Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
AFRHC | « 1895 »
La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les
limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la
licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie,
sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de
l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage
© AFRHC | Téléchargé le 06/12/2021 sur www.cairn.info (IP: 92.144.216.209)
Vient de paraître
François Albera, Jean A. Gili et Valérie Pozner
Édition électronique
URL : http://journals.openedition.org/1895/7942
ISSN : 1960-6176
Éditeur
Association française de recherche sur l’histoire du cinéma (AFRHC)
Édition imprimée
Date de publication : 1 mai 2020
Pagination : 269-292
ISBN : 978-2-37029-090-8
ISSN : 0769-0959
Référence électronique
François Albera, Jean A. Gili et Valérie Pozner, « Vient de paraître », 1895. Mille huit cent quatre-vingt-
quinze [En ligne], 90 | 2020, mis en ligne le 31 octobre 2020, consulté le 18 novembre 2020. URL :
http://journals.openedition.org/1895/7942
© AFRHC
© AFRHC | Téléchargé le 06/12/2021 sur www.cairn.info (IP: 92.144.216.209)
Vient de paraître
François Albera, Jean A. Gili et Valérie Pozner
Livres
Ada Ackerman (dir.), Sergueï Eisenstein, l’Œil extatique, Paris, Centre Pompidou, 2019,
347 p.
Ce catalogue de l’exposition homonyme qui s’est tenu au Centre Pompidou-Metz
jusqu’en février 2020 est un important complément à cette dernière. Il propose une
série d’essais de spécialistes du cinéaste-théoricien, un ensemble de données
documentaires notamment iconographiques (« Portfolio ») et la traduction de textes
restés inédits en français (il n’en manque pas !), publiés en russe depuis quelques
années (« Écrits »). Parmi les essais réunis sous les titres « Regards sur Eisenstein » et
« Eisenstein et les avant-gardes », les commissaires de l’exposition signent chacun des
contributions (« Eisenstein collectionneur, curateur, homme de musée » par A.
Ackerman et « Eisenstein, le film et la peinture d’histoire » par P-A. Michaud), ainsi que
Naoum Kleiman (« Un Eisenstein non didactique », entretien), Antonio Somaini
(« Pouvoir des images, efficacité du montage »), François Albera (« Eisenstein historien
de l’art »), Dominique Païni (« Les passages parisiens d’Eisenstein »). Parmi les écrits
© AFRHC | Téléchargé le 06/12/2021 sur www.cairn.info (IP: 92.144.216.209)
cinématique va produire sur les arts statiques. Epstein, dans Bonjour cinéma (1921) écrit
ainsi : « Le peintre et le sculpteur pelotent la vie, mais cette garce qui a de belles et
vraies jambes s’en sauve au nez de l’artiste perclus d’inertie. La statuaire paralysée de
marbre, la peinture ligotée de toiles sont réduites à la frime pour capter le mouvement
indispensable. Artifice de lecture. Ne dites pas : l’obstacle et la limite font l’art, boiteux
qui avez le culte de votre béquille. Le cinéma prouve votre erreur. Lui, tout entier, est
mouvement sans obligation de stabilité ni d’équilibre ». L’entretien avec Olivier
Assayas, qui ouvre le catalogue, faisant état de sa pratique de la peinture avant celle du
cinéma, renverse quelque peu les prémisses epsteiniennes puisqu’il fait fonds sur une
préoccupation narrative et figurative rattachée à la peinture de Warhol, Hockney,
Bacon et veut ouvrir, sur cette base, « la page blanche de la modernité » au cinéma (au
mieux une « deuxième » modernité, par conséquent). Après quoi c’est un axe
chronologique des rapports entre les arts plastiques et le cinéma qui est déployée dans
les essais qui occupent une première partie du catalogue, de l’impressionnisme au
cubisme, de l’expressionnisme au surréalisme, à Yves Klein et à l’art-vidéo. La seconde
partie commente les pièces exposées, divisées en 9 sections : Avant le cinéma, Les frère
Lumière et la coïncidence impressionniste, Charlot peintre cubiste, Rythmes formels,
L’inquiétude expressionniste, Le dynamisme révolutionnaire, Le cinéma, art surréaliste
par excellence, Filmer les gestes des peintres, L’invention du cinéma moderne : la
Nouvelle Vague. Une troisième partie présente les deux apports neufs à la question déjà
souvent exposée des rapports arts-cinéma (songeons à l’exposition marseillaise de
Germain Viatte, « Peinture-Cinéma-Peinture » en 1989, catalogue chez Hazan et aux
multiples ouvrages et colloques comportant cet intitulé) : d’une part l’œuvre de
photographe de plateau d’Anne Wiazemsky (tournages de Week-end et de La Mariée était
en noir) et un ensemble de photographies sur le tournage de la Chinoise ou d’autres
circonstances, y compris familiales, ainsi que 6 pages tirées d’un cahier d’écritures
imagées dues à Jean-Luc Godard : « 5 + 4 portraits d’A.W. en forme de Travaux Pratiques
pour la recherche d’A.W. quand elle s’éloigne à la campagne et que le week-end devient
la fin du monde » (1967). D’autre part un ensemble de photographies d’Alain Cuny,
d’affiches qu’il conçut dans les années 1920 (pour Carmen et Gribiche de Feyder, la Rue
sans joie de Pabst) et, c’est plus surprenant, des dessins au crayon réalisés à l’hôpital
psychiatrique de Maison-Blanche dans les années 1930 quand il accompagnait
Françoise Dolto, alors interne, dans ses visites aux femmes pensionnaires de cet
établissement (dessins conservés par Cinémathèque française).
