisse qui doit être égale à la masse monétaire en circulation.

L'équation de base se présente ainsi : M1 = KPT


P : niveau général des prix
24

T : transactions
K : coefficient d'encaisse globale valable pour toute la communauté
M1 : la somme de M et M' (monnaie fiduciaire et monnaie scripturale).
Cette équation semble très proche de celle de Fisher. En effet, il suffit de poser:
1
K =
V1
pour retrouver l'équation de Fisher : M1V1 = PT.

Toutefois, la différence réside dans le fait que le symbole V1 dans l'équation de


Cambridge représente non pas la vitesse de circulation de la monnaie par rapport aux
transactions définies auparavant par PT mais plutôt sa vitesse par rapport au revenu,
c'est - à - dire non pas le nombre de fois qu'une unité de monnaie " boucle la boucle"
mais sa vitesse de circulation par rapport au taux de production du revenu réel (1).

Fisher considère que le cadre institutionnel déterminant la nature technique de la


procédure des transactions ne varie qu'imperceptiblement sur de courtes périodes. Il y a
lieu d'affirmer que sa présentation définit une théorie du marché monétaire qui
implique une vitesse de circulation de la monnaie constante à court terme.

Ce qui n'est pas le cas avec l'Ecole de Cambridge. Celle-ci met en exergue l'influence du
taux d'intérêt et de la spéculation, facteurs pouvant varier assez sensiblement sur de
très courtes périodes.

Donc, en abordant le problème des encaisses dans l'économie du point de vue des choix
faits par les individus, l'Ecole de Cambridge prend en compte la satisfaction éprouvée
par un individu à travers la détention de monnaie nécessaire pour les transactions, son
patrimoine, le taux d'intérêt ainsi que les prévisions qu'il fait sur la marche future des
évènements comme ayant une influence potentielle importante sur la demande de la
monnaie.

Le problème de détention d'encaisses est posé en termes micro - économiques en


mettant l'accent sur le comportement de choix des individus. La principale composante
du désir qu'ont les individus de posséder de la monnaie se trouve dans le fait que c'est
un actif pratique à détenir puisqu'il est universellement accepté contre des biens et
services. Plus un individu effectue de transactions et plus il désirera détenir de la
monnaie. Jusque - là, cette présentation est semblable à celle de Fisher mais l'accent est
mis sur la volonté de détenir de la monnaie plutôt que sur la nécessité de la détenir.
C'est là la différence fondamentale entre la théorie monétaire de Cambridge et
l'analyse de Fisher (1).

"Il est vrai en effet que l'approche par les encaisses de Cambridge recherchait déjà les
déterminations de la "demande" d'encaisses à l'aide des choix individuels et offrait par
suite la possibilité d'émergence à une analyse en termes de théorie de la demande de
monnaie : en reformulant l'équation des échanges (M = KY), la perspective
marshallienne introduisait, c'est sûr, un élément de volonté dans le comportement des

(1)
D.E. Laidler, la demande de monnaie, Danod, Paris, 1974, p. 70.
(1)
David E. Laidler, op. cit. , p. 68.
25

demandeurs de monnaie, même si elle devait se laisser finalement dominer par la


conception mécaniste de l'approche par les transactions " (2).

Il va de soi qu'un individu ne peut détenir toute la monnaie qu'il voudrait ne serait-ce
que parce que son encaisse ne peut excéder sa fortune globale. C'est la contrainte sur ses
encaisses.

La demande de monnaie dépend du volume des transactions qu'un individu projette de


réaliser. Elle varie également avec l'importance de son patrimoine et le coût
d'opportunité, c'est - à - dire le revenu auquel on renonce en ne possédant pas d'autres
actifs. Enfin, la demande de monnaie varie aussi proportionnellement avec les prix.

Lorsque les prix des biens et services augmentent d'une certaine proportion, la quantité
de monnaie qu'un individu devra détenir de manière à se procurer exactement la même
satisfaction que précédemment devra elle aussi augmenter dans les mêmes proportions.

Toutefois, l'Ecole de Cambridge n'explicite pas la nature des rapports que l'on pourrait
s'attendre à trouver entre les facteurs régissant la demande de monnaie ni ne situe ces
facteurs selon leur degré d'importance.

5. KEYNES, LA DEMANDE DE LA MONNAIE ET LA THEORIE


QUANTITATIVE DE LA MONNAIE

5.1. J.M. Keynes et la demande de monnaie

La révolution keynésienne fondamentale a consisté dans l'intégration de la demande de


monnaie dans le processus de choix individuels parmi les alternatives concurrentes.

Perpétuant l'approche par les encaisses de l'Ecole de Cambridge, Keynes reconnaît dans
la monnaie un pouvoir de choix en sa qualité de réserve de valeur et donne naissance
au concept de préférence pour la liquidité. Ce concept introduit les comportements
individuels volontaires face à la monnaie conçue comme un bien liquide entrant dans la
logique des choix individuels. Par conséquent située dans le temps, l'utilité spécifique
de la monnaie provient de ce qu'elle est un pouvoir de choix général. Ce pouvoir de
choix constitue le fondement de sa valeur subjective et justifie qu'elle puisse faire l'objet
d'une demande propre.

En effet, c'est John Maynard Keynes qui, le premier, a systématisé les motifs pour
lesquels les agents économiques peuvent avoir de la préférence pour la liquidité en les
catégorisant :

1) Le motif de transaction
La constitution d'une encaisse de transaction est liée aux échanges courants aussi bien
personnels que commerciaux.

(2)
La demande de monnaie, analyse critique d'un concept, in Pascallon, op. cit; , p. 479.
26

Le besoin de cette encaisse s'explique par le fait qu'il existe un décalage entre les
dépenses et la perception du revenu. En effet, la perception du revenu est discontinue
tandis que les dépenses sont plus ou moins régulièrement faites.

Pour le consommateur, le niveau de cette encaisse dépendra de l'importance de son


revenu et de la périodicité de la perception du revenu, des habitudes de dépenses et du
niveau général des prix (il est fait appel ici à la notion d'encaisse réelle). Keynes parle
ici de motif de revenu.

Pour l'entreprise, la constitution d'une trésorerie est indispensable pour son


fonctionnement régulier. Le niveau de cette encaisse variera en fonction de l'intervalle
de temps qui s'écoule entre les dépenses et les recettes. Keynes parle du motif
d'affaires.

Il faut noter que la possibilité d'un recours au crédit bancaire à court terme a une
influence à la baisse du niveau de cette encaisse de transaction.

2) Le motif de précaution

C'est la constitution d'une encaisse monétaire en vue de faire face aux risques et à
l'imprévu. Cette encaisse est fonction du revenu, du caractère du sujet économique, de
la conjoncture. Elle est également liée à l'existence des actifs (bons du Trésor, bons de
caisse) qui peuvent être facilement réalisables ou qui rendent aisée l'obtention d'un
crédit (par exemple une traite escomptable). " Dans les pays en voie de
développement, l'encaisse - précaution revêt une grande importance. Tant
d'événements sont aléatoires, dont la réalisation se traduit par des dépenses
immédiates (exemples : maladies dans les pays à sécurité sociale limitée; fêtes
familiales, enterrements). A défaut d'avoirs financiers, cette encaisse prend la forme
de biens réels (bijoux, objets en cuivre, troupeaux, etc.) " (1).

Son niveau est fonction également des facteurs sociologiques (groupes sociaux : par
exemple, le bourgeois épargne plus que l'ouvrier) et institutionnels (l'existence d'un
système de sécurité sociale ou d'assurances mutuelles fait moins épargner).

L'encaisse de précaution est destinée à financer des dépenses aléatoires. Malgré que le
motif de l'encaisse de précaution mette en exergue la fonction de réserve de valeur et
celle d'intermédiaire des échanges, c'est le revenu, comme c'est le cas pour l'encaisse de
transaction, qui est la variable explicative de cette encaisse. Si une expansion du revenu
global est anticipé, donc une perspective d'une plus grande aisance, la demande
d'encaisses de précaution décroît. Inversement, s'il est suspecté la possibilité d'une
récession, cette crainte suscite une thésaurisation monétaire pour faire face aux
imprévus.

Donc, la décroissance du revenu global y entraîne une augmentation des encaisses de


précaution et inversement la croissance de y induit une réduction de ces encaisses. En
conséquence, la demande d'encaisses de précaution est une fonction décroissante par
rapport à l'accroissement du revenu y
(1)
M.Rudloff : Economie monétaire nationale et développement, Cujas, Paris, 1969, pp. 112-113.
27

Graphique n° 1

M3

M3 : encaisse de précaution

En fait, Keynes subdivise en deux l'encaisse de transaction :


- l'une, liée aux dépenses courantes, à la fréquence, à la régularité des recettes et à
leur coordination avec les paiements à effectuer. Elle est également liée à la
structure du système financier;
- l'autre (de précaution), liée au besoin de disposer d'encaisses de transactions
supplémentaires pour faire face aux dépenses imprévues.

3) Le motif de spéculation (1)

Cette encaisse est destinée par l'agent économique, d'après Keynes, à réaliser un profit
sur des titres à revenu fixe (obligations) selon les variations du taux d'intérêt. Donc cette
encaisse de spéculation est fonction du taux d'intérêt.

"Contrairement à la monnaie, dont la valeur en capital ne varie pas, le cours des


obligations sur le marché secondaire varie avec l'évolution des taux d'intérêt. En
fonction de l'évolution des taux d'intérêt courants et de celle qu'ils anticipent, les
agents économiques vont conserver des obligations plutôt que la monnaie ou
l'inverse ".

En pratique, " lorsque les taux d'intérêt sont élevés, les cours des obligations sont bas
et le risque de perte en capital pour l'achat des obligations est faible. Si une baisse
des taux d'intérêt est anticipée, un gain en capital est probable.
A l'inverse, si les taux d'intérêt sont bas et qu'une hausse des taux est anticipée, le
risque de perte de capital est grand et il est plus intéressant de conserver de la

Se basant sur les phénomènes de la vie économique moderne, M. Rudloff a ajouté un quatrième motif de la
(1)

demande d'encaisse monétaire : celui de placement et l'encaisse-sécurité prenant la forme de valeurs mobilières
stables ("les fameux placements de père de famille et contrats d'assurance-vie") . Cette encaisse répond à la
couverture de besoins encore très éloignés dans le temps (exemple : le moment de la retraite) ou nés subitement d'un
accident. Tout calcul spéculatif se trouve absent de ce comportement de placement, (RUDLOFF, op. cit. , p. 115).
D'après nous, ce quatrième motif semble superflu car il s'intègre parfaitement dans le motif de précaution et
pourrait être un élément d'explication de l'évolution de l'encaisse de précaution.
28

monnaie pour être prêt à toute opportunité d'achat (d'où l'expression d'encaisses
spéculatives); c'est la préférence pour la liquidité " (2).

Illustrons par un exemple cette situation pour mieux saisir la nature de la spéculation
qui est supposée jouer sur les titres d'Etat à revenu fixe (obligations) selon JM Keynes.

Soit un titre d'Etat d'une valeur nominale de 100 FC à 5 % d'intérêt, le revenu de 5


attaché au titre est fixe, la hausse ou la baisse du taux d'intérêt se réalise par la
fluctuation de la valeur du titre.

a) Cas de hausse du taux d'intérêt


Le titre vaut sur le marché 90 FC au lieu de 100 FC. Dans ce cas, il y a hausse du taux
d'intérêt. En effet, le taux de 5 % se rapporte à 100 FC alors que le titre est acquis à 90
FC. Le taux d'intérêt réel est devenu :

5 x 100 = 5,55 % soit une hausse de 0,55 %


90

b) Cas de baisse du taux d'intérêt


Le titre vaut sur le marché 110 FC au lieu de 100 FC . Il y a baisse du taux d'intérêt car
les 5 % d'intérêt se rapportent à 100 FC alors que le titre est acquis pour 110 FC; Le taux
d'intérêt est en réalité :

5 x 100 = 4,45 % soit une baisse de 0,55 %


110

Pour des raisons de spéculation, les agents économiques auront tendance à garder leur
encaisse monétaire ou à se débarrasser de leurs titres lorsque le taux d'intérêt baisse et à
avoir le comportement contraire dans le cas inverse. Dans cette analyse, Keynes n'a pas
tenu compte du motif de spéculation économique portant sur le prix anticipé des
marchandises. Dans ce cadre conjoncturel, lorsqu'il y a baisse des prix, les agents
économiques ont tendance à différer leurs achats en escomptant sur la poursuite du
mouvement de baisse et acheter à un prix plus avantageux; en expansion, ils précipitent
leurs achats avant une hausse ultérieure.

En résumé, en guise de critique globale, on peut admettre avec A. Chaineau (1) : "
Keynes a eu tort parce qu'il a réduit artificiellement l'arbitrage à une alternative à
deux termes : monnaie - obligations. Dans la réalité, tout actif non monétaire est
substituable à la demande de la monnaie et inversement. Donc au lieu de spéculer
sur les obligations, on peut spéculer sur les actions, sur les appartements, sur les
terrains, sur les matières premières, etc. ".

Une autre faiblesse de l'analyse keynésienne réside dans la conviction de l'auteur qu'il
est possible de déterminer de manière précise des encaisses liées à la fonction moyen
d'échange et de celles répondant à la fonction réserve de valeur. En fait, toute monnaie
détenue a le double caractère de moyen de paiement et de réserve temporaire de

(2)
Monnaie et Equilibre Economique, A. Colin, Paris, 1971, p. 78.
(1)
Monnaie et Equilibre Economique, A. Colin, Paris, 1971, p. 78.
29

pouvoir d'achat. " Il est impossible de conserver de la monnaie sans envisager,


simultanément, la faculté de convertir cette monnaie en actifs réels ou en actifs
financiers non monétaires ".

Dans la réalité, l'agent économique ne détient pas trois encaisses distinctes, mais une
seule. Cependant, son ampleur dépend de la conjonction des trois motifs qui ont été
énoncés. Ce sont ces motivations fondamentales qui permettent une analyse judicieuse
de l'évolution des encaisses monétaires.

Dans la cadre d'une analyse patrimoniale, les agents économiques recherchent un


équilibre dont la monnaie n'est qu'un élément. S'il est établi que les néo - keynésiens ont
adopté cette approche, ils ont cependant limité leurs raisonnements au seul patrimoine
financier.

C'est le cas de Baumol et Tobin qui ont affiné l'analyse keynésienne en étendant la
demande de monnaie dans le cadre du choix d'un portefeuille optimal d'actifs
financiers au sein duquel l'arbitrage entre monnaie (actifs sans risque en capital en
principe, c'est - à - dire en supposant le risque inflationniste nul) et titres (actifs à
risques), dans un monde où règne l'incertitude, repose sur la prise en considération du
rendement de tel ou tel actif et des risques que fait peser sa détention (risque
d'illiquidité, risque de perte en capital, etc.).

La notion d'encaisses monétaires joue un rôle important dans l'analyse de la situation


monétaire. Il est distingué en pratique deux sortes d'encaisses : encaisses actives et
encaisses oisives.

L'incidence de la variation des encaisses est double sur la vie économique :


• effet stabilisateur : une création supplémentaire de monnaie à caractère
inflationniste peut se retrouver neutralisée si l'encaisse oisive se dilate. Ce qui freine
le processus inflationniste et favorise la stabilisation. Inversement, s'il y a un effet
déflationniste, une décontraction des encaisses passives a également un effet
stabilisant.
• Effet déstabilisant : c'est le cas lorsque les variations des encaisses créent ou
accentuent l'écart entre les flux réels et les flux monétaires.

La notion d'encaisse active et oisive joue un rôle important chez les auteurs tels que
Koopmans et Holtrop dont la théorie sera analysée à la section suivante.

Les variations des encaisses dépendent des décisions économiques des détenteurs de
liquidité. Vu leur importance dans l'équilibre économique, l'analyse monétaire doit
apporter une attention continue à l'évolution des encaisses et doit faire des prévisions
régulières et détaillées quant aux comportements monétaires des centres de décision.

Les encaisses ne se réduisent pas à l'épargne, elles comprennent également les


trésoreries des particuliers et des entreprises.

1. La demande transactionnelle de la monnaie : M1


30

La demande de monnaie liée à l'encaisse de transaction et celle liée à l'encaisse de


précaution constituent ensemble la demande transactionnelle de la monnaie représentée
par le symbole M1 . C'est la demande d'encaisses actives.

Cette fusion des deux formes d'encaisses s'explique par le constat ci - après qui relève à
la fois leur ressemblance et leur différence.

- Les encaisses de transaction et de précaution sont toutes deux destinées à financer


des dépenses qui sont certaines pour l'encaisse de transaction et ne sont
qu'aléatoires pour l'encaisse de précaution.
- Les deux sortes d'encaisses sont fonction du revenu global : l'encaisse de
transaction l'est de façon croissante et l'encaisse de précaution de façon
décroissante.

Donc, les deux encaisses particulières de transaction et de précaution ont toutes deux la
même variable explicative y encore que pour l'encaisse de transaction, c'est y qui agit
et pour l'encaisse de précaution, c'est le taux de croissance de y qui est concerné.

Toutefois, l'influence majeure est bien sûr exercée par le motif de transaction si bien que
la somme de ces deux encaisses est une fonction croissante du revenu global.

La demande transactionnelle de monnaie est représentée par la fonction:


M1 = L1 ( y )
L1 : c'est la fonction de préférence pour la liquidité liée aux transactions.

Graphique n° 2

M1 y : revenu global

M1 : encaisses actives

Y
2. La demande Spéculative : M2
Celle-ci est liée au motif de spéculation et est représentée par M2.. .Elle est fonction du
taux d'intérêt, d'où M2 = L2 (i)

Ainsi, c'est le taux d'intérêt, qui va être la variable fondamentale pour expliquer la
demande de la monnaie spéculative.
31

On peut représenter la fonction M2 = L2 (i) par la courbe :

i Graphique n°3

it

0 L2 (i)
Cette courbe de préférence pour la liquidité est une fonction décroissante avec le taux
d'intérêt.

Au fur et à mesure que l'intérêt croît, l'encaisse de spéculation décroît, il y a une


demande de liquidité accrue.

La Trappe monétaire

Lorsque le taux d'intérêt baisse, il ne va pas au-delà d'une certaine limite que nous
désignons sur le graphique par it. Ce taux minimum limite au-dessous duquel la
demande de liquidité disparaît, Keynes le situe aux environs de 2 %. " Cela veut dire
que quand le taux d'intérêt atteint ce niveau minimum, tout le monde est convaincu
qu'il ne saurait tomber plus bas, car un taux au-dessous de ce minimum " conduirait à
la gratuité de la disposition des capitaux.

C'est ce phénomène que Keynes appelle " la Trappe de liquidité ". C'est le refus de
placement des encaisses. En dessous de ce niveau, il n'y a plus de partage entre le
placement et l'encaisse.

3. La fonction de liquidité globale de l'alternative placement monnaie

La fonction globale de liquidité se présente comme la sommation des besoins


d'encaisse:

Md = M1 + M2 où Md : demande totale de monnaie


M1 : l'encaisse de transaction
M2 : l'encaisse de spéculation.

En remplaçant M1 par L1 (Y) et M2 par L2 (i), la fonction globale de liquidité s'écrit:

Md = L1 (Y) + L2 (i)

En admettant que MO est l'offre de monnaie disponible dans l'économie et dépend de


l'autorité monétaire, quantité de monnaie offerte aux agents économiques soit pour les
transactions, soit pour la spéculation, on peut poser comme condition d'équilibre :
32

MO = Md

MO = L1 (Y) + L2 (i)

MO est la masse monétaire imposée aux agents économiques de façon exogène.


La fonction globale de liquidité retraçant l'alternative entre placement et monnaie peut
être représentée par le graphique de la manière suivante :

Graphique n° 4
M1 M1 + M2

i Fonction globale de liquidité

i2

i1 M1 M2

it Md = M1 + M2

0 M0

M1 : encaisse de transaction. Elle est insensible à la variation du taux d'intérêt


M2 : encaisse de spéculation. Elle est une fonction décroissante du taux d'intérêt
M1 + M2 : fonction globale de liquidité, décroissante avec la variation du taux d'intérêt à la hausse
M0 : est la monnaie disponible correspondant à la masse monétaire globale.

• Au taux d'intérêt i2 : il y a une préférence absolue pour les actifs non monétaires

• Au taux d'intérêt it : débute une préférence absolue pour la monnaie.


C'est le point de la trappe monétaire.
• Entre les deux taux it et i2 s'opère l'arbitrage entre les placements et les
choix pour la thésaurisation.

5.2. Keynes et la théorie quantitative de la monnaie

J.M. Keynes n'a pas procédé à une critique directe de la théorie quantitative de la
monnaie. Seulement, son enseignement a complètement ruiné cette théorie. Rejetant
l'analyse dichotomique des classiques, il a laissé clairement voir que c'était une erreur
de décomposer l'analyse économique en deux temps:
- dans un premier temps, considérer un monde où se pratique l'échange pur, c'est - à -
dire le troc, et préciser les relations qui le gouvernent en excluant la monnaie;
- dans un second temps, revenir au monde véritable et admettre que rien n'y change
en ajoutant simplement une relation supplémentaire liant la quantité de monnaie
existante et le niveau général des prix.

Alors que le problème fondamental à résoudre était celui d'évaluer l'impact de la


ventilation des effets d'une variation des facteurs monétaires entre P et T.
33

Keynes est parvenu à réconcilier le secteur réel avec le secteur monétaire. Il démontre
que " l'offre de monnaie, telle qu'elle résulte des décisions des autorités monétaires,
est confrontée à la préférence pour la liquidité et détermine le taux de l'argent, celui-
ci confronté à l'efficacité marginale du capital détermine le montant des
investissements, et ceux-ci, par le jeu du multiplicateur déterminent le volume de
l'activité et du revenu national " (1).

Keynes a fait accomplir des progrès à la théorie de la monnaie et des prix en l'intégrant
à une analyse de la variabilité du niveau du revenu global et de l'emploi.

L'analyse keynésienne fait appel, pour expliquer l'action de la monnaie sur les prix à
une série de facteurs jusque - là négligés, tels que :
- la demande effective : Keynes entend par demande effective non pas la demande
réelle mais la demande attendue par les entreprises qui détermine le niveau de la
production. Il s'agit de la demande anticipée par les entreprises (2).
- L'élasticité de l'offre de biens et services;
- Le niveau d'emploi réalisé dans l'économie.

