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UNITÉ II - Les constructions impersonnelles

On réserve le nom de forme impersonnelle (ou encore unipersonnelle) à un type de construction verbale
particulière. À côté des phrases où le verbe, variable en personne, reçoit un sujet pourvu de sens et renvoyant à
une entité précise :
Pierre travaille. Je travaille. Vous travaillez.
Dans l’exemple suivant :
Il faut que tu travailles.
le verbe reçoit comme seul sujet possible un pronom invariable il ne renvoyant à aucune « personne »
et ne représentant aucun élément : le verbe falloir sera dit impersonnel.
La forme impersonnelle s'oppose ainsi à la construction personnelle, soit que le verbe n’existe que sous l’une
des deux formes (verbes essentiellement impersonnels, il neige, il pleut), soit que l’on puisse observer, avec des
verbes normalement personnels, une construction accidentellement impersonnelle (Trois livres restent sur la table/
Il reste trois livres sur la table.)

La transformation impersonnelle
A partir de deux phrases : Une chose est évidente. Pierre est parti.
on peut faire une transformation complétive et l'on obtient : "Que Pierre est parti est évident".
Comme ce type de construction est peu naturel, on fait une autre transformation (de déplacement) : la
phrase avec que passe à la fin et à la place laissée vide, on met un pronom ce ou il :
C’est évident que Pierre est parti.
Il est évident que Pierre est parti.
De même pour deux phrases comme : Une chose me gêne. Je pars demain.
La transformation complétive donne la phrase : Que je parte demain me gêne.
qui n'est pas très usuelle. Elle souffre une transformation infinitive (due à la coréférence du sujet de la
subordonnée et l’objet direct de la principale) et l'on obtient : Partir demain me gêne.
Une nouvelle transformation de déplacement donne : Il me gêne de partir demain. Ça me gêne de partir demain.
La grammaire traditionnelle analyse en termes de « sujet apparent » les pronoms ce et il, et de « sujet
réel » la complétive introduite par que ou par de. Cette analyse traduit le fait que ce ou il sont des éléments vides
de sens qui ont été insérés lors du déplacement de la complétive et qui n’ayant aucune valeur sémantique sont
seulement l’indice morphologique de la 3ème personne du singulier.

VII.1. Constructions impersonnelles avec il


VII.1.1. Constructions accidentellement impersonnelles
Dans certains cas, la forme personnelle peut subir la transformation impersonnelle.
Quelque chose d’étrange m’est arrivée → Il m’est arrivé quelque chose d’étrange.
La tournure impersonnelle, avec le il impersonnel « sujet apparent » s’appelle extraposition. Le sujet réel
reçoit le nom de séquence et il est extraposé, c'est-à-dire placé ailleurs de sa place habituelle.

Verbes impersonnels
Il faut remarquer que n’importe quel verbe ne peut pas être utilisé impersonnellement dans l’usage courant.
R. Martin écrit que ces verbes expriment « nécessairement la survenance, l’exigence ou l’inexistence »
et il les oppose à d’autres qui ne peuvent jamais entrer dans une construction impersonnelle (dégeler, maigrir, vieillir,
changer, etc.) qui indiquent un changement d’état.
Le français a étendu l’emploi de la forme impersonnelle à des verbes intransitifs, aux verbes rester, manquer,
valoir mieux, arriver, aux verbes « extraposés » et aux verbes pronominaux à sens passif.
• Verbes intransitifs : (dont la plupart sont des verbes de mouvement) aller, arriver, courir, descendre, entrer,
monter, partir, passer, remonter, rentrer, repartir, retourner, revenir, sortir, tomber, venir, couler, marcher, sauter, etc.
Il est arrivé quelque chose d'effroyable en Norvège en 2011. (Sujet réel : SN)
Il est tombé des cordes la semaine dernière. (Sujet réel : SN)
Il vient des visiteurs du monde entier. (Sujet réel : SN)
Il s'ensuivit une grande joie. (Sujet réel : SN)
Qu’est-ce qu’il se passe ? (Sujet réel : SN)
Il m'est arrivé un accident. (Sujet réel : SN)
Il m'arrive de me tromper. (Sujet réel : Subordonnée Substantive Infinitive)
Il m'est arrivé que le train soit en retard. (Sujet réel : Subordonnée Substantive Conjonctive)
Il me revient qu'elle ne se sentait pas à l'aise quand je lui ai fait une remarque.