Adèle Bossard-Giannesini, l’Attrait du sommeil, Crisnée, Yellow Now, « Côté cinéma/
© AFRHC | Téléchargé le 06/12/2021 sur www.cairn.info (IP: 92.144.216.209)
d’exemplaires.
Voir compte rendu dans ce numéro.
Catherine Brun, Jeanyves Guérin, Marie-Madeleine Mervant-Roux (dir.), Genèse
des études théâtrales en France. XIXe-XXe siècles, Rennes, Presses Universitaires de
Rennes, « Le Spectaculaire », 2019, 427 p.
Dans le cadre du retour historiographique sur les disciplines et leur histoire, cet
ouvrage reconstitue la genèse scientifique et institutionnelle, en France, de cette
discipline aujourd’hui appelée « Études théâtrales » officiellement reconnues comme
telles à la fin des années 1950 à l’université et au CNRS. Cette nécessaire analyse
historique et le repérage de ses enjeux cognitifs, épistémologiques et politiques – que
les directeurs de l’ouvrage disent en conclusion « inachevés » – ne sont qu’à peine
amorcés dans le domaine voisin et plus ou moins contemporain des « études
cinématographiques » (1895 revue d’histoire du cinéma a entamé une enquête qui
demeure encore trop partielle et devrait être relayée ou renforcée au sein de
l’institution universitaire avec l’appui de quelques laboratoires et d’une ANR). Pourtant
certains acteurs de ces deux domaines sont communs à commencer par Étienne
Souriau. Comme l’écrivent encore les directeurs, il s’est agi pour eux de « substituer à la
légende qui entourait la naissance de la discipline une histoire digne de ce nom, ou du
moins d’en poser les premiers éléments ». Pour cela la perspective adoptée a été celle
du new historicism où, « contre la propension à lire – passionnément – les périodes
éloignées selon les grilles du présent, la thick description permet de saisir et de faire
saisir « la radicale étrangeté du passé », même proche.
Erik Bullot, Roussel et le cinéma, Paris, Nouvelles Éditions Place, « Le cinéma des
poètes », 2020, 125 p.
Roussel n’a pas parlé de cinéma, on ne saurait donc parler stricto sensu d’« influence »
du film sur son écriture. Cependant Erik Bullot soutient la gageure de démontrer que
c’est le cas, en passant par Georges Méliès, la « cinématographie-attraction » et
l’archéologie des médias. En outre il envisage le roussellisme au cinéma à travers
quelques films dont le « polyèdre temporel » l’Année dernière à Marienbad que Resnais
doit à l’admirateur de Roussel qu’était Alain Robbe-Grillet.
Delphine Chedaleux et Mélisande Leventopoulos (dir.), Cinéphilies plurielles dans la
France des années 1940-1950. Sortir, lire, rêver, collectionner, Paris, L’Harmattan,
Champs Visuels, 2019, 212 p.
Dans cet ouvrage dirigé par Delphine Chedaleux et Mélisande Leventopoulos avec la
France pour terrain d’étude, les cinéphilies des années 1940-1950 sont pensées dans
© AFRHC | Téléchargé le 06/12/2021 sur www.cairn.info (IP: 92.144.216.209)
Méliès accompagnée du caractère aléatoire propres aux vues des frères Lumière. Une
synthèse des regards au fondement de l’art cinématographique ». Dans sa préface, Jean
A. Gili évoque le court métrage que le cinéaste consacra à Michel-Ange : Antonioni est
pétrifié face au Moïse de marbre dans la basilique de Saint-Pierre-aux-liens à Rome.
Quel meilleur raccourci de l’œuvre que cette situation de sidération ?
Jean-Pierre Esquenazi, le Dictateur de Charlie Chaplin, Lyon, Presses universitaires de
Lyon, 2020, 162 p.
En octobre 1940, Chaplin présente The Great Dictator et ce faisant, malgré les pressions
qui s’exercent sur lui (notamment via le consulat allemand à Los Angeles), dénonce
avec les moyens qui sont les siens le nazisme et la barbarie qui l’accompagne. Dans un
brillant essai, Jean-Pierre Esquenazi analyse les différents niveaux de discours et met
en évidence la possibilité pour un artiste de décrire une situation intolérable et de tenir
un discours politique clairement référencé à l’actualité.
Voir compte rendu dans un prochain numéro.
Jean-Christophe Ferrari, Journal intime de Valério Zurlini, Crisnée, Yellow Now,
« Côté films » no 40, 112 p.
Journal intime peint un tableau de « cette vie nue que la modernité crée nécessairement
en elle-même, mais dont la présence est absolument intolérable » comme l’écrit
Agamben.
Antony Fiant, Gilles Mouëllic, Caroline Zéau (dir.), Johan van der Keuken.
Documenter une présence au monde, Crisnée, Yellow Now, « Côté cinéma », 2020, 213 p.
Suite à la journée d’étude qu’avaient organisée les universités de Rennes et de Poitiers
l’an dernier – dans la foulée de la rétrospective van der Keuken de la Cinémathèque du
Documentaire au Centre Pompidou – voici les contributions des intervenants qui
s’attachent aux divers aspects du cinéma que mit en œuvre Johan van der Keuken
(1938-2001) dont il ressort en premier lieu l’articulation recherchée, expérimentée,
travaillée entre écriture formelle, rythme, montage, relations images-sons et regard
politique sur le monde. Photographe (nombreux ouvrages et expositions), essayiste,
théoricien de sa pratique (Aventures d’un regard), van der Keuken a incarné un type de
réalisateur autonome, subvertissant le terrain du documentaire où il intervenait.
Amélie Gastaut (dir.), Affiches cubaines. Révolution et cinéma 1959-2019, Paris, Musée
des Arts décoratifs, 2019, 144 p.
