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CADRE COMPTABLE ET

PROGRAMMATION FINANCIERE

Fascicule 2 : CADRAGES MACRO-ECONOMIQUES A


COURT ET MOYEN TERMES

Marc Raffinot
Université Paris Dauphine

2006
Programmation financière M.Raffinot

5.1 INTRODUCTION

La traduction chiffrée des politiques économiques dans une approche de court terme
(un à trois ans) vise essentiellement à vérifier le respect des grands équilibres macro-
économiques. En général, l’impact des politiques à plus long terme (notamment à travers les
investissements publics, l’endettement, etc.) n’est pas vraiment pris en compte.

En France, des techniques ont été développées depuis la fin des années soixante au
sein de la Direction de la Prévision du ministère des Finances pour effectuer ce type de
travail. Il s’agissait essentiellement de réaliser un cadrage macroéconomique (prévision à
court terme) dans le cadre de l’élaboration du budget de l’État. C’est pourquoi cette pratique
est connue sous le nom de « budgets économiques ». Le budget économique se traduit par un
document annexé à la Loi de finances qui explicite les hypothèses sur lesquelles reposent les
prévisions de recettes publiques.

Dans les pays en développement, le FMI procède à des cadrages macro-économiques


dans les pays dans lesquels il intervient. Ces cadrages sont une traduction chiffrée des
programmes d’ajustement structurel. Au sein du FMI cette pratique est connue sous le nom de
« programmation financière ».

Le présent document a pour objectif de présenter la programmation financière.


Toutefois, nous analyserons rapidement les différences entre cette approche et celle des
budgets économiques. En effet dans la pratique (et notamment dans celle des pays
francophones) les techniciens les combinent souvent.

Depuis 1999, les programmes du FMI (et de la Banque mondiale) visent également de
manière explicite la réduction de la pauvreté. Nous examinerons quelques implications de cet
objectif sur la méthode de programmation financière. Mais cet aspect de la question est
beaucoup plus difficile à traiter que les questions d’équilibre budgétaire et de balance des
paiements. Le FMI et la Banque mondiale insistent de toutes façons sur le fait que la lutte
contre la pauvreté repose essentiellement sur une croissance saine. Ce qui signifie que le
respect des équilibres et l’avancement des réformes (libéralisation, privatisations, etc.) restent
primordiaux.

5.1.1 Programmation financière et Budgets économiques

En France les économistes de l’INSEE et du Ministère des Finances se sont


préoccupés dès les années soixante d’inscrire la Loi de Finances dans un cadre macro-
économique. L’utilisation d’un modèle macro-économique permet d’assurer la cohérence
entre les diverses hypothèses, et d’évaluer les recettes budgétaires sur cette base. Cette façon
de faire a été adoptée dans de nombreux pays en développement (Raffinot 1988). Les
fondements théoriques utilisés, du moins à l’origine, étaient keynésiens.

A partir des années quatre-vingt, les interventions du FMI dans les pays en
développement on conduit à un développement de la méthode préconisée par cette
organisation (la « programmation financière »), qui est d’origine plutôt monétariste.

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Programmation financière M.Raffinot

La principale différence entre les deux approches est que dans le premier cas, le PIB
en projection est calculé de manière endogène (il est déterminé par les composantes de la
demande finale, et résulte de l’ensemble des autres hypothèses faites), alors que dans
l’approche FMI, le PIB est exogène (il ne dépend pas des autres variables du modèle). La
politique monétaire ne peut avoir d’effets réels, elle n’agit que sur le niveau général des prix.

La première approche implique qu’il existe des capacités de production inemployées,


ce qui permet une relance par la politique économique (budgétaire ou monétaire). Dans le
second cas, on suppose que l’économie utilise pleinement les facteurs de production ou du
moins qu’il existe des obstacles insurmontables à l’augmentation à court terme de la
production.

Dans les pays en développement, la réalité est souvent mixte. Dans certains secteurs,
la production ne peut augmenter à très court terme. C’est notamment le cas de la production
agricole, lorsque la récolte a été effectuée. Ce peut être aussi le cas dans d’autres secteurs, qui
constituent alors des goulets d’étranglement. C’est pourquoi l’application des budgets
économiques dans les pays en développement repose sur une distinction, et un traitement
différent, des secteurs d’offre (secteurs indépendants de la demande intérieure) et des secteurs
de demande (dont la production varie en fonction de la demande interne).

Une seconde différence importante tient à l’ensemble de variables projetées. Dans le


cadre des budgets économiques, il s’agit généralement de l’équilibre ressouces-emplois en
biens et services, du TOFE, de la Balance des paiements, mais aussi du compte du secteur
privé (ménages et sociétés), les comptes financiers étant parfois laissés de côté. Dans le cas de
la programmation financière, la projection porte essentiellement sur l’équilibre ressources-
emplois en biens et services, sur le TOFE, la Balance des paiements et la situation financière.
En général, les comptes du secteur privé ne sont pas pris en compte en tant que tels.

5.1.2 Prévision à court terme et recettes publiques

Les deux méthodes permettent de préciser le niveau des recettes futures de l’État, sur
la base d’une projection macro-économique cohérente. Cette façon de faire est en nette
rupture avec les méthodes traditionnelles d’élaboration des budgets de l’État. Dans la pratique
traditionnelle, on demande d’abord aux Régies financières (douanes, impôts, etc.) d’estimer
les recettes probables pour l’année suivante. Sur cette base, les dépenses sont ensuite
chiffrées, en tenant compte des besoins exprimés par les différents départements ministériels,
et après arbitrage éventuel du Chef du gouvernement.

Les Régies financières effectuent les projections de recettes en essayant en général de


prolonger les tendances qu’elles ont observées dans le passé, en prolongeant l’année en cours
sur la base des tendances observées pendant les premiers mois de l’année. Cette méthode ne
tient donc pas compte des interrelations macro-économiques. Pourtant celles-ci ne devraient
pas être ignorées lorsque l’on établit le budget de l’Etat – ne serait-ce que parce que le niveau
des dépenses influe sur l’activité économique, et donc sur le niveau des recettes.

Dans le cadre de la modélisation macro-économique, budgets économiques ou


programmation financière, la séquence est inversée. En raison de l’interrelation qui vient
d’être mentionnée, il faut partir d’une hypothèse sur le niveau des dépenses publiques. Le
modèle calcule alors, sur la base d’une série d’hypothèses et de relations de comportement
(voir plus bas), le niveau probable des recettes publiques. Dans ce type de procédure, les

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recettes publiques sont donc déduites de l’activité économique. Ceci permet d’évaluer le
déficit (ou l’excédent) du Tableau prévisionnel des opérations financières de l’État.

Tout ceci permet de comprendre que les méthodes macro-économiques ne sont pas
nécessairement plus fiables que les méthodes traditionnelles utilisées par les régies
financières. En particulier, l'approche macro-économique peut être prise en défaut :

• Lorsque des modifications du dispositif légal interviennent, il est difficile de


projeter un niveau de recettes. Seule la connaissance précise des bases réelles
d’imposition permet une estimation réaliste.

• Lorsque le dispositif institutionnel de recouvrement se modifie, les projections


macro-économiques peuvent sous- ou surestimer les recettes (par exemple, dans le
cas où l’on ouvrirait de nouveaux postes douaniers ou l'on affecterait plus d’agents
aux services des impôts, etc.)

5.1.3 La modélisation macro-économique pour la programmation financière dans


les pays en développement

En pratique, de nombreux modèles permettent de traduire des approches de type


budget économiques, avec la possibilité de simuler une logique de programmation financière.
Les plus connus sont les modèles de l’Agence française de développement : PRESTO
(Collange et Jourcin 1995) et TABLO, un modèle plus complexe qui intègre les relations
inter-industrielles sous forme d’un TES (Aerts 1989). D’autres modèles présentent une
approche comparable : l’IAP au Ministère des Finances du Burkina Faso (MEF-GTZ 1997) et
MOSARE à la direction de la Prévision du Bénin. En revanche, la programmation financière
s’effectue sur une version dérivée de RMSM (le modèle de la Banque mondiale) en Namibie.

5.2 ORGANISATIONS INTERNATIONALES ET PROGRAMMATION FINANCIÈRE


La croissance des déséquilibres dans les pays en développement a conduit à une
intervention de plus en plus marquée des organisations internationales dans la définition
même des politiques économiques des pays en développement. Ces institutions n'ont pas été
créées dans ce but. Ce type d'intervention représente donc pour elles une certaine dérive par
rapport à leur mission originelle, définie lors de la conférence de Bretton-Woods en 1944.

5.2.1 Le rôle du FMI : veiller à la stabilité du système monétaire international.

Le FMI a été créé pour assurer la stabilité du système monétaire international, pour
faire en sorte que les liquidités internationales disponibles permettent la croissance continue
de l'économie mondiale – le tout dans un système de parités fixes mais ajustables. Il s'agit
donc essentiellement de s'assurer de l'équilibre des balances des paiements. L'intervention du
FMI était pensée dans un cadre libéral, pour lequel les déséquilibres de balance des paiements
en sauraient être que transitoires, compte tenu des forces de rééquilibrage qui s'exercent.

C'est pourquoi le FMI n'est pas conçu comme un organisme de financement, mais
comme un organisme de régulation, qui ne dispose que de moyens propres réduits, et qui
n'accordait jusqu'à la fin des années 70 que des concours à très court terme à des conditions

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proches du marché. Il s'agissait d'accompagner les processus de rééquilibrage des balances de


paiements, en les accélérant et les rendant moins heurtés - mais sans que le financement
accordé par le FMI soit l'élément décisif du processus. C'est ce schéma qui s'est appliqué, en
général avec succès, durant les trois premières décennies où l'activité du FMI a été
essentiellement tournée vers les pays industrialisés. Jusqu'en 1975, la part des pays en
développement dans les activités du Fonds reste marginale ; elles ne deviennent significatives
qu'après 1975. Après 1980, le FMI ne s'occupe pratiquement plus que de pays en
développement.

Dans ce but, des instruments spécifiques ont été mis en place, car les instruments
traditionnels (accords stand by) supposaient un remboursement très rapide. En ce qui
concerne les pays à faible revenu, le FMI dispose depuis 1986 de la Facilité d’Ajustement
Structurel (FAS), peu à peu remplacée par la FASR (Facilité d’ajustement structurel
renforcée). Dans le second cas, le pays emprunteur a la possibilité de tirer des sommes plus
importantes, mais la conditionnalité est plus forte. Depuis 1999, la FASR est remplacée par la
Facilité pour la réduction de la pauvreté et la croissance (FRPC).

L’optique de l’intervention du FMI dans les pays en développement a évolué


progressivement, comme le montre son engagement récent pour la bonne gouvernance et la
lutte contre la pauvreté. La seule promotion des grands équilibres et du libre fonctionnement
du marché a fait la place à une approche plus différenciée (dénonciation des dépenses
publiques somptuaires, notamment des dépenses militaires, de la corruption..) Toutefois, cette
option ne se traduit pas encore vraiment sur le plan technique. Les critères et repères des
programmes restent généralement limités aux indicateurs financiers et monétaires
traditionnels.

5.2.2 La Banque mondiale

Il s'agit d'une banque de développement, chargée de financer des projets bien


identifiés, soit à des conditions proches de celles du marché (Banque Internationale pour la
Reconstruction et le Développement, BIRD) soit à des conditions très concessionnelles
(Association Internationale pour le Développement, AID) ou sous forme de prises de
participation dans des entreprises (Société Financière Internationale, SFI).
Traditionnellement, l'attention était donc portée sur l'impact économique des projets en termes
de croissance ou de bien-être plutôt que sur les grands équilibres macro-économiques. Le
nombre important de projets qui n'ont pas atteint les objectifs attendus a conduit la Banque
mondiale à s'interroger de plus en plus sur l'environnement macro-économique et
institutionnel des projets, identifié comme une des causes potentielles d'échec. La viabilité des
projets agricoles, par exemple, est globalement conditionnée par un système de prix relatifs
qui ne soit pas trop défavorable à l'agriculture, un système de taxation qui ne pénalise pas les
producteurs, une fourniture minimale de services publics de base aux producteurs agricoles. A
un niveau encore plus macro-économique, par une politique tarifaire extérieure qui permette
d'approvisionner les campagnes en biens de consommation à des prix accessibles, une
politique monétaire maîtrisée qui évite le déclenchement d'inflations plus favorables aux
producteurs urbains, etc. Par ce biais, les préoccupations de la Banque mondiale remontent du
micro au macro, et ont pu interférer largement avec celles du FMI. En pratique, cela a donné
lieu à de fréquentes nuances entre les deux organisations. Le plus souvent, la Banque cherche
plutôt à favoriser la croissance à terme, alors que le Fonds est plus axé sur la stabilisation de
court terme. Mais ce schéma souffre de nombreuses exceptions, suivant les particularités
locales.

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Programmation financière M.Raffinot

Du point de vue pratique, la programmation mise en œuvre par la Banque mondiale


diffère profondément de celle du FMI. Le modèle de base de la Banque mondiale (RMSM,
pour Revised Minimum Standard Model) est un modèle dynamique, qui lie la croissance des
différents secteurs avec l’investissement sectoriel de l’année précédente. Il vise surtout à
quantifier les besoins de financement extérieur, suivant l’approche du double déficit (double
gap). La structure de base du modèle est présentée en annexe 2.

