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28 October 2013
Online at https://mpra.ub.uni-muenchen.de/58898/
MPRA Paper No. 58898, posted 27 Sep 2014 14:54 UTC
Papier présenté à la Conférence Economique Africaine
Ligane SENE
El Hadji FALL 1
IFPRI (Institut International de Recherche sur les Politiques Alimentaires), WCAO. Université Christian-
Albretchts de Kiel
Adresse email de l’auteur : jalimase@yahoo.fr
1
Economiste Principal du PNUD Bénin
Nous remercions toute l’équipe du Pôle « Stratégies de développement et finances publiques » du centre régional
du PNUD pour l’Afrique pour leur apport dans ce travail, en particulier M. Emmanuel Bor.
1
Résumé
Dans de nombreux pays en Afrique, la lutte contre la pauvreté est accompagnée par un
ensemble d’innovations et de réformes en matière de gestion budgétaire tels que les CDMT.
Dans la zone de l’UEMOA, la mise en œuvre des directives de 2009 du cadre harmonisé des
finances publiques constitue un axe majeur de politique d’intégration. Le développement
rapide des CDMT comme instrument de programmation budgétaire pluriannuelle
s’accompagne d’un ensemble d’interrogations sur leur impact. Cet article revisite le
développement récent et inégal des CDMT en Afrique puis initie une première évaluation par
des méthodes quantitatives du CDMT au Sénégal à la lumière de ses objectifs génériques en
utilisant la statistique non-paramétrique.
Tout comme les rares évaluations existantes sur les CDMT en Afrique, l’étude analyse
l’efficacité du CDMT dans le processus d’allocation budgétaire envers les secteurs prioritaires
de développement. Il en ressort que le CDMT n’a pas encore permis une amélioration tangible
de la discipline budgétaire, ni un redéploiement vers ces secteurs. Cependant, une
programmation budgétaire acceptable est notée sur le CDMT au Sénégal avec une cohérence
des projections pluriannuelles.
In fine, l’étude montre que l’approche CDMT a un potentiel important qui reste inexploité
tant que les réformes restent inachevées en Afrique.
Abstract
Several reforms marked the fiscal management in Africa in the past decades. The Public
Financial Management Systems in many African countries are greatly affected by problems
regarding the budget preparation process, its execution and its control. The Medium Term
expenditure Framework (MTEF) has emerged in this context of research of performance
improvement.
In the countries of the West African Economic and Monetary Union (WAEMU), the
implementation of the 2009 directives pertaining to the harmonized framework for the public
finances is a major focus of political integration through the application of the convergence
2
criteria via the generalization of best practices in budget management. The rapid spread of the
MTEFs as a tool for multi-year budgeting raises many questions about their impacts. This
article revisits the recent and uneven development of the MTEFs in Africa and initiates an
initial assessment of MTEF as applied in Senegal, in the light of its generic goals and by using
the non-parametric statistics.
Like the few existing evaluations on MTEF in Africa, this study analyzes the effectiveness of
the MTEF in the process of budget allocation to priority sectors of development. The results
show that the MTEF has not allowed a tangible improvement in fiscal discipline and has not
lead to a redeployment towards these sectors. However, an acceptable budget programming is
noted in the case of Senegal with realistic the multi-year projections.
Ultimately, the study shows that the MTEF approach has significant potential remains
unexploited as reforms remain incomplete in Africa.
3
Introduction
Avec l’émergence du paradigme de la gestion axée sur les résultats (GAR) dans les années 90,
plusieurs pays africains ont commencé à adopter les outils de la programmation budgétaire
pluriannuelle, CDMT (Cadres de Dépenses à Moyen Terme) et budget-programmes,
permettant de passer du budget-moyen au budget-résultat pour améliorer la gestion de leurs
dépenses publiques.
Les Etats membres de l’UEMOA se sont engagés à prendre en compte d’une façon
harmonisée les instruments modernes de gestion comme le cadre de gestion des dépenses à
moyen terme, la classification fonctionnelle et la dimension sociale de la gestion des finances
publiques, à travers notamment le cadre stratégique de lutte contre la pauvreté.
