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Les parements en béton

réglementation (France) – problèmes – protection


Prof. Ringot, Laboratoire Matériaux et Durabilité des Constructions
Université Paul Sabatier de Toulouse, 118 route de Narbonne, FR-31066 Toulouse
Firma: LRVision Sarl, Parc Technologique du Canal, 10, Avenue de l’Europe, FR-31520 Ramonville;
erick.ringot@lrvision.fr

Introduction
En France, l’image du béton auprès de l’opinion publique
n’est pas des plus flatteuse. Si le béton est notoirement
considéré comme un matériau « robuste » il n’en demeure
pas moins que son image est souvent associée à la
« laideur ».
Cette situation est d’autant plus paradoxale que le
développement économique et social dépend du
développement des infrastructures de transport tels que les
ponts, viaducs, tunnels et aéroports réalisés pour une
grande partie en béton. Pourtant, de belles réussites ne
manquent pas dès lors que les moyens techniques sont
consentis. Toutefois, la tendance à la dévolution des
marchés publics au « moins-disant » a poussé à un certain
désengagement générateur de perte de savoir faire de
certains acteurs.
La qualité des parements de béton a été relancée au
travers d’opérations motivées par les pouvoirs publics
Français (programme QUALIBE) et joignant les efforts des
maîtres d’ouvrages, architectes, laboratoires, producteurs
de matériaux et les entreprises de construction.
Il est vrai que la surface du béton, sa « peau », constitue le
premier rempart contre les agents agressifs extérieurs et
requiert une attention particulière. A ce propos, on peut oser
un parallèle avec une problématique humaine de protection,
d’entretien et, finalement, de cosmétique de la peau du
béton.

Problématique
Des publications internationales font référence à la qualité des parements depuis au moins les années
1970 (le rapport n°24 du Comité International du Béton a été rédigé en 1973). En France, ce n’est qu’à
partir de 1985 que les textes réglementaires, notamment les textes concernant les marchés publics,
attirent l’attention des maîtres d’ouvrage sur l’aspect des parements en béton.
Jusqu’à lors, seules les performances physiques (perméabilité, densité, rhéologie à l’état frais) et
mécaniques (résistance, élasticité, fluage) du béton étaient considérées par les professionnels.
L’absence de spécification de la qualité des parements dans les cahiers des charges techniques
particulières (CCTP) jointe au principe de dévolution des marchés publics au mieux-disant a généré un
certain nombre de situations de graves problèmes d’aspect. Certains constructeurs prétextaient même
que le béton étant hétérogène, il devait présenter de nombreux défauts comme preuve de son
caractère. Cette situation a conduit un moment les architectes à se détourner ou à se défier du béton
architectonique et aujourd’hui encore subsiste un doute quant au savoir-faire des entreprises en la
matière.
Cependant, depuis 1985, des progrès ont été réalisés tant sur le plan des spécifications sur la base de
nouveaux textes réglementaires et sur le plan de la sensibilisation des acteurs. D’abord abordée sur un
plan technologique et économique, la problématique de la maîtrise des parements de béton a ensuite
été traitée sur un plan plus scientifique, dans le cadre de programmes nationaux orchestrés par les
pouvoirs publics ou de thèses universitaires à l’initiative d’industriels de la construction.
Aujourd’hui il apparaît comme évident que le parement constitue la peau et donc la première protection
du béton en matière de durabilité, raison pour laquelle les questions touchant à la surface du béton, y
compris son aspect, ont un regain d’intérêt : il y a convergence d’intérêt entre les architectes et les
maîtres d’ouvrage.
A noter que la question de l’esthétique des bétons reste ouverte d’autant plus que de nouveaux
matériaux et de nouvelles techniques de mise en œuvre apparaissent sur le marché (bétons de poudre
réactive, béton auto-plaçant). Il convient de remarquer la prudence des instances professionnelles car si
la normalisation concernant le béton tend vers une Européanisation (norme EN 206-1 depuis 2003), les
textes n’abordent pas explicitement l’esthétique des parements.

