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CHAPITRE 42

LES MOLECULES DIATOMIQUES


DES ORBITALES ATOMIQUES AUX ORBITALES MOLECULAIRES

I) INTRODUCTION.
La résolution de l’équation de Schrödinger indépendante du temps pour une molécule est un
problème d’une extrême complexité. La résolution revient à considérer tous les mouvements
intervenants dans la molécule, ceux des électrons mais également ceux des noyaux. Cette résolution,
exceptée dans des cas très simples comme celui de H2+ qui ne contient qu’un seul électron et deux
noyaux, ne peut être menée à son terme sans approximations. L’une des approximations les plus
importantes a été apportée par Born et Oppenheimer.1 Leur idée consiste à décrire la molécule comme
un ensemble d’électrons se déplaçant très rapidement dans un champ de noyaux se déplaçant, eux,
beaucoup plus lentement. La justification de cette approximation trouve son origine dans le rapport
existant entre la masse de l’électron et celle du noyau.
Au cours du chapitre précédent, nous avons vu que l’équation de Schrödinger pouvait prendre
une forme très complexe dans le cas d’une molécule comportant N noyaux et n électrons. L’expression
générale était la suivante.

h2 h2 ZK 1 ZK ZL
H=− ∑ 2M
K
∇ 2K − ∑ 2m ∇ − ∑ ∑ R
i
2
i
K i
+ ∑ r +∑
i< j R KL
(1)
k iK ij K <L

La prise en compte de l’approximation de Born-Oppenheimer permet de simplifier cette


équation mais pas au point de la rendre suffisamment maniable pour être résolue simplement. La
deuxième grande approximation que nous avions présentée consistait à transformer le problème n-
électronique en n problèmes monoélectroniques. Cette méthode, connue sous le nom de « méthode des
électrons indépendants », consiste à décomposer le hamiltonien H en une somme d’hamiltoniens
monoélectroniques et à supposer que la fonction d’onde totale Ψ puisse s’écrire comme le simple
produit des fonctions monoélectroniques Ψi.2 En utilisant cette approche, on avait montré que
l’énergie totale du système E se ramenait alors à la simple somme des énergies des électrons Ei.
n n
Η (1,2,...........n ) = ∑
i =1
Hi (2) E= ∑E
i =1
i
(3)

H i Ψi = E i Ψi (4) Ψ = Ψ1 Ψ2 Ψ3 ..... Ψn (5)

Au cours de ce chapitre, nous allons largement développer cette approche dans un cas simple,
celui des molécules diatomiques homo-(deux atomes identiques) et hétéronucléaires (deux atomes
différents).

II) LES MOLECULES DIATOMIQUES.

II.1) Position du problème (cas du dihydrogène).


Avant d’entrer dans le détail des calculs, il faut revenir sur l’expression du hamiltonien global
el
H , des hamiltoniens monoélectroniques Hi et sur la nature des solutions Ψi décrivant les électrons.
Considérons le cas de la molécule de dihydrogène constituée des deux atomes HA et HB. Les électrons

1
Publication originale sur l’approximation de Born-Oppenheimer : M. Born, R. Oppenheimer, Ann. Physik, 1927, 84, 457.
2
A partir de maintenant les solutions monoélectroniques seront notées Ψi. On adopte cette notation car elle permet de différencier la notion
d’orbitale atomique Φi déjà vue dans le chapitre précédent de la notion d’orbitale moléculaire que nous allons présenter.
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sont numérotés 1 et 2. Pour écrire le hamiltonien global il faut d’abord analyser les interactions
intervenant dans le système. Dans le schéma suivant r12 est la distance entre les deux électrons 1 et 2,
les riX représentent les distances électron-noyaux

1 r12
2
r1B r2A
r1A r2B
HA HB
RAB

Dans le cadre de l’approximation de Born-Oppenheimer, on peut donc considérer comme


constants les termes se rapportant aux noyaux : énergie cinétique (noyaux fixes) et interaction noyau-
noyau. En unités atomiques on peut donc écrire que Hel, le hamiltonien électronique, s’exprimera sous
la forme suivante dans laquelle les termes en Z/r représentent les interactions électron-noyau (ici ZA =
ZB = 1) et le terme en 1/r12, l’interaction entre les deux électrons.

1 Z Z Z Z 1
H el = − [∇ 12 + ∇ 22 ] − ( A + A + B + B ) +
2 r1A r2 A r1B r2 B r12
(6)
1 1 1 1 1 1
H = − [∇ 12 + ∇ 22 ] − (
el
+ + + )+
2 r1A r2 A r1B r2 B r12

On va décomposer cet hamiltonien en regroupant les termes relatifs à 1 et 2. On peut écrire


el
que H est égal à la somme de deux hamiltoniens monoélectroniques h1 et h2 à laquelle on ajoute le
terme V(1,2) qui représente la répulsion entre les électrons 1 et 2.

1 1 1 1 1 1 1
H el = [− ∇12 − − ] + [− ∇ 22 − − ]+ = h 1 + h 2 + V(1,2) (7)
2 r1A r1 B 2 r2 A r2 B r12

La présence du terme de répulsion biélectronique V(1,2) complique fortement la résolution


analytique exacte de l’équation (7) et celle-ci ne peut être menée qu’au moyen de calculs lourds qui
dépassent largement le cadre de ce cours. Nous allons donc limiter le calcul de la molécule de H2 au
cas simple qui consiste à contourner cette difficulté en ne considérant qu’une forme simplifiée du
hamiltonien électronique. Le terme de répulsion biélectronique V(1,2) va être « découpé » en deux
termes monoélectroniques v(1) et v(2) qui traduisent chacun, la répulsion moyenne subit par un
électron du fait de la présence de l’autre. On peut donc écrire que :

H el = h 1 + h 2 + V(1,2) = (h 1 + v(1)) + (h 2 + v(2)) = H 1 + H 2 (8)

Si on veut détailler les expressions des Hi, on écrira que :

1 1 1 1 1 1
H 1 = [− ∇ 12 − − ] + v(1) H 2 = [− ∇ 22 − − ] + v ( 2) (9)
2 r1A r1 B 2 r2 B r2 A
électron 1 dans molécule de H2
v(1) = potentiel issu de l'interaction de 1 avec 2
1 2
H1 = h1 + v(1)

A B

Cette simplification permet de considérer que les opérateurs monoélectroniques Hi prendront


la même forme quel que soit l’électron considéré. L’écriture précédente revient à dire que chaque
électron subit le champ créé par l’atome d’où il provient et le champ créé par l’autre noyau et l’autre
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électron. On peut donc dire que l’électron dans son environnement initial a été perturbé par un
« champ moyen » issu de son interaction avec les autres particules du système. Les hamiltoniens H1 et
H2 sont souvent appelés « hamiltoniens effectifs » ou « hamiltoniens de champ moyen ». L’expression
des h(i) est donc parfaitement déterminée mais pas celle des v(i). Nous verrons par la suite qu’il n’est
pas utile de lui donner une forme explicite dans le cadre des approximations ou nous allons nous
placer.
La résolution de l’équation de Schrödinger pour ce système à deux noyaux et deux électrons
de valence s’effectuera en appliquant la méthode des électrons indépendants.

H el Ψ el = E el Ψ el (9)

Soient Ψ1 et Ψ2 les solutions (fonctions propres) des hamiltoniens monoélectroniques H1 et H2


et E1, E2, les valeurs propres associées, on montre sans difficulté (méthode des électrons indépendants)
que si Ψel(1,2), la fonction d’onde électronique du système, s’écrit comme le produit des deux
fonctions Ψ1 et Ψ2, l’énergie Eel est égale à la somme des énergies E1 et E2.3

si H i Ψi = Ε i Ψi et Ψ el (1,2) = Ψ1 Ψ2 (10)

alors H el Ψ el (1,2) = (E1 + E 2 )( Ψ1 Ψ2 ) ce qui implique E el = E1 + E 2 (11)

Il faut néanmoins bien garder à l’esprit que les simplifications utilisées conduisent à une
énorme approximation et on peut aisément montrer les limites de cette approche en considérant le cas
fictif de deux solutions Ψ(1) et Ψ(2) dégénérées (de même énergie) dans lesquelles on doit placer
deux électrons. On peut envisager trois configurations électroniques. La première dans laquelle les
spins sont appariés dans la première orbitale (1) (ou dans la seconde orbitale) et deux autres,
correspondant à la distribution d’un électron par orbitale avec les spins parallèles (3) ou anti-parallèles
(2).