1) Lorsqu'il y a sous-emploi ou chômage dans l'économie

L'accroissement de la quantité de monnaie entraîne une élévation de la demande


effective.

Si les facteurs de production sont homogènes et parfaitement divisibles, l'accroissement


de la demande effective provoquera un accroissement de la production et de l'emploi
sans qu'il y ait hausse des prix. Les flux monétaires constituent dans ce cas une avance
temporaire sur les flux de biens et services.

2) Lorsque l'économie est en plein emploi

Tous les facteurs de production sont utilisés et leur offre devient inélastique. Dans ce
cas, la production n'est plus extensible. Une élévation de la demande effective,
provoquée par un accroissement de la quantité de monnaie, ne pourra que provoquer
une hausse générale des prix.

Ce sont ces deux situations que nous représentons par la courbe de variation de la
valeur de la monnaie qui est en fait la courbe de l'offre (graphique 4).
Lorsque la demande passe de D1 à D2 , aucune variation du niveau des prix, on est en
sous-emploi. Il y a plutôt un accroissement de l'offre.

Les variations de valeur de la monnaie


Graphique n° 5 D6
D5
P D4

(1) S. Leven, Essai sur l'instabilité monétaire, Dunod, Paris, 1971, p.131.

(2) J. Bremond, Keynes et les keynésiens aujourd'hui - Des solutions pour sortir de la crise ?,
Hatier, Paris, 1971, p. 34.
34

D3
D2
D1

T
Lorsqu'on passe de D4 à D5, le plein emploi est atteint. Tout accroissement de la
demande se heurte à une offre inélastique et a comme réponse la hausse des prix.

3) Un cas intermédiaire (entre D3 et D4)

L'évolution de la production ne se fait pas d'une façon harmonieuse du sous-emploi au


plein-emploi. On peut enregistrer des hausses de prix parallèles à l'accroissement de la
production avant que la situation de plein-emploi ne soit atteinte. C'est le cas représenté
par la courbe de l'offre de D3 à D4 sur ce graphique du fait que :
• les variations de la demande effective ne sont pas exactement proportionnelles à
celles de la quantité de monnaie;
• les facteurs de production n'étant pas homogènes, un accroissement de la
production impliquera généralement des rendements décroissants. Les coûts et par
conséquent les prix s'élèveront avant d'atteindre le plein-emploi;
• sous la pression syndicale, les salaires nominaux tendent à s'élever avant le plein-
emploi. En effet, lorsque la production et l'emploi s'accroissent, des hausses de
salaires sont obtenues plus aisément, ce qui aboutit à des hausses des prix;
• des goulots d'étranglement tendront à apparaître au fur et à mesure que la
production s'accroît. Ils peuvent être quantitatifs (insuffisance de travailleurs ou de
capital technique) ou qualitatifs (pénurie de facteurs spécialisés). Ces goulots
d'étranglement sont souvent durables dans les pays en croissance car leur résorption
dépend des modifications de structures socio-économiques.

De ce qui précède, dans le système keynésien (1), la monnaie est neutre dans deux
circonstances :
- la première est la situation de plein-emploi où se vérifie le modèle quantitatif
traditionnel (l'accroissement de la quantité de monnaie entraînant la hausse des prix
sans accroissement de la production);
- la deuxième circonstance est le cas spécial de la trappe monétaire où tout
accroissement de la monnaie est thésaurisé avec refus de placement.

En dehors de ces deux circonstances, la monnaie est non neutre dans le système
keynésien.

Pierre Pascallon, op. cit., p. 129.


(1)
35

6. LA NEUTRALITE DE LA MONNAIE DANS LA THEORIE DE L'EQUILIBRE


MONETAIRE SELON WICKSELL, HAYEK, KOOPMANS ET SON ECOLE.
7.
Contrairement aux théories traditionnelles (classiques) qui affirment que la monnaie est
neutre à tout instant et dans tous les cas, les théoriciens de l'équilibre monétaire tels que
Wicksell et Hayek disent qu'elle n'est neutre que dans des conditions d'équilibre
monétaire.

Dans cette conception, l'excédent de la demande de monnaie n'est pas identiquement


égal à zéro mais peut l'être seulement lors de l'équilibre :
Md - Ms = 0

Si l'équilibre est réalisé sur le marché de la monnaie, d'après l'identité de Walras, il le


sera sur le marché de marchandises:

Bd - Bs = 0

C'est la condition d'équilibre monétaire. L'économie se trouve en équilibre monétaire


lorsqu'aucune influence perturbatrice n'émane pas de la monnaie; la monnaie sera alors
neutre.

7.1. La théorie de KNUT WICKSELL : Ecole Suédoise

Knut Wicksell a enseigné à l'Université du Lund dans le sud de


la Suède de 1900 à1916. Il a occupé la chaire d'économie. Il est mort en 1926.

Sa théorie rejette l'approche dichotomique des classiques qui consiste à examiner


d'abord les phénomènes réels dans un monde sans monnaie et d'y introduire ensuite la
monnaie comme facteur de détermination du seul niveau général des prix.

Son approche saisit directement ces phénomènes sous leur


forme monétaire et reconnaît la possibilité d'une influence de la monnaie et des facteurs
monétaires sur les équilibres économiques généraux (1).

Cet auteur rompt avec la loi de J.B. Say qui énonce que toute offre crée sa propre
demande, donc, qu'il y a en toute circonstance, une identité entre l'offre et la demande
globale de biens et services. En effet, il affirme que la variation du niveau général des
prix, tout comme la variation d'un prix particulier, ne peut s'expliquer que par une
discordance entre l'offre et le demande.

Dans une économie non stationnaire, il y a une distinction bien nette à faire entre : les
marchés de biens de production et ceux des biens de consommation. " Il peut y avoir
excès de demande sur l'un de ces marchés et insuffisance sur l'autre. Une véritable
situation d'équilibre impliquerait donc non pas une simple égalité de l'offre globale
et de la demande globale, mais l'égalité deux par deux des éléments existant sur les

J. Marchal et J. Lecaillon, Les flux monétaires, cujas, 1967, p. 205.


(1)
36

deux séries de marchés c'est - à - dire d'une part, l'égalité entre l'offre et la demande
des biens de consommation, puis l'égalité entre l'épargne et l'investissement ".

Tout en acceptant un lien entre les mouvements de prix et ceux de la masse monétaire,
comme cela se dégageait de la théorie quantitative traditionnelle, Wicksell a cherché à
approfondir la recherche de l'origine des mouvements de prix dans le souci de
stabilisation des prix dans le temps.

Cette quête a trouvé son aboutissement dans sa théorie des deux taux d'intérêt.
En effet, la théorie Wicksellienne d'équilibre monétaire est basée sur la distinction entre
le taux d'intérêt naturel et le taux d'intérêt monétaire :
- le taux d'intérêt naturel représente la productivité marginale physique
du capital;
- le taux d'intérêt monétaire est la résultante de l'offre et de la demande
sur le marché du crédit.

Lorsque le taux monétaire est inférieur au taux naturel, la demande d'investissement


dépasse l'offre d'épargne et il y a déclenchement d'un processus d'inflation tandis qu'un
taux d'intérêt monétaire supérieur suscite des plans d'épargne dépassant les
investissements et partant il s'engage un processus déflationniste.

Ce processus est cumulatif. Selon Wicksell, les déséquilibres monétaires, au lieu de se


résorber automatiquement, ont tendance à s'aggraver spontanément. Donc, l'équilibre
monétaire ne se rétablit pas de façon automatique.

Pour qu'il y ait équilibre monétaire, trois conditions doivent être remplies selon
Wicksell :

1) l'équilibre du taux d'intérêt naturel et du taux monétaire, avec comme


conséquence;
2) l'équilibre de l'épargne (S) et de l'investissement (I) et
3) un niveau général des prix constant.

Dès que ces conditions sont réalisées, l'excédent de la demande de monnaie est, par
hypothèse nul.

A ce point d'équilibre, la monnaie est nécessairement neutre.


La grande contribution de Wicksell est à chercher dans les interrelations dégagées par
cet auteur entre la monnaie, le taux d'intérêt et le niveau des prix. (1).

Wicksell a jeté un pont sur la brèche qui existait entre la théorie des prix et la théorie
monétaire. L'une et l'autre se construisent en termes de variation dans le rapport
existant entre des demandes et des offres de biens évaluées en monnaie.

L'équilibre monétaire Wicksellien ne se rétablissant pas de façon spontanée, l'auteur


prône la nécessité d'une intervention extérieure résultant d'une politique bancaire
adéquate en matière de crédit ayant comme résultat la stabilité des prix.

Pascallon, op. cit., p. 111.


(1)
37

Il est intéressant de rappeler l'origine de la découverte par Wicksell de sa théorie des


deux taux d'intérêt.

Le point de départ des recherches de Wicksell fut une étude du mouvement des prix à
la fin du XIXème siècle.

Les auteurs classiques avaient dit qu'en cas de baisse du taux de l'intérêt, le crédit étant
plus largement distribué, les prix devaient avoir tendance à monter (accroissement de la
masse monétaire). Mais seulement à cette fin du XIXème siècle, le taux d'intérêt était bas
et les prix ne cessaient de baisser. Wicksell y vit la ruine de la théorie quantitative de la
monnaie qui ne pouvait expliquer ce cas.

Wicksell par le truchement de sa théorie de deux taux d'intérêt expliqua cette baisse de
prix par le fait que malgré le niveau bas du taux d'intérêt (monétaire), il était encore au-
dessus du taux naturel (productivité marginale).

Concernant la théorie quantitative, Wicksell s'élève contre son aspect mécanique et


insiste sur les insuffisances du concept de monnaie retenu par les quantitativistes. Ces
derniers n'ont en vue que la fonction d'échange de la monnaie. Wicksell quant à lui, il
tient compte aussi de sa fonction de réserve de valeur. Ce qui conduit à placer au centre
de l'analyse la théorie du crédit et du taux d'intérêt. (1)

De là, on peut poser que les fonds prêtables chez Wicksell peuvent être représentés
mathématiquement

S + DH + ΔM = I
S : épargne
DH : Déthésaurisation
ΔM : taux d'accroissement de l'offre de monnaie.
Pour avoir S = I on doit avoir ( DH + ΔM ) = 0

7.2. La théorie de Friedrich A. HAYEK

F.A. Hayek représente l'école autrichienne. Pour lui, " les


phénomènes monétaires jouent un rôle dominant dans la détermination du volume
et de l'orientation de la production " (2).

Comme Wicksell, il rejette l'approche dichotomique " la monnaie exercera toujours une
influence déterminante sur le cours des événements économiques et que, par
conséquent, aucune analyse des phénomènes actuels n'est complète si le rôle joué par
la monnaie est négligé. Cela signifie que nous devons définitivement abandonner
l'idée que selon les termes de John Stuart Mill, dans la société économique, il n'y a
pas de chose plus insignifiante que la monnaie." (3)

Pascallon, op. cit., pp. 110 et 111.


(1)

J. Marchal et J. Lecaillon, op., cit.,p. 318.


(2)

J. Marchal et J. Lecaillon, op. cit., p .333.


(3)
38

Wicksell mettait l'accent sur la stabilité alors que Hayek est préoccupé par la neutralité
monétaire. En effet, ce dernier déclare que " le but de la théorie monétaire n'est donc
pas d'expliquer la valeur générale de la monnaie, il est de savoir quand et comment
la monnaie modifie les valeurs relatives des biens et à quelles conditions elle laisse
ces valeurs inchangées, autrement dit à quelles conditions elle est neutre par rapport
aux biens. Ce n'est pas une monnaie stable en valeur, mais une monnaie neutre, qui
doit faire l'objet de l'analyse monétaire ".

Hayek rejette le troisième critère de l'équilibre Wicksellien, à savoir la stabilité des prix.
Pour lui, chaque variation de la quantité de monnaie en circulation sera capable
d'enclencher un effet monétaire.
Chaque fois que la monnaie n'exerce aucun effet sur le secteur réel de l'économie, on
parlera de monnaie neutre. Seule alors la constance de la quantité de monnaie peut
servir de troisième critère de l'équilibre monétaire.

D'après Hayek, seule une politique de la constance du flux monétaire garantit la


neutralité volontaire de la monnaie. Et ce, parce que la thésaurisation ou la destruction
de la monnaie entraîne un processus déflationniste et parce que la déthésaurisation ou
une nouvelle création de monnaie provoque un processus inflationniste.
On devrait, par une politique volontaire, neutraliser la monnaie par des flux
monétaires.

7.3. La neutralité de la monnaie dans la théorie de l'équilibre monétaire selon


l'Ecole Hollandaise

1) La théorie de KOOPMANS

L'auteur distingue deux sortes de monnaie :


- la monnaie abstraite c'est - à - dire la monnaie comme moyen de calcul;
- la monnaie concrète c'est - à - dire la monnaie comme moyen d'échange.

a) la monnaie abstraite

C'est un moyen de calcul. S'il n'existait pas les sujets économiques orienteraient leur
demande de marchandises selon la quantité de marchandises qu'ils seraient disposés à
offrir pour obtenir les marchandises demandées. Ce serait là un moyen concret de calcul
qui consisterait soit en des marchandises quelconques soit en une marchandise
standard.

En nous référant à un tel état de choses, lorsqu'il y a divergence entre le moyen de


calcul abstrait, c'est - à - dire l'unité monétaire et le moyen de calcul en termes concrets,
la monnaie abstraite n'est pas neutre.

Dès que cette divergence existe, le sujet économique est soumis à une illusion
monétaire. La monnaie considérée comme moyen de calcul devient neutre dès qu'il
n'existe plus d'illusion monétaire.

Koopmans affirme qu'il y a absence d'illusion monétaire lorsque la demande des agents
économiques est insensible à une variation uniforme du niveau des prix absolus. La
39

demande est alors fonction des seuls prix relatifs (ceux qui se forment sur les marchés
particuliers).

Lorsqu'il y a illusion monétaire, la monnaie abstraite n'est pas neutre et l'objectif logique
de la politique monétaire serait alors de neutraliser la monnaie abstraite, au sens de
stabiliser la valeur de la monnaie.

D'après Patinkin (contrairement à Koopmans), il y a bien illusion monétaire si les agents


économiques ne réagissent pas lorsque la valeur de leurs encaisses varie suite à la
variation du niveau général des prix.
La neutralité de la monnaie abstraite est utile seulement si l'on associe l'idée de
neutralité à celle d'illusion monétaire dans le sens d'une stabilisation de la valeur de la
monnaie.

b) La monnaie concrète

Koopmans considère la neutralité de la monnaie concrète dont le critère est l'équilibre


monétaire. D'après lui, dans une économie d'échange pur, les marchandises sont
échangées directement contre des marchandises. Dans l'économie monétaire, les mêmes
opérations sont en fait dissociées en deux parties complémentaires :
1° échange marchandises contre la monnaie et
2° échange de la monnaie reçue contre des marchandises. Une des deux opérations peut
ne pas se faire, d'où un élément perturbateur.

La monnaie moyen d'échange rend possible une offre sans demande correspondante ou
une demande sans offre correspondante. Koopmans parle de la demande excédant
l'offre:
- demande pure c'est - à - dire partie de la demande excédant l'offre
- offre pure c'est - à - dire offre excédentaire de marchandises
- offre et demande pures simultanées qui ne se compensent pas entre
elles.
- La demande pure peut être financée par la création de monnaie ou par
une déthésaurisation.
- L'offre pure peut provenir d'une destruction de la monnaie ou une
thésaurisation.

Ainsi, la demande nette de marchandises (demande pure moins offre pure = ΔBd )
correspond à un excédent d'offre de monnaie:

ΔMs d'où ΔBd = ΔMs

La demande pure est inflationniste tandis que l'offre pure est déflationniste. L'équilibre
monétaire est réalisé lorsque :

ΔBd = 0 d'où ΔMs = 0


Pour Koopmans, l'équilibre monétaire ne peut être perturbé que par les variations
spontanées dans la détention d'encaisse et la quantité de monnaie.

Soit ΔL2 : différence entre la thésaurisation spontanée et la déthésaurisation


spontanée
40

ΔM : différence entre la création spontanée de monnaie et sa destruction


spontanée.

L'équilibre sera réalisé si ΔM - ΔL2 = 0 (1)


et ΔMs doit être interprété comme ΔM -
ΔL2 = ΔMs

Pour maintenir l'équilibre, chaque variation dans la détention d'encaisse "oisive" ΔL2
doit être compensée par une variation correspondante de la masse monétaire ΔM d'où
la constance d'encaisses actives L1 et ΔL1 = 0

Le maintien de l'équilibre monétaire et partant, le maintien de la neutralité de la


monnaie concrète exige une politique de compensation.
Etant donné que la thésaurisation ou déthésaurisation sont des variations
indépendantes, la politique monétaire doit contrebalancer ces variations spontanées
dans la détention des encaisses par la création ou destruction de la monnaie.

2) LA THEORIE DE HOLTROP

Cet auteur qui est disciple de Koopmans définit la neutralité de la monnaie de la même
façon que ce dernier. Seulement, Holtrop envisage une économie ouverte.
L'équilibre monétaire sera sauvegardé si la création spontanée nette de monnaie ΔM
compense la thésaurisation spontanée nette ΔL2 .

La création spontanée de monnaie peut trouver son origine dans les facteurs intérieurs
du pays ΔMi (monnaie créée en contrepartie du crédit à l'Etat et à l'économie) et ou des
facteurs extérieurs ΔMe , dus aux variations spontanées des avoirs en or et devises et,
partant, aux variations autonomes dans le " compte global " de la balance des
paiements.

Dans ce cas, l'offre excédentaire de la monnaie ΔMs peut être représentée par :

ΔMs = ΔMi + ΔMe - ΔL2

Et, l'équilibre monétaire intérieur sera réalisé lorsque :

ΔMi + ΔMe - ΔL2 = 0

Lorsque cet équilibre monétaire intérieur est accompagné en outre par la neutralité
monétaire intérieure. ΔMi - ΔL2 = 0 et par l'équilibre de la balance des
paiements. ΔMe = 0, on se trouve en face d'un "équilibre monétaire absolu ".

7. DON PATINKIN ET LA REHABILITATION DE LA


THEORIEQUANTITATIVE.

(1)
L1 : encaisse active
L2 : encaisse oisive
41

La théorie quantitative compte encore des défenseurs malgré les critiques formulées
contre elle. Parmi ceux-ci Don Patinkin dont les études monétaires ont eu pour objectif
la réhabilitation de la théorie quantitative de la monnaie.

Cet auteur s'est efforcé de prouver la validité de la conclusion essentielle de la théorie


quantitative à savoir : toute variation de la circulation monétaire détermine une
variation proportionnelle du niveau moyen des prix.

Toutefois son approche est fort différente de celle des anciens auteurs. Contrairement à
ceux-ci qui ont l'habitude de raisonner dans une économie d'échange pur (troc) pour
déterminer les équations réelles et ensuite y intégrer la monnaie en affirmant que celle-
ci est neutre, Pantinkin place son analyse dans une économie où la monnaie n'est pas
neutre rejetant par là la dichotomie des classiques (qui interprètent séparément les
équations réelles et les équations monétaires).

Dans son effort de déterminer l'offre et la demande de biens, il tient compte des facteurs
monétaires à coté des facteurs réels.
Couramment on fait dépendre la demande de biens par un individu à deux facteurs :
- les prix relatifs des biens offerts
- et le revenu réel de l'individu considéré.

La demande d'un bien donné tend à croître lorsque son prix diminue par rapport aux
prix des autres biens et tend à diminuer dans le cas contraire. C'est l'effet de
substitution. Cette demande augmente également lorsque le revenu réel de l'individu
croît et elle diminue lorsque son revenu réel baisse. C'est l'effet de revenu.

A ces deux facteurs, Patinkin ajoute un troisième à savoir : la valeur réelle des
encaisses ou la notion d'encaisses réelles. D'après lui, chaque individu ajuste des
encaisses de façon à maintenir le volume de celles-ci dans un rapport constant avec les
dépenses qu'il entend faire pour l'achat de biens c'est - à - dire en rapport avec le niveau
des prix. Ce qui compte pour un agent économique, c'est le pouvoir d'achat réel de ses
encaisses.

Quoique Patinkin affirme que le montant des encaisses dépend des facteurs objectifs et
subjectifs tels que la synchronisation plus ou moins parfaite des recettes et des
dépenses, de l'esprit de spéculation, de la sensibilité aux inconvénients de l'illiquidité, il
estime cependant que c'est toujours par rapport aux dépenses envisagées qu'un
individu détermine le montant optimal de ces encaisses. Ce qui veut dire que les
individus raisonnent en valeur réelle.

Soit que dans une économie, il existe n biens et prenant le bien de rang h , que h > 1 et
h<n

Soient p1, p2…….pn-1 , les prix de n-1 biens autres que le bien h, P le prix moyen de
n biens existants, Y le revenu monétaire de l'économie, M la quantité de monnaie en
circulation.

Puisque la demande dépend des prix relatifs


42

p1 , p2 …… pn-1 , du revenu réel Y et de l'encaisse réelle M


P P P P P

On peut écrire : Dh = Fh ( p1 …. pn-1 , Y , M )


P P P P
Quant à l'offre, elle ne dépend que des prix relatifs et partant

Oh = Gh ( p1 …. pn-1 )
P P

L'équilibre économique général sera réalisé si les prix sont tels que la quantité
demandée soit, sur chaque marché individuel égale à la quantité offerte.

Fh ( p1 …. pn-1 , Y , M ) = Gh (p1 …. pn-1 )


P P P P P P

L'effet de la variation de la quantité de la monnaie

Selon l'auteur, une variation de la préférence pour la liquidité a les mêmes effets qu'une
variation de la quantité de la monnaie en circulation.

On considère deux cas : le cas où la masse monétaire est stabilisée et celui où celle-ci
varie.
Supposons d'abord :
- la quantité de monnaie M° ;
- que l'équilibre économique soit réalisé lorsque les prix sur les
différents marchés sont au niveau p° 1…….p° n ;
- qu'à ces prix corresponde un prix moyen P° ;
- un revenu monétaire global Y°
On obtiendra une série d'égalités de ce genre en ce qui concerne
Chaque bien :

Dh ( p° 1 …. p° n-1 , Y° , M° ) = Oh (p° 1 …. p° n-1 ) [1]


P° P° P° P° P° P°

1) SI LA MASSE MONETAIRE EST STABILISEE, LE NIVEAU MOYEN DES PRIX


P° l'EST AUSSI

Si les prix relatifs p° 1 ….p° n subissent une variation proportionnelle à la hausse par
exemple de 1 %, qu'en est-il de l'équilibre dans l'équation. 1

a. du côté de l'offre : Oh (p° . …. p° n-1 )


P° P°
l'offre ne subira aucune modification car elle dépend des prix relatifs qui n'ont pas
changé les uns par rapport aux autres.

