JUIN/JUILLET/AOÛT 2020

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NUMÉRO 6 • 6,95 €

n° 6
À LA DÉCOUVERTE D’UN ART DE VIVRE

Naples
Belle et rebelle
À LA RECHERCHE DES QUARTIERS AUTHENTIQUES SPACCANAPOLI,
RIONE SANITÀ, QUARTIERI SPAGNOLI I LE NAPLES MONUMENTAL
I UN LUNGOMARE TOURNÉ VERS LE GRAND LARGE I CAPODIMONTE 
LE NAPLES BUCOLIQUE I MARCHÉS L’ÂME DE NAPLES I VISITE DES
SOUTERRAINS I LE PLUS GRAND OPÉRA DU MONDE I DÉGUSTER
LE MEILLEUR CAFFÈ D’ITALIE I PIZZA NAPOLITAINE  MAMMA MIA !
I ESCAPADE AUTOUR DE NAPLES LE VÉSUVE, HERCULANUM, POMPÉI…
+trattorias,
Notre carnet d’adresses : shopping, aperitivo, glaces, pizzerias,
restaurants gastronomiques, hôtels de charme…
Testées par nos soins et hautement recommandées !

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Destination

BERGAME City guide

Merveille lombarde MILAN
REPORTAGE HOMMAGE CAPITALE MONDIALE
À LA VILLE MARTYRE DE LA PANDÉMIE DE L’ARCHITECTURE
 JUIN/JUILLET/AOÛT 2020

édito
Numéro 6

Trimestriel - N°6

Juin/juillet/août 2020

3, rue Chateaubriand
63400 CHAMALIÈRES

ÉDITEURS
Christophe BONICEL
06 42 60 79 65
cbonicel@icloud.com
Yves GOUTORBE

RÉDACTION
Rédacteurs
Hélène DUPARC

La dolce vita
helene.duparc@gmail.com
Vivien COUZELAS
v.couzelas@hotmail.fr
Lucie TOURNEBIZE

au cœur
lucietournebize@gmail.com

Secrétaire de rédaction
Gilles DUPUY

Direction artistique
Michèle FILLIAS
Photos
Hélène DUPARC, Vivien COUZELAS,
Lucie TOURNEBIZE
Au moment où nous écrivons ces lignes, nous ne savons toujours pas de quoi notre
Agences AdobeStock et Shutterstock
Photo de couverture : été sera fait. Le Covid-19 sera-t-il enfin terrassé ? Pourrons-nous voyager hors de nos
Naples © ELXENEIZE AdobeStock
frontières ? À ce stade, nous n’en sommes qu’à pouvoir l’espérer… Nous avons assisté,
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Véronique CELERI impuissants, au drame que vivait l’Italie, avec au cœur l’espoir que tout cela se termine au
(33) 6 22 36 84 48
veronique@vasco-editions.com plus vite possible, et l’envie folle de retrouver au plus vite le chemin de ce pays que nous
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31036 Toulouse Cedex - FRANCE En attendant un retour à la normale, nous avons pensé qu’une balade dans la région
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DISTRIBUTION effervescente, avec son dédale de rues grouillantes de vie, son linge aux fenêtres,
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MLP ses pizzas et ses glaces, mais aussi ses trésors d’églises ou de peintures… Et puis ses
Contact réseau France
MEDIASDIF environs, Pompéi et Herculanum, figées dans leur splendeur et leur douleur, ou encore le
Olivier LE POTVIN
02 32 45 44 43. (33) 6 64 65 63 75 Vésuve, ce géant dont la silhouette compose un décor à la fois apaisant et menaçant.
olepotvin@wanadoo.fr
Direction Bergame, ensuite. Souvent ignorée des touristes, cette belle cité du nord de
IMPRESSION
Graphicscalve S.p.A. Italie l’Italie a été particulièrement éprouvée par la pandémie. Aussi, ce reportage se veut-il
Dépôt légal à parution une invitation, en même temps qu’un hommage à une ville dont la visite ne laisse jamais
Commission Paritaire
n° 0520 K 93923 personne indifférent.

Directeur de publication
Pour finir, zoom sur Milan, capitale mondiale du design et de l’architecture. Ces dernières
Christophe BONICEL
années, la métropole lombarde a opéré une mue sans précédent, avec l’apparition de
quartiers nouveaux, ainsi qu’une floraison de gratte-ciel et de buildings avant-gardistes,
Édité par
œuvres des plus grands architectes mondiaux.
Soyons-en sûrs, l’Italie et sa dolce vita n’ont pas fini de nous faire rêver. Et puis surtout,
SARL au capital de 1 000 € voyager, même de façon virtuelle, c’est encore la meilleure façon d’oublier le bien triste
SIRET 819 199 464 00010
Siège Social : 3, rue Chateaubriand épisode auquel nous sommes confrontés.
63400 CHAMALIÈRES
Principaux actionnaires : 
Yves GOUTORBE, Christophe BONICEL
 Prenez soin de vous,
 Christophe BONICEL
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des articles publiés dans Direction Italie sans
accord de la société éditrice est interdite
conformément à la loi du 11 mars 1957
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qui lui sont adressés pour appréciation. Version numérique disponible sur l’appli à télécharger sur l’App Store et Google Play

DIRECTIONITALIE 3
 SOMMAIRE
8 34

Juin/juillet/
août 2020

14 58

Actus 34 Le Naples monumental

6  Les news de l’été Les choses en grand
42 Le quartier du Vomero
City guide Prise de hauteur
46 Le Lungomare et Posillipo
8 NAPLES Balade sur le front de mer
Belle et rebelle 49  Notre carnet de bonnes adresses

Capitale de l’Italie du Sud, Naples l’exubérante n’a Carnet de voyage

rien à voir avec ses congénères plus septentrionales.
Enroulée autour de son magnifique golfe, au pied d’un
Vésuve qu’on dirait géminé, la troisième ville d’Italie
est une métropole superlative. Superlative par son
histoire, par sa densité, qu’elle soit démographique,
monumentale ou religieuse, par son exubérante civilité
urbaine, qui s’exprime dans un tohu-bohu de klaxons,
de sirènes, de cloches, d’invectives, d’embrassades et
Abonnement autres sérénades, par sa vitalité marchande version
Anciens numéros souk oriental, par son kaléidoscope ethnique en
perpétuelle recomposition, par ses mots en dialecte
Pages 124-125 qui se réverbèrent dans les cours cachées, et par ses
esprits qui, la nuit, se frôlent dans les escaliers…
Abonnement groupé
14 Le centre historique
Pages 126-127 Excentrique et plein de vie !
4
DIRECTIONITALIE
56 AUTOUR DE NAPLES
Au-dessous du volcan
« Il est arrivé bien des malheurs en ce monde, mais peu
qui aient provoqué autant de plaisir à la postérité. » C’est
ainsi qu’en 1787, et non sans une pointe de malice,
Goethe évoquait l’incroyable singularité des grands
sites antiques détruits par le Vésuve. Aujourd’hui, son
commentaire est d’autant plus d’actualités que certains
de ces sites ont bénéficié d’une remarquable mise en
valeur, tandis que d’autres gardent encore une large part
de mystère. Quant au volcan, si meurtrier à l’époque, il
constitue aujourd’hui le but de superbes randonnées.
58  Pompéi
Une splendide cité martyre
 TRENTINO
ALTO ADIGE FRIULI
TA
VENEZIA
D’AOS Trento GIULIA
VALLE
78 Bergamo
Aosta VENETO

n° 6
PIEMONTE LOMBARDIA Verona Trieste
Venezia
Torino 108 MILANO 8

L
Parma Modena
Alba

Genova EMILIA Bologna

ROMAGNA Ravenna

IA
UR
LIG
Firenze
Pisa
68 Ancona

100 TOSCANA

MA
Siena

RC
HE
Montalcino
UMBRIA

ROMA ABRUZZO

LAZIO MOLIZE
CAMPANIA Bari
8 Napoli
BA PUGLIA
56 SIL Matera
ICA
TA Lecce

CAL
78 108 ABR
IA

Palermo

SICILIA

68 Herculanum Architecture/Design
L’autre site majeur
72 Vésuve et Champs Phlégréens
108 MILAN
D’un volcan à l’autre Sky is the limit !
À Milan, ni le célèbre Salone del Mobile, véritable
Découverte vitrine de la créativité et du design dans le monde, ni

78 BERGAME la fashion week, qui rassemble le gotha de la mode,

Merveille lombarde
Martyrisée par le fléau du Covid-19, Bergame s’est
trouvée bien malgré elle au cœur d’une pandémie
qui n’aura épargné aucun pays de la planète. Une
publicité dont cette ville du nord de l’Italie se serait
bien passée. Car Bergame, plus que jamais, mérite
une visite approfondie. Propices à l’imagination, ses
rues nous transportent dans un univers médiéval
où pointent ici et là les signes d’une longue et riche
histoire. Lovée aux confins de la plaine milanaise,
Bergame reste connectée à ses traditions et à la
nature qui l’entoure, tels les superbes paysages du
lac d’Iseo. Une vraie respiration, dans une Italie du
Nord hyperactive. Reportage en forme d’hommage.
100  Aux environs de Bergame
Échappée sur le lac d’Iseo
n’ont pu se tenir ce printemps. La faute à la terrible
pandémie que nous subissons tous. Pourtant, dès
que cette crise sera derrière nous, nous retrouverons
avec plaisir la grande métropole lombarde qui fait
preuve d’une audace architecturale parfaitement
décomplexée. Milan a sauté avec enthousiasme dans
le XXIe siècle. Les chantiers se sont multipliés. Menés
par des architectes de renommée internationale,
ils dessinent les contours de la ville de demain.
Agenda
128  Les rendez-vous (sous reserve) de l’été
Mon Italie à moi
130 JOHNNY GAMBACORTA
« La gastronomie italienne
se vit avec tous nos sens »
DIRECTIONITALIE 5
 ACTUS
ÉNERGIE PATRIMOINE

ENI fait
sa révolution verte
D’ici 2050, l’activité
d’ENI va changer
drastiquement.
© AdobeStock

L’énergéticien italien
veut faire de 2020 une
année charnière, avec le lancement d’un plan d’évolution

© Feel good studio AdobeStock

de grande envergure. Claudio Descalzi, son PDG, entend
réorienter l’activité du groupe. D’ici 2050, la production
doit se structurer autour des énergies renouvelables,
qui serviront de levier de croissance. ENI souhaite aussi
réduire de 80 % les émissions nettes de gaz à effet de serre
de ses produits énergétiques. Un objectif supérieur aux
préconisations de l’AIE, qui recommande une réduction de
70 % pour respecter les engagements de l’Accord de Paris.
Le plan de réorientation d’ENI vise à verdir les activités
de l’entreprise, avec une baisse de 80 % des émissions
de CO2 liées aux produits fossiles. Pour ce faire, Claudio
Descalzi veut augmenter la part de gaz dans le portefeuille
énergétique de l’entreprise. Il souhaite également convertir
des raffineries pour les adapter aux biocarburants. ENI
fera aussi le pari de la capture de carbone. Le groupe
ambitionne d’absorber jusqu’à 40 millions de tonnes de
CO2. L’objectif est également d’atteindre la neutralité
carbone dès 2030 pour les activités liées à la production
et à l’exploitation des gisements. Pour concrétiser ce mix
équilibré, l’entreprise compte investir 4 milliards d’euros,
soit un budget 33 % plus élevé que celui prévu dans le
précédent plan stratégique. ENI réservera 2,6 milliards
d’euros au développement des énergies renouvelables.
Son PDG a notamment annoncé qu’il voulait dépasser
la barre des 55 GW de puissance installée en ENR avant
2050. Les autres investissements concerneront l’efficacité
énergétique, ainsi que l’économie circulaire. ✦
• Source : Lenergeek.com
La Via Francigena
en route vers l’UNESCO
La Via Francigena (voie Francigène en français), qui relie Canterbury à Rome en passant par
la France et la Suisse, pourrait se voir bientôt inscrite sur la Liste du patrimoine mondial de
l’UNESCO. Les quatre pays concernés (Grande-Bretagne, France, Suisse et Italie) devraient
déposer une candidature en ce sens dans le cours de l’année. À l’instar du chemin de
Compostelle, la Via Francigena est une importante voie de pèlerinage médiéval. L’historien
Jacques Le Goff la décrit comme « le pont qui relie l’Europe ang lo-saxonne et latine ». Son
histoire remonte à plus de mille ans. En 990, Sigéric, archevêque de Canterbury, alla jusqu’à
Rome pour recevoir du pape Jean XV le pallium, un ornement sacerdotal symbolisant la
communion avec le successeur de saint Pierre. Sur le chemin du retour, Sigéric consigna les
soixante-dix-neuf localités où il fit étape avant de rejoindre son siège épiscopal (quarante-
huit en Italie, sept en Suisse et vingt-quatre en France). Au Moyen Âge, les trois grands
pèlerinages chrétiens étaient ceux qui menaient vers Rome, Jérusalem et Saint-Jacques-de-
Compostelle. De nombreux voyageurs empruntaient alors la Via Francigena, appelée aussi
Via Romea. En 1154, l’abbé islandais Nikulas de Munkathvera suivit le trajet emprunté
par Sigéric à partir du col du Grand-Saint-Bernard. Depuis un quart de siècle, la Via
Francigena connaît un important regain de fréquentation, avec environ quarante mille
marcheurs enregistrés en 2016. ✦
• viefrancigene.org

CULTURE

Les musées italiens s’ouvrent vers l’étranger

En Italie, pays connu pour ses préférences nationales et son administration fossilisée, le recrutement
des directeurs des grands musées est ouvert au monde entier. En témoigne l’appel à candidatures
pour treize postes de directeurs de musées lancé par le ministère des Biens culturels.
« Dans la culture, il n’existe pas d’Italiens et d’étrangers », affirment le ministre de la Culture, Dario
Franceschini, le même qui, en 2014, avait réformé l’organisation des musées sur le modèle français.
En allant toutefois plus loin, par un recrutement ouvert au monde entier pour introduire, dans
les musées italiens, du sang neuf et des méthodes éprouvées ailleurs. « Ouvrir à l’international la
© Michelangelo Artwork AdobeStock

direction des grands musées est un geste spectaculaire, mais qui était absolument nécessaire pour les
musées italiens qui sont dirigés par des historiens de l’art fonctionnaires, non formés à la valorisation
et à la conservation des œuvres. » ✦
• Source : Le Figaro

6
DIRECTIONITALIE

© Florence Piot AdobeStock
TRANSPORTS
Alitalia nationalisé
après la crise du coronavirus
Le Covid-19 risque de provoquer des faillites en rafale dans le transport
aérien. Mais pour certaines compagnies, il sera salvateur. C’est le cas
d’Alitalia, qui, avant même la catastrophe économique actuelle, semblait
une nouvelle fois condamnée sans une nouvelle intervention de l’État
italien ou une hypothétique reprise. En déficit chronique depuis une
vingtaine d’années, la compagnie est placée depuis 2017 sous tutelle
de l’administration, et le gouvernement a jusqu’ici échoué à trouver des
repreneurs : en décembre dernier, deux ans après avoir accordé un prêt
de 900 millions d’euros, il en a accordé un nouveau de 400 millions
d’euros. Alors qu’il aurait été concevable que Bruxelles finisse un jour par
faire respecter le principe du « one time last time » sur les aides d’État,
la situation actuelle permet aujourd’hui à aux dirigeants italiens de
justifier la nationalisation qu’il entend mener. De fait, le gouvernement
a annoncé « prévoir la constitution d’une nouvelle société entièrement
contrôlée par le ministère de l’Économie et des Finances, ou contrôlée par
une société à participation publique majoritaire, même indirecte ». Les délais
et autres modalités plus concrètes de ce projet de nationalisation n’ont pas
été précisés. Selon des médias, Rome a prévu une enveloppe globale de
600 millions d’euros pour l’ensemble du secteur aérien national, dans lequel
Alitalia représente la part la plus importante. ✦
• Source : La Tribune
Big Mamma Célèbre pour
ses plats italiens
ouvre son premier
et ses longues
files d’attente,
restaurant à Lyon
Big Mamma
vient d’ouvrir
un nouveau
lieu en France. Et c’est à Lyon que l’enseigne a posé ses valises.
Avec Carmelo, adresse tendance sise en plein cœur de la capitale
des Gaules, rue Neuve, sur la Presqu’île, le groupe fondé par
Victor Lugger et Tigrane Seydoux a vu grand. Sur 800 m2 et
deux étages, les gourmets sont plongés dans une ambiance très
« ciné-club des années 1960 ». L’entrée se fait notamment via un
« candy shop » vintage à l’italienne. Les murs et les plafonds sont
couverts d’assiettes, de bouteilles de vin, de bocaux de bonbons
et d’objets évoquant le septième art. Le restaurant dispose de
deux cents places assises et d’une carte généreusement garnie, à
On vous dit tout
L’Italie, championne du monde
des vins bio
Selon une
étude, la
consommation
de vin bio
représentait
1,5 % du
marché
mondial du vin en 2013, et 2,85 % en 2019. En 2023, ces mêmes vins
bio pourraient atteindre 3,5 % des ventes mondiales, si l’on en croit les
prévisions. Et dans ce domaine, ce sont les Italiens et les Espagnols qui
dominent le monde : avec 708 millions de bouteilles produites en 2018,
l’Italie est même le pays qui fabrique le plus de vin bio. Mais pourquoi
les Italiens sont-ils si performants ? Pour Régine Le Coz, œnologue et
conseillère viticole, si nos voisins transalpins cartonnent en matière de
vin bio, c’est d’abord une question d’histoire. « Dans les années 1960, si
vous aviez de l’argent pour financer des produits phytosanitaires et faire
du traitement, vous le faisiez, confie cette spécialiste du vin, créatrice de
plusieurs concours internationaux. C’est ce qui a été fait à tour de bras en
France. Moins en Italie. La conversion des vignobles est donc plus simple ici,
c’est forcément plus facile pour un vigneron qui a utilisé moins de produits
dans ses vignes. » L’Italie a un autre avantage sur ses voisins européens :
le vignoble de la Péninsule dispose d’« un meilleur rendement à l’hectare »,
selon Nicolas Richarme, président de l’association interprofessionnelle Sud
Vin Bio. ✦
• Source : 20minutes.fr
© DR
forte tendance végétarienne, élaborée par le chef Idriss Laghlimi. Au
menu : burrata, empanadas au fromage, pâtes fraîches maison aux
légumes et champignons, desserts gourmands…
• Carmelo, 7, rue Neuve, à Lyon. bigmammagroup.com
DIRECTIONITALIE 7
 NAPLES
Belle et rebelle
Capitale de l’Italie du Sud, Naples l’exubérante n’a rien à voir avec ses congénères plus
septentrionales. Enroulée autour de son magnifique golfe, au pied d’un Vésuve qu’on
dirait géminé, la troisième ville d’Italie est une métropole superlative. Superlative par
son histoire, par sa densité, qu’elle soit démographique, monumentale ou religieuse, par
son exubérante civilité urbaine, qui s’exprime dans un tohu-bohu de klaxons, de sirènes,
de cloches, d’invectives, d’embrassades et autres sérénades, par sa vitalité marchande
version souk oriental, par son kaléidoscope ethnique en perpétuelle recomposition,
par ses mots en dialecte qui se réverbèrent dans les cours cachées,
et par ses esprits qui, la nuit, se frôlent dans les escaliers…
Textes HÉLÈNE DUPARC

8
DIRECTIONITALIE
 City guide

DIRECTIONITALIE 9
© Nadezhda Kharitonova shutterstock
 © Evgeni Fabisuk AdobeStock
N
aples, plus qu’une découverte, est une
rencontre, ou plus exactement une
multitude de rencontres. En se promenant
dans ce dédale coupé au cordeau,
l’atmosphère envahissante de la ville vous
pénètre. Il y a les odeurs et les bruits, jusqu’à saturation,
l’alternance de contre-jour et de pénombre qui aveugle,
les corps des passants qu’on télescope presque, les
ruelles étroites comme des coupe-gorge, où slaloment
des scooters à toute allure, où sautillent des enfants
10 DIRECTIONITALIE
autour d’un ballon, où courent des prêtres en habit. Il y a le
corbillard, qui avance au pas et qui ralentit tout le trafic sans
que personne s’énerve… À Naples, peu de répit à visage
découvert : les parcs sont rarissimes, les places presque
tout autant, même les églises sont privées de parvis et
les rues, déjà très serrées, n’ont que faire d’arbres… Côté
nature, il faut donc regarder au loin, l’horizon maritime
au sud, les flancs du volcan à l’est, en grimpant sur l’un
des nombreux promontoires ou en marchant le long du
lungomare, sur la Via Partenope jusqu’à la Via Posillipo. Mais,
 City guide
NAPLES

Naples (Napoli, en italien) n’est décidément pas dans l’air du Il y a les odeurs et les bruits, jusqu’à saturation, l’alternance de
temps ; elle n’est ni verte ni bleue. La carapace de basalte
qui pave ses rues est d’un beau noir brillant qui miroite à
contre-jour et de pénombre qui aveugle, les corps des passants
la moindre pluie, tandis que les façades de ses immeubles, qu’on télescope presque, les ruelles étroites comme des coupe-
palais et églises écaillent le temps des siècles qui défilent. gorge, où slaloment des scooters à toute allure…
Strates antiques
Inscrit sur la Liste du patrimoine mondial de l’UNESCO
depuis 1978, le centre historique de Naples fait partie des
plus anciennes villes d’Europe ; ses 1 700 hectares en sont
le plus important témoignage. Les immeubles collés serrés
qui ourlent la grille orthogonale respectent à vingt-cinq
siècles d’intervalle le sacro-saint plan hippodamien propagé
par Alexandre le Grand et appliqué à la colonie grecque de
Neapolis, fondée en 470 avant Jésus-Christ. Ce toponyme
(Neapolis signifie littéralement « Ville nouvelle ») indique que
cette cité n’était en réalité pas la première ; elle fut édifiée
à côté d’une citée plus ancienne, Palaïapolis, fondée au
IXe siècle av. J.-C. par des navigateurs venus de Rhodes et
s’alignant en bord de mer. C’est à eux que l’on doit le culte

© SC AdobeSstock
de Parthénope, la belle vierge transformée en sirène par
la jalouse Aphrodite. Celle-là même qui, malgré son chant
irrésistible, ne réussit pas à séduire le rusé Ulysse.
De cette lointaine époque, le tracé caractéristique a
survécu. Il s’organise toujours autour de trois axes Les arènes.
principaux, parallèles, droits et étroits (les decumanus),
correspondant respectivement aux actuelles voies
Sapienza, Pisanelli, Anticaglia et Santi Apostoli (decumanus
supérieur), Tribunali (decumanus médian), San Biagio,
Vicaria et Forca (decumanus inférieur). Des voies encore
plus étroites les traversent perpendiculairement et
découpent la ville en damier. Hormis ce quadrillage voué
à un avenir glorieux, peu de vestiges de cette époque
sont encore visibles à l’air libre. Mais, certains surnagent
étrangement ! Des photos aériennes montrent encore

© Papanikos Shutterstock
clairement le demi-cercle que forment les constructions qui
se sont superposées sur le théâtre grec, devenu romain,

© Leonid Andronov AdobeStock

DIRECTIONITALIE 11
 avant d’être grignoté par l’habitat… D’autres vestiges
ont été dégagés de façon plus traditionnelle. Ainsi, une
portion de muraille grecque a-t-elle été exhumée sur la
Piazza Bellini. Cette muraille, dont certaines sections en tuf
subsistent encore, englobait tout le centre historique et
se révéla suffisamment dissuasive pour rebuter Hannibal,
© schusterbauer Shutterstock
l’illustre général carthaginois, célèbre pour sa cohorte
d’éléphants.
Les joies de l’otium
Après la fin de la Grande Grèce, la cité passe sous
hégémonie romaine, tout en gardant son tropisme
hellénistique. D’ailleurs, cet exotisme fait tout son charme
aux yeux des empereurs et autres puissants qui, à partir
du Ier siècle de notre ère, sont nombreux à s’offrir des
villégiatures dans cette baie des merveilles chantée par
le grand poète Virgile. De somptueuses villas émaillent la
côte, du golfe de Pozzuoli à la péninsule de Sorrente. Le
patricien romain Lucullus se fait construire une superbe
demeure (le Castellum Lucullanum) sur l’îlot de Mégaride,
où se dresse désormais le Castel dell’Ovo. De ce général

épicurien, on retient plus les festins que les victoires, et,

bien sûr, le célèbre reproche fait à son cuisinier : « Ne sais-tu
pas qu’aujourd’hui, Lucullus dîne chez Lucullus ? » Autre hôte
de marque, Brutus, le fils adoptif de Jules César, avait sa
villa sur Nisida, une petite île proche du Capo di Posilippo.
Ci-contre, de Peut-être y prépara-t-il un des assassinats politiques les
bas en haut. plus célèbres de l’histoire ? Naples s’adonne alors avec
Portion de
volupté à l’otium (racine d’« oisiveté »), ce luxe aujourd’hui
muraille
grecque baptisé « temps libre » auquel les puissants ont accès à
exhumée profusion, puisqu’ils délèguent la charge du negotium (les
sur la Piazza activités productives) à une horde d’esclaves, d’artisans et
Bellini.
Le Castel de simples paysans. Pour satisfaire à cette demande de
dell’Ovo. loisirs, les aqueducs sont étendus, les bains se multiplient,
© UV70 shutterstock

Ci-dessous. un théâtre et un odéon sont ouverts.

Le golfe de
Pozzuoli.
© Nataliia Gr shutterstock

12 DIRECTIONITALIE
 City guide
NAPLES

© Rosen AdobeStock
En-haut.
Ici, on ne fait pas tout à fait table rase du passé ; on préfère bâtir Napoli
Sotterranea,
« au-dessus », en se servant des anciens édifices grecs un gruyère
comme fondations de nouvelles constructions, quitte souterrain de
300 kilomètres.
à surélever de quelques mètres la chaussée. En bas.
La station de
métro Toledo.
Gruyère souterrain

© poludziber shutterstock
Mais ici, on ne fait pas tout à fait table rase du passé ;
on préfère bâtir « au-dessus », en se servant des
anciens édifices grecs comme fondations de nouvelles
constructions, quitte à surélever de quelques mètres la
chaussée. Ainsi, Naples se présente tel un millefeuille dont
les strates enfouies, à l’instar des carottages glaciaires,
révèlent des temps révolus… Proposée sur différents
sites (lire page 29), la visite des souterrains s’avère aussi
instructive qu’amusante, surtout quand on apprend que
le réseau en approvisionnement en eau, imaginé par les
Grecs, puis modernisé par les Romains, avec ses systèmes
de citernes et de puits, était toujours en fonctionnement
© luckyraccoon shutterstock

jusqu’à la terrible épidémie de choléra de 1884. Depuis,

ce gruyère souterrain de 300 kilomètres de long a été
asséché, réutilisé en partie comme abris pendant les
bombardements de la Seconde Guerre mondiale, puis
lors de l’aménagement du métro. L’une des rénovations
les plus réussies se trouve à la station Tolède, avec un
ancien puits tapissé de mosaïque. À l’extérieur, l’œil
attentif repérera quelques signes décidément antiques.
Ainsi, les deux colonnes cannelées (et leurs chapiteaux
corinthiens) de San Paolo Maggiore sont-elles les uniques
survivantes d’un temple dédié aux Dioscures de l’agora,
tandis que la statue allégorique du Nil, sur la Piazzetta Nilo,
montre le lien de parenté qui unissait la colonie alexandrine
et le fleuve égyptien. Retour sur l’histoire, puisqu’elle fait à
nouveau irruption ici, avec l’emprisonnement du dernier
empereur romain d’Occident, Romulus Auguste, dans la villa
de Lucullus. C’est donc sur les douces rives de la Campanie
que prit fin l’Empire romain d’Occident, en 476. h

DIRECTIONITALIE 13
 14 DIRECTIONITALIE
 City guide
NAPLES

Le centre historique
Excentrique
et plein de vie !
Avec ses ruelles étroites et ses constructions hautes,
le centre historique, qui s’élève sur l’ancienne ville
gréco-romaine, s’avère un pittoresque mélange de palais
décatis, de superbes églises baroques et d’habitations
plus ou moins misérables. Vivant, bruyant, surprenant…
© IgorZh shutterstock

DIRECTIONITALIE 15
 ©Studio Photo DFlorez shutterstock

N
aples est décidément une ville qui ne fait rien
comme les autres. Son centre ancien, même
auréolé de la palme de l’UNESCO, n’a pas les
MUSEO D’ARTE ✪ CHIESA DI SAN GIOVANNI
A CARBONARA
atours policés, ripolinés d’un cœur touristique. Il

DONNAREGINA
✪
CONTEMPORANEA est foutraque, dans son jus, brut de décoffrage,
avec ses dalles de basalte creusées par les pas, ses hautes
✪ DUOMO façades rythmées de balcons où semble pendre tout le linge
de la maison, les bassi, ces rez-de-chaussée habités souvent
SAN LORENZO par les plus pauvres, où se logent des familles entières. Çà et là,
✪ ✪ MAGGIORE
d’épaisses voûtes sous lesquelles se blottissent des échoppes
PORT’ALBA
✪
CHAPELLE
✪
SANSEVERO
et des restaurants, des arcades sautant d’un côté à l’autre
✪ d’une ruelle, des églises engoncées dans la maille inextricable
de la ville, des échafaudages comme des toiles d’araignée, des
CHIESA
DEL GESÙ NUOVO ✪✪ graffiti virtuoses et politiques ou des gribouillis disgracieux,
SANTA CHIARA
des chaises attachées avec un antivol. Comme dans une forêt
tropicale, la lumière a un mal fou à percer la haute futée des
immeubles. Les veines du ciel bleu apparaissent lointaines, une
sorte de voile haut que l’on ne rattache pas au sol. Pourtant,
le miracle quotidien a bien lieu, si la météo le permet. Pendant
quelques dizaines de minutes, les trois decumanus, orientés
est-ouest, sont éclaboussés d’une clarté impérieuse, celle qui
prend sa revanche sur les canyons les plus abrupts, rebondit
sur les façades, ricoche sur la chaussée, découpe les ombres

Le centre ancien, même auréolé de la palme de l’UNESCO, n’a pas

les atours policés, ripolinés d’un cœur touristique. Il est foutraque,
dans son jus, brut de décoffrage…
16 DIRECTIONITALIE

noires des passants, dédoublant la vie en instantané. Dans
un sens ou dans l’autre, chacun jouit alors de ce cadeau de
la nature, qui se glisse sur ces trois méridiennes désaxées au
cœur de Naples.
C’est bizarre, combien ce quartier dessiné à l’angle droit
donne parfois l’impression de tourner en rond ! Si les trois
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© il viaggiatore shutterstock
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grandes artères se ressemblent, malgré des monuments
singuliers, que dire des venelles, simples et répétitives, qui
les croisent ? Comme à Venise, seuls les natifs peuvent
se repérer au premier coup d’œil. Il faut donc une fois de Au centre, de
haut en bas.
plus accepter de se perdre dans ce dédale de quelques À l’est du
kilomètres carrés, avec l’assurance qu’on aboutira toujours centre ancien,
sur des repères importants : la Piazza Dante et la Via Toledo, la Porta
Capuana et au
à l’ouest, les piazzas Museo et Cavour au nord, la Porta sud, le Corso
Capuana à l’est ou le Corso Umberto I au sud. h Umberto I.
L’Amie prodigieuse
Dans les pas d’Elena Ferrante
L’Amie prodigieuse, tétralogie écrite par Elena
Ferrante, a connu un succès planétaire. Sous la
plume tendre et acerbe de cette écrivaine aujourd’hui
âgée de 77 ans, Naples incarne un personnage à
part entière. Sans être nommé, le quartier pauvre
dont sont originaires les deux héroïnes de la saga
se situe à l’arrière des voies ferrées et semble être
le Rione Luzzatti, une périphérie bétonnée et sans grâce. On comprend
alors l’éblouissement de l’adolescente Elena, lorsqu’avec sa bande elle se
promène dans la Via Chiaia, une rue animée, pleine de boutiques vers la Piazza
del Plebiscito, comme sa joie à emmener les filles de la libraire sur la plage en
contrebas de la Via Posillipo. La boutique de chaussures où Lila fait un tabac
ouvre sur la très chic Piazza dei Martiri, encore aujourd’hui l’épicentre du luxe
napolitain. Quant à Madame Galiani, la professeur qui deviendra la belle-mère
d’Elena, elle habite un appartement bourgeois du Corso Emanuele. ✦
DIRECTIONITALIE 17
 Un tour
en ville

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Spaccanapoli
Le decumanus inférieur
Ce surnom donné au decumanus inférieur, littéralement le « fend
Naples », illustre parfaitement la très longue entaille qui marque le
visage de la cité. De la Via Pasquale Scura à la Via Vicaria Vecchia,
ses deux kilomètres filent droit et tracent un trait net sur les vues
aériennes. Faute de survoler la ville, on peut s’en rendre compte en
grimpant sur la colline du Vomero et en s’arrêtant sur le Corso Vittorio
Emanuele, pratiquement au pied des escaliers de la Via Pedamentina
San Martino. L’estafilade descend sur la pente des Quartieri Spagnoli,
entre les toits-terrasses en jachère, puis s’étend à l’est jusqu’à ce que
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le regard s’accroche à la grappe de gratte-ciel du Centro Direzionale,

cousin napolitain de notre Défense.
18 DIRECTIONITALIE
 City guide
NAPLES

Piazza del Gesù Nuovo

Naples étant avare de son espace vital, les places
dégagées sont des exceptions. Délimitant l’une
des entrées vers le centre historique, l’esplanade
de la Piazza del Gesù est dominée par la flèche
de l’Immacolata, achevée en 1751, en mémoire
aux victimes de la peste de 1656. À l’époque,
l’épidémie foudroyante décima plus de la moitié
de la population napolitaine, soit deux cinquante
mille morts. La ville, déjà saignée à blanc, fut
de nouveau éprouvée en 1688 et 1693 par deux
tremblements de terre dévastateurs qui raflèrent
la coupole de l’église Gesù Nuovo. Il fallut du
temps pour que Naples pleure ses disparus et
panse ses plaies.
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Aujourd’hui, l’obélisque baroque qui supporte

la Vierge sert de point de rendez-vous aux
habitants et fait l’objet, tous les 8 décembre,
d’une célébration civile : les pompiers de la
ville rendent hommage à l’Immacolata en tranchent avec l’austère façade au bossage en à bonne distance, permet finalement d’apprécier
lui déposant, grâce à leur célèbre échelle, un pointe-de-diamant de l’église du Gesù Nuovo et ces affrontements. L’harmonie n’est pas
bouquet de roses dans ses bras. Les courbes, la silhouette massive du complexe monastique uniquement synonyme d’homogénéité ; elle naît
volutes et statues de marbre du monument de Santa Chiara. Le mélange des styles, observé aussi de la diversité et de la perspective. ✦
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Chiesa del Gesù Nuovo
Hérissée d’une carapace digne d’un ankylosaure, l’église du Gesù Nuovo n’invite
pas au premier abord à entrer ! Telle une armure, la façade en pierre volcanique
sombre, percée de très peu d’ouvertures, s’avère particulièrement inhospitalière.
Avec son élégant portail, elle est tout ce qu’il reste du palais que se fit édifier le
condottiere Sanseverino (descendant de barons normands et prince de Salerne)
en 1470. La grande famille prospéra dans ses fastueux appartements jusqu’à être
chassée du royaume de Naples par les Aragonais après que les nobles se furent
révoltés contre l’Inquisition espagnole. Les biens saisis furent ensuite vendus à la
Compagnie de Jésus à la toute fin du XVIe siècle, date à laquelle furent engagés les
travaux de la nouvelle église. L’intérieur est un choc, une expérience schizophrène,
tant sa magnificence tranche avec le dépouillement extérieur. Partout, des stucs, des
dorures, des fresques. Et encore, les pilastres cannelés, la marqueterie de marbre
des sols, les chapiteaux corinthiens, le plafond à caissons… Parmi les œuvres peintes
les plus remarquables, L’Expulsion d’Héliodore du Temple (1725), de Francesco
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Solimena, sur la contre-façade, déjà considérée comme un chef-d’œuvre par ses
contemporains, le retable de Saint François-Xavier ayant une vision de Marie, du
maître napolitain Luca Giordano (1634-1705), visible dans la chapelle Saint-François-
Xavier. À voir aussi, un amusant catalogue de saints, représentés en bustes en bois
doré, dans la chapelle à gauche du maître-autel.
Ce qui a longtemps fasciné les obscurantistes de toute obédience, ce sont les
encoches gravées sur les pierres de la façade. Beaucoup y ont vu les signes d’une
protection divine en langage codé, qui, posés à l’envers des blocs, auraient à l’inverse
attiré la malédiction qui s’est abattue sur la lignée Sanseverino. Récemment,
différents experts – l’historien de l’art italien Vincenzo de Pasquale, le jésuite
érudit en langues mortes Dors Csar et le musicologue hongrois Lorant Réz – ont
enfin décrypté ces symboles. Il s’agit en fait des sept notes de la gamme écrites en
araméen, un système de transcription bien antérieure à notre portée. Les inscriptions
se lisent de bas en haut et de droite à gauche et composent une partition. Le
morceau suit un canon grégorien et dure 45 minutes. Il a été baptisé Enigma. ✦
Piazza del Gesù Nuovo

