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Adequation Emploi Qualification Formatio
Adequation Emploi Qualification Formatio
Jacques Ginestié
Équipe Gestepro
UMR ADEF
IUFM d’Aix-Marseille
32, rue Eugène Cas
13248, Marseille Cedex 04
j.ginestie@aix-mrs.iufm.fr
Résumé
L’adéquation entre l’emploi, les qualifications, les formations qui dispensent ces qualifications et le
système éducatif qui alimente les dispositifs de formation sont intimement liés sans pour autant
que ces liens soient explicites ou qu’ils soient organisés. Organiser ces liens suppose d’anticiper et
de planifier l’organisation sociale du travail et de l’emploi. En effet, mettre en place des dispositifs
de formation professionnelle suppose de construire des établissements, de recruter et de former
des enseignants ou des formateurs, de concevoir des curriculums et des dispositifs de formation,
d’attirer des jeunes vers ces formations et ces qualifications, etc. Ceci est un processus complexe
qui suppose des engagements financiers importants.
Pour les pays développés, l’Europe, l’Amérique du Nord, le Japon, il existe de nombreux
instruments de mesure qui permettent d’apprécier les tendances, de prévoir, autant que faire ce
peut, les évolutions et donc de planifier le développement. Pour autant, ces mesures ne
permettent que de réduire les risques pris et les exemples sont nombreux, en France comme
ailleurs, de lourds dispositifs de formation professionnelle mis en œuvre qui n’ont pas débouché
sur des emplois. Le coût social de ces échecs est toujours très élevé.
Pour les pays émergents, comme le Gabon, de tels outils de mesure n’existent pas ou, lorsqu’ils
existent, ne couvrent que partiellement les différentes composantes sociales. De fait, prévoir les
secteurs en développement, ceux à développer, les emplois générés, les qualifications
nécessaires pour occuper ces emplois, les formations à mettre en œuvre sont autant d’inconnus
d’une équation impossible à résoudre.
Dans cette communication, à partir d’une étude faite sur le système gabonais, nous examinerons
quelques-uns des éléments qui permettent de qualifier les liens entre les termes de cette équation.
Cela nous conduira à examiner quelques possibles, obstacles et difficultés rencontrés pour penser
ces articulations.
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1. INTRODUCTION
Le travail présenté ici résulte d’une importante étude conduite à l’initiative conjointe des ministères
de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur. Plusieurs éléments sont à l’origine de
cette initiative et de nombreux rapports précédents soulignaient les points forts et les faiblesses du
système éducatif gabonais. Aucun ne s’intéressait globalement à cette question de l’articulation
entre le système éducatif et l’insertion professionnelle des élèves à leur sortie, plus ou moins
précoce du système éducatif. Dans cette présentation, un premier temps sert à repérer quelques
touches de ce tableau particulièrement contrasté. Dans un second temps, un ensemble de
propositions essaie de dresser des perspectives de développement durable car fondées sur un
pari d’avenir : miser sur l’éducation et la formation des jeunes. En ce sens, l’expérience gabonaise
est remarquable et mérite d’être rmarquée.
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beaucoup évolué. Le secteur de la vente est un secteur très dynamique au Gabon mais c’est là,
plus qu’ailleurs, où le secteur informel occupe une place importante. À côté de commerces
structurés, il existe tout un large pan de l’activité commerciale qui échappe plus ou moins à toute
organisation. L’organisation de ce secteur va bien au-delà d’une simple organisation de la
formation professionnelle. En revanche, le développement de fonctions commerciales auprès des
entreprises de service ou des commerces organisés (par exemple, les chaînes de supermarchés)
s’accompagnera d’un besoin en main d’œuvre spécialisée, rare actuellement. Dans les secteurs
émergents que l’on voit poindre et qui sont peu ou pas pris en compte, les fonctions de technico-
commercial ne sont pas réellement développées.
