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« La traversée de la

mer Rouge ». Psautier


de Paris,
Constantinople, milieu
du Xe siècle. Paris,
Bibliothèque nationale
de France. © BnF.

Les manuscrits grecs


de la Bibliothèque
nationale de France
et l’art byzantin
Les manuscrits grecs de la Bibliothèque nationale de France et l’art byzantin

Conservant avec la Bibliothèque vaticane le fonds de manuscrits grecs illustrés le plus impor-
tant du monde, la Bibliothèque nationale de France se retrouve dépositaire d’une part non
négligeable du patrimoine artistique byzantin. L’importance de ce fonds est étroitement
liée aux circonstances historiques qui ont entouré sa création dans la première moitié
du XVIe siècle et ses enrichissements successifs jusqu’au XXe siècle.

Christian FÖRSTEL, conservateur en chef chargé des manuscrits grecs de la BnF

LES DÉBUTS DE
LA BIBLIOTHÈQUE
ROYALE
La collection de manuscrits grecs de la
Bibliothèque royale débute véritablement sous le
règne de François Ier (1515-1547) avec la constitu-
tion à Fontainebleau d’une bibliothèque de manus-
crits grecs réunie sous l’influence de l’entourage
humaniste du roi et liée à la création du Collège de
lecteurs royaux, futur Collège de France, et d’une
imprimerie royale spécialement dédiée à l’édition
des textes grecs.
Parmi les manuscrits enluminés entrés dans les
collections royales sous François Ier, une place à
part revient au manuscrit de l’herbier du médecin
grec Dioscoride, qui a été copié et superbement
enluminé vers la fin du VIIIe siècle en Palestine ou
en Syrie. Au XVIe siècle, les ambassadeurs du roi en
Italie et auprès de la Sublime Porte sont mobilisés
pour collecter des manuscrits pour la bibliothèque,
mais imitant l’action royale, ils constituent eux-
mêmes des collections qui finiront plus tard par
rejoindre la bibliothèque du roi.
C’est le cas de Jean Hurault de Boistaillé, ambassa-
deur du roi à Venise puis à Constantinople, où il
acquiert le « psautier de Paris ». Ce manuscrit
d’apparat est doté de 14 miniatures en pleine page
qui illustrent la vie de David, représenté comme un
empereur byzantin, ainsi que les cantiques de
l’Ancien et du Nouveau Testament qui figurent à la
fin de tous les psautiers grecs. Ce psautier « aris-
tocratique » est un des chefs-d’œuvre absolus de
l’art de Constantinople à l’époque de la « renais-
sance » macédonienne : l’inspiration antique
omniprésente, mais aussi les références subtiles

« Le concile de 381 ». Homélies de Grégoire de Nazianze.


Constantinople, vers 880. Paris, Bibliothèque nationale de
France. © BnF.

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Les manuscrits grecs de la Bibliothèque nationale de France et l’art byzantin

Un manuscrit impérial au contenu patristique


Élisabeth Yota, maître de conférences à l’université Paris-Sorbonne (Paris IV)

C’est dans les années quatre-vingts du IXe siècle, à Constantinople, qu’a été exécuté le célèbre recueil d’homélies de Grégoire de
Nazianze. Il a été conçu pour l’empereur Basile Ier (867-886), fondateur de la dynastie macédonienne – période d’un faste sans pré-
cédent pour l’empire – qui suivit la fin de l’iconoclasme.
Le manuscrit a appartenu à la bibliothèque du cardinal Nicolas Ridolfi, puis brièvement à celle de Pierre Strozzi, avant de passer aux
mains de Catherine de Médicis et d’entrer à la Bibliothèque royale en 1599. Il est doté d’une reliure de maroquin rouge aux armes
d’Henri IV.
Le manuscrit a pu être daté avec une précision relative grâce aux portraits impériaux qui suivent dans les premiers folios la repré-
sentation du Christ Pantocrator : l’empereur Basile Ier, entouré du prophète Élie qui lui donne le labarum et l’archange Gabriel qui le
couronne, et l’impératrice Eudocie et ses deux fils Léon et Alexandre. La mort du fils aîné de Basile Ier – Constantin – en 879, qui
n’est pas représenté aux côtés de ses frères et la mort de l’impératrice Eudoxie, en 883, constituent le cadre chronologique dans
lequel est située l’exécution de ce manuscrit (879-883).
La compilation des sermons de Grégoire de Nazianze est copiée avec une élégante écriture en onciales sur deux colonnes. Elle est
enrichie de tableaux ornementaux au début des homélies et de larges initiales dorées
placées dans les marges.
La pureté du texte et la qualité de l’écriture vont de pair avec la richesse des miniatures
qui décorent ce manuscrit. Plus de quarante miniatures en pleine page – chacune pré-
cédée d’une homélie – sont réalisées de mains diverses mais très voisines, et compor-
tent un ou plusieurs registres. Elles reproduisent plus de deux cent scènes tirées de
l’Ancien et du Nouveau Testament, de la vie des saints, notamment des Pères de
l’Église, Basile et Grégoire de Nazianze, et de l’histoire de l’Empire chrétien. La diversité
de sources rencontrée dans ce splendide ouvrage correspond à la variété des thèmes
traités par Grégoire Nazianze dans ses sermons. L’image au service du texte acquiert
ainsi une valeur exégétique.
Le choix des scènes illustrées et le symbolisme théologique et impérial dans ce recueil
des homélies de Grégoire de Nazianze, suppose que ce travail a été guidé par un érudit.
Il est possible que le patriarche de Constantinople Photius fût le concepteur de l’illustra-
tion de ce manuscrit.
C’est l’un des premiers manuscrits impériaux de grand luxe de la dynastie macédo-
nienne, et un témoignage exceptionnel de l’art de l’enluminure byzantine au IXe siècle.