Réglementation
Textes applicables en France
En France quatre textes peuvent être appliqués en matière d’esthétique des parements (tableau I).
Chacun d’eux envisage les parements sous trois aspects :
• Les tolérances de forme,
• La texture,
• La « teinte » (bien qu’aucun des documents ne fasse réellement état de la couleur mais
uniquement de la clarté).

Tableau I – différents textes applicables en France

REGLEMENTS
différentes classes de parements en béton
Recommandations du CCTG AFNOR
DTU 23
rapport n°24 du CIB Fascicule 65 A NF P18 503
Texte généraliste Travaux de maçonnerie Texte généraliste
Ouvrages d’art
comité international des marchés publics inspiré du rapport n°24
parements parements parements parements
Grossiers Elémentaires Non pris 0
ordinaires ordinaires En compte 1
courants Soignés simples 2
soignés
Soignés fins 3
soignés
spéciaux Soignés 4
ouvragés
Bien que ces différents textes coexistent, ils ne sont pas rigoureusement équivalents et diffèrent dans la
terminologie et dans la correspondance des classes de qualité.
Toutefois ces documents possèdent une structure commune qui peut donc être commentée au travers
de l’analyse de l’un d’eux, notamment le rapport n°24 du Conseil International du Bâtiment qui présente
l’avantage d’être transnational.

Description du rapport n°24 du CIB


La finition des parements de béton nécessite une méthodologie visant à introduire des critères de
qualité permettant à la maîtrise d'ouvrage ou au prescripteur (architecte, maître d'oeuvre) de spécifier
ses objectifs mais aussi de faciliter la communication avec l'entreprise.
C’est dans cet esprit que le Conseil International du Bâtiment pour la Recherche, l'Etude et la
Documentation (CIB) a rédigé le rapport n°24.
Le CIB définit un certain nombre de critères pour lesquels il précise des niveaux de qualité. Le rapport
n°24 de la CIB présente une méthode (dont s'inspire par ailleurs en partie la norme Française NFP 18-
503) par laquelle la qualité d'un parement peut être exprimée de façon quantitative. Des limites sont
ainsi imposées à l'ampleur des défauts ou, alternativement, une limite est fixée aux variations
constatables d'une surface à l'autre.
Quatre critères de qualité sont considérés par le texte :

1. variations de forme (cf. tableau II)


1. défauts de planéité
1. globaux
2. locaux
3. accidentels
2. défauts de joints
3. défaut de trames
2. taches et trous
3. bullage
4. variation de 'couleur'

Tableau II – défauts de géométrie considéré par le rapport n°24 du CIB

1.1. planéité 1.2 joint 1.3 trame


Pour chaque critère, quatre classes de qualité sont définies (cf. tableau III)
Tableau III – classes de qualité
Classe signification
qualifie les parements pour lesquels aucune contrainte de finition
GROSSIERE
particulière ne s'impose ;
s'applique aux parements pour lesquels l'apparence, quoique
ORDINAIRE
considérée, constitue un facteur secondaire ;
ELABOREE concerne les parements avec des spécifications d'aspect visuel ;
est introduite pour les parements requérant les plus fortes exigences
d'esthétique. Cette classe est réservée aux ouvrages ou parties
SPECIALE
d'ouvrage où le surcoût introduit par la qualité est justifié par la
situation exceptionnelle.
Un même parement peut ainsi être classé différemment en fonction du type de défaut qui est considéré.
Il est à noter que les exigences de qualité peuvent non seulement dépendre du type d'ouvrage et de sa
situation, mais aussi de la distance à laquelle le parement est observable (cf. figure 1). L'attention que
peut porter les usagers au parement est ainsi prise en compte
Ainsi doivent être considérées les taches et défauts locaux pour lesquels la surface maximale est
définie en relation avec la distance d’observation et, naturellement, la classe d’exigence.

Figure 1 – le plus gros défaut toléré dépend de la distance d’observation


Pour ce qui concerne le bullage (ensemble des petites cavités de surface) le critère de qualité à
appliquer se réfère à des « densités » définies sur une échelle conventionnelle comportant sept niveaux
(figure 2).

