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L’homme est le seul être capable de raisonner.

En s’appuyant sur ses capacités


rationnelles, il a tendance à transformer la nature de façon qu’elle soit conforme à ses attentes.
De plus, la science et la technique lui permettent d’avoir une parfaite maitrise sur cette
dernière. Néanmoins, le pouvoir que détient l’homme par sa capacité à raisonner lui pousse à
faire une transformation démesurée voire abusive de son environnement. Cela lui conduit à sa
destruction et menace la vie sur terre. D’où l’interrogation suivante : « Aujourd’hui est-il
possible de concevoir l’homme comme maitre et possesseur de la nature ? » Dans ce cas, il
nous parait important de se poser de telles questions : Dans quelle mesure l’homme pourrait
être perçu comme maitre et possesseur de la nature ? La dégradation de l’environnement ne
traduit-elle pas la perte de contrôle de l’homme sur la nature ?

Si nous nous référons à la thèse religieuse, il nous semble que l’homme est le véritable
maitre de tout ce qui se trouve sur la terre, et tout ce qui s’y trouve appartient à lui. Sur ce,
presque l’ensemble des discours qui concerne la création du monde que nous trouvons dans
des textes sacrés semblent maintenir ce point de vue. Parce que, il est dit dans le Coran que
l’homme est le «  khalifat » de Dieu sur terre. Autrement dit, il est l’être suprême à qui doit
obéir tous les autres êtres de la nature. En quelque sort, l’homme est le souverain à qui doit se
soumettre ses voisins. Tout ce pouvoir lui a été accordé par Dieu lui-même ; parce qu’il a dit
qu’il a créé l’homme à son image et met toute la nature sous son contrôle. C’est dans ce sens
que nous pouvons comprendre le sens de ce verset 29, sourate 2 où Dieu dit : «  c’est lui qui
a créé pour vous (l’homme) tout ce qui est sur la terre,  ». Et dans la même sourate verset 30,
il est dit : «  Lorsque ton seigneur confia aux Anges : «  Je vais établir sur la terre un vicaire
(khalifat)  » pour faire référence à l’homme. Autrement dit c’est Dieu lui-même qui a accordé
à l’homme sa supériorité sur tous ses voisins et met la nature à la disposition de l’homme. De
la même manière que dans la religion le khalifat occupe la plus grande importance au sein de
la communauté, c’est ainsi qu’il faut considérer l’homme.
En dehors même du Coran, d’autres textes sacrés comme la Bible revient largement
sur cet aspect. De ce fait, il nous semble que dans la genèse Dieu explique son véritable
objectif lorsqu’il décide de créer l’homme et les choses de la nature .En effet, si Dieu créa
l’homme, c’est parce qu’il a voulu qu’il domine sur tout ce qui se trouve sur terre. Dès lors, il
nous semble pertinent de penser que la nature est un cadeau de Dieu pour l’homme. Parce
que, dans la Bible ; Genése1 :26-30, il est dit : [26] « Puis Dieu dit : faisons l’homme à notre

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image, selon notre ressemblance, et qu’il domine sur les poissons de la mer, sur les oiseaux
du ciel, sur le bétail, sur la terre et sur tous les reptiles qui rampent sur la terre. [27] Dieu
créa l’homme à son image il le créa à l’image de Dieu, il créa l’homme et la femme. [28]
Dieu les bénit, et Dieu leur dit : Soyez féconds, multipliez, remplissez la terre, et
l’assujettissez, et dominez sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, et sur tout
animal qui se meut sur terre. [29]Et Dieu dit : Voici, je vous donne toute herbe portant de la
semence et qui est à la surface de toute la terre, et tout arbre ayant en lui du fruit d’arbre et
portant de la semence : Ce sera votre nourriture. [30]Et à tout animal de la terre, à tout
oiseau du ciel, et à tout ce qui se meut sur la terre, ayant en soi un souffle de vie, je donne
toute herbe verte pour nourriture. Et cela fut ainsi. » En résumé, le fait que l’homme domine
et soit le maitre et possesseur de la nature est une recommandation divine, et c’est lui qui a
mis en place tout ce qui est nécessaire pour que les choses se déroulent ainsi.

