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LA RÉVÉLATION D’HERMÈS TRISMÉGISTE

I
L’Astrologie et les S ciences Occultes

U
L e Dieu Cosmique

III
L es Doctrines de l ’Ame
L e Dieu inconnu et la Gnose

En préparation :

Index général
(NOMS PROPRES, MATIÈRES, AUTEURS CITÉS)
de la Révélation d ’Hermès T rismégiste

p ar

H.D. Saffrey
COLLECTION D'ÉTUDES ANCIENNES
publiée sous le patronage de 1‘ASSOCIATION GUILLAUME BUDÉ

SÉRIE GRECQUE N“ 77

A.-J. FE ST U G IÈ R E , O . P.

LA RÉVÉLATION
D’HERMÈS TRISMÉCISTE
III
LES DOCTRINES DE L’AME

SUIVI DE

J amblique , TR A IT É DE L ’AME, traduction et commentaire.


P orphyre , DE L ’ANIMATION D E L ’EMBRYON

P A R IS

LES BELLES LETTRES

1990
Cette édition est une réimpression de l’ouvrage publié
par les éditions J. GABALDA en 1950 (2” édition).

Tous droits de traduction, de reproduction et d ’adaptation


réservés pou r tous les pays.

© 1990. Société d ’édition Les Belles Lettres,


95 bd Raspail 75006 Paris.

ISBN : 2 -2 5 1 -3 2 5 9 6 -4
ISSN: 018 4 -7 1 1 2
A. D. NOCK G. TH EILER

H ERM ETIS IN SCHOLA

SODALIBVS

AMICIS
TABLE DES MATIÈRES

P réface ............................................................................................................................................. IX
I ntroduction . — Le cadre des traités de l’âme et le cadre de la gnose
hermétique.............................................................................................................. 1
Chapitre I. — L ’ oricine céleste de l ’a h e ............................................................... 27
I. Les sources philosophiques....................................................... 27
II . La gnose païenne .......................................................................... 33
1. L ’hermétisme .......................................................................... 34
A. P oim andrès et Corpus H erm etic u m ............................ 34
B. 'A sclip iu s .................................................................... 36
C. K orè K o s m o u ....................................................................... 37
2. Gnoses apparentées à l’hermétism e.................................. 42
A. Numénius ......................................................................... 42
B . Porphyre ............................. 47
C. Jamblique ......................... ................. . .~....................... 48
D. Arnobo.................................................................................... 50
E . Oracles chalddiques ......................................................... 52
F. Gnostiques de Plotin ..................................................... 59

Chapitre II. — L a chute de l’ a h e .................................................................. 63


I. Le problème .................................................................................... 63
I I . Raisons de la descente ................................................................ 69
1. Courant optimiste ................................................................ 73
A. Achèvement du m o n d e................................................ 73
B . L ’âme pure représente ici-bas les dieux.................. 77
2. Courant pessimiste .............................................................. 77
A. Péché avant la c h u te ............................................ 83
B . Péché consistant dans la c h u t e ................................. 85
a) Désir decréer à son t o u r .............................................. 87
b) Entrée dans la sphèredém iurgique.................... 89
c) Union à P h y s is ......................................................... 91

Chapitre I I I. — S ort de l ’ ahe in c a r n é e ..................................................................... 97


I. Le problème ................................................................................ 97
II. Le choix de vie ........................................................................... 98
1. L a révélation ......................................................................... 104
2. Lu ihoix............................. 107
3. Conséquences du c h o i x ....................................................... lü

Chapitre IV. — L ’ eschatologie .......................................................................................... 119


I. Remarques prélim inaires......................................................... 119
II . C.H. I 24 ....................................................................................... 124
1. Plan du morceau . . 124
2 ■ artii lérieur composé h u m ain ................. 125
. L i.O' ......................................................................... 126
B . Les 128
VIII TABLE DES MATIÈRES
3. Le bonheur du voûç.......................................................... 130
A. Montée du voj? à I’Ogdoade....................................... 131
B. Le chant des Bienheureux ......................................... 133
C. Réception du nouvel élu par les Bienheureux . . . . 137
D. Assimilation du nouvel élu aux Bienheureux . . . . 144
E. Assimilation aux Puissances .................................... 148
II I. Les Puissances ...................................................................... 153
1. Les Puissances dans le C.H................. 153
C.H. I .................................. 153
c .h . x i i i ............................................. ; ; ; ; ; ; ; ; ; ; ; ; 153
2. Les sources ............................................................................. 158
A. Puissances hypostases et ministres de D ie u ......... 158
B . L ’entrée des Puissances dans l’ho m m e.................. 166
A ppendice I. — J amblique , Traité de l’A m e................ ................................ 177
II . — P o rphyre , Sur l’animation de l’em bryon....................................... 265
A d denda ...................................................................................................
305
I ndex L ocorum ................... .........................................................
308
PRÉFACE

La gnose hermétique est la connaissance de Dieu en tant qu’hyper-


cosmique, ineffable, non susceptible d’être connu par les seuls
moyens rationnels, et la connaissance de soi-même en tant qu’issu
de Dieu. D’où résultent aussitôt deux problèmes : Quelle est la
nature de ce Dieu Agnôstos et comment l’approcher? Comment
l’âme en est-elle issue, et d’où vient que, issue de Dieu, elle a échu
dans la matière? Le second problème est le plus simple, et,
comme l’âme humaine nous est mieux perceptible que Dieu, la
connaissance que «ous en prenons nous permet d’accéder à la
connaissance de Dieu. C’est donc le problème do l’âme que j ’aborde
en ce I I I e volume : le IV e et dernier traitera du Dieu inconnu et
de la gnose au sens propre.
Depuis une cinquantaine d’années, on a beaucoup insisté sur
l’origine orientale des doctrines gnostiques de l’âme. On s’est tourné
du côté de la Chaldée (Anz), de l’Iran (Reitzenstein, Bousset),
ou même de l’Inde (1). Ces influences sont possibles, bien qu’on
n’ait pas établi encore, à ma connaissance, de parenté certaine
entre tel ouvrage oriental (sûrement daté) et tel écrit de gnose
païenne. Mais avant de chercher si loin, peut-être convient-il de
se demander si la tradition grecque et, tout ensemble, le dévelop­
pement de cette tradition, les changements qu’y ont introduits
des aspirations nouvelles, ne suffisent pas à expliquer le cadre et
les dogmes essentiels de l’anthropologie hermétique. A propos
de Plotin, M. Philip Merlan faisait naguère cette observation impor­
tante (2) : « Dans sa biographie de Plotin, Porphyre (V. Plot. 14)
rapporte comment Plotin prenait pour point de départ de ses
spéculations les commentaires de Sévérus, Cronius, Numénius
Gaius, Atticus, Aspasius, Alexandre et Adrastus... Ce fait nous
(1) J . F illiozat, Rev. Hist. Rel., 1945, pp. 59 ss., Rev. Histor., 1949, pp. 1 ss.,
en particulier pp. 26 ss. Pour Plotin, ci. El*. B réhîer , La phil. de Plotin,
P ans, 1928, pp. 107 ss. En sens contraire, A. H. Anstbong, Cl. Qu., X X X ,
1936, pp. 22-28.
(2) Trans. Am . Phil. /Iss., L X X IV , 1943, p. 191. Voir aussi, dans le même
sens, E . R . Dodds en son édition de Proclus, The Eléments of Theology, Oxford,
1933, pp. 310-313, Cl. Qu., X X I I , 1928, pp. 129 ss.
9
PRÉFACE

engage à ne pas laisser de côté de tels philosophes... lorsque nous


nous interrogeons sur les ancêtres spirituels de Plotin. Cumont
regardait du côté des cultes à mystères égyptiens. Bréhier s’est
persuadé que le système de Plotin a ses racines dans l’Inde; Jaeger
a tourné notre attention vers Posidonius, Heinemann et Goode-
nough vers Philon. Mais il semble que Plotin a une grande dette
envers la philosophie grecque telle qu’elle existait au n® et au
ui® siècle ». De même, touchant l’hermétisme, il est légitime de
s’interroger sur ce qu’étaient les doctrines de l ’âme dans l’ensei­
gnement régulier des écoles aux 11e et in® siècles de notre ère.
Or nous possédons sur ce point un témoignage valable, le de
anima de Tertullien (1), composé entre 210 et 213. Si l’on compare
ce traité d’une part avec les Placita d’Aétius, le Didaskalikos d’Albi-
nos, certains extraits hermétiques, d’autre part avec le Περί ψυχής
de Jamblique, plus tardif sans doute, ipais qui reproduit manifes­
tement un schème traditionnel, on arrive à reconstituer le cadre
des traités scolaires de l’âme au ne siècle de notrè ère. Ce cadre,
qui en dernière analyse remonte à Platon, comprend essentielle­
ment quatre parties : nature de l’âme, incarnation, sort de l’âme
incarnée, eschatologie.
Maintenant, et c’est là un fait remarquable, ce même cadre
platonicien se retrouve- dans la gnose hermétique et les divers
systèmes de gnose païenne qu’on peut lui associer. De part et
d’autre c’est la même aventure : l’âme fille de Dieu, heureuse au
Ciel auprès de Dieu, tombe à un moment donné dans la matière,
mène une existence empirique, puis, dans de certaines conditions,
remonte au Ciel. Entre les traités scolaires et les écrits de la gnose
les différences ne portent pas sur le plan et les doctrines, mais sur
les méthodes d’enseignement et la forme que revêt l’exposé. Il y
aura lieu de rendre compte de ces différences. Mais ceci du moins
reste acquis : la tradition philosophique elle-même nous fournit un
point de départ pour nos recherches.
L a persuasion de cette vérité, où m’avait conduit, dès 1949,
la comparaison de Tertullien et de Jamblique (2), a commandé
le plan du présent ouvrage. Supposant connue, chez le lecteur, la
littérature hermétique (3), j ’établis d’abord le point capital :
l’existence, au IIe siècle de notre ère, d’un cadre scolaire des Traités

(1) Admirablement réédité par J . H. Waszink. Amsterdam, 1947.


(2) Cf. La composition et l’esprit du «.de anima » de Tertullien, Rev. Sc. Phil,
Théol., X X X I I I , 1949, pp. 129 ss.
(3) Les quatre volumes de l’édition d'Hermès Trismégiste (Coll. O. Budé)
ont paru ou sont près de paraître. J e ne pouvais reprendre ici les longues
PRÉFACE xi

de l'Ame et les ressemblances substantielles entre ce cadre et celui


de la gnose hermétique dans le Poimandrès. Du même coup, la
vue distincte de ces ressemblances permet de déceler aussi les
différences, qui sont de forme et d’esprit (1). Dans les chapitres
suivants, reprenant en détail chacune des quatre parties du cadre,
je montre comment, relativement à cette partie, l’enseignement
hermétique rejoint celui de la philosophie. Pour le prouver, je
cite ou j ’analyse, en premier lieu, les données des manuels philo­
sophiques (Albinus, Tertullien, Jamblique, etc.), ensuite les tex­
tes gnostiques, en commençant par l’hermétisme (2).
Tout au long de cette enquête, je me suis borné délibérément
à la gnose païenne. On n ’a chance de jeter quelque lumière sur les
obscurités de la gnose que si l’on distingue et limite son objet.
Le mien était assez vaste et complexe pour me suffire.
On trouvera en appendice : (I) Une traduction annotée des
extraits du Περί ψυχής de Jamblique. La traduction de Lévêque (3)
n’est pas sans mérite. Mais l’on pouvait essayer de faire mieux
et d’enrichir l’annotation. — (II) La traduction du Πώς έμψυχοϋται
xà έμβρυα de Porphyre, d’après l’édition Kalbfleisch (4). Ce texte
trop peu connu est d’importance capitale pour les doctrines de
l’incarnation de l’âme.
Entre tant d’images qui eussent pu convenir pour illustrer
l’idée, banale sous l’Empire, de 1’άποθέωαις de l’âme, j ’ai choisi
le beau phénix de Daphné, aujourd’hui au Musée du Louvre.
Sans doute, le symbole du phénix ne parait pas dans les textes
hermétiques. Mais, comme je l’ai montré ailleurs (5), deux carac­
tères de ce symbole l’apparentent à l’hermétisme. D’une part le
phénix est mâle-et-femelle, comme l ’Anthrôpos du Poimandrès,
et comme le Noûs suprême lui-même, dont l’Anthrôpos est direc­
tement issu. Ceci manifeste sa nature divine et le rend bien propre

introductions aux E xtraits de Stobée, particuliérement importants sur l’âme


(surtout E x c. X X I I I -X X V I ), que j ’ai données dans mon édition (t. III-IV ).
(1) Ce premier chapitre reproduit la première partie de l'article cité supra,
p. x , n. 2.
(2) Pour les autres textes, j ’ai suivi le tableau dressé déjà dans les Mélanges
Lagrange, 1940, pp. 128-129. Pour faire court, j ’ai désigné ces textes par la
dénomination générale « Textes gnostiques ·, bien qu’ils comportent des
écrits de philosophie religieuse (Numénius, Porphyre, Jamblique) intermé­
diaires entre la philosophie pure et la gnose : cette désignation' paraîtra
légitime, si l’on songe que Porphyre et Jamblique, ainsi que les non viri
d’Amobe, ont emprunté aux Oracles chaldaiques, et que la révélation, autant
et plus même que la raison, joue un grand rôle dans leurs systèmes.
(3) Dans le Plotin de Bouillet, II (1859), pp. 625-662.
(4) Abhandl. Ak. Berlin, 1895.
(5) Mon. Piot, X X X V I I I , 1941, pp. 147 ss.
XII PRÉFACE

à servir de figuratif, au' sens pascalien, pour l’âme. D’autre part,


le phénix renaît de ses cendres et il n’y a point de coupure entre
sa mort e t sa résurrection. Cette double idée, celle d’une mort
mystique et d’une renaissance (παλιγγενεσία C.H. X I I I passim,
cf. 3, p. 201.16 καί εΐμί νϋν ούχ é πριν, άλλ’ έγεννήθην έν νω), celle
aussi, grâce & cette renaissance, d’une continuité de vie dans le
Temps infini (cf. C.H. X I 20, p. 155. 14 καί πάντα χράνον ύπεράρας
Αίών γενοϋ), se retrouve dans l’hermétisme. Enfin, de tous les
symboles, celui du phénix est sans doute l ’un des plus sobres
et dépouillés, et dès lors il s’adapte mieux à une religion qui
veut être une pure religio mentis (Ascl. 25, p. 329.11). Je dois la
photographie de la mosaïque du phénix à l’amitié de M. J .
Charbonneaux, conservateur en chef au Musée du Louvre, et lui
en marque ma gratitude.
Après Cumont, qui avait bien vovfiu agréer la dédicace du pre­
mier tome de cet ensemble, deux savants m’ont surtout aidé
dans mes recherches hermétiques : A.-D. Nock, de Harvard,
qui a préparé le texte des deux premiers volumes de l ’édition
Budé, W . Theiler, de Berne, qui a pris la peine d’en reviser les deux
derniers. Notre travail commun, nos lettres, de brèves rencontres
ont forgé des liens d’amitié. Ce m’est une joie d’inscrire leurs
noms en tête de la dernière partie de cet ouvrage.
Enfin je dois de vifs remerciements au R. P . H. D. Saffrey qui
m’a considérablement aidé dans la correction des épreuves de ce
troisième volume.

Ces troisième et quatrième volumes développent des idées énon­


cées déjà au t. I I dans les chapitres sur Platon (en particulier
pp. 110 ss.), et qui se fondent essentiellement sur une certaine exégèse
du Tintée. M. H. Cherniss a pensé anéantir d’un coup cette exé­
gèse (1), et je dois convenir que son interprétation et la mienne sont
diamétralement opposées. Mais qui a tort? J ’avais écrit (2) : « Voilà,
pour nous, un morceau essentiel. Il en ressort que, de par sa nature
même, la matière, en sa racine, est désordre et cause de désordre.
Les éléments ont été ramenés à un substrat plus primitif. Mais
ce substrat lui-même, étant le siège de secousses désordonnées,
transmet aux apparences qui le qualifient des mouvements sans
règle et sans mesure. On perçoit ici l’origine de cette doctrine de la
matière mauvaise qui tiendra une si grande place dans la mystique
(1) Dans son compte rendu du Dieu Cosmique, Gnomon, 1950, pp. 204 ss.,
en particulier 206 s.
(2) P . 118 à propos de Tim . 52 d 4 - 53 b 5.
PRÉFACE XIII

hellénistique ». De son côté M. Cherniss prononce (l. c., p. 208) :


“ The secondary motions of the errant cause are explained in the
Timaeus as necessary consequences of the action of soul upon body ;
they are not ‘spontaneous’ at all. Body is moved by soul, whether
good or evil, with purposive motion; but the motion of any body
so moved necessarily moves another body with motion which is
neither intelligent nor purposive but merely random. So even intel­
ligent soul in acting upon the phenomenal world, which has no
source of motion in itself, must cause disorderly motion as a conse­
quence incidental to its purpose” . Ceci est peut-être très cohérent
avec les Lois et permet ainsi de construire un système très consé­
quent du mouvement chez Platon (1), mais n’est soutenu par rien
dans le passage en question du Timée (52 d 4 ss.), mieux, est en
contradiction flagrante avec ce passage. Car (A) il ne s’agit pas
encore dans ce texte de corps proprement dits, tels qu’ils puissent
être mus par une âme ou par d’autres corps eux-mêmes animés;
il ne s’agit que des μορφαί (52 d 6) des quatre éléments, c ’est-à-dire
non pas même de ces éléments déjà constitués, mais de quelque
chose qui n’en porte que la trace (ίχνη 53 h 2), puisque le Démiurge
n ’a pas encore façonné les figures géométriques des éléments pre­
miers (2). (B) Il n’y a pas, dans ce texte, un seul mot qui puisse
laisser entendre que ces mouvements désordonnés de la χώρα τιθήνη
proviennent de l’action d’une âme. Bien mieux, il est très expli­
citement déclaré que ces mouvements sont antérieurs à toute action
de l’Ame du Monde sur le Corps du Monde, puisque aussi bien une
telle action suppose l’existence du Corps du Monde, et qu’à cette
heure il n ’existe pas (3). On ne peut être plus net. Les mouvements
désordonnés de la matière sont précisément tels parce que le Tout
n’est pas encore constitué comme kosmos, c’est-à-dire qu’il n’a
encore reçu aucune influence de l’Ame — étant bien entendu d’ail­
leurs qu’il s’agit là d’un état fictif puisque, le monde étant éternel,
il est éternellement organisé par l’Ame. Platon décrit donc ce que
serait la matière à l’état pur, la matière d’où Dieu (l’Ame) est tota­
lement absent.
(1) Ce qui est évidemment le souci principal de l’auteur, cf. p. 208 : “The
secondary motions of the errant cause, the idea of motion, and psychical
self-motion as the principle of all phenomenal motions are all factors of a
single and consistent theory” .
(2) Cf. Cornford, Plato’s Cosmology *, p. 199. Voir aussi ib., p. 198, n. 1.
(3) Tim . 53 a 6 SS. 8ιό ϊή καί χώραν ταϋτα άλλα άλλην ίσχειν, πρίν καί τί> «αν
έξ α υτώ ν δ ια κ ο σ μ η θ ίν γ ε ν έ σ θ α ι, καί τό μέν δή πρό τούτου πάντα ταϋτ’ ϊχειν
άλύγως καί άμέτρως. L ’explication dernière en est donnée plus loin, 53 b 2 s.
«αντάπασί γε μήν διακείμενα (les quatre éléments) ώσπερ είκός ίχειν ¿παν όταν
ά « ή τίν ο ς θεός.
xre PRÉFACE

M. Chemisa s’est fourvoyé sur ce point parce que, à la suite de


Cornford (1), il a introduit dans le Tintée les schèmes des Lois, ci.
I■ c., p. 208 : “ The distinction between primary and secondary
motions in the Laws implies the same theory”. Or c’est une grave
erreur de méthode que de vouloir expliquer un dialogue platonicien
par un autre dialogue platonicien postérieur : on oublie ainsi que
Platon a évolué ; et l’on réduit sa pensée en système, ce qu’elle n’a
jam ais été.
Marquons enfin, puisque M. Chemiss aime les « autorités » (2), que
j ’ai pour moi la plus sérieuse tradition de l’antiquité : d’Albinus (3)
à Numénius, de PJotin à Porphyre, c’est quasi un dogme reçu que
la matière est agitée de mouvements désordonnés avant l’inter­
vention du Démiurge et que, par suite, l’origine du mal est dans la
matière comme telle (4). Quant aux modernes, je me borne à citer
ces lignes de M. M. Meldrum (5) : “ For all that (les difficultés rela­
tives à la χώρα), Plato’s intention is plain—to declare that κίνησις
in all its forms is an άπειρον, waiting to be given order by the Demi­
urge” . E t encore : “ Read without prejudice, the Timaeus gives no
support to the view th at evil has a spiritual origin. For all the skill
th at Cornford employs to draw forth this idea from the Timaeus, we
see that it is not there— but a different idea, that evil comes from
matter. Professor Dodds says th at Plato blames the ‘Irrational’. B u t
we have seen that on Plato’s view a surd-element is present in
the world independently of any mind, human or divine. Matter
is essentially άλογον (6). A mindless universe would be irrational
in this sense” .
Ma réponse à M. Cherniss était originairement plus longue et
plus vive. Des amis m’ont représenté que le dogmatisme de certains
critiques se détruit par ses seuls excès, et je préfère pour ma part
garder à cette préface la sérénité même du livre qui la suit : tè γάρ
αληθές ουδέποτε Ιλέγχεται.
A .-J. F.
Pâques 1951.
(1) Cornford, op. cil., pp. 203 ss.
(2) P . 208, n. 5, il m’écrase sous l’autorité de Grube et de Cornford.
(3) Albin., Didask. X I I I , p. 169. 3 ss. Herm.
(4) Numén., test. 30 : silvam (causant) malorum, p. 93. 2 Leemans ; Plot,
finit. I 8 ,4 .1 s. σωμάτων 8è φύσις, καθόσον μετέχει όλης, κακόν άν, οϋ πρώτον, είη·
ίχει μέν γάρ είδος τι ούκ άληθινόν... φορά τ ε παρ’ αυτώ ν ά τ α κ το ς; Porph.
Sent. 30, 2, p. 16. 6 Mommert ταύτας ουν (τάς μεριστάς υποστάσεις) κακοί ή Ολη
τω έπιστρέφεσθαι ht' αυτήν δΰνασθαι δυναμένας έστράφθαι καί πρός τό θειον, etc.
(5) Plato and the ’Α Ρ Χ Η Κ Α Κ Ω Ν , J . Hell. St., L X X , 1950, pp. 65 ss. Les
passages cités sont p. 66 e t pp. 68 s.
(6) C’est moi qui souligne.
INTRODUCTION