[1] E. James, op. cit. , P. 77.


1
43

(
b. du côté de la demande : Dh p° 1 … p° -1 , Y° , M° ), il est constaté qu'il n'y a :
P° P° P° P°

- aucun effet de substitution car les prix ont évolué de la même façon
(même cas que pour l'offre).
- aucun effet revenu car Y° , le revenu national global a varié
proportionnellement à P° .

Seul a lieu l'effet encaisse réelle. En effet, dans le rapport M°/P°, M° est demeuré
stable tandis que P° a connu une hausse. Les encaisses vont paraître faibles aux agents
économiques. Ce qui a pour résultat une diminution de la demande de biens de leur
part. Des baisses des prix s'ensuivront jusqu'à ce que le niveau moyen des prix
revienne à sa situation initiale.

D'après Don Patinkin, même si la hausse des prix relatifs n'était pas proportionnelle, le
résultat serait identique mais seulement le schéma serait plus compliqué parce que
devant tenir compte des effets de substitution et de revenu.

2) SI LA MASSE MONETAIRE VARIE, SA VARIATION S'ACCOMPAGNE


D'UNE VARIATION PROPORTIONNELLE DES PRIX

Supposons qu'en l'espace d'une nuit, la valeur réelle des encaisses augmente de M°/ P°
à 2M°/P°

Les encaisses vont paraître importantes aux agents économiques. Pour les ramener au
niveau souhaité, ceux-ci vont accroître la demande de divers biens et déclencher,
puisque l'offre n'a pas varié, un relèvement général des prix.

Si tous les prix montent en même temps et du même pourcentage, les prix relatifs
demeurent stables et l'offre de divers biens n'a pas de raison de changer. Il est alors aisé
de se rendre compte que les prix devront doubler pour que, les quantités demandées
étant revenues à leurs montants initiaux, on arrive à une situation d'équilibre.

Ainsi Don Patinkin conclut à la validité de la théorie quantitative : doubler la quantité


de monnaie en circulation doublera tous les prix.

Patinkin fait remarquer que pour établir que toute variation de la quantité de monnaie
en circulation est à la base d'une variation proportionnelle du niveau moyen des prix, il
n'a pas été obligé de poser K (Ecole de Cambridge) ou V (Fisher) constants.

En effet, il admet que pendant la période des ajustements dynamiques (à cause de M), le
V ou K peuvent et doivent normalement varier. Toutefois, à la nouvelle position
d'équilibre, ils se retrouveront égaux à ce qu'ils étaient dans la position de départ. Il
maintient donc l'idée que V ou K sont constants mais aux périodes d'équilibre à
l'exclusion des périodes d'ajustement dynamique.

Appréciation sur la théorie de Don Patinkin


44

L'apport de Don Patinkin comporte de nombreux points essentiels, notamment le fait


de rejeter la dichotomie classique consistant à traiter séparément les équations réelles
d'une part et les équations monétaires de l'autre. Il intègre la monnaie à l'étude des
phénomènes économiques généraux, notamment la demande des biens.

Sa contribution qui est considérée comme un apport original est son étude de l'effet
d'encaisses réelles. Toutefois, le passif est plus lourd lorsqu'on évalue son apport à la
théorie monétaire.

Don Patinkin s'est efforcé de relever les conditions dans lesquelles la théorie
quantitative peut se vérifier, malheureusement ces conditions sont loin de correspondre
à la réalité :
- cet auteur affirme que les agents économiques pensent en encaisses réelles. Or,
de nos jours, il y a beaucoup de gens victimes de l'illusion monétaire.
- Son modèle suppose tous les prix également flexibles, or les prix n'évoluent pas
d'une façon parallèle. Il existe des cas où les prix évoluent d'une manière
divergente dans les différents secteurs.
- L'auteur n'a pas tenu compte des effets de distribution. En effet, lorsqu'il
s'effectue une injection d'une quantité de monnaie supplémentaire les réactions
sur les mécanismes des prix sont différentes selon les catégories et les secteurs
qui en sont les bénéficiaires. En effet, si cette monnaie supplémentaire tombe
dans les mains des agents à gros revenus et les firmes, l'impact sur les prix se
présenterait d'une manière différente que s'il s'agissait des classes à bas
revenus, etc. Qu'il s'agisse d'une situation ou d'une autre, les prix évolueront
différemment. Don Patinkin a eu tort de négliger cet élément de distribution du
revenu qui joue un rôle essentiel.
- L'analyse de Don Patinkin comporte une lacune grave, celle de n'avoir pas tenu
compte du jeu des anticipations, notamment des anticipations de prix. "
Comme celles-ci déterminent le montant des dépenses que chacun pense
devoir faire, elles dominent aussi celui des encaisses que chacun croit devoir
conserver " (1). Le jeu des anticipations peut facilement empêcher la valeur de
la monnaie de dépendre étroitement de l'importance de la circulation
monétaire.
- Le modèle Patinkin s'intéresse à un accroissement de la quantité de
monnaie en circulation réalisé une fois pour toutes. Ce qui n'est pas
réaliste. Lorsque les prix ont amorcé la hausse, il y a tendance d'un
processus auto-entretenu ou le cas des prix en retard qui poursuivent
leur mouvement et relancent ainsi l'inflation. Ce qui poussera le
système bancaire à de nouvelles émissions. " La hausse des prix déjà
acquise, bien loin de constituer une position de repos, est un prétexte
à de nouvelles ouvertures de crédit, source d'une nouvelle hausse "
(2)
.
- Le modèle de l'auteur aboutit à l'existence d'une seule position
d'équilibre et à la stabilité du système. En réalité, l'équilibre monétaire
peut se réaliser en plusieurs niveaux d'activité et il n'est pas stable.

E. James, op.cit.,p.77.
(1)
(2)
E. James, page 134
45

En conclusion, on peut dire que l'effort de Don Patinkin n'a pas été concluant car il a
abouti à un modèle qui ne colle pas aux réalités.

8. LA NOUVELLE FORMULATION DE LA THEORIE QUANTITATIVE PAR


FRIEDMAN.

La nouvelle formulation de la théorie quantitative par Friedman est le résultat d'une


tradition orale de l'Ecole de Chicago. Le chef de cette école, Friedman s'est engagé à
consigner par écrit cette tradition orale et commence par déclarer " Je n'essaierai pas
d'être exhaustif ou de justifier entièrement toutes les affirmations " (3).

" Cette présentation paraît condensée et assez hermétique " (1).


Les points essentiels de la théorie friedmanienne se résument ainsi :
- La théorie quantitative est avant tout une théorie de la demande de monnaie. Ce n'est
pas une théorie du produit ou du revenu monétaire ou du niveau des prix.
- La monnaie est un actif parmi d'autres et concurrent de ces autres, elle est une forme
alternative de détenir la richesse. En ce sens, la théorie de la demande de la monnaie
est un sujet particulier de la théorie du capital.

La demande de la monnaie dépend essentiellement de trois ensembles de facteurs:


a. la richesse totale à détenir sous des formes diverses, analogue à la contrainte
budgétaire;
b. le prix et le rendement de cette forme de richesse et des formes alternatives;
c. les goûts et les préférences des unités possédant la richesse.

Dans le sens le plus large et le plus général, la richesse comprend toutes les sources de
revenu y compris la capacité des êtres humains (capital humain).

De ce point de vue, le taux d'intérêt exprime la relation qui existe entre le stock, qui est
richesse et le flux, qui est revenu.

La richesse totale peut être représentée par la formule suivante : W = Y/r

Y = flux total de revenu


r = le taux d'intérêt
W = richesse totale

La richesse peut être détenue sous cinq formes différentes :


1° la monnaie;
2° les obligations, interprétées comme les créances donnant droit à des flux
temporels de revenus qui sont fixés en unités nominales;
3° Les actions, interprétées comme créances donnant droit à des parts au prorata
des bénéfices des entreprises;
4° Les biens physiques, non humains;

M. Friedman, la théorie quantitative de la monnaie, une nouvelle présentation in R.S. Thorn,


(3)
Théorie Monétaire, Dunod, Paris 1971, p.70
(1)
H.G. johnson, Théorie et politique monétaire, in R.S. Thorn, op.cit., p.22
46

5° Le capital humain (tout individu peut sacrifier plus ou moins des valeurs
monétaires pour accroître sa technicité grâce à une formation supplémentaire).
La prise en compte de cet élément a fait introduire à Friedman un coefficient
"W" (Wealth) dans sa formule.

Il est supposé que les goûts et préférences des détenteurs de richesse sont donnés en ce
qui concerne les flux de services engendrés par les différentes formes de richesse. Il
faudra donc supposer que les goûts sont constants à travers les étendues significatives
de temps et d'espace. Toutefois, certains changements conjoncturels sont cependant pris
en considération. Par exemple, la monnaie peut être de façon exceptionnelle accumulée
à la veille d'un voyage, ou d'une fin d'année ou d'une guerre, etc. Ces différentes
circonstances pouvant provisoirement affecter le désir de monnaie (goûts et
préférences) sont représentées par la lettre " u ".

La fonction de la demande de la monnaie se présente ainsi :

M = f (P, rb, re, 1 dP, W, Y, u)


P dt r
P : niveau général des prix
rb : rendement des obligations
re : rendement des actions
1 dP : niveau d'élévation des prix. Cet élément désigne les variations de
P dt prix en un temps donné. Son insertion dans la formule laisse voir que les
demandes de monnaie tiennent compte des mouvements de prix, autrement dit
que, bien que les encaisses soient des encaisses nominales, celles-ci sont portées
à un niveau tel qu'en fait, elles deviennent des encaisses réelles
W : le capital humain (rapport du revenu total de la richesse non humain au niveau
de la richesse humaine)
Y : richesse totale
r
u : goûts et préférences

La demande de la monnaie dépend des variations reprises dans la fonction ci-dessus.


La formule de la demande de la monnaie de M. Friedman constitue une énumération de
tous les facteurs dont dépend la demande de la monnaie. Cette approche consistant à
prendre en compte tous les éléments entrant, par concurrence, dans la demande de
monnaie remplace les notions antérieures telles que le " K " de Marshall ou la notion de
préférence pour la liquidité de Keynes en faveur d'une formule plus analytique et plus
complète.

De la masse totale d'avoirs par rapport à laquelle la demande de la monnaie se


manifeste.

Selon les étapes effectuées par Friedman, la dépense dépend d'une sorte de moyenne
entre le revenu effectivement touché à un moment donné, celui que l'agent économique
avait coutume de toucher antérieurement, et celui qu'il espère raisonnablement pouvoir
toucher plus tard. C'est cette moyenne qui constitue le revenu considéré comme
permanent par Friedman.
47

C'est le revenu permanent qui sert à préciser la masse totale d'avoirs disponibles entre
lesquels une part est réservée aux encaisses monétaires.

Cette découverte du concept du revenu permanent laisse penser que la demande de


monnaie repose sur une base assez stable, non soumise aux caprices des conjonctures.
La prise en considération du " revenu permanent, sert de justification à une politique
monétaire : l'équilibre monétaire, puisque la demande est relativement stable,
explique que l'offre le soit aussi, et donc que l'accroissement de la masse monétaire
se fasse au taux constant " (1).

La monnaie, les mouvements des prix et activités économiques

Selon Friedman, tout ce qui est affecté par la présence de la monnaie (à la fois le niveau
des prix et celui de l'activité) dépend étroitement du rapport entre la demande et l'offre
de monnaie.
Les troubles monétaires ne viennent pas du côté de la demande, mais sont dus à des
variations dans l'offre de monnaie, variations considérées comme indépendantes de la
demande de monnaie (2).

Un déséquilibre monétaire produit normalement un mouvement de prix, mais pas


seulement celui-ci. Il peut y avoir aussi une modification du niveau d'activité.

En admettant que la monnaie peut être à la base des fluctuations de l'activité, Friedman
accepte donc que la monnaie a une action sur les " éléments réels" de l'économie.

Sous prétexte de sauver la théorie quantitative, par ses développements, Friedman l'a
vidée de son contenu précis. Sa pensée est résumée en une équation qu'il intitule "
nouvelle équation quantitative de la monnaie " et qui, effectivement, en a l'aspect
puisqu'elle s'écrit :

Y = V. ( Y , re , rb , 1 dP , W , u ) . M
P P dt
Y = le revenu
M = la masse monétaire
V = la vitesse revenu qui n'est pas du tout supposée être constante comme dans
l'équation classique. Elle est ici considérée au contraire comme une fonction
complexe du fait de nombreux éléments caractérisant les attraits respectifs des
différentes formes de richesse : rendement des obligations, rendement des
actions, variations attendues du niveau des prix, le revenu national réel,
l'importance relative du travail et du capital, habitudes de paiement, désirs de
liquidité.

Certains de ces éléments sont stables alors que d'autres sont très instables.
Selon Friedman, la politique monétaire doit se fixer comme objectif : la stabilité des
affaires, c'est - à - dire d'éviter l'inflation, et surtout toute déflation.

(1)
E. James, op. cit., p. 73.
(2)
E.James, op.cit., P. 164
48

Le mal qui risque de survenir trouve son origine dans le caractère désordonné des
émissions (c'est - à - dire des offres) de monnaie par les autorités monétaires. En tant
que libéral, Friedman se méfie de celles-ci.

C'est pourquoi, pour lui, l'équilibre monétaire ne peut régner que si l'évolution des
émissions de monnaie accompagne celle du " revenu permanent, donc que lorsque
l'accroissement de la masse monétaire se fait à taux constant, par exemple, qu'il soit
régulièrement de 3 à 4 % pan an ".

La politique monétaire recommandée par Friedman se structure comme suit :


• les émissions monétaires : en ce qui concerne les règles devant les régir, il propose
qu'elles soient soumises à une couverture à 100 %.
• les ouvertures de crédit bancaire : la régulation de celles-ci devrait se faire plutôt
par l'open market que par un système de réserves obligatoires, système présenté
comme trop rigide. Milton Friedman est hostile à toute réglementation du marché
par les autorités monétaires. Il souhaite que les émissions de monnaie ne dépendent
pas du caprice de ces autorités et que les banques de " second rang ", elles-mêmes
bien que beaucoup plus proches de la clientèle constituée par le monde des affaires
et donc plus conscientes des besoins monétaires du marché ne cherchent pas à
réguler le marché.

Pour lui, les autorités monétaires ne doivent agir qu'empiriquement et provisoirement


contre certains excès et par un procédé très souple, modifiant surtout le prix du crédit,
c'est - à - dire l'open market. En tant que libéral, il est convaincu que le système du
marché est équilibrant en soi.

En matière de change, Friedman recommande l'abandon de toute parité fixe des


changes. Il est donc partisan du régime de change flexible.

Malgré sa fidélité à la théorie quantitative, Friedman croît au pouvoir de la monnaie


d'agir sur les éléments réels de l'économie. Il est donc clair qu'il ne croît pas à la
neutralité de la monnaie.

Etre quantitativiste dans la conception friedmanienne.

Selon Friedman, pour qu'on soit considéré quantitativiste, on doit notamment accepter :

1° l'hypothèse empirique que la demande de monnaie est très stable. On n'est pas obligé
de poser la vitesse de circulation de la monnaie comme une constante dans le temps.
L'élévation brutale de la vitesse de circulation de la monnaie dans certaines
circonstances (hyperinflation par exemple) n'est pas incompatible avec la stabilité de
la demande de la monnaie. D'après l'auteur, la stabilité de la demande de la monnaie
doit s'entendre comme une relation fonctionnelle qui lie la quantité de la monnaie
demandée et les variations qui la déterminent.
2° l'hypothèse qu'il y a des facteurs importants qui affectent l'offre, les conditions
politiques ou psychologiques affectant la conduite des autorités monétaires et le
système bancaire.
49

Appréciation de l'approche friedmanienne.

a) La théorie de Friedman est microéconomique et difficile à relier à des études


globales et ne paraît pas tenir assez compte des anticipations et de l'infinie variété de
celles-ci.

b) En définitive, il s'agit d'une théorie de la demande des encaisses et même une


théorie des encaisses individuelles. Elle ne peut être qu'un point de départ pour une
théorie de la demande de monnaie lato sensu. Celle-ci doit répondre à d'autres
problèmes tels que : la demande de monnaie dépend-elle de la conjoncture, des prix,
du taux d'intérêt ? Il faut toutefois reconnaître que le point de départ de Friedman
est utilisable. (1)

c) Selon Stéphane Leven, " l'équation de Friedman est l'exemple type d'équation à la
fois irréprochable et inutilisable " :
- irréprochable parce qu'elle met en exergue les facteurs très importants. Priorité
accordée à l'effet patrimoine et refus de la dichotomie classique entre stock de
richesse et flux de production, rejet de la liaison mécanique qu'exprime
l'équation quantitative classique et l'introduction d'une loi de comportement
collectif.
- Inutilisable parce que même s'il était prouvé, ce qui ne l'est pas, que la vitesse-
revenu v est une fonction stable et que les variations de M ont une antériorité sur
les variations de Y, il serait encore impossible de calculer ces variations de Y,
étant donné qu'on ne pourra pas calculer la valeur de v. Il entre dans la fonction
v toutes sortes de variables qui sont non seulement fonction de M mais aussi de
divers autres facteurs et de plus fonctions les unes des autres (2).
- Toujours selon S. Leven, " Friedman théoricien ne paraît pas du tout
quantitativiste. Mais le théoricien n'est qu'un tout petit aspect du personnage.
Au fond de lui-même, il croit à une liaison simple entre masse monétaire et
revenu et tous ses travaux, toutes ses recherches ainsi que tous les efforts de
son équipe tendent à la découverte empirique d'une telle liaison. Efforts pour
prouver que son "income velocity v" est une fonction stable sur de longues
périodes, efforts surtout pour prouver qu'il y a antériorité des fluctuations de
la masse monétaire sur les fluctuations du revenu".

d) Les difficultés de la modélisation


• Le facteur richesse : il est difficile de mesurer le facteur " richesse" ou l'importance
du patrimoine. En pratique, on recourt à une approche indirecte par le biais du
revenu, le plus souvent, le revenu permanent défini comme la moyenne des revenus
courants sur l'ensemble de la période car la demande de monnaie est moins bien
reliée au revenu courant qui contient un élément conjoncturel.
• Les facteurs anticipations des prix et des rendements comparés des différentes
formes de détention de richesse
Ces facteurs sont difficiles également à mesurer directement. Les anticipations
inflationnistes par exemple sont souvent introduites dans les modèles par
l'intermédiaire d'un lissage des taux d'inflation passés, assimilant ainsi les
prévisions faites par les agents à leurs souvenirs.
(1)
E. James, op. cit., p. 73.
(2)
Stéphane Leven, op. cit., p. 57.
50

• Les goûts et les préférences


Ceux-ci sont d'une quantification et d'une modélisation difficiles également. On
mesure par exemple l'impossibilité de l'entreprise de vouloir modéliser le sentiment
d'insécurité lié à la crainte du chômage.
• Le capital humain : la part du capital humain est difficile à apprécier dans le
patrimoine.

e) La prévision de l'évolution de la demande de la monnaie


L'instabilité des fonctions de demande de monnaie constatée dans de nombreux pays
empêche d'apprécier avec précision les interactions entre monnaie, prix et activité
économique. Par exemple, le développement des innovations financières, notamment
l'ampleur des systèmes de paiement électronique facilitant la trésorerie zéro et l'essor
des taux variables et de nouveaux types de placement réduisent les coûts de transaction
et rendent floue la frontière entre actifs monétaires et non monétaires.

" Cette imprédicabilité de la demande de monnaie pose évidemment des problèmes


difficiles aux autorités pour mettre en œuvre leur politique monétaire " (1).

D'une façon générale, " en appliquant à la théorie monétaire le principe de base de la


théorie du capital à savoir que le revenu est le rendement du capital et le capital la
valeur actuelle du revenu, Friedman a probablement conçu le plus important
développement de la théorie monétaire depuis la théorie générale de Keynes " (2).

L'apport essentiel de Friedman dépasse le cadre monétaire. Il s'agit de sa conception de


la nature du concept de revenu qui devrait correspondre au rendement attendu de la
richesse plutôt qu'au revenu conventionnel de la comptabilité nationale.

9. La théorie quantitative et économies en développement.

La théorie quantitative de la monnaie s'est vérifiée dans le passé éloigné des vieux pays
industriels d'aujourd'hui et cet état de choses correspondait à une certaine structure
économique qui se rapproche mutatis mutandis de celle des pays dits sous-développés
actuels. C'est de là qu'intuitivement certains chercheurs se sont posés la question de
savoir si la théorie quantitative de la monnaie ne pouvait pas expliquer les phénomènes
monétaires de ces espaces économiques.

C'est le cas de A. Chabert dont la thèse de doctorat repose sur cette hypothèse. (3)
Ce point constitue une synthèse des éléments essentiels de l'ouvrage de cet auteur.

9.1. Arguments allant dans le sens d'une vérification de la théorie quantitative de


la monnaie dans les pays en développement.

Pour que cette théorie soit vérifiée, il faudrait dégager, à partir des données statistiques,
l'impact de la masse monétaire sur le niveau des prix. Toutefois sans aller jusque-là,

(1)
D. Bruneel, op., p. 38 .
(2)
S. Leven, op. cit. , p.
(3)
A. Chabert, Structure Economique et Théorie Monétaire, A. Colin, Paris, 1956.
51

l'existence de certaines caractéristiques structurelles dans les pays en développement


induit à priori une telle vérification.

Ces caractéristiques structurelles sont notamment : le niveau bas des revenus


impliquant une forte propension marginale à consommer, amplifiée par la
conjonction simultanée des effets de ces trois types de consommation en pays sous-
développés : la consommation incompressible qui est celle de la grande majorité de
la population, la consommation d'imitation et celle d'ostentation qui sont le fait des
citoyens à revenus élevés. A ces caractéristiques, il faut ajouter l'existence d'une
inélasticité de l'offre liée aux structures de production des pays en développement.
La réunion de tous ces éléments fait que tout accroissement du revenu exerce une
pression accentuée à la hausse sur la demande avec comme conséquence ultime la
hausse des prix.
En effet, la rigidité (l'inélasticité) du secteur de production fait qu'à tout accroissement
de la demande a comme réponse immédiate une hausse des prix au lieu d'une offre
supplémentaire de biens et services.

