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LE CHAMANISME
ANCÊTRE DU
DRUIDISME
En 1802, un enfant, Elias Lonnrot, naît en Finlande sur les bords du lac
Valkjärvi. Petit paysan fait d’îles et de vent, il est très vite fasciné par les
Bardes qui chantent leurs runots. Au début du XIXe siècle, en effet, des
chanteurs parcourent encore la terre finnoise. Nantis de leur cithare, le
kantélé, ils modulent de village en village les « mots de l’origine », soit la
geste des ancêtres. Mais leurs lieder, jamais transcrits, se seraient perdus
sans Lonnrot. Ayant obtenu ses diplômes de médecine, celui-ci décide de
réunir ces chants. Tâche ardue : déjà les conteurs se font rares. Ils se
cachent, craignant d’être cités en justice pour sorcellerie, car leurs poèmes
débouchent sur la magie… Lönnrot part à leur recherche, en Laponie, en
Russie, en Estonie, en Livonie et surtout en Carélie. C’est là qu’il écrit sous
la dictée des derniers grands Bardes les runes secrètes dont l’origine
remonte à la nuit des temps. Il en résulte un ensemble éblouissant de
cinquante mille vers d’une incomparable beauté !
Révélé au public sous le titre de Kalévala : Terre des géants, son contenu
paraît lié à une très antique tradition préceltique. L’archaïsme de ses
tournures, sa simplicité, sa transparence nous inclinent du moins à le penser.
Certes les thèmes primitifs ont reçu quelques ajouts mais dus à des chantres
qui restaient branchés sur l’âme collective. Lönnrot, quant à lui, se gardait
de tout remaniement. Il nous livrait, pure, cette poésie séculaire que les lacs
et les forêts touffues avaient protégée des courants dits civilisateurs.
Or que retrouvons-nous à travers l’épopée kalévalienne ? Les hommes,
les coutumes, les croyances, les rites, la magie décrits par les observateurs
du monde chamanique ; et régnant sur cette histoire mythique, des sages
s’envolant dans l’espace, plongeant dans les Enfers et parlant — en
chamans — la langue des oiseaux !
Des lignes de force méconnues relieraient-elles les îles de Finlande aux
îles d’Irlande et de Bretagne ?
Alors qu’Elias Lönnrot entreprend sa queste de Bardes, quelques lettrés
occidentaux tournent le dos à la culture gréco-romaine dont ils sont
imprégnés. Ils balaient les poussières du classicisme sous lesquelles dort
l’héritage celtique. Des Gallois, des Irlandais prennent la tête du
mouvement. Ils redécouvrent les poèmes et les chants de leurs pays que les
anciens Fillii — détenteurs du message druidique — apprenaient par cœur
pour les transmettre de père en fils. Les Druides interdisant l’écriture de la
tradition sacrée, il avait fallu attendre l’ère chrétienne pour qu’ils fussent
transcrits par les moines. Ceux-ci les édulcorèrent suivant leurs propres
croyances mais sans parvenir à en altérer la signification. Et leur œuvre,
achevée avant le déferlement scandinave, reste parfaitement originale.
D’autant que l’Irlande n’a pas été occupée par les Romains destructeurs
d’humanisme. Demeurée intégralement celtique, elle a perpétué, à travers
les enluminures monastiques, le plus pur du génie celte.
C’est sur cette route que nous allons les suivre. D’autant mieux que le
nom des Tuhata à consonance runique est proche de Tiuth, dieu de
l’Hyperborée, régent de la Polaire et de l’île de Thulée… De cette Thulée
que Goethe, contemporain de Lönnrot, nous a léguée dans une ballade à
jamais inscrite dans notre inconscient de race. Le roi de Thulée, nous dit-il,
était
Puis, sur le point de mourir à son tour, entouré de ses chevaliers, dans son
château perché sur la mer, le vieux buveur
Qui d’entre nous n’éprouve une étrange émotion à cette lecture ? Qui
n’est pris sous le charme d’une indicible mélancolie ? Comme si cet amour
perdu nous concernait directement. Comme si, par les mots d’un poète, une
vieille tendresse, latente mais inoubliable, se réveillait enfin !
L’élection chamanique
L’élection : un drame bouleversant — Les jeux du double — La névrose
initiatique — Une position mortifère — La torture, prix des pouvoirs.
La chaleur magique — Les pouvoirs brûlants — De l’hypothalamus à la
kundalini — Les chakram, nœuds d’une anatomie surréelle — Les saints et
les dieux brillent — La lévitation — Le morcellement, signe du
chaman — Les valences de l’os — Osiris en morceaux — Voir son
squelette — Ossements : ancestralité — L’héritage des ancêtres — La voix
des tertres.
Peu à peu, Antero faiblit devant la force qui l’investit. D’autant que le
Barde, exigeant « les mots de l’origine », obéit à une règle fondamentale :
la sagesse ancestrale, occultée un temps, doit être transmise :
« au puissant savoir,
Dont la bouche avait grand pouvoir
Le cœur, une science immense
Ouvrit la caisse des paroles
Délia son coffret de mots
Pour chanter les bonnes formules
Pour réciter ses meilleurs chants,
Les origines très profondes
Des sortilèges du début
Que ne chante pas chaque enfant
Que tout héros ne comprend pas.
Il dit comment se fit la lune
Comment on plaça le soleil
Dressa les colonnes de l’air
Parsema d’étoiles les cieux…
On n’avait entendu ni vu
Au grand jamais de cette vie
De chanteurs plus féconds que lui,
De magiciens plus savants…
Il chanta des jours sans arrêt
Pendant des nuits l’une après l’autre.
Le soleil descendit l’entendre,
La lune d’or prêta l’oreille…
Les flots du golfe s’apaisèrent
Le fleuve oublia de couler
La cataracte de mugir 22… »
« .. Harvor,
Pourquoi épelles-tu les runes du mal ?
Tu t’attireras malédiction.
Folle tu es devenue
Et hors de sens
De vouloir éveiller les hommes morts. »
Et il tente de la dissuader, tandis que s’ouvrent une à une les tombes dont
jaillissent des flammes :
« … Adieu…
Je brûle de partir…
Je me suis presque crue
Entre vie et mort (entre deux mondes)
Quand autour de moi
Ardaient les feux 24… »
Le clergé chamanique, quant à lui, est régi par l’aigle. Lequel est
descendu du ciel, sur ordre des dieux, pour soulager l’humanité frappée de
maladie ou de mort, et pour octroyer le don de chamaniser au premier
homme qui se présentera devant lui.
Ce premier homme est une femme… endormie sous un arbre ! Le rapace
s’empresse de la rendre enceinte avant qu’elle ne s’éveille. De cette
théogamie pratiquée en cours de rêve, naît un fils. Il est l’ancêtre des
chamans.
Cette hérédité leur accorde toutes les valences du volatile : noblesse,
altitude, vastitude. L’oiseau gîte sur un roc suspendu au-dessus de l’abîme,
traverse les nuages d’un élan, se repaît d’insectes nuisibles. Mais le
magicien lévite et à sa façon il est un prédateur, un avaleur d’ombres et de
larves dont il délivre la collectivité.
Les cultures nordiques soulignent ces analogies. Le vieux et ferme Vaïno
est sur le point de périr, noyé. Survient un aigle dont une plume rase la mer
tandis que l’autre frôle le firmament. Vaïno s’installe sur son dos et un vol
vigoureux les porte au-delà des vagues. L’Armorique reprend le thème avec
l’aigle de Gwernabwy, « l’animal le plus vieux du monde », le père de la
vie, le médium de l’Oracle divin :
— Il y a longtemps que je ne suis venu ici, dit-il, en jetant un regard
perçant sur la lande. A mon arrivée, il y avait une roche au sommet de
laquelle je becquetais les astres, chaque soir 9…
Par ces motifs, repris et chantés, de génération en génération, l’aigle
chamanique accède à la divinité. Au début du siècle dernier, l’écrivain
Alexandre von Bugge traversait les pays tartares. Il entra dans une yourte
proche du fleuve Tocharych. Dans le coin sacré, il aperçut une peau d’aigle.
— Qu’est-ce ? interrogea-t-il.
— Un bog, lui répondit-on. C’est-à-dire, un dieu !
Le blesser est sacrilège. Si, par malheur, il périt, prisonnier d’un piège,
une cérémonie funéraire doit éviter le choc en retour. Déposé dans une
écorce de bouleau, l’animal est placé — comme les morts des anciens
Yakoutes — sur une estrade ou sur une branche d’arbre. Puis l’officiant
s’adresse à lui comme à un personnage sacral :
— J’ai enseveli tes os d’airain… J’ai hissé tes ossements d’argent…
La tonalité alchimique du rituel ne peut nous échapper. Pour les
hermétistes, l’aigle signe l’apparition de l’or solaire dans l’athanor. N’est-il
pas le seul être vivant capable de fixer, sans ciller, l’astre du jour ? Pour
cette raison ses enfants-Chamans sont les « Fils du soleil » !
Quel qu’il soit, l’ancêtre totémique se perpétuera jusques aux temps
modernes. Revenant de Yakoutie en 1730, Ph. J. Strahlenberg écrit :
« Chaque famille considère comme sacrée une créature distincte, telle qu’un
cygne, une oie, un renard… L’animal tenu sacré par une famille n’est point
mangé par elle ; mais les autres peuvent le faire 10… »
Un siècle plus tard, en 1844, Chtehoukin confirme : « … Chaque famille
a son protecteur et intercesseur particulier. On se le figure comme un étalon
aux naseaux blancs, comme un corbeau, un cygne, un faucon. Ces animaux
ne sont pas consommés… »
Enfin, au milieu du XXe siècle, Harva découvre des Yakoutes
vénérant — en tant qu’animaux-totems — un aigle, une corneille, une
vache brune. Le possesseur de cette dernière déclare à l’explorateur qu’« il
est interdit de boire le lait de l’aïeule ruminante, encore moins de se nourrir
de sa chair… ».
Ces schémas se retrouvent dans toute l’aire celtique. Cûchulainn, couplé
au chien, ne peut goûter à la viande canine. Diarmaid, petit-cousin de Finn,
ne doit pas toucher au sanglier car son frère de lait mourant a pris, pour
survivre, la forme du pachyderme. Conairé se voit dans l’obligation de
renoncer à cuire des oiseaux, ses ancêtres lui apparaissant en songe sous cet
aspect.
L’aigle n’est donc pas l’unique tabou des chamans. Issu d’époques
fabuleuses, le cygne jouit parmi eux d’une renommée presque équivalente.
Outre sa blancheur chargée des prestiges du nord, il évoque l’obtention de
l’étincelle divine.
Les Grecs l’emprunteront aux Nordiques : il conduira le char d’Apollon.