Figure 2 – planche des densités de bullage


Le rapport n°24 du CIB prévoit que les exigences de qualité vis-à-vis du bullage s’expriment par
limitation des variations de densité entre deux zones adjacentes ou deux zones non adjacentes.
L’exigence peut aussi porter sur le bullage moyen du parement.
Par exemple, la classe SPECIALE nécessite que deux plages voisines ne présentent pas d’écart de
densité supérieur à 2, cette différence est portée à 4 pour des zones distantes l’une de l’autre.
Sur le même principe, le texte introduit également la façon de formuler des exigences en terme de
« couleur ». En réalité ce terme est inapproprié car l’échelle des « couleurs » proposée est constituée
de sept photographies tramées et imprimées en noir et blanc (cf. figure 3).

Figure 3 – planche des « couleurs »


Là encore, le rapport n°24 du CIB prévoit que les exigences de qualité vis-à-vis de la teinte s’expriment
par limitation des variations de teinte entre deux zones adjacentes ou deux zones non-adjacentes.
L’exigence peut aussi porter sur la teinte générale du parement.

Analyse des normes


Les textes sont relativement anciens (le rapport n°24 date de 1973 et le dernier texte normatif Français
remonte à 1985) aussi restent ils évasifs pour ce qui concerne les moyens de contrôle.
Pour caractériser les défauts de forme, des relevés de cote sur chantier, effectués à la règle de 2
mètres et au réglet suffisent généralement. A noter que le professionnel doit adapter le texte s’il est
confronté à des surfaces gauches.
Pour ce qui concerne le bullage et la teinte, l’appréciation objective de l’état d’un parement est bien plus
délicate. Quand on sait que les situations de conflit entre la maîtrise d’œuvre et le constructeur résultent
d’une différence d’appréciation de la qualité de l’ouvrage exécuté, on voit mal comment utiliser les
planches de bullage ou de teinte pour objectiver ladite qualité.
Certes ; le texte du CIB préconise que « pour être applicable, l'échelle de teinte doit être apposée sur
un voile sec et ombragé, les observations étant faites à au moins 3.0 mètres de distance », mais on se
représente mal comment utiliser la planche des teintes pour estimer les écarts entre deux zones
adjacentes et encore moins entre deux zones éloignées.
S’agissant de faire une comparaison visuelle entre une surface de béton et une planche cartonnée, on
peut objecter que :
• la comparaison faite par une personne est subjective ; si elle est faite par deux personnes elle peut
être contradictoire voire conflictuelle,
• le carton et le béton ne réagissent pas de la même façon à la lumière (énergie lumineuse réfléchie),
• une comparaison visuelle ne peut avoir qu’une portée locale ce qui constitue un obstacle à une
évaluation d’ensemble de la situation,
• le béton présente le plus souvent des nuances de couleur (souvent vers le jaune) ce qui biaise la
comparaison avec une planche tramée.
A noter que les textes réglementaires font l’impasse totale sur la couleur ce qui fait que les bétons
colorés, que ce soit dans la masse ou par application d’une lasure d’imprégnation, sortent du champ
d’application de ces mêmes textes.
Cette situation est d’autant plus dommageable que les architectes, tout en appréciant la minéralité et
l’animation de surface offertes par le béton, exercent leur inventivité artistique également en jouant sur
les couleurs. Aujourd’hui, il n’est pas rare de trouver des voiles bétons dont la couleur est assortie à leur
environnement (revêtement de sol, terre cuite, etc.).
En conclusion :
• Les textes normatifs actuels doivent être considérés comme des guides de prescription de la qualité
esthétique des parements de béton.
• Les prescriptions doivent être affinées par le maître d’œuvre lui-même appuyé par son bureau
d’étude. Ses exigences doivent obligatoirement être assorties de tolérance. Naturellement, plus la
plage de tolérance est étroite plus le coût de la qualité est élevé ; le concepteur et le constructeur
doivent en être bien conscients dans leur modèle économique respectif.
• Les normes actuelles ne définissent pas les moyens de la qualité mais uniquement des objectifs à
atteindre. Il y a lieu de toujours vérifier qu’un niveau d’exigence requis est compatible avec les
moyens mis en œuvre. La concertation avec l’entreprise est toujours souhaitable.
• L’élaboration d’éléments témoins (avant exécution) peut s’avérer une aide précieuse à condition
toutefois que ceux-ci aient des dimensions comparables à celles de l’ouvrage projeté.
• Enfin, les normes ne définissent pas les moyens objectifs de vérification a posteriori de la qualité ;
là encore les procédure de contrôle et de réception peuvent faire l’objet d’une concertation
préalable entre la maîtrise d’œuvre et le constructeur. Par exemple, le support d’un bureau de
contrôle externe peut s’avérer utile.
• A noter que l’emploi de moyens modernes d’investigation (spectrophotométrie, analyse d’images
notamment) permettent de rendre objectifs les diagnostiques en présentant l’avantage d’une
évaluation quantifiée et globale.

