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UNIVERSITE DE KINSHASA
FACULTE DES SCIENCES ECONOMIQUES ET DE GESTION
Par
2008-2009
INTRODUCTION
2
Cet ouvrage intègre une grande partie du cours de théorie monétaire que nous
dispensons en licence à la Faculté des Sciences Economiques de l'Université de
Kinshasa ainsi qu'à l'Institut Supérieur de Commerce de Kinshasa. Il ne s'adresse
cependant pas uniquement aux étudiants mais également à tous ceux qui, de par leur
profession, sont concernés directement par les phénomènes monétaires ainsi qu'à tout
citoyen soucieux de mieux comprendre son environnement économique, financier et
monétaire.
Cette approche obéit à la volonté maintes fois exprimée par les pouvoirs publics, les
employeurs et les étudiants eux-mêmes de voir notre enseignement supérieur s'intégrer
à son milieu pour sa meilleure connaissance en vue de trouver des solutions
appropriées aux problèmes économiques et monétaires qui se présentent.
Nous nous sommes efforcés de répondre à cette attente en puisant nos cas d'application
dans notre propre environnement et en mettant en exergue les éléments spécifiques aux
comportements des agents économiques des pays en développement.
La théorie monétaire s'emploie à établir les relations entre la monnaie et les variables
réelles de l'économie (production, consommation, emplois, etc.) afin d'asseoir la
politique monétaire.
En conformité avec cette ligne de conduite, les différents chapitres composant ce livre
s'alignent sur cette approche. C'est ainsi qu'après que le premier chapitre ait cerné les
origines et la définition de la monnaie, il est passé en revue, dans le deuxième chapitre,
l'évolution des théories relatives à la demande de la monnaie ainsi que de la théorie
quantitative de la monnaie, des classiques aux théoriciens modernes tels que Don
Patinkin, Milton Friedman, etc.
(1)
Roy Harrod, La monnaie, Dunod, Paris, 1971, p.XII
3
Le troisième chapitre qui traite de l'offre de monnaie met un accent particulier sur le
rôle de plus en plus important que jouent les institutions financières non bancaires ces
dernières années dans la théorie monétaire suite aux mutations qu'elles ont connues.
Au fil des temps, la monnaie a revêtu un caractère de plus en plus complexe. Ce qui en
complique la définition. C'est ainsi qu'elle est définie de manière indirecte à travers ses
différentes fonctions.
Avant d'en arriver là, il est approprié d'établir les origines historiques de la monnaie.
1.1. Le troc
Au fur et à mesure que la société enregistre des progrès dans le mode de production
avec l'apparition de la spécialisation, chacun se consacre à une seule activité (culture,
pêche, élevage ou à l'artisanat) et ne peut plus satisfaire la totalité de ses besoins avec sa
propre production, une nécessité pressante d'échanger une partie de celle-ci avec
d'autres biens fabriqués par d'autres devient un impératif incontournable.
Un tel système décourage les échanges et la division du travail qu'ils supposent et dès
lors handicape la productivité et le développement économique. En effet, le troc est
toujours particularisé et n'a pas de valeur universelle. Il ne permet pas d'atteindre une
expression unique de l'ensemble des relations d'échange de tous les biens.
Les inconvénients inhérents au système de troc vont militer, au fur et à mesure que
l'économie se spécialise et se développe, en faveur d'un étalon de valeurs constitué par
un élément pris parmi tous les autres devant servir d'élément de comparaison.
La monnaie matérielle, c'est le bien qui brise le troc et intervient réellement dans les
échanges.
• La monnaie marchandise
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La monnaie de paiement a d'abord été un bien matériel, une marchandise choisie parmi
beaucoup d'autres comme ayant des qualités fondamentales, à savoir: (1)
- Son homogénéité, sinon les contrats exprimés en cette monnaie sont d'un
contenu incertain;
C'est ainsi que les civilisations primitives ont souvent conféré le rôle de la monnaie à
des animaux domestiques: le bœuf, le mouton, la chèvre, etc. Des objets tels que des
coquillages ont également joué le rôle d'instruments monétaires.
Au début, les fonctions monétaires de ces biens étaient accessoires mais petit à petit, la
nécessité d'assurer les échanges et de conserver une réserve de valeur accentua de plus
en plus leur caractère monétaire.
Toutefois, les animaux domestiques ne sont jamais parvenus à garder leur caractère de
monnaie. En effet, ils sont périssables et ne peuvent remplir que difficilement la
fonction de réserve de valeur. De plus, leur indivisibilité constitue un obstacle sérieux à
la conclusion de petites opérations.
• La monnaie métallique
Les biens de consommation utilisés comme monnaie ont été rapidement remplacés par
des métaux précieux notamment l'or et l'argent. Outre qu'ils étaient fortement
demandés par la communauté pour leur beauté et leur rareté en orfèvrerie, ils étaient
pratiquement indestructibles et susceptibles d'être présentés sous la forme de très
petites unités. Donc, très rapidement, les fonctions monétaires des métaux précieux
devinrent dominantes et prirent le pas sur leur usage industriel ou artistique.
Des marchands réputés ou des templiers apposaient leur sceau pour authentifier le
poids et le titre du métal inscrits sur le lingot de façon à éviter la vérification du poids et
du titre à chaque transaction.
Le pouvoir public est intervenu ensuite pour appliquer son propre sceau et légaliser
l'instrument monétaire accepté comme ayant une certaine valeur d'usage. Les qualités
(1)
Roy Harrod, La monnaie, Dunod, Paris, 1971, p.5
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exigées de celui-ci sont : qu'il soit divisible, qu'il inspire confiance à tout le monde et
qu'il soit relativement conservable.
En outre, pour qu'un instrument serve de monnaie, il fallait qu'on ne puisse pas le
reproduire à loisir à des coûts trop bas, c'est - à - dire qu'il fallait qu'il ait une rareté
relative permanente.
Il suffirait au bien choisi comme monnaie de faire l'objet d'un consensus social, d'être
acceptable par la communauté dans les échanges et dans l'acquittement des dettes.
L'acceptation et la confiance sont les conditions ultimes qui font un instrument
monétaire d'un bien ou d'un signe quelconque. Toutefois, une utilité intrinsèque
constituait une garantie, rendait plus crédibles les qualités de monnaie du bien qui la
possédait.
D'abord " pesée ", puis " comptée ", la monnaie métallique a rapidement été " frappée ",
c'est - à - dire que le pouvoir politique, devant la puissance qui s'attache à la détention
et par conséquent à la création, à la fabrication et à la mise en circulation de la monnaie,
s'est peu à peu réservé le droit d'émettre les signes monétaires et de définir l'étalon
monétaire (pouvoir régalien de battre monnaie).
Cette monnaie émise par le prince (l'Etat), avait son contenu en métal garanti et
possédait un pouvoir libératoire. Donc, le droit régalien de battre monnaie a été la
conséquence de l'intervention du prince dans l'authentification des instruments
monétaires, elle-même justifiée par le souci de protéger les citoyens contre la
falsification et surtout de se ménager des recettes fiscales à l'occasion de la frappe; le
seigneuriage étant la commission que le prince prélevait de droit lors de la fabrication
des monnaies, la différence entre la valeur acceptée et le coût de production.
a) la monnaie fiduciaire
Si le métal est commode mais il présente cependant un inconvénient. Il peut être perdu
ou volé. C'est pourquoi, ceux qui possédaient des pièces d'or ou d'argent avaient pris
l'habitude de les déposer chez des commerçants appelés orfèvres. Ces derniers
délivraient un reçu en contrepartie de ce dépôt. La pratique s'établit très vite entre
commerçants de remettre ces reçus en paiement de biens vendus et services prestés au
lieu de se servir du métal lui-même pour conclure la vente.
Le banquier s'aperçut bien vite que la plus grande partie de l'or déposé dans ses coffres
n'était pas retirée et demeurait inutilisée. En effet, les porteurs des reçus ne
demandaient pas tous à la fois le remboursement en métal. Pour éviter d'assumer eux-
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mêmes les charges et les risques de conserver les métaux précieux, ils préféraient se
servir des reçus moins encombrants que les pièces et d'une valeur tout aussi grande.
Ces nouveaux banquiers eurent alors l'idée d'émettre des reçus pour un montant
supérieur à celui des réserves métalliques entreposées dans leurs coffres, le supplément
circula sans difficultés. Les billets en circulation n'étaient plus couverts entièrement
par les métaux précieux. La contrepartie de l'émission de billets non gagés par l'or était
représentée par du crédit au privé d'abord et à l'Etat ensuite. La monnaie fiduciaire
était née. Il s'agit d'une monnaie reposant sur la confiance.
b) La monnaie scripturale
Devant l'emprise de l'Etat sur l'émission de billets, les banquiers privés ne s'avouèrent
pas vaincus. Ils amenèrent les particuliers à déposer dans leurs coffres les billets
conservés dans les caisses particulières. En contrepartie de ces dépôts, les banquiers
ouvrirent au profit des déposants des comptes au crédit desquels ils inscrivirent le
montant des sommes déposées en billets. Les déposants avaient l'entière disposition de
leurs fonds. Bien vite, au lieu de retirer directement leurs dépôts, ils prirent l'habitude
de régler leurs transactions commerciales par un simple jeu d'écritures sur le registre
des comptes sans manipulation des billets.
Ainsi pour effectuer un paiement valable, le débiteur qui possède un compte en banque
se borne à donner au banquier l'ordre de déduire de ses avoirs en compte le montant
des sommes dues et de l'ajouter aux avoirs en compte de son créancier.
Le transfert de cette somme d'un compte à un autre équivaut à une remise de billets du
débiteur au créancier avec cette différence qu'il n'y a pas de manipulation de billets,
mais un simple jeu d'écritures sur des registres. C'est pourquoi cette forme
immatérielle de la monnaie s'appelle la monnaie scripturale.
Tout comme l'orfèvre-banquier pouvait émettre des billets de banques pour un montant
supérieur à la valeur de la couverture métallique, le banquier moderne, constatant qu'il
possédait toujours dans ses coffres une réserve de billets inutilisés, se mit à ouvrir des
comptes pour un montant dépassant la valeur des billets. La contrepartie de cette
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émission de monnaie scripturale fut constituée par du crédit aux particuliers et à l'Etat.
La monnaie scripturale " fiduciaire" était née.
Les échanges constituant une vente et un achat portent sur une série de biens
hétérogènes de telle sorte que pour qu'il y ait échange, il faudrait une commune mesure,
un étalon de valeur. De par son indétermination, la monnaie remplit cette fonction.
Les biens et services peuvent s'échanger les uns contre les autres. C'est le troc. Pour que
celui-ci ait lieu, il faut une adaptation mutuelle des besoins des coéchangistes.
(1)
- D. Besnard et M. Redon, La monnaie : politique et institution, Dunod, Paris, 1987, p.6
- Didier Bruneel, La monnaie, La Revue Banque Editeur, Paris, 1992, p.17.
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fonction d'échange suppose que la monnaie joue en même temps le rôle de numération
et qu'elle est une réserve de valeur.
3. LA DEFINITION DE LA MONNAIE
Toutefois, "il apparaît donc que la confiance est intrinsèquement liée aux phénomènes
monétaires, le consensus social nécessaire étant renforcé par l'autorité de l'Etat qui
garantit l'usage de la monnaie sur sa zone de souveraineté" (1) .
(1)
D. Besnard et M. Redon, op. cit., p.2.
Fr. Kabuya Kalala et Matata Ponyo Mapon, L'espace monétaire kasaïen, Crise de légitimité et
(2)
A la faveur d'une nouvelle réforme monétaire intervenue le 30 juin 1998, les billets de
banque démonétisés qui circulaient dans les deux provinces du Kasaï ont retrouvé
légalement leur pouvoir libératoire après avoir été, pendant cinq ans, dans une situation
informelle.
" …. C'est par la monnaie que l'activité privée des individus ou des entreprises prend un
caractère social. C'est en arrivant à se vendre, donc à s'échanger contre de la monnaie,
que dans une société d'économie privée les produits cessent d'être seulement le résultat
du travail individuel de ceux qui les ont fabriqués et qu'ils deviennent en quelque sorte
le résultat d'un travail social " (2).
Ce n'est qu'en prenant en compte toutes ces dimensions qu'il est alors possible de saisir
l'essence de la monnaie.
Les instruments d'échange dans le Congo précolonial peuvent être classés en quatre
catégories :
b) Les N'ZIMBU, ils furent le produit d' "un des premiers instituts d'émission" de la
Côte Occidentale de l'Afrique Equatoriale qui se trouvait dans une petite île, face à
Loanda dont le gouverneur était le roi du Congo. "On réunissait des femmes qui,
Pierre Pascallon, Théorie Monétaire, les Editions de l'Epargne, Paris, 1985, p.74.
(1)
Ch. Bettleim, L'économie soviétique, Recueil Sirey, 1950, PP.339 et 455, cité par P. Pascallon, Théorie
(2)
entrant quelque peu dans la mer, lavaient le sable dans des corbeilles et en retiraient
de petits coquillages n'zimbu de l'un et de l'autre sexe; elles triaient ceux-ci,
séparaient les mâles des femelles qui sont plus précieuses que les mâles parce
qu'elles sont plus brillantes et plus agréables à l'œil et portaient le tout au trésor du
roi" (1).
2° Les tissus de fabrication artisanale ont joué également le rôle de monnaie dans
les transactions commerciales. Il s'agit des nattes et des pagnes confectionnés à partir
des fibres, tirées notamment du palmier raphia, du pandanus et de l'ananas.
3° les métaux, qui ont fourni des instruments d'échange les plus résistants et les
plus adaptés à des transactions successives et au transport. Ils étaient :
a) les uns en fer : haches, fers de lance, couteaux de jet en forme de serpe, fers de
houe, cloches, barres, lingots, etc.
b) les autres en cuivre, dont l'un acquit une réelle célébrité. C'est la croisette, lingot de
cuivre en forme de croix de Saint-André.
Cette monnaie était émise par l'"Institut d'émission" de Msiri, roi du Garenganze
ou du Katanga qui eut un grand rayonnement avant l'arrivée des Européens. Ces
croisettes ont été trouvées pour ainsi dire dans toute l'Afrique, de l'Egypte au Cap
et de l'Océan Indien à l'Atlantique (2).
Le cuivre a été également utilisé comme instrument d'échange sous forme
d'anneaux, de bracelets, de colliers, de houes, de fer, de lance et surtout de fils de
cuivre.
4° Les animaux domestiques : poules, chèvres, bœuf, etc. qui sont les signes de
richesses mais qui ont l'inconvénient d'être difficilement maniables et non divisibles
pour permettre les petites transactions.
Les instruments d'échange énumérés ci-haut ont existé seuls au Congo durant des
siècles. Suite au contact avec l'extérieur, d'autres instruments d'échange apparurent
dont :
a) les cauris, des jolies coquilles blanches provenant de l'Océan Indien et les plus
estimées étaient récoltées sur les rivages des îles maldives, au sud-ouest de l'Inde. Ils
furent introduits en Afrique par les Arabes d'abord et les Portugais en amplifièrent
l'usage au XVIè siècle ensuite.
b) Les tissus de fabrication européenne : coton écru, teint, imprimé, laine et coton,
toile de tous genres etc. Les plus en vogue furent: l'americani, l'indigo drill, la
cretonne, les pagnes, les mouchoirs, les couvertures, etc.