Ce ne sera là que la redite d’une éblouissante image : celle de Cûchulainn
qui, âgé de sept ans, réussit à s’emparer de vingt-quatre cygnes… Puis à
attacher les palmipèdes aux brancards de son propre chariot attelé de cerfs
et de chevaux. L’attelage s’envole dans une chevauchée fantastique
annonçant celle de Lohengrin et réunissant cygne, étalon, cervidé… trois
totems de Chamans !
Cependant, ce n’est qu’en fonction du clan que l’animal totémique
accorde son aide au mage. Ce dernier doit s’appuyer sur des auxiliaires qui
n’obéissent qu’à lui et dont il est le seul maître. Tels sont les animaux
chamaniques proprement dits, soit les esprits zoomorphes. Les assistants
des kamlénies ne les décèlent pas à l’œil nu : ils n’existent qu’en tant que
radiations ! Mais le chaman les voit. Ils vivent en osmose avec lui,
« comme sa propre âme », dit Harva. Et il réussit d’étonnantes
métamorphoses : son double, détaché de sa forme physique par la transe,
peut emprunter l’allure d’un taureau pour porter dans l’Au-delà les âmes
des morts ; l’aile d’un oiseau pour rendre visite aux dieux ; l’écaille d’un
poisson pour franchir les fleuves des Enfers : les bois d’un renne pour lutter
contre les sorciers. L’expérience est périlleuse : si en cours de combat, le
renne voit sa ramure brisée, le chaman — où qu’il se trouve — tombe
malade. Si la bête périt, il meurt. Ceci en vertu d’un lien mystérieux se
matérialisant parfois sous l’aspect d’un cordon d’ectoplasme perceptible
aux seuls médiums…
Imitant le cri, le comportement de ses aides, le medecine-man n’en
conserve pas moins son intégrité. Mais restant lui-même, il devient ours,
loutre, saumon pensants. Participant à toutes les nuances de la nature
instinctive, il accède ainsi à la suprématie des espèces qu’il incorpore.
Le Nord est riche de ces prodiges : Vaïnämöinen emprisonné dans les
eaux de Manala (fief infernal) se transforme en loutre pour se glisser à
travers les mailles d’un filet. Les bylines russes fourmillent de jeunes
trappeurs qui veulent « aller comme un brochet dans les mers profondes,
comme faucon voler sur les nuages, galoper comme loup gris dans la libre
campagne 11… ».
Les dieux germano-scandinaves connaissent, eux aussi, la tactique : Odin
se mue en reptile, en poisson, en oiseau ; Loki, son ambivalent compagnon,
en jument, en phoque ; son fils Marfi se change en loup ; les inséparables
Frigg et Freya, en volatiles ; Alof se fait aigle et la mère d’Atli, serpent. Le
nain Andvari nage comme un brochet. Otr, la fille du magicien Hreidmar,
comme une loutre.
L’illustration la plus typique du confondement homme-animal est
néanmoins fournie par Cûchulainn que nous connaissons déjà. A l’origine,
il se nomme Sétanta. Il est encore très petit lorsqu’il se rend chez le
forgeron Culann, ami du roi Conchobar. Culann a pour gardien un « chien
de guerre » ayant la force de cent personnes. Apercevant le garçonnet, il se
jette sur lui. Sétanta, sans perdre son sang-froid, lance son ballon sur la bête
qui s’écroule, les boyaux sortant de sa gueule.
— Hé ! s’écrie Culann, qui veillera sur mes biens, désormais ? Le canin
était d’une race dont on ne fait plus ! Qu’à cela ne tienne ! Sétanta s’offre à
protéger les bestiaux et les terres du forgeron, en attendant qu’il trouve un
nouveau berger. A cet instant passe un Druide : il propose qu’on appelle
l’enfant, Cûchulainn, soit le Chien. Ce qui revient à lui accorder les
prestiges du canidé, avec une seule réserve : s’il mange de la viande de
chien… il mourra !
Les métamorphoses animales constituent une initiation. Lorsque Math,
promoteur de la magie en Irlande, prend en charge ses neveux, Gilvachtwy
et Guyddon, il les transforme en cerf et en biche :
— Vous allez avoir les instincts des animaux dont vous avez la forme,
leur annonce-t-il. Au cours des ans, il mute le cerf en truie et la biche en
sanglier, puis la truie en loup et le sanglier en louve. Il leur rend enfin leur
visage humain. Mais ce n’est qu’après les avoir confrontés à tous les stades
de l’animalité qu’il leur transfère ses pouvoirs. L’expérience vécue leur a
révélé les arcanes secrets de la nature. Désormais, ils sont Druides à part
entière, c’est-à-dire Chamans.
La saga druidique voit ainsi défiler des hordes de bêtes aux yeux
humains :
Or, Ahti est l’esprit de la Nature que charme, tout entière, le chant du
kantélé :
L’équipement du chaman
Un « complet » magique — Une armure-zoo — Des coquetteries
ornithologiques — Un squelette métallique — Les ceintures de force. La
canne-coursier — L’équidé : psychopompe, mais d’essence divine — Les
seigneurs de Penmarch, fils du cheval — Le jumelage chevalin — L’énigme
des Centaures — La capture de l’étalon : une prouesse d’initié — Le rituel
breton du cheval Mallet — Survivance d’un mythe : les petits chevaux de
bois.
Le tambour, demeure des esprits — Les forces du
tonnerre — L’ensanglantement de la caisse : un rituel vitalisant — Une
baguette microcosme — Le miroir magique : un œil sur l’Au-
delà — Passage à travers le miroir.
« Si je te caresse du fouet
Ou te touche de la cravache
Je le ferai d’un fouet de soie
D’une cravache en fils de drap… »
L’action du chaman
Le maître de la nature : L’intelligence organique — Le curriculum vitae des
esprits — Kamlénie pour l’esprit du vent — L’esprit-feu humanisé — Le
feu cosmique ou l’étincelle dans un saumon — L’Illumination : une
brûlure — Le symbolisme du saumon.
Le psychopompe : Ame-souffle et âme-libre — Les retours de l’ombre — La
mort relative… et ambivalente ! — Le festin funéraire : recharge de
l’ombre — Une parade : la momification — Le refus de l’égalitarisme
spirituel — Désarmorçage de l’ombre — La vie héritée de
l’ancestralité — Village des morts en Carélie — Voyage aux Enfers, lieu
des trépassés — Réception des défunts — La capture des ombres
errantes — Le marout, méduse du clan — Des Annakkais chamaniques aux
Annaons bretons — L’Ankou : le résidu d’un dieu de la mort — L’enfer
polarise le ciel.
Très sûr de lui, Vaïno explique que la fille de Tapio, l’esprit féminin des
futaies qui lui sert d’auxiliaire, l’a aidé :
La médecine du chaman
Le medecine-man : Une psychopathie d’avant-garde — Maladie :
possession ou rapt d’âme — Expulsion des intrus — Rachat de l’âme-
Kamlénie pour une guérison — La sanglante victoire
d’Alikammiq — L’âme réintégrée — La Kamlénie, film
d’épouvante — L’étrange histoire de Nazarlé, le cornu — Une vie pour une
vie — Guérison à Kalévala — Le chaman, prêtre et médecin.
Inciser sans cicatrices — Opérer sans inciser — Chamans et Philippins :
une technique identique — Une chirurgie qui matérialise le
mal — Guérison et rythme alpha — Le stress, tremplin de la télépathie.
Le psychopathe : La cure des tabous — La transe, théâtre curatif — Les
mystères de la thanalogie.
Un média : La chorégraphie sacrale — Le maître du chaos — La danse des
Gitans : une recette pour capter le tellurisme — Un fixatif : le
masque — L’énigme de « l’autre » — Des trous dans le masque — Des
démons à dose homéopathique — Le simulacre, condensateur d’énergie.
Fait étrange : c’est aussi à Ukko que s’est adressée Louhi pour détruire
Kalévala ; et c’est sur sa prière qu’il a suscité Loviatar. Cependant, Louhi
ne recueille de lui qu’un reflet inversé. Il ne lui délègue que des ombres.
Seul, le vieux et ferme Vaïno reçoit la lumière rayonnante des dieux et
s’aligne sur la source de Vie primordiale. Certes, il ne paie pas de son
existence la guérison des siens, comme l’a fait le chaman yourak. Il n’en
reste pas moins le tremplin de l’Œuvre, compensant les dualités, résolvant
les luttes du Bien et du Mal, les fondant dans l’ordre du Temps.
Ce rééquilibrage est le but essentiel du medecine-man, prêtre et
thérapeute. Guérir combine les deux attitudes : « Si la médecine passe par la
potion, dit Ficin traducteur de Platon et maître de Paracelse, celle-ci
n’acquiert son pouvoir que par l’influx céleste qui vient la vivifier. »
Encore faut-il canaliser cet influx. Connaître les rythmes d’appel en
résonance avec le cosmos. Posséder l’autorité des runes… alors le ciel
répond ! C’est ainsi que le Barde déjoue les enchantements :
Telle est sa force que Louhi n’a pu voler l’âme des habitants de Kalévala.
Sa tâche eût été plus facile : il est plus aisé de greffer des daïmons sur une
coque vide que de les implanter sur un terrain déjà occupé.
Cette intrusion est douloureusement ressentie. Celui qui en est l’objet vit
un brusque vertige. Aucun traitement ne soulage ses angoisses. Seul le
chaman peut déceler l’imposteur et en délivrer le malheureux.
Waldemar Bogoras assista à un rituel d’expulsion. L’opérateur était une
chamanesse réputée. Elle ouvrit le corps de son fils avec un couteau
préalablement chauffé, en guise de scalpel. Le garçon, âgé de quatorze ans,
était étendu sur le sol. Sa mère plongea la main dans la blessure béante, en
retira le « mal », referma. Durant l’intervention, elle semblait brûler
intérieurement et n’avait cessé de boire… Quelques instants plus tard,
l’anthropologue se penchait sur l’adolescent. Il ne portait aucune cicatrice,
aucune trace de l’opération 13.
Duncan Pride nous conte une semblable aventure. Le patient était une
Esquimaude. Elle souffrait depuis plusieurs mois d’une douleur au bras et
décida de mander le chaman Uttugauq. Renommé pour ses cures et ses dons
de voyance, son diagnostic était infaillible. Ses talents de prestidigitateur lui
permettaient en outre d’avaler l’oreille d’un caribou et de la faire ressortir…
par la paroi de son ventre !
Tout le village s’était réuni autour de la malade et du présumé
guérisseur :
« … Il étendit la femme sur le dos, écrit Pride, les bras relevés au-dessus
de la tête, et lui dit de serrer le poing. Quand le bras fut rigide, il le frotta
vigoureusement et plaça sa bouche sur l’endroit malade, suçant très fort… »
Le temps passa : « … Le chaman continuait à sucer le bras de la femme.