Le CDMT, triennal et glissant, doit être l’instrument permettant d’améliorer la mise en œuvre
des politiques en renforçant leurs liens avec le budget. Les CDMT doivent permettre
désormais aux programmes de dépenses publiques de tenir compte des priorités de
développement et de la contrainte macroéconomique en intégrant la vision de moyen terme à
la préparation des dépenses reposant jusque-là sur une logique de moyens et non de résultats.
L’adoption de la démarche CDMT par le Sénégal et par plusieurs pays de l’Afrique s’inscrit
dans cette perspective d’amélioration de la performance budgétaire.
4
Initié au Sénégal depuis 2004, le CDMT a d’abord couvert 4 ministères pilotes (Education,
Santé, Justice, Environnement) pour concerner ensuite 14 ministères. Il a été élargi
progressivement à d’autres secteurs au regard des priorités du gouvernement.
Cette étude évalue dans quelle mesure l’adoption du CDMT a entrainé une amélioration de la
discipline budgétaire et de la prévisibilité et un redéploiement des crédits vers les secteurs
prioritaires tels que déclinés à travers les Documents Stratégiques de Réduction de la Pauvreté
(DSRP). Elle analyse également les liens entre les différentes programmations budgétaires
infra-triennales de l’instrument. Contrairement aux travaux antérieurs sur le CDMT,
l’approche adoptée pour cette étude privilégie la statistique non-paramétrique pour l’analyse
de l’évolution des variables budgétaires.
Notre analyse montre que la prévisibilité ne s’est pas améliorée au niveau global tant pour les
ministères dotés d’un Cadre de Dépenses Sectoriels à Moyen Terme (CDSMT) que pour les
ministères sans CDSMT. L’absence de redéploiement vers la plupart des secteurs prioritaires
comparativement à la période d’avant CDMT est aussi observée. Néanmoins, depuis sa mise
en place, on assiste à des allocations en augmentation progressive pour certains secteurs
prioritaires comme l’Education, l’Environnement et les Transports. Il faut aussi noter les
relations existantes entre les programmations budgétaires des années des CDMT de même
version et entre celles des années correspondantes des versions produites en 2009 et 2008, ce
qui montre que les programmations budgétaires sont réalisées sur la base de celles effectuées
lors des années précédentes. La discipline budgétaire qui a été évaluée avec le solde primaire
n’a pas aussi significativement évoluée avec l’adoption de cette approche.
L’article est divisé en trois parties. La première partie présente brièvement l’approche CDMT.
La deuxième partie est consacrée à l’analyse des CDMT de quelques pays africains, se basant
sur des travaux empiriques réalisés. Et la troisième partie analyse l’impact de la démarche
CDMT au Sénégal par rapport à la discipline budgétaire, à la prévisibilité budgétaire et à
l’allocation sectorielle.
5
sommet par les services centraux, des discussions à la base pour l’estimation des coûts
présents et à moyen terme des options de politique publique et, enfin, un processus
d’ajustement des coûts et des ressources disponibles.» (Banque Mondiale, 1998).
Le CDMT constitue également un mécanisme qui s’inscrit dans une logique de Gestion Axée
sur les Résultats (GAR), qui s’appuie sur une autonomie de décision des gestionnaires et selon
laquelle les dotations budgétaires sont allouées en fonction d’objectifs, dont l’atteinte est
mesurée par des indicateurs de performance.
On distingue dans l’approche le CDMT global qui permet notamment de définir la projection
de l’enveloppe globale de ressources disponibles et les cadres de dépenses sectorielles à
moyen terme (CDSMT) qui permettent notamment d’estimer les coûts des programmes
sectoriels.
L’éradication de la pauvreté constitue une priorité pour les pays africains. Cette volonté de
lutte contre la pauvreté est accompagnée d’un ensemble d’innovations en matière de gestion
budgétaire, le budget étant l’instrument principal de mise en œuvre des politiques
économiques. Cependant des études ont montré que l’exécution et le contrôle des dépenses
publiques dans de nombreux pays, en particulier en Afrique, sont souvent déficients2.