DIRECTIONITALIE 19
 © Andrei Rybachuk shutterstock

Complexe monastique et muséal Santa Chiara

Un havre de sérénité (1277-1343), à Marie-Sophie de Bavière, reine
Le complexe muséal Santa Chiara est immense : il comprend une basilique, deux consort des Deux-Siciles (1841-1925), dont le
couvents, un cloître, un musée et une zone de fouilles archéologiques. corps et celui de son mari ont été rapatriés
auprès des leurs dans la chapelle Saint-Thomas
Autre silhouette intrigante de la Piazza soit 130 mètres de long sous une hauteur de en 1984. La tombe de Robert d’Anjou, œuvre
del Gesù Nuovo, le corps massif et blond de la 40 mètres rythmée d’arcs en ogive, donne un des frères Bertini, fut longtemps le monument
basilique Santa Chiara, devancé par un pronaos sentiment d’élévation. La symétrie parfaite avec funéraire le plus important de la Péninsule. À
à trois arcs brisés, semble s’élever d’un seul les dix chapelles ouvertes sur chaque côté n’est l’extérieur, profitant de l’espace libre devant
mouvement. Une hauteur rendue possible par pas masquée par des décors en trompe-l’œil. La le portail, des jeunes jouent au foot, d’autres,
les contreforts qui s’intercalent entre chaque basilique a été choisi comme lieu de sépultures assis sur les murets d’une aire de jeux plantée
baie ogivale. Sa construction a été ordonnée par par les rois et reines de Naples et de Sicile, de de quelques arbres, fument ou échangent des
le roi angevin Robert Ier en 1310, à la demande Robert Ier, roi de Naples, comte de Provence câlins, tandis que quelques fidèles entrent en
de son très pieux et franciscain beau-frère,
Philippe de Majorque. C’est le plus important
monument gothique de Naples. Son magnifique
dénuement, tant extérieur qu’intérieur, si rare
à Naples, n’est pas une ligne de conduite,
mais le fruit du destin. L’église fut d’abord
couverte de fresques de Giotto, puis totalement
remaniée dans le goût baroque par Domenico
Antonio Vaccaro au milieu du XVIIIe siècle. Mais
en août 1943, un incendie provoqué par les
bombardements alliés fit partir en fumée tous
ces trésors.
Avouons que cette sobriété repose le regard
© marcovarro shutterstock

et comble notre sens de l’esthétique. Après la

saturation décorative de sa voisine, l’espace
de sa nef unique, prolongée par son chœur,

20 DIRECTIONITALIE

© jackbolla shutterstock
coup de vent dire une prière, avant de repartir
vaquer à leurs occupations. En Italie, la religion
n’est pas reléguée aux dimanches ni aux grandes
fêtes du calendrier. Elle surgit naturellement au
fil d’une banale journée. D’ailleurs, les églises
restent souvent portes ouvertes, séparées du
flux des passants par des écrans vitrés, comme
une invitation à venir se recueillir.
Le cloître des Clarisses
Le monastère des Frères mineurs et le couvent
des Clarisses complètent le complexe. Ces
dernières ont su tirer leur épingle du jeu,
puisqu’on peut admirer le merveilleux cloître
dans lequel les sœurs, volontairement
confinées, pouvaient prier et se ressourcer. À
© Inu shutterstock
l’heure actuelle, cette oasis de calme et de
verdure, ouverte au public, est une véritable
bénédiction ! Retranchée du monde, elle
filtre le vacarme de la ville. On y entend le
pépiement des oiseaux qui se pourchassent
dans les citronniers et orangers. Les allées
du jardin sont ponctuées de bancs et de
piliers octogonaux recouverts de carreaux de
majolique du XVIIIe siècle, comme entrelacés
de guirlandes de feuillages et de fleurs. Sur la
faïence, les motifs bleu, jaune et vert forment
un écho à la nature. Les dossiers des assises
et les soubassements des galeries sont ornés
de petites scènes illustrant la vie quotidienne
et prosaïque à laquelle les religieuses étaient
soustraites. Exception à cette thématique
City guide
NAPLES
hors clôture, une scène montre une clarisse
nourrissant les chats du cloître. Sur les parois
du déambulatoire, des fresques colorées du
XVIIe siècle évoquent l’histoire franciscaine.
On peut finir cette échappée belle par un tour
dans le Museo dell’Opera de Santa Chiara,
où sont exposées quelques statues sauvées
des flammes, ainsi qu’une fabuleuse crèche
du XVIIIe siècle, dont le roi Ferdinand VI
de Bourbon était très friand. Il y a ici une
abondance de détails qui racontent mieux
qu’une chronique érudite certains pans de la
vie à l’époque. ✦
Entrée : 6 euros.
Via Santa Chiara, 49.
monasterodisantachiara.it
DIRECTIONITALIE 21
 © Giannis Papanikos shutterstock CENTRE HISTORIQUE •Spaccanapoli

Piazza San Domenico Maggiore

immanquables

À Naples, une simple petite ouverture suffit à la lumière pour se déverser.
Aussi, la placette qui s’étale devant l’étrange silhouette crénelée de
l’église San Domenico Maggiore est-elle encombrée de parasols, de quoi
gâcher le bel ordonnancement coloré du parvis. Au centre, la flèche a été
Les
dressée comme ex-voto en 1656 pour repousser la peste qui sévissait cette
année-là. Autant dire un vœu pieux, qui n’empêcha malheureusement
pas le désastre. D’ailleurs, le monument cerné de quatre angelots et des
quatre grands saints de l’ordre dominicain ne fut achevé que dix ans plus
tard, tandis que la statue de saint Dominique ne fut ajoutée qu’un siècle
après. ✦

© chicco79 AdobeStock

© lkonya shutterstock

Chiesa San Dominico Maggiore
C’est à Charles II d’Anjou que l’on doit l’initiative
de cet édifice, dont le chantier couru de 1283
à 1324. L’église, qui appartient au complexe
monastique dominicain, a été construite à
l’emplacement d’un édifice plus ancien, de
style roman, mais en renversant son plan, ce
qui explique son drôle d’air bancal. D’ailleurs,
les hauts murs aveugles et crénelés de San
Domenico évoquent plutôt une forteresse qu’un
lieu sacré, même si dans certains intervalles
se glissent des balcons et des loggias, et
qu’une pizzeria occupe dorénavant un de ses
soubassements. Au XVe siècle, les Aragonais
décidèrent de l’ouvrir de ce côté-ci et lui
attribuèrent un portail secondaire. Si l’extérieur
nous paraît biscornu, l’intérieur reprend la forme
classique d’une croix latine à trois nefs, doublées
de chapelles. L’ornementation, très chargée,
resplendit de tous les ors et marbres que le
baroque chérit ; il abrite également son compte
de grandioses sépultures royales… de la maison
d’Aragon. Couverte de fresques du XIVe siècle
dues à Petro Cavallini, la chapelle Brancaccio
garde les seules traces de la décoration d’origine.
Il faut faire un saut dans le presbytère pour sa
voûte peinte par le maître napolitain Francesco
Solimena (1657-1747), qui représente le triomphe
de la foi sur l’hérésie. ✦

22 DIRECTIONITALIE
 City guide

Chapelle Sansevero
Mausolée et temple initiatique
Au mois de février dernier, lors de son passage à Naples, Emmanuel Macron, malgré un
agenda très chargé, a pris le temps admirer « le » chef-d’œuvre absolu de la cité : le Christ
voilé de Sanmartino, qui trône, allongé, gisant et sublime, au milieu de la merveilleuse
chapelle funéraire de la famille Sangro.

Encore une fois, rien ne laisse deviner une telle
splendeur depuis la rue. Mais une fois le porche
franchi, c’est une révélation. On entre dans
une matrice de la beauté, un jeu où l’homme
se prend pour Dieu et façonne des créatures,
clones immobiles et parfaits des êtres humains.
Commandées au mitan du XVIIIe siècle aux
meilleurs artistes de l’époque par le prince
Raimondo di Sangro, les statues, d’une blancheur
marmoréenne, allégories de vertus plus ésotériques
que catholiques, semblent si pleines de vie qu’elles
pourraient descendre de leur piédestal. On doit
s’attarder sur deux sculptures de part et d’autre de
l’abside : à gauche, la Pudeur, d’Antonio Corradi,
incarnée par une jeune femme à peine couverte
d’un voile très fin, transparent, représenterait la
mère du prince emportée à 20 ans (la plaque de
marbre brisée symbolise la vie interrompue), mais
ferait aussi écho à l’Isis voilée, figure importante
de la franc-maçonnerie ; la Désillusion, à droite,
de Francesco Queirolo, portée par un homme se
débattant dans un filet, serait inspirée par le père
du prince, qui s’était retiré au couvent après une
existence très libertine.
Un niveau de finesse inégalé
Si toute la statuaire est prodigieuse, une seule
œuvre mérite l’arrêt dans ce sanctuaire. Moins
célèbre que la Pietà de
© Photos DR
Michel-Ange, le Christ voilé de Giuseppe
Sanmartino se situe dans la lignée magistrale
de son aînée. La sculpture, réalisée dans un
seul bloc de marbre en 1753 pour satisfaire
la demande du prince Raimondo di Sangro,
atteint un niveau de finesse inégalé. Le
Christ, grandeur nature, gît sur un lit, la tête
inclinée sur l’oreiller, et le corps enveloppé d’un
fin linceul. La pose est à l’abandon, les membres
détendus, le visage aux yeux clos serein. Comme
dans Le Dormeur du val de Rimbaud, on pourrait
presque le croire paisiblement endormi. Pourtant, les
outils de la passion, posés à ses pieds, rappellent sa
crucifixion. La virtuosité de l’exécution a subjugué.
La personnalité du commanditaire, franc-maçon
esthète et passionné par les sciences, soupçonné
de pouvoirs occultes et alchimiques, a laissé planer
des doutes sur la méthode. Le voile aurait été un
véritable tissu qui se serait pétrifié grâce à des
formules magiques. Cette théorie s’empare d’autant
mieux des esprits que le prince cultivait d’étranges
marottes. Notamment, il demanda à un ami médecin
palermitain de lui reproduire le système sanguin
d’un homme et une femme. Exposées dans la crypte,
ces « machines anatomiques » aux allures morbides
d’écorchés, fabriqués avec de la cire et des colorants,
firent couler beaucoup d’encre… N’était-ce pas le
sang figé de deux vrais cadavres sacrifiés pour la
cause ? Aujourd’hui, ces craintes sont désamorcées,
mais la communauté scientifique
admire toujours
l’exactitude de
ces schémas en
3D qui révèle le
haut degré de
connaissance du
corps médical
napolitain.
D’ailleurs, les
passionnés de la
chose pourront se
rendre au Musée
des arts sanitaires
(Largo Maria Longo, 50) où se trouve un intrigant
mannequin anatomique. Sinon, prenez le temps de
lever les yeux sur les fresques baroques de la voûte.
La Gloire du Paradis intègre quelques symboles
du Grand Maître, le triangle et la colombe, tandis
qu’au sol, une marqueterie de marbre dessine un
labyrinthe, autre grand classique de la grammaire
franc-maçonnique. Malheureusement, seule une
partie de ce pavement subsiste dans le passage
menant à l’escalier de la crypte.
Enfin, on pourra avoir une pensée émue ou amusée
pour ce seigneur assoiffé de savoirs et sans doute un
peu imbu de sa personne. Sur son tombeau, l’éloge
funèbre n’a rien de modeste ! ✦
Entrée : 8 euros.
Via Francesco de Sanctis, 19-21.
Tél. : +39 081 551 8470. museosansevero.it

DIRECTIONITALIE 23
 CENTRE HISTORIQUE • Spaccanapoli
Piazzetta Nilo
Venue d’Alexandrie, une colonie prospère
occupa ce quartier et voua un culte au grand
fleuve égyptien. C’est à cette statue antique,
représentant la divinité, allongée et accoudée à
Via San Biagio dei Libri
Spaccanapoli se poursuit tout en changeant de
nom. Les magasins de souvenirs sont légion ! Il
y a les piments napolitains, dérivés des symboles
phalliques des anciennes croyances, mais plus
conformes aux bonnes mœurs prêchées par la
24 DIRECTIONITALIE
un sphinx (en partie disparu), portant une
corne d’abondance, que l’esplanade doit son
nom. Elle offre l’avantage d’offrir pour une
fois un peu de recul sur la façade bicolore de
la Chiesa Sant’Angelo a Nilo et les palaces qui
l’encadrent. ✦
hiérarchie ecclésiastique, et qui, de fil en aiguille,
se transforment en mitre épiscopale, les magnets
du Vésuve et des trésors de Pompéi, les mugs
glorifiant Napoli et toute cette bimbeloterie de
pacotille qui s’agglutine dans nos valises avant
d’envahir nos cuisines. Mais, surtout, singularité
toute napolitaine – il y en a même en plein
été –, des étals bourrés à craquer de santons
et autres décors improbables de crèche ! Et
comme le présent a tendance à s’immiscer dans
la plus célèbre scène biblique, on trouve aussi
d’anachroniques armées de Maradona, l’idole
du SSC Napoli (le « Pibe de Oro » a même droit à
son autel votif particulier, dans le bar Nilo, au 129
de la Via San Biagio dei Librai).
C’est sur la Via San Gregorio Armeno que se
situent les véritables spécialistes « présépiens »,
des bottegas remontant pour certaines au
XIXe siècle, tel le célèbre atelier Ferrigno (Via
San Gregorio Armeno, 8). Petite précision
linguistique, la crèche s’appelle presepe
en italien, terme ayant pour racine le latin
praesepium (« mangeoire »). Bien sûr, la version
napolitaine de la crèche s’est étoffée de tout un
riche folklore et la Sainte Famille, réunie autour
© sara 95 shutterstock
© Bahadir Aral Avci shutterstock
du divin enfant, n’attire pas uniquement les Rois
mages et les bergers. C’est tout un attroupement
qui se rassemble à son pied, une foule colorée
aux multiples personnages, une arche de Noé
ambiance paysanne, avec poules, oies, moutons,
cochons, choux, fagots de bois, gerbes de blé…
Traditionnellement, trois tableaux se côtoient :
l’Annonciation, la Nativité et la trattoria ! Sur
les rayons, des rangées de poissonnières, de
lavandières, de fermières, de joueurs de pipeau,
de bûcherons, de vendeurs de fruits et légumes,
de pichets, d’assiettes miniatures et de victuailles
en pagaille pour ce qui ressemble à de très
païennes ripailles ! Il paraît que les Napolitains
sont prêts à se ruiner pour s’offrir une crèche
mirobolante. Je me demande s’il existe un terme
spécifique pour ce type de collectionneur…
Quoiqu’il en soit, au-delà de la transcription
biblique stricto sensu, il faut un certain savoir
pour décrypter correctement ce diorama : la
grotte et les sentiers tortueux qui mènent à la
crèche symbolisent le passage des ténèbres à la
lumière, le pont conduit vers l’au-delà, le puits
est relié au monde souterrain et donc aux forces
du Malin… ✦

Le Caravage à Naples
Un peintre en exil
Entre la fin du XVIe siècle et craignant la justice
le début du XVIIe siècle, pontificale, s’enfuit de
Michelangelo Merisi, Rome. La première
dit le Caravage (1571- étape de son exil fut
1610) révolutionna Naples, où il résida
la peinture par son une dizaine de
traitement plus humain mois, entre 1606 et
et réaliste de scènes 1607, avant de rallier
souvent bibliques (l’Église Malte. Fait Chevalier de
fut son meilleur commanditaire), l’Ordre, il fut à nouveau
son art d’attirer le regard sur tel ou tel détail, impliqué dans une rixe, ce qui le conduisit
par sa science du clair-obscur, sa composition dans les geôles. Il réussit à s’évader et fila
complexe figeant l’action sur le vif. Après chercher refuge en Sicile. En 1609, il revint à
l’assassinat d’un rival lors d’un duel, le peintre, Naples où il fut accueilli… à coups de bâtons.
Il réchappa de justesse à une nouvelle bagarre.
À l’annonce du pardon pontifical, le peintre,
âgé de 38 ans, décida de rentrer à Rome. C’est
durant une escale à Porto Ercole, qu’il trouva la
mort dans des conditions restées mystérieuses.
Durant toutes ces années de cavale, le Caravage
continua sans cesse à recevoir des commandes
des puissants, prélats, abbés, grands maîtres et
princes. Si sa vie personnelle scandalisait, son
génie éblouissait.
Trois chefs-d’œuvre
À Naples, trois œuvres du maître sont toujours
visibles : l’une se trouve dans une église,
l’autre dans une banque et la troisième dans
un musée. L’itinéraire caravagesque traverse
ainsi une bonne part de la ville ! Au cœur
du centre historique, la congrégation Pio
Monte de la Misericordia (Via dei Tribunali,
253) détient Les Sept Œuvres de
miséricorde, pièce maîtresse d’un musée où
vous attendent d’autres joyaux signés Luca
Giordano ou Francesco de Mura. Ce grand
retable de quatre mètres sur trois fut réalisé
lors du premier séjour du Caravage dans la
cité parthénopéenne. Il illustre en une seule
composition, complexe et dense, sept valeurs
morales issues aussi bien de la mythologie
romaine que de l’Ancien et du Nouveau
Testament. Pour comprendre ce tableau
bouillonnant de vie et de mort, inscrit dans une
Ci-contre, de haut en bas. Les Sept Œuvres de miséricorde,
congrégation Pio Monte de la Misericordia.
La Flagellation du Christ, Museo Nazionale di Capodimonte.
City guide
Martyre de Sainte-Ursule , Galleria d’Italia.
rue napolitaine à la nuit tombée, il faut rappeler
ces devoirs : nourrir les affamés, donner à boire
aux assoiffés, visiter les prisonniers, ensevelir
les morts, vêtir les indigents, visiter les malades,
accueillir les pèlerins.
Un peu plus loin, le Martyre de Sainte-
Ursule (1610) constitue l’œuvre maîtresse
de la Galleria d’Italia, logée dans le Palazzo
Zevallos Stigliano (propriété de la Banca Intesa
Sanpaolo, Via Toledo, 185). Commandée
par le prince Doria, cette toile est considérée
par certains comme la dernière du maître.
Elle montre sainte Ursule, à la pâleur déjà
cadavérique, mortellement touchée par la
flèche que vient de lui décocher Attila, le roi
des Huns, furieux qu’elle ait refusé sa main.
Ce qui est stupéfiant, c’est l’aspect à la fois
quasi photographique de l’instant saisi, mais
en même temps, ce raccourci géographique
impossible, accolant pratiquement l’archer à
sa victime. Hormis l’acte, aucune violence ne
transparaît : Attila semble contrit face au calme
d’Ursule.
Il faudra grimper jusqu’au Museo Nazionale di
Capodimonte (lire page 47) pour contempler
la troisième œuvre napolitaine. Commencée
lors de son premier passage et achevée à son
deuxième, La Flagellation du Christ a
été commissionnée par le riche Tommaso
de Franchis pour l’église San Domencico
Maggiore. Cette fois, le supplice est encore
en suspens. Le Christ, au centre, ne présente
pas encore les traces des sévices, tandis que
ses trois bourreaux se préparent à leur basse
besogne. Le Caravage traite le même sujet
dans une approche légèrement différente avec
Le Christ à la Colonne, conservé au musée des
Beaux-arts de Rouen. ✦
DIRECTIONITALIE 25
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Via dei Tribunali

Le decumanus majeur
Le decumanus majeur part de la Piazza Dante jusqu’au Castel Capueno et
à l’imposante porte Capuna. La rue est bordée de palais aux cours cachées
derrière des porches, de couvents aux cloîtres comme autant de flaques de
© Andreas Wolochow Shutterstock

lumière, d’églises surélevées sur quelques marches, d’arcades moyenâgeuses

sous lesquelles s’ouvrent les rideaux de fer des commerces, de campaniles
romans parfois greffés de colonnes antiques ; elle est envahie de touristes
aux aguets et de Napolitains pressés.

S
ur la Via dei Tribunali, la vie y bat son plein, mais
la mort n’est pas loin… Comme le sacré et le
profane s’entremêlent, la vie et la mort s’enlacent
perpétuellement. En bas de l’église Santa Maria
delle Anime del Purgatorio ad Arco (Via Tribunali, 39), les
crânes polis par les mains apposées témoignent de cette
promiscuité décomplexée avec les défunts. Dans l’hypogée,
creusé sous l’élégante église de la Contre-Réforme, les
fidèles vénèrent les ossements anonymes de pauvres
âmes, prient pour leur libération du purgatoire, mais aussi
pour qu’une fois près du Créateur, elles intercèdent en leur
faveur. Le décor, plongé dans l’obscurité, est macabre : la
tombe inconnue entourée d’une chaîne, les niches et autels
où brûlent les bougies…
Un peu plus loin, c’est le nez de Pulcinella qui brille à force
d’être caressé ! Après le crâne de Lucia, voici une autre
mascotte populaire parthénopéenne que célèbre la récente
statue du Vico Fico del Purgatorio, due au sculpteur Lello
Esposito. Ce personnage clé de la Commedia dell’arte, qui
eut une ribambelle de rejetons plus bâtards que légitimes
(dont notre Polichinelle), aurait des origines plus anciennes :
il puise dans l’imaginaire fertile des premiers habitants de
la Péninsule, avant même la colonisation gréco-romaine.
Rien d’étonnant à ce qu’une figure lui ressemble comme

26 DIRECTIONITALIE
 City guide
NAPLES

© T.Slack Shutterstock
deux gouttes d’eau sur une fresque pompéienne !
Piazza Dante

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Masque noir, nez crochu, costume blanc, il arbore des
dehors peu aimables. Pourtant, avec son bonnet pointu À la lisière de la ville antique et des
et ses pitreries, il incarne l’une des qualités les plus Quartieri Spagnoli qui partent à l’assaut de
remarquables des Napolitains, qui savent faire contre la colline, la Piazza Dante s’évase autour
mauvaise fortune bon cœur. Serviteur irrévérencieux, de la grande artère qui relie la Piazza Museo et la Piazza Plebiscito. Cet arrondi, dessiné par
rusé, bavard (d’où un secret de Polichinelle…), le ventre l’architecte Vanvitelli au milieu du XVIIIe siècle, est ourlé d’un ancien institut religieux transformé
rond, mais perpétuellement affamé, tour à tour gentil ou en collège public à la faveur de l’unification italienne. Les deux ailes courbes, interrompues par
méchant, rusé ou abruti, tragique ou comique, Pulcinella un beffroi central, sont couronnées de vingt-six statues de Giuseppe Sanmartino (le sculpteur
collectionne les du Christ voilé) représentant les vertus du monarque Charles de Bourbon. Quel regret de ne pas
contradictions. disposer d’une échelle pour contempler ces œuvres de près ! Quant au Bourbon en question,
Jusqu’en 1884, il aurait dû également avoir sa propre statue au centre de l’hémicycle, mais la politique étant
un théâtre, le San d’humeur changeante, ce fut finalement Dante, valeur sûre de la littérature transalpine, qui
Carlino, fut consacré à eut droit à cet honneur. Sa silhouette austère se campe au-dessus de la place depuis 1871.
ses farces et facéties, L’observateur attentif ne manquera pas de remarquer les deux cadrans de la tour : l’un, le plus
avant d’être détruit. grand en haut, est classique, l’autre, plus petit, est marqué des chiffres 5, 10, 15 de part et d’autre
Au-delà, montrant de l’indice de midi. Baptisée « L’Équation du temps », cette horloge calcule l’écart entre l’heure
cette ironie mordante officielle (hors nos décalages actuels liés à l’heure européenne) et l’heure solaire. Du fait de l’axe
endémique, un de rotation de la Terre, il existe un différentiel entre ces deux données. À Naples, il est limité à
kiosque vend, parmi une quinzaine de minutes maximum, soit d’avance, soit de retard ! Depuis, 2008, le précieux
ses babioles, des mécanisme de cette horloge fonctionne à nouveau…
rouleaux de papiers Si les étudiants préfèrent la Piazza Bellini, sa voisine, les anciens restent fidèles à cette
toilette à l’effigie de esplanade. Ils viennent volontiers disputer des parties de tresette, tandis qu’un peu plus loin,
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Vladimir Poutine, les étals des bouquinistes attirent encore quelques nostalgiques des beaux livres. La courte
Donald Trump ou… Via Port’Alba est elle aussi jalonnée de librairies remplies de tirages en surnombre. On peut y
l’OM ! h dénicher des pépites ! ✦

DIRECTIONITALIE 27
 CENTRE HISTORIQUE • Via Tribunali

La Port’Alba
C’est une porte tardive,
aménagée seulement en
1625 par Antonio Alvarez de
Tolède, duc d’Albe et vice-roi
de Naples. Percée dans les
fortifications angevines,
elle n’a guère l’apparence
médiévale des portes Nolana
et Capuana, qui barricadent
toujours le centre historique à
l’est. Des fresques que Mattia
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Preti peignit entre 1657 et

1659, juste après la peste, il ne
reste malheureusement guère
de traces. En revanche, les
graffiti sont nombreux dans la ruelle et certains
particulièrement réussis. Ne l’oublions pas, c’est
à Naples qu’entre 1988 et 1995 le plasticien
Ernest Pignon-Ernest, considéré comme un
pionnier du street art, apposa nuitamment ses
extraordinaires dessins éphémères sur les murs
de la ville. Si ceux-ci ont disparu, d’autres artistes
prennent la relève. ✦
© Mazerath Shutterstock
Piazza Gaetano
À l’entrecroisement du decumanus maggiore et du cardo, la Piazza Gaetano est aujourd’hui
comme hier au centre de la ville. Palais et églises s’observent depuis des siècles sur son
pourtour dans l’indifférence des passants. Surplombant l’ensemble du haut de ses deux volées
de marches, la basilique San Paolo Maggiore élève sa façade rythmée de pilastres. Les deux
colonnes qui encadrent le portail central sont les seuls vestiges de ce que fut le temple des
Dioscures. À l’intérieur, la sacristie conserve la décoration de Francesco Solimena. ✦

de l’agora grecque, devenue le forum romain. Après
la première basilique paléochrétienne (VIe siècle),
une nouvelle, de style gothique, fut reconstruite au
XIIIe siècle. L’église et le monastère comptaient alors
parmi les premières implantations des franciscains à
Naples. La visite du complexe permet de plonger dans
l’épaisseur chronologique. La superbe nef gothique,
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transept droit.
Au centre du cloître dessiné en 1771, le puits est
protégé par une statue de San Lorenzo, due au grand
sculpteur napolitain Cosimo Fanzago. Un autre cloître,
plus petit, mène à la superbe salle Sixte V, au plafond
recouvert de fresques de Luigi Rodriguez (première
moitié du XVIIe siècle). C’est également à lui que

Basilique di San Lorenzo Maggiore
Avec toutes ces basiliques « Maggiore », on a vite fait
de s’emmêler les pinceaux ! Pourtant, chacune affiche
des signes distinctifs. Celle-ci, avec sa façade ocre,
décidément baroque, et son campanile médiéval
séparé, montre d’emblée une riche histoire où les
siècles se superposent. Elle s’élève à l’emplacement
débarrassée de l’envahissante ornementation
baroque, met en lumière quelques chefs-d’œuvre
de la sculpture du Trecento, comme le tombeau de
Catherine d’Autriche, exécuté en 1323 par
l’artiste siennois Tino di Camaino. Le
maître-autel (vers 1530) est l’œuvre
de Giovanni da Nola. Il représente les
saints Laurent, Antoine et François.
Quelques fragments de fresques
dans la lignée de Giotto subsistent
dans les chapelles du déambulatoire et le
l’on doit les très belles ornementations de la salle
capitulaire.
Au niveau inférieur, on accède à la Neapolis
souterraine. On y devine l’organisation d’une
ville, avec des ateliers, une trésorerie, une
laverie, ses fours et ses bassins… Au fond,
le cryptoportique est divisé en sections,
avec des murets ouverts destinés à
exposer la marchandise. ✦
Visite de l’ensemble : 9 euros.
Piazza San Gaetano. laneapolissotterrata.it

28 DIRECTIONITALIE
Piazza Bellini
Voici une charmante place, devenue le cœur de la
vie estudiantine post-cours ! Très fréquentée le soir,
avec ses terrasses débordantes, elle s’avère aussi
très agréable la journée, avec ses quelques arbres et
palmiers, les vestiges de la première muraille grecque
et, bien sûr, Bellini sur son socle perché. Juste à côté, le
conservatoire de musique de San Pietro a Majella (Via
San Pietro a Majella, 35), installé dans l’ancien couvent
des célestins, expose dans son grand cloître la statue
d’un autre grand compositeur, à savoir Beethoven !
© schusterbauer Shutterstock
On peut aussi pousser la curiosité en pénétrant dans
l’église attenante, la Chiesa San Pietro a Majella, où
sont conservées des fresques de Mattia Preti. ✦
© DR
Napoli Sotterranea
Les dessous de Naples
Erri de Luca, grand écrivain né à Naples en 1950,
auteur entre autres de Montedidio, une fiction
autour de ses souvenirs d’enfance, dit de sa ville
natale qu’elle repose sur l’air comme Venise
repose sur l’eau… L’image est simple, poétique et
vraie. Pour alimenter en eau la ville florissante de
Neapolis, les Grecs puis les Romains ne soulevèrent
pas de montagne, mais transpercèrent ses flans
pour capter les flots des rivières dans des galeries
creusées dans le tuf. La géologie tendre du sous-
sol facilitait à la fois l’extraction des pierres pour
la construction et l’aménagement d’un dense
réseau d’adduction d’eau. Éparpillées sous la cité
antique, des citernes assuraient le ravitaillement
des riverains. On compta jusqu’à cinq mille puits !
Certains étaient privatifs et ornaient les cours des
palais ou couvents, d’autres étaient publics. Pour
entretenir ce dédale souterrain, des légions de
pozzari, surnommés « petits moines » à cause de
leur cape et capuche, descendaient le long des
étroites parois et enlevaient, dans la pénombre, les
détritus, feuilles mortes, boues…
Napoli Sotterranea emmène les visiteurs dans ce
labyrinthe où certains passages terriblement serrés
laissent difficilement passer une personne de face.
Lors de notre exploration, notre petite troupe a
des allures égyptiennes ! Ces fentes favorisaient
la mise sous pression de l’eau acheminée à
partir de l’époque romaine par deux importants
aqueducs. Ce judicieux système, avec des enduits
imperméabilisant les parois et des bassins de
déversement des trop-pleins, perdura jusqu’en 1884
et l’épidémie de choléra. Devenu dépotoir (les puits
sont si commodes pour jeter les encombrants), le
réseau fut reconsidéré pendant la Seconde Guerre
mondiale. L’armée transforma des sections entières
en bunker : la plupart des puits furent bouchés, une
dalle de béton fut coulée sur les déchets, des bancs
furent aménagés. Pendant les bombardements
alliés, trois mille personnes trouvèrent refuge dans
cet abri, sous la Piazza Gaetano. Mais ici, comme
à la surface, les distinctions sociales avaient la
vie dure ! Certaines grandes familles obtinrent un
espace isolé de la plèbe par une grille basse. On
© DR
félicite l’association pour son formidable travail de
reconstitution, avec notamment la mise en eau des
citernes, mais aussi d’explications par l’entremise
de guides francophones.
Après cette première virée, une autre nous
attend. Cette fois, le guide vous emmène devant
un immeuble comme un autre. Pourtant, c’est
là que se cachent les dernières traces du théâtre
gréco-romain, où se produisit Néron (il aurait,
paraît-il, soudoyé des Napolitains pour applaudir
ses chants). La visite commence dans un atelier
de fabrication de crèches, autrefois la summa
cavea, l’équivalent de notre poulailler ; elle se
poursuit dans un basso. On débouche sur les
coulisses d’époque aux murs en opus mixtum. Cet
appareillage a des propriétés antisismiques grâce à
des briques coniques qui laissent derrière elles un
vide où les ondes peuvent se diffuser. Enfin, voici
le proscenium, l’avant-scène, qui servait encore
récemment de garage à scooters ! ✦
Entrée : 10 euros (visites guidées uniquement).
Piazza San Gaetano, 68.
Tél. : +39 081 296 944. napolisotterranea.org
DIRECTIONITALIE 29
 CENTRE HISTORIQUE • Via Anticaglia
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30 DIRECTIONITALIE