Les facteurs de production dans les économies en développement connaissent souvent


des goulots d'étranglement qui sont de nature structurelle et qui, pour être surmontés,
exigent un temps assez long.

En d'autres termes, l'économie en développement évolue en permanence aux environs


de la situation de plein emploi. C'est la situation que traduit le graphique ci-après :
D6
Graphique n° 6 D5

P D4 D6
D3
D2
D1

T
Dans les économies avancées, tout accroissement de la demande n'entraîne pas
nécessairement une montée des prix. En effet, il faut faire la distinction entre une
situation de sous-emploi et celle de plein emploi :
- En sous-emploi : l'accroissement de la demande provoque une
production supplémentaire parce que les facteurs de production n'ont
pas atteint leur utilisation optimale; et ce, sans accroissement des prix
(De D1 à D3).
- En plein-emploi : toute demande additionnelle a comme réponse une
montée des prix sans accroissement de l'offre de biens et services.

Toutefois, le plein emploi n'est pas toujours atteint dès le premier flux de demande. Il y
a une période (sur le graphique, entre D3 et D4) où il y a une offre supplémentaire mais
52

simultanément avec une hausse des prix. C'est que l'on assiste déjà à l'apparition de
goulots d'étranglement de secteur à secteur et qui finira par se généraliser et rendre
l'offre inélastique (D4, D5, D6).

Les résultats d'une demande additionnelle occasionnée par un revenu supplémentaire


aux mains de la population, revenu provenant, par exemple, de l'amélioration des cours
des produits exportés, se manifestent dans une économie en développement à partir de
D3 sur le graphique. Il s'agit du cas où les petits producteurs de matières de base
exportées, dont les revenus sont généralement modestes, sont en contact direct avec le
commerce extérieur. Il faut se rappeler que cette économie est caractérisée par une
situation de goulots d'étranglement.

9.2. Arguments tendant à infirmer la vérification de la théorie quantitative en pays


en développement.

La première réserve à faire est celle de signaler que la structure économique n'est pas la
même pour tous les pays sous-développés. Ce qui exigerait une certaine nuance. Il est
certain, par exemple, que pour un pays comme le Congo dont les activités économiques
sont concentrées dans les mains d'un petit nombre d'entreprises et plus spécialement en
ce qui concerne le secteur d'exportation, les effets de la conjoncture du commerce
extérieur provoquant un accroissement de la masse monétaire ne peuvent pas
influencer les prix. En effet, les bénéficiaires qui sont les entreprises (notamment
l'entreprise minière la GECAMINES qui, à certaines époques détenait 36 % des dépôts
de tout le système bancaire) n'en ont pas l'usage à l'intérieur du pays.

En outre, il y a lieu de se poser la question de savoir quelle est la catégorie sociale qui
bénéficie de l'amélioration, par exemple, de la hausse des cours des principaux
produits exportés.

Même s'il s'agit d'une création de monnaie d'origine interne, on doit s'interroger sur les
catégories sociales qui sont les bénéficiaires d'un flux de revenu. Il est évident que si
celui-ci se fait au profit des catégories sociales dont la propension marginale à
consommer est forte, la théorie quantitative se vérifie (les caractéristiques structurelles
de ces économies étant ce qu'elles sont).

En règle générale, si la demande additionnelle suite à une augmentation du revenu


entraînée par un excédent de balance des paiements s'adressait à l'extérieur
(consommation démonstrative et ostentatoire) il s'ensuit que cela tendra à ne pas faire
jouer dans le sens de l'explication quantitativiste (cas de fuite).

En résumé, les caractéristiques structurelles des économies sous-développées tendent à


faire confirmer la vérification de la théorie quantitative de la monnaie dans ces espaces
économiques. Cela ne veut pas dire qu'elle s'y applique intégralement selon les
hypothèses de base de Fisher. Toutes les critiques de la théorie quantitative de la
monnaie restent valables mais cette théorie s'y vérifie sous certaines conditions
(explicitées dans les différentes argumentations ci-dessus).
53

CHAPITRE III : L'OFFRE DE LA MONNAIE ET LA THEORIE MONETAIRE.

1. Le processus de création monétaire

La monnaie est créée concurremment par la Banque Centrale et les Banques.

1.1. La création monétaire de la Banque Centrale

En matière de création monétaire, la Banque centrale jouit du privilège de l'émission


des billets de banque (de la monnaie fiduciaire). Elle en détient le monopole. Elle est
donc l'unique Institut d'émission dans un pays.

La Banque Centrale crée la monnaie en contrepartie des opérations suivantes :


• Les opérations sur l'or et devises;
54

• Les concours au Trésor;


• Les concours à l'économie par les refinancements accordés aux institutions
financières.

Le bilan simplifié de la Banque Centrale permet de mieux


visualiser le phénomène de création monétaire :
Bilan Simplifié de la Banque Centrale

* Avoirs en or et devises * Billets en circulation


ou avoirs extérieurs nets

* Crédit au Trésor * Comptes courants des


banques

* Crédit à l'économie * Comptes courants du Trésor

• Opérations sur l'or et devises (ou avoirs extérieurs nets)

En achetant au secteur privé ou à l'Etat de l'or ou des devises provenant du règlement


des exportations, des transferts de revenus et de capitaux entrant dans le pays, la
Banque Centrale émet en contrepartie des billets de banque (la monnaie fiduciaire) ou
ouvre des comptes courants en ses livres en faveur des banques ou du Trésor.

Lorsqu'elle exerce cette faculté, elle augmente effectivement le volume de la circulation


fiduciaire et exerce une pression haussière sur le volume de la monnaie scripturale.

Par la vente de l'or ou des devises pour financer les importations, assurer les transferts
de revenus et couvrir la sortie de capitaux vers l'étranger, la Banque Centrale a la
faculté de réduire le volume de la monnaie en circulation à concurrence de la sortie d'or
ou de devises.

En résumé, la masse monétaire augmente ou diminue à l'occasion d'opérations entre


agents résidents et non-résidents.

La création monétaire due à l'extérieur se produit lorsque l'ensemble des échanges de


devises contre la monnaie nationale entre opérateurs non financiers laisse persister un
excédent d'offre de devises qui conduit le système bancaire à accroître ses actifs en
devises.

• Opérations de crédit au Trésor

Parmi les clients de la Banque Centrale, l'Etat occupe une position de choix. Devant
faire face au règlement des dépenses importantes échelonnées d'une manière régulière
le long de l'année alors que généralement les recettes n'alimentent ses caisses qu'à des
55

intervalles relativement espacés les uns des autres, l'Etat, du fait de ce décalage entre la
période de ses dépenses et celle de la perception de ses recettes, est tout naturellement
obligé de solliciter des avances de trésorerie auprès de la Banque Centrale.

Les concours de la Banque Centrale au Trésor se réalisent soit par des avances directes
soit par des souscriptions de bons du Trésor. Ils peuvent également se faire sous la
forme de concours indirects lorsque la Banque Centrale pratique la politique d'open
market en achetant des titres publics (bons du Trésor, obligations d'Etat).

Lorsque la Banque Centrale accorde du crédit à l'Etat, il y a création monétaire.


L'expérience a montré toutefois que l'Etat peut devenir un client très dangereux s'il
recourt à la Banque Centrale pour financer d'une manière permanente l'excédent de ses
dépenses sur ses recettes ordinaires. Une telle pratique est à la base de l'instabilité
monétaire, c'est - à - dire de l'inflation.

Aussi l'Etat moderne doit-il mettre la Banque Centrale à l'abri de sa toute-puissance et


créer dans la mesure du possible des contraintes institutionnelles au recours illimité au
crédit de l'Institut d'émission en assurant à la Banque Centrale l'autonomie
administrative et en limitant son appui financier à l'Etat par des dispositions législatives
précises. Pour prendre l'exemple de la Banque Centrale du Congo, il faut noter que ses
statuts limitent ses concours à l'Etat à 15 % de la moyenne des recettes fiscales annuelles
calculées sur la base des trois derniers exercices financiers. Il nous sera donné de
constater plus loin (chapitre sur l'inflation) que cette disposition n'a guère été respectée
dans les relations entre la Banque Centrale et l'Etat. La conséquence est aujourd'hui
évidente : le pays vit une situation d'inflation endémique.

• opérations de crédit à l'économie

La Banque Centrale s'abstient généralement de faire la concurrence aux banques


commerciales. Elle abandonne, en principe, à celles-ci les opérations de crédit avec le
public, c'est - à - dire avec les entreprises et les particuliers.
La Banque Centrale ne traite donc qu'avec les banques ou avec des institutions à
caractère bancaire. Elle n'accorde du crédit qu'aux institutions financières. C'est delà
que vient son appellation de Banque des banques.

Les banques privées n'ont pas besoin de l'appui financier de la Banque Centrale pour
traiter des opérations de crédit avec le public. Elles disposent de moyens propres (leur
capital, les versements des déposants) pour faire du crédit à l'économie du pays.

Ce n'est que devant l'insuffisance de leurs moyens propres face à une demande
croissante du crédit de la part du secteur privé ou une forte demande de
remboursement en billets de banque de la part des déposants que les banques ont un
ultime recours à la Banque Centrale pour obtenir du crédit. On dit que la Banque
Centrale accorde aux banques du crédit de réserve ou du crédit de dernière instance.

La Banque Centrale accorde du crédit aux banques par le truchement du réescompte et


de l'avance garantie :
56

1° Le réescompte : C'est la méthode classique de crédit aux banques qui consiste en


l'achat par la Banque Centrale des effets commerciaux détenus par les banques
commerciales. L'opération se traduit par l'achat des effets de commerce à leur valeur
nominale moins l'intérêt calculé suivant le taux d'escompte officiel établi par la Banque
Centrale. Pour qu'ils soient admis au réescompte, la Banque Centrale exige que les effets
de commerce soient :
- à courte échéance (ne dépassant pas 90 jours ou 120 jours);
- émis pour financer une opération commerciale;
- signés par trois personnes notoirement solvables dont une banque.

2° L'avance en compte
La Banque Centrale peut accorder des avances en compte aux banques. Celles-ci sont
généralement garanties par le nantissement ( la mise en gage) d'effets de commerce ou
des titres émis par l'Etat (Bons du trésor, obligations).
Parfois elles sont garanties par de l'or ou des devises étrangères à recevoir.

Les opérations de réescompte et d'avances en compte sont toujours à l'origine de la


création monétaire au profit des banques.

1.2. Les autres fonctions de la Banque Centrale

En plus de son rôle d'Institut d'émission, de banquier de l'Etat et de celui de Banque des
banques, la Banque Centrale exerce le contrôle de la monnaie et du crédit dans
l'économie, assure les relations financières du pays avec l'étranger et joue le rôle de
caissier de l'Etat ainsi que celui de conseiller du gouvernement en matière économique,
financière et monétaire.

1.2.1. Le contrôle de la monnaie et du crédit

Etant responsable de l'ensemble de la gestion monétaire du pays, la Banque Centrale a


pour mission de contrôler la masse monétaire en circulation par l'influence qu'elle peut
exercer sur le volume du crédit que les banques privées accordent à l'économie ainsi
que sur celui qu'elle-même accorde au Trésor. Pour cela, elle dispose d'un éventail
d'instruments que nous aurons l'occasion d'analyser plus loin (section 2).

Tableau n° 1 :
Bilan de la Banque Centrale du Congo
au 31 décembre 1997 en milliards de NZ.

ACTIF AU 31/12/1996 AU 31/12/1997

Encaisse Or et Devises 20.475,11 15.167,75

Encaisse - Or 951,51 16,75

Avoirs en DTS 2,46 -

Souscription DTS 9.106,56 7.882,19


57

Avoirs à Vue en M.E. 5.647,71 5.246,62

Avoirs à court terme en M.E. 4.766,87 2.022,19

Créances sur le Trésor 4.968,03 1.787,52

Créances sur le Trésor Public


Proprement dit 4.510,26 1.328,62

Créances sur les organismes et entreprises


publics et semi-publics 457,77 458,90

Créances sur le Secteur Privé 1.723,66 1.594,15

Débiteurs Divers et Comptes Transitoires


de l'Actif 138.890,13 219.244,09

Portefeuille 64,76 35,40

Immobilisé 294,41 273.899,51

Total 166.416,10 511.728,42

Tableau n° 1

PASSIF AU 31/12/1996 AU 31/12/1997

Billets et pièces en circulation 9.287,42 16.759,56

Engagements en M.E. 33.140,62 25.484,40

Engagements à Vue en M.E. 9.730,77 6.757,80

Engagements à terme en M.E. 23.409,85 18.726,60

Comptes Courants du Trésor 756,43 5.762,25

Comptes Courants des Organismes et 50,66 153,32


entreprises publics et semi-publics
58

Comptes Courants des banques 1.100,63 3.706,35


créatrices de Monnaie

Autres Comptes courants 63,35 1.197,13

Créditeurs Divers et Comptes transitoires 82.958,09 122.727,70


du Passif

Engagements à moyen et long termes 37.601,30 33.211,42

Fonds de réserve et d'amortissement 1.457,60 302.726,29

Capital 0,006 0,006

Total 166.416,10 511.728,42

1.2.2. Les relations financières avec l'étranger

Toute Banque Centrale joue un rôle capital dans les relations financières avec l'étranger.
En effet, c'est elle qui gère les réserves d'or et de devises du pays. Il lui revient de
régulariser le fonctionnement du marché des changes et de veiller à la stabilité
extérieure de la monnaie. A ce titre, elle a généralement la haute main sur le contrôle
des changes lorsqu'il est institué.

1.2.3. Le caissier de l'Etat

C'est généralement la Banque Centrale qui effectue, pour le compte de l'Etat, tous les
paiements et encaisse toutes les recettes de l'Etat en se conformant aux instructions
administratives émanant du gouvernement.

En vue d'assurer ce service, elle ouvre sur tout le territoire du pays, dans chaque siège,
chaque succursale, chaque agence un compte courant au nom de l'Etat, appelé compte
général du Trésor.
C'est à ce compte que sont finalement centralisées toutes les opérations financières de
l'Etat (exécution du budget ordinaire et extraordinaire, avance aux organismes
d'Etat…).

1.2.4. Le conseiller financier du gouvernement

Ayant le contrôle sur le volume de la monnaie et du crédit,


généralement caissier et banquier de l'Etat, la Banque Centrale est l'institution qui est la
mieux indiquée pour conseiller le gouvernement sur la sauvegarde de l'intérêt public en
matières financière et monétaire voire en matière économique de façon générale.

C'est tout naturellement que le gouvernement sollicite le concours de la Banque


Centrale pour des éclaircissements sur les objectifs et les conséquences de la politique
financière et monétaire du pays.
59

1.3. Les banques et la création monétaire

La création monétaire a comme source principale les crédits que les banques accordent.

Dans un système financier hiérarchisé et différencié, les banques rencontrent des limites
exogènes à leur pouvoir de création monétaire :

• les banques ne peuvent pas émettre de billets. Ce privilège est réservé à la Banque
Centrale en ce qu'elle est l'unique Institut d'émission.
• la banque ne crée la monnaie qu'à partir de la monnaie centrale (billets et dépôts à la
Banque centrale).

La monnaie créée par les banques dans leurs octrois de crédit est appelée monnaie
scripturale ou monnaie de banque. Elle est représentée par la somme des dépôts et
comptes courants à vue inscrits dans les registres des banques de dépôts, des comptes
chèques postaux et des intermédiaires financiers recevant des dépôts à vue appelés
intermédiaires financiers accessoirement monétaires.

La monnaie scripturale n'est pas créée d'une façon illimitée. En effet, ceux qui ont fait
des dépôts à vue en banque peuvent au moyen du chèque ou virement (qui sont des
instruments de mobilisation des dépôts) retirer à tout moment leurs avoirs. La banque
doit alors faire face au retrait des dépôts exigibles à vue en conservant une encaisse en
billets dont la proportion dépend des habitudes de paiement du public.

Comme les banques créent de la monnaie en octroyant du crédit et qu'elles ne peuvent


pas engager tous leurs dépôts, cela constitue déjà une limite à la création de la monnaie
scripturale. Cette limite est de nature gestionnelle.

Il importe à présent de dégager le mécanisme par lequel les banques créent de la


monnaie scripturale en octroyant du crédit. Référons-nous à une situation concrète pour
mieux suivre ce mécanisme.

Nous prenons le cas du système bancaire dans son ensemble. Celui-ci est composé de
trois banques : A, B, C .

Soit un dépôt de 1.000 F chez la banque A . Celle-ci a l'habitude de garder un coefficient


de trésorerie de 20 %. Ce qui fait qu'avec les 1.000 F, la banque A peut accorder du
crédit à concurrence de 800 F. C'est ce qu'elle fait.

Le bénéficiaire de crédit de 800 F fait un virement de ce montant au profit de son


créancier qui a un compte chez la banque B. celle-ci enregistre un dépôt de 800 F. La
banque B qui a également l'habitude de tenir un coefficient de trésorerie de 20 % des
dépôts peut octroyer du crédit jusqu'à un montant de 640 F et c'est ce qu'elle fait.
60

Le bénéficiaire de ce montant est client de la banque C qui reçoit un dépôt de 640 F


qu'elle peut donner en crédit jusque 512 F, son coefficient de trésorerie étant également
de 20 %.

Comme on peut le suivre à travers les bilans des banques A,B,C. les octrois successifs de
crédits ont permis d'avoir un volume de dépôts de 2.440 F grâce aux crédits permis par
un dépôt initial de 1.000 F.

Banque A Banque B

Caisse 200 Dépôt 1 : 1.000 Caisse 160 Dépôt 2 : 800


I Crédits 800 II Crédits 640

Banque C

Caisse 128 Dépôt 3 : 640


III Crédits 512

- Au départ, la monnaie scripturale était de 1.000 F correspondant au dépôt 1 .


- Après trois opérations de crédits, le volume global de la monnaie scripturale
s'élève à 2.440 F, soit une création monétaire supplémentaire de : 1.440 F grâce
aux crédits accordés.

Toutes ces opérations peuvent également se dérouler au niveau d'une même banque
quand nous considérons un système bancaire avec une seule banque.

En pratique, la banque peut se trouver à court de liquidités. Elle peut alors, en échange
d'une partie de ses créances, obtenir des billets soit auprès des autres banques (si ces
autres banques ne connaissent pas les mêmes difficultés) soit auprès de la Banque
Centrale qui est prêteur de dernier ressort.

Dans ce cas, la limite de la création de la monnaie scripturale par les banques provient
également des conditions qu'impose la Banque Centrale pour leur procurer la monnaie
centrale.

En résumé, la limite à la création de la monnaie scripturale est liée aux règles de gestion
des banques (coefficient de trésorerie) et aux conditions de mobilisation de certaines
créances auprès de l'Institut d'émission. A ces limites, il y a lieu de mentionner le
coefficient de fuite, c'est - à - dire la préférence des agents non financiers pour la
détention des billets.

1.4. Les limites de la création monétaire


61

Celles-ci proviennent de quatre contraintes :

1° Les contraintes liées aux agents non financiers


La création monétaire répond principalement au désir des agents économiques de
s'endetter. Ce qui dépend en ce qui concerne la demande de crédit des besoins de
financement, du niveau de revenu ou de rentabilité et des anticipations.

En outre, les banques elles-mêmes mettent une limite à leurs possibilités d'octroi de
crédits en sélectionnant la clientèle en fonction des critères de rentabilité et de sécurité.
Elles doivent respecter certains ratios liés à une gestion prudentielle.

2° Les contraintes liées à la concurrence bancaire

Au niveau d'une banque, avec les opérations de crédit, la création de la monnaie lui est
propre mais celle-ci n'est pas assurée de la conserver car cette monnaie peut être virée
au profit d'une autre banque. La probabilité pour elle de conserver cette monnaie créée
est liée à sa part du marché.

" Si l'on raisonne sur l'ensemble des banques, cette limite peut paraître inexistante
puisqu'il y a compensation entre la monnaie interbancaire et les créances qui en sont
à l'origine; toutefois, le comportement des banques individuellement placées sous
cette contrainte de liquidité, tend à freiner le processus de création monétaire au
niveau global. La distribution de la monnaie entre les différentes banques n'est pas
neutre quant au volume total de monnaie" (1).

3° Les contraintes liées à la Banque Centrale : Celles-ci s'analysent à travers :

(1) les conditions de refinancement attachées à certains actifs financiers;


(2) la possibilité de créer la monnaie fiduciaire pour répondre à la demande de
billets. La Banque Centrale peut se trouver dans l'impossibilité de répondre
entièrement à la demande des billets par les banques. Le cas de la
République Démocratique du Congo peut illustrer cette situation. La pénurie
de devises depuis 1991 n'a pas pu permettre à la Banque Centrale du Congo
de s'approvisionner en billets de banque fabriqués pour son compte à
l'étranger et dont le paiement est assuré en devises.

4° Les fuites hors système bancaire

Il s'agit de la préférence du public pour la détention de billets de banque.


Les composantes du stock monétaire sont influencées dans leurs variations par une
série de facteurs :

- sociologiques : L'élévation du niveau de vie pousse tout naturellement à un


recours accru aux moyens de paiement scripturaux à partir des comptes courants
bancaires.

(1)
D. Besnard et M.Redon, op. cit., p. 39.
62

En outre, la répartition des revenus entre agents économiques joue un rôle non
négligeable dans la composition de la masse monétaire selon que le revenu le plus
important revient à ceux des agents qui utilisent davantage les comptes courants
bancaires pour leurs différents paiements (les entreprises du type industriel) ou à
ceux qui recourent davantage aux billets (ménages et commerce);

- institutionnels: Ceux-ci sont liées, d'une part, à l'effort des banques de faciliter
l'usage du chèque (carte bancaire) et de multiplier leurs agences et d'autre part, à
l'existence d'actifs rémunérateurs : la préférence pour billets étant une fonction
inverse des taux d'intérêt. Leur hausse stimule la transformation des billets en actifs
rémunérateurs (dépôts à terme….) ;

- conjoncturels : en cas de troubles sociaux ou crainte sur la liquidité des banques, les
billets conservés par devers soi revêtent une sécurité plus grande. Cette situation de
crise de liquidité est vécue en République Démocratique du Congo depuis 1991 et
se traduit par une part considérable prise par les billets. Durant, par exemple, les
années 1998, 1999 et 2000, les billets représentent respectivement 60,8 %; 75,3 % et
70,2 % de la masse monétaire. Cette proportion élevée des billets dans la masse
monétaire peut également s'expliquer par le fait que certaines transactions
importantes ne se nouent qu'en billets. Les parties prenantes souhaitant une
certaine discrétion.