Un ensemble de textes et de reproductions autour de la production des affiches
cubaines dans différents domaines, dont le cinéma, qui apporte un éclairage sans
© AFRHC | Téléchargé le 06/12/2021 sur www.cairn.info (IP: 92.144.216.209)
photogrammes de la Glace à trois faces d’Epstein [1927] où le paysage est vu depuis une
décapotable, ce qui trouble cette filiation). Au mieux pouvait-on considérer qu’il
existait un sujet qui fût « Matisse au cinéma » : la Blouse roumaine (1940) figurant sur
l’affiche de Pauline à la plage, ce même tableau commenté par Godard dans un Cinéastes
de notre temps d’Hubert Knapp (1965), Demy s’inspirant de certaines toiles dans les
Parapluies de Cherbourg. Et puis dans un autre ordre, le fameux documentaire de
François Campaux sur Matisse au travail qui avait étonné et mobilisé successivement
Aragon, Merleau-Ponty, Bazin (avant le Mystère Picasso de Clouzot) et peut-être
engendré cette référence à Matisse dans les écrits de Jacques Rivette (« Lettre à
Rossellini ») valorisant l’esquisse, la variation. Mais la rencontre du peintre avec les
cinéastes Flaherty et Murnau lors de son séjour à Tahiti en 1930 et les effets repérables
dans ses dessins de sa vision de Tabou a commencé d’instiller l’idée que Matisse avait pu
s’intéresser au cinéma. Comme son amitié avec Gaston Modot et sa fréquentation des
studios de la Victorine à Nice où se tourne le film orientaliste de Le Somptier, la Sultane
de l’amour (1919), puis sa fréquentation de Rex Ingram dans les années 1920, sa visite
aux studios de la Goldwyn Mayer à Hollywood. Matisse est un spectateur assidu des
salles parisiennes comme niçoises, à Tanger, Papeete ou New York. On trouve ainsi
mention, dans les agendas du peintre, des films qu’il voit, le plus souvent non
commentés malheureusement – Madame Bovary, le Cuirassé Potemkine, Sous les toits de
Paris –, films très divers (de Laurel et Hardy, Michael Curtiz, Chaplin, Albouker). Plus
que cela, plus que cette « cinéphilie avérée » (Païni), « Matisse a toujours pensé son art
en des termes proches de ce qui occupe le cinéma en son essence. Cela en premier lieu
parce que son œuvre tout entière évoque la durée tout autant que l’espace, au point
d’en faire le matériau premier de sa recherche plastique. Entre le cinéma et l’art de
Matisse il y a donc une frappante analogie que lui-même avait perçue et réfléchie.
Comme il le confie à un journaliste du New York Herald Tribune lors de son séjour aux
États-Unis en 1933 : “Je ne vais pas au cinéma tous les jours, comme cela a été dit je
crois par Maurice Sachs. Ce serait trop. J’y vais parfois pour étudier ce que le cinéma
peut apporter à l’art de la peinture et vice versa” » (C. Grammont). « Au cinéma, écrit
Matisse, un simple documentaire de paysage contient combien de paysages différents
traversés par le vent. [...] un amateur d’images peut avoir une collection de films
représentant des vues du monde entier, tandis qu’un amateur de tableaux a bien peu de
toiles à considérer ». L’image cinématographique est, à ses yeux, suspecte de trivialité,
commente la directrice du Musée Matisse. « Enregistrement mécanique de la réalité,
elle menace de déformer notre perception : “cinéma, publicité et magazines nous
© AFRHC | Téléchargé le 06/12/2021 sur www.cairn.info (IP: 92.144.216.209)
successives pour inscrire cette démarche dans une « épistémè » dont le cinéma est le
plus frappant révélateur mais qui innerve la littérature, la peinture et la photographie
dans la société industrielle du XIXe siècle où les « valeurs » de vitesse, succession,
répétition adviennent. Propre à Matisse cette fois, il y a enfin ce système des formes
découpées que le peintre utilise dans ses grandes compositions (comme la Danse) afin de
faire « bouger » celles-ci de l’intérieur, intervenant sur un point pour faire se
recomposer l’ensemble, technique qu’avait évoquée Eisenstein à propos du Greco dans
son essai « El Greco y el Cine » sous le nom de « personnages découpés » (selon la
formule de Willumsen) en l’inscrivant dans la problématique du montage (dans
Cinématisme, les presses du réel, 2009).
Marco Giusti, Polidor e Polidor, Bologne, Cineteca di Bologna, 2019, 296 p.
Publié par la Cinémathèque de Bologne, l’ouvrage de Marco Giusti suit la carrière de
Polidor, un clown appartenant à une lignée d’artistes dont le célèbre Antonet, clown
blanc qui apparaît dans les Clowns de Fellini. De son vrai nom Ferdinand Guillaume,
Polidor travaille pour la société Cines de Rome dans les années 1910 sous le
pseudonyme d’abord de Tontolini puis de Polidor. En 1911, il est un des premiers
Pinocchio du cinéma italien sous la direction de Giulio Antamoro. Il est alors une des
personnalités les plus célèbres de la production comique aux côtés de Marcel Fabre
(Robinet) et d’André Deed (Cf. Jean A. Gili, André Deed. Boireau, Cretinetti, Gribouille,
Bologne, 2005). Polidor se reconvertira dans le « Théâtre du rire » dans l’entre-deux
guerres avant de revenir épisodiquement au cinéma à partir des années 1940 dans de
petits rôles, notamment chez Fellini (Le notti di Cabiria, La dolce vita, Boccace 70, 8 1/2, Toby
Dammit), mais aussi chez Gianni Puccini, Marco Ferreri et même Pier Paolo Pasolini
(Accattone) et Abel Gance (Cyrano et D’Artagnan).