(1)
Banque du Congo belge, 1909-1959, Ed. L. Cuypers-Bruxelles p. 24
Il est évident que ces différents instruments d'échange n'avaient pas tous le même
rayonnement auprès de la population. Les uns ne voulaient que des cauris, les autres les
N'ZIMBU ou l'indigo drill ou encore l'américani.
Les premières monnaies métalliques européennes, ayant un véritable cours ont été
introduites en Afrique Occidentale par les Portugais à partir du XVème siècle. A cette
époque, les rois de Lisbonne portaient aussi le titre de "Rois des Guinées" c'est - à - dire
les deux Guinées : la Supérieure entre le Rio Numez et le Cap Lopez - la Basse Guinée
ou Congo, groupant les territoires de Loango, d'Angola, de Benguela et du Congo situés
entre le cap Lopez et le Cap Negro.
Jean II de Portugal, devenu roi en 1481 fit frapper certaines pièces de monnaie portant
l'inscription : DOMINUS GUINEAE. C'est ainsi que circulèrent sur les côtes
occidentales d'Afrique les crusados, les justos et les espadins en or, les testaos, les indios
et reales en argent, les reales preto en cuivre.
En 1762, le roi Joseph 1er ordonna l'émission par l'Hôtel des monnaies de Lisbonne pour
la circulation en Afrique Occidentale des pièces de cuivre, portant les armes, la
couronne royale et le mot macuta.
Plus tard, les Portugais émirent également des macuta en argent, d'une valeur plus
élevée que l'unité primitive en cuivre. Le macuta était antérieurement une monnaie de
compte employée par les populations de la côte : c'était en fait un faisceau de mitako,
unité de compte variable. Le roi du Portugal voulait ainsi substituer, sous le même nom,
une pièce de monnaie européenne d'une valeur certaine à une unité de compte variable.
Il circula également au Congo le célèbre thaler (tari) dit " de Marie- Thérèse", produit
des ateliers autrichiens.
Ce chapitre appelle une question : la monnaie peut - elle faire l'objet d'une demande
propre?
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La réponse n'est pas unique si cette problématique est située dans le contexte de
l'histoire économique.
Les économistes classiques tels que Stuart Mill, J.B. Say, James Mill, Ricardo et les
économistes viennois comme Menger, L.V. Mise n'admettaient pas que la monnaie
puisse faire l'objet d'une demande propre, qu'elle puisse être désirée pour elle-même.
Pour eux, elle n'est qu'un intermédiaire des échanges et que sa demande n'est qu'une
demande indirecte des biens. La monnaie n'est qu'un voile, l'échange ayant eu lieu, il
est constaté qu'en fait les biens s'échangent contre d'autres biens. D'où leur insistance
sur la neutralité de la monnaie. Une monnaie est dite neutre lorsqu'elle n'exerce pas
d'impact sur les variables réelles, c'est - à - dire sur la production des biens et services.
Pour ces auteurs, l'utilité de la monnaie n'est qu'une utilité dérivée, un reflet, celle qui
lui revient en tant qu'instrument d'échange.
Par contre, les économistes contemporains (J.M. Keynes, Don Patinkin, M. Friedman)
démontrent que la monnaie est investie d'une utilité propre, directe, absolument
distincte des biens qu'elle permet d'acquérir. Les individus ont bien besoin de la
monnaie en sa qualité d'instrument d'encaisses de liquidités mettant ainsi en exergue sa
fonction de réserve de valeur.
" Les achats et les ventes se réalisent tout au long de la période sans que l'individu
puisse prévoir avec certitude leur échelonnement respectif. Même si la somme des
achats est égale à celle des ventes, l'individu doit détenir une réserve de monnaie,
fonction du degré de sécurité dont il veut disposer, sinon, il doit accepter le risque
d'insolvabilité" (1).
La monnaie a une utilité directe et possède bien une dimension individuelle en tant que
pouvoir de choix et forme de richesse fournissant un flux d'utilité.
"La monnaie peut être conçue comme l'invention d'une nouvelle forme de capital
produisant un rendement sous la forme d'un flux d'utilité" (1). Elle est un actif détenu
parce qu'il est productif et (ou) parce que ses services sont sources d’utilité (2).
Toute cette argumentation autorise la construction d'une fonction de demande de
monnaie en tant qu'actif ou bien de capital et de rattacher la monnaie à la théorie
générale de la valeur subjective.
En conclusion, la monnaie fait l'objet d'une demande propre en raison de ses qualités
particulières. Celles-ci proviennent du fait que la monnaie est un pouvoir d'achat mais
cette qualité peut être collée à tous les biens, seulement en plus de celle-ci, le pouvoir
d'achat de la monnaie est général et immédiat. Celui qui détient un bien, doit dans un
premier temps transformer ce bien en monnaie pour pouvoir se procurer d'autres biens
(1)
P. Pascallon, op. cit. , p. 483.
(1)
H.G. Johnson, Inside money, outside money, income, wealth and welfare in monetary theory, Journal
of Money, Credit and Banking, February, 1969, p.33, cité par P. Pascallon, op. cit. p.483
(2)
A.H. Meltzer, Money, intermediation and growth, journal of Economic literature, vol. VII, March 1969, p.53, cité
par P. Pascallon, op.cit. p.483.
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de son choix. La monnaie confère à son détenteur un véritable pouvoir de choix vu son
acceptation générale. En effet, l'indétermination de la monnaie permet d'acquérir
n'importe quel autre bien. C'est pourquoi il est affirmé que la monnaie est porteuse de
liberté.
De là, il ressort que la monnaie de par la liberté qu'elle confère à son détenteur grâce à
son indétermination par rapport aux autres biens, peut être demandée pour elle-même.
Toutefois, la liberté que confère la monnaie à son détenteur connaît une limite. En effet,
on ne peut acheter qu'à concurrence du volume de son revenu (contrainte budgétaire).
Malgré tout, le détenteur de la monnaie peut se porter sur n'importe quel bien de son
choix.
En effet, dans certaines circonstances, tout autre bien peut jouer le rôle de monnaie (par
exemple, les cigarettes pendant la guerre). Comme on le constate, la qualité de la
monnaie attachée à un bien lui vient d'une volonté collectivement exprimée. Il n'est pas
nécessaire qu'il y ait une intervention étatique. La liquidité attachée au chèque bancaire
payable à vue là où existe une confiance aux banques résulte d'un consensus dans une
communauté donnée.
Toujours dans le même ordre d'idées, il est noté une certaine graduation dans la
liquidité en se référant à certains actifs. C'est ainsi que l'on parle de :
effet, par leur mobilisation, les actions et obligations qui sont en réalité des titres de
créances à long terme se transforment dans un délai assez court en monnaie.
1. Une monnaie peut être demandée en échange d'autres monnaies ayant un pouvoir
libératoire en d'autres lieux. Dans ce cas, il s'agit du marché des changes.
Les classiques fondent leur analyse sur la loi de J.B. Say connue sous l'appellation de
"loi des débouchés". Selon cette loi, toute offre crée sa propre demande. En d'autres
termes, la sommation des revenus sécrétés par une économie correspond exactement à
la valeur des biens et services offerts par cette économie. Par conséquent, dans une
économie monétaire, l'excédent de la demande de monnaie sur la valeur de la
production est toujours identique à zéro.
Bd : demande de marchandises
Md : demande de monnaie
BS : offre de marchandises
MS : offre de monnaie.
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D'après la loi de Say ou loi de débouchés, l'excédent par rapport aux biens offerts de la
demande de la monnaie est égal à zéro. D'où :
Md - MS ≡ 0
En effet, BS = Md (l'offre de biens est nécessairement égale à la demande de monnaie
de cette catégorie d'agents) et Bd = MS (la demande de biens exige que l'on offre la
valeur correspondante en unités monétaires).
BS - Bd ≡ 0
A tout instant et en toute circonstance, l'offre et la demande de marchandises doivent
toujours être identiquement égales : BS ≡ Bd
La monnaie est dite neutre, lorsqu'elle n'exerce aucun effet sur le processus réel de
l'économie, c'est - à - dire sur la création de biens et services. Les classiques réduisent
son action au seul rôle de faciliter les échanges, qui auraient lieu dans une économie
sans monnaie, sans les dénaturer.
La conception classique de la monnaie est très exactement exprimée chez John Stuart
Mill : " En réalité, ce n'est pas au moyen de la monnaie que l'on acquiert les choses. Le
revenu de personne, à l'exception de l'extracteur de mines d'or et d'argent, ne vient de
métaux précieux. Les livres et shillings que chacun reçoit par semaine ou par an ne sont
pas ce qui constitue son revenu; ces pièces de monnaie ne sont que des sortes de cartes
ou ordres de payer qu'il peut présenter à telle boutique qui lui convient, et qui lui
donnent le droit de recevoir une certaine valeur de telle marchandise qu'il peut choisir.
Bref, il n'est pas dans l'économie d'une société une chose moins importante en elle-
même que la monnaie " (1).
Malgré leur adhésion à la loi des débouchés, il faut signaler certaines réserves implicites
en ce qui concerne la validité de cette loi dans tous les cas chez James Mill, John Stuart
Mill et JB Say lui-même du moment qu'ils tiennent compte des fluctuations
économiques et des mécanismes d'ajustement évitant une surproduction ou une sous-
consommation durable reconnaissant par là un déséquilibre (au moins temporaire)
entre la demande et l'offre.
J.S. Mill, Principes d'économie politique, Paris, 1873, Tomes II, pp 6-7 cité par
(1)
Quand John Stuart Mill dit par exemple que rien n'est moins important que la monnaie,
il le dit pour attaquer les mercantilistes qui identifient monnaie et richesse. En effet, il
reconnaît en fait les crises commerciales dues à la monnaie.
Pour eux, la monnaie ne peut jamais faire l'objet d'une demande propre. Sa demande
n'est qu'une demande indirecte des biens et services. En réalité, les biens s'échangent
contre d'autres biens, la monnaie jouant le rôle d'instrument des échanges n'est qu'un
voile qui, apparemment cache le fondamental (les biens s'échangent contre d'autres
biens).
C'est pourquoi, les classiques affirment que la monnaie est neutre à tout instant et en
toute circonstance.
En outre, l'histoire économique démontre que la monnaie peut être à la base d'une
remise en cause de l'équilibre économique général.
Cet auteur raisonne dans une économie sans monnaie comme tous les classiques. C'est
pourquoi son approche est dite réelle. L'introduction de la monnaie dans son modèle
n'exerce aucune influence. Ricardo défend le principe de la neutralité de la monnaie.
D'après lui, les valeurs d'échange sont déterminées par les coûts réels c'est - à - dire les
quantités de facteurs consommés. Il suppose que la totalité de la population active est
au travail. En d'autres termes, il suppose, en toutes circonstances, une production
correspondant au plein emploi de la main-d'œuvre.
Pour cet économiste, les conclusions tirées d'une analyse faite dans une économie
d'échange pur (économie de troc) sont encore valables pour une économie monétaire.
18
En ce qui concerne les règles qui devraient présider à l'émission de la monnaie, cet
auteur est pour une couverture à 100 % en or des billets en circulation. Donc, d'après
lui, la monnaie en circulation dépend du stock d'or national.
Ricardo admet les sorties ou les entrées d'or dues au renversement de la balance des
paiements. Il affirme que le stock d'or mondial est réparti entre les pays
proportionnellement à leurs besoins de monnaie, c'est - à - dire aux volumes de
transactions auxquelles ils doivent faire face.
Les néo-classiques ont maintenu la théorie quantitative. C'est le cas chez K. Menger, L.
Walras, I. Fisher, etc. Toute l'approche réelle est maintenue avec cette différence que
chez eux, les valeurs d'échange ou prix relatifs ne dépendent plus des coûts réels de
production mais des utilités marginales.
Cet affinement de l'analyse soulève des problèmes graves du point de vue de la théorie
quantitative. Avant de relever ces problèmes, il s'impose de faire un rappel des
éléments de la théorie telle qu'elle se trouve systématiquement formulée chez I. Fisher.
Cette équation est vraie par définition. Elle signifie en effet, du point de vue des
producteurs, que la dépense globale dans une période est égale au volume des
transactions multiplié par le niveau des prix; que du point de vue des consommateurs,
la dépense totale est égale à la monnaie détenue par eux, multipliée par la vitesse de
circulation de cette monnaie.
Ces hypothèses faites, I. Fisher affirme que le niveau général des prix varie en fonction
directe de la variation des quantités de monnaie mises en circulation et
proportionnellement à ces quantités.
L'élément P est passif. Ce qui détermine une modification dans l'équation, donc
l'élément actif est le premier terme de l'équation (MV + M'V') étant donné que T
est une constante.
LES CRITIQUES
- Aftalion a démontré qu'une hausse des cours des devises étrangères sur le marché
des changes peut provoquer directement une variation de prix, à laquelle s'ajustent,
après coup, les éléments M', V, V' et M lui-même.
- Le cas de l'inflation des coûts (inflation salariale, inflation de profit, etc.) est un
élément qui infirme la conclusion essentielle de la théorie quantitative. Dans ce cas,
P augmente d'abord et MV + M'V' ensuite.
- Le niveau général des prix est une abstraction car on observe qu'en cas des
mouvements de la masse monétaire, tous les prix n'évoluent pas de la même façon.
L'inflation par exemple entraîne une hausse très rapide des marchandises dont
l'offre est rigide; d'autres prix, en ce cas, sont plus stables, d'autres même peuvent
ne pas monter du tout (surtout s'ils résultent de contrats ayant prévu à l'avance une
série de prestations successives à un cours donné).
La théorie quantitative, fondée sur une étude des mouvements du " niveau
général des prix " élude donc l'observation de phénomènes essentiels.
- Si le public est persuadé que les prix vont monter, il peut précipiter ses achats et ce
comportement peut aboutir à la hausse des prix et exiger une adaptation de MV +
M'V' par une augmentation de V et V'.
- Le rapport M’/M n'est pas constant car les gens ne se sont pas nécessairement
amenées à constituer des dépôts en banque en proportion de leur encaisse en
monnaie fiduciaire comme des automates.
Ces critiques ne veulent pas dire que la théorie quantitative de la monnaie est
entièrement fausse. Elle a le mérite d'être une approximation de la vérité. Mais
seulement elle n'explique pas une série de détails qui l'affaiblissent. Les mouvements
des prix ne sont pas bien perçus et en tant que théorie générale de la monnaie, elle ne
s'intéresse qu'au rôle de la monnaie sur les prix sans faire ressortir ce rôle sur les
éléments réels (l'activité T).
La monnaie est considérée comme un bien indifférent n'accordant aucun privilège à son
détenteur et recherché uniquement comme moyen d'acquérir d'autres biens. Elle n'a
jamais semblé faire l'objet d'une demande spéciale pouvant varier suivant les
circonstances.
Dans l'équation de FISHER, il se dégage clairement que le total des règlements (P.T.) est
relié autant à la vitesse de circulation de la monnaie (V) qu'à la quantité de la monnaie
(M) même si cet auteur n'a pas pu se rendre compte que V est variable en rapport avec
les comportements des agents économiques non financiers (entreprises et ménages).
En effet, en acceptant que les entreprises non financières et les ménages peuvent
modifier leur comportement en matière de détention d'encaisses, il devient évident que
la modification des flux monétaires qui en découle pourra se traduire par modification
du niveau général des prix P, du volume des transactions T ou des deux à la fois.
