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Suites de couches pathologiques


Pathologie maternelle dans les 40 jours
D r Aude Schneider, P r Loïc Marpeau
Service de gynécologie obstétrique CHU de Rouen, 76000 Rouen.
aude.schneider@chu-rouen.fr loic.marpeau@chu-rouen.fr

Objectifs
• Diagnostiquer les principales complications maternelles

L
es suites de couches débutent 2 heures des suites de couches : complications hémorragiques, infectieuses,
après l’accouchement, durent 6 semaines, thromboemboliques.
en moyenne, en se terminant par le retour
de couches (retour des menstruations). Leur
surveillance s’effectue généralement en hospitalisation les de vacuité utérine et de définir l’importance de la rétention. Le
premiers jours. traitement chirurgical étant pourvoyeur de nombreuses compli-
cations (perforations utérines, infections ou synéchies utérines),
il n’est envisagé qu’en cas d’échec d’un traitement médical par
COMPLICATIONS HÉMORRAGIQUES utérotoniques ou d’une rétention très volumineuse. Il consiste en
l’évacuation utérine au doigt ou à la curette mousse sous contrôle
Précoces (dans les 48 premières heures) échographique en limitant au minimum l’usage de l’aspiration.
1. Inertie utérine isolée
Elle peut succéder à une hémorragie de la délivrance que l’on 4. Thrombus vaginal
pensait maîtrisée. Elle survient donc dans les premières heures Il s’agit de collections sanguines des tissus cellulaires de la
du post-partum. Elle est favorisée par la multiparité, l’accouchement vulve, du vagin ou du paramètre, ayant tendance à diffuser, qui
dystocique et la surdistension utérine (macrosomie, hydramnios, se sont constituées lors de l’accouchement. Le plus souvent dia-
gémellaire). gnostiqué en salle de naissance, il peut parfois être découvert
L’utérus est mal involué et mou. Le traitement est fondé sur en suites de couches. S’il est volumineux, très douloureux, exten-
les utérotoniques type Syntocinon ou analogues des prosta- sif ou responsable d’une déglobulisation, il impose un traitement
glandines (Nalador). chirurgical. L’hématome est évacué, un saignement actif est
recherché pour en réaliser l’hémostase.
2. Endométrite hémorragique
Le tableau clinique est le même que celui d’une endométrite Tardives (retour de couches hémorragique)
simple (v. infra) mais associé à des saignements supérieurs à la Il s’agit d’un diagnostic d’élimination ; en effet, on recherche
normale. En plus du traitement habituel, les utérotoniques s’im- avant tout des signes en faveur d’une endométrite ou d’une
posent. rétention placentaire. L’examen clinique est normal en dehors de
saignements abondants. La prescription d’une contraception hor-
3. Rétention placentaire monale comprenant des estrogènes, en l’absence de contre-
C’est la principale cause des hémorragies utérines précoces. indications, améliore le plus souvent ce symptôme en diminuant
Il s’agit le plus souvent d’une rétention de débris placentaires plus l’atrophie endométriale responsable.
que de débris membranaires. Les saignements sont supérieurs Quelle que soit la complication, il faut rechercher une anémie
à la normale ou peuvent durer plus de 10 à 15 jours ; ils sont plus secondaire par carence martiale à l’aide d’une NFS (numération
ou moins associés à des douleurs ou à des signes cliniques d’infection formule sanguine) et la compenser en fonction de l’état général
en cas de diagnostic retardé (fièvre, lochies malodorantes). L’écho- de la patiente par une supplémentation ferrique orale ou paren-
graphie pelvienne est indispensable afin de confirmer l’absence térale ou une transfusion.