Niklaus Manuel Gübel, Gustave Courbet – Une enquête sur le paysage, Dijon, les presses
du réel, 2019, 334 p.
Avec les plus anciennes notes de cours de philosophie de Courbet lui-même éditées par
Roger Bruyeron parues chez Hermann, la Correspondance de Courbet – 20 ans après (éditée
par Yves Sarfati, Thomas Schlesser, Bertrand Tillier) aux presses du réel, cette
publication célèbre le bicentenaire le plus discret qui fut en France – hormis la Franche
Comté –, celui du peintre Gustave Courbet auquel aucune rétrospective ni aucune
production éditoriale parisiennes ne furent consacrées à cette occasion. Devenu
« iconique » grâce à l’Origine du monde désormais à Orsay, Courbet demeure largement
méconnu pour l’importance qu’il eut dans l’histoire de la peinture française – dont
Cézanne, pour ne parler que de lui, ne manquait jamais de faire état (Cf. ses entretiens
© AFRHC | Téléchargé le 06/12/2021 sur www.cairn.info (IP: 92.144.216.209)
région ? Où avait-il posé son chevalet ? Est-ce bien une toile de Courbet ? L’enquête de
Güdel se mène en « montage alterné » en quelque sorte : une étude d’histoire de l’art
savante consacrée au rapport de Courbet aux paysages de sa région natale (Ornans et
alentours), sa connaissance précise et son amour des lieux, la signification identitaire
de cet intérêt pour le paysage (qui démarre, notamment, avec la commande par Louis
XV à Horace Vernet de « peindre tous les ports de France », une sorte de « mission »
confiée aux peintres qui s’apparente, avant la lettre, à ces « missions photographiques »
qui se développeront au XIXe et XXe siècles), les modèles parfois très éloignés qu’il se
donne dans certaines compositions (un bas-relief assyrien de 700 avant notre ère et la
Rencontre de 1854), et d’autre part, la suite événementielle du legs, des démarches
notariales, l’expertise en authenticité jusqu’à des visites sur les lieux du tableau et
d’autres, jusqu’à une hypothèse que l’historien de l’art se refuse à considérer comme
une certitude.
Laurent Guido, De Wagner au cinéma. Histoire d’une fantasmagorie, [s.l.], Mimēsis,
« Images, Médiums », 2019, 191 p.
Les rapports de Wagner avec le cinéma remontent à peu de choses près aux débuts du
cinéma lui-même. En effet, en 1904 la production Edison, combinant innovation
technologique et prosélytisme culturel propose une adaptation de Parsifal. Quoique son
exploitation initiale dans une version Kinetophone, avec musique enregistrée, n’ait
guère été concluante, ce film a d’emblée cristallisé les usages ambivalents de l’œuvre de
Wagner dans l’avènement du grand spectacle audiovisuel, entre valorisation
commerciale d’une nouveauté technologique et légitimation artistique d’un spectacle
destiné aux foules. Il s’est en effet situé dans le sillage de la représentation
controversée de Parsifal au Met, du 24 décembre 1903 vigoureusement condamnée par
la famille Wagner pour défaut de « sacralité ». Le cinéma achevait ainsi la
transfiguration de Parsifal en « Broadway Attraction ».
L’essai de Laurent Guido, étayé par une érudition quadrilingue sans faille, s’attache aux
discours théoriques ayant retenu l’existence d’un rapport privilégié entre Wagner et le
cinéma. Il s’agit de mettre en lumière les généalogies en vertu desquelles les milieux
cinématographiques ont pu s’approprier une certaine esthétique propre au
wagnérisme. Le lieu commun d’un Wagner proto-hollywoodien, tourmenté par
l’« immersion » technologique, fait notamment débat. Une première partie du livre
aborde les réflexions ayant cherché à définir le cinéma en tant que synthèse des formes
d’expression artistique (« Le cinéma comme Gesamtkunstwerk »), en revenant sur les
propos de divers théoriciens du cinéma (de Canudo et Delluc à Elie Faure, Emile
© AFRHC | Téléchargé le 06/12/2021 sur www.cairn.info (IP: 92.144.216.209)
1917 (Frédéric Genevée, Stéfanie Prezioso – sur les effets en Italie –, Olivier Coquelin –
sur le cas irlandais et ses soviets), celle de Chine en 1949 (« Les deux corps de Mao » par
Alain Roux). Une deuxième section de l’ensemble est dévolue au passage « de
l’événement au mythe » (« La révolution russe et l’impossible conférence socialiste de
Stockholm » par Andrea Benedetti ; « Russie-Ukraine, 1917-2017 : quelle révolution
pour quelle commémoration ? » par Éric Aunoble ; « Le siècle rouge du New York Times,
24 février-7 novembre 1917 » par Nelcya Delanoë). Enfin la troisième section porte sur
les « Images de révolution » et concerne le cinéma à travers la Fin de Saint-Pétersbourg de
Poudovkine abordé par Bernard Eisenschitz et le film de Claire Angelini Avant-hier le
futur ! (2017) dont parle la réalisatrice reprenant le modus operandi de son travail qui
« assemble » plusieurs blocs temporels et politiques à partir d’images et de sons et
musiques, et sur lequel revient Olivier Le Trocquer (« La force du temps contre l’atonie
présente. Mouvement des images et mouvement de l’histoire dans Avant-hier le futur !
»). L’ouvrage se clôt sur un dialogue entre l’historien français Serge Wolikow et Andrei
Gratchev, historien et politologue russe, spécialiste des relations internationales, sur le
thème « Révolution(s) et pouvoir du peuple ».
