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ISSN : 2665-7473
Volume 4 : Numéro 3
SIDIBE Mahamadou
Enseignant chercheur
Ecole Normale d’Enseignement Technique et Professionnel (ENETP)
Centre Universitaire en Recherche Economique et Sociale (CURES), Mali
mohamedsidibe209@gmail.com
Pr THERA Soboua
Enseignant chercheur
Faculté des Sciences Economiques et de Gestion de Bamako
Université des Sciences Sociales et de Gestion de Bamako (USSGB)
Centre Universitaire en Recherche Economique et Sociale (CURES), Mali
soboua_th@yahoo.com
Résumé
Depuis le 1 Janvier 2018, le Mali a basculé son mode de gestion en budget programme
à travers la loi n°2013-028 du 11 juillet 2013, modifiée, portant lois de finances. L’objectif
de cet article est de faire l’état des lieux de la mise en œuvre du budget programme au Mali.
Sur le plan méthodologique, nous avons adopté une approche de l’étude de cas qualitative et
inductive. Notre échantillon se compose de cinq (05) départements ministériels maliens. La
méthode d’analyse par questionnement analytique a été utilisée pour réaliser l’analyse des
données. Les résultats montrent la non effectivité du système complet de budget programme
au Mali. Toutefois, nous constatons des avancées notoires dans la mise en œuvre de la
réforme budgétaire en mode programme.
Mots clés : gestion axée sur les résultats (GAR) ; budget programme ; rapport annuel de
performance (RAP) ; CABRI ; Mali.
Abstract
Since January 1, 2018, Mali has switched its management mode to a program budget through
Law No. 2013-028 of July 11, 2013, as amended, on finance laws. The objective of this
article is to take stock of the implementation of the program budget in Mali.
Methodologically, we have adopted a qualitative and inductive case study approach . Our
sample consists of five (05) Malian ministerial departments. The analytical questioning
analysis method was used to perform the data analysis. The results show the ineffectiveness
of the complete program budget system in Mali. However, we are seeing significant progress
in the implementation of the budget reform in program mode.
Introduction
Depuis plusieurs années, toutes les sociétés modernes s’emploient à changer leur approche de
gestion budgétaire et à réformer leur cadre de gestion publique pour l’orienter vers les
résultats et la recherche de l’efficacité. En effet, le système de budgétisation basé sur les
moyens parait insuffisant pour répondre aux demandes des contribuables. Face à cette
situation, les gouvernements élargissent leur vision traditionnelle des pratiques de gestion,
pour se concentrer sur la gestion axée sur les résultats (GAR).
Le concept de gestion axée sur les résultats (GAR) est attribué à Peter Drucker (1909-2005),
gourou du management, qui publie en 1964 l’ouvrage “Managing for results”. Quelque peu
éclipsé jusqu’à la fin des années 80, ce principe de gestion revient à l’avant plan dans les
années 90 1. La GAR est une technique de gestion appliquée par les organisations afin de
veiller à ce que ses procédures, produits et services contribuent à la concrétisation des
résultats bien définis (Programme des Nations Unies pour le Développement, 2002).
L’adoption dans les années 2000, de la politique de la GAR au Mali a coïncidé avec le
contexte de développement international, tels que le lancement des Objectifs du millénaire
pour le développement (OMD) en 2000 ; le consensus de Monterrey en 2002 ; la déclaration
de Rome en 2003 ; le mémorandum de Marrakech en 2004 ; la déclaration de Paris en 2005 ;
le Haut Forum d’Accra en 2008 ; le consensus de Busan en 2011(Commissariat au
Développement Institutionnel, 2014).
Le budget-programme représente l’un des outils d’opérationnalisation de la GAR. Dans le
même ordre d’idée, la budgétisation axée sur les résultats (BAR), est aussi considérée comme
un sous-ensemble de la GAR (FADIL Z & AMEDJAR A, 2020). Ainsi, depuis quelques
années, plusieurs pays se sont orientés vers la budgétisation basée sur les programmes
(CABRI, 2010).
