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Du Cadre européen au manuel d’enseignement

Yves Loiseau - 2007


Centre interdisciplinaire de recherche en histoire, langues et littératures
Université catholique de l’Ouest – Angers – France

Remarque liminaire
Parce que je suis l’un des auteurs du manuel Connexions, il m’a semblé préférable de ne pas l’inclure
dans mon corpus de manuels ayant servi de base à mon étude.

Introduction
Tous les manuels d’enseignement du FLE désormais publiés en France font mention du Cadre européen
commun de référence pour les langues [maintenant CECR] dans leur préface ou avant-propos. Ainsi, dès
l’année 2000, Forum 1 (Baylon Ch., 2000 :5), « intègre les éléments de réflexion mis en œuvre dans “le
cadre européen commun de référence” » et Escales 1 (Blanc J., 2001 : 3) : « s’inspire largement des
propositions du Conseil de l’Europe ».
Plus tard, « les objectifs » de Campus 2 (Girardet J., 2002 : 3) « s’inscrivent dans le cadre commun de
référence du Conseil de l’Europe » et ceux de Studio 100, niveau 1 (Lavenne Ch., 2001 : 3) « ont été
déterminés à partir des travaux » du même Conseil. Taxi ! 1 (Capelle G., 2003 : 3) « suit les
recommandation du niveau A2 », Alter Ego 1 (Berthet A., 2006 : 3), je cite, « intègre les principes du
CECR et reflète ses trois approches : apprendre, enseigner, évaluer », Tout va bien ! 1 (Augé H., 2004b :
quatrième de couverture) respecte « scrupuleusement les recommandations » du CECR, quant au manuel
Rond Point 1, (Denyer M. : 2004 : 3), il « adopte la perspective d’apprentissage par les tâches ».
Tous les auteurs de manuel de FLE semblent donc avoir pris connaissance du CECR et tous s’appliquent
à en tirer profit dans l’élaboration de leurs ouvrages.
Je vous invite à vous mettre pendant quelques minutes à la place d’un auteur. Pour ce faire, nous verrons
d’abord ce que, en tant qu’auteur, vous devez retenir du CECR. Nous verrons ensuite ce que certains de
vos collègues ont fait des apports du CECR et comment ils les ont incorporés à leur productions. Enfin,
parce que nous ne retrouvons pas systématiquement tout le CECR dans les manuels, nous verrons quels
sont vos limites et vos contraintes d’auteurs.