2
Fozzard, Holmes, et Winters (2002), et Direction Générale de la coopération Internationale et du Développement, La
gestion de la finance publique dans les pays de l’Afrique francophone subsaharienne (2004). Ce rapport de la Direction
Générale de la Coopération Internationale et du Développement sur « La gestion de la dépense publique dans les pays de
l’Afrique subsaharienne » note dans plusieurs pays des écarts entre les dépenses réellement exécutées et celles initialement
prévues, des retards dans la mise à disposition des crédits aux utilisateurs, et des contrôles a posteriori déficients. Ce rapport
souligne que la présentation du budget dans les pays d’Afrique subsaharienne est souvent marquée par des carences avec un
éclatement et un manque d’exhaustivité du budget portant atteinte au principe d’unité du budget.
7
excessive du pouvoir exécutif. En effet, si au Sénégal des débats d’orientation budgétaire
(DOB) sont organisés, nombreux sont les pays où le parlement n’a pas la possibilité de
débattre sur les politiques et orientations budgétaires avant l’examen du budget.
L’exécution du budget quant à elle est marquée généralement par des incomplétudes en
matière de contrôle, des lois de règlement qui accusent parfois une décennie de retard avant
leur adoption par les parlements. Certains de ces pays ont engagé et continuent d’engager des
réformes et d’adopter des outils pour éradiquer ces maux et améliorer ainsi la gestion de leurs
dépenses publiques.
L’introduction du CDMT global en zone UEMOA remonte au début des années 2000 suite à
des initiatives prises par d’autres pays de la région dès le milieu des années 1990 : Ghana en
1996, Guinée en 1997 (PUND, 2010). Le CDMT a connu une diffusion rapide en Afrique
Subsaharienne (Tableau 1).
Source: UNESCO (2007), PNUD/POLE, Africa region country economists and Public Expenditure Management
Thematic Group.
8
Au sein de l’UEMOA, les Etats membres sont à des niveaux de développement inégal du
CDMT. L’approche a commencé au Burkina Faso, au Bénin et au Mali afin de mieux mener
les politiques publiques en assurant l’adéquation et la maîtrise des dépenses par rapport aux
ressources. Les pays comme la Côte d’Ivoire, la Guinée Bissau et le Togo connaissent des
problèmes dans la mise en œuvre de l’instrument, dus probablement aux déficits de
production d’informations statistiques pour un bon cadrage macroéconomique et aux
défaillances de leurs systèmes budgétaires affectés par les dernières tensions socio-politiques.
Les études d’impact des CDMT en Afrique ne sont pas nombreuses. Cela est dû au fait que
l’introduction des CDMT est assez récente dans la plupart de ces pays. Sur les 25 CDMT qui
existaient en 2002, près de 90% ont été adoptés entre 1997 et 20013. Le Houerou et Taliercio
(2002) ont été les premiers à tirer empiriquement le premier bilan de l’adoption des CDMT en
Afrique en comparant les CDMT de neuf pays africain. Le Houerou et Taliercio (2002)
utilisent l’évolution d’indices et de variables budgétaires clés tels que l’Indice de Déviation
Budgétaire (IDB)4 et le solde budgétaire avant et après l’adoption des CDMT pour mener la
comparaison entre les pays de leur échantillon. L’indice de déviation par rapport au budget est
utilisé pour estimer l’écart entre les montants exécutés et les dotations initiales. Leur étude a
montré que les déficits budgétaires de l’Afrique du Sud et de la Tanzanie dans la période du
CDMT étaient faibles par rapport à ceux des autres pays de l’étude. Cependant, ces déficits ne
s’éloignaient pas de ceux observés avant l’application des CDMT. Ils en concluent que le
CDMT ne permettait pas, au regard des données, une réduction du déficit budgétaire.
Cependant, leur analyse ne prenait pas en compte la conjoncture économique de l’époque.
L’hypothèse que le CDMT offrait une meilleure allocation des ressources dans les grands
secteurs prioritaires a été un peu confirmée pour la Tanzanie, l’Afrique du Sud et l’Ouganda,
lesquels pays avaient à l’époque les CDMT les plus élaborés. Des pays comme le Ghana
n’offraient pas le même scénario. L’étude de l’IDB pour la Tanzanie montrait l’inexistence de
preuves tangibles permettant de conclure que le CDMT a permis une amélioration de la
prévisibilité budgétaire. Cette étude conclut que le CDMT à lui seul ne peut pas améliorer la
gestion des dépenses publiques. Le Houerou et Taliercio (2002) recommandent que les
CDMT doivent être des compléments et non des substituts des réformes de gestion budgétaire
classiques et doivent également tenir compte des capacités existantes dans les pays.