John MacKay, Dziga Vertov. Life and Work, volume 1 1896-1921, Boston, Academic
Studies Press, « Film and Media Studies », 2018, 372 p.
Premier de trois volumes d’une biographie documentée et analytique de Dziga Vertov
abordant l’homme et son œuvre dans les contextes historiques, sociaux, politiques et
culturels où ils ont vu le jour. Une somme désormais incontournable pour la
connaissance de l’entrée de Vertov dans le champ du cinéma d’actualités et du
documentaire auquel les dirigeants de la Russie révolutionnaire attachèrent une
grande importance (contre-information, propagande, construction d’une identité
multinationale, prophylaxie, etc.) et au sein duquel Vertov fit des propositions
originales par leur articulation entre innovations techniques, dispositifs sociaux de
production et représentation.
Voir compte rendu dans ce numéro.
Evgenij Margolit, V ozhidanii otveta. Otechestvennoe kino : fil’my i ih ljudi [Dans l’attente
d’une réponse. Le cinéma national : des films et leurs hommes], Moscou, Rosebud, 2019,
463 p.
L’ouvrage réunit des articles écrits au cours de la dernière décennie, sans se préoccuper
de faire figurer la date et le lieu de leur première publication, ou d’indiquer s’il s’agit de
présentations orales – genre dont le critique et historien est familier – reprises ou
complétées dans un second temps. De même, les quatre grandes parties qui constituent
© AFRHC | Téléchargé le 06/12/2021 sur www.cairn.info (IP: 92.144.216.209)
journal intime, remarques surgies dans des textes sans rapport avec le cinéma, jusqu’au
folklore urbain dans lequel certains détails d’un film peuvent être passés de l’écran
pour s’encrer dans la vie quotidienne » (p. 12). L’ouvrage répond-il à ces promesses ?
Aucunement, ce qui n’est pas étonnant de la part de cet éminent spécialiste de la
« science cinématographique » (kinovedenie) cultivée en Russie qui a davantage à voir
avec la critique et l’analyse de texte qu’avec l’histoire, sans parler de la sociologie. En
témoignent le faible nombre de notes, où on ne relèvera pratiquement aucun renvoi à
des journaux intimes, ou à une documentation autre que cinématographique. Il n’en
reste pas moins que les chapitres, d’un inégal intérêt, offrent un très vaste panorama de
la culture russe et soviétique, brassant une quantité de références hétéroclites allant de
la politique à la littérature des XIXe-XXIe siècles. Le monde cinématographique et la
culture cinéphilique nationale constituent néanmoins l’arrière-fond indispensable pour
apprécier les analyses proposées. L’auteur fait en effet le pari de s’adresser à un
lectorat déjà très ferré pour lequel il est inutile de clarifier les allusions, de préciser les
rapprochements, de nommer noir sur blanc les œuvres auxquelles il se réfère ou
d’expliquer les événements ou personnages évoqués. On pourra certes discuter
l’interprétation de certains films (l’Homme du restaurant, Protazanov, 1927, pp. 40-62),
mais on trouvera dans l’ouvrage quantité d’analyses rafraîchissantes, stimulantes,
adossées à un savoir solide et une intuition remarquable, qui convaincront le lecteur et
susciteront à n’en pas douter des développements plus académiques.
Isabelle Marinone, Un monde et son double. Regards sur l’entreprise visuelle des
Archives de la Planète (1919-1931), Perpignan, Presses Universitaires/Institut Jean Vigo,
2019, 300 p.
Premier titre d’une nouvelle collection « Cinémas » éditée par les Presses Universitaires
de Perpignan et la Cinémathèque euro-régionale Institut Jean-Vigo (dirigée par Michel
Cadé et Jocelyn Dupont qui l’introduisent), cet ouvrage collectif est issu d’une journée
de travail et d’un colloque international organisés à Dijon en 2014 au Centre Georges-
Chevrier (Université de Bourgogne), sous la direction d’Isabelle Marinone. Les Archives
de la Planète et la collection Albert-Kahn de Boulogne ont déjà fait l’objet de plusieurs
études dont une dans les colonnes de notre revue, de la part de Teresa Castro qui
préface l’ouvrage après avoir été co-organisatrice de la journée d’étude (n o 54, 2008). On
sait que fondées en 1912 par un mécène, le banquier alsacien Albert Kahn (1860-1940),
ces Archives (ADLP) furent dirigées de l’origine à la cessation de leurs activités, par le
géographe Jean Brunhes (1869-1930), puis acquises par le département de la Seine en
1939 et conservées au sein d’un musée en 1986. On sait encore qu’elles réunissent 4 000
© AFRHC | Téléchargé le 06/12/2021 sur www.cairn.info (IP: 92.144.216.209)
autres afin de parvenir à une « paix perpétuelle » – pour employer la formule kantienne
–, soutenu très tôt dans sa démarche par Bergson. Puis sur la pratique de l’image mise
en œuvre « au service d’une vision du monde », ensuite sur les questions idéologiques
et les représentations, enfin sur la postérité de ces archives (déjà vérifiable sur
l’exemple des traces et ruines de la Première Guerre mondiale qu’elles donnent à voir
dans les années d’après-guerre) et leur place dans l’histoire du cinéma. Parmi les
contributeurs on relève notamment les noms de Paula Amad, Michel Cadé, François De
La Bretèque, Jocelyne Leclercq-Weiss, Isabelle Marinone, Shelley Rice, Sun Yung Yeo.
Adilson Mendes (dir.), Ruy Guerra. Arte e Revolução, São Paulo, Desconcertos Editora,
2019, 304 p.
