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DES SAINT(E)S »
1
Par exemple, les soi-disant Lettres du pape Grégoire à l’empereur Léon III
datent en réalité du 9e s. Le texte le plus proche du commencement de l’ico-
noclasme, la ουθε α ροντος ερ τ ν ν ε όν ν (édité par M. B. Me-
lioranski , St. Pétersbourg, 1901) date de 754 ; il concerne donc le règne
de Constantin V et ne fait pas état des événements survenus sous Léon III.
Il en va de même pour la Vie de S. Étienne le Jeune, éditée par Marie-France
Auz p , La Vie d’Étienne le Jeune par Ignace le Diacre, Aldershot, 1997, dont
la rédaction date d’ailleurs du milieu du 9e s. Les fragments de l’« Horos » du
synode de 754, ainsi que la correspondance du patriarche Germain, conser-
vés dans J. D. Mansi, Sacrorum conciliorum nova et amplissima collectio, Flo-
rence – Venise, 1759-1798, vol. XIII, sont pleins d’anachronismes, car ils
laissent l’impression que sous Léon III l’iconoclasme avait déjà un contenu
dogmatique défini, ce qui ne semble pas avoir été le cas. Nous laissons de
côté certains autres écrits à caractère hagiographique, dont la date de com-
position est mal connue et qui de plus sont rédigés par les propagandistes
iconophiles.
2
Les historiens byzantins plus récents font aussi état de l’iconoclasme,
mais sans y apporter d’informations nouvelles, puisqu’ils puisent surtout
dans la Chronique de Théophane et dans une moindre mesure dans l’His-
toire brève de Nicéphore. Un exemple typique est celui de George le Moine
DOI : 10.1484/J.RHE.5.114484
570 p. annopoulos
5
Mango, Nikephoros… [voir n. 3], p. 8-12.
6
Cf. les observations de J.M. Featherstone, Nicephori patriarchae
Constantinopolitani, Refutatio et eversio definitionis synodalis anni 815 (Cor-
pus Christianorum, Series Graeca, 33), Turhout – Leuven, 1997, p. xiv.
7
P. Speck, Das geteilte Dossier. Beobachtungen zu den Nachrichten über
die regierung des Kaisers Herakleios und die seiner Söhne bei Theophanes
und Nikephoros ( οι λα υ αντιν , 9), Bonn, 1988, p. 428-432 et p. 514-
515 ; P. Speck, Artabasdos, der rechtgläubige Vorkämpfer der göttlichen Leh-
ren. Untersuchungen zur Revolte des Artabasdos und ihrer Darstellung in der
byzantinischen Historiographie ( οι λα υ αντιν , 2), Bonn, 1981, p. 110-111.
Signalons toutefois la présence d’autres propositions concernant la date
de la rédaction de l’Histoire brève, comme par ex. celle de P.J. Alexan-
der, The Patriarch Nicephorus of Constantinople, Oxford, 1958, p. 225, qui
situe la rédaction durant les premières années du règne d’Irène, ou celle
572 p. annopoulos
P. Speck n’a pas été bien accueillie par les historiens, en raison
de son goût bien connu pour les explications compliquées, voire
impossibles. Nous restons donc sur la proposition d’une œuvre de
jeunesse, mais dont l’auteur avait l’intention de rester objectif.
Ce qui ne met toutefois pas un point final aux questions que pose
ce texte.
Nicéphore a surtout attiré l’attention de chercheurs en tant que
patriarche de Constantinople et auteur d’œuvres dogmatiques anti-
iconoclastes. Sa jeunesse est moins étudiée, car la seule source
disponible, sa biographie rédigée par Ignace le Diacre, métropo-
lite de Nicée de 843 à 846, est une hagiographie engagée, dont
l’objectivité laisse à désirer. Malgré son engagement, Ignace pré-
sente Nicéphore plutôt comme un iconophile modéré ; c’est pour-
quoi l’empereur Nicéphore Ier l’a choisi comme successeur du pa-
triarche Taraise, en dépit de l’opposition déclarée de l’iconophile
inconditionné Théodore Studite 8. C’est dans le même sens que va
l’engagement de Nicéphore vers 780 dans le secrétariat impérial
par Léon IV, malgré son passé familial hostile à l’iconoclasme.
Le jeune Nicéphore, quand il rédigeait son Histoire brève, n’était
donc pas idéologiquement aussi tranché que quand il écrivait,
en tant que patriarche, ses antirrhétiques. Cette mise au point
s’avérait nécessaire, car plusieurs chercheurs considèrent l’Histoire
brève à travers les œuvres dogmatiques de Nicéphore et hésitent
à attribuer à sa plume telle ou telle information qui ne cadre pas
avec ses idées après son ordination.