3
Voir Le Houerou et Taliercio (2002).
4
L’IDB est la somme des valeurs absolues des différences entre le budget initial et le budget exécuté, exprimée
sous forme de pourcentage du budget initial.
9
Bevan et Palomba (2000), en étudiant le CDMT Ougandais, ont souligné un succès du CDMT
à assurer la stabilité macroéconomique et ont confirmé une allocation sectorielle dans les
secteurs prioritaires. Leur résultat dépend de l’introduction de mesures qui donnent des limites
futures compatibles à une inflation faible à l’ensemble des dépenses. Les études de Schiavo-
Campo (2008) et Allen (2009) ont souligné aussi des résultats contrastés de l’introduction du
CDMT en Afrique. Schiavo et Campo notent qu’il y a quelques leçons positives à tirer de
l’expérience des CDMT en Afrique (prise de conscience de l’importance de la perspective
pluriannuelle dans la programmation budgétaire, concentration sur l’efficacité des dépenses
budgétaires) mais aussi des échecs liés à une implémentation prématurée, à un manque
d’appropriation, à une inefficience des dépenses et une défaillance du contrôle budgétaire
entre autres. Allen porte un regard critique sur les budgets programmes au même titre que les
DSRP comme moyen d’atteindre les OMD et comme outil d’allocation des ressources. Il
considère que ces initiatives entrainent des pratiques ritualistes et génèrent une grande
quantité de bases de données qui malheureusement sont redondantes et ne sont pas utilisées.
Les tests seront faits généralement sur les données couvrant la période 2000-2009.
10
La prévisibilité budgétaire sera ainsi étudiée avec des tests de Spearman et de Kendall sur les
projections du CDMT, du budget et sur les exécutions budgétaires en ordonnancement. Dans
le cas d’échantillon indépendants, les tests KS de Kolmogorov-Smirnov et de Mann-
Whitney/Wilcoxon seront utilisés. Les autres tests ont pour objectif de rechercher
éventuellement des variables de différentiations des années budgétaires Pré et Post CDMT.
Les sections suivantes rendent compte des résultats sur l’impact du CDMT avec la
formulation des hypothèses de recherche suivantes :
H2 : Les parts allouées aux secteurs prioritaires ont augmenté dans la période du
CDMT comparativement à la période Pré CDMT ;
H7 : Les programmations des trois années d’un même CDMT sont liées ;
H8 : Les écarts budgétaires des ministères sous CDSMT sont plus petits que ceux des
ministères sans CDSMT ;
H9 : Il existe une concordance entre les priorités du CDMT et ceux du budget (en
termes d’allocation sectorielle).
Telles sont les principales hypothèses qui vont être vérifiées tout au long de l’étude.
11
L’hypothèse nulle à tester est H0 : La forme de la distribution de la variable est la même avant
l’adoption du CDMT et après l’adoption du CDMT ;
Les tableaux ci-dessous présentent les résultats des tests unilatéraux. La probabilité associée
au test unilatéral est égale à la moitié de celle associée au test bilatéral. Les tests de Wilcoxon
confirment en toute évidence l’augmentation des recettes totales et des dépenses totales avec
la mise en œuvre du CDMT. Il n’y a pratiquement pas d’intrication entre les valeurs de ces
séries pour les deux périodes (Graphique A1). On note que les variables testées ne présentent
pas de rangs ex-æquo.
12
Le CDMT n’a pas mené à une évolution du déficit qui est exprimé par le solde de base hors
PPTE- IADM5 et le solde primaire à la lecture des résultats sur les tests. L’hypothèse H3 n’est
pas vérifiée. Le CDMT n’a pas d’impact sur le solde primaire.
2007 2007 CDMT 2007, 2007 2008 CDMT 2007, 2008 2009 CDMT 2007, 2009
2008 2008 CDMT 2008, 2008 2009 CDMT 2008, 2009 2010 CDMT 2008, 2010
2009 2009 CDMT 2009, 2009 2010 CDMT 2009, 2010 2011 CDMT 2009, 2011
Les résultats des tests de corrélation sont consignés dans les tableaux suivants:
5
PPTE-IADM : Depuis 1996, l’Initiative en faveur des Pays pauvres très endettés (PPTE) s’est attachée à offrir un allégement de la dette
extérieure aux pays pauvres dont le fardeau de dette est non viable, sur le principe du partage du fardeau par tous les créanciers multilatéraux,
bilatéraux et commerciaux. En 2005, l’Initiative d’allégement de la dette multilatérale (IADM) a été introduite pour offrir un allégement
supplémentaire et accélérer ainsi les progrès vers la réalisation des OMD.