Eel1 = Eel2 = Eel3

1 2 3
D’après la règle de Hund, la troisième configuration est la plus stable mais les approximations
que nous avons faites conduisent à la même énergie pour les trois configurations, ce qui est
parfaitement irréaliste. Il manque deux éléments importants pour avoir une meilleure description du
système : la prise en compte réelle du (ou des s’il y a plusieurs électrons) termes(s) en 1/rij. Ce dernier
terme, tient compte du fait que, par répulsion, les autres électrons doivent s’éloigner de l’électron
considéré.4 Dans le modèle que nous nous proposons d’étudier, les autres électrons représentent en fait
un nuage inerte représenté par un potentiel v(i) non explicité. On constatera cependant par la suite que,
bien que très hardie, cette approximation des électrons indépendants, permet de traiter de façon
qualitative l’analyse de nombreux systèmes moléculaires avec des résultats tout à fait étonnants. Il faut
bien garder à l’esprit que dans la plupart des cas, à l’équilibre, la fonction Ψel représente 95% de la
fonction d’onde exacte.
Cette approche des électrons indépendants peut évidemment être généralisée à des systèmes
beaucoup plus complexes comprenant n électrons. L’énergie électronique du système Eel s’écrira alors
comme la somme des énergies électroniques (valeurs propres) des électrons.5

3
Dans cette démonstration on n’oubliera pas que H1 se rapporte à l’électron 1 exclusivement et H2 à l’électron 2.
4
La répulsion coulombienne fait que deux électrons éviteront de se trouver dans une même région de l’espace simultanément. Le fait de ne
pas prendre en compte la corrélation qui existe entre le mouvement des divers électrons, même en utilisant de multiples paramètres, conduit à
surestimer l’énergie que l’on calcule. Cette différence d’énergie est appelée énergie de corrélation. Dans un calcul quantique poussé, on peut
traiter ce problème de corrélation électronique en utilisant des méthodes perturbationnelles.
5
La prise en compte des termes en 1/rij (méthode de Hartree-Fock) conduit à une expression plus compliquée.
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E el = ∑ E(i)
i
(12)

II.2) La théorie CLOA (LCAO en anglais), notion d’orbitale moléculaire.

II.2.1) De l’orbitale atomique à l’orbitale moléculaire.


Dans le modèle que nous nous proposons d’étudier, il n’a encore jamais été fait mention de la
forme des fonctions Ψi. Dans le cas d’un atome polyélectronique, le problème est simple car il suffit
de considérer que chaque électron est décrit par une orbitale atomique dont on peut proposer une
écriture approchée par exemple en utilisant le formalisme de Slater. La situation est évidemment
beaucoup plus compliquée dans le cas d’un système comportant plusieurs atomes. Peut-on réellement
continuer à approcher les solutions, pour un électron dans une molécule polyatomique, d’une solution
monoatomique ?
Il est évident que dans un système à n électrons, on ne pourra pas considérer que les électrons
restent totalement localisés au voisinage des atomes d’où ils proviennent. On ne pourrait alors pas
exprimer la notion de partage électronique, donc de liaison chimique. Ce problème va nous amener à
définir une nouvelle notion qui est celle d’orbitale moléculaire (OM). Dans le modèle que nous allons
présenter, on va considérer que les électrons peuvent interagir avec tous les noyaux présents dans le
système. Mais d’abord, quels sont les électrons concernés ?
Atome Polyélectronique: Molécule:
Orbitales atomiques (OA) Orbitales moléculaires (OM)

Une première idée importante est de limiter la participation d’un atome à celle de ses électrons
de valence. En effet on peut négliger la participation des électrons de cœur qui sont localisés sur des
orbites contractées et proches du noyau. Ces derniers ne participent pas à l’élaboration des liaisons. De
cette idée simple provient la théorie LCAO (Linear Combination of Atomic Orbitals) qui consiste à
décrire les orbitales moléculaires comme des combinaisons linéaires d’orbitales atomiques des
électrons de valence.6 On retrouve ainsi la notion de nuage électronique se déplaçant dans un champ
de noyaux « gelés ». Si les OA participant à la formation des OM sont appelées Φk, les OM Ψi, et les
coefficients cik représentant la participation de chaque OA k dans l’OM i, on pourra écrire que :
N
Ψi = ∑c
k =1
ik
Φk (13)

D’un point de vue mathématique, on peut donc dire que les OA définissent la base d’un espace
vectoriel dans lequel les OM sont décrites. La dimension de cet espace vectoriel définit le nombre
d’OM, n OA conduisant à n OM.
Φk Ψi
n orbitales atomiques n orbitales moléculaires

base d'un espace vectoriel


de dimension n

II.2.2) Forme et énergie des orbitales.


Les orbitales moléculaires seront caractérisées par leur énergie et leur forme. Leur forme
dépendra de la participation relative des orbitales atomiques qui contribuent. On peut donc assimiler
l’idée d’orbitale moléculaire à celle d’une probabilité de présence qui sera localisée plus ou moins sur

6
La méthode mathématique permettant de déterminer l’expression des OM à partir des OA a été développée, entre autres par Lennard-Jones
en 1929. la publication originale est J. E. Lennard Jones, Trans. Faraday Soc. 1929, 25, 668. le terme LCAO vient en fait de Mulliken (pub
originale : R. S. Mulliken, J. Chem. Phys. 1935, 3, 375).
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certains atomes de la molécule. Dans une molécule on trouvera donc différentes OM de différentes
énergies et de formes diverses.7
Les calculs quantiques sophistiqués permettent de représenter facilement les OM. Il est en
revanche beaucoup plus difficile de les représenter à la main si on veut tenir compte exactement de
leur forme. On les représentera donc par des combinaisons linéaires d’orbitales atomiques en faisant
varier la taille de ces orbitales en fonction de leur participation (coefficient cik). Le meilleur moyen
d’illustrer cette démarche est de comparer la forme d’une orbitale issue d’un calcul quantique avec sa
représentation qualitative. L’exemple suivant est relatif au benzène et montre une combinaison
d’orbitales 2pz des six atomes de carbone constituant le benzène. Comme nous le verrons
ultérieurement, il existe plusieurs orbitales moléculaires résultant de la combinaison des orbitales 2pz
des carbones dans le benzène. Elles diffèrent de part leur énergie et leur forme.
Une OM du benzène
z
y

Dans un calcul utilisant une base minimale, chaque OA pourra être représentée par une seule
fonction « hydrogénoïde ». Dans un calcul en base étendue, destiné à fournir des solutions plus
précises, on pourra représenter chaque OA par une combinaison linéaire de plusieurs fonctions. On
imagine aisément que cette approche, aussi simple soit-elle, ne pourra pas être menée sans moyens de
calculs adaptés. Cependant, comme nous le verrons par la suite, rien n’oblige à calculer toutes les OM
d’un système. On pourra, limiter nos calculs à certains types de liaisons d’une molécule, les plus
réactives par exemple. Cette démarche permettra d’exprimer, avec des calculs relativement simples,
les OM les plus importantes d’un système pour déterminer une propriété particulière.

II.2.3) Le principe de calcul et le remplissage des OM.


La démarche de calcul suivie sera à peu près toujours la même. Elle se décomposera en deux
parties.
*Dans un premier temps une analyse du système permet de déterminer quelles sont les OA qui
peuvent participer à l’élaboration du système électronique et quel nombre d’électrons fournira chaque
atome.
*Dans une deuxième étape, on calcule les différentes énergies du système et on exprime la
forme des OM.
Jusqu’à présent, on ne s’est pas intéressé au remplissage électronique des ces orbitales
moléculaires. Cette opération vient en dernier. Les trois règles suivantes sont fondamentales et doivent
être respectées.