/Ua-aW /<
L E CADRE D ES T R A IT É S D E L ’AME
E T L E CADRE D E LA GNOSE (1>

L ’édition magistrale du de anima de Tertullien par le Prof. Was-


zink (Amsterdam, 1947) permet enfin de prendre de cet ouvrage
une pleine intelligence en l’étudiant dans son contexte historique.
Ce petit traité se date précisément du début du m e siècle, entre
210 et 213. Il se place donc entre les Placita d’Aétius (2), VEpi-
tomé d’Arius Didyme (3), le Didaskalikos d’Albinus d’une part,
et, d’autre part, Plotin et son école. Bien qu’il ne soit pas possible
d’assigner une date certaine ni aux traités du Corpus Hermelicum
ni à l'Asclepius ni aux extraits hermétiques de Stobée, la critique
interne — en particulier l’absence de tout élément vraiment néopla­
tonicien — conduit à penser que, du moins pour partie, ils ont
dû être composés dans le cours du n e siècle (4). Enfin il peut

(1) Les quinze premières pages sont tirées d’un article paru Rev. S c. Phil.
Thiol., X X X I I I , 1949, pp. 129 ss.
(2) Les Vetusta Placita, utilisés par Aétius, dateraient de la fin de la Répu­
blique. Aétius lui-même a vécu sous Trajan.
(3) Dont il ne reste malheureusement, sur l’&me, que le Irag. 39 Diels (Dcx.,
pp. 470-471). Arius Didyme a vécu d’environ 70 av. J.-C . à 9/1 4 ap. J.-C.
(4) Un terminus a quo paraît nous être donné grâce au de anima.
A) Références à l'hermétisme dans le <t de anima «.
(a) 2.3 (p. 3.17) : Visa est quidem sibi et ex sacris, quas putant, litteris
hausisse (sc. philosophia), quia plerosque ductores etiam deos existimavit
antiquitas, nedum divos, ut Mercurium Aegyptium, cui praecipue Plato adsuevit.
(b) 15.5 : L ’tiyeuovixôv est placé dans le coeur, ut ñeque..., sed quod et
Aegyptii renuntiaverunt et qui divinarum commentatores (auteurs) vide-
bantur. Comme l’a marqué Waszink (pp. 221, 228), Aegyptii doit désigner ici
Mercurios Aegyptius (cp. l’Egyptien de Porphyre, de abst. II 47, et cl.
R EG . X L I X , 1936, pp. 586 ss.) et se référer à l’ Exc. X X IV 13 (Scott) ou à
quelque passage analogue.
(c) 28.1 : Quis Ule nunc vetas sermo apud memoriam Platonis de anima
rum reciproco discursu, quod hinc abeuntes sint illuc et rursus hue veniant et
fiant et dshinc ita habeal rursus ex n -luis cIfici vivos? Pythagoricus, ut volunt
quidam; divinum Albinus existima: Mercurii forsitan Aegyptii.
(d) 33. 2 : Aeque si perseoer ut /sc. animas) in iudicium, quod et
Mercurius Aegyptius novit, dicens untmam digressam a corpore - refundí in
LA RÉVÉLATION D’HERBÈS TRI5KÉ Î^ T E . --- 111 2
2 LA RÉVÉLATION D’HERMÈS TRISMÊGISTE

arriver que, même chez des auteurs postérieurs, par exemple chez
Porphyre, voire chez Jam blique (1), il s’agisse de problèmes qui
faisaient l’o bjet de questions disputées dans les écoles dès le
11e siècle : c’est le cas, notamment, du problème de l’animation de
l’embryon. Il est donc intéressant de considérer le de anima en rela­
tion avec ces autres écrits et de faire le départ entre ce qui revient
à Tertullien lui-même et ce qu’il emprunte à cette sorte de koinè
philosophique dont usait, en ce temps, un homme de moyenne
culture. Je voudrais montrer ici que le cadre, purement scolaire, du
traité de Tertullien est le même que celui de la gnose hermétique
dans le Poimandrès.
Le plan du de anima se dégage assez clairement, en partie grâce
aux méthodes de composition de Tertullien lui-même, qui ou bien,

animam universi, sed manere determinatam, un rationem. inquit, patri reddal


eorum quae in corpore gesserit, volo etc. (cp. surtout E X X V 3 Scott).
B) Albinus et l'hermétisme.
On notera surtout notre 3e fragment (c) où, d’après le sens obvie, Albinus
considère le παλ-,τ^- λίγος du Phédon (70 c) comme d’origine divine et peut-être
dû au (dieu) M* e PEgyptien. Or ce 3° fragment est, selon toute apparence,
celui auquel se .·-. re le 1er : même affirmation que Mercure est dieu (donc son
discours divinus), même lien entre Hermès et PlaJton. Le 4* fragment prend
place dans la discussion contre la métempsycose, d’origine platonicienne,
et il a trait lui aussi au sort de l’âme : on peut donc penser que Tertullien, cette
fois encore, l’emprunte à Albinus. Nous sommes dans l’incertitude touchant
le 2e fragment, sur le cœur siège de l% tpovtxiv (cf. Waszink, p. 221). Bref, siir
nos quatre passoires, un (d) vient peut-être d’Albinus, un autre (c) est tiré
de celui-ci, e*. ■réfère à cet emprunt quasi certain.
fJe crois q être ici plus affirmatif que M. Waszink qui (p. 42*, n. 3)
note la possi jne autre interprétation du fr. c : Albinus reconnaîtrait
seulement le πάγιος λίγος comme divin, et Tertullien ajouterait de son cru
« peut-être d’ Hermès PEgyptien ». Cette exégèse me semble impossible. Divi-
num doit avoir ici le sens propre : « venant d’un dieu, (discours) proféré par
un dieu », cf. le fr. a, qui, selon Waszink lui-même (pp. 47*. 102), se rapporte
au fr. c. Or comment Tertullien pourrait-il tenir Hermès PEgyptien pour un
dieu? — J e ne comprends guère, d’autre part, l’argumentation de Scott. Selon
celui-ci (Hermetica, IV, p. 4, n. 2), Albinus ayant considéré le vêtus sermo
comme divinus, a simplement conjecturé que le ■ sage divinement inspiré »
qui enseignait cette doctrine était Hermès (le plus ancien des sages d’Egypte
et le maître de Pythagore) : cette conjecture d’Albinus n’impliquerait pas qu’il
connût des textes hermétiques sur la métensomatose. Mais, sans parier de
divinus (qui, selon moi, ne signifie pas ici « divinement inspiré », mais « divin »),
comment Albinus aurait-il conjecturé que le vêtus sermo provenait d’ Hermès
Trismégiste s’il n’avait connu, du moins par ouï-dire, des écrits ou dits
hermétiques sur ce point? Ceux qui attribuaient le sermo à Pythagore se
fondaient sur des livres pseudonymes de ce sage : tout de même, Albinus
suppose que le sermo est hermétique parce qu’il se fonde sur des écrits du dieu
Hermès.]
Maintenant Albinus a été le maître de Galien à Smyrne en 151 /2. Ceci nous
donnerait un t. a quo pour l’une des doctrines de base de l’hermétisme : la
descente et la remontée des âmes.
(1) Pour Porphyre, cf. infra, pp. 265 ss. Pour Jamblique, voir surtout les
fragments du a. ψυχής recueillis par Stobée et traduits infra, pp. 177 ss.
INTRODUCTION a
en tête de plusieurs chapitres, annonce ce qu’il va traiter (l.).T ou
bien, après une digression, reprend le fil de son discours (2), ou
encore résume de loin en loin urfe partie importante de ce qui a
été déjà discuté (3). Ce plan se ramène, en gros, à quatre sections
(outre le préambule 1-3 et l ’épilogue 58.9) (4).

I. Nature de l ’ ame , 4-22 (résumé 22.2).

II . Orig in e , tem ps et mode de l ’incarnation de l ’ame ,


23-36 (5).
1. Théories fausses, dérivant de Γάνάμνησις platonicienne 23-24.
2. Vraie doctrine, 25-36.
[« Digression » sur la métempsycose, 28-35.]

I I I. S ort de l ’ame incarnée , 37-53.


1. Croissance et , berté de l'être vivant, 37-41.
[A la puberté vi4 ans), l’âme acquiert le sens du péché,
d’où : traité du péché, 39-41.]
2. Mort du vivant, 42-53.
[Le sommeil est une image (spéculum) de la mort, d’où :
traité du ommeil et du rêve, 43-49.]

IV. E schatologie , 54-58.


Dans ses lignes générales, ce plan, où, après avoir défini l ’âme
(ce qui vient naturellement en premier lieu, cf. le π. ψυχής d’Aris­
tote), on la suit depuis son lieu d’origine durant tout le cours de
son aventure terrestre jusqu’à sa remontée au ciel, s’inspire du
platonisme et il doit avoir été classique dans les écoles. Car, d’une
part, nous le retrouverons exactement semblable dans le π. ψυχής
de Jamblique. E t, d’autre part, c’est à ce plan que se sont conformés
aussi les hérétiques dualistes que Tertullien se propose de com­
battre. Tertullien l’observe lui-même, au début de la 11« section
(23. 1-5) : « Quelques-uns croient qu’ils sont descendus du ciel et

(1) Ch. 1, 4, 18, 19, 20, 25, 36, 42, 43, 45, 46, 50, 53, 54, 56 (annonce de
57), 58.
(2) Cf. ch. 25, 36, 50 et Wasiink, p. 320 (sur 2 5 .1 ).
(3) Cf. 22.2 (voir aussi 38.6) où Tertullien résume le contenu des ch. 4-21 :
Definimus an imam dei flatu nalam (4, 9, 11), immortalem (dans le de censu
animae, cf. 24. 2), corporalem (5-8), effigtatam (9 : l’âme a forme et couleur),
substantia simplicem (10-11), de suo sapientem (12), varie procedentem (20),
liberam arbitrii (21.6), aecidentis obnoxiam (11.4), per ingénia mutabilem (21),
rationalem (16), dominatricem divinatricem (22. 1), ex una redundaniem (20. 6).
(4) On trouvera un excellent pian détaillé dans Waszink, pp. 15*-20*.
(5) Cf. 22.2 (p. 31.10) sequitur numr ut quomodo ex una redundet conside-
remus, id est, unde et quando et qua rations sumatur (sc. anima).
4 LA RÉVÉLATION D ’HERMÈS TRISMÉGISTE

ils sont aussi assurés dans cette persuasion que dans leur conviction
de remonter là-haut ». Il cite alors les hérétiques Saturninus, disciple
de Ménandre (l’homme a obtenu une scintillula vilae qui, après
la mort, le fera retourner à sa source originelle), Carpocrate
(les âmes sont issues de la sublimis virtus — Ü7repxsipév7) ¿Çouaia
Iren. I, 20. i — et elles méprisent donc toutes les puissances de ce
monde), Apelle (les âmes descendent du ciel ici-bas & la suite
d’un péché originel en châtiment duquel Dieu les fait entrer dans
des corps), l’école de Valentin (l’âme contient un germe de la Sagesse
céleste — semen Sophiae — qui lui permettra de remonter au ciel).
Puis il ajoute (23.5) : « Je m’afflige que Platon soit devenu en toute
bonne foi le pourvoyeur (condimentarius) de tous les hérétiques.
Car c’est lui qui a dit, et, dans le Phédon, que les âmes passent d’ici
là-haut et de là-haut ici, et de même, dans le fim ée, que les reje- -
tons de Dieu, après s’être vu confier la création des mortels et avoir
reçu de Dieu la substance originelle de l ’âme, ont entouré l’âme
immortelle d’un corps solide mortel». Cette observation est parfai­
tem ent juste : il suffit de rappeler le chapitre 16 du Didaskalikos
d’Albinus où celui-ci résume, d’après le Timée (41-42), la doctrine
platonicienne de la descente et de la remontée des âmes humaines.
Au surplus, cette disposition générale est celle-là même que
présente la gnose hermétique, par exemple dans le Poimandrès. Là
aussi, pour expliquer la nature de l ’homme, qui est double (âme et
corps), on pose le problème des origines : génération, à partir du
Dieu mâle-et-femelle, de l’Anthrôpos divin; chute de cet Anthrôpos
dans la matière, où il s’unit à Physis ; génération, à partir de cette
union, des hommes terrestres, libres et immortels quant à l’âme,
esclaves de l’Heimarménè et mortels quant au corps; diversité de
la conduite des hommes terrestres selon qu’ils suivent le corps
ou l ’âme; eschatologie, diverse elle aussi selon le comportement
sur la terre.
Il me paraît donc très probable que Tertullien a emprunté le
cadre d’ensemble de son traité aux doctrines alors régnantes sur
la descente et la remontée de l ’âme. Ce qui confirme cette opi­
nion, c’est que, comme l’a marqué Tertullien lui-même, le de
anima est un développement du traité antérieur « Sur l’origine de
l’âme » (1) et que de censu animae et de anima sont pareillement1

(1) Cf. 1. 1 : « Comme je n’ai traité, dans ma polémique contre Hermogène,


que de l’essence originelle de l’âm e..., me tournant maintenant vers les autres
problèmes (sc. relatifs à l’âme), etc. ».
INTRODUCTION 5

dirigés contre des hérésies dont quelques-unes (1), nous le verrons,


dérivent en droite ligne du dualisme platonicien (2). Il est dès
lors naturel que, dans sa réfutation des hérésies dualistes, Tertul-
lien ait pris pour modèle le cadre même des systèmes dualistes, à
savoir l’histoire de l’âme depuis son état préempirique jusqu’à
son aventure terrestre et sa remontée au ciel.
Cependant, pour remplir ce cadre, Tertullien fait appel à d’autres
documents, c’est-à-dire aux ouvrages qui, sur les questions tech­
niques de philosophie, faisaient alors la nourriture du public cultivé :
non pas les textes originaux des grands philosophes, mais les Epi-
tomés ou Introductions ou Recueils de Doxai où les doctrines des
grands philosophes se trouvaient résumées. Il y a longtemps que
Diels (Doxographi Graeci) et Karpp (ZNTW. 33, 1934, pp. 31-47)
ont montré ce que Tertullien doit au περί ψυχής du médecin Soranus.
C’est à Soranus que sont empruntées, avec la plupart des δόξαι, la
disposition des trois premières sections du de anima sur la nature
de l’âme, le mode de l’incarnation et les fonctions de l ’âme incarnée,
le modèle étant ici, directement pour Soranus, indirectement pour
Tertullien, le recueil de Placîia d’Aétius (Waszink, -pp. 21*-38*).
A cette source principale, il faut ajouter I'Epitome d’Arius Didyme
(que Tertullien n’utilise sans doute qu’à travers Soranus) et, pour
les doctrines platoniciennes, un ouvrage aujourd’hui perdu d’Al-
binus, περί των Πλάτωνι άρεσκόντων, dont le Didaskalikos n’est
qu’un résumé (ib., pp. 38*-44*).
Rappelons en effet, après M. Waszink (pp. 3 i*-3 2 *) et Karpp,
les correspondances entre le de ''anima et la suite des chapitres
relatifs à l’âme (IV 2-V 2) et au vivant (V 3-25) dans Aétius.
π. ψυχής
Aétius Tertullien
IV 3 ti σώμα ή ψυχή 5/9 Corporéité de l’âme.
IV 4 π. μερών τ. ψ. 10 /14 Parties de l’âme.
IV 5 π. ηγεμονικού 15 id.
IV 7 π. άφθαροίας ψ. Allusion seulement (14.1, 22.2,
24.2) : établi dans le de censu
animae.
IV 8/9 π. αίσθήσεως 17 id.12

(1) Il est plus sage de dire « quelques-unes », car d’après le peu qu’on sait
des doctrines d’Hermogène (ci. Waszink, pp. 7*-14*), on ne voit pas qu il ait
subi plus particulièrement l’influence du platonisme.
(2) « Toute la controverse contre la philosophie païenne est v.·'- " 1“·*
dès le principe, au dessein de saper les fondements des '■ l’anaiysu
des idées du de anima, on ne doit jamais perdre de vu · : Waszink, r 7*.
6 LA RÉVÉLATION D’HERMÈS TRlSMÉGISTE

π. ÇlJiOU
V 3 /6 π. σπέρματος etc. 27 Origine simultanée du corps et
de l’âm e; procréation.
V 15/16, 18, 21 π. έμβρύου (no­ 25/26,36/37 L ’embryon est animé.
te r V 15 εΐ τέ έμβρυον ζωον) Développement de l’embryon.
V 23, 26 Puberté, nutrition 38 id.
et croissance
V 24/25 π. ύπνου καί θανάτου 42 Annonce du sujet. 43/44 Som ­
meil. 50/53 Mort.
V 1/2 π. ονείρων, π. μαντικής 45/46 id.

M. W o.^ink l’a justem ent noté (p. 33*), la principale différence


concerne le rêve qui, chez Tertullien, est considéré en rapport avec le
sommeil, alors que, dans Aétius, le rêve revient au π. ψυχής, le
sommeil au π. ζώου. Ce n’est qu’un détail : pour l’ensemble, il
y ο correspondance exacte entre le de anima et les Placita.
Or ce tte ordonnance des Placita, dans son élément capital (la
suite « nature de l ’âme — incarnation de l’âme »), se retrouve en
d’autres écrits, soit antérieurs ou contemporains, comme le Didas-
kalikos d’Albinus et un groupe d’extraits hermétiques de Stobée,
soit postérieurs, comme le π. ψυχής de Jam blique.
L e D idaskalikos traite par deux fois de l’âme humaine. Dans une
prem ière partie, où l’auteur résume le Timée, le chapitre sur l’âme
hum aine (16) suit, comme dans le Timée, ce qui a trait au corps et à
l ’âm e du monde (13-14 : le ch. 15, correspondant à Tim. 40 d-41 b,
concerne les dieux « engendrés »). Ce ch. 16, qui suit de près le
Timée, rappelle la doctrine de la descente des âmes, de leur incar­
n ation et de leur sort divers après la m ort selon la conduite qu’elles
ont eue ici-bas. Albinus continue ensuite son analyse du Timée
ju sq u ’au problème de la cause des maladies (ch. 22 = Tim. 82 a-
86 a). C’est alors que, sans transition, il revient à l’âme (23,
p. 176.4 H.) : εξής δε περί ψυχής ρητέον έντεϋθέν ποθεν άναλα-
βόντας τον λόγον, εΐ καί δόξομεν παλιλλογεΐν. Il décrit la manière dont
l ’âm e hum aine a été formée par les dieux inférieurs (Tim. 69 a ss.),
passe ensuite (ch. 24) aux parties de l’âme et résume (ch. 25) (1),
d’après le Phédon et le Phèdre, les preuves de l’im m ortalité de l’âme.(I)

(I) C’est ce ch. 25 qui est annoncé en 23, p. 176. 7 H. : άβάνατον οδσαν, ώς Sel-
ξ ο μ ε ν — qu’il ne faut pas traduire, avec P . Louis (Albinus, Epitom é, p. 110),
1 com m e nous l’avons m ontré », avec renvoi erroné au ch. 14 où il est question
de l’Ame du Monde éternelle (άεί ούσαν) et au ch . 16 où il n’est pas question
de l’im m ortalité.
INTRODUCTION 7

L ’âme donne la vie ώς αύμφυτον ύπαρχον έαυτη : elle est donc igH M K
telle et, comme telle, indestructible. L ’âme est en effet u n c8B H |
tance incorporelle, immuable quatit à son être fo n d a m e n ta fJB g i
τήν υπόστασιν), intelligible, invisible, uniforme : elle est donc
incomposée, indissoluble, non susceptible d’être dissipée (177.19 H.).
Voilà pour la nature de l’âme. Suivent d’autres arguments en faveur
de l ’im m ortalité (25, pp. 177,30-178.26 H.), puis, brusquement (25,
p. 178.26 H.) : « Le fait que les âmes soient immortelles a eu pour
conséquence logique qu’elles entrent dans les corps où elles se
développent parallèlement aux puissances naturelles formatives
de l’embryon (παρεμφυομένας ταϊςτών εμβρύων διαπλαστικαΐς φύσεσι),
et qu’elles passent successivement par un grand nombre de corps
ta n t humains que non humains tout en restant égales en nom­
bre (1), soit par la volonté des dieux, soit en raison de leur intempé­
rance ou de leur amour du corps : d’autre part, corps et âme ont
d’une certaine manière affinité (οικειότητα) l’un pour l’autre,
comme le feu et le bitum e ». Les mots καί διαμείβειν... φιλοσωματίάν
se rapportent à la doctrine de la métempsycose et rappellent
donc une doctrine de Platon. Mais ce qui a trait au développement
parallèle de l’âme et de l’embryon (2) e t à 1’οΙκειότης entre l’âme
et le corps (3), avec l’image du feu et du bitume, ne se trouve 1