© Mazerath shutterstock
Santa Maria Donnaregina
Si la rue est ponctuée d’églises, beaucoup sont
malheureusement fermées. Le complexe Santa
Maria Donnaregina, ancien îlot franciscain, a
été habilement reconverti en musée diocésain.
Le parcours passe par la très baroque église
Santa Maria Donnaregina Nuova, construite en
tout juste dix années, de 1617 à 1626, et couverte
du sol aux murs de marbre polychrome. Il se
poursuit par le déambulatoire à l’étage, réservé
aux clarisses qui pouvaient ainsi assister aux
offices sans sortir du couvent, et se termine par
l’église gothique.
Naples nous a habitués à cette débauche d’ors,
de couleurs et de peintures, propre à l’art de la
Contre-Réforme. Rien n’était trop beau pour
l’Église catholique ! Les chapelles qui rayonnent
autour de l’unique nef sont chacune habitées
par des retables exceptionnels : L’Annonciation
et l’Immaculée Conception de Charles Mellin, un
rare Saint François recevant les symboles de la
sainteté de Francesco Solimena… On verra avec
City guide
NAPLES
Via Anticaglia
Le decumanus supérieur
Parent pauvre de cette trilogie antique, la Via Anticaglia, peut-être encore plus décatie
que les deux autres, regorge pourtant de trésors. Malheureusement, la valorisation de
ce précieux patrimoine est loin d’être achevée même si, ici et là, la restauration porte
ses fruits. Ainsi, alors que l’odéon couvert et le théâtre découvert de cinq mille places
sont encore à l’écart des circuits touristiques, certaines églises se sont transformées en
formidables musées.
Trecento représentant saint François et saint
Jean l’évangéliste.
En 1390, la foudre frappa l’église, provoquant
un grave incendie qui détruisit le toit et altéra
les couleurs des fresques du chœur, accessible
par un escalier. Ce cycle, dont les tonalités
rougeâtres sont dues à la chaleur des flammes,
est un témoignage rare de cet art pictural
médiéval. Réalisé à partir de 1320, il présente
des influences différentes. Certaines fresques,
comme les scènes de l’Ancien et du Nouveau
Testament, et le colossal Jugement dernier, sont
assez rustiques et attribuées à l’école de Pietro
Cavallini ; d’autres, notamment les histoires
de sainte Agnès, sainte Catherine et sainte
Elizabeth, sont plus raffinées et se rattachent
aux enseignements de Giotto. ✦
Entrée : 6 euros.
émotion, dans la partie muséale, deux tableaux
du début du XVIIe siècle signés d’une certaine
Largo Donnaregina.
museodiocesanonapoli.com
Diana di Rosa, une femme peintre, de son vrai
nom Annella di Massimo.
Mais le clou de cette visite, c’est bien Santa
Maria Donnaregina Vecchia. L’élancement
spectaculaire et quasiment vide de sa nef
est sidérant. On est tout de même un rien
surpris lorsqu’on lève le regard vers la voûte à
croisée d’ogives de l’abside. À voir ses blasons
aux motifs « stars and stripes », on fantasme
© Mazerath shutterstock
d’anachroniques États-Unis ! Le sanctuaire
date d’après le tremblement de terre de 1293,
qui détruisit la première église du VIIIe siècle.
C’est la pieuse Marie de Hongrie, femme de
Charles II d’Anjou, qui finança l’établissement de
ce nouveau monastère, grâce notamment à la
vente de ses bijoux. Œuvre du grand sculpteur
siennois Tino di Camaino, sa sépulture, installée
sous un baldaquin gothique soutenu par les
© Mazerath shutterstock
quatre vertus, est d’un extrême raffinement. La
ravissante chapelle Loffredo s’ouvre sur un côté ;
elle est ornée de fresques presque intactes du
DIRECTIONITALIE 31
 CENTRE HISTORIQUE • Via Anticaglia
© Urban Napflin Shutterstock

Chiesa di San Giovanni a Carbonara
Autre coup de cœur de cette balade,
l’église excentrée de San Giovanni a
Carbonara (XIVe et XVe siècle).
Juchée sur un petit promontoire au bout
d’une longue esplanade, elle se donne de
faux airs baroques avec son majestueux
escalier à double rampe signé Ferdinando
Sanfelice. En haut, la façade ornée d’un
portail gothique surprend par sa simplicité
et ne révèle rien de la splendeur de ce
mausolée agrandi et embelli par le roi
© DR
Ladislas Ier de Naples. Il se réserva pour ses vieux
jours, ou plutôt vieux os, une place de choix :
son incroyable monument funéraire sur trois
niveaux se dresse à l’arrière du maître-autel. Au
sommet, la statue équestre du souverain reflète
sa splendeur terrestre.
Sa sœur, la reine Jeanne ne manque pas
d’impudence puisqu’elle choisit d’y faire aussi
ensevelir son amant, le noble Sergianni Caracciolo.
Son corps repose dans la chapelle octogonale
Carraciolo del Sole, située à l’arrière du tombeau
de Ladislas. En bas, les fresques du XVe siècle
multiplient les détails parfois croustillants sur la
vie monastique, tandis qu’au-dessus, la vie de
la Vierge défile en quelques tableaux essentiels.
Tout aussi admirable, la chapelle Renaissance
Carraciolo di Vico arbore une forme circulaire,
chère à l’école de Bramante. Elle abrite les
tombeaux de cette aristocratique dynastie.
Face à l’entrée latérale de la nef, un groupe
sculpté, baptisé chapelle Miroballo, est dédié à
saint Jean-Baptiste. Il place ses statues et bas-

reliefs dans une structure architectonique, comme

Museo d’Arte Contemporanea Donnaregina
Et pourquoi ne pas chambouler ce quartier pétri d’histoire par une
pointe de provocation très contemporaine ? C’est le pari tenu par
ce musée, aménagé en 2005 dans l’ancien Palazzo Donnaregina
par l’architecte portugais Alvaro Siza. Il suffit de franchir son seuil
pour être plongé dans une installation grandiose, aux couleurs pop,
signée Daniel Buren. La suite est du même acabit : on y affronte les
ébouriffantes créations de Jannis Kounellis, Richard Serra, Sol LeWitt,
Jeff Koons, Anish Kapoor… ✦
Entrée 8 euros.
Via Settembrini, 79. Tél. : +39 081 1973 7254. madrenapoli.it
le veut la mode de la Renaissance. Dernière à
avoir été ajoutée, la chapelle Somma, datant de la
fin du XVIe siècle, est placée au fond de la nef. Elle
compte également de riches fresques d’un artiste
inconnu.
Enfin, l’artiste, architecte et surtout grand
critique d’art que fut Giorgio Vasari, auteur de
l’incontournable Les Vies des meilleurs peintres,
sculpteurs et architectes, paru en 1550, a laissé
une Crucifixion, ainsi que d’autres œuvres. ✦
Entrée libre.
Via Carbonara, 4

32 DIRECTIONITALIE

Duomo
Alors que le duomo constitue l’épicentre de la
plupart des grandes villes italiennes, à Naples,
rien de tel. Construite par Charles Ier d’Anjou
à l’aube du XIVe siècle, à l’emplacement de
deux anciennes basiliques paléochrétiennes,
la cathédrale San Gennaro est presque une
église parmi les autres… D’ailleurs, elle ne
s’ouvre pas sur une grande place panoramique,
mais sur un parvis engoncé le long de la Via
Duomo. Engoncée dans les constructions qui
l’entourent, sa façade néo-gothique, d’une
blancheur éclatante, se détache sans avoir la
grâce des modèles authentiques. Certes, les
trois portails sont d’origine et le portail principal
du maître Tino di Camaino est particulièrement
élégant, mais l’ensemble reste désespérément
trop raide. L’intérieur, en forme de croix latine,
est plus convaincant. Les volumes eux-mêmes
en imposent, et la décoration a le bon goût de ne
pas trop en faire. Si le plafond en bois à caissons
du XVIIe siècle est doré par endroits et si des
fresques de Luca Giordano courent en haut de la
nef, la lumière et l’espace circulent librement. On
admirera L’Assomption de la Vierge du Pérugin,
dans la chapelle de L’Assomption, les restes de
fresques giottesques dans une autre.
Le baroque prend sa revanche dans la chapelle
du Trésor de San Gennaro. C’est en 1527 que
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la ville de Naples, en prise à la guerre, aux
épidémies et à la famine, s’engagea à offrir à
son saint patron (pas des moindres, puisqu’on
le pense capable d’arrêter les coulées de
lave !) une nouvelle demeure en échange de
sa protection. Promesse exécutée près d’un
siècle plus tard, à partir de 1608. Les reliques
(des morceaux du crâne et deux ampoules
de sang séché) ont droit à un écrin grandiose,
une sorte d’apothéose baroque qui, par
sa magnificence, rend gloire à l’évêque de
Bénévent, San Gennaro, mort en martyr en
305 sous la persécution de Dioclétien. Les
miracles de San Gennaro ont été peints à
fresque sur les lunettes, sous les arches, dans les
triangles à la base des colonnes, par le peintre
émilien Domenichini, tandis qu’au-dessus
du tambour, les anges et tous les saints du
Paradis tourbillonnent sur les nuées. Plusieurs
protections valant mieux qu’une, Naples vénère
d’autres saints, pas moins de cinquante-trois,
City guide
NAPLES
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qui sont ici incarnés par de somptueuses
statues en argent. Si les ampoules sont toujours
placées derrière le maître-autel en porphyre, le
buste de San Gennaro, qui contient les restes
de son crâne, orné de sa mitre parsemée de
pierres précieuses, est exposé au musée du
Trésor. La crypte Renaissance de San Gennaro,
que certains attribuent à Bramante lui-même,
abrite d’autres ossements du saint, rapatriés
au XVe siècle, devant lesquels s’agenouille la
statue du cardinal Carafa, due au sculpteur
Tommaso Malvito. Enfin, vous traverserez la
basilique Santa Restitua, la plus ancienne de
la ville puisqu’elle remonte à Constantin, pour
atteindre le baptistère San Giovanni in Fonte (fin
du IVe siècle), le plus ancien d’Occident, pavé de
superbes mosaïques. ✦
Entrée libre. Accès au baptistère : 2 euros.
Via Duomo, 147
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DIRECTIONITALIE 33
 Le Naples monumental
Les choses en grand
Naples fait comme toutes les métropoles du monde ; elle déborde au-delà de
ses limites initiales et part à la conquête de nouveaux territoires. C’est vers la
mer qu’à partir du XIIIe siècle, sous la domination angevine, elle prit un nouvel
essor. L’espace ouvert lui offre là la possibilité de voir les choses en grand, et la
cité en profite pour se mettre en scène. À l’orée du quartier antique, c’est sur la
façade maritime et juste à l’arrière de cette ligne abîmée par les bombardements
alliés, que se sont épanouis châteaux, grandes places et jardins.

34 DIRECTIONITALIE
 City guide
NAPLES

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DIRECTIONITALIE 35
 LE NAPLES MONUMENTAL
Piazza del Municipio
La place, encore stigmatisée par les travaux,
promet d’être magnifique une fois que les
grues et les barricades auront été enlevées,
et que l’axe à la grandeur et à la rigueur de
l’architecture fasciste, allant de la gare maritime
à la colline San Martino, sera dégagé. En
attendant, depuis cet hiver, elle est envahie
par les 100 Loups de fer de Liu Ruo Wang, une
© lapas77 shutterstock
36 DIRECTIONITALIE
installation temporaire qui devrait
s’achever ce printemps. Prêts
à s’abattre sur les passants,
leurs mâchoires pointues
renforcent le caractère
médiéval de la place sise au
pied des tours du Castel Nuovo.
Devant le palais San Giacomo,
qui abrite la mairie, la ravissante fontaine
© David Brown AdobeStock
de Neptune a trouvé ses aises depuis
2014. Modelé en 1600 par Domenico
Fontana, ce groupe sculpté a
changé sept fois de place, depuis
son inauguration devant l’arsenal !
Lions, dauphins grimaçants, tritons,
nymphes et satyres sont couronnés
d’un bassin où trônent Neptune et son
célèbre trident. ✦
 City guide
NAPLES

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Piazza Plebiscito
Elle est à Naples ce que la place Saint-Pierre est
à Rome… D’ailleurs, elle en a un peu la forme !
Un mimétisme voulu par Ferdinand IV qui, à la
chute de Napoléon, commandita cette théâtrale
colonnade en demi-cercle autour de la basilique
San Francesco di Paola. Celle-ci s’inspire
directement du Panthéon d’Agrippa, à Rome, et
sa coupole gigantesque est un point de repère
particulièrement visible de haut. Le souverain
mit ainsi un terme à des travaux d’urbanisme
entrepris au siècle précédent pour faire de cette
esplanade une somptueuse place néo-classique
encadrée de palais officiels. Au centre, la statue
équestre du roi Charles III est due au sculpteur
Antonio Canova ; celle de son fils, Ferdinand Ier, a
été réalisée par un de ses disciples. ✦

Castel Nuovo
La manie des grands travaux est un dada de souverain ! Plutôt que de faire comme ses
prédécesseurs et de prendre pension dans le Castel dell’Ovo, Charles Ier d’Anjou lança
la construction de cette forteresse en 1279, avec pour modèle son château d’Angers.
Baptisé Castel Nuovo ou Maschio Angioino, protégé par quatre tours, un fossé et un
pont-levis, le Castel Nuovo fut remanié au XVe siècle par Alphonse d’Aragon. Il en fit
une résidence royale sûre et confortable, ajouta une tour au centre, et para l’entrée
© Evdoha spb shutterstock

d’un magnifique arc de triomphe. Sa gloire éclate sur le bas-relief illustrant son entrée
victorieuse dans Naples. Depuis la cour intérieure, la visite permet d’accéder à la
chapelle palatine et à la ravissante Madone à l’Enfant de Francesco Laurana. Dans
la salle des Barons, auréolée d’une voûte gothique en étoile de 28 mètres de hauteur, un coup d’État fomenté en 1486 par des familles fidèles aux
Anjou fut démasqué ; ses conjurés, des barons, furent arrêtés pendant une réception. Les autres salles accueillent une collection de peintures allant du
XVe siècle au XXe siècle. Aujourd’hui, les cinq tours crénelées et les hauts murs aveugles en piperno jettent une ombre toute chevaleresque sur la ville
et nous rappellent combien Naples veillait à sa sécurité ! Le Castel Sant’Elmo, accroché sur les hauteurs, le Castel dell’Ovo, s’avançant sur la mer, et le
Castel Capuano, le long des murailles, font partie de ce système de défense qui veillait autant sur les menaces extérieures qu’intérieures ! ✦
Entrée : 6 euros.
Piazza Castello

DIRECTIONITALIE 37
 LE NAPLES MONUMENTAL

Piazza Trieste e Trento

Cette place carrée, adjacente
à la Piazza del Plebiscito, fait
elle aussi partie du pèlerinage
touristique napolitain. On
s’accorde une pause, le
temps d’un café, sous les
ors du célèbre Gambrinus,
ou encore au Caffè del Vero
Professore, son voisin, plus © PhotoItaliaStudio shutterstock

plébéien mais tout aussi réputé.

Surtout, on y passe pour se
rendre sous la verrière de la
Galeria Umberto I, double
méridional de sa cousine milanaise, à la verrière
vertigineuse et aux dalles miroitantes. On peut
la traverser pour rejoindre l’opéra attenant,
le Teatro San Carlo, qui n’a rien à envier à la
tout aussi milanaise Scala. Ville mélomane
jusque dans les tréfonds de son âme, Naples
possède l’une des plus célèbres et anciennes
scènes lyriques du monde. C’est en 1737 qu’elle
fut inaugurée, après seulement quelques
mois de chantier. Sa réputation ne cessa de
grandir, grâce à l’excellence de ses musiciens
et compositeurs, dont Rossini et Donizetti. Sa
façade, rénovée sous Joachim Murat dans un
style néo-classique, brûla peu de temps après
son achèvement et fut promptement réparée,
tant il n’est pas question à Naples de vivre sans
musique ! Un séjour napolitain doit, pour être
adoubé, passer par une soirée à l’opéra. Sa
saison est toujours très courue et les places sont
aussi rares que chères. Mais quel bonheur pour
les amateurs de bel canto ! ✦
Visite guidée : 9 euros.
Teatro San Carlo, Via San Carlo.
teatrosancarlo.it

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La Via Toledo
Décrite par Stendhal comme « la rue la plus
peuplée et la plus joyeuse au monde », cette
artère percée au XVI  siècle est fidèle à sa
réputation. Devenue piétonne, elle garde à toute
heure du jour et jusque tard dans la soirée une
incroyable pulsation. Les Napolitains aiment à
l’arpenter, et faire halte dans les nombreuses
boutiques qui la jalonnent. Entre la Piazza Dante
et la Piazza del Plebiscito, elle compte quelques
édifices remarquables, des palais nobiliaires, mais
aussi la Banco di Napoli, qui dans les années 1930,
pour les 400 ans de sa fondation, reconstruisit
son siège à la mode néo-classique monumentale
en vigueur. Il faudra faire un pas de côté, sur
la Plazza Matteoti, pour observer d’autres
témoignages de cette architecture mussolinienne,
qui, il faut bien l’avouer, en impose toujours
autant : la poste centrale et sa façade courbe, face
aux formes cubiques du Palazzo della Questura et
de l’hôtel de la Région. ✦

38 DIRECTIONITALIE
 City guide
NAPLES

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Palazzo Reale
Terminant la perspective de la Via Toledo d’un
côté, l’immense Palazzo Reale surplombe les
quais de l’autre, preuve qu’au fil des siècles,
Naples a conquis des mètres au-dessus de la mer.
Cette fois, c’est le vice-roi espagnol Fernandez
Ruiz de Castro qui commanda cet ouvrage à
l’architecte Domenico Fontana. Au XVIIIe siècle,
il fut agrandi par Luigi Vanvitelli, l’architecte
baroque qui commença également les travaux
de la grandiose résidence royale de Reggia di
Casserta, à quelques kilomètres de là. Les longues
façades à la géométrie parfaite, la cour d’honneur
et les galeries témoignent d’un ordonnancement

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digne de la fin de la Renaissance. Les statues
de rois qui occupent les niches ménagées entre
chaque arche sont des ajouts relativement
récents, puisqu’elles furent apportées au De haut en bas. La station Università et la station Garibaldi.

XIXe siècle.
On aura plaisir à se promener dans cette Beau comme un métro
succession de pièces d’apparat, à commencer Les travaux qui s’éternisent autour du chantier de la station Municipio bousculent sa
par le double escalier d’honneur en marbre perspective. Mais, c’est un mal pour un bien ! Car l’extension du métro napolitain, qui se
provenant des carrières du royaume des heurte sans cesse à d’époustouflantes découvertes archéologiques, poursuit un objectif à
Deux-Siciles, qui mène à l’étage. Pour la petite la fois ambitieux et noble. Lancé par la municipalité, le projet « Métro de l’art » conjugue le
histoire, sachez qu’aussi impressionnant que vous devoir de dessertes rapides des voyageurs au plus-que-parfait et au présent continu. En clair,
puissiez le trouver, cet escalier n’est pas celui il s’agit de respecter les strates des vestiges exhumés et de les mettre en valeur en faisant
que vanta Montesquieu, parti depuis en fumée. appel aux plus grands architectes, parmi lesquels Gae Aulenti et Dominique Perrault, et de
Des antichambres au hall des Ambassadeurs transformer le réseau en gigantesque musée. Spécifiquement conçues pour le lieu, plus de
ou à la salle du Trône, les fresques des plafonds, cent cinquante œuvres d’art (dues à quatre-vingts artistes contemporains) ont été installées
les tapisseries des Gobelins, les candélabres en à l’intérieur et à l’extérieur des stations. La palme de l’aménagement le plus réussi revient,
bronze, les pendules posées sur des consoles selon le Daily Telegraph, à l’arrêt Toledo et à ses vagues bleues, imaginées par l’architecte
dorées, les stucs et les plafonds à caissons en catalan Oscar Tusquets Blanca. La station Università a été pensée par le designer anglo-
mettent plein la vue ! À noter, l’influence française égyptien Karim Rashid, qui a métamorphosé les escalators en expérience psychédélique !
dans la décoration, et sa touche Premier Empire : Seizième opus de cette grande œuvre, la station Garibaldi, conçue par Dominique Perrault,
elle s’explique par l’intermède Murat, qui fut bref affiche des airs de vaisseau spatial desservi par des passerelles mécaniques. En bas, Stazione, le
(1808-1815), mais laissa des traces ! ✦ long miroir habité de Pistoletto, l’un des piliers de l’Arte Povera, rappelle quand même notre
Entrée 6 euros. humanité ! ✦
• Piazza del Plebiscito, 1

DIRECTIONITALIE 39
 Museo Nazionale Archeologico
Passage obligé
C’est un des musées archéologiques les plus réputés au monde.
Il est vrai qu’il prend à sa source, si l’on ose dire, les trésors
figés pour l’éternité par l’éruption du Vésuve, à Pompéi comme
à Herculanum. D’autres pièces, en revanche, proviennent de
beaucoup plus loin, telles les statues qui ornaient les thermes de
Caracalla à Rome, d’abord incluses dans la collection Farnèse.

La visite de cette grande institution, passage
obligé à Naples, peut se faire à géométrie
variable, en fonction de ses propres centres
d’intérêt, mais aussi des contingences imposées
(le musée, faute de moyens et de personnel,
n’ouvre pas toutes ses salles en même temps).
Datant de la toute fin du XVIe siècle, ce palais,
qui devait à l’origine servir de manège royal,
fut finalement converti en siège de l’Université
avant d’accueillir les vestiges antiques au
XVIIIe siècle. À cette époque, l’Europe s’entichait
des fouilles effectuées sur les lieux des
civilisations perdues, et le fond s’étoffa bientôt
de nouveaux trésors prélevés hors d’Italie,
notamment en Égypte.
Si le musée abrite des chefs-d’œuvre
inestimables, il souffre en revanche d’une
muséographie conventionnelle et d’outils
de médiation médiocres. Les panneaux
explicatifs, quand ils existent, sont rédigés en
italien et en anglais. Heureusement, il y a, en
plus des audioguides, de formidables guides
francophones privés. N’hésitez pas à faire
appel à leurs services. En autonomie, vous
Victoire devez impérativement passer dans les salles
d’Alexandre le de la collection Farnèse : elles sont peuplées
Grand contre de dieux et déesses, dont la curieuse Artémise
Darius, la
d’Éphèse en albâtre, de héros fameux, dont le
plus grande
mosaïque de colossal Hercule appuyé sur sa massue, mais
Pompéi. aussi de personnages moins connus, tels les
tyrannicides Hamodius et Aristogeiton, ou
encore de vieux savants barbus… C’est là que
se dresse le Taureau Farnèse, l’un des plus
importants groupes sculptés de l’Antiquité. Au
premier étage, exhumée de la lave solidifiée
d’Herculanum, la villa des Papyrus réserve ses
magnifiques témoignages d’un art statuaire
à l’exquise modernité. Les deux
athlètes en bronze semblent
prêts à jaillir des starting-
blocks, tandis que les deux
cervidés, graciles, sont à
l’aguet ! Les cinq Danaïdes,
elles aussi en bronze, ont une
pose plus hiératique. Témoins
de cet âge d’or antique, les mosaïques
pompéiennes, à l’entresol, transposent la
réalité en une infinité de minuscules tesselles
aux dégradés parfaits. Faites pour durer, ces
ornementations étaient exécutées avec un soin
extrême : les mouvements, les expressions des
visages, les ombres portées, tout concourt à un
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réalisme bluffant ! Pièce maîtresse, la célèbre
Victoire d’Alexandre le Grand contre Darius, la
plus grande mosaïque de Pompéi, compterait
plus de deux millions de tesselles ! Les fresques
en trompe-l’œil aux coloris chauds (le fameux
rouge pompéien), les objets du quotidien,
les simples dés ou la fastueuse vaisselle de la
maison de Ménandre convoquent les
usages de cette cité romaine faite
pour les plaisirs (on y a compté
vingt-cinq lupanars) et les loisirs.
D’ailleurs, le cabinet secret, avec
son alcôve pour les amours et ses
représentations érotiques, montre
qu’en la matière, nos ancêtres avaient
une imagination débridée ! Avant de sortir, on
ne manquera pas de contempler la maquette en
bois de Pompéi, réalisée en 1869. Depuis, le site
s’est nettement agrandi. ✦
Entrée : 12 euros.
Piazza Museo 19. Tél. : +39 081 442 2149.
museoarcheologiconapoli.it

40 DIRECTIONITALIE
 City guide
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© DR
Museo di Capodimonte changé… Il y avait d’abord eu l’engouement
napolitain pour les statuettes en porcelaine,
salles. Enrichi au fur et à mesure par d’autres
puissants mécènes, le fonds compte nombre de

Sans modération
C’est à la fois le Louvre et le Versailles
napolitain ! le Museo di Capodimonte, c’est
une extraordinaire pinacothèque, un palais
royal, ainsi qu’un vaste parc paysager à
déguster sans modération.
Le Museo di Capodimonte offre un exceptionnel
aperçu de la peinture italienne à travers les
âges, tout en ménageant une échappée sur
un domaine boisé à la vue panoramique.
Double plaisir assuré pour ses visiteurs : le choc
esthétique, face aux chefs-d’œuvre, et le bonheur
du calme et du grand air.
C’est à Charles de Bourbon, fils aîné d’Elizabeth
Farnèse, que l’on doit cette heureuse initiative.
Le roi des Deux-Siciles ordonna à l’architecte
Ferdinando Sanfelice la construction de cette
résidence dans la première moitié du XVIIIe siècle.
Il faudra cent ans pour que le chantier s’achève
vraiment. Entre temps, bien des choses avaient
qui n’est pas sans rappeler une autre passion
autochtone, celle de la crèche. La reine Marie-
Amélie, femme de Charles de Bourbon, était la
petite-fille du fondateur des fameuses fabriques
de porcelaine de Meissen, et c’est sous son
impulsion qu’une manufacture fut ouverte
à Capodimonte. Elle produisit l’hallucinant
décor du boudoir de la reine, avant d’être
transférée près de Madrid, en Espagne. Charles
de Bourbon, devenu Charles III, roi d’Espagne,
dut effectivement rejoindre son nouveau trône
avec armes et bagages. D’ailleurs, après avoir été
rapatriée à Capodimonte, la collection Farnèse,
héritée de sa mère, suivit le même chemin.
Il fallut attendre 1800 pour que les tableaux
revinssent à Naples.
L’impossible inventaire
Installée à l’étage noble, la collection Farnèse s’est
constituée autour d’un noyau impulsé par le pape
Paul III Farnèse. Son célèbre portrait du Titien
trône d’ailleurs en bonne position dans l’une des
Raphaël, Michel-Ange, Bellini, Brueghel l’Ancien,
Le Corrège, Andrea del Sarto… Impossible ici de
faire l’inventaire de la centaine de salles… Sachez
seulement que le panorama pictural englobe une
partie consacrée à l’école napolitaine et une autre
à la création contemporaine. Le parcours permet
aussi de s’imprégner des somptueux décors des
appartements royaux et des caprices de la mode,
qui firent de figurines kitsch des symboles de
raffinement.
De 8 h 30 à 19 h 30, vous pourrez visiter le
premier étage comprenant la galerie Farnèse,
la galerie des Curiosités et celle des Porcelaines,
ainsi que les expositions temporaires. De 9 h 30 à
17 heures, vous pourrez visiter le deuxième étage
présentant la galerie des Arts napolitains du
XIIIe siècle au baroque, ainsi que la collection d’art
contemporain et les expositions temporaires sur
le même étage. ✦
Entrée : 14 euros
Via Miano 2. Tél. : +39 081 749 9111.
museocapodimonte.beniculturali.it

Il Reale Bosco
Sacré « Plus beau parc d’Italie en 2014 », Il Reale Bosco entretient avec soin un patrimoine paysager vivant,
imaginé il y a trois siècles par Ferdinando Sanfelice. Autour de la Reggia, le jardin proprement dit ménage
de larges vues sur la baie de Naples, tandis que le reste des 134 hectares du domaine, dédiés à la chasse,
préserve une belle forêt ponctuée ici et là de statues, de grottes artificielles, d’église et de fermettes.
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Aujourd’hui, si la perspective sur le golfe de Naples s’est urbanisée et industrialisée, elle fascine toujours
autant. Depuis la grande pelouse du Spianato d’où s’échappent, telles des lances ébouriffées, des palmiers
des Canaries, le spectacle est un ravissement. Ajout du XIXe siècle, le jardin anglo-chinois de Friederich
Dehnhardt, jardinier en chef du Jardin botanique, joue à imiter la nature en créant des prairies et des
bosquets. Camélias d’Asie, eucalyptus d’Australie, magnolias d’Amérique, cèdres du Liban… Le monde
s’acclimate merveilleusement à la douceur méditerranéenne. Il y a aussi le jardin baroque et la Porta di
Mezzo, une majestueuse porte en fer qui s’ouvre sur un hémicycle. De là, cinq avenues partent dans la forêt
©lauradibi shutterstock

où s’épanouissent chênes verts, tilleuls, érables et autres charmes… Au nord, de la Porta Caccetta à la Porta
Miano, l’ancien enclos des faisans a été remodelé en 1835 pour lui donner l’apparence d’une campagne
vallonnée. C’est dans cette partie que se trouvent l’ancienne manufacture de porcelaine de Capodimonte
(1744-1759) et l’église de San Gennaro, ainsi que des granges, des écuries et des remises agricoles. ✦

DIRECTIONITALIE 41
 © Stefano Tammaro Shutterstock

Le quartier du Vomero
Prise de hauteur
Surplombant la ville, le quartier du Vomero offre de superbes belvédères. Trois funiculaires y conduisent,
mais on peut aussi y parvenir en métro en s’arrêtant à la station Vanvitelli. Autour de l’unique palmier
central de cette place ronde et cossue, les boutiques chics et branchées s’enchaînent. D’un coup, on
a l’impression d’avoir largué la Naples traditionnelle pour une riche cité du Nord de la Péninsule.
Quel contraste avec les premières pentes où s’agrippent les populaires Quartiers espagnols !
42 DIRECTIONITALIE
 City guide
NAPLES

DIRECTIONITALIE 43
 LE QUARTIER DU VOMERO

commerces aux étals colorés et de sales

souvenirs de règlements de compte ; il a
aussi ses pickpockets professionnels.
De loin, c’est un méli-mélo de toits-
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terrasses où poussent les soucoupes

des antennes paraboliques, de murs
pastel où s’accrochent des guirlandes
de draps, de foule en mouvement,

Les Quartiers espagnols toutes générations (et nationalités)

Sur les flancs de la colline de San Martino,
ce quadrillage serré de ruelles a été créé par
le vice-roi Pedro Alavarez de Tolède pour
héberger ses troupes. Des siècles plus tard,
cette trame inextricable a peu changé, mais
confondues. De près, c’est un désordre
perpétuel qui se faufile entre les
voitures, les estafettes, les scooters ; c’est
un brouhaha urbain qui résonne entre
les hautes parois des immeubles ; c’est la
lumière chiche avec le soleil tout là-haut ;

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s’est inexorablement usée, esquintée, et sa
réputation sulfureuse lui colle toujours à la peau.
Fief de la Camorra, repaire de la prostitution…
Une chose est sûre, le quartier est pittoresque
et anarchique en diable ; il est densément
peuplé et bourré de vie ; il mêle des images bon
enfant de discussions entre voisines, de parties
de cartes devant la porte des bassi, de petits
c’est aussi, parfois, des oratoires dédiés
à des saints d’un autre âge, ou, ailleurs,
des surgissements poétiques comme
seul le street art sait en inventer. Des
fleurs de bitume qui poussent sur des rideaux limitées aux venelles proches de la Via Toledo.
de fer rouillés, des paupières qui se ferment sur C’est là que sont agglutinés les tavernes et
des pavés éculés… Pour l’heure, les touristes bars à l’ambiance chaleureuse, trépidante,
se contentent le plus souvent d’excursions gesticulante ! ✦

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Castel Sant’Elmo
Véritable image d’Épinal, le château Sant’Elmo, juché sur le sommet de la colline du Vomero, fait partie de la skyline napolitaine depuis le XIVe siècle. Construit sous la
dynastie angevine, en 1329, il est transformé en puissante forteresse à la suite d’un tremblement de terre. Sa fière allure, avec ses hauts murs de tuf jaune aux angles
vifs, se détache nettement au-dessus des quelques arpents de verdure qui survivent à ses pieds ; autrefois, les pentes étaient couvertes de jardins et vergers que
l’urbanisation a progressivement grignotés. Colossale couronne de pierres en forme d’étoile, le Castel Sant’Elmo a été partiellement creusé dans la roch,
ce qui renforce son caractère massif, inexpugnable. Sa position stratégique lui donne clairement l’avantage sur les ennemis potentiels, qu’ils viennent de la mer ou
des terres. Aujourd’hui, le chemin de ronde permet d’avoir une vue à 360 degrés sur la ville, son camaïeu de teintes pastel d’où émergent ici et là des coupoles, et
les environs, le volcan et le golfe. On peut aussi faire un saut dans le Museo Napoli Novecento, situé sur la place d’armes, où sont exposées des toiles et sculptures
d’artistes napolitains du XXe siècle. ✦
Entrée 5 euros.
Via Tito Angelini, 22. Tél. : +39 081 229 4459.

44 DIRECTIONITALIE
 City guide
NAPLES

Certosa San Martino

De loin, juste à côté du bloc jaunâtre du Castel
Sant’Elmo, impossible de ne pas remarquer cet
immense parallélépipède d’une pâleur étincelante. Il
s’agit d’une chartreuse fondée par Charles d’Anjou au
XIVe siècle, mais très remaniée entre la fin du XVIe et
le début du XVIIe siècle. Avant de pénétrer dans cette
enceinte, autrefois strictement réservée aux hommes,
prenez le temps d’admirer Naples qui s’étale à vos pieds

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et l’étroite fente sombre de Spaccanapoli.
Parmi les architectes qui ont collaboré à ce projet
d’envergure, l’empreinte la plus notoire fut celle que
laissa le Bergamasque Cosimo Fanzago, qui supervisa
le chantier de 1623 à 1656. Dès l’entrée, dans le cortile
à l’élégant portique, on est transporté dans un lieu
hors du monde. Devancée par un pronaos couvert
de fresques, l’église, de dimension réduite, est un
prodigieux manifeste de la virtuosité artistique des
XVIIe et XVIIIe siècles. L’écrin est déjà un pur chef-
d’œuvre, avec le parement bicolore de la façade en
marbre gris et blanc, et la marqueterie marmoréenne
qui tapisse le sol et les piliers. Les fresques de la
voûte signée Giovanni Lanfranco, le Cycle des douze
prophètes de José de Ribera, un peintre espagnol ayant
surtout fait carrière à Naples, la Déposition du Christ
de Massimo Stanzione et la Nativité du Bolonais Guido
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Reni font partie des trésors de ce lieu.

La promenade se poursuit dans les superbes cloîtres,
le jardin des simples, suspendu au-dessus du golfe,
et le riche appartement du prieur. On y voit des
carrosses, deux barques d’apparat, la galère de Charles
de Bourbon, surnommée « la Gondole », et la Lancia
Reale à quatorze rameurs d’Umberto I de Savoie, une
collection de peintures, les céramiques du vestibule, la
méridienne avec ses signes du zodiaque, des plafonds
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ravissants et des vues de Naples anciennes, des santons

© canadastock Shutterstock

croquignolesques et, évidemment, l’inévitable crèche,

en l’occurrence la Crèche Cuciniello, du XVIIIe siècle,
formidablement éclairée de l’aube au couchant. Devant
la vitre, on resterait des heures à contempler les scènes
qui se déroulent, les plus de deux cents santons qui
s’affairent au creux d’une grotte aménagée dans la
partie des vieilles cuisines de la chartreuse.
Pour redescendre en ville, on peut emprunter la large
rampe appelée Pedamentina, qui rejoint en contrebas
le cossu Corso Vittorio Emanuele, ses villas coquettes
et son collier d’hôtels avec vue. Les quatre cent
quatorze marches (douces dans le sens de la descente)
serpentent à travers les derniers vergers de la cité
et révèlent des panoramas spectaculaires. Quelques
maisons profitent et pâtissent de la situation : la vue est
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imprenable, mais l’accès difficile ! ✦

Entrée 6 euros.
Largo San Martino, 5. Tél. : +39 081 229 4503.