Après cette longue introduction, venons-en à l’objet de cette
note. L’absence de sources contemporaines fiables fait que plu-
sieurs pièces du puzzle « lancement de l’iconoclasme par Léon III »
manquent. Les raisons qui ont poussé Léon à cette décision sont
à peine détectables, et nous connaissons mal le contenu idéolo-
9
T h é o p h a n e, Chronique, éd. Ch. De Boor, Leipzig, 1883, p. 401,29-
402,9, précise que c’était un juif de Laodicée qui avait prédit à Yazid un
long règne s’il éliminait les icônes des églises chrétiennes, ce que Yazid a
fait. Après avoir appris cette prédiction, Léon appliqua la même mesure à
Byzance. Or, comme le signale A.A. Vasiliev, The Iconoclastic Edit of the
Caliph Yazid II, A. D. 721, dans Dumbarton Oaks Papers, 9-10 (1956), p. 23-
47, les mesures prises par Yazid n’avaient rien à voir avec les juifs.
10
T h é o p h a n e, Chronique… [voir n. 9], p. 402,9-16. Cf. P. Yannopou-
los, Estudios de personalidades bizantinas : el patricio Visir, Doméstico de las
Escuelas (fin de siglo VII-742), dans Byzantion Nea Hellas, 11-12 (1991-1992),
p. 181-192.
11
G e o r g e s l e M o i n e, Chronicon… [voir n. 2], p. 735,16-738,14.
12
Cf. à ce propos l’ouvrage déjà ancien de S. Gero, Byzantine Iconoclasm
during the Reign of Leo III, with Particular Attention to the Oriental Sources
(Corpus Scriptorum Christianorum Orientalium, 364 = Subsidia, 41), Lou-
vain, 1973, p. 59 sv., ainsi que son article, Notes on Byzantine Iconoclasm in
the Eighth Century, dans Byzantion, 44 (1974), p. 23-42. O. Gra ar, Islam
and Iconoclasm, dans A.A.M. Br er et J. Herrin, Iconoclasm : Papers gi-
ven at the Ninth Spring Symposium of Byzantine Studies, Birmingham, 1977,
p. 45-52, ainsi que Leslie Bru aker et J. Haldon, Byzantium in the Ico-
noclast Era c. 6 0- 0, A History, Cambridge, 2011, p. 106-116, ont confirmé
S. Gero. Cf. en outre P. Speck, Ich bin’s nicht, Kaiser Konstantin ist es gewe-
sen. Die Legenden von Enfluss des Teufels, des Juden und des Moslem auf den
Ikonoklasmus ( οι λα υ αντιν , 10), Bonn, 1990, p. 35 sv., et P. Crone,
Islam, Judeo-Christianity and Byzantine Iconoclasm, dans Jerusalem Studies
in Arabic and Islam, 2 (1980), p. 59-95. L‘idée de Marie-France Auz p , Les
enjeux de l’iconoclasme, dans Cristianità d’Occidente e Cristianità d’Oriente (Se-
coli VI-XI). Setimana di Studio del Centro Italiano di Studi sull’Alto Medioevo,
574 p. annopoulos
17
Dagron, Empereur et prêtre… [voir n. 14], p. 378, n.1, pense que Léon
n’a pas proclamé un édit prohibitif à ce moment. Par contre J.T. Hallen-
eck, The Roman-Byzantine Reconciliation of 728 : Genesis and Signifiance,
dans Byzantinische Zeitschrift, 75 (1981), p. 21-41, semble être d’un avis dif-
férent.
18
T h é o p h a n e, Chronique… [voir n. 9], p. 404,5-9 date l’événement en
6218 (725/726), tandis que la Vie de S. Étienne le Jeune, p. 98,23, le place
erronément en 726/727.
19
T h é o p h a n e, Chronique… [voir n. 9], p. 405,5-14 ; N i c é p h o r e l e
P a t r i a r c h e, Histoire brève, éd. Ch. De Boor, Leipzig, 1880, p. 57,8-20,
éd. Mango, p. 128, ch. 59,1-60,3.
20
T h é o p h a n e, Chronique… [voir n. 9], p. 405,2.
21
N i c é p h o r e… [voir n. 19], De Boor, p. 57,21-26 ; Mango, p. 128,
ch. 60,3-6.
22
N i c é p h o r e… [voir n. 19], De Boor, p. 57,26-28 ; Mango, p. 128,
ch. 60,6-8.