http://www.orient-mediterranee.com/spip.php?rubrique509

Bibliographie : « Allégorie de la Rédemption ». Homélies de


• BRUBAKER Leslie, Vision and meaning in ninth-century Grégoire de Nazianze. Constantinople, vers
Byzantium: image as exegesis in the homilies of Gregory 880. Paris, Bibliothèque nationale de France.
Nazianzus, Cambridge 1999. © BnF.

à la cour contemporaine que recèlent les images suggèrent qu’il homélies de Grégoire de Nazianze doté de 46 miniatures en pleine
s’agit d’une œuvre réalisée directement pour l’empereur ou son page et précédé des portraits du fondateur de la dynastie macédo-
entourage le plus proche, vers le milieu du Xe siècle. nienne, l’empeureur Basile Ier, et de sa famille (vers 880).
À l’extrême fin du XVIe siècle, l’une des plus grandes collections pri-
vées de manuscrits grecs de la Renaissance, celle constituée en AU XVIIe SIÈCLE, UN ACCÈS
Italie par le cardinal Niccolo’ Ridolfi, petit-fils de Laurent le
Magnifique, intègre la Bibliothèque du roi. Dans cette collection PRIVILÉGIÉ AUX MANUSCRITS
figurent plusieurs trésors de l’art byzantin, parmi lesquels un Au XVIe siècle, la collection royale française de manuscrits grecs
tétraévangile illustré copié au monastère de Stoudios de est largement influencée par les précédents italiens du
Constantinople dans le troisième quart du XIe siècle et dédié à Quattrocento et par l’idéologie humaniste. À partir du XVIIe siècle,
l’empereur régnant et surtout un exemplaire de grand luxe des c’est un intérêt plus direct pour l’histoire de l’Empire byzantin et du

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Les manuscrits grecs de la Bibliothèque nationale de France et l’art byzantin

ment illustré qui nous soit conservé, les Sacra Parallela, un recueil
de citations édifiantes bibliques et patristiques attribuées à Jean
Damascène, exécuté probablement à Constantinople immédiate-
ment après la fin de la crise iconoclaste (841), a ainsi selon toute
probabilité transité par le mont Athos avant d’être vendu par son
dernier propriétaire, Nicolas Mavrocordato, au roi de France. Plus
de 1 600 images, portraits des auteurs ou illustrations narratives,
ornent ce manuscrit exceptionnel qui reste encore mystérieux à
plus d’un titre.
C’est également au mont Athos ou à Constantinople même qu’a été
acquis un manuscrit somptueux des homélies de Jean
Chrysostome dédié d’abord à Michel VII Doukas, puis après la
chute de celui-ci à son successeur Nicéphore Botaniatès. C’est le
portrait du premier qui a été placé à deux reprises en tête du
manuscrit – une fois entourée de grands officiers de la cour et une
seconde fois entre saint Jean Chrysostome et l’archange saint
Michel –, avant d’être modifié pour s’adapter à son successeur. Un
troisième portrait, celui de l’impératrice Marie d’Alanie a pu quant
à lui rester inchangé, puisqu’elle a été l’épouse successive des
deux empereurs.

CONSTANTINOPLE
Une provenance directe de Constantinople est attestée de façon
assurée pour une série de manuscrits enluminés dont certains
portent encore l’estampille de la bibliothèque du Sérail d’Istanbul.
Parmi ceux-ci figure un exemplaire de luxe des épîtres de saint

« Jean Damascène, Cyrille d’Alexandrie, Philon d’Alexandrie et Flavius


Josèphe ». Sacra Parallela, XIe siècle. Paris, Bibliothèque nationale de
France. © BnF.