Dans cette même perspective, l’environnement nous parait comme un royaume où


l’homme occupe la place du roi et que la nature vit selon ses lois. Ainsi, cela se réalise dans la
conception anthropocentrique établie depuis le XVII siècle par certains auteurs comme
Descartes qui place l’homme au centre de l’univers. Autrement dit, l’homme est considéré
comme l’être suprême dont tout autre être doit obéir. Parce qu’il est capable d’agir par le
biais de son intelligence sur ce qui l’entoure d’où la notion d’homo Faber qui renvoie à sa
capacité de créer et de fabriquer des choses dans le but de subvenir à ses besoins. Pour y
arriver, l’homme utilise la technique ; c’est-à-dire, une certaine habilitée à manipuler les
éléments naturels. C’est par la technique que l’homme parvient à transcender son état naturel
et nier sa nature en lui ainsi que la nature hors de lui. Or, nous savons que la technique est une
chose qui est contrôlée par la raison puisque de tous les êtres, l’homme est le seul doué de
raison. Donc, la technique est propre à l’humaine et les autres qui ne l’ont pas, sont obligés de
subir les manifestations de cette technicité qui est en l’homme. C’est par le biais de la
technique, qui est plus soutenue par la technoscience aujourd’hui, que l’homme réalise des
découvertes extraordinaires et transforme la nature de façon qu’elle puisse correspondre à ses
attentes. Et il parvient à transformer et à modifier tout élément de la nature pour satisfaire ses
besoins. Donc, en résumé la technique fait partie des réalités qui soutiennent la conception
anthropocentrique de l’humain qui se traduit par la transformation et la modification de la
nature pour se satisfaire.

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Cela fait que l’homme agit sur son environnement, il entre dans la nature, il coupe les
arbres, labour la terre, interpose des outils entre son corps et la nature. Les grecs ont analysé
cet aspect en assimilant la technique à une ruse. L’homme ne dispose pas des mêmes défenses
que l’animal. Mais, son habilité à fabriquer des choses grâce à son intelligence lui permet de
renverser en sa faveur un rapport qui semblait le dominer. L’outil est un moyen que
l’intelligence technicienne se donne pour vaincre du fait qu’elle s’empare du matériau naturel
afin d’y trouver une certaine satisfaction à ses besoins. Aujourd’hui, la technique s’inscrit
alors dans un cadre agonistique. IL s’agit de vaincre des obstacles. Il nous semble donc
légitime de penser que l’homme domine la nature.

Sous cet angle, nous pouvons croire que certaines pensées des philosophes vont dans
ce sens. Ainsi, cela se développe à travers certains passages de leurs œuvres. Parce qu’ils
considèrent que si l’homme est un être de raison alors il a la capacité de percer tous les
mystères de la nature et de lui arracher des secrets qui lui pourraient être utile. Et cela lui sera
possible par le biais de la sagesse qu’il développera à l’aide de sa raison. Parce que, c’est par
sa raison que l’homme arrive à développer une connaissance parfaite sur les choses qui lui
seront utiles. Et c’est de cette façon qu’il parvient à dompter l’univers pour son bénéfice. Au
moment où les autres dénués de toute rationalité n’ont pas la possibilité de le résister. Ce qui
fait la différence entre l’homme et l’animal et tous autres éléments de la nature, est que
l’homme est principalement un être de raison et les autres n’en ont pas. C’est cette dernière
qui lui permettra de réfléchir et de dépasser les autres et de pouvoir les dominer. C’est par sa
raison que l’homme développe une connaissance parfaite des choses. Ses connaissances des
choses lui pourront servir pour sa vie et de pouvoir faire des inventions des différents arts.
Dès maintenant, nous pouvons croire que la sagesse est un élément utile pour que l’homme
domine la nature et le mettre à sa disposition. C’est dans ce sens que Descartes définit la
sagesse dans Discours de la méthode, sixième partie, comme un savoir utile, et dit sa
confiance en la technique qui assurera une domination de la nature, permettant ainsi le bien-
être de l’homme. Là, nous pouvons dire qu’il a jeté les bases de la conception
anthropocentrique en cette période du XVII siècle et met en place un humanisme pur et dure.
Donc, il nous semble important de concevoir que selon Descartes l’homme doit considérer la
nature comme un objet extérieur à lui que nous devons assujettir et le mettre à notre
disposition. Par conséquent, il y a une relation d’externalité entre l’homme et la nature.

