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Y.Moderan, Gildon, Les Maures Et L'afrique
Y.Moderan, Gildon, Les Maures Et L'afrique
Rome. Antiquité
Résumé
Yves Modéran, Gildon, les Maures et l'Afrique, p. 821-872.
La révolte du comte d'Afrique Gildon, en 397, est traditionnellement interprétée comme un épisode dans la longue série des
soulèvements berbères qui affectèrent l'Afrique romaine. Cette thèse se fonde essentiellement sur l'œuvre de Claudien, qui
présente Gildon comme un «tyran maure », sur les origines berbères du comte, et sur ses liens avec les donatistes. Un examen
critique de ces trois arguments est ici entrepris, qui démontre leur extrême fragilité. Une nouvelle interprétation est donc
recherchée, d'abord à partir d'un texte méconnu d'Orose mettant en cause les ambitions personnelles de Gildon. Cette
hypothèse est vérifiée par l'étude des rapports du comte avec les donatistes et les tribus maures, et surtout par la relecture de
plusieurs lois du Code Théodosien révélant l'immensité de la fortune qu'il avait accumulée et de probables malversa-
(v. au verso) tions dans l'exercice de ses fonctions. Gildon apparaît en conclusion comme un extraordinaire arriviste dont la
rébellion, loin de s'appuyer sur un projet politique berbère, correspondit avant tout à la recherche d'un pouvoir personnel accru.
Modéran Yves. Gildon, les Maures et l'Afrique. In: Mélanges de l'Ecole française de Rome. Antiquité, tome 101, n°2. 1989. pp.
821-872;
doi : https://doi.org/10.3406/mefr.1989.1651
https://www.persee.fr/doc/mefr_0223-5102_1989_num_101_2_1651
sieurs fois sur la rapidité de la défaite de Gildon (cf. De Bel. Gild., 16 : quem
veniens indixit hiemps, ver perculit hostem). La date précise de la victoire de
Mascezel reste cependant difficile à établir. Claudien la situe au printemps 398. Mais
une loi du Code Théodosien (IX, 39, 3) semble prouver que l'autorité impériale était
établie en Afrique dès le 13 mars 398. Beaucoup d'historiens, à la suite de O. Seeck
(article Gildo, in PW, 7, I, publié en 1910), estiment qu'il faut corriger la date de la
loi et lire 13 mai 398. Mais cette hypothèse est toujours discutée, comme le montre
une note de T. D. Barnes, An Anachronism in Claudian, dans Historia, 1978, p. 498-
99. Le débat ne porte cependant que sur une différence de moins de trois mois et
n'affecte pas directement notre propos.
5 Très nombreuses références historiographiques. Un exemple parmi d'autres;
S. Mazzarino, Stilichone, la crisi imperiale dopo Theodosio, Rome, 1942, p. 264 :
«Frère de Firmus, et bien qu'intégré à l'organisation administrative romaine, il
(Gildon) a voulu réaliser, avec un système différent de son frère, une politique
sinon semblable, du moins aux fins identiques».
6 J. Amrouche, L'éternel Jugurtha. Propositions sur le génie africain, dans
L'Arche, XII, 1946, p. 58-70; cité par Chr. Courtois, Les Vandales et l'Afrique, Paris,
1955, p. 126, qui ajoute : [article] «où l'historien aurait tort de ne voir que
littérature».
GILDON, LES MAURES ET L'AFRIQUE 823
À la lecture des divers travaux qui ont été consacrés à cette question,
on peut considérer que trois éléments ont été essentiellement utilisés pour
déterminer un caractère «berbère» dans la révolte de Gildon: le
témoignage de Claudien, les origines et les alliances maures de Gildon, et enfin
ses liens avec les donatistes.
Le témoignage de Claudien doit être examiné en premier lieu. La
révolte de Gildon occupe en effet dans l'œuvre de ce poète, exactement
contemporain des événements, une place exceptionnelle, qui en fait notre
source essentielle. Outre le De Bello Gildonico, composé immédiatement
après la chute de Gildon et qui lui est entièrement consacré, on la voit
évoquée aussi dans le De Consulatu Stilichonis, dans l'In Eutropium et
dans le Panégyrique pour le VIe consulat d'Honorius*. Cette insistance
s'explique par l'engagement personnel de Claudien auprès de Stilichon,
tormentaque flammae profuit et Siculi nurgitur ferre juvenci quant taies audire cho-
ros).
13 L. Jerphagnon, Que le tyran est contre-nature; sur quelques clichés de
l'historiographie romaine, dans Actes du colloque «La tyrannie», Caen, 1984, p. 41-50. Cf.
aussi les remarques de F. Jacques, Le schismatique, tyran furieux. Le discours
polémique de Cyprien de Carthage, dans MEFRA, 94, 1982, p. 921-949.
14 De Bello Gildonico, outre les vers 70 et 236 cités infra :
283 : Mauri fuit Africa munus.
338 : nonne meam fugiet Maurus cum viderit umbram?