13
Tableau 4 : Lien entre les programmations budgétaires CDMT 2007, 2008 et CDMT
2008, 2008 - CDMT 2008, 2010 et CDMT 2009, 2010
N 5 8
Note : ***) rejet H0 seuil à 1% et **) rejet H0 seuil à 5%. L’hypothèse nulle est H0 : Les programmations sont
indépendantes.
Tableau 5 : Lien entre les programmations budgétaires CDMT 2007, 2009 et CDMT
2008, 2009 - CDMT 2008, 2009 et CDMT 2009, 2009 – CDMT 2007, 2009 et CDMT
2009, 2009
Relation testée CDMT 2007, 2009 CDMT 2008, 2009 CDMT 2007, 2009
R CDMT 2008, 2009 R CDMT 2009, 2009 R CDMT 2009, 2009
N 5 11 5
Les résultats des tests nous montrent qu’il existe une relation entre les projections de la
deuxième année du CDMT élaboré en 2008 et la première année du CDMT élaboré en 2009
(CDMT 2008, 2009 et CDMT 2009, 2009). Il en est de même entre les projections de la
14
troisième année du CDMT élaboré en 2008 et la deuxième année du CDMT élaboré en 2009
(CDMT 2008, 2010 et CDMT 2009, 2010).
Cependant il est noté une déconnection entre les programmations de la deuxième année du
CDMT élaboré en 2007 et la première année du CDMT élaboré en 2008. La troisième année
de la version 2007 du CDMT n’est liée ni à la deuxième année du CDMT élaboré en 2008 ni à
la première année du CDMT élaboré en 2009.
La conclusion qui se dégage est qu’il n’existe pas de lien entre les allocations du premier
CDMT (2007) et celles du deuxième CDMT (2008). Cette absence de lien manifeste entre les
programmations ministérielles de deux CDMT imbriqués n’est plus observée entre la
deuxième version du CDMT (2008) et la troisième (élaborée en 2009).
L’on peut penser donc que ce n’est que lors de l’élaboration du CDMT de 2009 que la
programmation des allocations budgétaires à la date a commencé à s’inspirer de celle
effectuée à i.e. de l’élaboration du CDMT de l’année précédente. L’hypothèse H6 est
donc partiellement vérifiée.
Cette analyse au-delà de l’information qu’elle fournira par rapport au lien entre les années
budgétaires programmées d’un même CDMT, permettra une fois l’existence de liaison
confirmée, de pouvoir analyser la variation des montants alloués aux secteurs prioritaires 6 afin
de pouvoir conclure sur une volonté de l’instrument d’allouer une part progressive à ces
secteurs.
6
Ou aux ministères de tutelle principaux, directement liés à ces secteurs.
15
Tableau 6 : Lien entre les programmations budgétaires d’un même CDMT
N 5 5 11 11 11
Les programmations des allocations budgétaires des années d’un même CDMT sont fortement
corrélées (vérification de l’hypothèse H7).
On peut penser donc que les programmations budgétaires des années N+1 et N+2 se font
d’une part sur la base des allocations retenues pour l’année N. Laquelle d’ailleurs a priori ne
doit pas s’éloigner du budget de l’année N. Cela fera l’objet de vérification par la suite.
7
Moyenne des rapports entre les valeurs absolues des différences entre les parts ministérielles initiales et les
exécutions ministérielles et les parts initiales
16
et des institutions et que certains ministères qui ont subi des changements de périmètres
(morcellement ou fusion de ministères sur la période 2004-2010) ont été volontairement
écartés. Cela permettra d’avoir des indices de déviation calculés sur les mêmes individus
avant et après la mise en œuvre du CDMT afin que la comparaison ne soit pas biaisée
d’avance. L’indice moyen sur la période Post CDMT donne 47% contre 53,8% sur la période
2004-2006.