1)Principe de construction (Aufbau) : dans l’état fondamental du système (état de plus basse
énergie), les OM d’énergies les plus basses sont remplies en premier.
2)Principe d’exclusion de Pauli : dans chaque orbitale (OM), il ne pourra y avoir qu’un seul électron
de spin donné.
3)Règle de Hund : Si les solutions du système fournissent des OM dégénérées (de même énergie), il
faudra alors occuper le maximum d’orbitales avec le maximum de spins parallèles (chaque répartition
électronique s’appellera une configuration électronique).

Dans l’exemple suivant, choisi tout à fait arbitrairement, on a supposé que l’on avait 5 OA Φk
(k = 1-5) et que l’on formait donc 5 OM Ψi (i = 1-5). On a également supposé que l’on avait 6
électrons à placer. On les distribue en respectant les trois règles précédentes. La dernière phase est le
7
On peut trouver dans la même molécule des orbitales moléculaires de formes différentes mais de même énergie. On parlera alors
d’orbitales dégénérées.
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calcul de l’énergie électronique qui s’effectue en sommant les énergies des électrons (2 dans E1, 2 dans
E2, 1 dans E3 et 1 dans E4).
Procédure de calcul E5
Energie
E3 E4
détermination des OA calcul des OM E2
(forme et énergie) E1
Φk Ψi
remplissage électronique
E = 2E1 + 2E2 + E3 + E4

III) UNE MOLECULE DIATOMIQUE HOMONUCLEAIRE DE TYPE A2.

III.1) Principe du calcul.


Le meilleur moyen d’illustrer cette approche est de calculer un système simple. On calculera
tout d’abord un système diatomique homonucléaire qui est donc constitué de deux atomes de même
nature.
Le problème est simple. Comment peut-on représenter la création d’une molécule de type A2
par la mise en commun de deux électrons appartenant initialement à deux atomes de type A qui vont
s’assembler ?
Φ1 Φ2

A1 + A2 diatomique homonucléaire

On suppose pour simplifier que chaque atome utilise une OA de valence et une seule (on
admettra que ces OA sont de type s. Ces OA seront notées Φ1 (pour l’atome A1) et Φ 2 (pour l’atome
A2 qui est de même nature que A1). Les formes mathématiques de ces deux OA seront choisies
réelles. Le calcul s’effectuera de la façon suivante. On considérera que les OM du système Ψi (i = 1, 2)
fonctions propres, s’écriront sous la forme d’une combinaison linéaire des OA Φ1et Φ2. Ces dernières
seront affectées des coefficients ci1 et ci2 qui définiront donc la participation de Φ1 et Φ2 dans chaque
OM Ψi.8

Ψi = c i1Φ1 + c i 2 Φ 2 (14)

Le but du calcul est de déterminer les expressions et les énergies associées Ei des différentes
OM formées Ψi. On écrit l’équation de Schrödinger en gardant bien à l’esprit que l’on se place
toujours dans le cas de la « méthode des électrons indépendants ». On considère que tous les
hamiltoniens effectifs Hi sont identiques (même expression) et il sera donc inutile de les exprimer. Si
on appelle Ψel(1,2) la fonction d’onde totale, on peut donc écrire que :

H el Ψ el (1,2) = E Ψ el (1,2) avec Ψ el (1,2) = Ψ1 Ψ2 (15)


E el = E 1 + E 2 avec H el = H1 + H 2 et H i Ψi = E i Ψi

La méthode des variations, qui trouve sa version spécifique en mécanique quantique par le
théorème de Ritz, indique que l’hamiltonien est stationnaire au voisinage immédiat de ses valeurs
propres. Ceci signifie qu’une très faible variation des coefficients ne doit pas modifier la valeur de
l’énergie. La méthode de calcul est donc relativement simple. Dans un premier temps on va proposer
une fonction d’essai notée Ψ qui va s’exprimer comme une combinaison linéaire des OA participant
au système que l’on veut calculer. Dans le cas qui nous intéresse on posera donc :

8
Pour simplifier on posera que c1 et c2 sont réels.
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Ψ = c1Φ1 + c 2 Φ 2 (16)

Le but du calcul va être de minimiser l’énergie E associée à cette fonction d’essai en faisant
varier les coefficients c1 et c2 qui sont inconnus. On supposera que cette fonction d’essai est réelle
mais pas normalisée car, à ce niveau, les coefficients c1 et c2 peuvent prendre des valeurs quelconques.
Afin de trouver toutes les fonctions propres du système Ψi, on imposera donc la condition de
normalisation à la fin du calcul, en général.
Deux méthodes, qui reposent sur le théorème de variation permettent d’effectuer le calcul des
énergies Ei et des coefficients ci. Nous exposons la plus simple sans démonstration. La démonstration
complète ainsi qu’une seconde méthode sont présentées dans l’annexe au chapitre.
On commence donc par écrire l’expression générale de l’équation de Schrödinger.

HΨ =Ε Ψ (17)

On remplace maintenant Ψ par l’expression de la fonction d’essai. On obtient l’expression suivante :

H c1Φ 1 + c 2 Φ 2 = Ε c1Φ 1 + c 2 Φ 2 (18)

Si on multiplie à gauche par le bra Φ 1 et que l’on tient compte de la linéarité de l’opérateur H et du
fait que les ci et E sont des constantes , on obtient l’équation suivante :

c1 Φ 1 H Φ 1 + c 2 Φ 1 H Φ 2 = c1 E Φ 1 Φ 1 + c 2 E Φ 1 Φ 2 (19)

On suit la même démarche en multipliant (18) à gauche par le bra Φ 2 et en séparant les constantes.
On obtient l’expression suivante :

c1 Φ 2 H Φ 1 + c 2 Φ 2 H Φ 2 = c1 E Φ 2 Φ 1 + c 2 E Φ 2 Φ 2 (20)

Les expressions de ces deux termes sont lourdes mais on peut se livrer à quelques
simplifications. On va définir deux types d’intégrales, les intégrales coulombiennes Hii et les intégrales
de résonance Hij . Les intégrales de résonance Hij sont égales aux intégrales Hji car l’opérateur H est
hermitique et que les orbitales sont choisies réelles. Les intégrales du type Sij définiront le
recouvrement des OA. Les OA étant orthonormées on aura donc Sii = 1. Les significations physiques
de ces trois termes seront définies ultérieurement.

Φ i H Φ i = H ii intégrales coulombiennes. (21)

Φ i H Φ j = H ij = Φ j H Φ i = H ji intégrales de résonance (22)

Φ 1 Φ 1 = S11 = Φ 2 Φ 2 = S 22 = 1 intégrales de recouvrement (23)

Φ1 Φ 2 = S12 = Φ 2 Φ1 = S 21 (24)

Munis de ces nouvelles notations, on peut réécrire l’expression des équations (19) et (20) de la façon
suivante:

c1 H 11 + c 2 H 12 = c1 E + c 2 ES12 soit c1 (H11 − E) +c 2 (H12 − ES12 ) = 0 (25)

c1 H 12 + c 2 H 22 = c1 ES12 + c 2 E soit c1 (H12 − ES12 ) + c 2 (H 22 − E) = 0 (26)

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Ces deux équation linéaires et homogènes sont appelées équations séculaires. La solution
triviale correspond à c1 = c2 = 0. Cette solution n’a aucun sens physique car elle signifie que l’électron
aurait une densité de probabilité nulle en tout point de l’espace ! Il n’existe une solution non triviale, si
et seulement si, le déterminant séculaire suivant est nul.

H11 − E H 12 − ES12
=0 (27)
H12 − ES12 H 22 − E

Les solutions d’un tel système sont évidentes (car on a H11 = H22).9 On obtient deux valeurs de E, E1 et
E2 .

H11 +H12 H11 −H12


E1 = (28) E2 = (29)
1+S12 1−S12

Les valeurs E1 et E2 sont donc les deux valeurs d’énergie possibles pour un électron
appartenant à la molécule diatomique A2. A chaque énergie Ei correspond une OM Ψi. On peut
aisément calculer ces deux OM Ψ1 et Ψ2 en remplaçant E1 et E2 par leurs valeurs dans les deux
équations séculaires. On trouve : c1 = c2 pour la valeur E1 et c1 = -c2 pour la valeur E2. En tenant
compte de la condition de normalisation suivante, on peut obtenir l’expression des OM.