(1) Ισαρίθμους μενούσας Freudenthal : ή άριθμούς μενούσας codd. L a correction


s’ impose. E n effet (1), à supposer que l’emploi transitif de μένω soit ici possible,
ή ά. μ. n’est pas sur le même plan que η ... ή διά φιλοσωματίαν. Ces derniers
membres indiquent la cause de l ’incarnation ; en revanche, que les âmes atten­
dent le nombre d ’années Axé (pour la remontée) n’est pas une cause, mais un
effet (si les âmes ont à attendre, c ’est en conséquence de leurs fautes). — (2) Le
chiffre Axé pour les attentes (mille ans entre chaque réincarnation; dix mille ans
en to u t, sauf pour les philosophes qui rem ontent au bout de trois mille ans)
est un chiffre bien connu dans la doctrine platonicienne. L ’article τούς serait
donc indispensable. De plus, ce chiffre ne concerne pas la durée de chacune
des réincarnations, mais les périodes de purgatoire qui séparent chacune des
réincarnations, cf. l’argum ent de Tertullien de an. 30.5 cu r autern mille annis
post et non statim ex mortuis sioi, cum, si non statim supparetur quod erogatum,
in totum absumi periclitetur. — (3) Surtout Ισαρίθμους explique seul le début
de la proposition. Les âm es sont à la fois immortelles e t en nombre fini. Il faut
donc bien que ce soient les mêmes âmes qui s’incorporent et passent successi­
vem ent par une multitude de corps : sans quoi les âmes seraient infinies, ce
qui n’est pas. Cf. J xm bl . ap. Stob., I , p. 377.5 W ., S xlm jst iu s 20, P rocl . in
rem p., II, p. 9 1.21 τάςψυχάς μήτε πλείους γενέσθο« μήτε έλάσσους, H ippo l ., Refut.,
I 21, 3 (p. 26. 2 W .) ίμολογοδσι δέ καί μετενσωμάτωσιν γίνεσθαι ώρισμένων οόσων,
τών ψυχών. Ajouter que, en onciale, la confusion entre IC et H est des plus faciles.
(2) Cf. TERT.de an. 37.5-7. Noter societatem carnis atque animaeiamdudum com-
mendavimus a eongregatione seminum ipsorum usque ad figmenti perfectionem ;
pcrinde nunc et a nativitate defendimus, in primes quod sim ul crescunl (37.5,
p. 53.24 : cf. Waszink, pp. 430-431). Mais, chez Albinus, παρεμφυομένας signifie
peut-être « se greffent sur ».
(3) Cf. Stob. Herm. E x c . X V 6 1/3, où V(aticanus) a κ α ί_ < ή > έγγυτάτω ψυχή
ούσα οίκειοΰται, ού κατάτήνσ υ γ γ ε ν ικ ή ν ο ίκ ε ιό τ η τ α (V: σύσιότητα F ίδιότηταΡ),
άλλά τήν καθειμαρμένην. Comme le marque Ferguson (IV, p. 444), l’article τήν
LA RÉVÉLATION D’HERMÈS TRISMÉGISTE

pas chez Platon, est même contraire au vrai, à la doctrine de


Platon. Dans son ensemble, ce paragraphe ajoute au platonisme
des éléments non platoniciens, et c’est pour se conformer à l’ordon­
nance du sujet dans les écoles philosophiques sous l ’Empire, où,
après ce qui touche l’âme, on étudie ce qui concerne l’âme incarnée-
dans le corps vivant, spécialement ά propos de l’embryon.
Deux autres exemples nous le font bien voir. Les extraits hermé­
tiques sur l'âme X V et X V I (Scott), tirés des Discours d'Hermès
à Ammon, se présentent chez Stobée dans l ’ordre suivant : X V I
d^abord (I 41.4), puis X V (I 41.7). Le premier (X V I) a trait à la
nature de l’âme, laquelle est aussitôt définie comme une ούσία
άσώματος et immuable qui, même incorporée, ne quitte pas sa
nature propre (X V I 1 1/2 ψυχή τοίνυν ουσία έστίν άσώματος, καί έν
σώματι δε ι,Ζοχ ούκ έκβαίνει της Ιδίας ούσιότητος, cf. X V 5 5/6 £στι
δε αΰτη — ή διανοητική ζωή — άμερής καί άμετάβλητος, ούδέποτε έξισ-
ταμένη της άμεταβλησίας et Albin. Didask. 25, ρ. 177.19 Η. άσώματος
γάρ έστιν αύσία, άμετάβλητος κατά τήν ύπόστασιν). Le second extrait
(X V ) traite de l’incarnation de l’âme, de son entrée dans l’em­
bryon. Sur ce point, l ’auteur hermétique se montre plus fidèle
qu’Albinus à Platon. Tandis qu’Albinus admet une animation
de l’embryon par l’âme elle-même (puisque l’âme se développe
parallèlement à l’embryon), l’hermétiste a bien soin de distinguer
entre le sperme-souffle, principe de la vie végétative qui est
celle de l’embryon, et l ’âme intellective proprement dite, principe
de la vie dianoétique : celle-ci n’entre dans le corps qu’à la nais­
sance et fournit à l ’être une fois né le mouvement dianoétique
et la substance intellective de la vie même (X V 5 - 7 ) . Quoi qu’il
en soit de la doctrine, on observera que ces deux extraits réu-

montrequ’ils’agit d’unedoctrineconnue: cf. PoBPii.deaisî. Il 48 (176.2) ολκόντής


ψυχής ή του σ υγγεν ούς σώματος φύσις, I I 47 (175.15) διείργεται δέ ούδαμώς ψυχή
έκεϊ είναι ίσοι τό συγγενές (sc. σώμα) καθέλκει αύτήν (on notera que cette doctrine
est empruntée à 6 ΑΙγύπτιος 175.7, que j ’ai cru pouvoir assimiler au Tris mégis te
cf. R E G. X L I X , 1936, pp. 586 ss.) et P orph . πρός ΓαϋρονΧ 2 (p. 48.28 Kalb­
fleisch) : έλκει 8è καί ή μαγνήτις λίθος κατά συγγένεια ν φύσει τά σιδήρια καίτά
κάρφη, καί τό άρμοσθέν πρός ψυχής κυίέρνησιν τήν έ π ιτη δ εία ν ψυχήν τφ άρμοσ-
θέντι, X I I I 7 (ρ. 53.17) ήν 8’ άμέλει καί τούτο άγνόημα των συνεϊναι μή δυναμένων
πώς ή ψυχή πάρα τώ σώματι καί πώς πάλιν άπεστι καί δτι ού τοπική ή παρουσία τε
καί άπουσία, κατά δέ τήν έ π ιτ η δ ε ιό τ η τ α καί συναρμοστίανήτοι ένεστιν ή πάρεστί
γε καί συμφωνεί ή άπεστι καί άνομολογεΐ, X IV 4 (ρ. 54.23) ούδέ γάρ ίλως ή ταύτης
(SC. τής Ψυχής) κράτησις σωματική, άλλα μίνον κατά τή ν τή ς ύλη ς έ π ιτ η δ ε ιό ­
τη τα (Kalbfleisch, I. c., ρ. 17, a déjà noté ces rapports entre de abst. et πρός
Γαΰρον). Comme Albinus n’a évidemment pas emprunté à Porphyre, il en résulte
que cette doctrine de Γοίκειότης du corps et de l’âme remonte au moins au n · s.
et il n’est donc pas nécessaire de repousser l’extrait hermétique X V après
Porphyre.
INTRODUCTION 9

nia (X V I + XV ) offrent une disposition analogue à celle du


ch. 25 d’Albinus et à celle des Placita (IV + V).
L ’autre exemple, plus décisif, nous est fourni par les fragments
du περί ψυχής de Jamblique recueillis par Stobée. Ces frag­
ments sont essentiellement de caractère historique et se présentent
comme une série de δόξαι réparties sous différentes têtes de cha­
pitres. Il est donc intéressant de considérer la suite de ces chapitres :
ceci nous est facilité par le fait que la plupart d’entre eux portent
des lemmaia propres.
D’autre part il faut nous souvenir que Stobée, dans sa compi­
lation, disloque les ouvrages qu’il copie pour les besoins de l’ordre
qu’il a adopté lui-même en son recueil. Ainsi le π. ψυχής de Jam ­
blique y est-il distribué en quatre morceaux, sans parler de deux
fragments très courts et insignifiants (II 1.16 = II , p. 6.9 W ., et
II 31.32 = II , p. 207.15 W.).
(1) Le plus long fragment, sur la nature et l’incarnation de
l’âme, prend place dans la section I 49 de Stobée relative à l’âme
(π.ψυχής) = Stob. I 49.32-43 (I, pp. 362-385 W.).
(2) Un morceau plus court, sur l’intellect, est inséré dans la
section I 48 de Stobée relative à l’intellect (π. νοΰ) = Stob. I 48.8
(I, pp. 317-318 W.).
(3) Un troisième morceau, de quelques lignes, sur la mémoire,
est inséré dans la section I I I 25 de Stobée relative à la mémoire =
Stob. I I I 25.6 (III, pp. 608-609 Henze).
(4) Un quatrième fragment, qui prend place lui aussi dans la
section de l’âme (I 49), concerne d’une part le jugement, le châ­
timent et la purification de l’âme (I 49.65 = I, pp. 454-457 W. :
noter 454.24 το τής κρίσεως λέγω, τί> τής δίκης Ιργον, τά τής καθάρ-
σεως), d’autre part la récompense de l’âme après la mort (I 49.
67 (1) = I, pp. 457-458 W . Inc. 457.8 περί τής ίπικαρπίας των
ψυχών, ήν κομίζονται είσαΰθις, Ιπειδάν εζέλΟωοι του σώματος). Ces
deux extraits ressortissent donc évidemment à l’eschatologie. Ils
sont d’ailleurs précédés par le mythe d’E r sur le jugement des
âmes (I 49.64 = Plat. Rép. X 614 b-616 c) et suivis (I 49.68) par
un extrait hermétique (Discours d’Isis à Horus = E x c. X X V
Scott) sur le lieu où se rendent les âmes après la mort (που των
σωμάτων άπολυθεϊσαι χωροϋσιν αί ψυχαί 459.2 W .).
L ’ordonnance du π. ψυχής de Jamblique peut donc, en gros,
se reconstituer comme suit :1

(1) Il n’y a t ω le ch. 66 dans W hsmuth, sans doute par erreur.


10 LA RÉVÉLATION D’HERMÈS TRISMÉGISTE

A . Le long morceau sur la nature et l ’incarnation de l’âme


(I 49.32-43), dans lequel s’insèrent, nous verrons où, les fragments
sur l ’intellect (I 48.8) et sur la mémoire ( l i i 25.6).
B . Le morceau eschatologique (I 49.65, 67).
Voyons plus en détail l’ordonnance du premier morceau.
1) Nature de Pâme I 49.32 = Aét. IV 2/3 = Tert. 5/9.
L e petit prologue qui ouvre ce chapitre, avec la transition μέν
οΰν, semble ind.: er qu’on a là vraiment le début même du traité
proprement dit ;t qu’il n ’y a eu sans doute auparavant que le
préambule usuel en ces sortes d’ouvrages (cf. v. gr. le préambule
du πώς έμψυχοΰται rà Ιμβροα de Porphyre), indiquant le sujet
de l ’écrit, ave* ît-être une dédicace.
2) Puissances oe l’âme I 49.33-35 = Aét. IV 4 = Tert. 14. Les
lemmata sont : περί δυνάμεων ψυχής (33), περί πλήθους δυνάμεων (34),
περί των κατ’ ουσίαν τής ψυχής καί των προστιθεμένων αύτή δυνάμεων
(35). Que l’âme doive être divisée en parties proprement dites
(μέρη) ou en facultés (δυνάμεις), c’est là, comme on sait, une
question disputée classique dans les écoles depuis Aristote {de an.
I 5, en particulier 411 b 5-10, et II 2-4), témoin Tertullien {de an.
14.3, p. 18.4) : Huiusmodi autem non tam partes animae kabe-
buntur quam vires (δυνάμεις) et efficaciae (ένέργειαι) et operae
(«fonctions » : cf. Waszink, p. 192), sicut de quibusdam et Aristoteles
indicavil (cf. W aszink, p. 215) et Porphyre περί των τής ψυχής
δυνάμεων ap. Stob. I 40.25» (I, p. 350.9 ss. W .). Jamblique a
choisi le terme de δυνάμεις et distingue (κατά Πλάτωνα 368.23)
entre μέρος et δύναμις (369.2-4), mais cette suite de chapitres περί
δυνάμεων n’en correspond pas moins au π. μερών τής ψυχής d’Aétius
(comparer en particulier Aét. IV 4 et Jam bl. I 49.34).
3) Mémoire et intellect I I I 25.6 et I 48.8 ( = Aét. IV 5.11/12,
p. 392 b 1-7 D. = Tert. 12/13).
C’est ici qu’il convient de placer le court fragment sur la mémoire
I I I 25.6 : « Telles étant les puissances les plus communes, il y a
encore d’autres puissances de l ’âme, qui lui sont propres à elle-
même sans toutefois en constituer une partie essentielle (ού μήν
συμπληρωτικαί αύτής), comme la mémoire, qui est rétention de
l’image (κατοχή οδσα φαντάσματος) ». Les puissances les plus com­
munes de l ’âme sont celles qui sont communes à tous les êtres
vivants, donc les puissances de la vie végétative (nutrition et
croissance). Viennent ensuite les puissances communes à l’animal
et à l’homme (sensation, imagination et mémoire). Enfin vien­
dront les puissances les plus hautes, qui sont particulières à
INTRODUCTION 11

l ’homme (1). Ce fragment sur la mémoire sera donc suivi du frag­


ment sur l’intellect, ou plutôt sur Γήγεμονικόν = λόγος (cf. 317.23,
318.2 W .), dont le début même (πάλιν τοίνυν περί τοϋ νοϋ καί πασών
κρειττόνων δυνάμεων της ψυχής 317.21) indique qu’il doit venir
en dernier lieu. Ce fragment correspond au ch. IV 5 des Placita
(περί τοϋ ηγεμονικού), non pas il est vrai selon la version du
Ps. Plutarque, qui ne s’intéresse qu’au lieu de séjour de Γήγεμονικόν
dans le corps humain, mais selon la version de Stobée qui rapporte
seulement deux δόξαι (IV 5. 11/12), l’une sur Ι’είσκρισις du νους,
l ’autre sur l ’identité du νους et de la ψυχή : or ces deux δόξαι, dans
Stobée (I 48.7), précèdent immédiatement le fragment de Jam -
blique sur l’intellect (I 48.8). L a correspondance avec l’ordre des
Placita (puissances de l’âme IV 4, puis intellect IV 5) est donc
certaine :Tertullien a renversé cet ordre (intellect 12/13, puissances
14).
4) Activités de Vâme I 49.36 — Aét. IV 6 (περί κινήσεως ψυχής)
= manque dans Tertullien.
Dans ce chapitre περί των ένεργειών της ψυχής, Jamblique se
demande si l’âme, qui est motrice du corps, demeure elle-même
immobile ou mobile. Aétius ne mentionne sur ce point que Platon
e t Aristote (âme immobile). Jamblique y ajoute l’opinion des
Stoïciens, des φυσικοί, et de ceux qui font de l’âme quelque chose
qui jaillit des corps en forme d’harmonie (sans doute des Pytha­
goriciens, cf. Phëd. 85 e-86 d) : tous ceux-là font participer l’âme
elle-même aux mouvements corporels.
5) Actes de l'âme I 49-37 (περί των έργων τής ψυχής).
L a question ici traitée est de savoir si toutes les âmes, divines,
humaines, animales, ont les mêmes activités ou s’il faut marquer
entre elles des différences sur ce point. Aétius n’a rien qui corres­
ponde, et au surplus ce ch. 37 n’est qu’un corollaire du précédent.
On notera que la suite ούσία — δυνάμεις — ένέργειαι (ou έργα)
est classique dans les écoles depuis Aristote, ici ch. I 49.32-37 =
Aét. IV 3-4 = Alex. Aphr., p. 27.1 ss. Br. = Tert. de an. 5-14 =
Procl. in Tim-, II, p. 125.10 ss. D.
6) Nombre des âmes I 49-38 = Tert. 30.
Le titre énigmatique Sur la mesure de Vâme (π. μέτρου ψυχής)
recouvre en réalité une discussion sur le problème ·. le nombre des
âmes est-il limité (Platon, Platoniciens, Florin) ou illimité (Epicu-1

(1) Bug. Lévêque, dans la traduction de ce traité de Jamblique (Bouillet,


Les Enniades, II), a déjà bien vu l’ordre (l. c., p. 637).
12 LA RÉVÉLATION D'HERMÈS TRI3MÉGISTE

riens et autres)? Aétius de nouveau n’a rien à ce sujet. Mais, comme


l’observe M. Waszink (p. 40*), les Placita ne peuvent être tenus
pour un manuel exhaustif de psychologie : Tertullien est bien plus
complet, et sur des points importants (dans ce cas il emprunte,
par Soranus ou directement, à d’autres auteurs, comme Arius Didyme
et Albinus). De fait, cette question du nombre des âmes, introduite
par Platon (Rép. X 611 a, Tint. 41 d, cf. supra p. 7 et η. 1),
a continué d’être étudiée dans les écoles (cf. Waszink, pp. 370-371),
témoin encore Sallustius ( de dits et mundo 20, p. 36.5 Nock : εί γάρ
μή πάλιν αΐ ψυχαΐ εις σώματα φέροιντο, ανάγκη άπειρους είναι κτλ. )
(« ·
7) Incarnation de l'âme I 49.39-42 (περί διαφοράς καθόδου τών
ψυχών) = Aét. V 3 ss. = Tert. 23 ss.
Avec la suite de chapitres 39-42, nous passons à ce que nous avons
appelé la I I e Section du de anima (et. supra, p. 3) : lieu d’origine
des âmes, mode et temps de l’incarnation, cf. Tert. de an. 22.2
(p. 31.10) Sequitur nunc ut quomodo ex una (sc. fonte) redundet
consideremus, id est, unde et quando et qua ratione sumatur
(répété 25.1), le ch. 23 traitant de l’origine céleste des âmes (cf. 23.1,
p. 31.13 Quidam de caélis devenisse se credunt etc...), le ch. 25 du
temps et du mode de l ’incarnation (cf. 25.2, p. 34.31, isti, qui
praesumunt non in utero concipi, sc. animam, etc...). Ceci correspond
à la section π. ζώου du 1. V des Placita, qui commence d’emblée
avec le problème du mode de l’incarnation (production du sperme
et formation de l’embryon).
Dans cette suite de chapitres de Jamblique, le ch. 39 concerne
d’une part le lieu d’origine des âmes (377.13-378.18), d’autre part
les modes de leur descente ici-bas (378.19-379.10 : noter 378.20
αύτούς δέ τούς τρόπους [sc. τών καθόδων] διίστασθαι πολυειδώς).
Le ch. 40 concerne la κοινωνία ou, comme disent Albinus et l’her­
métisme (cf. supra, p. 7 et n. 3), Γοΐκειότης entre l’âme et le corps.
Le ch. 41 concerne d’abord le temps de l’animation (381.2-14 : noter
381.13 τοσαϋτα καί ή κατά τούς χρόνους συμφυομένη κοινωνία
τών ψυχών πρΑς τά σώματα δέχεται δοξάσματα). Cette première
partie est d’ailleurs tronquée au début : la première phrase com­
mence par un κατά δ’ Ίπποκράτην ; Jamblique ne mentionne que
les deux opinions d’Hippocrate (animation quand l’embryon
a pris forme) et de Porphyre (animation après la naissance) alors
qu’il y en avait bien plus (animation lors de l’injection du sperme,1

(1) Cf. supra, p. 7, n 1.


INTRODUCTION 13

ou quand l’embryon commence à se mouvoir ; cf. infra, pp. 267,


269); τοσαϋτα convient mal après une énumération aussi courte.
Jamblique traite ensuite du mode de l’entrée de l’âme dans le corps
(πώς εΕσκρίνεται : il y a ici correspondance entre Jamblique et
Porphyre, cf. infra, p. 225, n. 3 et p. 268, n. 4), enfin de la manière
dont l’âme se sert du corps comme d’instrument (382. 1-16 : noter
382.1 ήδη τοίνυν καί ή χρήσις του σώματος κτλ. ). Le ch. 42 concerne la
κοινωνία des âmes soit avec les dieux, soit avec les héros ou démons
(cf. C. H. X 22, Ascl. 6). Ce thème est cher à Jamblique qui l’a
traité, comme on sait, dans le de mysteriis, et il est possible qu’on
ait là une addition originale du Syrien lui-même.
L a matière des ch. 39-42 est donc plus riche, on le voit, que celle
des Placita et du de anima, mais l’ordonnance générale (nature
de l ’âme — incarnation) reste la même, et c’est le point qui nous
importe ici.
8) Choix de vie I 49.42®.
Malgré une lacune au début, le sujet se décèle aisément : c’est
une suite de δόξαι sur la fin dernière (τέλος) de l ’activité humaine,
et par suite sur le genre de vie qui s’impose au choix de l’homme.
Pourquoi ce sujet, qui relève de l’éthique, a-t-il place dans un
περί ψυχής, et en ce lieu même? On peut être sûr d’abord que
Stobée ne l’a pas inséré ici de son chef, car le morceau devrait
entrer normalement dans la section morale de VAnthologion, au
début de cette section, en I I 7 (περί τοϋ ήθικοϋ είδους τής φιλο­
σοφίας), où précisément l’extrait de YEpitomé d’Arius Didyme,
qui fait le contenu de tout ce chapitre, a un long paragraphe περί
τέλους (II, pp. 45-53 W .). Cet extrait 42» fait donc partie du π.
ψυχής de Jamblique, et il s’y insère entre l’incarnation de l’âme
(I 49.41) et la mort (I 49.43). Or nos parallèles ont ici un chapitre
sur le moment où le vivant atteint à « l’âge de raison » (Aét. V 23
πότε άρχεται ό άνθρωπος τής τελειότητος = Tert. 38) (1). C’est1
(1) Quatorze ans, selon la tradition commune, cf. Waszink, p. 434. L ’un de
mes étudiants, le P . Saffrey, veut bien me signaler qu’il faut ajouter à ces
textes Alex . ApUrod , in A r . met. 985 b 26 (p. 38.16 ss. Hayduck. Selon P. Wil-
pert, Reste verlorener Aristotelesschriften bei Alexander von Aphrodisias, Herm.
L X X V , 1940, pp. 371 ss., Alex, utiliserait ici le Περί των Πυθαγορείων d’Aris­
tote ) : καιρόν δέ πάλιν έλεγον τόν έπτά' δοκεϊ γάρ τα φυσικά τούς τελείους καιρούς
Ισχειν καί γενέσεως καί τελειώσεως κατά έβδομάδας ώς έπ’ άνθρώπου* καί γάρ τίκτεται
έπταμηνιαΐα, καί ύδοντοφυεϊ τοσούτων μηνών, καί ήβά σ κ ει π ερί τήν 3 υτέραν
έβδομάδα, καί γενειφ περί τήν τρίτην. Voir une opinion plus nuancée .·· tristote,
Pol. V II 17, 1336 b 37 ss. : Δύο δ’ είσίν ήλικίαι πρός άς άνακγαΐον διτ οθαι τήν
παιδείαν, μετά τήν άπό των έπτά μέχρι ήβης καί πάλιν μετά τήν άφ’ ήβτ -έχρι των
ένός καί stxomv ετών οί γάρ ταϊς έβδομάσι διαιροϋντες -άς ήλικίας ’ ■ το “
λέγουσιν ού κακώς, δει δέ τή διαιρέσει τής φύσεως έπα '· ■' . γαρ τέχνη λ-ι.
παιδεία τύ προσλείπον βούλεται τής φύσεως άναπληρι» ι. 1ί 12-14. Add.
14 LA RÉVÉLATION D’HERMÈS TRI3MÉGISTE