Il semblait en retirer quelque chose. Il cracha dans sa main et montra à tout
le monde ce qu’il y avait dedans. C’étaient de petits objets ressemblant à
des graviers, dont certains étaient assez gros. Il les trempa dans l’huile de
phoque de la lampe et les jeta en l’air, indiquant ainsi qu’ils étaient devenus
inoffensifs… La femme fut complètement guérie et ses douleurs ne la
tourmentèrent plus jamais 14… »
Ainsi des magiciens dépourvus de toute connaissance médicale soulagent
des maux réputés incurables en dansant, en chantant, en battant du
tambour ? Ils extraient des cailloux, des boules de chair en incisant les
corps souffrants avec une simple lame ? Comment croire à de tels contes ?
Comment admettre ces spectacles d’illusionnistes ? A moins… que derrière
le folklore ne se cache une sagesse que nous ne savons pas discerner ? Pour
en saisir les mécanismes, il nous faudrait les observer d’un autre regard ; et
substituer à notre satisfaction de contrôler le réel, le vrai désir de le
connaître.
Car enfin… ces chamans, qui massent, pétrissent les chairs dont ils
retirent — souvent sans les entailler — les signes du maléfice, ne nous sont
pas inconnus. Leurs modernes confrères, les guérisseurs philippins, font
aussi des « miracles » ! Récupérant les abandonnés de la médecine, ils
sauvent un grand nombre d’entre eux, par des moyens élémentaires,
pressant, malaxant, extirpant kystes, boules, tumeurs de toutes sortes.
Des fakirs, des charlatans ? Il y en a. Mais il y en a partout où la douleur
humaine devient le tremplin d’une entreprise commerciale. D’autres sont
authentiques. Ils se sont soumis aux contrôles les plus serrés des équipes de
scientifiques venus de tous les coins du monde, et nantis d’un matériel
susceptible de détecter la moindre fraude. Des cameramen, des milliers
d’observateurs n’adhérant pas à priori à ces phénomènes durent se rendre à
l’évidence : quelque chose se passait à Manille qui déjouait les données
habituelles.
En 1975, l’équipe de George Meek, composée de médecins, biologistes,
physiciens, chimistes, psychiatres, se rendait aux Philippines. Elle
emmenait quelques patients, déclarés perdus. Parmi eux, Olga Farhit, de
Los Angeles, était atteinte d’une paralysie provenant de la « destruction de
la moelle osseuse dans la tête et dans le dos ». L’un des Philippins, Agpaoa,
lui enleva « une énorme masse de cartilages et de sang ». A la suite
d’examens minutieux passés par Olga dès son retour, à l’hôpital St. Vincent,
son chirurgien dut reconnaître : — Je n’y comprends rien. Tout a été
nettoyé 15.
Le biologiste américain Lyall Watson vécut lui-même huit mois aux
Philippines. Admis auprès des opérateurs, il suivit à leurs côtés toutes les
phases de leurs manipulations. Évoquant Joséphine Sison, de Barongobong,
il affirme : — Je l’ai vue retirer du corps de certains patients un clou,
plusieurs sacs en plastique, une boîte en fer, une brindille, un morceau de
verre ébréché. Dans chaque cas, les objets semblaient pousser dans l’espace
situé entre ses doigts et la peau. Je suis absolument convaincu qu’il n’y
avait là aucun tour de passe-passe, et également certain que ces objets ne
provenaient pas de l’intérieur des patients concernés. Me voici donc placé
devant les deux éventualités suivantes : ou bien j’ai été trompé ou hypnotisé
(ces deux explications étant peu probables du fait que plusieurs de ces
opérations en question ont été filmées avec succès), ou bien Joséphine
Sison est capable de provoquer des matérialisations parfaitement
contrôlées 16.
Ainsi paraît-elle très proche du chaman Uttugauq. L’un et l’autre retirent
d’un corps humain — sans l’aide d’aucun outil et en le laissant
indemne — des matières pour le moins insolites ! Et ils posent l’hypothèse
des matérialisations qui sont peut-être la clé des guérisons chamaniques !
Toutes les expériences tentées à Manille et dans les îles avoisinantes ont
en effet donné lieu — sans incision — à d’abondants saignements. Le sang
giclant sous les doigts d’Agpaoa ou de Joséphine a été analysé des dizaines
de milliers de fois. Il correspondait, en principe, au groupe sanguin des
opérés. Mais pas toujours ! En maintes occasions, les globules rouges se
révélaient étrangers à la personne traitée. Pire : certains étaient dotés de
noyaux. C’est-à-dire qu’il ne s’agissait pas même de sang humain !
Alors… canular ? La science ne peut l’affirmer. Tant de phénomènes bien
réels n’ont pu encore être expliqués… Que de fois n’a-t-on vu des fakirs
indiens faire saigner la chair d’un spectateur, par hypnose et sans contact
direct ? Et que dire des magnétiseurs qui, à trois mètres de distance, tracent
sur le dos de leur consultant une entaille… comme s’ils étaient munis d’un
rayon perforant ? Le processus régissant leurs exploits doit être similaire à
celui qui permettait jadis aux chamans de matérialiser le tissu conjonctif, le
fluide sanguin, et les gadgets glissant sous leur paume comme s’ils
provenaient du malade lui-même.
De ce processus, nous ne savons pas grand-chose. Tout semble se passer
comme si l’organisme ne fonctionnait pas de la façon dont nous l’avons cru
jusqu’alors. On dirait qu’il ne constitue pour les thérapeutes qu’un alibi.
Qu’il n’est qu’une surface, au-delà de laquelle ils commencent à traiter.
George Meek, qui a longuement médité sur le cas des Philippins, pense
que « l’homme du XXe siècle est si orienté sur le plan physique et
matérialiste qu’il est totalement incapable d’imaginer qu’il puisse posséder
des corps différents, éthérique, astral, mental et spirituel. Même un sujet
très intelligent et instruit a de la peine à se visualiser — lui et toute la
machine vivante — comme un ensemble de champs d’énergie qui
s’entremêlent de façon complexe 17 ».
Les chamans, comme les Philippins, auraient été aptes à le faire. N’étant
pas coupés des élans de la Surnature, ils pouvaient en saisir les énigmes et
manipuler, au-delà de l’épiderme, la matière subtile, gardienne des énergies
vivantes. Ils nous est permis de supposer qu’ils présentaient, durant leurs
kamlénies, les mêmes symptômes que les guérisseurs de l’île de Luçon.
Tony Agpaoa avait été testé à Kotuo par le célèbre parapsychologue
Hiroshi Motoyama. Ce dernier avait remarqué que les enregistrements du
pléthysmographe dénonçant les variations de rythme impliquaient dans le
phénomène le système parasympathique. Celui-ci est en relation avec les
chakram, nœuds de la kundalini qui revêt une si grande importance dans
l’espace chamanique : c’est sur le « serpent de feu » que les medecine-men
consument les démons dont ils soulagent l’aura collective.
Motoyama s’était également aperçu que, à l’heure où Agpaoa exerçait ses
talents, ses ondes cérébrales créaient un rythme alfa prédominant. Ce
rythme est en connexion avec la télépathie qui joue un rôle de premier plan
dans les médecines dites parallèles.
Les chamans ignoraient tout de ces données. Mais ils les subodoraient et
leur transe visait deux objectifs. Elle leur permettait de « voyager ». Mais
elle était aussi porteuse d’une intense émotion. Elle poussait au paroxysme
l’inquiétude du malade et de son entourage auquel elle révélait la gravité du
cas. Si le mage exacerbait ses appels, accélérait ses roulements de tambour,
multipliait ses auxiliaires, c’est que l’agonisant était plus atteint qu’on ne
l’avait pensé : son âme avait peut-être franchi la frontière du non-retour ?
Cette incertitude décuplait le stress vécu par la communauté…
Or le stress constitue un exceptionnel outil de transmission télépathique.
C’est dans les situations d’urgence que les êtres liés par le sang ou
l’affectivité communiquent le plus aisément à distance. Ils ont alors la
perception de l’accident ou du malheur survenu à leur époux, à leur enfant,
à leurs amis. Comme si un système d’alarme parfaitement cohérent les en
avait prévenus.
Il est possible que les chamans aient connu ces signaux et leurs voies de
transmission. Certes, ils soignent au vu et su de toute la tribu rassemblée.
Mais ce n’est là que contact superficiel ; non branchement axé sur les
doubles, comme l’exigent les cures surréelles. Or le magicien vise à une
communion d’âmes requérant l’apport des couches inconscientes du patient
et des assistants. Ainsi crée-t-il les stimuli d’angoisse déterminant la
création du champ télépathique qu’il utilise comme tremplin.
La transe qui englobe ainsi tous les spectateurs n’est pas spécifique des
cultures chamaniques. Elle est connue des Indiens d’Amérique du Sud et
des Noirs d’Afrique équatoriale. Mais aucun d’entre eux ne la domine.
Emportés par leur frénésie, ils se livrent à des fantaisies parfois mortifères
et souvent burlesques.
Le chaman, lui, est le maître d’une ivresse qu’il transmet volontairement
à son public. Elle est en effet la soupape de l’ethnie et il en use à plusieurs
niveaux.
Supposons un cas fréquent : la violation d’un tabou. Le medecine-man
sait que le malade a tué un animal totémique et mangé de sa chair. L’ombre
de la bête importunera le coupable jusqu’à ce qu’il ait offert un sacrifice
expiatoire. Mais comment le faire avouer ? L’acte est grave, il encourt la
colère des siens. Le chaman a beau l’interroger : — As-tu manqué à la
loi ?… il nie de la tête ou feint de ne pas entendre. Le mage n’a qu’une
solution : l’endormir ou l’enchanter. Soit le mettre en état second par les
chants, le tambour, l’appel des esprits.
Rasmussen a décrit une telle séance :
— Esprit qui m’assiste, interroge l’officiant, d’où vient le mal dont
souffre cette femme ?
L’auxiliaire ayant investi la malheureuse répond par sa voix :
— La maladie est due à ma propre faute. Et d’énumérer ses erreurs et ses
faiblesses depuis des années !
Il arrive que le délinquant n’ait pas été atteint par le choc en retour. C’est
un innocent qui geint sur sa couche. Le vrai fautif ne se démasquant pas, le
chaman entreprend un voyage pour découvrir son double :
—… Je cherche et je frappe là où rien n’est trouvé ! s’exclame-t-il. Puis
s’adressant à un suspect :
— S’il y a quelque chose, tu dois le dire !
Le groupe qui veut son bouc émissaire insiste :
— Parle ! parle 18 !
Harcelé, l’homme finit, à tort ou à raison, par reconnaître quelque
peccadille. Entraînés par ce bel exemple, les autres se confessent à leur tour
ou dénoncent leurs voisins. Car le péché de chacun peut engendrer les
souffrances de tous. Et la dissimulation risque d’attirer de nouveaux
malheurs.