380 : Adversire tubam princeps dignabere Mauri?
- In Eutropium, II, prae. 71 : inclita naufragio memoratu Tabraca Mauro
(Gildon fut capturé à Thabraca).
- De consulatu Stilichonis I, 383 : si jure perempto insultaret atrox famula
Carthagine Maurus?
- De consulatu Stilichonis, II, 286 : cecidit Maurus.
- Panegyricus de sexto consulatu Honorii Augusti 122 :
Sed mihi jam pridem captum parnasia Maurum
Pieriis egit fidibus chelys
15 De Bello Gildonico 236-37.
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16 Ibid 189-91 : Mauris clarissima quaeque fastidita datur. Media Carthagine duc-
tae barbarae Sidoniae subeunt conubia maires
- ibid, 330-332 : Tantane devictos tenuit fiducia Mauros, care nepos? herum
post me conjurât in arma progenies vaesana Jubae . . .
Autres exemples de remarques péjoratives : l'allusion aux enfants qui seraient
nés de Romaines et de Maures {De Bel. Gild. 193), externet cunabula discolor
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31 H. J. Diesner, Gildos Herrschaft und die Niederlege bei Theveste, dans Klio,
1962, p. 178-186. T. Kotula, Der Aufstand des Afrikaners Gildo und seine
Nachwirkungen, dans Das Altertum, XXXIII, 1972 p. 167-76. J. Burian, Die einheimische
Bevölkerung Nordafrikas in der Spätantike, dans F. Altheim et R. Stiehl, Die Araber
in der Alten Welt, tome V, I, Berlin, 1968, p. 251-77.
32 H. J. Diesner, op. cit. p. 181.
33 P. Romanelli, op. cit. p. 606: Gildon jouit de la «sympathie» des
«populations indigènes»; p. 609 : projet d'un royaume indépendant; p. 617-18 : agitation
indigène et donatiste après la chute de Gildon, liée à sa défaite.
34 Chr. Courtois, Les Vandales et l'Afrique, p. 145; Cl. Gebbia, Ancora sulle
rivolte di Firmo e Gildone, dans L'Africa romana 5. Atti del V convegno di studio, Sassari,
1987, Sassari, 1988, p. 129.
35 Outre les travaux cités dans les notes précédentes, la révolte de Gildon est
évoquée de façon détaillée dans l'ouvrage de É. Demougeot, De l'unité à la division
de l'Empire romain (395-410), Paris, 1951, p. 171-189; cet auteur rejoint l'opinion
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39 Orose, Historiae adversus paganos, VII, 36, évoque seulement des «barbari»
dans l'armée du «cornes Gildo». Zosime, Histoire nouvelle, V, 11, parle de la folie
barbare de Gildon, terme commenté infra p. 854. Marcellinus Comes, Chronique,
a. 398, qualifie Gildon de cornes idemque paganus. Jordanes, Rom. 320, l'appelle
cornes Africae. Les autres chroniques (éd. Mommsen in M.G.H., a.a., IX, p. 246, 298,
650 et éd. Frick, Teubner, Chronica minora, p. 393) le désignent simplement par
son nom, Gildo. Enfin, s. Augustin (cf. les références infra p. 846), Paulin de Milan
(Vie d'Ambroise, 51), s. Jérôme (lettre 123) et Symmaque (lettres III, 5) ne font jamais
d'allusion à l'origine de Gildon, pas plus que l'inscription CIL IX, 4051 qui le
qualifie d'Hostis publicus ou les lois du Code Théodosien qui le concernent (pour ces
textes, cf. infra p. 861-865).
40 Notifia de concilio Carthaginensi (28 Augusti 397), 72, in Concilia Africae
(345-525), éd. C. Munier (Corpus christianorum, s. latina, 149), Turnhout, 1974,
p. 201-202.
41 S. Augustin, Contra Epistulam Parmeniani, I, II, 16 : quae ab eis Rogatus ille
Maurus per regem barbarum Firmum quant saeva quant acerba perpessus sit . . . Cf.
ibid. I, 11, 17 et Contra Cresconium, IV, 58, 69.
42 Ammien Marcellin, XXVII, 6, 14: Eupraxius, Caesariensis Maurus, magister
ea tempestate memoriae constans semper legumque similis in suscepta parte justitiae
permanebat.