1.5. Les intermédiaires financiers et la création monétaire

Alors que la théorie traditionnelle affirme que seuls les organismes bancaires sont à
même de créer de la monnaie, Gurley et Shaw déclarent eux qu'aussi bien les banques
que les organismes financiers non bancaires possèdent le même pouvoir de
multiplication des crédits. Leurs fonctions et leurs capacités de financement sont
semblables.
Selon ces auteurs, (1) " le fait que le système monétaire puisse créer de la monnaie, qui
fonde une " expansion multipliée " du crédit, sous forme de dépôts et d'espèces, sur
une base limitée de réserves, est apparu comme un trait distinctif et même magique
de ce système. Les autres institutions financières, d'après la doctrine conventionnelle,
n'ont pas cette faculté créatrice ou multiplicatrice. Ce sont seulement des
intermédiaires ou des courtiers et non pas des " fabricants de crédit ".

Tout en ne niant pas que le système monétaire crée la dette sous forme particulière de
monnaie et qu'il peut emprunter en émettant des instruments qui sont les moyens de
paiement, Gurley et Shaw ajoutent un élément nouveau, en affirmant également que si
les intermédiaires financiers non monétaires ne peuvent pas créer le même type de
dette, il faut admettre que tous les types d'intermédiaires financiers peuvent emprunter,
s'endetter, émettre leurs obligations, bref, créer du crédit, bien que sous forme non
monétaire.

(1) Gurley (J.G.) et Shaw (E.S.), Les intermédiaires financiers et le processus d'épargne et de
l'investissement, in Thorn (R.S.), Théorie monétaire, Dunod, Paris, 1971, p. 246.
(2)
63

Si la création de crédit par les intermédiaires non monétaires est limitée par différentes
règles qualitatives, il faut cependant noter que le principal facteur qui limite la création
du crédit est le calcul du profit.

En plus du fait que la création de crédit par les banques est également soumise aux
conditions du profit, aux exigences d'un système de réserve et à un ensemble de règles
qualitatives, une contrainte d'ordre politique intervient dans ce mécanisme à savoir :
éviter une expansion ou une contraction excessive du crédit afin de préserver le bien-
être de la communauté. Ce qui ne s'impose pas de manière explicite aux intermédiaires
financiers non monétaires.

" Le multiple d'expansion est un phénomène remarquable, non pas à cause de ses
implications inflationnistes, mais parce qu'il signifie que l'expansion bancaire est
assujettie à une base réglementée, alors que le reste de l'expansion financière ne l'est
pas. Si la création du crédit par les banques tient du miracle, la création de crédit par
d'autres institutions financières devrait provoquer encore plus d'exclamations." 2

Si effectivement les banques et les organismes financiers non bancaires créent la


monnaie, il faut toutefois nuancer la nature des deux processus de création monétaire.
En pratique, le concept de multiplicateur des organismes bancaires est monétaire alors
que celui des intermédiaires financiers non bancaires est d'essence réelle, c'est- à - dire il
passe par le multiplicateur d'investissement.

Avant de marquer l'évolution de la différence entre les deux types d'intermédiaires


financiers, suivons le processus de création monétaire par une institution financière non
bancaire.

Prenons le cas d'une caisse d'épargne recevant des dépôts sur livrets uniquement.

Bilan de la Caisse d'Epargne en temps t 1

Réserve 20 Dépôt 100

Crédits 80

En temps t 1, la caisse d'Epargne reçoit 100F en dépôts, son coefficient de trésorerie étant
de 20 %, d'où en trésorerie : 20 F et 80 F convertis en crédits.

Soit 3, le multiplicateur d'investissement, les 80 F de prêts provoquent une expansion


multipliée de revenu. Le revenu croît de :
80 x 3 = 240 F.

2
Gurley (J.G.) et Shaw (E.S.), op. cit., p. 246.
64

Si le dixième de ce flux de revenu est conservé sous forme de dépôts à la Caisse


d'Epargne, cette dernière reçoit 24 F, dont 4,8 vont constituer la trésorerie et 19,2 donnés
en prêts en temps t 2.

Bilan de la Caisse d'Epargne en temps t 2

Réserve 4,8 Dépôts 24

Crédits 19,2

Ces prêts vont faire accroître le revenu de :

19,2 x 3 = 57,6 . Si le 1/10 est déposé à la caisse d'Epargne, il y aura un accroissement de


dépôts de 5,76 .

Bilan de la Caisse d'Epargne en temps t 3

Réserve 1,152 Dépôts 5,76


Crédits 4,608

Les 100F de dépôt initial ont permis un flux de dépôts de 24 F + 5,76 F = 29,76 F.

Il est noté qu'il y a multiplication de crédits mais les périodes successives de création de
revenu global sont plus longues que les périodes de création de monnaie (qui sont
brèves lorsque la demande de crédit est importante).

Après cette démonstration, il y a lieu de faire le constat suivant :


- Aussi bien les banques que les institutions financières non bancaires créent des prêts
au multiple, cependant le multiplicateur de prêts des intermédiaires financiers non
bancaires est d'essence réelle alors que celui des intermédiaires bancaires est
d'essence monétaire.
- Etant donné à l'heure actuelle qu'il y a rapprochement entre les deux types
d'institutions financières, la tendance constatée donne raison en fin de compte à
Gurley et Shaw car les organismes financiers non bancaires et les banques possèdent
le même pouvoir de multiplication des crédits et que leurs fonctions et leurs
capacités de financement sont semblables. Les banques recevant des dépôts à terme
et des dépôts sur livrets d'épargne, leurs crédits obéissent également au
multiplicateur d'essence réelle. A leur tour, les institutions financières non bancaires
recevant des dépôts à vue mobilisables par chèques ou virement, une partie de leurs
crédits obéissent au multiplicateur d'essence monétaire.
65

" Puisque les organismes bancaires et les autres intermédiaires se recouvrent de plus
en plus, il n'y a pas de raison d'isoler les engagements monétaires et quasi
monétaires des seuls organismes bancaires " (1).

En effet, d'une part, les banques de dépôts, à côté de la fonction de création monétaire,
jouent de plus en plus un rôle important dans la collecte de l'épargne en recevant des
dépôts à terme et en ouvrant des comptes livrets d'épargne. Donc les banques
commerciales participent au financement de l'économie en tant qu'institutions
financières bancaires sur les ressources monétaires créées et en tant qu'institutions
financières non bancaires sur les ressources d'épargne collectée.

D'autre part, les institutions financières non bancaires créent aussi la monnaie sur la
même base que les banques commerciales par leur entretien, de plus en plus, des dépôts
et comptes courants à vue mobilisables par chèques.

1.6. La masse monétaire et ses contreparties

1.6.1. La masse monétaire et ses composantes

Le total des monnaies manuelles, c'est - à - dire monnaie fiduciaire (billets et pièces) et
scripturales (dépôts à vue dans les banques et Comptes Chèques Postaux ainsi que les
dépôts à terme) existant à un moment donné dans une économie est appelé masse
monétaire.

Le calcul des agrégats monétaires est spécifique à chaque pays car il dépend de ses
caractéristiques institutionnelles propres. C'est ainsi que dans le souci d'appréhender le
plus d'éléments susceptibles d'influer sur la situation du revenu national et des prix,
l'on s'efforce de tenir compte des agrégats significatifs ayant un impact sur les
phénomènes monétaires. Il est alors distingué : M1 : reprenant la monnaie fiduciaire
(pièces et billets) + la monnaie scripturale (Dépôts et comptes courants à vue).
Lorsqu'on ajoute à M1, les actifs non monétaires à court terme faciles à convertir en
billets et dépôts à vue appelés quasi-monnaie tels que les dépôts à terme, les bons de
caisse, les comptes sur livret, les plans d'épargne-logement, on obtient M2 . En ajoutant à
M2, des actifs moins liquides tels que les bons du Trésor, livrets de caisse d'épargne, etc.
on a M3 . Il faut retenir que les actifs non monétaires mobilisables constituent de la
monnaie potentielle.

Tableau n° 2
La Masse Monétaire et ses Composantes en %

1989 1993 1994 1995 1997 1998(1) 1999(1) 2000(1)

Circulation Fiduciaire
Hors banques 45,7 45,2 33,0 48,3 46,4 60,8 75,3 70,2

Dépôts à Vue et
Quasi-monnaies 54,3 54,8 67,0 51,7 53,6 39,2 24,7 29,8

(1)
A. Siaens, Monnaie et finances, De Boeck, Louvain, Bruxelles, 1987.
66

Total 100 100 100 100 100 100 100 100

Source : Calcul fait à partir du tableau n° IV.6. Rapport de la Banque Centrale du Congo, 1997.
(1) Pour 1998, 1999, 2000, condensé d'informations statistiques n° 01/2001, Banque centrale du Congo.

En ce qui concerne l'économie congolaise, les actifs non monétaires à moins d'un an et à
plus d'un an étant presqu'inexistants, la formule de la masse monétaire est des plus
simples. Celle-ci se limite à M2 avec un seul actif non monétaire à moins d'un an à
savoir les dépôts à terme. C'est ainsi que :

Masse monétaire = Emissions - (Encaisses Banque Centrale du Congo + Banques des


dépôts) + Dépôts à vue + Dépôts à terme.

La masse monétaire est sujette à des variations selon que l'on crée ou détruit la
monnaie. Ses variations sont liées à la croissance de l'économie dans son ensemble.

La nature des éléments qui la composent dépend naturellement des habitudes et


pratiques financières dans chaque pays et partant du niveau de développement
économique.

Dans un pays comme la Belgique, la préférence pour les billets et pièces se situe à un
niveau qui avoisine les 10 % alors qu'elle atteint 60 % en 1998, 75 % en 1999 et 70 % en
2000 contre 46 % en 1989 et 45 % en 1992 en République Démocratique du Congo. Cette
tendance est le résultat de la désarticulation de l'économie congolaise amorcée
intensivement depuis le début de la transition politique en 1990.

Le volume de la monnaie en circulation doit pouvoir rester en équilibre avec les biens et
services échangés. Si cet équilibre n'est pas respecté, il se produit une perturbation dans
l'économie. Si la masse monétaire est plus importante que les biens et services en
présence, des tensions inflationnistes apparaissent et dans le cas inverse, c'est une
situation de déflation qui prend naissance et qui peut conduire à une dépression
économique.
Les autorités monétaires doivent veiller à ce que l'équilibre ne soit pas rompu. Et pour
cela, l'Institut d'émission qui est la banque des banques dispose d'une série
d'instruments de contrôle du volume de la monnaie en circulation dont il pourra user
selon les circonstances et les structures économiques du pays.

1.6.2. La Masse Monétaire et ses contreparties

Les contreparties de la masse monétaire sont constituées par les créances et les avoirs
qui sont à l'origine de la création de la monnaie.

On distingue trois grandes contreparties de la masse monétaire:


1) acquisition d'or et de devises, c'est - à - dire les créances sur l'étranger;
2) les crédits à l'économie, c'est - à - dire les créances sur l'économie productive;
3) les crédits au Trésor public, c'est - à - dire les créances sur l'Etat.

1° Or et Devises
67

- Toute importation se paie en devises. L'importateur déposera à sa


Banque Centrale de la monnaie nationale pour le montant de sa dette à
l'extérieur exprimé en devises qui seront expédiées au vendeur
étranger. Il y a une destruction de la monnaie nationale, c'est - à - dire
une diminution de la masse monétaire en circulation (baisse de la
réserve en devises étrangères).
- Toute exportation rapporte des devises étrangères à sa Banque
Centrale contre la monnaie nationale qui viendra gonfler la masse
monétaire en circulation (et également accroissement de la réserve en
devises). L'accroissement de la réserve en devises constitue la
contrepartie de la nouvelle monnaie créée.

En résumé, le solde net des échanges extérieurs agit sur la masse monétaire nationale.
Une partie de la monnaie nationale en circulation trouve sa contrepartie dans un
excédent d'exportations. Un excédent d'importations (non compensé par des crédits
bancaires ou des fonds extérieurs) provoquera une compression (destruction de la
monnaie) de la masse monétaire interne.

Tableau n° 3 : La Masse Monétaire et ses contreparties (en millions de D.T.S.)


1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994
1. Avoirs extérieurs nets -542,6 -368,8 -381,6 -435,8 -428,3 -427,3 -434,5

2. Créances nettes sur l'Etat 322,5 144,5 194,1 255,0 257,5 85,5 33,6

3. Créances sur les entreprises


et ménages
118,3 122,4 54,5 26,2 18,7 7,1 17,8

4. Autres avoirs intérieurs nets 8,1 -13,5 -29,2 -47,6 -17,6 34,8 -6,3

Avoirs = Engagements -93,7 -115,4 -162,2 -202,2 169,7 299,9 -389,4

1. Masse monétaire 462,4 455,4 277,6 200,9 280,9 136,1 80,8

2. Comptes de réévaluation -642,4 -657,1 -526,1 -489,4 -536,3 -522,3 -556,5

3. Contrepartie des 86,3 86,3 86,3 86,3 86,3 86,3 86,3


allocations de DTS
Source : Rapport Banque du Zaïre, 1994.

2° Les crédits à l'économie

L'entrepreneur recourt régulièrement et constamment au crédit à court terme pour faire


face aux paiements des salaires, faciliter les ventes, acheter les matières premières.

C'est ainsi qu'une grande partie de la masse monétaire en circulation représente des
crédits à l'économie productive.

Par le mécanisme des crédits, les banques sont à même d'accroître la masse monétaire
comme nous l'avons vu.
- Lorsqu'une orthodoxie de gestion bancaire était scrupuleusement observée, c'est - à -
dire lorsqu'on s'en tenait à faire financer les crédits de différentes durées par des
ressources de même nature, seuls les crédits à court terme faisaient contrepartie de
68

la masse monétaire. Les crédits à l'investissement à moyen terme en étaient exclus et


devaient être financés dans la stricte limite des dépôts à terme existants.
- Comme cette stricte orthodoxie n'est plus respectée à l'heure actuelle avec le
développement du financement du moyen terme avec des ressources monétaires,
une partie de ces crédits font contrepartie de la masse monétaire.

Il s'agit des crédits à moyen terme réescomptés dont l'accroissement contribue à


gonfler la masse monétaire.
- Les crédits à long terme ne font pas contrepartie à la masse monétaire. Ces crédits
proviennent essentiellement des épargnes stables constituées antérieurement. Ce
sont des institutions financières spéciales et spécialisées qui accordent les crédits à
long terme.

En résumé : Les crédits à l'économie sont une des contreparties de la masse monétaire
en circulation. Un accroissement des crédits à l'économie augmente la masse monétaire,
une réduction des crédits comprime la masse monétaire. C'est là une explication en cas
d'une menace d'inflation, des décisions des autorités monétaires d'un ralentissement ou
d'un plafonnement des crédits à l'économie.

3° Les crédits au Trésor public

Face à ses lourdes responsabilités dans le développement économique, l'Etat recourt


également au crédit. La monnaie ainsi créée trouve sa contrepartie dans les avances à
l'Etat.

- L'Etat par le truchement du Trésor public fait souvent et fréquemment recourt aux
emprunts auprès de la Banque Centrale, soit directement (les avances directes), soit
indirectement (par l'escompte des obligations étatiques, par exemple).

L'Etat fait également appel aux banques commerciales en plaçant auprès d'elles des
emprunts à court terme sous la forme de bons du Trésor. Les banques commerciales
peuvent faire réescompter ces bons à la Banque Centrale, du moins dans certaines
limites, moyennant quoi la Banque Centrale crée de la monnaie.

Une partie des crédits à l'Etat donne lieu à la création de monnaies. Un accroissement
des crédits à l'Etat conduit à une augmentation de la masse monétaire en circulation;
une compression des crédits à l'Etat aboutit à une réduction de la masse monétaire en
circulation. Ainsi pour une part souvent appréciable, la masse monétaire trouve son
origine et sa contrepartie dans les crédits à l'Etat.

Certains concepts relatifs à la création monétaire par les banques méritent d'être
expliqués :

3.7. La liquidité bancaire

La liquidité bancaire est une notion qui se traduit par la mesure du degré d'aptitude des
banques pour se procurer la monnaie centrale dont elles ont besoin. C'est la monnaie
centrale qui commande la création monétaire des banques.
69

On distingue deux niveaux de liquidité à savoir :


- la liquidité immédiate constituée des avoirs des banques sur leurs comptes à la
Banque Centrale ainsi que de leurs billets et monnaie en caisse;
- la liquidité potentielle, définie comme l'ensemble des actifs détenus par les banques
mobilisables à plus ou moins brève échéance auprès de la Banque Centrale.

3.7.1. La base monétaire

La base monétaire est constituée par l'ensemble de la monnaie centrale au passif de la


Banque Centrale, c'est - à - dire les billets émis et les comptes courants des banques. Elle
comprend donc à la fois de la monnaie centrale détenue par des agents non bancaires et
de la monnaie centrale détenue par les agents bancaires.

Les avoirs des banques peuvent être constitués librement (en tant qu'emploi de
trésorerie) ou de manière impérative (en tant que réserves obligatoires imposées par la
Banque Centrale).

On peut suivre, à travers le bilan schématique de la Banque Centrale, les opérations


contribuant à faire varier le montant total de la base monétaire.

Actif Bilan Schématique de la Banque Centrale Passif

* Réserves de change * Billets en circulation


* Concours au Trésor * Comptes des banques
* Concours aux banques

Sources de la base monétaire Base monétaire

Les sources de la base monétaire traduisent les opérations de la Banque Centrale qui la
conduisent à émettre de la monnaie centrale :
- accroissement des réserves officielles de change;
- accroissement de ses concours au Trésor;
- accroissement de refinancements des banques.

L'essentiel des sources de la base monétaire est généralement constitué par les concours
aux banques qui forment la "base empruntée" (" monnaie centrale coûteuse) par
rapport aux autres opérations qui constituent la "base non empruntée" ( ou " monnaie
centrale gratuite ").

Les besoins de refinancement des banques trouvent leur origine, soit dans la nécessité
de convertir leurs dépôts en billets, soit dans l'obligation de satisfaire aux réserves
obligatoires.

En ce qui concerne les concours au Trésor, il faut ajouter dans les sources le financement
du déficit des opérations du Trésor. Dans un pays comme la République Démocratique
du Congo où les budgets de l'Etat accusent des déficits devenus structurels, l'essentiel
des sources de la base monétaire est plutôt constitué par les concours au Trésor.
70

3.7.2. La théorie du multiplicateur

Selon cette théorie, l'expansion des crédits dans le système bancaire serait le multiple de
la monnaie centrale. Ce qui veut dire que les banques ne peuvent accroître leurs crédits
que si elles disposent de la monnaie centrale supplémentaire. Ces crédits engendrent de
nouveaux dépôts se traduisant par un besoin de monnaie centrale, qui absorbent une
fraction de la monnaie centrale dont disposaient les banques initialement (par exemple
par le phénomène de "fuites" hors système bancaire). Le processus se poursuit jusqu'à
ce que les banques ne possèdent comme monnaie centrale excédentaire que le volume
équivalent aux "fuites" sur leurs dépôts.

Une relation peut ainsi être établie entre le bilan de la Banque Centrale et la masse
monétaire qui met en valeur le rôle que peut jouer la Banque Centrale dans le contrôle
monétaire en influençant le potentiel de crédit des banques et indirectement la masse
monétaire.

La formule algébrique du multiplicateur de base monétaire s'écrit :

M = mB avec m = 1
a + b - ab
M = masse monétaire
B = base monétaire
m = multiplicateur
a = propension à détenir des billets (ratio billets/M2 ou coefficient de fuite)
b = coefficient de réserves (ratio réserves / dépôts ou coefficient de trésorerie).

Selon cette présentation, c'est l'offre de monnaie par les banques et non la demande de
monnaie des agents économiques qui détermine la quantité de monnaie en circulation.
- l'évolution des facteurs autonomes de la liquidité bancaire (mouvements des billets,
solde de la balance des paiements, situation de la trésorerie publique) aurait un effet
cumulatif sur la création monétaire. " Par exemple, tout apport de liquidité dans
l'économie provenant des excédents de la balance des paiements ou d'un déficit
budgétaire financé par la banque centrale, servirait de base, par le canal du crédit
bancaire, à une création monétaire supplémentaire " (1).
- La Banque Centrale peut garder la maîtrise absolue de la création de moyens de
paiement en limitant strictement les liquidités qu'elle émet directement (base
monétaire) au montant que justifient les objectifs de la politique monétaire.

Les critiques portées à la théorie du multiplicateur.

- L'élargissement de la liquidité des banques par le jeu d'un facteur autonome peut les
conduire non pas à consentir de nouveaux crédits, mais plutôt à se désendetter
auprès de la banque centrale ou à procéder à des emplois de trésorerie (achats bons
du Trésor). L'accroissement de la base monétaire n'aura alors été que temporaire au
bilan de la Banque Centrale.

D. Bruneel, op. cit. , pp. 72 et 73.


(1)
71

- Pour qu'une imputation exogène donnée à la base monétaire entraîne un


développement des signes monétaires, c'est la demande de crédit qui y pousse. Or il
n'est pas certain que la demande de crédit soit prête à s'adapter à l'offre. Celle-ci peut
être limitée par des facteurs tels que : l'attentisme des investisseurs ou des
consommateurs, le coût du crédit jugé excessif par les agents économiques. " L'offre
de crédit n'a pas un rôle directeur : la demande de crédit, expression de la
demande de monnaie, exerce une influence dont il faut tenir compte " (1).
- L'exigence de liquidité minimum comme règle de gestion permanente des banques
tempère l'offre de crédits par celles-ci.
- " Enfin de compte, le multiplicateur ne fournit pas une explication convaincante
du processus de création monétaire. Calculé ex-post, le multiplicateur de base
monétaire a une portée limitée; il traduit l'existence d'une relation statistique entre
la base monétaire et la masse
- monétaire, observée sans qu'une relation de cause à effet puisse être clairement
établie" (2).

En examinant le tableau n°4 ci-après qui renseigne sur les agrégats monétaires et les
paramètres congolais, on se rend compte que le multiplicateur est faible au Congo. Cette
situation s'explique d'une part, par la forte liquidité des banques et d'autre part par le
niveau élevé des taux de réserves obligatoires. Depuis 1991, il faut tenir compte
également de l'incapacité de la Banque Centrale de fournir la monnaie centrale aux
banques suite à la pénurie des devises. En effet, la grande partie des billets de banque est
imprimée à l'extérieur et doit être payée en devises.