De nombreux autres secteurs d’activités ne sont pas ou peu présents au Gabon. Le secteur
sanitaire et social est largement à inventer au-delà des métiers de la médecine (médecins,
spécialistes, infirmiers, etc.), dans les secteurs de l’aide de proximité au développement et à
l’insertion sociale et professionnelle ou dans les secteurs paramédicaux. Le secteur touristique,
malgré un énorme potentiel naturel, est quasiment inexistant. Enfin, tout le secteur du service
rendu aux usagers est très inégalement développé au Gabon, certains pans entiers sont pris en
charge avec plus ou moins de bonheur par le secteur informel tel les nouvelles technologies
(informatique, réseau, audiovisuel, etc.) rendent de plus en plus complexe la maintenance de ces
matériels, tout autant que leur mise en œuvre ou leur commercialisation. De fait, le secteur
informel va être de plus en plus inadapté pour prendre en charge tout ou partie de ce secteur car
l’acquisition des compétences nécessaires ne repose plus sur la transmission par imitation et/ou
essai erreur. Il est nécessaire de développer des compétences, non dans la conception de ces
produits mais dans leur mise en œuvre et dans leur entretien.
Le Gabon souffre cruellement d’un manque d’outils statistiques fiables, susceptibles de donner des
indicateurs précis sur les besoins en qualifications, sur l’évolution des emplois et sur les
demandeurs d’emplois. Par exemple, les seules données disponibles sont produites par l’Office
national de l’Emploi (ONE) :
i. Les offres d’emplois recueillies se limitent à celles émises par les entreprises qui font appel aux
deux agences de l’ONE, pour qu’elles les aident dans leur processus de recrutement. Il n’y a
pas d’étude systématique du marché de l’offre d’emplois, indépendamment des missions
d’aides au recrutement. Pour l’année 2003, l’ONE a reçu 587 offres d’emplois émanant de
198 entreprises. L’offre ainsi recensée correspond à environ 0,6% de la population active
occupée.
ii. Les demandeurs d’emplois répertoriés ne sont que ceux qui se sont volontairement inscrits
auprès de l’ONE. Tous les autres ne rentrent pas dans ces statistiques car il n’y a aucune
obligation à se déclarer sans emploi. Pour l’année 2003, ont ainsi été enregistrées 2 369
demandeurs d’emplois soit 0,8% d’une population active évaluée à plus de 300 000 personnes,
alors que le taux de chômage est de l’ordre de 20%.
iii. A l’heure actuelle, l’ONE ne couvre que les zones de Libreville et Port-Gentil. Même si ces
deux agglomérations couvrent la majeure partie de la population gabonaise (environ 59% de la
population mais seulement 44% de la population active et 40% de la population active
occupée), il est de fait très difficile d’avoir des indications portant sur tout le territoire.
iv. Certains secteurs d’activités (le secteur primaire, par exemple) ou certaines branches
professionnelles (par exemple, peintre en bâtiment, plombier, hôtesse d’accueil, préparateur en
laboratoire, etc.) ne sont que peu ou pas représentés ;
v. Une grande partie des emplois et des employeurs relève du secteur informel et échappe ainsi à
tout repérage des besoins et de leur évolution.
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De fait, en l’absence d’indicateurs fiables, la définition des emplois n’a qu’une valeur
« circonstancielle », limitée à des besoins immédiats et facilement formulables par les entreprises.
Bien sûr, nous constatons une forte variation dans ces descriptions, comme nous l’avons évoqué à
maintes reprises, entre les grandes entreprises structurées et les entreprises du secteur informel.
En tout état de cause, la définition des emplois est un processus complexe et de nombreuses
études montrent la difficulté à conduire ce genre d’opération, soulignant ainsi la fragilité des
descriptions produites. Dans de nombreux cas, la description se limite à une succession de tâches
que l’employé a à exécuter. Quelquefois ces tâches sont assorties des compétences requises pour
les accomplir (compétences qui sont d’ailleurs plus largement formulées en termes d’habiletés)
mais plus rarement on a des descriptions qui organisent réellement la professionnalité et les
techniques associées (voir par exemple, à ce sujet, l’étude européenne sur la description des
compétences liées à l’employabilité ; Ginestié, 2000 ; FraÏoli, Ginestié, 2001).
L’ONE utilise comme base de travail les descriptifs français des emplois selon la nomenclature
ROME (registre officiel des métiers et des emplois). Cette nomenclature permet de définir un
emploi à partir du métier auquel il correspond. Chaque métier est ainsi caractérisé en trois parties :
sa description, le contexte général d’exercice et les compétences et les spécificités de ce métier.