576 p. annopoulos
23
T h é o p h a n e, Chronique… [voir n. 9], p. 405,14-24 ; N i c é p h o r e…
[voir n. 19], De Boor, 57,28–58,10 ; Mango, p. 128, ch. 60,8 à p. 130,18.
24
Cf. C. Mango, Historical Introduction, dans A.A.M. Br er et J. Her-
rin, Iconoclasm : Papers given at the Ninth Spring Symposium of Byzantine
Studies, Birmingham, 1977, p. 1-6.
25
T h é o p h a n e, Chronique… [voir n. 9], p. 407,15-16. Il faut signaler que
G e o r g e s l e M o i n e, Chronicon… [voir n. 2], p. 739,5 date erronément
les faits de 736.
26
T h é o p h a n e, Chronique… [voir n. 9], p. 408,31–409,14.
27
N i c é p h o r e… [voir n. 19], De Boor, p. 58,17-20 ; Mango, p. 130,
ch. 62,2-4.
28
N i c é p h o r e… [voir n. 19], De Boor, p. 58,20-22 ; Mango, p. 130,
ch. 62,4-4.
« les saintes ic nes » ou « les ic nes des saint(e)s » 577
29
Cf. la note de Ch. De Boor dans son apparat critique de la p. 58.
30
A.N. Jannaris, A Historical Greek Grammar chiefly of the Attic Dia-
lect as Written and Spoken from Classical Antiquity down to the Present Time,
Londres, 1897, § 1598.
31
J e a n M a l a l a s, Chronographia, éd. L. Dindor , dans le Corpus
Scriptorum Historiae Byzantinae, t. 32, Bonn, 1831, p. 262,21.
32
T h é o p h a n e, Chronique… [voir n. 9], p. 404,4 ; 405,2 ; 407,18 ; 408,32–
409,1.
33
T h é o p h a n e, Chronique… [voir n. 9], p. 409,3.
578 p. annopoulos
syntagme 34
, sauf dans le cas précis où le
patriarche Germain est appelé à faire un exposé qui serait aussi
une confession de foi au sujet de 35
. Avant
d’aller plus loin, signalons que la tradition manuscrite est una-
nime sur ce point ; aucune autre leçon n’est attestée. Cette for-
mule pose les trois questions suivantes :
1. Le changement de la formulation dans ce cas précis a-t-il
une portée sémantique ou s’agit-il d’une simple emphase ?
2. Le terme , utilisé par Nicéphore dans ce cas, équi-
vaut-il au terme utilisé par le même auteur dans
les deux autres cas où il parle des icônes ?
3. Le mot dans ce cas concret est-il un adjectif subs-
tantivé, ou garde-t-il son rôle d’épithète ? Cette dernière
question m’interpelle depuis plusieurs années. Le 11 octobre
2010 notamment, lors de mon discours prononcé devant les
membres de l’Académie Parnassos d’Athènes à l’occasion de
mon admission comme membre correspondant de cette ins-
titution, j’ai attiré l’attention de mes auditeurs sur ce point,
en signalant aussi que ce détail n’avait pas attiré l’attention
de l’historiographie moderne. À ma grande surprise, et mal-
gré le fait qu’il s’agissait d’un auditoire spécialisé et averti,
personne n’avait prêté attention à cette particularité du
texte de Nicéphore 36. J’ai depuis mené quelques recherches
dans ce domaine, qui n’ont rien donné de précis, ce qui ex-
plique la rédaction de cet article.
La réponse à la première de ces questions est relativement fa-
cile. Dans son Histoire brève, Nicéphore est prosaïque. Son objectif
était la rédaction d’un traité historique selon les bonnes règles
linguistiques de l’historiographie classique. Il évite en général les
constructions emphatiques. À mon sens, il faut chercher une por-
tée sémantique à ce changement de formulation.
La réponse à la deuxième question est moins évidente. G. W.
H. Lampe donne comme signification pour le mot :
34
N i c é p h o r e… [voir n. 19], De Boor, p. 57,24 ; Mango, p. 128, ch.
60,4-5.
35
N i c é p h o r e… [voir n. 19], De Boor, p. 58,20 ; Mango, p. 130, ch.
62,4.
36
La communication a été ensuite publiée sous le titre αρατηρή εις
την εναρ τήρια φ η του ει ονομαχι ο ινήματος, dans la revue αρνα ός,
54 (2012, paru en 2014), p. 44-67.
« les saintes ic nes » ou « les ic nes des saint(e)s » 579
37
G.W.H. La pe, A Patristic Greek Lexicon, Oxford, 1961-1968, p. 410.
38
La pe, A Patristic… [voir n. 37], p. 410-416.