5.2.3 Stabilisation et ajustement

L'approche traditionnelle de la résorption des déséquilibres, en particulier des


déséquilibres de balance des paiements, s'effectue en termes de stabilisation. On suppose que
les mécanismes de marché fonctionnent correctement, et l'on recherche alors le niveau des
variables macro-économiques (production, emploi, masse monétaire, etc.) susceptibles
d'assurer le retour à l'équilibre. La stabilisation vise à remédier à des problèmes urgents :
inflation cumulative, épuisement des réserves de change, accumulation d’arriérés de
paiements internes ou externes, etc. Il s'agit, dans cette optique, de situations dans lesquelles
en retour à l'équilibre est possible à court terme. On sait qu'en général, dans les pays
industrialisés, la solution pour résorber un déficit extérieur à court terme consiste à réduire le
taux de croissance par rapport à celle des partenaires commerciaux pour ramener les
importations à un niveau compatible avec celui des exportations. C'est une politique
pertinente notamment parce que les élasticités-revenu des exportations et des importations
sont beaucoup plus élevées dans ces pays que les élasticités-prix. La réduction du revenu est
donc explicitement recherchée pour parvenir à l'objectif de stabilisation.

Rapidement, les organisations internationales se sont rendu compte que ce type


d'approche était inadapté dans le cadre d'économies telles que celles de la plupart des pays en
développement, où les déséquilibres sont considérables et où les mécanismes de marché sont
entravés dans de nombreux domaines. Au lieu de simples programmes de stabilisation, on est
donc amené à parler de programmes d'"ajustement structurel" pour désigner des programmes
dans lesquels le retour à l'équilibre extérieur se fait à travers un ensemble de mesures
institutionnelles ou réglementaires qui doivent permettrent que s'exercent librement les
mécanismes de marché, et visent donc à supprimer les obstacles à une croissance future.

Le terme d'ajustement "structurel" utilisé pour désigner les politiques préconisées par
le FMI et la Banque Mondiale peut donc se révéler trompeur. Alors que dans la terminologie
française, l'action structurelle renvoie plutôt à des actions étatiques sur les structures
institutionnelles ou les conditions générales de la rentabilité des activités économiques,
l'ajustement "structurel" dans la terminologie Banque mondiale-FMI fait surtout référence à
une modification de la structure des prix. Il s'agit de faire en sorte que les prix deviennent des
indicateurs fiables, susceptibles de fournir aux producteurs des informations non biaisées sur
les disponibilités en ressources et les préférences des consommateurs. Cela implique que les
signaux venus du marché mondial soient intégrés à la prise de décision en matière de
production et d'investissement, et donc que le système de prix relatifs soit aussi proche que
possible de celui du marché mondial. Le moyen "idéal" pour parvenir à cet objectif serait que
les prix se forment sur des marchés concurrentiels, au sein d'une économie ouverte. Réduire
les obstacles à l'établissement d'une telle structure des prix relatifs, en identifiant les
"distorsions" et en éliminant leurs causes constitue le noyau central des politiques
d'ajustement structurel.

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A court terme, les deux optiques de stabilisation et d'ajustement ne sont pas facilement
compatibles. Le retour à l'équilibre budgétaire, par exemple, aura presque toujours un effet de
contraction sur l'économie. Que l'on diminue les dépenses publiques ou que l'on augmente les
recettes, le risque est grand de réduire l'activité et l'investissement dans le secteur privé. On
peut même ainsi compromettre l'équilibre du système financier, le rendant inapte à financer
une éventuelle reprise de la croissance. Inversement, une forte libéralisation de l'économie, et
notamment la réduction des droits de douane ou des prélèvements sur les exportations peut
accroître sensiblement le déficit budgétaire. Il importe donc, dans une optique d'ajustement,
de combiner ces mesures de stabilisation avec d'autres, spécifiquement destinées à relancer la
croissance, dans des secteurs où une croissance saine peut se produire.

Ceci est d’autant plus vrai que le cheminement qui permet un retour à terme à
l'équilibre extérieur sans arrêt de la croissance, suppose pendant un temps une croissance de
l'endettement incompatible avec la poursuite d'un financement extérieur de type bancaire
commercial. Le financement, à ce niveau, ne peut donc venir que d'organismes ayant un
horizon temporel plus lointain, et un souci plus global de la viabilité du système financier.

5.2.4 Les conceptions théoriques sous-jacentes.

Dans les pays industrialisés, les problèmes d'ajustement (stabilisation) sont souvent
abordés à l'aide de modèles keynésiens. Ces approches n'ont pas été retenues dans le cadre de
l'élaboration des programmes d'ajustement structurel par les organisations internationales, qui
font référence essentiellement à un modèle standard, développé autour de l'approche dite
monétaire de la balance des paiements, mais complété également par d'autres apports,
notamment la théorie de l'absorption.

Il existe une vaste littérature théorique qui traite de l'"ajustement" des économies qui
connaissent des déséquilibres. Ces analyses visent ce que nous venons de désigner sous le
terme "stabilisation". Il s’agit de construire un cadre simplifié, dans lequel on cherchera à
préciser un modèle général formalisant les relations entre différents marchés. On part pour
cela en général du modèle keynésien schématisé par les relations IS-LM, mais replacées en
économie ouverte (modèle Mundell-Fleming). S'agissant de pays industrialisés, on fait
l'hypothèse que les exportations et les importations réagissent à la fois aux niveaux de revenus
(du pays considéré, du reste du monde), et de prix relatifs. En cas d'information imparfaite, on
cherche ensuite à définir quel ensemble de politiques économiques ("policy mix") serait le
mieux adapté pour résorber les déséquilibres.

Ces approches ne sont pas très bien adaptées au pays en développement. En


particulier, le rôle joué par le taux d'intérêt, à la fois sur l'investissement et sur le flux de
capitaux extérieurs, ne correspond pas aux réalités du financement extérieur des pays en
développement, ni à des situations où une grande partie de l'investissement est d'origine
publique. Il est rare, de plus, que les comportements économiques soient connus avec
suffisamment de précision pour que l'on puisse chiffrer les relations à prendre en compte.

C'est pourquoi, en pratique, les organisations internationales se réfèrent à plusieurs


schémas théoriques de validité plus partielle, centrés sur l'explication du déficit extérieur. Les
plus connus sont l'approche monétaire de la balance des paiements, et l'approche par
l'absorption. Ces deux approches sont d'ailleurs compatibles et complémentaires, dès que l'on
se place à court terme, avec une offre inélastique et que l'on considère la vitesse de circulation
de la monnaie comme constante. Mais ces deux approches ont l'inconvénient de ne pas

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intégrer directement le rôle du taux de change, auquel est en principe dévolu un rôle
considérable dans les politiques d'ajustement. C'est pourquoi les aspects concernant les taux
de change et les stratégies d'ouverture font l'objet d'approches spécifiques.

5.2.4.1 La théorie monétaire de la balance des paiements

La théorie qui sous-tend l'élaboration des programmes du FMI repose essentiellement


sur l'approche monétaire de la balance des paiements (voir encadré n° 5.1 ). Dans cette
approche, les déséquilibres de balance des paiements sont mis en relation avec l'excès de
création monétaire : le modèle, très simple, permet de calculer le montant de crédit
compatible avec un objectif fixé de niveau des réserves extérieures. Il repose sur deux
hypothèses :

• stabilité de la demande de monnaie, qui ne dépendrait que des besoins de transaction et


correspondrait à une fraction du revenu nominal que les agents souhaitent détenir sous
forme liquide. Cette stabilité ne doit pas être comprise comme postulant une relation
totalement fixe entre masse monétaire et PIB, mais comme postulant simplement une
relation réglée entre ces deux grandeurs (par exemple, existence de deux valeurs
différentes en cas de crise et en cas de croissance régulière).

• caractère exogène de l'offre de monnaie, conçue comme résultant d'une décision autonome
des autorités monétaires qui fixent le niveau de la composante interne de la base
monétaire.

Il en résulte que toute expansion du crédit intérieur se traduit par une diminution du
niveau des avoirs extérieurs nets. Si l'offre de monnaie est supérieure à ce que les agents
souhaitent détenir sous forme liquide, l'excédent sera utilisé pour acheter des biens (importés,
puisque la production, à court terme, est supposée fixe) ou pour faire des placements à
l'étranger (dans la mesure où le marché financier interne ne permet pas de réaliser de tels
placements). Dans une version plus complexe, on fait intervenir une demande accrue de biens
locaux du résultant de l'excès de monnaie, demande qui se traduirait par un processus
inflationniste du fait de la fixité de l'offre, et, partant par une perte de compétitivité
débouchant sur un déséquilibre de la balance commerciale (effets indirects).

Quel que soit le type d'effet retenu, les réserves baisseront jusqu'au moment où le
niveau de l'offre de monnaie retrouvera le niveau des encaisses désirées. Tout déséquilibre
extérieur ne serait donc que le symptôme d'un mal plus profond, d'origine monétaire.

Le rétablissement de l'équilibre de la balance des paiements passe donc alors par la


réduction du crédit intérieur : crédit à l'Etat et crédit à l'économie. Dans un premier temps, il
sera donc préconisé de réduire le financement monétaire de l'Etat (ce qui élimine aussi un
éventuel effet d'éviction du secteur privé de l'accès aux financements), et si cela s'avère
insuffisant, de réduire aussi le crédit à l'économie. Ce dernier objectif peut s'atteindre de
diverses manières, soit par un plafonnement de la progression des crédits, soit par le jeu du
taux d'intérêt : le FMI préconise ainsi fréquemment le rétablissement de taux d'intérêts
positifs, dans le double but de réduire le crédit et de stimuler l'épargne, supposée sensible au
taux d'intérêt.

La première équation traduit l’idée que la demande de monnaie est stable,


proportionnelle au revenu (elle ne dépend donc pas du taux d’intérêt). L'équation (2) traduit

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l'idée que l'offre de monnaie dépend de la contrepartie interne (Cr) et externe (R) de la base
monétaire, par le jeu d'un multiplicateur h (inverse du coefficient de réserve appliqué par les
banques (du fait d'une réglementation ou du respect de normes prudentielles). L'équation (3)
reprend l'hypothèse du prix unique : pour un petit pays, c'est le niveau des prix internationaux
qui s'applique, par simple conversion au taux de change en vigueur. L'équation (4) postule
l'existence d'un équilibre sur le marché de la monnaie et l'équation (5), qui est une simple
identité comptable, énonce que le solde de la balance globale des paiements est égal à la
variation des réserves de change.

Encadré n° 5.1
L'approche monétaire de la balance des paiements

Le modèle de base s'écrit simplement :

Md = P Y / v (1)
Ms = h (Cr + R) (2)
P = e P* (3)
Md = Ms (4)
B = ∆R (5)

Avec : Md : demande de monnaie; Ms : offre de monnaie: P niveau des prix; Y revenu


national (assimilé au PIB ou au PNB); Cr : contreparties internes de la base monétaire (crédit
à l’économie et à l’État ; R : réserves extérieures nettes (∆ indique une variation); P* : niveau
des prix étrangers: B : solde de la balance des paiements. v : vitesse de circulation-revenu de
la monnaie; h est l’inverse du coefficient de réserve appliqué par les banques de second rang.
e est le taux de change

Ceci permet d'écrire la relation souhaitée entre création monétaire et niveau des
réserves (pour un niveau de taux de change donné) :

R = ( v h ) e P* Y - C (6)

Le niveau des réserves, et donc le solde de la balance des paiements, en taux de


change fixes et à niveau de revenu fixe (à court terme) ne dépend que du niveau de crédit
interne accordé par la banque centrale (en supposant fixes les coefficients v et h). Dans cette
optique, tout déséquilibre de balance des paiements a donc son origine dans un excès d'offre
de monnaie.

Le modèle de Polak (1957) qui constitue l’ossature des programmes du FMI ajoute à
l ’équation (6) une équation explicite de balance des paiements (en notant Z le niveau des
importations, avec Z = m Y, et F le flux net de capital, exogène) :

∆R=X–mY+F

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5.2.4.2 L'approche en termes d'absorption

Cette approche, d'origine keynésienne, correspond à la situation d'une économie en


situation de plein-emploi, où l'inflation résulte d'un excès de revenus distribués. En
simplifiant à l'extrême, on peut écrire que le solde de la balance courante (assimilée à la
balance des biens et services ) est égal à la différence entre le PIB et l'absorption, définie
comme la somme de l'investissement et de la consommation. Soit :

Y+Z=C+G+I+X (7)

C+G+I=A (8)

B=X-Z=Y-A (9)

avec Y : PIB; Z : importations; C : consommation privée; G : consommation publique; I


: investissement; X : exportations; B : solde de la balance des biens et services.

L'équation (7) présente le déficit extérieur comme le simple reflet du déséquilibre


intérieur, caractérisé par un excès d'absorption par rapport à la production : la fixation d'un
niveau trop élevé de consommation privée (C) ou publique (G) ou de l'investissement (du fait,
par exemple, de taux d'intérêts réels trop bas) conduira à un niveau de PIB élevé, et donc (en
admettant une proportionnalité au moins approximative entre Y et Z) à un niveau
d'importations trop élevé par rapport aux exportations, considérées comme exogènes et fixes à
court terme. Les racines du déséquilibre devront donc être recherchées au niveau de la
demande interne "effective", et renvoient à des niveaux de revenu trop élevés (nécessité d'une
réduction des salaires réels) ou de l'épargne trop faible (nécessité de relever les taux d'intérêt).

Les deux analyses précédentes se rejoignent pour désigner comme origine principale
du déséquilibre externe le financement monétaire du déficit budgétaire, dès lors que l'on tient
pour acquis que le crédit au secteur privé, de même que l'investissement privé génère à terme
des contreparties réelles qui éviteront l'élargissement des déséquilibres.

5.2.4.3 Remarques sur les fondements théoriques des politiques d'ajustement

La rationalité du système de prix

Il est bien sûr possible de contester théoriquement la "rationalité" des systèmes de prix
établis par les équilibres de marché. La controverse sur la théorie du capital a bien montré la
fragilité logique de la théorie standard en matière de prix de production. Aujourd'hui, alors
que se développe le discours sur la dimension sociale de l'ajustement, il est pertinent de
rappeler que, de toutes façons, le système des prix relatifs, dans la théorie néo-classique elle-
même, s'établit en fonction d'une certaine répartition des patrimoines.

