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Introduction :

La Peau de Chagrin de Balzac, met en scène Raphaël de Valentin, un jeune homme tellement
désespéré et insatisfait qu'il s'empare d'un peau magique avec laquelle il signe un pacte maléfique ;
chacun de ses désirs sera exaucé mais le poussera vers sa mort. Cette peau symbolise la conception
de la vie et de la création selon Balzac : la création est une force vitale qui épuise fatalement le
créateur. Peut ont créer sans détruire ?

En 1831, au début encore de sa carrière littéraire, Balzac publie la Peau de Chagin, qui fait partie
des « Etudes philosophiques » au sein de La Comédie humaine. Il s'agit d'un roman fantastique dans
lequel Balzac développe une de ses idées fondamentale : le désir est destructeur.

Cet extrait appartient à la première partie du roman : « Le Talisman » et se situe au début de


l'intrigue. Il constitue l'élément déclencheur dans le schéma narratif du roman. Après l'épisode du
pont au cours duquel Raphaël a songé au suicide, le jeune homme pousse la porte d’un antiquaire.
Un vieil homme lui montre la pièce la plus extraordinaire de sa boutique, « une peau de chagrin »,
au pouvoir magique et redoutable du « vouloir et du pouvoir ».

Problématique : En quoi cet élément déclencheur fantastique illustre – t – il la thématique


Balzacienne fantastique ?

Plan :

I) La leçon de philosophie de l’antiquaire ou une définition du mal

II) Le choix de Raphaël : le symbole d’une société déréglée ou l'affirmation de Raphaël comme
élément déclencheur

III) Une vie de débauche vers un destin funeste


Extrait 1 : le pacte entre Raphaël et la peau

I) La leçon de philosophie de l’antiquaire ou une définition du mal

1) Ceci, dit-il d’une voix éclatante en montrant la Peau de chagrin, est le pouvoir et le vouloir réunis
2) ; là sont vos idées sociales, vos désirs excessifs, vos intempérances, vos joies qui tuent, vos
3) douleurs qui font trop vivre ; car le mal n’est peut-être qu’un violent plaisir. Qui pourrait
4) déterminer le point où la volupté devient un mal et celui où le mal est encore la volupté ? Les
5) plus vives lumières du monde idéal ne caressent-elles pas la vue, tandis que les plus douces
6) ténèbres du monde physique la blessent toujours ? Le mot de Sagesse ne vient-il pas de savoir ?
7) Et qu’est-ce que la folie, sinon l’excès d’un vouloir ou d’un pouvoir ?

II) Le choix de Raphaël : le symbole d’une société déréglée ou l'affirmation de Raphaël comme
élément déclencheur

8) - Eh bien, oui ! je veux vivre avec excès, dit l’inconnu en saisissant la Peau de chagrin.
9) - Jeune homme, prenez garde, s’écria le vieillard avec une incroyable vivacité.
10) - J’avais résolu ma vie par l’étude et par la pensée ; mais elles ne m’ont même pas nourri,
11) répliqua l’inconnu. Je ne veux être la dupe ni d’une prédication digne de Swedenborg, ni de
12) votre amulette orientale, ni des charitables efforts que vous faites, monsieur, pour me retenir
13) dans un monde où mon existence est désormais impossible.

III) Une vie de débauche vers un destin funeste

14) Voyons ! ajouta-t-il en serrant le talisman d’une main convulsive et regardant le vieillard. Je
15) veux un dîner royalement splendide, quelque bacchanale digne du siècle où tout s’est, dit-on,
16) perfectionné ! Que mes convives soient jeunes, spirituels et sans préjugés, joyeux jusqu’à la
17) folie ! Que les vins se succèdent toujours plus incisifs, plus pétillants, et soient de force à nous
18) enivrer pour trois jours. Que cette nuit soit parée de femmes ardentes ! Je veux que la Débauche
19) en délire et rugissante nous emporte dans son char à quatre chevaux, par-delà les bornes du
20) monde, pour nous verser sur des plages inconnues : que les âmes montent dans les cieux ou se
21) plongent dans la boue, je ne sais si alors elles s’élèvent ou s’abaissent, peu m’importe ! Donc je
22) commande à ce pouvoir sinistre de me fondre toutes les joies dans une joie. Oui, j’ai besoin
23) d’embrasser les plaisirs du ciel et de la terre dans une dernière étreinte pour en mourir.
I) La leçon de philosophie de l’antiquaire ou une définition du mal