D. Bruneel, op. cit. , pp. 72 et 73.


(1)

(2)
D. Besnard et M. Redon, op. cit. , p. 47.
72

Tableau n° 4

Agrégats monétaires en millions de Zaïres et paramètres congolais (1)


An- Base Réserves des Monnaie Monnaie M1 (5) Quasi- M2 (7) (8) = (9) = (10) =
nées Monétaire (1) Banques (2) fiduciaire scripturale monnaie (6) (2) / (7) (3) / (7) (7) / (1)
billets (3) (4) Coeffi - Préfé-
cient de rence Multipli-
réserve pour les cateur
en % billets
en %

1989 211.497 58.506 152.991 120.508 273.499 61.286 334.785 17,47 45,7 1,57

1990 554.060 128.215 425.845 342.495 768.340 347.101 1.115.441 11,49 38,2 2,00

1991 11.957.319 1.127.177 10.830.142 7.243.966 18.074.108 8.672.188 26.746.296 4,21 40,5 2,23

1992 419.942.223 55.978.708 363.963.515 402.971.018 766.934.533 175.873.886 942.808.419 5,94 38,6 2,25

1993 16.283.771.29 2.311.733.133 13.972.038.15 5.887.950.378 19.859.988.53 11.024.524.02 30.884.512.56 7,49 45,2 1,89
1 8 6 8 4

1994 285.616 13.851 271.765 114.219 385.984 435.419 821.403 1,69 33,1 2,88

1995 1.851.190 206.833 1.644.357 330.645 1.075.002 1.423.413 3.398.415 6,09 48,4 1,84

1996 10.101.434 1.830.999 8.270.435 2.704.497 10.974.932 10.600.381 21.575.313 8,50 38,33 2,14

1997 20.446.075 5.229.017 15.217.058 7.116.640 22.333.698 10.441.982 32.558.622 16,06 46,7 1,59

Source : Aménagé selon le tableau n° IV.6, Rapport Annuel de la Banque centrale du Congo, 1997.

(1) En millions de N.Z. à partir de 1994.


73

2. L'offre de monnaie et la théorie monétaire

" Jusqu'en 1960, l'offre de monnaie n'est pas un objet d'analyse si ce n'est dans la
théorie partielle et mécanique du multiplicateur du crédit. " (1).

Depuis lors des tentatives sont faites pour intégrer la théorie monétaire à la théorie
subjective de la valeur par la fonction de l'offre de monnaie.

La méthodologie utilisée est empruntée à l'analyse patrimoniale de la demande de la


monnaie (les monétaristes et les keynésiens) . Elle consiste à établir une fonction
d'offre de monnaie conçue comme une relation entre le stock de monnaie et les
différents arguments qui traduisent le comportement des principaux acteurs de la
création monétaire à savoir :
- les autorités monétaires;
- les banques commerciales;
- le public (les agents non financiers).

Au lieu de partir de l'hypothèse traditionnelle considérant


l'offre de monnaie comme une donnée : Ms = M , il va être construit une fonction
d'offre de monnaie " en faisant apparaître successivement les arguments supposés
représentatifs du comportement des agents qui sont partis à la création monétaire
à savoir : les autorités monétaires, les banques commerciales et le public " (2).

Cette fonction de l'offre se présente de la manière suivante :


Ms = M (x) , (i) , (Y) où
Ms = Offre de monnaie
(x) : représente le vecteur des instruments et des variables instrumentales de la
politique monétaire (réserves obligatoires, taux d'escompte, opérations d'Open
market). Il s'agit d'apprécier le degré de contrainte que la Banque Centrale peut
exercer sur l'émission de monnaie grâce aux instruments de politique
monétaire dont elle dispose.
(i) : c'est le vecteur de l'ensemble des taux d'intérêts retenus déterminant le
comportement des banques relativement aux décisions d'emprunter ou de
s'abstenir en comparant le coût du refinancement par rapport aux intérêts
débiteurs prélevés par les banques.
(Y) : il s'agit du vecteur des variables économiques pertinentes (le choix d'une
structure d'encaisses par les agents non financiers, le taux d'intérêt du marché, la
richesse (ou revenu permanent) W et du taux d'inflation anticipé (Pa)
déterminant le comportement du public (agents non financiers)..

En prenant en compte tous ces arguments, il se dégage clairement que si la monnaie


de base est une donnée exogène (déterminée par l'autorité monétaire), il est vrai que
placé dans un contexte dynamique, le processus de création monétaire intègre
également l'aspect endogène au fonctionnement de l'économie impliquant les

(1)
Pascallon, op. cit. , p. 491..
(2)
Pascallon, op. cit., p. 494.
74

différents acteurs. Ce qui constitue une avancée par rapport à la théorie du


multiplicateur et un enrichissement de la théorie de l'offre de monnaie.

L'existence du phénomène d'interdépendance des contreparties de la masse


monétaire rend quelque peu incertaine l'efficacité de la politique monétaire. Ce qui
signifie que l'offre de monnaie est endogène par rapport à la demande; d'où une
relative impuissance des autorités monétaires face aux comportements des agents
économiques. En effet, " dans un pays où le système financier offre des possibilités
de financement nombreuses (emprunts bancaires, financements sur les marchés,
endettement extérieur), la limitation d'une source de financement peut être
facilement compensée par des mouvements en sens inverse des autres " (1).

" Les mécanismes d'interdépendance, s'ils jouent réellement, soulèvent le


problème du caractère exogène ou endogène de l'offre de monnaie par rapport à la
demande de monnaie; ils mettent également en question (à la demande inchangée)
l'efficacité de la politique monétaire, toute mesure restrictive (ou expansive)
portant sur une des sources de la création monétaire pouvant être neutralisée par la
variation en sens inverse des autres sources " (2) .

" Il y a bien ainsi une dialectique de la création monétaire, le processus de


détermination du stock monétaire qui est moins un processus tripartite (banque
centrale, banques commerciales, agents non financiers) plus ou moins mécanique
qu'un processus vivant et conflictuel à deux dimensions : la dimension privée ou
individuelle et la dimension publique ou sociale se situant conjointement et
contradictoirement à l'intérieur de l'instance économique (conditions générales de
socialisation)" (1) .

3. Les intermédiaires financiers bancaires et non bancaires et le financement de


l'économie (2)
La théorie monétaire a longtemps ignoré d'intégrer dans les éléments qui constituent
l'offre des fonds prêtables, l'offre de monnaie. Il suffit de se référer aux théories
réelles du taux d'intérêt pour s'en rendre compte. L'offre se limitait aux sommes
préalablement épargnées. C'est de cette conception que provient la fameuse égalité
I=S qui signifie que la demande de fonds prêtables liées à l'investissement doit être
satisfaite par l'épargne, dégagée du revenu courant.

Dans cette théorie, le système bancaire est complètement ignoré.


Le transfert de ressources des agents à excédent de ressources à ceux à déficit n'est
pas chose facile. En effet, les prêteurs aimeraient prêter à une certaine échéance et
acquérir un certain type des titres en contrepartie, conditions auxquelles peut-être
aucune conciliation n'est possible avec les emprunteurs. Par exemple, l'emprunteur
voudrait obtenir des fonds en contrepartie des obligations alors que le prêteur désire
acquérir des bons de caisse (dont l'échéance n'est pas éloignée).

(1)
D. Besnard et Redon, op. cit. , p. 67 .
(2)
Ibidem, pp. 62-63 .
(1)
Pascallon, op. cit., P. 512 .
(2)
Cfr A. Chaineau, Mécanismes et politiques monétaires, P.U.F. , Paris, 1971, pp 173-212
75

Cette situation d'offre et de demande qui ne se rencontrent pas pouvait gêner


considérablement le développement du marché de capitaux et par voie de
conséquence, la croissance économique s'il n'existait pas d'intermédiaires financiers
(Banques de dépôts, Caisses d'Epargne, Sociétés d'Assurances, etc.) qui parviennent à
concilier les motivations divergentes des agents à excédents de ressources et de ceux
à déficit de ressources.

3.1. Les modes de financement

Le résultat recherché est d'aboutir à une situation où les unités excédentaires en


ressources (c'est - à - dire ceux qui épargnent) placent leurs fonds auprès des unités
déficitaires en ressources.

Deux cas peuvent se présenter :


a. Les motivations des prêteurs et emprunteurs sont compatibles : il s'agit d'un
processus de la finance directe.
b. Leurs motivations ne se rencontrent pas : c'est le processus de la finance
indirecte.
Le processus de la finance indirecte comporte deux sources :
• Celle animée par les intermédiaires financiers non bancaires et qui n'aboutit pas à
une émission monétaire.
• Celle émanant des intermédiaires financiers bancaires et qui est fondée sur la
création monétaire.

1° La finance directe
Il y a finance directe, lorsque les unités excédentaires en ressources transfèrent leur
épargne aux unités déficitaires en ressources en leur achetant des titres de créance
sur eux-mêmes ou des actifs réels.

Les modalités de transfert : il y en a autant qu'il y a les différentes formes de valeurs


mobilières. Ces valeurs mobilières assurent la circulation des excédents de trésorerie
des agents du secteur non bancaire. Ce sont des titres négociables qui représentent
soit les droits d'associés soit les droits de prêteurs et qui procurent un revenu à leurs
possesseurs. On a l'habitude de distinguer : les valeurs à revenu fixe et les valeurs à
revenu variable.
- Les valeurs à revenu fixe : il s'agit des titres émis aussi bien par le
secteur privé de l'économie que les pouvoirs publics tels que des
obligations, des bons de caisse, des bons du Trésor. Ces valeurs sont
appelées à revenu fixe parce que le prêteur touche un intérêt stable
de son placement.
- Les valeurs à revenu variable : elles représentent un droit de
copropriété sur l'actif sociétaire et non un droit de créance sur la
société. Ce sont des actions et des parts de fondateurs. Leur
rémunération consiste en un dividende, fonction du bénéfice réalisé
et distribué.
76

La nature des titres tels que les actions et obligations tend à se rapprocher d'une
façon notable. Afin d'atténuer la perte subie par les porteurs d'obligations à cause de
la dépréciation monétaire, on a inventé des catégories d'obligations se rapprochant
des actions par leur participation aux bénéfices appelées : obligations participantes
et pouvant être converties en actions : ce sont des obligations convertibles.

La quasi-totalité de l'épargne disponible désirant s'investir directement est mobilisée


par ces valeurs mobilières.

2° La finance indirecte des intermédiaires financiers non bancaires


Ces institutions collectent l'épargne des agents à capacité de financement, épargne
qu'elles redistribuent aux agents à besoin de financement. Elles empruntent les
ressources qu'elles reprêtent.

Ces organismes tiennent leur importance du fait qu'ils parviennent à rendre


compatibles les motivations divergentes des agents excédentaires et celles des agents
déficitaires en ressources.

A l'heure actuelle, il arrive souvent que les prêteurs ne veulent pas des valeurs
mobilières que peuvent leur vendre les emprunteurs mais sont prêts à accepter
d'autres formes de titres. Donc, les désirs des prêteurs et emprunteurs deviennent
impossibles à concilier à travers la finance directe. Et ce ne sont que les
intermédiaires financiers qui sont à même d'imaginer d'autres formes de titres plus
attrayants qu'ils fournissent aux prêteurs : ce sont des titres rendant un service tels
que les polices d'assurances ou encore des titres dénués du défaut majeur que
peuvent leur reprocher les épargnants qui est l'illiquidité.

La fonction des intermédiaires financiers est donc de permettre le placement d'une


épargne qui n'aurait pas accepté de s'investir en valeurs mobilières.
Ces intermédiaires financiers non bancaires agissent donc comme collecteurs
d'épargne. Leur importance tient à ce qu'ils réduisent la part de l'épargne globale qui
aurait été thésaurisée sans leur intervention, qu'ils augmentent l'offre des fonds
prêtables issus d'un montant donné d'épargne.

Ces institutions financières non bancaires sont essentiellement les Caisses d'Epargne,
les compagnies d'assurances etc. qui vendent des titres rendant des services,
mobilisant une épargne à long terme. Il est à noter qu'à cette époque d'instabilité
monétaire, les agents économiques répugnent de placer leur épargne à des termes
longs. Les intermédiaires financiers non bancaires émettent des titres à court terme et
remplissant les conditions de liquidité recherchées par l'épargnant. Et c'est auprès de
ces intermédiaires financiers non bancaires que l'agent à déficit de ressources trouve
son financement.

3° La finance indirecte des intermédiaires financiers bancaires


Ici, les épargnants n'interviennent pas. Les fonds prêtés aux agents à déficit de
ressources ne sont pas collectés auprès des agents à excédent de ressources, ils sont
créés ex nihilo par la banque qui monétise le titre que lui cède son emprunteur.
77

Pour un intermédiaire financier non bancaire, les dépôts font les prêts parce qu'il ne
peut prêter que ce qu'il possède alors que pour un intermédiaire financier bancaire,
les prêts font des dépôts parce qu'il crée la monnaie qu'il prête.

D'après la théorie bancaire traditionnelle,


- le système monétaire (bancaire) fixe l'offre de monnaie : il détermine
sa propre taille par la dette monétaire et les actifs qui sont la
contrepartie de cette dette dans le bilan du système.
- Les autres intermédiaires financiers transmettent aux investisseurs
toute partie de l'offre de monnaie que les épargnants peuvent avoir
déposée chez eux. C'est le public qui détermine leur taille par le
choix qu'il opère entre les divers moyens d'épargner.

Selon donc cette théorie traditionnelle, la différence entre organismes bancaires et


financiers non bancaires est nette : les premiers peuvent créer la monnaie, pouvoir
que ne possèdent pas les intermédiaires financiers non bancaires.

Cette conception est battue en brèche par la théorie de Gurley et Shaw en cette
matière. Avec les mutations connues par le système monétaire et financier, un
rapprochement s'est opéré entre les intermédiaires financiers bancaires et non
bancaires aussi bien du point de vue de la nature de leurs ressources que de celui de
leurs emplois (voir les points 1.5 et 3.2 du chapitreIII).

3.2. Les intermédiaires financiers et l'équilibre du marché des fonds prêtables.

Il s'agit de démontrer l'impact des intermédiaires financiers sur le volume de fonds


prêtables. On distingue quatre étapes pour relever cet impact :

Première étape : l'épargne s'investit totalement

C'est le processus de la finance directe et l'on a l'égalité : S = I


Cette situation ne reflète pas la réalité car il n'est offert sur le marché que la partie
de l'épargne qui n'est pas destinée à l'autofinancement de l'agent épargnant. Donc
l'offre d'épargne correspond plutôt à l'épargne S des agents à capacité de
financement moins l'investissement I de ces agents. Il en est de même pour la
demande de fonds prêtables de la partie de leurs investissements non autofinancés,
soit I des agents à besoin de financement moins S des agents à besoin de
financement.

L'équilibre est obtenu lorsque : S (des agents à capacité de financement) - I (de ces
mêmes agents) = I (des agents à besoin de financement) - S (des agents à besoin de
financement). Cette égalité est identique à S = I .
En tenant compte de son autofinancement, l'équilibre du marché des fonds prêtables
est réalisé par l'égalité entre l'épargne et l'investissement dans le cadre de la finance
directe.
78

Graphique n° 7
i I S

S I

I - S
Deuxième étape : La préférence pour la liquidité

Il faut noter que l'épargne globale ne se place pas dans sa totalité. La préférence pour
la liquidité explique sa partielle thésaurisation c'est - à - dire un retrait du circuit
financier de placement et une conservation dans les encaisses oisives.

Cette thésaurisation, nous la représentons par L, d'où les fonds prêtables


deviennent S - L = I . On est toujours dans le cadre de la finance directe mais on
tient compte cette fois-ci de la demande de monnaie des agents économiques.

Graphique n° 8

S-L S
i I

I-S

Troisième étape : L'introduction des intermédiaires financiers non bancaires

Etant donné la possibilité de placements liquides ou dotés d'une utilité supérieure à


celle du seul rendement financier, ils réduisent la thésaurisation monétaire d'un
montant Q. L'offre de fonds prêtables devient S - (L - Q ) , il y a une augmentation. Q
n'a pas comme plafond, L, il peut être plus grand que L car Q ne mesure pas la
79

réduction du flux présent de fonds thésaurisé mais de la somme de tous les flux
passés et présents de thésaurisation.

Graphique n° 9

i
S-L
I
S-L+Q

I-S

Quatrième étape : L'introduction du système bancaire

Celui-ci crée de la monnaie ΔM et contribue à l'accroissement de l'offre de fonds


prêtables comme les intermédiaires financiers non bancaires. La différence entre les
deux types d'interventions provient du fait que la limitation de la création monétaire
est déterminée par la volonté d'endettement des agents à besoin de financement alors
que la déthésaurisation monétaire des intermédiaires financiers non bancaires est
limitée par la préférence pour la liquidité des agents à capacité de financement.

L'augmentation de l'offre de fonds prêtables est ainsi, soit exigée par les agents à
besoin de financement (et c'est l'émission monétaire) soit acceptée par les agents à
capacité de financement (et l'on a la déthésaurisation monétaire).

En intégrant le système bancaire, l'offre globale de fonds prêtables devient


S - L + Q + ΔM et est égale, à l'équilibre, à I .

Graphique n° 10

i
S-L+Q

S - L + Q + ΔM

I-S
80

En pratique, on constate un rapprochement entre les intermédiaires financiers


bancaires et non bancaires par une double fonction jouée par les banques : A côté de
la fonction de création monétaire, les banques jouent de plus en plus un rôle
important dans la collecte de l'épargne en recevant des dépôts à terme et en ouvrant
des comptes livrets d'épargne.

Donc les banques commerciales participent au financement de l'économie en tant


qu'institutions financières bancaires sur les ressources monétaires créées et en tant
qu'institutions financières non bancaires sur les ressources d'épargne collectée.

Les institutions financières non bancaires se sont de leur côté rapprochées des
banques par l'ouverture en leurs livres des comptes courants recevant des dépôts à
vue.

Donc, avec l'avènement de la déspécialisation, la similitude des fonctions des


intermédiaires bancaires et non bancaires est totale.

D'une part, dans leur rôle de créatrices de monnaie, elles créent de la monnaie au
profit des agents à besoin de financement et anticipent ainsi une épargne volontaire
ou forcée des agents à capacité de financement; d'autre part, dans leur second rôle
d'institutions financières non bancaires (dans l'emploi des ressources d'épargne leur
confiées : dépôts à terme, livrets d'épargne, etc.), elles ne font que prêter une épargne
antérieurement reçue.

3.3. Le système financier congolais et la théorie des fonds prêtables

1° La présentation du système financier congolais

Le système financier congolais peut être subdivisé en trois catégories à savoir :


a) les institutions bancaires créatrices de monnaie,
b) les institutions financières accessoirement monétaires et
c) les autres institutions financières non bancaires.

a) Les institutions bancaires créatrices de monnaie

Celles-ci comprennent d'une part la Banque Centrale du Congo


et d'autre part, les banques de dépôts ou banques commerciales (une quinzaine) et
l'Office des Chèques Postaux.

b) Les institutions financières accessoirement monétaires

- la Caisse d'Epargne du Congo (CADECO)


- La Banque de Crédit Agricole (B.C.A.)
81

c) Les autres institutions financières non bancaires

- La Société Nationale d'Assurances (SONAS)


- L'Institut National de Sécurité Sociale (I.N.S.S.)
- La Société Mobilière et Immobilière de Kinshasa (MOBIMO)
- La Compagnie Financière de Kinshasa (COFIKI)
- Le Fonds de Promotion Industrielle (F.P.I.)
- Les Coopératives d'Epargne et de Crédit, près d'une vingtaine,
- LA Société de Financement du Développement (SOFIDE).

2° Les institutions financières bancaires et non bancaires et les secteurs


économiques

Le système bancaire et financier congolais est assez diversifié; il couvre, en principe,


tous les secteurs économiques et répond à la nature des différents financements
nécessités par l'activité économique.

Cependant, en pratique, comme cela va clairement se dégager plus loin, cette


infrastructure d'ensemble n'intègre que superficiellement les impératifs du
développement pour ce qui est des secteurs jugés par ailleurs prioritaires notamment
l'agriculture et le secteur de la petite et moyenne entreprise.

3° Les institutions financières bancaires et non bancaires face à la mobilisation des


ressources

D'une manière générale, les ressources collectées (aussi bien les dépôts à vue que
ceux à terme) par les banques et les institutions financières spécialisées sont loin
d'atteindre le volume optimal mobilisable.

a) Les banques de dépôts : trop liquides, ne déploient aucun effort dans la collecte
de ressources accrues. L'ouverture de comptes en banque est assortie de
formalités d'un dépôt minimum initial et de l'obligation d'un parrainage par des
anciens clients de la banque concernée qui font que les petits déposants sont
exclus d'office de la clientèle des banques.
Par ailleurs, l'implantation géographique de ces banques ne couvre qu'une partie
infime du pays. Celle-ci suit les centres de développement industriel ou
commercial et le facteur urbanisation correspond à une implantation dense. Il n'y
a aucun rapport de proportionnalité entre la densité de la population et le nombre
de guichets bancaires.

Ainsi s'explique le fait, par exemple, que la région urbaine de Kinshasa à elle seule
collecte certaines années (1994, 1995, 1996) plus de 90 % des dépôts de tout le système
bancaire et pour les dépôts à terme 100 % (1994, 1995, 1996 et 1997) selon les tableaux
n° 6 et 7 ci-après.
82

Durant les dix dernières années, la mauvaise gestion macro-économique du pays a


débouché depuis 1991 sur une crise aigu de liquidité qui a donné un coup d'arrêt aux
crédits et exercé un effet régressif sur les dépôts bancaires.

En période normale, le taux de couverture des dépôts à vue dans les banques
commerciales (encaisses des banques / dépôts à vue des banques) avoisine 8 %. Suite
à la pénurie des billets de banque, il est même tombé à 0,8 % (cas connu en avril
1992).

Le niveau excessivement bas de ce ratio permet de se rendre compte à la fois de


l'ampleur de la crise de billets de banque au sein du système bancaire, et donc du
degré d'inconvertibilité de la monnaie scripturale en monnaie fiduciaire (billets de
banque) (1).