à cet âge que, selon Aétius (V 23) et Tertullien (38.2), l’être humain
acquiert le discernement du bien et du mal, d’où résulte la valeur
morale de notre choix de vie : περί δk την δεοτέραν εβδομάδα έννοια
γίνεται καλοϋ τε καί κακοϋ καί τής διδασκαλίας αυτών (cf. Ps. Gai.
Hist. phil. fr. 127 D., où Ps. G. dit par erreur ’Αριστοτέλης δέ κατά
τήν πρώτην έβδομάδα et ajoute έτεροι δε νομίζουσι τελειοϋσθαι ημάς τη
τρίτη έβδομάδι, δταν καί γένεια σχώμεν καί τη ίσχύι χρώμεθα) = ex quo
id ipsum sentimus (à partir du moment où nous éprouvons le senti­
ment de la pudeur, sc. à quatorze ans), agnitionem boni et mali
profitemur. Comme il y a manifestement une lacune au début de
42», on peut donc penser que Jamblique, ou son modèle, a développé
ici le sujet έννοια καλοΰ τε καί κακοϋ en relation avec le choix
de vie (διαγωγής τδ αίρετάν 383.11 W.).
Dès lors, avec cet extrait 42», s’ouvrirait la I I I e section sur le
sort de l ’Ame incarnée (cf. supra, p. 3), et cette section se conti­
nuerait par l ’extrait suivant.
9) Mort du vivant I 49.43 = Aét. V 24-25 = Tert. 42, 50/53.
Viendrait enfin, correspondant & la IV e section de Tertullien,
10) L'eschatologie I 49.65, 67 = Tert. 54/58.
En résumé, nous retrouvons dans Jamblique les quatre sections
du de anima :
A. I 49.32/35 - f I I I 25.6 + I 48.8 + I 49.36/38.
B . I 49.39/42.
C. I 49.42»/43.
D. I 49.65, 67.
Maintenant, il eerait absurde de supposer que Jamblique ait
copié Tertullien. L a vérité est que Tertullien et Jamblique se con­
forment à un cadre scolaire, ce cadre même que nous avons décou­
vert par ailleurs, du moins pour les trois premières sections, dans
les Placita, pour les deux premières, dans Albinus et l’her­
métisme (1). On a tout lieu de croire que, pour les sections I- I I I , 1

(1) On retrouve d’autres traces de ce cadre scolaire. Ainsi, au ni* siècle,


dans un texte d 'O sics n e (qui m’a été signalé par Je R. P. Saflrey), in Joann.
VI 4,85 (p. 123.31 Preuschen) : προηγουμένως « έν άλλοις έπιμελέστερον έξετασ-
τέον καί Μ πλεΐον τ4ν λόγον έρευνητέον τδν περί (1 ) τής ουσίας τής ψυχής καί τής άρχής
τής συστάσεως αυτής καί (2) τής είς τ& γήΐνον σώμα είσκρίαεως οώτής (3) των τε
έπιμερισμών τού έκάστης βίου καί (4) τής έντεϋθεν Απαλλαγής (le reste a trait à
la métensomatose; on reconnaît les quatre sections : nature de l’âme, incarna­
tion, sort de l'âm e incarnée, eschatologie), au IVe siècle, dans L ibsn iù s , X V III
( ’Επιτάφιος έπί Ίουλιανφ), 18 : καί ποτέ τοϊς του Πλάτωνος γέμουσινείς ταύτόν
ίλθών άκούσας (1 ) τί τε ή ψυχή καί πόθεν ήκει καί ποϊ πορεύεται καί (2 ) τίσι βαπτί-
ζεται καί τίσιν αίρειται καί τίαι καθέλκεται καί τίαι μετεωρίζεται, καί (3) τί μεν
αότή δεσμός, τί δέ έλευθερία, καί (4 ) πώς 3ν γένοιτο τό μέν φυγεϊν, τοϋ δέ τυχεϊν,
άλμυράν άκοήν άπεκλύσατο ποτίμφ λάγψ.
INTRODUCTION 15

TertuIIien a trouvé ce cadre tout prêt dans son modèle Soranus.


Nous avions conjecturé plus haut (pp. 3 ss.) que, si TertuIIien
a ajouté une IV e section relative à l’eschatologie, c’est que cette
section terminait aussi les traités de l’âme inspirés du platonisme.
L ’exemple de Jamblique confirme cette vue. Car, si les gnostiques
dualistes dérivent du platonisme, dont l’eschatologie est une pièce
capitale, Jamblique est éminemment un lïXaTomxéç. C’est donc
aux manuels de philosophie platonicienne, comme il en a existé
un bon nombre dès le ue siècle, que remonte en dernière analyse
la section eschatologique.
Or le cadre ainsi défini est celui-là même que nous retrouvons
dans la gnoae, païenne ou chrétienne. Pour le montrer d’une façon
bien nette, je choisirai un texte de gnose païenne, sans contami­
nation aucune du christianisme, et un texte de gnose relativement
ancienne, car, si on le compare à la gnose Valentinienne, avec
laquelle il présente de nombreux traits communs, on constate
qu’il offre un système plus simple et mieux ordonné : je veux dire
le premier traité du Corpus Hermeticum, le Poimandrès. Ici encore
le cadre général du traité est celui do la descente et de la remontée
des âmes, et l’on y peut distinguer les quatre sections que nous
avions reconnues plu3 haut dans TertuIIien et Jamblique.

I. Nature de i ’ame (I 12).

C’est le § 12, avec lequel débute l ’anthropologie, qui vient aus­


sitôt après la partie cosmologique, ou, pour mieux dire, cosmogo­
nique, qui constitue la première partie du traité (§§ 4-11). Ce § 12
décrit la genèse de l’Ame Première, ou plutôt de l’Homme Premier
(Anthrôpos), enfanté (àneyy-riaev) par le Noûs, Père Suprême de tous
les êtres, qui est mâle-et-femelle, Lumière et Vie tout ensemble.
Il s’ agit donc d’une génération, mais à partir d’un Principe Premier
unique, non d’un Couple Premier. L ’Homme Céleste est Fils du
Noûs Père, et il ressemble entièrement à ce Noûs. Ce court mor­
ceau insiste à quatre reprises sur cette idée de ressemblance afin
de bien marquer que l’Anthrôpos ou l’Ame, née de Dieu, possède
de droit toutes les prérogatives divines : incorporéité, immortalité,
omniscience, perfection intellectuelle et morale (impeccabiiité),
indépendance à l’égard du Destin (1). Ce Noûs, Père de tous les
êtres, étant Vie et Lumière, enfanta un Homme semblable à lui1

(1) Ce sont là traits classiques, cl. p. ex. Mémorial Lagrange {Paris, 1940),
p. 120.
LA RÉVÉLATION D 'IIERM ÈS TRISMÉGISTE

(¡χύτώ ίσον), dont il s’éprit parce que c’était son propre enfant (ώς
tSiou τόκου). Car l ’Homme était très beau, reproduisant l'image de
son père (τήν τοΰ πατρός εικόνα £χων). Oui, en toute vérité, Dieu
s’éprit de sa propre forme (της ιδίας μορφής), et il lui livra toute sa
création.

II. I ncarnation d e l ’ ame (I 13-19).

Cette partie occupe tout le centre du traité, du § 13 au § 19.


C’est en effet le thème capital du Poimandrès. Il s’agit d’expliquer
la nature double de l’homme, composé d’un élément immortel,
l’àme issue de Dieu et semblable à Dieu, et d’un élément mortel,
le corps matériel. C’est là un mystère. Comment comprendre, en
effet, que l’Ame, heureuse au ciel où elle règne sur la création avec
les autres Fils de Dieu (le deuxième Noûs et le Logos), soit venue
ici-bas s’enfermer dans un corps mortel? Bien d’autres se posent
la même question, aux n e et m e siècles de notre ère. Par exemple,
l’auteur de YAsclépius hermétique (7, p. 304.11) : « Pourquoi donc
a-t-il fallu, ô Trismégiste, que l’homme fût établi dans la matière
au lieu de vivre en la félicité suprême où Dieu habite? » Par exem­
ple, les gnostiques dont parle Arnobe (II, 11-66) sous le nom de
novi viri et qui paraissent s’être inspirés de doctrines néopytha­
goriciennes et hermétiques (1). Par exemple, l’auteur hermétique
de la Korè Kosmou (22 ss.). Par exemple, Plotin, Enn. IV 3, 12-15
(la descente des âmes n’est ni forcée ni volontaire). Par exemple
enfin Jamblique dans son Traité de l’Ame (I, pp. 378 et 380 W.).
Ce dernier signale d’abord l’opinion d’ Héraclite (les âmes viennent
ici-bas pour changer de lieu, ce changement étant pour elles un
repos), puis celle des Platoniciens de l’école de Taurus (n e s.),
selon qui l’âme est envoyée par les dieux, soit pour que le monde
concret soit rempli de vivants de toute sorte, soit pour que se mani­
feste ici-bas, par le spectacle des âmes pures, la vie des dieux.
Une autre division distingue entre la descente volontaire des âmes
(pour administrer les choses terrestres ou obéir aux dieux) et leur
descente involontaire, les âmes étant entraînées par force ici-bas.
Plus loin (p. 380 W .), Jamblique mentionne trois fins de la descente :
administration des choses terrestres ; épreuve que l’âme doit subir
pour exercer ses mœurs; punition d’une faute commise avant
la descente. Il rappelle enfin que, pour les néopythagoriciens Numé-
nius, Cronius, Harpocration, l’incorporation est toujours un mal.

(1) Cf. mon article Mtmorial Lagrange, pp. 97 ss.


INTRODUCTION 17

La solution du C.H .I est celle d’un péché.originel. L ’Anthrôpos


est jaloux de la création des sphères célestes accomplie par le
deuxième Noûs démiurge, il· veut créer à son tour, en reçoit la
permission de son Père, et, quittant alors le Ciel supérieur, descend
dans les sphères planétaires où les Gouverneurs de ces sphères
lui donnent, chacun, part à son caractère (autrement dit, en tra­
versant les sphères, l’Anthrôpos reçoit tour à tour les caractères
de Saturne, Jupiter, Mars, du Soleil, de Vénus, Mercure, de la Lune).
Parvenu enfin à la dernière sphère, celle de la Lune, l’Anthrôpos
en brise l’enveloppe; il se reflète alors dans les eaux qni recouvrent
la Nature d’ici-bas et s’éprend de ce reflet, cependant qu’à son tour
la Nature s’éprend de lui. L ’Anthrôpos descend, s’unit à Physis,
et de leur union naissent sept premiers hommes bisexués (sept en
correspondance avec les sept sphères planétaires I 16) qui, une fois
séparés en deux, forment les premiers hommes et les premières
femmes ancêtres de la race humaine. On comprend donc mainte­
nant la dualité de l’homme. D’une part, il est issu de Dieu par l’An­
thrôpos; d’autre part, il est issu de la Nature mortelle et cause
de mort par Physis. Cette dualité d’origine décide donc de la manière
dont l’homme doit se comporter ici-bas s’il veut regagner le ciel.
C’est de quoi il est question dans la I I I e section.I.

II I. S ort de l ’ ame incarnée (I 21-25, 27-29).

Cette section, dans les traités de Tertullien et de Jamblique,


comprend deux chapitres principaux : (1) le choix de vie à la puberté
quand l’être humain est devenu capable de faire usage de sa raison
et donc d’agir moralement; (2) la mort. Nous retrouvons ces deux
chapitres dans le Poimandrès, l’un aux §§ 21-23, l’auteur y reve­
nant encore, de manière parénétique, dans la conclusion (27-29);
l’autre aux §§ 24-25.
Quant au choix de vie, la solution de l’hermétiste est simple,
commandée d’ailleurs par ce qui a précédé sur la genèse de l’homme
actuel. Si cet homme actuel est double, composé d’une âme immor­
telle et d’un corps mortel, d’une âme qui est Lumière et Vie comme
le Père d’où elle est sortie par l’Anthrôpos, d’un corps qui est
sombre Obscurité (στυγνόν σκότος) puisqu’il dépend de la Nature
humide qui est elle-même dérivée des Ténèbres et du nos origi­
nels, retourner à l ’immortalité, c’est essentiellemen -maître
Dieu, qui est Lumière et Vie, et se naître eomrr .¿su de Dieu :
gnôsis théou et gnôsis héautou son? - t .» · c iditio '"’. salu t,
LA RÉVÉLATION d ’ h EIUIÉS TRISMÉOISTF.. — III
18 LA RÉVÉLATION . «SMÊ3 TR1SMÉGISTE

et de là vient précisément que cette doctrine particulière de salut


a nom gnose. L a première vertu est la gnose, le vice fondamental
Yagnoia, c’est-à-dire la méconnaissance de Dieu et du lien de filia­
tion qui nous rattache directement à Dieu (I 20-21). Mais alors
se pose la question. Puisque tous les hommes sont issus de Dieu,
et qu’ils possèdent dono tous l’intellect (νους) qui dérive du Noûs
Père, d’où vient qu’ils ne possèdent pas tous la gnose? Poimandrès,
c’est-à-dire le dieu révélant, répond à cette question aux §§ 22-23.
Cette connaissance de Dieu et de soi est conditionnée par le com­
portement moral. « Moi, Noûs, je me tiens auprès de ceux qui sont
saints et bons et purs e t miséricordieux, auprès des pieux, et ma
présence leur devient un secours, et aussitôt ils connaissent toutes
choses, et ils se concilient le Père par la voie de l’amour, et ils lui
rendent grâces par des bénédictions et des hymnes, selon ce qui
est ordonné, en filiale affection à son égard. » En revanche, « quant
aux insensés, aux méchants, aux vicieux, aux envieux, aux cupides,
aux meurtriers, aux impies, je me tiens loin d'eux, ayant cédé la
place au démon vengeur, qui, appliquant à l ’homme l’aiguillon
du feu, le perce de manière sensible tout en l’armant davantage
pour les actions impies, afin qu'un plus grand châtiment lui soit
réservé », ce châtiment étant le désir même qui ronge le criminel
et qui jamais ne s’apaise. Voilà donc la double voie de vie qui se
propose au choix de l’homme. Ce thème du choix, nous l’avons
dit, est repris dans la conclusion parénétique (§§ 27-29). Lorsqu’il
a entendu la révélation, le narrateur du Poimandrès (sans doute
Hermès lui-même) se m et à prêcher la bonne nouvelle, c’est-à-dire
a doctrine de la piété et de la gnose. Il veut tirer les hommes de leur
sommeil de mort — l’ignorance de Dieu (ol... ΰπνω εαυτούς έκδεδω-
κότες και τη αγνωσία του θεοϋ 16.21, οΐ συγκοινωνήσαντες τη άγνοια
17.1) — pour les amener à l’immortalité (§§ 27-28). Selon un thème
bien connu et qu’on retrouve, par exemple, dans le C.H.IV, les audi­
teurs alors forment deux groupes. Les uns s’enfoncent dans la voie
de la mort (τη του θανάτου δδ<ρ εαυτούς έκδεδωκότες 17. 4-5), les
autres supplient le prophète de les instruire : « et je semai en eux
les paroles de la Sagesse et ils furent rassasiés du breuvage d’immor­
talité » (έτράφησαν έκ τοϋ άμθροσίου όδατος 17.9 : cf. Korè Kosmou 1
Isis offre à Hôros ποτύν γλυκύ... άμβροσίας).
L e second chapitre de cette I I I e section concerne la mort. C’est
là encore un des éléments classiques des Traités de l'Ame. Aétius,
dans les Placita, consacre à ce problème les chapitres V 24-25, Ter-
tullien les chapitres 42, 51 /3 du de anima, Jamblique le chapitre
INTRODUCTION 19

Stob. I 49.43 de son Περϊ ψυχής. Ce dernier distingue une question


capitale et des questions subsidiaires. La question principale
est celle-ci : Qu’arrive-t-il à la mort? L ’âme périt-elle avec le corps
ou lui survit-elle? Les questions subsidiaires se rapportent, d’une
part aux causes naturelles de la mort, d’autre part à la destinée
que subissent les différentes parties du composé humain : < corps,
âme rationnelle > , âme irrationnelle, substances intermédiaires
entre le corps et l’âme (1). Bien que le problème des causes de la
mort préoccupe parfois l’auteur hermétique (cf. C. H. X 13,119.
11-15 : la mort est due à ce que le souffle se retire dans l'âme, d’où
coagulation du sang, veines et artères se vidant ; Korè Kosmou, 67 :
la mort est due à ce que, le souffle venant soudain à manquer, il
en résulte un évanouissement sans remède [cf. Jam bl. π. ψυχής,
I, p. 383.24-25 W .]; A sel. 27, 333.5-13 : la mort est dissolution
du corps et disparition de la sensibilité corporelle quand se trouve
achevée la durée normale de la vie humaine), il les néglige dans
le Poimandrès pour dire aussitôt ce que deviennent, à la mort,
les parties du composé humain (§§24-25 : cf. C. H. X 16). Le corps
est livré à la décomposition et devient informe, ί ’ήθος, o’est-à-dire
le caractère habituel dû à la matière (nous dirions le tempérament,
dû au mélange proportionnel des quatre éléments, ou des quatre
qualités fondamentales, dans le corps, cf. St. H. X X V I 13 ss.),
est abandonné au δαίμων, c’est-à-dire sans doute au démon qui nous
prend en charge à la naissance (G.H. X V I 5), et demeure désormais
inactif (cf. infra, pp. 126 s.). Les sens corporels remontent à leurs
sources, deviennent parties isolées et se combinent à nouveau pour
exercer leurs opérations en de nouveaux êtres (cf. infra, pp. 129 s.).
L ’âme irrationnelle, c’est-à-dire le θυμός et Γέπιθυμία, s’en va à
la Nature sans raison. Voilà pour le corps et tout ce qui dépend
du corps ou est attaché à lui. Quant aux sept vêtements planétaires
que l’Anthrôpos avait reçus durant sa descente (c’est peut-être
l’origine de nos sept péchés capitaux), l’homme (c’est-à-dire main­
tenant l’âme intellectuelle) s’en dépouille à mesure qu’il remonte
vers le Premier Ciel. Enfin nu et réduit à l’état d’âme pure, il entre
en Dieu.
IV. E schatologie (§ 26).

C’est là ce qui correspond à la IV e section de Tertullien et de


Jamblique, sur les fins dernières, le sort de l’âme délivrée du corps.
(1) Le texte comporte une lacune, qui doit être importante, après le para­
graphe sur les causes de la mort : manque ce qui a trait au sort du corps et
de f’&me rationnelle.
20 LA RÉVÉLATION D’HERMÈS TRISMÉGISTE

Tertullien, sur ce point, commence par rejeter les doctrines de


Pythagore, de Platon et des Stoïciens selon qui les âmes des sages
seulement iraient au ciel {in supernis mansionibus 54.1), tandis
que les autres âmes iraient en Enfer, les unes et les autres soit pour
toujours (selon Pythagore et Platon), soit jusqu’à la conflagration
finale (54). Ensuite (55-57), d’accord avec l’Ëcriture qui enseigne
que le Christ est descendu aux Enfers avant sa résurrection, il
établit que toutes les âmes y descendent aussi jusqu’au jugement
final et à la résurrection des corps. C’est aux Enfers que, durant
ce temps, les âmes, elles-mêmes corporelles, obtiendront leur châ­
timent ou leur récompense (58. 1-8). Tertullien ne parle pas de ce
qui doit suivre la résurrection. Quant à Jamblique, il distingue
entre jugement, punition, purification et récompense des âmes et
se borne à mentionner, sur ces quatre points, quelques δόξαι de
philosophes. Notre auteur hermétique ne parle, lui, que de la récom­
pense. Lorsque l’âme, dépouillée du corps et de tout ce qui touche
au corps, dépouillée aussi des vêtements planétaires, atteint la
nature ogdoadique, c’est-à-dire le huitième Ciel ou Ciel suprême,
elle s’unit d’abord aux Êtres (entendons sans doute les Êtres
vrais ou Intelligibles, mais ici personnifiés, cf. infra, p. 132, n. 2)
et s’assimile à ces compagnons (ομοιωθείς τοϊς συνοϋσιν 16.7). Puis
elle s’élève encore, monte au-dessus de la nature ogdoadique ju s­
qu’au lieu où se tiennent les Puissances de Dieu; là, elle devient
Puissance à son tour et entre en Dieu (ou naît en Dieu, έν θεφ
γίνονται 16.11) : car telle est la fin bienheureuse (τό άγαθύν τέλος)
pour ceux qui possèdent la gnose : devenir Dieu (θεωθήναι 16.12).
On le voit, de part et d’autre le cadre est le même; c’est la même
aventure de l’âme, sa descente et sa remontée, qui sert de doctrine
de base ici et là. Mais il suffit de marquer les ressemblances pour
constater, du même coup, les différences. En reconnaissant ces
différences à l’intérieur d’une trame commune, on définit, en vérité,
l’originalité propre de la gnose par rapport aux systèmes philo­
sophiques contemporains.
Une première différence, et celle-ci fondamentale, concerne
l’attitude de l’esprit à l ’égard des problèmes envisagés. Elle se
résume en ce contraste : d’un côté nous avons un discours de raison,
de l’autre, un discours de révélation. Jamblique, dans son Traité de
l'Ame, suit encore toute la tradition de la philosophie grecque qui
est de comprendre, par une recherche rationnelle, la nature des
phénomènes. Le prologue même du Traité n ’a pas été transcrit par
Stobée. Il devait être fort ressemblant au prologue du Traité, des
INTRODUCTION 21