. Sur un plan moins abstrait, il est clair qu'il existe des secteurs où l'hypothèse de
rationalité du système de prix mondial est totalement irréaliste : en particulier celui des
marchés internationaux de produits agricoles, largement subventionnés dans les pays
industrialisés. Dans ce cas, le premier problème pratique qui se pose est celui de la capacité
effective des pays à faire respecter une politique de protection nationale. Mais, même en
supposant cette capacité, il reste que toute politique doit s'évaluer en tenant compte de la
possibilité effective de se procurer à faible coût des produits importés. Même dans ce cas, les

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avantages d'une politique protectionnistes doivent être soigneusement mis en balance avec les
surcoûts engendrés (et supportés par les consommateurs).

Il faut toutefois faire remarquer que l'imposition de système de prix "planifiés" ou


simplement administrés suivant des objectifs variables (protection des consommateurs, des
producteurs), a souvent eu des conséquences défavorables : excès de consommation, absence
d'incitation à produire, etc.

L'approche monétaire de la balance des paiements

La simplicité de l'approche monétaire de la balance des paiements a une contrepartie :


elle ne permet pas d'identifier les causes de l'excès de crédit qui est à la source du déséquilibre
externe, et néglige l'impact de la réduction du crédit sur les variables réelles. En outre, elle
repose sur la conception d'une offre de monnaie exogène alors que l'on constate dans
beaucoup de pays en développement, comme l'indique la théorie post-keynésienne du
"circuit" que c'est en fait la demande de crédit qui détermine le niveau des avoirs intérieurs de
la banque centrale.

Les équations qui constituent le modèle reprennent des équilibres ex-post. C'est ce qui
fonde l'équivalence, il faudrait dire l'identité, des déficits. Ex ante, l'origine du déséquilibre
n'est pas aussi évidente. En particulier, les pays africains qui exportent des matières premières
connaissent une grande variabilité de leurs recettes d'exportation et parfois une réduction
brutale et très importante de leurs recettes d'exportation Même des pays dont la gestion aurait
été prudente en "régime de croisière" peuvent avoir à faire face à des déséquilibres
insurmontables. Dans ces cas, l'enchaînement logique part de la réduction des recettes
d'exportation, débouche sur une réduction des recettes publiques (du fait de la réduction de
l’activité économique et/ou des prélèvements directs sur la filière d’exportation lorsqu’elle
existe) et une croissance du financement monétaire de l'Etat.

5.3 ÉLABORATION PRATIQUE ET SUIVI DES PROGRAMMES D'AJUSTEMENT


STRUCTUREL.

Un programme d’ajustement structurel se traduit, sur le plan technique, par un cadrage


macro-économique qui doit traduire l’évolution de l’économie, les réformes prévues et
démontrer la possibilité d’un retour aux grands équilibres. Ce type d’approche macro-
économique a d’abord été développé dans le cadre des budgets économiques, du moins dans
les pays en développement de tradition administrative française.

5.3.1 Un mode d’élaboration itératif

Un programme d'ajustement est constitué d'un ensemble de mesures structurées autour


d'un programme financier. L'élaboration de ce programme financier se déroule suivant la
logique générale de l'approche monétaire de la balance des paiements, mais avec certaines
adaptations pour tenir compte de la situation particulière des pays en développement. En
pratique, la méthode est itérative. On part d’un certain jeu d’hypothèses et d’objectifs, on
calcule l’ensemble des valeurs correspondantes. Si les résultats sont satisfaisants, on retient le
programme ainsi déterminé. Dans le cas contraire, on modifie certains objectifs et on reprend
l’ensemble des calculs.

11
Programmation financière M.Raffinot

De manière plus détaillée, l'élaboration des programmes financiers a été décrite par
E.W.Robichek, l'un des fondateurs de la méthode :

1) Sélection des niveaux pour les variables-cibles ou pour les objectifs : avoirs
extérieurs nets, inflation et autres

2) Étant donnés les niveaux définis en 1), calculer les composantes exogènes de la
balance des paiements (exportations, remboursements d'intérêts, flux de capital
autonomes).

3) A partir de 2), on obtient une valeur préliminaire des importations compatibles avec
les objectifs établis en 1)

4) Si la valeur des importations obtenue en 3) diffère de la tendance passée, comme cela


arrive le plus souvent, il faut alors décider si une modification du taux de change est
nécessaire. Si on prend en compte une dévaluation, il est nécessaire de reprendre les
étapes 2) et 3) a la lumière du nouveau taux de change.

5) Prévoir la quantité de monnaie demandée. Ceci nécessite une estimation du revenu


nominal et de la vitesse de circulation de la monnaie. Cette dernière est, le plus
souvent, considérée comme exogène.

6) A cette étape, il faut prendre une décision sur le fait de savoir si une "action" sur le
taux d'intérêt est nécessaire. Si la réponse est positive, il faut revoir l'étape 5)

7) Déterminer la relation entre les agrégats monétaires du pays et la base monétaire.

8) En déduire le niveau supportable du crédit interne de la Banque Centrale, c'est-à-dire


le niveau compatible avec l'objectif d'avoirs extérieurs nets.

9) Vérifier la cohérence et le réalisme de l'objectif de crédit interne déterminé en en 8°.


Ceci s'opère en analysant en détail les origines de la demande de crédit interne.
L'élément décisif ici est la demande potentielle de crédit de la part du secteur public.
A ce niveau donc, l'élaboration du programme implique une analyse difficile et
détaillée des finances publiques.

10) Si le besoin de financement du secteur public est incompatible avec l'expansion


maximale du crédit interne il faut rechercher de nouvelles possibilités d'ajustement,
telles que la gestion de la demande, les politiques orientée vers l'offre globale et les
politiques liées au secteur financier.

11) Une fois qu'on a défini les nouvelles mesures de politique économiques, il faut
recommencer les étapes 1 à 10 jusqu'à ce que tout devienne compatible.

12) Lorsqu'on a obtenu un programme d'"équilibre", on détermine les critères de


réalisation qui guideront la supervision du programme. Ces critères sont en général
de deux types : quantitatifs et qualitatifs.

13) Il faut alors négocier le programme avec les autorités nationales".

12
Programmation financière M.Raffinot

5.3.2 Les étapes de la programmation financière en pratique

Sur le plan technique, l'élaboration d'un programme financier, dans ses grandes lignes,
se conformera au Schéma 1. et procédera par itérations (l'annexe 1 présente le schéma sous
forme d'équations). Dans une première étape, il convient de fixer des objectifs et de faire des
hypothèses pour les variables exogènes (qui ne dépendent pas des autres). Celles-ci sont de
deux types : les unes sont le résultat de décisions prises par la puissance publique; les autres
sont des variables qui dépendent de décisions extérieures à l’économie nationale ou
d’instances internationales.

1. Déterminations des objectifs

En pratique, les objectifs (qui peuvent être revus en cas de difficultés à boucler le
programme) portent sur :

• Le niveau des avoirs extérieurs nets (réserves). Le FMI considère que le bon
fonctionnement de l’économie nationale suppose un minimum de réserves de change
(pour payer le service de la dette extérieure, pour payer les importations, etc.) Cet objectif
est fixé en mois d’importations de biens et services (on multiplie le montant des
importations mensuelles par un certain nombre de mois). Le nombre de mois dépend de la
situation de départ. Plus l’objectif est un nombre élevé, plus le programme sera
contraignant. Il est souvent fixé à trois mois, dans les cas assez graves, et à six mois
lorsque la situation est plus satisfaisante.

• La croissance. Le PIB étant considéré comme exogène, le taux de croissance est considéré
comme un objectif. Il doit en principe permettre une certaine croissance du revenu par
habitant. Plus l’objectif est élevé, plus les contraintes seront facilement surmontées à
certains niveaux (TOFE) et plus elles seront serrées à d’autres niveaux (Balance
commerciale). Lors des premières itérations, le taux de croissance est généralement assez
élevé. Les programmes du FMI se veulent « raisonnablement » optimistes à ce niveau. En
tout état de cause, on vise un taux de croissance qui ne soit pas inférieur à celui de la
population, de manière à ce que le revenu par tête soit croissant.

• L’inflation. L’objectif à ce niveau dépend également de la situation de départ, mais aussi


de l’évolution prévue du taux de change pendant la période. Plus l’objectif est faible, plus
le programme est difficile à boucler, puisque la croissance de la masse monétaire sera
d’autant plus faible. En général, lorsque les taux de change sont stables, l’objectif est de
l’ordre de 2-3 %. Paul Krugman a rappelé que l’inflation zéro n’était sans doute pas un
objectif souhaitable, parce qu’il rend les ajustements plus difficiles et éliminant la
flexibilité des variables réelles.

2. Détermination du taux de change

La détermination du régime de change et du taux de change approprié doit être faite


dès le début de la projection, car le niveau choisi détermine un grand nombre de variables
exogènes (notamment le service de la dette, le prix des produits importés et exportés en
monnaie nationale, les exportations, les importations, etc.) Si les déséquilibres de balance de
paiements et le déséquilibre budgétaire sont importants, il faut déterminer dans quelle mesure

13
Programmation financière M.Raffinot

une modification du taux de change peut ramener à l’équilibre (ce qui dépend notamment des
élasticités prix des exportations et des importations, de l’impact du taux de change sur les prix
intérieurs, et de l’indexation ou non des revenus sur l’inflation).

3. Détermination des variables de politique économique

La troisième étape consiste à déterminer les éléments de la politique économique :


niveau et répartition des dépenses publiques, fiscalité. A ce niveau, seules les variables qui
dépendent directement de l’État sont examinées. Les dépenses d’investissements financées
par l’extérieur (prêts ou dons) seront examinées avec le financement extérieur.

3.1. Les dépenses publiques

La plupart des dépenses publiques résultent de décisions de la puissance publique :


montant des salaires versés, des dépenses de matériel, des transferts publics et des dépenses
d’investissement sur le budget national. Les dépenses au titre du service de la dette résultent
essentiellement des engagements antérieurs. Les dépenses d’investissement financées par
l’extérieur dépendent du nombre et de la qualité des projets présentés aux bailleurs de fonds
extérieurs, et des décisions à leur niveau.

La décision publique en matière de dépenses publiques devrait tenir compte du type de


service public que l’on veut assurer (sur les plans quantitatifs et qualitatifs), compte tenu des
moyens dont on dispose. De plus en plus, les décisions à ce niveau sont encadrées par une
programmation à moyen terme, notamment dans les secteurs sociaux, de manière à atteindre à
terme des objectifs en matière de services sociaux (taux d’alphabétisation, couverture
sanitaire, etc.)

Dans la nouvelle approche des CSLP (Cadres stratégiques de lutte contre la pauvreté),
il conviendra de vérifier que les prévisions de dépenses publiques sont compatibles avec un
accroissement des dépenses dans les domaines prioritaires (en général l’éducation primaire, la
santé de base, la fourniture d’eau potable et l’assainissement).

3.2. La fiscalité

Dans des modèles agrégés comme le sont les modèles macro-économiques, il est
impossible de retracer le lien exact entre les recettes publiques et les véritables bases
d’imposition (par exemple de calculer l’impôt sur le revenu des entreprises en tenant compte
de l’ensemble des dispositions prévues par le Code des Impôts, y compris souvent l’existence
d’un impôt forfaitaire sur les bénéfices lorsque l’entreprise fait des pertes). Les bases
d’imposition sont en général trop spécifiques pour pouvoir être prises en compte dans des
modèles nécessairement assez agrégés. Il faut donc utiliser des assiettes « de remplacement »,
dont l’évolution (mais pas forcément le niveau) soit aussi proche que possible de l’assiette
réelle. Par exemple, on liera l’impôt sur les bénéfices avec la production ou la valeur ajoutée
des sociétés et quasi-sociétés, si l’on ne dispose pas d’une évaluation des bénéfices des
entreprises du secteur moderne. En ce qui concerne les impôts dont l’assiette est très
spécifique, ou les recettes non fiscales, on utilise par défaut le PIB en valeur comme assiette
de remplacement.

Le lien entre la recette fiscale et l’assiette « de remplacement » est généralement


effectué en utilisant simplement un taux de pression fiscale apparente. La recette publique

14
Programmation financière M.Raffinot

donnée est alors calculée en multipliant l’assiette « de remplacement » par ce taux de pression
fiscale apparente. On le calcule pour le passé en faisant simplement le rapport des deux
grandeurs. Les taux apparents diffèrent donc des taux nominaux (ceux qui figurent dans les
barèmes, tarifs douaniers, loi de finances, etc.)

Si aucune modification du dispositif n’est prévue, on projette en utilisant le taux


apparent de la dernière année, ou un taux moyen sur plusieurs années antérieures si le dernier
taux s’écarte sensiblement de cette moyenne. Il faut toutefois être conscient que cette méthode
est loin d’être parfaite. En effet, le taux de pression fiscale apparente peut varier sans que les
taux nominaux ne varient.

Il se peut par exemple que la structure de l’agrégat qui sert d’assiette de remplacement
se modifie. Supposons par exemple que l’année de base, le taux des droits de douanes sur les
importations qui figure dans le tarif soit unique et égal à 10 % (taux nominal), que les
importations se montent à 100 milliards, mais que le montant des droits de douane collecté ne
soit que de 8 milliards (20 milliards d’importations sont exonérées). Le taux apparent est de
8 %. Si l’année suivante le montant des importations exonérées passe à 30 %, le taux apparent
d’imposition diminuera (7 %) sans aucune modification des taux nominaux. C’est pourquoi
les taux apparents doivent être utilisés avec beaucoup de prudence.

