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Le droit syndical
et le droit de grève
en danger
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EDITORIAL
Syndicalisme, grèves
et politique
La loi sur l’exercice du droit syndical interdit aux
syndicats de se livrer à une « activité politique ». La loi
portant exercice du droit de grève interdit pour sa part
les grèves organisées pour des « motifs politiques ». Les
contrevenants risquent le licenciement, une amende
voire une peine d’emprisonnement pour les travailleurs
et une suspension voire une dissolution pour les
organisations syndicales.
Tous les gouvernements qui se sont succédé à la tête du
pays depuis 1962 ont accusé à un moment ou à un autre
l’UGTA de « faire de la politique ». Cette accusation était
portée uniquement lorsque la Confédération faisait
preuve d’autonomie à l’égard de l’Exécutif. Jamais un
président de la République ne reprocha à l’UGTA de
soutenir sa politique ou sa candidature à un nouveau
mandat. La centrale fut au contraire sollicitée et
mobilisée à maintes reprises pour mener campagne
pour le Président « sortant », candidat à sa
« réélection ». Mais si l’appareil bureaucratique de
l’UGTA fut totalement récupéré au début de ce siècle, la
base, elle, et certaines instances intermédiaires ne
cessèrent de mener des luttes et des grèves, même
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lorsque la direction s’engageait à assurer la « paix
sociale » à l’occasion des Tripartites.
Apparus à la lisière des décennies 1980-1990, les
syndicats autonomes se sont de leur côté développés
depuis et ont échappé à la tutelle politique directe du
Pouvoir. Eux aussi ont été accusés de faire de la
politique.
C’est dans le but d’empêcher les travailleurs de contrer
sa politique libérale par le biais de son organisation
autonome et de la grève que le Gouvernement a intégré
dans ses deux lois l’interdiction d’agir et de s’organiser
pour des motifs politiques.
Toutes les bourgeoisies du monde et leurs
gouvernements rêvent de voir les travailleurs ne jamais
sortir de l’étroit rapport employés-patron et de
maintenir leur lutte sur un plan strictement corporatiste,
sectoriel, local... Ils ne veulent pas que les travailleurs et
leurs organisations syndicales fassent de la politique,
mènent des combats politiques. C’est pourquoi ils
tracent une ligne rouge entre action syndicale et action
politique, organisation syndicale et organisation
politique qu’ils opposent les unes aux autres.
Cette conception bourgeoise est malheureusement
partagée par une partie du mouvement syndical qui est
sous influence réformiste en Algérie comme à l’échelle
mondiale. Or, dès que les travailleurs et leurs
organisations syndicales mènent une lutte qui dépasse le
cadre immédiat du rapport employés-patron pour
atteindre le niveau gouvernemental et étatique, leur
combat devient politique. Refuser les deux lois du
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Gouvernement, comme le font actuellement les
travailleurs et leurs syndicats est un combat politique
car l’issue de cet affrontement déterminera directement
l’évolution du rapport de forces entre la classe
capitaliste, d’un côté, et la classe ouvrière (ou le
prolétariat), de l’autre. Que ces lois passent et le
gouvernement qui aura infligé une défaite au
mouvement ouvrier lui imposera d’autres reculs. A
l’inverse, si les travailleurs imposent le retrait de ces lois,
le gouvernement rencontrera plus de difficultés dans
l’application de sa politique néolibérale antipopulaire.
En menant une grève « sauvage » les 17 et 18 mai 2023,
alors que celle-ci est considérée comme « illégale » par
la Justice, les travailleurs de l’Entreprise portuaire
d’Alger (EPAL) ont fait de la politique. Car au-delà de
leurs revendications purement syndicales, leur mode
d’action (la grève) allait directement à l’encontre des
nouvelles lois qui les pénalisent.
Les partisans du socialisme considèrent qu’il est tout à
fait légitime que les travailleurs et leurs organisations
syndicales mènent des grèves politiques et inscrivent
des objectifs politiques à leurs programmes. Refuser le
bradage de l’économie nationale à travers la
privatisation des entreprises publiques économiques et
financières, s’opposer à l’installation de zones franches,
exiger l’instauration d’un impôt sur la richesse, un SNMG
à 50 000 DA, la liberté d’action syndicale contre
l’autoritarisme patronal privé et public ou la fin des
restrictions imposées au droit de grève… toutes ces
revendications sont politiques car leur but est de
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maintenir ou de modifier le rapport de forces entre les
classes dans le pays à l’avantage des travailleurs ou, au
contraire, à celui du patronat et de son pouvoir
politique.
L’incapacité des travailleurs et du mouvement syndical à
s’opposer aux deux lois sur l’organisation syndicale et le
droit de grève ne peut qu’entraver leur résistance aux
politiques libérales du Gouvernement. Des politiques qui
servent les intérêts du patronat algérien et étranger. Ce
dernier est invité à investir au prix d’une dangereuse
intégration et soumission de l’économie nationale au
capitalisme international et d’une régression des
conditions de vie et de travail.
Il convient de déconstruire les discours et de combattre
les mesures visant à désarmer les travailleurs et à les
empêcher de réagir à ces politiques libérales antisociales
et antinationales. Les partisans du socialisme incitent les
travailleurs à se mobiliser et à lutter dans l’unité la plus
large pour arracher l’abrogation de ces deux lois.
Ils appellent les travailleurs les plus conscients à
propager l’idée que le prolétariat et ses organisations
syndicales ne doivent pas se contenter de mener le
combat politique sur le plan syndical, mais qu’ils doivent
renouer avec l’objectif que portait l’UGTA au cours des
premières décennies de l’indépendance. Cet objectif
était d’en finir avec l’exploitation en construisant une
société socialiste.
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Liberté de la presse
et ingérences en Algérie
L’adoption par le Parlement européen le 11 mai 2023
d’une résolution intitulée « sur la liberté des médias et la
liberté d’expression en Algérie, le cas du journaliste
Ihsane El-Kadi »1 a provoqué un débat sur la scène
politique nationale et dans les communautés
algériennes à l’étranger. Certains défenseurs d’El Kadi
Ihsane placent la question des libertés au-dessus de
celle de la souveraineté nationale. Ils n’hésitent pas pour
ce faire à solliciter le soutien d’Etats et d’institutions
occidentales dont les intentions sont loin d’être
innocentes. C’est le cas du Parlement européen. A
l’inverse, le Pouvoir et ceux qui le soutiennent opposent
la souveraineté nationale aux libertés qu’ils réduisent
chaque jour davantage et accusent le Parlement
européen d’ingérence.
Il est temps de rompre avec ces deux visions
unilatérales. Contrairement à ce qu’affirment les
premiers, le danger extérieur est bien réel. Et le
Parlement européen est au service de l’impérialisme et
non de la liberté des peuples. Mais contrairement à ce
qu’affirme le Pouvoir, les libertés sont bafouées en
1. https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/TA-9-
2023-0198_FR.html
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Algérie où l’arbitraire règne en maître. Cette politique
répressive met gravement en danger le front intérieur et
menace la souveraineté nationale.
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bénéficier d’un statut officiel d’observateur au sein de
l’Union Africaine (UA)…
Par ailleurs, le cadre régional est largement déstabilisé
par les interventions militaires répétées de
l’impérialisme français et de ses alliés aux frontières de
l’Algérie (Libye et Sahel). On constate aussi la relation en
dents de scie entre gouvernements français et algérien
et la situation économique, sociale et politique difficile
traversée par la Tunisie. La fin de la « neutralité »
espagnole dans la question sahraouie a débouché sur la
dénonciation par l’Algérie du traité d’amitié et de
coopération avec l’Espagne. Cette décision a entrainé en
retour des pressions de l’UE sur Alger. Le refus réitéré
d’appliquer en l’état l’accord d’Association avec l’UE et
le soutien constant au peuple palestinien ne pouvaient
pour leur part que renforcer la méfiance des
impérialistes occidentaux vis-à-vis de l’Algérie.
Depuis, la contradiction avec la Triade impérialiste n’a
fait que s’accentuer. Le refus du gouvernement algérien
d’appliquer les sanctions contre la Russie dans le
contexte de la guerre en Ukraine va à l’encontre de la
politique US qui exige des Etats qu’ils « choisissent leur
camp ». Par ailleurs, sa demande d’adhésion aux BRICS,
ses multiples partenariats avec la Turquie, le Nigéria,
l’Afrique du Sud, son orientation africaine de plus en
plus nette, en particulier en direction de l’Afrique sub-
saharienne où il soutient le gouvernement malien qui a
rompu politiquement avec le néocolonialisme français,
la participation à des manœuvres militaires conjointes
avec la Russie et la Chine illustrent le fait que l’Algérie
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participe à l’effort de remise en cause de l’ordre mondial
unipolaire occidental. Signalons également l’inquiétude
exprimée à de multiples reprises par des militaires
occidentaux vis-à-vis de ce qu’ils nomment une
« politique de réarmement » donnant la possibilité à
l’armée algérienne de bloquer le détroit de Gibraltar et
donc la Méditerranée occidentale. A cela s’ajoute la
participation active de l’Algérie à la politique de défense
des prix du pétrole par l’OPEP+, politique qui déplaît
fortement aux USA et à l’UE.
L’organisation à Alger en octobre 2022 de la Conférence
d’unification des rangs pour l’unité nationale
palestinienne et la tenue quelques jours plus tard,
toujours à Alger, du 31ème Sommet de la Ligue arabe
visaient à empêcher de nouveaux Etats de se joindre aux
« accords d’Abraham » de normalisation avec l’Etat
colonial sioniste. Le renforcement des relations avec
l’Iran, la Turquie, la Russie, la Chine, l’Afrique du Sud… et
l’implication du gouvernement algérien dans le retour
du régime syrien au sein de la Ligue arabe lors du 32ème
Sommet de cette organisation ne pouvaient que
déplaire aux impérialistes occidentaux.
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monopoles capitalistes industriels et financiers (lobbies).
La Commission européenne élabore les lois et autres
décrets, prend et exécute les décisions.
Le système institutionnel de l’UE n’a donc rien de
démocratique. Rejeté par les électeurs en 2005, le projet
de Constitution européenne fut finalement adopté en
2009 sans débat ni consultation populaire par les chefs
des 27 Etats de l’UE sous l’appellation de Traité de
Lisbonne. Il ne faut pas oublier que le peuple grec fut
étranglé par la Commission européenne et la Banque
centrale européenne avec le soutien du FMI. Le
Parlement européen dénonça-t-il le viol, par le Premier
ministre grec Aléxis Tsipras en juin 2015, du choix de son
propre peuple exprimé lors du référendum organisé par
son gouvernement à propos d’une « aide » européenne
? Non, à chaque fois le Parlement européen entérina.