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dien se réfère donc à un autre sens pris par le mot Maurus, surtout
depuis le IIIe siècle, et qui était celui d'« indigène non-romanisé », «non-
administré suivant les principes romains», d'après la définition de
G. Camps43. Un exemple manifeste et peu connu de cette signification de
Maurus est fourni au IVe siècle par l'érudit Servius Honoratus lorsqu'il
commente le mot Massylus dans l'Enéide (VI, 60) : Massyli sunt Mauri ;
[Virgile] speciem pro genere posuit44. Le genus maure de Servius recouvre
ici tous les Berbères non-romanisés. Mais deux faits sont pourtant
frappants lorsqu'on considère le corpus des textes citant les Maures ou
évoquant les Berbères non-romanisés avant Claudien. D'une part, il est net
que la plupart des auteurs préfèrent parler de «barbares» plutôt que de
Maures. Ammien n'utilise ainsi que deux fois le mot Maurus à propos de
Firmus. Saint Augustin, de la même façon, quand il fait allusion aux gen-
tes indigènes, les qualifie simplement de «barbares»45. D'autre part, il est
clair aussi que, même avec ce sens, Maurus n'a pas toute la valeur
péjorative que Claudien lui donne. S. Lancel et P. -A. Février ont déjà souligné à
ce propos le cas du grammaticus Victor de Cirta qui affirme vers 320,
apparemment sans complexe : Nam origo nostra de sanguine Mauro
descendit46. Maurus, dans son sens large, a donc d'abord au IVe siècle une
signification ethnographique ou géographique générale. Les gentes «
maures» étant périodiquement en guerre contre l'Empire, le glissement vers
un sens ouvertement péjoratif était facile; mais il ne semble guère être
systématique avant Claudien47. On doit donc aussi conclure sur ce point à
Carthage
NUBAE
rents éléments composant cette image nous a révélé une absence totale
d'informations originales : Claudien a construit son portrait de Gildon à
partir de sources très anciennes, et souvent anachroniques. Cet
anachronisme, déjà, noté sur de nombreux points, est d'ailleurs dénoncé par un
contemporain de Claudien, le poète chrétien Prudence. Dans son
Apotheosis, il note à propos des progrès du christianisme en Afrique :
novit et Atlantis pridem plaga perfida Mauri
dedere crinitos ad Christi altana reges61.
groupes non romains dans l'armée de Gildon, à côté des troupes romaines
d'Afrique évoquées juste avant. Nous montrerons plus loin que cette présence n'avait
rien de surprenant et qu'elle ne permet aucune conclusion sur les orientations
politiques de la révolte du comte d'Afrique.
65 Pour la discussion de la thèse de D. Roques sur les alliés de Gildon, Maziques
et Austuriani, cf. notre compte rendu dans la Revue des études augustiniennes,
XXXV, I, 1989, p. 191-194.
66 G. Camps, «Rex gentium Maurorum et Romanorum», dans Antiquités
africaines, 20, 1984, p. 187 note 20.
67 Chr. Courtois, op. cit. p. 125.
68 S. Gsell, Observations géographiques sur la révolte de Firmus, dans Recueil
des notices et mémoires de la Société archéologique de Constantine. Cinquantenaire,
XXXVI, 1902, p. 23-25. Inscription CIL VIII 9255 :
Sancto Ugno cruets Christi Salvatoris
adlato adq(ue) hic sito Flavius Nuvel
ex praepositis eq(u)itum Armigerorum (J)unior(um)
filius Saturnini viri perfectissimi ex
comitibus et Col(i)cia(e) honestissimae
feminae, pr(on)epos Eluri Laconi
basilicam voto promissam adq(ue) oblatam
cum conjuge Nonnica ac suis omnibus
dedicavit
GILDON, LES MAURES ET L'AFRIQUE 841
les équités armigeri juniores, connu par la Notitia Dignitatum69; il était fils
d'un vir perfectissimus, ex comitibus, et apparaît à la fois fortement roma-
nisé et christianisé. Pour G. Camps, qui a repris récemment la question70,
Flavius Nuvel et Nubel ne font qu'un, et les arguments sont nombreux en
faveur de cette identification.
Un des fils de Nubel s'appelait Sammac. Il était, selon Ammien,
«agréable au comte Romanus»71. On a retrouvé le concernant, sur le lieu
présumé de sa résidence, une célèbre inscription72, dont P. A. Février
considère à juste titre qu'elle est une des plus belles qu'ait livré le sol
africain, en particulier par la richesse de son décor73. Les derniers vers
louent les qualités du personnage, avec une précision fort significative à
propos de sa virtus, qui fut
Romuleis semper sodata triumfis 74.
80 Zosime, Histoire nouvelle, V, 11, 2 : «ύπο Καρχηδόνα Λιβύης έχοντα την ήγε-
μονίαν οίκειωσάμενος ». Cf. Π, 39, 2 sur cette expression qui semble se référer au
diocèse d'Afrique mais est ici imprécise.
81 Code Théodosien, IX, 7, 9.
82 Pour le problème des limites du territoire dirigé par Gildon, cf. l'appendice I.
83 Procope, La guerre vandale, I, 25, 2-9.
84 Ammien Marcellin, 29, 5, 44.
P. Salama (Les voies romaines de Sitifis à Igilgili, dans Antiquités africaines, 16,
1980, p. 129-130), estime qu'Ammien évoque une pratique semblable en XXIX, 5, 9,
lorsqu'à propos de Théodose il écrit : reversus Sitifim, concitato indigena milite
cum eo quern ipse perduxerat ... P. Salama traduit : (...) «et appelant aux armes
des troupes indigènes pour les joindre à celles qu'il avait amenées avec lui ... ».