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Suites de couches pathologiques : pathologie maternelle dans les 40 jours

D’autre part, des anomalies de la coagulation, quelles soient clavulanique (Augmentin), adaptée secondairement aux résultats
acquises ou constitutionnelles, peuvent aggraver ces complica- du prélèvement vaginal. Un relais per os est réalisé après 48 heures
tions hémorragiques. d’apyrexie.
Certains proposent l’utilisation d’utérotoniques pour favoriser
la rétraction utérine (Methergin ou Syntocinon). L’allaitement ne
COMPLICATIONS INFECTIEUSES doit pas être interrompu.
L’évolution est généralement très rapidement favorable ; en
Endométrite cas contraire, il faut rechercher une rétention placentaire ou une
Il s’agit de la première cause de fièvre dans le post-partum. thrombophlébite pelvienne suppurée.

1. Facteurs favorisants Complications de l’allaitement


Ce sont : L’engorgement mammaire, survenant au 3e jour, n’est pas une
— la rupture prolongée des membranes et le travail long ; complication septique de l’allaitement. Il engendre des douleurs
— la chorioamniotite ; et tensions mammaires bilatérales voire des crevasses mam-
— les manœuvres endo-utérines : la délivrance artificielle et la melonnaires. Le traitement comprend des massages mammai-
révision utérine ; res associés à des douches chaudes. Des topiques locaux (huile
— l’accouchement dystocique et surtout la césarienne. d’amande douce, lanoline) ainsi que l’utilisation de « bouts de
Les germes les plus fréquemment en cause sont les strepto- seins » ont déjà fait la preuve de leur efficacité. Le Syntocinon
coques (notamment le B responsable de 20 % à lui seul), les sta- suivi d’une tétée vingt minutes après peut être utile.
phylocoques et les colibacilles. Elle est souvent polymicrobienne.
1. Lymphangite
2. Diagnostic Il s’agit d’une inflammation du réseau lymphatique superficiel
Le diagnostic est clinique. Les signes d’appel sont des douleurs secondaire à une crevasse. Elle survient brutalement entre le 5e et
pelviennes modérées associées à des lochies abondantes mal- le 10e jour et fait souvent suite à un engorgement mammaire
odorantes apparaissant vers le 4-5e jour et une température (fébricule lors de la montée laiteuse à J3 associée à des douleurs
supérieure à 38,5 °C. On réalise une numération formule san- mammaires bilatérales). La fièvre est à 39-40 °C, la patiente se
guine et des hémocultures (si la température dépasse 38,5 °C). plaint de douleurs mammaires violentes unilatérales. À l’examen,
À l’examen, l’utérus est mal involué et douloureux, le col est béant. il existe un placard rouge, chaud, douloureux du sein avec parfois
Un prélèvement vaginal est réalisé afin d’identifier le germe une traînée rosâtre vers l’aisselle et une adénopathie axillaire
responsable et d’adapter le traitement antibiotique. douloureuse. Le lait recueilli sur une compresse est propre, sans
pus (signe de Budin négatif). Le traitement comprend notamment
3. Traitement une hygiène rigoureuse, des antalgiques de niveau I plus ou moins
La patiente est hospitalisée. Une antibiothérapie à large associés à des anti-inflammatoires. La guérison est rapide, en
spectre est instaurée en intraveineux type amoxicilline et acide 24 à 48 heures. L’allaitement est poursuivi.

QU’EST-CE QUI PEUT TOMBER À L’EXAMEN ?


Voici une série de questions qui, à partir d’un exemple de cas clinique, elle a 39 °C, le sein est moins inflam-
pourrait concerner l’item « Suites de couches pathologiques ». matoire, mais le lait est souillé de pus.
$ Quel est votre diagnostic et quels
Cas clinique " Quel diagnostic évoquez-vous ? Que sont les éléments essentiels du
Madame Z., 30 ans, accouche dans votre conseillez-vous à la patiente ? traitement ?
maternité à terme d’une fille de 3 330 g Au 8e jour, elle consulte aux urgences Malgré ce traitement, le sein devient
par les voies naturelles. Une épisiotomie en raison d’un sein droit douloureux. Sa inflammatoire. Il apparaît en périaréo-
a été réalisée. Au 3e jour, la patiente est température est à 39 °C. Le sein droit laire une zone fluctuante et hyper-
fébrile. présente un placard inflammatoire avec algique. La fièvre persiste.
! Quels éléments recherchez-vous à une adénopathie axillaire satellite. Le % Quel est votre diagnostic et quels
l’examen clinique afin d’orienter votre lait n’est pas souillé de pus. sont selon vous les éléments essentiels
diagnostic ? # Quel diagnostic évoquez-vous ? Arrêtez- du traitement ?
Les seins sont tendus, douloureux mais vous l’allaitement ?
non inflammatoires. Le reste de l’examen Au 12e jour, la, patiente consulte à
est normal. nouveau, car son sein droit est sensible, Éléments de réponse dans un prochain numéro ◗