Enfin, s’est-il ému et a-t-il condamné la violation de plus
en plus systématique des droits de l’homme et des
libertés par le régime de Paris au cours de ces dernières
années ? Pas davantage.
A l’extérieur du Vieux continent, c’est le règne du deux
poids, deux mesures. Si sa condamnation du régime
iranien pour atteinte aux droits de l’Homme est
constante, le Parlement européen se contenta de
qualifier l’assassinat du général Kassem Soleimani par les
USA de « mort »… De même qu’il soutint le putschiste
d’extrême-droite vénézuélien Juan Guaido et la politique
de sanctions contre le régime Maduro ainsi que le coup
d’Etat qui renversa Evo Morales en novembre 2019 en
Bolivie. Le Parlement européen a-t-il pris position contre
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le soutien de la Commission européenne et des Etats
européens à l’agression du peuple yéménite par la
coalition dirigée par l’Arabie saoudite ? A-t-il dénoncé la
répression du peuple bahreïni par le régime de
Manama ?
Partant de là, il est clair que le Parlement européen n’a
aucune légitimité pour se prononcer sur la situation des
droits de l’Homme en Algérie ou dans le monde.
Prétendant abusivement représenter la conscience
universelle en matières de droits de l’Homme et de
libertés, le Parlement européen n’est en définitive qu’un
donneur de leçons. Son but réel est de perpétuer
l’influence idéologique des puissances de la Triade
impérialiste et de justifier leur politique de pression et
de violation de la souveraineté des Etats par le biais
d’ingérences (sanctions, embargos…) et d’interventions
militaires. C’est également le cas d’un certain nombre
d’ONG.
Affirmer que l’Algérie est ciblée par les puissances
impérialistes ne signifie pas que celles-ci se préparent à
intervenir militairement contre notre pays. Mais il est
clair que l’Etat algérien est ciblé économiquement,
diplomatiquement, politiquement, financièrement et
idéologiquement afin de l’amener à servir au mieux les
intérêts des puissances occidentales. Dans le cas
contraire ou si la situation internationale devait se
dégrader davantage, une intervention armée ne saurait
être exclue, directement ou par Maroc et Israël
interposés.
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Le peuple algérien n’a pas besoin de la solidarité
empoisonnée des puissances impérialistes (USA, UE,
Parlement européen…). Il doit rejeter toute forme
d’ingérence tout en acceptant le soutien des forces
progressistes et anti-impérialistes (syndicats,
mouvements, partis, intellectuels…) qui se tiennent
sincèrement aux côtés des peuples. Ainsi et malgré
d’incontestables limites politiques, la lettre adressée par
dix grands intellectuels2 à Abdelmadjid Tebboune ne
peut être assimilée à de l’ingérence ou à une atteinte à
la souveraineté nationale du fait du passé et de la
personnalité politique de ses initiateurs. Qui peut
sérieusement les accuser de vouloir déstabiliser
l’Algérie pour le compte d’une puissance étrangère ? Le
silence de ceux qui s’empressent habituellement de
dénoncer tous ceux qui adressent la moindre critique au
régime et à sa politique est extrêmement révélateur…
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Car contrairement au discours tenu par les officiels et
leurs partisans, la situation des libertés en Algérie est
désastreuse. Incapable d’affronter politiquement et
idéologiquement ses adversaires, le Pouvoir verrouille
les champs politique, médiatique, syndical et associatif.
Il réprime de plus en plus systématiquement ses
opposants et, davantage encore, des citoyens qui
s’expriment sur les réseaux sociaux. La réforme du code
pénal3 lui permet d’emprisonner et de condamner
abusivement celles et ceux qui osent le défier. La
détention provisoire continue d’être arbitrairement
utilisée. La justice n’a aucune indépendance et se trouve
plus que jamais soumise aux injonctions des
gouvernants.
Les partis de l’opposition légale sont bâillonnés et
paralysés de peur d’être suspendus, comme l’est
actuellement le PST, ou menacés de dissolution comme
l’est l’UCP. Les libertés syndicales et le droit de grève
sont gravement menacés (voir le dossier syndical).
Une telle politique fournit des munitions aux grandes
puissances impérialistes. Elle fragilise gravement le
front intérieur. La contradiction entre le slogan de «
défense du front intérieur » et sa mise en pratique
effective s’accroît dangereusement. Les gouvernants
tiennent un discours triomphaliste d’autosatisfaction de
plus en plus déconnecté de la réalité de la société. Car ce
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Sa mise en accusation aurait certainement été plus
crédible s’il avait été convoqué par la Justice, si son
procès avait été équitable, si des centaines d’autres
citoyens ne croupissaient pas en prison pour délit
d’opinion ou pour opposition politique, si l’arbitraire ne
régnait pas en maître dans le pays, si le droit de grève et
d’organisation syndicale n’était pas entravé, si les
patrons privés ne se payaient pas le luxe d’interdire à
leurs salariés de s’organiser en syndicats sans être
inquiétés par la Justice, s’ils étaient contraints, en
pratique, de respecter le droit de grève, si les partis de
l’opposition légale n’étaient pas suspendus (PST),
menacés de dissolution (UCP) ou entravés dans leur
fonctionnement (MDS)…
Aujourd’hui, le Pouvoir ne supporte pas ceux qui
pensent différemment, ne tolère aucune opposition,
accuse tous ceux qui le contestent de vouloir déstabiliser
le pays et d’être au service de « forces étrangères » qu’il
n’identifie jamais clairement et précisément. Il
instrumentalise la Justice (réforme du code pénal) afin
de criminaliser l’action des opposants assimilés
globalement à des traîtres et des terroristes.
En réalité, le Pouvoir refuse de laisser des forces sociales
émerger et s’organiser de façon indépendante. Il est
dans le déni des contradictions sociales, politiques et
idéologiques qui traversent la société algérienne. Il reste
habité par l’esprit du parti unique.
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Liberté pour les détenus d’opinion et les opposants
C’est pourquoi nous revendiquons la libération des
détenus d’opinion, des militants politiques, dont Ihsane
El Kadi et le jugement éventuel mais équitable de tous
ceux qui auraient commis un délit voire un crime. Nous
revendiquons le libre exercice des libertés
démocratiques, le respect des libertés syndicales et du
droit de grève, la fin du harcèlement des syndicalistes…
Dans le même temps nous continuerons, en tant que
partisans du socialisme et de défenseurs des intérêts des
travailleurs, à critiquer et à combattre l’idéologie et le
projet politique néolibéral porté par Ihsane El Kadi et
tous les représentants politiques et idéologiques de la
bourgeoisie compradore, qu’ils soient dans l’opposition
ou au sein du régime.
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ÉCRIS !
Le poème que nous patageons ici a été traduit,
adapté et publié par Assia Djebar* en 1962. Il fut
souvent déclamé au XIXe siècle par le poète
résistant, Abdelkader Ben Othman dit Kaddour
Benothman.
Écoute le poète ! Lis-le !
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Quand le chien se prend pour un roi des forêts.
Écris : le hibou a les faveurs du fauconnier ; sur le poing
ganté
Il se pavane, et se vante de vaincre à la chasse le milan.
Écris : le destrier que se réservaient les princes
N’est bon maintenant que pour le boucher.
La marque qu’il porte sur ses flancs
N’est pas du carapaçon, mais du vétérinaire.
Écris : l’âne dont les outres battaient le ventre
S’avance pour la parade avec des housses de Damas
Tandis que le cheval de race pourrit dans la crotte.
Écris que les boucs avec leurs chèvres s’établissent dans
les plaines fertiles
D’où on fuit les méharas, d’où les gazelles s’exilent.
Tout est si bouleversé que le scandale devient naturel.
Dans tes cahiers, écris la satire de ce siècle, poète !
Écoute-moi !
…………………………………………………………………………………….
Panthères et lions sont oubliés ; chacun se tapit dans son
terrier.
Écris que les hérissons qui se recroquevillaient, dressent
la tête,
Que les singes, autrefois nus, s’habillent de riches
caftans.
Voici venu le temps du chacal ; il attaque, terreur parmi
les tigres !
Le renard sort de son trou, le rat se gonfle de vantardise.
Écris que j’ai vu le chat sauvage manifester son
courroux.
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Écris : les animaux se rassemblent tous autour de la
charogne
Et chacun de prendre part à la curée.
Écris que nos savants ne savent pas leur alphabet.
Le soleil s’est couché et les crapauds se montrent.
Dans tes cahiers, écris la satire de ce siècle, poète !
Écoute-moi !
……………………………………………………………………………………
Les esclaves de nos maîtres, engraissés, sont devenus
foule.
Ils affichent leurs prétentions abjectes en plein jour
Puis quand vient la nuit, on les voit tous se rendre au
rapport.
Les bureaux de police sont pleins de leurs grognements
de chameaux.
Tortues et grenouilles sont devenues l’élite.
Les serpents ont perdu leur venin.
La chèvre vit dans le luxe, comme dans un écrin.
Mais nos braves, eux, sont en prison et dans la boue !
……………………………………………………………………………………
Le cuivre est de mode aujourd’hui, à la place de l’or.
Dans tes cahiers écris la satire de ce siècle, poète !
Écoute-moi !
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Tiré de Desparmet, Les réactions, chapitre IV, pp. 40-42 :
traduction d’un chant « Sur les anomalies de notre
époque » : le cuivre à la vogue et l’on refuse l’or ».
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DOSSIER SYNDICAL
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l’investissement simplifie les procédures administratives
par, entre autres, l’ouverture d’un guichet unique. Elle
garantit le transfert des dividendes et capitaux, accroît
les incitations fiscales et cherche à débloquer des projets
d’investisseurs par le biais de médiateurs. Elle autorise
l’ouverture de zones franches. De son côté, la nouvelle
loi sur la monnaie et le crédit « assure une autonomie
de la Banque d’Algérie », vieille revendication centrale
du FMI, de la Banque mondiale et de tous les
néolibéraux. Elle supprime « la pénalisation du non-
rapatriement dans les délais des devises issues de
l’exportation des biens et services » et accorde de
nouvelles facilités au capital algérien et étranger. Après
la quasi-disparition de la règle de partenariat 51/49%
dans la loi de Finances 2022, la loi de Finances 2023
allège « la procédure obligeant les investisseurs à
réinvestir 30% des montants correspondant aux
exonérations au titre de l’impôt sur les bénéfices des
sociétés (IBS) et la taxe sur l’activité professionnelle
(TAP), octroyées dans le cadre des dispositifs d’aide… »i
La même dépêche informe que la LF 2023 leur octroie
« la possibilité d’investir ou d’effectuer des placements
dans des start-up ou des incubateurs. » Les investisseurs
bénéficient d’une autorisation de dédouanement des
chaînes et matériels de production de moins de 5 ans et
des équipements et matériels agricoles de moins de 7
ans… Tels sont quelques-uns des nombreux cadeaux que
le gouvernement du Président Tebboune fait au
patronat algérien et étranger.