DIRECTIONITALIE 45
 Il Reale
Bosco
Museo di
Capodimonte

Catacombes de
San Gennaro

Catacombes de
San Gaudosio
Corso Amedeo di Savoia
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Cimetière des
Fontanelle

Le Lungomare et Posillipo
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Francesco
Museo Nazionale Piazza
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Muzji Via Giacinto

Archeologico Cavour Principe
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Via Alessandro Sc Carità
G. Bovio
© GiuseppeAdobeStock

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Via Francesco
Cilea Matteotti anfelic
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Bombardé par l’aviation alliée durant la Seconde Guerre mondiale, le front
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de mer napolitain est désormais parcouru d’une litanie de grands hôtels aux
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Municipio
chambres avec vue sur la baie. Désormais piétonnes, la Via Partenope et la
Piazza
Via Nazario Sauro sont devenues un lieu de promenade familial. On vient
on

Trento
ici avec sa poussette, son tricycle, sa trottinette ou son vélo ; on marche
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Piazza
en regardant les vagues au-dessus de la digue ; on se régale de cornets
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Via iuse Chia
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Villa Plebiscito
Pignatelli
de glace… On poursuit en longeant la Riviera di Chiaia et son parc tout en
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dei Martiri
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Via Carlo Poerio

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Riviera di Chiara
Villa Comunale longueur, à côté des beaux quartiers de bord de mer, avant d’atteindre le
ro

Piazza

port de Mergellina. La Via Posillipo, au trafic automobile intense, mène

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Vittoria
azari

à une « plageounette » blottie au pied d’un Palazzo Donn’Anna à jamais

Via S. Lucia
Via

Via N

Partenope
inachevé. Tout au bout, sur la pointe du promontoire de Coroglio, près de
Castel dell’Ovo l’îlot de Nisida, le parc Virgiliano est une bouffée d’air pur et de bleu azur.
Bâti en terrasses, il offre des vues sur les criques sauvages et la baie.
46 DIRECTIONITALIE

Castel dell’Ovo
L’œuf de Virgile
Autre décor de carte postale, formidable masse
surgissant des flots, le Castel dell’Ovo plonge ses
racines dans l’Antiquité, aux premiers temps de
l’histoire de Naples. C’est sur même cette île de
Mégaride que Parthénope, la mythique sirène,
mi-poisson, mi-oiseau, échoua à ensorceler
Ulysse… Résidence du général Lucullus, la
splendide demeure fit office de prison pour le
dernier empereur romain d’Occident, après sa
chute en 476. Plus tard, converti en monastère,
le site fut finalement démoli au IXe siècle, afin
d’empêcher que les Sarrasins ne s’y établissent.
C’est au XIIe siècle que les Normands y érigèrent
leur château aux allures militaires et austères.
Modifié au début du XVIe siècle, il fut équipé de
tours défensives et d’un chemin de ronde.
Quant à son drôle de toponyme, certains
l’associent à une légende tenace : le poète Virgile
y aurait placé un œuf magique, dans une cage
suspendue, qui, telle une épée de Damoclès,
aurait risqué en tombant d’entraîner la chute
©vololibero Adobestock
du château et de la ville entière… Il est vrai que
l’ombre de Virgile plane toujours sur la cité… et
que, à l’instar de Boccace et de Pétrarque, on vient
encore se recueillir devant sa tombe supposée, un
colombarium romain de la Via Puteolana, derrière
la gare de Mergellina.
Depuis le XIXe siècle, un petit village de pêcheurs
s’est épanoui au pied du bastion. Très pittoresque,
il est surtout fréquenté par les vacanciers qui
admirent, depuis les terrasses des restaurants, la
vue sur la mer et les bateaux cinglant au vent. ✦
Entrée libre.

Sanità Arena alla Sanità, une installation lumineuse reprend un

Sortir de la Camorra
Sanità… Un univers marqué par la mainmise de la Camorra
comme l’a si bien montré le roman Gomorra, du journaliste
Roberto Saviano. Depuis sa parution et la sortie du film,
puis de la série homonyme, son auteur vit sous protection
policière, ce qui ne l’a pas empêché de coécrire le scénario
de Piranhas, qui retrace l’ascension fulgurante d’un
adolescent dans la hiérarchie mafieuse. Ce long-métrage
de Claudio Giovannesi a été tourné avec des jeunes des
quartiers défavorisés, dans les rues de Sanità. Pourtant,
en plein jour, dans les ruelles qui s’entrelacent au-dessus
de la Piazza Cavour, l’ambiance est familiale, bruyante,
grouillante d’activités et de monde – une énergie joyeuse,
gouailleuse, jamais à l’arrêt. Les boutiques aux étals
appétissants débordent sur la chaussée de la Via Vergini,
où se tient un marché quotidien ; d’innombrables petits
commerces, bistrots et snacks font le plein d’habitués,
tandis que l’ascenseur, en bas du pont de la Sanità, fait la
navette sous la surveillance d’un gardien ensommeillé. Via
poème de la vedette du cinéma italien Totò. D’ailleurs, sa
silhouette, aussi caractéristique que celle de notre Jacques
Tati, se glisse ici et là, inscrite en creux sur une placette
ou en suspension entre deux immeubles, sur un immense
mural… C’est dans ce quartier que s’élève le superbe
escalier à double révolution du Palazzo dello Spagnolo
(Largo dei Vergini, 19). Une signature de l’architecte
napolitain Sanfelice qui a organisé le cortile autour de
cette pièce maîtresse, pleine de grâce et d’élancement. Il
paraît que Charles de Bourbon avait l’habitude de rendre
visite ici à son ami, le marquis Nicola Moscati, et d’atteler
son carrosse à bœufs, plus fiables que les chevaux, pour
gravir la côte jusqu’à son palais de Capodimonte. D’autres
exemples de ces escaliers, en moins bien entretenus, sont
visibles dans les environs qui ne manquent d’ailleurs pas
de palais ! Il suffit parfois de jeter un coup d’œil sous les
porches pour être surpris par la magnificence passée.
Ailleurs, la créativité exubérante du XXIe siècle s’affiche
en grand sur les murs décatis des façades. Le street art a
trouvé ici une terre privilégiée. ✦

DIRECTIONITALIE 47
 Insolite

© dudlajzovi AdobeStock
© A.Veraldi AdobeStock

Catacombes
Le culte des morts
Les collines au nord de la ville antique servirent
très tôt de sépultures paléochrétiennes. On
peut ainsi remonter le cours du temps en
descendant dans les catacombes de San
Gaudosio (visite guidée en anglais et en
italien, 9 euros). Elles sont accessibles depuis
la crypte de l’église Santa Maria della Sanità
(XVIIe siècle), blottie sous le stupéfiant double
escalier qui supporte le maître-autel. D’ailleurs,
sous ses atours richement décorés et d’une
surprenante clarté, la crypte était à l’origine
une modeste église des premiers temps de la
chrétienté, qu’une coulée de boue recouvrit
au Moyen Âge. Il fallut attendre le XVIe siècle
pour que l’on retrouve l’entrée des catacombes
où au Ve siècle, le saint tunisien Gaudosio avait
été inhumé. L’annonce de cette découverte
se répandit comme une traînée de poudre et
les puissants voulurent reposer près du saint,
quitte à exiler ailleurs les dépouilles anciennes.
Aujourd’hui, le parcours macabre a de quoi
fasciner. L’art de l’inhumation répond à des
procédures rituelles très particulières : les
corps sont déposés assis dans des niches pour
se vider des humeurs vitales, la tête est séparée
du corps et le crâne du défunt est posé dans un
trou à sa dimension, au-dessus d’une fresque
De gauche à droite. Les catacombes de San Gaudosio et celles de San Gennaro. En bas. Cimetière des Fontanelle.
sur 5 800 m2, avec des églises troglodytiques et
des galeries parées de niches. Dès le IIe siècle,
le site servit de nécropole païenne, avant
d’être repris par les premiers chrétiens. Des
fresques primitives représentant Adam et Ève
et David et Goliath parent l’hypogée, lequel,
datant du IIIe siècle, est toujours consacré. Les
catacombes furent régulièrement agrandies
et vécurent leur heure de gloire lorsque les
reliques de San Gennaro y furent transférées,
entre 413 et 431. Dès lors, elles devinrent un
lieu de pèlerinage. Après le vol des ossements
du saint patron par le prince Bénévent Sicone
I en 831, il fut décidé de construire un
monastère bénédictin pour protéger le site. Au
XVe siècle, l’ensemble fut converti en hôpital,
ce qu’il est encore aujourd’hui.
Pour clore cette boucle funéraire, n’hésitez pas
à passer au cimetière des Fontanelle (entrée
libre), un
ossuaire
aménagé dans
une ancienne
carrière de tuf
où reposent
les milliers
de victimes
anonymes
de la grande
La réorganisation du cimetière date du
XIXe siècle. Le curé de la paroisse sépara
les restes (crânes, tibias et autres clavicules)
en rangées, selon leur provenance : l’allée
des prêtres, l’allée des pestiférés et l’allée
des déguenillés. Le culte des âmes du
purgatoire, très ancré à Naples, se pratiquait
ici : un Napolitain adoptait le crâne d’une âme
abandonnée (appelée capucella) en échange
de sa protection. Son interdiction par le clergé
catholique entraîna la fermeture du lieu. Mais
depuis 2010, celui-ci est de nouveau ouvert au
public. Frissons garantis ! ✦
• Catacombes de San Gaudosio, Basilica Santa
Maria della Sanità, Piazza Sanità, 14.
Tél. : +39 081 744 3714.
• Catacombes de San Gennaro,
Via Capodimonte, 13. Tél. : +39 081 744 3714.
• Cimetière des Fontanelle, Via Fontanelle, 80
© Massimo Santi AdobeStock

représentant son squelette à moitié habillé. peste de

Plus haut, les catacombes de San Gennaro 1656, puis
(visite guidée, 9 euros, billet groupé avec les de celle
catacombes de San Gaudosio) sont elles aussi du choléra
très émouvantes. Cette cité souterraine s’étend de 1837.

48 DIRECTIONITALIE
 City guide
NAPLES
Nos
LE CARNET bonnes
adresses Caffè
À Naples,
c’est du sérieux !

Question café, Naples est

à porter au pinacle. Les
Napolitains, d’ailleurs,
sont un peu chauvins sur la
question, et n’hésitent pas à affirmer qu’ils font le meilleur
café d’Italie… donc du monde ! Le succès de ce breuvage
date du XVIIIe siècle et tient à quelques vers du gourmet
Pietro Corrado. Depuis, les habitants adultes ne passent
pas une journée digne de ce nom sans s’arrêter au bar
pour avaler, d’une seule gorgée, un ristretto bien tassé, un
macchiato (une « noisette ») ou un cappuccino crémeux…
La tasse est servie avec un verre d’eau, parfois pétillante, et
accompagnée si on le souhaite d’une gourmandise locale,
telle la graffa (une bugne) ou la sfogliatella… L’excellence
du café servi à Naples garde sa part de mystère. Est-ce la
cafetière napolitaine, la cuccumella ? L’eau de Naples ? La
torréfaction ? Qu’importe, on sait qu’ici, on peut se doper
de délicieuse manière !
© Ekaterina Pokrovsky AdobeStock

IL VERO BAR
DEL PROFESSORE
Juste à côté de l’aristocratique Caffè
Gambrinus, cet antre étroit est
presque aussi prisé des vrais fondus
de café, surtout pour sa version
gourmande, le caffè alla nocciola. Pour
une fois, on peut le siroter en terrasse en prenant son temps.
• Piazza Trieste e Trento, 46. Tél. : +39 081 403 041.
BAR MEXICO
La devanture jaune vif de ces
trois petits débits constitue un
excellent repère, autant qu’une
plongée dans les années 1960.
Ici, pas de table ni de salle, juste
une caisse où l’on paye avant de
prendre sa boisson au comptoir.
Amateurs de café onctueux et crémeux, préparez-vous au nec plus ultra ! Mon voisin de
zinc, un carabiniero, m’affirme que c’est le meilleur de Naples… donc d’Italie… donc du
monde !
• Piazza Dante, 86 ; Piazza Garibaldi, 72 ; Via Scarlatti, 69
CAFFÈ GAMBRINUS
L’adresse, entre la Piazza
del Plebiscito et l’opéra
San Carlo, est déjà une
invitation ! Les salons dorés,
les immenses miroirs, les
lustres à pampilles gardent
en mémoire les glorieuses
heures passées de cette
institution. Ouvert en 1860,
au rez-de-chaussée du
Palazzo della Forza, le Gran
Caffè a d’emblée attiré le
beau monde : rois, reines, présidents, intellectuels, journalistes,
artistes, écrivains… Les serveurs en habit s’activent derrière
le comptoir où s’agglutine une foule d’habitués et de
touristes. Les premiers passent en coup de vent, les seconds
s’attardent…
• Via Chiai, 1. Tél. : +39 081 417 582. grancaffegambrinus

DIRECTIONITALIE 49
 Nos
LE CARNET bonnes
adresses
FANTASIA GELATI
Voici une enseigne qui transforme n’importe quel CHALET CIRO
passant en enfant gâté, prêt à faire un caprice pour un Sur la promenade de bord de
cornet fantaisiste… On aurait tort de résister, car les bacs mer, c’est une halte obligée.

Douceurs aux couleurs acidulées tiennent leurs promesses, et ce

pour un prix très modique.
La gelateria de Mergellina se
repère de loin, avec ses stores
• Via Cilea, 80 ; Via Toledo, 381 ; Piazza Vanvitelli ; jaunes et à la queue qui se
Via Fragnito, 30. fantasiagelati.it forme devant ses vitrines
alléchantes. Ici, on peut choisir
parmi tout un éventail de

© DR
LEOPOLDO E CASA INFANTE
C’est en 1940 que Leopoldo Infante ouvrit sa parfums et les empiler dans un cornet à rallonge, ou se goinfrer
boulangerie. Et c’est là qu’il mit au point le tarallo de délicieux babà, graffa et autres douceurs napolitaines. Si l’on
n’zogna e pepe, un anneau de pâte croquante veut s’asseoir en terrasse, il faudra parfois patienter.
au saindoux et aux amandes. Marco et Fabio, ses • Via Caracciolo fronte Via Orazio. Tél. : +39 081 669 928.
petits-enfants, poursuivent l’aventure avec brio. chaletciro.it
De la Via Scarlatti à la Piazza degli Artisti, de la Via
Toledo à la Piazza Carità en passant par la Piazza PASTIERA
Vanvitelli et la Via dei Tribunali, les enseignes se NAPOLETANA
sont multipliées à Naples ! Entre les glaces aux Dans l’obscure Spaccanapoli,
parfums divins (la pistache est à tomber) et les la vitrine et son bleu
pâtisseries, vous aurez toujours une raison pour y retourner, d’autant plus que vous aurez des mers du sud attirent
un peu partout la chance de croiser l’une ou l’autre de ses succursales. immanquablement le regard.
• Via delle Repubbliche Marinare, 67. Tél. : +39 081 193 035 98. pasticcerieleopoldo.it Cette pâtisserie fait honneur
à l’une des plus anciennes
PASTICCERIA POPPELLA recettes napolitaines. Les
Dans le quartier de Sanità, la Pasticceria origines de la pastiera
Poppella est connue comme le loup blanc. Il remonteraient en effet à
faut dire qu’elle régale ses habitants depuis l’époque romaine, lorsque les prêtresses portaient les
1920. L’adresse, moderne, claire et chic, offrandes des paysans (la ricotta, le blé et les œufs) en
contraste avec l’ambiance générale du quartier. procession au temple de Cérès. Servi à Pâques, ce dessert,
Mais Ciro, l’arrière-petit-fils du fondateur, délicatement aromatisé à la fleur d’oranger, est beaucoup
tient à rester fidèle à ses racines et défend moins connu que le panettone de Noël… Serait-ce un secret
la revalorisation de la Sanità à travers de bien gardé des Napolitains ? En tout cas, la pastiera mérite
nombreuses initiatives. Il y a la queue devant le d’être découverte d’urgence. D’autant que les jolies boîtes
comptoir et les vitrines aux adorables gâteaux fluorescents. Invention de Ciro, ornées à l’effigie du Vésuve sont un excellent cadeau à
le fiocco di neve (« flocon de neige ») est une tuerie, tout comme la bombetta di rapporter à ses amis.
Toto ou la torta Napulè. • Via Benedetto Croce, 50. Tél. : +39 081 790 1515.
• Via Arena della Sanità, 29 et Via Santa Buigudi, 69. pasticceriapoppella.com lapastieranapoletana.com

PINTAURO
C’est ici qu’on trouve la sfogliatella,
l’une des douceurs les plus appréciées
des Napolitains, un gâteau de pâte
feuilletée ou brisée, garnie à la pâte
d’amande, à la ricotta, à la cannelle
ou à l’écorce de citron confit. Servi
chaud et saupoudré de sucre glace, il
se croque en quelques bouchées. Le MOCCIA
samedi, c’est une vraie tradition de Comme il y a pizza et pizza, il y a pastiera et pastiera. Chez
venir chercher ici un assortiment de Moccia, ce gâteau typiquement napolitain s’offre une variante : la
petits fours, d’où un attroupement de traditionnelle ricotta de brebis est remplacée par la mozzarella de
bon aloi devant la devanture. bufflonne. Certains crient au scandale, d’autres adorent ! Comme elle
• Via Toledo, 275. est fabriquée toute l’année, vous pourrez vous faire vous-même votre
Tél. : +39 348 778 1645. propre idée en vous arrêtant dans ce coquet salon de thé.
pintauro.eu • Via Benedetto Croce, 57 et Via Posillipo, 20.

50 DIRECTIONITALIE
 City guide
NAPLES

VIA
S’habiller
Souvenirs SAN ARMENO
Les boutiques de
à la mode napolitaine
souvenirs sont légion NENNAPOP
dans le quartier Mariagrazia Greco sait enchanter
historique. Que l’on la mode. Dans son vaisseau amiral
soit croyant ou non, les de la Via Carlo Poerio, proche de
fabricants de crèches la Piazza dei Martiri, elle invite
de la Via San Armeno méritent le détour. Ils sont un folklore ses clientes à la rejoindre dans son intimité tendre et romantique, dans la mouvance
vivant, une partie de l’âme napolitaine, et leur production a bohème chic et chère. Chez elle, les femmes ont droit d’endosser des robes à volants,
bien plus de sens que les sempiternels tabliers, magnets et des tuniques roses et des escarpins vert vif.
mugs qu’on trouve à peu près partout dans le monde. • Via Carlo Poerio, 31. Tél. : +39 081 1956 9000. facebook.com/nennapop

IL MOSAICO ARTISTICO LIVIO DE SIMONE

Installée au cœur du quartier Pionnier du prêt-à-porter italien, le Napolitain Livio de
antique, Federica Castro est la Simone est devenu, dans les décennies pop, une icône
seule mosaïste de la ville. Elle fashion de la jet set de Capri. Depuis, la maison cultive son
s’inspire des modèles pompéiens, amour irraisonné pour les coloris francs et les motifs forts. La
mais écoule aussi ses propres production reste attachée à la notion d’artisanat, au respect
créations. Taillant elle-même de l’environnement, à la maîtrise des savoir-faire. Chaque
ses tesselles, elle reproduit pièce de la collection est faite à la main. Quant à la ligne
des gestes minutieux qui, à force de patience, créent une esthétique, elle est un hommage à l’éclat de la Méditerranée,
œuvre intemporelle. Ses modèles phares ? Le Cade canum à l’aisance naturelle, à l’insouciance des vacances.
(« attention au chien ») de Pompéi (50 euros) et les signes du • Via Domenico Morelli, 15. Tél. : +39 0817643827.
zodiaque (35 euros). liviodesimone.com
• Strada dell’Anticaglia, 22. ilmosaicoartistico.it

Les marchés de Naples

Un rituel
Grande ville commerçante, Naples a gardé vivace la tradition
des marchés. Mais, ceux-ci doivent s’adapter à la morphologie si
particulière de la ville. Faute de grands espaces, ils se tiennent
souvent le long des rues, avec les boutiques contiguës déballant leurs
monceaux de marchandises sur la chaussée. Les marchands ambulants
montent leur business sur deux tréteaux. Ici, un stand de cigarettes
de contrebande, là des grappes de tomates et des fleurs de courgette
dans des bassines colorées. À côté, un vendeur de CD inonde la rue
de tubes du hit-parade italien dégoulinant d’amour. Dans des bacs
métalliques remplis de glace pilée, les poissons, tout frais pêchés dans
la baie, brillent de toutes leurs écailles. Il y a aussi la tête de bœuf de
l’enseigne du boucher qui zyeute d’un drôle d’œil la crinière chevaline
de son voisin, les « affreusetés » en plastique rose importées de Chine à
destination des petites filles, des palanquées de chaussons, pantoufles,
charentaises et mules à fourrure qui côtoient des baskets tout terrain.
Évidemment, cette offre pléthorique diffère légèrement d’un quartier
à l’autre, d’un marché à l’autre : le Mercato di Porta Nolana, l’un des
plus anciens de la ville, se tient chaque matin jusqu’à 14 heures ; très
couru, le Mercato della Pignasecca ne désemplit guère (tous les jours,
de 8 à 18 heures) ; plus chic, le Mercatino di Posillipo, sur la Viale
Posillipo, offre de bonnes affaires vestimentaires à qui sait regarder de
près (le jeudi de 7 à 13 heures) ; du vendredi au lundi, Poggioreale se
présente comme le paradis de la chaussure. ✦

DIRECTIONITALIE 51
 Nos
LE CARNET bonnes
adresses
ALIMENTARI COSCIA
Au cœur du quartier antique, à deux pas de la Piazza Dante, cette
épicerie fine (et traiteur) existe depuis 1890. Petite en dimension,
la boutique présente, serré dans ses rayonnages, le meilleur des
Produits
gourmands petits producteurs de la Péninsule. De la soppressata artigianale
au peperino de Fossó, du limoncello de Sorrente au vinaigre
balsamique de Modène, Cosimo Coscia connaît l’origine et l’histoire de tous ses pots
et conserves. On peut s’y arrêter pour se confectionner un sympathique frichti dans sa
chambre d’hôtel.
• Piazza Luigi Miraglia, 382. Tél. : +39 081 1924 2475.

SOGNI DI LATTE
C’est dans le quartier chic situé près de la
Piazza Vanvitelli que se situe cette fromagerie
de luxe, toute de bois, d’acier et de cuivre.
GRANGUSTO Amateurs de pâtes dures ou molles, de
Non loin de la Piazza Mercato, autant dire à l’écart des circuits touristiques, fromages au lait de vache, de brebis ou de

© DR
cette grande épicerie fine de taille XXL est l’équivalent de notre Lafayette chèvre, vous trouverez ici de quoi rassasier
Gourmet. On y trouve une sélection d’excellents produits de Campanie et votre curiosité gustative. Stars de la
de toute l’Italie. À l’étage se loge un hallucinant rayon de charcuterie et Campanie, malheureusement copiées dans
fromage. De grands chefs viennent, paraît-il, s’y ravitailler. On peut faire des versions affadies, la mozzarella di bufala
comme eux, mais à notre échelle, et commander quelques morceaux et la provola di bufflone sont incomparables.
d’Italie gourmande emballés sous vide, à savourer de retour chez soi avec • Via Kerbaker, 13.
un vin de l’œnothèque. Tél. : +39 081 1953 0308.
• Via Nuova Marina, 5. Tél. : +39 081 1937 6800. gran-gusto.it sognidilatte.com

Sur le pouce
GASTRONOMIA
ANGELA
Vers les Beaux-Arts,
Angela affiche des
allures de cantine

Eccellenze Campane
de quartier, avec
ses quelques tables
nappées de rouge et Gastronomie, version circuits courts
son mobilier tout droit Temple du circuit court, Eccelente Campane, c’est un peu comme un marché nouvelle
sorti des années 1970. génération où éleveurs, vignerons, artisans et restaurateurs, à couvert, offrent aux citadins
En retrait de l’agitation leur production en direct. Cette grande structure se subdivise en huit zones : la boulangerie,
des grandes artères la brasserie, la fabrique de pâtes, les produits laitiers, la torréfaction, la confiserie, la
voisines, le coin est chocolaterie et le coin glaces. De larges allées, des rayonnages bien achalandés, des tables et
parfait pour reprendre comptoirs, des corners bien identifiés, des plats préparés sous vos yeux… Voilà assurément
des forces. Les plats présentés dans les une destination pour les « foodistas » que nous sommes tous. Envie de pâtes ? Goûtez à celles
vitrines (paupiette de poulet au bacon, de Luigi et Luca Sicignano : baptisées E Sarracin, elles ont des stries à l’intérieur ! Vous
gnocchis, scarole aux olives et aux êtes plus street food ? Passez commande d’un panuozzi (sorte de sandwich napolitain) à la
câpres, spaghettis à la béchamel et à la boulangerie Antica Panuozzeria di Gragnano dei Fratelli Manzi. Et, si vous avez besoin d’un
viande) sont faits maison et changent petit coup de fouet, dégustez un café de la maison Kenon, torréfacteur depuis 1892… Seul
agréablement de la pizza. inconvénient de ce parfait rendez-vous gourmet, son éloignement. Il faut marcher 20 minutes
Comptez 10 euros par personne. pour rejoindre le métro à l’arrêt Garibaldi. Quand le panier est lourd, cela semble loin !
• Via Conte di Ruevo, 21. • Via Benedetto Brin, 49. Tél. : +39 081 203 3657. eccelenzecampane.it
Tél. : +39 081 033 2928.

52 DIRECTIONITALIE
 City guide
NAPLES

Pizza napolitaine
La meilleure au monde !
On s’accorde généralement à penser que la pizza aurait été inventée
à Naples au XVIe siècle. Depuis, la recette a fait le tour du monde,
mais les Napolitains s’enorgueillissent d’en être les champions. Une
chose est sûre. À Naples, vous n’aurez que l’embarras du choix et vous
pourrez en manger jusqu’à plus faim !

STARITA GINO SORBILLO

Un peu au-dessus du musée
archéologique, dans le quartier
de Materdei, cette pizzeria est
un exemple d’ascension sociale.
Aujourd’hui à la retraite, mais
toujours présents à la caisse, ses
patrons, qui ont passé la main à
leurs enfants, sont très fiers des
succursales qu’ils ont essaimées à
Milan, Turin et New York ! Ici, dans
l’enfilade de salles étroites, les tables
encore pleines à 15 heures prouvent
que les pizzas de Starita sont toujours très appréciées ! Sur les murs, des affiches du film
L’Oro di Napoli, avec Sofia Loren, rappellent que la vedette tourna une scène en ces murs.
Le menu, avec des dizaines de choix possibles, laisse indécis. Pour info, la tartufo e porcini
(« crème de truffe et cèpes ») est un régal (9,50 euros).
• Via Materdei, 27 Tél. : +39 081 557 3682. pizzeriestarita.it
À voir et entendre le monde
qui attend dehors, on se
doute que cette pizzeria n’est
pas uniquement un bon plan
touristique. Depuis 1935, la
famille Sorbillo a créé une
formidable bizness autour d’un
unique produit : la pizza. Celle-ci
s’accommode à toutes les sauces
et se décline en une trentaine de
choix (de 5 à 9,50 euros). Pour la petite histoire, sachez que chacune
porte le prénom d’un enfant de cette très grande famille. Si vous
pouvez arriver tôt, c’est préférable… Avec un peu de chance, vous
trouverez de la place dans la première salle, plus cosy. La seconde,
avec sa table serpentine, fait plus cantine. Attention, c’est bon, mais
c’est bruyant !
• Via dei Tribunali, 32. Tél. : +39 081 446 643. sorbillo.it

LA NOTIZIA 53 LA MASARDONA
Enzo Coccia n’est pas un pizzajuolo (« pizzaiolo » en À Naples, il n’y a pas que
dialecte napolitain) tout à fait comme les autres. des pizzerias ! Il y a aussi
Élevé dans le sérail, auprès d’un père qui tenait des friggitorias, un mot
lui-même une pizzeria, il a très vite été rattrapé qui, en bon faux ami,
par la vocation. Mais de ce plat populaire et pourrait nous faire penser
© DR

basique qu’est la pizza, il a voulu faire un délice qu’il s’agit d’une variante
digne des rois ! D’ailleurs, la première des pizzas n’a-t-elle pas été créée le 11 juin 1889 en l’honneur de la de la gelateria. Mais pas du tout.
reine Marguerite « Margherita » de Savoie, comme nous le rappelle une plaque au palais de Capodimonte ? Friggitoria a la même racine que « friture », et
Exigeant les meilleurs produits du terroir, osant des associations nouvelles, respectant et bousculant tour désigne une gourmandise typiquement napolitaine,
à tour la tradition, Enzo Coccia a vite acquis une réputation de véritable magicien, s’attirant les éloges des la pizza frite. Et la Masardona est une des meilleures
critiques et journalistes gastronomiques de la grande presse internationale, jusqu’à se faire référencer adresses en ville où goûter ce cousin latin et chaud
par le très élitiste Guide Michelin. Comme quoi, avec un peu de farine, quelques tomates, du basilic, de la du pain bagnat et du beignet. Un pur délice à la
mozzarella di bufala, du pecorino et de l’huile d’olive, on peut séduire les papilles les plus aiguisées. Pionnier pâte légère et à la garniture pleine de saveurs. Et
du combat pour l’obtention d’une appellation d’origine contrôlée de la Margherita, il a vu son vœu exaucé pour les becs sucrés, il y a aussi la version Nutella.
en 2009. Sans doute est-il aujourd’hui l’un des meilleurs représentants de l’art du pizzaiolo, inscrit sur la Vu que la salle est petite et malgré l’efficacité des
Liste du patrimoine immatériel de l’humanité par l’UNESCO. Après m’être régalée d’une pizza San Gennaro serveurs, il y a souvent une file d’attente ! Mais,
(petites tomates jaunes, origan, anchois, olives noires, persil, basilic, ail, huile d’olive) à La Notizia 53, me soyez patient, la completa de Cristiano vaut le
voilà prête à l’encenser à mon tour et à tester les autres adresses du bonhomme : La Notizia 94 (au 94 de la coup ! On peut aussi opter pour l’Antica Friggiteria
même rue), considérée comme plus « gourmet », et O’Sfizio della Notizia (au 49-51), où l’on se régale d’un Masardona, adresse ouverte depuis 1945 (Piazza
sandwich au pain particulier et au nom impossible à prononcer, le mpustarella. Vittoria, 5).
Entre 15 et 25 euros à la carte. • Via Giulio Cesare Capaccio, 27.
• Via Michelangelo da Caravaggio, 53. Tél. +34 081 714 21 55. pizzarialanotizia.com Tél. : +39 081 281 057.

DIRECTIONITALIE 53
 Nos
LE CARNET bonnes
adresses
Osteria
EUROPEO MATTOZZI
Si la dynastie Mattozzi, dont le premier
restaurant a ouvert ses portes en
1833, est surtout réputée pour
ses pizzas (à Naples, plus d’une
vingtaine de pizzerias se réclament
de cette souche ancestrale),
la trattoria Europeo Mattozzi est
surtout connue pour son art consommé
d’accommoder les pâtes et les pommes de terre
à la provola, mais aussi la morue ou le poisson
frais. Situés près du métro Università, le lieu
et sa salle rustique ont du cachet et le patron
© DR
TRATTORIA DA NENNELLA
À l’orée des Quartieri Spagnoli, cette trattoria vous plongera dans
l’atmosphère tonitruante et pittoresque du quartier. Il faudra d’abord vous
inscrire auprès de Ciro, le gardien de l’entrée, puis attendre patiemment
que vous soyez appelé (pas de réservation possible). Pour passer le
temps, vous pourrez commander une boisson dans le kiosque (1 euro le
verre). Une fois admis dans le restaurant, tout se passera très vite et en
toute simplicité. Le menu complet à 15 euros, avec les antipasti, tient sur
une page. Bon, ce n’est pas de la grande cuisine, mais c’est sympathique !
Et tout le monde tape dans ces mains lorsque les serveurs poussent la
chansonnette.
Menu : 15 euros.
• Lunfo Teatro Nuevo, 103. Tél. : +39 081 414 338. trattoriadanennella.it
OSTERIA DONNA TERESA
Près de la très chic Piazza Vanvitelli, non loin de la chartreuse
de San Martino, cette osteria fait le bonheur des habitants du
quartier, mais aussi des touristes qui explorent le Vomero, et ce
depuis 1913 ! Cette petite affaire familiale (huit tables nappées
de rouge et de blanc, façon cantine) propose des plats simples
du répertoire napolitain. Ici, pas de menu, mais l’enchaînement

accueille chaque convive le sourire aux lèvres. d’assiettes que réclame la tradition italienne, avec primo et
Entre 20 à 35 euros à la carte. secundo. À vous de choisir ! Soupe ou pâtes en primo, viande ou poisson en secundo.
• Via Marchese Campodisola, 4. Autour de 15 euros à la carte.
Tél. : +39 081 552 1323 • Via Michele Kerbaker, 58. Tél. : +39 081 556 7070.osteriadeltempoperso.it
© DR

A PIGNATA
Voici une bonne table située du côté de la Via Toledo. Dans un décor sans prétention, la trattoria A
Pignata s’est taillé une bonne réputation, surtout pour ses copieuses assiettes de poissons. D’ailleurs,
les bêtes, toutes écailles luisantes, reposent dans un présentoir réfrigéré à l’entrée. On se régalera IL RISTORANTINO DELL’AVOCATO
donc de spaghettis aux palourdes, de linguine aux moules, de crevettes grillées, d’espadon… tout en Il tient son nom de la profession première de son
gardant une place pour le dessert. propriétaire et chef. Avant de ceindre son tablier,
Comptez environ 20 euros. Gabrielle Cardillo a longtemps revêtu la robe d’avocat.
• Vico Lungo del Geso, 110. Tél. : +39 081 413 526. trattoriapignata.it Depuis qu’il s’active à ses fourneaux, les Napolitains ont
fait une vraie bonne affaire ! Du cabillaud en croûte de
LA STANZA DEL GUSTO pain d’olives au traditionnel babà, le premier menu à
Dans une des rues les plus gourmandes de Naples, 40 euros est un festin. On vous laisse imaginer les autres !
cette table propose une carte bistronomique, Menus : à partie de 40 euros.
courte, simple et goûteuse : caponata d’aubergines, • Via Santa Lucia, 115. Tél. : +39 081 032 0047.
cabillauds frits, filets d’espadon aux raisins et ilristorantinodellavvocato.it
aux noix, tiramisu… Des assiettes qui dépaysent
agréablement et peuvent se relever d’un verre de
vin local (5 à 6 euros). Le décor vintage, avec ses
tableaux kitsch et son mobilier en Formica, déborde
sur la terrasse.
© photos DR

• Via Santa Maria Costantinopoli, 100.

Tél. : +39 081 401 578.