Cependant, l’analyse ne saurait se limiter à une simple comparaison de cette statistique, c’est
ainsi que seront considérés 14 ministères sur lesquels seront calculés et comparés les écarts
moyens (relatifs) entre les montants initiaux et les montants exécutés en pourcentage du
montant initial dans la période 2007-2009 ou 2008-2009 qui représentera la période Post
CDMT et la période Pré CDMT 2004-2006. Le test unilatéral de signes et le test unilatéral de
Wilcoxon apparié sont utilisés.
Tableau 7 : Test sur les écarts budgétaires (ordonnancement) relatifs avant et après
l’adoption du CDMT
Les résultats de ces deux tests permettent de conclure que les écarts budgétaires relatifs
moyens de ces 14 ministères dans la période Post CDMT sont globalement égaux à ceux
obtenus sur les 3 dernières années qui précédent la mise en œuvre du CDMT. (i).
Il convient aussi de voir l’impact de la production d’un CDMT sectoriel (CDSMT) sur la
prévisibilité au niveau global.
C’est ainsi que sur l’échantillon composé de 7 des ministères étant couverts d’un CDSMT
dans la période 2007/2008 sera calculé et comparé les écarts relatifs moyens.
17
Tableau 8 : Test sur les écarts budgétaires (ordonnancement) relatifs avant et après
l’adoption du CDMT (ministères sous CDMT depuis 2007/2008)
Les résultats permettent de conclure que les écarts budgétaires relatifs moyens des 7
ministères sous CDSMT en 2008 dans la période 2008-2009 sont globalement égaux à ceux
obtenus sur les 3 dernières années qui précédent la mise en œuvre du CDMT. (ii).
Pour conclure sur la portée de la mise en œuvre du CDSMT dans l’évolution des écarts
budgétaires au niveau global dans la période du CDMT, la même méthode a été appliquée
pour les ministères qui cette fois ci ne sont pas couverts jusqu’en 2010 d’un CDSMT que l’on
prend comme mesure placebo. Les résultats des tests ont aussi révélé des écarts relatifs
moyens pour les ministères sans CDMT globalement égaux à ceux de la période antérieur à la
mise en œuvre de l’approche. (iii).
Après avoir vu que les ministères sous CDSMT ne présentent pas une amélioration de la
prévisibilité budgétaire en termes d’exécution au niveau global de la période 2004-2006 à la
période 2008-2009, un exercice de comparaison des écarts relatifs budgétaires entre les
ministères sous CDSMT et les ministères sans CDSMT est effectué. En effet il est tout aussi
important de voir l’état de la prévisibilité des ministères couverts d’un CDSMT par rapport
aux autres ministères. Cela est fait en appliquant le test de Mann Whitney/Wilcoxon suivi
d’un test de Kolmogorov/Smirnov sur les écarts budgétaires moyen dans la période du CDMT
(2008-2009) entre deux groupes G1 et G2 composés respectivement des ministères sous
CDSMT depuis 2007/2008 et des ministères n’étant pas sous CDSMT jusqu’en 2010.
Ces tests (Tableau A5 et A6) montrent que les écarts relatifs moyens du groupe G1 sont égaux
à ceux du groupe G2. Par rapport aux ministères qui ne sont pas encore couverts d’un
18
CDSMT, les écarts relatifs moyens des ministères sous CDSMT depuis 2007/2008 ne sont pas
plus faibles. (iv). L’hypothèse H8 n’est pas vérifiée.
En récapitulant, les résultats obtenus avec les tests par rapport à la prévisibilité sont les
suivantes :
(i) les écarts budgétaires relatifs moyens des 14 ministères testés dans la période Post
CDMT sont globalement égaux à ceux obtenus sur les 3 dernières années qui
précédent la mise en œuvre de l’approche CDMT ;
(ii) les écarts budgétaires relatifs moyens de 7 ministères sous CDSMT depuis 2007 ou
2008 dans la période 2008-2009 sont globalement égaux à ceux obtenus sur les 3
dernières années qui précédent la mise en œuvre de l’approche CDMT ;
(iii) pour les ministères n’étant pas couverts d’un CDSMT jusqu’en 2010, les écarts
relatifs moyens de la période correspondant à l’adoption du CDMT au Sénégal sont
globalement égaux à ceux de la période antérieure à la mise en œuvre du CDMT ;
(iv) par rapport aux ministères qui ne sont pas encore couverts d’un CDSMT, les écarts
relatifs moyens des ministères sous CDSMT depuis 2007 ou 2008 ne sont pas plus
faibles.