Fruit d’un séminaire consacré au thème « Art et Révolution » tenu en 2017 – à
l’occasion du centenaire de la révolution russe – au siège de la Cinemateca Brasileira de
São Paulo et de la Cinemateca do MAM de Rio de Janeiro, l’ouvrage, coordonné par
Adilson Mendes – que les lecteurs de cette revue connaissent bien pour les
contributions qu’il y a publiées et pour le livre qu’il a dirigé avec Isabelle Marinone
Paulo Emilio Sales Gomes ou la critique à contre-courant (AFRHC, 2016) – examine la carrière
d’un cinéaste emblématique de la problématique affrontée. Figure essentielle du
Cinema Novo, avec Glauber Rocha et Nelson Pereira dos Santos, Ruy Guerra a
notamment réalisé Os cafajestes (1961), Os fuzis (1964), Os Deuses e os mortos (1970). Le
livre se divise en trois parties. Il présente d’abord trois longs entretiens donnés en
Europe et non au Brésil par le cinéaste à Jean-André Fieschi et Jean Narboni (Cahiers du
cinéma, no 189, avril 1967), à Thomas Elsaesser (Monogram, no 5, Londres, 1974) et à Jean
A. Gili (Études cinématographiques, no 93-96, 1972). Il présente ensuite des textes publiés à
l’occasion de la sortie des films (signés notamment par les figures tutélaires que sont
Paulo Emilio Sales Gomes, Alex Viany et Jean-Claude Bernardet), enfin des lectures
contemporaines qui mettent les œuvres en perspective (notons en particulier l’étude
d’Adilson Mendes consacrée à l’actualité d’Os fuzis). L’ensemble offre une contribution
essentielle pour comprendre un chapitre clé de l’histoire du cinéma brésilien.
Rappelons la tenue d’un colloque international à l’INHA en octobre 2015 sur le thème
« Ruy Guerra et la pensée critique des images », colloque où intervint le chef opérateur
argentin Ricardo Aronovitch, responsable de l’image de Os fuzis et de Sweet Hunters.
Judith Michalet, Deleuze penseur de l’image, Paris, Presses Universitaires de
Vincennes, « Philosophie hors de soi », 2019, 258 p.
Judith Michalet a choisi d’aborder la pensée de l’image de Deleuze et non sa pensée du
cinéma – qui en est un sous-ensemble. Bien que Cinéma 1 et 2 partent de la question de
© AFRHC | Téléchargé le 06/12/2021 sur www.cairn.info (IP: 92.144.216.209)
Petri, Franco Giraldi, Tomaso Chiaretti et Leopoldo Savona, et interprété par Geronimo
Meynier, Corrado Pani, Alessandra Panaro, Enio Girolami, et des acteurs familiers du
public comme Mario Carotenuto, Franca Betoja, Massimo Girotti ou Ave Ninchi. À
l’écriture du sujet de ce film avaient collaboré Pier Paolo Pasolini et Tonino Guerra dans
un contexte sociologique auquel l’auteur de Ragazzi di vita avait consacré de
nombreuses pages. Le sujet brûlant relayé par une presse à scandales – la délinquance
juvénile dans les milieux bourgeois – avait valu au film d’être interdit aux moins de 16
ans. Le livre de Mozzati essaye de débrouiller les fils d’une gestation chaotique qui voit
intervenir des noms prestigieux, notamment Pasolini et Petri, à l’orée de leur carrière
de cinéaste. De fait, de 1954 à 1960, Pasolini collabore, à des titres divers, à de très
nombreux films, notamment avec Soldati, Bolognini, Lattuada, Vancini, Emmer, et
même Fellini. Mozzati a d’ailleurs consacré en 2017 un livre fondamental à ces années,
Sceneggiatura di poesia. Pier Paolo Pasolini e il cinema prima di Accattone (Mimēsis).
Leonardo Quaresima (dir.), Cinema tedesco : I Film, Milan-Udine, Mimēsis, 2019, 487 p.
Spécialiste du cinéma allemand sur lequel il a déjà publié plusieurs ouvrages marquants
dans les années 1970-1980, éditeur rigoureux de Balázs et de Kracauer (voir 1895 n o 57,
2009), Quaresima aborde ici ce cinéma des années 1910 aux années 1990 à travers 16
titres emblématiques de courants esthétiques, de genres et de sujets qui scandent les
différentes époques. Ce n’est donc pas un exercice de « cinéma sans noms » (voir 1895,
no 80, 2016) auquel il a convié ses 15 collègues et lui-même mais plutôt une approche
par le biais de cas-limites. Ainsi Metropolis (traité par Francesco Pitassio) apparaît
comme un « laboratoire des principes de la modernité » procédant à une
« récapitulation » des différentes tendances des années 1920 en littérature, théâtre,
architecture (expressionnisme, rationalisme, néo-classicisme, arts déco) en même
temps qu’il offre une « hyperbole du statut de l’auteur ». Georg-Wilhelm Pabst est
appréhendé (par Giulia Disanto) comme le cinéaste de la transition de
l’expressionnisme au réalisme, suivi par le cinéma prolétarien qui conjugue un néo-
objectivisme avec les acquis du cinéma d’avant-garde, marqué par le cinéma soviétique
comme par le modèle mélodramatique. Dans son introduction, Quaresima interroge
sous plusieurs angles la question du modernisme et de son association, souvent vue
comme « naturelle », avec l’avant-garde et le progressisme. Il cite le cas contradictoire
à cet égard du Bergfilm, le « cinéma de montagne » impulsé par Arnold Fanck où brilla
également Leni Riefenstahl. S’il souscrit au jugement de Kracauer qui y voit un
« idéalisme héroïque », il relève cependant que l’accent que met ce cinéma sur la
dimension subjective, la multiplication des points de vue et l’adoption d’une structure
© AFRHC | Téléchargé le 06/12/2021 sur www.cairn.info (IP: 92.144.216.209)
Garrel, John Ford, ainsi que de nombreux textes de contenu plus théorique, sous le titre
Lontano dal cinema. Critica e feticismo, ideologia, psicoanalisi (Milan, Mimēsis, 2020).