Proche-Orient chrétien qui motive les grandes acquisitions faites


pour la bibliothèque du roi ou ses principaux ministres. L’alliance
avec la Sublime Porte permet alors aux envoyés du roi un accès pri-
vilégié aux provinces ottomanes de culture grecque, comme
Chypre, le mont Athos, mais aussi la capitale Constantinople elle-
même. Les bibliothèques du chancelier Séguier, de Colbert –
toutes deux finiront par intégrer la bibliothèque du roi au XVIIIe siè-
cle –, mais aussi la Bibliothèque du roi elle-même réunissent un
nombre très important de manuscrits provenant de l’Empire otto-
man : plusieurs centaines de manuscrits arrivent ainsi de Chypre
dont des témoins importants de l’art médiéval chypriote qui est
marqué par les influences croisées de Constantinople, de
l’Occident latin et de la zone syro-palestinienne toute proche.

LES MANUSCRITS DU MONT


ATHOS
Les acquisitions les plus spectaculaires de cette époque provien-
nent du mont Athos et de Constantinople. Intimement lié au pou-
voir impérial depuis la fondation du monastère de Lavra au Xe siè-
cle, le mont Athos et ses monastères ont accueilli de nombreuses
donations des aristocrates byzantins avant et même après la « Nicéphore II et Marie d’Alanie ». Homélies de Jean Chrysostome.
chute de l’Empire byzantin. Le manuscrit byzantin le plus densé- Constantinople, XIe siècle. Paris, Bibliothèque nationale de France. © BnF.

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Les manuscrits grecs de la Bibliothèque nationale de France et l’art byzantin

« L’auteur avec Jean Chrysostome et Grégoire de Nysse ». Homélies sur la Vierge du moine Jacques de Kokinnobaphos témoignent, quant à
Vierge de Jacques Kokkinobaphos. Constantinople, XIIe siècle. Paris, elles, du renouveau de l’art byzantin dans la première moitié du
Bibliothèque nationale de France. © BnF.
XIIe siècle : dans ce manuscrit, le texte et les nombreuses enlumi-
nures qui illustrent des épisodes de la vie de Marie, ainsi que des
Paul et de l’Apocalypse datant du XIe siècle :ce manuscrit est intro- scènes tirées de l’Ancien et du Nouveau Testament, ont été conçus
duit par une double page représentant d’un côté saint Paul écri- par l’auteur, un lettré proche de la cour impériale, qui s’est fait
vant, et de l’autre le Père de l’Église saint Jean Chrysostome expli- représenter à deux reprises dans l’image initiale du manuscrit, une
quant le texte de Paul à ses disciples Œcumenius et Théodoret. fois guidé par saint Jean Chrysostome dans la lecture d’un texte
Ces miniatures somptueuses sur fond d’or reflètent ainsi le biblique et une seconde fois prosterné devant saint Grégoire
contenu du livre où le texte biblique est entouré des commentaires de Nysse.
patristiques disposés en forme de chaînes. Les Homélies sur la Deux autres manuscrits provenant d’Istanbul illustrent la « renais-

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Les manuscrits grecs de la Bibliothèque nationale de France et l’art byzantin

« La guérison des aveugles ». Évangile


de Matthieu, VIe siècle. Paris, Bibliothèque
nationale de France. © BnF.