Ψ1 Ψ1 = c1Φ 1 + c 2 Φ 2 c1Φ 1 + c 2 Φ 2 = 1
c12 Φ 1 Φ 1 + c 22 Φ 2 Φ 2 + 2c1c 2 Φ 1 Φ 2 = 1 (30)
c12 + c 22 + 2 c1c 2 S12 = 1

1 1
Ψ1 = (Φ 1 + Φ 2 ) (31) Ψ2 = (Φ 1 − Φ 2 ) (32)
2(1 + S12 ) 2(1 − S12 )

Avant d’aller plus loin dans l’analyse des résultats obtenus, il faut préciser la valeur et surtout
la signification des termes Hii l‘intégrale coulombienne, Hij l’intégrale de résonance et Sij l’intégrale de
recouvrement qui sont les paramètres.

III.2) Définition des termes Hii Hij et Sij

III.2.1) Le recouvrement Sij.


Ce terme n’est pas une constante et dépend de la forme des OA concernées. C’est en fait le
produit scalaire des fonctions qui traduit véritablement la notion d’orthogonalité entre deux OA. Le
recouvrement entre deux OA correspond à la zone d’espace dans laquelle les deux OA sont en
interaction. Il dépend aussi de l’orientation des OA dans la molécule donc de sa symétrie. On va
d’abord exposer quelques cas particuliers avant de revenir plus en détail sur les notions de
recouvrement en fin de chapitre.
Le recouvrement entre deux OA 1s centrées sur deux noyaux que l’on appellera A et B sera
important dans la région de l’espace où les fonctions ont une grande amplitude. Il va décroître assez
rapidement en fonction de la distance en raison du caractère exponentiel des fonctions 1s (ce
raisonnement est aussi valable pour les interactions d’OA ns). Le maximum est obtenu pour r = 0 (cas
ou les noyaux seraient confondus !).
Le problème du recouvrement des OA 2p est analogue à celui des OA 2s. Deux OA 2p
pourront interagir quand leurs axes de révolution ne seront pas orthogonaux. On pourra distinguer
plusieurs cas. Contentons-nous pour l’instant de deux cas simples quand les axes de révolution sont
colinéaires (liaisons σ) ou parallèles (liaisons π). Dans le cas des liaisons π, la valeur du recouvrement

9
Ces deux intégrales sont égales car les deux atomes sont équivalents.

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passe de 1 à 0 quand la distance augmente. Dans le cas des liaisons σ, la situation est plus compliquée
car quand les deux OA se rapprochent trop, les lobes positifs et négatifs se mélangent et le
recouvrement tend vers -1. Dans le cas d’OA 2p du carbone, le recouvrement est maximum pour une
distance de 1.54 Å. Enfin, le recouvrement de deux OA 2p orthogonales est toujours nul.

<1s/1s> <2px/2px>

1 1

100 200 300 R (pm) 100 200 300 R (pm)

<2p/2p>

1 <2px/2py> = 0
<2py/2pz> = 0
<2py/2pz> = 0

100 200 300 R (pm)

-1

III.2.2) L’intégrale coulombienne Hii.


Pour bien comprendre la valeur de cette intégrale coulombienne, il faut revenir à l’expression
du hamiltonien monoélectronique Hi que nous avons détaillée précédemment. Plaçons nous dans le cas
de l’électron 1. On peut « redécouper » cet hamiltonien monoélectronique en deux termes : un terme
purement atomique h1A qui ne concerne que l’électron 1 dans l’atome A et un second terme v1B qui
regroupe les termes d’interaction de 1 avec le noyau B et son électron.

1 1 1 1 1 1
H 1 = h 1 + v(1) = [− ∇ 12 − − ] + v(1) = [ − ∇12 − ] + [− + v(1)] = h 1A + v1B (33)
2 r1A r1 B 2 r1A r1 B
1 1 1
avec : h 1A = − ∇ 12 − et v1B = − + v(1)
2 r1A r1 B

Exprimons maintenant la forme de l’intégrale H11. On peut écrire que :

H 11 = Φ 1 H 1 Φ 1 = Φ 1 h 1A + v1B Φ 1 = Φ 1 h 1A Φ 1 + Φ 1 v1B Φ 1 (34)

La valeur du terme atomique est toujours très nettement supérieure à celle du second terme qui
n’est que correctif. On peut donc, en première approximation, considérer que la valeur de H11 sera
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42 Cours de Physique Atomique et Moléculaire L3-P (DP/FS/UB)
40

voisine de celle de l’énergie de l’OA Φ1 dans l’atome 1. En d’autres termes, on pourra prendre pour
H11 une valeur égale au potentiel d’ionisation de l’électron 1. Cette valeur sera notée α1.
∫ ∫
H 11 = Φ 1 HΦ 1dτ ≈ Φ 1 h 1A Φ 1dτ = α 1 ≈ ε(Φ 1 ) (35)

On peut suivre le même raisonnement pour l’électron 2.10 Cette simplification est importante
car ces quantités αi sont spécifiques d’un atome donné i et sont donc transférables d’une molécule à
une autre quel que soit l’environnement de l’atome en question (linéaire, trigonal, tétraédrique…).
Comme on le verra par la suite, les valeurs ne seront jamais exprimées numériquement et on
raisonnera toujours par comparaison dans la plupart des cas. On peut néanmoins extraire ces valeurs
des tables de potentiels d’ionisation. Par exemple, si l’atome en question est un atome de carbone et
que l’OA intervenant dans le calcul est une OA 2p, on utilisera la valeur αc = -10.7 eV. Il faut
également noter que αi prend toujours une valeur négative et dépend de l’électronégativité de l’atome.
Plus l’atome est électronégatif plus αi est négatif.
Hii Hjj

Intégrale coulombienne:
Hii et Hjj < 0 i j
propre à l'atome considéré

III.2.3) L’intégrale de résonance Hij.


Les termes Hij sont appelés intégrales de résonance et représentent véritablement la force de la
liaison entre les atomes i et j. Ces termes sont donc purement moléculaires. Ils sont souvent
représentés par la valeur βij qui, comme αi, a les dimensions d’une énergie. On peut donc poser sans
approximation que Hij = Hji = βij. Ces valeurs ne sont pas spécifiques d’une molécule particulière mais
de deux atomes. Comme dans le cas des intégrales coulombiennes il est important de remarquer que
ces valeurs seront transposables d’une molécule à une autre pour deux atomes i et j en interaction. Ce
terme βij est lui aussi toujours négatif mais nettement plus petit en valeur absolue que le terme αi.

∫ Φ HΦ dτ = H
i j ij
= β ij (36)

Ces termes sont le plus souvent calculés à partir d’une formule empirique appelée formule de
Wolfsberg-Helmholtz qui peut être exprimée de la façon suivante. On reconnaît dans cette formule les
Hii et Hjj caractérisant les atomes i et j et le terme Sij qui est le recouvrement entre Φi et Φj. Le
paramètre k a été déterminé empiriquement et vaut 1.75. Comme S est toujours compris entre 0.2 et
0.5 au maximum, on en déduit que Hij est, en général, toujours plus petit que Hii.

H ii + H jj
H ij = kS ij (37)
2

On remarquera tout d’abord que Hij est négatif car Sij est toujours positif. Il faut noter
également que Hij traduit le recouvrement entre les atomes i et j. Les deux grandeurs Hij et Sij sont
donc liées, du moins, de par ce qu’elles représentent (Hij est une énergie alors que Sij est une
constante). Par la suite, on explicitera plus en détail les différentes valeurs qui peuvent être attribuées à
Hii et Hij en fonction des atomes étudiés.
Hij

Intégrale de résonance:
i j
propre à l'interaction de deux atomes i et j

10
Dans le cas de la molécule de dihydrogène, les deux atomes étant équivalents on aura α1 = α2.

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43 Cours de Physique Atomique et Moléculaire L3-P (DP/FS/UB)
41

III.3) Formes des orbitales moléculaires d’une molécule de type A2.