Figure4 – béton de sol en béton teinté dans la masse (Disney Paris)


Défauts de texture et de teinte
Il existe un certain nombre de références bibliographique répertoriant les défauts esthétiques des
parements de béton.
L’origine des défauts est très variable et souvent multiple. Un défaut peut se révéler immédiatement
après le décoffrage ou survenir au cours du temps ; il peut avoir des causes naturelles (efflorescences)
ou non (graffitis).
Le professionnel cherche à se prémunir contre les défauts en jouant sur un certain nombre de facteurs
allant de la conception de l’ouvrage lui-même à la mise en place de moyens de protection en passant
par les conditions d’exécution (matériaux, conditions de mise en œuvre).
L’expérience montre que la concertation entre le maître d’ouvrage, le maître d’œuvre et le constructeur
est requise pour limiter les préjudices esthétiques instantanés ou différés pouvant affecter un ouvrage.
Aujourd’hui, le marché de la construction s’enrichit par l’apparition de professionnels spécialisés dans la
protection et offrant des solutions technologiques innovantes et efficaces en matière de traitement mais
aussi de prévention des problèmes d’esthétique.
Ce paragraphe résume brièvement les principaux problèmes rencontrés, la liste n’est pas exhaustive et
ne concerne que les bétons n’ayant pas subi de traitement particulier à l’issue du décoffrage
(désactivation, brossage, éclatement, polissage, etc.).

Défauts de texture
Pour la plupart, les défaut de texture prennent leur origine au cours du bétonnage ou dans les phases
immédiatement amont (préparation) ou aval (durcissement) ; ils sont résumé dans le tableau IV.
Ils doivent être prévenus car la réparation des défauts de texture est très difficile à réparer : l’utilisation
de produits de ragréage constitue rarement une solution compatible avec l’esthétique d’un parement
architectonique.

Tableau IV – principaux défauts de texture

Inclusions Inclusions dues à la présence d’éléments étrangers apportés avant bétonnage


sur la peau coffrante avant bétonnage (traces de boue par
exemple).
Bullage Le bullage provient de l’emprisonnement de l’air sur la bétonnage
(fig.4 & 5) surface du coffrage. L’emploi de coffrage lisses et d’un agent
de démoulage contenant un composant tensioactif permet de
réduire l’importance du phénomène. A noter toutefois que
son élimination totale n’est pas toujours souhaitée par les
architectes.
Nids de cailloux Ils sont dus à l’absence locale de mortiers et d’éléments fins ; bétonnage
ils peuvent être profonds et être préjudiciables à la durabilité
du béton ;
Ressuage Le ressuage se traduit par la présence de traces verticales bétonnage
où le sable apparaît en surface. Ce phénomène est produit vibration
par la vibration au voisinage du coffrage qui favorise la
remontée de l’eau en excès dans des sortes de cheminées.
Fuite de laitance Résulte de la coulée des éléments fins au droit des joints mal coffrage
étanchés du coffrage bétonnage
Poudrage Aspect pulvérulent de la surface dû à une hydratation durcissement
incomplète du ciment superficiel
Ecaillage L’écaillage se produit lors du décoffrage quand la peau décoffrage
coffrante adhère de façon excessive au béton durci ce qui
provoque des arrachements superficiels.
Faïençage Le faïençage trahit un défaut de cure du béton dans les premiers jours
premiers jours suivant le décoffrage : il se manifeste sous la après décoffrage
forme d’un fin réseau de microfissures.