sance » intellectuelle et artistique de l’époque des Paléologues. Le page représente une véritable fresque d’inspiration antique, est
premier est un manuscrit des œuvres du médecin grec Hippocrate ainsi un des témoins les plus célèbres de la « renaissance »
qui est lié à l’un des personnages les plus influents de macédonienne ;ce manuscrit est arrivé à la Bibliothèque nationale
Constantinople dans la première moitié du XIVe siècle, Alexios après avoir transité par la Bibliothèque vaticane, où il est men-
Apokaukos : sur un bifeuillet placé au début du manuscrit, celui-ci tionné dans un inventaire antérieur au sac de Rome de 1527, et
est représenté dans sa dignité de « Megas doux » (mégaduc) ou l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés où il figurait au XVIIIe siècle.
commandant de la flotte impériale en face du père de la médecine À l’extrême fin du XIXe siècle, un ultime chef-d’œuvre rejoint les col-
grecque, Hippocrate. Les vers entourant ces deux portraits consti- lections nationales : l’Évangile de Mathieu copié en lettres d’or sur
tuent un véritable dialogue entre Hippocrate et Apokaukos qui un parchemin pourpré, probablement en Syrie ou en Palestine,
témoigne de l’intérêt de ce dernier pour la médecine. Adversaire dans la seconde moitié du VIe siècle. Cinq miniatures représentant
d’Alexis Apokaukos dans la guerre civile qui précède son accession des épisodes relatés dans l’évangile encadrés par des citations de
au trône impérial, Jean VI Cantacuzène est le commanditaire ou du l’Ancien Testament illustrent ce manuscrit qui a été acquis par un
moins le destinataire d’un manuscrit d’apparat qui contient ses officier français à Sinope sur la mer Noire.
propres œuvres théologiques :exécuté après son abdication, dans Fruit de plusieurs siècles de collecte, le fonds de manuscrits grecs
les années 1370-1375, le manuscrit est célèbre pour ses minia- de la Bibliothèque nationale de France fournit un apport d’autant
tures. La première d’entre elles montre Jean VI présidant le concile plus précieux à l’histoire de l’art byzantin que le livre a longtemps
de 1351 qui fait de la doctrine mystique développée par Grégoire constitué le refuge dans lequel la peinture a le mieux résisté aux
Palamas, l’hésychasme, la doctrine officielle de l’Église grecque ; ravages du temps, alors qu’une bonne partie de la peinture monu-
sur la dernière enluminure, Jean VI apparaît comme empereur et mentale a sombré.
comme moine en tête de ses écrits contre l’Islam. Entre ces deux
représentations de l’auteur, une miniature illustre un épisode
biblique central aux yeux des hésychastes, la Transfiguration, POUR EN SAVOIR PLUS
avec face à elle le portrait de Grégoire de Nazianze, le Père de
• Byzance et la France médiévale. Manuscrits à peinture du
l’Église le plus souvent cité par les hésychastes.
IIe au XVIe siècle. Paris, Bibliothèque nationale, 1958.
• Byzance. L’art byzantin dans les collections publiques fran-
APRÈS LA RÉVOLUTION çaises. Paris, musée du Louvre, 1992.
À la veille de la Révolution, la Bibliothèque du roi possède déjà l’un
• EVANS H. C., WIXOM W. D. (éd.), The Glory of Byzantium.
des premiers fonds de manuscrits grecs d’Europe. Avec les confis-
Art and Culture of the Middle Byzantine Era. New York,
cations révolutionnaires et les missions archéologiques du XIXe
The Metropolitan Museum of Art, 1997.
siècle, ce fonds s’accroît encore davantage. Deux manuscrits sym-
• DURAND J., L’Art byzantin. Paris, Terrail, 1999.
bolisent cette dernière phase d’enrichissement notable de la
• EVANS H. C. (éd.), Byzantium. Faith and Power (1261-
bibliothèque devenue nationale : le manuscrit des poèmes du
1557). New York, The Metropolitan Museum of Art,
médecin grec Nicandre de Colophon, orné de représentations des
2004.
serpents et autres bêtes venimeuses et dont la dernière double

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Les manuscrits grecs de la Bibliothèque nationale de France et l’art byzantin

Un manuscrit au service des relations entre Orient et Occident


Élisabeth Yotai

Parmi les plus importants manuscrits illustrés de Byzance nous comptons une somptueuse édition bilingue des quatre évangiles
qui fut attribuée à Constantinople à la fin du XIIIe siècle. Passé successivement entre les mains du cardinal Ridolfi – neveu du pape
Léon X et grand collectionneur de livres précieux –, du maréchal Pierre Strozzi qui l’a transporté en France et de la reine Catherine
de Médicis, ce manuscrit intègre la collection royale en 1599.
La renommée de ce manuscrit est due aussi bien à son texte qu’à son riche décor. Le texte des quatre évangiles, en grec et en latin,
est écrit sur deux colonnes. Celle de gauche est consacrée à la copie grecque, réalisée en premier et avec soin jusqu’à la fin du
manuscrit, tandis que celle de droite a été réservée au texte latin qui est resté inachevé. Les deux copies sont écrites en quatre
encres de couleur différente (rouge clair et foncé, bleu et marron), dont la fonction était d’établir une hiérarchie dans le récit. Cet
effet de polychromie insolite dans les manuscrits byzantins laisse supposer que le copiste s’inspire des pratiques occidentales
appliquées surtout dans les manuscrits gothiques.
L’influence occidentale est aussi visible dans certains petits détails iconographiques de ses miniatures. Elles devaient être au nom-

« La Cène ». Tétraévangile gréco-latin. Constantinople, fin du XIIIe siècle. Paris, Bibliothèque nationale de France. © BnF.