Munis de la définition de ces paramètres, revenons aux résultats fournis par le calcul. Si on
examine la forme des combinaisons linéaires représentant les OM, on remarque que dans l’OM Ψ1 les
deux coefficients sont en phase et cette orbitale est dite liante. Au contraire dans la seconde OM Ψ2,
les deux coefficients sont en opposition de phase. Cette orbitale est dite antiliante car elle implique une
annulation de la densité électronique entre les deux atomes. On remarque également que les
coefficients sont plus importants dans l’orbitale antiliante que dans l’OM liante. Si on considère par
exemple une valeur de S = 0.25 (valeur communément choisie avec cette méthode paramétrique) on
obtiendra :

Ψ1 = 0.632(Φ1 +Φ 2 ) et Ψ2 =0.816(Φ1 −Φ 2 ) (38)

Ψ1 OM liante Ψ2 OM antiliante

Essayons maintenant de placer ces deux OM sur un diagramme d’énergie. Si on reprend les
formules précédentes en remplaçant par les paramètres α, β et S on peut écrire que :

H 11 + H 12 α+β H 11 −H12 α −β
E1 = = E2 = = (39)
1 + S12 1+ S 1 − S12 1−S

On remarque que E1 < E2 car α et β sont deux valeurs négatives. Ceci paraît tout à fait normal
car on s’attend en effet à ce que le système soit liant entre les deux atomes. On remarque également
que l’énergie E1 est inférieure à l’énergie d’un atome isolé qui est proche de α. Cette observation
confirme que le système est stabilisé en énergie par rapport aux deux atomes isolés, ce qui paraît
logique pour justifier la formation de A2. Maintenant, comment situer précisément E2 par rapport à
E1 ? On peut calculer la différence d’énergie ∆E+ = (α − Ε1) qui correspond à la stabilisation de E1 par
rapport à α et, ∆E-= (E2 - α) qui représente la déstabilisation de E2 par rapport à α. On trouve :

αS − β αS − β
∆E − = E 2 − α = ∆E + = α − E 1 = (40)
1−S 1+ S

∆E+ et ∆E- étant deux valeurs positives, on voit que αS – β est > 0 car les termes (1-S) et (1+S)
sont toujours >0 (0 < S <1). On voit donc très clairement que ∆E- est supérieur à ∆E+. On peut donc en
conclure que la déstabilisation est plus importante que la stabilisation. Il faut noter que l’on aurait pu
démontrer que αS – β est positif en utilisant l’expression de β fournie par l’équation de Wolfsberg-
Helmholtz. En effet, en remplaçant H11 et H22 par α, on voit que β = 1.75αS, donc αS-β = αS-1.75 αS
= -0.75 αS qui est forcément positif car α < 0 et S > 0.
On peut donc tracer le diagramme suivant. Les niveaux latéraux, d’énergie α, correspondent
aux deux atomes isolés. Pour le remplissage électronique il faut bien garder à l’esprit que chaque
atome participe en fournissant un électron. On placera donc les deux électrons dans l’OM Ψ1 (règle de
Pauli) ce qui correspond à l’état fondamental.

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44 Cours de Physique Atomique et Moléculaire L3-P (DP/FS/UB)
42

α-β Ψ2
E2 =
1-S

∆E-

Φ1 α α Φ2
∆E+
α+β
E1 = Ψ1
. 1+S

Comment interpréter physiquement ce résultat? On en conclut que lorsque les deux atomes
(contribuant chacun avec 1 électron) s’unissent, leurs OA vont se combiner pour générer deux OM,
l’une Ψ1 d’énergie plus basse et une seconde Ψ2 d’énergie plus élevée que celle des atomes isolés.
Comme il a été mentionné auparavant, le fait que les signes des lobes soient identiques dans Ψ1
montre que l’amplitude est plus grande dans la zone internucléaire. Un électron situé dans cette
orbitale aura donc une forte probabilité de se trouver entre les deux noyaux. En attirant simultanément
les deux noyaux (chargés positivement), il aura donc tendance à les maintenir ensemble. Cette
situation justifie donc le nom d’orbitale liante.
Au contraire dans Ψ2 la fonction change de signe en passant d’un atome à l’autre et s’annule
au milieu. Un électron se trouvant dans cette OM aura donc une très faible probabilité de se trouver
entre les deux atomes. S'il s’y trouvait, il aurait tendance à provoquer la rupture de la liaison d’où le
nom de liaison antiliante. La rupture qui fera partir l’électron avec un des atomes sera exothermique.
On peut donc conclure qu’un recouvrement en phase est liant et abaisse l’énergie des OM par rapport
aux atomes isolés et un recouvrement en opposition de phase est antiliant et augmente l’énergie des
OM.

Fonctions d'onde et leurs carrés suivant l'axe internucléaoire

Ψ1 Ψ2

A1 A2 A1 A2
r r

Ψ 12 Ψ22

A1 A2 A1 A2
r r

Combien vaut exactement la stabilisation de Ψ1 par rapport aux deux atomes isolés. Il suffit
simplement d’exprimer la différence -2 ∆E+ (2 électrons dans Ψ1).

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45 Cours de Physique Atomique et Moléculaire L3-P (DP/FS/UB)
43

β − αS
∆E rel = − 2∆E + = 2 (41)
1+ S

Cette quantité est négative car le terme β-αS est négatif, ce qui démontre le caractère
stabilisant de cette interaction à deux électrons. On peut aussi exprimer cette valeur en fonction du
recouvrement entre les OA. Il suffit d’exprimer cette expression en considérant que S est généralement
petit devant 1. On peut donc écrire que ∆E rel ≈ 2(β − αS)(1−S) .
Si l'on considère que β est proportionnel à S comme nous l’avons vu (β = λS) on va obtenir en
remplaçant dans l’expression précédente qui peut être simplifiée au premier ordre.

∆E rel ≈ 2(λS − αS)(1 − S) (42) soit ∆E rel ≈ 2S(λ − α) (43)

On en déduit donc que la stabilisation électronique due à l’interaction de deux orbitales


identiques est proportionnelle à leur recouvrement. Plus le recouvrement est grand, plus la stabilisation
est importante.

∆E-
∆E-
A A
∆E+
∆E+

fort recouvrement faible recouvrement

III. 4) Quelques exemples de molécules diatomiques homonucléaires.

III.4.1) Interactions à 1, 2 3 et 4 électrons: H2+, He2+, He2, He2* et B2H6.


Analysons maintenant, à travers quelques exemples de molécules
simples, les conséquences du remplissage électronique. La déstabilisation H2+
de Ψ2 étant plus importante que la stabilisation de Ψ1, le nombre
d’électrons déterminera donc la stabilité du système. Par exemple, si on
combine un atome d’hydrogène avec un proton, on formera l’ion
moléculaire H2+ qui sera plus stable que ces éléments isolés. Un seul H H+
électron suffit donc pour former une liaison covalente. Ces liaisons seront
bien évidemment plus fragiles que des liaisons à deux électrons et cela se
traduira par une distance internucléaire accrue. Cet exemple montre
clairement que la théorie des OM peut prendre en compte plus de résultats
expérimentaux que la théorie de Lewis.
Un exemple assez caractéristique de ces liaisons à 1 1.19 Å 1.33 Å
électron est fourni par la molécule de diborane qui existe sous H H H
une forme dimère. Dans cette molécule qui est symétrique, les B B
H H H
deux H centraux sont liés aux deux atomes de bore par des
liaisons de type 3 centres-2-électrons. Dans ces liaisons, un H H H
électron est fourni par chaque atome de bore et le second par B B
H H H
l’hydrogène.
le diborane (2 e- pour 3 centres)
+
Considérons maintenant l’ion He2 qui contient donc
trois électrons. On placera les deux premiers dans l’OM Ψ1 et le troisième dans Ψ2. Le bilan global est
qu’il y aura donc un peu moins d’un électron liant, la déstabilisation étant plus grande que la
stabilisation. En fait, l’ion He2+ est modérément stable.