1. Que retenir du CECR ?


Un point important à retenir est certainement que le CECR est un cadre à l’intérieur duquel il est possible
de présenter différents ouvrages. C’est ce qui est rappelé dans l’« avertissement » (Conseil de l’Europe,
2006 : 4) :
« Soyons clairs : il ne s'agit aucunement de dicter aux praticiens ce qu'ils ont à faire et
comment le faire. Nous soulevons des questions, nous n'apportons pas de réponses. La
fonction du Cadre européen commun de référence n'est pas de prescrire les objectifs que ses
utilisateurs devraient poursuivre ni les méthodes qu'ils devraient utiliser. Ce qui ne veut pas
dire que le Conseil de l'Europe soit indifférent à ces questions. »
À défaut de prescrire, le Cadre invite cependant le lecteur a faire siens quelques principes. Et je vais
suivre dans cette communication, l’ordre dans lequel ces principes sont présentés dans le CECR.
1.1. Le plurilinguisme
En accord avec les vœux officiels de nos représentants de l’Union européenne, le CECR prône d’abord le
plurilinguisme (Conseil de l’Europe, 2001 : 11) :
« Il ne s’agit plus simplement d’acquérir la « maîtrise » d’une, deux, voire même trois
langues, chacune de son côté, avec le « locuteur natif idéal » comme ultime modèle. Le but
est de développer un répertoire langagier dans lequel toutes les capacités linguistiques
trouvent leur place. Bien évidemment, cela suppose que les langues offertes par les
institutions éducatives seraient diverses et que les étudiants auraient la possibilité de
développer une compétence plurilingue. »
Dans la pratique des systèmes éducatifs de l’Union européenne, les gouvernements des pays non
anglophones ayant souvent privilégié l’enseignement de l’anglais comme première langue
étrangère, quand il est proposé, l’enseignement du français devrait entrer sans difficulté dans ce
principe de plurilinguisme.
1.2. L’approche actionnelle
Bien que le CECR se veuille « non dogmatique » (Conseil de l’Europe, 2001 : 13), il souhaite privilégier
une perspective actionnelle qu’il définit ainsi (Conseil de l’Europe, 2001 : 15):
« La perspective privilégiée ici est, très généralement aussi, de type actionnel en ce qu'elle
considère avant tout l'usager et l'apprenant d'une langue comme des acteurs sociaux ayant à
accomplir des tâches (qui ne sont pas seulement langagières) dans des circonstances et un
environnement donnés, à l'intérieur d'un domaine d'action particulier. »
Cette perspective, parce qu’elle semble rompre avec l’approche communicative, est un des points au
centre de beaucoup de discussions à propos du CECR. Elle n’est pourtant pas tout à fait nouvelle, comme
le rappelle Christian Puren (Puren Ch., 2006 : 39) :
« toutes les méthodologies ont eu leur propre perspective actionnelle : toutes se sont
constituées en fonction d'un certain agir d'usage de référence, et il se trouve que la tâche
d'apprentissage de référence a toujours été conçue dans une relation d'homologie maximale
avec cet agir social. En d'autres termes, on a toujours privilégié en classe le type de tâche qui
correspondait le mieux au type d'action auquel on préparait les élèves. »
La perspective actionnelle est donc la continuité des approches précédentes, donc la continuité de
l’approche communicative. Les actions qu’évoquent le CECR dépassent la seule communication :
l’apprenant est un acteur social qui doit faire avec l’autre, agir avec l’autre pour plus tard vivre et
travailler avec l’autre. En conséquence, les tâches ne sont plus nécessairement limitées à des échanges
langagiers et réclament de l’apprenant le recours à toutes ses compétences. L’apprentissage ne doit plus
être défini d’objectifs langagiers mais défini dans des actions sociales. Le modèle d’enseignement qui
correspond à ce principe d’apprentissage est la « pédagogie du projet » ; c’est un modèle déjà largement
utilisé dans les établissements primaires et secondaires français.
Pour en savoir plus sur les tâches, en plus du CECR, je vous renvoie à Francis Goullier (2005) qui
intervenait ce vendredi 3 novembre, et à son livre Les outils du Conseil de l’Europe en classe de langue,
Cadre européen commun et Portfolios.
1.3. Les niveaux communs de références.
Les six niveaux communs de références forment certainement la partie la plus connue du CECR, plus
encore depuis que les diplômes et tests de langues (DELF, TEF, TCF…) les ont adoptés. Numérotés de
A1 à C2, les niveaux font l’objet de la construction de descripteurs pour chaque caractéristique de