PT
(1)
P. Pascallon, op. cit. , p. 475.
22
Si le stock de monnaie (M) peut être connu après coup et le niveau général (P) saisi de
façon assez précise, il est, par contre, impossible de mesurer le volume des transactions
T qui s'effectue au cours d'une période donnée, et par conséquent de connaître
directement le produit PT.
La vitesse – transaction
La saisie de vitesse devrait se faire en recensant les règlements eux-mêmes. Pour les
billets, on se contente des indicateurs approchés, fondés par exemple sur les
mouvements d'entrées et sorties de billets en certains points privilégiés. Pour les
comptes bancaires, on peut totaliser les mouvements débiteurs et, en les rapprochant
sur une période donnée des soldes (moyens ou de fin de période), établir un ratio :
Mouvements débiteurs
Soldes
La vitesse-revenu
Il n'en reste pas moins que les agrégats de la comptabilité nationale ne fournissent pas
le montant effectif des transactions économiques. Ils n'en donnent que des indicateurs
approchés.
23
La vitesse revenu peut être calculée en rapprochant le flux des règlements, des
définitions plus ou moins larges des liquidités : M1 , M2 , M3 .
L'approche de D. Ricardo et I. Fisher est appelée " approche par les transactions "parce
que ces auteurs mettent en relation la quantité de monnaie en circulation d'une part, la
masse des transactions à financer d'autre part. Cette approche saisit directement les
quantités globales au plan de la collectivité nationale, donc sur le plan macro -
économique.
Autrement dit, pour un individu, le rapport entre son patrimoine, le volume de ses
transactions et le niveau de son revenu serait constant, tout au moins à court terme.
D'après l'Ecole de Cambridge, la demande de monnaie en termes réels est
proportionnelle au revenu réel pour chaque individu et, par conséquent, pour
l'ensemble de l'économie par sommation.
T : transactions
K : coefficient d'encaisse globale valable pour toute la communauté
M1 : la somme de M et M' (monnaie fiduciaire et monnaie scripturale).
Cette équation semble très proche de celle de Fisher. En effet, il suffit de poser:
1
K =
V1
pour retrouver l'équation de Fisher : M1V1 = PT.
Ce qui n'est pas le cas avec l'Ecole de Cambridge. Celle-ci met en exergue l'influence du
taux d'intérêt et de la spéculation, facteurs pouvant varier assez sensiblement sur de
très courtes périodes.
Donc, en abordant le problème des encaisses dans l'économie du point de vue des choix
faits par les individus, l'Ecole de Cambridge prend en compte la satisfaction éprouvée
par un individu à travers la détention de monnaie nécessaire pour les transactions, son
patrimoine, le taux d'intérêt ainsi que les prévisions qu'il fait sur la marche future des
évènements comme ayant une influence potentielle importante sur la demande de la
monnaie.
"Il est vrai en effet que l'approche par les encaisses de Cambridge recherchait déjà les
déterminations de la "demande" d'encaisses à l'aide des choix individuels et offrait par
suite la possibilité d'émergence à une analyse en termes de théorie de la demande de
monnaie : en reformulant l'équation des échanges (M = KY), la perspective
marshallienne introduisait, c'est sûr, un élément de volonté dans le comportement des
(1)
D.E. Laidler, la demande de monnaie, Danod, Paris, 1974, p. 70.
(1)
David E. Laidler, op. cit. , p. 68.
25
Il va de soi qu'un individu ne peut détenir toute la monnaie qu'il voudrait ne serait-ce
que parce que son encaisse ne peut excéder sa fortune globale. C'est la contrainte sur ses
encaisses.
Lorsque les prix des biens et services augmentent d'une certaine proportion, la quantité
de monnaie qu'un individu devra détenir de manière à se procurer exactement la même
satisfaction que précédemment devra elle aussi augmenter dans les mêmes proportions.
Toutefois, l'Ecole de Cambridge n'explicite pas la nature des rapports que l'on pourrait
s'attendre à trouver entre les facteurs régissant la demande de monnaie ni ne situe ces
facteurs selon leur degré d'importance.
Perpétuant l'approche par les encaisses de l'Ecole de Cambridge, Keynes reconnaît dans
la monnaie un pouvoir de choix en sa qualité de réserve de valeur et donne naissance
au concept de préférence pour la liquidité. Ce concept introduit les comportements
individuels volontaires face à la monnaie conçue comme un bien liquide entrant dans la
logique des choix individuels. Par conséquent située dans le temps, l'utilité spécifique
de la monnaie provient de ce qu'elle est un pouvoir de choix général. Ce pouvoir de
choix constitue le fondement de sa valeur subjective et justifie qu'elle puisse faire l'objet
d'une demande propre.
En effet, c'est John Maynard Keynes qui, le premier, a systématisé les motifs pour
lesquels les agents économiques peuvent avoir de la préférence pour la liquidité en les
catégorisant :
1) Le motif de transaction
La constitution d'une encaisse de transaction est liée aux échanges courants aussi bien
personnels que commerciaux.
(2)
La demande de monnaie, analyse critique d'un concept, in Pascallon, op. cit; , p. 479.
26
Le besoin de cette encaisse s'explique par le fait qu'il existe un décalage entre les
dépenses et la perception du revenu. En effet, la perception du revenu est discontinue
tandis que les dépenses sont plus ou moins régulièrement faites.
Il faut noter que la possibilité d'un recours au crédit bancaire à court terme a une
influence à la baisse du niveau de cette encaisse de transaction.
2) Le motif de précaution
C'est la constitution d'une encaisse monétaire en vue de faire face aux risques et à
l'imprévu. Cette encaisse est fonction du revenu, du caractère du sujet économique, de
la conjoncture. Elle est également liée à l'existence des actifs (bons du Trésor, bons de
caisse) qui peuvent être facilement réalisables ou qui rendent aisée l'obtention d'un
crédit (par exemple une traite escomptable). " Dans les pays en voie de
développement, l'encaisse - précaution revêt une grande importance. Tant
d'événements sont aléatoires, dont la réalisation se traduit par des dépenses
immédiates (exemples : maladies dans les pays à sécurité sociale limitée; fêtes
familiales, enterrements). A défaut d'avoirs financiers, cette encaisse prend la forme
de biens réels (bijoux, objets en cuivre, troupeaux, etc.) " (1).
Son niveau est fonction également des facteurs sociologiques (groupes sociaux : par
exemple, le bourgeois épargne plus que l'ouvrier) et institutionnels (l'existence d'un
système de sécurité sociale ou d'assurances mutuelles fait moins épargner).
L'encaisse de précaution est destinée à financer des dépenses aléatoires. Malgré que le
motif de l'encaisse de précaution mette en exergue la fonction de réserve de valeur et
celle d'intermédiaire des échanges, c'est le revenu, comme c'est le cas pour l'encaisse de
transaction, qui est la variable explicative de cette encaisse. Si une expansion du revenu
global est anticipé, donc une perspective d'une plus grande aisance, la demande
d'encaisses de précaution décroît. Inversement, s'il est suspecté la possibilité d'une
récession, cette crainte suscite une thésaurisation monétaire pour faire face aux
imprévus.
Graphique n° 1
M3
M3 : encaisse de précaution
Cette encaisse est destinée par l'agent économique, d'après Keynes, à réaliser un profit
sur des titres à revenu fixe (obligations) selon les variations du taux d'intérêt. Donc cette
encaisse de spéculation est fonction du taux d'intérêt.
En pratique, " lorsque les taux d'intérêt sont élevés, les cours des obligations sont bas
et le risque de perte en capital pour l'achat des obligations est faible. Si une baisse
des taux d'intérêt est anticipée, un gain en capital est probable.
A l'inverse, si les taux d'intérêt sont bas et qu'une hausse des taux est anticipée, le
risque de perte de capital est grand et il est plus intéressant de conserver de la
Se basant sur les phénomènes de la vie économique moderne, M. Rudloff a ajouté un quatrième motif de la
(1)
demande d'encaisse monétaire : celui de placement et l'encaisse-sécurité prenant la forme de valeurs mobilières
stables ("les fameux placements de père de famille et contrats d'assurance-vie") . Cette encaisse répond à la
couverture de besoins encore très éloignés dans le temps (exemple : le moment de la retraite) ou nés subitement d'un
accident. Tout calcul spéculatif se trouve absent de ce comportement de placement, (RUDLOFF, op. cit. , p. 115).
D'après nous, ce quatrième motif semble superflu car il s'intègre parfaitement dans le motif de précaution et
pourrait être un élément d'explication de l'évolution de l'encaisse de précaution.
28
monnaie pour être prêt à toute opportunité d'achat (d'où l'expression d'encaisses
spéculatives); c'est la préférence pour la liquidité " (2).
Illustrons par un exemple cette situation pour mieux saisir la nature de la spéculation
qui est supposée jouer sur les titres d'Etat à revenu fixe (obligations) selon JM Keynes.
Pour des raisons de spéculation, les agents économiques auront tendance à garder leur
encaisse monétaire ou à se débarrasser de leurs titres lorsque le taux d'intérêt baisse et à
avoir le comportement contraire dans le cas inverse. Dans cette analyse, Keynes n'a pas
tenu compte du motif de spéculation économique portant sur le prix anticipé des
marchandises. Dans ce cadre conjoncturel, lorsqu'il y a baisse des prix, les agents
économiques ont tendance à différer leurs achats en escomptant sur la poursuite du
mouvement de baisse et acheter à un prix plus avantageux; en expansion, ils précipitent
leurs achats avant une hausse ultérieure.
En résumé, en guise de critique globale, on peut admettre avec A. Chaineau (1) : "
Keynes a eu tort parce qu'il a réduit artificiellement l'arbitrage à une alternative à
deux termes : monnaie - obligations. Dans la réalité, tout actif non monétaire est
substituable à la demande de la monnaie et inversement. Donc au lieu de spéculer
sur les obligations, on peut spéculer sur les actions, sur les appartements, sur les
terrains, sur les matières premières, etc. ".
Une autre faiblesse de l'analyse keynésienne réside dans la conviction de l'auteur qu'il
est possible de déterminer de manière précise des encaisses liées à la fonction moyen
d'échange et de celles répondant à la fonction réserve de valeur. En fait, toute monnaie
détenue a le double caractère de moyen de paiement et de réserve temporaire de
(2)
Monnaie et Equilibre Economique, A. Colin, Paris, 1971, p. 78.
(1)
Monnaie et Equilibre Economique, A. Colin, Paris, 1971, p. 78.
29
Dans la réalité, l'agent économique ne détient pas trois encaisses distinctes, mais une
seule. Cependant, son ampleur dépend de la conjonction des trois motifs qui ont été
énoncés. Ce sont ces motivations fondamentales qui permettent une analyse judicieuse
de l'évolution des encaisses monétaires.
C'est le cas de Baumol et Tobin qui ont affiné l'analyse keynésienne en étendant la
demande de monnaie dans le cadre du choix d'un portefeuille optimal d'actifs
financiers au sein duquel l'arbitrage entre monnaie (actifs sans risque en capital en
principe, c'est - à - dire en supposant le risque inflationniste nul) et titres (actifs à
risques), dans un monde où règne l'incertitude, repose sur la prise en considération du
rendement de tel ou tel actif et des risques que fait peser sa détention (risque
d'illiquidité, risque de perte en capital, etc.).
La notion d'encaisse active et oisive joue un rôle important chez les auteurs tels que
Koopmans et Holtrop dont la théorie sera analysée à la section suivante.
Les variations des encaisses dépendent des décisions économiques des détenteurs de
liquidité. Vu leur importance dans l'équilibre économique, l'analyse monétaire doit
apporter une attention continue à l'évolution des encaisses et doit faire des prévisions
régulières et détaillées quant aux comportements monétaires des centres de décision.
Cette fusion des deux formes d'encaisses s'explique par le constat ci - après qui relève à
la fois leur ressemblance et leur différence.
Donc, les deux encaisses particulières de transaction et de précaution ont toutes deux la
même variable explicative y encore que pour l'encaisse de transaction, c'est y qui agit
et pour l'encaisse de précaution, c'est le taux de croissance de y qui est concerné.
Toutefois, l'influence majeure est bien sûr exercée par le motif de transaction si bien que
la somme de ces deux encaisses est une fonction croissante du revenu global.
Graphique n° 2
M1 y : revenu global
M1 : encaisses actives
Y
2. La demande Spéculative : M2
Celle-ci est liée au motif de spéculation et est représentée par M2.. .Elle est fonction du
taux d'intérêt, d'où M2 = L2 (i)
Ainsi, c'est le taux d'intérêt, qui va être la variable fondamentale pour expliquer la
demande de la monnaie spéculative.
31
i Graphique n°3
it
0 L2 (i)
Cette courbe de préférence pour la liquidité est une fonction décroissante avec le taux
d'intérêt.
La Trappe monétaire
Lorsque le taux d'intérêt baisse, il ne va pas au-delà d'une certaine limite que nous
désignons sur le graphique par it. Ce taux minimum limite au-dessous duquel la
demande de liquidité disparaît, Keynes le situe aux environs de 2 %. " Cela veut dire
que quand le taux d'intérêt atteint ce niveau minimum, tout le monde est convaincu
qu'il ne saurait tomber plus bas, car un taux au-dessous de ce minimum " conduirait à
la gratuité de la disposition des capitaux.
C'est ce phénomène que Keynes appelle " la Trappe de liquidité ". C'est le refus de
placement des encaisses. En dessous de ce niveau, il n'y a plus de partage entre le
placement et l'encaisse.
Md = L1 (Y) + L2 (i)
MO = Md
MO = L1 (Y) + L2 (i)
Graphique n° 4
M1 M1 + M2
i2
i1 M1 M2
it Md = M1 + M2
0 M0
• Au taux d'intérêt i2 : il y a une préférence absolue pour les actifs non monétaires
J.M. Keynes n'a pas procédé à une critique directe de la théorie quantitative de la
monnaie. Seulement, son enseignement a complètement ruiné cette théorie. Rejetant
l'analyse dichotomique des classiques, il a laissé clairement voir que c'était une erreur
de décomposer l'analyse économique en deux temps:
- dans un premier temps, considérer un monde où se pratique l'échange pur, c'est - à -
dire le troc, et préciser les relations qui le gouvernent en excluant la monnaie;
- dans un second temps, revenir au monde véritable et admettre que rien n'y change
en ajoutant simplement une relation supplémentaire liant la quantité de monnaie
existante et le niveau général des prix.
Keynes est parvenu à réconcilier le secteur réel avec le secteur monétaire. Il démontre
que " l'offre de monnaie, telle qu'elle résulte des décisions des autorités monétaires,
est confrontée à la préférence pour la liquidité et détermine le taux de l'argent, celui-
ci confronté à l'efficacité marginale du capital détermine le montant des
investissements, et ceux-ci, par le jeu du multiplicateur déterminent le volume de
l'activité et du revenu national " (1).
Keynes a fait accomplir des progrès à la théorie de la monnaie et des prix en l'intégrant
à une analyse de la variabilité du niveau du revenu global et de l'emploi.
L'analyse keynésienne fait appel, pour expliquer l'action de la monnaie sur les prix à
une série de facteurs jusque - là négligés, tels que :
- la demande effective : Keynes entend par demande effective non pas la demande
réelle mais la demande attendue par les entreprises qui détermine le niveau de la
production. Il s'agit de la demande anticipée par les entreprises (2).