En projection, il n’est donc pas toujours facile de savoir comment devrait varier le
taux apparent pour tenir compte d’une variation du taux nominal. En principe, on devra faire
varier le taux apparent plus ou moins proportionnellement au taux nominal. Mais il se peut
qu’un taux nominal excessif conduise à une réduction des recettes (courbe de « Laffer », et/ou
apparition de contrebande). Dans ce cas « trop d’impôts tue l’impôt ». L’augmentation du
taux nominal se traduit par une réduction du taux apparent. Il faut donc toujours faire
attention à la possibilité de telles évolutions lorsqu’on fixe les taux apparents pour les
projections.

4. Détermination des agrégats exogènes

4.1. Investissement privé

L’investissement privé peut être projeté de différentes façons. Dans les très petites
économies, une grande partie de l’investissement résulte de décisions d’un petit nombre de
firmes, généralement des entreprises qui fournissent des services publics (eau, électricité,
télécommunications). Les investissements de ces entreprises sont programmés des années à
l’avance, de manière à constituer des réseaux. Ils sont assez peu liés à la demande interne
passée. Une autre partie importante de l’investissement est constituée par le logement des
ménages. Elle est en grande partie liée au processus d’urbanisation.

Le reste de l’investissement privé peut être considéré comme résultant d’anticipations,


que l’on relie souvent à l’évolution de la demande passée. On peut aussi considérer que
l’investissement privé est lié négativement avec le taux d’intérêt, ou avec le montant des
crédits à l’économie. Mais ceci reste douteux dans des économies où une très grande partie de
l’investissement est autofinancé.

Dans le cadre des programmes d’ajustement, il est souvent supposé que la


libéralisation de l’économie, la réduction des contrôles et de l’intervention de l’État auront

15
Programmation financière M.Raffinot

pour résultat une forte croissance de l’investissement privé. En l’absence d’une forte demande
interne, cette croissance reste cependant souvent limitée.

4.2. Exportations

Le niveau des exportations est lié à quatre éléments : les prix internes, les prix
extérieurs et le taux de change, d’une part, l’intensité de la demande extérieure d’autre part
(les trois premiers éléments étant synthétisés dans le taux de change réel). Lorsque les
exportations sont composées en grande partie de matières premières, il faut faire une
hypothèse, souvent difficile, sur les prix futurs – ou projeter différents scénarios. La Banque
mondiale a publié régulièrement des projections économétriques des prix des matières
premières, mais celles-ci se sont révélées généralement très optimistes.
On peut alors se référer à une moyenne des années passées, ou faire plusieurs
scénarios (un optimiste, un moyen et un pessimiste, par exemple).

Pour les très petits pays exportateurs de matières premières, il est souvent suffisant de
considérer que la totalité de la production des filières d’exportations est automatiquement
exportée au prix mondial. Dans ce cas, le niveau des exportations doit être mis en rapport
avec la dynamique de l’offre, qui est souvent sensible au prix proposé aux producteurs, réel
ou nominal.

3. Détermination des données relatives au financement extérieur

Les données concernant le service de la dette interne et externe (en devises) sont
connues à court terme, surtout lorsque la quasi-totalité des emprunts sont à taux fixe. Ceci
n’est pas tout à fait exact, puisque certains emprunts effectués pendant les années de
projection vont générer des intérêts (voire des remboursements en capital s’il n’y a pas de
délai de grâce). Mais ces montants sont en général négligeables, surtout lorsque l’État
emprunte à des conditions concessionnelles.

Le montant de financement extérieur que le pays est susceptible de recevoir peut être
évalué par référence au passé, ou par comparaison avec des pays similaires. Il se décompose
en deux. La partie concernant les projets est en général assez rigide à court terme, puisque les
projets qui pourront être financés ont fait l’objet d’une instruction dans les années
précédentes. Seuls les financements d’ajustement (aide à la balance des paiements) sont
relativement flexibles à court terme. Comme les différents bailleurs de fonds disposent
généralement « d’enveloppes » par pays, le maximum mobilisable peut être évalué par contact
direct avec les agences de financement.

16
Schéma 1 : Le schéma de la programmation financière

Equilibre Ressources
Emplois (Biens et Services)
PIB Conso Privée
Imp Conso Publique
Invest Privé
Invest Public
Exports

Pression fiscale
Balance des paiements

Exports Imports TOFE


Intérêts
Transferts Impôts/taxes Salaires
Publics Dons Matériel
Privés Transf. Int.
Intérêts
Prêts ext. Amorts ext. Dep. Capital
Fin interne
Var AEN Fin ext.

.
Financement Prêts extérieurs Amorts ext.
extérieur et
endettement Prêts intérieurs Amorts int

Situation monétaire (variations)

Objectifs : Monnaie Avoirs ext.nets


Prêts Gvt (PNG)
AEN ?
Crédits économie
Prix ?
Programmation financière M.Raffinot

5. L’utilisation des équations de comportement

Les équations de comportement utilisées en pratique sont souvent fondées sur


l’hypothèse de maintien des structures à court terme. Evidemment, il est possible de rendre
les choses plus complexes. Par exemple, la relation entre importations et PIB est souvent
pensée comme une relation globale, avec une propension moyenne fixe à importer à court
terme. Cette propension peut être avantageusement remplacée par une propension marginale,
ou par une élasticité, pour tenir compte du fait que la relation n’est probablement pas linéaire.
Il est également possible de rendre les importations sensibles aux différentiels de prix, lorsque
certaines importations sont complémentaires (elles concernent des produits substituables qui
concurrencent les produits locaux).

Dans une approche plus détaillée, il serait souhaitable de rendre chaque grande
catégorie d’importations variable en fonction de l’utilisation correspondante (consommation,
investissement, etc.)

5.3.3 La détermination des variables endogènes

5.3.3.1 Programmation financière et budgets économiques

Comme nous l’avons vu, une itération se fonde sur une estimation du PIB en volume
reposant notamment sur des estimations des niveaux de production des secteurs d'offre (ce qui
concerne en particulier les filières exportatrices). On joint une estimation des taux de
croissance du déflateur du PIB, pour obtenir un PIB prévisionnel en valeur. Ceci est la
démarche de la programmation financière. Elle a l’inconvénient majeur de faire de la
consommation des ménages une variable d’ajustement.

Dans la pratique des budgets économiques, le PIB est endogène, déterminé par les
hypothèses sur les utilisations finales exogènes (investissements privés, exportations,
consommation publique, investissements publics), et les équations de comportement
(consommation privée et importations). Le paragraphe suivant présente le détail de la
méthode utilisée.

Dans chacun des deux cas, la détermination du PIB permet de calculer les variables
qui en dépendent, notamment les recettes publiques (par application de taux apparents de
pression fiscale) et les importations, de manière à poursuivre la construction du TOFE et de la
Balance des paiements.

On construit sur cette base le Tableau des opérations financières de l'État (TOFE),
ainsi que la balance des paiements. Dans cette procédure, la situation financière joue un rôle
spécial : c'est à son niveau que se vérifie la cohérence des estimations. En effet, la masse
monétaire totale est donnée par une relation avec le PIB (ou PIB en volume et niveau des prix,
ce qui peut, suivant les cas, représenter une poursuite de l'évolution constatée ou un objectif
de politique économique destiné à lutter contre l'inflation) et deux de ses composantes sont
obtenues par solde, respectivement du TOFE et de la Balance des paiements : le besoin de
financement interne de l'État (en supposant qu’il n’existe pas de marché financier sur lequel
l’État puisse placer des titres) et la variation des avoirs extérieurs nets. C'est donc le crédit à
l'économie que l'on obtient par solde, et au niveau duquel on devrait pouvoir juger le niveau

18
Programmation financière M.Raffinot

de réalisme de la projection (par comparaison avec le niveau du PIB et les valeurs sectorielles
de la production).

Le Schéma 1 présente également un test pour le niveau des avoirs extérieurs nets, car
le schéma fonctionne avec un niveau objectif pour ces avoirs exprimés en mois
d'importations. L'objectif (qui figurera d'emblée dans la situation monétaire) devra donc être
confronté avec le niveau obtenu par calcul dans la balance des paiements, à moins qu'on ne
l'utilise pour fixer directement dans celles-ci le niveau maximal des importations.

5.3.3.2 La projection de l’équilibre ressources-emplois dans le cadre des budgets économiques

Il s’agit de présenter pour une ou plusieurs années futures un ou des équilibres


ressources emplois en biens et services (ERE) qui soient cohérents (qui respectent l’équilibre
ressources-emplois). Nous présentons ici la méthode correspondant à une approche
keynésienne (le PIB est endogène). Une méthode analogue peut être utilisée dans l’approche
monétariste, lorsque l’on suppose que la croissance du PIB est exogène, ainsi que celle du
déflateur.

On distingue pour cela des éléments exogènes (qui sont déterminés en dehors des
relations supposées entre les éléments de l’ERE) et des éléments endogènes, qui dépendent de
relations entre les éléments.

Les projections les plus simples s’effectuent à prix fixes. Les projections plus
complexes tiennent compte de l’évolution prévisible des prix.

Projections à prix fixes

Cette méthode correspond à celle qui est enseignée dans les manuels de macro-
économie (modèle IS-LM ou modèle Mundell-Fleming en économie ouverte).

Si l’on suppose que les prix sont fixes, la projection s’effectue en déterminant de
manière exogène la consommation des administrations publiques, les investissements des
ménages, des sociétés et quasi-sociétés et des administrations, ainsi que les investissements.

Il suffit alors d’établir une relation adéquate entre les importations et le PIB d’une
part, entre la consommation privée et le revenu disponible des ménages pour être en mesure
de projeter le PIB, en écrivant l’égalité entre ressources et emplois. Bien entendu, il est rare
que l’on puisse valablement effectuer une projection en supposant que les prix sont
absolument constants

Projections à prix variables

Avec des prix variables, la projection devient un peu plus complexe. Toutefois, dans la
plupart des modèles de programmation financière, les prix et les quantités sont projetées
séparément, ce qui limite les difficultés. Il faut toutefois bien préciser la façon dont les prix
sont déterminés (notamment l’impact des variations des prix des produits importés).

Exemple :

19
Programmation financière M.Raffinot

Supposons que nous souhaitions projeter l’ERE de l’année de base 1999, qui s’établit
comme on le lit au tableau 1.

Première étape :

On place les hypothèses exogènes concernant les emplois finals :


• les décisions gouvernementales en ce qui concerne les dépenses publiques (en
valeur) (en général on reprend les données du budget, pour le scénario de
référence)
• des prévisions concernant les investissements « privés » (qui comprennent
aussi les entreprises publiques) (soit sur la base d’une relation estimée, soit
avec le taux d’intérêt, soit avec la croissance passée, soit encore sur la base
d’informations recueillies directement auprès des grandes entreprises). Les prix
sont estimés à part, en considérant l’évolution probable des prix à l’étranger et
du taux de change.
• les exportations (en valeur et en volume) (soit sur la base d’informations sur
les marchés de matière premières, soit en utilisant des relations qui traduisent
la compétitivité).

Tableau 1 : Première étape


Valeur Indice Valeur 00 Indice Valeur 00
1999 volume aux prix 99 prix aux prix 00
PIB Y 1309
Importations M 367

Ressources=Emplois 1676

Consommation privée C 1005


Consommation publique G 183 190
Investissement privé Ip 160 102,2 163 104,0 170
Investissement public Ig 63 70
Exportations X 265 100,0 265 109,4 290

Seconde étape :

On intègre les hypothèses concernant les évolutions de prix suivant un schéma logique
de formation des prix (prix des produits importés et taux de change, prix des produits locaux,
coûts salariaux, comportement des marges et des taxes indirectes, degré de concurrence). Ce
schéma logique doit être testé sur les données du passé pour être validé.

On utilise ensuite les indices de prix ainsi établis pour calculer les montants à prix
constants et les indices de volume pour la consommation publique et les investissements
publics. Le calcul s’effectue à partir de la droite, en divisant simplement les valeurs 00 aux
prix 00 par les indices de prix (et en multipliant par 100).

20
Programmation financière M.Raffinot

Tableau 2 : Deuxième étape


Valeur Indice Valeur 00 Indice Valeur 00
1999 volume aux prix 99 prix aux prix 00
PIB Y 1309
Importations M 367 103,0

Ressources=Emplois 1676

Consommation privée C 1005 103,0


Consommation publique G 183 101,8 186 102,0 190
Investissement privé Ip 160 102,2 163 104,0 170
Investissement public Ig 63 106,8 67 104,0 70
Exportations X 265 100,0 265 109,4 290

Troisième étape

Il faut enfin tenir compte des interrelations macroéconomiques. Pour achever le


tableau, deux relations ont été utilisées :

• Une relation en volume entre importations et PIB (pour simplifier, il s’agit ici de
l’hypothèse la plus élémentaire, celle d’une propension moyenne et marginale à
importer constante, mais on peut aussi supposer que c’est la propension marginale
à importer qui est constante, ou l’élasticité). Lorsqu’on utilise l’élasticité, on
suppose en général qu’elle est supérieure à 1 (les importations en volume croissent
plus rapidement que le PIB). Là aussi, il faut tester les trois relations sur les
données du passé pour déterminer quelle est celle qui est la plus pertinente.

• Une relation en valeur entre consommation privée et PIB (sous l’hypothèse d’une
pression fiscale constante). A ce niveau aussi, l’hypothèse est la plus simple que
l’on puisse imaginer. Si l’on fait varier la pression fiscale, il faut introduire une
relation entre la consommation des ménages et le revenu disponible des ménages
(le PIB moins les impôts et taxes).