Le concept de budget basé sur les programmes a fait l'objet de multiples études et
expériences, notamment, les rapports des commissions Taft (1912), Brownlow (1937),
Hoover (1949), le Planning Programming Budgeting System (PPBS) (années 1960) et la
Rationalisation des choix budgétaires en France (RCT) (1960) (Bouvier M, 2012).
Le principal élément déclencheur de cette réforme en Afrique francophone de l’ouest a été
l’adoption en 2009 des nouvelles directives portant cadre harmonisé de gestion des finances
publiques dans les Etats de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA),
1
Cité in « Etude GCP 2003-2007 – COTA asbl- NW -HHC – Fiche Gestion axée sur les Résultats »
www.cota.be
En 1994, le Mali a commencé la budgétisation axée sur les résultat (BAR), grâce à l’initiative
du parlement. Dans cette logique, il est devenu en 1998, le premier pays francophone en
Afrique à produire le premier document de budget-programme, annexé à la loi des Finances
pour renseignements complémentaires (CABRI, 2014). En 2002, le budget-programme
annuel, présenté sous forme d’annexe à la Loi de Finances, a identifié 99 programmes
différents et 1000 indicateurs pour ces programmes (Fölscher, 2012). Cependant, les
affectations sont toujours approuvées sous forme de budget objet (Raffinot, Muguet & Touré
A. 2003). En 2003, le Mali a aussi introduit une codification des dépenses plus élaborée qui a
permis de suivre l’évolution de la mise en œuvre par rapport au budget-programme (Fölscher,
2012).
Concernant l’existence des programmes, toutes les structures enquêtées ont répondu
favorablement.
2. Démarche Méthodologique
Sur le plan méthodologique, nous avons adopté une approche de l’étude de cas qualitative et
inductive. Dans cette recherche, nous avons eu recours à l’étude de cas, car elle permet
d’analyser en profondeur un phénomène dans le but de comprendre ses particularités et sa
complexité (Yin, 2003, P.4).
2.1. Echantillon
Le choix des cas à étudier est simple dans notre condition, car notre échantillon est composé
de cinq (05) départements ministériels retenus sur la base de leurs expériences en matière de
GAR (Voir encadré).
Encadré : expérience du Mali en matière de GAR
Le secteur de la santé a appliqué la GAR depuis la mise en œuvre du Programme
Décennal de Développement de la Santé (PRODESS II).
Depuis 2003, le secteur de l’éducation, a adopté la GAR avec le soutien du Canada, ;
Depuis 2003, le secteur de la Culture et de la Jeunesse a commencé la GAR.
Depuis 2006, le secteur rural et le secteur des mines et de l’énergie, ont adopté la
GAR, avec l’évaluation des projets/programmes.
Depuis 2008, le secteur de l’Administration Territoriale, Fonction Publique et
Sécurité Intérieure, a adopté la GAR, avec l’évaluation des projets/programmes et des
formations sur la GAR.
Les étapes nécessaires pour développer cette stratégie d’analyse consiste à : 1) formuler des
questions permettant d’opérationnaliser un objectif visé par la recherche ; 2) soumettre à ces
questions le matériau pertinent (guide d’entretien dans notre cas) ; 3) répondre à ces questions
de manière progressive en produisant « non pas des catégories ou des thèmes, mais des
réponses directes sous la forme d’énoncés, de constats, de remarques, de propositions, de
textes synthétiques, et de nouvelles questions, le cas échéant » (Paillé et Mucchielli, 2013, p.
210).
3. Résultats et Discussion
Les données recueillies nous ont permis d’analyser nos différentes propositions de recherche.
3.1. Les crédits budgétaires sont adoptés par programme
Rappelons que le Mali a basculé son mode gestion en budget programme à travers la loi
n°2013-028 du 11 juillet 2013, modifiée, portant lois de finances. En effet, l’article 10 de
l’arrêté n°2017-1229 du 04 Mai 2017 stipule que « conformément à l’article 9 du décret
portant nomenclature budgétaire de l’Etat, les crédits budgétaires sont regroupés en
programmes à l’intérieur des ministères et des institutions de la République et assimilés. Dans
le même ordre d’idées, les crédits budgétaires sont adoptés par programme au Mali, depuis le
1 Janvier 2018.Par conséquent, ce critère est rempli dans les ministères, en particulier dans
les cinq ministères.
