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Comment la crise en Ukraine peut-elle affecter les producteurs de gaz naturel en Afrique 

?
Bien que des alertes aient été lancées plusieurs semaines à l’avance, l’invasion des armées
russes en Ukraine a cependant pris le monde de surprise – et l’Europe en particulier. Mis à part
les aspects géopolitiques et militaires de l’entrée de l’Ukraine dans l’Union Européenne (UE)
et/ou dans l’OTAN, cette crise a surtout remis en cause la dépendance de l’Europe envers la
Russie pour ses approvisionnements en gaz naturel.
En effet, l’Europe consomme actuellement 541 milliards de m³ de gaz naturel, dont 447  Gm³
sont importés via gazoducs. 53% de ces volumes importés proviennent de Norvège et de pays
de l’UE. La Russie fournit à elle seule 168 Gm³ (38%) du gaz importé en Europe par gazoducs -
le « Fraternité », via l’Ukraine, la Slovaquie et la République Tchèque ; le « Yamal », via la
Pologne ; et le Nordstream 1, via la mer Baltique. Près de la moitié du gaz russe alimente
essentiellement l’Allemagne (56 Gm³), l’Italie (20 Gm³), la Turquie (15,6 Gm³) et la Hollande
(11 Gm³). Le restant est réparti entre plusieurs autres pays du continent.

Aux volumes de gaz naturel importés de Russie par gazoducs, s’ajoutent - depuis 2017/18 -
17,2 Gm³ importés de Russie sous forme de GNL. La part du GNL russe importé par l’Europe
reste faible – de l’ordre de 15% des 115 Gm³ des importations de GNL. En résumé, si un tiers
du gaz naturel consommé en Europe provient de la Russie ; en Allemagne, cette proportion est
de 2/3, ce qui rend la situation de ce pays encore plus risquée. Et cela sans compter le
Nordstream 2, dont la construction a été achevée fin 2021 mais dont l’entrée en opération est
restée en suspens depuis les évènements en Ukraine.
Et quelle est la part des pays africains exportateurs de gaz naturel sur le marché européen  ?
L’Algérie exporte 21 Gm³ par gazoducs vers l’Italie (55%) et la péninsule ibérique (45%) et la
Lybie 4,2 Gm³ vers l’Italie. Donc, 12% du gaz importé par l’UE par gazoduc provient du
continent africain.
Les exportations de GNL d’Afrique vers l’Europe représentent 56 Gm³, et proviennent du
Nigéria (50%), d’Algérie (27%), d’Angola (11%), Egypte (4%) et autres (8%). Cela représente
50% du GNL importé par les pays de l’UE.

Source  : BP Statistical Review of World Energy 2021, 70th Edition

Il est clair que la crise ukrainienne a placé la Russie dans une position difficile vis-à-vis de ses
partenaires commerciaux européens. Autant l’Europe dépend du gaz russe pour faire tourner
ses usines et chauffer ses foyers ; de son côté, la Russie dépend des devises que rapportent ces
exportations de gaz, ainsi que les transferts de technologie qui sont souvent associés à ce
genre de transaction. A moyen terme, l’Europe devra chercher à diversifier ses sources
d’approvisionnement en gaz naturel.
Si la tendance était déjà de construire des gazoducs en mer (Nordstream 1 et 2) afin d’éviter
de traverser de multiples frontières à risque, la construction de terminaux méthaniers pour
recevoir le GNL importé apparait comme une solution plus fiable, qui devrait s’accentuer les
années à venir.
CEDIGAZ, dans son rapport « World LNG Outlook 2020 », fait remarquer que la capacité de
production de GNL dans le monde, en tenant compte des usines de liquéfaction en cours, ne
sera pas suffisante pour répondre à la demande pour la période 2025-2040. Cela ouvre un
champ d’opportunités que peuvent exploiter les pays africains producteurs de gaz.
Outre le Nigéria, l’Algérie, Angola, la Lybie et l’Egypte, les découvertes récentes de pétrole et
de gaz naturel en Namibie, au Mozambique, en Afrique de l’Ouest, en Afrique du Sud et en
Egypte ouvrent un énorme champ d’opportunités pour ces pays, non seulement de par leur
relative proximité du marché européen (du moins par rapport aux pays du Moyen-Orient ou
d’Asie/Océanie)… mais aussi comme possibles fournisseurs de GNL pour les pays d’Amérique
du Sud, en particulier le Brésil, où la consommation du gaz naturel est en forte expansion.

Auteur  : Patrick H. Drummond, ingénieur, Mastère Gaz à l’Ecole des Mines de Paris, est
Directeur Général de ICTx Consulting (Brésil), un cabinet d’ingénieurs-conseil pour le
développement de projets gaziers au Brésil et en Afrique.

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