Cette mutation a fait que depuis 1991, les dépôts disponibles des banques auprès de
la Banque Centrale étaient supérieurs aux ressources indisponibles auprès de cette
institution et phénomène singulier, ces dépôts disponibles revêtaient dans une large
mesure un caractère indisponible suite à l'incapacité de l'Institut d'Emission de
répondre à la demande de billets par les banques commerciales.

Il s'en est suivi un impact négatif sur l'intermédiation bancaire.


La pénurie de liquidité a accentué la désintermédiation bancaire.

En effet, les versements en espèces dans les banques par les opérateurs économiques
tarissant suite à un taux de recyclage quasi-nul des billets de banque du fait de
l'incertitude permanente pesant sur la possibilité de retirer les espèces aux guichets
des banques.

La demande de crédit dans l'économie a connu un recul notable vu l'incapacité des


banques à convertir en espèces les crédits octroyés à leurs clients. Les sous-
utilisations des crédits bancaires avaient atteint 70 % en 1993 contre le taux de 53,3 %
en 1992.

Il est évident que dans un tel contexte s'émousse l'élan des banques de dépôts dans la
mobilisation des fonds prêtables.

(1)
Mabi Mulumba, op. cit. , pp. 158 et 159.
83

Tableau n° 5

REPARTITION DES INSTITUTIONS FINANCIERES SPECIALISEES PAR SECTEUR.

HABITAT AGRI- INDUSTRIEL MINIER COM- VOCATION PLACEMENTS


CULTURE MERCIAL GENERALE DIVERS
- - - - - Coopératives -

- - - - - d'épargne et -

- - - - - de crédit -

- B.C.A. - - - - -

CADECO CADECO CADECO CADECO CADECO - CADECO

- - F.P.I. - - - -

MOBIMO SOFIDE SOFIDE SOFIDE COFIKI - SOFIDE

- - COFIKI - - - COFIKI

- - - - - - -

- - - - - - -

- - - - - - -

- - - - - - I.N.S.S.

- - - - - - SONAS

b) Les institutions financières non bancaires revêtent chacune son caractère


spécifique :
- La Société de Financement du Développement (SOFIDE) :
quoiqu'elle soit autorisée à recevoir des dépôts à terme, depuis sa
création, elle n'a pas recouru à cette nature de ressources. Elle a
plutôt privilégié la mobilisation de ressources provenant des
emprunts en devises à l'extérieur.
- Le Fonds de Promotion Industrielle : cet organisme créé pour
financer le développement industriel du pays est alimenté en
ressources à partir de la parafiscalité. Il s'agit d'une taxe prélevée sur
la vente au détail des biens produits et / ou commercialisés sur
toute l'étendue du pays d'une part et prélevée à l'importation
d'autre part. Selon les ordonnances n° 89-171 du 07 août 1989 et n°
89-031 du 07 août 1989, les ressources du Fonds de Promotion
Industrielle constituent une subvention destinée à la réalisation de
l'objet social du Fonds pendant dix ans (depuis 1999). Au-delà de
cette échéance, elles constituent des lignes de crédit dont les
conditions d'octroi et de remboursement seront fixées par le
Gouvernement.
84

- Les Organismes recevant de l'épargne contractuelle tels que


l'Institut National de Sécurité Sociale et la Société Nationale
d'Assurances disposent de ressources relativement importantes
mais sont handicapées dans leurs actions par l'instabilité du cadre
macro-économique connue par le pays, notamment l'hyperinflation,
durant nombreuses années (quatre décennies) ainsi que par
l'inexistence d'un marché financier.
- Les autres organismes financiers : la MOBIMO , la COFIKI
fonctionnent sur la base de leur capital, des dotations provenant des
actionnaires majoritaires, des emprunts et de leurs réserves.
- Les Coopératives d'Epargne et de Crédit ont connu une intense
activité dans la mobilisation de l'épargne durant la période allant de
1984 à 1990. Suite à la crise de pénurie de liquidités en banques, elles
sont aujourd'hui virtuellement en faillite, car, la grande partie de
leurs emplois étaient faits sous forme de dépôts à terme dans les
banques.

4° Les emplois des institutions financières bancaires et non bancaires


Ce sont les banques de dépôts qui, jusqu'à l'heure actuelle constituent la source
principale interne de financement des activités économiques congolaises aussi bien
en ce qui concerne le crédit destiné au fonds de roulement que celui de l'équipement
(tableau n° 8).

Les institutions financières non bancaires n'ont pas encore joué un rôle significatif
dans le financement de l'économie congolaise.

Certaines à cause des bouleversements connus dans leur gestion depuis l'accession
du pays à l'indépendance, c'est le cas de la CADECO, d'autres, parce qu'un cadre
précis de financement ne leur est pas tracé, il s'agit des institutions telles que l'I.N.S.S.
et la SONAS.

En effet, ces deux organismes laissent leurs ressources sous forme de dépôts à vue en
banque ou les placent à terme dans les mêmes institutions. Les seuls placements que
ces organismes ont pu faire ont été malheureux.

C'est le cas pour l'I.N.S.S. d'une souscription de 210.000 Zaïres dans le capital de la
SOGEFI (Société dissoute en 1972) d'un prêt de 1.000.000 Zaïres à l'Office National de
Logement (O.N.L.), de 600.000 Zaïres à l'Office Congolais des Postes et
Télécommunications (O.C. P.T.) et de 1.330.000 Zaïres à l'Etat. La SONAS a subi le
même sort pour un placement de 60.000 Zaïres sous forme de titres de la SOGEFI.
85

Tableau n° 6 : Ventilation des dépôts bancaires a vue par province (en %)

PROVINCES 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997

Kinshasa 71,0 68,3 71,3 70,0 86,9 94,5 94,0 93,9 95,0 74,0

Bas-Congo 1,6 2,5 2,4 2,4 2,0 1,0 1,0 1,0 1,3 1,2

Bandundu - 0,9 1,0 2,0 0,6 0,1 - - - -

Equateur 1,6 1,8 1,7 1,0 0,5 0,5 0,3 0,5 - 0,3

Orientale 3,2 1,8 2,0 2,0 1,0 0,3 0,2 0,3 - 0,4

S/Kivu, N/Kivu,
Maniema 3,2 3,4 3,1 3,5 1,7 1,2 2,3 2,0 1,2 5,6

Katanga 14,6 17,0 13,5 14,5 4,3 1,1 2,0 2,0 2,4 17,7

Kasaï Oriental 3,2 2,5 3,0 3,3 2,0 1,0 0,2 0,2 0,1 0,1

Kasaï Occidental 1,6 1,8 2,0 1,3 1,0 0,3 - 0,1 - 0,7

100 100 100 100 100 100 100 100 100 100

Source : Rapport 1997, Banque Centrale du Congo, Tableau IV.9

Tableau n°7 : ventilation des dépôts bancaires a terme par province (en %)

PROVINCES 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997

Kinshasa 74 75 92 89 98,7 99,9 100 100 100 100

Reste du pays 26 25 8 11 1,3 0,1 - - - -

100 100 100 100 100 100 100 100 100 100

Source : Rapport 1997, Banque Centrale du Congo, Tableau IV.10

Tableau n° 8 : CREDITS AUX ENTREPRISES ET AUX PARTICULIERS (en %)

1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997

A. Banques 90,7 91,8 99,2 95,9 95,4 94,3 95,5 96,3

A. Institutions
Financières
Spécialisées 9,3 8,2 0,8 4,1 4,6 5,7 4,5 3,7

100 100 100 100 100 100 100 100

Source : Rapport 1997, Banque Centrale du Congo, Tableau IV. 11


86

5° La théorie des fonds prêtables et les banques commerciales congolaises et les


institutions financières non bancaires

Le financement du développement économique implique une mobilisation soutenue


de fonds prêtables pour pouvoir répondre aux besoins des agents à déficit de
ressources.

Pour ce qui est du Congo, ce rôle de mobilisation de ressources a été joué durant de
nombreuses années par les banques commerciales. Ce n'est que vers 1950 qu'apparaît
dans le pays la première institution financière non bancaire à savoir la Caisse
d'Epargne du Congo.

Quant aux autres institutions financières non bancaires telles que la SOFIDE, la
COFIKI, la MOBIMO, la SONAS, l'I.N.S.S. , le F.P.I. n'ont vu le jour que durant la
période d'après l'indépendance, donc après 1960. Et encore toutes ces institutions
financières ne recourent pas à la collecte de l'épargne dans le public. Il est donc clair
qu'au Congo, le gros de fonds prêtables est fourni par les banques de dépôts.

Il faut à présent situer la façon dont ces banques s'emploient à l'extension de fonds
prêtables pour mettre ainsi à la disposition de l'économie des capitaux suffisants et
accrus.

En nous rapportant au développement fait plus haut sur le système financier


congolais et à la formule vue précédemment, l'on constate que l'implantation
géographique des institutions bancaires et non bancaires ainsi que leur politique de
dépôts n'incitent pas à la réduction de la thésaurisation (Q). Au contraire au fur et à
mesure que les revenus de la population s'améliorent, on assiste à une thésaurisation
accrue prenant une allure structurelle. Quoique ce phénomène soit imputable au
niveau culturel bas en matières financières, les techniques mises en place par les
banques en sont la cause.

En effet, en plus d'une accessibilité malaisée à leurs guichets là où elles sont


implantées, les banques édictent des conditions d'ouverture de comptes inabordables
pour la grande majorité de la population. Il est arrivé même qu'elles refusent de
recevoir un certain type de dépôts. Ce cas a été noté à l'époque où la Banque
Centrale avait imposé aux banques un niveau minimum de taux d'intérêt créditeurs à
allouer aux dépôts à terme.

Ces dernières années, le Budget de l'Etat congolais accuse des déficits à caractère
structurel essentiellement financés par le recours au crédit auprès de la Banque
Centrale. C'est ainsi que l'accroissement des dépôts bancaires se trouve être le
produit d'une création monétaire de la part de l'Institut d'émission suite au
financement du déficit budgétaire.

Selon la formule précédente, ΔM n'est pas dû uniquement aux octrois de crédit par
les banques commerciales par le jeu du multiplicateur mais trouve, en grande partie,
87

sa source dans la création de la monnaie centrale par la Banque Centrale suite au


financement monétaire des déficits du Budget de l'Etat.

4. Le contrôle de l'expansion monétaire

La création de la monnaie centrale est le privilège réservé à la


Banque Centrale tandis que l'émission monétaire dérivée qu'est la création de la
monnaie scripturale est essentiellement l'œuvre des banques commerciales et des
organismes financiers accessoirement monétaires.

Dans le processus de création monétaire par les banques, la demande de crédits par
les agents non financiers joue un rôle important dans l'accroissement de la masse
monétaire suite à la création de monnaie par les banques qui, elle, est tributaire des
possibilités de création de la monnaie centrale par la Banque d'émission.

C'est dire que la Banque Centrale dispose des instruments nécessaires pour le
contrôle de la masse monétaire. C'est ce qui fait que la Banque Centrale tient dans le
fonctionnement de l'économie le rôle de l'autorité monétaire.

S'il est établi que le développement de la production est conditionné par celui du
crédit et par voie de conséquence l'accroissement de la monnaie mise à la disposition
de l'économie, il est aussi vrai que la quantité de monnaie disponible doit être
compatible avec le volume des transactions. En effet, tout déséquilibre entre la
quantité de monnaie et le volume de la production est susceptible de désarticuler le
fonctionnement de l'économie en tant que cause soit de l'inflation, soit de la
déflation.

L'intervention de la Banque Centrale en tant qu'autorité monétaire s'intègre dans la


politique monétaire adoptée. Celle-ci s'entend comme l'ensemble des décisions prises
par les autorités monétaires pour agir sur l'économie par l'intermédiaire de la
monnaie.

4.1. Les situations conjoncturelles appelant l'utilisation de la politique


monétaire:

• La situation de surchauffe caractérisée par une généralisation et une accélération


de la hausse des prix. Dans un tel cas, l'activité des entreprises est élevée, la
demande globale forte, les salaires s'accroissent.

La Banque Centrale est alors obligée d'intervenir pour obliger les banques à ralentir
leurs crédits à l'économie pour stabiliser l'activité des entreprises, par la baisse de la
demande globale et une stabilisation des prix.

• Situation de stagnation de l'économie : Elle est caractérisée par la baisse de


l'activité avec la régression de la production et par l'apparition du chômage. Dans
ce cas, l'Institut d'émission est appelé à encourager les banques à accroître leurs
88

interventions dans le financement de l'investissement avec comme objectif la


reprise de l'activité.
• Apparition d'un déficit extérieur : l'action de la Banque Centrale devra, dans ce
cas, pousser les entreprises à diminuer leurs importations et à rapatrier les
capitaux placés à l'étranger.
• Les cas d'un excédent de la balance : Dans une telle situation caractérisée par une
affluence des capitaux étrangers incitant les banques à créer la monnaie au-delà
des besoins de l'économie, l'intervention des autorités monétaires devra tendre à
limiter les incidents monétaires des entrées des capitaux pour éviter une hausse
généralisée de la demande et des prix.

4.2. Les instruments de contrôle de l'expansion monétaire

Les instruments de politique monétaire peuvent être regroupés en quatre catégories :


- ceux portant sur le coût des liquidités et du crédit;
- ceux portant sur le volume des liquidités de banque;
- ceux constituant des politiques d'accompagnement des politiques
globales;
- ceux portant sur le contrôle des flux monétaires internationaux.

4.2.1. Les instruments portant sur le coût des liquidités et du crédit :

- La politique du taux d'escompte

Celle-ci exerce une action sur le coût des liquidités que la Banque Centrale met à la
disposition des banques par le réescompte de leurs titres.

La hausse ou la baisse du taux d'éscompte agit par paliers successifs, d'abord sur les
banques et ensuite sur les entreprises.

La hausse du taux d'escompte par la Banque Centrale entraîne la hausse du taux


d'escompte également au niveau de la banque commerciale étant donné que la
banque répercute automatiquement la hausse de l'escompte sur le taux de ses
propres crédits. Elle va élever simultanément et proportionnellement tous ses taux à
court, moyen et long terme.

Il ressort ainsi que le taux de réescompte joue le rôle de taux directeur, autour duquel
s'organise le coût de l'ensemble du crédit. Si elle se prolonge, la hausse des taux
monétaires entraîne la hausse des taux financiers pour empêcher le détournement de
l'épargne du marché financier vers le marché monétaire.

La hausse du taux de réescompte entraînant une hausse générale du coût de


liquidités, doit normalement gêner les banques et les inciter à diminuer leurs
demandes de refinancement, donc à réduire leurs prêts à l'économie.

Pour ce qui est des entreprises, la hausse des taux va les décourager et les pousser à
renoncer à emprunter. Il va en résulter une baisse de la demande globale et des prix.
89

Pour que la politique du taux d'escompte ait un impact notable, il faut qu'il y ait sur
l'espace économique concerné un recours important aux transactions fondées sur les
effets de commerce. Vu sous cet angle, cette politique n'est guère opérante dans les
économies avancées. Elle n'a aucun impact dans l'économie congolaise où le
portefeuille commercial des banques n'a jamais pris des proportions significatives.

Si la politique du taux d'escompte est inopérante sur le plan interne, il est


aujourd'hui constaté que les économies avancées y recourt fréquemment comme un
instrument de rééquilibre de la balance extérieure par le truchement d'une entrée
immédiate de capitaux à court terme (en cas de hausse du taux).

Toutefois si le déficit de la Balance est structurel, selon Michelle de Mourgues, "la


monnaie du pays paraît fragile, sa valeur instable et les capitaux étrangers refusent
de prendre le risque de change. La hausse du taux d'escompte n'apparaît pas une
garantie suffisante à la perte possible en capital" (1).

Le même auteur parlant de la politique du taux d'escompte note : " seul instrument
de politique monétaire au XIXè siècle, il perd à notre époque un peu de son
importance comme instrument de régulation de la conjoncture interne. Il conserve
au contraire la première place comme instrument de politique monétaire externe "
(1).

4.2.2. Les instruments portant sur le volume des liquidités des banques

L'inefficacité de la politique du taux d'escompte comme instrument de régulation de


la conjoncture interne a obligé les Banques Centrales à intervenir directement soit sur
la liquidité bancaire, soit le volume du crédit bancaire.

Sous cette rubrique, trois instruments peuvent être répertoriés. Il s'agit :


1° de la politique d'open market;
2° des réserves obligatoires ainsi que
3° de la politique d'encadrement du crédit.

1° La politique d'Open Market

Cette politique consiste soit :


a) à éponger par la Banque Centrale une portion de liquidité en monnaie centrale
pour limiter la capacité de création de monnaie par les banques. Cette opération
est rendue possible par la vente des titres publics par la Banque Centrale en
contrepartie de la monnaie centrale. La conséquence immédiate est la diminution
de la masse monétaire;
b) à injecter dans l'économie une monnaie supplémentaire par l'achat par la Banque
centrale des titres publics avec comme résultat l'accroissement de la masse
monétaire.

(1)
Michelle de Mourgues, Economie Monétaire, Dalloz, Paris, 1974, pp. 106, 110.
90

En plus de l'effet-quantité se dégageant du mécanisme ainsi décrit, il faut également


mentionner un effet-coût. En effet :
- lorsqu'il y a vente des titres par la Banque Centrale, celle-ci devra les vendre à un
prix inférieur à leur valeur nominale (l'offre des titres étant plus élevée que la
demande des titres). Ce cas correspond à une situation de hausse du taux d'intérêt
des titres. Ce qui entraîne la hausse du taux d'intérêt sur le marché monétaire avec
comme résultat une abstention de recours au crédit et une baisse de la masse
monétaire;
- lorsqu'il y a achat des titres par la Banque centrale, celle-ci devra proposer un prix
supérieur à leur valeur nominale (la demande des titres étant supérieure à l'offre
de titres). Ce cas correspond à une situation de baisse du taux d'intérêt, les
banques vendeuses de titres gagnent plutôt en capital. Sur le marché monétaire, il
y aura baisse du taux d'intérêt. Le crédit devenant bon marché, les demandes de
crédit vont s'accroître (si les perspectives de profit sont favorables) et il va
s'ensuivre une accentuation de l'accroissement de la masse monétaire.

La politique d'Open Market n'est possible que dans les économies où existe un
marché monétaire suffisamment approvisionné et où, il existe en même temps un
portefeuille d'effets publics significatif.

2° La politique des réserves obligatoires

Cette politique fait obligation aux banques ainsi qu'aux organismes accessoirement
monétaires de détenir de la monnaie centrale en réserve dans des comptes non
productifs d'intérêt à la Banque Centrale.

La partie mise en réserve est calculée proportionnellement aux dépôts bancaires. Il


est généralement fixé des taux différenciés en tenant compte des échéances des
dépôts. C'est ainsi que le taux de réserves obligatoires sur les dépôts à terme est
inférieur à celui concernant les dépôts à vue. La politique de réserves obligatoires
figure également parmi les instruments permettant de contrôler les opérations avec
l'étranger. Pour freiner l'affluence de capitaux étrangers incitant les banques à créer
la monnaie au-delà des besoins de l'économie avec le risque de survenance de
l'inflation. Dans ce cas, la Banque Centrale impose une quotité de réserves
obligatoires sur les dépôts de non-résidents.

Les réserves obligatoires agissent sur le pouvoir de création de la monnaie par les
banques car exerçant un impact négatif sur la liquidité bancaire.

La politique des réserves obligatoires est utilisée plus rarement que la politique
d'Open Market et pour des conjonctures plus critiques en ce qui concerne les
économies industrialisées. Par contre, les pays en développement recourt à cet
instrument de façon permanente.
91

3° La politique d'encadrement du crédit ou de plafonnement du crédit

Elle consiste à imposer aux banques un plafond à leurs encours de crédit. Les
banques sont ainsi astreintes à limiter globalement leurs activités. Il s'agit d'une
pratique autoritaire qui garde un caractère exceptionnel.

4.2.3. Les politiques d'accompagnement des politiques globales

Il s'agit d'insérer dans le mécanisme des instruments de politique monétaire décrit ci-
haut une certaine sélectivité.

Par exemple, dans l'exécution de la politique de plafonnement du crédit, l'obligation


de financement à une certaine hauteur des secteurs jugés prioritaires est souvent
imposée pour éviter que des pans importants de l'économie ne soient asphyxiés par
manque de financement.

Dans la politique du taux d'escompte, il peut être prévu des taux de refinancement
différenciés en fonction des secteurs sur lesquels portent les transactions couvertes
par les effets de commerce.

Parmi les politiques d'accompagnement des politiques globales, il faut mentionner


les recommandations faites par l'autorité monétaire ou la persuasion morale. La
portée de cet instrument est essentiellement d'ordre psychologique. Toute
recommandation de l'Institut d'émission sur l'évolution de telle ou telle autre nature
de crédit crée un tel climat psychologique que les banques sont amenées à redoubler
de précautions dans leurs octrois de crédit.

" Reposant sur une adhésion implicite des banques aux objectifs fixés
unilatéralement par les autorités, il (ce procédé) suppose un large consensus et une
discipline dont peu de pays peuvent se prévaloir. En tout état de cause, un tel
système demeure fragile. La Suisse, ….., qui l'avait appliqué dans les années 50, a
dû lui substituer un procédé plus contraignant : " le gentlemen's agreement". En
pareil cas, la bonne volonté des banques est concrétisée par la signature d'un
engagement formel " (1).

4.2.4. Les instruments de contrôle des flux monétaires internationaux.

Comme étudié précédemment, la monétisation des excédents de la balance des


paiements constitue une des sources de création monétaire, tandis que le déficit est à
la base de la destruction de la monnaie nationale. Donc, la situation de la balance des
paiements détermine la valeur externe de la monnaie nationale.

A côté de la politique du taux d'intérêt (taux d'escompte de la Banque Centrale) qui


représente une intervention indirecte de la Banque Centrale par le jeu de la politique

Didier Bruneel, op. cit. , p. 244


(1)
92

monétaire, celle-ci intervient également de façon directe sur le marché des changes
pour la défense de la valeur externe de la monnaie nationale.

Il existe deux systèmes de rééquilibrage de la monnaie nationale à savoir :


1) le système de changes fixes et
2) le système des changes flexibles.

1) Le système de changes fixes

Dans ce système, la parité de chaque monnaie est définie par rapport à une monnaie
clé. Cela a été le cas du système de Bretton Woods où les parités des monnaies des
pays membres du Fonds Monétaire International (F.M.I.) étaient définies vis-à-vis du
dollar par rapport auquel ces monnaies devaient fluctuer dans le sens de la hausse
ou de la baisse dans des limites strictes (entre par exemple + 1 % et - 1 %). Le
mécanisme de fonctionnement du système consistait à stabiliser la monnaie de
chaque pays membre autour de la parité officielle entre ces limites.