- L'élasticité de l'offre de biens et services;
- Le niveau d'emploi réalisé dans l'économie.
Tous les facteurs de production sont utilisés et leur offre devient inélastique. Dans ce
cas, la production n'est plus extensible. Une élévation de la demande effective,
provoquée par un accroissement de la quantité de monnaie, ne pourra que provoquer
une hausse générale des prix.
Ce sont ces deux situations que nous représentons par la courbe de variation de la
valeur de la monnaie qui est en fait la courbe de l'offre (graphique 4).
Lorsque la demande passe de D1 à D2 , aucune variation du niveau des prix, on est en
sous-emploi. Il y a plutôt un accroissement de l'offre.
(1) S. Leven, Essai sur l'instabilité monétaire, Dunod, Paris, 1971, p.131.
(2) J. Bremond, Keynes et les keynésiens aujourd'hui - Des solutions pour sortir de la crise ?,
Hatier, Paris, 1971, p. 34.
34
D3
D2
D1
T
Lorsqu'on passe de D4 à D5, le plein emploi est atteint. Tout accroissement de la
demande se heurte à une offre inélastique et a comme réponse la hausse des prix.
De ce qui précède, dans le système keynésien (1), la monnaie est neutre dans deux
circonstances :
- la première est la situation de plein-emploi où se vérifie le modèle quantitatif
traditionnel (l'accroissement de la quantité de monnaie entraînant la hausse des prix
sans accroissement de la production);
- la deuxième circonstance est le cas spécial de la trappe monétaire où tout
accroissement de la monnaie est thésaurisé avec refus de placement.
En dehors de ces deux circonstances, la monnaie est non neutre dans le système
keynésien.
Bd - Bs = 0
Cet auteur rompt avec la loi de J.B. Say qui énonce que toute offre crée sa propre
demande, donc, qu'il y a en toute circonstance, une identité entre l'offre et la demande
globale de biens et services. En effet, il affirme que la variation du niveau général des
prix, tout comme la variation d'un prix particulier, ne peut s'expliquer que par une
discordance entre l'offre et le demande.
Dans une économie non stationnaire, il y a une distinction bien nette à faire entre : les
marchés de biens de production et ceux des biens de consommation. " Il peut y avoir
excès de demande sur l'un de ces marchés et insuffisance sur l'autre. Une véritable
situation d'équilibre impliquerait donc non pas une simple égalité de l'offre globale
et de la demande globale, mais l'égalité deux par deux des éléments existant sur les
deux séries de marchés c'est - à - dire d'une part, l'égalité entre l'offre et la demande
des biens de consommation, puis l'égalité entre l'épargne et l'investissement ".
Tout en acceptant un lien entre les mouvements de prix et ceux de la masse monétaire,
comme cela se dégageait de la théorie quantitative traditionnelle, Wicksell a cherché à
approfondir la recherche de l'origine des mouvements de prix dans le souci de
stabilisation des prix dans le temps.
Cette quête a trouvé son aboutissement dans sa théorie des deux taux d'intérêt.
En effet, la théorie Wicksellienne d'équilibre monétaire est basée sur la distinction entre
le taux d'intérêt naturel et le taux d'intérêt monétaire :
- le taux d'intérêt naturel représente la productivité marginale physique
du capital;
- le taux d'intérêt monétaire est la résultante de l'offre et de la demande
sur le marché du crédit.
Pour qu'il y ait équilibre monétaire, trois conditions doivent être remplies selon
Wicksell :
Dès que ces conditions sont réalisées, l'excédent de la demande de monnaie est, par
hypothèse nul.
Wicksell a jeté un pont sur la brèche qui existait entre la théorie des prix et la théorie
monétaire. L'une et l'autre se construisent en termes de variation dans le rapport
existant entre des demandes et des offres de biens évaluées en monnaie.
Le point de départ des recherches de Wicksell fut une étude du mouvement des prix à
la fin du XIXème siècle.
Les auteurs classiques avaient dit qu'en cas de baisse du taux de l'intérêt, le crédit étant
plus largement distribué, les prix devaient avoir tendance à monter (accroissement de la
masse monétaire). Mais seulement à cette fin du XIXème siècle, le taux d'intérêt était bas
et les prix ne cessaient de baisser. Wicksell y vit la ruine de la théorie quantitative de la
monnaie qui ne pouvait expliquer ce cas.
Wicksell par le truchement de sa théorie de deux taux d'intérêt expliqua cette baisse de
prix par le fait que malgré le niveau bas du taux d'intérêt (monétaire), il était encore au-
dessus du taux naturel (productivité marginale).
De là, on peut poser que les fonds prêtables chez Wicksell peuvent être représentés
mathématiquement
S + DH + ΔM = I
S : épargne
DH : Déthésaurisation
ΔM : taux d'accroissement de l'offre de monnaie.
Pour avoir S = I on doit avoir ( DH + ΔM ) = 0
Comme Wicksell, il rejette l'approche dichotomique " la monnaie exercera toujours une
influence déterminante sur le cours des événements économiques et que, par
conséquent, aucune analyse des phénomènes actuels n'est complète si le rôle joué par
la monnaie est négligé. Cela signifie que nous devons définitivement abandonner
l'idée que selon les termes de John Stuart Mill, dans la société économique, il n'y a
pas de chose plus insignifiante que la monnaie." (3)
Wicksell mettait l'accent sur la stabilité alors que Hayek est préoccupé par la neutralité
monétaire. En effet, ce dernier déclare que " le but de la théorie monétaire n'est donc
pas d'expliquer la valeur générale de la monnaie, il est de savoir quand et comment
la monnaie modifie les valeurs relatives des biens et à quelles conditions elle laisse
ces valeurs inchangées, autrement dit à quelles conditions elle est neutre par rapport
aux biens. Ce n'est pas une monnaie stable en valeur, mais une monnaie neutre, qui
doit faire l'objet de l'analyse monétaire ".
Hayek rejette le troisième critère de l'équilibre Wicksellien, à savoir la stabilité des prix.
Pour lui, chaque variation de la quantité de monnaie en circulation sera capable
d'enclencher un effet monétaire.
Chaque fois que la monnaie n'exerce aucun effet sur le secteur réel de l'économie, on
parlera de monnaie neutre. Seule alors la constance de la quantité de monnaie peut
servir de troisième critère de l'équilibre monétaire.
1) La théorie de KOOPMANS
a) la monnaie abstraite
C'est un moyen de calcul. S'il n'existait pas les sujets économiques orienteraient leur
demande de marchandises selon la quantité de marchandises qu'ils seraient disposés à
offrir pour obtenir les marchandises demandées. Ce serait là un moyen concret de calcul
qui consisterait soit en des marchandises quelconques soit en une marchandise
standard.
Dès que cette divergence existe, le sujet économique est soumis à une illusion
monétaire. La monnaie considérée comme moyen de calcul devient neutre dès qu'il
n'existe plus d'illusion monétaire.
Koopmans affirme qu'il y a absence d'illusion monétaire lorsque la demande des agents
économiques est insensible à une variation uniforme du niveau des prix absolus. La
39
demande est alors fonction des seuls prix relatifs (ceux qui se forment sur les marchés
particuliers).
Lorsqu'il y a illusion monétaire, la monnaie abstraite n'est pas neutre et l'objectif logique
de la politique monétaire serait alors de neutraliser la monnaie abstraite, au sens de
stabiliser la valeur de la monnaie.
b) La monnaie concrète
La monnaie moyen d'échange rend possible une offre sans demande correspondante ou
une demande sans offre correspondante. Koopmans parle de la demande excédant
l'offre:
- demande pure c'est - à - dire partie de la demande excédant l'offre
- offre pure c'est - à - dire offre excédentaire de marchandises
- offre et demande pures simultanées qui ne se compensent pas entre
elles.
- La demande pure peut être financée par la création de monnaie ou par
une déthésaurisation.
- L'offre pure peut provenir d'une destruction de la monnaie ou une
thésaurisation.
Ainsi, la demande nette de marchandises (demande pure moins offre pure = ΔBd )
correspond à un excédent d'offre de monnaie:
La demande pure est inflationniste tandis que l'offre pure est déflationniste. L'équilibre
monétaire est réalisé lorsque :
Pour maintenir l'équilibre, chaque variation dans la détention d'encaisse "oisive" ΔL2
doit être compensée par une variation correspondante de la masse monétaire ΔM d'où
la constance d'encaisses actives L1 et ΔL1 = 0
2) LA THEORIE DE HOLTROP
Cet auteur qui est disciple de Koopmans définit la neutralité de la monnaie de la même
façon que ce dernier. Seulement, Holtrop envisage une économie ouverte.
L'équilibre monétaire sera sauvegardé si la création spontanée nette de monnaie ΔM
compense la thésaurisation spontanée nette ΔL2 .
La création spontanée de monnaie peut trouver son origine dans les facteurs intérieurs
du pays ΔMi (monnaie créée en contrepartie du crédit à l'Etat et à l'économie) et ou des
facteurs extérieurs ΔMe , dus aux variations spontanées des avoirs en or et devises et,
partant, aux variations autonomes dans le " compte global " de la balance des
paiements.
Dans ce cas, l'offre excédentaire de la monnaie ΔMs peut être représentée par :
Lorsque cet équilibre monétaire intérieur est accompagné en outre par la neutralité
monétaire intérieure. ΔMi - ΔL2 = 0 et par l'équilibre de la balance des
paiements. ΔMe = 0, on se trouve en face d'un "équilibre monétaire absolu ".
(1)
L1 : encaisse active
L2 : encaisse oisive
41
La théorie quantitative compte encore des défenseurs malgré les critiques formulées
contre elle. Parmi ceux-ci Don Patinkin dont les études monétaires ont eu pour objectif
la réhabilitation de la théorie quantitative de la monnaie.
Toutefois son approche est fort différente de celle des anciens auteurs. Contrairement à
ceux-ci qui ont l'habitude de raisonner dans une économie d'échange pur (troc) pour
déterminer les équations réelles et ensuite y intégrer la monnaie en affirmant que celle-
ci est neutre, Pantinkin place son analyse dans une économie où la monnaie n'est pas
neutre rejetant par là la dichotomie des classiques (qui interprètent séparément les
équations réelles et les équations monétaires).
Dans son effort de déterminer l'offre et la demande de biens, il tient compte des facteurs
monétaires à coté des facteurs réels.
Couramment on fait dépendre la demande de biens par un individu à deux facteurs :
- les prix relatifs des biens offerts
- et le revenu réel de l'individu considéré.
La demande d'un bien donné tend à croître lorsque son prix diminue par rapport aux
prix des autres biens et tend à diminuer dans le cas contraire. C'est l'effet de
substitution. Cette demande augmente également lorsque le revenu réel de l'individu
croît et elle diminue lorsque son revenu réel baisse. C'est l'effet de revenu.
A ces deux facteurs, Patinkin ajoute un troisième à savoir : la valeur réelle des
encaisses ou la notion d'encaisses réelles. D'après lui, chaque individu ajuste des
encaisses de façon à maintenir le volume de celles-ci dans un rapport constant avec les
dépenses qu'il entend faire pour l'achat de biens c'est - à - dire en rapport avec le niveau
des prix. Ce qui compte pour un agent économique, c'est le pouvoir d'achat réel de ses
encaisses.
Quoique Patinkin affirme que le montant des encaisses dépend des facteurs objectifs et
subjectifs tels que la synchronisation plus ou moins parfaite des recettes et des
dépenses, de l'esprit de spéculation, de la sensibilité aux inconvénients de l'illiquidité, il
estime cependant que c'est toujours par rapport aux dépenses envisagées qu'un
individu détermine le montant optimal de ces encaisses. Ce qui veut dire que les
individus raisonnent en valeur réelle.
Soit que dans une économie, il existe n biens et prenant le bien de rang h , que h > 1 et
h<n
Soient p1, p2…….pn-1 , les prix de n-1 biens autres que le bien h, P le prix moyen de
n biens existants, Y le revenu monétaire de l'économie, M la quantité de monnaie en
circulation.
Oh = Gh ( p1 …. pn-1 )
P P
L'équilibre économique général sera réalisé si les prix sont tels que la quantité
demandée soit, sur chaque marché individuel égale à la quantité offerte.
Selon l'auteur, une variation de la préférence pour la liquidité a les mêmes effets qu'une
variation de la quantité de la monnaie en circulation.
On considère deux cas : le cas où la masse monétaire est stabilisée et celui où celle-ci
varie.
Supposons d'abord :
- la quantité de monnaie M° ;
- que l'équilibre économique soit réalisé lorsque les prix sur les
différents marchés sont au niveau p° 1…….p° n ;
- qu'à ces prix corresponde un prix moyen P° ;
- un revenu monétaire global Y°
On obtiendra une série d'égalités de ce genre en ce qui concerne
Chaque bien :
Si les prix relatifs p° 1 ….p° n subissent une variation proportionnelle à la hausse par
exemple de 1 %, qu'en est-il de l'équilibre dans l'équation. 1
(
b. du côté de la demande : Dh p° 1 … p° -1 , Y° , M° ), il est constaté qu'il n'y a :
P° P° P° P°
- aucun effet de substitution car les prix ont évolué de la même façon
(même cas que pour l'offre).
- aucun effet revenu car Y° , le revenu national global a varié
proportionnellement à P° .
Seul a lieu l'effet encaisse réelle. En effet, dans le rapport M°/P°, M° est demeuré
stable tandis que P° a connu une hausse. Les encaisses vont paraître faibles aux agents
économiques. Ce qui a pour résultat une diminution de la demande de biens de leur
part. Des baisses des prix s'ensuivront jusqu'à ce que le niveau moyen des prix
revienne à sa situation initiale.
D'après Don Patinkin, même si la hausse des prix relatifs n'était pas proportionnelle, le
résultat serait identique mais seulement le schéma serait plus compliqué parce que
devant tenir compte des effets de substitution et de revenu.
Supposons qu'en l'espace d'une nuit, la valeur réelle des encaisses augmente de M°/ P°
à 2M°/P°
Les encaisses vont paraître importantes aux agents économiques. Pour les ramener au
niveau souhaité, ceux-ci vont accroître la demande de divers biens et déclencher,
puisque l'offre n'a pas varié, un relèvement général des prix.
Si tous les prix montent en même temps et du même pourcentage, les prix relatifs
demeurent stables et l'offre de divers biens n'a pas de raison de changer. Il est alors aisé
de se rendre compte que les prix devront doubler pour que, les quantités demandées
étant revenues à leurs montants initiaux, on arrive à une situation d'équilibre.
Patinkin fait remarquer que pour établir que toute variation de la quantité de monnaie
en circulation est à la base d'une variation proportionnelle du niveau moyen des prix, il
n'a pas été obligé de poser K (Ecole de Cambridge) ou V (Fisher) constants.
En effet, il admet que pendant la période des ajustements dynamiques (à cause de M), le
V ou K peuvent et doivent normalement varier. Toutefois, à la nouvelle position
d'équilibre, ils se retrouveront égaux à ce qu'ils étaient dans la position de départ. Il
maintient donc l'idée que V ou K sont constants mais aux périodes d'équilibre à
l'exclusion des périodes d'ajustement dynamique.