Puissances de VAme de Porphyre, dont Stobée nous a conservé des


fragments (I 49.24 = I, p. 347.21 W.) : « Mon propos est de tracer
une esquisse des puissances de l’âme, et tout d’abord d’examiner
en détail les recherches qu’ont faites sur ce point les Anciens, et
tout ce qu’ont déterminé par la suite les chefs d’école » : ΰπογράψαι,
έπεξελθεΐν, Ιστορία, έπικρίνειν, διδάσκαλοι, ce sont tous termes tech­
niques et qui sentent l’école. A un endroit de son traité, après avoir
rapporté la doctrine de Platon et Pythagore, Aristote et les Grands
Anciens sur l’âme incorporelle, Jamblique s’arrête pour nous dire :
« Quant à nous, dans toute l’entreprise de ce traité soucieux de
vérité, nous essaierons de nous conformer à ces opinions » : τήν μ ετ’
άληθείας πραγματείαν (366.10 W.), c’est là encore le langage de
l’école. Aussi bien les procédés scolaires sont-ils partout visibles, par
exemple dans le souci des divisions bien claires (καταλέγω διευκρι-
νημένως 364.1, διακρίνοντες έν τάξει 365.6. « Ces choses étant
bien distinguées, ce qui suit comportera aussi une division sembla­
ble » 372.20, « C’est selon la même méthode que doit procéder
cette autre division, qui est liée à la première » 373.9, « Divisant
le sujet d’après un autre point de vue » 374.9, etc.), dans le soin
de marquer partout, sur un même problème, toutes les solutions
qui en ont été proposées. D’une manière générale, on peut dire
que le Περί ψυχής de Jamblique n’est qu’une suite de δόξαι, à
l’exemple des Placita d’Aétius et de quantité d’autres manuels
hellénistiques. C’est seulement à l’occasion de l’une ou l’autre δόξα,
par une voie détournée et toujours discrète, que Jamblique fait
connaître sa propre opinion (v. gr. 363.21, 364.5, 365.22, 366.10,
370.11, 372.15, 373.2, 12, 383.13). Le ton est partout empreint de
la sérénité du sage; la polémique, quand il y en a, reste modérée.
Il semble qu’on entende déjà un historien moderne de la philoso­
phie qui se borne à décrire toutes les voies diverses que les hommes
ont tentées pour atteindre à la vérité, sans prendre parti, sinon,
de loin en loin, par quelques mots d’approbation ou de blâme.
Combien est différent le ton du Poimandrèsl Sans doute il s’agit
encore d’un entretien entre maître et disciple : l’un est prêt à ensei­
gner (κάγώ σε διδάξω 3, p. 7.14), l’autre brûle d’appren ' «v
θέλω 3, p. 7.11, άκοϋσαι βούλομαι ib., p. 7.12, ποθώ à: j,
p. 12.13, εδ μοι πάντα ως έβουλόμην έδίδαξας 24, ).
Mais la méthode du maître est toute diverse de celle des ph ;s
de profession : il ne fait plus tant appel à la raison qu’à ’
s’agit de croire à une doctrine révélée, et, ayant cru, d ;rter
témoignage : πιστέυω καί μαρτυρώ, déclara ia fin b ..pie 0
22 LA RÉVÉLATION D’HERM.“. TRISMÉGISTE

p. 19.6),. et ces mots résument bien l’esprit de l’ouvrage. Puisque


la révélation vient d’en haut, qu’elle est livrée par un dieu, Poi-
mandrès, l’Intellect ou le Verbe de la Souveraineté Absolue (I 2 et
30), qu’elle est obtenue au cours d’une vision alors que le disciple
dormait ou se trouvait dans un état cataleptique voisin du som­
meil (I 1 et 30), qu’elle a pour effet de remplir le disciple non seule­
ment de bonne doctrine, mais d’un souffle divin qui le possède
entièrement et le pénètre de forces neuves (θεόιτνους γενόμενος της
αλήθειας 30, p. 17.20, δυναμωθείς καί διδαχθείς 27, ρ. 16.18,
ένδυνάμωσόν με 32, ρ. 19.4), il est clair qu’on ne s’intéresse plus aux
opinions humaines que les sages ont pu formuler sur l ’âme. Nous
ne trouvons plus ici un recueil de 3ô$at parmi lesquelles l’auditeur
pourra choisir. Il suffit d’énoncer la seule vérité. Quand le disciple
l ’aura connue et comprise, il la prêchera à son tour : « Eh bien, à
cette heure, que tardes-tu? », demande Poimandrès au terme de
la révélation : « Ne vas-tu pas, maintenant que tu as hérité de moi
toute la doctrine, te faire le guide de ceux qui sont dignes (καθο-
δηγός γίνη τοΐς άξίοις), afin que le genre humain soit sauvé par
Dieu? » (I 26.) E t le disciple obéit aussitôt : « Alors je commençai
de prêcher (κηρύσσειν) aux hommes la beauté de la piété et de
la gnose » (I 27).
Le thème de cette prédication est le choix de vie. Or nous avons
vu que cette notion du choix de vie constitue l’un des chapitres
de la I I I e section des traités'scolaires sur l’Ame. On le trouve dans
Jam blique (I 49.42* = I, p. 382.25 W.) et il a sa place aussi dans
le de anima de Tertullien sous la forme d’un traité du péché (puisque
c’est à partir de l’âge de raison que nous pouvons ou obéir à Dieu,
ou lui désobéir, et donc pécher). Or il est bien curieux de comparer
ici Jam blique et l’auteur hermétique. Selon sa méthode ordinaire,
Jam blique se rapporte à la tradition philosophique. Or les sages
sont unanimes sur ce point : ils définissent tous la vie préférable
comme celle où se trouve réalisé le τέλος, la fin dernière, de la vie
humaine, et ils ne diffèrent que par la manière dont ils conçoivent
ce τέλος. Jamblique, comme Cicéron (de Fin. V, 6.16-8.23) et bien
d’autres, se borne donc à nous donner une suite de δόξαι sur le
τέλος qui rend préférable (αιρετός) tel ou tel genre de vie. Selon
Platon, ce sera la purification, l ’élévation ou le perfectionnement
de l’âme ; selon les Stoïciens, la communion (entre dieux et hommes,
ou Vhomonoia entre tous les hommes) et le bien dépendant de la
nature; selon les Péripatéticiens, la juste proportion conforme à
la nature et la vie de contemplation supérieure à la condition
INTRODUCTION 23

humaine; selon Hérillus la science, selon Aristón l 'adiaphoria,


selon Hieronymos l’absence de trouble, etc. Tout cela nous est
indiqué avec un parfait détachement, comme s’il était entièrement
indifférent à Jamblique qu’on choisit l’une ou l’autre voie. Écoutons
maintenant la prédication du Poimandrès (I 27) : « O peuples,
hommes nés de la terre, vous qui vous êtes abandonnés à l ’ivresse,
au sommeil et à l’ignorance de Dieu, soyez abstèmes, cessez de vous
vautrer dans la crapule, ensorcelés que vous êtes par un sommeil
de brute ». E t encore, après ce premier appel : « Pourquoi, ô hommes
nés de la terre, vous êtes-vous livrés à la mort, alors qu’il vous est
loisible de participer à l’immortalité? Venez à résipiscence, vous
qui avez fait route avec l’erreur et qui avez pris pour compagne
l’Ignorance. Libérez-vous de cette lumière qui n’est que ténèbres,
ayant quitté une fois pour toutes la corruption » (I 28). Il n’est
plus question ici de détachement, de recherche toute paisible de
la vérité : un feu brûle maintenant, qui doit illuminer le monde,
ναύτης της χάριτος φωτίσω τούς έν άγνοία του γένοιίς : « je veux
illuminer de cette grâce (la révélation elle-même) ceux de ma race
qui sont dans l’ignorance (cf. infra, p. 104, n. 2) » (I 32).
Si le ton et la méthode d’enseignement diffèrent, on constate
aussi une diversité dans la forme que revêtent les doctrines. Ce
qui, chez Jamblique, Tertullien, Aétius, etc., est présenté comme
un enseignement se propose, chez l’hermétiste, sous la forme d’un
mythe. En sorte qu’on assiste ici à une curieuse évolution. La phi­
losophie qui, par l’effort des Présocratiques, est avec peine sortie
du mythe pour devenir œuvre de raison pure, retourne maintenant
au mythe : elle ne cherche plus à convaincre l’esprit par une suite
ordonnée d’arguments, mais à frapper l’imagination et à émouvoir
la sensibilité.
Voyons en effet le premier problème, celui de la nature de l’âme.
Dans toute la tradition platonicienne, l’âme est conçue comme une
substance incorporelle, immuable quant à son être fondamental,
intelligible, invisible, uniforme; étant incorporelle, elle est incom­
posée, et ne peut donc ni se dissoudre ni être dissipée (cf. v. gr.
Albinus, D iiask., 25, p. 177.19 H.). Dès lors, elle est indestructible,
immortelle. Or ces caractères de l’Ame sont ceux-là mêmes de
l’Idée platonicienne et, à partir d’Albinus au moins, ceux de Dieu
(cf. Didask., 10, p. 165.30 ss. H. : Dieu est sans parties, immuable,
incorporel, dès lors incorruptible et inengendré). Les philosophes
exprimeront cette vérité en marquant une relation entre la nature
de Dieu et celle de l’Ame : ils diront que l’âme est de nature divine
24 LA RÉVÉLATION D’HERMÈS TRISMÉGISTE

« L ’âme », dit Aibinus 125, p. 177.28 ss.), « étant ce qui commande


en l’homme, ressemble au divin : étant semblable au divin, elle
échappe nécessairement à la corruption et à la mort ». L’auteur
hermétique transforme ceci en mythe. Il décrit, dans un style
grandiose, la naissance de l ’Homme céleste Fils de Dieu. Il nous
montre cet Homme céleste exactement et entièrement semblable
à son Père, jouissant de toutes les prérogatives du Père. C’est par
ce biais que nous sommes invités à découvrir que l ’Ame est indes­
tructible et immortelle, puisqu’elle est semblable à Dieu qui possède
ces qualités.
Prenons encore le problème de la dualité de l’homme terrestre
composé d’une âme immortelle et d’un corps mortel. Aibinus
donne sur ce point une démonstration toute classique (25,177.18
ss. H.). L ’âme est άσώματος, donc «σύνθετος, donc αδιάλυτος. En
revanche, le corps est σύνθετόν, donc σκεδαστόν. En outre (177.23 ss.)
quand l ’âme, par le moyen du corps, est en contact avec le sensible,
elle est prise de vertige et comme ivre ; quand, isolée en elle-même,
elle est en contact avec l'intelligible, elle s’apaise et retrouve sa
tranquillité. Or, si elle est troublée par l’objet avec lequel elle entre
en contact, évidemment elle n’a point de ressemblance avec cet
objet. L ’âme a donc plutôt ressemblance avec l’intelligible, qui
par nature est indestructible. Cette démonstration est remplacée
dans le Poimandrès par le mythe de la chute de l ’Anthrôpos, de
son union avec Physis, et, en conséquence de cette union, de la
naissance des hommes terrestres nécessairement doubles, puisqu’ils
sont issus de l’Homme céleste et de la Nature matérielle.
Demandons-nous maintenant quelle est l’origine de ces diffé­
rences. Viennent-elles de l’Orient? Ou sont-elles dues, comme je
le crois, à un changement dans l’attitude spirituelle de l’homme
occidental?
Assurément le dualisme, qui fait le fond du Poimandrès , ne
vient pas de l ’Iran. M. Nilsson l’a observé encore tout récem­
ment (1), « le dualisme iranien se marque en ce monde-ci, le dua­
lisme .grec entre ce monde-ci et le monde suprasensible : c’est là
une distinction fondamentale qu’on ne peut pallier d’aucune
manière ». Le seul trait vraiment oriental du Poimandrès , c’est
la doctrine des enveloppements planétaires dont l’Anthrôpos se
revêt dans sa chute et se dévêt dans sa remontée, enveloppe­
ments qui symbolisent l'influence des sept planètes sur notre1

(1) Greek Piety, Oxford, 1948, p. 137.


INTRODUCTION 25

caractère moral. Mais, si l’image du vêtement est neuve (l’idée


d’une substance intermédiaire entre le corps et l’âme est
d’ailleurs grecque et née d’ un raisonnement : l’impossibilité d’unir
immédiatement le corps matière à l’âme immatérielle), la doctrine
de l’influence des astres sur le caractère humain, doctrine certaine­
ment chaldéenne, a été empruntée par la Grèce dès le temps de
Platon, comme nous le voyons dans le Phèdre où il est parlé déjà
de caractères « joviens », « junoniens » ou « martiaux » (1).
Il faut le répéter : et le cadre, et la suite des enseignements, et,
souvent, le détail même de ces enseignements (par exemple la sépa­
ration en deux des premiers hommes terrestres, d’abord bisexués :
cf. Banquet), tout cela vient de Platon. Tertullien avait parfaite­
ment raison quand il accusait Platon d’être le père des gnostiques
qu’il attaque (Valentin, Saturninus, Carpocrate : de an. 23.1-5) et
faisait de tout son de anima une machine de guerre contre Platon (2).
Sur ce point, l’essentielle différence entre la manière philosophique
et la manière gnostique de traiter le problème de l’âme n’est pas
dans le plan ou les doctrines, mais dans la forme. D’où la question :
étant admis que, de part et d’autre, Platon est la source commune,
d’où vient cette diversité formelle?
Elle tient, selon moi, à ce changement dans les esprits que j ’ai
longuement décrit au tome I er du présent ouvrage. Le sage
grec a pour but de connaître et de comprendre tout le réel
pour en admirer la belle ordonnance. Son idéal est de θεωρία
toute pure. Il est entièrement satisfait quand il y atteint.
Cet idéal restera traditionnel dans la sagesse grecque jusqu’à la
fin. Jamfclique, dans le Protreptique, n’en propose pas d'autre,
et c’est cette attitude de paisible contemplation qu’il manifeste
dans le Περί ψυχής. De même Sallustius dans le traité Des dieux
et du monde. De même Simplicius encore dans son Commentaire
sur le De Caelo et la controverse qu’il y institue contre le chrétien
Philopon. Mais il y a, au IIe et au IIIe siècle de notre ère, beaucoup
d’hommc3 que ce pur détachement du contemplatif ne satisfait
plus, beaucoup d’hommes inquiets, troublés, qui aspirent à être
sauvés. Que leur importent les opinions diverses des sages? Un 12

(1) Cf. Rev. P h i l o l . , X X I , 1947, pp. 25-26.


(2) Cf. l’article cité supra, (p. 1, n. 1), pp. 147 ss. Il faudra bien revenir ir
ce point à l’opinion commune des anciens Pères qui, à mon sens, avaient ;u
juste; cf. H ire., R ef. VI 29,1 (p. 155. 15 SS. Wendl.) τοιαότη τ ις ... ή Πιιθα ο
καί Π λάτωνος συνέστηκε δόξα, άφ’ ής Οϋαλεντΐνος, ούκ άπό των
αίρετιν τήνίαυτοϋ οοναγαγών... δικαίως ΠυΟαγορικδςκαί Π λατω ν ·α·..α·Λ.;
λογισθείη.
26 LA RÉVÉLATION D'HERMËS TRISMÉGISTE

'seul enseignement suffit, qui soit le vrai et qui les sauve. E t puisque
le salut est dans 1’union à Dieu, que cette doctrine véritable soit
donc aussi une voie de vie, un moyen d’atteindre à Dieu.
Or on peut aller à Dieu par la connaissance de l’ordre du monde
et des lois du ciel étoilé. L a science de l ’astronomie et toutes les
autres sciences que l ’astronomie suppose peuvent conduire à une
mystique. Mais on est las de ces sciences, de la dialectique, et de
la physique, et des preuves rationnelles de l’existence de Dieu.
On veut entre l’âme et Dieu une relation plus immédiate et plus
directe. De là vient que, dans la tradition platonicienne, on aban­
donne désormais le courant cosmique, le courant'du Timée et des
Lois et, si l’on veut, de YEpinomis, pour retourner au Platon dua­
liste, au Platon du Phédon et de la République, qui fait de l’âme
un eïSéç ti , une sorte de Forme suprasensible, sœur de l ’Idée,
fille de Dieu. Que l’âme, dès lors, se recueille,rentre en elle-même, et
elle trouvera Dieu (1). Que l’homme «se connaisse », et il « connaî­
tra Dieu ».
Comme enfin on est las de l’air froid, éthéré, de la science pure,
qu’on a besoin de chaleur et de vie, c’est sous la forme du mythe
qu’on revêtira ces doctrines. Or n’est-ce pas, là encore, un retour
à Platon? Faut-il chercher d’autres modèles? Pour tout dire d’un
mot, je suis persuadé que ce retour aux doctrines dualistes et à
la forme du mythe est un retour au platonisme du Phédon, et que
ce retour est commandé par l’atmosphère spirituelle de l’époque :
le dégoût du rationalisme, le désir d’une foi, le désir d’une vérité
simple et vivifiante qui procure la paix de l’âme dans l’union à
Dieu. Qu’avec cela, certains détails, par exemple la notion d’Anthrô-
pos céleste ou la traversée des sphères, soient empruntés à des
sources non grecques, c’est possible, mais secondaire. La gnose
hermétique, dans son fond, reste dans la tradition platonicienne.
Elle montre seulement que cette tradition n’avait pas épuisé
sa vertu et qu’elle était capable de revêtir des formes neuves pour
répondre aux besoins toujours nouveaux de l’âme changeante des
hommes.1

(1) Porphyre, Lettre à Marcello, 9, 11 ; Zosime, Compte final, p. 244.17 ss.


B erth.-R u.
CH A PITRE P R E M IE R

L ’O RIG IN E C É L E ST E D E L ’AME

I. LE S SO U RCES P H IL O S O P H IQ U E S

La période hellénistique ne »¡était guère souqiée en général


du problème des origines et de la. destinée de l’àme (1). E t l’on
peut attribuer avec quelque certitude au renouveau d’influence
du platonisme la croyance, dont témoigne déjà Cicéron (Somn.
Scip.), que l’âme est d’origine divine et que, après un temps de
séjour ici-bas, elle remonte pour toujours au ciel (2).
Cette croyance présente deux caractères. D’une part, « les hom­
mes ont reçu leur esprit de ces feux éternels de là-haut, que vous
appelez (3) constellations et étoiles, feux sphériques et circulaires
qui, animés d’intellects divins, accomplissent leurs révolutions
avec une vitesse admirable (4) ». Au même temps que Cicéron
on retrouve ce dogme chez Varron (5) : « La semence de vie dans
les êtres vivants est le feu, qui est âme et intellect. C’est un souffle
chaud venu du ciel, parce que c’est au ciel que se trouvent, innom-1

(1) Sur ce point, cf. F . C u m o n t , L ux Perpétua (Paris, 1949), pp. 131 ss.
(2) Sur ce renouveau du platonisme, cf. M. Pohlenz, Die Stoa (Gôttingen,
1 9 4 8 /9 ), I, p. 245, II, pp. 127,133. Sur le passage du scepticisme à la foi en
l’immortalité personnelle vers le 1er s. av. J.-C ., cf. Cumont, op. eit., pp. 1 35 ss. ;
sur le rôle de « Posidonius », ib., pp. 115 ,1 5 9 ss. et P ohlenz, i. c., I, pp. 229 ss.,
I l , pp. 115 ss. J ’apprécie pour ma part la formule d’E . R . D odds, Cl. Qu.,
X X l I , 1928, p. 131 : « the Platonizing Stoio source which the Gormans hâve
agreed to call Poseidonius ». Noter, avec Cumont lui-même (p. 159), que, au
témoignage de Pline l’Ancien (A. H . II 26, 95), Hipparchua nvnquam solia
laudatus, ut quo nemo magis adprobaveril cognationem (ooffévciav ) cum homine
siderum animasque noslras partem esse cæli. Or Hipparque est d’un bon demi-
siècle antérieur à Posidonius et la doctrine ici énoncée est celle-là même du
T im ie. Il est possible que, même à l’âge hellénistique, ceux qui étudiaient
l’astronomie aient adopté les vues mystiques du Timée en même temps que
les doctrines scientifiques sur les astres inaugurées à l’Académie. Gomme
il ne s’agissait là que d’un groupe restreint de savants, ou comprend que cette
théorie de la auyyino.a astrale n’ait pas pénétré dans la masse. Voir aussi
infra, p. 2 8 , n. 2, et Addenda.
(3) vous = .« vous autres, les vivants ». C’est Paul Emile qui parle, et il
est mort.
(4) Crc., Somn. Scip. 15.
(5) V arr ., de lingua lot., V 59. Cf. P. B oyancé, Etude sur le Songe de Scipion,
pp. 132 s.
27
28 LA RÉVÉLATION D’HERMÈS TRISMÉGISTE

brables, les feux immortels. Aussi Épicharme dit-il de l’intellect


humain : 'il vient de là-haut, issu du Soleil, lequel est tout entier
composé d’intellect’ ». Puis chez Manilius et beaucoup d’autres (1).
Le Didaskalikos d’Albinus reprend cette doctrine et en décèle la
source première (2) là où il résume (ch. 16) le fameux passage du
Timée sur le oévvo[iov étarpov (3). Plus tard, YAsclépius (6, p. 302.
21) encore parle des racines que nous plongeons au ciel, souvenir
du Timée (oùpaviov çurév 90 a 7). Il est bien probable, en effet, que
la lecture du Timée a ranimé la croyance à l’origine astrale de l’âme.
Cicéron a traduit partie de cet ouvrage, et l’on n’a pas besoin de
rappeler ici combien il fut en vogue sous l’Empire (4).
L ’autre caractère met la nature de l’âme en rapport direct
avec la nature des Idées, ou de Dieu conçu comme l’Intellect
suprême qui pense les Idées. Je résume ici l ’argument d’Albinus
(Did. 25) : « L ’être de l’âme est d’apporter la Vie. Or ce qui apporte
la vie n ’est pas susceptible de mort. Donc l’âme est immortelle.
En tant qu’immortelle, l’âme est indestructible. Elle est en effet
une essence incorporelle, immuable quant à son être fondamental
(virécraanç), intelligible, invisible, simple dans sa forme; dès lors,
elle est incomposée et ne souffre ni dissolution ni dispersion.
Par ces traits, l’âme ressemble à l’intelligible qui lui aussi, par
nature, ne souffre ni dispersion ni destruction. En outre, l’âme
tient naturellement le rôle de chef. Or ce qui a naturellement rôle
de chef ressemble au Divin. Donc l’âme, puisqu’elle ressemble au
Divin, est indestructible et impérissable. » L ’âme ressemble donc
à l’intelligible. Si, de plus, on compare ce ch. 25 avec la partie du
ch. 10 relative à l’être de Dieu (p. 165.30 ss. H.), on constate que
l’âme ressemble à Dieu même. Car Dieu, étant sans parties, est
immuable et inaltérable, donc incorporel. Au surplus, si Dieu
avait un corps, il serait corruptible, engendré, susceptible de chan­
gement : ce qui est absurde dans le cas de Dieu.
L ’argumentation d’Albinus est empruntée au Phédon qui, avec
le Timée, fut le dialogue le plus lu sous l’Empire. Pour montrer
que cet argument est, aux u e et m e siècles, dogme d’école, il me
suffira de deux exemples, celui de Tertullien dans son de anima ,
(1) Man., IV 905 ss.
(2) Première, car il est bien évident que le stoïcisme a repris, à sa manière,
cette doctrine (cf. Rév. H . T ., II, pp. 2 7 i ss.) et il est possible que/ Posido-
nius ait beaucoup contribué à la répandre en la mêlant de platonisme, ci. en
dernier lieu M. Pohlenz et Cumont, cités supra, p. 27, n. 2. /
|3) P lat., T im , 41 d-e, 42 b 3-5.
(4) Sur la renaissance du platonisme dès le temps de Cicéron, cf. supra,
p. 2 7 , n. 2.
L’ORIGINE CÉLESTE DE L’AME 29

et celui de Plotin dans le deuxième traité qu’il ait écrit (1), Sur
l'immortalité de l'âme (IV 7) (2). Le premier exemple est d’autant
plus frappant que Tertullien n’est pas philosophe de profession :
ce qu’il peut savoir des doctrines de Platon ne dépasse pas le bagage
philosophique des Romains oultivés de son temps (3). Tertullien
rappelle à quatre reprises le principe platonicien que tout ce qui
est dissoluble est mortel. Une première fois pour le combattre (9.2)
parce que, à ses yeux, l’âme a figure et corps : « Que va-t-on dire
maintenant, alors que nous accordons une figure à l’âme, bien
que Platon s’y oppose sous le prétexte qu’on ruine ainsi l’immor­
talité de l’âme. Il déclare en effet que tout ce qui a composition
et structure est dissoluble. Mais l’âme est immortelle, donc indis­
soluble en tant qu’immortelle, et sans figure en tan t qu’indis­
soluble ». Dans les trois autres cas (14.1, 51.5, 53.2), Tertullien
accepte le principe et il en fait même la base de sa démonstration (4).
En 14.1, l’argument sert de majeure pour prouver que l’âme ne
comporte pas de parties : « L ’âme est une (singularis ), simple et
tout entière tirée d’elle-même (de suo tota), elle n ’est pas plus cons­
truite ( instructilis) par une cause extérieure qu’elle n’est divisible
par elle-même, parce qu’aussi bien elle n’est pas dissoluble. Car
si elle est construite et dissoluble, elle n’est plus immortelle. Dès lors,
puisqu’elle n’est pas mortelle, elle n’est ni dissoluble ni divisible.
Car être divisé, c’est être dissous, et être dissous, c’est périr ». En
51.5, l’indivisibilité de l’âme, condition essentielle de son immor­
talité, sert de majeure pour prouver que l’âme est séparée tout
entière du corps à la mort : « D’ailleurs, l’âme qui est indivisible,
puisqu’elle est immortelle, force à croire que la mort est elle aussi
indivisible, et qu’elle se produit d’une manière indivisible pour
l’âme — non pas en tan t que celle-ci est immortelle, mais en tant
qu’elle est indivisible. Or la mort elle aussi se divise, si l’âme se
divise, en ce sens qu’un reste de l’âme doit mourir un jo u r; il
restera donc une portion de mort à subir pour une portion d’âme ».1

(1) Cf. PottPK., V. Plot., 4. 24.