En plus, d’autres philosophes du XVIII siècle comme Hegel vont porter leurs
explications de la supériorité de l’homme sur la nature en partant d’une comparaison de ce

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dernier et les autres membres de la nature. De ce fait, pour eux ce qui nous différencie des
autres n’est pas notre existence biologique, mais c’est la conscience de notre existence. Parce
que, si l’homme est supérieur à la nature, l’assujettit et le met à sa disposition, c’est qu’il est
être de conscience et il est conscient de son existence. Et tous les autres êtres naturels n’ont
pas cela. C’est dans ce sens que Hegel nous dit dans la Phénoménologie de l’esprit, Tome
I, que : «  La nature n’a qu’une seule existence et que l’homme a une double existence. Il
existe d’abord en tant qu’être biologique et il existe en tant qu’être de conscience. C’est ce qui
fait que l’homme est supérieur à la nature. Parce que, là où la nature n’a qu’une seule
existence, l’homme a une double existence. » Donc, nous pouvons dire qu’à partir de ces
propos que nous avons développé dans la première partie, la conception humaniste qui se
traduit dans le concept anthropocentrique est un point de vu solide et place l’homme à
l’extérieur de la nature dans une certaine mesure.

Cependant, il nous parait que l’ensemble de ces idées du XVII et du XVIII siècle qui
sont surtout consolidées par certaines considérations religieuses comme ce fut le cas de
Descartes, vont encourager les agissements abusifs de l’homme sur la nature qui ont été plus
occasionné par l’innovation technologique. Cela ne tardera pas à faire des effets négatifs.
Ainsi, sur le plan du fonctionnement de la société, nous remarquons les effets pervers d’un
développement anarchique de l’exploitation de la nature. En effet, les problèmes sont patents
et marquants profondément la vie quotidienne : état lamentable des eaux de rivières, de lacs,
de mers, des nappes phréatiques, catastrophes écologiques liées notamment au transport du
pétrole – les diverses marées noires -, pollution atmosphérique et hydrologique aux alentours
des grands centres industriels -, le smog de Londres en 1952, la contamination par le mercure
dans le biais de Minamata au Japon dans les années 1950 -, soupçons sur la qualité des
denrées alimentaires fournies par l’agriculture intensive … Autant de question qui touchent au
rapport à la nature induit par le développement scientifique et technologique. Par-là, nous
savons que tout cela revient à nuire l’homme ainsi que ses voisins de la nature. D’où la
nécessité de modifier le rapport de l’homme à la nature.

De nos jours, l’ensemble de ces problèmes vont constituer l’émergence d’une


discipline scientifique nouvelle au XX siècle, l’écologie, qui va se constituer autour du
concept d’ « écosystème ». Ainsi, elle peut être définit d’une part comme l’ensemble des
interactions des diverses espèces vivantes entre elles et, d’autre part, à l’ensemble des
interactions des espèces vivantes, la biocénose, avec le milieu physique. Ce concept
d’écosystème est un concept global qui vise aussi bien l’environnement biologique que

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physique. En se basant sur ce concept, l’écologie scientifique modifie totalement la
conception cartésienne du rapport de l’homme à la nature. Parce que, l’être humain prend
place comme élément du système ; il n’y a plus un rapport d’externalité .Les êtres humains ne
sont plus les sujets externes qui dominent la nature comme simple objet ; ils sont des éléments
d’écosystème naturels et ils dépendent de l’évolution du système général auquel ils
participent. Par conséquent, l’externalité qui caractérise les rapports homme /nature dans la
pensée cartésienne est fondamentalement remise en cause. Dès maintenant, la relation
homme/nature n’est plus une relation de domination. Puisque l’homme dépend de l’évolution
de l’écosystème, il n’y a pas de domination, mais bien de solidarité entre l’espèce humaine et
les autres espèces de la planète.

Sur le plan du rapport à la modernité, l’écologie scientifique modifie profondément le


rapport cartésien à la nature, mais reste bien dans le registre d’un rapport fonctionnel à la
nature. S’il s’agit de respecter la nature en prenant la condition de viabilité de l’écosystème,
c’est parce que, cette nature est indispensable à la survie de l’humain. Pour l’écologie
scientifique, la nature n’est nécessairement respectable en elle-même. Elle nous amène à
comprendre que l’homme a besoin de la nature pour survivre et c’est précisément ce besoin
qui justifie ce nouveau rapport à la nature qu’elle promeut. Le rapport à la nature porté par
l’écologie scientifique reste donc marqué par un profond anthropocentrisme. Seul l’humain
est digne d’un respect absolu. L’animal et l’écosystème sont à respecter dans la mesure où ils
participent au bien-être de l’humain.