Toutefois, l’étude du terrain montre qu’au Mali, le nombre et le contenu des programmes
varient en fonction des années d’un ministère à un autre, et cela grâce au changement fréquent
de l’attelage gouvernemental. Les répercussions de ce phénomène sont la non atteinte des
résultats escomptés. Le tableau 3 récapitule les informations relatives aux cinq (05)
ministères concernés :
Tableau 3 : nombre de programmes et contenu des programmes par ministère
Désignation 2018 2019 2020
Ministère de Nombre de 4 4 6
Santé programmes
P 1 : ACD P 1 : ACD P 1 : ACD
Contenu des P 2 : SSPLCM P 2 : SSPLCM P 2 : SSPLCM
programmes P 3 : DMVCA P 3 : DMVCA P 3 : DMVCA
P 4 : SHR P 4 : SHR P 4: SHR
P 5: RSLCE
P 6 : RPSES
AG : Administration Générale
DRM : Développement des ressources minérales
FRFPAM : Financement de la recherche, formation et promotion des activités minières
PDRM : Programme de développement des ressources minérales
FAPRP : Fonds d'appui pour la promotion de la recherche pétrolière
Ministère de la Nombre de 4 4 4
culture programmes
Contenu des P 1: AG P 1: AG P 1: AG
programmes P 2: PPHC P 2: PPHC P 2: PPHC
P 3: PIC P 3: PIC P 3: PIC
P 4 : PCAL P 4 : PCAL P 4 : PCAL
AG : Administration Générale
PPHC : Protection et Promotion de l'Héritage Culturel
PIC : Promotion de l'Industrie Cinématographique
PCAL : Promotion de la Création Artistique et Littéraire
Ministère de Nombre de 3 5 5
l’Administration programmes
Territoriale Contenu des P 1: AGC P 1: AGC P 1: AGC
programmes P 2: AT P 2: AT P 2: AT
P 3: GCFCT P 3: GCFCT P 3: GCFCT
P 4 : DATCT P 4 : DATCT
P 5 : DRL P 5 : DRL
AGC : Administration Générale et Contrôle
AT : Administration du Territoire
GCFCT : Gestion Commune des Frontières et Coopération Transfrontalière
DATCT : Dispositif d'Appui Technique aux Collectivités Territoriales
DRL : Développement Régional et Local
Source : Etude de terrain, 2020
3.4. Les rapports annuels de performance (RAP) sont mis à la disposition du parlement
Les résultats révèlent qu’au Mali, les ministères, en particulier les cinq (05)
ministères élaborent leurs rapports annuels de performance (RAP), et mettent ensuite à la
disposition de la Direction Générale du Budget (DGB). En fait, la DGB doit faire la
compilation des RAP avant de les mettre à la disposition du parlement. En effet, sur la base
des informations reçues auprès des acteurs dans les départements ministériels et structures
porteuses de la réforme, il convient de mentionner qu’à ce jour, aucun RAP n’a été mis à la
disposition du parlement.
Rappelons à cet effet que, le projet de loi de règlement de l’année n-1, accompagné des
rapports annuels de performance (RAP), doit être présenté au Parlement « au plus tard le jour
de l’ouverture de la session budgétaire de l’année suivant celle de l’exécution du budget
auquel il se rapporte 2 ». L’examen des RAP par le Parlement portera sur la qualité et la
fiabilité de l’information fournie. Dans cette optique, l e Parlement dans son rôle de contrôle
sur les finances publiques doit disposer des moyens humains, matériels et externes importants
pour mener sa mission de contrôle gouvernemental.
Ces résultats sont la conséquence du Décret 𝑁 2017-0697/P-RM du 14 août 2017 portant
organisation de la gestion budgétaire en mode programme, qui à son Article 21, a prévu
une période transitoire de deux ans en vue de rendre effective la gestion financière auprès des
Responsables de Programme (RPROG).