• Convenir, importer, valoir mieux :


Il conviendrait que vous soyez plus à l'écoute d'autrui. (Sujet réel : Subordonnée Substantive Conjonctive)
Il convient d’être prudent. (Sujet réel : Subordonnée Substantive Infinitive)
Afin de bien gérer la situation, il importe que nous prenions des mesures rigoureuses.
Il vaut mieux un autre livre. (Sujet réel : SN)
Il vaut mieux sortir. (Sujet réel : Subordonnée Substantive Infinitive)
Il vaut mieux que vous sortiez. (Sujet réel : Subordonnée Substantive Conjonctive)

• Se pouvoir, se trouver :
Il se peut qu’il ait fait des erreurs. (Sujet réel : Subordonnée Substantive Conjonctive)
Il se peut que je sois en retard de quelques minutes. (Sujet réel : Subordonnée Substantive Conjonctive)
Il se trouve que Jeanne est jalouse de Marie. (Sujet réel : Subordonnée Substantive Conjonctive)

• Rester, manquer, suffire :


Il manque 100 euros à Michel. (Sujet réel : SN)
Il me manque de savoir le chinois. (Sujet réel : Subordonnée Substantive Infinitive)
Il reste que votre problème n’est pas résolu. (Sujet réel : Subordonnée Substantive Conjonctive)
Il me reste trois pages à écrire. (Sujet réel : SN)
Il suffit d’une infime erreur pour causer une catastrophe. (Sujet réel : SN)
Il suffit que tu prennes ton temps pour faire ce travail. (Sujet réel : Subordonnée Substantive Conjonctive)

• Advenir, résulter, s’en suivre :


Il advient que je ne sois pas d'accord avec vous. (Sujet réel : Subordonnée Substantive Conjonctive)
Nous avons commis une faute minuscule, mais il s'ensuit que tous nos calculs n'ont servi à rien.
Il résulte de cette rencontre que l'équipe brésilienne est plus forte que l'équipe allemande.

• Tarder, tenir :
Il me tarde d’être avec toi. (Sujet réel : Subordonnée Substantive Infinitive)
Il me tarde que les vacances arrivent. (Sujet réel : Subordonnée Substantive Conjonctive)
Il ne tient qu’à vous de vous décider. (Sujet réel : Subordonnée Substantive Conjonctive)
Il y a de mots enfermés dans des livres poussiéreux. Il ne tient qu'à nous de les faire revivre.
• Être/ devenir + adjectif :
Il est indéniable qu’il l’a fait exprès. (Sujet réel : Subordonnée Substantive Conjonctive)
Il est évident que vous ne me connaissez pas. (Sujet réel : Subordonnée Substantive Conjonctive)
C’est impossible d’arriver à l’heure quand il y a des grèves. (Sujet réel : Subordonnée Substantive Infinitive)
Il devient difficile de monter jusqu'au chalet. (Sujet réel : Subordonnée Substantive Infinitive)
Il deviendra possible que tu réussisses ton examen. (Sujet réel : Subordonnée Substantive Conjonctive)

• Verbes pronominaux à sens passif :


Il se vend beaucoup de fleurs samedi. (Beaucoup de fleurs se vendent samedi.)
Il se perd trois-cents cartes de crédit chaque jour.
Il se dit beaucoup de choses fausses.
Dans ce quartier, il se commet beaucoup de vols.

• Passifs extraposés :
Il a été trouvé un portefeuille. (Sujet réel : SN)
Il a été décidé de partir. (Sujet réel : Subordonnée Substantive Infinitive)
Il a été décidé que les vacances commenceraient le 15 mai. (Sujet réel : Subordonnée Substantive Conjonctive)
Il ne fut discuté que de violence à l'école. (Sujet réel : SN)
Il m'a été recommandé de me tenir à l’écart. (Sujet réel : Subordonnée Substantive Infinitive)
Il est conseillé de quitter les lieux avant 17 heures. (Sujet réel : Subordonnée Substantive Infinitive)

VII.1.2. Constructions essentiellement impersonnelles


Les constructions essentiellement impersonnelles sont des constructions qui n’ont pas une construction
personnelle qui soit équivalente ; en effet, dans ce type de tournure impersonnelle, on ne peut pas rétablir le sujet
réel.
• Verbes météorologiques : Ces verbes ne sont suivis d’aucune séquence : pleuvoir, venter, grêler, geler, tonner,
bruiner, neiger,...
Il pleuvait sans cesse sur Brest...
Il neige depuis 4 heures.
Ce matin il bruinait.
Pleuvoir et neiger peuvent néanmoins être suivis d’une expansion nominale spécifiant la manifestation
matérielle du procès :
Il pleuvait de grosses gouttes.
Il pleut des cordes.
Remarque : certains de ces verbes peuvent avoir un emploi personnel dans un sens figuré.
Les coups pleuvaient sur l’arbitre.
Les tomates plurent sur la scène.