Sa contribution qui est considérée comme un apport original est son étude de l'effet
d'encaisses réelles. Toutefois, le passif est plus lourd lorsqu'on évalue son apport à la
théorie monétaire.
Don Patinkin s'est efforcé de relever les conditions dans lesquelles la théorie
quantitative peut se vérifier, malheureusement ces conditions sont loin de correspondre
à la réalité :
- cet auteur affirme que les agents économiques pensent en encaisses réelles. Or,
de nos jours, il y a beaucoup de gens victimes de l'illusion monétaire.
- Son modèle suppose tous les prix également flexibles, or les prix n'évoluent pas
d'une façon parallèle. Il existe des cas où les prix évoluent d'une manière
divergente dans les différents secteurs.
- L'auteur n'a pas tenu compte des effets de distribution. En effet, lorsqu'il
s'effectue une injection d'une quantité de monnaie supplémentaire les réactions
sur les mécanismes des prix sont différentes selon les catégories et les secteurs
qui en sont les bénéficiaires. En effet, si cette monnaie supplémentaire tombe
dans les mains des agents à gros revenus et les firmes, l'impact sur les prix se
présenterait d'une manière différente que s'il s'agissait des classes à bas
revenus, etc. Qu'il s'agisse d'une situation ou d'une autre, les prix évolueront
différemment. Don Patinkin a eu tort de négliger cet élément de distribution du
revenu qui joue un rôle essentiel.
- L'analyse de Don Patinkin comporte une lacune grave, celle de n'avoir pas tenu
compte du jeu des anticipations, notamment des anticipations de prix. "
Comme celles-ci déterminent le montant des dépenses que chacun pense
devoir faire, elles dominent aussi celui des encaisses que chacun croit devoir
conserver " (1). Le jeu des anticipations peut facilement empêcher la valeur de
la monnaie de dépendre étroitement de l'importance de la circulation
monétaire.
- Le modèle Patinkin s'intéresse à un accroissement de la quantité de
monnaie en circulation réalisé une fois pour toutes. Ce qui n'est pas
réaliste. Lorsque les prix ont amorcé la hausse, il y a tendance d'un
processus auto-entretenu ou le cas des prix en retard qui poursuivent
leur mouvement et relancent ainsi l'inflation. Ce qui poussera le
système bancaire à de nouvelles émissions. " La hausse des prix déjà
acquise, bien loin de constituer une position de repos, est un prétexte
à de nouvelles ouvertures de crédit, source d'une nouvelle hausse "
(2)
.
- Le modèle de l'auteur aboutit à l'existence d'une seule position
d'équilibre et à la stabilité du système. En réalité, l'équilibre monétaire
peut se réaliser en plusieurs niveaux d'activité et il n'est pas stable.
E. James, op.cit.,p.77.
(1)
(2)
E. James, page 134
45
En conclusion, on peut dire que l'effort de Don Patinkin n'a pas été concluant car il a
abouti à un modèle qui ne colle pas aux réalités.
Dans le sens le plus large et le plus général, la richesse comprend toutes les sources de
revenu y compris la capacité des êtres humains (capital humain).
De ce point de vue, le taux d'intérêt exprime la relation qui existe entre le stock, qui est
richesse et le flux, qui est revenu.
5° Le capital humain (tout individu peut sacrifier plus ou moins des valeurs
monétaires pour accroître sa technicité grâce à une formation supplémentaire).
La prise en compte de cet élément a fait introduire à Friedman un coefficient
"W" (Wealth) dans sa formule.
Il est supposé que les goûts et préférences des détenteurs de richesse sont donnés en ce
qui concerne les flux de services engendrés par les différentes formes de richesse. Il
faudra donc supposer que les goûts sont constants à travers les étendues significatives
de temps et d'espace. Toutefois, certains changements conjoncturels sont cependant pris
en considération. Par exemple, la monnaie peut être de façon exceptionnelle accumulée
à la veille d'un voyage, ou d'une fin d'année ou d'une guerre, etc. Ces différentes
circonstances pouvant provisoirement affecter le désir de monnaie (goûts et
préférences) sont représentées par la lettre " u ".
Selon les étapes effectuées par Friedman, la dépense dépend d'une sorte de moyenne
entre le revenu effectivement touché à un moment donné, celui que l'agent économique
avait coutume de toucher antérieurement, et celui qu'il espère raisonnablement pouvoir
toucher plus tard. C'est cette moyenne qui constitue le revenu considéré comme
permanent par Friedman.
47
C'est le revenu permanent qui sert à préciser la masse totale d'avoirs disponibles entre
lesquels une part est réservée aux encaisses monétaires.
Selon Friedman, tout ce qui est affecté par la présence de la monnaie (à la fois le niveau
des prix et celui de l'activité) dépend étroitement du rapport entre la demande et l'offre
de monnaie.
Les troubles monétaires ne viennent pas du côté de la demande, mais sont dus à des
variations dans l'offre de monnaie, variations considérées comme indépendantes de la
demande de monnaie (2).
En admettant que la monnaie peut être à la base des fluctuations de l'activité, Friedman
accepte donc que la monnaie a une action sur les " éléments réels" de l'économie.
Sous prétexte de sauver la théorie quantitative, par ses développements, Friedman l'a
vidée de son contenu précis. Sa pensée est résumée en une équation qu'il intitule "
nouvelle équation quantitative de la monnaie " et qui, effectivement, en a l'aspect
puisqu'elle s'écrit :
Y = V. ( Y , re , rb , 1 dP , W , u ) . M
P P dt
Y = le revenu
M = la masse monétaire
V = la vitesse revenu qui n'est pas du tout supposée être constante comme dans
l'équation classique. Elle est ici considérée au contraire comme une fonction
complexe du fait de nombreux éléments caractérisant les attraits respectifs des
différentes formes de richesse : rendement des obligations, rendement des
actions, variations attendues du niveau des prix, le revenu national réel,
l'importance relative du travail et du capital, habitudes de paiement, désirs de
liquidité.
Certains de ces éléments sont stables alors que d'autres sont très instables.
Selon Friedman, la politique monétaire doit se fixer comme objectif : la stabilité des
affaires, c'est - à - dire d'éviter l'inflation, et surtout toute déflation.
(1)
E. James, op. cit., p. 73.
(2)
E.James, op.cit., P. 164
48
Le mal qui risque de survenir trouve son origine dans le caractère désordonné des
émissions (c'est - à - dire des offres) de monnaie par les autorités monétaires. En tant
que libéral, Friedman se méfie de celles-ci.
C'est pourquoi, pour lui, l'équilibre monétaire ne peut régner que si l'évolution des
émissions de monnaie accompagne celle du " revenu permanent, donc que lorsque
l'accroissement de la masse monétaire se fait à taux constant, par exemple, qu'il soit
régulièrement de 3 à 4 % pan an ".
Selon Friedman, pour qu'on soit considéré quantitativiste, on doit notamment accepter :
1° l'hypothèse empirique que la demande de monnaie est très stable. On n'est pas obligé
de poser la vitesse de circulation de la monnaie comme une constante dans le temps.
L'élévation brutale de la vitesse de circulation de la monnaie dans certaines
circonstances (hyperinflation par exemple) n'est pas incompatible avec la stabilité de
la demande de la monnaie. D'après l'auteur, la stabilité de la demande de la monnaie
doit s'entendre comme une relation fonctionnelle qui lie la quantité de la monnaie
demandée et les variations qui la déterminent.
2° l'hypothèse qu'il y a des facteurs importants qui affectent l'offre, les conditions
politiques ou psychologiques affectant la conduite des autorités monétaires et le
système bancaire.
49
c) Selon Stéphane Leven, " l'équation de Friedman est l'exemple type d'équation à la
fois irréprochable et inutilisable " :
- irréprochable parce qu'elle met en exergue les facteurs très importants. Priorité
accordée à l'effet patrimoine et refus de la dichotomie classique entre stock de
richesse et flux de production, rejet de la liaison mécanique qu'exprime
l'équation quantitative classique et l'introduction d'une loi de comportement
collectif.
- Inutilisable parce que même s'il était prouvé, ce qui ne l'est pas, que la vitesse-
revenu v est une fonction stable et que les variations de M ont une antériorité sur
les variations de Y, il serait encore impossible de calculer ces variations de Y,
étant donné qu'on ne pourra pas calculer la valeur de v. Il entre dans la fonction
v toutes sortes de variables qui sont non seulement fonction de M mais aussi de
divers autres facteurs et de plus fonctions les unes des autres (2).
- Toujours selon S. Leven, " Friedman théoricien ne paraît pas du tout
quantitativiste. Mais le théoricien n'est qu'un tout petit aspect du personnage.
Au fond de lui-même, il croit à une liaison simple entre masse monétaire et
revenu et tous ses travaux, toutes ses recherches ainsi que tous les efforts de
son équipe tendent à la découverte empirique d'une telle liaison. Efforts pour
prouver que son "income velocity v" est une fonction stable sur de longues
périodes, efforts surtout pour prouver qu'il y a antériorité des fluctuations de
la masse monétaire sur les fluctuations du revenu".
La théorie quantitative de la monnaie s'est vérifiée dans le passé éloigné des vieux pays
industriels d'aujourd'hui et cet état de choses correspondait à une certaine structure
économique qui se rapproche mutatis mutandis de celle des pays dits sous-développés
actuels. C'est de là qu'intuitivement certains chercheurs se sont posés la question de
savoir si la théorie quantitative de la monnaie ne pouvait pas expliquer les phénomènes
monétaires de ces espaces économiques.
C'est le cas de A. Chabert dont la thèse de doctorat repose sur cette hypothèse. (3)
Ce point constitue une synthèse des éléments essentiels de l'ouvrage de cet auteur.
Pour que cette théorie soit vérifiée, il faudrait dégager, à partir des données statistiques,
l'impact de la masse monétaire sur le niveau des prix. Toutefois sans aller jusque-là,
(1)
D. Bruneel, op., p. 38 .
(2)
S. Leven, op. cit. , p.
(3)
A. Chabert, Structure Economique et Théorie Monétaire, A. Colin, Paris, 1956.
51
P D4 D6
D3
D2
D1
T
Dans les économies avancées, tout accroissement de la demande n'entraîne pas
nécessairement une montée des prix. En effet, il faut faire la distinction entre une
situation de sous-emploi et celle de plein emploi :
- En sous-emploi : l'accroissement de la demande provoque une
production supplémentaire parce que les facteurs de production n'ont
pas atteint leur utilisation optimale; et ce, sans accroissement des prix
(De D1 à D3).
- En plein-emploi : toute demande additionnelle a comme réponse une
montée des prix sans accroissement de l'offre de biens et services.
Toutefois, le plein emploi n'est pas toujours atteint dès le premier flux de demande. Il y
a une période (sur le graphique, entre D3 et D4) où il y a une offre supplémentaire mais
52
simultanément avec une hausse des prix. C'est que l'on assiste déjà à l'apparition de
goulots d'étranglement de secteur à secteur et qui finira par se généraliser et rendre
l'offre inélastique (D4, D5, D6).
La première réserve à faire est celle de signaler que la structure économique n'est pas la
même pour tous les pays sous-développés. Ce qui exigerait une certaine nuance. Il est
certain, par exemple, que pour un pays comme le Congo dont les activités économiques
sont concentrées dans les mains d'un petit nombre d'entreprises et plus spécialement en
ce qui concerne le secteur d'exportation, les effets de la conjoncture du commerce
extérieur provoquant un accroissement de la masse monétaire ne peuvent pas
influencer les prix. En effet, les bénéficiaires qui sont les entreprises (notamment
l'entreprise minière la GECAMINES qui, à certaines époques détenait 36 % des dépôts
de tout le système bancaire) n'en ont pas l'usage à l'intérieur du pays.
En outre, il y a lieu de se poser la question de savoir quelle est la catégorie sociale qui
bénéficie de l'amélioration, par exemple, de la hausse des cours des principaux
produits exportés.
Même s'il s'agit d'une création de monnaie d'origine interne, on doit s'interroger sur les
catégories sociales qui sont les bénéficiaires d'un flux de revenu. Il est évident que si
celui-ci se fait au profit des catégories sociales dont la propension marginale à
consommer est forte, la théorie quantitative se vérifie (les caractéristiques structurelles
de ces économies étant ce qu'elles sont).
Par la vente de l'or ou des devises pour financer les importations, assurer les transferts
de revenus et couvrir la sortie de capitaux vers l'étranger, la Banque Centrale a la
faculté de réduire le volume de la monnaie en circulation à concurrence de la sortie d'or
ou de devises.
Parmi les clients de la Banque Centrale, l'Etat occupe une position de choix. Devant
faire face au règlement des dépenses importantes échelonnées d'une manière régulière
le long de l'année alors que généralement les recettes n'alimentent ses caisses qu'à des
55
intervalles relativement espacés les uns des autres, l'Etat, du fait de ce décalage entre la
période de ses dépenses et celle de la perception de ses recettes, est tout naturellement
obligé de solliciter des avances de trésorerie auprès de la Banque Centrale.
Les concours de la Banque Centrale au Trésor se réalisent soit par des avances directes
soit par des souscriptions de bons du Trésor. Ils peuvent également se faire sous la
forme de concours indirects lorsque la Banque Centrale pratique la politique d'open
market en achetant des titres publics (bons du Trésor, obligations d'Etat).
Les banques privées n'ont pas besoin de l'appui financier de la Banque Centrale pour
traiter des opérations de crédit avec le public. Elles disposent de moyens propres (leur
capital, les versements des déposants) pour faire du crédit à l'économie du pays.
Ce n'est que devant l'insuffisance de leurs moyens propres face à une demande
croissante du crédit de la part du secteur privé ou une forte demande de
remboursement en billets de banque de la part des déposants que les banques ont un
ultime recours à la Banque Centrale pour obtenir du crédit. On dit que la Banque
Centrale accorde aux banques du crédit de réserve ou du crédit de dernière instance.
2° L'avance en compte
La Banque Centrale peut accorder des avances en compte aux banques. Celles-ci sont
généralement garanties par le nantissement ( la mise en gage) d'effets de commerce ou
des titres émis par l'Etat (Bons du trésor, obligations).
Parfois elles sont garanties par de l'or ou des devises étrangères à recevoir.
En plus de son rôle d'Institut d'émission, de banquier de l'Etat et de celui de Banque des
banques, la Banque Centrale exerce le contrôle de la monnaie et du crédit dans
l'économie, assure les relations financières du pays avec l'étranger et joue le rôle de
caissier de l'Etat ainsi que celui de conseiller du gouvernement en matière économique,
financière et monétaire.
Tableau n° 1 :
Bilan de la Banque Centrale du Congo
au 31 décembre 1997 en milliards de NZ.
Tableau n° 1
Toute Banque Centrale joue un rôle capital dans les relations financières avec l'étranger.
En effet, c'est elle qui gère les réserves d'or et de devises du pays. Il lui revient de
régulariser le fonctionnement du marché des changes et de veiller à la stabilité
extérieure de la monnaie. A ce titre, elle a généralement la haute main sur le contrôle
des changes lorsqu'il est institué.
C'est généralement la Banque Centrale qui effectue, pour le compte de l'Etat, tous les
paiements et encaisse toutes les recettes de l'Etat en se conformant aux instructions
administratives émanant du gouvernement.
En vue d'assurer ce service, elle ouvre sur tout le territoire du pays, dans chaque siège,
chaque succursale, chaque agence un compte courant au nom de l'Etat, appelé compte
général du Trésor.