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L’un des objectifs centraux de cette politique consiste à
hisser le taux d’intégration de l’économie algérienne
dans la chaîne mondiale des valeurs. En termes clair, il
s’agit de développer la dépendance et la soumission au
système capitaliste néolibéral mondial. En 2022, les
Etats-Unis ont été les invités d’honneur de la 53ème Foire
internationale d’Alger (FIA). L’Algérie demande aux
hommes d’affaires US d’investir, en particulier dans le
Grand Sud.
Certes, la libéralisation n’est pas totale. L’aide aux
entreprises publiques en difficulté se poursuit en dépit
des lamentations des ultralibéraux. L’Algérie n’a
toujours pas adhéré à l’OMC. L’accord d’Association
avec l’UE reste suspendu et la convertibilité du dinar qui
impliquerait sa dévaluation n’est pas encore entrée en
application. La levée des subventions est annoncée mais
toujours pas opérationnelle…
Mais globalement, la volonté gouvernementale est à
l’élargissement et à l’accélération des réformes
structurelles en vue de permettre au secteur privé de
devenir le moteur d’une croissance soutenue et de
favoriser une plus grand intégration au capitalisme
international comme le souhaite le rapport de la Banque
mondiale de suivi de la situation économique de
l’Algérie à l’automne 2022.
Pendant ce temps, les travailleurs et des démunis se
paupérisent, rejoints par une partie importante des
couches moyennes qui se prolétarisent. Les salaires
n’avaient pas augmenté depuis 2012. La réduction de
l’Impôt sur le revenu global (IRG) n’a eu aucun effet
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bénéfique sérieux sur le pouvoir d’achat des salariés.
Une étude menée en 2022 par le Syndicat autonome des
travailleurs de l’éducation (Satef) indiquait que le salaire
minimum pour vivre dignement devrait s’établir à
80 000 DA, soit quatre fois le montant de l’actuel SNMG.
Or l’inflation n’a fait que croître depuis…
Le gouvernement annonçait à la même époque : «La
levée des subventions sur les produits de première
nécessité est en marche ». Il entendait ainsi « libérer »
les prix du pain, de la semoule, du sucre, de l’huile, de
l’eau, de l’électricité, du gaz, des transports… produits
qui ont permis aux Algériens de vivre décemment depuis
l’indépendance et de voir leur état de santé ainsi que
leur espérance de vie progresser. En revanche, il n’était
nullement question de « libérer les salaires » de la
majorité des travailleurs, de régler le problème du retard
ou du non-paiement des salaires dans de nombreuses
entreprises…
En mai 2022, une maître de conférence en science
politiques non hostile au libéralisme économique
résumait ainsi la situation en expliquant que « le modèle
socialiste avait permis de réduire les inégalités héritées
de la colonisation grâce à une classification nationale
des postes de travail selon la formule : ‘’ A travail égal,
salaire égal’’ »4. A l’époque, poursuivait-elle, « l’objectif
de la réduction des inégalités était prioritaire… » A
l’inverse, … « le modèle conventionnel libéral offre plus
de flexibilité mais continue à approfondir les inégalités
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démocratiques. Le droit d’expression est bafoué,
l’information est verrouillée, le droit de manifester est
de nouveau interdit, le droit de réunion est étroitement
contrôlé et l’activité des partis est presque totalement
paralysée. Des centaines de citoyens sont détenus pour
avoir exprimé leur opinion ou pour leur opposition. Ils
ne peuvent bénéficier d’un jugement équitable du fait
de la subordination de la Justice au Pouvoir politique. Un
climat de peur s’est répandu dans le pays. Plus personne
n’ose sortir dans la rue pour protester ou revendiquer.
Plus personne, sauf les travailleurs. Eux continuent à se
battre quotidiennement et dans toutes les régions du
pays. Ils se battent dans leurs entreprises pour la
satisfaction de leurs revendications immédiates, mais
aussi pour les intérêts de tous les travailleurs du pays et
la défense de l’économie nationale. Ils se battent pour
les libertés syndicales en particulier mais aussi pour les
libertés démocratiques en général. Ils contestent les
injustes décisions de justice, revendiquent le droit de
faire de la politique et d’appartenir en même temps à
des organisations syndicales et politiques…
Contrairement aux centaines de milliers de citoyens qui
ont participé aux marches du Hirak, les travailleurs ont
l’avantage d’être concentrés sur leurs lieux de travail,
d’avoir les mêmes revendications, de se connaître et de
se faire confiance et, surtout, d’être organisés. Les
syndicats sont présents dans toutes les communes du
pays même si l’un des principaux handicaps freinant le
combat des travailleurs est la quasi absence
d’organisation dans les entreprises privées.
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Les travailleurs n’ont jamais cessé de lutter. Ils
combattaient avant le Hirak. Ils ont combattu durant le
Hirak. Ils continuent à le faire comme l’a prouvé le
rassemblement dans la rue à Alger le 1er Mai dernier
organisé par la Confédération des syndicats autonomes
(CSA). Ils ne renonceront pas à lutter à l’avenir,
contrairement à ce qu’espère le gouvernement. Ils ne le
feront pas car leur situation sociale qui se dégrade de
plus en plus leur impose inéluctablement de lutter. Seuls
des technocrates et politiciens néolibéraux coupés des
réalités sociales et n’ayant aucune connaissance de
l’histoire du mouvement social dans notre pays et dans
le monde peuvent croire et espérer freiner les luttes de
ces travailleurs. Elles iront au contraire en se
développant sous le sceau implacable de la nécessité.
Au-delà de ses limites objectives et subjectives, le
mouvement syndical constitue objectivement la colonne
vertébrale du mouvement démocratique dans notre
pays. Il se situe au croisement des trois principes du
peuple que sont la souveraineté nationale, la justice
sociale et la démocratie pour lesquels il lutte depuis
toujours. Il a donc vocation à prendre la direction du
combat pour l’instauration d’une démocratie réellement
sociale, réellement populaire.
On comprend dans ces conditions pourquoi le
gouvernement tente d’empêcher cet outil de lutte des
travailleurs algériens conquis de haute lutte depuis un
siècle (sous la colonisation puis à l’indépendance), de
prendre conscience de sa force et de prendre la tête de
tous les exploités et opprimés de notre pays.
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LOI SUR L’EXERCICE DU DROIT SYNDICAL
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conflits et le droit du recours à la grève. Les critères de
représentativité syndicale contenus dans la loi 90‐14 en
vigueur vont connaitre un durcissement tel qu’il sera
difficile à la majorité des syndicats actuels ou à venir de
bénéficier de justifier leur représentativité.
Le premier critère prévu par le projet est l’existence
légale d’un syndicat depuis au moins une année, alors
que cette durée est fixée à six mois actuellement.
Le deuxième critère est le taux d’adhésion qui sera fixé à
30 %, alors qu’il est de 20 % actuellement8. Le hic est que
le mode prévu par le projet pour la détermination du
nombre total des travailleurs d’une entreprise,
notamment les CDD, à considérer pour calculer le taux
de représentativité d’un syndicat, pourrait priver un
syndicat d’être considéré comme représentatif même
dans le cas où son taux d’adhésion dépasse les 50 %.
Le troisième critère enfin est celui du pourcentage des
voix exprimées récoltées à l’occasion des élections
professionnelles, dont le seuil minimal sera fixé à 30 %,
alors que ce taux est fixé entre 6 et 10 % au niveau
international et à 20 % dans la loi 90‐14 actuelle. Ces
critères n’auront comme effets que l’interdiction totale
des syndicats dans l’ensemble des entreprises privées
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les frais de formation eux‐mêmes seront dorénavant à la
charge de ces syndicats. Le hic est que toute activité
économique, commerciale ou immobilière susceptible
d’assurer à un syndicat un financement complémentaire
sera interdite comme sera interdite la retenue à la
source par les employeurs des cotisations syndicales des
travailleurs en vue de les verser aux organisations
syndicales concernées. Le but non déclaré de ces mesures
est de pousser les Syndicats à augmenter les montants
des cotisations syndicales et diminuer ainsi le nombre
d’adhérents. »
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LOI SUR L’EXERCICE DU DROIT DE GREVE
Une remise en cause
du droit de grève
Ce texte procède de la même démarche que celui
portant exercice du droit syndical. Il vise à paralyser
l’action des travailleurs. Nous revenons là aussi à
l’entretien que Nouredine Bouderba a accordé à
REPORTERS et dans lequel il recense quelques-uns des
principaux dangers qu’il recèle :
« Premièrement, en plus des secteurs et professions de
souveraineté ou stratégiques et sensibles définis
clairement dans la loi 90‐02 en vigueur, la grève sera
interdite dans des secteurs et pour des personnels et
des fonctions dont la liste sera fixée par voie
réglementaire.
De plus, outre les grèves organisées pour des motifs
politiques, seront déclarées illicites les grèves inopinées,
illimitées, discontinues ou de solidarité ; les grèves ayant
des causes ou revendications non purement
socio‐professionnelles. Ainsi, les travailleurs ne
pourront plus faire grève pour protester contre une
politique économique qui leur est hostile, contre la
privatisation de leur outil de travail, etc. Seront
également déclarées illicites les grèves déclenchées par
une organisation syndicale, dont l’existence légale ou la
représentativité ne sont pas établies ; les grèves n’ayant
pas été approuvées par la majorité des travailleurs
37
réunis en assemblée générale et les grèves n’ayant pas
été précédées de préavis. Une condition que
l’employeur ou l’inspecteur de travail peuvent rendre
impossible à réaliser en refusant juste d’accuser
réception du préavis déposé par un syndicat et
également les grèves déclenchées avant l’épuisement
des procédures de règlement légales. Le projet ajoute
aux procédures de règlement légales actuelles une
procédure de médiation obligatoire qui n’existe nulle
part dans le monde, la médiation par définition doit
découler de la volonté et de l’accord préalable des
parties au conflit. Le plus grave est qu’en cas de non
accord sur la désignation du médiateur (la liste des
médiateurs agréés sera arrêtée par le gouvernement), la
situation sera bloquée et le syndicat ne pourra pas user
de son droit de grève, la procédure n’étant pas épuisée.
De plus, seront également déclarées illicites les grèves
déclenchées après le recours à l’arbitrage. Il faut
préciser que l’arbitrage pourra être imposé
unilatéralement par les pouvoirs publics et que le
nombre de représentants des travailleurs dans les
commissions d’arbitrage nationales et de wilayas ne
représentera plus que le tiers de leur nombre total
contre 50 % actuellement.
Deuxièmement, le projet de loi impose l’observation
d’un service minimum, dont le taux ne peut être
inférieur à 30% du collectif concerné par la grève, et
dispose que les secteurs d’activités et des postes de
travail concernés seront fixés par voie réglementaire
pour les institutions et administrations publiques et par
38
les autorités publiques pour le secteur économique en
cas d’absence d’accords collectifs sur la question.