Cette lecture pourrait impliquer la présence en Sitifienne de tribus maures possédant
des accords avec les Romains. Mais il n'est pas sûr que le mot indigena renvoie ici
à des Maures. Le terme peut en effet se rapporter aux troupes romaines d'Afrique,
évoquées peu avant, que Théodose unit à l'armée amenée d'Europe avec lui.
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par mariage. Mais cette difficulté disparaît si l'on n'oublie pas que Gildon
avait gagné un titre de noblesse de premier ordre (vir spectabilis), et
surtout que Salvina avait aussi une mère : le mot nobilissima peut très bien
être une référence à cette mère. Cette hypothèse nous semble d'autant
plus vraisemblable que la suite de la lettre de saint Jérôme, moins
souvent citée, nous apprend que Salvina qui vit à la Cour et dont les enfants
sont choyés par Honorius89, a précisément près d'elle sa mère et sa tante.
Et les termes de saint Jérôme à leur propos sont significatifs :
certe cum tecum sancta sit mater, et lateri tuo amita haerat virgo
perpetua 90.
92 Une seule fois, s. Augustin émet un jugement sur Gildon, toujours à propos
d'Optat cependant, dans le Tractatus in Johannis Evangelium, V, 17 (éd. in Corpus
Christianorum, s. Latina, tome 36, Turnhout 1954) : Quicumque apud ipsos baptizati
fuerint ab ebrioso, (. . .) non dico a satellite alicuis scelerati . . .
Ce terme sceleratus, renvoyant de toute évidence au comte d'Afrique, est très
vague : il pourrait cependant suggérer que l'évêque d'Hippone voyait en Gildon
plus un criminel de droit commun qu'un véritable leader politique au destin
malheureux. Nous reviendrons sur cette hypothèse.
93 Tous les textes sont extraits de l'édition des Traités Anti-Donatistes de la
Bibliothèque Augustinienne.
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ment du comte. C'est ce que suggère l'expression «il avait le comte pour
dieu», mais c'est surtout ce qu'indique précisément le terme satelles si
souvent employé par saint Augustin. L'extrait n° 5 nous semble décisif à
cet égard. En opposant les trois mots amicus, cliens et satelles, l'auteur
distingue en fait trois degrés possibles de relation : l'ami serait l'égal, le
client serait un dépendant, mais en fonction d'un contrat plus ou moins
formel, alors que le satellite n'est qu'un complice se plaçant dans l'orbite
d'un chef sur lequel il n'a aucune prise. Cette interprétation confirme
d'ailleurs les analyses de E. Tengström sur l'aide apportée à Optât par
Gildon : en réalité, c'est Optât qui sollicite cette aide, que Gildon ne lui
accorde que dans certaines limites. Si des forces dépendant du comte
d'Afrique furent en effet utilisées à la demande d'Optat et du primat
donatiste contre les Maximianistes94, si Gildon laissa Optât pratiquer en
Numidie les exactions auxquelles s. Augustin fait allusion, aucun texte ne
permet en revanche de dire que Gildon employa ses forces contre les
catholiques pour faire progresser la cause du donatisme95. C'est d'ailleurs
ce qui permet probablement de comprendre pourquoi l'évêque d'Hippone
ne met jamais Gildon en cause personnellement. Il n'y a donc pas de
véritable engagement pro-donatiste de la part de Gildon, et nous sommes ici
en accord avec E. Tengström. Par contre, l'existence même de ses
rapports avec Optât continue à poser problème pour qui s'intéresse au comte
d'Afrique. Etant admis qu'il décida seul de ses interventions et qu'il n'eut
pas de politique donatiste systématique, il reste qu'il a bel et bien favorisé
cet individu, au comportement douteux d'après s. Augustin. Il l'admit
dans sa societas, il ne fit rien pour limiter ses méfaits en Numidie méri-
dionale, et il ne semble pas qu'à son époque les plaintes des catholiques à
ce sujet auprès du vicaire aient été suivies d'effets96. En tout cela, les
motivations de Gildon restent mystérieuses et nous devrons revenir sur ce
problème plus loin. Pour l'instant, concluons que la thèse qui voudrait
fonder sur les liens de Gildon et du donatisme une preuve de son
caractère de chef «berbère» est, elle aussi, indéfendable.