Les résultats (i), (ii), (iii) et (iv) permettent de conclure que la prévisibilité budgétaire au
niveau global ne s’est pas améliorée avec la mise en œuvre de la démarche CDMT et que
l’impact de l’adoption d’un CDSMT par les ministères n’est pas globalement significatif en ce
qui concerne la prévisibilité. L’hypothèse de recherche H1 n’est pas vérifiée.
8
Le gouvernement a aussi identifié à travers le DSRP et la SCA des activités ou domaines d’activités prioritaires
dans d’autres secteurs comme les TIC.
19
nouvelles priorités relatives aux infrastructures de transport et à l’énergie pour booster la
croissance.
Le poids que le CDMT accorde aux ministères de par ses projections cadre globalement avec
celui du budget avec tout de même des parts allouées s’éloignant de celle des budgets
initialement projetés et des exécutions pour certains ministères. Les parts allouées aux
différents ministères sous CDSMT par les deuxièmes années et les premières années des
CDMT sont concordantes avec les parts budgétaires allouées. Ces parts budgétaires
témoignent indirectement de l’effectivité des priorités accordées aux différents secteurs après
l’exécution budgétaire comme le montrent les tableaux A1 et A2 dans l’annexe. L’hypothèse
H9 est relativement vérifiée.
Par ailleurs les données et les documents indiquent que la première année de la
programmation budgétaire finalisée des ministères sous CDSMT9 coïncide avec le budget
mais ne coïncide pas toujours avec les programmations des premières années des CDSMT.
Les programmations budgétaires des ministères sous CDSMT pour la deuxième et la
troisième année sont pour la plupart correspondantes aux projections des CDSMT.
L’exécution aussi respecte cette hiérarchisation des ministères en matière d’importance des
montants des allocations.
On peut également remarquer que les programmations des allocations des secteurs prioritaires
des années d’un même CDMT ne sont pas toujours en croissance. Cela ne s’explique peut-être
pas par la baisse d’une priorité accordée à un quelconque secteur/ministère mais pourrait être
lié aux projections des ressources disponibles fournies par un cadrage macroéconomique.
Ayant vu que les priorités de l’approche CDMT en matière d’allocation des ressources sont
concordantes avec ceux du budget avec cependant des écarts parfois assez importants pour les
projections des deuxième années, il serait également intéressant de voir si les parts effectives
allouées aux secteurs prioritaires ont augmenté dans la période du CDMT comparativement à
la période antérieure.
C’est ainsi qu’une comparaison entre les parts de ces secteurs avant et après l’adoption du
CDMT sera faite. Le test de Mann- Whitney/Wilcoxon pour échantillons indépendants est mis
9
Cela joue relativement pour le moment le rôle du CDMT global, cela concerne seulement les ministères sous
CDSMT.
20
en œuvre sur les montants effectifs (ordonnancés) en pourcentage du budget total exécuté
pour les différents secteurs prioritaires10.
Les résultats du test montrent que le CDMT n’a pas permis un redéploiement des ressources
vers les secteurs prioritaires tels que la Santé, l’Education, les Transports,
l’Environnement/Assainissement comparativement à la période Pré CDMT. La part du sous-
secteur des Postes/télécommunication et technologie de l’information et de la communication
ne s’est pas également accrue avec la mise en œuvre du CDMT. Seul le secteur de l’Energie a
connu une augmentation de sa part dans le budget global. Si la part de l’Education dans le
budget n’a pas généralement varié avec la mise en œuvre du CDMT, les secteurs de la Santé,
des TIC, et de l’Environnement ont connu globalement quant à eux une baisse de leurs parts
dans le budget global. On serait donc amené à dire que dans la période du CDMT les choix
budgétaires du gouvernement sénégalais défavorisent certains secteurs jugés comme étant
prioritaires. L’hypothèse H2 n’est pas vérifiée.