Pascal Rousse, le Montage organique. Eisenstein et la synthèse des arts, Genève,
MētisPresses, « Voltiges », 2019, 299 p.
Préfacé par Philippe Sers, cet ouvrage aborde l’œuvre d’Eisenstein dans la perspective
de la « synthèse des arts » que poursuivait Eisenstein dans les années 1930-1940,
retrouvant la référence à Wagner – dont il mit en scène la Walkyrie en 1939. C’est le
montage qui apparaît comme le vecteur de cette synthèse élaborée dans l’ouvrage en
trois moments : « L’art et l’affectivité », « le montage intellectuel » et « le montage
vertical », eux-mêmes examinés plus en détail à partir de « la mise en forme de la
représentation », « l’image et l’événement » pour le premier ; « « principes et modèles
constructifs », « le montage et la vie » pour le second ; « vers le montage vertical (la
Ligne générale) » et « l’expérience émotionnelle de l’espace (Alexandre Nevski) » pour
conclure à la définition du « paradigme artistique du montage ».
Augusto Sainati (dir.), Vero, falso, reale. Il cinema di Paolo Sorrentino, Pise, 2019, 128 p.
Riche aujourd’hui de huit longs métrages, de deux séries pour la télévision, de courts
métrages et d’adaptations de pièces d’Eduardo De Filippo pour la télévision, l’œuvre de
Paolo Sorrentino suscite un intérêt grandissant. Le présent ouvrage, coordonné par un
enseignant d’une université de Naples – la ville est la matrice culturelle du cinéaste –,
rassemble une vingtaine de collaborateurs et propose une série d’études synthétiques
aptes à décrire le style singulier du cinéaste ainsi que des textes consacrés à chacun des
films.
Michel Sportisse, la Rome d’Ettore Scola, Lyon, Editions Le Clos Jouve, 2019, 144 p.
Dans cette monographie préfacée par Jean A. Gili, l’auteur cerne les liens entre le
cinéaste et sa ville et décrit, de film en film, la source d’inspiration qu’a constituée
Rome pour l’auteur. De ce point de vue, des films comme C’eravamo tanto amati (Nous
nous sommes tant aimés), Brutti, sporchi e cattivi (Affreux sales et méchants), Una giornata
particolare (Une journée particulière), Gente di Roma, en sont une parfaite illustration. Il
s’attarde aussi sur des thèmes spécifiques tels que la famille, la comédie, les
contradictions du miracle économique, l’idéal politique, fascisme et résistance, quitte à
perdre un peu de vue le rapport du cinéaste avec la ville. Le livre se clôt avec un texte
de Jack Ralite paru dans l’Humanité lors du décès du cinéaste où, citant Sophie
Wannisch, celui-ci déclarait de son ami qu’il donnait « des forces pour renouveler
quelque chose qui permettait d’habiter le monde ».
Benoît Turquety, Medium, Format, Configuration : The Displacements of Film,
© AFRHC | Téléchargé le 06/12/2021 sur www.cairn.info (IP: 92.144.216.209)
par chemin de fer. Ce carnet est reproduit en fac-similé et retranscrit en regard à l’aide
de protocoles empruntés aux travaux de génétique textuelle sur Flaubert et Proust. Un
commentaire critique de Marie-Claire Robic et Jean-Louis Tissier éclaire ce texte
difficile car laconique en même temps que simple dans ses observations factuelles.
Jordi Xifra, Buñuel et le cinéma, Paris, Nouvelles Éditions Place, « Le cinéma des
poètes », 2020, 125 p.
L’auteur réussit dans ce petit livre à renouveler l’approche de Buñuel en passant par
son lien à la poésie et sa pratique de la poésie avant celle du cinéma. C’est en examinant
l’appartenance de Buñuel aux courants artistiques espagnols et catalans que s’opère ce
réexamen. Bien qu’un certain nombre de poèmes aient déjà été publiés en français
(dans le Christ à cran d’arrêt), cette dimension a jusqu’ici été mal prise en compte. On
connaissait par contre le courant ultraïste auquel appartenait également Salvador Dalí.
À cet égard il est rassérénant de voir l’apport du peintre catalan, souvent passé sous
silence ou sous-estimé, remis ici à sa place (Rohmer, à l’inverse, faisait de Buñuel le
simple « collaborateur » de Dalí). La position anti-artistique, objectiviste (factualiste) à
laquelle se rallie Buñuel est en effet capitale pour comprendre la réalisation du Chien
andalou et de l’Âge d’or. Contrairement à Gance qui avait dit à Nalpas : « Pourquoi ne
fait-on pas des films psychologiques où l’on verrait des sentiments au lieu de voir
seulement des faits ? » (cité par François Ede dans le livret de la Roue), Buñuel veut
« désinfecter » le cinéma du sentimentalisme et du pathos, érigeant en idéal la beauté
d’une salle de bain. Gance inclinera, avec la Roue, à la promotion de l’objet, du moins
dans un premier temps (« je décide d’exécuter le Rail de Pierre Hamp au cinéma. [...] Je
tiens en effet avec ce film le véritable langage dramatique de l’écran, à savoir le
pathétique dans les choses et non dans les hommes » (Carnets, 1919, cité par F. Ede),
mais il procédera à une véritable humanisation de la machine (Cf. la scène où la Norma
expire, geint et sanglote).