Au total, notre analyse critique du dossier établissant cette
interprétation nous conduit à la remettre complètement en cause. De Claudien, on
ne peut retenir avec certitude que le fait que Gildon était d'origine maure
et qu'il a eu des Maures dans ses troupes, ce qui pour un comte d'Afrique
n'avait en soi rien de surprenant. L'étude de son milieu familial nous a
amené à constater que plusieurs de ses frères avaient des rapports étroits
avec les Romains ; quant à lui-même, après avoir suivi une carrière
exceptionnelle dans l'armée romaine, il a accédé à la haute noblesse de
l'époque et semble y avoir trouvé son épouse, plaçant sa fille jusqu'à la Cour
impériale. Enfin ses liens avec Optât de Timgad ont révélé une politique
toute personnelle mais sans arrière-plan idéologique. Ces conclusions
nous obligent donc à rejeter la thèse du «grand caïd kabyle» et de Γ«
éternel Jugurtha». Elles rendent nécessaire une autre lecture du personnage,
qui permette de comprendre à la fois les différents aspects mis en valeur
jusqu'ici, mais aussi la révolte de 397, apparemment contradictoire avec
ce qui précède. Car c'est bien cette révolte qui, en dernière analyse, a
poussé tant d'historiens à voir en Gildon un chef national africain : même
lorsque le thème de Γ« éternel Jugurtha» n'est pas évoqué, revient
toujours en effet l'idée que Gildon aurait voulu fonder un «état africain», ce
qui suppose un projet politique précis. Or, rien dans les textes examinés
jusqu'à présent ne justifie un tel jugement. C'est donc vers une toute autre
interprétation qu'il faut nous diriger.
*
*
96 S. Augustin, Contra Lifteras Petiliani, II, 83, 184 [Optât a maltraité les
Catholiques] : quae res coegit tune primo adversus vos allegari apud vicarium Seranum
legem illam de decent libris auri, quos nullus vestrum adhuc pendit.
848 YVES MODÉRAN
soit vingt ans après les événements97, mais Orose était alors auprès de
saint Augustin, à Hippone, parmi des gens qui avaient connu directement
la révolte de 397-98. Il évoque d'ailleurs ces témoins directs comme une
garantie de son récit :
periclitaremur sub tantorum miraculorum relatu quasi praesumpta
mentiendi inpudentia, nisi adhuc vocem nostram conscientia eorum,
qui interfuere, praecurreret96.
100 Symmaque, Lettres, IV, 54 (de 397) : sed quid mihi insusurras frugis Africanae
tenues commeatus? Absit ut praesens annus imitetur fortunam superiorum!
«Mais pourquoi me chuchoter que sont minces les envois de blé de l'Afrique?
Au Ciel ne plaise que la présente année imite l'infortune des années précédentes!»
(trad. J.-P. Callu, éd. C.i/.F.].
850 YVES MODÉRAN
Hypothèse 1 Hypothèse 2
Explication : Explication :
«quadam per motus invidia» «minimam in parvulis spem fore arbi-
tratus ».
« gentili magis licentia contentus quam
ambitu regiae affectationis inflatus ».
Interprétation : Interprétation :
«Africain orientalis imperii partions «Africain excerptam a societate reipubli-
jüngere molitus est» cae sibi usurpare ausus est ».
103 Cf. Historiae adversus paganos, III, 8, 8 : Inviti licet Uli, quos in blasphemiam
urguebat invidia, cognoscere faterique cogentur, pacem istam totius mundi et tran-
quillissimam serenitatem non magnitudine Caesaris sed potestate filii Dei (. . .)
104 Marcellinus Comes, Chronique, éd. Mommsen dans M.G.H., a.a., tome XI,
Berlin, 1894, p. 65 : Gildo, cornes idemque paganus . . .
Tout le récit résume fidèlement le texte d'Orose, en en suivant exactement
l'ordre. La seule différence est que le chroniqueur précise à propos de la mort de
Gildon : se manu strangulavit, là où Orose avait écrit strangulatus interiit.
852 YVES MODÉRAN
deux raisons : rien ne prouve, comme nous l'avons noté, que Gildon avait
autorité sur la Maurétanie Césarienne; et surtout, il est peu probable
qu'après son comportement au moment de la révolte de Firmus il ait pu
réellement jouir de la sympathie de ces gens115. En fait, le seul indice
dont nous disposions pour tenter d'identifier les alliés de Gildon est le lieu
où ils apparurent : sur l'Ardalio, entre Théveste et Ammaedara.
La présence de Gildon à cet endroit mérite en effet un commentaire.
Le comte d'Afrique n'a pas été surpris en pleine villégiature par le
débarquement romain puisque toute son armée était à ses côtés. Il était donc
près de Théveste soit parce qu'il avait choisi cet endroit pour attendre
Mascezel, soit parce qu'il revenait de régions plus lointaines : dans ce cas,
se préparant à rentrer à Carthage avec ses troupes et ses alliés par la
grande route Théveste-Carthage, il aurait été surpris par l'arrivée plus
rapide que prévue de son frère. T. Kotula a largement développé la
première hypothèse116, en supposant que Gildon avait dû fuir Carthage et sa
région, dont la population romaine lui aurait été hostile; il a également
avancé que les domaines du comte se trouvaient dans les environs de
Théveste, ce qui l'aurait incité à se replier là pour assurer le ravitaillement de
son armée. En réalité, rien ne permet d'affirmer la nécessité d'évacuer
Carthage. Nous avons indiqué que Gildon avait probablement épousé une
représentante de l'aristocratie locale. D'autre part la comparaison de
deux inscriptions de Cirta semble suggérer qu'il bénéficia de l'appui d'un
très haut magistrat civil de la capitale, le vicaire d'Afrique117. Le nom de
celui-ci a en effet été martelé sur une dédicace du consulaire de Numidie
Flavius Barbarus Donatianus, datée entre 395 et 402. Or, aucune cause de
martelage du nom d'un vicaire entre ces deux dates n'est connue, en
dehors d'un rapport, déjà jugé très probable par H. G. Pflaum, avec la
révolte de Gildon118. Le comte d'Afrique semble donc avoir eu des amis
puissants à Carthage. Il est probable qu'il y avait aussi des ennemis, mais
l'hypothèse d'une fuite obligée nous paraît totalement dénuée de preuves.