Troisièmement, le recours à la grève doit être approuvé
par un vote à bulletin secret à la majorité absolue des
travailleurs réunis en assemblée générale, constituée
d’au moins des deux tiers (2/3) des travailleurs
composant le collectif concerné contre 50 % dans la loi
actuelle.
Quatrièmement, les procédures de règlement
obligatoires (conciliation, médiation et arbitrage), dont
le non‐respect pourra conduire au licenciement les
travailleurs, à l’emprisonnement les syndicaliste et la
dissolution de l’organisation syndicale, sont multipliées
sans raison et leurs durées minimales allongées à
l’extrême dans le seul objectif de rendre ineffective
toute décision de grève. A titre illustratif, la durée
minimale cumulée totale de l’ensemble des procédures
de règlement obligatoires, préalables au déclenchement
d’une grève, prévues par le projet de loi sera de
soixante‐douze (72) jours dans la Fonction publique et
cent quatorze (114) jours dans le secteur économique
contre 20 jours dans les deux secteurs actuellement.
Cinquièmement, des peines, sous forme de
licenciement, amendes et emprisonnement, très sévères
sont prévues contre tout travailleur qui violerait les
dispositions du nouveau projet de loi, tandis que des
peines de suspension ou de dissolution seraient
prononcées contre les organisations syndicales
incriminées. »
39
40
Paroles de syndicalistes
A la suite de l’adoption des deux lois sur l’activité
syndicale et le droit de grève, deux travailleurs
syndicalistes ont exprimé leur point de vue.
41
Ton syndicat a-t-il participé à des initiatives contre ces
textes ? Lesquelles ?
Plus d’une trentaine d’entités syndicales dans la fonction
publique essayent de mener une bataille malgré la
répression de la journée de protestation du 28 février
2023 et le rassemblement organisé le 1er mai 2023 à
Alger, une action hautement symbolique de par
l’identité de cette date chère au mouvement ouvrier
international et d’autre part pour casser le mur de la
peur qui terrorise la population.
43
passibles de licenciement abusif sans droit de recours ni
indemnisation.
44
. Le second travailleur est membre d’un syndicat
autonome de la fonction publique extérieur à la
Confédération des syndicats Algériens (CSA).
45
Il n’y a eu jusqu’à présent aucune réaction officielle de
notre syndicat même s’il nous arrive d’en parler entre
militants ou sur Facebook. A la base, des syndicats
expriment des inquiétudes sur le contenu du texte et
pensent que ce sont des lois qui visent à limiter l’activité
syndicale et les libertés syndicales ainsi que le droit de
grève et d’autres droits démocratiques.
46
PETITION
47
libre exercice du droit de grève du « Projet de loi relatif à
l’exercice du droit syndical » et du « Projet de loi relatif à
la prévention, au règlement des conflits collectifs de
travail et à l’exercice du droit de grève » élaborés par le
ministère du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale.
- faisons part de notre étonnement et de notre
incompréhension devant l’absence totale de
concertation avec les organisations syndicales durant la
période d’élaboration de ces deux textes,
- constatons que ces deux textes, s’ils sont adoptés,
rendront légalement impossibles l’exercice du droit de
grève et le libre exercice du droit syndical qui se
trouvent déjà largement entravés par la pratique des
pouvoirs publics et des employeurs depuis plusieurs
années,
- constatons que ces deux textes constituent une
attaque supplémentaire contre les droits politiques
démocratiques des travailleurs et de leurs organisations
syndicales,
- constatons que ces attaques contre les droits des
travailleurs interviennent au moment même où toutes
les facilités sont consenties aux investisseurs nationaux
et étrangers (loi sur l’investissement, loi sur la monnaie
et le crédit, instauration de zones franches…). Cela n’est
pas le fruit du hasard mais relève d’un choix délibéré de
favoriser le patronat national et étranger au détriment
des travailleurs et des fonctionnaires,
- tenons à exprimer notre solidarité pleine et entière à
l’égard des travailleurs, des syndicalistes de l’UGTA et
des syndicats autonomes (CSA et autres) qui se battent
48
pour défendre les acquis de leurs luttes et de leurs
organisations arrachés durant la période coloniale et
défendus 60 années durant contre toutes les tentatives
de musellement des travailleurs salariés, des
fonctionnaires et de la classe ouvrière en particulier.
- nous plaçons à leurs côtés pour demander le retrait de
ces textes et l’ouverture de négociations avec leurs
représentants pour élaborer des textes de lois qui
renforcent le dialogue social, qui améliorent la situation
sociale des travailleurs et élargissent leurs droits
démocratiques ainsi que ceux du peuple algérien dans
son ensemble.
Alger, le 24 février 2023
49
6. Azzi Abdelmadjid, Ex-secrétaire général de la
Fédération nationale des retraités (FNTR-UGTA)
7. Baba Aïssa Abdelkrim, Réalisateur
8. Belalloufi Hocine, Journaliste (retraité)
9. Bensaad Ali, Professeur des universités,
Université Paris VIII Vincennes
10. Bouderba Nouredine, Militant syndicaliste,
analyste du monde du travail
11. Boudra Abdelkrim, consultant et militant
associatif
12. Cherbal Farid, Professeur des universités en
génétique du cancer à l’USTHB, Alger
13. Dadene Hadi, Retraité, Ouargla
14. Dahmani, Ahmed universitaire économiste et
défenseur des droits de l’Homme
15. Djabi Abdelnasser, Universitaire sociologue
16. Djerbal Daho, Maître de conférences Université
d’Alger2 (à la retraite)
17. Djermoune Nadir, Architecte-urbaniste,
Enseignant-chercheur, Université Blida 1
18. El Bahi Mostefa, Universitaire USTHB
19. Frada Atmane, Cadre retraité
20. Guechi Fatma-Zohra, Professeur d’histoire,
Université de Constantine
21. Hadj Moussa Ratiba, Professeure
22. Hadjadj Amel, Présidente de la fondation du
journal féministe algérien
23. Hamdi-Cherif Abdelhafid, Enseignant retraité
24. Harbi Mohammed, Historien
25. Kadri Aissa, Universitaire, sociologue
50
26. Khalfoune Tahar, Universitaire juriste
27. Khiari Abdelmounaim, Administrateur de biens,
Formateur
28. Larabi Samir, Doctorant en sociologie, Université
de Bejaïa
29. Messaoudéne Djamel, Cadre (retraité)
30. Metref Arezki, Journaliste-Ecrivain
31. Naceur Med Lazhar, Cadre (retraité)
32. Nait Mohand Dahmane, Ingénieur retraité
33. Ouamrane Aouicha (Bekhti), Avocate
34. Ould Hocine Abdelhamid, Architecte (retraité)
35. Oulmane Djamel Eddine, Médecin retraité et
artiste (graphiste et musicien)
36. Reghis Rabah, Consultant économiste pétrolier,
Professeur associé des Universités
37. Remal Salima, Ingénieure
38. Sabri Kamel, Inspecteur de l’Education nationale
39. Salhi Soumia, Cadre, syndicaliste et militante
féministe
40. Tabti Marouane, Médecin
41. Tarmoul Ali, Technicien
42. Tlemçani Rachid, universitaire politologue
43. Yefsah Mourad, consultant sénior en systèmes
d’informations.
44. Zehouane Hocine, Ancien officier de l’ALN,
Président de la LADDH, Avocat à la retraite
45. Zaoui Mohammed, Documentariste
46. Zeghbib Hocine, Maître de conférences
honoraire, Université Montpellier
47. Zerrouky Hassane, Journaliste-Auteur
51
52
PASSAGE EN FORCE DES LOIS SUR L’ACTIVITE
SYNDICALE ET LE DROIT DE GREVE
Pourquoi le gouvernement
n’a pas reculé
53
L’opposition unanime des syndicats
Les choses avaient pourtant bien commencé.
L’ensemble des organisations syndicales (UGTA11, CSA,
CGATA) avaient critiqué et rejeté les deux projets de lois.
Dans la forme, elles reprochaient au gouvernement
d’Aïmene Benabderrahmane un manque total de
concertation. Elles notaient que ces textes se trouvaient
en contradiction avec les conventions internationales
ratifiées par les autorités algériennes, en particulier les
conventions 87 et 98, ainsi qu’avec la Constitution de
2020 concernant les droits civils et politiques. Pour
l’UGTA, « les deux projets de loi ne consacrent pas la
promotion des droits syndicaux et des libertés en Algérie
[…] Les articles des deux projets de lois ne sont pas
conformes aux conventions internationales que l’Algérie
a ratifiées. Certains articles des deux projets de loi ne
sont pas non plus conformes à la Constitution
algérienne, en ce qui concerne les droits civiques et
politiques. Les deux projets de loi ne consacrent pas la
promotion des droits syndicaux et des libertés en
Algérie».
Dans un communiqué du 19 janvier 2023, le secrétariat
national de l’UGTA appelait les unions de wilayas et les
fédérations nationales à «organiser leurs séminaires
syndicaux respectifs, avec leurs cadres (les sections
syndicales, syndicats d’entreprises, les coordinations),
55
de janvier 2023 et à la suite des conclusions de la
Commission exécutive de wilaya tenue le 18 décembre
2022 :
- dénonce le contenu des projets de lois qui visent « à
museler les libertés et à réduire le champ syndical »,
- «rejette dans le fond et dans la forme [plusieurs
articles] relatifs à l’exercice du droit syndical et […] au
droit de grève,
- dénonce un projet élaboré unilatéralement par les
pouvoirs publics sans le consentement ni la concertation
des travailleurs et de leurs représentants,
- dénonce le mépris affiché par les pouvoirs publics à
l’endroit des travailleurs et de leurs représentants,
- appelle le président de la République à intervenir et
retirer des projets qui travaillent nullement la stabilité et
la relance qu’espèrent les travailleurs,
- appelle la centrale syndicale, à sa tête le frère Labatcha
Salim, pour une mobilisation générale afin de défendre
les acquis des travailleurs arrachés par le sang et faire
face aux forces occultes qui visent à déstabiliser notre
cher pays, celui de un million et demi de martyrs ».
Le 22 janvier 2023, le Secrétariat national (SN) de l’UGTA
publiait un communiqué signé par le Secrétaire général
(SG) de la Centrale Salim Labatcha dans lequel il
« regrette le fait de ne pas avoir été associé lors de la
préparation de ces projets de loi pour pouvoir enrichir
davantage leurs contenus et ce, conformément aux
directives du président de la République qui a fortement
souligné la nécessité de l’association des organisations
56
représentative dans l’enrichissement de ces deux projets
de lois ».