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2. Galactophorite
Elle survient généralement dans les suites d’une lymphangite POINTS FORTS
vers le 10e ou 15e jour du post-partum. De début progressif, elle à retenir
est révélée par une fièvre modérée à 38,5 °C et des douleurs Les suites de couches sont une période à risque
mammaires unilatérales. À l’examen, le sein est douloureux dans de morbidité voire de mortalité maternelle imposant
son ensemble, et le lait recueilli sur une compresse est souillé de une surveillance rapprochée. Ceci passe par un examen
pus (signe de Budin positif). L’allaitement est suspendu. Une antibio- clinique approfondi pluriquotidien.
thérapie est rapidement instaurée après un bilan bactériologique. Les complications hémorragiques et thromboemboliques
sont les plus graves, ce d’autant que le diagnostic est
3. Abcès mammaire
parfois retardé.
Les douleurs mammaires sont pulsatiles et insomniantes. Une L’allaitement demande un encadrement particulier
masse fluctuante est palpée. Le traitement est chirurgical et de l’équipe afin qu’il soit non compliqué et donc poursuivi
consiste en un drainage. L’allaitement est définitivement contre- tant que la patiente le souhaite
indiqué mais pas pour une grossesse ultérieure.
Le tableau compare ces trois complications.

Infection urinaire
Les signes cliniques sont les mêmes qu’en dehors du post- heureusement rarissime. Le traitement comprend des antibio-
partum : pollakiurie, brûlures mictionnelles. La palpation des tiques et une héparinothérapie.
fosses lombaires recherche une douleur provoquée. L’examen
cytobactériologique des urines confirme le diagnostic, et le trai- Abcès périnéaux ou abdominaux
tement est antibiotique. Que ce soit l’épisiotomie ou la cicatrice de césarienne, des
abcès sont à redouter. Ils sont souvent secondaires à des héma-
Péritonite tomes. Les soins locaux permettent généralement d’éviter une
Elle apparaît généralement dans les suites d’une endométrite reprise chirurgicale.
mal traitée. Les signes cliniques sont très marqués :
— fièvre élevée avec altération de l’état général ;
— défense abdominopelvienne ; COMPLICATIONS THROMBOEMBOLIQUES
— empâtement des culs-de-sac vaginaux ; Ces complications représentent l’une des causes majeures de
— plus ou moins iléus réflexe. mortalité maternelle, mais elles restent heureusement rares, leur
incidence est inférieure à 1 %. De nombreux facteurs de risque
Thrombophlébites suppurées ont été identifiés :
Il s’agit de phlébite des troncs utérins ou utéro-ovariens. L’é- — âge supérieur à 40 ans ;
chographie voire le scanner permettent d’orienter le diagnostic, — antécédents thromboemboliques ;

Tableau Comparaison des complications les plus fréquentes de l’allaitement


LYMPHANGITE GALACTOPHORITE ABCÈS MAMMAIRE

Date (jour du post-partum) 5-10 10-15


R Q 25
Température (°C) 39-40 38,5 38-39

Aspect local Placard rouge Peu de signes Masse fluctuante

Signe de Budin Négatif Positif Positif

Allaitement Poursuivi Arrêt momentané Arrêt définitif

Traitement Anti-inflammatoires Antibiotiques Drainage chirurgical

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Suites de couches pathologiques : pathologie maternelle dans les 40 jours

— accouchement par césarienne ;