39
Cf. note 14.
40
Il est certain que N i c é p h o r e… ([voir n. 19], De Boor, p. 60,7 ;
Mango, p. 132, ch. 64,21-22), en parlant de la révolte d’Artavasde, signale
que Constantin V se réfugia dans la région des Anatoliques pour s’assurer
. Or, du point de vue syntaxique et sémantique
cette construction n’a rien en commun avec l’ensemble
. Dans ce cas-ci, il s’agit d’un pronom et non d’un adjectif, et surtout
d’un pronom qui n’a jamais été substantivé.
41
À titre d’exemple, nous pouvons citer L é o n c e d e N a p l e s, Ser-
mones, dans Patrologia Graeca, vol. 93, col. 1597C-1600A : ’
580 p. annopoulos
44
T h é o p h a n e, Chronique… [voir n. 9], p. 352, apparat critique ; J e a n
Z o n a r a s, Epitomé, éd. L. Dindor , vol. III, Leipzig, 1870, p. 316,25-29.
45
La Chronique de Théophane parle à deux reprises de ce synode. Dans
le premier cas (p. 362,18-25), il s’agit en réalité d’une scholie incorporée au
texte ; il y est noté que Germain a « signé » les décisions monophysites du
synode. Dans le second cas (p. 385,10-21), la Chronique fait état de prélats
d’une grande notoriété, dont Germain métropolite de Cyzique, qui ont ana-
thématisé « par écrit » les décisions du VIe concile œcuménique.
46
T h é o p h a n e, Chronique… [voir n. 9], p. 362,25-27.
47
N i c é p h o r e… [voir n. 19], De Boor, p. 52,20-25 ; Mango, p. 120,
ch. 52,18-24, est plutôt sommaire. T h é o p h a n e, Chronique… [voir n. 9],
p. 390,20-24, est plus explicite, surtout au sujet du rôle du patriarche Ger-
main dans ce changement dynastique.
48
Il s’agit notamment d’une lettre adressée à David I d’Aramonk, ka-
tholikos d’Arménie entre 728 et 741. La lettre en question est arrivée entre
les mains du chef de l’Église arménienne par l’intermédiaire de Stéphanos
582 p. annopoulos
51
Dagron, Empereur et prêtre… [voir n. 14], p. 180-200, y ajoute une
autre raison : Léon avait l’intention de restaurer le pouvoir impérial, gra-
vement atteint durant la période d’anarchie entre 681 et 717 ; il n’hésitait
donc pas de se déclarer au-dessus de toute institution, y compris l’Église et
les synodes œcuméniques.
52
T h é o p h a n e, Chronique… [voir n. 9], p. 405,5-11. Théophane semble
résumer ici un texte hagiographique : la Passion des martyrs de la Chalcée,
dans Acta Sanctorum, August II, p. 434-437. La même historiette, igno-
rée par Nicéphore, est rapportée par la Vie de S. Étienne le Jeune, p. 100.
Mango, Historical Introduction… [voir n. 24], p. 1-6, accorde une certaine
valeur historique à ce récit, ce qui a provoqué la réaction de B. Baldwin,
Theophanes on the Iconoclasm of Leo III, dans Byzantion, 60 (1990), p. 426-
428. Marie-France Auz p , La destruction de l’icône du Christ de la Chalcé
par Léon III : propagande ou réalité, dans Byzantion, 40 (1990), p. 445-492, a
prouvé le caractère fabuleux de cette historiette, façonnée de toutes pièces
après le VIIe concile œcuménique. Bru aker et Haldon, Byzantium… [voir
n. 12], p. 128-135, reviennent sur cette historiette sans toutefois proposer
une nouvelle vision, et se demandent de quelle icône parlent ces textes.
Concernant la formation et la valeur historique de ce texte, cf. Leslie
Bru aker et J. Haldon, Byzantium in the Iconoclast Era c. 6 0- 0. The
Sources : An annotated Survey, Aldershot, 2001, p. 226-227.