Ces réactions nous semblent primitives. Elles constituent la phase
« naïve » des kamlénies, le premier registre de la guérison. Ensuite vient le
traitement proprement dit, et le périple dans l’autre monde se double de
valeurs symboliques. Ce n’est pas seulement dans les Enfers que plonge le
medecine-man, mais dans ces profondeurs obscures des êtres où stagnent
les frustrations et les inhibitions. Bien qu’accordées aux rythmes de la
nature, les sociétés archaïques ont en effet connu nos mouvements
dépressifs. Que faire lorsque la neige silencieuse vous enserre des jours et
des jours dans l’igloo, sinon attendre et se soumettre ? On ne lutte pas
davantage contre la tempête qui hurle dans la forêt ; ni contre les chasses ni
contre les pêches dont on rentre bredouille.
Le contrepoids de la complicité avec la nature — les écologistes
l’oublient —, c’est la faim, le froid, la peur. D’autant plus douloureux que
les primitifs ignorent nos exutoires : le sport, la voiture… éventuellement la
guerre !
Leur seul dérivatif est la kamlénie : une transe mise en scène par le
chaman et amplifiée par les assistants : un théâtre curatif opérant un
transfert des blocages intérieurs sur le magiste et une remontée en surface
des démons.
C’est là le résultat obtenu par nos psychologues. Mais leur erreur est
d’amener les daïmons au niveau de la conscience sans savoir les éliminer.
Or la confrontation avec ses propres « diables » est insupportable à qui n’est
pas préparé à l’épreuve, par initiation. Un tel face à face peut transposer une
angoisse momentanée en perpétuelle torture, voire en folie. D’où l’escalade,
dans le monde moderne, de l’agressivité et des névroses obsessionnelles.
Le chaman jouit donc d’une supériorité évidente sur le psychiatre. Il est
tueur de démons. Il sait les annuler. Cela provient d’une divergence
fondamentale entre deux conceptions. Le thérapeute officiel ne voit dans les
ombres et les larves qu’une construction interne de l’univers mental, à partir
du retournement affectif ou passionnel d’une pulsion motrice. Le chaman,
lui, fait appel à la thanatologie. Il sait que la plupart des daïmons se
fabriquent au moyen de résidus psychiques : ectoplasmes errant après la
mort, spectres se refusant à la décomposition et provenant parfois d’un
crime, d’un sacrifice humain, d’un avortement. Aucun dialogue, aucune
analyse psychosomatique ne peut dissoudre de telles entités. Mais un
magicien saura les aimanter et les digérer par le canal de la kamlénie.
Ainsi transformera-t-il la yourte, l’isba, la cabane où se déroule la séance
en laboratoire des Enfers grouillant de monstres. Il est seul à les percevoir.
Il s’en protège par la transe et la danse. La première le jette « hors de soi »
dans un univers d’où la mort est exclue. La seconde est pulsion de vie. Elle
lui impose sa rythmique. Par elle, il régénère et recrée l’univers…
Ainsi font les dieux et les sages régissant les cycles du monde. Shiva, Yu
le Grand, David le harpiste sont les danseurs étoiles d’une ronde fantastique
à travers le temps. Toute civilisation y participe, suivant des techniques à
peu près identiques.
Le chamanisme ne s’en écarte que dans la mesure où il n’use d’aucune de
ces recettes : ni pas, ni combinaison enseignée et apprise, simplement un
élan, une intuition de l’instant que l’on traduit en rythme modulé par le
tambour. Puis la danse commence… Mais s’il est possible, en étant nanti de
vingt kilos d’ornements métalliques, de mimer le dandinement d’un ours,
comment tournoyer, les bras étendus comme des ailes palpitantes, pour
imiter l’oiseau près de s’envoler ? Car cette geste fait partie du rituel.
Remémorant la cadence séculaire de l’animal-totem, elle branche le clan sur
l’ancêtre mythique. Il est l’archétype, réservoir des puissances, auquel il
faut s’identifier en le contrefaisant. Ainsi « concilié », il accordera aux siens
des enfants joyeux et des saisons prospères.
Ce retour à l’Ancestralité est également Devenir, perpétuelle mutation.
Les participants de la kamlénie sont d’abord figés, tendus vers le mime
sacré. Puis, lentement, la danse les encercle. Épaule contre épaule, ils
commencent à osciller, chacun portant en lui le clan tout entier, en un seul
rythme, en un seul être. Mais cet être est illimité et, à sa façon, immortel,
puisque la communauté survit à l’individu. Puisque à travers lui elle se
perpétue.
Ainsi est-ce leur histoire, charnelle et sacrale, que vivent les peuplades
archaïques impliquées dans la danse chamanique : une histoire inouïe, née
avec l’aïeul totémique et qui se poursuit, scandée par le chaman. Si bien que
l’isba se fait temple de la danse. Et la tribu cœur de l’univers dansé.
Ce spectacle, offert de nos jours à l’Opéra de Paris, de Berlin ou de
Moscou, ferait salle comble ! Une danse rude, ardente, mais puissante et
sereine, n’obéissant à aucune des lois chorégraphiques connues ; suggérant
des structures inhabituelles… à la fois vague, foudre, éclair, vent, étoile.
Une danse qui s’infiltre à travers l’artiste comme une fête de vie et de
mort… chaque mouvement ne s’estompant ou ne s’amplifiant que pour
permettre à un nouvel espace de naître.
Bientôt, le medecine-man cesse d’être ours, renne, oie, serpent.
Ingurgités les auxiliaires ! Aspirés et dominés les pesants, les dandinants,
les rampants ! Étiré vers le ciel, ayant cristallisé les énergies éparses du
groupe, il devient végétal, arbre-roi d’une forêt dont les fûts humains se
tournent vers lui, frémissants.
Puis ces lignes fugaces disparaissent… L’homme n’est plus que flamme
enivrée de ses métamorphoses, s’envolant, se décharnellisant pour atteindre
au plus léger et au plus pur. Il ne reste enfin de lui que l’embrasement,
l’aura magique, le noyau vibratoire sur lequel vont descendre et se
condenser les Pouvoirs.
Issus de quel démons ou de quelles déités ? Le Nordique s’en soucie peu.
Sa danse n’est ni concept ni définition, mais emportement, vertige, tension
vers une communion avec la Surnature.
Il ne danse en effet qu’en état d’urgence : une âme vient d’être arrachée à
son propriétaire qu’il faut récupérer avant qu’il ne soit trop tard ; un malade
se meurt qu’il faut sauver dans les heures qui viennent. Et le mage se jette
dans la danse de toute sa vie donnée au rythme. De sa fougue, de son oubli
total de soi dépendent la rapidité et l’intensité de l’extase et des prodiges
qui s’y rapportent.
Il connaît l’envers et l’endroit de l’Au-delà dans lequel la transe le
propulse. Mais la limite est si ténue ! Un pas de trop, un pas de moins… il
bascule du ciel en enfer ! Les siens ne s’en inquiètent pas. Ils souhaitent que
le chaman leur restitue un monde dont la souffrance et la maladie soient
exclues. Et que l’Ordre y soit rétabli.
La danse, animale ou végétale, est un classique des sociétés primitives en
quête d’un confondement avec les rythmes universels. L’Afrique la pratique
encore. Le sorcier, qui scande le ballet rituel avec son tam-tam, exalte les
instincts et les rêves des peuples de la brousse. Mais il n’est pas comme le
medecine-man, un maître du Chaos.
Cette vision est essentiellement celle de l’aire nordique pour laquelle
l’homme n’est qu’un rouage, un visage éphémère de la vie tribale. Si fugace
soit-il, chacune de ses carences est ressentie par tous. D’autant plus que tout
mal est d’origine démoniaque, et qu’un dérèglement organique se double
d’un désordre spirituel.
C’est à cette confusion que doit remédier le mage. Ses expériences l’y
ont longuement préparé. Le soustrayant à un système social instauré par les
siècles, elles l’ont projeté dans le circuit des forces élémentaires. Celles-ci
l’ont rongé, déchiqueté. Mais il a su transposer son drame, inverser les
rôles : ses possesseurs sont devenus ses possédés et ils le servent.
Auparavant, il a vécu la désorganisation de son propre corps, soit une mort
initiatique. Il l’a transcendée. Désormais, il est le prêtre d’un Ordre qu’il
doit contrôler à tout instant. Ramenant le malade à la santé, le possédé à la
raison, il les réinsère dans la normalité du clan, c’est-à-dire dans l’harmonie
du groupe, symbolisée par la magie des rythmes dansés.
La danse, retour à l’équilibre, devient dès lors recette curative.
Technique saine, typiquement chamanique, que ce transfert du désordre
en Ordre. La danse en est le tremplin. Par elle, le chaman s’imprègne du
tellurisme, comme le feront les géants et les nains des traditions celtiques,
pompant le fluide par une ronde autour des dolmens.
Nous pouvons nous faire une idée de la façon dont officie le magicien en
regardant une danse de Gitans. Eux seuls en Occident savent encore capter
le courant électrique du sol. Accroupis autour d’un feu, ils observent la
danseuse. Posée sur ses hanches, le dos et la nuque étirés, elle contemple
ses pieds qui reçoivent l’énergie. Le visage solennel, douloureux, elle mime
en gestes lancinants la montée du feu à travers les chakram. Ses mains se
tordent comme sous l’effet de la douleur. Nul ne sourit autour d’elle. Car
l’acte est grave… Tout le jour, au détour des rues, elle a accroché les
passants en mal de bonne aventure. Mais en cette minute, elle se hausse au
niveau des prêtresses du feu. La flamme invisible monte en elle, lui vrille et
lui brûle les reins. Et, tandis qu’elle chamanise, elle entre un instant dans
l’orbe des dieux infernaux !
Mais… elle ne les retient pas ! Son approche n’est que fortuite. Et pour
imprimer les schémas de l’enfer dans l’aura collective, il lui manque un
fixatif : le masque des chamans.
C’est l’archevêque de Yaroslav, un certain Nil, qui évoque, le premier, ce
curieux attribut. Se trouvant chez les Bouriates, il remarque parmi d’autres
merveilles un « abagaldei », l’un de ces anciens visages de peau, de bois ou
de métal que portaient jadis les medecine-men, lors de leurs voyages
extatiques. Têtes monstrueuses sur lesquelles étaient peintes d’énormes
barbes 19.
Ces simulacres sont rares en Sibérie et dans l’Asie septentrionale. Cela
n’a rien de surprenant : comment les mages archaïques, enrobés d’une
fourrure d’ours ou d’un pelage de renne à ramures, se seraient-ils
encombrés d’un nouvel élément ? Leur costume constituait un parfait écran
protecteur dans leur commerce avec les daïmons.
Mais ce camouflage avait-il pour but de les protéger ? En partie
seulement. Car c’était de lui-même que l’officiant tenait sa parade. Ses
armes les plus efficaces étaient sa maîtrise, due à des années d’ascèse, son
aisance à pratiquer le dédoublement, sa connaissance des itinéraires
surréels. A tant d’atouts, qu’eût ajouté le masque ?