Dans le même ordre d’idées, l’article 22 dudit décret stipule que pendant la phase transitoire,
les Directions des Finances et de Matériel (DFM), les Directions Administratives et
Financières (DAF), les Services Administratifs et Financiers (SAF), pour l’administration
centrale, et les Directions Régionales du Budget (DRB), pour les services déconcentrés,
assurent respectivement les fonctions d’ordonnateur principal délégué pour le compte
des Responsables de Programmes (RPROG), des Responsables de Budget Opérationnels
de Programmes (RBOP) en administration centrale, et d’ordonnateur secondaire délégué pour
le compte des Responsables de Budget Opérationnel de Programmes (RBOP) et des
Responsables des Unités Opérationnelles de Programmes (RUOP) en services déconcentrés.
En d’autres termes, le décret 697 ne confère pas aux Responsables de Programme (RPROG)
la plénitude de leurs missions. Il est important de noter que la phase transitoire devrait prendre
2
Article 62, Loi n°2013-028 du 11 juillet 2013, modifiée, portant lois de finances au Mali
fin en 2019. Et aussi, au cours de cette phase, l’ensemble des outils indispensables à la mise
en œuvre effective du budget-programme devrait être mis en place.
Par ailleurs, les résultats de CABRI (2013) ont montré qu’aucun pays n’avait reçu à mettre en
place un système complet de budget basé sur les programmes. D’après ces résultats, deux
pays africains (Maurice et l’Afrique du Sud) ont un système de budget basé sur les
programmes fonctionnel et huit autres (l’Éthiopie, le Kenya, le Liberia, le Malawi, le
Mozambique, la Namibie, la Tanzanie et l’Ouganda) ont fait des progrès notables vers la mise
en œuvre du système de budget basé sur les programmes. D’après toujours les mêmes
résultats, près de la moitié des pays africains ont enregistré des progrès dans la mise en œuvre
du système de budget basé sur les programmes ou ont déjà entamé les premières étapes de la
réforme relative au système de budget basé sur les programmes (ils élaborent, par exemple,
des stratégies à moyen terme et des budgets axés sur les performances dans des secteurs clés).
Les résultats de CABRI (2018), dans le même ordre d’idées ont montré qu’aucun pays n’avait
reçu à mettre en place un système complet de budget basé sur les programmes dans l’espace
UEMOA.
4.Implications managériales et scientifiques
Sur le plan managérial, les résultats de cette recherche révèlent l’importance de prendre en
considération les facteurs qui défavorisent l’opérationnalisation du budget programme. Ils
impliquent donc, un changement de mentalité des managers dans la mise en œuvre du
système complet de budget programme. En outre, cette recherche permettra de fournir aux
managers une vision claire sur les connaissances liées à la gestion axée sur les résultats
(GAR). Sur le plan scientifique, cette recherche permettra d’enrichir la littérature de l’apport
théorique de la pratique du budget programme.
Conclusion
Le présent article a permis de faire un état des lieux de la mise en place du système complet
de budget programme au Mali et en particulier dans les cinq ministères. Le papier a également
permis de réfléchir sur les mesures appropriées pour assurer la mise en place effective du
système complet du budget-programme. Il convient ainsi de souligner que l’approche budget-
programme est une réforme irréversible. Elle a induit quelques changements positifs, en
particulier dans les cinq ministères : la prise en compte de la culture de la performance par les
ministères sectoriels ; l’introduction de la reddition des comptes qui conduit à la performance ;
l’introduction d’une plus grande flexibilité dans la gestion budgétaire ; etc.
Toutefois, il a été constaté que des difficultés existent et concourent à la non mise en place
effective du système complet de budget programme. Afin de faire face à ces difficultés, le
présent papier formule les recommandations suivantes : plus de leadership et de volonté
politique ; prendre des dispositions pour stabiliser les agents dans les ministères ; renforcer et
des capacités de tous les acteurs et du système de gestion ; et enfin, procéder à des reformes
administratives.
BIBLIOGRAPHIE