Tableau 3 : Troisième étape


Valeur Indice Valeur 00 Indice Valeur 00
1999 volume aux prix 99 prix aux prix 00
PIB Y 1309 103,6 1356 104,3 1414
Importations M 367 103,6 380 103,0 392

Ressources=Emplois 1676 1736 1806

Consommation privée C 1005 104,9 1054 103,0 1086


Consommation publique G 183 101,8 186 102,0 190
Investissement privé Ip 160 102,2 163 104,0 170
Investissement public Ig 63 106,8 67 104,0 70
Exportations X 265 100,0 265 109,4 290

21
Programmation financière M.Raffinot

Cette façon d’effectuer les projections est purement macro-économique. Elle ne tient
pas compte des secteurs qui ne sont pas liés à la demande, et pas non plus des relations
intersectorielles au niveau des consommations intermédiaires (voir annexe 3)

5.4 COHÉRENCE D’ENSEMBLE


La cohérence d’ensemble du processus tel qu’il est pratiqué par le FMI résulte du bon
report des différentes données dans l’ensemble des quatre tableaux. Toutefois, cette procédure
laisse largement de côté le secteur privé, dont l’équilibre ressources-emplois n’est pas vérifié.

5.5 AMÉLIORATIONS DANS LE CADRE DE LA PRÉPARATION DES DOCUMENTS


DE STRATÉGIE DE RÉDUCTION DE LA PAUVRETÉ (DSRP)

Dans le cadre des DSRP, la programmation financière garde sa pertinence. Mais ce


type de projection ne donne pratiquement aucune indication sur la lutte contre la pauvreté.
Ceci peut être fait à l’aide de modèles mieux adaptés, comme les modèles d’équilibre général
calculable (Ames et alii, 2001). Mais ces modèles restent prisonniers de l’hypothèse de
l’agent représentatif. C’est pourquoi le simulation peut prendre une voie plus ambitieuse, en
travaillant directement sur les résultats d’enquête (micro-simulation).

Dans le cadre des modèles standards de programmation financière ou de budgets


économiques, certaines améliorations peuvent cependant permettre de faire des liens avec les
problèmes de lutte contre la pauvreté (Raffinot, 2001), avec trois objectifs principaux :
• Analyser la contrainte budgétaire et préciser les plafonds des dotations
budgétaires.
• Analyser l’impact des mesures sur les pauvres
• Choisir le meilleur policy-mix

Analyser la contrainte budgétaire et préciser les possibilités d’allocations budgétaires

Pour éviter les déséquilibres préjudiciables à la croissance, il faut éviter une croissance
des dépenses publiques incompatibles avec la croissance des recettes. C’est la fonction
traditionnelle des modèles de programmation financière et de budget économique. Dans le
cadre de la nouvelle approche, une telle évaluation reste absolument nécessaire. S’agissant de
programmation à moyen terme, elle devrait s’accompagner plus systématiquement d’une
évaluation de la soutenabilité de la dette. En fait, l’accent n’a été mis sur ce point que
tardivement, à l’occasion de l’initiative PPTE. Auparavant, on se contentait souvent de
« boucler » le TOFE, et souvent uniquement pour la première année du programme. Ce qui
est nouveau, c’est l’accent mis sur la répartition des dépenses publiques. Les modèles
traditionnels se bornaient en général à préciser l’enveloppe globale de dépenses publiques
« soutenable ».

Il faut maintenant préciser leur répartition entre les différents secteurs et /ou
départements ministériels. Par souci de cohérence, ceci devrait se faire dans un cadre macro-
économique en raison du lien entre dépenses publiques et recettes publiques (un niveau plus
élevé de dépenses publiques accroît la production publique et privée par le biais du
multiplicateur, et, de ce fait, les recettes publiques).

22
Programmation financière M.Raffinot

Pour être utilisable du point de vue macro-économique, cette analyse de la répartition


budgétaire doit préciser pour chaque secteur la ventilation des dépenses dans les grandes
catégories (dépenses de personnel, de matériel, transferts et biens d’équipement).

Du point de vue macro-économique, une répartition fonctionnelle (dépenses


d’éducation, de santé, etc.) serait probablement plus pertinente. Elle permettrait de plus de
surmonter les redécoupages ministériels, qui se produisent assez fréquemment. Mais la
répartition fonctionnelle est souvent compliquée à établir et mobilise des ressources humaines
de manière peu optimale. Mais le plus important est que la répartition fonctionnelle ne permet
pas un bon dialogue politique avec les responsables des départements ministériels.

L’analyse de l’allocation budgétaire doit permettre en particulier de déterminer quelle


est la croissance possible et souhaitable pour les secteurs prioritaires. Il est clair que le
processus sera beaucoup plus difficile à gérer sur le plan politique si la croissance des secteurs
prioritaires doit se faire au détriment d’autres secteurs, jugés non prioritaires.

Il faut aussi tenir compte de l’impact de la modification des dépenses publiques sur le
type de dépense (salaires, matériel, équipement). La réallocation des dépenses vers
l’éducation, par exemple, modifie la structure des dépenses publiques en faveur des dépenses
de personnel. Ceci peut exercer sur l’évolution économique (à court terme au moins) des
effets plus importants que l’accroissement du capital humain.

Mais l’aspect le plus ambitieux des réformes proposées concerne la volonté d’établir
un lien aussi systématique que possible entre les dotations budgétaires et les résultats
recherchés (liens moyens-résultats). Ceci nécessite une bonne connaissance des coûts
unitaires (combien coûte un enfant scolarisé en plus dans le primaire dans telle ou telle
région ? combien coûte la réduction du taux de mortalité à l’aide de telle ou telle mesure ?) Le
problème à ce niveau n’est pas tellement un problème d’instruments, ou d’intégration dans
des modèles macro-économiques. Le problème est surtout celui de l’analyse des dépenses
budgétaires et de leur répartition. Peu de budgets en Afrique de l’Ouest sont vraiment
transparents de ce point de vue (surtout en termes de réalisation et non de dotations
budgétaires). Les programmes d’ajustement structurel ont peu aidé de ce point de vue, étant
polarisés sur le montant global des dépenses. Les revues de dépenses publiques n’ont jamais
été suffisamment appropriées pour être d’un grand secours.

Analyser l’impact des mesures sur les pauvres

Le premier objectif cité est souvent mentionné. Il est clair, par exemple, qu’un modèle
devrait pouvoir traduire les conséquences d’une mesure donnée (une dévaluation par
exemple) sur les pauvres. Comme les relations sont complexes et que tout est lié dans une
économie (c’est précisément cela la macro-économie !) l’utilisation d’un modèle est utile.
Une dévaluation a de multiples effets qu’il faut pouvoir étudier ensemble, sur les prix, les
revenus, l’équilibre budgétaire, etc. La question n’est pas tellement de prévoir ce qui va se
passer que d’essayer d’identifier les aspects les plus négatifs, et de définir les meilleures
mesures pour y remédier.

Choisir le meilleur policy-mix

Le second objectif est moins souvent mentionné, sans doute parce qu’il paraît assez
irréaliste. Idéalement, il est pourtant fondamental. En effet, il ne suffit pas de savoir que telle

23
Programmation financière M.Raffinot

ou telle mesure devrait avoir un effet favorable sur les pauvres, il faudrait encore pouvoir
définir le meilleur ensemble de mesures (policy-mix), puisque les ressources sont limitées.
Par exemple, la plupart des programmes d’utilisation des fonds PPTE sont affectés à
l’éducation primaire et à la santé primaire. Mais dans quelles proportions ? Cela résulte le
plus souvent du hasard, des programmes existants, du rapport de force entre les ministères au
niveau de l’arbitrage budgétaire, etc. Pour améliorer les choses, il faudrait prendre en compte
les différentes relations entre les deux domaines (l’éducation améliore la santé, et vice-versa)
et entre ces domaines et les autres (la fourniture d’eau potable est un facteur important de
l’amélioration des niveaux de santé). Cet arbitrage doit tenir compte des préférences de la
population. On soutient parfois de ce point de vue que le problème unique est d’améliorer les
revenus des pauvres, ceux-ci étant alors en mesure d’affecter les gains ainsi réalisés de
manière optimale (pour eux).

5.6 LE SUIVI DES PAS : RÉALISATIONS ET PERFORMANCES


Lorsque les organisations internationales et l'Etat local se sont mis d'accord sur un
programme (traduisant un certain objectif de réserves de change), celui-ci est traduit en un
document cadre de politique économique (DCPE, en anglais Policy Framework Paper ou
PFP) résumé en une liste ("matrice") de mesures datées, que le pays s'engage à adopter. Ce
DCPE est aujourd’hui remplacé par un DSRP (Document de Stratégie de réduction de la
pauvreté).

Le programme est complété par des critères de réalisation et de performance que l'Etat
et la Banque centrale doivent respecter, et qui vont conditionner les décaissements successifs.
Le choix de ces critères correspond aux conceptions théoriques qui viennent d'être exposées.

Parmi ceux-ci, on trouve naturellement des critères concernant les agrégats


monétaires : le programme impose souvent un plafond pour les crédits à l'économie (avec,
éventuellement un sous-plafond pour les crédits à l'Etat).

D'autres critères concernent les postes de recettes ou de dépenses du budget de l'État :


le rapport des recettes publiques au PIB, le niveau de déficit budgétaire rapporté au PIB, le
niveau des arriérés de paiement publics, intérieurs ou extérieurs. Des limites sont posées à
l'endettement extérieur additionnel du secteur public (en général à l'exception des crédits
commerciaux et des crédits concessionnels à long terme). Un grand nombre de critères plus
détaillés peuvent s'ajouter (niveau des dépenses de personnel du budget de l'État, rapport entre
les dépenses budgétaires de matériel et les dépenses de personnel, liste d'entreprises
publiques à privatiser, de droits de douane à réduire, etc.)

Comme on le voit, un grand nombre de critères sont fixés en proportion du PIB, ce qui
est nécessaire puisqu'il est absurde de fixer, par exemple, un niveau a priori de recettes
budgétaires, sans tenir compte de l'évolution de la conjoncture. Le suivi du PAS dépend donc
des estimations rapides de PIB qui peuvent être faites (et qui sont faites, si l'administration
locale s'avère défaillante, directement par les services du Fonds et/ou de la Banque
mondiale)1. Mais l’instabilité de la croissance pose souvent problème dans les pays en
développement, car elle peut faire varier les ratios de manière peu intuitive, et surtout non liée

1 Il s'agit là d'un bouleversement considérable par rapport aux méthodes traditionnelles d'établissement des
comptes nationaux, qui reposaient essentiellement sur un dépouillement "lourd" des données disponibles (et
officielles) avec des retards énormes.

24
Programmation financière M.Raffinot

avec les efforts du gouvernement. Ainsi, par exemple, la pression fiscale se réduit en cas de
bonnes récoltes dans les pays dont le PIB est encore largement agricole, ce qui doit inciter à
beaucoup de prudence au niveau de l’interprétation.

D’une manière encore plus générale, il faut souligner que les méthodes traditionnelles
de projection se fondent toujours plus ou moins sur un maintien à court terme de la structure
de l’économie. Ceci semble justifié dans les périodes de croissance moyenne, mais demeure
quelque peu contradictoire lorsque des réformes importantes sont introduites, qui
bouleversent en profondeur le fonctionnement de l’économie.

Enfin, dans la perspective du « nouveau consensus de Washington », les programmes


doivent également être évalués en termes de lutte contre la pauvreté. Une première expérience
a été faite en ce domaine sous l’impulsion de l’Union Européenne au Burkina Faso (à partir
de 1997). Cette expérience a montré les difficultés de l’exercice, mais a permis de distinguer
trois catégories d’indicateurs : les indicateurs de moyens (par exemple la dotation budgétaire
pour les dépenses de santé primaires), des indicateurs de résultat (embauche d’infirmiers, par
exemple) et enfin, indicateurs d’impact (amélioration de la santé de la population).

6 LES CADRES DE DÉPENSE À MOYEN TERME (CDMT)


Les politiques d’ajustement structurel ont fait disparaître les instruments de gestion de
l’économie à moyen terme. Ce sont les politiques de lutte contre la pauvreté qui ont remis la
programmation à moyen terme sur le devant de la scène. Cela s’est effectué dans un premier
temps au niveau sectoriel (programmes sectoriels ou sector wide approach, SWAPs), puis au
niveau macro-économique (CDMT).

Dans un certain sens, cela nous ramène aux problématiques des années soixante ou
soixante dix, et sur l’approche en termes de planification. En même temps, cela met à
nouveau l’accent sur la principale faiblesse des systèmes mis en œuvre à l’époque : l’absence
de liaison entre planification et budgétisation. C’est cette absence qui a rendu la planification
purement décorative, et conduit finalement à abandonner toute approche de moyen terme, ou
plutôt de la confiner à des Programmes d’Investissements Prioritaires, qui n’ont guère donné
de résultats probants.

Malgré son très grand intérêt en tant que processus de concertation et de confrontation
des plans et stratégies, de définition des priorités, il faut bien souligner que la construction
d’un CDMT ne peut jouer qu’un rôle assez limité dans la gestion macro-économique d’un
pays en développement. La grande instabilité qui caractérise ces économies (mais pas
seulement celles-ci) fait qu’aucune prévision ne peut prétendre décrire « ce qui va se passer ».
Toute prévision n’est qu’un scénario, dont les hypothèses devraient être précisées.

L’usage le plus utile de ces projections devrait être de se préparer à faire face à
diverses éventualités (état du monde possibles ou décisions des autres acteurs), et à préparer à
l’avance les meilleures réponses envisageables.

6.1 OBJECTIF
L’objectif de base de la démarche est de rendre la dépense publique plus efficace (de
manière à atteindre les objectifs de l’action publique en général) et plus efficiente (d’atteindre

25
Programmation financière M.Raffinot

ces objectifs à moindre coût). Les CDMT, sectoriels et global sont des instruments qui
concourent à cet objectif.
Cela pose évidemment le problème de déterminer quel est exactement l’objectif de
l’action publique, et de son articulation avec les prises de décisions décentralisées (celles des
agents privés). Nous supposerons ici que l’objectif principal est la lutte contre la pauvreté,
conformément aux orientations décrites dans les documents de stratégie de réduction de la
pauvreté (DSRP).