Il advenait, nous dit Radlov, qu’un Golde s’enduisît la figure de suie,
pour descendre aux Enfers et n’être pas reconnu des esprits.
Comment y croire ? La seule qualité de chaman en imposait à la gent
infernale. L’opérateur tenait son prestige et sa puissance de cette étiquette.
Pourquoi y renoncer au profit d’un substitut ?
La vérité réside dans une autre conception du masque, envisagé comme
outil d’identification au monde dans lequel on pénètre : se noircir les joues
et le nez revient à s’intégrer aux ombres, à incorporer leur nuit, leur
négativité. La recette s’appuie sur une ancestrale sagesse : contrairement
aux allégations d’un dicton populaire, l’habit fait partiellement le moine. Et
le masque fait l’homme. L’on est, ou l’on devient souvent, ce que l’on
paraît être.
Partout, en tout temps, changer de visage a signifié changer de peau. Le
masque, effaçant le vieil homme, transforme sa nature profonde. Il est le
signe sensible et le véhicule de ses métamorphoses.
Sa tête, son corps portent-ils une dépouille de cervidé ? Le chaman se
sent cerf ou élan. Agite-t-il des ailes d’argile ? Il se sait prêt à les ouvrir
pour rejoindre les sphères célestes. Préfère-t-il le masque découvert par
l’archevêque Nil ? Le voici muté en prêtre des Enfers…
Quels que soient le masque ou le vêtement, ils sont interchangeables. Ils
arrachent l’être à ses limites. Le medecine-man, conscient de sa dualisation,
s’y référera sans cesse. Les siens percevront l’homme secret gîté en lui, et
ils saisiront en profondeur ce qu’il leur a si souvent suggéré en lévitant ou
marchant sur des braises : nul n’est enfermé dans sa peau. Chacun peut en
sortir et accéder à une essence supérieure, voire céleste.
Le thème sera repris par la saga irlandaise. Lorsque Cûchulainn est sur le
point de se battre, son corps se déforme dans tous les sens : « Ses pieds
passèrent derrière lui ; ses talons, ses mollets et ses fesses arrivèrent sur le
devant… tirèrent les nerfs du sommet de sa tête… Il les amena derrière la
nuque en sorte que chacun d’eux produisît une bosse ronde, très grande,
indescriptible, énorme, inouïe… Sa bouche se déforma de façon
monstrueuse ; il éloigna la joue de l’arc formé par ses mâchoires et rendit
ainsi visible l’intérieur de sa gorge… ses poumons et son foie vinrent flotter
dans sa bouche 20… »
Ces savantes performances valent au héros le surnom de
« contorsionniste d’Emaïn ». Or la contorsion est à double sens : de son
crâne, jaillit un jet de sang « aussi long que le mât d’un navire ». C’est le
signe de l’identification cosmique. En même temps, l’un de ses yeux se
ferme alors que l’autre « s’ouvre aussi vaste qu’une coupe d’hydromel »…
Par allusion à l’œil des Cyclopes dont il récupère la puissance souterraine.
Devenu « masque » tout entier par ces mutations, Cûchulainn incarne la
totalité du combat vécu sur la terre, mais se situant au plan d’un destin
divin.
C’est ainsi qu’utilisé comme média entre le visible et l’invisible, le
masque se sacralise…
La lutte du chaman se déroule au sein du clan. Mais son espace réel
s’étend en deçà des frontières tribales : en Haut, en Bas, dans le cosmos,
aux Enfers.
Le masque désigne cette rupture de niveau. Jetant un cache sur le
magiste, il pose l’énigme d’un autre visage qui n’est pas tout à fait humain
et qui laisse filtrer le mystère de l’Inconnu et de l’Inconcevable. Car il est
percé de trous 21… seuls liens entre l’officiant et la communauté.
Celle-ci oublie l’homme et son regard caché. Elle est obnubilée par le
medecine-man, réceptacle de la voix des ancêtres. Mais l’homme, lui, la
voit. A travers les trous il communique avec elle, lui réfractant la
« sainteté » dont il est investi.
Il l’initie aussi à cette psychologie des profondeurs que nous avons déjà
évoquée. La plupart des masques découverts affichent — comme celui
décrit par Nil — des structures diaboliques. Cela va de soi : le chaman,
kamlénisant, convie les spectateurs à un film d’épouvante, en provoquant
les ombres lovées dans leur inconscient. Le masque, symbolisant les
démons, familiarise le groupe avec eux. Infusés ainsi à dose
homéopathique, ils susciteront une force réactive : antidote ou vaccin !
Outil de psychanalyse collective, le masque autorise dès lors la projection
d’un Au-delà dont l’individu porte en lui les clichés. Mais ils stagnent,
comme des plaques photographiques, en attente dans la chambre noire. Le
chaman en est le révélateur. Par l’entremise du masque, il fait surgir la
première image de l’univers secret. Puis les motifs infernaux se développent
dans une fresque de l’horrible, nés les uns des autres, comme les positifs
d’une même pellicule.
Cette mise au jour tend, nous l’avons dit, à annuler les larves. Nous
retrouverons toujours, à tous les échelons de l’action chamananique, cette
politique d’assainissement. Mais, au fur et à mesure que les techniques
d’exorcisme se préciseront, le masque se réduira à un ornement résumant
ses prestiges. C’est ainsi qu’un chaman golde chargé de guérir un aliéné
peindra sur son visage des raies, hiéroglyphes des barreaux dans lesquels
s’emprisonne la folie. L’opérateur qui ose cette transposition court le risque
d’être possédé. Mais son client est libéré de ses entités obsessionnelles.
Une formule similaire sera adoptée par les prêtresses d’Armorique qui,
pour imiter le disque lunaire et capter ses puissances, se frotteront le front et
les joues de craie blanche 22.
Il gît désintégré par les vibrations à haute fréquence des runes. Un pantin
divin… Mais alors que les débris de son corps heurtent le sol, ils y
dessinent les signes magiques. En eux survivra l’âme du dieu.
Cette histoire relève-t-elle de l’imaginaire ? Moins qu’on ne pourrait le
croire. Qui sait si sous son aspect légendaire elle ne cèle pas une vérité
scientifique ? Celle des sons — les hurlements d’Odin — déclencheurs de
formes agissantes.
Au XVIIIe siècle, le physicien allemand Chaldni fait une curieuse
découverte. S’amusant à répandre du sable sur une plaque métallique posée
sur un violon, il constate que les grains se disposent en dessins dès que
l’archet touche les cordes… Ce qui n’est pas sans évoquer le tracé des runes
sur la terre à la voix d’Odin !
Ces arrangements, dits « figures de Chaldni », adoptent des formes
organiques, simples, familières : cercles concentriques comme ceux d’un
tronc d’arbre ; grilles hexagonales reproduisant les structures du miel dans
une ruche ; spirale évoquant un coquillage. De ces expériences, reprises
dans la démonstration des fonctions ondulatoires, naîtra la cymatique,
science se rapportant à l’effet des ondes sur la matière. Le Suisse Hans Jeny
y apportera un large supplément d’information. Il inventera, en effet, au
milieu du XXe siècle, le tonoscope propre à convertir les sons en motifs
visibles à trois dimensions, dans un matériau inerte 11. Il démontrera, par
exemple, que le son O prononcé au microphone par une voix humaine
correspond à une sphère parfaite, sigle par lequel notre écriture le
représente justement. Or la sphère est l’une des fondamentales de la nature
et de notre environnement, comme le sont les signes runiques : spires,
angles, carrés, verticales, obliques.
Confrontant ces éléments, nous pouvons nous demander si le son, dont le
signe d’appui recoupe les schèmes universels, ne renfermerait pas des
pouvoirs d’action méconnus ? Après tout, n’est-ce pas sous l’effet du
« grand cri » du peuple de Josué que s’effondra la ville de Jéricho ? Une
image d’Épinal dont il vaudrait la peine de creuser la signification. Ne
savons-nous pas aujourd’hui que la trille d’un soprano brise un cristal ?
Qu’un appel peut déclencher une avalanche ou une chute de pierres en
montagne ? Que le cri de guerre du samouraï, le fameux « Kaï », lancé en
ton mineur, provoque une paralysie partielle de l’adversaire par abaissement
de sa tension artérielle ? Les adeptes du yoga n’ignorent rien de ces
phénomènes. Vocalisant quotidiennement le « Om » et divers memtram, ils
connaissent les effets sur le cerveau ainsi que les modifications biologiques
dues à cet exercice.
A partir de telles observations, Lyall Watson s’interroge : « Cela évoque,
écrit-il, le spectre d’anciennes croyances d’après quoi mots et noms avaient
des propriétés particulières… Les vocables magiques, les formules et chants
sacrés peuvent-ils effectivement exercer une influence qui diffère de celle
d’autres sons choisis au hasard ? Il semble que oui… et avec la découverte
par Jeny des formes des mots, je me surprends à considérer non sans
quelque malaise et terreur sacrée l’affirmation de saint Jean : ” Au
commencement, était le Verbe “ 12… »
Que des runes soient elles-mêmes dotées de pouvoirs, c’est ce que nous
affirment toutes les traditions. L’Edda le précise dans le Dit de Sigfrida, un
poème hautement chamanique à deux personnages : Sigfrida, soit
Brunehild, et Sigurd, soit Siegfried. La première, réveillée du sommeil
hypnotique où l’avait plongée Odin, révèle les runes au second :
Mais seules nous restent aujourd’hui les runes écrites, ne reflétant qu’à
peine la charge énergétique qui dut être occultée dans les runes parlées.
Chacune d’elles nous touche cependant, comme une entité palpable, cœur
d’un microcosme qu’elle régit tout entier. Écoutons-les :
Fé, argent ; Ur, bruine ; Thur, géant ; Oss, estuaire ; Reid, chevauchée ;
Kaun, furoncle ; Hagall, grêle ; Naud, indigence ; Is, glace ; Ar, bonne
saison ; Sol, soleil ; Tyr, Ase ; Bjarkan, bouleau ; Madr, homme ; Logr,
eau ; Ir, if.
Comment les traduire ? Prises séparément, elles n’ont aucun sens. Mais
liées les unes aux autres, elles s’animent, formant le fond de décor de
l’aventure nordique. Nous y rencontrons l’Ase divin auquel font
contrepoids Thur, le géant, produit du tellurisme déformant, et Fé,
recouvrant l’être cristallin, l’Alfe du nord, soit la fée. C’est elle qui ouvre
l’alphabet runique, car l’Alfe-fée se situe à la base des structures vivantes.
Dotée du génie de la géométrie, elle construit les mondes qu’elle assemble
en une nuit, à la façon de Mélusine. De plus, elle est reconnue par les
Nordiques comme la gardienne du « Livre des destinées », c’est-à-dire de la
combinaison mathématique des runes qui lui sont intimement liées. Elles
accordent « la force aux Ases, et aux Alfes, le renom ».