(2) On pourrait, bien sur, citer d’autres exem ples, v. gr. Celse ap. Orig.
c. CeU. V III 49 (p. 68. 9 Glöckner, Kl. Texte 151) τοϊς μήν γε τήν ψυχήν ή τον
νουν — είτε πνευματικόν τούτον έθέλουσι καλεϊν είτε πνεύμα νοερόν άγιον καί
μακάριον είτε ψυχήν ζώσαν είτε θείας καί άσωμάτου φύσεως ίκγονον ύπερουράνιόν
τε καί άφθαρτον εϊθ' δ τι καί & τι χαίρουσιν όνομάζοντες — τοϊς τούτο έλπίζουσιν
ίξειν αιώνιον σόν θεψ, τούτοις διαλέξομαι.
(3) Jereprends ici quelques pages de l ’article cité s u p r a ( ρ .Ι ,η . 1), pp. 145 ss.
Même cas chez Arnobe, ci. Arnobia n a , Vig. Chr., VI, 1952, pp. 209-216. Pour
Athénagore, cf. R E G., LV I, 1943, pp. 367 ss.
(4) Sur les inconséquences de Tertullien, ci. l’art, cité, pp. 142 ss.
1

LA R ÉV ÉLA T IO N D’H ERM ÊS TRISM ÉGISTE

En 53.2, Tertullien fait appel une fois de plus à ce principe, pour


maintenir fermement la doctrine de l’immortalité de l’âme :
« (Je laisse aux médecins le soin de décrire les diverses sortes de
mort). Toutefois, pour sauvegarder ici ençore l ’immortalité de l’âme,
je veux, à propos de la mort, insérer un paragraphe touchant cette
forme de m ort où l’âme se dissipera peu à peu et degré par degré.
Dans ce cas en effet, l’âme se sépare du corps comme si elle dispa­
raissait au fur et à mesure qu’elle se dissipe, et cela prête à croire
que l’âme périt, étant donné la manière dont elle sort ».
C’est de manière exceptionnelle que je ferai usage de Plotin en
ce livre. Plotin est un philosophe original qui « repense » les thèmes
d’école et leur donne une solution personnelle. Quand on l’invoque
en témoignage, il y a donc chance qu’on entende une voix isolée,
quelle qu’en soit d’ailleurs l’autorité, plutôt que la voix commune
des platoniciens dualistes. Néanmoins, nous pouvons sans crainte
utiliser le traité IV 7 sur l’immortalité de l’âme. Ce traité, qui,
au surplus, date de la toute première période de l’activité du
maître, est, comme l ’observe M. Bréhier (1), « le plus élémentaire
et pour ainsi dire le plus scolaire qu’ait écrit Plotin : l’on y trouve
de nombreux résumée des commentateurs utilisés ». La composition
même témoigne de l’aspect scolaire de cet ouvrage. Le problème
ayant été ainsi posé : « Chacun de nous est-il immortel, ou périt-il,
ou y a-t-il des parties qui subsistent éternellement, d’autres
parties qui périssent? » (IV 7, 1.1-3), on établit d’abord que
l’homme lui-même, c’est l’âme (ή ψυχή αύτός IV 7, 1.25). Reste
donc à m ontrer que cette âme est immortelle. On le fait de deux
manières : négativement, en prouvant que l’âme n’est ni un corps
(IV 7, 2-8123), ni l ’harmonie d’un corps (IV 7, 8*), ni l’entéléchie
d’un corps (IV 7, 8*. 1-40); positivement, en prouvant, par des
arguments platoniciens, que l’âme est une substance véritable
(δντως ουσία IV 7,8*,47) (2). C’est ici que les rencontres avec
Albinus et Tertullien sont notables, et manifestent que nous avons
bien affaire à un τόπος d’école. Plotin commence par établir qu’il
existe un Ê tre véritable, qui ne naît ni ne périt (IV 7, 9.2), un
Ê tre qui, possédant l’être de soi-même et à titre premier, est éternel,

(1) Dans sa N otice au traité IV 7, cf. t. IV, p. 179.


(2) Cadre scolaire, cf. J ambl ., π. ψυχής, 1 « section (Nature de l’âme),
où Jamblique divise ainsi le sujet : (a ) âme corps ou forme du corps (I 363.
11-25 W .) ; ( b ) âm e essence mathématique (1 363.26-364.18) ; (e ) âme harmonie
(I 364. 19-365. 4 ); (d ) âme substance incorporelle des platoniciens (1365.
5 ss. Noter le début ίθι δή οδν ijrl τήν καθ’ αυτήν άσώ ματον ουσίαν έπανίω-
μεν).
L’ORIGINE CÉLESTE DE L ’AME 31

éternellement vivant, menant une vie toute pure (IV 7, 9.22-25).


On montre alors que l’âme est de même race que la nature divine
et éternelle par une suite d’arguments qui font apparaître les res­
semblances entre l’âme et Dieu. (A) Comme l’Être vrai, l’âme
est incorporelle (IV 7, 10.1-3). (B) L ’Être divin et réellement Être
mène une vie bonne et sage. Or l ’âme purifiée, qui a le moins de
relations possible avec le corps, qui se recueille en elle-même dans
sa pure essence (όταν έφ’ έαυτήν άνέλθη IV 7, 10.14), possède
naturellement les vertus et se trouve donc ressortir à la catégorie
du divin (IV 7, 10.4 ss.); elle est de même essence que le divin
(διά συγγένειαν καί το όμοούσιον, 1. 19). Or, si l’âme est telle,
quel homme de bon sens lui refuserait l’immortalité, puisque la vie
lui appartient de droit et qu’elle ne peut la perdre (IV 7, 11.1-3)?
L ’argument principal de la démonstration est ainsi résumé,
fort clairement, dans la conclusion (IV 7, 12.11 ss) : « Tout ce qui
se dissout, c ’est parce qu’il a reçu l’existence au moyen d’une
composition que naturellement il se dissout dans les éléments
dont il a été composé. Mais pour l’âme, qui est un acte un et simple,
la nature consiste dans le vivre (1) : de cette manière donc l’âme
ne périra pas ». On a reconnu la preuve du Phédon (105 c/e), qui
ouvre aussi la suite des arguments dans le Didaskalikos d’Albinus
(ch. 25). Qu’Albinus et Plotin lui-même (2) fassent appel égale­
ment à d’autres dialogues de Platon, on ne s’en étonnera guère
de la part de ces platoniciens déclarés. Il est plus remarquable de
voir Cicéron, dans le Songe de Scipion, utiliser le fameux passage
du Phèdre (245c ss.) comme les platoniciens Albinus, Apulée et
Plotin. Après avoir rappelé (3) l’argument, classique depuis Xéno-
phon, de l’identité de pouvoir entre l’intellect et Dieu, Cicéron
offre, une traduction littérale de la preuve du Phèdre sur l’âme
automotrice (4). On notera que, chez Cicéron, cette preuve ne
sert pas seulement à démontrer l’immortalité de l’âme, mais
qu’elle manifeste aussi la ressemblance entre l’âme et Dieu (26 fin) :1

(1) Je lis ψυχή δέ μι? καί άτλή èvepyciqi οΰστ) έν τώ ζην φύσις (ψυχή δέ μία καί
άτιλή ένίργϊΐα ούσα κτλ. COdd.).
c.,
(2) Cf. B réhier , l. ρ. 185 s. qui signale, pour les chapitres vin (fin) et
ix , les passages suivants : Tim . 27 d, Phèdre 245 c-e, Soph. 248 e, en plus de
Phid. 105 d.
(3) Somn, Scip. 26. Cf. Rév. H . T ., II, pp. 82-86 et, pour la fortune de cet
argument chez Cicéron lui-même, B oyancé , op. cil., pp. 128 s.
(4) Somn. Scip. 27-8 = Phèdre 245 c ss. Cf. B oyancé, p. 128, n. 2. La même
preuve est brièvement rappelée par Albinus, Did, 25, p. 178. 17 ss. H. et par
Apulée, de Platane I 9, p. 92. 2 Th. ipsamque semper et perse moveri, agitatricem
aliorum, quse nalura sui inmota sunt alque pigra.
32 LA RÉVÉLATION D’HERMÈS TRISMËGISTE

deum te igitur scito esse si quidem est deus qui tam... movet id corpus
cui praepositus est quam huno mundum Ule princeps deus; et ut
Ule mundum ex quudam parte mortalem ipse deus aeternus, sic
fragüe corpus animus sempiternus movet.
II. LA G N O SE PAÏENN E

Cicéron, sous l’influence de Platon, écrit dans le Songe (13) :


« Ceux qui dirigent les cités humaines et en maintiennent le salut,
comme ils sont venus de là-haut, là-haut retournent » (hinc profecti
hue revertuntur) (1). Tertullien, là où il marque, dans le de anima
(23.1), l’origine platonicienne des hérésies dualistes, s’exprime en
ces termes : « Quelques-uns croient qu’ils sont descendus du ciel
et ils sont aussi assurés dans cette persuasion que dans leur convic­
tion de remonter là-haut » (quidam de caelis devenisse se credunt
tanta persuasione quanta et ittuc indubitate regressuros repromit-
tunt) (2). Arnobe enfin, critiquant les enseignements d’un groupe de
novateurs, qui se rattachent à Hermès (Trismégiste), à Platon
et à Pythagore (sc. Numénius et Cronius), tient à ces viri novi ce
langage : « Vous prétendez, vous autres, retourner de vous-mêmes à
la cour du Seigneur comme au séjour qui vous appartient en pro­
pre, sans que rien ne vous en empêche » [vos in aulam dominicam
tamquam in propriam sedem remeaturos, I l 33, p. 74.24 R .). Le fon­
dement de cette croyance, partout rapportée à Platon, est, on le voit,
partout le même : les âmes remontent au ciel parce qu’elles en sont
descendues, elles ne regagnent le ciel que parce qu’elles appartien­
nent au ciel. Comme il est dit dans l’Évangile (Joh. 3, 13) : « Nul
ne remonte au ciel s’il n’est descendu du ciel », ούδείς άναβέβηκεν
εις τδν oùpavèv εί μή ό έκ τοϋ ούρανοϋ καταβάς. Le dogme premier
de l’anthropologie, dans les systèmes de philosophie religieuse
sous l ’Empire, est l’origine céleste de l’âme, soit qu’on la tienne
pour de même essence que les astres, soit qu’on la regarde, en tant
qu’incorporelle et indissoluble, comme semblable aux Idées, ou
au divin, ou à Dieu : « l’âme, disait Albinus (25, p. 177.28 ss.),
étant ce qui commande en l’homme, ressemble au divin ». Or cette
doctrine est aussi le fondement de la gnose, qu’il nous faut étudier
maintenant en commentant par l’hermétisme.1

(1) Cf. Tuse. I 72 ad -: - piib’ts estent profecti redUum facile patere, et,
après Or^sen, B oy incé, op cit., p. . n. 1.
(2) ?.>ur la m ite, Cf. su r p. 4.
LA aiviL A T IO K D' ' TRISMEGISTE. — III 4
34 LA RÉVÉLATION D’HERMÈS TRISMÉGISTE

1. L'H ERM ÉTISM E

Le dogme de l’origine céleste de l’âme revêt, chez Hermès,


deux aspects. L ’âme est divine, soit parce qu’elle est littéralement
fille de Dieu (C.H. I) ou détachée de la substance de Dieu par une
sorte d’émanation (C.H. X I I 1), soit parce qu’elle a été créée par
Dieu à l’aide d’un mélange « psychique » qui, parmi ses éléments,
comporte quelque chose de Dieu lui-même.

A. POIMANDRÈS ET CORPUS H e RMETICUM

La filiation divine apparaît en toute clarté dans le mythe du


Poimandrès. Cet ouvrage décrit, dans un style grandiose, la nais­
sance de l’Homme céleste, Fils de Dieu. Il nous montre cet Homme
céleste exactement et entièrement semblable à son Père, jouissant
detoutes les prérogatives du Père (C.H.112, cf. supra, pp. 15 s.). C’est
par ce biais que nous sommes invités à découvrir que l’Ame est
indestructible et immortelle, puisqu’elle ressemble à Dieu qui
possède ces qualités. La notion de filiation divine au sens propre
se rencontre également dans le C.H. X I I I , qu’une allusion directe
( X I I I 15, p. 206.18) nous montre en rapport étroit avec le Poimandrès.
T a t ayant demandé ( X I I I 2, p. 200.15) de quelle matrice l ’Homme
(essentiel) est né, et de quelle semence, Hermès répond : La matrice
est la sagesse intelligente dans le silence, et la semence est le vrai
Bien. Quant au semeur, c’est le Vouloirde Dieu (το Θέληματοϋ Θεοϋ)
et le produit de cette génération est « dieu fils de Dieu, le Tout
dans le Tout, composé entièrement de Puissances (divines) (1) ».
Plus loin, T at ayant demandé si ce corps nouveau, composé de
Puissances, subira la dissolution, Hermès le reprend : « Ne sais-
tu pas que tu es né dieu et fils de l’Un, comme je le suis moi-même? »
( X I I I 1 4 ,p. 206.15.). Ces paroles visent sansdoute le fait quel’initié,
ayant été régénéré dans l’Intellect (έγεννήθην έν νω X I I I 3, p. 201.16),
est redevenu fils de Dieu par une sorte d’expérience mystique.
Mais il est clair que l’initié ne pourrait recouvrer sa nature divine
s’il ne la possédait déjà. Tout le propre de la gnose est précisément
de ranimer en nous le sentiment de notre parenté avec Dieu.
On peut rattacher à la branche gnostique de l ’hermétisme le1

(1) X I I I 2, p. 201. S. Pour σοφία... έν σιγή, cf. infra, p. 168, n. 6. Pour έκ


πασών δυνάμεων, je préfère aujourd’hui le sens suggéré par Nock, éd. Budé,
n, 15. Pour la comparaison du Dieu Semeur, cf. N u m é n i u s fr. 22 L., infra, p .44.
L ’ORIGINE CÉLESTE DE L ’AME 35

IV e traité et partie au moins du X I I e. Or on y trouve encore la


consubstantialité de l’âme avec Dieu : non plus, cette fois, en
raison d’une filiation, mais à la suite d’un « baptême » (C.H.IV)
ou par une sorte d’émanation (G.H. X II). Dans le Cratère (C.H.IV),
Dieu remplit de l’Intellect un cratère et, par le moyen d’un héraut,
il invite les hommes à s’y plonger (IV 4, p. 50.8 ss). Puisque les
hommes « qui ont été baptisés de ce baptême » de l’Intellect pos­
sèdent la Connaissance et savent « pourquoi ils sont nés et de quels
auteurs » (IV 4, p. 50.14 ss.) (1), il est légitime de conclure que cet
Intellect est la substance même du Dieu Νους : de là vient que le
baptisé prend conscience de son origine divine et remonte, après
la mort, vers Celui qui a envoyé le cratère (p. 50, 11 ss.). Le X II *
traité déclare que l’intellect (humain) est tiré de la substance
même de Dieu, non qu’il ait été découpé dans la substantialité de
Dieu, mais en se déployant pour ainsi dire à partir de cette source
comme la lumière à partir du soleil (2). Ce même traité va jusqu’à
identifier l’intellect humain avec l ’âme et le moi de Dieu (X II 8,
p. 177.10 ώς οδν δυνα-riv νουν,... ψυχήν δντα τοϋ θεοϋ, ρ. 177.15
6 νους, ή τοϋ θεοϋ ψυχή) (3).
A côté de cette tradition qui fait de l’âme humaine, ou de l’intel­
lect humain, un être essentiellement divin puisque issu de Dieu
lui-même, l’hermétisme en connaît une autre où notre parenté
avec le ciel se fonde sur ce que Dieu nous crée semblables à lui
(Asclépius 8) ou que notre âme résulte d’un mélange « psychique »
qui comporte, parmi ses ingrédients, un élément divin, et qui est
composé par Dieu en personne. Cette dernière doctrine, qui vient
aussi de Platon ( Timée), parait dans la Korè Kosmou, dont l’auteur1

(1) Cf. les textes parallèles de Clément d’Alexandrie cités Harv. Th. Rev.
X X X I (1938), n. 38 et 39.
(2) X I I 1, p. 174. 3 s. Sur cette doctrine, outre les textes de Plotin cités
ib., p. 174, n. la , voir surtout le fr. 23 de Numénius (cité infra, pp. 45 s. et
p. 46, n. 3). L ’auteur veut dire que, en donnant de sa substantialité, Dieu ne
subit aucune diminution.
(3) Peut-être faudrait-il ranger aussi, dans ce paragraphe, C. H. X 7 (p. 116,
7) où il est dit que toutes les âmes particulières dérivent de l’Ame du Tout,
d’où vient que l’âme du petit enfant, demeurant encore tout près de sa source
(ϊτι σχεδόν ήρτημένην τής του κόσμου ψυχής ), est belle et pure (X 15, p. 120. 17).
Mais bien des courants se mêlent dans ce X * traité. Il y a le courant « gnostique »,
qui recommande la contemplation par rejet total des perceptions et des pensées,
inhibition des sens, plongée dans le silence (ή γάρ γνώσις οώτοϋ xal θεία σιωπή ban
xal καταργία πασών των αισθήσεων, cf. 1 1, X I I I 7, I 30, ρ. 17. 17 ή σιωπή μου
ίγχύμων του άγαθοϋ et la π. 76 ·&.). E t il y ? le courant « cosmique » où le
monde est tenu pour bon, pour un όλικός θεάς (X 10, p. 118. 6), venu à l’être
comme fils de Dieu (γίνεται 6 μέν κόσμος τοϋ θεοϋ υιός X 14, ρ. 120. 5),
l’homme n’étant que le fils du monde, le petit-fils de Dieu (6 Si ίνθρωπος τοϋ
κόσμου, ώσπερ ϊγγονος ib., p. 120. 6).
LA RÉVÉLATION D’HERMÈS TRISMÉGISTE

a repris l’image du cratère, mais transposé en termes d’alchimie les


calculs mathématiques du Timée (1).