Il est évident que cela ne correspond pas nécessairement avec la description objective
de l’action publique, qui relève le plus souvent de l’économie politique. De ce point de vue, il
sera certainement pertinent de prendre en considération d’autres éléments de l’action
publique, comme le désir de conserver le pouvoir (de gagner les élections, de se maintenir au
pouvoir) ou de maximiser le revenu de ceux qui sont au pouvoir (création de rentes).

Il est clair que dans la pratique, ces motivations interfèrent constamment avec le
processus CDMT, ce qui peut conduire à des allocations publiques sous-optimales (en
conservant par exemple un niveau élevé de dépenses militaires). Néanmoins, l’intérêt des
CDMT n’en est pas réduit pour autant. Ils sont au contraire d’autant plus importants qu’ils
participent à l’amélioration de la transparence des choix publics, notamment en rendant plus
concret le contrôle parlementaire.

Pourtant, le développement d’instruments comme les CDMT a un petit côté


planificateur qui rappelle les planifications centralisées du Gosplan de l’URSS ou d’autres
tentatives de ce genre, assez répandues dans les pays en développement après les
indépendances. Le risque d’une dérive « technocratique » est réel. Il ne peut être combattu par
une simple invocation abstraite du cadre « participatif » dans lequel ils sont censés s’insérer.
Après tout, les plans de développement passés ont souvent été validés lors de grandes messes
« participatives » qui étaient une des manifestations privilégiées de la mise en scène du
soutien des « populations » à des gouvernements fort peu démocratiques.

Sur un plan plus pratique, les CDMT entretiennent des rapports complexes avec une
autre tendance qui se fait jour : celle de l’élaboration de budgets par objectifs (cas de la Loi
Organique de Loi de Finances en France). Ces budgets reposent sur deux principes essentiels :
la définition (démocratique) des objectifs ; la responsabilisation des responsables pour
atteindre ses objectifs, en leur laissant le choix des moyens. Poussé à l’extrême, cela
signifierait que ces moyens ne puissent pas être programmés à l’avance, ou seulement d’une
manière très générale.

6.2 LE CYCLE DES CDMT


Les CDMT s’insèrent dans un cycle d’élaboration, de suivi et d’évaluation des
politiques publiques que représente schématiquement la Figure 1. L’élaboration de la
politique publique à moyen terme (qui s’effectue dans le cadre d’une stratégie globale de
développement) est traduite en termes financiers (les CDMT). La mise en œuvre de ces
programmes se fait par des inscriptions budgétaires, généralement annuelles. Le suivi de la
mise en œuvre de ces politiques doit permettre d’évaluer leur adéquation avec les objectifs
poursuivis, aux différents niveaux (les dotations ont-elle été dépensées ? les actions prévues
ont-elles été entreprises ? quel est l’impact de ces actions ?)

26
Programmation financière M.Raffinot

Sur la base de ces évaluations ont peut alors revenir sur les politiques retenues au
départ, les modifier ou les abandonner si elles n’ont pas produit de résultats satisfaisants, ou
les poursuivre si les résultats ont été conformes aux attentes, ou s’il s’avère qu’un temps plus
long que prévu est nécessaire pour que les impacts se manifestent. L’utilisation d’indicateurs
est utile, mais il faut prendre garde au fait qu’ils peuvent aussi produire des effets
indésirables.

Figure 1 : Le cycle CDMT

Cadrage macro CDMT sectoriels


•Ressources
•Emplois

Évaluation de l’impact CDMT global

des politiques publiques Élaboration

Suivi
Mise en œuvre des politiques
•Administratif
Prise en compte dans le budget
•Société civile annuel (fonctionnement et
•Statistique investissement)

6.3 L’ELABORATION DES CDMT


6.3.1 Permettre une programmation des dépenses publiques à moyen terme, en
tenant compte des contraintes et des objectifs.

Il s’agit de répartir les ressources probables entre missions, programmes (ministères),


pour une période assez longue (5 à 10 ans)

Pas d’objectif sans contrainte

Il est impossible de définir des objectifs si la contrainte n’est pas précisée ! Sans
contrainte, les ministères sectoriels ne peuvent que proposer des programmes correspondant à
des « besoins » forcément subjectifs, qui viseront un programme d’activités irréaliste, ou
même la maximisation des dépenses publiques du secteur.

C’est un problème que l’on a souvent rencontré dans le cadre de l’élaboration des
budgets programmes, par exemple au Mali et au Burkina Faso en 1997 (Mesple-Somps et

27
Programmation financière M.Raffinot

Raffinot 2003), ou en Mauritanie en 2001, lors de l’élaboration des premiers CDMT


sectoriels.

Une procédure en trois étapes

• Calculer le montant des ressources soutenables (sans endettement excessif) :


c’est la contrainte budgétaire
• Calculer le montant des dépenses possibles
• Répartir ces dépenses entre les secteurs ou missions

L’élaboration des CDMT ne peut se faire que par une procédure itérative (des allers et
retours entre les différents éléments). Au minimum, cette procédure comporte :
• Une allocation de référence entre secteurs
• Une analyse des objectifs et des coûts dans chaque secteur
• Une mise en cohérence des CDMT sectoriels
• Un arbitrage entre secteurs
• Un retour sur les objectifs

La
Figure 2 illustre cette procédure

Figure 2 : Procédure d'élaboration itérative du CDMT

CDMT santé
Coûts/objectifs

CDMT global
CDMT éducation
Coûts/objectifs
(Arbitrages)

CDMT
infrastructures,
développement
rural, etc.
CDMT Sécurité
Défense, Police

28
Programmation financière M.Raffinot

6.3.2 Calcul des ressources

Trois types de ressources doivent être pris en considération :


• Impôts et taxes
• Dons
• Financement net

Ressources propres

Il s’agit normalement de la part la plus importante. Les ressources propres se


composent des recettes fiscales et non fiscales
Recettes fiscales

L’approche macro-économique consiste à lier les recettes fiscales à l’évolution de


l’activité économique.

Le plus simple consiste à lier le montant des recettes fiscales T au PIB Y

T=tY

Comme les différentes composantes de l’économie ne sont pas taxées de la même


façon, il peut être utile de décomposer la « base taxable » en différents éléments. Par exemple
(ne notant M les importations, RDM le revenu disponible des ménages et TREND une
variation autonome en fonction du temps :

T = t1 Y + t2 M + t3 RDM + TREND

Toutefois, cela n’est pas forcément très performant à long terme, puisque l’on suppose
généralement qu’une réforme fiscales est susceptible.

Quoiqu’il en soit, le problème est de prévoir l’évolution de l’économie à moyen ou


long terme (LT). Dans ce but, on raisonne le plus souvent en termes d’offre (quoique certains
modèles permettent de tenir compte à la fois de la variation simultanée de l’offre et de la
demande). Ce qui caractérise le LT, beaucoup d’éléments que l’on peut considérer constants à
CT deviennent variables. C’est le cas notamment :
• Du stock de capital et de capital humain
• De la démographie, de la structure par âges
• Des prix, si l’on considère qu’à moyen terme ceux-ci vont tendre vers leur
niveau d’équilibre.
Dans les approches traditionnelles, on considérait que le taux de croissance de
l’économie est essentiellement lié aux investissements en capital physique. Dans les
approches nouvelles, on tient compte de nombreux déterminants de la croissance mis en avant
par les théories (notamment les théories de la croissance endogène) et les analyses
empiriques.

Approche traditionnelle : lien avec la FBCF (publics et privés)

On représente souvent la croissance comme déterminée par un lien entre augmentation


du produit et investissement (en volume). Le coefficient correspondant (accroissement de la
production divisé par l’accroissement du stock de capital) se nomme ICOR (Incremental

29
Programmation financière M.Raffinot

Capital Output Ratio). C’est ainsi que fonctionnaient les modèles de type Harrod Domar, ou
le modèle RMSM (Revised Minimum Standard Model) de la Banque mondiale.

Approche nouvelle :

Dans les approches nouvelles, la croissance est mise en relation avec un ensemble de
facteurs qui agissent directement ou indirectement (via l’investissement) sur la croissance à
long terme. Ceci ne fait que renouer avec les anciennes approches de la planification, qui
soulignaient l’importance de l’éducation et de la santé, par exemple (et proposaient même de
considérer les dépenses correspondantes comme de l’investissement). La différence
essentielle est que dans les années soixante et soixante dix, les bases de données disponibles
ne permettaient pas d’évaluer empiriquement l’impact de ces différents éléments.

Parmi ces déterminants multiples de la croissance, les plus souvent mentionnés sont :
• Capital humain
• Rattrapage (niveau de départ)
• Dépenses publiques
• Gouvernance, corruption
• Institutions (respect des droits de propriété, etc.)
• Fractionnement ethnique (relation non linéaire)
• Dotation en matières premières (relation non linéaire)
• Montant de l’aide (possibilité de dutch desease)
• L’endettement et le surendettement (debt overhang)

Il faut prendre garde au fait que pour être cohérent, le DSRP devrait donner la priorité
aux éléments qui sont considérés comme déterminants pour la croissance. Ce n’est souvent
pas le cas (par les exemple, les politiques prioritaires concernent l’enseignement primaire
alors que c’est l’enseignement secondaire qui est significatif en termes de croissance).

Approche pratique

En pratique, par exemple dans les DSRP, les premières années de projection relèvent
de méthodes de court terme, alors que les années suivantes relèvent du moyen terme. Il y a
donc un équilibre difficile à trouver entre des techniques qui relèvent de la projection de
l’offre et celles qui relèvent de la projection de la demande.

Dans ces conditions, si l’on veut rester réaliste, il est utile de se rapprocher des experts
sectoriels, et de tenir compte des évolutions sectorielles prévisibles. En effet, beaucoup de
données disponibles à leur niveau ne sont pas capturées par les modèles. C’est par exemple le
cas de l’épuisement des gisements (pétrole, minerais), celui de l’impact de changements en
cours (irrigation). Plus précisément, il serait utile d’obtenir des responsables techniques un
certain nombre de scénarios, de manière à faire la relation entre les coûts (par exemple des
investissements sectoriels), ou les autres éléments exogènes, et les performances. Par
exemple, la vitesse d’épuisement d’un gisement pétrolier dépend, toutes choses égales par
ailleurs, de l’évolution du prix du pétrole.

Néanmoins, un problème important demeure. Le taux de croissance pris comme


hypothèse ne nous renseigne que très peu sur l’impact en termes de réduction de la pauvreté.

30
Programmation financière M.Raffinot

Recettes non fiscales

Il n’existe pas de technique particulière pour projeter les recettes non fiscales.
Lorsqu’on ne dispose pas d’informations spécifiques, et que les années de base ne sont pas
marquées par des recettes ponctuelles non pérennes, on les projette en utilisant le même taux
de croissance que celui du PIB.

Si l’on dispose d’informations spécifiques sur des évènements futurs probables


(comme par exemple un programme de privatisations, ou un projet de vente de licences), cette
information peut être utilisée, à condition qu’elle soit réaliste (les programmes de
privatisation, par exemple, mettent souvent plusieurs années avant de se traduire par des
recettes, et ils se traduisent en général antérieurement par des dépenses).

Dons

Il faut considérer plusieurs catégories.

Dons projets

Le montant de ces dons ne peut croître rapidement, car il faut que des projets précis
soient identifiés. Il faut vérifier que la contrepartie sous forme d’investissements ou de
dépenses de fonctionnement est prise en compte au niveau des dépenses publiques sur le
budget national.

Dons programmes

Les dons programmes dépendaient en principe du déficit prévisionnel dans le cadre


des ajustements structurel (déficit calculé après compression des dépenses)

Dans l’approche nouvelle de l’aide budgétaire, à laquelle adhère théoriquement la


grande majorité des bailleurs de fonds, les montants devraient augmenter de manière sensible.
Il seraient toujours lié au déficit prévisionnel, mais ce déficit étant calculé en prenant en
compte les dépenses nécessaires pour atteindre les objectifs convenus (que la communauté
internationale s’est engagée à financer).

Réductions de dette

Les réductions de dettes sont des dons, même s’ils n’apparaissent pas comme tels dans
les TOFE. Lorsque les réductions de dette sont accordées en termes de stocks, elles se
traduisent par une suite de réductions sur le montant prévu du service de la dette (elles ne
fournissent pas d’argent frais).

Dans l’initiative PPTE, toutefois, les choses sont un peu plus compliquées puisque les
sommes libérées doivent faire l’objet de dépenses susceptibles de réduire la pauveté.

Enfin, il n’est pas évident que pour un pays particulier, on puisse considérer les
réductions de dette comme additionnelle par rapport aux dons classiques. On peut constater
que très souvent, les réductions de dette se substituent aux financements antérieurs, si bien
que le total des dons ne progresse pas.

31
Programmation financière M.Raffinot

Financement net

Les amortissements de la dette (remboursements de capital) sont connus en ce qui


concerne la dette déjà contractée au moment où s’effectue la projection. Les amortissements
concernant les emprunts endogènes (générés par la projection) sont calculés (voir plus haut,
soutenabilité de la dette).

Dans les projections, les emprunts nouveaux (tirages) constituent le solde emplois –
ressources. Il est possible de faire apparaître les emprunts déjà identifiés, et un gap de
financement. Cela permet sans doute de juger pour les premières années du caractère réaliste
ou non de la projection. Mais cela ne change rien sur le fond, puisque le gap doit alors être
considéré comme un nouvel endettement.

Il reste alors à analyser si la dette ainsi générée est soutenable. Le sens de ce terme peut être
interprété de plusieurs façons. On peut considérer que c’est le cas lorsque que l’on ne dépasse
pas un certain seuil, mais cela reste assez arbitraire. On peut considérer qu’il s’agit de montrer
que la dette ne s’oriente pas vers un sentier explosif (que le taux d’endettement ne cesse de
progresser) – en vérifiant que la trajectoire ne constitue pas un jeu de Ponzi, c'est-à-dire que la
soutenabilité de la dette n’est pas acquise au prix d’emprunts de plus en plus considérables.)