Encadrée par cette triple vibration, Madre dessine l’homme menacé de
deux fléaux : Kaun, le furoncle indiquant les maux sous-jacents, les poisons
souterrains, les démons, et Naud, l’indigence, à interpréter en tant que
pauvreté spirituelle et mentale. Après ces deux triplets viennent Logr, l’eau
lisse, miroir des runes, et Oss, l’estuaire supposant l’eau de vie, matrice des
formes. Ses dérivées Hagall et Is sont tempérées par Ar et Sol, la bonne
saison et le soleil auquel les runes sont censées s’attacher. Ur, la bruine, est
sans rapport avec l’espace climatique. Il s’agit des paillettes incandescentes
s’échappant du fer du forgeron, frère du chaman. L’univers végétal est
représenté par Bjarkan, le bouleau, et par Yr, l’if, les arbres chamaniques.
Le règne animal est suggéré par Reid, la chevauchée évocatrice du coursier
psychopompe et de ses périples.
Cet ordre traditionnel fut-il toujours respecté ? Rien n’est moins sûr. Il est
probable que les runes pouvaient être interverties pour jouer entre elles par
trigrammes ou par hexagrammes. Leurs assemblages devaient correspondre
au but recherché : divination, initiation, guérison. Les medecine-men les
transposaient peut-être suivant les données de l’énergétique : Yr et Bjarkan
notifiant le Bois du printemps, régissant le foie et les muscles ; Ar et Sol
désignant le Feu de l’été, correspondant au cœur et au sang ; Thur,
qualifiant la Terre, maîtresse de la rate et de la chair ; Ur, exprimant le
Métal de l’automne, gouverneur des poumons et de la peau ; Logr et Is,
l’Eau de l’hiver se rapportant aux reins et aux os.
Ces schémas eux-mêmes étaient sujets à de perpétuelles mutations, les
runes exprimant moins l’essence des êtres et des choses que leur
mouvement en perpétuel devenir. Ainsi, leur interprétation était-elle
dominée par l’idée d’un dynamisme que l’individu était appelé à maîtriser
et à orienter. Elles nous apparaissent, sous cet angle, très similaires au Yi
king, le Livre des transformations des anciens Chinois, sur lequel la Chine
établit durant des millénaires sa grandeur et sa sagesse.
Le Yi king est venu jusqu’à nous. L’alphabet runique s’est en grande
partie perdu dans le dédale de ses métamorphoses. Il est certain, cependant,
que les runes, porteuses de lois universelles, sont inscrites en clair sur le
monde qui nous entoure. Mais pour les distinguer, il nous faudrait un autre
regard et une innocence que nous avons perdue. Y parviendrions-nous ? Il
nous manquerait l’ambiance magique propre à les décrypter ; et plus
encore, la dernière d’entre elles, celle qu’Odin n’a jamais révélée : la rune
du secret divin.
Contenait-elle la clé de la vie, de la théogamie ? Fallait-il, pour
l’appréhender, vivre la passion des Sages ? Ou créer un champ de résonance
où se répercutaient en échos la voix des hommes et celle des dieux ?
Les chamans établissaient ce champ au moyen de thèmes mélodiques et
d’incantations runiques. Il était le support d’un lien télépathique entre les
règnes de la nature, devenus complices.
Nous avons vu les plantes et les animaux frémir d’amour à l’écoute du
kantélé de Vaïnämöinen. Le Barde était un pionnier… Il préfigurait les
enchantements de certains zoos modernes où — à défaut de liberté — les
fauves ont droit à des « séances » musicales les inclinant au sommeil, à
l’érotisme, à la fureur, à la passivité…
La saga irlandaise possède de tels précurseurs. A la voix de Noisée,
ardent et magnifique guerrier, toute vache l’entendant donne « deux tiers de
lait en plus 14 ! ». A l’inverse, les oiseaux de l’île Verte hypnotisent les
hommes par leurs chants. Survolant le lac du pays des Ulates, ils les
endorment par leurs gazouillis. Leurs petits cousins d’Armorique réveillent
les morts par la même méthode !
Ce langage des oiseaux n’est qu’une métaphore. Il désigne la langue
sacrale des initiés, dite aussi langue du cheval. Le rapprochement équidé-
volatile est évident. L’un et l’autre parcourent le ciel et les Enfers. Mais le
dialecte « très réservé » est à double tranchant. Il donne la vie, l’allégresse,
l’amour, la fortune. Il engendre également l’angoisse et les maladies les
plus insolites… Ainsi, Macha fille d’Étrange et petite-fille d’Océan, déesse
fée des Tuatha de Danaan, connaît le maniement des runes. Or, les Ulates
l’ont obligée à courir avec leurs étalons alors qu’elle était enceinte !
Vengeresse, elle leur lance son cri d’ensorcellement… Désormais, durant
quatre jours et cinq nuits, tous les hommes de l’Ulster vivront les douleurs
de l’enfantement !
Ce n’est là qu’un aspect mineur du pouvoir des runes. Celles-ci furent
jadis les précieux hiéroglyphes des harmonies gouvernant la vie planétaire.
Leur abandon a pu constituer un drame pour l’Occident dont elles étaient la
formule secrète. Quelle rupture s’est donc produite, nous coupant de l’ordre
divin et de l’Oracle ?
L’Oracle existe pourtant quelque part… Des sages, des saints ont su le
capter. Saint François d’Assise parlait la langue des oiseaux… celle des
runes ! Il y avait en lui quelque chose de l’enfant. Il rendait au monde ses
puretés originelles. C’est ce que tentèrent aussi les chamans… Mais
aujourd’hui, l’homme serait-il trop vieux pour ouïr le message des dieux ?
Celui-ci n’est pas seulement perçu sous la voûte des cieux mais dans les
profondeurs des forges chamaniques.
Si l’alphabet des runes s’ouvre sur la vibration lumineuse, Fé, il se
poursuit, en effet, par Ur, le bruine. Nous avons vu que cette syllabe ne
correspondait pas à la fine pluie des jours d’automne mais aux gouttes
incandescentes issues de la combustion du fer. Un travail de forgeron !
Ce dernier double le medecine-man : « Forgerons et chamans, disent les
Yakoutes, sont nés du même nid 15. » Ils vivent dans le même espace
vibratoire. Les uns créent leur champ de résonance par la magie du
tambourin ; les autres, par le martèlement de leur enclume. Ils sont en outre
maîtres du feu. Le forgeron œuvre avec le feu matériel, le chaman avec le
feu spirituel. Deux plans… mais solidaires : la flamme est toujours l’outil
des transmutations.
Aussi bien, la saga et l’épopée les jugent-ils frères. D’autant plus proches
que le Mage a parfois une femme, des enfants, mais suggérés en filigrane de
l’événement. Il reste au milieu d’eux un solitaire. Seul, le comprend et
l’épaule sa famille élective : le forgeron.
Le personnage semble à priori moins complet que le chaman qui touche
au ciel, à la terre, aux Enfers. Il détient cependant ces ambivalences : il
travaille dans les zones souterraines et dans le mystère des nuits que
n’éclairent jamais les étoiles. Mais il illumine leur obscurité d’étincelles
semblables à celles des foudres divines.
La tradition nordique voit dans l’éclair le nœud fulgurant de la terre et du
ciel. Le forgeron qui le reproduit en capte la valeur cosmique. Les pierres
de foudre, lourdes de sacralité, sont d’ailleurs l’une de ses matières
premières. Il utilise aussi les métaux nés dans le creuset des montagnes ou
dans les forêts, sous la trace de l’ours. Les extrayant de leur mine, matrice
universelle, il se substitue à la Mère terrestre pour accélérer leur croissance
et les muter en instruments.
Dans la mentalité primitive, l’instrument est magique. Il fait quelque
chose. Il est doté d’un pouvoir et ce pouvoir l’humanise. Lentement, il
devient un être. C’est à « quelqu’un » que s’adresse le Barde finnois
vilipendant la hache qui l’a blessé :
Quant au marteau, au soufflet, ils font preuve d’une telle énergie qu’ils
peuvent agir sans l’aide de l’artisan. Mais sa présence les fait coopérer à un
environnement magique. Pour les avoir forgés, lui-même est investi, aux
yeux de son clan, d’une essence supérieure.
L’affaire n’a pas été sans peine. Pour devenir outils rituels, les métaux
subissent la torture et la mort des chamans. Lavés, trempés, tordus,
meurtris, ils frémissent de crainte et de colère :
« Le pauvre fer eut un sursaut,
Tressaillit de peur et trembla
En entendant le nom du feu… »
L’acier, à son tour, est « saisi de fureur ». Mais, penché vers lui,
l’opérateur, paternel, le rassure :
Le chaman moderne est d’autant plus démuni contre ces intrusions qu’il
n’observe plus les lois élémentaires de la parade. Il dédaigne son costume,
son tambour, kamlénise torse nu en fumant sa pipe.
Sa suprême décadence ne réside pas cependant dans son oubli des
recettes magiques et dans son incapacité à produire des phénomènes
authentiques, mais dans son dégradant passage de l’état de Mage à celui de
sorcier.
Le chaman originel participait au Ciel et à l’Enfer. Il captait la puissance
céleste aussi bien que le fluide tellurique. Peu à peu, un déséquilibre s’est
fait jour. La part de Ciel qu’il détenait s’est amenuisée au profit de l’Enfer.
Baï Ulgan s’est substitué à Erlik. C’était à prévoir. Par ses perpétuels
séjours au royaume des morts, le medecine-man a vitalisé les formes
démoniaques. Et si ses auxiliaires lui ont été soumis, cela ne signifie pas
qu’ils lui aient été tous bienfaisants. Les psychopompes ont partagé avec lui
le commerce des ombres et du feu infernal !
On ne joue pas impunément avec le feu ! Il ronge la barbe d’Illmarinen,
blesse le pouce de Finn. Quelques-uns de leurs confrères perdent une main,
un pied, un œil. Les bottes de fer et les gants d’airain du chaman ne le
protègent plus contre de tels risques.
Livré désormais à la seule autorité du daïmon planétaire, il fait preuve de
clairvoyance, de clairaudience. Il remédie à certaines maladies. Il influe sur
les destinées individuelles ou collectives. Nous voyons Raspoutine, fils
spirituel d’un chamanisme sibérien en partie tronqué, soigner avec succès
les crises d’hémophilie du tsarévitch Alexis et s’opposer en démonologue à
Alexandra, impératrice de Russie. Après lui, nul n’incarnera plus l’âme
vivante du clan. Nul n’entraînera plus des êtres éblouis vers l’espace
radieux où, du doigt, l’on frôle une étoile. Il y aura encore des kamlénies…
jamais plus d’intimité avec le sacré. Il y aura encore un théâtre profane…
jamais plus de rituel !