115 II ne faut pas oublier en effet que, seul de sa famille apparemment, Gildon
était entièrement engagé aux côtés des Romains au temps de la révolte de Firmus.
Sa popularité en Kabylie n'est donc pas garantie. D'autre part, rien ne prouve qu'il
ait été, après la mort de Firmus, l'héritier de Nubel. Ce rôle a fort bien pu être tenu
par Mascezel.
116 T. Kotula, article cité supra note 31.
117 Inscriptions latines de l'Algérie, tome II, 1, Paris, 1957, n° 599 et 653. Cf. Pro-
sopography of the Later Roman Empire, vol. II, p. 375.
118 H. G. Pflaum, ibid., commentaire du n° 599, à la suite de A. Pallu de Les-
sert, Fastes des Provinces africaines, II, p. 217.
856 YVES MODÉRAN
En fait, que Gildon ait choisi Théveste ou qu'il y ait été surpris, sa
présence à cet endroit s'explique surtout par des raisons stratégiques. Ses
troupes étaient d'abord composées de l'armée romaine d'Afrique : les
circonstances de la bataille de l'Ardalio rapportée par Orose le démontrent
amplement. Cet auteur distingue nettement dans les forces rebelles les
milites, que Mascezel cherche à gagner à sa cause, et les barbari119. Les
premiers, malgré l'entêtement d'un signifer, passèrent d'ailleurs
finalement dans le camp impérial. Ces soldats romains d'Afrique étaient, pour
l'essentiel cantonnés en Numidie et Maurétanie Sitifienne : il semble en
effet que la Proconsulaire et la Byzacène n'avaient pas de garnisons
importantes au IVe siècle 120 ; nous avons d'autre part montré que le
commandement de Gildon sur la Maurétanie Césarienne et la Tripolitaine
était très incertain. Si l'armée romaine de Gildon était d'abord composée
d'unités stationnées en Numidie et Maurétanie Sitifienne, sa présence à
Théveste se comprend aisément. La configuration du réseau routier
africain faisait de cette ville un point de concentration privilégié pour ces
forces venues de l'ouest et du sud-ouest, et cela suffit à expliquer la
localisation de la bataille contre Mascezel121. Cependant, sauf à supposer un
calcul dont les motivations nous échappent, Gildon aurait pu attendre ses
soldats à Carthage, d'où il se serait porté aussitôt contre le point de
débarquement de l'armée impériale. Faute du moindre indice qui
autoriserait à affirmer qu'il n'était pas en sûreté dans la capitale, rien ne
permet donc d'exclure la seconde hypothèse que nous avions proposée :
Gildon a pu aussi être surpris par l'arrivée inopinée de son frère alors qu'il
revenait sur Carthage. Le récit de Zosime semble confirmer cette
interprétation : «II (Mascezel) arriva à l'endroit où il avait entendu que se
trouvait son frère et fondit sur lui à l'improviste [άπαρασκεύω] avec son
armée ...» 122. Dans ce cas, il faut expliquer le déplacement de Gildon : on
119 Orose, VII, 36, 9-10. Barbari, quorum magnani multitudinem Gildo ad bel-
lum deduxerat, defectu militum destituii in diversa fugerunt.
120 Cl. Lepelley, op. cit., tome I, p. 39.
121 Cf. P. Salama, Bornes militaires d'Afrique Proconsulaire, un panorama
historique du Bas-Empire romain, Rome, 1987, p. 74 : «On voit donc que Gildon utilisait
la valeur stratégique de l'axe routier fondamental et traditionnel de la
Proconsulaire, la route Carthage-Théveste ».
122 Histoire Nouvelle, V, II, 4, éd./trad. F. Paschoud, Paris, 1986 (C.U.F.).
F. Paschoud remarque justement (commentaire p. 117-118) que Zosime,
reprenant le païen Eunape, escamote ici le miracle évoqué par Orose, et, en décrivant
une violente bataille, cherche à expliquer rationnellement la victoire de Mascezel.