l’expression ou la compréhension (voir, par exemple, Conseil de l’Europe, 2001 : 25).
Il est à noter les connaissances et compétences requises à chaque niveau augmentent de façon
exponentielle. Des indications horaires sont souvent données pour rendre les niveaux plus
compréhensibles par les enseignants (par exemple, 60 à 80 heures d’enseignement pour le niveau A1, 100
à 120 heures pour le niveau A2, etc.) mais ces indications, grandement indicatives et aléatoires, ne sont
pas données dans le CECR.
En complément des descripteurs, les auteurs de manuels ont leur disposition des référentiels. Le Niveau
B2 pour le français (Beacco J.-Cl., et alii) est disponible depuis 2004, avec son compagnon Niveau B2
pour le français, textes et références (Beacco J.-Cl., et alii, 2004). Il présente de longues listes d’éléments
supposés acquis à la fin de la formation dans le niveau. Il ne reste donc plus aux auteurs qu’à trouver les
contextes de présentation de tous ces éléments et à les organiser dans un programme d’apprentissage.
1.4. Les stratégies d’apprentissage.
Le CECR reconnaît tout d’abord que rien ne permet réellement de dire comment les apprenants
apprennent (Conseil de l’Europe, 2001 : 108) :
« À l'heure actuelle, il n'y a pas de consensus fondé sur une recherche assez solide en ce
qui concerne cette question pour que le Cadre de référence lui-même se fonde sur une
quelconque théorie de l'apprentissage. »
Il note, toutefois, que les productions des auteurs de manuels « ont une influence importante sur le
processus d'enseignement/apprentissage et elles doivent inévitablement se fonder sur des hypothèses
explicites […] quant à la nature du processus d'apprentissage. » (Conseil de l’Europe, 2001 : 109)
Autrement dit, les auteurs peuvent privilégier un processus d’apprentissage ou un autre, l’important est
qu’il le disent explicitement.
Le CECR émet néanmoins quelques vœux :
« En ce qui concerne la capacité à apprendre, on attendra/exigera des apprenants qu'ils
développent leurs capacités à apprendre et leurs aptitudes à la découverte lorsqu'ils
acceptent la responsabilité de leur propre apprentissage […].Les utilisateurs du Cadre de
référence envisageront et expliciteront selon le cas les mesures qu'ils prennent pour faire
progresser le développement des élèves et étudiants vers une utilisation et un
apprentissage de la langue responsable et autonome. » (Conseil de l’Europe, 2001 : 114)
Les termes « capacités à apprendre », « aptitude à la découverte », « apprentissage de la langue
responsable et autonome » renvoient à des considérations méthodologiques importantes que je ne peux
malheureusement développer ici, mais qui apparaissent dans les manuels.
1.5. L’évaluation
Une fois encore le CECR n’impose pas un modèle d’évaluation mais invite à une réflexion sur les
différents paramètres (Conseil de l’Europe, 2001 : 119) à prendre en compte dans l’évaluation.
Cependant, le choix, par le Conseil de l’Europe, de privilégier la perspective actionnelle, d’inviter les
enseignants à mener les apprenants « vers une utilisation et un apprentissage de la langue responsable et
autonome », puis d’élaborer et de diffuser largement des Portfolios, conduit nécessairement à privilégier
certaines modalités d’évaluations. Je serai amené à en parler plus tard.
1.6. L’interculturalité
L’interculturalité est le dernier point que je souhaite relever.
Avec l’interculturalité, nous nous éloignons un peu du traditionnel apprentissage de savoirs et de savoir-
faire pour l’apprentissage d’un savoir-être :
« Dans une approche interculturelle, un objectif essentiel de l’enseignement des langues
est de favoriser le développement harmonieux de la personnalité de l’apprenant et de son
identité en réponse à l’expérience enrichissante de l’altérité en matière de langue et de
culture. Il revient aux enseignants et aux apprenants eux-mêmes de construire une
personnalité saine et équilibrée […] » (Conseil de l’Europe, 2001 : 9).
Le programme est ambitieux. Surtout quand on veut construire une personnalité saine dans une société
occidentale schizophrène, ou paranoïaque, c’est selon, qui dresse des barrières législatives ou des murs
pour se protéger de l’Autre.
Quoi qu’il en soit, il faut amener l’apprenant à une « prise de conscience interculturelle », l’ouvrir à
d’autres cultures et le pousser « à aller au-delà de relations superficielles stéréotypées » (Conseil de
l’Europe, 2001 : 84).