L1:
- « Ceci » pronom démonstratif / déictique (= mot qui n'a de sens que par la connaissance du
contexte)
- « est le pouvoir et le vouloir »
► forme nominale du verbe
► cultive le mystère tentateur / conceptualise la peau
► « est » => le présent de vérité général montre qu'il énonce une loi
- « dit-il d’une voix éclatante »
► voix jeune qui s'oppose à la vieillesse de l'antiquaire
► contribue au mystère du personnage du vieillard

L2:
- « là sont vos idées sociales »
► « là » adverbe qui pose un cadre / situation d'énonciation
► rêve de réussite
- « vos désirs excessifs, vos intempérances, »
► condamnation du plaisir
- « vos joies qui tuent »
► antithèse => référence au tabac, drogue, maladies, excès du jeu
► opposition entre champ lexical de la vie et de la mort
► l'être humain est placé dans un dilemme entre le désir moteur de l'existence et l'épuisement
jusqu'à la mort

- « vos douleurs qui font trop vivre »


► hyperbole
► adverbe d'intensité « trop » qui accentue les excès => aspect moralisateur
- « car le mal n'est peut être qu'un violent plaisir »
► violent plaisir => oxymore / condamnation du plaisir
► « ne que » => négation restrictive
► « peut être » modalisateur qui nuance les propos => on est dans l'argumentation

L 3 – L 4 : « Qui pourrait déterminer le point où la volupté devient un mal et celui où le mal est
encore la volupté ? »
- usage du conditionnel qui modère les propos du vieil homme
- question rhétorique / interrogation directe partielle
► renforce l'argumentation du vieil homme
- on est dans l’argumentation : le vieil homme défend le point de vue du désir destructeur
- « la volupté devient mal et le mal volupté »
► chiasme et parallélisme
► marque l'opposition entre douleur et plaisir / bien et mal

L 5 – L 6 : « Les plus vives lumières du monde idéal ne caressent-elles pas la vue, tandis que les
plus douces ténèbres du monde physique la blessent toujours ? »
- question rhétorique
- opposition entre « folie / sagesse » / « lumières / ténèbres » / « monde idéal » et « monde
physique »
- l' antiquaire raisonne tel un philosophe déconstruisant les représentations communes
=> il condamne les plaisirs encouragés par la société et prône la sagesse auprès de Raphaël
L6:
- « Le mot sagesse ne vient – il pas de savoir ? »
► question rhétorique pour étayer l'argumentation sur le désir destructeur
► « Sagesse » : philosophie (de philo aimer et sophia sagesse, savoir)
► le vieillard propose le « savoir » qui présente l'avantage de pas user l'organisme humain

Conclusion I) : L’antiquaire condamne l’excès des désirs et des plaisirs encouragés par la société et
prône une vie de sagesse tournée vers le monde « idéal ».
II) L'affirmation de Raphaël en prenant la peau de chagrin comme élément déclencheur

L 8 : « Eh bien oui ! Je veux vivre avec excès, dit l'inconnu en saisissant la Peau de chagrin »
► Raphaël prend la parole / changement de locuteur matérialisé par un tiret
► « Eh bien oui » => phrase adverbiale qui crée un effet de rupture entre les propos du vieillard et
de Raphaël
► présent d'énonciation => Raphaël coupe court à la mise en garde du vieillard / discours
provocateur de Raphaël
► focalisation externe « dit l'inconnu » => la scène se déroule sous nos yeux, on ne connaît pas
l'intégralité des personnages
► Raphaël saisit la peau => élément déclencheur de l'intrigue / de l'histoire

L 9 : « Jeune homme, prenez garde, s'écria le vieillard avec une incroyable vivacité »

- opposition entre jeune et vieux / opposition entre vieillard / vivacité

- « Prenez garde »
► usage de l'impératif
► le vieillard donne un conseil à Raphaël / il essaye de le protéger

L 10 : « J'avais résolu ma vie par l'étude et par la pensée : mais elles ne m'ont même pas nourri,
répliqua l'inconnu »

► Raphaël fait un bilan de sa vie / référence à la philosophie de la vie = l'étude par la pensée
► usage du passé composé
► « pas nourri » => nourrir au sens propres, Raphaël n'a pas pu vivre des études qu'il à fait
=> nourrir au sens figuré, ces études ne lui ont rien apporté intellectuellement