C'est à ce compte que sont finalement centralisées toutes les opérations financières de
l'Etat (exécution du budget ordinaire et extraordinaire, avance aux organismes
d'Etat…).
La création monétaire a comme source principale les crédits que les banques accordent.
Dans un système financier hiérarchisé et différencié, les banques rencontrent des limites
exogènes à leur pouvoir de création monétaire :
• les banques ne peuvent pas émettre de billets. Ce privilège est réservé à la Banque
Centrale en ce qu'elle est l'unique Institut d'émission.
• la banque ne crée la monnaie qu'à partir de la monnaie centrale (billets et dépôts à la
Banque centrale).
La monnaie créée par les banques dans leurs octrois de crédit est appelée monnaie
scripturale ou monnaie de banque. Elle est représentée par la somme des dépôts et
comptes courants à vue inscrits dans les registres des banques de dépôts, des comptes
chèques postaux et des intermédiaires financiers recevant des dépôts à vue appelés
intermédiaires financiers accessoirement monétaires.
La monnaie scripturale n'est pas créée d'une façon illimitée. En effet, ceux qui ont fait
des dépôts à vue en banque peuvent au moyen du chèque ou virement (qui sont des
instruments de mobilisation des dépôts) retirer à tout moment leurs avoirs. La banque
doit alors faire face au retrait des dépôts exigibles à vue en conservant une encaisse en
billets dont la proportion dépend des habitudes de paiement du public.
Nous prenons le cas du système bancaire dans son ensemble. Celui-ci est composé de
trois banques : A, B, C .
Comme on peut le suivre à travers les bilans des banques A,B,C. les octrois successifs de
crédits ont permis d'avoir un volume de dépôts de 2.440 F grâce aux crédits permis par
un dépôt initial de 1.000 F.
Banque A Banque B
Banque C
Toutes ces opérations peuvent également se dérouler au niveau d'une même banque
quand nous considérons un système bancaire avec une seule banque.
En pratique, la banque peut se trouver à court de liquidités. Elle peut alors, en échange
d'une partie de ses créances, obtenir des billets soit auprès des autres banques (si ces
autres banques ne connaissent pas les mêmes difficultés) soit auprès de la Banque
Centrale qui est prêteur de dernier ressort.
Dans ce cas, la limite de la création de la monnaie scripturale par les banques provient
également des conditions qu'impose la Banque Centrale pour leur procurer la monnaie
centrale.
En résumé, la limite à la création de la monnaie scripturale est liée aux règles de gestion
des banques (coefficient de trésorerie) et aux conditions de mobilisation de certaines
créances auprès de l'Institut d'émission. A ces limites, il y a lieu de mentionner le
coefficient de fuite, c'est - à - dire la préférence des agents non financiers pour la
détention des billets.
En outre, les banques elles-mêmes mettent une limite à leurs possibilités d'octroi de
crédits en sélectionnant la clientèle en fonction des critères de rentabilité et de sécurité.
Elles doivent respecter certains ratios liés à une gestion prudentielle.
Au niveau d'une banque, avec les opérations de crédit, la création de la monnaie lui est
propre mais celle-ci n'est pas assurée de la conserver car cette monnaie peut être virée
au profit d'une autre banque. La probabilité pour elle de conserver cette monnaie créée
est liée à sa part du marché.
" Si l'on raisonne sur l'ensemble des banques, cette limite peut paraître inexistante
puisqu'il y a compensation entre la monnaie interbancaire et les créances qui en sont
à l'origine; toutefois, le comportement des banques individuellement placées sous
cette contrainte de liquidité, tend à freiner le processus de création monétaire au
niveau global. La distribution de la monnaie entre les différentes banques n'est pas
neutre quant au volume total de monnaie" (1).
(1)
D. Besnard et M.Redon, op. cit., p. 39.
62
En outre, la répartition des revenus entre agents économiques joue un rôle non
négligeable dans la composition de la masse monétaire selon que le revenu le plus
important revient à ceux des agents qui utilisent davantage les comptes courants
bancaires pour leurs différents paiements (les entreprises du type industriel) ou à
ceux qui recourent davantage aux billets (ménages et commerce);
- institutionnels: Ceux-ci sont liées, d'une part, à l'effort des banques de faciliter
l'usage du chèque (carte bancaire) et de multiplier leurs agences et d'autre part, à
l'existence d'actifs rémunérateurs : la préférence pour billets étant une fonction
inverse des taux d'intérêt. Leur hausse stimule la transformation des billets en actifs
rémunérateurs (dépôts à terme….) ;
- conjoncturels : en cas de troubles sociaux ou crainte sur la liquidité des banques, les
billets conservés par devers soi revêtent une sécurité plus grande. Cette situation de
crise de liquidité est vécue en République Démocratique du Congo depuis 1991 et
se traduit par une part considérable prise par les billets. Durant, par exemple, les
années 1998, 1999 et 2000, les billets représentent respectivement 60,8 %; 75,3 % et
70,2 % de la masse monétaire. Cette proportion élevée des billets dans la masse
monétaire peut également s'expliquer par le fait que certaines transactions
importantes ne se nouent qu'en billets. Les parties prenantes souhaitant une
certaine discrétion.
Alors que la théorie traditionnelle affirme que seuls les organismes bancaires sont à
même de créer de la monnaie, Gurley et Shaw déclarent eux qu'aussi bien les banques
que les organismes financiers non bancaires possèdent le même pouvoir de
multiplication des crédits. Leurs fonctions et leurs capacités de financement sont
semblables.
Selon ces auteurs, (1) " le fait que le système monétaire puisse créer de la monnaie, qui
fonde une " expansion multipliée " du crédit, sous forme de dépôts et d'espèces, sur
une base limitée de réserves, est apparu comme un trait distinctif et même magique
de ce système. Les autres institutions financières, d'après la doctrine conventionnelle,
n'ont pas cette faculté créatrice ou multiplicatrice. Ce sont seulement des
intermédiaires ou des courtiers et non pas des " fabricants de crédit ".
Tout en ne niant pas que le système monétaire crée la dette sous forme particulière de
monnaie et qu'il peut emprunter en émettant des instruments qui sont les moyens de
paiement, Gurley et Shaw ajoutent un élément nouveau, en affirmant également que si
les intermédiaires financiers non monétaires ne peuvent pas créer le même type de
dette, il faut admettre que tous les types d'intermédiaires financiers peuvent emprunter,
s'endetter, émettre leurs obligations, bref, créer du crédit, bien que sous forme non
monétaire.
(1) Gurley (J.G.) et Shaw (E.S.), Les intermédiaires financiers et le processus d'épargne et de
l'investissement, in Thorn (R.S.), Théorie monétaire, Dunod, Paris, 1971, p. 246.
(2)
63
Si la création de crédit par les intermédiaires non monétaires est limitée par différentes
règles qualitatives, il faut cependant noter que le principal facteur qui limite la création
du crédit est le calcul du profit.
En plus du fait que la création de crédit par les banques est également soumise aux
conditions du profit, aux exigences d'un système de réserve et à un ensemble de règles
qualitatives, une contrainte d'ordre politique intervient dans ce mécanisme à savoir :
éviter une expansion ou une contraction excessive du crédit afin de préserver le bien-
être de la communauté. Ce qui ne s'impose pas de manière explicite aux intermédiaires
financiers non monétaires.
" Le multiple d'expansion est un phénomène remarquable, non pas à cause de ses
implications inflationnistes, mais parce qu'il signifie que l'expansion bancaire est
assujettie à une base réglementée, alors que le reste de l'expansion financière ne l'est
pas. Si la création du crédit par les banques tient du miracle, la création de crédit par
d'autres institutions financières devrait provoquer encore plus d'exclamations." 2
Prenons le cas d'une caisse d'épargne recevant des dépôts sur livrets uniquement.
Crédits 80
En temps t 1, la caisse d'Epargne reçoit 100F en dépôts, son coefficient de trésorerie étant
de 20 %, d'où en trésorerie : 20 F et 80 F convertis en crédits.
2
Gurley (J.G.) et Shaw (E.S.), op. cit., p. 246.
64
Crédits 19,2
Les 100F de dépôt initial ont permis un flux de dépôts de 24 F + 5,76 F = 29,76 F.
Il est noté qu'il y a multiplication de crédits mais les périodes successives de création de
revenu global sont plus longues que les périodes de création de monnaie (qui sont
brèves lorsque la demande de crédit est importante).
" Puisque les organismes bancaires et les autres intermédiaires se recouvrent de plus
en plus, il n'y a pas de raison d'isoler les engagements monétaires et quasi
monétaires des seuls organismes bancaires " (1).
En effet, d'une part, les banques de dépôts, à côté de la fonction de création monétaire,
jouent de plus en plus un rôle important dans la collecte de l'épargne en recevant des
dépôts à terme et en ouvrant des comptes livrets d'épargne. Donc les banques
commerciales participent au financement de l'économie en tant qu'institutions
financières bancaires sur les ressources monétaires créées et en tant qu'institutions
financières non bancaires sur les ressources d'épargne collectée.
D'autre part, les institutions financières non bancaires créent aussi la monnaie sur la
même base que les banques commerciales par leur entretien, de plus en plus, des dépôts
et comptes courants à vue mobilisables par chèques.
Le total des monnaies manuelles, c'est - à - dire monnaie fiduciaire (billets et pièces) et
scripturales (dépôts à vue dans les banques et Comptes Chèques Postaux ainsi que les
dépôts à terme) existant à un moment donné dans une économie est appelé masse
monétaire.
Le calcul des agrégats monétaires est spécifique à chaque pays car il dépend de ses
caractéristiques institutionnelles propres. C'est ainsi que dans le souci d'appréhender le
plus d'éléments susceptibles d'influer sur la situation du revenu national et des prix,
l'on s'efforce de tenir compte des agrégats significatifs ayant un impact sur les
phénomènes monétaires. Il est alors distingué : M1 : reprenant la monnaie fiduciaire
(pièces et billets) + la monnaie scripturale (Dépôts et comptes courants à vue).
Lorsqu'on ajoute à M1, les actifs non monétaires à court terme faciles à convertir en
billets et dépôts à vue appelés quasi-monnaie tels que les dépôts à terme, les bons de
caisse, les comptes sur livret, les plans d'épargne-logement, on obtient M2 . En ajoutant à
M2, des actifs moins liquides tels que les bons du Trésor, livrets de caisse d'épargne, etc.
on a M3 . Il faut retenir que les actifs non monétaires mobilisables constituent de la
monnaie potentielle.
Tableau n° 2
La Masse Monétaire et ses Composantes en %
Circulation Fiduciaire
Hors banques 45,7 45,2 33,0 48,3 46,4 60,8 75,3 70,2
Dépôts à Vue et
Quasi-monnaies 54,3 54,8 67,0 51,7 53,6 39,2 24,7 29,8
(1)
A. Siaens, Monnaie et finances, De Boeck, Louvain, Bruxelles, 1987.
66
Source : Calcul fait à partir du tableau n° IV.6. Rapport de la Banque Centrale du Congo, 1997.
(1) Pour 1998, 1999, 2000, condensé d'informations statistiques n° 01/2001, Banque centrale du Congo.
En ce qui concerne l'économie congolaise, les actifs non monétaires à moins d'un an et à
plus d'un an étant presqu'inexistants, la formule de la masse monétaire est des plus
simples. Celle-ci se limite à M2 avec un seul actif non monétaire à moins d'un an à
savoir les dépôts à terme. C'est ainsi que :
La masse monétaire est sujette à des variations selon que l'on crée ou détruit la
monnaie. Ses variations sont liées à la croissance de l'économie dans son ensemble.
Dans un pays comme la Belgique, la préférence pour les billets et pièces se situe à un
niveau qui avoisine les 10 % alors qu'elle atteint 60 % en 1998, 75 % en 1999 et 70 % en
2000 contre 46 % en 1989 et 45 % en 1992 en République Démocratique du Congo. Cette
tendance est le résultat de la désarticulation de l'économie congolaise amorcée
intensivement depuis le début de la transition politique en 1990.
Le volume de la monnaie en circulation doit pouvoir rester en équilibre avec les biens et
services échangés. Si cet équilibre n'est pas respecté, il se produit une perturbation dans
l'économie. Si la masse monétaire est plus importante que les biens et services en
présence, des tensions inflationnistes apparaissent et dans le cas inverse, c'est une
situation de déflation qui prend naissance et qui peut conduire à une dépression
économique.
Les autorités monétaires doivent veiller à ce que l'équilibre ne soit pas rompu. Et pour
cela, l'Institut d'émission qui est la banque des banques dispose d'une série
d'instruments de contrôle du volume de la monnaie en circulation dont il pourra user
selon les circonstances et les structures économiques du pays.
Les contreparties de la masse monétaire sont constituées par les créances et les avoirs
qui sont à l'origine de la création de la monnaie.
1° Or et Devises
67
En résumé, le solde net des échanges extérieurs agit sur la masse monétaire nationale.
Une partie de la monnaie nationale en circulation trouve sa contrepartie dans un
excédent d'exportations. Un excédent d'importations (non compensé par des crédits
bancaires ou des fonds extérieurs) provoquera une compression (destruction de la
monnaie) de la masse monétaire interne.
2. Créances nettes sur l'Etat 322,5 144,5 194,1 255,0 257,5 85,5 33,6
4. Autres avoirs intérieurs nets 8,1 -13,5 -29,2 -47,6 -17,6 34,8 -6,3
C'est ainsi qu'une grande partie de la masse monétaire en circulation représente des
crédits à l'économie productive.
Par le mécanisme des crédits, les banques sont à même d'accroître la masse monétaire
comme nous l'avons vu.
- Lorsqu'une orthodoxie de gestion bancaire était scrupuleusement observée, c'est - à -
dire lorsqu'on s'en tenait à faire financer les crédits de différentes durées par des
ressources de même nature, seuls les crédits à court terme faisaient contrepartie de
68
En résumé : Les crédits à l'économie sont une des contreparties de la masse monétaire
en circulation. Un accroissement des crédits à l'économie augmente la masse monétaire,
une réduction des crédits comprime la masse monétaire. C'est là une explication en cas
d'une menace d'inflation, des décisions des autorités monétaires d'un ralentissement ou
d'un plafonnement des crédits à l'économie.
- L'Etat par le truchement du Trésor public fait souvent et fréquemment recourt aux
emprunts auprès de la Banque Centrale, soit directement (les avances directes), soit
indirectement (par l'escompte des obligations étatiques, par exemple).
L'Etat fait également appel aux banques commerciales en plaçant auprès d'elles des
emprunts à court terme sous la forme de bons du Trésor. Les banques commerciales
peuvent faire réescompter ces bons à la Banque Centrale, du moins dans certaines
limites, moyennant quoi la Banque Centrale crée de la monnaie.
Une partie des crédits à l'Etat donne lieu à la création de monnaies. Un accroissement
des crédits à l'Etat conduit à une augmentation de la masse monétaire en circulation;
une compression des crédits à l'Etat aboutit à une réduction de la masse monétaire en
circulation. Ainsi pour une part souvent appréciable, la masse monétaire trouve son
origine et sa contrepartie dans les crédits à l'Etat.