• Falloir :
Il faut du temps. (OD = SN « du temps »)
Il faut y aller. (Proposition Subordonnée Substantive, Infinitive, OD de « faut »)
Il faut que j'aille. (Proposition Subordonnée Substantive, Conjonctive, OD de « faut »)
• Verbes Sembler et Paraître :
Il paraît que c'est possible. (Proposition Subordonnée Substantive, Conjonctive, Attribut)
Il semble qu'il viendra. (Proposition Subordonnée Substantive, Conjonctive, Attribut)
Il semble qu'il est utile de venir. (Proposition Subordonnée Substantive, Conjonctive, Attribut)

• Être (emploi littéraire dans le sens d’exister ou suivi d’une indication temporelle)
Il est de belles fleurs dans le bois.
Il n’est pire sourd que celui qui ne veut entendre.
Il est des parfums frais comme des chairs d’enfant.
Il est huit heures. Il est midi. Il est tard.

• Faire (suivi d’une indication temporelle ou climatologique) :


Il fait nuit, il fait chaud, il fait beau, il fait sombre, il fait doux, il fait humide.
Il fait un temps de chien. Il fait un de ces froids.

• Il y a, il s'agit de, il est question de, il en va de même/ autrement, ...


Il s'agit de trouver la solution le plus vite possible. (Proposition Subordonnée Substantive, Infinitive, OI de « s’agit »)
Il n’en est pas question.
Le premier test a été concluant. Espérons qu’il en ira de même pour les autres.
Marthe est forte en maths. Il n’en va pas de même pour son frère.
Il est question que la place de la gare soit entièrement rénovée.

Cas où le pronom (sujet apparent ou réel) disparaît :


a) Le sujet apparent n’est pas utilisé dans quelque cas : peu s'en faut, peu importe, n'empêche, mieux vaudrait, tant s'en
faut, advienne que pourra et le verbe rester.
Reste encore un point à discuter.
b) Dans la langue familière le pronom impersonnel s'élimine devant les verbes suffire, falloir et y avoir :
Faut pas exagérer.
Suffit comme ça.
Y a pas grande chose à faire ici.

VII.1.3. Formes possibles du sujet réel


La séquence d’une construction impersonnelle peut être soit un syntagme nominal, soit une proposition
subordonnée substantive infinitive, soit une proposition subordonnée substantive conjonctive.

➢ Syntagme nominal → Selon les conditions syntaxiques, des verbes à complément zéro ou intransitifs
admettent seulement la construction personnelle ou les deux (personnelle et impersonnelle). Sont à considérer
les caractéristiques suivantes :

➢ Lorsque le nom est déterminé par un article indéfini ou un adjectif numéral la construction
impersonnelle est aussi possible que la personnelle.
Un accident est arrivé. Il est arrivé un accident.
Deux camions arrivent. Il arrive deux camions.
➢ Si le substantif est précédé d'un article défini, d'un adjectif démonstratif ou d'un adjectif
possessif, on emploie généralement le tour personnel.
Ce camion arrive.
Mon camion arrive.
➢ Pourtant, la tournure impersonnelle devient presque obligatoire lorsque c'est un article partitif
celui qui détermine le nom.
Il manque du sel.
➢ La transformation impersonnelle est aussi conditionnée par la présence ou l'absence des
compléments du verbe. Si le verbe n'a pas de complément, seule la construction
impersonnelle est possible.
Il reste des pommes.
Si le verbe a un complément, les deux tours sont possibles.
Il reste des pommes à vendre.
Des pommes restent à vendre.
➢ Avec quelques pronoms indéfinis sujet (quelqu'un, quelque chose, personne... rien, peu de, plusieurs, je ne sais
qui, n'importe qui...) la construction impersonnelle est possible.
Il viendra quelqu’un de ma part.
Quelqu’un viendra de ma part.
Elle est obligatoire dans le cas de grande chose.
Il n'est pas arrivé grande chose.

➢ Proposition subordonnée substantive conjonctive


Il vaut mieux que tu sortes. → « que tu sortes » Subordonnée substantive, conjonctive, sujet de « vaut mieux ».
Il est difficile qu’il puisse arriver à l’heure.

➢ Proposition subordonnée substantive infinitive


Il vaut mieux sortir. → « sortir » Proposition subordonnée substantive, infinitive, sujet de « vaut mieux »
Il est difficile d’escalader une montagne.