Rien, cependant, ne meurt tout à fait. C’est justement par le théâtre que le
message se perpétuera. Mais en s’éloignant des sources originelles. En
émigrant — comme les grands ancêtres — vers l’ouest qui l’épanouira en le
rénovant.
Toute notre scène lyrique est en effet dominée par la kamlénie qui lui
fournit ses thèmes essentiels. Souvenons-nous : les personnages assis autour
du feu qui dessine l’ombre cornue du chaman. Le tambour qui danse. Les
clochettes qui tintent. L’angoisse et l’enchantement qui précèdent la venue
des esprits, et l’ouverture à la plus mystérieuse des sciences : la
connaissance spirituelle de la mort dont naît, par réaction, la fureur de
vivre !
Vivre ! Rien n’est plus ardu pour ces minorités coincées entre la steppe et
la toundra, parmi des éléments auxquels il faut sans cesse s’adapter. Et
pourquoi lutter ? Pour une illusion ? Pour un rêve ? Ni pour l’une, ni pour
l’autre. Mais pour l’ethnie…
Pour elle, il faut faire front. Moins par le combat qui deviendra une
constante des peuples aryens, que dans une connivence avec la nature. On
ne s’acharne pas contre la bise qui cingle la forêt mais on peut ployer
devant elle, les reins collés au tronc des mélèzes. Quiconque prend la forme
de l’orage n’est pas anéanti par lui mais se nourrit de ses élans.
Sur cette volonté de vivre partout où la vie se refuse, se greffe bientôt le
Pouvoir. Il y a dans la tribu un homme qui ne fléchit pas… Sans se révolter
contre l’inexorable, le chaman l’aménage pour le maîtriser. Il renouvelle
ainsi le mythe du grand Aïeul, du grand Chasseur et du grand Chef,
incarnants de la Force devant un Destin dont ils se proclament artisans. Ils
n’y adhèrent néanmoins qu’en fonction du prestige et de la sacralité qu’ils
lui accordent.
Toute kamlénie s’ouvre à cette transcendance. La psyché collective en
sera, pour toujours, pénétrée. Elle la traduira, à travers les siècles, par la
queste de perfection. Avec des failles possibles : le mage, le héros pourront
se blesser, souffrir, s’affaisser. Mais ils se relèveront et ils gagneront la
dernière bataille !
La communauté qui se resserre autour du chaman fait cercle autour de
Finn ou de Sétanta et suit aveuglément Odin, ne doute pas de cette victoire
finale qui est celle du Sacré. Elle peut imaginer l’Ase pendu à l’arbre du
monde, mais non fuyant devant l’adversaire ; Finn, roué de coups par des
démons, mais invaincu… Leur échec signerait la fin du devenir collectif.
Une telle vision implique un incessant travail sur soi-même. Rien n’est
jamais acquis. Aucune détente, aucun relâchement ne sont concevables.
Vaïno, Illmari, Odin, Thor, Finn, Cûchulainn s’astreignent à un perpétuel
entraînement, et leur ouvrage est sans défaut. Une fois achevée, la barque
de Vaïnämöinen ne connaîtra jamais d’avarie ; la pierre de fronde de
Sétanta marquera son but. Tout sera luisant, solide dans les forges d’Odin et
de Thor. Les gants de fer, les ceintures d’acier, les bottes de cuivre qui
sortiront de leurs ateliers seront de toute première qualité. Les chamans qui
les utiliseront ne pourront pas ne pas revenir des Enfers, ni vaincre les
démons qui jalonneront leur route.
Cette conception puissante s’auréole de merveilleux. Elle implique la
survivance de ce qui meurt et le projette dans le futur : nous sommes
aujourd’hui ce qui fut hier et demain sera ce que nous sommes… Voilà ce
que suggère la séance chamanique, avec d’autant plus de puissance que le
théâtre — son tremplin — se déroule dans un luxe d’images dont seuls les
grands poètes peuvent avoir la clé.
Écoutons encore une fois le chaman s’adressant à Baï Ulgan :
Puis ayant appelé ses assistants « mes rayons de soleil », il invoque les
esprits-maîtres de la nature :
Quant au soleil :
Comme tant d’autres, Edgard Poe descend lui aussi aux Enfers dans son
Maestrom, se glissant dans un bal de fantômes où le masque de la « Mort
rouge » apparaît barbouillé de sang…
Mais l’univers de Poe n’est pas celui des seuls vampires. Des êtres
translucides l’habitent. Son Ile des fées évoque les féeriques épousailles des
chamans, que rééditeront les druides. Les fées poursuivent leur vie diaphane
dans Le Songe d’une nuit d’été de Shakespeare, dans The fairy queen de
Spencer, dans les légendes bretonnes et dans nos contes de fées.
La Blanche-Neige de Grimm est une fée d’essence supérieure. Elle est le
support d’une vibration cosmique incarnée dans une ethnie. Elle s’attire la
haine de sa marâtre, soit de l’ancestralité, fondée sur la sorcellerie. La
mauvaise femme se fait envoûteuse : elle réduit la fée à l’état de
morte — vivante au moyen d’un peigne et d’une ceinture maléficiés.
Heureusement, un prince passe par là. Par la magie de la voix (les runes), il
réanime Blanche-Neige. Et il légitime sa propre royauté en épousant sur
elle la radiation céleste.
C’est ce mariage surnaturel que pratique le prince, amoureux d’une
Cendrillon aux pantoufles de vair. Elle ne quitte guère le foyer, les braises et
les cendres… Est-ce une salamandre ? Sa marraine, une fée à
métamorphoses, change les citrouilles en carrosses et les souris en laquais !
Mutations surréelles, bien sûr… Mais qui ne nous étonnent guère après les
prodiges des chamans.
Notre Peau d’âne se rallie à ce totémisme. Pour échapper à l’amour
incestueux du roi son père, elle se cache sous la peau d’un Aliboron qui fait
des crottes d’or, comme celui de Grimm. Nous voyons d’ici la petite
princesse voilant son radieux visage sous le museau et les longues oreilles
d’un ânon, à la manière des antiques chamanesses dont le costume rituel
était une fourrure de bête. Ainsi perpétue-t-elle la race barbare de nos
ancêtres jumelée à l’âme animale, tout en annonçant La Belle et la Bête. Or
la bête devient toujours quelqu’un en face du chaman. Celle de Cocteau doit
éprouver cette sensation lorsque s’adressant à la belle :
— Vous me flattez comme un animal ! dit-elle.
— Mais vous êtes un animal…, rétorque la belle 14.
Ces images sont riches. Elles nous suggèrent qu’aucune forme, même
achevée, n’est définitive ; que rien n’est acquis ou immobile ; que tout est
changement et qu’entre les règnes de la Nature, il n’est pas de telles
différences ! Tous procèdent de la même vie éphémère, circulant sur des
pistes invisibles de la terre aux étoiles.
Des hommes mutés en animaux ? Des animaux qui pensent, pleurent,
rient, rêvent ? Ils sont des milliers à se faufiler sur nos horizons depuis les
plus lointaines kamlénies. Notre Goupil vit son Roman de Renart en
régnant sur un clan de quadrupèdes ressemblant à une tribu humaine. Sous
la plume de Maurice Genevoix, La Dernière harde accroche des pendants
de ciel aux cornes des cervidés. Et Jean Giraudoux accorde aux habitants de
son Bestiaire le titre glorieux de porteur de sagesse :
« … Le premier bond de lapin dans la bruyère, écrit-il, le premier saut de
la sarcelle, le premier galop de l’ourson hors de son rocher, cela je te
l’assure, c’est un départ vers la Vérité. S’ils n’arrivent pas c’est vraiment
qu’ils n’ont pas à arriver. Fais comme eux, Électre, pars à l’aurore 15… »
Lorsqu’ils ne galopent pas dans notre littérature poétique, les animaux
chamaniques dansent dans cet autre aspect de la poésie qu’est le ballet. Ce
sont souvent des danseurs russes, plus directement concernés par le mythe
nordique, qui leur empruntent leur plumage, leur souplesse, leur grâce. Qui
ne se souvient de Volinine interprétant « l’oiseau bleu » aux grandes ailes,
de La Belle au bois dormant ? Ou de Natala Makarova mimant en 1977
dans la Cour carrée du Louvre, la danse de vie et de mort du Cygne de
Tchaïkovski ?
Une longue cohorte d’animaux humanisés joint ainsi les temps révolus
du chamanisme à l’ère moderne. A tel point que certain thème du Kalévala
retranscrit par Lonnrot figure en bonne place dans l’œuvre de l’un de nos
plus grands poètes. Il s’agit, en un contenu identique et en des termes
presque similaires, de l’histoire du forgeron Illmarinen qui a enlevé une fille
de la magicienne Louhi ; et de celle de Mireille et Vincent, clairs héros de
Mistral qui écrit peut-être inspiré par un vieux fonds celto-ligure.
La jeune Finnoise menace le forgeron de se muter en animal s’il ne la
relâche pas. Magali joue les coquettes et, feignant de repousser Vincent, lui
déclare qu’elle va s’enfuir sous forme d’un poisson…
— Je me changerai… en lavaret des flots profonds, s’écrie la première.
— Tu ne pourras pas m’échapper, ricane Illmari. Je te suivrai comme un
brochet…
« … Je vous préviens,
Je vis pour la dernière fois.
Ni oiseau, ni érable,
Ni roseau, ni étoile,
Ni eau de source
Ni son de cloche.
Je ne reviendrai plus visiter les hommes,
Et ne troublerai plus leurs rêves 19… »
1
Maurice Paléologue, La Russie des tsars pendant la Grande Guerre, Plon,
1922, T. II, p. 115.
2
Jean Markale, L’épopée celtique d’Irlande, Payot, 1971, p. 195.
3
Id., p. 25-26.
4
Goethe, Balades, Aubier-Montaigne, 1944, p. 67.
5
H. Blavatsky, La Doctrine secrète, Paris, 1904, p. 910.
6
J. Evola, Le mystère du Graal, Villain et Belhomme, 1967, p. 33-34.
7
I. Paulson, Les religions arctiques et finnoises, Payot ; 1965, p.148.
I. L’ÉLECTION CHAMANIQUE
1
Knut Rasmussen, The intellectual culture of the Iglul Eskimo, Paris, 1929,
p. 119.
2
François Lenormant, Histoire ancienne de l’Orient, Paris, 1829, t. II,
p. 174.
3
Marcelle Bouteiller, Chamanisme et guérison magique, P.U.F., 1950, p..
4
Rasmussen, op. cit., p. 425.
5
Uno Harva, Les Représentations religieuses des peuples altaïques,
Gallimard, 1959, p. 3.
6
Rasmussen, op. cit., p. 119.