GILDON, LES MAURES ET L'AFRIQUE 857
123 C'est par exemple ce que l'on pourrait déduire de l'importance des pressoirs
et huileries dans cette région (cf. H. Camps-Fabrer, L'olivier et l'huile dans l'Afrique
romaine, Alger, 1953, p. 27; et tout récemment l'article de D. J. Mattingly, OU for
export? A comparison of Libyan, Spanish and Tunisian olive oil production in the
Roman Empire, dans Journal of Roman Archeology, I, 1988, p. 33-56, avec une carte
très complète).
124 C'est près de Théveste qu'en 544 Solomon entre en contact avec la coalition
maure dirigée par Antalas. Sans suivre Chr. Courtois qui voulait localiser les
Frexes de ce chef près de Thala, nous estimons cependant que de nombreux
indices permettent de situer ce peuple non loin de Théveste (étude dans notre thèse
Byzantins et Berbères en Afrique au VIe siècle, en cours).
858 YVES MODÉRAN
125 CIL VIII 23195 : dédicace à l'empereur M(arcus) Antonius Gordianus par la
gens Mus(uniorum) Reg(ianorum) . La restitution est assurée grace à une inscription
trouvée à 3,5 km de là (IlAf 102 : «gens Musunior[um] Regianorum»), datée de
Septime Sévère. Cette collectivité, localisée apparemment sur le bord sud-est des
monts de Tébessa, semble donc avoir gardé une organisation autonome. Le fait
que l'inscription IlAf 102 porte la mention «curante Thululem Fue, flaminem Augg»
ne prouve rien en effet : ce personnage, au nom totalement indigène (Thulul, fils
de Phua), a pu, en tant que chef possible de la tribu, se voir décerner le titre de
flamen. Cela montre seulement que cette gens vivait officiellement à l'intérieur des
frontières de l'Empire et reconnaissait l'autorité impériale. Mais elle a pu aussi
très bien conserver en même temps son organisation originale. Attestée encore en
238-244, a-t-elle disparu ensuite? Rien ne permet de l'assurer.
126 Cf. Inscriptions Latines de l'Algérie, tome I : n° 3685 et 3697 (Bahiret el Ous-
sera); n° 3747, 3753, 3770, 3772, 3782 (route Théveste-Thélepte) ; n° 3818 et 3825
(Est de la route Théveste-Thélepte).
127 J. Gascou, Le cognomen Gaetulus, Gaetulicus en Afrique romaine, dans
MEFR, 1970, 2, p. 723. -736. L'auteur note p. 736 que de nombreuses inscriptions
de cette série sont postérieures au IIe siècle.
128 R. Cagnat, L'armée romaine d'Afrique, Paris, 1892, p. 730 note 3.
GILDON, LES MAURES ET L'AFRIQUE 859
MEFRA 1989, 2.
860 YVES MODÉR AN
lorsqu'il raconte les méfaits d'Antoninus de Fussala dans la nouvelle lettre 20,
donne de bons exemples des pressions illégales que peut exercer un important
personnage pour forcer des propriétaires à vendre à bas prix des terres : Gildon, comte
d'Afrique, a très bien pu agir ainsi, en sauvant donc les apparences légales puisque
des contrats de vente étaient signés.
136 Le fait qu'une administration spéciale ait été créée pour ces biens, au lieu
d'une simple intégration au reste de la res privata, pose cependant problème. Mais
il faut remarquer que l'on n'est pas sûr de la datation du chapitre de la Notitia
concernant cette administration. Il n'est peut-être pas très postérieur aux lois de
399-409 (?). Or, les deux lois les plus tardives montrent que le rassemblement du
patrimoine de Gildon n'était pas encore achevé en 408 : le 1 1 novembre 408 (C. Th.
IX, 40, 19) on ordonne en effet la condamnation par proscription (exil et
confiscation des biens) de satellites de Gildon. On a voulu interpréter ce dernier texte
comme un indice de soulèvements très postérieurs à la chute de Gildon, mais liés à sa
mémoire. Il témoigne peut-être simplement de l'acharnement de la justice
impériale dans la recherche des complices de Gildon, avec une lenteur qui ne doit pas
surprendre quand on connaît l'histoire des malheureux Lepcitains victimes de
Romanus (cf. Cl. Lepelley, op. cit., tome II p. 354-358). Il est donc possible de
supposer que, puisque dix ans après la bataille de l'Ardalio la réunion du patrimoine
de Gildon et de ses satellites n'était pas achevée, une administration particulière
mais destinée à être provisoire ait été créée dès 398, en prévision de la lenteur des
opérations. Celle-ci peut s'expliquer également par la nécessité de ménager une
transition pour les paysans de ces terres qui changeaient de statut, passant de
domaines privés à des domaines impériaux (suggestion de X. Dupuis que je
remercie pour ses remarques).
862 YVES MODÉRAN
137 Traduction :
VII, 8, 7 : «Afin que des hôtes de passage ne pénètrent pas, au nom de Yhospi-
tium, dans les domaines de l'ennemi public Gildon et de ses satellites annexés aux
biens de notre Maison, nous décidons, pour que tous sachent qu'il faut se tenir
entièrement à l'écart de nos possessores, que quiconque sera entré dans notre
domaine de façon inopportune dans le but de s'y installer, sera contraint de payer
cinq livres d'or à titre d'amende».