54 DIRECTIONITALIE
 City guide
NAPLES

Séjours

© photos DR
B&B REGINA
Voici une fabuleuse adresse qui permet de vivre vraiment l’expérience de la Naples la plus
RINUCCI secrète. En haut d’un ancien couvent du XVIe siècle proche de la cathédrale, Domenico Mazzella,
RELAIS restaurateur de profession, a transformé un appartement familial en « dimora d’epoca ». L’intitulé
C’est l’adresse n’a rien d’usurpé, tant ici tout affiche la noble patine du temps. Entre les tableaux d’un père
favorite des artiste qui ornent le salon, les carreaux de majolique de la cuisine, le balcon avec vue sur les
Français ! dômes en enfilade ou les lits et armoires anciennes des cinq chambres, le décor est aussi exquis
Idéalement situées que l’accueil est avenant.
sur la Piazza Dante À partir de 90 euros la chambre double (avec le petit-déjeuner).
et entièrement • Via Luigi Settembrini, 80. Tél. : + 39 339 781 9225 ou +39 081 446 799. donnaregina.info
refaites, les sept chambres, dont le style design
se relève d’une pointe d’histoire affleurant ici ou
là, prouvent que la modernité bien tempérée sied HOTEL SANTA BRIGIDA
aussi aux vieux palais. La vue sur la place, sur la Un boutique-hôtel, dans le vrai sens d’un
ville et sur la colline du Vomero est spectaculaire. terme trop souvent galvaudé. Ici, le style
À partir de 75 euros la chambre double en saute aux yeux ! Chaque espace est traité
basse saison (120 euros en haute saison). dans son originalité, chaque chambre est
• Piazza Dante, 22. Tél. : +39 081 230 4255. unique, tout en respectant une harmonie
rinuccirelais.com d’ensemble. Les teintes douces, le
mobilier de fer et de bois, spécialement
conçu pour l’hôtel, les œuvres d’art
et les sérigraphies participent à cette
atmosphère contemporaine et lumineuse.
À partir de 140 euros la chambre
double.
• Via Santa Brigida, 6.
Tél. : +39 081 1933 8206.
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hotelsantabrigida.it

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HOTEL PIAZZA BELLINI
Dans un palais néo-classique du XVIe siècle, à deux
pas de la très animée Piazza Bellini, cet hôtel sur
cour offre une retraite à la fois centrale et paisible.
La décoration reprend certaines caractéristiques
architectoniques d’époque, comme les voûtes des trouvent naturellement leur place dans le patio ; des
salles de bains ou les bustes en pierre, le tout avec graffitis noir et blanc parcourent les murs…
une approche moderne. Les fauteuils Bubble Club • Via Santa Maria Costantinopoli, 101.
et les chaises Louis Ghost dessinées par Philippe Tél. : +39 081 451 732.
Starck pour Kartell et les luminaires signés Artemide hotelpiazzabellini.com

DIRECTIONITALIE 55
 POMPÉI

56 DIRECTIONITALIE
 Carnet de voyage

AUTOUR DE NAPLES
Au-dessous
du volcan
« Il est arrivé bien des malheurs en ce monde, mais peu qui aient provoqué
autant de plaisir à la postérité. » C’est ainsi qu’en 1787, et non sans une pointe
de malice, Goethe évoquait l’incroyable singularité des grands sites antiques
détruits par le Vésuve. Aujourd’hui, son commentaire est d’autant plus d’actualités
que certains sites, tel Pompéi, ont bénéficié d’une remarquable mise en valeur,
tandis que d’autres gardent encore une large part de mystère. Quant au volcan, si
meurtrier à l’époque, il constitue aujourd’hui le but de superbes randonnées.
Textes HÉLÈNE DUPARC

© dbvirago AdobeStock

DIRECTIONITALIE 57
 POMPÉI

Pompéi
Une splendide
cité martyre
Pompéi n’est pas encore sur le point de renaître de ses cendres, mais elle vient
d’échapper à un péril beaucoup plus insidieux qu’une éruption volcanique, celui
du manque d’entretien, faute de moyens conséquents. Heureusement, depuis
2010, le Grande Progetto Pompei, financé à hauteur de 105 millions euros
par l’Union européenne, a permis de sécuriser les lieux tout en explorant une
nouvelle zone qui vient d’être ouverte à son tour au public. Inscrit depuis 1997
sur la Liste du patrimoine mondial de l’humanité, ce site antique, le plus grand
dans son genre en Europe, a enfin droit à la revalorisation qu’il méritait. Bravo !
© Sergii Figurnyi AdobeStock

58 DIRECTIONITALIE
 Carnet de voyage
AUTOUR DE NAPLES

DIRECTIONITALIE 59
 POMPÉI
© scaliger AdobeStock

L
Rue de es habitants de Pompéi avaient beau être
l'Abondance. habitués aux secousses telluriques, nombreuses
dans la région, ils n’avaient aucun souvenir
de la dernière éruption volcanique, qui s’était
produite plus de trois mille cinq cents ans
auparavant. Mais en l’an 62 de notre ère, comme le
rapporte Sénèque, la terre avait sacrément tremblé au
pied du Vésuve, provoquant de graves dégâts à Pompéi
comme à Herculanum. Les secousses, d’une amplitude de
5-6 sur notre échelle de Richter, avaient entraîné de sérieux
dégâts matériels. Une fois les sinistres constatés, la noble
Pompéi et Herculanum, sa populaire voisine, s’étaient mises
au travail. Quand la journée fatale arriva, des chantiers
étaient encore en cours, aussi bien dans les somptueuses
maisons particulières que dans les édifices publics et sur
la voirie. Lorsque du sommet du volcan surgit un panache
de fumées noires qui très vite se répandit dans le ciel,
atteignant 32 kilomètres de hauteur et obscurcissant le
jour, certains habitants fuirent sous la pluie incessante de
pierres ponces, d’autres se réfugièrent à l’intérieur de leur
demeure. Les volcanologues ont calculé que l’accumulation
de lapilli (ou pouzzolane, des fragments de lave éjectés par
les volcans – NDLR) grimpait au rythme de 30 centimètres
par heure. Et cela dura des heures et des heures. Bientôt,
les portes du rez-de-chaussée furent condamnées, le
niveau de la chaussée ne cessant de s’élever. Puis, les toits,
sous le poids, s’effondrèrent. Mais, le pire était encore
à venir. Car, après ce déluge apocalyptique, une courte
accalmie fut suivie d’une déflagration d’une violence et
d’une chaleur inouïes. Dégringolant vers le sud, une coulée
pyroclastique déferla à la vitesse de 150 kilomètres par
heure, anéantissant toute vie sur son passage.
Insoutenable douleur
C’est ainsi que deux mille ans plus tard, on peut encore
percevoir le souffle du quotidien dans les vestiges : quatre-

NAPOLI
Pozzuoli Vesuvio
Portici

Golfo
Ercolano Herculanum
di Pozzuoli
Boscoreale
Golfo Torre
di Napoli del Greco Antiquarium di Boscoreale
Oplontis
Torre Pompei
Anunziata
© BlackMac AdobeStock

60 DIRECTIONITALIE
 Carnet de voyage
AUTOUR DE NAPLES
Quand la journée fatale arriva, des chantiers étaient
encore en cours, aussi bien dans les somptueuses maisons
particulières que dans les édifices publics et sur la
voirie. deux mille ans plus tard, on peut encore percevoir
le souffle de la vie quotidienne dans les vestiges.
vingt-une miches de pain mises à cuire dans un four,
des amphores de vin dans un thermopolium (cabaret),
un petit autel domestique et son foyer encore rempli
de lave, des noms de candidats peints sur les murs en
prévision des futures élections locales, une chaussée
en cours de réparation… Quant à la mort, elle se
tapisse sous des tonnes de cendres et s’inscrit dans le
vide laissé par les corps qui se désagrègent, dans les
© lara-sh AdobeStock
crânes et les os qui subsistent plus longtemps que les
humeurs. Au total, sur cette population de quarante
mille habitants, selon Massimo Osanna, le directeur du
Parc (d’autres avancent le nombre moindre de vingt judicieuse qui lui sauva la vie, tandis que son oncle périssait,
mille habitants, estimant que beaucoup de patriciens asphyxié, sur la plage de Stabies. C’est à cette lettre parlant
avaient abandonné la cité), on a, pour l’heure, exhumé du neuvième jour avant les calendes de septembre que
quelque deux mille victimes. Les toutes dernières l’on s’est longtemps référé pour dater le drame le 24 août
retrouvées, dont celui qu’on surnomme « le dernier de l’an 79 de notre ère. Mais la dernière campagne de
fugitif », qui tenta de s’enfuir en sautant d’un balcon, le fouilles a révélé une fragile inscription au fusain, portant
garçonnet (ou la fillette) qui chercha refuge dans les mention du neuvième jour avant les calendes de novembre.
thermes, ou encore le groupe d’au moins une dizaine L’événement ne s’est donc pas déroulé le 24 août, mais
de femmes et d’enfants calfeutrés dans une chambre le 24 octobre, comme le confirment d’autres mises au
de la maison au Jardin, témoignent tous du même
terrible épilogue. Mais, pour le visiteur contemporain,
les figures les plus troublantes sont les moulages en
plâtre des corps figés dans l’insoutenable douleur, les
amants blottis pour l’éternité, la mère enlaçant l’enfant,
l’homme plié, les bras autour des genoux… Comme le
butô japonais, transe des ténèbres post-nucléaire, ces
silhouettes blanches pétrifiées dans le plâtre viennent
d’outre-tombe, mais, étrangement, elles nous disent
aussi leur humanité aimante.
©dagherrotipo AdobeStock

Fruits d’automne
Si les fouilles relatent, en creux
et en silence, la fin tragique
de Pompéi, le récit de la
catastrophe est précisément
documenté par Pline le Jeune
dans une correspondance
adressée à l’historien Tacite et Ci-contre.
Moulages
rédigée trente ans après les faits. en plâtre
Refusant d’accompagner son des corps
oncle, Pline l’Ancien, au secours figés dans le
« jardin des
des victimes qui tentaient de Fugitifs ».
s’échapper par la mer, le jeune Au centre.
© mikepalmezana AdobeStock

homme resta à étudier à Misène, Portrait fictif

de Tacite
avant, sous l’insistance de sa et portrait de
mère, de fuir avec elle. Une option Pline l'ancien.

DIRECTIONITALIE 61
 POMPÉI
© Paolo Gallo shutterstock
jour, tels des fruits d’automne retrouvés dans des jarres.
Longtemps oubliée de la conscience des hommes, Pompéi
resurgissait ici ou là, au hasard d’un sillon creusé dans les
terres fertiles du volcan. Mais c’est au XVIe siècle que l’idée
d’une cité perdue reprend corps. Les premières trouvailles
sont liées à la rénovation et à l’agrandissement du réseau
hydrographique napolitain. Entre 1592 et 1600, un nouvel
aqueduc est creusé pour conduire l’eau du Sarno vers la
grande métropole. Après un nouveau siècle de sommeil,
le prince d’Elbeuf s’installe à Portici dans une résidence où
il fait creuser un puits. Et là, miracle ! Il tombe sur l’ancien
théâtre d’Herculanum, où se trouvent de superbes statues
de marbre qu’il s’empresse de collectionner.
Une source d’inspiration
Mais, la fièvre archéologique ne s’empare pas
encore du site. Il faut attendre l’arrivée de Charles
de Bourbon, le nouveau roi des Deux-Siciles pour
que des fouilles systématiques soient organisées,
d’abord à Herculanum, puis, à partir de 1748, sur
ce que l’on appelait alors la Collina della Cività. Quinze
ans plus tard, on sait que l’on a retrouvé la célèbre
Pompéi. Les campagnes s’enchaînent, sous les Bourbons
d’abord, puis sous l’occupation napoléonienne. Les
Au centre.
Portrait de
l’archéologue
Giuseppe
Fiorelli,
nommé
©Nido Hueblshutterstock
surintendant
du site en
1863.
62 DIRECTIONITALIE
méthodes ne sont pas toujours scrupuleuses. Des pillards
n’hésitent pas à tailler des galeries dans les strates de
cendre pour s’emparer des fresques, mosaïques et
bijoux, endommageant à jamais le site. Pompéi est donc
furieusement à la mode et devient, pour les jeunes
aristocrates, une étape incontournable du Grand Tour,
ainsi qu’une source inépuisable d’inspiration pour les
écrivains. Paru en 1834. Les Derniers jours de Pompéi,
d’Edward Bulwer-Lytton, est un succès immédiat. Ce
grand classique a été maintes fois adapté au cinéma.
De passage sur le site en 1804, Madame de Staël en
tire, avant son homologue anglais, quelques pages de
son roman Corinne ou l’Italie. Henri Labrouste, Grand
Prix de Rome, pensionnaire de la Villa Médicis de 1824
à 1830, en rapporte des centaines de dessins. Quant à
Alexandre Dumas, il dit avoir dormi huit jours
dans la maison du Faune et obtient
de Garibaldi, son ami, la direction
des fouilles pendant une courte
période. Autre impact, la décoration
et la mode féminine se veulent
pompéiennes, et l’antique revient en
force dans le style Empire.
Nommé surintendant du site en
1863, au lendemain de l’unification
italienne, l’archéologue Giuseppe
Fiorelli réorganise totalement le travail sur
place, selon une méthodologie beaucoup plus
scientifique. Il procède à des décapages horizontaux
successifs, ordonne le dégagement des déblais, divise
le site en neuf aires de fouilles, subdivisées en îlots avec
des numéros pour chaque propriété (c’est toujours cette
cartographie qui est utilisée aujourd’hui), ouvre le parc au
public et surtout, met au point la technique permettant
de prendre les empreintes des corps. Durant tout le
XXe siècle, les fouilles se poursuivent. La principale artère
commerciale, la rue de l’Abondance, est dégagée, puis
les régions I et II. À partir des années 1960, les efforts
de conservation se relâchent à tel point qu’en 2010, la
Schola Armaturarum s’effondre, provoquant une prise de
conscience internationale. Il est alors urgent d’agir… Le
Grande Progetto Pompei est lancé en 2012. h

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Pompéi il y a deux mille ans
La ville des plaisirs et loisirs
Ville romaine de Campanie, Pompéi n’était pas plus qu’une autre destinée à
rester dans les annales. Fondée au VIIe siècle avant Jésus-Christ sur un plateau
de lave au pied du Vésuve, la cité jouit d’une terre fertile et d’un port situé au
débouché de la rivière Sarno. Rien d’étonnant à ce qu’elle attise des rivalités et
passe sous différentes dominations : osque, étrusque, samnite, grecque. Pour
finir, ce sont les Romains qui auront, comme d’habitude, le dernier mot ! En 80
avant Jésus-Christ, Pompéi est pacifiée par les troupes de Lucius Cornelius Sulla.
La colonie romaine s’étend sur 66 hectares, dont 44 construits, le reste étant
constitué de jardins et de vergers. Ceinte d’une muraille ponctuée de treize tours
et percée de sept portes, elle est organisée selon une trame urbaine orthogonale.
Les rues sont pavées de basalte, et des trottoirs surélevés bordent les maisons.
Carnet de voyage
AUTOUR DE NAPLES
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De gauche à droite et de haut en bas. Villa; le grand théâtre; le temple de Jupiter; la palestre.
Des fontaines publiques acheminent l’eau dans les quartiers. La vie publique
est concentrée autour du forum, où se dresse, à l’est, le temple de Jupiter ;
l’activité commerciale se déroule le long de la longue rue de l’Abondance.
On y trouve aussi nombre de tabernae (auberges), de cauponae (bistrots) et
de popinae (fast-food), sans parler des salax tabernae (des auberges avec
service de prostituées) et des lupanars disséminés dans la ville. Au sud se
trouvent les édifices liés aux spectacles. L’amphithéâtre, le grand théâtre, la
palestre témoignent du rôle alors joué par les divertissements. Les seuls écrits
se rapportant à Pompéi, hormis l’éruption vésuvienne, sont d’ailleurs ceux de
Tacite à propos d’une émeute entre supporters (déjà !), lors d’un combat de
gladiateurs, en 59 après Jésus-Christ : « Un incident futile provoqua un affreux
massacre entre les colons de Nucérie et ceux de Pompéi, lors d’un spectacle
de gladiateurs, donné par Livineius Regulus, dont j’ai rapporté l’exclusion du
Sénat. En effet, en échangeant des invectives selon la licence propre aux petites
cités, ils se lancèrent des injures, puis des pierres, enfin des armes, et la victoire
resta à la plèbe de Pompéi, où se donnait le spectacle. Aussi transporta-t-on
dans la ville beaucoup de Nucériens, le corps mutilé à la suite des coups reçus,
et un grand nombre pleuraient la mort d’un fils ou d’un père. » Plus qu’une ville
industrieuse, Pompéi est une villégiature. Si des chantiers la couvrent encore
après les destructions provoquées par le séisme de 62, ce n’est qu’une question
de conjoncture. Certains historiens s’étonnent du peu de mobiliers et de corps
exhumés sur le site et donnent comme explication que de nombreux patriciens
auraient préféré se retirer à la campagne, certains le temps des travaux, d’autres
de façon définitive. Le mystère reste entier… ✦
DIRECTIONITALIE 63
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POMPÉI

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64 DIRECTIONITALIE

Visite Une promenade en ville
Quatre millions de visiteurs battent chaque
année le pavé pompéien, soit plus de dix mille
par jour, avec bien sûr des pics d’affluence
en haute saison. Bref, le site est rarement
désert. Heureusement, il est suffisamment
grand pour que l’on puisse en profiter sans
bousculade. L’ayant visité juste avant que
la crise sanitaire du coronavirus ne paralyse
toute activité, j’ai même profité de conditions
exceptionnelles. Les touristes étaient rares
et les rues quasiment vides. Je ne sais ce qui
fut le plus bouleversant. Lire la ville à ciel
ouvert, avec ses infrastructures inchangées ;
parcourir ses rues droites avec l’impression
d’être la descendante directe de cette histoire
où la démocratie et les batailles politiques
s’écrivaient déjà en grandes lettres rouges
et noires sur les murs ; s’immiscer dans les
intérieurs de ces somptueuses demeures
d’un goût exquis, qui racontent une grande
civilisation éteinte, reposant sur le raffinement
des uns et le travail des autres ; grimper les
gradins du Grand Théâtre à la scène muette…
À Pompéi, le temps est compté et l’on ne
peut pas tout voir en une seule visite. Il faut
soit élaborer un plan de bataille, soit suivre
les itinéraires suggérés à l’arrière du plan du
site (cinq circuits, de 2 à 7 heures). Aller sur
le forum et passer devant la basilique et le
sanctuaire d’Apollon. De là, admirer la vue sur
le Vésuve qui se profile au nord. Poursuivre
sur la Via dell’Abbondanza. Emprunter le
Vicolo del Lupanare, pour découvrir cette
maison de passe antique, preuve que le
plus vieux métier du monde se pratiquait
déjà dans des conditions sommaires,
Carnet de voyage
AUTOUR DE NAPLES
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même si d’alléchantes fresques érotiques
promettaient le paradis ! Redescendre vers
le sud pour contempler la scène du haut des
gradins du théâtre. Pénétrer dans quelques
maisons particulières, au fil de la balade,
celle de Ménandre dans la regio I, avec son
péristyle complet et ses fresques, ou encore
la ravissante Casa del Frutteto à quelques
rues de là. On poursuit ainsi, un peu au
© Cezary Wojtkowski AdobeStock
petit bonheur la chance, préférant savourer
chaque décor plutôt qu’accumuler les coups
d’œil, comprendre la disposition des pièces,
admirer la délicatesse des mosaïques au
sol et apprendre à distinguer les différents
styles des fresques sur les murs. Lieu très
émouvant, l’Orto dei Fuggiaschi (le « jardin
des fugitifs »), tout au sud de la regio I,
accueille treize moulages d’hommes, de
femmes et d’enfants retrouvés là en 1961.
Enfin, il faudra garder du temps pour rallier
la Villa dei Misteri, excentrée tout au nord,
au-delà de la muraille, et voir son magnifique © balounm Shutterstock
cycle de fresques. Avant de sortir, un passage
à l’Antiquarium et à la Villa Imperiales
s’impose. Leur visite ajoute une touche de
réalité virtuelle et théâtralisée. ✦
Entrée : 15 euros (audioguide : 8 euros).
• Parco Archeologico di Pompei.
Tél. : +39 081 857 5347.
pompeiisites.org
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En haut. L'amphithéâtre.
Ci-contre de haut en bas. Fresque érotique dans
le Vicolo del Lupanare. Casa Paquio Proculo.
Casa de Ménandre. L’Orto dei Fuggiaschi.
Fresque dans la Villa dei Misteri.
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 POMPÉI
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Aux alentours

Oplontis
Dépendante de Pompéi, Oplontis est surtout
célèbre pour sa Villa A, dite aussi Villa de
Poppée, la seconde femme de l’empereur
Une station balnéaire à la romaine Néron. Ce complexe résidentiel de luxe, mis
Encore une de ces banlieues napolitaines qui étalent des horizons d’immeubles à l’orée au jour à partir des années 1960, n’est pas
de la mer. Ici, l’urbanisation rampante a commencé bien avant le XXe siècle, puisque un demi-morceau ! L’ensemble, dont on n’est
déjà, au Ier siècle avant Jésus-Christ, à l’emplacement de la ville de Torre Annunziata, pas encore venu à bout, compte déjà plus de
s’épanouissait un noyau d’habitations. Il suffit de creuser un peu, et l’on tombe sur des quatre-vingt-dix pièces et une immense piscine
vestiges antiques ! de 61 mètres de long sur 17 mètres de large.
L’atrium, décoré de fresques du deuxième
style, et le péristyle, ouvert sur des jardins
agrémentés de fontaines et de sculptures,
distribuent à la fois les chambres et les pièces
de réception, dont le triclinium où étaient
servis les festins. L’ensemble forme un dédale
symétrique offrant des perspectives sur la
mer voisine. La côte était alors nettement plus
proche ! Autre particularité : les quartiers des
propriétaires et des esclaves sont séparés. Au
moment de l’éruption, un chantier étant en
cours, la demeure était apparemment vide.
Un peu plus à l’est, en 1974, les recherches ont
permis de retrouver un autre grand ensemble,
baptisé Villa B ou Villa de Lucius Crassius
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Tertius, et datant du IIe siècle avant Jésus-

Christ. Cette fois, la bâtisse, centrée autour

66 DIRECTIONITALIE
 Carnet de voyage
AUTOUR DE NAPLES

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d’un péristyle dont on a reconstitué la double
colonnade, aurait eu vocation d’entrepôt. Ici,
comme le laissent à penser les très nombreuses
amphores rangées les unes à côté des autres,
était réceptionné le vin des domaines viticoles
alentour. On a également fait une découverte
plus macabre : cinquante-quatre cadavres de
personnes qui s’étaient probablement repliées
là dans leur fuite, emportant quand même, dans
l’affolement, leurs précieuses économies en
espèces d’or et d’argent, ainsi que leurs bijoux.
Au nord de la Villa B, le long d’une rue, des
petites structures sur deux niveaux servaient
probablement de boutiques en rez-de-chaussée
et de logements à l’étage. L’ensemble formait
une insula, îlot d’habitat de l’époque romaine. Si
le double portique a été entièrement restauré, le
site est toujours fermé au public. ✦
© Forben Shutterstock
Entrée (combinée avec l’Antiquarium di
Boscoreale) : 7 euros.
PS – La visite des deux villas de Stabia – la villa
Arianna, la plus ancienne, et la villa San Marco, la
plus grande avec 11 000 m2 – est gratuite. Ces deux
villégiatures montrent combien la civilisation romaine
savait elle aussi jouir des plus beaux panoramas (Via
Passegiata Archeologica, Castellammare di Stabia).
Via dei Sepolcri, Torre Anunziata.
Tél. : +39 857 5347.

© Photos DR

Antiquarium di Boscoreale
La campagne nourricière
En Campanie, le présent et le passé s’entremêlent
si bien que ce musée est installé à côté d’une
ancienne villa agricole des pentes du Vésuve,
aujourd’hui imbriquée dans une cité HLM ! Sa visite
permet de comprendre le riche tissu économique
de la région, qui profitait de la proximité de la
mer pour la pêche et le commerce, et d’un sol
fertilisé par les cendres du volcan pour la culture et
l’élevage. Provenant de fouilles exécutées dans les
environs à la fin du XIXe et au début du XXe siècle, la
collection rassemble des éléments trouvés dans une
trentaine de villae rusticae, ces fermes, modestes ou
importantes, qui nourrissaient la ville voisine. Après
leur exploration, celles-ci ont été pour la plupart
réenterrées.
Les deux salles présentent quelques objets à la
fois humbles et touchants, comme une miche de
pain carbonisée, des figues et des noix, des dolia
(jarres où étaient conservées l’huile et le vin –
NDLR) enterrées jusqu’au col, des hameçons et
une houe en bronze, des cloches pour le bétail, un
peigne et un miroir, un scalpel, des dés, des vases
en céramique, des mosaïques ou des fresques…
Témoignage le plus terrible de ces ultimes moments
de vie, le moulage d’un chien attaché à sa chaîne.
En revanche, les découvertes les plus précieuses ont
migré vers de plus prestigieuses institutions. Ainsi,
le véritable trésor de la Villa della Pisanella (mille
trente-sept pièces en or et cent huit en argent)
appartient désormais au Louvre et aux collections
Rothschild, tandis que les magnifiques fresques
de la Villa Publius Fannius Synistor, comparables
à celles de la Villa dei Misteri, sont visibles à New
York, Paris, Bruxelles, mais aussi à Naples. ✦
Entrée (combinée avec Oplontis) : 7 euros.
Viale Villa Regina, 1, Boscoreale.
Tél. : +39 081 536 8796.

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 © Dieter Meyer Adobestock

68 DIRECTIONITALIE
 Carnet de voyage
AUTOUR DE NAPLES

Herculanum
L’autre site majeur
Alors qu’en cette funeste journée de l’an 79 de notre ère, Pompéi disparut sous
une pluie de lapilli et de cendres, Herculanum, voisine de quelques kilomètres,
fut rayée de la carte la nuit suivante, ensevelie sous des couches de boue
et de lave. Mais ici, si la vie fut anéantie d’un seul élan, murs, toitures,
meubles et vaisselles ont mieux résisté à l’apocalypse.

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 POMPÉI
© WitR AdobeStock

S
ubissant deux formes de la même catastrophe,
Pompéi et Herculanum en ont gardé différents
stigmates. La première s’est effondrée sous le
poids de projections, avant de s’enflammer ;
la seconde a été la proie d’une déferlante de
lave qui, se solidifiant, a formé une gangue protectrice.
Repérée par hasard en 1709, la belle Herculanum,
cité fondée selon la légende par Hercule à son retour
d’Espagne, fut sauvagement pillée par des galériens aux
ordres de Charles de Bourbon. Des tunnels sont creusés
sans vergogne, bijoux, statues et fresques sont remontés
à la surface sans souci d’inventaire. Heureusement pour
Herculanum, qui repose sous une vingtaine de mètres
de tuf dur, Pompéi, découverte en 1748, est nettement
plus facile à fouiller. C’est désormais là que les chercheurs
de trésors et archéologues officiels vont concentrer leurs
efforts. Et Herculanum coule dès lors des jours paisibles.
Ce n’est qu’à partir de 1924 qu’une véritable campagne
de fouilles est lancée par Amedeo Maiuri à la tête du
Musée archéologique de Naples et de la Surintendance
des antiquités de Campanie. C’est à ses équipes que l’on
doit le dégagement des différents îlots visibles aujourd’hui.
Sur les douze hectares que comptait probablement
l’agglomération, seuls 4,5 ont été explorés. Cette portion
suffit à comprendre la mixité de la ville, où de riches et
grandes demeures pouvaient voisiner avec de modestes
logements d’artisans et de pêcheurs, mais aussi des
maisons bourgeoises. On y a également la confirmation que
la fameuse institution du bistrot au coin de la rue n’est pas
née d’hier, puisque les thermopolia (« tavernes ») aimaient
déjà s’installer aux carrefours urbains. Grâce au théâtre
et à ses deux mille places, on peut estimer la population
d’Herculanum à cinq mille habitants.

Alors que l’immense majorité des sites antiques se lisent au ras du sol,
© Philippe Paternolli AdobeStock

à la force de l’imagination et du savoir, Herculanum se présente encore

debout. De la maison de l’Atrium à celle de Neptune et d’Amphitrite, on
est frappé par le bleu intense des mosaïques comme des fresques.
70 DIRECTIONITALIE

© waldorf27 AdobeStock
Encore debout
Longtemps, l’absence de cadavres a pourtant laissé planer
l’idée que la ville s’était dépeuplée après le séisme de 62,
ou encore que les Herculanéens, avertis du danger, avaient
réussi à fuir, d’autant plus qu’un quartier de Neapolis était
baptisé Regio herculanensis. Mais, en 1983, ces théories
sont tombées à l’eau… De nouvelles recherches entreprises
sur la façade maritime ont mis au jour quelque trois
cents squelettes blottis dans des hangars à bateaux. Une
barque sur le rivage, avec un corps au-dessous, mais aussi
des habitants pris au piège, témoignent de tentatives
désespérées d’échappées nocturnes. Parmi les objets,
on a exhumé des lanternes, des pièces de monnaie, un
nécessaire de médecin…
Beaucoup moins fréquentée que Pompéi, Herculanum,
bien que mieux préservée à l’origine, souffre d’un manque
d’entretien et de moyens. C’est bien dommage. La visite
peut paraître frustrante, de nombreuses maisons étant
fermées au public. Pourtant, on ne peut s’empêcher
d’être saisi d’effroi en se promenant dans les ruines, tant
elles semblent récentes, comme si le drame venait de se
produire. Alors que l’immense majorité des sites antiques
se lisent au ras du sol, à la force de l’imagination et du
savoir, Herculanum se présente encore debout. De la
maison de l’Atrium à celle de Neptune et d’Amphitrite, on
est frappé par le bleu intense des mosaïques comme des
fresques. Une évocation de la Méditerranée toute proche ?
La voûte en berceau et les bancs des thermes réservés
aux femmes nous rappellent d’autres hammams plus
orientaux. Les boulangeries, avec leur meule et leur four à
pain, semblent prêtes à se remettre à l’ouvrage. Pourtant,
la mort rôde… et attend immobile, sous les arcades des
terrasses. h
Entrée : 13 euros.
Corso Resina, 230, Ercolano. Tél. : +39 081 1855 6413.
Carnet de voyage
AUTOUR DE NAPLES
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Aux
environs
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La villa des Papyrus
À l’extérieur de la ville, surplombant la mer, la grande villa suburbaine baptisée villa des
Papyrus, déjà connue… et pillée au XVIIIe siècle, a fait l’objet, à la fin des années 1990,
d’un nouveau programme d’étude archéologique qui a permis de compléter le plan
d’ensemble. Cette splendide demeure, qui aurait appartenu au beau-père de Jules César,
doit son nom à la bibliothèque, riche de mille sept cent cinquante-huit rouleaux de
papyrus, qui y a été retrouvée. Une découverte tout à fait unique, puisqu’il s’agit de la
seule bibliothèque intégrale qui nous soit restée de l’Antiquité. Loin de la technique mise
au point par un abbé en 1860, qui visait à dérouler les rouleaux calcinés, les progrès des
nanotechnologies permettent aujourd’hui de lire les textes sans avoir besoin d’aplanir le
support. Bien que nous n’en soyons qu’au début des lectures, on aurait là des écrits de
philosophie épicurienne, signés notamment d’un certain Filodemo di Gadara (IIIe siècle
avant Jésus-Christ). La villa possédait également une impressionnante statuaire : dès
le XVIIIe siècle, on y a prélevé soixante-cinq œuvres en bronze et vingt-huit en marbre !
Cet incroyable patrimoine artistique est exposé au Musée archéologique de Naples,
et la résidence n’est plus qu’une coquille vide, interdite à la visite. Mais si vous êtes du
genre à apprécier les reconstitutions historiques, vous pouvez vous faire une idée de sa
splendeur d’antan… Il « suffit » de vous rendre sur la côte Pacifique, dans la Villa Getty à
Los Angeles. Décor kitsch et hollywoodien garanti. u
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72 DIRECTIONITALIE
 Carnet de voyage
AUTOUR DE NAPLES

Vésuve
et Champs Phlégréens
D’un volcan à l’autre
Au levant, les champs Phlégréens, au couchant, le Vésuve… Naples vit sur une terre
hautement volcanique. La dernière éruption du Vésuve date de de 1944, ce qui en fait le
seul volcan d’Europe continentale à être entré en éruption durant les cent dernières années.
Les scientifiques gardent d’ailleurs un œil vigilant sur d’éventuels soubresaut susceptibles
de dévaster la région. En attendant, les deux volcans offrent de superbes randonnées.

DIRECTIONITALIE 73
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Le Vésuve
Un volcan dans un volcan
Typiquement, le Vésuve (1 281 mètres d’altitude) est un volcan dans un volcan, avec l’apparition d’un nouveau cône au cœur
d’un ancien cratère à la ceinture largement détruite par les éruptions. C’est ainsi que le Grand Cône serait apparu lors de l’explosion de
79 après Jésus-Christ. Depuis, les deux sommets jumelés du Vésuve, le Grand Cône et le mont Somma, à 1 149 mètres,
planent au-dessus de la mer blanche et rose que forme la métropole napolitaine.