Le communiqué du SN poursuivait en émettant le
souhait de « remédier aux insuffisances contenues dans
la loi 90-14 qui a été amendée après la révision de la
Constitution en 1989. »
Pour le SN, « les deux projets de loi ne consacrent pas la
promotion des droits syndicaux et des libertés en
Algérie. »
En conséquence, le SN chargeait les Union de wilayas et
les Fédérations nationales d’«organiser leurs séminaires
syndicaux respectifs, avec leurs cadres (les sections
syndicales, syndicats d’entreprises, les coordinations)
pour débattre de ces deux projets de lois. Le but est de
formuler, cette semaine, leurs avis dans un communiqué
définitif à l’issue de chaque séminaire en prévision de
l’organisation de la réunion » de la Commission
exécutive nationale (CEN) « pour prendre une position
définitive sur ce sujet. »
Le texte indiquait que la date de la réunion de la CEN
serait fixée ultérieurement.
57
la mobilisation pour faire barrage aux deux projets de
lois. En effet, de tout le pays montait une revendication
portée par les syndicalistes qui avaient tenu des
réunions d’explication et de sensibilisation à tous les
échelons de l’organisation syndicale pour clamer haut et
fort leur refus de ces lois injustes.
Face à cette pression de la base, le Secrétaire général
(SG) de l’UGTA, Salim Labatacha, et ses paires du
Secrétariat national axèrent leurs interventions sur le
thème de la célébration de l’assassinat d’Abdelhak
Benhamouda. Ils prônèrent la nécessité pour l’UGTA de
défendre le Front intérieur et la stabilité du pays.
A la fin de la cérémonie et en réponse à son
interpellation par des syndicalistes qui scandaient
« refuse ! », « refuse ! », le SG indiqua que la direction
avait demandé à toutes les instances de l’UGTA de se
réunir et de se prononcer sur les deux projets de lois.
Rappelant que la centrale défendait la stabilité du pays,
le front intérieur et les travailleurs, il promit que la
direction adopterait la position de la base.
58
modalités de création des syndicats, les conditions pour y
adhérer et les secteurs concernés par l’exercice du droit
syndical ».
Il demandait par ailleurs « d’inclure dans le projet de loi
un chapitre sur la notion de grève dans le domaine du
travail, définir ses conditions et ses critiques juridiques,
mettre fin à la transhumance syndicale et faire la
distinction entre la pratique syndicale et la pratique
politique, en ce sens que chaque domaine est régi par
son propre cadre juridique. »
La suite confirmera qu’il n’y avait rien à attendre de
l’Exécutif.
59
importante structuration au niveau national et sa forte
présence dans le secteur économique. La centrale
syndicale dénonce, elle aussi, le fait de n’avoir pas été
consultée lors de l’élaboration de projet et critique ces
deux projets de loi qui vont à l’encontre de l’intérêt des
travailleurs. »
Le SG du SNPSP expliqua que l’appel à la mobilisation
générale était lancé à toutes les organisations
syndicales. Il proposait une rencontre « à tous les
syndicats algériens qui se reconnaissent dans cet appel à
la nécessité de réagir et de réfléchir ensemble pour faire
des propositions aux pouvoirs publics. La première est de
demander au gouvernement, à travers le président de la
République, de retirer ces deux projets de lois et d’ouvrir
un large débat avec les concernés qui sont es syndicats
de travailleurs. »
Il affirma que des contacts étaient établis avec des
membres de la centrale UGTA pour se concerter sur
l’action à entreprendre.
La constitution d’un front uni UGTA-CSA semblait
possible. Cela aurait été une grande première.
Malheureusement, elle ne se réalisera pas.
60
étaient l’Education nationale, la Santé, les Finances, les
Affaires religieuses, la formation professionnelle, la
Recherche scientifique, les Postes et
Télécommunications…
Cette journée de protestation toucha essentiellement
les établissements des secteurs de la santé et de
l’éducation, mais fut relativement peu suivie. Elle ne
pouvait faire reculer le gouvernement.
La direction de l’UGTA, de son côté, était aux abonnés
absents. N’ayant visiblement reçu aucune réponse du
gouvernement et de la Présidence, elle ne fixa pas de
date de réunion de sa Commission exécutive nationale,
ne commémora pas le 24 février, date de sa création
(1956) et de la nationalisation des hydrocarbures (1971).
Et le 5 mars, son SG annonça sa démission pour « raison
de santé ». L’intérim était assuré par Hamou Touahria,
SG de la Fédération nationale des hydrocarbures.
Incapable de répondre à l’attente de sa base et des
instances intermédiaires (Unions wilayas…) ainsi qu’à la
CSA qui entendaient affronter le gouvernement,
Labatcha préféra démissionner ou fut « démissionné ».
Comme à son habitude, la direction de l’UGTA abdiquait
sans combattre…
Le 7 mars, le meeting populaire auquel appelait la CSA à
Alger fut finalement annulé, faute d’autorisation de la
wilaya. Il fut remplacé par une conférence au siège de
l’Union nationale du personnel de l’éducation et de la
formation (UNPEF).
61
La résistance se poursuit
Dans un communiqué en date du 30 avril signé de sa
Secrétaire nationale chargée de la communication,
Yamina Maghraoui, la CGATA notait qu’en ce « Premier
mai 2023, des millions de travailleurs sous le seuil de
pauvreté à la suite d’une dégradation du pouvoir d’achat
jamais vu, des atteintes aux acquis sociaux notamment
santé, logement, éducation et services publics, des
interdictions à toutes manifestations syndicales, des
reculs des libertés syndicales et au droit de grève, des
représentants militants syndicaux incarcérés ou
persécutés par la justice pour leurs activités syndicales.
Interdiction des marches, des réunions, des
regroupements dans leurs propres locaux, convocations
dans les commissariats de police, c’est le réel des
travailleurs et de leurs représentants syndicaux. »
Continuant sur sa lancée, le communiqué expliquait :
« Les décideurs ont tout mis en place pour empêcher les
travailleurs et leurs syndicats à contester leurs mesures
antisociales et leurs lois scélérates et liberticides
notamment la nouvelle loi sur le droit de grève et
l’amendement profond de la loi 90/14 qui constituent un
véritable verrouillage de toute expression de
protestation allant dans l’intérêt des travailleurs. »
De son côté, le Premier Mai, à l’occasion de la journée
internationale de lutte des travailleurs, la CSA organisa à
Alger un rassemblement dans la rue pour protester une
fois de plus contre les lois liberticides. Des centaines de
syndicalistes se retrouvèrent non loin du siège de l’UGTA
pour dénoncer les nouvelles lois liberticides contre les
62
travailleurs. Parmi les nombreux slogans scandés :
« L’indépendance syndicale est une ligne rouge », « Non-
ingérence dans les affaires intérieures des syndicats »,
« Nos revendications sont constitutionnelles, vos lois
unilatérales sont répressives », « Pour une vie digne,
stoppez-la dégradation du pouvoir d’achat »…
Un peu avant, sur le parvis du siège de l’UGTA, un
meeting rassemblant quelques centaines de
syndicalistes (et non des milliers comme le rapporta le
quotidien El Watan le lendemain) fut organisé. Le SG de
l’Union de wilaya d’Alger, Amar Takdjout, salua toutes
les mesures prises par le président de la République,
Abdelmadjid Tebboune, en faveur de l’amélioration du
pouvoir d’achat des salariés mais aussi des retraités. Il
qualifia ces nouveaux acquis d’une « extrême
importance » car contribuant « à l’amélioration du
pouvoir d’achat et du cadre de vie des travailleurs et des
citoyens ».
63
sections UGTA qui n’ont pas effectué le travail minimum
d’information des travailleurs.
Une seconde leçon réside dans le caractère minoritaire
de la mobilisation des syndicats autonomes. Seule une
minorité de dirigeants et de responsables ont participé
au rassemblement du 1er Mai et non la grande masse
des travailleurs. Pourtant, les dirigeants et cadres des
syndicats autonomes ainsi que de nombreux cadres de
l’UGTA étaient conscients de l’enjeu représenté par les
deux projets de lois et étaient prêts à se mobiliser. Mais
la grande masse des travailleurs ne fut pas informée et
sensibilisée par un travail en profondeur, à la base. C’est
ainsi que la journée de grève du 28 février appelée par la
CSA ne fut pas précédée par la tenue systématique
d’assemblées générales sur les lieux de travail afin que le
mot d’ordre de grève émane réellement de la base.
Toutes les grandes luttes passées menées par les
syndicats autonomes étaient précédées par des AG où
les travailleurs pouvaient discuter et prendre les
décisions. En l’absence d’une telle démarche, il était
difficile d’impliquer les travailleurs.
Une troisième leçon réside dans la réduction de la lutte
au refus des deux projets de lois. Or, devant la perte
considérable du pouvoir d’achat des travailleurs et les
problèmes sociaux auxquels ils sont confrontés (santé,
éducation, logement, transport…), tout appel à la
mobilisation massive doit prendre en charge leurs
revendications économiques et sociales et pas
simplement l’exigence du retrait des deux projets de
lois. Les revendications salariales figurent en tête des
64
exigences des salariés. Une plateforme de lutte
intégrant l’ensemble de leurs revendications aurait
mobilisé davantage, y compris parmi les syndiqués de
l’UGTA. Cela s’avère d’autant plus indispensable que la
majorité des salariés de notre pays travaillent dans le
secteur privé où des conditions de travail désastreuses
(salaire de misère, problèmes d’hygiène et de sécurité,
contrats à durée déterminée-CDD renouvelés
systématiquement…) s’ajoutent au paternalisme et à
l’autoritarisme des patrons qui empêchent la création de
syndicats comme on a pu le constater lors de la grève de
Numilog.
Une quatrième leçon réside dans l’incapacité des
syndicalistes combatifs de l’UGTA à construire, à partir
de la base, un courant de classe qui affronte sa propre
direction acquise à la politique anti-ouvrière du
gouvernement. Des syndicalistes conscients et
déterminés existent en nombre au sein de la centrale de
la place du Premier Mai. Mais ils ne parviennent pas à
contrer l’abdication devenue systématique des
bureaucrates de la direction face aux mesures
antipopulaires et liberticides des gouvernants. Ces
syndicalistes conscients n’ont pas encore trouvé la voie
et les moyens pour construire ce courant de classe.
Une cinquième leçon réside dans la difficulté qu’ont les
organisations syndicales à se concerter et à mener des
actions communes. Cela est vrai pour les syndicats
autonomes et l’UGTA, mais cela vaut également pour la
CSA et la CGATA. Or, les travailleurs ont besoin d’unité
dans l’action. Ils peuvent, à la limite, comprendre les
65
différences qui séparent les différentes organisations,
mais ils ont besoin de l’unité la plus large au moment de
la lutte. Il ne s’agit pas ici d’exiger des organisations
syndicales qu’elles s’unifient dans une seule centrale (ce
qui serait une avancée considérable dans l’absolu). Mais
il faut comprendre que l’unité d’action est indispensable
si l’on veut que les travailleurs fassent échec aux
mauvais coups qui leurs sont portés.