584 p. annopoulos
, -
, 53
. Ce passage constitue un
cas typique d’anachronisme : non seulement la question de l’inter-
cession des saints et du culte de leurs reliques ne s’est pas posée
sous Léon III, mais de plus Théophane accuse Léon de ne pas être
en mesure de comprendre la des icônes. Or,
cette formulation date du VIIe concile œcuménique. Théophane,
qui avait participé à ce concile, s’était rendu compte de la com-
plexité du débat avant que le synode n’arrive à la formulation
de , qui d’ailleurs a connu des interpréta-
tions diverses, même après le synode. Pourtant, le passage de
Théophane n’est pas dépourvu d’intérêt. Il indique que, lors du
VIIe concile œcuménique, le débat tournait autour de l’interces-
sion de la Sainte Vierge et des saints, la vénération des reliques
et la des icônes. Si la question de l’intercession et
des reliques, comme déjà noté, n’était pas posée au moment du
lancement de l’iconoclasme, la question de la paraît
être au cœur du problème à ce moment. Rappelons que, selon Ni-
céphore, Léon avait interprété l’éruption du volcan de Théra en
726 comme un signe de la colère divine à cause de (
des icônes) 54
. Comme déjà signalé,
Leslie Brubaker et J. Haldon, en suivant un chemin méthodolo-
gique différent, arrivent à une conclusion analogue. Nous pouvons
donc dire que Léon prit des mesures contre les icônes parce qu’il
considérait que leur adoration offensait Dieu. Examinons mainte-
nant la position du patriarche Germain à ce propos.
Selon la correspondance de Germain mentionnée lors du sy-
node de 754, le patriarche considérait la des icônes
comme un acte d’impiété seul l’ était permis55. Léon
connaissait parfaitement les idées de Germain, puisqu’il discutait
avec lui au sujet des icônes. D’autre part, étant assuré du soutien
de l’aristocratie administrative byzantine, l’empereur avait aussi
besoin du consentement de l’Église pour aller plus loin dans son
iconoclasme. Comme le patriarche lui paraissait encore hésitant,
il le convoqua au silention de 730 dans l’espoir de le convaincre.
Sans doute l’empereur misait-il sur le passé de Germain et sur
l’amitié qui unissait les deux hommes, mais aussi sur la pression
53
T h é o p h a n e, Chronique… [voir n. 9], p. 406,22-25.
54
Cf. supra, note 21.
55
Mansi, XIII, 121E et 104B13-C3.
« les saintes ic nes » ou « les ic nes des saint(e)s » 585
morale que pouvait exercer sur lui la présence des hauts fonction-
naires de l’empire, tous partisans idéologiques de Léon. Il comp-
tait ainsi disposer du soutien de l’Église et d’un texte justifiant
ses décisions. Germain ne voyait pas d’objection à interdire la
représentation du sacré ; une telle vision allait dans le sens des
décisions du concile de 712, dans lequel il avait joué un rôle im-
portant. Mais Léon III l’avait appelé à rédiger une confession de
foi, sans doute pour qu’elle serve de base à un édit impérial inter-
disant les icônes des saint(e)s dans les lieux de culte. Germain, qui
trouvait que les exigences de Léon allaient trop loin, se retrancha
derrière l’absence de décision conciliaire en la matière, en souli-
gnant que c’était une chose de discuter de représenter ou non le
sacré, et une autre de demander au chef de l’Église byzantine un
texte iconoclaste.
Il est temps de conclure. Le contenu dogmatique de l’icono-
clasme primitif n’est certainement pas très clair ; le rôle des prin-
cipaux acteurs (l’empereur Léon, les papes Grégoire II et Gré-
goire III, les patriarches Germain et Anastase, et d’autres moins
connus ou inconnus) ne l’est pas non plus. Comme le contenu
dogmatique de l’iconoclasme est surtout l’affaire des théologiens,
le patriarche Germain, après l’abolition de l’iconoclasme, a été
proclamé héros du parti iconophile et grand défenseur des icônes,
tandis que Léon III a été jeté en enfer. La manipulation des infor-
mations concernant la couleur dogmatique de la famille de Ger-
main va dans ce même sens. Comme déjà noté, ces informations
sont omises par les manuscrits de la « famille B » de la Chronique
de Théophane, dont l’origine est l’édition de cette chronique par
Constantin VII le Porphyrogénète. En réalité, il ne reste de ce
conflit que deux textes relativement proches des événements, à
savoir l’Histoire brève de Nicéphore et la Chronique de Théophane
que nous venons d’analyser ; ce sont deux témoins iconophiles, qui
signalent pourtant le passé monophysite de Germain et le passé
orthodoxe de Léon. Dans cette affaire, l’importance de la Chro-
nique de Théophane a été surestimée à cause de ses descriptions
détaillées, sans tenir compte du fait qu’il s’agit d’un texte ina-
chevé, qui ne fait que transmettre les résumés de sources perdues,
et qu’il s’agit en outre d’un texte plein d’anachronismes. Les for-
mulations dogmatiques de la Chronique de Théophane sont donc
beaucoup moins fiables que celles de Nicéphore. Ce dernier laisse
entendre que, si Germain ne rejetait pas les options iconoclastes
586 p. annopoulos