2. Les propositions du CECR et les manuels


2.1. Le plurilinguisme
Bon, là, je commence mal. Les auteurs des manuels de FLE publiés en France ignorent qui seront les
apprenants utilisateurs de leurs manuels. Ces livres ont une vocation universelle, ou à tout le moins
internationale, et il n’est guère possible de prendre en compte les compétences linguistiques autres des
apprenants. Si les manuels étaient, par exemple, publiés au Portugal à destination d’un public lusophone,
là, cette dimension pourrait être prise en compte.
Il revient donc à l’enseignant de tirer profit des connaissances et compétences de ses apprenants en
langue-culture maternelle et en langue-culture étrangère.
2.2. L’approche actionnelle
Les manuels manient avec difficulté les termes « perspective actionnelle » et « tâches ».
Certains affirment leur choix méthodologique. Escales 1 (Blanc J., 2001 : 3) est « une méthode
communicative en ce qu’elle attribue un rôle central à l’apprentissage par la communication » et elle
propose « de véritables tâches de communication dans un contexte culturel ».
Alter ego 1 privilégie les tâches communicatives, mais il souhaite toutefois que l’apprenant soit « actif »
et qu’il aille « progressivement vers une autonomie » (Berthet A., 2006 : 3).
De la même manière Édito (Heu É., 2006 : 3) parle d’une « approche par tâches communicatives
authentiques, grâce auxquelles l’étudiant développera des savoir-faire en interaction ». Toutefois, dans
ce manuel, « à la fin de chaque unité, une page “Ateliers” rassemble des tâches/projets à réaliser en
groupes », telles qu’une revue de presse, une fiche d’information touristique ou un projet de voyage.
Certains se placent sans problème dans l’approche actionnelle. Tout va bien 1, par exemple, nous dit dans
son Guide pédagogique que « tous – adultes et grands adolescents – remplissent une fonction sociale
déterminée et utilisent à cet effet la langue étrangère », ce qui amène les auteurs à se situer « dans le
courant d’une perspective de type actionnel » (Augé H., 2004 : 4). Et Tout va bien 1 propose
effectivement des tâches au sens où le CECR voudrait l’entendre. Elles apparaissent dans la table des
matières et quatre pages y sont, à chaque fois, consacrées, comme par exemple, page 57, un « concours
culinaire ».
Rond Point 1 est le manuel qui présente de la manière la plus visible (c’est écrit sur la page de couverture)
et de la manière la plus complète l’approche choisie. Il « adopte la perspective d’apprentissage par les
tâches recommandée par le Cadre européen commun de référence pour les langues » (Denyer M.,
2004 : 3).
Chaque unité est donc organisée autour d’une tâche grâce à laquelle les apprenants peuvent communiquer
et donc, logiquement, acquérir la langue. Par exemple, dans l’unité 5 (Labascoule J., 2005 : 47), les
étudiants sont mis dans la situation d’une sélection de candidats qu’ils doivent construire petit à petit,
pour laquelle ils doivent, entre autres, apprendre à « parler de [leur] parcours de vie » et ainsi utiliser « le
passé composé ».
Bien évidemment, parce que le manuel est obligé d’apporter à un moment ou un autre un minimum
d’éléments linguistiques, les apprenants sont contraints parfois d’oublier un peu les actions sociales pour
mener des activités plus « traditionnelles », comme : « Remplissez les espaces avec les verbes conjugués
au présent et choisissez la préposition qui convient » (Labascoule J., 2005b : 63) :
Il faut noter qu’à côté de la communication authentique suscitée par les tâches, il reste quand même, et
nécessairement, dans la situation d’enseignement-apprentissage :
- une communication de fiction ;
- une communication didactique ;
- une communication métalinguistique.
2.3. Niveaux communs de références.
Il n’est pas un manuel qui n’y fasse directement référence. Les manuels proposent en parallèle des