Une sixième leçon réside dans la faiblesse
d’implantation et d’influence des partisans du
socialisme dans les syndicats. A cela s’ajoute
l’incapacité à se concerter, à réfléchir et à agir ensemble,
au-delà de l’appartenance ou non à telle ou telle
organisation.
Voici quelques leçons que nous tirons de cette bataille.
Elles doivent être discutées et complétées par les
militants de la cause socialiste et tous les syndicalistes
qui ont une vision de classe du combat syndical. Car
c’est souvent en tirant des leçons des batailles perdues
que l’on prépare les futures victoires.
66
INTERNATIONAL
67
dirigeants successifs travaillent en permanence à
rénover le projet de l’OCRS
. Une 2ième raison, économique celle-là : l’économie du
pays est largement insérée dans le système capitaliste
via le commerce des hydrocarbures, lequel commerce
est structuré par la demande du « Nord » capitaliste,
mais aussi en raison des choix de politique économique
en vigueur.
. Enfin, parce que l’ensemble des relations
internationales, et du système politique et économique
qui les fondent, sont probablement à la veille d’un
bouleversement dont il faut cerner au plus près les
causes et effets sur la situation nationale, positifs et/ou
négatifs.
68
l’objectif pour consolider son hégémonie politique et
économique et contrôler les zones de ressources ainsi
que les voies y menant (maritimes, aériennes et
terrestres).
Citons pêle-mêle : Palestine, Syrie, Irak, Yémen, Lybie,
Sahara Occidental, Mali, Burkina Faso, Congo RD,
Nigeria, Ethiopie, Cameroun, Zimbabwe, Yougoslavie,
Afghanistan, Philippines, Caucase, …
A quoi il faut ajouter l’autre forme de guerre que sont
les sanctions-blocus contre Cuba, l’Iran, le Venezuela, la
Bolivie, le Nicaragua, la Corée RPD, …
En plus de sa force militaire, le bloc euro-atlantique
dispose d’une véritable « arme de destruction
massive » : l’écrasante majorité des grandes agences y a
son siège, et adosse ses informations aux centres
militaro-industriels.
Les journalistes « embarqués », comme on a pu le voir
lors des guerres d’Irak et de la Lybie, dominent la
corporation, y compris en dehors des zones ou des
temps de guerre..
C’est cette arme qui permet d’invisibiliser les guerres
contre la Palestine, le Yémen, la Syrie par exemple.
69
ciblés, emprisonnement de masse, torture, racisme et
discriminations, exils forcés, …
Mais cette colonisation a des spécificités qu’on ne
retrouve dans aucune autre :
. Le peuple palestinien est le seul peuple qui a était
dépossédé de sa terre par une décision juridique
internationale illégale et illégitime des grandes
puissances, décision qui a créé ex-nihilo un Etat et
octroyé un territoire à un peuplement juif issu de
plusieurs pays
. L’entité sioniste, expansionniste, ne colonise pas
seulement : elle vise l’expulsion intégrale du peuple
palestinien de sa terre vers les pays arabes voisins
. La colonisation sioniste n’est pas rattachée à une
métropole impérialiste mais à l’ensemble des
métropoles impérialistes occidentales
En réalité, depuis le début jusqu’à nos jours, la
colonisation de la Palestine et l’érection d’un Etat pour
les juifs est d’abord un projet impérialiste-capitaliste
avant d’être un projet du mouvement sioniste.
Sans les impérialistes britanniques et français, puis états-
uniens, et leurs alliés de la réaction arabe, la
colonisation sioniste n’aurait pas été possible.
Le « collectif impérialiste occidental » a travaillé et
travaille en permanence à faire de l’entité sioniste l’Etat
le plus fort (militairement, économiquement) de la
région.
En somme, une base militaire et économique pour la
contrôler.
70
Les Palestiniens ne se battent donc pas seulement
contre les sionistes, mais contre ce collectif impérialiste
et les régimes réactionnaires arabes.
Cela fait de la cause palestinienne une cause centrale
dans la lutte anti-impérialiste.
71
Ces faits montrent que l’OTAN, le bras armé de la
politique étrangère des USA, travaille depuis longtemps
à rendre irréversible la domination-soumission de la
Russie, jusqu’à rendre inévitable cette guerre à ses
frontières immédiates de la Russie, en Ukraine.
Une Ukraine déjà OTANIsée.
Il apparaît clairement que si la Russie n’a pas subi le sort
de la Yougoslavie, de l’Irak, de la Lybie et de biens
d’autres pays de l’Amérique du Sud et d’Afrique, c’est
parce qu’elle dispose d’une capacité militaire réelle de
défense (arme nucléaire et autres armes rivalisant avec
celles des USA).
Alors que les souffrances des couches populaires tant en
Ukraine qu’en Russie, se sont notablement aggravées, le
danger d’une guerre nucléaire grandit de plus en plus.
Aujourd’hui, l’impérialisme états-unien et ses alliés
affichent clairement leurs objectifs : faire durer le plus
longtemps possible la guerre pour affaiblir ses
concurrents (la Chine et la Russie), et consolider sa
position dominante, y compris sur ses premiers alliés, les
pays de l’UE.
72
stratégiques au sein du pouvoir économique et
politique russe, à l’instar de la gouverneure de la banque
centrale russe.
Il n’en reste pas moins que les partisans de la défense et
de la réhabilitation de l’Etat-Nation russe se sont
notablement renforcé, y compris au sein de la
bourgeoisie qui espère ainsi protéger ses capitaux et
mieux se défendre dans un monde « multipolaire ».
Il faut noter qu’il est vain et idéaliste de croire que le
passage d’un monde dit « unipolaire », gendarmé par les
Etats-Unis après la défaite de l’URSS, vers un monde
« multipolaire », plus favorable aux pays hors de
l’Occident, serait une solution définitive aux guerres.
Dans le contexte d’aujourd’hui, un tel monde serait en
réalité qu’une entente entre pays aux capitalismes
inégalement développés pour pacifier (temporairement)
leurs relations et activités d’exploitation du prolétariat
mondial et des peuples.
Il reste que quel que soit l’issue de la guerre, aux yeux
du peuple russe ainsi qu’aux yeux des autres peuples,
une victoire de l’impérialisme américano-européen dans
cette confrontation militaire et économique, non
seulement fera perdurer l’ordre impérialiste régnant,
mais autorisera une violence encore plus grande contre
les peuples.
Et les préparatifs d’une telle violence ont déjà été lancés
avec les décisions d’élargissement de l’OTAN aux pays
scandinaves et la relance du militarisme allemand et
japonais.
73
Ce n’est pas sans raison que de nombreux Etats du
« Sud », représentant plus de 40% de la population
mondiale, dans leur diversité politique et idéologique,
n’ont pas approuvé la résolution de l’ONU condamnant
l’opération militaire russe (par non vote, abstention ou
contre).
L’affaiblissement de l’impérialisme dominant depuis au
moins deux siècles devient un intérêt commun à ces
pays, et ce, malgré l’orientation capitaliste de la plupart
d’entre eux.
A n’en point douter, une défaite de l’OTAN constitue un
point d’appui et ouvre des perspectives réelles aux Etats
dominés pour lutter contre les menaces militaires, lutter
contre les mécanismes de dépendance et défendre leur
souveraineté nationale.
74
dans la question de l’essence économique de
l’impérialisme. »
Aussi importe-t-il d’analyser, de façon matérialiste, les
conditions objectives qui contraignent les forces du
capital à être toujours plus violentes vis-à-vis des forces
du travail et vis-à-vis des peuples.
Ces conditions naissent au cœur même du
fonctionnement du mode de production capitaliste tel
que l’enseigne le marxisme.
75
raccourcissement de la durée de vie en retraite) vont
devenir les principaux moyens d’extraction de la plus-
value absolue comme au tout début de l’histoire du
capitalisme.
Pour les pays dominés, ce sera le vol des richesses
matérielles et humaines, la détérioration des termes de
l’échange, la mise en esclavage salarial des peuples via le
FMI, la Banque Mondiale et l’OMC, la compradorisation
de l’économie, et, quand cela devient nécessaire, les
agressions-occupations.
76
une restriction drastique des mouvements de la force de
travail des pays dominés comme l’illustrent les
politiques policières et sélectives des migrations.
Les « SANS PAPIERS » dans les pays dominants ne sont
qu’une autre forme de délocalisation : des bas salaires,
du travail illégal (« au noir ») pour la production de biens
et prestations non dé-localisables (BTP, Restauration,
Tourisme, Services à la personne, …). En somme, une
délocalisation sur place !
Pour les pays dominés, de l’extérieur mais aussi de
l’intérieur, c’est le concours pour remporter le trophée
du pays le plus attractif pour les FMN et investissements
directs étrangers (IDE). Les plus attractifs (en réalité les
perdants du point de vue des peuples), ceux qui ont les
meilleurs « avantages comparatifs » selon la théorie
néo-libérale, sont ceux :
. qui ont le meilleur « climat des affaires » : c’est-à-dire
les règles les plus souples pour la fiscalité et le
rapatriement des bénéfices des IDE des FMN
. qui ont le meilleur Code du Travail : droits des syndicats
et droit de grève restreints, durée légale du travail et
âge légal du travail déplafonnés, licenciements facilités…
A son stade suprême, le capitalisme est devenu un
système mondial d’oppression coloniale et
d’étranglement financier de la grande majorité de la
population mondiale par une poignée de pays dits «
avancés».
Les guerres impérialistes sont donc des guerres pour les
marchés, pour les matières premières, pour imposer
77
l’organisation et l’exploitation capitaliste de la force de
travail à l’échelle mondiale.
78
UKRAINE
Complément à l’article « La crise
en Ukraine et les partisans
du socialisme »
11 décembre 2022
79
crimes contre l’humanité et crimes de guerre. La colère
est aussi grande pour les Sans Papiers résidents dans les
pays du « centre » capitaliste, soumis au racisme d’Etat,
aux violences policières, aux expulsions et à une
exploitation féroce.
Cette mobilisation de « l’Occident impérialiste » contre
la Russie a été jusqu’à prendre un caractère raciste ainsi
que l’illustrent les sanctions et boycotts contre les
écrivains, les artistes et les sportifs russes. Certainement
que la Russie d’aujourd’hui n’a rien à voir avec la Russie
bolchévique, mais ces mesures russophobes ne sont pas
sans rappeler la haine de classe entretenue sur le long
cours historique contre le pays d’Octobre 1917.