B . A s c l îp iu s

Selon VAsdépius (8 es.), Dieu crée d’abord le monde, second


dieu et image de son Père, puis il crée l’homme destiné à ressem­
bler à Dieu lui-même et à contempler le monde que Dieu a fait
(Ascl. 10, p. 308.20 dei, cuius sunt imagines duae mundus et homo).
Ceci n’a rien de gnostique, mais ressortit au courant « cosmique » (2).
Cependant, lorsqu’il s’agit du mode de la création de l’homme,
on rencontre aussitôt une autre veine. De l’homme en effet, Dieu
ne crée directement que la partie « qui est de même nature que
l’Essence » (euro itaque eum ουσιώδη < fecisset> 8, p. 305.15), ou,
comme traduit l’auteur de VAsclépius (7, p. 304.4), « qui est une
forme à la ressemblance de Dieu », divinae similitudinis formam.
Cette partie, c’est l’âme, simple, incorporelle et éternelle, l’Homme
ουσιώδης du Poimdndrès (I 15) et du C.H. I X 5. Autant dire que
Dieu tire l’âme humaine de sa propre substance, en sorte que cette
doctrine où Dieu est créateur de l’âme ne diffère guère de celle
où Dieu en est le père. On retrouve ainsi les enseignements du
C.H. X I I 1 où l’intellect dérive de la substance même de Dieu
(έξ αύτής τής τοϋ θεοϋ ουσίας έστίν 174.1) et dès lors est Dieu pré­
sent dans l’homme (ούτος δε ό νους έν μέν άνθρώποις θεός έστι
174.7). Comme néanmoins, ajoute VAsclépius, cette entité divine
qu’est l’âme n’eût pu subsister ici-bas et prendre soin des choses
terrestres sans une enveloppe corporelle, Dieu lui a donné le corps
pour domicile (3). Cette fois, nous revenons au courant « cosmique » :1

(1) Cf. mon article La création des Ames dans la Kor'e Kosmou, dans Pis-
eiculi F r . J . Dôlger dargeboten, Munster, 1939, pp. 102 ss.
(2) Cf. C. H. V, V III 2, X II 15-16 (180. 7ss. : morceaux « cosmiques » dans
ce traité qui en contient aussi de gnostiques, cf. supra, p. 35), X 10,14 (cf.
supra, p. 35, n. 3).
(3) Ascl. 8, p. 305. 15 ss. Cf. 7, p. 304. 6ss. corpus, quo circumtegitur illud,
quod in homine divinum esse iam diximus, in quo purae mentis divinitas tecta
sola cum cognatis suis, id est mentis purae sensibus, secum ipsa conquiescat
tamquam muro corporis saepta. Curieuse trace, ici, de contemplation « gnos­
tique » par rejet de toute perception extérieure. L ’âme (ou plutôt le pur intel­
lect) semble avoir été placée dans le corps pour que, à l’abri de ce rempart,
« elle se repose en elle-même ». Disons-le une fois pour toutes, en dehors des
traités C. H. 1 et X I I I , il n’est aucun des écrits gnostiques de l’hermétisme où le
courant gnostique (dualiste) se présente à l’état pur. 11 s’y mêle, parfois dans
le même paragraphe, parfois dans la même phrase, des éléments « cosmiques »
et optimistes. C’est vrai, nous l’avons vu, pour les traités C. H. X et X I I ,
VAsclépius, pour la Korè Kosmou (voir n. suivante). On peut en déduire, en
certains cas, que l’auteur emprunte à plusieurs sources (ainsi Korè Kosmou).
L’ORIGINE CÉLESTE DE L'AME 37

la venue de l’âme dans le corps n’est pas regardée comme un châti­


ment, le corps n’est pas un mal en soi. Il en va autrement dans la
Korè Kosmou qui, sans être pure de tout élément optimiste (1),
met en relief d’une manière beaucoup plus nette le dualisme entre
l’âme et le corps, entre l’heureux sort des âmes au ciel et leur
destinée ici-bas, lorsqu’elles ont été enfermées dans leurs prisons
terrestres.
C. K orè K osmou

Rappelons d’abord l’ordonnance de ce curieux ouvrage. Après


un prologue destiné à garantir l’authenticité de la révélation (1-8),
il commence par une organisation de la terre (2). La Nature d’en bas
est-encore stérile (m e ïp a ) (9). Dieu crée donc Physis (10-13). Cepen­
dant Dieu ne veut pas que la région d’en haut demeure inerte et
il décide de la remplir de souilles, c’est-à-dire d’ftmes. Ici se place
le morceau sur la création des âmes (14-17). Dieu crée ensuite
les signes zodiacaux de forme animale (18) et il charge les âmes de
modeler à leur tour les animaux terrestres (1 9 -2 0 ). Après quoi
Dieu se retire (21).
Vient alors le péché et la chute des âmes (2 2 -4 2 ). Après un pre­
mier péché, de curiosité indiscrète (3), les âmes se mettent à
modeler sagement les animaux (2 2 -2 3 ), mais, cela fait, elles cessent
d’obéir aux ordres reçus. Dieu avait fixé pour elles des demeures
et leur avait enjoint de n’en pas sortir : obéissantes, elles reste­
raient au ciel ; coupables, elles seraient châtiées (cf. 1 7 ). Or les âmes,
« s’armant d’une ardeur indiscrète », refusent de se tenir chacune en
son lieu et outrepassent leurs limites (24). Elles sont donc punies,
la punition consistant, pour elles, à tomber dans des corps humains.
Hermès façonne le corps de l’homme avec le reste du mélange
Bien plus souvent, je crois, cela provient de ce que les auteurs hermétiques,
qui ne pensent pas avec lorce, respirent simplement T ■ air du temps ». Or
c ’est un temps où, de la fusion de courants philosophiques tris divergents à
leur principe, il est résulté une sorte d’attitude religieuse générale d’aspiration
vers Dieu, — Dieu cosmique qu’on peut atteindre par la vue du monde regardé
comme bon, mais aussi bien Dieu hypercosmique auquel on parvient seulement
par le rejet du monde, tenu pour mauvais, et le repli de l’âme sur elle-même.
(1) Cf., par exemple, les dons des dieux à l’homme K . K . 2 6 - 2 9 (mais ici
même certains traits sont pessimistes çtôov, &v&upcXî) 2 8 , les dons d’Arès
ib.). D’une manière générale, la cosmogonie n’offre pas de traits dualistes :
c’est le Dieu suprême qui crée (non un 2* Dieu démiurge) et il prend plaisir
à son travail créateur. Les Éléments ne sont pas mauvais en soi : ce sont les
crimes des hommes qui les ont souillés ; avant cela, ils étaient purs, cf. K . K .
5 6 ss. Ce n’est que dans le long morceau relatif aux âmes (14ss.) que l’auteur
est franchement dualiste.
(2) Une cosmogonie plus complète (organisation du monde) parait.au x
§§ 5 0 SS. Sur cette inconséquence, cf. mon édition, Introd., pp. cx c ss.
(3) Pour plus de détails, voir inlra, ch. u , pp. 83 ss.
38 LA RÉVÉLATION D’HERMÈS TRISMÉGI3TE

qui a servi déjà & la création des ftmes, des signes zodiacaux et des
animaux, et les autres dieux promettent d’orner ce corps des dons
que chacun d’eux possède en propre (2 5 -3 0 ) (1). Les âmes ont beau
se plaindre (3 1 -3 7 ), Dieu leur commande d’entrer dans ces corps
humains : si elles y vivent bien, elles retourneront au ciel; si elles
y vivent mal, elles passeront, au cours d’une nouvelle naissance,
dans des corps d’animaux (3 8 -4 2 ). Suivent un intermède (Momus
reproche à Hermès d’avoir créé l’homme, 4 3 -4 8 ) et un morceau
cosmogonique hors de place (4 9 -5 2 ) (2). Le réoit reprend logique­
ment avec les crimes des âmes incarnées, autrement dit des hom­
mes, sur la terre (5 3 ). Ces crimes ont pour conséquence une plainte
des Éléments au Dieu Monarque (5 4 -6 1 ). Dieu leur répond en
leur annonçant la venue de deux dieux sauveurs, Isis et Osiris (6 2 -
6 8 ) . Dans un bfef épilogue (6 9 ), Isis, qui vient de faire tout ce
récit à son fils Horus, décrit sa remontée au ciel. L ’ouvrage devait
se terminer par un hymne à Dieu (annoncé en 7 0 ) que Stobée
n ’a pas transcrit.
On le voit, l’ordonnance générale de la Korè Kosmou rappelle,
d’une certaine manière, celle du Poimandrès et se rattache au
schème que nous avons constaté jusqu’ici. Une fois laissés de côté
les morceaux cosmogoniques (3) et les divers « épisodes », on a de
part et d’autre la même suite :
Ê tre de l ’âme (1 4 -1 7 ).
Incarnation (2 2 -4 2 ).
Conduite (coupable) de l’âme incarnée (53).
Eschatologie, présentée ici sous forme d’avertissement de Dieu
aux ftmes (3 8 -4 2 ).
Les principales différences concernent la sotériologie. Selon
l’hermétisme pur (surtout C.H.I et X I I I ) , le salut consiste dans
une régénération intérieure dont le principe est une Connaissance.
L ’âme, illuminée, connaît son origine et son terme, reprend conscience
de ses relations avec Dieu et se fixe en Dieu. Dans la Korè Kosmou ,
le salut est dû à deux dieux Sauveurs, et il n’a pas tant pour objet
l’âme elle-même en sa destinée immortelle que les hommes durant
(1) Cf. supra, p. 37, n. 1.
(2) Cf. supra, p. 37, n. 2.
(3) N oter que, dans le Poimandris, la cosmogonie est intimement liée à
la doctrine dualiste : le dualisme anthropologique s’explique par un dualisme
antérieur (Lumière — Ténèbres) dans la genèse même du monde. Dans la
K . K ., en revanche, les morceaux cosmogoniques paraissent moins liés à l’his­
toire des âmes ; Dieu organise le monde pour que celui-ci ne soit pas inerte
(50) et pour se faire connaître dans son ouvrage (4). En outre, il y a plus de
rhétorique, plus d’apparat dans la K. K., cf. mon article Le style de la Korè
Kosmou, Vivre et Penser, 2* série, 1942, pp. 15 ss.
L ’ORIGINE CÉLESTE DE L’AME 39

leur séjour sur la terre. L a Korè Kosmou s’achève sur une aréta-
logie d’Isis et d’Osiris qui n’est guère différente des autres aréta-
logies isiaques (1). Il n’y est même pas question du sort posthume
de l'âme.
On peut dire, en bref, que la Korè Kosmou traite le même problème
essentiel que le Poimandrès — le problème de l’origine et du destin
de l’âme, — m ais avec moins de rigueur philosophique, sous une
forme plus romancée et plus populaire.
Passons maintenant à la psychogonie proprement dite (2).
Dieu prend de son propre souffle autant qu’il en faut, le mélange
intelligemment (νοερώς) à du feu et à de certaines autres substances
inconnues, prononce sur la mixture des incantations, puis agite
fortement le tout jusqu’à ce que « sourie » (έπεγέλασε) à la surface
une « matière » (τις όλη) plus subtile, plus pure et plus transparente
que les ingrédients dont elle est faite, laquelle, une fois amenée
& son terme, garde sa consistance sans se refroidir, propriété toute
singulière sur laquelle l’auteur insiste par l’accumulation de quatre
adjectifs (ίδιογενή καί ο ίκείαν είχε τήν του κράματος σύστααην ¡Βιό­
τυπόν τε καί Ιδιοσύγκριτον). Dieu l’appelle du plus beau nom,
Animation (Τύχωσις) : ce nom lui-même, conformément à la doctrine
de la sympathie, agira par sa vertu propre (άπό της καθ’ ομοιότητα
ένεργείας). Le démiurge écume cette croûte, et, comme elle se reforme
soixante fois, ces soixante couches successives vont fournir la
matière d’autant de sortes d’âmes, auxquelles correspondront
soixante régions (χώραι) dans l’atmosphère (3), selon un ordre
de perfection décroissante. L a matière des âmes n’est donc pas
homogène, sauf que toutes ces âmes sont éternelles, étant toutes
issues de la même substance.
Dans cette description, c’est à tort que les éditeurs, après Mei-
neke, ont introduit parmi les ingrédients du mélange le πϋρ νοερόν
des Stoïciens, en corrigeant νοερώς τοϋτο (le πνεύμα divin) πυρί
μίξας (14,6) en νοερω κτλ; Cependant νοερώς donne un sens
excellent, et se trouve confirmé, plus bas, par d’autres notations
de même sorte, εύ μάλα (14,9), ευτάκτως τε καί συμμέτρως, μετ’
.έμπειρίας καί λόγου τοϋ καθήκοντος (15, 9-10) : Dieu calcule intel­
ligemment les proportions convenables de souffle divin, de feu, et1

(1) Cf. mon article dans Rev. Arch., 6e série, X X I X / X X X , 1949 (Mélanges
P icard), t. I, pp. 376 ss.
(2) Cf. mon article ap. Pisciculi {supra, p. 36, n. 1), dont je reproduis ici la
p. 103. Pour les références à K . K-, paragraphe et ligne du paragraphe de mon
édition.
(3) a . E x c . X X V 1 1 - 1 3 .
40 LA RÉVÉLATION D’HERMËS TRISMÉGISTE

des autres substances inconnues dont il compose le mélange.


L ’opération, dans tout son cours, fait évidemment songer au
Timée (34 b 10 ss.) : de part et d’autre, il y a composition d’un
mélange (1). Néanmoins le pointde vue est très différent. Les savants
calculs du Timée sont destinés à expliquer, d’une part le problème
de la connaissance (cercles du Même et de l ’Autre), d’autre part
l ’ordre des cieux. L ’opération de la Korè Kosmou est destinée à
expliquer, d’une part la nature divine de l ’âme (πνεύμα γάρ δσον
αρκετόν άπό τοϋ ίδιου λαβών 14 , 5-6), d’autre part, avec la men­
tion des soixante degrés du mélange (άχρί βαθμών έξήκοντα 1 6 , 6-7),
l’assignation future des âmes dans les soixante régions de l’atmos­
phère entre la lune et la terre.
Le premier ingrédient du mélange psychogonique, et à coup
sûr le plus important, est la portion de son propre souffle que Dieu
y met. L ’âme est donc divine par essence (2). Elle est un rejeton
de la nature de Dieu (ώ τέκνα, τής έμής φύσεως γεννήματα 1 9 ,
5-6), une fille née du souille et de la pensée divine, que Dieu a
fait venir à l’être de ses propres mains (ώ πνεύματος ¿μοϋ καί
μερίμνης έμής ...καλά τέκνα, & ταϊς έμαυτοϋ μαιωσάμενος χέρσιν
1 7 , 3-5). De là vient que la placé normale des âmes est au ciel,
dans les constellations et sur les trônes chargés de puissance (3).1

(1) συνεκεράσατο 7'im .35a3, έπΐτόν πρύτερον κρατήρα, ένώτήντοΰ παντός ψυχήν
κεραννύς ίμισγεν 41 d 5 = έκέρασε K . Κ . 1 4 , 7, κράμα 1 4 , 9 et passim.
(2) On notera ici que la K . K . se meut à un plan inférieur à celui du Poi-
mandrès : le πνεύμα populaire a remplacé le νους de Platon et d’Aristote. Malgré
Scott (III, p. 507), je ne vois dans ce πνεύμα rien de spécifiquement stoïcien et
il est à coup sûr abusif de dire : « This conception... implies the Stoic view
th at God is immanent in the Kosmos ». Dans tout l’ouvrage, selon les vues
naïves du commun peuple, Dieu se tient au sommet du ciel, έντήπερικαλλεΐ τοϋ
αίθέρος στάς βάσει (οτάσει F P , corr. Usener) 1 7 ,2 , assis sur le trône de la Vérité
(3 8 , 1-2). Dieu est partout conçu comme une personne vivante, il parle, agite
ses mains, cuisine la mixture, se réjouit, etc. Bien qu’un souvenir de Genèse
II 7 (cf. Scott, l. c.) ne soit pas à exclure, l’idée qu’un Dieu ainsi personnifié
(comme le Zeus d’Homère, d’Hésiode et des tragiques) puisse donner de son
souffle ( 1 4 ,5 ,1 7 ,4 , cf. 4 0 ,1 -2 πάσαις αύταΐς έχαρίσατο πνεύματα) n’est pas inouïe
en Grèce. Dans le mythe de Pandore, qui a dû servir de modèle (direct ou indi­
rect) pour la création de l’homme en K . K . 25-30, Héphaistos donne à la Femme
la voix et les forces d’un être humain (Hés., Trav. 61), donc évidemment le
souffle. E t Hécube voudrait que tous ses membres s ’animassent par l’a rt de
Dédale « ou de quelqu’un des dieux » (Eur. H ic. 838). L a conception de Dieu
dans la K . K . me parait donc toute populaire. Le seul trait (peut-être) philo­
sophique est à la fin du § 4 2 , quand Dieu, après son dernier discours aux âmes,
άφθαρτος νους γίγνεται.
(3) θρύνοι τε άρετής πεπληρωμένοι 1 7 , 10. θρόνοι peut-être juif (cf. Scott, II I ,

{
). 512). Mais rien n’est plus commun, depuis au moins la Grèce homérique, que
a représentation des dieux assis « sur des trônes d’or » (v. gr. II. X IV 238),
et le trône « magique » apparaît déjà dans le vieux mythe du trône enchanté
bâti par Héphaistos pour Héra, en punition du crime qu’elle a commis en le
jetant hors de l’Olympe (cf. P. W . V III 344 et le proverbe Ήφαίστειος δέσμος).
L ’ORIGINE CÉLESTE DE L’AME 41

Au surplus, les âmes ont bien conscience d’appartenir à une noble


race. Dans leur prière à Dieu (34 ), elles invoqpent le Ciel comme
le lieu originel de leur naissance (Ουρανέ, της ήμετέρας άρχή γενέ-
σεως 34 , 4-5). Elles se plaignent de ce qu’on les arrache à la
société bienheureuse des dieux (άπό τής μακαρίας μετά θεών πολι­
τείας 34 , 10-11). Elles ne seront plus filles de Dieu (τάς ούκέτι του
θεοϋ ψυχάς 36 , 1 ), l’ouvrage de ses mains (σών έργων 37 , 3 ) et ne
pourront plus voir leur ancêtre le Ciel (τον εαυτών πρόγονον 36 , 3,
ci. τόν έαυτών ουρανόν άσπάσεαθε 39 , 3). Elles ne pourront plus
souffler dans l’air avec leurs frères les Vents (36 , 8 ss.).
Sans doute, on voit se mêler ici des conceptions diverses, dont
quelques-unes populaires : l’âme vent (1), l’âme alliée aux astres,
l’âme souffle de Dieu. Mais le principe demeure : l’âme,,née au Ciel,
par essence incorporelle et immortelle, est tombée dans un corps
mortel et retournera au Ciel. C’est, de toute évidence, le schème
platonicien traduit en langage imagé.
Ce schème, et le dogme qui le commande, l’origine céleste de
l’âme, nous les retrouvons dans un certain nombre de systèmes de
philosophie religieuse, de théurgie ou de gnose qui s’échelonnent
du iie au IVe siècle, depuis Numénius et les Oracles Chaldalques
(composés sans doute sous Marc-Aurèle) jusqu’au de mysteriis
de Jamblique. M’inspirant du tableau que j ’avais dressé en 1940
dans un article sur les viri novi d’Arnobe (2), j ’analyserai ces
textes dans l ’ordre suivant, où je groupe d’abord les philosophes
et théurges, puis les gnostiques :
A . Numénius.
B . Porphyre qui, dans le de regressu animae, s’est inspiré de
Numénius (3).
C. Jamblique qui, dans le de mysteriis, répond à Porphyre.
D. Les novi viri d’Arnobe (II 11-66) qui empruntent à l’hermé­
tisme, à Numénius et Cronius, à Platon, c’est-à-dire, selon toute
probabilité, au néoplatonicien Porphyre (4), et, par Porphyre,
aux Oracles Chaldalques et à la littérature apocryphe de ia
gnose orientale.
E. Oracles Chaldalques.
F. Gnostiques de Plotin (II 9).
θρόνοι aussi de Zeus Oromasdès, cf. Inscr. Syr. 1. 3 8 ,4 2 , et, sur le « throne-cult »
de Zeus, A. B . Cook, Zeus, I, pp. 134 s., II, pp. 983 s. V . Addenda.
(1) Cf. F . Cumont, Symb. fun. d. Ram., pp. 104 ss.
(2) M im . Lagrange, 1940, pp. 128-129.
(3) Cf. F . Cumont, RF. G, X X X I Ï ' 1 9 1 ° pp. 113 ss,
(4) Cf. W . K roi.- . Λ M ., L X X i (1916), ->i. 309 ss., B aebrens, Hermes,
L II (1917), pp. 39 ...
2. GNOSES A P P A R E N T É E S A L'H E R M É T IS M E

A. Nu m én iu s .

Dans le recueil des fragments de Numénius (1), il n’est guère


que les extraits du περί τάγαθοϋ, presque tous empruntés à Eusèbe
( P raep. Ev.), qui indiquent leur lieu d’origine. Pour ce qui concerne
l’âme (pp. 97-112 L .), nous n ’avons que des testimonia et l’on ne
peut ni dire s’ils se rapportent à un seul ouvrage ou à plusieurs,
ni déterminer cet ouvrage. On connaît de Numénius un π. αφθαρ­
σίας ψυχής qui comportait au moins deux livres (fr. 31 L .). Lee-
mans (pp. 48, 55) conjecture l’existence d’un Commentaire sur le
m ythe d’E r. Il est certain que Numénius a commenté ce mythe (2),

(1) E d . Leem ans, Bruxelles, 1937 (cf. la recension de R . Beutler, Gnomon,


1940, pp. 111 ss.). Sur Numénius, cf. Z e l le r , III 24, pp. 234 ss. (encore excel­
lent), P raechter , pp. 520 ss., 169* (littérature jusqu’en 1926), H. C. P uech, M él.
Bidez, II, pp. 745 ss. et surtout R . B eutler ap. P . W ., Suppl. V II 664-678.
J e m ’accorde entièrement avec cet auteur quand il dit (667. 28) « Der Kern
der Lehren des N. ist als m ittelplatonisch völlig einwandfrei zu bestimmen »,
c ’est-à-dire, comme il le fait lui-même, par comparaison avec d’autres témoins
du « Schulplatonismus » et sans invoquer des influences orientales avant
d’avoir bien spécifié les sources grecques (voir aussi Gnomon, l. c„ pp. 114 s.).
De même P . W . 671. 53, à propos du 1er νους άγνοοόμενος : « Der Zusammenhang
(avec Albinus Did. 10, p. 164. 16 ss.) zeigt, dass wir auch diese Lehre des N.
im m er noch aus Griechischem erklären können ». — Quant à la date (selon
l ’opinion com m une, 2e moitié du n e s. ap. J.-C .), Beutler (665. 2ss.), sans rien
présenter com m e certain, montre que divers indices conduiraient à la m ettre
dans la 1 « moitié du n e siècle. (1) Procl., in rem p ., II, p. 96. 11 nomme N.
en tête des com m entateurs du m ythe d’E r , avant Gaius, Albinus, Maximus
de Nicée, H arpocration, Eucléidès, Porphyre. (2) E n Procl., in T im ., I, p. 304.22,
305. 6 ss., Harpocration est dit élève d’A tticus, mais influencé par Numénius.
(3) N .a une doctrine de la m atière ίίίλη = κακόν) fortem ent combat* e par Plu­
tarq u e, an. pr. 1014ss. (4) N .com b atu n e doctrine pythagoricienne (8υάς dérivée
de μονας) dont on a des témoignages au 1« s. ap. J.-C . (en réalité, la doctrine
est bien antérieure, cf. t. IV, ch. n et m ). (5) Il semble que Or. Ch. aient été
influencés par Numénius (certain à mon sens : cf. infra, pp. 53 ss. , ainsi que
plusieurs systèm es gnostiques.
(2) Nombreuses allusions, de Porphyre à Proclus : P orph ., de antro n.,
pp. 63. 11, 71. 1, 79. 20 N*, P rocl ., in rem p . II, p. 96.11. D octrine: P orph .,
de antro n., pp. 70. 25-71.5, 71. 16-72. 3, 75. 11-76 1 ;M acr., in somn. S c. I 12,
1-3; P rocl ., in rem p., II, p. 128. 26 ss. Contre Leemans qui (pp. 49 ss.)
voulait faire dériver de Numénius tout le m orceau Macr. I 10,8-12,17, Beutler
,
a m ontré ( Gnomon 1940, pp. 113 s., P . W ., I. c., 676 s.) que c ’est impossible :
Macrobe, en 1 12, 5-6, fait allusion à une doctrine de l’âme figure géométrique·
or on sait par P rocl., in T im ., II, p. 153. 17 (cf. infra, App. I, p. 180, n .l ) , que
Numénius concevait l’âme comme un nombre. Il faut donc retirer aussi à
42
L ’ORIGINE CÉLESTE DE L’AME 43

mais rien ne prouve que ç’ait été dans un écrit spécial. Quoi qu’il
en soit de l’ouvrage, la documentation est assez abondante pour
que se dessine, dans ses grandes lignes, la doctrine anthropolo­
gique de Numénius (1).
Qu’on le dise pythagoricien ou platonicien, ce qui revient au
même en ce temps où l ’on fait de Platon un pur disciple de Pytha-
gore, Numénius est franchement dualiste. Dieu est bon, la matière
est mauvaise et cause du mal (Deurn quippe esse... initium et causant
bonorum, silvarn malorum, test. 30, p. 93. 1 ss. L.) (2). Le Dieu
suprême, το άγαθόν, ne peut donc avoir été en contact avec la matière.
D ’où la nécessité d’un second Dieu démiurge, qui participe au
premier et se tourne vers le monde qu’il a fonction d’organiser (3).
Ce second Dieu est le νους démiurge qui pense le monde. A en
croire Proclus (test. 25 L .), le monde en ta n t que pensé par l’Intel­
lect démiurgique constitue à son to.ur un troisième Intellect ou
troisième Dieu, le νους διανοούμενος (4). Quant aux relations du
Prem ier Dieu et du Second avec l ’âme, elles so n t'le s suivantes