Certains concepts relatifs à la création monétaire par les banques méritent d'être
expliqués :
La liquidité bancaire est une notion qui se traduit par la mesure du degré d'aptitude des
banques pour se procurer la monnaie centrale dont elles ont besoin. C'est la monnaie
centrale qui commande la création monétaire des banques.
69
Les avoirs des banques peuvent être constitués librement (en tant qu'emploi de
trésorerie) ou de manière impérative (en tant que réserves obligatoires imposées par la
Banque Centrale).
Les sources de la base monétaire traduisent les opérations de la Banque Centrale qui la
conduisent à émettre de la monnaie centrale :
- accroissement des réserves officielles de change;
- accroissement de ses concours au Trésor;
- accroissement de refinancements des banques.
L'essentiel des sources de la base monétaire est généralement constitué par les concours
aux banques qui forment la "base empruntée" (" monnaie centrale coûteuse) par
rapport aux autres opérations qui constituent la "base non empruntée" ( ou " monnaie
centrale gratuite ").
Les besoins de refinancement des banques trouvent leur origine, soit dans la nécessité
de convertir leurs dépôts en billets, soit dans l'obligation de satisfaire aux réserves
obligatoires.
En ce qui concerne les concours au Trésor, il faut ajouter dans les sources le financement
du déficit des opérations du Trésor. Dans un pays comme la République Démocratique
du Congo où les budgets de l'Etat accusent des déficits devenus structurels, l'essentiel
des sources de la base monétaire est plutôt constitué par les concours au Trésor.
70
Selon cette théorie, l'expansion des crédits dans le système bancaire serait le multiple de
la monnaie centrale. Ce qui veut dire que les banques ne peuvent accroître leurs crédits
que si elles disposent de la monnaie centrale supplémentaire. Ces crédits engendrent de
nouveaux dépôts se traduisant par un besoin de monnaie centrale, qui absorbent une
fraction de la monnaie centrale dont disposaient les banques initialement (par exemple
par le phénomène de "fuites" hors système bancaire). Le processus se poursuit jusqu'à
ce que les banques ne possèdent comme monnaie centrale excédentaire que le volume
équivalent aux "fuites" sur leurs dépôts.
Une relation peut ainsi être établie entre le bilan de la Banque Centrale et la masse
monétaire qui met en valeur le rôle que peut jouer la Banque Centrale dans le contrôle
monétaire en influençant le potentiel de crédit des banques et indirectement la masse
monétaire.
M = mB avec m = 1
a + b - ab
M = masse monétaire
B = base monétaire
m = multiplicateur
a = propension à détenir des billets (ratio billets/M2 ou coefficient de fuite)
b = coefficient de réserves (ratio réserves / dépôts ou coefficient de trésorerie).
Selon cette présentation, c'est l'offre de monnaie par les banques et non la demande de
monnaie des agents économiques qui détermine la quantité de monnaie en circulation.
- l'évolution des facteurs autonomes de la liquidité bancaire (mouvements des billets,
solde de la balance des paiements, situation de la trésorerie publique) aurait un effet
cumulatif sur la création monétaire. " Par exemple, tout apport de liquidité dans
l'économie provenant des excédents de la balance des paiements ou d'un déficit
budgétaire financé par la banque centrale, servirait de base, par le canal du crédit
bancaire, à une création monétaire supplémentaire " (1).
- La Banque Centrale peut garder la maîtrise absolue de la création de moyens de
paiement en limitant strictement les liquidités qu'elle émet directement (base
monétaire) au montant que justifient les objectifs de la politique monétaire.
- L'élargissement de la liquidité des banques par le jeu d'un facteur autonome peut les
conduire non pas à consentir de nouveaux crédits, mais plutôt à se désendetter
auprès de la banque centrale ou à procéder à des emplois de trésorerie (achats bons
du Trésor). L'accroissement de la base monétaire n'aura alors été que temporaire au
bilan de la Banque Centrale.
En examinant le tableau n°4 ci-après qui renseigne sur les agrégats monétaires et les
paramètres congolais, on se rend compte que le multiplicateur est faible au Congo. Cette
situation s'explique d'une part, par la forte liquidité des banques et d'autre part par le
niveau élevé des taux de réserves obligatoires. Depuis 1991, il faut tenir compte
également de l'incapacité de la Banque Centrale de fournir la monnaie centrale aux
banques suite à la pénurie des devises. En effet, la grande partie des billets de banque est
imprimée à l'extérieur et doit être payée en devises.
(2)
D. Besnard et M. Redon, op. cit. , p. 47.
72
Tableau n° 4
1989 211.497 58.506 152.991 120.508 273.499 61.286 334.785 17,47 45,7 1,57
1990 554.060 128.215 425.845 342.495 768.340 347.101 1.115.441 11,49 38,2 2,00
1991 11.957.319 1.127.177 10.830.142 7.243.966 18.074.108 8.672.188 26.746.296 4,21 40,5 2,23
1992 419.942.223 55.978.708 363.963.515 402.971.018 766.934.533 175.873.886 942.808.419 5,94 38,6 2,25
1993 16.283.771.29 2.311.733.133 13.972.038.15 5.887.950.378 19.859.988.53 11.024.524.02 30.884.512.56 7,49 45,2 1,89
1 8 6 8 4
1994 285.616 13.851 271.765 114.219 385.984 435.419 821.403 1,69 33,1 2,88
1995 1.851.190 206.833 1.644.357 330.645 1.075.002 1.423.413 3.398.415 6,09 48,4 1,84
1996 10.101.434 1.830.999 8.270.435 2.704.497 10.974.932 10.600.381 21.575.313 8,50 38,33 2,14
1997 20.446.075 5.229.017 15.217.058 7.116.640 22.333.698 10.441.982 32.558.622 16,06 46,7 1,59
Source : Aménagé selon le tableau n° IV.6, Rapport Annuel de la Banque centrale du Congo, 1997.
" Jusqu'en 1960, l'offre de monnaie n'est pas un objet d'analyse si ce n'est dans la
théorie partielle et mécanique du multiplicateur du crédit. " (1).
Depuis lors des tentatives sont faites pour intégrer la théorie monétaire à la théorie
subjective de la valeur par la fonction de l'offre de monnaie.
(1)
Pascallon, op. cit. , p. 491..
(2)
Pascallon, op. cit., p. 494.
74
(1)
D. Besnard et Redon, op. cit. , p. 67 .
(2)
Ibidem, pp. 62-63 .
(1)
Pascallon, op. cit., P. 512 .
(2)
Cfr A. Chaineau, Mécanismes et politiques monétaires, P.U.F. , Paris, 1971, pp 173-212
75
1° La finance directe
Il y a finance directe, lorsque les unités excédentaires en ressources transfèrent leur
épargne aux unités déficitaires en ressources en leur achetant des titres de créance
sur eux-mêmes ou des actifs réels.
La nature des titres tels que les actions et obligations tend à se rapprocher d'une
façon notable. Afin d'atténuer la perte subie par les porteurs d'obligations à cause de
la dépréciation monétaire, on a inventé des catégories d'obligations se rapprochant
des actions par leur participation aux bénéfices appelées : obligations participantes
et pouvant être converties en actions : ce sont des obligations convertibles.
A l'heure actuelle, il arrive souvent que les prêteurs ne veulent pas des valeurs
mobilières que peuvent leur vendre les emprunteurs mais sont prêts à accepter
d'autres formes de titres. Donc, les désirs des prêteurs et emprunteurs deviennent
impossibles à concilier à travers la finance directe. Et ce ne sont que les
intermédiaires financiers qui sont à même d'imaginer d'autres formes de titres plus
attrayants qu'ils fournissent aux prêteurs : ce sont des titres rendant un service tels
que les polices d'assurances ou encore des titres dénués du défaut majeur que
peuvent leur reprocher les épargnants qui est l'illiquidité.
Ces institutions financières non bancaires sont essentiellement les Caisses d'Epargne,
les compagnies d'assurances etc. qui vendent des titres rendant des services,
mobilisant une épargne à long terme. Il est à noter qu'à cette époque d'instabilité
monétaire, les agents économiques répugnent de placer leur épargne à des termes
longs. Les intermédiaires financiers non bancaires émettent des titres à court terme et
remplissant les conditions de liquidité recherchées par l'épargnant. Et c'est auprès de
ces intermédiaires financiers non bancaires que l'agent à déficit de ressources trouve
son financement.
Pour un intermédiaire financier non bancaire, les dépôts font les prêts parce qu'il ne
peut prêter que ce qu'il possède alors que pour un intermédiaire financier bancaire,
les prêts font des dépôts parce qu'il crée la monnaie qu'il prête.
Cette conception est battue en brèche par la théorie de Gurley et Shaw en cette
matière. Avec les mutations connues par le système monétaire et financier, un
rapprochement s'est opéré entre les intermédiaires financiers bancaires et non
bancaires aussi bien du point de vue de la nature de leurs ressources que de celui de
leurs emplois (voir les points 1.5 et 3.2 du chapitreIII).
L'équilibre est obtenu lorsque : S (des agents à capacité de financement) - I (de ces
mêmes agents) = I (des agents à besoin de financement) - S (des agents à besoin de
financement). Cette égalité est identique à S = I .
En tenant compte de son autofinancement, l'équilibre du marché des fonds prêtables
est réalisé par l'égalité entre l'épargne et l'investissement dans le cadre de la finance
directe.
78
Graphique n° 7
i I S
S I
I - S
Deuxième étape : La préférence pour la liquidité
Il faut noter que l'épargne globale ne se place pas dans sa totalité. La préférence pour
la liquidité explique sa partielle thésaurisation c'est - à - dire un retrait du circuit
financier de placement et une conservation dans les encaisses oisives.
Graphique n° 8
S-L S
i I
I-S
réduction du flux présent de fonds thésaurisé mais de la somme de tous les flux
passés et présents de thésaurisation.
Graphique n° 9
i
S-L
I
S-L+Q
I-S
L'augmentation de l'offre de fonds prêtables est ainsi, soit exigée par les agents à
besoin de financement (et c'est l'émission monétaire) soit acceptée par les agents à
capacité de financement (et l'on a la déthésaurisation monétaire).
Graphique n° 10
i
S-L+Q
S - L + Q + ΔM
I-S
80
Les institutions financières non bancaires se sont de leur côté rapprochées des
banques par l'ouverture en leurs livres des comptes courants recevant des dépôts à
vue.
D'une part, dans leur rôle de créatrices de monnaie, elles créent de la monnaie au
profit des agents à besoin de financement et anticipent ainsi une épargne volontaire
ou forcée des agents à capacité de financement; d'autre part, dans leur second rôle
d'institutions financières non bancaires (dans l'emploi des ressources d'épargne leur
confiées : dépôts à terme, livrets d'épargne, etc.), elles ne font que prêter une épargne
antérieurement reçue.
D'une manière générale, les ressources collectées (aussi bien les dépôts à vue que
ceux à terme) par les banques et les institutions financières spécialisées sont loin
d'atteindre le volume optimal mobilisable.
a) Les banques de dépôts : trop liquides, ne déploient aucun effort dans la collecte
de ressources accrues. L'ouverture de comptes en banque est assortie de
formalités d'un dépôt minimum initial et de l'obligation d'un parrainage par des
anciens clients de la banque concernée qui font que les petits déposants sont
exclus d'office de la clientèle des banques.
Par ailleurs, l'implantation géographique de ces banques ne couvre qu'une partie
infime du pays. Celle-ci suit les centres de développement industriel ou
commercial et le facteur urbanisation correspond à une implantation dense. Il n'y
a aucun rapport de proportionnalité entre la densité de la population et le nombre
de guichets bancaires.
Ainsi s'explique le fait, par exemple, que la région urbaine de Kinshasa à elle seule
collecte certaines années (1994, 1995, 1996) plus de 90 % des dépôts de tout le système
bancaire et pour les dépôts à terme 100 % (1994, 1995, 1996 et 1997) selon les tableaux
n° 6 et 7 ci-après.
82
En période normale, le taux de couverture des dépôts à vue dans les banques
commerciales (encaisses des banques / dépôts à vue des banques) avoisine 8 %. Suite
à la pénurie des billets de banque, il est même tombé à 0,8 % (cas connu en avril
1992).
Cette mutation a fait que depuis 1991, les dépôts disponibles des banques auprès de
la Banque Centrale étaient supérieurs aux ressources indisponibles auprès de cette
institution et phénomène singulier, ces dépôts disponibles revêtaient dans une large
mesure un caractère indisponible suite à l'incapacité de l'Institut d'Emission de
répondre à la demande de billets par les banques commerciales.
En effet, les versements en espèces dans les banques par les opérateurs économiques
tarissant suite à un taux de recyclage quasi-nul des billets de banque du fait de
l'incertitude permanente pesant sur la possibilité de retirer les espèces aux guichets
des banques.
Il est évident que dans un tel contexte s'émousse l'élan des banques de dépôts dans la
mobilisation des fonds prêtables.
(1)
Mabi Mulumba, op. cit. , pp. 158 et 159.
83
Tableau n° 5
- - - - - d'épargne et -
- - - - - de crédit -
- B.C.A. - - - - -
- - F.P.I. - - - -
- - COFIKI - - - COFIKI
- - - - - - -
- - - - - - -
- - - - - - -
- - - - - - I.N.S.S.
- - - - - - SONAS
Les institutions financières non bancaires n'ont pas encore joué un rôle significatif
dans le financement de l'économie congolaise.
Certaines à cause des bouleversements connus dans leur gestion depuis l'accession
du pays à l'indépendance, c'est le cas de la CADECO, d'autres, parce qu'un cadre
précis de financement ne leur est pas tracé, il s'agit des institutions telles que l'I.N.S.S.
et la SONAS.
En effet, ces deux organismes laissent leurs ressources sous forme de dépôts à vue en
banque ou les placent à terme dans les mêmes institutions. Les seuls placements que
ces organismes ont pu faire ont été malheureux.
C'est le cas pour l'I.N.S.S. d'une souscription de 210.000 Zaïres dans le capital de la
SOGEFI (Société dissoute en 1972) d'un prêt de 1.000.000 Zaïres à l'Office National de
Logement (O.N.L.), de 600.000 Zaïres à l'Office Congolais des Postes et
Télécommunications (O.C. P.T.) et de 1.330.000 Zaïres à l'Etat. La SONAS a subi le
même sort pour un placement de 60.000 Zaïres sous forme de titres de la SOGEFI.
85
PROVINCES 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997
Kinshasa 71,0 68,3 71,3 70,0 86,9 94,5 94,0 93,9 95,0 74,0
Bas-Congo 1,6 2,5 2,4 2,4 2,0 1,0 1,0 1,0 1,3 1,2
Equateur 1,6 1,8 1,7 1,0 0,5 0,5 0,3 0,5 - 0,3
Orientale 3,2 1,8 2,0 2,0 1,0 0,3 0,2 0,3 - 0,4
S/Kivu, N/Kivu,
Maniema 3,2 3,4 3,1 3,5 1,7 1,2 2,3 2,0 1,2 5,6
Katanga 14,6 17,0 13,5 14,5 4,3 1,1 2,0 2,0 2,4 17,7
Kasaï Oriental 3,2 2,5 3,0 3,3 2,0 1,0 0,2 0,2 0,1 0,1
Kasaï Occidental 1,6 1,8 2,0 1,3 1,0 0,3 - 0,1 - 0,7
100 100 100 100 100 100 100 100 100 100
Tableau n°7 : ventilation des dépôts bancaires a terme par province (en %)
PROVINCES 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997
100 100 100 100 100 100 100 100 100 100
A. Institutions
Financières
Spécialisées 9,3 8,2 0,8 4,1 4,6 5,7 4,5 3,7
Pour ce qui est du Congo, ce rôle de mobilisation de ressources a été joué durant de
nombreuses années par les banques commerciales. Ce n'est que vers 1950 qu'apparaît
dans le pays la première institution financière non bancaire à savoir la Caisse
d'Epargne du Congo.