En réalité, les faits montrent que l’OTAN (c’est-à-dire le
bras armé de la politique étrangère des USA) travaille
depuis longtemps à rendre inévitable cette guerre, et
faire en sorte qu’elle déroule en territoire ukrainien, aux
frontières immédiates de la Russie, bien loin des USA et
avec des soldats non états-uniens.
Aujourd’hui, alors que les souffrances des couches
populaires tant en Ukraine qu’en Russie, se sont
notablement aggravées, et que le danger d’une guerre
nucléaire grandit de plus en plus, l’impérialisme états-
unien affiche de plus en plus clairement ses objectifs :
faire durer le plus longtemps possible pour affaiblir ses
concurrents (la Chine et la Russie), et consolider sa
position dominante mondialement, et notamment au
détriment de ses premiers alliés (les pays de l’UE).
Cette guerre n’est pas soudaine. Elle ne date même pas
de 2014, année du coup d’Etat appuyé par les USA
80
(présidés alors par Obama, avec … Joe Biden comme
vice-président) et l’UE, et ayant porté au pouvoir une
équipe d’extrême-droite qui n’a pas hésité à intégrer au
sein des pouvoirs civil et militaire des groupes fascistes
notoirement connus. Ces mêmes groupes qui ont à leur
actif les massacres des communistes et antifascistes
ukrainiens et des populations du Donbass.
Après la défaite de l’URSS en 1991, l’OTAN et l’UE ont
multiplié les guerres contre les peuples, y compris en
Europe, pour y imposer l’exploitation capitaliste des
richesses humaines et naturelles.
A l’Est de l’Europe, après la colonisation de la RDA par la
RFA (déjà OTANisée), les adhésions à l’OTAN et l’UE
(menées concomitamment) vont se succéder dans les
années 2000 pour aboutir à un quasi-confinement de la
Russie.
Dans cette situation de domination planétaire états-
unienne, le facteur de la puissance militaire a été
déterminant : aucun pays, y compris capitaliste, n’a pu
se défendre ni même de s’opposer efficacement contre
ces guerres terroristes d’agression et d’invasion.
Aujourd’hui, c’est parce que la Russie dispose d’une
capacité militaire réelle de défense (arme nucléaire et
autres armes rivalisant avec celles des USA), qu’elle n’a
pas subi le sort de la Yougoslavie, de l’Irak, de la Lybie et
de biens d’autres pays de l’Amérique du Sud et
d’Afrique.
La responsabilité première de l’OTAN dans cette guerre
est ainsi avérée ; tandis que la Russie capitaliste est en
défense de la sécurité non seulement de son territoire,
81
de son peuple (notamment de sa bourgeoisie), mais
aussi de l’existence de son Etat-Nation.
En réalité, l’Ukraine déjà OTANisée et transformée en
une base avancée du fascisme, n’est qu’un territoire
choisi par le « collectif impérialiste occidental » pour
mener la guerre contre la Russie capitaliste.
82
3/ Divergences au sein du mouvement communiste
international
Il est utile et important de considérer les divergences qui
sont apparues au sein du mouvement communiste
international à propos de la qualification de cette
guerre.
Ces divergences sont nées principalement des réponses
différentes ou opposées aux trois questions suivantes :
1/ La Russie a-t-elle atteint le stade impérialiste du
capitalisme ?
2/ Dans le cadre de la mondialisation du capitalisme, de
concentration et de centralisation de la richesse
mondiale à un pôle et de la pauvreté à l’autre pôle,
mené au moyen de la violence économique ou militaire,
notamment après la défaite de l’URSS, comment
qualifier correctement les résistances et oppositions
hétérogènes idéologiquement des Etats, y compris
capitalistes, dominés depuis plusieurs décennies par le
« collectif impérialiste occidental » ?
3/ Dans un tel contexte, comment traduire
politiquement correctement la position marxiste-
léniniste, à savoir : affaiblir l’ennemi principal des
peuples et du prolétariat mondial, alléger leurs
souffrances, élargir leurs capacités (économiques,
politiques et militaires) de résistance et orienter leur
mobilisation vers le but stratégique du socialisme ?
Ce ne sont certainement pas des questions qui se
règlent par une résolution, un vote ou une pétition. Sont
donc nécessaires à la fois des efforts théoriques et une
83
pratique permanente de la lutte anti-impérialiste et
anticapitaliste.
84
à ces pays malgré l’orientation capitaliste de la plupart
d’entre eux.
Cela fait que, dans certains pays, des mesures de
politique étrangère de défense ou de distance vis-à-vis
de l’impérialisme peuvent coexister avec une politique
intérieure pro-capitaliste. Comme en Algérie par
exemple.
Ce n’est pas sans raison que de nombreux Etats du
« Sud », représentant plus de 40% de la population
mondiale, dans leur diversité politico-idéologique, n’ont
pas approuvé la résolution de l’ONU condamnant
l’opération militaire russe (par non vote, abstention ou
contre).
Dans tous les cas, aux yeux des peuples et du prolétariat,
il apparaît certain qu’une victoire de « l’impérialisme
collectif » américano-européen dans cette confrontation
militaire et économique, non seulement fera perdurer
l’ordre impérialiste régnant, mais autorisera une
violence encore plus grande contre les peuples. Et les
préparatifs d’une telle violence ont déjà été lancés avec
les décisions d’élargissement de l’OTAN aux pays
scandinaves et la relance du militarisme allemand et
japonais.
Aussi, et comme l’ont montré notamment les guerres
d’invasion et d’agression de l’Irak et de la Lybie, ou
encore comme la toujours actuelle colonisation sioniste
de la Palestine, une position du type « NI-NI » (ni la
Russie, ni les USA) ne sera, au final, qu’un alignement
derrière le « collectif impérialiste occidental ».
85
Comme il reste vrai que tous les anti-fascistes de part le
monde, dont les communistes révolutionnaires, ne
peuvent qu’approuver la défaite des fascistes en Ukraine
soutenus activement et publiquement par l’OTAN et
l’UE.
86
Le mouvement social et
syndical en France en 2023
26 Mai 2023
87
grèves reconductibles sur plusieurs semaines dans
plusieurs secteurs.
Depuis la « sortie du COVID », dans un contexte de
chômage élevé et de forte inflation, les mouvements
syndicaux sont devenus plus offensifs : revendications
de hausse des salaires dans plusieurs secteurs
économiques, occupations-oppositions aux
délocalisations, volonté de contrôler l’outil de
production chez les syndicalistes de l’énergie et des
raffineries, …
Même dans des secteurs peu ou pas syndiqués, les
travailleurs (de Mac-Do, les contrôleurs de la SNCF par
exemple) ont réussi à s’organiser en coordinations de
lutte pour rendre visibles leurs revendications et ont
même obtenu partiellement satisfaction.
De nouveaux bataillons de salariés et de jeunes ont
rejoint les manifestations de protestation et ont effectué
leur apprentissage de la lutte collective.
Les directions syndicales ont fait état d’une hausse des
adhésions, même si le taux global de syndicalisation
dans le pays reste durablement bas, à l’instar de
l’ensemble des pays capitalistes européens (autour de
10%).
De nouveaux dirigeants syndicalistes de classe ont
émergé des syndicats de base de secteurs stratégiques
(Mines-Energie, Chimie, SNCF, Construction) et sont
devenus suffisamment visibles, reconnus au-delà de
leurs rayons d’activité, et représentatifs pour rendre
crédible la candidature de l’un d’entre eux (Olivier
Mateu de la fédération CGT de Marseille) à la direction
88
nationale de la CGT, principal syndicat du pays (fait
unique dans l’histoire de ce syndicat dans lequel c’est la
direction sortante qui propose le candidat unique au
poste de secrétaire général).
Face à la puissance de la mobilisation, le pouvoir n’a pas
trouvé d’autres moyens que la violence policière pour
défendre ses choix de classe. Il n’a pas hésité à :
* réquisitionner des grévistes des raffineries et du
ramassage des ordures, transgressant ainsi le droit
constitutionnel de grève. Un projet de loi est par ailleurs
prévu pour limiter le droit de grève dans les secteurs
stratégiques.
* menacer de supprimer les subventions de la ligue des
droits de l’homme lorsqu’elle a dénoncé les violences
policières et les arrestations arbitraires.
* faire promulguer la loi sur les retraites sans l’avis de
l’institution législative, y compris des députés de son
camp politique, conférant ainsi un caractère politique à
la crise sociale.
Ce passage en force a rajouté aux revendications socio-
économiques la question de la démocratie (formelle),
contribuant ainsi à amplifier la mobilisation.
Alors que les états-majors syndicaux restent encore
marqués par une grande perméabilité aux idées social-
libérales – acceptation de l’économie de « marché »,
syndicalisme de « partenariat social », « dialogue social »
pour une solution institutionnelle éloignée de la
construction du rapport des forces exigé par la lutte - la
puissance de la mobilisation des syndicats de base et
l’importance de l’investissement des syndicalistes de
89
classe les ont obligés à construire une intersyndicale
nationale autour de deux mots d’ordre qui se sont
avérés fortement populaires et rassembleurs : « non aux
64 ans » et « retrait de la réforme ». Même si, en eux-
mêmes, ils restent défensifs et masquent l’absence de
contre-proposition. En outre, le mot d’ordre de « non
aux 64 ans », s’il devient victorieux, ne règlera pas le
problème d’une grande majorité de travailleurs qui ne
pourront pas partir à 62 ans (l’âge légal actuel de départ
à la retraite) du fait de l’allongement de la durée de
cotisation obligatoire à 43 ans (déjà celles et ceux qui
commencent à travailler à 20 ans).
Dans les faits, l’intersyndicale s’est constamment calée
sur la position de la CFDT (le syndicat le plus réformiste
et le plus collaborationniste dans l’accompagnement des
contre-réformes austéritaires) en rejetant l’appel à la
généralisation de la grève des raffineurs et des
éboueurs, en condamnant la grève des enseignants
pendant le baccalauréat, en appelant à des
manifestations très espacés dans le temps, modérant
ainsi l’apport des grèves à la massification des
manifestations. Si l’unité syndicale au sommet (entre
pas moins de 8 organisations) a retrouvé des couleurs,
elle n’a pas assuré la satisfaction des revendications.
Depuis sa naissance, le syndicat CGT est considéré
comme la locomotive du syndicalisme français. Il l’est
encore en raison notamment :
* de son ancienneté,
* de son modèle d’organisation professionnelle (en
fédérations) et territoriale (en unions régionales et
90
locales) qui a inspiré les autres syndicats (comme la
CFDT créée par l’Eglise catholique),
* de son ancrage dans la classe ouvrière en raison de ses
positions de classe et internationalistes, de ses traditions
de lutte qui lui ont permis de conquérir de nombreux
droits pour les travailleurs et un rayonnement
international.
La CGT conditionne encore l’évolution du syndicalisme
en France, même si, au regard des élections
professionnelles la CFDT est formellement passée
devant.