VII, 8, 9 : « Bien que tout dernièrement, en ayant annoncé une condamnation
de cinq livres d'or, nous ayons ordonné que les domaines venant des biens de
Gildon et qui ont été ajoutés à notre Trésor soient dispensés d'hôtes de passage, nous
ordonnons maintenant encore que toutes les maisons provenant du même droit, en
quelques cités qu'elles soient établies, soient dispensées d'hôtes de passage, pour
que de la sorte des fermiers puissent plus facilement être trouvés. Si donc
quelqu'un agit contre notre ordre, qu'il soit frappé par l'amende autrefois imposée».
138 Sur ces questions, cf. le commentaire et les références de P. Salama, Bornes
militaires . . . (op. cit., n. 121) p. 164.
GILDON, LES MAURES ET L'AFRIQUE 863
141 Traduction :
XIV, 15, 3 : (. . .) «Que personne n'ose également toucher aux blés destinés à la
Ville, si le hasard ou une raison quelconque les forçait à rester sur le rivage
africain, ou n'ose les envoyer, après un changement d'itinéraire, quelque part au delà
de la Ville sacrée, par la modification d'un ordre ».
XIV, 15, 6: (...) «nous décidons que le vicaire ou les autres gouverneurs
devront payer le quadruple de ce qui a été enlevé, lorsqu'il a été établi qu'ils ont
usurpé une partie du canon frumentaire de la Ville».
142 Cf. supra p. 856.
GILDON, LES MAURES ET L'AFRIQUE 865
*
* *
144 Cf. l'article de Chr. Courtois, Les monnaies de Gildon, dans Revue
numismatique, 1954, p. 71-77, corrigé par R. Turcan, Trésors monétaires trouvés à Tipasa,
dans Libyca, 1961, p. 210-212. Cet auteur conclut de l'analyse des monnaies de
Gildon : « C'était un usurpateur qui n'aurait pas voulu passer officiellement pour tel »
(p. 210). C'est bien là qu'est la clef de l'histoire du personnage.
GILDON, LES MAURES ET L'AFRIQUE 867
Yves Modéran
868 YVES MODÉRAN
APPENDICE
Praepositus limitis
14 Code Théodosien XII, 1, 133 : loi du 27 mars 393 adressée à Silvanus, Dux et
Corr(ector) Limitis Tripolitani.
15 La loi du 27 mars 393 ne mentionne cependant pas le rang de Silvanus.
A. Chastagnol (Les gouverneurs de Byzacène et de Tripolitaine, dans Antiquités
africaines, 1, 1967, p. 131) estime qu'il n'était qu'un simple vir clarissimus et pense
qu'il était subordonné au comte d'Afrique (ibid. p. 128), tout en admettant qu'à
partir de 406 au plus tard, la Tripolitaine fut enlevée à la compétence du cornes
Africae. On connaît en effet à cette date en Tripolitaine Nestorius, cornes et dux
(sans autre précision), et après 408, Flavius Ortygius, contes et dux provinciae Tri-
politanae, avec le rang de spectabilis. Mais l'argument a silentio concernant
Silvanus ne nous semble pas suffisant à lui seul pour affirmer sa dépendance par
rapport au comte d'Afrique. A. Chastagnol croyait celle-ci établie parce qu'il datait les
chapitres africains de la Notitia Dignitatum de 428. Mais les analyses postérieures
de É. Demougeot (cf. note 4) remettent en cause cette conclusion et, en datant le
chapitre sur le cornes Africae entre 401 et 409, rendent contradictoires l'autonomie
de Nestorius et la présence de praepositi limitis de Tripolitaine dans la liste des
dépendances du comte d'Afrique. Dans ces conditions, l'hypothèse présentée ici
trouve tout à fait sa raison d'être.
16 Panégyrique de Théodose par Pacatus, XXXVIII, 2 : Maxime s'écrie : quo
fugio ? ... peto Africani quant exhaust ?
17 Pap. Lipsiae 63, du 14 juin 388 : des soldats égyptiens sont envoyés en Penta-
pole pour passer ensuite ε/ς Άφρικήν. Commentaire dans E. Wipszycka, Un papyrus
d'Egypte et la guerre de Théodose le Grand contre la réaction païenne en Occident,
dans Eos, 56, 1966, p. 358-359.
872 YVES MODÉRAN
bles, et aussi de l'encadrer par deux chefs dont l'autonomie aurait joué
un rôle dissuasif. Si tel fut bien le cas, Gildon n'aurait donc pas eu le
contrôle de sa région d'origine, avec les tribus qui avaient animé la
révolte de Firmus. Installé à Carthage, son titre de comte d'Afrique lui donnait
le commandement des troupes des quatre provinces les plus romanisées,
Proconsulaire, Byzacène, Numidie, et Maurétanie Sitifienne, ce qui était
déjà très considérable.