Cependant, ce constat global peut être nuancé avec une prise en compte des facteurs pouvant
expliquer ce non redéploiement vers ces secteurs entre ces deux périodes. Il est possible de
citer entre autres la fin de certains grands projets juste avant la mise en œuvre du CDMT (le
plan « Jaxay » de relocalisation des victimes des inondations de 2005, le programme
Indépendance, le projet d’acquisition de bus pour le transport public, la refonte du fichier
électoral, la réhabilitation du patrimoine routier, etc.).
10
L’Agriculture n’a pas été testée, ses données sont manquantes.
21
En dépit de la stabilité ou encore de la baisse des parts allouées aux secteurs tels que
l’Education, la Santé et les Transports comparativement à la période d’avant CDMT, il y a eu
un déploiement progressif vers les secteurs prioritaires depuis la mise en œuvre effective du
CDMT en 2007.
Le tableau suivant présente les taux de croissance annuelle de 2007 à 2010 des parts allouées
à ces différents secteurs en pourcentage du budget global exécuté.
Dans la période du CDMT, le gouvernement accorde de plus en plus de priorité aux secteurs
de l’Education, de l’Environnement et des Transports. Le redéploiement en faveur de ces
secteurs est progressif. Cela peut être attribué d’une certaine manière au CDMT puisque qu’il
a été observé précédemment une corrélation entre les priorités du CDMT, du Budget et de
l’exécution. L’hypothèse H5 est donc vérifiée.
Il n’est pas possible d’affirmer en outre que cet instrument a permis un redéploiement vers ces
secteurs par rapport à la période qui précède sa mise en œuvre dans la mesure où ceux-ci y
connaissent des parts dès fois plus importantes comme l’ont montré les résultats du test
fournis dans le tableau 9.
Conclusion
La gestion axée sur les résultats s’est déclinée en termes de programmation budgétaire par
l’adoption de cadre de dépenses à moyen terme ou budget-programme par plusieurs
administrations publiques à travers le monde. C’est dans cette perspective d’amélioration de
la performance de la gestion budgétaire que le CDMT a émergé en Afrique. Ce dernier est un
instrument de programmation budgétaire qui est destiné à améliorer la discipline et la
prévisibilité budgétaire et à assurer le lien entre la formulation du budget et les stratégies de
22
développement. Véritablement effectif au Sénégal en 2007, cet outil a été évalué dans cette
étude au regard de ses objectifs génériques.
Tout comme dans la plupart des pays africains l’analyse a montré que malgré quelques acquis,
certains des objectifs n’ont pas pu être atteints. La prévisibilité ne s’est pas améliorée au
niveau global tant pour les ministères dotés d’un CDSMT que pour les ministères sans
CDSMT. Il apparaît ainsi qu’il n’y a pas eu de redéploiement vers la plupart des secteurs
prioritaires comparativement à la période d’avant CDMT. Néanmoins, depuis sa mise en
place, on assiste à des allocations en augmentation progressive pour certains secteurs
prioritaires comme l’Education, l’Environnement et les Transports. Il faut aussi noter les
relations existantes entre les programmations budgétaires des années des CDMT de même
version et entre celles des années correspondantes des versions produites en 2009 et 2008, ce
qui montre que les programmations budgétaires sont réalisées sur la base de celles effectuées
lors des années précédentes.
La discipline budgétaire qui a été évaluée avec le solde primaire n’a pas aussi
significativement évoluée avec l’adoption de cette approche.
Les principaux défis auxquels les autorités gouvernementales doivent faire face sont
l’achèvement du processus d’implantation avec la mise en place d’un CDMT global, le
respect des enveloppes initiales par les ministères, l’amélioration et la généralisation des
CDSMT aux ministères qui n’en produisent toujours pas. Il faudra surtout mettre l’accent sur
l’efficience et l’efficacité des dépenses publiques.
Malgré la progressivité de la démarche CDMT en Afrique du fait d’une volonté politique
accrue des Etats, des institutions régionales et des partenaires, les défis à relever sont encore
nombreux pour pouvoir bénéficier pleinement des potentialités offertes par l’approche.
Bibliographie
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Annexes
Nombre de ministères 9 9
concernés
25
Relation testée Poids CDMT 2008, 2008
p-value ρ 0,01 **
p-value τ 0,008***
Décision Rejet H0
26
Variable Rang moyen U de Mann W p-value Résultat
Wilcoxon
G1 G2 Whitney du test à
5%
n1=7 n2=7
27