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L'humour
Franck Evrard
HACHETTE
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ISBN 2-01-145180-9
© Hachette Livre, Paris, 1996
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part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage privé du copiste
et non destinées à une utilisation collective », et d'autre part, que les analyses et les
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75006 Paris), constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les Articles 425 et
suivants du Code pénal.
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Introduction
Alors que le synonyme fluid renvoie à l'histoire du mot, à son origine latine
humor, qui désigne une humeur et un fluide, Wit fait référence à un contenu,
au mécanisme rationnel intemporel et universel, présent dans l'« esprit ».
Aussi est-il nécessaire, dans un premier temps, de combiner une approche
théorique et logique avec une approche descriptive et historique qui s'effor-
cera de replacer l'étude de l'humour dans le cadre général d'un historique de
son évolution. Au cours des siècles, le comique a pris logiquement des formes
différentes. Alors que la parodie domine au Moyen Âge, elle est supplantée
par la satire sociale au XVII siècle comme forme militante et critique, par
l'ironie philosophique au XVIII siècle, et sans doute par l'humour à partir du
XIX siècle. Aujourd'hui, ce qu'André Breton appelle « le mystérieux échange
du plaisir humoristique » (Anthologie de l'humour noir, Jean-Jacques Pauvert,
1966, p. 12) a pris une telle valeur et correspond tellement aux exigences de
la sensibilité moderne que bien des œuvres poétiques, artistiques, scienti-
fiques, des systèmes philosophiques et sociaux, peuvent donner l'impression
de se soumettre à son principe.
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Mais l'humour n'a pas de types, de thèmes ou de motifs qui ne soient qu'à lui ;
il ne s'impose pas de restrictions stylistiques ou lexicales ; il n'a ni séquences
situationnelles ni fonctions narratives propres ; ce n'est donc pas un genre.
(Michael Riffaterre, Modern Language Notes, LXXXXVII, June 11, 1972,
« Fonction de l'humour dans Les Misérables », p. 71).
qui interprète l'effet. Caractérisé par des ruptures, par la transgression des
conventions tacites qui règlent l ' é c h a n g e ordinaire, l ' h u m o u r instaure u n e
communication ambiguë, alternant la solidarité (« rire avec ») et l'exclusion
(« rire de »). Entre distance et complicité, désengagement et adhésion affec-
tive, l ' h u m o u r fait appel à la complicité d'autrui, lance un clin d'oeil vers
l'autre, le tiers spectateur ou auditeur, indispensable à sa réalisation. Freud a
insisté sur la valeur relationnelle et sociale du Witz, une opération psychique
qui oblige l ' i n t e r l o c u t e u r à u n d é c o d a g e bien particulier. L o i n d ' ê t r e u n
c o n s o m m a t e u r passif et naïf de discours, le lecteur, avec ses compétences
linguistiques, son savoir e n c y c l o p é d i q u e e t . . . son sens de l ' h u m o u r , est
convié à une activité coopérative qui, stimulant son intelligence, l'invite à se
mouvoir dans les différents degrés de la signification.
TEXTE
Dans la conclusion de son essai, Robert Escarpit, qui insiste sur la difficulté
à cerner la singularité du phénomène humoristique, se risque néanmoins à
une définition de l'humour comme « art d'exister ».
Il n'est même pas sûr que l'humour soit toujours dialectique. Au risque de
mettre en doute le seul caractère de l'humour que nous ayons affirmé avec
quelque assurance, reconnaissons que le mouvement de bascule n'est pas
toujours parfaitement dessiné. Il serait outrecuidant de prétendre répertorier
en quelque cent vingt-cinq pages toutes les manifestations d'un phénomène
aussi complexe. On découvrirait sans doute, en cherchant bien, d'indiscu-
tables humours que rien ne distingue de ce que nous avons appelé l'ironie,
sinon une fugitive nuance. On trouverait aussi des humours sans ironie. C'est
là un domaine vague, où les frontières sont imprécises et où les mots sont
trompeurs.
Il semble pourtant qu'au bout de cette étude il soit possible d'entrevoir une
forme générale, un mouvement, une intention - ce que la langue anglaise
appellerait un pattern (mot pour lequel, n'en déplaise aux puristes, il n'y a
pas de traduction). C'est une volonté et en même temps un moyen de briser
le cercle des automatismes que, mortellement maternelles, la vie en société et
la vie tout court cristallisent autour de nous comme une protection et comme
un linceul.
