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Qu’est-ce qui vous paraît le plus choquant rétrospectivement dans cet épisode
de « panique morale » ?
De très loin, l’un des aspects les plus scandaleux de la panique satanique était les
séminaires sur les « crimes occultes ». Des personnalités comme Pulling, n’ayant
aucune connaissance réelle du sujet, étaient payées pour « former » les policiers
au satanisme. C’était une relation « symbiotique ». La police l’engageait, ce qui
prouvait qu’elle était experte en criminalité occulte ; et la criminalité occulte
devait bel et bien exister puisque des experts comme Pulling l’affirmaient !
Je pense que c’est en grande partie parce que toute la panique satanique a été
oubliée ! Nous avons une sorte d’amnésie nationale à ce sujet, ce qui explique en
partie pourquoi des mouvements comme QAnon ont pu gagner du terrain si
rapidement. L’une des principales affirmations de la panique était que les abus
sataniques entraînaient des « souvenirs refoulés » (accusation inspirée des thèses
sur la mémoire traumatique refoulée et popularisée par le best‐seller Michelle
Remembers, du psychiatre Lawrence Pazder, en 1980). Mais je pense que ce sont
plutôt les Etats‐Unis qui ont choisi de refouler leur propre mémoire de la panique
satanique !
Tipper Gore, la femme du futur vice-président Al Gore (1993-2001), partie en
croisade à l’époque contre les paroles offensantes de l’industrie musicale, a-t-
elle, à un moment donné, exprimé un repentir relatif à son engagement au côté
de Patricia Pulling ?
Je ne sais pas si Tipper Gore a réfléchi à son rôle dans la censure et la panique
morale des années 1980. Je pense que la chose la plus troublante à propos de la
panique satanique est qu’il n’y a pas eu d’excuses. Tout le monde a essayé de faire
comme si rien ne s’était passé et comme si personne n’avait été impliqué dans
l’accusation à tort de personnes innocentes.
Après le procès des sorcières de Salem, au XVIIe siècle, les puritains se sont rendu
compte de ce qu’ils avaient fait : ils ont observé une période de jeûne et de
repentance et ont indemnisé les victimes. J’aimerais que les Américains du
XXe siècle fassent montre de la même capacité à admettre leurs erreurs.
Actuellement, les Etats‐Unis sont obsédés par l’idée que des enfants sont
manipulés par des pédophiles. Des lois sont adoptées dans certains Etats pour
interdire les spectacles de travestis et les livres ayant trait à l’histoire et à la
culture des LGBTQ+, tout cela au nom de la protection des enfants contre les
personnes LGBTQ+qui essaieraient de les inciter à subir des abus sexuels.
C’est une question qui pourrait être étudiée scientifiquement en utilisant des
enquêtes et des méthodologies de recherche. Je n’ai pas fait cette recherche, mais
j’émets l’hypothèse que c’est plutôt le contraire. Je pense que l’expérience de
mondes fantastiques élaborés facilite la reconnaissance de la fantaisie. C’est la
raison pour laquelle les joueurs sont moins susceptibles de se laisser entraîner par
un phénomène tel que QAnon. En revanche, quelqu’un qui n’a pas beaucoup
exercé son imagination, ou qui a tendance à penser aux histoires en termes très
littéraux, peut être plus sensible à cette propagande.
Julien Laroche-Joubert
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Daté du lundi 7 août
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