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46 Cours de Physique Atomique et Moléculaire L3-P (DP/FS/UB)
44

Par contre, on voit que la molécule He2 (4 électrons) ne pourra pas exister, du moins à l’état
fondamental. En effet, le remplissage conduit à un système qui est plus antiliant que liant. Deux
électrons occupent l’OM la plus basse et les deux autres la seconde.
Assez remarquablement, on trouve que l’état excité de He2 est stable. En effet, le premier état
excité est obtenu en envoyant un électron de Ψ2 dans l’OM supérieure Ψ3 qui est une combinaison en
phase des deux OA 2s des atomes d’He. L’état excité ainsi formé comprend trois électrons liants et un
électron antiliant. He2 à l’état excité sera donc plus stable par rapport à la dissociation en He(1s2) +
He*(1s12s1). Par contre il ne sera stable par rapport à la dissociation en 2 molécules de He(1s2) que si
la désexcitation qui permet à l’électron placé dans Ψ3 de retomber dans Ψ2 est lente. C’est
effectivement le cas car l’état triplet de [He2]* doit se transformer en état singulet pour reformer le
fondamental.

[He2]*

2s 2s
He2+ He2
Ψ3
Ψ2

1s 1s
He He+ He He

Ψ1

III.4.2).Les molécules de dioxygène, de diazote, de difluor et Ne2+.


Le schéma de construction qui a été utilisé pour la molécule diatomique homonucléaire peut
servir à l’élaboration de diagrammes plus sophistiqués. Nous allons essayer de l’utiliser pour élaborer
les diagrammes des molécules de O2 et N2. Une règle fondamentale dans la construction de ces
diagrammes est le respect de la symétrie moléculaire et, par conséquent, de celle des orbitales et des
niveaux d’énergies respectifs. On ne mélangera pas n’importe quelle orbitale avec n’importe quelle
autre.
orbitales intervenant dans la construction de O2, N2, F2, Ne2+

x 2s 2px 2py 2pz

z A A
y

Dans les molécules de O2, N2, F2 et Ne2+, on peut oublier les OA 1s dont les énergies sont
extrêmement basses. Elles n’ont aucune influence sur la réactivité de la molécule. Reste maintenant à
considérer le cas des OA 2s et 2p. Par symétrie, on voit bien qu’il est possible de combiner les deux
OA 2s pour former 2 OM σ2 et σ2*. La combinaison des 2 OA 2pz va conduire à la formation de deux
OM σz et σz*.
D’une façon identique, la combinaison des deux OA 2py va donner les deux OM πy et πy* et il
en sera de même pour la combinaison des deux OA 2px. Les 2 OM πx et πy auront la même énergie et
seront donc dégénérées. Ceci provient du recouvrement qui est identique pour les deux combinaisons.
On sait déjà que l’écart d’énergie entre les niveaux π et π* sera plus faible que l’écart d’énergie entre

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47 Cours de Physique Atomique et Moléculaire L3-P (DP/FS/UB)
45

deux niveaux σ et σ* car le recouvrement latéral est plus faible que le recouvrement axial. Ces deux
OM π seront donc de plus haute énergie que σz.
On a placé arbitrairement le niveau de l’OM σ2* en dessous des OM πy et πy et σz. Cette
description est valable quand l’écart entre les OA 2s et 2p est grand, donc pour les éléments de la
droite du tableau périodique (O, F). Quand l’écart énergétique entre les OA 2s et 2p sera faible l’OM
σ2* sera plus haute en énergie que les OM πx et πy et σz (valable pour les atomes plus légers tels, B, C
et N.
σz* σz*

πx* πy*
πx* πy*

2p 2p
πx πy πx πy

σz σz

σ2* σ2*

2s 2s
σ2 σ2

σ1* σ1*
1s 1s
σ1
σ1

Dans le cas de la molécule de dioxygène O2, on a, au


total, 16 électrons à placer (O :1s22s22p4). On voit donc que O2
toutes les OM σ1 et σ1* et σ2 et σ2* ainsi que σz seront σz*
remplies. Cette situation indique qu’il n’y aura qu’une seule
liaison de type σ car les interactions liantes et antiliantes πy*
πx*
s’annulent pour les OM σ1 et σ2. Il reste 6 électrons à placer
qui vont aller occuper les deux OM dégénérées πx et πy et
remplir partiellement πx* et πy*. En accord avec la règle de 2p 2p
Hund, les deux spins seront parallèles et O2 sera donc une πx πy
molécule paramagnétique (somme de spins S = 1). Ce
σz
résultat est vérifié avec l’expérience. Cette conclusion ne σ*2
pouvait être établie au simple examen des structures de
Lewis. 2s 2s
La structure de O2 peut donc être décrite comme une
liaison double entre les deux atomes d’oxygène avec une σ2
OM σz et une OM π (4e π liants contre 2e π antiliants). En
suivant cette description, on va considérer que les 6 électrons O O O O
π se répartissent de la façon suivante : deux dans la liaison
entre les deux atomes d’oxygène et quatre formant deux
paires libres. Si maintenant on considère les électrons de type s, on peut ignorer les électrons 1s qui
sont très bas en énergie. Il reste donc 6 électrons à placer. Deux électrons forment la liaison σ, les
quatre autres décrivant également deux paires non liantes. De cette façon, on récupère une structure
proche de la structure de Lewis. L’énergie de dissociation de O2 vaut environ 119 kcal/mol.

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48 Cours de Physique Atomique et Moléculaire L3-P (DP/FS/UB)
46

Si maintenant on étudie le cas de N2 qui contient


deux électrons de moins que O2, il faut placer 14 électrons. N2
En utilisant le même diagramme que précédemment, on se σz*
rend compte que N2 est forcément constitué d’une liaison σ
et deux liaisons π . On retrouve bien la structure de Lewis πx* πy*
avec une triple liaison entre les deux atomes et deux paires
libres non liantes. 2p σ*2 2p
En fait la situation est un peu plus compliquée que
πx πy
dans O2 pour ce qui concerne la distribution des niveaux
d’énergie. Le problème vient du fait que l’écart d’énergie 2s σz 2s
entre les OA 2s et 2p est moins important pour l’azote que
pour l’oxygène. Il suffit pour cela d’examiner les énergies σ2
respectives (O : E(2s) = -32.4 eV et E(2p) = -15.9 eV soit ∆E
= 16.5 eV) (N : E(2s) = -25.6 eV et E(2p) = -12.9 eV soit ∆E N N
= 12.5 eV). L’OM la plus haute en énergie serait donc σ2*
qui est passée au-dessus des OM πx et πy Comme nous le verrons plus loin, cette description est
erronée et la situation est en fait compliquée par le fait que les orbitales 2s et 2p peuvent s’hybrider (se
mélanger) et on a alors beaucoup de difficulté à dire que l’orbitale de type σ la plus haute est σ2 ou σz
car il s’agit en fait d’un mélange des deux orbitales.. Dans l’état actuel de nos connaissances, on peut
simplement conclure que la liaison entre les deux atomes d’azote peut être décrite par une liaison
σ (σ2) et deux liaisons π (πx et πy) . Il reste alors quatre électrons qui décrivent les paires libres (OM
σ2* et σz). On reviendra plus en détail en fin de chapitre pour décrire le vrai diagramme d’OM de N2.
Cette description simpliste permet néanmoins de vérifier que les énergies d’ionisation de N2 sont
différentes pour l’arrachement des électrons non-liants (paires libres). On trouve 15.5 eV s’il provient
de σ2* et 18.8 eV s’il provient de σz . L’énergie de dissociation de N2 vaut environ 220 kcal/mol.
Si on passe au cas de F2, la molécule contient deux électrons de plus que O2 et on va donc
supprimer tout caractère de liaison π car les orbitales π et π* sont maintenant occupées. F2 présente
donc une liaison simple σ. Dans cette molécule, il y a beaucoup d’interactions à 4 électrons répulsives
(π) et ceci tend à affaiblir la force de liaison. L’énergie de dissociation de F2 est de 38 kcal/mol. Enfin,
dans le cas de Ne2+, il ne reste plus qu’un seul électron σ liant.

E
Li2 Be2 B2 C2 N2 O2 F2

σ*z

π*x

πx
σz
σ*2
σ2

IV) MOLECULES DIATOMIQUES HETERONUCLEAIRES DE TYPE AB.