Robert Escarpit, L'Humour, P.U.F., coll. « Que sais-je? », 1960, pp. 126-127.
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Ils ont un terme pour signifier cette plaisanterie, ce vrai comique, cette gaieté,
cette urbanité, ces saillies qui échappent à un homme sans qu'il s'en doute; et
ils rendent cette idée par le mot humeur, humour, qu'ils prononcent yumor, et ils
croient qu'ils ont seuls cette humeur, que les autres nations n'ont point de terme
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Jusqu'à la fin du XIV siècle, l'humour conservera un sens proche d'« esprit »,
Littré définissant encore le mot par « gaieté d'imagination, verve comique »,
alors qu'en anglais, le sens du mot désigne la faculté de présenter une réalité de
façon plaisante, insolite ou absurde avec une attitude détachée. Le mérite
revient à Madame de Staël, à la fin du XVIIIe siècle, d'avoir proposé une défi-
nition de l'humour anglais plus précise et exhaustive que celle de Voltaire :
La langue anglaise a créé un mot, humour, pour exprimer cette gaieté qui est une
disposition du sang presque autant que de l'esprit; elle tient à la nature du climat
et aux mœurs nationales [...]
(De la littérature, 1 partie, chap. XV).
inaugural d ' Roi en 1896. Dans Questions de théâtre, Jarry justifie ainsi
la valeur de la provocation : « C'est parce que la foule est une masse inerte
et incompréhensive et pensive qu'il la faut frapper de temps en temps, pour
qu'on connaisse à ses grognements d'ours, où elle est - et où elle en est. »
De nombreux intellectuels se sont mépris sur la vulgarité provocatrice des
sketches de Coluche avant d'y voir un humour au second degré qui se moque
de la xénophobie, du racisme, du poujadisme du public populaire.
Buveurs très illustres et vous, vérolés très précieux (c'est à vous, à personne
d'autre que sont dédiés mes écrits), dans le dialogue de Platon intitulé Le
Banquet, Alcibiade faisant l'éloge de son précepteur Socrate, sans conteste
prince des philosophes, le déclare, entre autres propos, semblable aux Silènes.
L'humour noir demande ainsi une mise en jeu toute particulière de ce que l'on
pourrait appeler notre appréhension négatrice, il suppose notre pouvoir de
prendre tout à contresens, ou du moins à faux-sens.
( du surréalisme, Flammarion, 1977, p. 88).
dique sur des stéréotypes sentimentaux et des artifices de mauvais goût. Les
lectures modernes de Kafka, comme celle par exemple de Milan Kundera,
insistent sur l'humour et le comique dans l'horrible :
Quand Kafka a lu à ses amis le premier chapitre du Procès, tout le monde a ri, y
compris l'auteur. Philippe Roth rêve d'un film tourné d'après Le Château : il
voit Groucho Marx dans le rôle de l'arpenteur K. et Chico et Harpo dans ceux
des deux aides. Oui, il a tout à fait raison : le comique est inséparable de
l'essence même du kafkaïen.
( du roman, op. cit., p. 131).
TEXTE
Conclusion
présente sans doute une certaine facilité. Pourtant, cette définition a le mérite
de cerner l'instabilité, la subtilité et l'ambiguïté de l'humour, ce philosophe,
vagabond insaisissable et imperceptible, qui rit sans rire, comme l'a décrit
Jankélévitch. Avec ses lignes de fuite, ses mouvements de déterritorialisation
et de déstratification, l'humour ressemble au « rhizome », ce plan d'imma-
nence qui, selon Gilles Deleuze, permet d'échapper à ce qui fixe dans une
identité, confine dans une appartenance et immobilise dans un sens. Traçant
dans un texte une ligne de multiplicités qui va vers l'infini, l'humour semble
inviter le lecteur à entrer dans un procès de métamorphose, à devenir un « bloc
de devenir » où il évolue vers lui-même.
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Bibliographie sélective
■ O u v r a g e s g é n é r a u x s u r l ' h u m o u r et le c o m i q u e
■ H u m o u r et sciences h u m a i n e s
■ R h é t o r i q u e et s é m i o t i q u e
■ Ouvrages divers