Figure 4 - le microbullage à la surface d’un Figure 5 – bullage trahissant l’accumulation d’air le long
béton contribue à conférer un aspect du coffrage dans un process mal maîtrisé
minéral du parement

Défauts de teinte
Les défauts de teinte (tableau V) qui surviennent lorsque l’ouvrage est décoffré ou en service peuvent
nécessiter un traitement de nettoyage et l’application d’une solution préventive.
La correction des défauts éventuels de teinte peut être envisagée sans dommage pour l’aspect minéral
du béton par l’application d’une lasure d’imprégnation colorée, semi transparente à condition que celle-
ci soit correctement formulée (cf. la lecture de l’après midi).

Tableau V – principaux défauts de teinte

Pommelage Transparence des gros granulats à la surface des bétons. vibration


Zones sombres cristaux de Portlandite très orientés formant des plages prise
sombres et brillantes. durcissement
Variation de Sur les voiles de grande hauteur, peut provenir d’une bétonnage
teintes variabilité dans l’approvisionnement béton ou dans les
conditions de mise en œuvre.
Rouille Résidus sur coffrage métallique, ligatures d’armatures après décoffrage
affleurantes, pyrite contenue dans les granulats. en service
Marbrures Ce sont des discontinuités de teinte alternées et souvent bétonnage
constituées en veines verticales, provoquées par le coulage
et/ou la vibration.
Efflorescences Elles sont constituées par des concrétions irrégulières, le premières
plus souvent de teinte blanchâtre, résultant de la semaines après
carbonatation de la chaux contenue dans le béton en décoffrage
présence d’humidité. Le phénomène est accentué si le béton
est très poreux.
Fantômes Ce sont des traces longiformes qui surviennent sur le en service
(fig.6) parement par temps humide ; ces traces soulignent les
armatures sous-jacentes. Elles sont dues à un défaut de la
densité de l’enrobage et peuvent survenir alors même que
l’épaisseur d’enrobage est correcte
Assombrissement Par temps de pluie, lorsque le béton s’imbibe d’eau, il en service
s’assombrit ; le phénomène révèle les zones les plus
poreuses
Souillures Elles apparaissent par apport de matière polluante à la en service
(fig.7) surface du béton après sa mise en service ; elles peuvent
être d’origine organiques (déjection animales, traces de
boues, colonisation bactérienne ou algueuse) et peuvent être
grasses (graisse, produits hydrocarbonés)
Graffitis Provoqués par une action délibérée d’application de peinture en service
le plus souvent solvantée qui s’incruste dans la porosité du
support

Figure 6 – fantômes d’armatures Figure 7 – colonisation algueuse

Objectiver l’inspection
Le but de ce paragraphe est de montrer comment l’utilisation de techniques « modernes » telles que
l’analyse d’image permet de rendre un rapport d’inspection de parement objectif et parfaitement
quantifié. L’idée est de montrer que les prescriptions peuvent être vérifiées a posteriori pourvu que l’on
dispose de moyens adéquats.
Afin d’illustrer le propos, la caractérisation du bullage est abordée pour l’exemple. Elle s’opère, dans
son principe général, en une suite d’étapes décrites ci-après.
1. L’opérateur prend une prise de vue à l’aide d’un dispositif de numérisation d’images (appareil
photographique haute définition ou caméra numérique) dans des conditions naturelles
d’éclairage (fig.8).