IV.1) Calcul.
Le cas des molécules diatomiques homonucléaires est évidemment le plus simple car la
symétrie conduit à certaines simplifications comme nous avons pu le voir. Quelle est la situation dans
une molécule diatomique comprenant deux atomes différents A et B ? On supposera encore que
chacun des deux atomes n’utilise qu’une seule OA qui sera notée Φ 1 dans le cas de l’atome A et Φ 2

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49 Cours de Physique Atomique et Moléculaire L3-P (DP/FS/UB)
47

dans le cas de B. Dans la suite des démonstrations on posera arbitrairement que l’atome A est plus
électronégatif que l’atome B ce qui implique que l’OA Φ1 est plus basse en énergie que l’OA Φ 2.
La résolution du problème s’effectue d’une façon identique au cas homonucléaire mais cette
fois-ci, on ne doit pas considérer que les deux intégrales coulombiennes H11 et H22 ont la même valeur
puisqu’elles caractérisent deux atomes différents. Par contre, en ce qui concerne les intégrales de
résonance et de recouvrement, les relations H12 = H21 et S12 = S21 =S seront toujours valables. Par
analogie avec le cas de la molécule de type A2, l’expression générale du déterminant séculaire est la
suivante :

H 11 −E H 12 −ES
=0 (44) soit (H 11 − E )(H 22 − E )−(H 12 − ES) 2 = 0 (45)
H 12 −ES H 22 −E

Cette équation du second degré peut être résolue en fonction des paramètres H11, H22 et S mais
sa résolution est plus longue (voir annexe). On obtient finalement les deux énergies suivantes. Bien
souvent, on exprime les solutions approchées qui consistent à considérer que S est petit donc (1-S)2 est
voisin de 1. Afin de s’affranchir des coefficients, on peut exprimer ces deux énergies en se servant des
notations usuelles α et β qui caractérisent les intégrales coulombiennes et de résonance. On posera
donc : H11 = α1 ; H22 = α2 ; H12 = β.

(H12 − H11S) 2 (β−α 1S) 2


E1 = H11 + 2
soit E1 = α1 + (46)
(H11 − H 22 )(1− S ) (α 1 −α 2 )(1−S 2 )
(H12 −H 22S) 2 (β−α 2 S) 2
E 2 = H 22 + soit E2 = α2 + (47)
(H 22 −H11 )(1−S 2 ) (α 2 −α 1 )(1−S 2 )

Comme on a supposé que l’atome 1 était plus électronégatif que l’atome 2, on a α1 < α2. Le
fait que α1 – α2 soit négatif implique que le terme rajouté à α1 pour exprimer E1 est négatif (1-S2 > 0).
On en conclut donc que E1 est d’énergie plus basse que α1 (∆E+ = α1-E1 > 0). A l’opposé, α2 – α1 étant
positif, on en déduit que le terme rajouté à α2 pour exprimer E2 est positif, ce qui implique que E2 est
d’énergie supérieure à α2 (∆E- = E2-α2 > 0).

+
(β − α 1S) 2 −
(β − α 2 S) 2
∆E = − >0 et ∆E = >0 (48)
(α 1 − α 2 ) (α 2 − α 1 )

Pour comparer la situation énergétique de E1 et E2, il suffit d’examiner les valeurs de ∆E+ et
-
∆E que l’on peut exprimer toutes les deux en fonction du même dénominateur (α2 - α1). Ceci revient
donc à comparer (β - α1S)2 et (β - α2S)2.
Comme on sait que α1 < α2 on peut écrire que -α1S > -α2S donc β-α1S > β-α2S. Ces deux valeurs étant
négatives on voit donc que (β-α1S)2 < (β -α2S) 2.
Ceci permet de montrer, par extension au cas d’une molécule diatomique homonucléaire, que
la déstabilisation de l’orbitale la plus haute est plus importante que la stabilisation de l’orbitale la plus
basse. L’OM Ψ1 est liante et beaucoup plus localisée sur l’atome 1. Ψ2 est une OM antiliante qui est
essentiellement localisée sur l’atome 2.

L’expression des coefficients des OM Ψ1 et Ψ2 est obtenue en remplaçant les valeurs des deux
énergies dans les équations couplées. On obtient les formules approchées suivantes dans lesquelles N1
et N2 sont les coefficients de normalisation. On remarque que plus la différence d’énergie |α1 - α2| est
grande, plus la forme des OM Ψ1 et Ψ2 sera proche de celle des OM Φ1 et Φ2, respectivement. Ainsi
dans Ψ1 (resp. Ψ2), la contribution la plus importante est fournie par l’OA Φ1 (resp. Φ2).

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50 Cours de Physique Atomique et Moléculaire L3-P (DP/FS/UB)
48

 (β − α 1S)   (β − α S) 
Ψ1 ≈ N 1  Φ 1 + Φ 2  et Ψ2 ≈ N 2  2
Φ 1 + Φ 2  (49)
 α1 − α 2   α −α 
   2 1 

(β − α2S)2
E 2 = α2 +
Ψ2 (α2− α1)(1 − S2)

E2 ∆E-
α2

α1
∆E+ E1
Ψ1
(β − α1S)2
E1 = α1 +
(α1− α2)(1 − S2)

Il est également intéressant d’exprimer la variation d’énergie électronique comme nous


l’avons fait précédemment dans le cas de la molécule diatomique homonucléaire. Pour cela, on
considère qu’au départ chaque atome contribue avec un électron. Les deux électrons vont donc se
localiser dans l’OM Ψ1 (dans le fondamental) et on peut alors exprimer ∆Erel = -2 ∆E+.

(β − α 1S) 2
∆E rel = − 2∆E + = 2 (50)
(α 1 − α 2 )

Cette valeur est donc bien négative car α1-α2 < 0 ce qui correspond bien à une stabilisation du
système par rapport aux deux atomes isolés. Si on considère que β est proportionnel à S (β = λS), on
obtient :

(S) 2
∆E rel = − 2∆E + = 2(λ − α 1 ) 2 (51)
(α 1 − α 2 )

On en conclut donc que la stabilisation résultant d’une interaction entre deux OA d’énergies
différentes est proportionnelle au carré du recouvrement et inversement proportionnelle à la différence
d’énergie entre les OA de départ. Plus la différence d’énergie est importante, moins la stabilisation est
importante.

IV. 2) Quelques exemples de molécules diatomique homonucléaires.


Le diagramme d’OM d’une molécule diatomique hétéronucléaire est relativement explicite et
il permet de prendre en compte les conséquences de la différence d’électronégativité entre deux
atomes qui vont se lier. On comprend par exemple pourquoi dans la molécule de LiH, l’hydrogène se
comporte comme un hydrure. La différence énergétique entre l’OA 2s du lithium (ELi(2s) = -5.4 eV) et
la 1s de l’hydrogène (EH(1s) = -13.6 eV) étant très importante. L’OM décrivant la liaison LiH sera en
effet nettement plus développée sur l’hydrogène. Dans le cas d’une liaison B-H, on voit bien que
l’hydrogène aura aussi un caractère d’hydrure, la 2p du bore se situant plus haute en énergie (-5.7 eV).
Par contre dans le cas des liaisons O-H, l’OM décrivant la liaison est plus développée sur
l’hétéroatome car l’énergie de l’OA 2p est plus basse (-15.9 eV).

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H-M

Li

C
H

V) NOTIONS COMPLEMENTAIRES SUR LE RECOUVREMENT ET L’IMPORTANCE


DES SYMETRIES

V.1) Recouvrements 1s/2p


Jusqu’à présent, les problèmes abordés étaient relativement simples: le recouvrement de deux
OA ns/ns et celui de deux OA np/np donnant lieu respectivement à une OM π et une OM σ. Il faut
aussi envisager le cas ou une OA ns interagit avec une OA np, comme par exemple dans une liaison C-
H. Prenons l’exemple du recouvrement 2p/1s. Une OA 2p n’ayant plus la symétrie sphérique, son
recouvrement avec une OA 1s va dépendre de deux facteurs : la distance interatomique et l’angle Θ
formé avec l’axe de la liaison p. Si l’ange Θ vaut 90°, le recouvrement total est nul car l’OA est
constituée de deux lobes équivalents mais de signes opposés. Si Θ vaut 0°, le recouvrement <2p/1s>
varie avec la distance. La courbe représentant l’évolution du recouvrement en fonction de la distance
présente un maximum vers 100 pm. Pour des valeurs de Θ différentes de 0 ou 90°, le recouvrement
sera fonction de cos Θ et on aura SΘ = S0 (cos Θ) ou S0 représente la valeur maximale de S pour Θ =
0°.