Ce recul de la « représentativité » électorale (le fort taux
d’abstention, voisin de 60%, altère la significativité de
ces élections) ne s’explique pas seulement par
l’agressivité du patronat et du pouvoir envers la CGT,
ainsi que du recul général du mouvement communiste
et progressiste dans le pays. Il résulte aussi et surtout
d’une orientation politique des directions syndicales
successives de la CGT de plus en plus décalée par
rapport au potentiel de mobilisation et la disponibilité
pour la lutte des syndicats de base, ainsi que des besoins
de coordination et d’amplification des mobilisations
syndicales.
S’il ne s’agit pas de débattre de la datation des
premières victoires du réformisme au sein de la
direction de la CGT, il faut rappeler que, dès le 45ième
congrès de 1995, un virulent coup d’éperon a été donné
avec la suppression l’article 1 de ses statuts qui stipulait :
91
« La CGT s’assigne pour but la suppression de
l’exploitation capitaliste, notamment par la socialisation
des moyens de production et d’échange ».
La première conséquence en est que la direction de la
CGT n’analyse plus les problèmes de conditions de vie et
de travail des salariés en termes de luttes de classes,
mais en termes sociétaux et de « valeurs » déconnectés
du monde du travail (écologie, climat, féminisme,
homosexualité, …). L’activité de la direction est alors de
plus en plus calée sur l’agenda gouvernemental. L’Etat
(capitaliste) est considéré comme un arbitre entre le
patronat, considéré comme partenaire social, et les
travailleurs. La cogestion d’organismes paritaires, le
« dialogue social », les négociations au sommet avec les
directions patronales et l’Etat capitaliste, aboutissent au
mieux à des accords minimalistes et consensuels, et
surtout, éloignent les militants syndicalistes du monde
du travail et réduisent leurs perception des aspirations
et revendications des travailleurs.
Cette dérive réformiste a eu une traduction concrète
aux plans de la composition sociale des organismes
dirigeants et des structures du syndicat :
* en représentation, les cadres, enseignants et employés
dépassent les ouvriers dans les organes de direction
(fédéraux et nationaux),
* un nombre de permanents (avec élargissement de
prérogatives) en hausse relativement au nombre
d’adhérents plutôt orienté à la baisse,
92
* une technocratisation-bureaucratisation des directions
avec des conseillers recrutés hors du champ militant, et
chargés de confectionner des dossiers d’expertise.
D’aucuns ont qualifié cette involution de « CFDTisation »
de la CGT.
Le dernier congrès de la CGT (le 53ième, du 27 au 31 mars
2023) : révélateur de l’intensification de la lutte pour
réorienter le syndicat sur des bases masse et de classe
Tenu en pleine mobilisation ouvrière et populaire, ce
congrès a revêtu une signification particulière. Ce
contexte laissait espérer un retour au syndicalisme de
masse et de classe d’origine de la CGT, d’autant que de
larges secteurs du salariat constatent que des millions
de manifestants ne suffisent pas à faire reculer le
pouvoir.
La bataille politique a d’ailleurs été intense entre la
direction sortante (conservatrice) et les syndicalistes de
lutte qui ont gagné sur plusieurs points :
* rejet du rapport d’activité de la direction sortante
(bureau confédéral et commission exécutive ou
parlement), fait sans précédent dans l’histoire du
syndicat,
* rejet rapprochement-unification avec la FSU (syndicat
enseignant réformiste),
* rejet de l’adhésion au collectif « Plus jamais ça »
(alliance d’ONGs écologique et sociale),
* progression notable des chefs de file de
« l’opposition » syndicale de classe dans l’élection à la
commission exécutive (même s’ils n’en feront
finalement pas partie).
93
Il reste que cette nouvelle visibilité d’un autre
syndicalisme n’a pas encore réussi à effacer la longue
dérive du syndicat comme l’illustre l’attachement répété
de la nouvelle direction à l’unité de l’intersyndicale au
sommet prioritairement par rapport à l’unité dans les
luttes à la base.
Il va sans dire que la question syndicale est indissociable
de celle, plus large, de la reconstruction des instruments
politiques de classe, partis et syndicats, indépendants de
l’idéologie bourgeoise, anticapitaliste, anti-impérialiste.
94
LIBERTE POUR GEORGES
IBRAHIM ABDALLAH !
Enfermé en France depuis 1984
95
disparaître. Et pourtant elles ont tort et toujours elles ont
eu tort à ce niveau (…) La résistance est toujours intacte
nourrie d’inépuisable élan populaire solidaire ».
Et effectivement elles ont bien tort ces criminelles
autorités réactionnaires impérialistes et sionistes et
notre camarade en fait chaque jour la démonstration
depuis ces 39 années de détention, lui qui, derrière les
murs, bien loin de s’essouffler, de s’épuiser, de se renier
poursuit inlassablement le combat et s’inscrit
pleinement dans la dynamique des luttes en cours au
côté de la résistance des masses populaires
combattantes et en particulier du peuple palestinien.
Ces résistants - notre camarade tous comme les
Palestiniens dans leur lutte de libération nationale –
parce qu’ils ont été ou sont les fers de lance du combat
paient au quotidien le prix fort de leur engagement.
Cela a été le cas ce 15 mai 1948, en ce jour de la Naqba
dont Georges Abdallah dit toujours dans cette même
déclaration « qu’elle est toujours là, une blessure
béante…une blessure toujours saignante… tout un
peuple y est lié. Elle est partout, elle est dans tout. Elle
est les camps des réfugiés et les ruelles de la misère et
les massacres et la terreur et l’humiliation à tout
moment. Elle est les vieux et les moins vieux attendant
toute une vie l’heure du retour, gardant en main avec
tendresse des vieilles clés qu’on se passe de père en fils
jusqu’à nos jours… Elle est le crime qu’on reproduit
devant les yeux de tout le monde. Les impérialistes de
tout bord y ont participé et continuent à cautionner,
d’une manière ou d’une autre, la spoliation et la
96
destruction de tout un peuple…Comme vous le voyez
chers camarades, la Naqba, loin d’être un moment
douloureux d’un passé lointain qu’on cherche à
commémorer par respect aux ancêtres, est le vécu
quotidien de tout un peuple. De ses entrailles surgissent
toujours de longs cortèges de fidayîn et les enfants de
l’Intifada. Elle est la Palestine de tous les jours ».
Cette « Palestine de tous les jours » est bien celle qui
affronte à chaque heure l’entité sioniste et son sinistre
plan d’écrasement du peuple palestinien et de
liquidation de sa cause juste et légitime de libération
nationale, par cette entreprise - non pas seulement
d’apartheid - mais bien de colonisation de peuplement
qui vise à vider la terre de Palestine de son peuple.
La Naqba a été un des terribles actes de cette mise à
mort consubstantielle au système colonial mais elle
reste aussi le marqueur, depuis ces 75 ans révolus, de
l’extraordinaire ténacité du peuple palestinien et de sa
résistance de longue haleine à contrer et combattre
l’occupant sioniste partout où il se trouve, jusqu’au
cœur même d’Al Qods.
La Palestine est toujours là, aussi vivante que résistante.
La détermination des masses populaires palestiniennes
est plus que jamais inébranlable, en dépit de la terreur,
de l’oppression et des atrocités de tout genre. Elle
oppose un démenti cinglant et historique, à travers ses
indomptables lionceaux et son avant-garde
combattante, jour après jour, mois après mois, années
après années à tous ces criminels de guerre
réactionnaires sionistes qui depuis 1948 annoncent la fin
97
proche de la révolution palestinienne sous prétexte que
« les causes aussi vieillissent avec le temps et finissent à
leur tour par mourir et disparaître ».
Le peuple palestinien – et là encore la Naqba nous le
rappelle – n’a pas d’autre échappatoire que de lutter, de
combattre et de se libérer du joug du colon pour
continuer à être. Répétons-le ici encore : il n’y a pas
d’autre voie alternative ou négociée possible ! L’exode
forcé, par les expulsions et la guerre, des 800 000
Palestiniens obligés de fuir pour échapper à leur mort
programmée, les crimes de guerre perpétués alors, les
villages rasés lors de la Naqba sont la réalité de ce qui
s’est joué et se joue en Palestine : dans ce rapport
d’anéantissement qu’est le système colonial, il ne peut y
avoir de paix juste et durable entre le dominant et
l’opprimé, entre le colon et le colonisé, et on ne peut
pas d’un côté dénoncer cette violence sans nom qui
s’abat sur les Palestiniens dans le seul but de les
exterminer et exprimer nos espoirs seulement pour une
fin de ce système d’apartheid, ni pour une soi-disant
démocratisation progressiste de cette entité. Disons-
nous le bien fort : cette entité n’est pas réformable et
son fascisme ne date pas d’aujourd’hui !
Dans la droite ligne de ce qu’écrivait Georges Abdallah
en 2013, au lendemain de cette fameuse décision de la
cour de cassation le condamnant à la petite éternité
qu’est la prison à vie - « certainement, ce n’est pas en
cherchant des astuces judiciaires ici et là que l’on fait
face à leur criminel acharnement, mais plutôt en
affirmant une détermination inébranlable dans la lutte
98
contre leur criminel système impérialiste » - nous
réaffirmons ici notre soutien inconditionnel à la
détermination inébranlable du peuple palestinien et à sa
résistance héroïque sous toutes ses formes et
principalement armée. Sa victoire, seule, sera garante
d’un état de droit et de paix en Palestine, de la mer au
Jourdan, débarrassé alors du colonialisme et donc de
l’apartheid et qui aura enfin concrétisé le droit au retour
de tous les réfugiés pour annuler à tout jamais la Naqba.
L’histoire des luttes de libération nationale nous l’a
montré : la Palestine non seulement vivra, mais elle
vaincra certainement, assurément, inéluctablement !
99
Sommaire
EDITORIAL
Syndicalisme, grèves et politique….……………….………..….03
NATIONAL
. Liberté de la presse et ingérences en Algérie……….…..07
. ÉCRIS ! ……………………………………………………………….…..19
DOSSIER SYNDICAL
Les objectifs d’une législation liberticide contre les
travailleurs………………………………………………………………...23
. Une grave atteinte au droit d’organisation
des travailleurs….………………….………………….....……31
. Une remise en cause du droit de grève…………..……37
. Paroles de syndicalistes………………….…………….....41
. Pétition d’artistes, intellectuels
et scientifiques…………..……………………………………......……47
. Pourquoi le gouvernement n’a pas reculé…………..…..53
INTERNATIONAL
. Contribution au débat sur la situation
internationale…………………………………………………………….67
. Complément à l’article « La crise en Ukraine et les
partisans du socialisme »…………………………………………...79
. Le mouvement social et syndical
en France en 2023………………………………………………..…….87
. LIBERTE POUR GEORGES IBRAHIM ABDALLAH ! ……...95
100
101