7
Jean Markale, L’épopée celtique d’Irlande, Petite Bibliothèque Payot, 1972,
p. 181.
8
Id., Les Celtes, Payot, 1977, p. 412.
9
Mircea Eliade, Mythes, rêves et mystères, Gallimard, 1957, p. 112.
10
Ibid., p. 128.
11
Hocart, The life — giving Myth, Londres, 1952, p. 28-32.
12
Mircea Eliade, Le chamanisme et les techniques archaïques de l’extase,
Payothèque, 1974, p. 50.
13
Eveline Lot-Falck, Les religions de l’Europe du Nord, Fayard-Denoël,
1974, p. 695.
14
Rasmussen, op. cit., p. 114.
15
Eliade, Mythes, rêves et mystères, op. cit., p. 113.
16
Harva, op. cit., p. 299, citation de Bogoras.
17
Jean-Louis Bernard, Dictionnaire de l’insolite, Dauphin, 1971, p. 182.
18
Isha Schwaller de Lubicz, Her-Bak disciple, Flammarion, 1956, p. 175.
19
Elias Lonnrot, Le Kalévala, XVII, 38-42.
20
Ibid., 59-66.
21
Ibid., 168-172.
22
Ibid., 531-570.
23
K. Muller, « Llsoxski-Zeitschrift für Celtishe Philologie », XIV, trad. fr.,
Revue celtique, XVIII, 8.
24
Régis Boyer, Les religions de l’Europe du Nord, 530-533.
25
Sieroszweski, « Du chamanisme d’après les croyances Yakoutes », Revue
d’histoire des religions, 1902, p. 314.
2
Sternberg, Divine election in primitive religions, p. 475.
3
W. Bogoras, Chukchee Mythology, p. 107.
4
Jean Markale, Les Celtes, op. cit.
5
Markale, art. cit., Cahiers du sud, no 335.
6
Markale, L’épopée celtique d’Irlande, p. 34.
7
Markale, Imramm Malduin, XXVIII.
8
N. Gorchov, Yrin Uola, Ivorgo, XV, Irkoutsk, 1895, p. 43.
9
Markale, L’épopée celtique de Bretagne, p. 147.
10
Ph. Strahlenberg, Der nord- ostliche Theil von Europé uns Asien, p. 378.
11
Wilfrid Chetteoui, Un rhapsode russe : Rjahinn le père, p. 70.
12
Markale, L’Épopée celtique de Bretagne, op. cit., p. 65.
13
Lyall Watson, Histoire naturelle du surnaturel, p. 224-225.
14
Elias Lonnrot, Kalévala, chant XVI, 32-56 et 123-126.
15
Ibid., chant XLIV, 330-335 et 326-333.
16
René Guénon, Le roi du Monde, chap. x.
17
Lonnrot, op. cit., LXVI, 350-360.
18
Ibid., II, 370-373.
19
Robert Graves, La déesse blanche, p. 190.
20
Knesofontow, Legendy i Rasskasy o schamnach.
21
Paul Valéry, Eupalinos, p. 184-185.
22
G. Thieux, Lumières dans la nuit, no 117.
23
J.L. Bernard, Dictionnaire de l’insolite (voir chakra).
24
Paul Le Cour, A la recherche d’un monde perdu, p. 141.
25
A. Savoret, Du menhir à la croix, p. 323.
26
Fulcanelli, Les demeures philosophales, t. I, p. 156.
27
Ibid., t. II, p. 64.
1
Ivar Paulson, op. cit., p. 132.
2
Uno Harva, Les représentations religieuses des peuples altaïques,
Gallimard, 1959, p. 342.
3
Lönnrot, Le Kalévala, trad. J.L.Perret, Stock, 1931, IX, 272.
4
Ibid., XVIII, 30.
5
Ibid., XII, 217.
6
Ibid., XVIII, 63.
7
Snorri, Gylfaginning, xx.
8
Trad. Sjoestedt, Revue celtique, XLIII, 8.
9
Harva, op. cit., p. 345.
10
Markale, L’épopée celtique de Bretagne, op. cit., p. 40.
11
Markale, Guide de la Bretagne mystérieuse, Tchou, 1966 ; Finistère, p. 237.
12
Lönnrot, op. cit., XIV, 339.
13
Markale, Guide de la Bretagne mystérieuse, op. cit., Ille-et-Vilaine, p. 234.
14
E. Lot-Falck, Les religions de l’Europe du Nord, op. cit., p. 739.
1
Lonnrot, Kalévala, XLVI, 462.
2
Ibid., 480.
3
Ibid., IX, 270.
4
Ibid., XVI, 740.
5
E. Lot-Balck, op. cit., p. 737-738.
6
Harva, op. cit., p. 169.
7
Lehtisalo, Entwurferner — Mythology de Jurak-Samojeden, p. 108.
8
Lonnrot, op. cit., XVIII, 221-270.
9
Ibid.
10
Patkanov, 1898, Munskaesi, 1905.
11
Lyall Watson, Histoire naturelle du surnaturel, p. 210.
12
R.P. Guillot, Raspoutine et les devins des tsars.
13
Nelson, « The Eskimo about Being Strait », 18e annual report of the bureau
of American ethology, 1899.
14
Paulson, op. cit., p. 256.
15
Radlov, Aus Sibirien, p. 52.
16
Harva, Les représentations religieuses des peuples altaïques.
17
Ibid.
18
Ibid.
19
Guide de la Bretagne ; Ille-et-Vilaine, p. 21.
20
E. Lot-Falck, op. cit., p. 679.
21
Ibid., p. 681.
V. MÉDECINE DU CHAMAN
1
Jochelson, The Yukagirs, p. 380.
2
Eliade, Le chamanisme, p. 181.
3
Ducan Pride, Dix ans chez les Esquimaux, p. 153.
4
Sierosswski, op. cit., p. 325.
5
Ibid., p. 638.
6
E. Lot-Falck, op. cit., p. 742.
7
Ibid., p. 638.
8
Lonnrot, Kalévala, op. cit., XLV, 255-269.
9
Ibid., 233-236.
10
Ibid., LXI, 270-300.
11
Ibid., 320-350.
12
Ibid., 355-360.
13
Bogoras, op. cit., p. 465.
14
Pryde, op. cit., p. 150.
15
Watson, op. cit., p. 239.
16
Ibid., p. 241.
17
G.W. Meek, A study of psychic surgery and spiritual healing in the
Philippins, privately printed.
18
Lewis, Les religions de l’extase, p. 54.
19
Eliade, Le Chamanisme, p. 133.
20
Dottin, L’épopée irlandaise, p. 113-117.
21
J. Bourgaux, Possessions et simulacres, p. 23.
22
Robert Graves, La déesse blanche, p. 510.
1
R. Boyer, Les Dits du Très-Haut, op. cit., p. 147.
2
J.L. Bernard, Les archives de l’Insolite, éd. du Dauphin, 1971, p. 392.
3
Ynglingasaga, VI-VII.
4
G. Dumézil, Mythes et dieux des Germains, p. 81.
5
Markale, L’épopée celtique d’Irlande, p. 180.
6
Ynglingasaga, IV.
7
Diodore de Sicile, v-29 et Strabon, IV-4.
8
Markale, Les Celtes, op. cit., p. 86.
9
Markale, Les grands Bardes d’Irlande, p. 42.
10
Royer, op. cit., p. 565-566.
11
Hans Jeny « Visualing sounds », Science Journal, juin 1968.
12
Watson, Histoire naturelle du surnaturel, op. cit., p. 102.
13
Boyer, op. cit., p. 561.
14
Markale, L’épopée celtique d’Irlande, op. cit., p. 65.
15
Eliade, Chamanisme, p. 366.
16
Loennrot, Kalévala, VIII, 170.
17
Ibid., IX.
1
Harva, op. cit., p. 211-212.
2
Eliade, Le Chamanisme, op. cit., IX-X-XII.
3
Eva Ruchpaul, Philosophie et pratique du yoga, 12.
4
Markale, Cahiers du sud, no 335, p. 27.
5
Rasmussen, op. cit.
6
E. Lot-Falck, op. cit., p. 743.
7
Ibid.
8
Ibid.
9
Boyer, op. cit., p. 104.
10
Chetteoui, op. cit., p. 17.
11
Goethe, Balades, éd. Montaigne, p. 135.
12
Leconte de Lisle, Les Hurleurs.
13
A. Akmatova, Poèmes sans héros, p. 69.
14
J. Cocteau, La Belle et la bête, p. 79.
15
Giraudoux cité par Claude Roy dans Trésors de la poésie populaire, p. 841.
16
Lonnrot, Kalévala, XXXVIII, 150-180.
17
Mistral, Mireille.
18
Taliesin, Le Cad Godden, extrait du Livre de Taliésin.
19
Jane Rude, Anna Akmatova, p. 139.
20
Markale, Livre de Leinster, trad. P.D. Hyde, et cité dans Celtes, p. 190.
21
Renaud-Krantz, Voluspä. Prédictions de la voyante, cit. dans Anthologie,
86.
22
Ibid., Lai du soleil, ibid.
23
Ibid.
24
Baudelaire, Les fleurs du mal, « Les phares », p. 58.
25
Leconte de Lisle.
26
Baudelaire, op. cit., p. 178.
27
Rimbaud, Œuvres, Mercure de France, MCMXLVI, p. 267.
Bibliographie thématique
CHAMANISME
CELTICISME
DOTTIN, L’épopée irlandaise, Paris, 1926.
J. EVOLA, Le mystère du Graal, Villain et Belhomme, 1967.
R. GRAVES, La déesse blanche, éd. du Rocher, 1979.
J. MARKALE, L’épopée celtique d’Irlande, Payot, 1971.
L’épopée celtique de Bretagne, Payot, 1971.
Les Celtes, Payot, 1977.
Les grands Bardes gallois, 1956.
J. MARX, Les littératures celtiques, P.U.F., 1967.
K. MULLER, Llsoxski Seitschrift für Cellishe Philology XIV, trad. par
Revue celtique, XVIII-8.
A. SAVORET, Du menhir à la croix, Psyché, 1932.
J. DE VRIES, La religion des Celtes, Payot, 1977.
Guide de la Bretagne mystérieuse, Tchou, 1966.
Revue celtique.
Cahiers du Sud.
PRÉHISTOIRE ET HISTOIRE
POÉSIE ET LITTÉRATURE
DIVERS
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Sommaire
Couverture
Présentation
Page de titre
Épigraphe
Introduction
Introduction
I. - L’élection chamanique
Notes bibliographiques
INTRODUCTION
I. L’ÉLECTION CHAMANIQUE
V. MÉDECINE DU CHAMAN
Bibliographie thématique
CHAMANISME
CELTICISME
CULTURES NORDIQUES ET GERMANO-SCANDINAVES
PRÉHISTOIRE ET HISTOIRE
POÉSIE ET LITTÉRATURE
DIVERS
Copyright d’origine
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