activités de préparation au DELF correspondant au niveau enseigné.
Il se pose toutefois un problème de répartition des niveaux du CECR dans les différents livres des
manuels. Les niveaux du CECR, je l’ai dit, n’étant pas égaux en quantité de contenu, les auteurs et les
éditeurs sont ainsi parfois amenés souvent à mettre ensemble dans un premier volume le niveau A1 et une
partie de A2, dans un second volume une partie de A2 et une partie de B1. Certains toutefois, Taxi 1 par
exemple, consacrent un volume au seul niveau A1.
Rares sont les manuels de niveau B2. On peut d’ailleurs s’interroger sur la taille et le contenu d’un
manuel qui voudrait présenter les contenus du niveau B2 aussi bien que les manuels le font pour le niveau
A1 ou A2.
2.4. Apprentissage.
Certains auteurs invitent de façon claire l’apprenant à aller vers une autonomisation de l’apprentissage,
comme Escales 1 qui veut un « apprenant actif » qui puisse développer « une aptitude à la découverte »
et « prendre en charge son propre apprentissage » (Blanc J., 2001 : 3).
Tout va bien ! a prévu des activités pour que l’apprenant puisse « élaborer son profil d’apprenant et faire
le point sur son apprentissage » (Augé H., 2004a : 35). Ce même Tout va bien ! propose, comme
d’autres, des activités où l’apprenant est effectivement à découvrir les règles de fonctionnement de la
langue-culture. Il offre également à l’apprenant des pauses dans l’apprentissage pour réaliser des activités
métacognitives.
Le fait également, pour la plupart des ensembles didactographiques, que d’une part, le cahier d’exercices
comporte un disque audio avec des activités, et que, d’autre part, il inclue les corrigés des exercices,
participe également à l’autonomisation des apprenants.
Enfin, pour que l’apprenant puisse réellement découvrir la langue-culture sans une nécessaire présence de
l’enseignant, il me semble indispensable que le livre et le cahier d’exercices fournissent toutes les
activités dont l’apprenant a besoin pour apprendre, donc des activités de découverte, d’application et de
réemploi en nombre suffisant. Ce qu’hélas ne font pas tous les manuels.
2.5. L’évaluation
Les manuels récents apportent deux éléments importants pour l’évaluation :
- d’une part, des activités de préparation au DELF-DALF qui, par leur nature communicative et ancrée
dans des réalités francophones, permettent d’aller plus loin que les antiques tests en grammaire et
vocabulaire.
- d’autre part, des autoévaluations ou des portfolios. C’est le cas, par exemple, entre autres, d’Alter ego,
de Forum, et de Festival… Il resterait bien évidemment à analyser le contenu desdits portfolios.
La grande absence, à mon humble avis, ce sont les grilles d’évaluation, telles qu’on les trouve dans les
épreuves du DELF-DALF et qui sont une assurance d’évaluation selon des critères prédéfinis ;
l’évaluation critériée est un des paramètres cités par le CECR.
2.6. L’interculturalité
L’interculturalité relève de la formation à un savoir-être. Il s’agit de changer l’attitude de l’apprenant, si
besoin est, pour qu’il soit plus réceptif aux autres cultures, aux autres comportements, à l’autre. Ce
savoir-être ne peut guère se construire que dans la classe et la sensibilisation interculturelle appartient
essentiellement à l’enseignant. Les manuels proposent cependant des pistes d’échanges interculturels.
Forum 3 invite les apprenants à parler de leurs superstitions nationales, Taxi ! 1 les fait réfléchir sur la
politesse et les célébrations, tandis que Tout va bien ! 2 les invite au mariage.
Ces quelques activités ne sont sans doute pas suffisantes pour former un véritable savoir-être interculturel
chez l’apprenant et c’est tout le savoir-faire didactique de l’enseignant qui pourra faire la différence.