C’est là que les partisans de l’écologie profonde (Deep Ecology en anglais) vont
rebondir sur la conception de l’écologie scientifique en manifestant leur parfait désaccord et
en jugeant que le discours doit être beaucoup plus radical. Ainsi, pour eux l’écologie
scientifique est bien superficielle. Parce qu’elle ne prône pas le biocentrisme égalitaire, car
chez eux ; il y a un certain anthropocentrisme dans leurs discours. La véritable question pour
eux, doit être un changement radical du centre de réflexion et nous ne devons pas toujours
réfléchir à partir de l’homme seulement, mais il faut le penser en tant qu’élément de la nature.
Eux aussi ont radicalement modifié le rapport de l’homme à la nature. Au lieu de
l’anthropocentrisme, il est question de parler de biocentrisme pour traiter l’homme d’égal aux
êtres non-humains pour établir une dignité égale à l’homme et les êtres non-humains. En effet,
le biocentrisme peut se définir comme cette conception, attitude mettant l’accent sur la
protection et le bien-être de tout être vivant (humain et non-humain). C’est ce qu’Arne Naess
(considéré comme l’inventeur de cette expression) développe à travers ces idées. Donc,

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l’homme n’est pas supérieur à la nature, mais il fait partie de la nature qu’il partage avec les
autres êtres non-humains. Il n’est ni le maitre ni le possesseur de la nature, mais la nature est
partagée.

Dans cette même perspective, James Ephraim Lovelock un penseur, scientifique et


environnementaliste indépendant britannique va hisser le débat vers un point plus haut dans
son ouvrage intitulé « Gaia, a new look at life on eartht » publié en 1979 qui nous semble un
peu exagérant. En effet, pour lui l’homme doit être isolé de la nature, il se développe d’une
manière exagérante et détruit la nature en causant la disparition de certaines espèces. Donc,
l’égoïsme de l’humain se manifeste, il ne pense qu’a lui et non aux espèces non-humains.
Puisque nous savons que l’action de l’homme cause la disparition d’autres espèces, il est une
menace, vaut mieux de l’isoler quand il exagère avant que les causes deviennent beaucoup
plus nombreuses. C’est pourquoi Lovelock défend l’idée selon laquelle ; l’unité de référence
éthique est l’écosystème terre, et l’espèce humain n’est respectable qu’en tant qu’elle
participe à l’écosystème. Les autres sont aussi respectables que l’humain. Il considère
l’espèce humaine comme un cancer. Et cela est partie d’une analogie qu’il fera en s’inspirant
de cellules cancéreuse d’un corps atteint par cette maladie. Il conçoit que dans un organisme,
un cancer est un tissu qui se développe anormalement au détriment des autres tissus, sa
croissance cause la perte d’autre espèces, et donc il vaut mieux de l’isoler. C’est de la même
manière que l’homme se développe anormalement au détriment des autres espèces, car son
développement anormal est à l’origine de la perte de beaucoup d’espèces. Ces espèces qui
sont disparues, l’homme n’a plus la possibilité de les produire encore. Donc, il nous parait
qu’il est hors de question de penser que l’homme maitrise la nature, parce que ; son action sur
l’environnement est à l’origine des dégâts qu’il ne pourra réparer après.

Pour conclure, nous constatons qu’en partant à des considérations religieuses et une
certaine conscience de la rationalité de l’homme, certains philosophes comme Descartes au
XVII siècle et Hegel au XVIII siècle ne tarderont pas à affirmer la supériorité de l’homme sur
la nature. En revanche, en se basant sur cette supériorité, l’homme abuse son action sur la
nature. Et les effets pervers, occasionnés par cet abus se fait sentir et provoque une urgence de
penser l’action de l’homme. C’est ce qui fait qu’au XX siècle jusqu’à vers le début du XXI
siècle, des courants écologiques vont naitre pour faire connaitre à l’humanité son
appartenance à la nature. Vu cette situation de nos jours, nous passons que l’homme ne
pourrait plus être considéré comme le maitre et possesseur de la nature, mais une partie de la

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nature. Il doit veiller à la protection de cette dernière. La véritable question est que : est-ce
que protéger la nature pour l’humain ne revient pas à se protéger ?

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