H
orizon quotidien des trois millions
d’habitants du grand Naples, le Vésuve, à
force d’être familier, est presque devenu
protecteur, ce qui ne l’empêche nullement
de gronder régulièrement depuis
l’explosion de 1631. La dernière ayant marqué les esprits
date de 1944 ; elle détruisit la flotte aérienne américaine
basée dans les parages. Sur ses flancs, un observatoire
scientifique fut inauguré dès les années 1840. Le volcan
exerçait alors un pouvoir de fascination d’autant plus fort
que le tourisme se développait timidement. En 1880, il fut
ainsi le premier au monde à être équipé d’un funiculaire
qui, malgré les interruptions et réparations liées aux
éruptions, fonctionna jusqu’en 1944. Puis on imagina le
premier télésiège italien, qui assura le service de 1951 à
1984. Arrêté pour cause de débit trop faible, il devait être
remplacé par un funiculaire… mais, le projet n’a jamais
été mené à son terme. Bref, en 2020, c’est pedibus
que vous ferez l’ascension du volcan. Le Parc national
du Vésuve, lui, a été créé en 1995, afin de protéger ce
patrimoine naturel, riche d’une biodiversité remarquable,
tant côté faune que côté flore. Un inventaire a permis
de recenser un millier d’espèces végétales, dont près
d’une vingtaine d’orchidées discrètes, à la floraison
fugace, d’exubérants genêts qui teintent d’or les flancs du
volcan le printemps venu, mais aussi d’épaisses forêts de
châtaigniers, de chênes et de noisetiers. Les oiseaux sont
particulièrement nombreux dans les parages, avec cent
cinquante espèces différentes, qu’elles soient nicheuses
ou migratoires. Afin de respecter la nature, le Parc a mis
en place onze sentiers parcourant au total 54 kilomètres
autour du cratère. h

74 DIRECTIONITALIE

©mat AdobeStock
Le tour du Grand Cône
Grand classique, la promenade vers le Grand
Cône démarre depuis le parking de Piazzale
à 1 000 mètres d’altitude. De là, on jouit déjà
d’une superbe vue sur le mont Somma, le
grand cône en partie effondré ponctué sur
son pourtour de petits pics, les Cognoli Sant
Anastasia, Punta Nasone, Ottaviano et Levante.
La végétation fait la part belle aux brassées de
fleurs jaune d’or et aux parfums enivrants des
genêts, mais aussi aux grappes framboise de
la valériane rouge. L’ascension, qui s’effectue
sur un large sentier, offre des panoramas
époustouflants, au-delà de la vallée del Gigante,
© Ttanialerro.art shutterstock
Cendrillon vésuvienne
C’est sur les pentes du Vésuve qu’est née Cendrillon.
Baptisée la Chatte des cendres, la pauvre orpheline fit
son apparition dans Le Conte des contes, un recueil dû
à la plume du poète, courtisan et écrivain napolitain
Giambattista Basile et publié après sa mort, entre 1634
et 1636, soit près de soixante ans avant Les Contes de ma
mère l’Oye de Charles Perrault. Une extraction somme
toute naturelle pour cette héroïne de notre enfance, tant
Naples et la cendre sont intimement mêlées.
vers la baie de Naples, ou encore sur les pinèdes
des réserves forestières de Tirone-Alto-Vesuvio.
On remarque la pugnacité de la flore, qui, par
l’intermédiaire d’un modeste lichen argenté, le
stereacaulon vesuvianum, part à la reconquête
de la dernière coulée de lave de 1944. La
boucle se poursuit autour du cratère du Gran
Cono (450 mètres de large, 300 mètres de
profondeur), surgi sans doute en 79 au cœur
du volcan. Là, on peut voir s’échapper des
panaches de fumée des murailles sombres,
preuve que le Vésuve n’est qu’à moitié endormi.
Sur la Strada Matrone
D’autres balades sont possibles. Les courageux
peuvent emprunter l’ancienne voie pavée
tracée durant trente ans par les frères Matrone !
Inaugurée en 1927, la Strada Matrone (sentier 6),
qui s’élève depuis Trecase, à 300 mètres
au-dessus du niveau de la mer, à plus de
1 000 mètres d’altitude, traverse d’abord la
pinède avant de pénétrer dans des bois de
chênes verts. De lacet en lacet, elle offre des vues
Carnet de voyage
©mat AdobeStock
©Tjul14ka AdobeStock
De nombreux oiseaux nichent dans les parois
vertigineuses. Après le belvédère de la
Capannuccia (1 170 mètres), le chemin s’enfonce
dans la végétation et perd de vue le cratère. On
descend alors sur le flanc oriental, au-dessus de
la vallée dell’Inferno pour rejoindre le parking
de Piazzale. Au total, l’itinéraire fait quatre
kilomètres et ne présente aucune difficulté. Des
aménagements sont en cours pour permettre
de faire le tour complet du cratère. En revanche,
seuls les scientifiques sont autorisés à descendre
au fond. u
de plus en plus
dégagées,
surtout
lorsqu’on
atteint le
niveau du
maquis tapissé
de buissons
de genêts, de
cistes et de fleurs. On atteint alors un belvédère
où se trouve une équipe du Parc national. La
vue est grandiose, englobant la péninsule
de Sorrente et le golfe de Naples côté mer,
les différentes crêtes jusqu’à l’étendue de la
vallée dell’Inferno côté terre. Attention, cette
randonnée est longue, l’ascension régulière,
mais assez raide. Au total, pour faire l’aller-
retour (14 kilomètres), il vous faut compter sept
heures. u
www.parconazionaledelvesuvio.it
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 © Giuma shutterstock © Landscape Nature Photo shutterstock

76 DIRECTIONITALIE
CHAMPS PHLÉGRÉENS
 Carnet de voyage
AUTOUR DE NAPLES

Champs Phlégréens
L’autre volcan
S’incurvant le long du golfe de Pozzuoli, les champs Phlégréens (Campi Flegrei), ainsi baptisés par les Grecs, tirent leur nom
de leur caractère volcanique. Du sol et de la mer jaillissent des sources thermales, des fumerolles, des gaz et des vapeurs sulfureuses,
qui témoignent d’une vive activité souterraine.

taraudait les experts depuis les années 1970, est résolue,

mais cette découverte, en raccourcissant le laps de temps
NAPOLI
entre les super éruptions des champs Phlégréens, n’est
Lac
d’Averno
pas sans inquiéter. Aujourd’hui, un observatoire surveille
Vesuvio
Le Monte Pozzuoli
Portici
en permanence l’activité de la zone, enregistre la moindre
Nuovo
Golfo Ercolano secousse, calcule les déformations du sol. Pour l’heure, les
di Pozzuoli
Golfo Torre
scientifiques n’ont pas repéré d’accumulation de magma
del Greco Boscoreale
di Napoli dans une zone précise, mais notent un réchauffement du
Torre

S
Anunziata
i les historiens se souviennent de l’éruption
du Vésuve, en 79 de notre ère, la terre, elle, a
gardé la trace d’éruptions antérieures bien plus
violentes. La première, dite « l’ignimbritique de
Campanie », a eu lieu il y a 39 000 ans. Elle a été
si puissante qu’elle a plongé une partie de l’Europe dans
l’hiver volcanique, expédiant des roches jusqu’en Russie !
Certains paléontologues attribuent la fin de l’homme de
Neandertal à ce cataclysme. Une autre éruption, baptisée
« tuf jaune napolitain », a eu lieu il y a 15 000 ans. Elle a
déposé cette importante couche de tuf sur laquelle est
construit Naples. Mais, entre ces deux événements, la
communauté scientifique vient tout juste d’identifier un
nouveau réveil intempestif du volcan, dit « tuf de Masseria
del Monte », survenu il y a 29 000 ans. C’est grâce à de
savantes simulations de dispersion des cendres et à la
comparaison de leurs compositions qu’elle a réussi à
identifier la provenance de la pellicule de cendres s’étalant
sur 150 000 km2 en Méditerranée. La question, qui
Pompei système hydrothermal. L’éruption n’est pas pour demain.
Néanmoins, la prudence est de rigueur, d’autant que la
région est très densément peuplée.
De ces trois épisodes, le golfe de Pouzzoles, derrière la
zone résidentielle du Pausilippe, a conservé sa caldeira
ourlée d’une série de cônes et de cratères toujours actifs,
dont le Solfatare, d’autres étant sous-marins. C’est pour
ses fumerolles, ses émanations sulfureuses et ses lacs
de boues en ébullition que les premiers colons grecs
surnommèrent la zone les champs Phlégréens, c’est-à-
dire « ardents ». En 1538, une simple éruption provoqua
l’apparition du Monte Nuovo (132 mètres d’altitude). Dans
l’Antiquité, le lac d’Averne et ses mortelles vapeurs étaient
considérés comme l’entrée des Enfers. C’est ici qu’Ulysse, Page de gauche.
dans L’Odyssée, et Énée, dans L’Énéide, seraient allés à la Le site de
Solfatare, à
rencontre des âmes défuntes. C’est aussi dans ce repaire proximité
de grottes que se seraient terrés les Cyclopes et les Géants de la ville de
blessés par la foudre de Zeus. Pouzzoles.
Le Monte
Le site touristique de Solfatare est fermé depuis le terrible
Nuovo.
accident de 2017, qui a vu une famille disparaître dans la Ci-dessous.
gueule d’un cratère. h Le lac d’Averne.
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 © Freesurf AdobeStock

78 DIRECTIONITALIE
 City guide

BERGAME
Merveille
lombarde
Martyrisée par le fléau du Covid-19, Bergame s’est trouvée bien malgré elle
au cœur d’une pandémie qui n’aura épargné aucun pays de la planète. Une
publicité dont cette ville du nord de l’Italie se serait bien passée.
Car Bergame, plus que jamais, mérite une visite approfondie.
Propices à l’imagination, ses rues nous transportent dans un
univers médiéval où pointent ici et là les signes d’une longue
et riche histoire, où se croisent Vénitiens et Lombards, musiciens et
artistes, pierre de taille et marbre ciselé. Lovée aux confins de la plaine
milanaise, Bergame reste connectée à ses traditions et à la nature qui
l’entoure, tels les superbes paysages du lac d’Iseo. Une vraie respiration,
dans une Italie du Nord hyperactive. Reportage en forme d’hommage.
Textes LUCIE TOURNEBIZE

DIRECTIONITALIE 79
 © Auris AdobeStock

d’évoquer la succession de peuples qui se sont attribué la

SUISSE responsabilité de l’administrer, lui laissant en héritage une
série de merveilles architecturales et artistiques.
©Alvaro German Vilela shutterstock

Sondrio
Ville haute et ville basse
Et pour une fois, l’histoire ne commence pas avec les
Lecco
Varese Romains. Car avant eux, les peuples celtes vivaient déjà
Como Bergamo sur les hauteurs de la ville. D’ailleurs, selon l’hypothèse
de l’historien Bertolo Bellotti, ils l’auraient nommée selon
cette caractéristique : berg, le « mont », et heim, la ville. En
Brescia
49 avant Jésus-Christ, les Romains latinisent le nom et le
MILANO
transforment en Berganum. Ils ne se contentent pas de
Lodi
Pavia rebaptiser la ville. Ils jettent aussi les bases de l’urbanisme
Cremona
Mantova qui la caractérise encore aujourd’hui, marquées du sceau
des cités romaines. Du nord au sud et d’est en ouest, ils
tracent les axes du cardo et du decumano, définissant la
structure de la cité. L’actuelle Via Bartolomeo Colleoni,

A
près avoir traversé les vastes plaines de la
Lombardie, l’arrivée à Bergame (Bergamo, en
italien) fait l’effet d’un choc. Telle une poupée
russe, la ville est comme un écrin qui
contiendrait plusieurs éléments imbriqués.
La ville basse, largement étendue, abrite de petits bourgs
devenus de véritables quartiers, mais qui apparaissent
toujours comme des villages au beau milieu de la ville.
Au cœur de cette ceinture urbaine, perchée sur son
promontoire, la ville haute est enlacée par des remparts…
À Bergame, comme dans un jeu d’emboîtement, on passe
d’un univers à l’autre, effectuant en quelques pas des sauts
dans le temps. Dans une ville où l’Histoire est si prégnante,
il est nécessaire de faire un bref retour en arrière, et
qui traverse la ville haute, en est le souvenir, tandis que
la Piazza Vecchia calque sa forme sur celle de l’antique
forum. À la charnière entre l’Antiquité et le Moyen Âge,
les Francs, puis les Lombards s’établissent sur la ville.
Mais c’est surtout la domination vénitienne qui marque
profondément l’identité de Bergame. Au XVe siècle, la
Sérénissime cherche à étendre ses possessions sur la
terre ferme. Elle ira jusqu’à Bergame, qu’elle administre
à partir de 1428. Les institutions vénitiennes ont laissé
leur trace dans le paysage urbain, avec l’établissement
du Palazzo della Raggione. Pour protéger la ville qui fait
office de frontière occidentale de la République de Venise,
des travaux de fortification sont lancés. La ville haute est
alors entourée d’épaisses murailles et dotée de portes
majestueuses, que l’on ferme toutes les nuits. C’est encore
de nos jours la promenade préférée des habitants de la

80 DIRECTIONITALIE
 City guide
BERGAME

© Scaliger AdobeStock
En haut.
La Piazza del
Duomo
Ci-contre.
La fontaine
de Contarini
sur la Piazza
Vecchia, et la
Via Bartolomeo
Colleoni, dans
la ville haute.
En médaillon.
© Krim Kate shutterstock
Portrait de
©ermess shutterstock

Gaetano
Donizetti par
Giuseppe
Rillosi

À Bergame, comme dans un jeu d’emboîtement, Vénitien Lorenzo Lotto ou le Lombard Gianbattista Moroni.
Plus tard, au XIXe siècle, c’est le jeune Gaetano Donizetti
(1811-1880).

on passe d’un univers à l’autre, effectuant
en quelques pas des sauts dans le temps.
vieille ville et des touristes, qui profitent à la
fois de l’ensoleillement et du panorama.
Pour toucher du doigt l’histoire militaire
de la ville, il faut se promener au soleil
couchant dans le parc de la Rocca, une
tour construite juste avant l’arrivée des
Vénitiens puis insérée dans le système
défensif. C’est également à cette période
que fleurissent les arts : les peintres et
les sculpteurs accourent à Bergame, tels le
qui fera l’orgueil de Bergame, lui qui compte parmi les
plus importants compositeurs romantiques. En 1797,
finie la République de Venise, les Bergamasques
s’impliquent dans le processus qui mènera à la
création de l’État italien moderne. En 1860,
cent soixante-dix-neuf d’entre eux se joignent
à l’expédition des Mille (Spedizione dei Mille),
aux côtés de Giuseppe Garibaldi.
Aujourd’hui, ces riches héritages du passé
sont précieusement conservés par les
habitants, conscients de la valeur de leur
patrimoine, cultivant avec goût un art de vivre
enraciné dans des traditions séculaires, mais
jamais nostalgiques. h

DIRECTIONITALIE 81
 © Stefano Gualteroni shutterstock

82 DIRECTIONITALIE
 City guide
BERGAME

La ville haute
Tel un mirage
En arrivant à Bergame, on la voit miroiter de loin, tel un mirage posé sur la
colline. Les jours de soleil, la Città Alta apparaît en pleine lumière, narguant les
artères plus sombres de la ville basse. À peine la brume se lève-t-elle, elle se
camoufle et disparaît derrière une écharpe blanche.

DIRECTIONITALIE 83
 © Martin Molcan AdobeStock

C
omme un joyau dans son écrin, la Città Alta
domine les alentours, invitante et fascinante.
Bien défendue par d’épaisses murailles, elle ne
se laisse pas facilement gagner. Mais depuis
1887, un funiculaire grimpe à l’assaut du
Via
Sa
nV
igi

versant sud. Les rails filent en ligne droite à travers jardins

lio

et terrasses, offrant une vue panoramique sur toute la

re

a
esa

Via della Boccol

plaine alentour. C’est le moyen privilégié des touristes
io C
iul

pour gagner les hauteurs. Aussi, le week-end ou en haute

G
Via

Via
Bar
tolom
MUSEO DEL 
CINQUECENTO
eo C
PIAZZA
olle
oni saison, la file d’attente s’étire-t-elle parfois longuement sur

✪✪
PALAZZO VECCHIA le trottoir. Les Bergamasques lui préfèrent le bus N° 1, plus
DELLA VRAGIONE
ia PALAZZO
de
lle
Mu PIAZZA DELLA RAGIONE pratique, mais moins romantique, qui dépose les visiteurs
ra Via Porta di Pinta
Via Cesare Bat

DEL DUOMO ura à l’autre bout de la ville, hors les murs. En alternative, si l’on
so

delle M
Via
ma
Via

om

a de bons mollets, on peut aussi grimper par les sentiers

Tre

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A

Sa
rm

tisti
Via
y

Via Alberto pierreux qui serpentent sur le flanc de la ville le long des
murs des villas cossues.

La ville haute dévoile peu à peu son visage médiéval, avec son
di
réseau de ruelles denses, qui reprend toutefois en partie le plan
Via
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quadrilatère hérité des Romains.

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84 DIRECTIONITALIE

© Viacheslav Lopatin AdobeStock
La ville haute dévoile alors peu à peu son visage médiéval,
avec son réseau de ruelles denses, qui reprend toutefois
en partie le plan quadrilatère hérité des Romains. En
s’échappant de la Via Bartolomeo Colleoni, qui la coupe
City guide
BERGAME
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© Ekaterina AdobeStock
en deux de part en part, on tombe facilement sur de Ci-dessus
nombreux indices qui rappellent le passé médiéval de de gauche à
droite.
Bergame. À commencer par la Torre del Gombito, qui
Le lavoir et la
dominait la ville haute. Construite en pierre au XIIe siècle, Torre Civica .
elle sera tronquée lors de la construction de la Torre Civica, En bas.
qui ne pouvait tolérer d’être dépassée. Elle affiche donc un La Porta San
Giacomo.
austère profil angulaire, mais les visiteurs qui en gravissent
les deux cent soixante-trois marches savent qu’elle réserve,
de son sommet, une vue spectaculaire sur les alentours.
Vient ensuite le lavoir, qu’on pourrait croire médiéval, tant
son style s’insère parfaitement entre les vieilles pierres.
Et pourtant… Pour remédier aux conditions d’hygiène et
fournir aux habitants un accès à l’eau, sa construction est
ordonnée en… 1891. La belle vasque de marbre ne sert
plus, mais contribue toujours au charme de Bergame. ✦
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DIRECTIONITALIE 85
 CITTÀ ALTA
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Entre la Piazza Vecchia et la Piazza del Duomo

Ci-dessus.
La Piazza
Vecchia. Au
premier plan,
Au cœur de Bergame

D
la fontaine
des Contarini ;
à droite, le
Palazzo del ebout au milieu de la Piazza Vecchia, véritable
Podestà et au centre de Bergame, faisons l’inventaire de ce qui
centre, la Torre nous entoure. En détaillant les édifices, on réalise
Civica.
vite à quel point nous nous trouvons au carrefour
de l’Histoire. Sous nos pieds, à quelques mètres
sous terre probablement, il y a l’antique forum romain, dont la
place reprend la forme. Au centre, la Fontaine des Contarini,
offerte à la ville en 1780 par le podestat vénitien Alvise
Contarini. L’eau qu’y crachent des sphinx est encore potable,
touristes et habitants s’y désaltèrent aujourd’hui comme ils le
© makam1969 AdobeStock
faisaient hier. La nuit, un faisceau de lumière tombant du ciel
l’éclaire, rendant l’atmosphère de la place encore plus féerique.
En levant les yeux, on s’attarde sur la façade du Palazzo del
Podestà, construit à partir de 1100. Sa structure, privée de
rez-de-chaussée, est perchée sur des arcades qui laissaient
aux marchands tout l’espace nécessaire pour commercer.
C’est la plus vieille mairie lombarde ! Le regard continue de
grimper et l’on aperçoit à présent celle qu’ici on surnomme le
Campanone. De son nom officiel de Torre Civica, par opposition
aux clochers, cette tour porte en son sommet, à 52 mètres de
hauteur, une énorme cloche qui sonne cent coups, chaque
soir à 22 heures. Un moyen de rappeler aux habitants l’époque
où la ville fermait ses portes pour la nuit. Mais avant d’aller
admirer Bergame vue d’en haut, avançons un peu pour passer
sous les portiques du Palazzo del Podestà, vers les églises
de la Piazza del Duomo située juste derrière. Sur cette petite
place se concentrent tant d’édifices religieux qu’on a du mal à
y voir clair. Lequel est la chapelle ? Le baptistère ? Le Duomo ?
Les façades en marbre blanc, en pierres de taille ou en opus
sectile (marqueterie de marbres polychromes) sont si bien
imbriquées qu’il est difficile de réaliser où commence l’un, et où
se termine l’autre. C’est certainement ce qui offre à l’ensemble

cette beauté unique. Pour y voir plus clair, voici un peu de

l’histoire des monuments qui composent ce cœur vibrant de
Bergame. ✦

86 DIRECTIONITALIE
 © village9991 Adobetock
Ci-dessus.
La Piazza del
Duomo di Bergamo Duomo.

Étonnement, le Duomo, c’est-à-dire l’équivalent de notre cathédrale,

n’est pas l’église la plus ancienne de la place. D’ailleurs, on utilise
rarement son nom complet de Cattedrale di Sant’Alessandro, bien qu’il
s’agisse du saint patron de Bergame. C’est même peut-être l’église qui
passe la plus inaperçue sur la petite place : sa façade néo-classique, dans
son immaculée sobriété, convoque toute une lignée d’églises similaires.
Mais cette apparente simplicité cache en réalité un intérieur baroque où
explosent les marbres et les couleurs, le tout dominé par une coupole
décorée de fresques de Francesco Coghetti, artiste bergamasque du
XIXe siècle. À l’extérieur, au sommet de la même coupole, se trouve une
statue de bronze représentant saint Alexandre, que l’on admirera plus
tard du haut de la Torre Civica. ✦
Piazza del Duomo
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DIRECTIONITALIE 87
 CITTÀ ALTA

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Cappela Colleoni
Mais qui pouvait bien être ce Bartolomeo Colleoni,
pour qu’on érige en son nom une si somptueuse
chapelle ? Ce condottiere, né au XVe siècle à Bergame,
fut à la tête d’une armée de mercenaires qu’il mit au
service de la République de Venise, passant sa vie
à guerroyer à travers l’Italie. La ville et la province
lui doivent la construction de nombreux châteaux
et le percement de canaux d’irrigation. C’est à sa
demande que la ville haute s’orna de son plus beau
joyau, la Cappella Colleoni. Pour s’assurer d’avoir la
place de la construire, Colleoni fit détruire la sacristie
de l’église de Santa Maria Maggiore. Voilà pourquoi
cette église-mausolée est imbriquée dans la façade
de sa voisine. On pardonne aisément au condottiere
ses méthodes peu diplomatiques, vu la splendeur
Renaissance de l’édifice. Couverte d’une mosaïque
de marbre, selon la technique de l’opus sectile,
elle décline de somptueux motifs ornementaux, et
alterne avec merveille les teintes rose, blanche et
grise des précieux matériaux. L’intérieur est tout aussi
fastueux, avec une statue équestre du condottiere
et son tombeau, orné de scènes de la vie du Christ
sculptées en bas-relief. Mais comme une église ne
saurait être un temple à la gloire d’un seul homme,
trois saints de pierre, sculptés par Pietro Lombardo,
observent les visiteurs : Jean, Marc et Bartolomé, à
qui cette chapelle est réellement dédiée. Enfin, si, lors
d’une promenade nocturne, vous passez devant la
porte close, sachez que toucher le blason représenté
sur les battants à minuit sonnant est censé porter
bonheur. ✦
Piazza del Duomo

Chiesa Santa Maria Maggiore
Asymétrique, bizarre, entortillée sur elle-
même : cette église n’a assurément pas une
forme classique. C’est sûrement parce qu’elle
a été construite à l’initiative des habitants de
la ville eux-mêmes, pour remercier la Vierge
qui les avait épargnés de la peste. Voici pour
la légende. Selon les archéologues, avant
même le début des travaux, en 1137, un lieu
de culte s’établissait là dès le VIIIe siècle. Cette
longue histoire a façonné les pierres, les murs
et les vitraux, qui témoignent des modes
© Elena Odareeva AdobeStock
Cet artiste, resté inconnu du plus grand nombre, a réalisé (sur dessins
du célèbre Lorenzo Lotto) des images illustrant des scènes de l’Ancien
Testament. Jusque-là, rien de bien extraordinaire. Sauf que ces scènes,
d’une extrême complexité, ont été créées en assemblant des morceaux de
bois, dont certains ont à peine quelques millimètres d’épaisseur. Une sorte
d’incroyable puzzle où prennent vie l’arche de Noé ou la traversée de la
mer Rouge par le peuple de Moïse, qui mérite la visite. Après avoir scruté
jusque dans ses moindres détails cette église qui synthétise pratiquement
tous les mouvements artistiques ayant parcouru Bergame, offrez-vous un
dernier regard à la ronde, et dites-vous que vous pourrez revenir, plus tard
dans la journée ou le lendemain : la visite est gratuite et l’accumulation des
merveilles donne envie d’y retourner. ✦

et des courants de l’histoire de l’art. Qu’on Piazza del Duomo.

entre par la Piazza Duomo ou par la porte
arrière, située Via Arena, toutes deux gardées
par des lions de pierre qui rappellent la présence vénitienne, on se sent
immédiatement désorienté. Contrairement aux habitudes de l’architecture
religieuse, aucune des portes n’est placée au centre de la façade, déroutant
le visiteur qui pénètre dans l’église. Son plan initial, en croix grecque, fut
plusieurs fois remanié, notamment lors de la construction du mausolée
de Bartolomeo Colleoni, dont la façade de marbre coloré jouxte celle de
l’église. Puis il y a les œuvres, qui ajoutent à l’étourdissement : tapisseries
de Florence et de Flandres (seules quelques-unes sont exposées sur les six
cents que compte la collection), confessionnal en bois sculpté dans le plus
© Giacomo Scandroglio AdobeStock

pur goût baroque par l’artiste Andrea Frantoni en 1704, restes de fresques
du XIVe siècle, et bien entendu, le tombeau de l’incontournable Gaetano
Donizetti… Accessible uniquement avec un guide (demandez à l’entrée,
le coût est de 4 euros), le chœur porte les œuvres d’un certain Capoferri.

88 DIRECTIONITALIE
 City guide
BERGAME

Baptistère
Imaginez… Avant de trôner sur la place publique, ce baptistère était jalousement
gardé à l’intérieur de l’église de Santa Maria Maggiore. Ce n’est qu’en 1898 qu’il fut
déplacé, mais sa construction débuta au XIVe siècle. Il faut croire qu’il était difficile
de lui trouver une place, car la vasque et le monument furent d’abord démontés
pour être placés à l’extérieur, changeant plusieurs fois d’emplacement jusqu’à la
construction de l’actuel Duomo. Il sembla alors cohérent de le placer face à l’église,
© oktober64 AdobeStock

comme il était d’usage. Le petit monument est aujourd’hui protégé par des grilles,
qui n’empêchent pas d’en admirer l’élégante facture et le toit coiffé de statues
angéliques. ✦
Piazza del Duomo

Musées Les incontournables à visiter

Au-delà des églises et des monuments religieux, la Piazza Vecchia et la Piazza del Duomo
proposent d’intéressants musées, logés dans des palais historiques, ainsi que d’agréables cafés
où l’on déguste une part de torta Donizetti, avant de s’en retourner arpenter les rues de Bergame.

Museo del Cinquecento
Plonger dans le passé, c’est réellement ce
que propose le musée installé dans l’ancien
siège du pouvoir. Loin des hautes sphères
de la noblesse, il nous fait plutôt découvrir
la vie d’une cité comme Bergame durant le
Cinquecento, comme les Italiens appellent le
XVIe siècle. À partir d’une mappemonde et
des grandes découvertes géographiques faites
© DR

par les navigateurs européens, on en arrive à

© byfogli AdobeStock
raconter l’histoire de la République de Venise, à laquelle Bergame appartint. Le musée intègre de façon vraiment
intéressante les technologies d’aujourd’hui, nous proposant par exemple un parcours de Venise à Bergame sur
cartes d’époque façon Google Maps. Plus loin, la parole est donnée aux petits artisans de l’époque, à travers une
vidéo élaborée grâce aux documents d’archives, et dont les boutiques racontent la vie quotidienne. Le musée est Torre Civica
vraiment ludique, alors n’hésitez pas à le visiter en famille (mais demandez qu’on vous explique comment changer
la langue des contenus multimédias). ✦ En français, on pourrait l’appeler la « tour
Palazzo del Podestà, Piazza Vecchia. museodellestorie.bergamo.it municipale », un nom qui souligne sa fonction
civique et non religieuse. On gagne son

Palazzo della Ragione sommet en quelques secondes d’ascenseur,

Aux connaisseurs, le nom de Palazzo della Ragione évoque
tout de suite Vicence et Padoue, autant de villes ayant
en commun avec Bergame d’avoir été longtemps sous
domination vénitienne. Elles aussi ont leur « palais de la
raison », où le pouvoir vénitien rendait la justice. Il s’agit
© Marytog AdobeStock
ou en gravissant les deux cent trente marches
de son escalier. À un peu plus de 52 mètres
au-dessus de la place, on tutoie la statue
de Sant’Alessandro perché sur la coupole
du Duomo, tandis que la Cappella Colleoni
semble devenue un élégant jouet. D’une

donc d’un haut lieu de la ville, si « haut » qu’il est perché part, la plaine s’étire à l’infini – on laisse
sur des colonnes. Ainsi, avant de gravir son escalier ajouré, l’imagination vagabonder sur les routes,
on déambule au rez-de-chaussée et pour une fois, il vaut d’hier ou d’aujourd’hui, qui partent vers Milan.
mieux baisser les yeux que les lever. Car au sol, est tracée une méridienne qui indique les mois de l’année grâce à De l’autre, ce sont les montagnes, parfois
un faisceau lumineux produit par un trou savamment placé. Un système ingénieux qu’on trouve d’ordinaire plutôt saupoudrées de blanc, qui donnent sa majesté
dans les églises (le Duomo de Milan a la sienne). Toujours au rez-de-chaussée, une autre curiosité évoque un pan de au paysage urbain. Sur la Piazza Vecchia, le
l’histoire de la ville. Au mur, différentes lignes servaient d’unité de mesure pour les produits vendus au marché. En paisible va-et-vient des passants scande le
effet, chaque ville italienne avait son système et ses unités. En cas de litige entre vendeurs et acheteurs, on imagine rythme de cette ville où l’on aime profiter d’un
bien que la proximité immédiate du palais de justice facilitait la résolution des différends ! ✦ temps qui semble s’être arrêté. ✦
Piazza Vecchia Piazza Vecchia.

DIRECTIONITALIE 89
 Théâtrale, artistique, musicale…

Bergame l’esthète !
Il n’y a pas que la Scala de Milan ou les Offices de Florence pour satisfaire les amoureux d’art. En matière de théâtre,
de peinture ou de musique, Bergame a bel et bien son mot à dire, avec de nombreux lieux dédiés aux arts.

Gaetano Donizetti
Le glorieux enfant du pays
Les Bergamasques sont si fiers de leur Donizetti qu’il est difficile de lui échapper. Mais qui est
donc ce personnage, somme toute assez peu connu du grand public en France ? Né en 1797
à Bergame, Gaetano Donizetti n’était pas à l’origine destiné à connaître une grande carrière
musicale. Ses parents étaient pauvres et son père espérait lui faire étudier le droit, au prix
d’importants sacrifices. Mais à huit ans, il fut repéré par une fondation, la Congregazione della
Misericordia Maggiore, qui lui permit de suivre des cours de musique. Il n’entra finalement
jamais dans la carrière juridique et connut un brillant parcours entre Vienne, Bergame et Naples,
où il composa de célèbres œuvres romantiques. Pour perpétue sa mémoire, la fondation MIA,
la même qui avait permis à l’enfant d’apprendre le solfège, lui a dédié un musée. Dans une
petite rue de la ville haute, un appartement retrace la vie du compositeur. De son nécessaire
de voyage aux partitions de ses chefs-d’œuvre (on retient surtout L’Élixir d’amour et Lucie de
Lammermoor), de ses divers pianos à une reconstitution de sa chambre, on évolue dans ce
charmant musée comme dans une bonbonnière néo-classique. ✦
Museo Donizzettiano, Via Arena, 9. Tél. : +39 035 247 116. donizetti.org

90 DIRECTIONITALIE
 City guide
BERGAME

Accademia Carrara
À travers l’histoire
de l’art
Plus que l’art local, l’Académie de Bergame
reflète la peinture italienne dans son ensemble,
avec des œuvres issues de diverses régions
et d’époques tout aussi variées. La raison en
est simple : la riche collection du musée s’est
constituée grâce à de nombreuses donations
de collectionneurs éclectiques. L’un d’eux a
particulièrement marqué l’histoire du lieu, par
sa grande générosité : il s’agit de Giacomo
Carrara, historien de l’art né à Bergame en
1714. À sa mort, en 1796, sa collection fut
léguée à une fondation qui donna naissance
à l’Accademia Carrara telle qu’on la connaît
aujourd’hui, fièrement installée dans un palais
néo-classique. Ce bâtiment blanc et gris abrite
ainsi plus de mille huit cents toiles, trois mille
dessins et huit mille gravures. Même si tous
ne sont pas exposés, le parcours permet au
visiteur de traverser l’histoire de l’art italien, de
la Renaissance jusqu’au XXIe siècle. Les sujets
religieux, et leur défilé de madones au regard
doux, abondent : Bellini, Carpaccio, Mantegna…
les toiles des grands maîtres se succèdent. Avec
l’artiste vénitien Lorenzo Lotto, qui a séjourné
pendant dix ans à Bergame, et le Bergamasque
Giovan Battista Moroni, on part ensuite à la
rencontre d’une série de personnages de
l’aristocratie de leur temps. Ces visages, bien
qu’habillés à la mode du XVIe siècle, sont d’une
troublante modernité et nous transmettent
encore leur énergie, tel Il Giovane (1500), qui
fixe le visiteur de son regard vert. Venise est
plusieurs fois évoquée par des artistes comme
Pietro Longhi et ses scènes de la vie quotidienne
au XVIIIe siècle, mais aussi à travers quelques
toiles du Titien, de Palma le Jeune ou de
Tiepolo… Rien que ça ! ✦
Piazza Giacomo Carrara, 82.
Tél. : +39 035 234 396. lacarrara.it

Voir un spectacle à Bergame

Une ville qui rappelle le nom de son musicien-compositeur à chaque coin de rue se doit
d’avoir ses théâtres. L’habitude d’aller au spectacle s’est répandue à Bergame lors des
foires médiévales, organisées dans la ville basse. On y trouvait des étals de marchandises
aussi bien que des scènes éphémères où se produisaient des acteurs. Au fil du temps, ce
goût pour le théâtre s’est traduit par la construction de salles plus pérennes. Disséminées
© Walencienne shutterstock

de la ville haute à la ville basse, les salles de concert ou de spectacles sont donc nombreuses
pour une ville de cette taille. Si vous souhaitez mettre à profit votre séjour pour assister à
un concert ou assister à une représentation théâtrale, voici quelques lieux à considérer.
Pour entendre sonner l’orgue ou le piano dans un cadre élégant, la Salle Andrea Piatti
se trouve dans la ville haute, au sein du musée Donizettiano (Via San Salvatore, 11.
fondazionemia.it)
Dans la ville basse, le Teatro Donizetti (toujours lui !) programme des œuvres lyriques
et des opéras dans une belle salle à l’italienne, avec rideaux en velours et sièges revêtus de
rouge (Piazza Camillo Benso Conte di Cavour, 15. teatrodonizetti.it)
Dans la ville haute à nouveau, le Teatro Sociale, créé en 1809, faisait gentiment
© Mediastudio shutterstock

concurrence à son rival de la ville basse. Cette rivalité n’existe plus et le Teatro Sociale
programme principalement du théâtre contemporain (Via Bartolomeo Colleoni, 4).
Enfin, en mars, Bergame vibre au son du Bergamo Jazz Festival, qui s’empare de
De haut en bas. Le Teatro Donizetti et le Teatro Sociale. nombreux lieux de la ville haute ou basse. ✦

DIRECTIONITALIE 91
 Nos bonnes

LE CARNET
Photos Lucie TOURNEBIZE (sauf mention)
adresses
de la Città
Alta
© Viacheslav Lopati shutterstock

GASTRONOMIA
EMPLETTES MANGILI
Envie de préparer un
pique-nique avec de
délicieux produits
locaux ? Dans la bonne
humeur et la gentillesse,
cette famille d’épiciers
propose du saucisson de
Bergame, des casoncelli
frais à cuisiner au retour OL FORMAGER
(attention, pas plus de C’est le temple de tous les amoureux de fromage. Sous le verre
deux jours), des vins du comptoir s’étale la grande galaxie lactée des fromages du
lombards, de la polenta nord de l’Italie. Il y a bien sûr le Taleggio, plus ou moins fort,
et bien sûr, du fromage mais aussi le Branzi, un régal à déguster avec de la polenta, le
local, le Taleggio. Conseil Strachitunt, délicieusement coulant… vous n’y connaissez rien ?
et service idoines. Pas de problème, demandez à goûter avant de choisir et Giorgio,
• Via Colleoni, 7. l’un des deux frères tenant la boutique, se fera un plaisir de vous
Tél. : +39 035 248 774. orienter.
facebook.com/gastronomiamangili • Via San Tomaso, 100. Tél. : +39 035 239 237. olformager.it

92 DIRECTIONITALIE
 City guide
© DR BERGAME

CAFFÈ DEL TASSO LA MARIANNA

Mordre avec délice dans un gâteau dédié à Donizetti, tranquillement assis en
PAUSE
CAFFÈ terrasse d’un café ainsi baptisé en hommage au poète Torquato Tasso (en
français Le Tasse) ? Une expérience gourmande et cultivée, à vivre sur la Piazza
Vecchia dans ce café chargé d’histoire. Créé en 1476 et alors nommé café « des
Deux Épées », car la place était lieu de duel, rien ne lui a jamais fait fermer
ses portes, pas même un boulet de canon tiré par l’armée autrichienne. Tous
les personnages illustres visitant Bergame sont venus y boire un café ou
y déjeuner. Car dans la salle aux murs rouges et aux beaux meubles
d’époque, on sert aussi polenta, casoncelli et autres mets.
• Piazza Vecchia, 3. Tél. : +39 035 237 966.
facebook.com/caffedeltasso1476
PAUSE Vous savez sans doute ce qu’est la stracciatela, mais
DOUCEUR
saviez-vous d’où elle vient ? Le meilleur moyen de
le découvrir est de passer les remparts et d’entrer dans ce bar chéri
des locaux. Car c’est ici qu’est née la célèbre glace crémeuse semée
de gros copeaux de chocolats. On vous conseille bien
entendu d’y goûter, mais si ça ne vous dit
rien, vous pouvez quand même y aller les
yeux fermés : pâtisseries, mignardises,
cappuccino… tout est bon ! D’ailleurs, les
Bergamasques le savent bien, et le lieu est
très fréquenté.
• Largo Colle Aperto, 2.
Tél. : +39 035 237 027. lamarianna.it

MANGER

TRATTORIA DA ORNELLA
Une l’adresse à réserver aux grosses fringales, tant il faut de
l’appétit pour tester la délicieuse spécialité maison, le piatto
tipico. Deux types de polenta, avec et sans fromage fondu, des
champignons cuits au beurre, une portion de poulet à la crème
et une de lapin, le tout généreusement servi ! Vous aurez
l’impression d’être invité chez une grand-mère bergamasque,
dans une ambiance populaire et sympathique. Le reste de la VINERIA COZZI
carte est du même tonneau, local et rassasiant. Un rideau de velours isole cette alcôve
Comptez 25 euros à la carte secrète de la rue et des courants d’air.
• Via Gombito, 15, Città Alta. Tél. : +39 035 232 736. Derrière, beaux meubles d’époque,
lumière feutrée, comptoir chargé de belles
bouteilles… On s’y sent tout de suite très
bien, encore plus en tête-à-tête ! La carte
fait honneur à la cuisine locale : casoncelli,
risotto au fromage, polenta réconfortante…
Un bon moment gastronomique, qu’on a
envie de faire durer !
• Via Bartolomeo Colleoni 22.
Tél. : +39 035 238 836.