La prise de vue est prise de sorte que l’échelle


soit suffisamment fine eu égard aux détails à
analyser.
On peut considérer qu’un élément de l’image est
correctement quantifiable (en nombre et en
forme) s’il est couvert par au moins une dizaine
de pixels ; ainsi une petite bulle de 1 mm pourra
être analysée si la définition de l’image est de
300µm/pixel. Ce résultat peut être obtenu en
combinant la distance de prise de vue et la focale
de l’objectif utilisé.

Figure 8 – image de bullage


A noter, bien sûr, que l’échelle et la résolution (nombre de pixels du détecteur) conditionnent
l’amplitude de la zone analysée. Par exemple un appareil haut de gamme ayant une résolution
de 4000x3000 à 300µm/pixel délivrera des images couvrant 1.2x0.9m². Si de grandes surfaces
doivent être analysées on procèdera à de multiples prises de vues.
2. La photographie est ensuite traitée par logiciel dans une suite d’opérations (filtrage,
rehaussement de contraste, extraction du bullage).

Le traitement numérique doit s’accommoder des


images prises dans un environnement lumineux
souvent mal maîtrisé (prises de vues
extérieures).
Le résultat de cette opération consiste en une
image binaire (fig. 9) ne visualisant que les bulles
à l’exclusion de tout artéfact (taches, zébrures,
auréoles).

Figure 9 – extraction des bulles


3. L’image binaire obtenue est ensuite analysée pour obtenir les principales statistiques :
0.200 # ECHELLE [mm/pixel]
3.085 # TENEUR BULLES [%]
267 # N2 (NBRE DE BULLES)
142006 # DENSITE DE BULLAGE [bulles/m2]
0.316 # D50 [mm]
0.948 # D90 [mm]
1.960 # Dmax [mm]
4. Les résultats obtenus peuvent être comparés à la planche de bullage du rapport n°24 du CIB
(tableau VI), par exemple, ou de tout autre critère de jugement défini dans le cahier des
charges.
Tableau VI – quantification des classes de bullages telles que définies
par le rapport n°24 du CIB – (la teneur est exprimée en % de surface de parement)
Classe1 Classe2 classe3 classe4 classe5 classe6 classe7
0.092% 0.156% 0.666% 2.146% 3.468% 4.268% 12.527%

Dans l’exemple proposé, le bullage est ainsi classé entre les classes 3 et 4 de la planche
« normalisée ».
L’analyse d’images permet d’aller plus loin dans l’expertise du parement et peut servir, par exemple, à
établir de véritables cartographies du bullage établi en classes.

Protection des parements de béton


Sur le plan économique, il peut être avantageux d’employer le béton architectonique, évitant l’ajout d’un
revêtement onéreux ; en contrepartie il est vrai que la qualité du parement se paiera par un surcoût
dépendant des exigences de qualité.
Les paragraphes précédents ont évoqué la possibilité de protéger des parements de béton permettant
ainsi d’éviter ou d’atténuer l’apparition de défauts de teinte lorsque les ouvrages sont en service.
Pour les ouvrages aériens (non immergés) les défauts dont la liste suit sont concernés par une solution
de protection.
• les efflorescences de carbonate de calcium qui apparaissent en présence conjointe de gaz
carbonique et d’eau. A noter que ce phénomène de carbonatation ne constitue pas seulement un
problème d’esthétique. En effet, la transformation de la chaux en calcaire à partir de la surface du
béton abaisse progressivement le pH de la zone d’enrobage des armatures qui se trouvent ainsi
soumis à une reprise de corrosion avec tous les avatars que cela comporte (traces de rouilles
diffusantes, éclatement du béton).
• les dégradations liées à l’exposition aux embruns salins d’un béton en région maritime. La diffusion
des ions chlore dans le béton est préjudiciable par le risque de cristallisation de sels expansifs, la
dissolution de la Portlandite et également la corrosion des aciers.
• les salissures produites par les algues microscopiques dont le développement est essentiellement
lié aux conditions ambiantes (humidité, luminosité, présence de nutriments minéraux) et aux
caractéristiques du matériau support (porosité, rugosité et composition minérale).
• Les fantômes d’armatures et les zones sombres résultant de la pénétration de l’eau de pluie ou de
l’humidité de l’air dans les zones plus poreuses (par exemple situées au voisinage des armatures).
• Les souillures (graisses) et graffitis (peinture).
On voit ainsi que –sauf pour ce qui concerne le dernier alinéa– les problèmes de teinte sont apportés
par l’eau. Ainsi, s’il semble naturel de mettre en place une protection visant à empêcher l’eau de
pénétrer dans le substrat, il faut prendre garde à ne pas emprisonner l’eau liquide ou la vapeur d’eau.
En effet la présence d’un revêtement étanche pourrait entraîner d’autres désagréments tels que le
développement de bactéries aérophobes ou le cloquage dudit revêtement par poussée de l’humidité de
l’intérieur vers l’extérieur sous le film étanche.
Dans cet esprit seules les solutions d’imprégnation sont évoquées ici dans la mesure où, hydrophobes,
elles laissent le matériau poreux « respirer ».