L 11 – L 12 - L13 : « Je ne veux être la dupe ni d’une prédication digne de Swedenborg, ni de


votre amulette orientale, ni des charitables efforts que vous faites, monsieur, pour me retenir dans
un monde où mon existence est désormais impossible »

► référence à Swendenborg, un savant fondateur d'une secte mystique


► « ni de votre amulette orientale » => hésotérisme
► « désormais impossible »
=> adverbe d'opposition
=> il n'est plus possible pour Raphaël de se satisfaire uniquement d'un monde intellectuel
=> il ressent le besoin de vivre, de profiter des plaisirs de la vie
► omniprésence du « je » qui montre l'affirmation de Raphël

- « charitables effort »
► vertu chrétienne désabusée

Conclusion II) : Raphaël de Valentin, veut connaître autre chose qu'un monde purement
intellectuel. Il incarne ainsi la génération désabusé des post – révolutionnaires à la recherche des
plaisirs de la vie.
III) Une vie de débauche vers un destin funeste

L 14 :
- « Voyons ! »
► interjection + exclamation + présent de l'impératif
► marque une rupture avec le texte

L 15 – L 16 : « Je veux un dîner royalement splendide, quelque bacchanale digne du siècle où tout


s’est, dit-on, perfectionné ! »

- répétition du verbe de volonté « je veux »


► souligne le pouvoir que confère la peau de chagrin

- « bacchanale »
► fête donner en l'honneur du dieu Bachus
► métaphore de l'orgie

L 16 : « Que mes convives soient jeunes, spirituels et sans préjugés, joyeux jusqu’à la folie ! »

- anaphore « Que »
► insistes sur les souhait exprimés au subjonctif présent
► valeur de souhait / irréel / hypothétique

- « jeunes, spirituels et sans préjugés »


► énumération
► traduit la folie des grandeurs de Raphaël

- « joyeux jusqu'à la folie »


► hyperbole
► présente une vie de débauche
► Raphaël veut assouvir ses désirs sans se préoccuper de l'aspect moral (de ses désirs)

L 17 – L 18 : « Que les vins se succèdent toujours plus incisifs, plus pétillants, et soient de force à
nous enivrer pour trois jours. »

- répétition du comparatif de supériorité « plus »


► traduit une vie de débauche au delà de toute morale

L 19 – L 20 : « Je veux que la Débauche en délire et rugissante nous emporte dans son char à quatre
chevaux, par-delà les bornes du monde »

- « Je veux que la Débauche »


► répétition du verbe de souhait / pouvoir de vœux de Raphaël grâce à la peau
► débauche = les péchés, les vices, les excès
► allégorie de la débauche => renforce la démesure de la vision du monde de Raphaël
L 20 – L 21 : « que les âmes montent dans les cieux ou se plongent dans la boue, je ne sais si alors
elles s’élèvent ou s’abaissent, peu m’importe ! »

- « cieux » et « boue »
► antithèse / opposition entre paradis et enfer
► l'auteur met sur le même plan le paradis et l'enfer

L 22 – L 23 : «Donc je commande à ce pouvoir sinistre de me fondre toutes les joies dans une joie.
Oui, j’ai besoin d’embrasser les plaisirs du ciel et de la terre dans une dernière étreinte pour en
mourir. »

- « Donc »
► conjonction de coordination
► fait le lien entre les propos précédent et se à venir (de Raphaël)

- « je commande »
► présent d’énonciation
=> on sort de l’irréel (des paragraphes précédents)
=> on replonge dans le moment présent de l'histoire
► Raphaël va user du pouvoir que confère la peau

- « pouvoir sinistre »
► synecdoque de la peau / adjectif péjoratif « sinistre »
► référence à la mort

- « dans une dernière étreinte pour en mourir. »


► phrase prophétique
► nous laisse présager la fin tragique de l'histoire

Conclusion III :
- Raphaël représente une jeunesse corrompu et sans repères ne trouvant de sens à sa vie que dans les
plaisirs matériels

Conclusion :
- A travers le personnage du vieil antiquaire, Balzac installe une dimension fantastique ancrée dans
le réalisme
- La Peau de Chagrin introduit deux thèmes chers à Balzac : la puissance destructrice du désir,
opposé à la puissance créatrice de l'imagination et de la pensée.
- Raphaël accepte un pacte démoniaque auquel le vieillard s'est abstenu
- Balzac expose dans ce passage sa philosophie du désirs et critiques les dérives de la société de son
époque
- on peut donc s'interroger sur la leçon philosophique et sur la critique sociale qui dressent cet
épisode fantastique

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