Dans des projections à 10 ou 15 ans, cela suffira sans doute. Pourtant, il sera prudent de
vérifier que la dette reste soutenable dans tous les cas (face aux principaux chocs
envisageables).

6.3.3 Mais peut-on vraiment chiffrer la contrainte budgétaire dans les pays en
développement ?

La notion de contrainte budgétaire est claire en théorie. Dans la pratique, toutefois, les
choses sont plus confuses. D’abord parce que les ressources sont instables, au point que l’on
puisse s’interroger sur le sens d’un exercice de programmation à moyen terme. Ensuite, parce
qu’on peut avoir le sentiment surtout dans les pays les plus pauvres, qu’il n’existe pas
vraiment de « plafond » à la capacité de financement extérieur et que les montants varient de
manière totalement imprévisible.

L’instabilité des ressources externes

Elle tient à de nombreuses causes. L’instabilité des financements extérieurs résulte soit
de la faible capacité d’absorption, soit de processus bureaucratiques et budgétaires dans les
pays donateurs, soit encore du jeu des conditionalités.

Ressources locales

Les ressources locales peuvent être aussi très instables. Une des raisons à cela est
qu’elles ne sont pas forcément directement liées à l’activité économique (qui est déjà en soi
assez instable). Comme les contribuables ne sont pas systématiquement répertoriés, et que la
corruption est souvent importante parmi les corps chargés du recouvrement des impôts et
taxes, le montant recouvré dépend aussi bien de l’évolution de la base taxable que de
l’incitation des corps de recouvrement.

32
Programmation financière M.Raffinot

Il faut noter toutefois que ceci ne rend pas forcément les recettes publiques moins
prévisibles. Dans la mesure où les arrangements entre le gouvernement et les corps de
recouvrement sont assez stables, on peut déboucher sur une situation où les recettes publiques
restent assez stables, malgré l’instabilité de l’économie.

6.3.4 Calcul du montant des dépenses

Une fois que les ressources totales sont chiffrées, il faut évaluer le montant des
dépenses primaires.

Dépenses primaires = dépenses totales – intérêts sur la dette publique

C’est ce montant (que l’on nomme aussi enveloppe disponible) qui peut être réparti
entre les différents secteurs, et qui devrait l’être de manière optimale. En théorie, les choses
ne sont pas aussi simples, puisque la répartition des dépenses jouera sur la croissance, et sur
son efficacité en termes de réduction de la pauvreté.

L’idée que cette enveloppe disponible peut être répartie de manière optimale dans un
but de maximiser la croissance ou réduire la pauvreté est toutefois largement théorique. Elle
correspond à l’idée d’un budget base zéro (zero base budgeting). Il s’agirait de rechercher une
répartition optimale de l’enveloppe disponible en fonction des objectifs retenus.

En pratique, cela n’est guère envisageable. La pratique budgétaire dans les pays de
tradition française est de distinguer les « services votés » et les « mesures nouvelles ».
Usuellement, les Parlements ne discutent que les mesures nouvelles, les services votés (les
dépenses déjà budgétisées les années précédentes qui ont donné lieu à des paiements effectifs)
ne sont pas remis en cause. Cela entraîne une grande rigidité et des dysfonctionnements
(notamment un incitation à dépenses les dotations allouées). Mais il est difficile de remettre
en cause chaque année l’ensemble des dépenses car le dispositif administratif est loin d’être
modifiable facilement d’une année à l’autre.

Le groupe central d’élaboration du CDMT global pourra considérer plusieurs niveaux


de dépenses publiques soutenables correspondant à des scénarios optimistes ou pessimistes.
L’essentiel est d’aboutir à une fourchette raisonnable. Cette fourchette sera ensuite répartie
entre les secteurs ou ministères pour donner une indication aux personnes chargées d’élaborer
les CDMT sectoriels. Là aussi il sera utile de transmettre une fourchette, de manière à ce que
les secteurs puissent préciser les actions à entreprendre dans le cas le plus défavorable, et
aussi celles qui seraient privilégiées si les ressources additionnelles étaient disponibles. Cette
définition des priorités est essentielle pour que la gestion du processus soit possible.

Calcul au niveau sectoriel

Au niveau sectoriel, il s’agit de programmer les dépenses publiques (de


fonctionnement et d’investissement) en fonction d’objectifs bien définis. Il peut s’agir des
Objectifs de Développement du Millénaire (ODM), mais le CDMT sectoriel doit justement
permettre de déterminer s’il est réaliste de chercher à les atteindre, ou s’il vaut mieux se fixer
des objectifs moins ambitieux.

La base de l’élaboration des CDMT sectoriels est l’analyse des politiques passées et de
leurs résultats. Ceci a été fait dans le passé à travers les Revues de dépenses publiques, mais

33
Programmation financière M.Raffinot

les résultats ont souvent été décevants, en ce sens que les recommandations résultant des
analyses effectuées dans ces revues semblent rarement avoir été prises en compte.

Pour calculer les coûts des programmes sectoriels il est possible :


• D’utiliser des coûts standards (coût d’une école standard, d’un enseignant, etc.)
• De tenir compte des coûts fixes (le personnel du ministère ne croît pas aussi
rapidement que l’activité, ce qui génère des économies d’échelle)

Dans un tel calcul, il est impératif de tenir compte à la fois des dépenses de
fonctionnement et d’investissement (prendre en compte ce que l’on nommait « dépenses
récurrentes »). La budgétisation séparée de ces deux éléments ne peut conduire qu’à des
problèmes et des dysfonctionnements.

Le CDMT sectoriel peut difficilement s’établir en une seule fois. Partant d’un objectif
(au moins provisoire), il faut en effet envisager toutes les possibilités de l’atteindre. Ceci
suppose une bonne connaissance des relations coûts/performance/résultats. Cette
connaissance peut être fondée sur des analyses théoriques, mais aussi et surtout sur l’analyse
des résultats des politiques menées dans le pays et dans d’autres pays.

Il s’agit de rechercher la combinaison qui assure les meilleurs rapport coût / résultats.

Ceci peut se faire soit à

a) objectif donné en minimisant le coût.

b) coût donné en maximisant les objectifs

Beaucoup de propositions tournent autour des possibilités de réduire les coûts


unitaires. C’est par exemple la solution préférée des organisations internationales pour
atteindre la scolarisation universelle : engager des moniteurs de l’enseignements primaire qui
n’ont pas le statut de fonctionnaire et sont peu formés et sous-payés. Dans les pays où les
salaires statutaires sont déjà très faibles, il ne faut pourtant pas oublier de prendre en
considération l’approche par le salaire d’efficience, qui lie la productivité à la rémunération.

En pratique, la détermination de la meilleure méthode est un exercice très difficile, car


il remet nécessairement en cause les situations acquises (dans l’esprit des réformes
budgétaires anglo-saxonnes, il devrait conduire à mettre en concurrence le service public avec
d’autres fournisseurs potentiels du même service).

Dans sa logique ultime, cet exercice remet en cause le découpage sectoriel des
ministères, ce qui est un obstacle supplémentaire. En effet, par exemple, la réduction de la
mortalité infantile ne concerne pas seulement le ministère de la santé. La qualité de l’eau et
l’assainissement, sans parler de la formation des mères, jouent sans doute un rôle déterminant.

6.3.5 Mise en cohérence et arbitrages intersectoriels

Mise en cohérence du programme global

Une seconde étape, très rarement effectuée, devrait consister à prendre en compte les
interrelations entre secteurs. Il s’agit là pourtant en théorie d’une étape très importante, parce

34
Programmation financière M.Raffinot

que les effets d’une série de dépenses ne sont pas la somme des effets de ces différentes
dépenses publiques.

Exemple : l’extension de la vaccination (ou de la fourniture d’eau potable) doit réduire


la mortalité infantile et ainsi augmenter le nombre des élèves à scolariser.

La mise en cohérence doit tenir compte de l’ensemble des négociations en cours. Elle
ne pourra fonctionner correctement si elle est réalisée par une petite équipe du ministère des
finances.

Par exemple, dans le domaine de la vaccination au Cameroun, on constate que les


documents comme le DSRP ou le CDMT (élaborés par le Min Finances) présentent un
programme de croissance continue des dotations pour le programme de vaccination élargi.
Alors que le document plus technique (plan de viabilité financière, élaboré par le Min Santé
en collaboration avec les techniciens du Fonds mondial pour la vaccination) présente un profil
très différent. En effet, sur le plan technique, il apparaît pertinent de mettre beaucoup d’argent
à certains moments pour éradiquer une maladie…ce qui permet de supprimer les dotations
budgétaires les années suivantes.

Arbitrages intersectoriels

C’est une partie encore plus délicate de la confection du CDMT. Combien faut-il
allouer à la santé ? Combien à l’éducation ? Combien aux infrastructures de transports ?

A la fin de la seconde guerre mondiale, ce problème a été abordé d’une façon


extrêmement ambitieuse. L’approche de la RCB (rationalisation des choix budgétaire, PPBS)
visait à donner une base de comparaison entre les secteurs. Il faut pour cela donner une valeur
à l’ensemble des résultats attendus, que ce soit l’amélioration du transport (valeur du temps
économisé), l’augmentation des connaissances, l’amélioration de l’environnement (volonté de
payer), la réduction de la mortalité (coût de la vie humaine), etc.

Sur le plan éthique, une telle démarche est souvent perçue comme choquante. En fait,
elle est à l’œuvre implicitement, dès lors que l’on effectue des choix. Peut-être vaut –il mieux
les rendre explicites.

Sans systématiser l’approche, il est parfois possible d’effectuer des comparaisons plus
simples. Par exemple, comparer le nombre de personnes sorties de la pauvreté dans le cas de
dépenses comparables dans différents secteurs.

6.3.6 En pratique : des CDMT uniquement décoratifs ?

Dans les DSRP de première génération, beaucoup de CDMT présentés étaient


purement décoratifs (comme les cadrages macro-économiques qui constituaient en principe
leur support). La répartition des dépenses entre ministères était présentée sur la base
d’engagements (faire croître la part du budget de l’éducation, de la santé dans le total), mais
sans relation :
• avec les activités
• avec les objectifs

35
Programmation financière M.Raffinot

6.3.7 Qui élabore le CDMT ?

C’est une question difficile. A priori, il s’agit d’un effort de budgétisation à moyen
terme. La direction du Budget paraît donc naturellement désignée (surtout si l’on met fin au
dualisme préjudiciable entre budget de fonctionnement et budget d’investissement).
Toutefois, le CDMT repose sur un cadrage économique qui rend nécessaire l’implication
d’une entité comme un direction de la Prévision ou de l’Economie (au moins sur le plan
technique). Enfin, le CDMT doit traduire des arbitrages intra et inter-sectoriels. Ces arbitrages
doivent être préparés techniquement par un organisme très compétent, mais ils ne peuvent
qu’être effectués au plus haut niveau si l’on veut qu’ils soient acceptés et qu’ils se traduisent
dans les faits.

Le fait que les CDMT soient liés aux questions de lutte contre la pauvreté plaide
également pour une implication de l’unité de pilotage du DSRP, lorsqu’elle existe, afin que la
budgétisation et les arbitrages tiennent compte de l’objectif de réduction de la pauvreté (dans
une optique de croissance réductrice de pauvreté).

Le rôle essentiel des cellules de programmation

Il faut enfin souligner que l’élaboration des CDMT dépend de manière cruciale des
cellules ministérielles de programmation. Ce sont les seules à disposer des informations
techniques et économiques nécessaires, à pouvoir jouer le rôle d’interface entre les
techniciens d’un secteur et les économistes et budgétaires. Il faut donc les renforcer et y
affecter des cadres bien formés (sur le double plan technique et économique) et bien motivés.

6.3.8 Gestion de l’instabilité

Compte tenu de l’instabilité, qui est une donnée de départ, on sait que le CDMT ne
peut être considéré comme un document écrit une fois pour toutes, qu’il suffirait d’appliquer.
Ceci est d’ailleurs contraire aux nouvelles méthodes de budgétisation par objectifs, et aussi à
la généralisation de l’aide budgétaire.

La réponse donnée depuis longtemps à ce problème consiste à élaborer un « noyau dur


de dépenses publiques » : il s’agit d’un ensemble de dépenses réalisables en tout état de cause,
auxquelles doivent être accordées une priorité absolue. Il n’est pas vraiment utile d’en
démontrer une fois de plus la pertinence, lorsqu’on constate qu’aucun pays à ma connaissance
(et cela est vrai aussi pour les pays de l’OCDE) n’a été capable de le mettre en œuvre.

En fait, l’existence d’un noyau de dépenses publiques lie les mains du gouvernement.
Dans les cas où des problèmes se manifestent, les gouvernements préfèrent le plus souvent
pouvoir générer librement les coupes budgétaires et les ré-allocations.

6.3.9 Mise en œuvre

Lorsque l’élaboration du CDMT a été faite correctement, le plus dur reste à faire. Il
faut en effet :
• Le réviser périodiquement lorsque de nouvelles informations sont devenues
disponibles, et ne fonction de l’évaluation de la mise en œuvre.
• Préparer une nouvelle version complète de manière à ce qu’elle soit disponible
quand commence le processus d’élaboration budgétaire.

36
Programmation financière M.Raffinot

Encore une fois, l’objectif n’est pas de disposer d’un programme à suivre en toutes
circonstances. L’objectif est de s’adapter le mieux et le plus vite possible à des situations
nouvelles. Ceci sera d’autant plus facile que ces éventualités auront été anticipées et
collectivement analysées de manière à établir un consensus sur les actions à entreprendre.