3. Limites et contraintes
3.1. L’éditeur
Les premières limites sont sans nul doute des limites éditoriales.
Le manuel doit d’abord avoir une vocation internationale. Il n’est donc pas destiné à un public spécifique,
spécifique au minimum par sa langue maternelle. Les auteurs ne peuvent donc prendre en compte les
caractéristiques du public pour proposer des matériaux adaptés à ce public.
Par ailleurs, le mode de fabrication des manuels impose généralement un nombre de pages. Si l’éditeur
vous annonce que le manuel fera 192 pages, il n’en aura pas 193 ou 217. Pour des raisons de coût de
revient, et donc de vente, il y a peu de chances également que l’éditeur accepte de sortir un ouvrage de
224 ou 256 pages. La place dont les auteurs disposent pour présenter leurs activités est limitée et ils sont
amenés à faire des choix.
D’autant qu’ils ne choisissent pas seuls le contenu des pages. L’éditeur a son mot à dire sur l’organisation
du manuel, sur les photos et images, sur les titres, sur la mise en avant de pratiques méthodologiques. Il y
a des choix éditoriaux qui sont imposés aux auteurs.
C’est également l’éditeur qui décide s’il va adjoindre au manuel un cahier d’activités pour le DELF (Alter
ego en propose un), une vidéo, un disque audio pour le cahier, un portfolio, etc. L’ensemble de ces choix
éditoriaux a une influence certaine sur l’élaboration du manuel.
3.2. La langue
Les manuels publiés en France le sont en français. C’est une bonne chose parce que l’apprenant découvre
sa langue cible chaque fois qu’il ouvre le manuel et aucune autre langue. C’est sans doute moins bien, au
niveau débutant en particulier, pour toutes les activités qui pourraient amener l’apprenant vers une
autonomisation et pour le portfolio : il me semble clair qu’il est plus facile d’avoir une réflexion
métacognitive sur l’apprentissage qui soit faite dans sa langue maternelle : moi qui ai un niveau A1 en
allemand, j’ai bien du mal à remplir un portfolio en allemand. Les auteurs peuvent bien évidemment
simplifier à l’extrême les portfolios pour les rendre compréhensibles, mais ceux-ci gardent-ils alors toute
leur pertinence ?
3.3 L’enseignant
L’enseignant est un élément important dans l’apprentissage. Quel que soit le manuel, il faut que
l’enseignant soit bon pour que l’apprentissage se déroule correctement. Si le manuel propose un éventail
d’activités à mener en classe, il est certaines tâches qui sont réservées à l’enseignant. L’enseignant
connaît ses apprenants et est donc le seul à pouvoir répondre de façon personnelle à leurs besoins et
souhaits. L’enseignant est l’intermédiaire qui permet d’adapter le manuel au contexte particulier du
groupe d’apprenants.
En outre, si des savoirs et savoir-faire peuvent être apportés par le manuel, le développement des savoir-
être relève essentiellement de l’enseignant. Le manuel peut offrir des documents d’études et des pistes
d’apprentissage, mais il y a un savoir-faire professoral nécessaire pour l’amélioration des compétences de
l’apprenant.
Enfin, même si le manuel peut mettre en avant des démarches méthodologiques, il n’y a aucune assurance
que ces démarches seront mises en place. J’ai rencontré des collègues qui ne comprenaient pas comment
on pouvait laisser les apprenants découvrir la langue-culture, certains qui ne savaient pas utiliser une
grille d’évaluation critériée, d’autres qui confondaient savoirs culturels et démarche interculturelle, et
beaucoup enfin qui n’avaient que faire des portfolios et des autoévaluations parce que faire réfléchir
l’apprenant sur son apprentissage pourrait l’amener, insidieusement, à réfléchir aussi sur l’enseignement.

Conclusion
J’ai essayé de montrer que les manuels essaient, chacun à sa façon, de faire leurs les principes présentés
dans le CECR. Il y a, dans certains manuels, des absences importantes, des manques, des points négatifs,
des contradictions parfois.
Le CECR a maintenant dix ans. Il est clair qu’il est devenu une référence pour tous les auteurs de manuels
en France et que lesdits auteurs essaient, autant que faire se peut, de prendre en compte le CECR dans
l’élaboration de leurs ouvrages. Nous pouvons nous en féliciter, même si les manuels ont encore des
défauts.

Bibliographie
Ouvrages de référence
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