bre de cinquante-deux mais seules vingt-deux miniatures ont été achevées. Hormis les portraits des évangélistes en pleine page,
les miniatures sont insérées dans le texte et illustrent des épisodes de la vie du Christ. Elles sont l’œuvre de plusieurs peintres qui
suivent fidèlement l’iconographie byzantine et le style de l’époque paléologue.
Attribué à Constantinople, ce manuscrit bilingue a dû vraisemblablement être conçu pour un Latin. Les échanges entre Byzantins et
Occidentaux qui se sont développés durant l’occupation latine de Constantinople (1204-1261) ont favorisé les commandes d’œuvres
destinées aux Latins comme présent à diverses occasions. Les hypothèses soutenues jusqu’à présent sur ce manuscrit de la BnF
n’excluent ni le cas d’un présent offert lors d’un mariage entre un empereur byzantin et une princesse latine ni celui d’un cadeau
d’un empereur byzantin envers le pape dans le but d’unifier les églises latine et orthodoxe.

Bibliographie :
MAXWELL Kathleen, Between Constantinople and Rome- An Illuminated Byzantine Gospel Book (Paris gr. 54) and the Union of
Churches, Farnham 2014.

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Les manuscrits grecs de la Bibliothèque nationale de France et l’art byzantin

L’art byzantin au miroir des manuscrits arméniens


Ioanna Rapti

Le rayonnement de l’art byzantin a souvent fait fructifier les


traditions des christianismes orientaux avec des résultats
d’une originalité remarquable. Les manuscrits arméniens
illustrés offrent un témoignage représentatif de la transpo-
sition et de l’interprétation des modèles byzantins. Dans la
spiritualité arménienne le manuscrit et en particulier le livre
des évangiles jouit d’une importance singulière. Il constitue
un objet vénérable et un médiateur privilégié pour le salut
des fidèles, analogue à l’icône orthodoxe. Support privilégié
des images sacrées qui illustrent ou interprètent le texte,
les manuscrits arméniens se caractérisent par une grande
richesse et ne se limitent pas à l’imitation de modèles grecs.
Les traditions locales et les circonstances de réalisation
déterminent souvent l’iconographie et le style.
Les plus anciennes enluminures arméniennes, datées de la
fin du VIe siècle sont conservées dans un recueil du Xe siè-
cle, le célèbre évangile d’Etchmiadzine dont les plats de
reliure sont deux ivoires sculptés sans doute à
Constantinople à l’époque de Justinien, au VIe siècle.
Plusieurs éléments comme les ailes de l’ange de
l’Annonciation faites de plumes de paon exploitent un voca-
bulaire ornemental répandu dans le monde méditerranéen.
De même, les scènes nilotiques dans les tables de canons
d’un tétraévangile du IXe siècle à Venise prolongent cette
tradition qui a pu survivre encore au XIe siècle : en témoigne
un somptueux manuscrit dont les peintures ne sont pas
sans rappeler des fresques byzantines (photo). Dans la
Cilicie où l’art arménien s’épanouit entre Byzance et le
Levant, les peintres arméniens déclinent souvent avec
ingéniosité les modèles communs dans les régions de la
Méditerranée orientale. La générosité et la piété des dona-
teurs se manifeste à travers des dédicaces solennelles et
des portraits individualisés. Les abondantes illustrations de « Crucifixion ». Évangiles de Mughni.
deux tétraévangiles des années 1260, œuvre de l’atelier
dirigé par le célèbre peintre T’oros Roslin, renouvellent à leur manière la tradition des évangiles byzantins des XIe et XIIe siècles avec
une élégance et un accent dramatique nourris aussi de la peinture de l’Occident et du Levant latin. Un autre décor manuscrit réalisé
en deux temps à la fin du XIIIe siècle et en 1320, s’apparente étroitement à celui de deux tétraévangiles grecs du XIe et du début du
XIIe siècle confirmant la perméabilité des traditions au delà des limites linguistiques et confessionnelles.
Les manuscrits illustrés propagent des modèles sur d’autres supports et bien loin de l’empire, même si dans les régions rurales de
l’Anatolie prédominent des inspirations orientales, notamment iraniennes, avant que n’apparaisse un nouvel engouement, chez les
artistes chrétiens de l’empire ottoman, pour des modèles véhiculés par des gravures.

Bibliographie :
DER NERSESSIAN S., L’Art arménien, Paris, 1979.
Armenia Sacra. Mémoire sacrée des Arméniens, catalogue de l’exposition au musée du Louvre, Paris, 2007.
http://www.thedigitalwalters.org
http://www.matenadaran.am

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