— pathologie thrombophilique : MINI TEST DE LECTURE
• déficit en protéine C, en protéine S, en antithrombine III, A / VRAI OU FAUX ?
• présence d’un anticoagulant circulant,
• mutation du facteur V de Leiden et II G 20210A, 1 La suspicion d’endométrite ne nécessite pas la mise
en place d’antibiotiques.
• syndrome des antiphospholipides ; 2 La première cause d’hémorragie utérine retardée
— obésité ; est l’endométrite hémorragique.
— infection puerpérale ; 3 La rupture prolongée des membranes est un facteur
— tabagisme actif. de risque d’endométrite du post-partum.
Le lever précoce est la prévention première, la contention
B / VRAI OU FAUX ?
veineuse peut se justifier en cas de mauvais état veineux, et le
traitement préventif par héparinothérapie ne s’envisage qu’en 1 La macrosomie est un facteur de risque d’inertie
utérine.
fonction de la sévérité des facteurs de risque.

Réponses : A : F, F, V / B : V, F, V / C : 1, 3, 4.
2 Le traitement premier d’une rétention placentaire
est chirurgical par curetage.
Thrombophlébites 3 L’allaitement doit être suspendu momentanément
des membres inférieurs en cas de galactophorite.

1. Thrombose veineuse superficielle C / QCM


L’examen clinique met en évidence un cordon induré et Parmi les facteurs de risque thromboemboliques
dans le post-partum, il existe :
douloureux sur le trajet d’une veine superficielle, pouvant être
1 l’obésité ;
associé à une thrombose profonde. Il convient de réaliser une
2 l’accouchement par les voies naturelles ;
échographie doppler des membres inférieurs (v. infra).
3 le déficit en protéines S ;
Le traitement comporte une contention veineuse et des anti-
4 l’âge supérieur à 40 ans.
inflammatoires.

2. Thrombose veineuse profonde


Aucun signe clinique n’est pathognomonique : il peut s’agir
d’une fièvre inexpliquée ou d’une douleur du mollet ou de l’aine
SUITES DE COUCHES APRÈS CÉSARIENNE
spontanée ou provoquée. À l’examen bilatéral et comparatif, le
mollet est tendu et douloureux, notamment à la dorsiflexion du Celle-ci est de plus en plus fréquente (20 % des accouchements).
pied (signe de Homans), son ballottement est diminué. Toutes les complications citées plus haut sont possibles. Il faut
Au moindre doute, il faut réaliser une échographie doppler également penser aux hématomes sous-cutanés ou sous-apo-
des membres inférieurs en urgence. névrotiques, aux hématomes dans le décollement vésico-utérin.
Le traitement sera une héparinothérapie avec contention vei- L’examen clinique, l’échographie pelvienne et le scanner per-
neuse, puis un relais par antivitamine-K est instauré (contre-indi- mettent le diagnostic et conduisent au traitement, qui est le plus
quant l’allaitement). souvent le drainage chirurgical. À noter que la corticothérapie
en anténatal pour la maturation pulmonaire fœtale peut retarder
Thrombophlébites pelviennes le diagnostic, les signes cliniques étant moins francs. ■
Complication générale d’une endométrite, son examen clinique
est peu spécifique ; il faut l’évoquer devant des troubles du transit Les auteurs déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêts
à type de ténesme et de météorisme, des signes urinaires à type concernant les données publiées dans cet article.
de dysurie, pollakiurie, rétention.
Elle touche le plus souvent la veine ovarienne droite ; le scanner
voire l’IRM pelvienne complètent l’échographie doppler pelvienne Pour en savoir plus
pour en faire le diagnostic.
Son traitement comporte une antibiothérapie adaptée aux
différents germes et une héparinothérapie. ◗ Complications
de la grossesse
Embolie pulmonaire Monographie
Les signes cliniques sont les mêmes que ceux d’une embolie (Rev Prat 2003;53[17]:1875-928)
postopératoire : douleur thoracique, dyspnée, tachycardie,
angoisse.
Rarement fatale, elle doit être rapidement diagnostiquée afin
d’instaurer un traitement efficace sans attendre.

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