VII.2. Constructions impersonnelles avec ça


VII.2.1. Constructions accidentellement impersonnelles
Les constructions en ça sont plus usuelles, surtout en français parlé, et sont considérées comme plus
familières que les constructions en il.
Le sujet réel du verbe peut être soit après, soit avant.
Ça m’arrive souvent, de me tromper.
Me tromper, ça m’arrive souvent.
Ça arrive que le train soit en retard.
Que le train soit en retard, ça arrive.
Ces constructions sont appelées détachement parce que le sujet est détaché de sa place habituelle et
repris par le pronom ça.

➢ Verbes psychologiques : frapper, étonner, amuser, intéresser, gêner ...


Ça m'étonne, de ne pas le voir.
Me tromper, ça me gêne énormément.
Ça m'amuse de jouer au football.

➢ Verbe Arriver :
Ça m'arrive de ne pas trouver mes clés.
Que le train soit en retard, ça arrive.
➢ Verbe Faire :
Ça me fait plaisir, de le voir.
Ça m'a fait plaisir, que tu sois là.
Ça m'a fait changer d'avis, de voir cela.

➢ Verbe Apprendre :
Ça m'a appris de choses, d'avoir été en classe.
Ça m'a appris quelque chose, qu'on m'ait envoyé là.

➢ Verbe Servir :
Ça ne m'a servi à rien d'y aller.
Ça m'a beaucoup servi, que vous soyez là.

➢ Verbe Plaire :
Ça ne me plaît pas, d'aller au cinéma.
Ça te plaît, qu'on soit ici.
Ça ne plaît pas à Sophie, que tu ne sois pas venu.

➢ Verbe Compter :
Ça compte, de savoir l'anglais.
Ça compte, que vous soyez venu.

➢ Verbe Coûter :
Ça m'a coûté 20 euros de garer la voiture là.
Ça m'a coûté cher d'aller en vacances.

VII.2.2. Formes possibles du sujet réel


Le sujet réel des phrases détachées se présente sous deux formes différentes : soit une proposition
subordonnée substantive infinitive (précédée de la préposition de) soit une proposition subordonnée
substantive conjonctive.
Ça compte, de savoir l'anglais.
Ça compte, que vous soyez venu.

VII.3. Mode verbal dans les constructions impersonnelles


Le mode dans la complétive impersonnelle sujet dépend du sens du verbe et/ou de l’adjectif opérateur
et répond à la vision du locuteur.
Lorsque le verbe ou la locution verbale exprime la possibilité, l’impossibilité, le doute, la négation, la
nécessité, l’appréciation ou l’ordre, on emploie le subjonctif.
Il est douteux qu’il vienne.
Il faut qu’il comprenne.
Par contre, on utilise l’indicatif lorsqu’on veut actualiser le procès énoncé et le situer dans une époque
distincte. On utilise donc, des formes impersonnelles supposant l’idée de certitude, de vraisemblance ou de
résultat.
Il est certain qu’il viendra.
Il paraît qu’il a plu hier.
Exercices :
1) Mettez les expressions suivantes à la forme impersonnelle.
Modèle : ? Un gâteau est resté → Il est resté un gâteau
1. Deux trains passent chaque jour.
2. De nombreuses difficultés subsistent.
3. Un grand silence régnait.
4. Quelqu’un viendra de ma part.
5. Une herbe fine pousse.
6. Une information nous parvient.

2) Analysez les constructions impersonnelles d’après la grille suivante :


Construction essentiellement impersonnelle vs accidentellement impersonnelle
Pour les accidentellement impersonnelles :
1. Sujet apparent (il, ça) et Verbe ou adjectif opérateur
2. Phrase personnelle
3. Forme du sujet réel : SN (Commentaires pertinents)
Proposition conjonctive
Proposition Infinitive
1. Il lui fallut retourner au logis.
2. Il est aux bois des fleurs sauvages.
3. Il traînait par les bois une bruine incolore.
4. Il soufflait par là-dessus un air sec, hilarant.
5. Il me reste à faire quelque chose.
6. Je pense aux efforts qu’il a fallu pour percer ce tunnel.
7. Il faisait un temps splendide.
8. Il n’est rien arrivé de fâcheux.
9. Il faut que l’on soit sage avec mesure.
10. Il convenait de respecter l’autorité.
11. Il ne sert à rien de courir : il faut partir à point.
12. Manque-t-il quelque chose à votre bonheur ?
13. Quand il pleut, nous avons la ressource de lire.
14. Il convient de rendre à César ce qui est à César.
15. Il monte du sol une rosée qui noie les contours du paysage comme s’il bruinait.
16. Dans les mois d’été, il circule parfois des souffles lourds, puis subitement il vente, il éclaire, il tonne.
17. Vous plairait-il de répéter ces paroles ?
18. Il importe que vous fassiez cette démarche.
19. Il me revient que vous avez mené votre équipe à la victoire.

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