Ce genre de description part de deux principes fondamentaux : l’entreprise sait ce qu’elle cherche
et le professionnel a des compétences attestées. Le recrutement est donc un travail de
rapprochement de l’offre et de la demande qui repose sur un travail d’adaptation de la description
formelle donnée par le ROME à la situation particulière. Un tel processus d’adaptation met en
lumière la fragilité de la définition des emplois, qui a pour conséquence la fragilité de la définition
des qualifications qui les caractérisent.
De fait, compte tenu des faibles effectifs d’étudiants formés, la diversité des diplômes pour chaque
niveau de qualification ne se justifie absolument pas. Trois inconvénients majeurs apparaissent
dans ce dispositif :
o le manque de lisibilité de la correspondance entre le diplôme obtenu et la qualification atteinte :
sanctionner le même niveau de qualification par des diplômes différents pose le problème de la
comparaison entre les diplômes. Cette diversité affaiblit l’adéquation entre le diplôme, le métier
et l’employabilité des jeunes diplômés. Le manque de lisibilité qui en découle est général : les
étudiants ont du mal à savoir quel est le bon diplôme, celui qui accroît les chances d’obtenir
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une bonne qualification et un emploi ; les employeurs ont du mal à savoir quel diplômé choisir
et vont donc privilégier plutôt une relation de connaissance et de proximité qu’une réelle
stratégie de recrutement ; les institutions publiques ont du mal à déterminer quelle formation
améliorer, quelle formation développer et quelle formation arrêter ;
o le manque d’homogénéité des niveaux d’exigence pour chacun de ces diplômes : le fait que
des étudiants, régulièrement et de manière quasi-systématique, se présentent aux différents
diplômes pour un même niveau de qualification relève d’une stratégie d’accroissement des
chances de réussite. Cela met en exergue le fait que les niveaux d’exigence ne sont pas les
mêmes. En corrélation avec le précédent point, la diversité des diplômes et l’hétérogénéité des
niveaux d’exigence conduit à dévaloriser les niveaux de qualification considérés et donc à
affaiblir l’ensemble des diplômes correspondants. Cette hétérogénéité est porteuse de
possibilités de contournement de règles strictes d’obtention d’un diplôme ;
o le défaut de fiabilité, généré par la diversité dans le système de délivrance des diplômes : la
multiplication des institutions ministérielles chargées de valider ce système en rend complexe
le contrôle, que ce soit au niveau de l’organisation des épreuves de validation, de la définition
de leur contenu et des niveaux d’exigence qui s’y rapportent ou de l’évaluation des productions
des élèves. De fait, il ne sert à rien d’avoir un système très rigoureux à un endroit s’il existe, par
ailleurs, des opportunités qui permettent d’obtenir le même niveau de qualification. En ce qui
concerne l’enseignement supérieur, ce défaut de fiabilité ne concerne pas seulement les
diplômes délivrés au Gabon par des institutions gabonaises mais également des formations
dispensées par des institutions dans d’autres pays ; par exemple, les responsables de l’ONE
indiquent clairement que certaines qualifications obtenues dans des institutions gabonaises ou
dans certains pays étrangers ne déboucheront jamais pour leurs titulaires sur un emploi.
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ressources et des contraintes locales mais cela nécessite surtout une solide formation des
enseignants, pour leur permettre de mettre en place un enseignement de qualité.
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7. CONCLUSIONS
La mise en place du Conseil National de l’Éducation, de la Formation et de l’Emploi est un premier
pas d’une construction en cours. La volonté politique manifeste de prendre en main le
développement du pays en agissant en profondeur sur la structure éducative est un enjeu
considérable qui va bouleverser les fondements mêmes de la société gabonaise au travers des
éléments les plus forts : la structure de l’emploi, l’organisation des rapports aux savoirs, la
formalisation des compétences à acquérir et donc des savoirs à enseigner. Cet ensemble
complexe doit se construire de manière originale, il s’agit de penser globalement pour agir
localement. C’est le pari de ce début de XXIème siècle qu’il faut relever.
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