L'intervention des banques centrales avait pour objectif de maintenir les fluctuations
des monnaies nationales par rapport au dollar dans les limites convenues.

Ainsi, lorsque le monnaie d'un pays tend à s'apprécier au-delà de + 1 %, la Banque


Centrale de ce pays est obligée d'acheter des dollars contre sa monnaie. Cette
opération va entraîner la dépréciation de la monnaie nationale au point de ramener
sa parité dans les limites arrêtées.

Inversement, lorsque la monnaie d'un pays tend à se déprécier en dessous de - 1 %,


sa Banque Centrale a alors l'obligation de racheter sa monnaie contre des dollars. Ce
qui apprécie sa monnaie par rapport au dollar et fait revenir sa parité dans les limites
convenues.

S'il arrive que le pays ne dispose pas d'assez de dollars pour intervenir en cas de
déficit grave et prolongé de sa balance des paiements, sa Banque Centrale peut
recourir aux emprunts soit auprès du F.M.I. soit sur les marchés internationaux de
capitaux.

2) Le système des changes flexibles

Ce système est fondé sur la croyance en des mécanismes de rééquilibre automatique


de la balance extérieure, non pas par le jeu du taux d'intérêt, mais par la variation du
cours des monnaies elles-mêmes.

Deux situations peuvent se présenter :


a) Lorsque la balance d'un pays est excédentaire, c'est qu'il reste un solde net de
paiements en sa faveur. Pour s'acquitter de leurs engagements, les non-résidents
vont exprimer une demande nette de la monnaie du pays sur le marché des
changes. La conséquence est que le cours de la monnaie du pays à balance
excédentaire va s'élever.
93

Le principe est que le pays à balance excédentaire ne doit pas s'opposer à la hausse
de la valeur d'échange de sa monnaie. Celle-ci étant désormais plus chère, les biens
importés de ce pays s'élève dans les mêmes proportions en monnaie des autres pays.

La demande extérieure des biens du pays excédentaire va diminuer alors que la


monnaie des autres pays sera " bon marché " favorisant ainsi ses importations.

Le mécanisme rééquilibrant se situe dans le processus de détérioration de balance du


pays et la dépréciation progressive de sa monnaie pour retrouver sa parité officielle.

b) C'est l'effet inverse qui se produit en ce qui concerne le pays à balance extérieure
déficitaire, la valeur d'échange de sa monnaie va se déprécier (sa monnaie étant
moins demandée) d'où ses exportations revenant moins chères vont s'accroître
alors que ses importations exprimées en monnaies étrangères deviennent plus
chères avec comme conséquence la réduction des importations face aux
exportations qui se développent. Ainsi s'engage le processus de l'équilibre de la
balance avec une appréciation monétaire vers la parité officielle.

Pour qu'un tel système soit opérant, il faut éviter l'intervention de la Banque
Centrale. Ce qui voudrait dire que s'il y a excédent de la balance, cela doit se traduire
par une émission supplémentaire de monnaie avec accroissement de la masse
monétaire et s'il y a déficit, cette situation doit provoquer une destruction monétaire
avec une diminution de la masse monétaire pour que l'effet équilibrant joue. Or les
choses ne se passent pas ainsi dans la réalité. La Banque Centrale est obligée
d'intervenir pour adapter l'émission monétaire aux besoins de l'économie en évitant
que l'influence monétaire des relations extérieures ne perturbe la stabilité monétaire.

En fait, les variations du taux de change ne trouvent leur efficacité dans l'ajustement
que si elles sont appuyées par les mesures appropriées portant sur la demande
globale. Pour que la règle du jeu soit au point pour les pays à déficit chronique et à
taux d'inflation élevé, la dépréciation de la monnaie ne peut avoir les effets
recherchés que si elle s'accompagne de mesures visant la maîtrise de la demande
globale et l'offre de monnaie. Inversement, une appréciation de la monnaie ne peut
éliminer un surplus de balance de paiements que si elle va de pair avec des mesures
expansionnistes c'est-à-dire de crédit " bon marché ".

5. LES INSTRUMENTS DE POLITIQUE MONETAIRE ET DE CONTROLE DE


CREDITS DE LA BANQUE CENTRALE DU CONGO

Cette matière sera analysée en se référant au contexte historique ayant motivé


l'adoption de chaque instrument de contrôle de crédits.
94

5.1. Les instruments d'encadrement direct des crédits

1) La limitation directe de crédits bancaires

C'est à partir de la réforme monétaire du 9 novembre 1963 que


la Banque Centrale adopta cette politique dans le domaine de l'octroi de crédits aux
entreprises en fixant à chaque banque commerciale un plafond de crédits qu'elle est
autorisée à accorder.

Cette politique fut poursuivie après la seconde réforme monétaire du 24 juin 1967. En
effet, c'est en juillet et août 1967 que la Banque Centrale a pris des dispositions
interdisant aux banques d'accorder des crédits au-delà des plafonds fixés, de
consentir des crédits de caisse à durée indéterminée ou à préavis de plus de 90 jours.
Il était également recommandé aux banques commerciales de respecter certaines
priorités dans l'octroi de crédits.

Pour réorienter progressivement de façon sélective la distribution du crédit et


assainir le mode d'intervention des banques, il a été instauré un système de double
plafond.

a) Un plafond libre qui donne la hauteur des crédits que les banques peuvent
accorder librement sans restriction en ce qui concerne la forme et le secteur
économique.

b) Un plafond réglementé qui regroupe les crédits qui répondent à certaines


exigences en matière de secteur d'activité, de forme et d'usance (1) . Pour mieux
assurer la répartition sectorielle de l'encours des crédits aux entreprises et aux
particuliers, ce plafond est scindé en trois sous-plafonds destinés respectivement
aux besoins des entrepreneurs nationaux, à la distribution à l'intérieur du pays et
aux autres secteurs prioritaires.

Le 3 juillet 1972, un assouplissement est introduit dans la politique de limitation


directe des crédits. A cette date, la Banque Centrale a libéré de tout plafonnement
direct ou indirect les concours bancaires en faveur du secteur agricole.

Le 12 février 1974, le plafonnement du crédit bancaire est abandonné au profit de


l'instauration de la politique des réserves monétaires obligatoires. Cela n'a duré que
deux ans.

En effet, le 19 avril 1976, la Banque Centrale opte pour un retour au système


d'encadrement direct du crédit, toutefois avec une variante. Le plafond réglementé
est subdivisé en cinq sous-plafonds :
1. financement de l'agriculture;
2. financement des activités organisées par les nationaux;
3. financement des productions locales essentielles;

(1)
Rapport 1967 de la Banque Nationale du Congo , p. 211.
95

4. financement de la distribution des produits locaux et des produits importés;


5. financement du transport.

" Une quote-part du plafond libre et de chacun des sous-


plafonds réglementés est attribuée à chaque banque compte tenu de l'importance
des dépôts augmentés de ses fonds propres et des autorisations spécifiques
accordées antérieurement par la Banque du zaïre de manière à éviter tout
dépassement éventuel du plafond global " .

En outre, les crédits à moyen terme sont assujettis au plafonnement alors que jusqu'à
présent, celui-ci ne concernait que les financements à court terme. Toutefois,
l'obligation de couverture par les dépôts à terme reste toujours en vigueur pour les
crédits à moyen terme. Une certaine évolution est constatée en 1977. Les crédits à
moyen terme ainsi que les concours en faveur de la GECAMINES sont mis hors
plafonds. Toutefois l'autorisation préalable de la Banque Centrale est exigée; et celle-
ci est subordonnée à deux conditions :
- l'existence d'une marge disponible;
- le caractère productif de l'investissement à réaliser.

Les plafonds de crédits ont été supprimés en juin 1993.

2) Planchers de crédits pour les secteurs prioritaires

Après l'abandon, en février 1974, du système de plafonnement de crédits, la Banque


Centrale avait mis en place un système de planchers de crédits pour les secteurs
prioritaires.

Le système consiste en la fixation périodiquement d'un minimum à l'encours utilisé


des crédits accordés par les banques de dépôts à chacun des secteurs considérés
comme prioritaires.

Ces minima appelés " planchers " sont répartis entre les banques en fonction de leurs
dépôts par rapport au total des dépôts du système bancaire, les crédits à moyen et
long terme accordés aux secteurs prioritaires étant pris en compte.

Si le volume minimum de crédits aux secteurs prioritaires n'est pas atteint; la banque
qui se trouve dans une telle situation voit ses dépôts stérilisés à concurrence du
déficit au regard du volume minimum. Ce mécanisme est d'autant plus contraignant
pour la banque qu'il existe en même temps un coefficient de réserve obligatoire qui
peut atteindre un taux de 55 %.

Les planchers de crédits ont été supprimés en juin 1993.

3) Obligations de couverture des crédits d'investissement

C'est en juillet 1970 que la Banque Centrale a autorisé les banques commerciales à
financer les investissements à moyen terme avec cependant une restriction à savoir
96

que ce financement soit couvert par une certaine proportion de dépôts durables. Dès
juillet 1970, il était stipulé que seuls les dépôts à six mois au moins étaient admis à
concurrence de 75 % en couverture des crédits d'investissements productifs.

Trois assouplissements aux conditions de couverture sont intervenus par la suite :


a) En avril 1971, les dépôts à moins de six mois furent intégrés dans la couverture et
cette couverture est située à 200 % pour les dépôts à trois mois au plus, ou 100 %
par les dépôts ou bons de caisse ou obligations à un an ou plus.
b) Le 1er octobre 1971, une distinction est faite entre les dépôts en monnaie nationale
d'une part et les dépôts en monnaies étrangères détenues par des non résidents et
les dépôts en comptes convertibles en zaïres d'autre part.
Cette disposition permet l'utilisation des dépôts à moins de six mois en comptes
convertibles en zaïres ou en comptes en monnaie étrangères ouverts au nom de
non résidents à concurrence de 120 % en couverture des crédits à moyen et long
terme destinés à financer les investissements productifs.
c) A partir de juillet 1972, les crédits à moyen ou long terme destinés à financer les
investissements productifs du secteur agricole ne sont plus soumis à l'obligation
de couverture;

4) Financement des exportations

La Banque Centrale a autorisé le financement des exportations des produits


congolais à concurrence de 80 % de la valeur FOB des produits à exporter,
moyennant une couverture à la hauteur de 120 % pour les dépôts en zaïres
convertibles ou dépôts en monnaie étrangères au nom de non-résidents et la
validation préalable d'un modèle E.

5.2. Les instruments d'encadrement indirect du crédit

1) Taux de réescompte et d'avances de la Banque Centrale

La Banque Centrale a toujours recouru à cette technique de contrôle du crédit et sa


politique, avant 1960 en cette matière, a été celle de bas taux d'escompte sauf lorsque
la situation monétaire semblait incertaine les années 1957 à 1960. La grande liquidité
du système bancaire à cette époque l'a rendu indépendant vis-à-vis de l'Institut
d'émission et a fortement atténué l'impact de la politique d'escompte sauf
épisodiquement les années 1958 et 1959. Durant la décennie 1960-1970, vu la
désaffection du portefeuille commercial parmi les catégories de crédits accordés par
les banques commerciales, cet instrument ne jouait plus qu'un rôle indicatif;

Il faut cependant signaler le développement des acceptations bancaires noté de 1952


à 1959 suite à une politique de taux d'escompte privilégiant ce genre de crédits,
surtout les acceptations causées par les exportations.

Après 1970, la Banque Centrale a mis en place des dispositifs tendant à favoriser
l'octroi par les banques commerciales des crédits d'escompte, spécialement en ce qui
concerne le secteur agricole ainsi que celui de petites et moyennes entreprises. Des
97

taux de réescompte particulièrement avantageux étaient prévus pour ces secteurs.

Toutefois, le 12 février 1974, une politique de limitation du recours au réescompte est


mise en place. Il est établi une échelle de taux et de tranches de réescompte qui
complète la politique de réserve obligatoire et renforce la limitation globale des
crédits en décourageant, au-delà d'un certain seuil, le recours aux facultés de
réescompte auprès de l'Institut d'émission. Le volume réescompté est subdivisé en
tranches successives déterminées proportionnellement aux dépôts de chaque banque
communiquées séparément.

Une majoration d'un point par tranche est appliquée pour les tranches suivantes,
sauf pour les crédits à l'agriculture et aux petites et moyennes entreprises.

En plus des traites, sont également acceptés au réescompte des bons du Trésor
librement négociables à un an maximum à partir de leur date d'émission et les
promesses souscrites par les offices agricoles pour le financement de leurs opérations
à court terme.

La politique du taux de réescompte mise en place s'intègre dans le cadre d'une


politique monétaire d'ensemble. En effet, considérée d'une manière globale, la
réglementation du crédit bancaire en vigueur a pour objectif de faire en sorte que le
marché monétaire longtemps hors banque dépende de plus en plus de l'Institut
d'émission. L'adoption en même temps d'un taux de réserve obligatoire élevé allant
jusqu'à atteindre 55 % obéit à cette logique. Rendues ainsi moins liquides, les
banques se trouvent alors contraintes de recourir au réescompte auprès de la Banque
Centrale et d'intégrer leurs interventions dans le cadre souhaité par les autorités
monétaires;

Il faut noter que les effets remis au réescompte devraient concerner :


- l'exploitation agricole et forestière, pêche;
- l'industrie alimentaire, abattage de bétail, minoteries, fabrique de
sucre, conservation des viandes;
- l'élevage, le traitement et le conditionnement des produits agricoles.

Pour ce qui est des taux de réescompte, ceux-ci sont demeurés administrés et de 1967
à1971, ils variaient selon la nature des effets réescomptables, selon qu'il s'agissait du
billet à ordre ou de la lettre de change. Ils sont devenus progressifs à partir de 1974 et
ont été unifiés en 1987.

Depuis 1990, le taux de réescompte est redevenu le taux directeur de la Banque


Centrale. Son niveau tient compte de l'évolution des prix intérieurs. C'est ainsi qu'au
regard de l'accélération de l'inflation, il est passé de 5,5 % pour la lettre de change et
6,5 % pour le billet à ordre en 1967, à 55 % en 1991, 95 % en juin 1993 et à 145 % en
avril 1994.
98

Tableau n° 9 : TAUX DE REESCOMPTE

1974 1975 1976 1977 1978 1979 1980 1981 1982 1983 1984 1985
3/6 2/12
10 10 10 10 10 12 12 15 15 20 20 24 26

1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994


26/2 25/3 17/3 12/1 2/4 4/9 18/9
30 29 37 47 62 55 50 45 55 55 95 145

2) Les avances en comptes courants

Ce mode de refinancement des banques commerciales a commencé en 1971. Il s'est


d'abord opéré avec une seule ligne d'avance et en avril 1989, il fut instauré une
deuxième ligne d'avance en vue de ménager les banques et réduire les pénalités.

Concernant le volume autorisé, les tranches successives de chaque banque étaient


fixées de 1971 à 1978 en fonction de ses dépôts. En février 1986, les tranches
successives de chaque banque ont été déterminées par rapport au plafond de
réescompte. Le montant autorisé pour ces lignes est fixé trimestriellement par la
Banque Centrale. Le taux appliqué à ces avances en comptes courants est de 153 %
pour la première ligne d'avance et 160 % pour la seconde en 1993.

3) Les avances à l'Etat

Selon l'article 22 des statuts de la Banque du Zaïre, les avances directes de la Banque
Centrale au Trésor ne peuvent excéder à aucun moment 15 % des recettes fiscales
annuelles moyennes calculées sur la base des trois derniers exercices. En pratique,
cette disposition n'est guère respectée.

Le taux d'intérêt appliqué à ces avances est en principe convenu entre le Ministre des
Finances et la Banque Centrale en tenant compte du coût du loyer de l'argent au
Congo. Il arrive que la Banque Centrale fixe ce taux de façon unilatérale en violation
de cette disposition.

Ce taux est passé de 55 % à 95 % en janvier 1994, puis à 145 % en avril de la même


année.

4) Taux d'intérêt débiteurs

Jusqu'en février 1974, ce sont les banques qui fixaient elles-mêmes leurs taux d'intérêt
débiteurs en ayant pour repère ou taux de base ceux pratiqués par la banque
centrale. Mais à partir de cette date, la Banque Centrale cherchant à assurer un
financement adéquat aux secteurs économiques jugés prioritaires a commencé à
imposer les taux d'intérêt débiteurs maxima applicables à toutes les opérations de
crédit.
99

La nomenclature des crédits a subi des modifications d'une époque à l'autre. Alors
que durant la période d'avant 1970, les taux d'intérêt débiteurs étaient fixés selon la
nature des crédits, ils le sont, depuis février 1974, selon les secteurs d'activités
économiques où ces crédits sont engagés et en fonction de la possibilité de
mobilisation de ceux-ci auprès de la Banque Centrale.

La tendance générale à partir de 1983 est allée cependant dans le sens de la


libéralisation des taux débiteurs. Le processus de cette libéralisation a connu son
aboutissement le 1er octobre 1987, date à laquelle les taux de chargement de tous les
crédits y compris ceux appliqués aux crédits agricoles ont été libéralisés.

5) La politique des réserves obligatoires

C'est le 15 juillet 1970 que la Banque Centrale du Congo publie l'instruction n° 10


obligeant les banques à respecter un coefficient de réserve mais aucun taux n'est
indiqué. Ce n'est que le 3 juillet 1973 qu'un taux de 15 % est fixé et cet instrument
accompagne et complète celui de plafonnement des crédits.

En février 1974, la politique de limitation directe du crédit est abandonnée au profit


de celle de réserve obligatoire et le taux de réserve est porté à 40 % du montant des
ressources à celui des emplois. Le 12 juin 1975, le coefficient de réserve est fixé à 45%.
La réserve est constituée par les avoirs en monnaie nationale en compte courant
auprès de la Banque Centrale ainsi que par les avoirs en bons du Trésor. Elle est
calculée par rapport aux rubriques suivantes (à l'exclusion des dépôts en comptes
convertibles en zaïres et en monnaies étrangères) :
- Banques à moins de 6 mois;
- Autres valeurs à payer à court terme;
- Dépôts et comptes courants à vue;
- Dépôts à terme à moins de 6 mois;
- Institutions financières à moins de 6 mois;
- Crédits divers.

" Le 10 avril 1976, la Banque du Zaïre a été amenée à prendre des mesures pour
freiner le rythme d'expansion des crédits enregistrés au cours de 1975. En effet, le
nouveau système entraînant l'automaticité de l'adaptation du volume du crédit à
l'évolution des dépôts s'est avéré peu efficace. Ainsi placée par la conjoncture dans
l'obligation de contenir l'expansion des crédits à décaissement dans les limites
considérées compatibles avec la situation, la Banque a dû opter pour le retour à
l'ancien système d'encadrement direct des crédits. " (1) Cet aveu d'impuissance fait
par la Banque Centrale du Congo eu égard à l'efficacité de la politique de réserve
obligatoire amène à nuancer la conclusion tirée par W.J. Sedwitz et F.H. Schott
rangeant la technique de réserve obligatoire au degré le plus élevé d'efficacité parmi
les instruments de contrôle du volume du crédit. En effet, ces auteurs affirment que
"depuis 1930, on admet communément que la possibilité qu'ont les banques

Rapport Banque du zaïre, 1975, p. 236.


(1)
100

centrales d'imposer une couverture des dépôts des banques commerciales


constitue un levier puissant capable d'assurer souvent mieux que tout autre, la
mise en œuvre de tous les autres instruments de contrôle monétaire " (1).

La Banque Centrale s'est retrouvée dans la suite contrainte de coupler la politique de


réserves obligatoires avec celle de limitation directe du crédit. Ce qui dénote la
complexité de la situation monétaire du Congo. L'Institut d'émission est obligé à tout
instant de ne pas relâcher sa vigilance. C'est ainsi que l'on peut noter, que certaines
années, le taux de réserve connaît plusieurs modifications : trois en 1984, six fois en
1985. Et son niveau de plus en plus élevé, près de 55 % ces dernières années, mesure
la difficulté qu'éprouvent les autorités monétaires à maintenir la masse monétaire
dans les limites compatibles avec l'activité économique.

Les changements intervenus en juin 1993 visaient une libéralisation de la distribution


des crédits à l'économie par les banques à travers, en plus de la suppression des
plafonds et planchers, la réduction du coefficient de la réserve obligatoire qui est
passé de 55 % à 2 %.

6) Les coefficients structuraux

La Banque Centrale a eu recours à cet instrument de contrôle depuis 1957. En effet,


cette année-là, on notait un déficit de la balance des paiements, un stockage excessif,
la réduction des dépôts à terme ainsi qu'une augmentation du volume des crédits de
caisse accordés par les banques et un recours accru de celles-ci au réescompte et aux
avances de la Banque Centrale. C'est ce constat qui détermina cette dernière à
recommander un coefficient de liquidité de 70 % et celui de trésorerie de 5 % au
minimum.

Ces recommandations furent maintenues en 1958 et l'on assista à l'amélioration de la


situation en 1958 et 1959.

Cette politique n'a plus été appliquée après 1960 jusqu'en 1993.
Le développement des encaisses oisives la rendait inopérante. En outre, les
coefficients structuraux recommandés par l'Institut d'émission se trouveraient en
déça de ceux que les banques s'imposaient d'elles-mêmes.

La libéralisation de la politique de distribution des crédits par les banques


commerciales intervenue en juin 1993 a poussé la Banque Centrale à édicter une
réglementation visant la gestion prudentielle des banques. Celle-ci indique les
différents coefficients minimum auxquels les structures financières des banques et
institutions financières devront se conformer à savoir :
- un ratio de 5 % du capital social et de 10 % des fonds propres sur le
total des engagements;
- 50 % des fonds propres sur le total des risques bancaires;

W.J. Sedwitz et F.H. Schott, l'efficacité du contrôle monétaire selon la situation économique et financière, BIRD,
(1)

Paris, 1963, p.40.


101

- 1,5 % du capital social sur le total bilantaire;


- 7 % pour la trésorerie en rapportant les actifs liquides ou
mobilisables à court terme sur les engagements à vue et à un an au
plus;
- 100 % du financement des valeurs immobilisées par les fonds
propres lesquels sont constitués du capital social et des réserves;
- en sus, 2 % d'un coefficient maximum de l'encours des crédits
douteux sur l'encours total des crédits distribués.

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