Capacité d’absorption d’eau


C’est le réseau poreux du béton qui permet le transport d’humidité que ce soit sous forme vapeur ou
liquide.
On peut distinguer :
• la porosité du gel de silicate de calcium hydraté (C-S-H) de 10 Å à 100Å (qui représente 80% de la
pâte de ciment hydratée), qui fixe des molécules d’eau adsorbées contribuant à leur structure,
• la porosité capillaire de la pâte de ciment (100 Å – 1 µm) constituée par l’espace subsistant après
l’hydratation du ciment,
• à l’interface de chaque granulat présente une porosité à la fois plus volumineuse et de plus grand
diamètre (1µm-5µm) concentrées sous la forme d’auréoles appelées « auréoles de transition »
enrobant les grains sur une épaisseur typique de 30µm. Cette porosité d’interface constitue un
réseau interconnecté favorable au transport de l’eau,
• des vides supplémentaires sont provoqués par l’air entraîné dans le béton au cours du malaxage, la
quantité de ces vides peut être accentué par l’utilisation d’un adjuvant entraîneur d’air souvent
utilisé dans les régions froides comme dispositif anti-gel.
Seule la porosité dite « ouverte », accessible, participe au phénomène de transport de l’humidité ; elle
est formée par la porosité capillaire et les auréoles. On montre qu’une porosité ouverte de 18% (en
volume total) suffit à la formation d’un réseau de percolation concernant tout le volume du béton.
Les matériaux de construction, le béton en particulier, peut absorber de l’eau (et les agents chimiques
qu’elle transporte) de deux façons :
• Par humidification, l’eau diffuse à travers le réseau poreux par le jeu des forces capillaires. Le
phénomène de diffusion est régit par la seconde loi de Fick ; le front de diffusion progresse en
racine carré du temps (figure 10).
Figure 10 – courbes d’absorption par capillarité obtenue par
application de la norme DIN52617 pour différents matériaux
• Par équilibre hygrométrique avec l’humidité de l’atmosphère (figure 11).

Figure 11 - isothermes de sorption à 20°C

Protection par imprégnation


La protection par imprégnation consiste à abaisser l’énergie de surface à protéger en dessous la
tension superficielle du liquide (eau/huile). On utilise pour cela des molécules ayant pour mission de
tapisser le matériau, y compris dans les premiers millimètres de sa porosité. Ces molécules possèdent
une queue qui présente une excellente affinité avec le milieu auquel elles doivent adhérer (partie
hydrophile) et un radical assurant une fonction d’hydrophobie.
Le liquide d’imprégnation en lui-même doit posséder une basse tension superficielle pour pouvoir
mouiller correctement le substrat à protéger.
H-

H-
H-

H-
Eau repoussée

H-
H-

O2+
+
O2

+
O2
Tête hydrophobe & lipophobe
Molécule
hydrophobe
Queue adsorbée par le matériau

support

Figure 12 – mortier hydrofugé Figure 13 – principe de l’hydrofugation


Par exemple, on peut évoquer les solutions dérivées de la technologie du silicone.
Les solutions de résines silicones sont des polymères ayant pour chaînon de base une liaison silicium-
oxygène, chaque atome de silice porte un groupe organique et un groupe alcoxy R-O.
Au contact de l’eau, les groupes alcoxy se séparent en autorisant la réticulation tridimensionnelle avec
fixation au matériau par l’intermédiaire des liaisons Si-O-Si.
Une résine silicone réticulée a une ainsi une forte similitude avec le quartz.