Quant aux autres institutions financières non bancaires telles que la SOFIDE, la
COFIKI, la MOBIMO, la SONAS, l'I.N.S.S. , le F.P.I. n'ont vu le jour que durant la
période d'après l'indépendance, donc après 1960. Et encore toutes ces institutions
financières ne recourent pas à la collecte de l'épargne dans le public. Il est donc clair
qu'au Congo, le gros de fonds prêtables est fourni par les banques de dépôts.
Il faut à présent situer la façon dont ces banques s'emploient à l'extension de fonds
prêtables pour mettre ainsi à la disposition de l'économie des capitaux suffisants et
accrus.
Ces dernières années, le Budget de l'Etat congolais accuse des déficits à caractère
structurel essentiellement financés par le recours au crédit auprès de la Banque
Centrale. C'est ainsi que l'accroissement des dépôts bancaires se trouve être le
produit d'une création monétaire de la part de l'Institut d'émission suite au
financement du déficit budgétaire.
Selon la formule précédente, ΔM n'est pas dû uniquement aux octrois de crédit par
les banques commerciales par le jeu du multiplicateur mais trouve, en grande partie,
87
Dans le processus de création monétaire par les banques, la demande de crédits par
les agents non financiers joue un rôle important dans l'accroissement de la masse
monétaire suite à la création de monnaie par les banques qui, elle, est tributaire des
possibilités de création de la monnaie centrale par la Banque d'émission.
C'est dire que la Banque Centrale dispose des instruments nécessaires pour le
contrôle de la masse monétaire. C'est ce qui fait que la Banque Centrale tient dans le
fonctionnement de l'économie le rôle de l'autorité monétaire.
S'il est établi que le développement de la production est conditionné par celui du
crédit et par voie de conséquence l'accroissement de la monnaie mise à la disposition
de l'économie, il est aussi vrai que la quantité de monnaie disponible doit être
compatible avec le volume des transactions. En effet, tout déséquilibre entre la
quantité de monnaie et le volume de la production est susceptible de désarticuler le
fonctionnement de l'économie en tant que cause soit de l'inflation, soit de la
déflation.
La Banque Centrale est alors obligée d'intervenir pour obliger les banques à ralentir
leurs crédits à l'économie pour stabiliser l'activité des entreprises, par la baisse de la
demande globale et une stabilisation des prix.
Celle-ci exerce une action sur le coût des liquidités que la Banque Centrale met à la
disposition des banques par le réescompte de leurs titres.
La hausse ou la baisse du taux d'éscompte agit par paliers successifs, d'abord sur les
banques et ensuite sur les entreprises.
Il ressort ainsi que le taux de réescompte joue le rôle de taux directeur, autour duquel
s'organise le coût de l'ensemble du crédit. Si elle se prolonge, la hausse des taux
monétaires entraîne la hausse des taux financiers pour empêcher le détournement de
l'épargne du marché financier vers le marché monétaire.
Pour ce qui est des entreprises, la hausse des taux va les décourager et les pousser à
renoncer à emprunter. Il va en résulter une baisse de la demande globale et des prix.
89
Pour que la politique du taux d'escompte ait un impact notable, il faut qu'il y ait sur
l'espace économique concerné un recours important aux transactions fondées sur les
effets de commerce. Vu sous cet angle, cette politique n'est guère opérante dans les
économies avancées. Elle n'a aucun impact dans l'économie congolaise où le
portefeuille commercial des banques n'a jamais pris des proportions significatives.
Le même auteur parlant de la politique du taux d'escompte note : " seul instrument
de politique monétaire au XIXè siècle, il perd à notre époque un peu de son
importance comme instrument de régulation de la conjoncture interne. Il conserve
au contraire la première place comme instrument de politique monétaire externe "
(1).
4.2.2. Les instruments portant sur le volume des liquidités des banques
(1)
Michelle de Mourgues, Economie Monétaire, Dalloz, Paris, 1974, pp. 106, 110.
90
La politique d'Open Market n'est possible que dans les économies où existe un
marché monétaire suffisamment approvisionné et où, il existe en même temps un
portefeuille d'effets publics significatif.
Cette politique fait obligation aux banques ainsi qu'aux organismes accessoirement
monétaires de détenir de la monnaie centrale en réserve dans des comptes non
productifs d'intérêt à la Banque Centrale.
Les réserves obligatoires agissent sur le pouvoir de création de la monnaie par les
banques car exerçant un impact négatif sur la liquidité bancaire.
La politique des réserves obligatoires est utilisée plus rarement que la politique
d'Open Market et pour des conjonctures plus critiques en ce qui concerne les
économies industrialisées. Par contre, les pays en développement recourt à cet
instrument de façon permanente.
91
Elle consiste à imposer aux banques un plafond à leurs encours de crédit. Les
banques sont ainsi astreintes à limiter globalement leurs activités. Il s'agit d'une
pratique autoritaire qui garde un caractère exceptionnel.
Il s'agit d'insérer dans le mécanisme des instruments de politique monétaire décrit ci-
haut une certaine sélectivité.
Dans la politique du taux d'escompte, il peut être prévu des taux de refinancement
différenciés en fonction des secteurs sur lesquels portent les transactions couvertes
par les effets de commerce.
" Reposant sur une adhésion implicite des banques aux objectifs fixés
unilatéralement par les autorités, il (ce procédé) suppose un large consensus et une
discipline dont peu de pays peuvent se prévaloir. En tout état de cause, un tel
système demeure fragile. La Suisse, ….., qui l'avait appliqué dans les années 50, a
dû lui substituer un procédé plus contraignant : " le gentlemen's agreement". En
pareil cas, la bonne volonté des banques est concrétisée par la signature d'un
engagement formel " (1).
monétaire, celle-ci intervient également de façon directe sur le marché des changes
pour la défense de la valeur externe de la monnaie nationale.
Dans ce système, la parité de chaque monnaie est définie par rapport à une monnaie
clé. Cela a été le cas du système de Bretton Woods où les parités des monnaies des
pays membres du Fonds Monétaire International (F.M.I.) étaient définies vis-à-vis du
dollar par rapport auquel ces monnaies devaient fluctuer dans le sens de la hausse
ou de la baisse dans des limites strictes (entre par exemple + 1 % et - 1 %). Le
mécanisme de fonctionnement du système consistait à stabiliser la monnaie de
chaque pays membre autour de la parité officielle entre ces limites.
L'intervention des banques centrales avait pour objectif de maintenir les fluctuations
des monnaies nationales par rapport au dollar dans les limites convenues.
S'il arrive que le pays ne dispose pas d'assez de dollars pour intervenir en cas de
déficit grave et prolongé de sa balance des paiements, sa Banque Centrale peut
recourir aux emprunts soit auprès du F.M.I. soit sur les marchés internationaux de
capitaux.
Le principe est que le pays à balance excédentaire ne doit pas s'opposer à la hausse
de la valeur d'échange de sa monnaie. Celle-ci étant désormais plus chère, les biens
importés de ce pays s'élève dans les mêmes proportions en monnaie des autres pays.
b) C'est l'effet inverse qui se produit en ce qui concerne le pays à balance extérieure
déficitaire, la valeur d'échange de sa monnaie va se déprécier (sa monnaie étant
moins demandée) d'où ses exportations revenant moins chères vont s'accroître
alors que ses importations exprimées en monnaies étrangères deviennent plus
chères avec comme conséquence la réduction des importations face aux
exportations qui se développent. Ainsi s'engage le processus de l'équilibre de la
balance avec une appréciation monétaire vers la parité officielle.
Pour qu'un tel système soit opérant, il faut éviter l'intervention de la Banque
Centrale. Ce qui voudrait dire que s'il y a excédent de la balance, cela doit se traduire
par une émission supplémentaire de monnaie avec accroissement de la masse
monétaire et s'il y a déficit, cette situation doit provoquer une destruction monétaire
avec une diminution de la masse monétaire pour que l'effet équilibrant joue. Or les
choses ne se passent pas ainsi dans la réalité. La Banque Centrale est obligée
d'intervenir pour adapter l'émission monétaire aux besoins de l'économie en évitant
que l'influence monétaire des relations extérieures ne perturbe la stabilité monétaire.
En fait, les variations du taux de change ne trouvent leur efficacité dans l'ajustement
que si elles sont appuyées par les mesures appropriées portant sur la demande
globale. Pour que la règle du jeu soit au point pour les pays à déficit chronique et à
taux d'inflation élevé, la dépréciation de la monnaie ne peut avoir les effets
recherchés que si elle s'accompagne de mesures visant la maîtrise de la demande
globale et l'offre de monnaie. Inversement, une appréciation de la monnaie ne peut
éliminer un surplus de balance de paiements que si elle va de pair avec des mesures
expansionnistes c'est-à-dire de crédit " bon marché ".
Cette politique fut poursuivie après la seconde réforme monétaire du 24 juin 1967. En
effet, c'est en juillet et août 1967 que la Banque Centrale a pris des dispositions
interdisant aux banques d'accorder des crédits au-delà des plafonds fixés, de
consentir des crédits de caisse à durée indéterminée ou à préavis de plus de 90 jours.
Il était également recommandé aux banques commerciales de respecter certaines
priorités dans l'octroi de crédits.
a) Un plafond libre qui donne la hauteur des crédits que les banques peuvent
accorder librement sans restriction en ce qui concerne la forme et le secteur
économique.
(1)
Rapport 1967 de la Banque Nationale du Congo , p. 211.
95
En outre, les crédits à moyen terme sont assujettis au plafonnement alors que jusqu'à
présent, celui-ci ne concernait que les financements à court terme. Toutefois,
l'obligation de couverture par les dépôts à terme reste toujours en vigueur pour les
crédits à moyen terme. Une certaine évolution est constatée en 1977. Les crédits à
moyen terme ainsi que les concours en faveur de la GECAMINES sont mis hors
plafonds. Toutefois l'autorisation préalable de la Banque Centrale est exigée; et celle-
ci est subordonnée à deux conditions :
- l'existence d'une marge disponible;
- le caractère productif de l'investissement à réaliser.
Ces minima appelés " planchers " sont répartis entre les banques en fonction de leurs
dépôts par rapport au total des dépôts du système bancaire, les crédits à moyen et
long terme accordés aux secteurs prioritaires étant pris en compte.
Si le volume minimum de crédits aux secteurs prioritaires n'est pas atteint; la banque
qui se trouve dans une telle situation voit ses dépôts stérilisés à concurrence du
déficit au regard du volume minimum. Ce mécanisme est d'autant plus contraignant
pour la banque qu'il existe en même temps un coefficient de réserve obligatoire qui
peut atteindre un taux de 55 %.
C'est en juillet 1970 que la Banque Centrale a autorisé les banques commerciales à
financer les investissements à moyen terme avec cependant une restriction à savoir
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que ce financement soit couvert par une certaine proportion de dépôts durables. Dès
juillet 1970, il était stipulé que seuls les dépôts à six mois au moins étaient admis à
concurrence de 75 % en couverture des crédits d'investissements productifs.
Après 1970, la Banque Centrale a mis en place des dispositifs tendant à favoriser
l'octroi par les banques commerciales des crédits d'escompte, spécialement en ce qui
concerne le secteur agricole ainsi que celui de petites et moyennes entreprises. Des
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Une majoration d'un point par tranche est appliquée pour les tranches suivantes,
sauf pour les crédits à l'agriculture et aux petites et moyennes entreprises.
En plus des traites, sont également acceptés au réescompte des bons du Trésor
librement négociables à un an maximum à partir de leur date d'émission et les
promesses souscrites par les offices agricoles pour le financement de leurs opérations
à court terme.
Pour ce qui est des taux de réescompte, ceux-ci sont demeurés administrés et de 1967
à1971, ils variaient selon la nature des effets réescomptables, selon qu'il s'agissait du
billet à ordre ou de la lettre de change. Ils sont devenus progressifs à partir de 1974 et
ont été unifiés en 1987.
1974 1975 1976 1977 1978 1979 1980 1981 1982 1983 1984 1985
3/6 2/12
10 10 10 10 10 12 12 15 15 20 20 24 26
Selon l'article 22 des statuts de la Banque du Zaïre, les avances directes de la Banque
Centrale au Trésor ne peuvent excéder à aucun moment 15 % des recettes fiscales
annuelles moyennes calculées sur la base des trois derniers exercices. En pratique,
cette disposition n'est guère respectée.
Le taux d'intérêt appliqué à ces avances est en principe convenu entre le Ministre des
Finances et la Banque Centrale en tenant compte du coût du loyer de l'argent au
Congo. Il arrive que la Banque Centrale fixe ce taux de façon unilatérale en violation
de cette disposition.
Jusqu'en février 1974, ce sont les banques qui fixaient elles-mêmes leurs taux d'intérêt
débiteurs en ayant pour repère ou taux de base ceux pratiqués par la banque
centrale. Mais à partir de cette date, la Banque Centrale cherchant à assurer un
financement adéquat aux secteurs économiques jugés prioritaires a commencé à
imposer les taux d'intérêt débiteurs maxima applicables à toutes les opérations de
crédit.
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La nomenclature des crédits a subi des modifications d'une époque à l'autre. Alors
que durant la période d'avant 1970, les taux d'intérêt débiteurs étaient fixés selon la
nature des crédits, ils le sont, depuis février 1974, selon les secteurs d'activités
économiques où ces crédits sont engagés et en fonction de la possibilité de
mobilisation de ceux-ci auprès de la Banque Centrale.
" Le 10 avril 1976, la Banque du Zaïre a été amenée à prendre des mesures pour
freiner le rythme d'expansion des crédits enregistrés au cours de 1975. En effet, le
nouveau système entraînant l'automaticité de l'adaptation du volume du crédit à
l'évolution des dépôts s'est avéré peu efficace. Ainsi placée par la conjoncture dans
l'obligation de contenir l'expansion des crédits à décaissement dans les limites
considérées compatibles avec la situation, la Banque a dû opter pour le retour à
l'ancien système d'encadrement direct des crédits. " (1) Cet aveu d'impuissance fait
par la Banque Centrale du Congo eu égard à l'efficacité de la politique de réserve
obligatoire amène à nuancer la conclusion tirée par W.J. Sedwitz et F.H. Schott
rangeant la technique de réserve obligatoire au degré le plus élevé d'efficacité parmi
les instruments de contrôle du volume du crédit. En effet, ces auteurs affirment que
"depuis 1930, on admet communément que la possibilité qu'ont les banques
Cette politique n'a plus été appliquée après 1960 jusqu'en 1993.
Le développement des encaisses oisives la rendait inopérante. En outre, les
coefficients structuraux recommandés par l'Institut d'émission se trouveraient en
déça de ceux que les banques s'imposaient d'elles-mêmes.
W.J. Sedwitz et F.H. Schott, l'efficacité du contrôle monétaire selon la situation économique et financière, BIRD,
(1)