<2p/1s>
Θ

S1 > 0
1
S1 > 0 S2 < 0

S2 < 0
Θ = 90° Θ = 0°

100 200 R (pm)

V.2) Recouvrements nuls par symétrie


Les notions de symétrie ont été soigneusement évitées jusqu’à maintenant car on ne
considérait que des cas simples. On ne peut cependant pas toujours raisonner de cette façon, surtout
dans le cas de systèmes moléculaires complexes faisant intervenir plusieurs OA. Comme nous le
verrons par la suite, la notion de symétrie joue un rôle très important en chimie quantique.
Dans le sous-chapitre précédent, nous avons montré, sans pour autant le démontrer, que le
recouvrement entre une OA 2p et une OA 1s était nul pour une valeur de Θ = 90°. On peut retrouver
ce résultat en considérant des arguments de symétrie. Prenons par exemple le cas d’une molécule AB
dans laquelle on veut étudier le recouvrement entre deux OA. Une OA 2pz appartenant à A et une OA
1s appartenant à B. Considérons le plan xy qui supporte la molécule. L’OA 1s est symétrique par

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rapport au plan mais l’OA 2pz est antisymétrique. Le produit 2p z 1s des deux fonctions est donc
une fonction antisymétrique par rapport au plan dont l’intégrale sur tout l’espace est nul. On retrouve
donc bien le résultat précédent. Si maintenant on aligne les deux OA suivant le même axe z, l’élément
de symétrie est le plan xz ou le plan yz. Les deux OA sont symétriques par rapport à ces plans et le
recouvrement n’est pas nul.

xy xy
yz A B xz A B
B

A yz xz

S=0 S>0 S>0

On peut tirer une règle importante de ce simple exemple : « Si par rapport à un élément de
symétrie d’une molécule une OA Φi est symétrique et l’autre Φj est antisymétrique, le recouvrement
Φ i Φ j est nul ».
Cette règle ne concerne pas exclusivement les recouvrements entre OA de type s et OA de
type p. Prenons le cas d’une molécule faisant intervenir sur chaque atome une OA de type p mais dont
les axes de révolution sont perpendiculaires. Dans le premier exemple, on considère que le plan xz est
l’élément de symétrie. L’OA 2px de l’atome A est symétrique par rapport à ce plan et l’OA 2pz
appartenant à B également. Par contre si, on considère le plan yz comme élément de symétrie, l’OA
2px est antisymétrique et l’OA 2pz symétrique. Comme la molécule AB admet les deux plans comme
éléments de symétrie, le recouvrement est nul. Pour que le recouvrement fût non nul, il eût fallu que
les deux OA présentent la même symétrie par rapport aux deux éléments. Le second exemple concerne
le recouvrement de deux OA 2py et 2pz.

A B A B
x x

z z
y y

V.3) Usage des symétries et mélange d’orbitales atomiques


La détermination des éléments de symétrie d’une molécule est donc la première opération à
laquelle on doit se livrer avant de tenter de combiner les différentes OA pouvant interagir. On entend
par élément de symétrie, toute opération qui ne déplacera pas d’atomes ou qui échange simplement des
atomes équivalents. On va distinguer trois types d’opération de symétrie et leurs combinaisons.
* Les rotations de 2π/n autour d’un axe.
* La réflexion par rapport à un plan.
* L’inversion par rapport à un point P.
Prenons l’exemple de la molécule de H2O. Si on place l’atome d’oxygène sur l’axe z et les
deux atomes d’hydrogène dans le plan xz, on voit que la molécule possède plusieurs éléments de
symétrie évidents : un plan (xz) qui porte la molécule et un second qui coupe la molécule en deux (xy).
Il existe aussi un axe C2 qui passe par l’oxygène et qui échange les deux atomes d’hydrogène. L’usage

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des symétries pour la détermination des diagrammes d’OM des molécules sera traité en détails au
cours du chapitre suivant concernant les orbitales de fragment.
x

H H
O O C2
z
H H
y

Les molécules diatomiques auxquelles on s’est intéressé jusqu’à présent constituaient des cas
évidents (H2, HeH+, He2+) ou ont alors été traités de façon très simple comme dans le cas de O2 et N2.
Lors de la présentation des diagrammes de ces deux molécules, on a exclusivement cherché à
combiner des orbitales de même nature (s avec s, p avec p). Etudions le cas de N2 en prenant compte
des éléments de symétrie qui vont nous permettre de mélanger des orbitales s avec des orbitales p.
On voit clairement sur le schéma suivant quelles sont les OA qui pourront se combiner. Ainsi,
le recouvrement sera nul avec 2s pour ce qui concerne les OA 2px et 2py. Par contre on aura un
recouvrement positif pour les interactions 2s avec 2pz. On voit donc que l’on ne pourra combiner les
OA 2px et 2py qu’entre elles pour former deux liaisons de type π. Par contre, on pourra mélanger les
OA 2s et les OA 2pz.

x
z
N N
y S différent de 0

S=0 S=0 S=0

2px 2s 2px 2py 2px 2pz 2px 2px 2py 2py

S différent de 0

2s 2s 2s 2pz 2pz 2pz

Le principe de construction d’OM à partir de plus de deux OA sera exposé au cours du


chapitre suivant sur les fragments ainsi qu’au cours du chapitre concernant la théorie des perturbations.
La prise en compte de ces interactions modifie quelque peu le diagramme un peu simpliste que l’on
avait initialement proposé pour l’azote, mais pas excessivement celui de l’oxygène. La raison est que
l’écart entre les OA 2s et 2p est plus faible dans l’azote qu’il ne l’est dans l’oxygène : (pour O : E(2s)
= -32.4 eV et E(2p) = -15.9 eV soit ∆E = 16.5 eV) (N : E(2s) = -25.6 eV et E(2p) = -12.9 eV soit ∆E =
12.5 eV). On devra donc toujours tenir compte des symétries mais il ne faudra pas accorder trop

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d’attention aux combinaisons faisant intervenir des OA de même symétrie mais d’énergies très
différentes. Le diagramme suivant est beaucoup plus proche de la réalité. La forme des OM (σ2, σ2* et
σz) s’est modifiée et on voit très clairement le mélange 2s et 2pz dans chaque OM.
x

z N2
N N y
σz*
2s 2pz S>0 πy*
πx*

2s 2px S=0 2p σz
σz
πx πy πx πy
2s 2py S=0
σ*2 σ*2
2pz 2pz S>0 2s
σ2 σ2
2s 2s S>0

Un autre exemple intéressant est fourni par la molécule de LiH. Le lithium est un élément très
électropositif et ses orbitales de valence sont donc hautes en énergie (E(2s) = -5.4 eV et E(2p) = -3.5
eV) ce qui est très différent des –13.6 eV de l’OA 1s de l’hydrogène. On en conclut donc que les
écarts d’énergie entre l’OA 1s de H et les OA 2s et 2pz de Li sont très voisins. Si on combine les OA
de type s ensemble, on doit également prendre en compte l’interaction entre 1s de H et 2pz de Li.
Pour les mêmes raisons de symétrie que dans le cas de la molécule de N2 (et O2), l’interaction
entre l’OA 1s de H et les OA 2px et 2py de Li sera nulle. On sera donc ramené à la combinaison de
trois OA (1s de H avec 2s et 2pz de Li). On obtient donc le diagramme suivant qui ne tient pas compte
de l’OA 1s du lithium qui est remplie et très basse en énergie. L’OM fondamentale de la liaison entre
Li et H est donc décrite par l’OA 1s qui est essentiellement localisée sur l’atome d’hydrogène. On
retrouve donc bien le caractère très polaire de la molécule de LiH.

x 3σ

2px
z 2py
y π
Li 2pz

1s H

1s

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Le problème de la construction des OM à partir de 3 OA, de symétrie identique, sera abordé au


cours du chapitre suivant sur les fragments, et encore plus en détails d’un point de vue théorique au
cours du chapitre concernant la théorie des perturbations.

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