37
Programmation financière M.Raffinot

Références :

Aerts Jean-Joël,, « Présentation du modèle macroéconomique TABLO, Modèle standard de projection


à court-moyen terme de la CCCE », juin-septembre, STATECO, n° 58/59, 1989.

Agénor Pierre-Richard et Montiel Peter, Development Macroeconomics, Princeton University Press,


Princeton, New Jersey.

Ames B., Brown W., Devarajan S.& Izquierdo A., “Macroeconomic Policy and Poverty Reduction”,
Source Book, draft for comments, avril 2001, www.worldbank.org

Banque mondiale : Manuel de gestion des dépenses publiques, téléchargeable sur internet (en français)
à www1.worldbank.org/publicsector/pe (le chapitre 3 est consacré aux CDMT).

Barth Richard & William Hemphill, Financial Programming and Policy, the Case of Turkey, IMF
Institute, 2000, IMF, Washington.

Carnot Nicolas & Tissot Bruno, La Prévision économique, Economica, Paris, 2002.

Cling JP, Razafindrakoto Mireille & François Roubaud, Les nouvelles stratégies internationales de
lutte contre la pauvreté, Economica, 2003.

Collange Gérald et Jourcin Eric, "Le modèle PRESTO, un nouvel outil de projections
macroéconomiques et financières pour la Caisse Française de Développement", STATECO, n° 83-
84, pp. 33-44, 1995.

IMF Institute, Financial Programming and Policy: The case of Sri Lanka, International Monetary
Fund, Washington, D.C.,1996.

Institut du FMI, Analyse et programmation financières, application à la Côte d’Ivoire, FMI,


Washington D.C., 1984.

Institut du FMI, Programmation financière : méthode et application à la Tunisie, FMI, Washington


D.C., 1999.

Jacquemot Pierre et Raffinot Marc, La nouvelle politique économique en Afrique, EDICEF-AUPELF


(France : diffusion Ellipses), 1993.

Lenain Patrick, Le FMI, La découverte, coll. Repères, 2004.

Martens André et Decaluwe Bernard, Le cadre comptable macroéconomique et les pays en


développement, Karthala, 1996.

MEF-GTZ, L’instrument automatisé de prévision, une maquette macro-économique pour gérer


l’économie du Burkina Faso, 2 tomes, Ouagadougou, décembre 1997.

Mesple-Somps Sandrine & Raffinot Marc, Réforme budgétaire et gestion par les objectifs dans les
pays à faible revenu, Document de travail DIAL, DT 2003/13. 2003. Disponible sur
www.dial.prd.fr

Ministère de l’Economie, des Finances et du Plan – GTZ, Instrument automatisé de prévision (IAP),
version 1.1., Manuel d’utilisation et note méthodologique, Ouagadougou, mars 1995.

38
Programmation financière M.Raffinot

Ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie, 30 ans de Prévision et de Conseil, 1965-1995,


Actes du Colloque à l’occasion du trentenaire de la direction de la Prévision, Les Editions de
Bercy, Paris, 1997.

Raffinot Marc, Statistiques, prévisions et politique économique, systèmes d’information pour la


politique économique dans les pays en développement, la Documentation Française, Ministère de
la Coopération, Paris. 1988.

Raffinot Marc, Dette extérieure et ajustement structurel, EDICEF-AUPELF (diffusion Ellipses), 1991.

Raffinot Marc, « Cadre macro-économique, instruments d’analyse et politiques de lutte contre la


pauvreté », Communication à l’atelier régional sur l’adaptation des instruments d’analyse
économique au contexte CSLP, GTZ, Ouagadougou, Burkina Faso, 8 au 12 octobre 2001.

Razafindrakoto Mireille, « Un dispositif pérenne de suivi macroéconomique. Le cadre d'utilisation du


modèle Prestomad”, STATECO, n°95-97, 2000, disponible sur
http://www.dial.prd.fr/dial_publications/PDF/STATECOPDF/stateco959697/Chap9razafindrakoto
.pdf

Tarp Finn, Stabilization and Structural Adjustment, macroeconomic frameworks for analysing the
crisis in sub-saharan Africa, Routledge, Londres et New York, 1993.

La programmation financière fait également l’objet d’un CD-ROM publié par le FMI.

39
Programmation financière M.Raffinot

ANNEXE 1:
LE MODELE DE BASE DE BUDGETS ECONOMIQUES
(type PRESTO de l’AFD)

Le modèle utilisé en pratique pour les budgets économiques peut se présenter de


manière simplifiée en raisonnant sur les agrégats, au niveau des marchés des biens et services,
des devises, de la monnaie – en ajoutant les comptes de l’Etat. Pour simplifier encore, on
présentera ici le cas d’une économie à faible revenu, dans lequel la totalité de la dette
extérieure est publique, et dans laquelle le financement du déficit public est entièrement
assuré par la création monétaire (pas de marché financier interne pour les titres publics). Pour
mettre en évidence les relations essentielles sans trop compliquer le raisonnement, on suppose
que les prix sont fixes (il n’y a donc pas de différence entre volume et valeur).

Dans ce qui suit, les symboles utilisés sont les suivants (en valeur courante) :
Y est le PIB ; Z le niveau des importations CAF ; Cp la consommation privée ; G la
consommation publique (égale à la production publique), Ip l’investissement privé, Ig
l’investissement public, et X le montant des exportations, T le montant des taxes, m la
propension moyenne à consommer, c la propension à consommer et t le taux de pression
fiscale.

1) ERE

Y + Z = + Cp + G + Ip + Ig + X

avec G, Ig, Ip et X exogènes (G= G , Ig = Ig , Ip = Ip , X = X ) auxquelles s’ajoutent


trois équations de comportement (m, c sont constantes à court terme et t résulte d’une décision
des autorités publiques):

Z = mY
Cp = c (Y-T)
T=tY

La première équation donne alors la valeur de Y :

G + Ig + Ip + X
Y=
1 + m + c(t − 1)

Les équipes du FMI procèdent autrement : on se donne Y, et l'on obtient Cp par solde
(et non par l'équation mentionnée). L’identité est respectée, mais l’évolution de Cp peut
devenir inexplicable sur le plan économique lorsque les hypothèses sur les autres agrégats
sont trop divergentes.

2) TOFE

T - G - Ig - r D - r*D* - TR = DEF = FINEX + FININT

Dans cette équation, r est le taux d’intérêt sur la dette intérieure (respectivement
extérieure avec *) et D l’encours de cette dernière . TR représente les transferts intérieurs.
DEF est le déficit global. FINEX est le financement extérieur net, et FININT est le

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Programmation financière M.Raffinot

financement intérieur net (qui équivaut ici à la variation de la position nette du


gouvernement).

Si l'on se donne TR et FINEX, on obtient FININT

3) BALANCE DES PAIEMENTS

X - Z - r*D* + FINEX + APP = ∆R

Dans cette équation, APP représente l’ensemble des autres postes privés (transferts,
mouvements de capitaux nets, investissements directs, etc.)

Si l’on se donne APP, l’équation donne ∆R (la variation des réserves).

Si l’on considère ∆R comme un objectif (c’est ce que fait le FMI), l’équation de


balance de paiements détermine alors Z.

4) SITUATION MONETAIRE

∆M = ∆R + FININT + FINECO

Avec l’hypothèse de constance à court terme de la vitesse de circulation de la monnaie


v:

M = Y/v, ce qui implique que ∆M = 1/v ∆Y

Le crédit à l'économie apparaît donc comme un solde. Il peut être ou non cohérent
avec l’évolution économique postulée (ce qui suppose qu’il n’existe pas une différence trop
importante entre le taux de croissance du crédit à l’économie et celui du PIB). Si la différence
est trop importante, il faut reprendre le processus et modifiant les hypothèses.

∆R doit être comparé à l'objectif fixé au début du programme.

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Programmation financière M.Raffinot

ANNEXE 2:
LE MODELE DE LA BANQUE MONDIALE (RMSM)

Contrairement aux modèles qui viennent d’être exposés, le modèle RMSM est un
modèle dynamique. Il met en relation des variables de périodes différentes : le PIB d’une
années dépend de l’investissement de l’année précédente.

Le modèle RMSM est construit sur la base des modèles de Chenery dans les années
soixante-dix (double déficit). Sa dernière version est disponible sur le site de la Banque
mondiale, (www.worldbank.org)

La version de base se présente ainsi :

Y = Y-1 + ƒY (pleine utilisation des capacités de production)

ƒY = I / k (k est un paramètre dénommé ICOR pour Incremental Capital Output Ratio)

X = X*

Z = mY

Y = C+I+X-Z

Il en résulte :

Soit : version alternative (Cg devient un objectif):

C = Y - I - X* + Z Cp = (1-s) (Y-T)
C = Cp + Cg = Y- I- X*+ Z

ƒR = ƒR* (objectif)

et ƒF = Z - X* + ƒR

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Programmation financière M.Raffinot

Encadré n°1
Projection du PIB : détermination dynamique et détermination par le circuit

• Détermination dynamique :
Elle lie le PIB de l’année t, Yt à certaines variables de l’année précédentes. Par
exemple, la détermination classique par l’investissement I à l’aide du coefficient de capital v
donne :
Yt = Yt-1 + It-1/v

• Détermination par le circuit.


C’est la détermination macro-économique traditionnelle. Si l’équilibre ressources
emplois s’écrit (en notant M les importations, Ip l’investissement privé et Ig
l’investissement public, X les exportations et G les dépenses publiques) :

Y + M = C + G + Ip + Ig +X

Il suffit de considérer comme exogènes les évolutions de G, Ig, X et Ip et M et C


déterminées par des relations avec le PIB (par exemple M = m Y et C = c (1-t) Y, en
supposant une pression fiscale constante) pour que Y soit déterminé de manière univoque.
Si l’on suppose une loi d’évolution dans le temps d’au moins un agrégat exogène, par
exemple G, il en résulte une chronique correspondante de Y.

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Programmation financière M.Raffinot

ANNEXE 3:
PROJECTIONS DE L’EQUILIBRE RESSOURCES-EMPLOIS
UTILISANT UN TABLEAU ENTREES SORTIES (TES)

Le TES est une manière particulièrement utile de présenter les ERE. L'idée de base est
simplement de présenter sous forme de tableau les ERE de chaque produit (en lignes), en
distinguant les consommations intermédiaires suivant les branches qui les produisent, et les
coûts de production (en colonne) ce qui donne la structure décrite par le Tableau 1. Pour
simplifier, on a regroupé en une colonne seulement les utilisations finales (consommations
finales, FBCF, Exportations, variations des stocks).

Tableau 1 : Structure d'un TES


branches Total CI Utilisa- Produc-
tions tions
finales
1 2 3
1 C11 C21 C31 C11+C21+C31 U1 P1
produits 2 C12 C22 C32 C12+C22+C32 U2 P2
3 C13 C23 C33 C13+C23+C33 U3 P3
total CI C11+C12+ C21+C22+ C31+C32+
C13 C23 C33
VA VA1 VA2 VA3
Productions P1 P2 P3

Une utilisation classique du TES concerne la projection de l’équilibre ressources


emplois. Dans les projections à court terme à prix constants, on suppose que les
rapports entre les valeurs ajoutées et les productions (coefficients aij) sont constants,
ainsi que les rapports entre les valeurs ajoutées et la production de chaque branche.
En introduisant ces relations dans un tableur, ainsi que l’égalité de base entre la
production en colonne et en ligne, il et alors facile de calculer le nouvel équilibre
produit par une modification d’un des postes d’emploi final.

Tableau 2 : Structure d'un TES (projection à prix constants)


branches Total CI Utilisations Produc-
finales tions
1 2 3
1 a11*P1=A11 a21*P2=A21 a31*P3=A31 Σ U1 P1
produits 2 a12*P1=A12 a22*P2=A22 a32*P3=A32 Σ U2 P2
3 a13*P1=A13 a23*P2=A23 a33*P3=A33 Σ U3 P3
total CI Σ Σ Σ
VA VA1 VA2 VA3
Productions P1 P2 P3

Pour terminer la projection à court terme, il suffit ensuite de multiplier chaque ligne
par l’indice de prix correspondant (indice base 1 l’année précédente). Le tableau est équilibré
en soldant chaque colonne sur un poste de la valeur ajoutée (le plus souvent l’excédent brut
d’exploitation, la masse salariale étant traitée comme les consommations intermédiaires).

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Programmation financière M.Raffinot

Tableau 3 : Structure d'un TES (projection en valeur)


branches Total CI Utilisations Produc-
finales tions
1 2 3
1 A11*p1 A21*p1 A31*p1 Σ U1*p1 P1*p1
produits 2 A12*p2 A22*p2 A32*p2 Σ U2*p2 P2*p2
3 A13*p3 A23*p3 A33*p3 Σ U3*p3 P3*p3
total CI Σ Σ Σ
VA =P1*p1-Σ =P2*p2-Σ =P3*p3-Σ
Productions P1*p1 P2*p2 P3*p3

Une manière plus sophistiquée de présenter à la fois les ERE et les comptes des agents
(y compris les comptes financiers) est connue sous le nom de Matrice de Comptabilité Sociale
(MACS). Il s’agit de combiner un TES et un Tableau Economique d’Ensemble (qui décrit les
comptes des divers agents ou secteurs institutionnels). De plus, les MACS cherchent à décrire
de manière plus précise les différentes catégories de ménages (agriculteurs, salariés, etc.)

Il n'existe pas, toutefois, de présentation standard, et le volume d'informations


disponibles ne permet pas, en général, de les établir dans les pays africains. Celles qui existent
(par exemple pour le Cameroun ou la Côte d'Ivoire) reposent sur un grand nombre
d'hypothèses et doivent être utilisées avec précaution.

Pour aller plus loin :

Brauers Willem K., Prévisions économiques à l’aide de la méthode entrées-sorties,


Economica, coll. Economie-Poche, 1995.

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