On pourrait discuter l’acception de Xifra donne de « l’avant-garde » qui l’envisage dans
un registre formel sinon formaliste. On voit bien, dans l’accueil des films de Buñuel et
Dalí par le critique de l’Humanité en 1929 par exemple, combien, au contraire, la
dimension politique de l’avant-garde prévaut sur le formel. C’est pourquoi également on
pourra nuancer la manière dont le lien à Epstein est ici envisagé sur le mode de la
coïncidence parfaite, via la photogénie. L’éloge que fait Epstein de la « fatigue »
coïncide-t-elle avec la dénonciation buñuélienne du caractère hypnotique du cinéma,
lequel conduit le public à un certain conformisme du même ? La proposition
epsteinienne est plus intriguante par sa valorisation d’un aspect à première vue
© AFRHC | Téléchargé le 06/12/2021 sur www.cairn.info (IP: 92.144.216.209)
Une journée dans la vie d’Andréi Arsenesevitch de Chris Marker ou la Mort de Staline, BD et
film) fut une importante introductrice de la musique contemporaine en URSS
(Schönberg, Berg, Messiaen, Jolivet, Boulez) et promotrice auprès de personnalités
occidentales des compositeurs soviétiques les plus intéressants. Son interlocuteur
privilégié, Souvtchinsky, est lui aussi un personnage passionnant, cheville ouvrière du
Domaine musical avec Boulez, musicologue intransigeant et convaincu que la Russie
soviétique est à la pointe de l’évolution culturelle par l’accès de la musique et de la
culture qu’elle permet au plus grand nombre. Tous deux échangent des jugements et
des appréciations sans concession de la scène musicale et artistique en général (Thomas
Mann « faux grand maître » pour Youdina, Rachmaninov « dégoûtant » pour
Souvtchinsky). S’il est peu fait mention du cinéma (tout de même on voit passer
Eisenstein, un film d’Henri Michaux, la Dame au petit chien de Kheifitz), on apprend
entre autres qu’outre l’enregistrement sur bande, les Russes pratiquaient aussi
l’enregistrement sur film (Tonfilm) des prestations musicales destinées à être gravées
sur disque.
Revues
Bianco e Nero, no 594-595, mai-décembre 2019
La dernière livraison de la revue du Centro Sperimentale di Cinematografia se présente
sous la forme d’un numéro double de 480 pages, en réalité deux numéros simples
accolés, le premier en italien, le second en anglais. Le thème abordé explique le choix
de ce bilinguisme, « Netflix e oltre » / « Netflix and Beyond ». Le cahier passe en revue
une série d’interrogations autour du bouleversement qu’a induit l’apparition de Netflix.
L’introduction est claire, deux textes posent le problème : « Le nouvel ordre
numérique », « La révolution numérique qui a bouleversé le système audiovisuel ». Six
chapitres examinent successivement « L’économie de la diffusion en streaming »,
« Production et créativité à l’ère de Netflix », « Films en salle, films en streaming », « La
distribution et le rôle des spectateurs », « La technologie du streaming », « Le streaming,
l’Europe et les contraintes de la loi ». L’ensemble fournit un outil remarquable pour se
familiariser avec les transformations en cours : il n’y a pas de doute que des œuvres
comme Roma d’Alfonso Cuaron, The Ballad of Buster Scruggs de Joel et Ethan Coen ou The
Irishman de Martin Scorsese brouillent les pistes et font vaciller les certitudes sur les
frontières entre l’écran de la salle de cinéma et celui de la télévision ou de l’ordinateur.
Où situer enfin la reconstruction par Netflix du film inachevé d’Orson Welles, The Other
© AFRHC | Téléchargé le 06/12/2021 sur www.cairn.info (IP: 92.144.216.209)
DVD
Abel Gance, La Roue, Fondation Jérôme Seydoux-Pathé, 2020
Coffret comportant la version restaurée récemment du film dans sa durée initiale et
plusieurs documentaires concernant le cinéaste et son film. Livret où François Ede
rapporte ce qu’a été le travail de cette restauration.
Voir compte-rendu dans ce numéro.
Jean-Patrick Lebel, Cité de la Muette, Ciné-Archives, 2020
Le premier film consacré à Drancy (en 1982), cité « moderniste » des années 1930
transformée en camp de rétention par les autorités françaises durant l’Occupation
nazie et qui devint le lieu de transit des milliers de déportés « raciaux » envoyés dans
les camps d’extermination.
Voir compte-rendu dans ce numéro.
Boris Lehman, Magnum Beguynasium Bruxellense, Re:Voir, 2020
Un film-clé dans l’œuvre d’un des cinéastes indépendants les plus prolifiques,
documentaire mariant l’insolite et l’attention aux autres, réalisé dans un quartier de
Bruxelles voué à la spéculation immobilière en 1978.
Voir compte-rendu dans ce numéro.
Peter Nestler, Neuf films de 1962 à 2009, Survivance, 2020
Première édition d’une partie de l’œuvre d’un documentariste allemand aujourd’hui
octogénaire resté mal connu en France.
Voir compte-rendu dans ce numéro.
Renaud Victor, Présence proche, cinéma hors capitale no 7 avec Film flamme, livre-
DVD, éditions Commune, 2019
« Présences proches », c’est ainsi que se désignaient eux-mêmes les jeunes gens –
paysans ou ouvriers en rupture – venus vivre dans les Cévennes près de Fernand
Deligny et les enfants autistes qui lui étaient confiés. Parmi eux se trouvait Renaud
© AFRHC | Téléchargé le 06/12/2021 sur www.cairn.info (IP: 92.144.216.209)