DIRECTIONITALIE 93
 LA TANA
Une tanière moderne non loin des remparts, où se
MANGER réfugient les amateurs de bon vin. Sous les voûtes de
pierre, la déco alterne style moderne, couleurs chaudes
et tables en bois, conférant au lieu une atmosphère
chaleureuse et romantique. Sur le menu, les plats
traditionnels – comme les immanquables casoncelli –
côtoient des spécialités plus créatives et raffinées. Filets
de sanglier et purée de carottes, crackers maison aux
pignons et confiture de cèdre… C’est inventif et délicieux !
Laissez le serveur vous conseiller le vin idéal, il s’y connaît.
Comptez 35 euros à la carte.
• Via San Lorenzo, 25. Tél. : +39 035 213 137.

IL CIRCOLINO
Plus qu’un restaurant, c’est un véritable projet social. Bien sûr, on y sert à manger, mais l’objectif de
cette coopérative n’est pas d’amasser les bénéfices. L’argent sert ici à financer les activités culturelles
et sociales organisées par le « Petit Cercle » tout au long de l’année. En plus, le lieu est
ravissant. Situées dans un ancien couvent, les salles s’étendent sur plusieurs étages et
jusqu’au jardin, dès que le temps le permet. En grandes tablées ou en petit comité,
on y vient pour manger au meilleur prix une cuisine qui mixe spécialités du terroir,
assiettes de viande et de légumes, ainsi qu’une très belle cave aux nombreuses
étiquettes.
Comptez 20 euros à la carte.
• Vicolo Sant’Agata, 19. Tél. : +39 035 218 568.

AL DONIZETTI
Un hommage au musicien et
compositeur bergamasque,
qui prend la forme d’une
symphonie de saucissons,
fromages et polentas ! À
l’extérieur, sous les portiques,
ou dans la salle décorée de
bouteilles de vin, la cuisine
locale se déguste selon une
partition bien rodée. Régalez-
vous de casoncelli, gnochetti
aux herbes sauvages,
champignons et fromage de
montagne, dans une vaisselle
de porcelaine qui rappelle le
bon vieux temps. On peut
simplement boire un bon
verre de vin et commander
une planche de charcuterie
pour l’aperitivo.
Autour de 30 euros
à la carte.
• Via Gombito, 17, Città
Alta. Tél. : +39 035 242 661.
donizetti.it
LIO PELLEGRINI
Ne vous découragez pas
si vous trouvez porte
close à votre arrivée :
il faut tout simplement
sonner pour entrer
dans ce restaurant où le service est de très haute qualité. Un peu
comme dans un boutique-hôtel, toute la décoration est signée
et peut être achetée. On a l’impression de dîner dans les pages
d’un magazine de décoration, au milieu des fleurs fraîches et des
œuvres d’art… Côté assiette, c’est tout aussi raffiné, avec un sens
de la mise en scène qui transforme les légumes en sculptures.
Produits très frais et de grande qualité. À tester pour un moment
chic et romantique !
Avec le vin, comptez 70 euros à la carte.
• Via San Tomaso, 47, Città Alta. Tél. : +39 035 247 813.
liopellegrini.it

94 DIRECTIONITALIE
 City guide
BERGAME

SÉJOURS

ANTICA DIMORA
Un antique palais du
XVIe siècle resté « dans
son jus », c’est-à-dire avec
ses fresques murales,
son mobilier d’époque,
ses riches tapis… Bien
sûr, la literie correspond
aux standards de confort
moderne, et le buffet du
petit-déjeuner, à l’appétit
des gourmands. Le clou ?
La salle du petit-déjeuner,
justement, richement
décorée de fresques représentant des scènes bucoliques.
• Via Pignolo, 65. Tél. : +39 347 220 6464. anticadimora.bergamo.it
GOMBIT HOTEL
Un boutique-hôtel
contemporain qui ose le
mélange œuvres d’art
contemporain et vieilles
pierres. Situé sous la Torre del

© photos DR
Gombito, soit à deux pas de
l’office du tourisme et en plein centre de la ville haute, c’est l’adresse chic où
dormir à Bergame. Le petit-déjeuner est pris chaque matin dans l’élégante
et reposante « Sala della Torre ».
À partir de 180 euros la chambre double.
© photos DR

• Via Maria Lupo, 6. Città Alta. Tél. : +39 035 247 009. gombithotel.com

LA VALLETTA RELAIS
Si, dans votre esprit, vacances riment avec repos et tranquillité, cette belle
demeure retirée sur les hauteurs de la ville est faite pour vous. Les huit
chambres, le jardin, les vélos à louer et le service gratuit de transport pour
le centre-ville en font la villégiature idéale des familles qui souhaitent se
ressourcer.
© photos DR

• Via Castagneta, 19, Città Alta. Tél. : +39 035 242 746. lavallettabergamo.it

DIRECTIONITALIE 95
 © Alvaro German Vilela shutterstock

96 DIRECTIONITALIE
 City guide
BERGAME

Balade dans les bourgs bergamasques

Chic et bucolique
Via

Autour de la ville haute s’étend celle qu’on appelle la ville

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basse. La résumer à de grands axes modernes et sans

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Borg Via della Bocco
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charme serait une erreur. Car au fil du temps, par-delà les

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murailles vénitiennes, se sont constitués différents bourgs.
Absorbés peu à peu par la ville, ils constituent aujourd’hui
ra Via Porta di Pinta

Via Cesare Battis

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Via

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Tre

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A

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les quartiers préférés des bergamasques, le temps d’une

Via
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Via Alberto

promenade, d’un aperitivo ou d’un peu de lèche-vitrines,

BORGO
Via
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llo
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pe
Ve
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i
PALAZZO avec leurs belles églises, leurs boutiques chic et leurs
bars sympas. Visite de nos trois bourgs coup de cœur.
tuto is
Gu Via Bo
Via
BORGO SAN
rgo Palazzo

LEONARDO

Borgo San Leonardo

C’est le plus vivant des borghi de la ville. Ne
serait-ce que pour sa morphologie, ce bourg
était destiné à incarner un lieu de rencontre
privilégié pour les Bergamasques. Sur la Piazza
Pontida, qui en marque le cœur, débouchent
cinq rues et ruelles. De quoi engendrer une
belle concentration de bars où boire un verre !
Au Moyen Âge, c’était un faubourg commerçant
très actif, animé par les artisans qui travaillaient
dans les botteghe, des ateliers nichés sous les
portiques. Ces espaces existent encore, investis
par les boutiques de mode, les fleuristes, les

© KrimKate Shutterstock
herboristes ou encore les designers. Un visage
résolument moderne qui n’altère en rien ce
cadre historique. En plus des jolies façades
colorées, deux églises attirent notre attention. En haut.
Bien sûr, il y a San Leonardo, qui donne son nom Chiesa de San
Leonardo.
au quartier, même si elle est à moitié cachée
Ci-contre.
par les constructions qui l’entourent. C’est tout La Piazza
de même la plus ancienne des églises de la Pontida.
ville basse, et en fouillant dans les souvenirs
de son édification, on découvre qu’elle s’élève
sur un site que les Romains utilisaient déjà
pour leurs temples. Un peu plus haut, sur la Via
Sant’Alessandro, une colonne marque le lieu
où saint Alexandre, patron de Bergame, aurait
été décapité. À l’endroit du martyre se dresse
une église du XVe siècle, également dédiée au
saint. ✦

DIRECTIONITALIE 97
 © MC Mediastudio Shutterstock LES BOURGS BERGAMASQUES

Borgo Palazzo Pause

Cet ancien bourg est l’un des quartiers de Bergame les plus appréciés, gourmande
pour sa proximité avec le centre et la tranquillité qu’il dégage. Pour vous y
rendre, depuis la Porta Nuova, nœud central de la ville basse, empruntez
le sentierone. Sous les portiques, cette allée chemine à travers une partie
plus monumentale de la ville, avec quelques bâtiments néo-classiques
ou d’époque fasciste. Arrivé au bout de cet axe, on descend vers la droite
pour atteindre le bourg. Traversé par un torrent, le Morla, Borgo Palazzo
a souvent connu des inondations. Pour tenter d’y remédier, on a placé sur
le pont une statue de saint Jean Népomucène, le patron des ponts, censé
Le cimetière protéger des crues. En se baladant dans le bourg, on emprunte la Via Borgo OL GIOPI E LA MARGI
monumental. Palazzo, pour filer jusqu’à la paroisse dédiée à Sant’Anna. Petit à petit, Pressez la sonnette et une jeune femme en costume traditionnel
l’ambiance devient vous ouvrira les portes de cet antre de la gastronomie locale.
plus paisible, évoquant Avec son nom qui rend hommage à deux marionnettes de la
celle d’un village. Les tradition lombarde, Giopi et Margi (un couple de paysans), ce
vrais amateurs de restaurant porte fièrement les traditions régionales, notamment
silence pousseront sur son menu, où figurent divers dictons et chansons populaires.
jusqu’au cimetière Dans l’assiette, la qualité des produits et le raffinement sont
monumental, où à leur comble : risotto à la truffe, rôti de porc au thym… Pour
se trouve la Chiesa conclure, demandez le chariot de fromages. On compose sous
di Ognisanti, ainsi vos yeux le plateau de votre choix, selon vos préférences.
que d’imposants • Via Borgo Palazzo, 27, Città Bassa. Tél. : +39 035 242 366.
monuments giopimargi.eu
© DR

funéraires. ✦

98 DIRECTIONITALIE
 City guide
BERGAME

© Hal Pand Shutterstock

Borgo Canale
Pour aller se balader à Borgo Canale, on commence par reprendre le
funiculaire. Depuis la ville haute, on grimpe encore sur la colline de San
Vigilio, où se trouve la maison natale de Gaetano Donizetti, que l’on
peut visiter. Autrement, c’est le point de départ de superbes randonnées
urbaines. Bien que l’on soit toujours en ville, le vert est partout. À travers
des ruelles en escalier plutôt escarpées, on chemine dans le bourg,
admirant d’un côté la ville haute, désormais en contrebas, et de l’autre,
les collines environnantes. Si vous êtes pris d’une envie champêtre,
vous pourrez même partir pour une brève balade en immersion dans
la nature le long du Bosco dell’Allegrezza (le « bois de l’Allégresse »),
jusqu’à l’ancien couvent d’Astino. On remonte ensuite vers la ville par
les sentiers de San Martino della Pigrizia, toujours en profitant de vues
superbes sur les bourgs et la ville alentour. ✦

Pause BARETTO DI SAN VIGILIO

douceur En réalité, il s’agirait plutôt d’un
restaurant, mais on peut simplement s’y
installer pour contempler le panorama en
arrivant du funiculaire. Le chocolat chaud,
intensément crémeux, réconforte quand
le ciel est gris. Et puis, si vous avez faim,
la table est très convenable, avec une
cave bien fournie, les incontournables
casoncelli et une ribambelle de desserts
maison bien appréciables.
Autour de 25-30 euros à la carte.
• Via al Castello, 1, Città Alta.
Tél. : +39 035 253 191.
© photos DR

barettosanvigilio.it

DIRECTIONITALIE 99
 Aux environs

Échappée
sur le lac d’Iseo
Le nord de l’Italie est semé de grands lacs qui scintillent comme autant
de précieux saphirs entre les montagnes. Iseo est l’un de ces trésors,
une immensité bleue, une mer d’altitude, avec son île plantée au milieu
des flots, et ses villages pastel qui prennent le soleil sur ses rives.

100 DIRECTIONITALIE
 City guide
BERGAME

© Andrew Mayovskyy shutterstock

DIRECTIONITALIE 101
 ÉCHAPPÉE SUR LE LAC D’ISEO
©AerialVision it shutterstock

C
hangement de décor. Dans une Lombardie
affairée et pressée, Iseo, le village, a quelque
Pisogne chose de riant, de léger. Une indolence qui
invite à observer le temps qui passe plutôt
Riva di Solto qu’à lui courir après. Au bord du lac qui lui
donne son nom et bordé par la Réserve naturelle des
Lago Marone tourbières du Sebino, ses maisons surgissent dans un
d’Iseo
monde vert et bleu. Même les couleurs des façades
BERGAMO
(rose pâle, jaune citron, orange pamplemousse) invitent
Sulzano à s’offrir un cornet de glace, à déguster en marchant
lentement sous les arcades puis sur les rives du lac. Il n’y
A4 Iseo
a pas grand-chose à faire à Iseo, alors on se contente
Provaglio d’y être, de ressentir le plaisir des choses autour de soi.
d’Iseo Et puis, gorgés de soleil et repus de gelati, on s’autorise
une promenade plus attentive, par les ruelles du village,
dda jusqu’à l’église romane de Sant’Andrea, perchée sur

Dans une Lombardie affairée et pressée, Iseo, le village, a quelque chose de riant, de léger. Une indolence qui invite à observer le
temps qui passe plutôt qu’à lui courir après.
102 DIRECTIONITALIE
 City guide
BERGAME

©AerialVision it shutterstock
© Darray shutterstock
Ci-dessus, de
ce qu’on pourrait difficilement appeler « les hauteurs » haut en bas.
L’Isola San
d’Iseo : à peine un promontoire, à quelques volées de
Paolo et l’Isola
marches des rives. Fièrement, le campanile du XIIIe siècle di Loreto.
rappelle l’ancienneté du lieu de culte, dont la construction Ci-contre.
a commencé au XIe siècle. À l’intérieur, on croise sans L’église
romane de
s’étonner un San Michele Arcangelo de Francesco Hayez,
Sant’Andrea à
peintre vénitien ayant vécu en Lombardie. Iseo.
Page de
Randonnée au Monte Isola gauche.
Au milieu du lac pousse une montagne. Elle pousse tant et Le village
Peschiera
si bien que les habitants de la région lui ont donné un nom
Maraglio, sur
à son image : le Monte Isola, « l’île-montagne ». Ce n’est l’île de Monte
pas la seule île du lac, qui compte d’autres lambeaux de Isola.
terre à sec, minuscules paillettes sur la surface immense
des eaux : l’Isola San Paolo et l’Isola di Loreto. L’île-
montagne, elle, est animée d’une énergie bien à elle, qui
semble venue des profondeurs du lac pour faire surgir cet
éperon rocheux. On dénombre une douzaine de villages
et un peu plus de mille six cents habitants sur l’île, qui
a pourtant banni les voitures de son territoire. On leur
© DR

préfère les scooters et les apette, de petits utilitaires à trois

DIRECTIONITALIE 103
 ÉCHAPPÉE SUR LE LAC D’ISEO
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roues répandus dans toute l’Italie. Avant eux, et encore

aujourd’hui, on sillonnait l’île sur des sentiers pierreux, à
travers les terrasses où poussent des oliviers.
Depuis le bateau qui relie Peschiera Maraglio à Iseo ou
Sulzano, on aperçoit déjà le chapeau qui
Pratique coiffe l’île en son sommet :
une façade d’une blancheur
Comment se rendre au lac d’Iseo immaculée, surmontée d’un
Pour arriver sur les rives du lac, depuis Bergame, on peut clocher et enfin, d’une croix.
bien sûr s’en remettre à l’autoroute A4, efficace et rapide. L’abbaye de la Madonna della
On y parvient également par une route de montagne Ceriola est le but de la plupart
plus tortueuse, mais surtout plus spectaculaire, la SS42, des marcheurs qui viennent
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après avoir longé l’étroit Lago Endine, au creux des
montagnes. À Lovero, une route provinciale prend le relais
et nous emporte pour un tour du lac d’Iseo à fleur d’eau.
Pour éviter les embouteillages, fréquents en été, on peut
partir de Brescia par un petit train régional. À travers
les grandes fenêtres, le lac se révèle peu à peu, avec ses
brumes hivernales ou son azur éclatant l’été. Le train ne
dessert pas toutes les villes, mais relie Iseo et Sulzano, chacun par le village de Cure,
d’où l’on peut s’embarquer sur les diverses lignes de
navigation vers les villages du lac.
sur l’île, en pèlerinage spirituel,
comme à la recherche d’un nid
d’aigle où admirer les alentours
à 360 degrés. Les sentiers
sont nombreux sur l’île, mais
seulement deux permettent
d’atteindre le sommet, passant
que les personnes ne souhaitant
pas faire la randonnée pourront
rejoindre en bus. Les autres
emprunteront un chemin de croix pavé et aménagé, ou
un petit sentier de terre qui traverse les pâturages et les
vignes. Enfin, on atteint le monastère, qui domine l’île
depuis le Ve siècle au moins. Baigné de soleil, au milieu de
l’azur du lac et des montagnes verdoyantes, on découvre
avec béatitude cette sensation unique de flotter entre ciel
et terre. h

104 DIRECTIONITALIE
 City guide
©Michele Rossetti shutterstock BERGAME

Le pétillant terroir de la Franciacorta

Depuis Iseo, on est facilement tenté de partir en excursion dans
l’oasis naturelle de la Torbiere del Sebino, une zone humide où les
sentiers alternent avec les ponts en bois, de quoi cheminer avec
lenteur et bonheur. Les oiseaux ont élu le lieu pour y nicher ou y faire
halte, et les moines bénédictins venus de France pour y implanter
leur communauté. Sans le vouloir, ils ont ainsi donné son nom à ce
©Michele Rossetti shutterstock

morceau de terres, la Franciacorta, qui s’étend entre Iseo et Brescia. La

mémoire a perdu la trace du moment où les hommes ont commencé
à cultiver la vigne sur ces terres de collines, mais les recherches
archéologiques parlent de peuples antiques. Toujours est-il qu’en 1961,
après des années de traditions viticoles, furent mis en bouteille plus
de 3 000 litres d’un genre nouveau. Un vin pétillant, à base de pinot
blanc, réalisé selon le Metodo Classico, une technique connue des
Français sous le nom de méthode champenoise. Pour en savoir plus
sur la fabrication de ce vin très populaire en Italie, on peut prendre
part à l’une des dégustations organisées par la cave Bersi Serlini. Situé
aux confins de la réserve naturelle, ce producteur propose la visite des
cantine (« caves » en italien), des dégustations ou des pique-niques au
©Jacopo ventura shutterstock

cœur des vignes. ✦

Visite-dégustations à partir de 14 euros.
Via Cereto, 7, à Provaglio d’Iseo. bersiserlini.it

DIRECTIONITALIE 105
 © Arkanto shutterstock

Crespi d’Adda
Aux environs

Village ouvrier
et utopie industrielle
Des pierres médiévales de Bergame aux briques ouvrières de Crespi d’Adda, il n’y a qu’une trentaine de kilomètres.
Un bref voyage qui nous transporte vers un tout autre pan d’histoire, celui d’une utopie industrielle
réalisée à la charnière des XIXe et XXe siècles.
Pisogne

A
Riva di Solto
ux origines, il y a la famille Crespi, et plus
Lago Marone
particulièrement le père, Cristoforo. Cet
d’Iseo
industriel milanais, né en 1833, rêve de faire
BERGAMO
surgir de terre un véritable village industriel.
Sulzano
Dans un monde encore rural, il imagine un changement
A4
radical.Iseo
Pour réaliser ses ambitions, il a besoin d’un lieu. Il
le trouvera aux confins des territoires de Bergame et Milan,
leProvaglio
long du fleuve Adda. En 1877, il obtient la concession
d’Iseo
pour utiliser la force motrice d’un confluent du fleuve,
Crespi d’Adda afin d’alimenter en énergie sa future usine de coton. Avec
l’architecte moderniste Ernesto Pirovano, il invente un

106 DIRECTIONITALIE
 City guide
BERGAME
© Arkanto shutterstock

© Joaquin Ossorio Castillo shutterstock

La recherche esthétique est partout : dans les céramiques colorées
qui ornent les murs de l’usine, dans l’équilibre des espaces, dans la
richesse des décorations de l’église ou du mausolée.
modèle de village industriel, s’inspirant des expériences
françaises et anglaises. D’un côté, les maisons des ouvriers,
conçues pour deux familles et dotées d’un jardin potager.
De l’autre, l’usine et la demeure patronale. Au fond du
village, le cimetière, avec l’imposant mausolée de la famille
Crespi, entouré des tombes beaucoup plus modestes
des ouvriers. Sur un promontoire, quelques maisons
cossues, pour les notables. Le projet continue de frapper
l’imagination du visiteur d’aujourd’hui. Car la praticité et le

© Arkanto shutterstock
rationalisme ne sont pas les seules valeurs à avoir guidé
la construction du village. La recherche esthétique est
partout : dans les céramiques colorées qui ornent les murs
de l’usine, dans l’équilibre des espaces, dans la richesse ouvrières. Plus personne ne travaille à l’usine, mais quatre
des décorations de l’église ou du mausolée. Jusqu’à ce que cent cinquante personnes habitent encore le petit village
la crise de 1929 vienne mettre un terme à l’expérience, de Crespi. Aux fenêtres, des rideaux brodés et du linge
Crespi d’Adda fut une petite fourmilière, folle utopie qui sèche attestent du quotidien. Nous voilà sur la longue
industrielle rendue réelle par Cristoforo et son fils Silvio. En route droite qui taille le village de part en part. Presque
1995, l’UNESCO a inscrit le site sur la Liste du patrimoine aucune voiture, on y passe plutôt à vélo, pour filer vers
mondial de l’humanité en tant qu’exemple le mieux l’immense usine, pratiquement la moitié de la superficie du
conservé de village ouvrier méridional. village. Comme les ouvriers, en sortant de cette
visite à travers les anciens ateliers Bon à
savoir
Les lieux de l’utopie (uniquement accompagné
Avant d’arriver dans le village ouvrier à proprement parler, d’un guide), on se dirige vers le Emportez votre pique-nique, car il n’y a pas de
on peut laisser sa voiture sur l’autre rive de l’Adda, du dopolavoro (littéralement « après restaurant à Crespi d’Adda (à part Al Dopolavoro,
côté du village de Trezza. De cette manière, il faut d’abord le travail »). Car en bonne utopie ouvert uniquement en haute saison). On peut pique-
descendre vers le fleuve par un sentier verdoyant qui paternaliste, Crespi d’Adda niquer dans la pinède derrière la Piazzale Vittorio
côtoie la Villa Gina, une élégante bâtisse ayant appartenu offrait aux habitants toute Veneto. Vous trouverez un bar où prendre un café ou
à la famille Crespi. Puis, comme le faisaient les ouvriers une série de services. Fanfare un verre, en face de l’église (Il Villaggio Caffè). Lors de
qui habitaient hors du village (au plus fort de son activité, communale, colonies de vacances votre visite, rappelez-vous que le village est habité :
l’usine embauchait plus de cinq mille personnes), on et école pour les enfants, piscine n’entrez pas dans les jardins ou les habitations.
traverse un pont métallique étroit, avant de longer la rive chauffée, épicerie, médecin, Attention, pour les visites, des guides non officiels
où opérait la turbine. On entre dans le village en passant lavoir, lieu de réunion, église… opèrent malgré les tentatives de la mairie de réguler
devant la Casa Padronale, une introduction parfaite à la jusqu’au cimetière, qui ferme l’activité. Optez de préférence pour un guide officiel
philosophie des lieux. Dotée d’une tour, seul point élevé le village comme pour conclure (6 euros par personne, du mois de mars au mois de
du village, mis à part les cheminées de l’usine, la demeure l’expérience de vie des habitants, décembre et les week-ends).
permettait au patron de régner sur son petit univers. une existence comprise entre • Crespi Villaggio. Tél. : +39 02909 87191.
Aujourd’hui, c’est une propriété privée, et elle ne se visite deux parenthèses, entre travail et villaggiocrespi.it
pas. Quelques pas à peine nous conduisent entre les villas vie communautaire. h

DIRECTIONITALIE 107
 MILAN
Sky is the limit !
À Milan, ni le célèbre Salone del Mobile, véritable vitrine de la créativité et du design
dans le monde, ni la fashion week, qui rassemble le gotha de la mode, n’ont pu se tenir
ce printemps. La faute à la terrible pandémie que nous subissons tous. Pourtant, dès
que cette crise sera derrière nous, nous retrouverons avec plaisir la grande métropole
lombarde qui, en temps normal, fait preuve d’une folle énergie, ainsi que d’une
audace architecturale parfaitement décomplexée. Adieu, la grande ville bourgeoise
aux airs très comme il faut et un peu datés. Milan a sauté avec enthousiasme dans
le XXIe siècle. Portés sans doute par la dynamique de l’Exposition universelle de
2015, les chantiers se sont multipliés. Aujourd’hui finalisés ou en passe de l’être, ils
donnent à la ville un vrai panache, mais pas seulement… Menés par les architectes de
renommée internationale, ils dessinent aussi les contours de la ville de demain.
Textes HÉLÈNE DUPARC

108 DIRECTIONITALIE
Destination Architecture/Design
MILAN

© Marco Lebba shutterstock

DIRECTIONITALIE 109
 Rue de
© Elisa Locci shutterstock

l'Abondance.

S’
étendant dans la plaine padane, la cité
milanaise a grandi sans contraintes, de
façon naturelle, par cercles concentriques
autour de son noyau historique, et ce
jusqu’à la fin du XIXe siècle et au plan
raisonné de Cesare Beruto. Après les destructions liées
aux bombardements alliés, la ville a d’abord pansé ses
plaies et fait appel aux plus grandes signatures. C’est à
cette époque qu’apparaissent les deux premiers gratte-
ciel milanais : la tour Pirelli (due à Gio Ponti et Pier Luigi
Nervi), à côté de la gare centrale, et la tour Velasca (conçue
En haut. par l’agence d’architecture BBPR), à l’étrange couronne en
La tour surplomb rappelant la Torre del Filarete du château Sforza.
Velasca
Après des décennies sans initiative urbaine significative,
conçue par
l’agence la reconversion de friches industrielles, notamment celles
d’architecture laissées par les usines Alfa Romeo et Pirelli, a impulsé une
BBPR.
énergie porteuse d’avenir. Depuis le début du millénaire,
Au centre.
La tour Pirelli, les immeubles les plus avant-gardistes surgissent du sol
due à Gio et repoussent toujours plus loin les limites de la skyline.
Ponti et Pier Entre fondations d’art contemporain, rooftops et quartiers
Luigi Nervi,
à côté de la d’affaires, Milan n’en fait qu’à sa tête et nous bluffe
gare centrale. assurément ! h

Après les destructions liées aux bombardements alliés, la ville a d’abord

pansé ses plaies et fait appel aux plus grandes signatures.
C’est à cette époque qu’apparaissent les deux premiers gratte-ciel milanais :
© pio3 shutterstock

la tour Pirelli et la tour Velasca .

110 DIRECTIONITALIE
©Paolo Bona shutterstock

HangarBicocca cœur de l’œuvre, dans son intimité et sa mise volumes et les matériaux sobres de cette

De nouveaux écrins bruts en perspective ; de quoi offrir à l’artiste une architecture fonctionnaliste. Le minimalisme

pour l’art contemporain liberté vertigineuse, et au visiteur, une lecture

multiple, décousue ou continue. L’art n’est plus
est de mise, ce qui n’empêche pas quelques
invasions typiques de notre époque. La fresque
Le HangarBicocca de Pirelli, où tout au long du XXe siècle furent ici guidé, il est un territoire à explorer. Alors que qui court sur les parois du Cubo est un clin
produites des pièces de mécanique pour les locomotives et les le bâtiment Navate est réservé aux stars de l’art d’œil à la nouvelle façon de réinvestir les lieux
tracteurs, a été le premier à opérer cette mue post-industrielle, contemporain, le Cubo, à la superficie moins désaffectés et les terrains vagues ! À noter :
dans un quartier périphérique situé tout au nord de la ville. impressionnante, est une caisse de résonance contrairement à d’autres fondations du même
pour les artistes émergents, tandis que le Shed type, l’accès au HangarBicocca est entièrement
Les trois bâtisses – le Shed, le plus ancien à la rassemble les services du centre d’art : boutique, gratuit ! ✦
silhouette basse et aux toits à double pente médiation, cafétéria… Via Chiese, 2. Tél. : +39 02 6611 1573.
caractéristique des usines de la fin du XIXe siècle, La réhabilitation s’est appliquée à garder les pirellihangarbicocca.org
le Cubo, vaste et cubique, et le monumental
Navate, ajouté dans les années 1960 –
cumulent 15 000 m2 de surface. Depuis 2004,
elles accueillent des expositions et d’autres
manifestations culturelles. The Seven Heavenly
Palaces, œuvre gigantesque d’Anselm Kiefer,
est présentée dans une partie de Navate.
Les dimensions exceptionnelles de cette nef
(9 500 m2 de surface sur 30 mères de hauteur)
en font l’un des plus grands espaces de ce type
sur notre continent. Elles permettent à chaque
artiste sollicité non pas de remplir l’espace avec
des pièces, comme dans une rétrospective,
mais de concevoir une installation spécifique
© Claudio Divizia shutterstock

pour le lieu. De quoi faire de chaque visite un

événement unique, immersif, sensoriel, qui ne
sera pas dupliqué ailleurs, une déambulation au

DIRECTIONITALIE 111
 © FMilano Photography shutterstock

Fondazione Prada
Agora de l’art
À l’opposé géographique du HangarBicocca, ce nouveau phare
culturel est devenu l’un des pôles d’attraction de la métropole.
Désormais emblématique, comme la Fondation Louis Vuitton à
Paris ou la Fondation Pinault à Venise, la Fondation Prada prouve
à son tour qu’en matière d’art contemporain, la valeur n’attend
pas le nombre des années ! Si la collection permanente et les
expositions temporaires comptent dans l’attractivité du site,
deux prérequis apportent beaucoup à l’affaire : la réputation de
la marque d’une part, et le renom de l’architecte en charge d’un
projet dont la dimension constitue un autre argument.