Figure 14 – assemblage atomique d’une résine silicone réticulée (source Wacker)


Î Ces résines présentent donc une forte affinité avec les matériaux de construction silicatés.
C’est le radical organique R qui assure la fonction hydrophobe. Ces siliconates hydrosolubles ont un
faible poids atomique ce qui favorise leur pénétration dans les matériaux à forte densité.
La lasure à base de silicone doit résister au milieu alcalin régnant dans les bétons (faute de quoi le
fractionnement du polymère conduit à l’apparition de composés hydrosolubles préjudiciables à la
fonction hydrophobe). On constate alors la disparition progressive de l’effet hydrophobe avec le temps.
C’est la raison pour laquelle les silanes (monomères) et les siloxanes (polymères dérivés) sont les
résines siliconées les plus utilisés aujourd’hui en raison de leur bonne stabilité vis à vis des alcalins (K,
Na).
A noter que les silanes sont très volatiles et disparaissent très rapidement et de la surface sur laquelle
ils sont appliqués. De plus ils nécessitent la présence d’alcalins pour devenir actifs (ils ne sont pas
appropriés pour les matériaux non cimentaires).
Si l’on cherche à obtenir des propriétés antitaches, les produits fluorocarbonés (technologie du fluor)
s’avèrent plus performants en raison de leur aptitude à baisser l’énergie de surface à des valeurs
particulièrement basses (de l’ordre de 10 mN/m) ; leur faible poids atomique les classe parmi les
produits les plus mouillants et donc les plus pénétrants qui soit.
Figure15 – pénétration d’un produit fluoré d’imprégnation
(la zone périphérique plus claire marque la zone hydrophobe)

Un fluorocarbone présente les propriétés


suivantes :
• Faible poids atomique,
• Excellente pénétration,
• Respiration du support,
• Compatibilité avec des surfactants,
• Stabilité aux alcalins,
• Supporte les pH acides comme
basiques,
• Résistance chimique aux solvants,
• Hydrophobe,
• Lipophobe : résistance aux graisses et
aux hydrocarbures (y compris Figure 16 – protection d’un mortier coloré contre les
l’heptane) graisses par application d’une lasure fluorocarbonée
• parfaite transparence

Conclusion
Le béton architectonique apparent répond à une exigence d’esthétique
pour les architectes qui apprécient l’animation de la matière, l’aspect
pierreux et les formes maîtrisées qu’offre le béton.
Le succès d’un béton architectonique réussi dépend de la bonne
concertation entre le maître de l’ouvrage, le maître d’œuvre, le bureau
d’étude et l’entrepreneur.
L’architecte doit être capable de prescrire rigoureusement ses critères de
qualité ; l’entrepreneur doit être capable de s’y conformer. Pour cela les
professionnels peuvent s’appuyer sur des textes en les adaptant suivant les
circonstances.
L’analyse d’image constitue un bon moyen d’investigation objectif à l’usage
du professionnel dans son travail d’inspection.
La qualité a un coût qui doit être pris en compte dans l’élaboration du projet ; dès lors l’investissement
mérite d’être pérennisé en protégeant les surfaces exposées à toutes sortes d’agressions naturelles ou
non. Les lasures d’imprégnation siliconées voire fluorocarbonées présentent le plus large panel de
qualité à cette fin. Le marché voit ainsi apparaître des lasures colorées combinant des fonctionnalités
de protection hydrophobes et anti-taches avec des finalités décoratives.

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