D
© FMilano Photography shutterstock

ans un quartier excentré de Milan,

à l’arrière des voies ferrées, Prada
disposait d’une emprise exceptionnelle
de 19 000 m2. Un atout de taille, malgré
l’éloignement. C’est l’architecte néerlandais
Rem Koolhas (agence OMA), lauréat du prix
Pritzker 2000, qui s’est chargé de réhabiliter
cette ancienne distillerie de gin et d’en faire
cette nouvelle agora de l’art. Plutôt que de faire
table rase du passé, l’agence OMA a choisi de
conserver quatre structures et d’ajouter trois
nouveaux édifices, créant un dialogue entre ces
différentes générations, et retenant l’une des
qualités des villes italiennes, la stratification
temporelle. Comme le veut la règle des sites
de production étalés à l’horizontale, l’espace
frappe d’abord par ses vastes circulations et sa
faible élévation. Dans cette zone dégagée, le
ciel respire et prend ses aises. Son immensité

112 DIRECTIONITALIE
 Destination Architecture/Design
MILAN

est à peine challengée par deux bâtiments en

© Delbo Andrea shutterstock

hauteur : l’un, la Haunted House, dorée à la
feuille d’or ; l’autre, la Torre, d’une blancheur
éclatante. Cette dernière, stèle de béton blanc,
s’élève d’un seul mouvement à 60 mètres de
hauteur et superpose neuf niveaux desservis un voyage où l’on avance dans des labyrinthes,
par un ascenseur extérieur vitré et veiné de tantôt sombres et vides, tantôt clairs et habités,
marbre rose. Côté ville, les immenses verrières, où les expériences sensorielles se télescopent,
en plongeon sur la cité, donnent l’impression où l’esprit s’interroge… « Atlas », l’exposition

© posztos shutterstock
que celle-ci fait partie intégrante de l’exposition. permanente de la Fondation, est le fruit d’un
C’est un peu comme aller à l’aquarium et échange entre Miuccia Prada et le critique d’art
observer la vie urbaine derrière les vitres. italien Germano Celant : on y trouve des pièces
Bien sûr, les œuvres exposées dans les de stars de l’art contemporain, tels Jeff Koons ou
différents halls (dans la Torre comme dans les Damien Hirst. La Haunted House confronte deux
autres immeubles) profitent de cette mise en artistes : le sculpteur américain Robert Gober
perspective : elles ne sont plus uniquement et l’artiste franco-américaine Louise Bourgeois

© FMilano Photography shutterstock

unidirectionnelles, mais tridimensionnelles. Elles (1911-2010).
s’appréhendent de face, mais aussi de biais, se Avant de repartir, faites une pause au bar Luce,
longent d’un bout à l’autre, se dépassent, font scénarisé par Wes Anderson. Vous y boirez le
lever la tête, s’apprécient de près comme de plus Coca le plus hollywoodien du moment. Autre
loin, misent sur la solitude ou la fréquentation étape cocktail recommandée, la Torre, dans la Entrée : 15 euros.
d’autres créations, sont fixes ou mobiles, tour homonyme, pour sa vue spectaculaire et sa • Largo Isarco, 2. Tél. : +39 02 5666 2612.
silencieuses ou sonores. La Fondation Prada est terrasse vertigineuse ! ✦ fondazioneprada.org

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© Arcansel shutterstock

Fondazione Feltrinelli
Une cathédrale de lumière
Beaucoup moins connue que la Fondation Prada, la Fondation Feltrinelli n’a, il
est vrai, pas la même vocation. La maison d’édition italienne ne s’est pas lancée
sur le marché de l’art contemporain, mais s’intéresse et collecte des ouvrages
d’histoire contemporaine, ce qui est moins à la mode. Inaugurée en 2016,
dans un quartier proche de la gare centrale, elle a également fait appel à des
« starchitectes », le duo suisse formé par Jacques Herzog et Pierre de Meuron,
détenteurs du prix Pritzker, édition 2001. Plutôt que de s’élever au-dessus de
la ville, Herzog et de Meuron ont choisi une ligne assez basse, évocatrice des
barres d’immeubles, sans pour autant affricher cette raideur impersonnelle. Le
choix du faîtage à double pente et à forte inclinaison n’est pas sans rappeler la
silhouette de la maison traditionnelle – ici, les longues fermes typiques de la
plaine du Pô. Les portiques en béton apparents soulignent la géométrie, tandis
que l’alternance de matière et de transparence rythme les parois extérieures. On
peut pousser les portes du rez-de-chaussée pour faire un saut au café-librairie.
Surtout, on grimpera jusqu’au dernier étage pour pénétrer dans la bibliothèque :
elle forme comme une cathédrale de lumière. Dans le même immeuble,
l’entreprise Microsoft a installé ses bureaux et son showroom. ✦
• Viale Pasubio, 5. Tél. : +39 02 495 8341. fondazionefeltrinelli.it

DIRECTIONITALIE 113
 © FMilano Photography Shutterstock

La Zona Tortosa
En pleine
effervescence
Nouvel épicentre de la Milan « fashion & design », la Zona Tortosa est en pleine effervescence ! Les entrepôts et les
ateliers ont été colonisés par les grandes maisons de couture, mais aussi par de jeunes stylistes, créant dans leur sillage
ce parfait mix de centre de congrès, d’incubateur de talents, de workshops, showrooms, bureaux et autres lieux de
détente afterwork ! Dans cet entrelacs redessiné à la façon du XXIe siècle, deux musées tiennent le haut du pavé.
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© Paolo Bona Shutterstock

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114 DIRECTIONITALIE
 Mudec
Dans la matière même
de la lumière
Le Musée des cultures de Milan a ouvert ses portes en 2015,
à proximité du quartier des Navigli, dans l’ancienne zone
industrielle et ouvrière de Tortona, haut lieu de la production
métallurgique italienne jusque dans les années 1960.
Les aciéries Ansaldo, comme les usines voisines, se sont
tues depuis bien longtemps, remplacées progressivement
par les grandes marques de la mode et du design.
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P
ourtant, la mémoire de cette époque n’a
pas totalement déserté le site. Si le musée
a été construit ex nihilo, au cœur d’un
îlot dégagé, il se mêle de façon assez discrète
dans le tissu urbain, face à un immeuble de
bureaux préservé. Là, s’est instaurée comme
une conversation entre l’enfilade de fenêtres
standards sur fond de mur mordoré d’un côté,
et le bardage métallique, mat, aveugle et
aux tonalités cuivrées de l’autre. L’architecte
britannique David Chipperfield a utilisé à sa
façon les matériaux essentiels des hangars,
bien que pour le Mudec, le zinc soit anobli
par l’addition de titane en faible proportion.
Cet ajout, hormis ses qualités de résistance
supérieure, permet des colorations subtiles. Au
rez-de-chaussée, des baies vitrées interrompues
inondent l’intérieur d'une lumière rasante.
Si, malgré des proportions impressionnantes
(17 000 m2), l’ensemble reste sotto voce de
l’extérieur, ces parallélépipèdes imbriqués et
caparaçonnés cachent en leur sein un diamant
d’une pureté et d’une douceur troublantes.
Sur la Plaza Centrale s’élève une étrange
forme ondulante aux parois de verre poli.
Passant d’un blanc glacier le jour à une pâleur
iridescente la nuit, cette vague verticale rompt
avec l’angularité du bâti. Mais, c’est encore à
l’intérieur que le choc esthétique est le plus
vibrant. Situé au-dessus du grand lobby d’entrée
(ici, levez les yeux pour admirer le plafond à
caissons qui n’est pas sans rappeler celui du
dôme du Panthéon à Rome), l’atrium donne
l’impression d’entrer dans la matière même de la
lumière, dans une sorte d’ouate diffuse qui vous
enveloppe. L’expérience est presque cosmique !
C’est sur cette nouvelle scène que sont exposées
les collections ethnographiques du musée,
à travers une sélection de deux cents objets
très éclectiques, répartis en sept sections.
Voyage dans le temps et l’espace, ils racontent
leurs origines, mais aussi leurs itinéraires
Armani/Silos
Sobriété et brio
Giorgio Armani a lui aussi choisi de
réimplanter son siège dans la Zona Tortona. Il
a racheté le site Nestlé et a confié son Armani/
Teatro au « starchitecte » japonais Tadao
Ando. La rénovation du bâtiment de la Via
Bergognone s’est faite dans le respect de ses
valeurs, où l’on reconnaît sans peine la trace
moderniste de Le Corbusier. En 2015, pour ses
quarante ans de carrière, le couturier a ouvert
un nouvel espace, toujours Via Bergognone,
mais au numéro 40 : un lieu d’exposition où
quelques pièces fortes de sa fabuleuse garde-
robe sont merveilleusement scénarisées
autour de trois thèmes : « Androgyne »,
« Ethnies » et « Stars ». L’Armani/Silos accueille
également des expositions temporaires
dédiées à la création.
Suivi de près par Giorgio Armani, le projet
architectural concerne la réhabilitation d’un
ancien silo à grains. Une sacrée gageure
relevée avec sobriété et brio, dans la veine
du styliste ! La structure caractéristique
© anders photo Shutterstock
jusqu’à Milan. Des expositions temporaires,
témoignages photographiques ou artistiques,
complètent l’offre muséale. De Frida Kahlo à
Banksy en passant par Elliott Erwitt, ces grandes
rétrospectives monographiques sont des « must
see ». Le prochain rendez-vous, normalement
prévu du mois de septembre 2020 au mois de
février 2021, sera dédié à Disney. ✦
Via Tortona, 56. Tél. : +39 02 54 917.
mudec.it
© Delbo Andrea Shutterstock
en accordéon est maintenue, ainsi que le
bandeau vitré qui court en haut. De loin, le
résultat est à la fois monumental, presque
monochrome, sobre et puissant, et se détache
contre le vert des arbres. À l’intérieur, l’espace
s’organise autour d’une cour ouverte d’une
triple hauteur, un vide théâtralisé. Avec
seulement trois matériaux (le ciment, l’acier
et le verre), l’économie de moyens renforce
l’impact visuel, tandis qu’un escalier grandiose
relie les différents niveaux. En plus des
espaces d’exposition, Armani/Silos dispose
d’une boutique, d’une cafétéria et d’archives
numériques. ✦
Entrée : 12 euros.
Via Bergognone, 40.
Tél. : +39 02 9163 0010.
armanisilos.com
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Porta Nuova
Le boom immobilier
à la chlorophylle
Lancée dès les années 1990, la requalification de cette ancienne zone industrielle, à cheval sur les quartiers d’Isola, de Varesine
et de Garibaldi, a mis du temps à prendre son essor. Mais, malgré les atermoiements du début et la crise de 2008, les terrains
vagues et les friches délaissés ont bel et bien fait peau neuve et forment même aujourd’hui le quartier d’affaires le plus
prospère d’Europe ! Cette prodigieuse métamorphose, souvent récompensée et citée en exemple, est devenue un modèle de
développement urbain pour les métropoles de demain, une sorte de laboratoire des nouvelles idées en matière de ville durable.
Ici ont été appliqués les principes de la densification équilibrée par des aménagements paysagers et les normes de
haute qualité environnementale. Résultat, la ville a pris de la hauteur, sans perdre de son humanité. Le nœud intermodal
fonctionne. Axes routiers et ferroviaires, métros, tramways et trains à grande vitesse s’entrecroisent sans nuire au
cheminement des riverains. Des pistes cyclables et des promenades piétonnes traversent les espaces arborés à la surface.
À côté de la forêt de buildings et de gratte-ciel, des coulées vertes, ponctuées d’esplanades, de passerelles, de prairies
ou de fontaines, offrent une respiration à la ville, une pause dans la cadence survoltée du quotidien des citadins.
116 DIRECTIONITALIE

Palazzo Lombardia
Élégance naturelle
C’est le grand architecte Ieoh Ming Pei, à qui
l’on doit la pyramide du Louvre, qui a ouvert
le bal de ce réaménagement ambitieux avec
le Palazzo Lombardia inauguré en 2011, élu
« Plus beau gratte-ciel européen » en 2012 (Best
Tall Building Europe 2012 Award). Le projet,
proposé en 2004, a remporté le concours
organisé pour la construction du nouveau siège
de la région, devant des concurrents sérieux
comme Franck Gehri et Norman Forster. Ieoh
Ming Pei, lauréat du prix Pritzker 1983, signe ici
un complexe de plusieurs modules aux lignes
sinusoïdales et à l’élégance naturelle, inspirée
du paysage lombard, de ses fleuves, vallées
© Thuang Zheng Shutterstock
© michelangeloop Shutterstock
Destination Architecture/Design
MILAN
© Ardenvis Shutterstock
et sommets. De haut, la planimétrie curviligne
se déploie autour de deux places en forme de
feuille de hêtre. La ressemblance est d’autant
plus frappante sur l’une d’elles qu’un réseau
métallique semble tisser comme des nervures
et tendre des coussins d’air transparents.
Au-dessus des immeubles de neuf étages, une
haute tour siamoise croisant deux sections
d’arc s’élance vers le ciel. La plus haute partie
atteint 161 mètres de haut et compte dans ses
étages élevés le Valerio, un espace dédié aux
événements publics, tandis que son double
culmine à 142 mètres. Parfois, sur réservation, le
belvédère situé au dernier étage est ouvert à la
visite. De là-haut, la vue est spectaculaire ! ✦
Piazza Città di Lombardia, 1
© pcruciattis Shutterstock
DIRECTIONITALIE 117
 © Alexandre Rotenberg shutterstock

Piazza Gae Aulenti et Torre Unicredit

Enveloppe désincarnée
Au centre de ce nouveau pôle urbain, la Piazza
Gae Aulenti est une place piétonne inaugurée
en 2012, en hommage à la grande architecte
italienne décédée cette année-là. Très futuriste,
semblant appartenir à un décor de science-
fiction, cette esplanade plane au-dessus du
niveau de la chaussée, de la gare Garibaldi et des
parkings souterrains. Les bassins et les cascades
reflètent le ciel et les façades, tout en créant une
enveloppe sonore désincarnée de la ville.
C’est là que se dresse la tour Unicredit, de
l’Argentin César Pelli. Premier projet à sortir
de terre, elle affiche sa haute voile de verre,
entièrement vitrée au nord, striée de pare-soleil
au sud, à 231 mètres de hauteur. Tout en courbe,
la construction s’achève par une flèche d’acier
éclairée la nuit, véritable signature de la skyline
milanaise. Elle fut un temps le plus haut gratte-
ciel de Milan et d’Italie, avant d’être rattrapé par
© UMB-O shutterstock

sa concurrente, la tour Allianz, de 249 mètres de

haut ! ✦
Piazza Gae Aulenti

118 DIRECTIONITALIE

Il Bosco Verticale
Espace vert en cascade
Totalement révolutionnaires, les deux tours
résidentielles du Bosco Verticale ont poussé
au-dessus du Parco Biblioteca degli Alberi
(« Bibliothèque des Arbres »), crevant la
canopée milanaise de leurs élancements
verts. Imaginées par Stefano Boeri en 2014,
elles forment à elles seules un formidable
écosystème. Un peu comme le mur végétal
inventé par le paysagiste français Patrick Blanc,
l’idée est d’utiliser les parois verticales pour
© Thai Breeze Shutterstock
multiplier les plantations et créer un espace vert
en cascade, mais à une échelle démultipliée.
Après avoir planché sur la question avec des
équipes d’experts en tous genres (botanistes,
éthologues, paysagistes…), l’agence a pu
réaliser cet habitat new age version eco-
friendly. Les balcons et terrasses qui rythment
la façade à intervalles plus ou moins espacés
permettent à la végétation de s’épanouir. Au
total, huit cents arbres, quinze mille plantes
vivaces et cinq mille arbustes sont accrochés
au-dessus du vide, soit l’équivalent d’un bois de
30 000 m2 ! Recouvertes de céramiques marron,
les tours, hautes de 110 et 76 mètres, évoquent
des arbres gigantesques, mais convoquent
aussi, dans nos imaginaires, la cabane perchée,
ce refuge caché au-dessus du monde. Et,
derrière leur épaisse fourrure végétale, les
appartements ont un peu des allures de grotte !
Au fil des saisons, les ramures se teintent de vert
tendre ou d’ocre doré, les fleurs éclaboussent
les parois de tâches claires. Un tel prodige n’est
© alecamera90 Shutterstock
possible que grâce à une maîtrise parfaite des
technologies les plus avancées, mais aussi à une
supervision régulière sur le terrain. Une tâche
ardue que relèvent des jardiniers-alpinistes
virtuoses, The Flying Gardeners. Avec ce projet,
Stefano Boeri pousse plus loin le concept de ville
durable, réconciliant deux antagonismes : la ville
respirable et la ville dense. Car, en plus d’être
un totem biomimétique, un souffle de poésie
dans une cité peuplée de coccinelles et de
centaines d’oiseaux, il Bosco Verticale répond,
à l’heure du réchauffement climatique, à la
nécessité d’éviter l’étalement pavillonnaire tout
en luttant efficacement contre les nuisances de
la bétonisation. Contrairement aux grands murs
de pierre ou de verre qui réverbèrent le soleil et
accumulent la chaleur, le rideau végétal crée un
microclimat tempéré. Acclamé par la profession
Destination Architecture/Design
MILAN
© Thai Breeze Shutterstock
et auréolé du titre du plus bel et innovant
immeuble au monde en 2015, décerné par le
Council on Tall Buildings and Urban Habitat
(Chicago), Il Bosco Verticale est aujourd’hui prêt
à se multiplier, avec des projets en cours à Paris,
Eindhoven, Lausanne et jusqu’en Chine. ✦
Via Gaetano de Castilla
Une forêt de buildings
On peut encore se promener le nez en l’air dans le quartier
pour profiter des pelouses du Parco Biblioteca degli Alberi, au
milieu duquel deux édifices flambant neufs se font face : le cube
en verre du promoteur immobilier Coima et la matrice ovoïde
d’un auditorium. Plus loin, sur la Viale della Liberazione, The
Corner est le dinosaure local ! L’ancien siège de la compagnie
d’assurance Generali, datant des années 1970, n’est pas resté
en retrait de cette nouvelle vague talentueuse. Il s’est offert
un lifting de taille, avec une façade quadrillée de baies aux
encadrements noirs, et une autre, d’un blanc mat, striée par
les lignes des fenêtres en bandeau. En face, la Torre Diamante
et ses sœurs, les tours Aria et Solea, superposent les étages
et les balustrades blanches des balcons. À côté, Via Mike
Buongiorno, voici la Torre Diamante, siège de Paribas, aux
facettes taillées comme celles d’une pierre précieuse.
DIRECTIONITALIE 119
 © Nicoletta Lelasi shutterstock
© Vasileios Politeiadis shutterstock

© Mate Karoly shutterstock

© Mate Karoly shutterstock

Tre Torri et CityLife Park
Des pelouses
aux cimes célestes
Situé au nord-ouest de la capitale lombarde, ce quartier a émergé à l’emplacement de l’ancien parc des expositions, relocalisé
au nouveau centre FieraMilano. Ce projet de requalification urbaine a été l’un des plus importants menés en Europe. Tout
comme La Défense des décennies plus tôt, il a totalement séparé les réseaux de circulation automobile et ceux de mobilité
douce, offrant ainsi aux Milanais un quartier d’affaires flambant neuf et des zones récréatives où respirer à plein poumon !

A
u cœur de la capitale lombarde, le
CityLife Park a vu le jour au XXIe siècle.
Ce vaste aménagement paysager
remplace une ancienne zone occupée par
les pavillons de la Fiera. Grandes pelouses
dégagées, bosquets d’arbres, aires de jeux,
larges allées piétonnes et pistes cyclables
offrent aux citadins un bol d’air frais, loin de
la circulation automobile. Cette respiration
horizontale et verdoyante contrebalance
la saisissante élévation de la skyline. C’est
en effet ici, au nord-ouest du château
des Sforza et du centre historique, que le
boom immobilier milanais a atteint des
proportions quasi cosmiques ! Baptisée Tre
Torri, l’esplanade a des allures qu’on était plus
habitué à voir dans les cités de la péninsule
arabique, ces démonstrations de génie
humain et d’esthétique futuriste conquises
sur l’hostile désert. Mais piquées au vif, les
grandes métropoles européennes se sont à
leur tour lancées dans cette course effrénée
aux sommets, et Tre Torri en est un manifeste
brillantissime.
Commandée par le géant de l’assurance
Generali, la tour vrillée de Zaha Hadid,
surnommée « Lo Storto », se dresse sur
quarante étages et 170 mètres de hauteur.
Son mouvement allie ligne pure, force et
dynamique. La tour Isozaki, réalisée pour
le concurrent Allianz, a reçu le sobriquet
d’« Il Dritto », tant le gratte-ciel s’élève tel
un monobloc, une stèle immense qui surgit
au-dessus des toits, à 209 mètres de hauteur.
Cette silhouette colossale, rythmée par huit
sections horizontales, fait écho par cette
succession de volumes légèrement renflée à
la Colonne sans fin de Brancusi. La troisième
tour, signée de l’architecte américain Daniel
Libeskind, est en cours d’achèvement. Inspirée
du dôme de la Renaissance, elle présente une
forme concave avec un faîte arqué, d’où son
surnom d’« Il Curvo ». À nos yeux, elle évoque
plutôt une immense voile de bateau gonflée
par le vent.
Un nouveau projet vient de s’ajouter à ces trois
brillants manifestes de l’architecture actuelle.
Plutôt que de suivre la typologie de la tour,
l’architecte danois Bjarke Ingels a imaginé
une sorte d’immense porte d’entrée, baptisé Il
Portico. Prévu pour 2023, ce nouveau module
s’articulera autour d’un long toit courbe projeté
entre deux immeubles jumeaux. Il fera la
liaison entre l’intérieur et l’extérieur, créant des
aires abritées en plein air, se voulant comme
un espace tant de circulation que de détente. ✦
Métro Tre Torri

120 DIRECTIONITALIE
Destination Architecture/Design
MILAN

© Mate Karoly shutterstock

DIRECTIONITALIE 121
 Université Bocconi, Politecnico di Milano
Des campus rajeunis !
À l’image de la capitale lombarde, ses établissements universitaires (l’Université Bocconi, l’École polytechnique…)
font eux aussi peau neuve, avec l’émergence de projets ambitieux, véritables champs d’expérimentation architecturale.
© Università Luigi Bocconi, photo courtesy of Federico Brunetti

© Mike Dotta shutterstock

Università Commerciale Luigi Bocconi
Place aux femmes
Les campus universitaires sont parfois d’audacieux
champs d’expérimentation architecturale. C’est
le cas de l’Université Bocconi qui, depuis 1927, ne
cesse d’étendre son emprise en faisant appel à des
agences de stature internationale pour chaque
nouveau chantier. En 2002, après concours,
l’extension voulue pour fêter le centenaire de
l’université et destinée aux enseignants a ainsi été
confiée à Grafton Architects. Constitué d’Yvonne
Farrell et de Shelley McNamara, ce duo irlandais
vient de recevoir le prix Pritzker 2020, ce qui
constitue une révolution dans ce monde trusté par
les hommes. Depuis Zaha Hadid en 2004, Farrell
et McNamara sont les seules à avoir remporté
cette distinction. Inaugurée en 2010, leur création
milanaise joue sur les contrastes et reprend ce
style rigoureux, austère et lumineux qui est le leur,
cette capacité à parfaitement combiner la surface
et l’espace, à souligner la géométrie des lignes
horizontales ou verticales, à alterner parois aveugles
et transparence des verrières. Une œuvre puissante,
à la fois façade de la prestigieuse institution et
passerelle entre la ville et la vie universitaire.
Sur le site voisin où se trouvait la laiterie Centrale
delle Latte, le studio japonais Sanaa, pilotée par
la grande Kazuyo Sejima (la première femme à
avoir occupé le poste de directeur de la Biennale
d’architecture de Venise), est en train de finaliser
un autre projet d’envergure : quatre cylindres
de verre protégés par une résine métallique qui
forme comme une tenture. Ils abriteront une
résidence estudiantine, une piscine olympique
le siège de l’école de management. Le reste du
terrain sera aménagé en espace vert. ✦
Via Roberto Sarfatti, 25

nettoyage de la Città Studi (l’école
d’architecture) a été donnée par
l’éternel jeune homme Renzo Piano,
ancien élève surdoué de l’institution,
qui vient de fêter ses 82 printemps !
À charge pour l’agence ODB Ottavio
di BlasI de l’appliquer.
Signés Gio Ponti, les deux principaux
bâtiments, la Nave et le
Trifoglio (où se trouve
la plus belle Aula
© DR
au jardin de la piscine Ponzio. Sur l’aire dégagée
après démolition d’édifices des années 1970, trois
nouveaux modules, un tout en verre de cinq étages,
deux bas pour les salles de classe et un laboratoire
de modélisation architecturale avec toit-terrasse,
ajouteront des espaces d’étude supplémentaires.
Enfin, une forêt plantée offrira un peu de sérénité à
ce lieu d’étude.
Autre site de Polimi, Bovisa est en pleine mutation
et se projette comme un campus d’innovation,
avec énormément de verdure, des terrains de

Magna du monde), sport et des espaces pour les startups étudiantes

seront restaurés. Des
Politecnico di Milano cheminements et des
Même souffle de jeunesse dans l’honorable espaces ouverts relieront
École polytechnique de Milan (Polimi), qui fête le campus au parc de la
cette année ses 150 ans. L’idée de l’opération de Piazza Leonardo da Vinci et
et commerciales. Un périmètre sera récupéré sur
l’ancienne zone industrielle Ceretti Tanfani, en friches
depuis 1989 : il permettra d’élever des résidences
universitaires sur 15 000 m2. ✦
Piazza Leonardo da Vinci, 32

122 DIRECTIONITALIE
 Destination Architecture/Design
MILAN
Nos bonnes
LE CARNET adresses
design

Hôtels
branchés
© photos DR

ROOM MATE GIULIA

Cet hôtel, à l’adresse très centrale, est lové dans un immeuble classique de la fin du XIXe siècle. Sous ses dehors cossus et bourgeois, il cache un intérieur
boosté par le design optimiste et coloré de l’architecte d’intérieur Patricia Urquiola, Espagnole d’origine et Milanaise d’adoption. Touches pop ici et là,
tonalités générales pastel, pièces de mobilier des plus grandes maisons italiennes, donnent un sentiment de confort et d’harmonie…
• Via Silvio Pellico, 4. Tél. : +39 02 8088 8900. room-matehotels.com
Librairies
MAGNA PARS SUITES HOTEL
Labellisé Small Luxury Hotel, cet hôtel cinq
étoiles a ouvert ses portes en 2013 dans le
nouveau quartier branché de Tortona, sur le
site d’une ancienne parfumerie. Il a gardé la
mémoire de ses origines, fier qu’il est d’être
le premier hôtel à parfums au monde ! À
l’intérieur, l’atelier LabSolue propose aux hôtes

© s74 shutterstock
une expérience olfactive inédite et un voyage
à travers trente-neuf essences… Organisées
autour d’un patio central, les cinquante-cinq 10 CORSO COMO
suites, imaginées par le designer Luciano À l’étage de ce formidable concept store,
Colombo, s’inspirent de fragrances (gardénia, un espace librairie présente une sélection
jasmin, vétiver, patchouli)… tout en jouant la d’ouvrages sur l’art, le design, la mode… Ce lieu
carte immaculée. culte, imaginé par Carla Sozzani, une éditrice de
© photos DR

• Via Forcella, 6. Tél. : +39 02 833 8371. mode, abrite également une boutique en rez-
magnapars-suitesmilano.it de-chaussée, ainsi qu’un bar et un restaurant
Showroom qui s’épanouissent entre terrasses, jardins
d’hiver et salles cosy. Bref, qu’on ait envie de lire
ou de flâner, c’est une aubaine à saisir avant de
se lancer à l’assaut de Porta Nuova !
• Corso Como, 10. Tél. : +39 02 2901 3581.
10corsocomo.com
© Aleksandra Vicius shutterstock
© Delbo Andrea shutterstock

MONDADORI MEGASTORE

APPLE PIAZZA LIBERTY

Le nouveau vaisseau amiral de la marque à la pomme est signé par la prestigieuse agence d’architecture
de Norman Foster (Foster + Partners). La boutique s’inscrit sur une place proche du Duomo et participe à la
revalorisation complète de cet espace public. D’ailleurs, l’élément clé de ce projet est un motif emprunté au
© DR

vocabulaire urbanistique classique : une fontaine. Porte d’entrée de la boutique en même temps que point focal
de la place, la nef en verre transparent est animée de jets d’eau qui rebondissent sur la surface lisse. En perpétuel Sur la Piazza Duomo, les trois étages du
mouvement, réfléchissant la lumière du jour, la fontaine crée également une ambiance sonore. Elle surplombe un Mondadori Megastore, desservis par un escalier
patio intérieur, creusé sous le niveau de la rue. Les clients se glissent sous la voûte lumineuse pour descendre dans rouge vif, couleur emblématique de l’éditeur,
la vaste salle éclairée par des verrières en sous-sol aux murs habillés de la même pierre que celle qui court sur la sont tapissés de livres et de beaux livres, dont
chaussée. À l’extérieur, des gradins s’inclinent et forment un amphithéâtre face à la base de la fontaine, qui peut se certains font référence en matière de design et
vider et se transformer en scène pour des événements. d’architecture.
• Piazza del Liberty, 1. Tél. : +39 02 3030 2400. apple.com • Piazza Duomo 1. Tél. : +39 02 454 411.
mondadoristore.it

DIRECTIONITALIE 123
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En raison de la pandémie du Covid-19, à l’heure où nous bouclons ces pages, toutes les dates de l’agenda sont données
sous réserve. Rendez-vous sur le site Internet de chaque évènement pour plus d’informations.

© shutterstock

ÉVÉNEMENT
© DR

MUSIQUE CLASSIQUE
Palio de Sienne
Du 2 juillet au 16 août à Sienne
L’Opéra de Rome Il palio di Siena est la course de chevaux la plus célèbre et la plus ritualisée au monde.

aux thermes de Caracalla
Du 6 au 27 juillet à Rome
L’opéra de Rome et l’Orchestra Giovanile
Italiana s’installent dans le décor grandiose
des thermes de Caracalla, où sont données
les représentations de grandes œuvres du
répertoire classique. À l’affiche cette année :
Claudio Baglioni, Andrea Bocelli, David
Garret…
• operaroma.it
Elle se déroule chaque année selon des règles qui remontent à 1721, en plein cœur de
la ville, sur la Piazza del Campo. Pendant les courses s’affrontent des jockeys (fantini)
issus des différents quartiers de la ville, les contrade. Le cheval vainqueur de la course
remporte l’étendard de soie peint à la main, le palio qui donne son nom à la course. Le
palio comprend deux courses en l’honneur de la Vierge Marie, sainte protectrice de la
ville : la première le 2 juillet, la seconde le 16 août. Lors du palio, Sienne et ses habitants
ne vibrent que pour cet événement : cérémonies, banquets et fêtes se succèdent
pendant plusieurs jours ! Les gradins qui entourent le Campo sont réservés au moins six
mois à l’avance.
• ilpalio.org

© DR

MUSIQUE

Umbria Jazz
Du 10 au 19 juillet à Pérouse
Pérouse traverse l’été sur un tempo jazzy, avec des fêtes et des concerts qui ont
lieu jusque tard dans la nuit au Teatro Mancinelli. De très grands noms du jazz
sont passés par là : B. B. King, James Brown, Herbie Hancock, Gloria Gaynor,
Paolo Conte… À l’affiche cette année : Veronica Swift and the Emmet Cohen
Trio, Lenny Kravitz, Wynton Marsalis and The Jazz at Lincoln Center Orchestra,
Joshua Redman, Brad Mehldau, Christian McBride and Brian Blade…
• umbriajazz.it

128 DIRECTIONITALIE
 Les immanquables de l’été

© DR
ÉVÉNEMENT

Viaggio nel Medioevo OPÉRA

Du 20 au 23 août à Finalborgo
Durant quatre jours, Finalborgo devient
la capitale de l’Europe médiévale. Le
moindre recoin de ce bourg de Ligurie
© turismo.comunefinaleligure.it
Rossini Opera Festival
Du 8 au 21 août à Pesaro
Chaque été, Pesaro célèbre son enfant du
pays, le compositeur Gioachino Rossini

est décoré de drapeaux, festons et (1792-1868). Durant deux semaines, opéras

enseignes médiévales. Des centaines et concerts ont lieu au Teatro Rossini et à
de personnages se déploient dans les la Vitrifrigo Arena. Créé en 1980, ce festival
rues : saltimbanques, acteurs, cracheurs a permis au fil des années de mieux faire
de feu, jongleurs, musiciens, danseurs, lanceurs de drapeaux, dresseur de rapaces, chevaliers, connaître les opéras de Rossini, dont les
archers, sabreurs, aubergistes ou taverniers… Au programme, des concerts de musique celtique œuvres les plus populaires demeurent Le
et médiévale, des tournois à cheval, des combats entre mercenaires, un grand marché et un très Barbier de Séville, La Cenerentola (d’après
attendu dîner médiéval à la Taverne des Chevaliers, dans le splendide cadre des cloîtres de Santa Cendrillon), La Pie voleuse, L’Italienne à Alger,
Caterina. Le Turc en Italie et Guillaume Tell.
• centrostoricofinale.com • rossinioperafestival.it

MUSIQUE

MUSIQUE
© DR

Festival Puccini La Notte della Tarenta

Du 17 au 23 août à Torre del Lago
Chaque été, la ville de Torre del Lago, où vécut le
compositeur Giacomo Puccini, accueille un important festival
lyrique. Y sont représentés les opéras chefs-d’œuvre du
maître, né à Lucques en 1858 et mort à Bruxelles en 1924. Le
festival accueille pas moins de quarante mille personnes par
an, venues écouter Madame Butterfly, La Bohème, Turandot
ou encore Tosca, dans un grand théâtre en plein air, près du
lac de Massaciuccoli, où Puccini aimait pêcher et se promener
en bateau.
• puccinifestival.it
Le 22 août à Melpignano
Le festival de la Notte della Taranta est dédié à la valorisation de la pizzica salentina, musique
traditionnelle de la région du Salento, désormais très connue en Italie. Né en 1998, le festival
a pris de l’ampleur. Il enchaîne les concerts de groupes locaux et les soirées où des groupes
de rock, de jazz ou de folk se produisent avec des interprètes de pizzica. Une partie du festival
se déroule dans les villages de la zone connue sous le nom de Grèce salentine, tandis que le
grand concert de clôture a lieu à Melpignano. Pendant cette soirée, les meilleurs musiciens du
Salento, réunis dans l’Orchestra Popolare Notte della Taranta, rencontrent de grands artistes
italiens et internationaux, tels Angélique Kidjo ou Noa.
• lanottedellataranta.it

DIRECTIONITALIE 129
 MonàItalie
moi
Johnny GAMBACORTA
« La gastronomie italienne
se vit avec tous nos sens »
Fils d’émigrés italiens venus trouver une vie meilleure en Haute-Savoie, Johnny
Gambacorta est, comme il aime le dire, « tombé dans l’Adriatique quand il était
petit » ! Depuis la création de Gusto d’Italia, épicerie en ligne dédiée aux produits
transalpins, notre homme traque les meilleurs producteurs d’Italie et partage ses
plus savoureuses découvertes avec ses clients. Forcément, parler gastronomie
avec un tel spécialiste s’avère un régal. Et un voyage avant l’heure.
Propos recueillis par VIVIEN COUZELAS

DI : Quels souvenirs d’enfance

avez-vous gardés de l’Italie ?
J.G. : J’ai énormément de souvenirs d’enfance
liés aux étés des années 1960 et 1970, qui
correspondent à la période de boom économique
du pays. Dans notre petite Fiat, il nous fallait
une journée pour parcourir les 900 kilomètres
qui séparent le mont Blanc de notre village,
dans les Abruzzes. Un parcours enchanteur et
si varié ! À l’arrivée, c’était les retrouvailles avec
des membres de la famille vivant en Italie, mais
aussi en France, en Suisse, aux États-Unis ou en
Argentine. À l’époque, en Italie, la mode était
différente. La gastronomie aussi. Elle comptait
déjà beaucoup pour moi : du côté de ma mère,
la famille tenait l’épicerie-bar du village et je me
souviens des prosciutti, salamis, mortadelles,
glaces ou bonbons. C’était notre quotidien.
En 2008, vous avez créé Gusto d’Italia,
une épicerie en ligne dédiée aux produits
italiens. Quel était votre but ?
Avec ma compagne, notre idée était de
proposer une sélection de spécialités et vins
qu’on ne trouvait pas en France, même dans
une région frontalière comme la Haute-
Savoie. Le cybercommerce n’avait pas encore
décollé, l’époque n’était pas à acheter de
l’alimentaire en ligne, et encore moins du
haut de gamme. Vendre de la gastronomie
italienne sur Internet était donc assez incongru.
La difficulté, mais aussi le challenge, c’était
de partir de rien pour tout construire et
rendre pérenne ce projet sur le long terme.
Quels types de produits mettez-
vous à l’honneur ?
Dès le premier jour, l’objectif de Gusto d’Italia a
été de proposer des spécialités authentiques, en
provenance de toute l’Italie. Il s’agissait d’aller
sur place, hors des sentiers battus, de dénicher
des mets et des vins rares, sélectionnés
auprès de petits producteurs. L’idée était de
mettre très rapidement tous ces produits à
disposition d’une clientèle de particuliers.
Ce qui impliquait de stocker ces produits à
Cranves-Sales, en Haute-Savoie. Parmi nos
quelque deux cents références, je citerais trois
gammes de produits phares : un vaste panel de
pâtes artisanales, une sélection éclectique de
produits bio et du prosecco pour tous les goûts.
Si je vous dis que la gastronomie italienne
est une cuisine faite de plats simples,
mais qui ne peut prendre sa dimension
qu’avec des produits haut de gamme,
la définition vous semble juste ?
Absolument. Il faut des produits de grande
qualité, naturels et avec du goût ! Pour le reste,
c’est l’histoire, les traditions, le terroir qui sont la
clé. Comme en France, la gastronomie italienne
est basée sur des décennies, voire des siècles
d’essais, d’erreurs, de trouvailles, d’expériences
ou de mariages. Si un plat est ainsi fait, s’il
est né dans telle région et pas une autre,
ce n’est pas juste le hasard. Mais attention :
simplicité ne veut pas dire improvisation !
La cuisine italienne s’entretient grâce à la
transmission familiale. Ce fut votre cas ?
Je partage l’idée que la gastronomie italienne
se vit pleinement avec tous nos sens. Goûts,
parfums, couleurs et textures en font une
expérience sensorielle unique. Cucinare
(« cuisiner » – NDLR), c’est un partage
spontané, basé sur la culture, la connivence,
l’amitié, l’amour… et c’est ancestral en Italie.
Là-bas, déguster un vin doit passer par
l’examen des raisins, du terroir, des conditions
météorologiques et du savoir-faire qui ont
engendré ce nectar. Se borner à reproduire in
vitro, à copier, à parler scientifiquement d’une
spécialité sans capter cet essentiel est vain.
Vous allez au contact direct des
producteurs locaux. Quelles sont
vos plus belles rencontres ?
Je me souviens du père très âgé d’une
productrice de barolo, insistant pour nous
emmener dans sa cave déguster quelques
crus tout en nous racontant son histoire. Je ne
compte pas non plus le nombre de fois où, à
cause d’un GPS peu fiable, nous nous sommes
retrouvés coincés dans un chemin impraticable,
une ruelle en forme d’impasse, sur une corniche
en à-pic sur la mer, ou au beau milieu d’une cour
de ferme, sous les yeux méfiants du paysan.
Quels sont les produits que vous préférez ?
J’ai un faible pour les spécialités boulangères
régionales, simples et traditionnelles. Leur
goût authentique est difficile à reproduire. Ces
ancêtres de la pizza, réalisés à partir de farines
de blé, de pois chiches ou de maïs, se marient
avec des ingrédients comme la tomate, les
épices, les herbes et aromates, les fromages, les
charcuteries et autres mets locaux. On trouve ce
type de gourmandises dans toutes les régions
italiennes : farinata en Ligurie, frittelle ou scripelle
dans les Abruzzes, focaccia dans le Latium,
gnocco fritto en Émilie-Romagne, panuozzo
en Campanie, paposcia dans le Gargano, pane
carasau en Sardaigne, muffuletta en Sicile…h

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