Numénius la doctrine de 1’δχημα, Macr. I 11, 12 et 12, 13, puisqu’elle suppose


une conception spatiale de l ’âme, et aussi la descente à travers les sphères,
qui est liée, chez Macrobe, à la doctrine de 1’δχημα (I 12, 13 ss.). En lait,
Macrobe a surtout utilisé Porphyre chez qui l’eschatologie de Numénius est
mêlée à d’autres doctrines.
(1 ) C ’e s t s o u s l a r u b r i q u e d u π. ά φ θ α ρ σ ία ς ψ υ χ ή ς q u e B e u t l e r , d a n s P . W .,
r a n g e le s d o c tr in e s d e l ’ â m e .
(2) Pour la ΰλη = κακόν, cf. B eutler, P . W ., I. c., 673. 6 ss., qui cite Plat.,
Pol. 273 b ss., Phil. 23 c ss., π. τάγαθοϋ ap. Simpl. in phys., p. 151.6 SS. D.,
X enocr. fr. 26 H., A rist., mét. 988 a 14 ss. (Ώυχ., p. 288 ss.). L a doctrine des deux
principes opposés (Dieu-matière) se rencontre chez Numénius, Plutarque,
A tticus, Celse : ajouter Ps. Apul., Ascl. 14, p. 313. 4 fuit deus et ΰλη.
(3) Quelque im portante qu’elle soit, je n ’ai pas à m ’étendre ici sur la
notion du second Dieu, car elle ne nous intéresse pas directem ent. Dans les
systèm es de gnose païenne, ce n’est pas du Second Dieu, mais du Premier,
que l’âme est issue. Le rôle du Second est d’être démiurge et père du monde.
Voir au surplus B ousset, Gôtt. Gel. A m ., 1914, pp. 711-716, qui rapproche
Numénius de la gnose. B eutler , P . W ., I. c., 670 s., le rapproche plutôt d’Albi-
nus où la doctrine du Second Dieu paraît Didask. 10 (p. 164. 16 ss.), 28 (p. 181.
35 ss.). Beutler cite de même Did. 14, p. 170. 17 (¿δημιούργησε δέ ό θεός), p. 171.
I (ό θεός δημιουργήσας ), mais Albinus ne fait ici que résumer le Tim ée sans indi­
quer avec précision si ce Démiurge est un Second Dieu. J ’étudierai la notion
au Second Dieu, à propos de Numénius, dans le t. IV, ch. vi et App. II.
(4) Selon Beutler (P. W . 672. 20), la notion du monde 3e dieu serait
inconsistante avec les autres témoignages sur les Principes, notam m ent le
fr. 25 (p. 141. 2 L.) où le monde vient seulement au 4e rang après le
Prem ier Dieu, le Second Dieu, et l’Essence (du Prem ier Dieu et du Second).
II est vrai que la notion du monde troisième Dieu n’apparaît pas dans les
fragm ents mêmes du π. τάγαθοϋ, mais dans deux tertim onia de Proclus (test. 24/5
L .). Cependant, comme nous le verrons au t. IV, ces témoignages ne sont
peut-être pas inconciliables avec les fragm ents, le 3e dieu apparaissant moins
comme le monde sensible que comme le plan de ce monde dans l’Intellect
démiurgique (2e dieu), plan qui est appelé lui-même un « Intellect pensé » (νους
διανοούμενος), cf. t. IV , ch. v i (paragraphe relatif à Numénius).
44 LA RÉVÉLATION D’HERMÈS TRISMÉGISTE

(fr. 22) (1):« Écoute ce qu’enseigne, en sa théologie, Numénius sur


la Deuxième Cause. Il y a même rapport entre le Premier Dieu et
le Démiurge qu’entre le possesseur d’un verger et l ’homme qui
plante les arbres. De fait, Celui qui est (2) sème la semence de
toute âme dans tous les êtres qui participent à Lui; quant au
Nomothète (3), il plante, distribue et transplante en chacun de
nous les semences qui ont été semées d’abord par le Premier Dieu ».
Toute âme sort donc du Premier Dieu, et c’est au Second qu’il
appartient de distribuer les âmes dans les corps humains (car
seuls les hommes ont participation à Dieu), de les y planter (4)
à la première naissance, de les y transplanter quand l’âme, non
encore purifiée, doit passer dans un nouveau corps (5).
L ’origine divine de l’âme est donc, pour Numénius, un dogme
bien assuré. Encore faut-il distinguer. Comme Numénius, avec

(1) Tiré du π. τάγαθου. Les fragments de cet ouvrage ont été aussi édités
par Scott, Hermetica, I I , pp. 77-87 avec des notes utiles. Sur les relations du
l» r et du 2« Dieu, voir aussi fr. 27 L.
(2) 4 μέν γε ών σπέρμα πάσης ψυχής σπείρει εις τά μεταλαγχάνοντα αύτοϋ χρήματα
ξύμπαντα. Pour 4 ών, trait biblique, cf. E x . 3 ,1 4 ; Apoe. 1, 4-8; 4, 8. Fréquent
chez Philon, cf. l’Index de Leisegang, I, p. 226. Pour μέν γε, Denniston, Gr.
Part., pp. 159 s. En tout cas, comme le note Scott (II, p. 79, n. 3), on ne peut
dire que Dieu soit la semence de l’âme, et, moins encore, que cette semence
sème. Cf. au surplus C. H. X III 2 (200. 15 ss.) où sont distingués la μήτρα
I= σοφία νοερά έν σιγή), la σπορά ( = τ4 άλήθινονάγαθόν), le Semeur (τίνος σπείραντος
201. 1) qui est le θέλημα του θεού, le γεννώμενος ( = θεού θεός παΐς). En outre,
si σπέρμα était attrib u t de ών, il devrait précéder le participe, non le suivre,
conformément à la règle ordinaire et à l'usage même de Numénius, cf. άγνω στον
δέ γ ε ο ύ σ α ν αυτήν άναγχαϊον είναι άτακτον 132. 20, 4 θεός 4 μέν πρώτος έν
έα υ τφ ών έστιν απλούς 137. 28, 4 γάρ δεύτερος δ ιτ τ ό ς ών αύτοποιεϊ 140. 25,
δημιουργός ών 141.1.
(3) Leemans (ad. 139. 8) et Scott (II, p. 79, n. 4) s’étonnent de cette
désignation pour le Démiurge. Vu 4 ών, c ’est ici encore un trait biblique,
cf. Ja c. 4, 12, Phil., sacr. 131 (I, p. 255.1 C·). Béutler ( Gnomon, 1940, p. 112)
cp. Cralcid., in T im ., p. 233. 8 : postquem (le 1er Dieu) providenliam eiussccun-
d u m d e u m .la t o r e m le g is utriusquevitae tamaeternaequamtemporariat(d .T H.H-
L*R, Vorber. d. N euplat., 1930, p. 49). Voir aussi P . W ., I. c„ 670. 42. L ’idéed’un
dieu (ou de dieux) législateur n’est d’ailleurs pas inconnue en Grèce, cf. P lat.
Rép. IV 427 b 1 τί οδν ... ϊτι Sv ήμΐν λοιπόν τής νομοθεσίας εϊη; καί έγώ είπον ότι
Ή μϊν μέν ούδέν, τω μέντοι Άπόλλωνι τω έν Δελφοίς τά τ* μέγιστα καί κάλλιστα καί
πρωτάτων νομοθετημάτων,Lois II 662 c 6 φέρε γάρ..., εΐτούς νομοθετήσανταςύμίν
αυτούς τούτους έροίμεθα θεούς, 4ρ’ 4 δικαιότατός έστι βίος ήδιστος κτλ. Sur le philo­
sophe νομοθέτης, qui est l’image de Dieu, cf. en dernier lieu R . Walzer, Galen on
Jetvs and Christians (Oxford, 1949), p. 47, n. 4. Dieu = Loi chez Max. Tyr.
X V I I 12, p. 70. 16 Dfibner (éd. Didot) έννόει... βασιλέα δέ αύτόν δή τόν μέγαν
άτρεμοϋντα, ώ σ π ερ νόμον, παρέχοντα τοΐς πειθομένοις σωτηρίαν ύπάρχουσαν έν
αύτώ.
(4) φυτεύω est fréquent chez Philon pour désigner l’implantation, par Dieu,
des vertus dans Tâme (cf. C. H. I X 3). Voir aussi, pour le Dieu Semeur, C. H.
X I I I 2, X I V 1 0 ; l ’image est différente en I Cor. 3, 6-8 (l'Apôtre plante, un
autre arrose, Dieu fait croître).
(5) Numénius adm et la métensomatose même en un corps de bête, avec
Plotin (III 4, 2), m ais à la différence de Porphyre et de Jamblique (en raison
de l’opposition λογικόν — άλογον), cf. Beutler, P . W ., i. c., 676.
L’ORIGINE CÉLESTE DE L ’AME 45

Plutarque, admet deux Ames du Monde, l’une bonne, l’autre


mauvaise (test. 30, p. 94. 6 ss), ainsi reconnalt-il deux âmes dans
l ’homme, l’une raisonnable, l ’autre dépourvue de raison (test. 36),
qui ne cessent de se combattre (test. 35, p. 9 8 .1 4 s) (1). Seule est
divine, évidemment, l’âme raisonnable. É tan t sortie du Premier
Dieu, cette âme raisonnable peut entrer en contact avec Lui,
mais seulement par la contemplation : « Les êtres participant
au Premier Dieu (ou auBien) n’y participent d’aucune autre manière
que par l’acte de penser (έν μόνω τφ φρονβΐν) (2). C’est par ce
moyen donc qu’on peut bénéficier de la rencontre avec le Bien :
autrement, c’est impossible » (fr. 28, p. 142. 8 ss). Aussi bien cette
Science ou Connaissance de Dieu (3) est-elle immédiatement
communiquée par Lui à l’âme (fr. 23 L.) : « Toutes les choses qui,
lorsqu’elles ont été données, ont quitté le donateur pour passer aux
mains de celui qui reçoit — tels que sont esclaves, biens meubles,
vaisselle d’argent, monnaie (4) — , toutes ces choses donc sont
mortelles et humaines : les choses divines sont telles que, au cours
de leur transmission, quand elles ont passé du donateur au rece­
veur, elles n’ont pas quitté le donateur, mais, une fois passées chez
le receveur, ont profité à celui-ci sans nuire au premier — et même
ont profité en outre à ce premier en le faisant se ressouvenir de ce1

(1) Porphyre attribue nommément à Numénius la doctrine de deux âmes


en l’homme dans le π. των της ψυχής δυνάμεων αρ. S to b .,I , p. 350. 25 ss. et
c’est sans doute à Numénius qu’il fait allusion de abst. I 40, p. 116.11 Ν*ούδέτών
δύο ψυχάς ήμας έχεινλεγόντων, δύο προσοχάς ήμϊν δεδωκότων (voir aussi Nemes.,de
n. hom., pp. 115 ss., 213 ss.M atth.). Cette doctrine des deux âmes se rencontre
chez plusieurs auteurs, mais Beutler (P. W ., 674 ss.) estime qu’il faut dis­
tinguer avec soin les systèmes. (A) J ambli que , myst. V III 6 (p. 269. 11 P.) :
une âme άπό τοΰπρ ώτου νοητού, une âme έκ τής των ουρανίων περιφοράς. De même
Tim. Locr. 99 d s. La doctrine des deux οχήματα chez Procl. in Tim ., III,
p. 236. 31 (cf. Inst. Theol., éd. Dodds, p. 320, n. 4) vient sans doute de là.
Cp. aussi Plot. II 9 ,5 .1 7 s. : la deuxième âme composée des quatre éléments. —
(B) Ghalcidius , in Tim , p. 122. 23 ss. vitam veto eidem (sc. homini) ex convexis
aecersisse caelestibus postque intimis eius inspircUionem proprio flatu intimasse
(SC. Deum), inspirationem kanc dei consilium animas rationemque significans.
Ceci serait la division classique ψυχή — νους, mais en liaison avec la doctrine
précédente puisque la ψυχή f cita) vient des sphères célestes ( ex convexis caeles-
tibus). — (G) Doctrine propre de Numénius, en dépendance de l’opposition
Dieu-Matière, le ζωτικόν (άλογον) étant lié à la matière, le λογικύν lié à Dieu.
Même doctrine chez Plutarque et Atticus, avec cette différence que, chez
ceux-ci, les deux âmes finissent par se fondre en harmonie; pour Numénius au
contraire il y a toujours combat.
(2) Sur le rôle éminent de la contemplation chez Numénius, voir aussi
le fr. 11, p. 131 L . avec l’expression caractéristique όμιλήσαι τ<ρ άγαθω μόνω μύνον.
(3) Numénius a έπιστήμη fr. 23, p. 139. 18 L. Mais il est clair que cette
Science, qui vient directement de Dieu et qui est la même en Dieu et en nous,
est une lumière divine accordée à l’âme par révélation; elle ressortit donc à
la gnose.
(4) En adoptant la correction d’Usener et Scott [νόμισμα] < άργύριον > κοί-
λον, έπίσημον (νόμισμα glose marginale pour expliquer άργύριον έπίσημον).
46 LA RÉVÉLATION D’HERMÈS TRISMÉGISTE

qu’il savait. Ce bel objet, c’est la noble Science, que l’un a reçue
avec profit, que l’autre a donnée sans la perdre. Ainsi peut-on voir
une lampe acquérir la lumière quand elle a été allumée à une autre
lampe : elle n’a pas enlevé sa lumière à l’autre lampe, mais la
mèche qui était en elle a pris flamme au feu de l ’autre lampe. C’est
un objet de cette sorte (1) qu’est la Science qui, donnée et reçue,
reste la même et chez le donateur où elle demeure, et chez le rece­
veur où elle s’établit. La cause de ce phénomène, Étranger, n’est
aucunement chose humaine, mais c ’est que l ’essence en possession
durable de la Science (2) est identique en Dieu qui l’a donnée et
en toi et moi qui l’avons reçue. C’est pourquoi Platon a dit que la
Sagesse est venue aux hommes par le fait de Prométhée en même
temps que le feu le plus éclairant (3) ».
Ces enseignements éclairent pour nous un passage assez obscur
de Jamblique (4) : « Il y a des gens qui tiennent la substance de
l’Ame en sa totalité (5) pour homœomère (6), identique et une, en
sorte que, dans n’importe laquelle de ses parties, il y a tout l ’ensem­
ble, qui de plus installent jusque dans l ’âme particulière le monde
intelligible, les dieux, les démons, le Bien et tous les genres supé­
rieurs (7), et déclarent que toutes choses se trouvent également
dans toutes les âmes, sauf qu’elles y sont d’une manière appropriée
à l’être de chacune d’entre elles ». Numénius est sans conteste
de ceux qui relèvent de cette opinion. S ’il y a en quelque sorte
identité entre le Νους qui demeure en Dieu et le νους qu’il commu­
nique à l’Ame du Monde et à nos âmes, le Bien lui-même, qui est
identique au Premier Dieu, les Intelligibles, qui sont les Idées de
Dieu, les êtres supérieurs, qui procèdent immédiatement de l’Intel­
lect divin et y sont donc contenus en puissance, doivent se trouver
aussi, par participation, dans notre intellect. Cette présence du
monde divin en l’âme se réalise surtout, évidemment, dans l’état

i
l) τοιοϋτίν τι S co tt : τοιοϋτον τό Euseb.
2) έξις τε καί ουσία ή έχουσα τήν έπιατήμην. C’est le νους, comme le note Scott.

3) Cf. P i at . Phil. 16 c 4 s. Scott explique bien (II, p. 80, n. 10) : de même


que les dieux n’ont rien perdu quand le « feu » (la Sagesse) a été transmis aux
nommes par Prométhée, de même Dieu ne perd rien quand il nous communique
la Science. — Porphyre a la même image des lampes, ir. του πώς έμψ. τα έμβρυα
X V II 4-5, et observe que l'âme connaissante ne rient en nous ni comme une
parcelle détachée des parents, οΰτ’ οδν μετ’ έλαττώσεως των παρεχόντων το μέρος
οϋτ’ άνευ έλαττώσεως ώσπερ αί δυνάμεις, X V II 2, ρ . 58. 27 Kalbfleisch. Voir
aussi supra, p. 35, n. 2.
(4) π. ψυχής, ap. Stob., I, p. 365. 9 ss. Wachsmuth = test. 33 L.
(5) Sc. Ame du Monde + âmes particulières.
<6) Sc. composée de parties semblables, l’une à l’autre et chacune au Tout.
(7) Les πρεσβύτερα (θειδτερα, χρείττονα) γένη désignent, chez Jamblique, les
êtres du ciel, en particulier la suite dieux, anges, démons, héros.
L'ORIGINE CÉLESTE DE L’AME 47

préempirique ou quand, après la mort, l’âme pure retourne au


ciel. C’est ce qu’indique un autre texte de Jamblique, tiré de la
dernière section, eschatologique, du π.· ψυχής (1) : « Numénius
parait soutenir l ’idée d’une union et d’une identité sans distinction
entre l’âme (remontée au ciel) et ses principes ».

B. P orphyre .

Comme Numénius, comme aussi les Oracles Chaldalques dont


probablement il s’inspire (2), Porphyre (3) admet une triade
divine, le Dieu Père, le Dieu Fils qui est l’Intellect du Père, et un
troisième Dieu dont saint Augustin nous dit qu’il est intermédiaire
entre ces deux (horum médius, fr. 8 B .) sans se représenter exacte­
ment quel rôle il joue (4). Or, dans l’homme, l'anima intellectualis
(donc le νους) est « consubstantielle (5) à cet Intellect du Père,
que vous proclamez le Fils de Dieu », consubstanlialis paiernae iüi
menti, quern Dci fllium confitemini (fr. 10 B.). On retrouve ici une
doctrine très proche de celle de Numénius. Le Père est seulement
Père, l’Être même, comme dit Numénius (fr. 22), ou le Bien. Le Fils
est l’Intellect et, comme tel, déjà double selon Numénius (διττός,
fr. 25 L.). Or nous avons vu que, chez Numénius, l’intellect humain
est une semence du Père et qu’il y a en quelque sorte identité entre
le Νους qui demeure dans le Père et le νους que le Père commu­
nique à l’homme. C’est cette doctrine qu’exprime ici le mot « con­
substantiel ». Si l’âme intellectuelle de l’homme est consubstan­
tielle à l’Intellect du Père, elle est donc consubstantielle au Fils
de Dieu. Autrement dit, notre intellect est fils de Dieu, issu immé­
diatement de Dieu. De là vient que, pour Porphyre comme pour
Numénius, l’âme intellectuelle, si elle s’est tenue pure ici-bas,
retourne à la mort auprès du Père (6).Il)

I
l) A p . Stobée, I, p. 458. 3 W . = test. 34 L.
2) Sur ces Oracles, voir infra, pp. 52 ss.

3) De régressa animes, éd. Bidez, Vie de Porphyre, pp. 27* ss.


4) Peut-être, comme dans les Or. Ch., a-t-il pour (onction de réunir et
distinguer tout à la fois le Dieu Père et le Dieu Fils, cf. mon article dans Symb.
Osl., 26 (1948), pp. 75-77.
(5) ¿poownoc déjà C. H . I 10, p. 10. 3 : le Logos est ¿tioofaio« au 2* Noûs
démiurge.
(6) Le redire (recurrere, reverti) ad Patrem est un « leitmotiv » du de
régressa, cf. fr. 4 (p .32 *.2 4 ), 11,1 (pp.39*. 6 ,4 0 * . 14 s .) ,l t ,4 (p .4 1 * .2 4 ) ,apud
Patrem teneri 11,5 (p. 41*. 3 1 ),cum Pâtre constituta 11,1 (p .3 9 * .1 2 ), ad Deum
per virtutem intellegentiae pervenire 10 (p. 37*. 12), reversio ad D eum 2 (p. 27*.
48 LA RÉVÉLATION D’HERMÈS TRISMÉGISTE

C. J amblique .

C’est avec raison que, dans son édition des textes hermétiques (1),
Scott a inséré d’assez longs morceaux du de mysteriis de Jam bli­
que (2), non seulement parce qu’ Hermès y est souvent nommé —
ce qui, à soi seul, n’aurait pas grande signification, Hermès-Thoth
étant le révélateur de toute science sacrée en Égypte, — mais
parce qu’il y a des analogies manifestes entre certaines doctrines
hermétiques et les enseignements de Jamblique.
Le de mysteriis veut être une apologie de la théurgie, c’est-à-
dire du système religieux qui nous fait entrer en contact avec les
dieux, non pas seulement par la pure élévation de notre intellect
vers le Noûs divin, mais au moyen de rites concrets et d’objets
matériels. En fonction de ce dessein, l’auteur est nécessairement
amené à parler de l’âme : d’où vient, en effet, que notre âme ne
trouve pas en elle-même assez de forces pour s’unir directement
à Dieu?
La réponse est que, ici-bas, nous sommes pourvus de deux âmes
(cf. déjà Numénius) : « Selon ce que disent les écrits d’Hermès,
l’homme a deux âmes. L ’une, issue du Premier Intelligible, parti-1

(1) Hermetica, IV, pp. 28 ss.


(2) L ’attribution du de myst. à Jamblique se fonde sur une notice anonyme
présente en certains MSS., selon laquelle (a) Proclus donne Jamblique comme
auteur, (b) le style et les pensées confirment l’indication de Proclus. (Texte de
la notice dans Scott, Hermetica, IV, p. 41, η. 1. (larder, à mon sens, τό τής λέξεως
κομματικήν καί αφοριστικόν, malgré J . Bidez, M il. Desrousseaux [Paris, 1937],
p. 15, qui, d’après la leçon συμμαντιχόν du VaUieeüianus F 20 [ = V ] corrige en
μαντικόν et rapporte l’indication non au style de Jamblique, mais à celui du pro­
phète supposé Abammon. Cependant, s'il s’agit de garantir l’authenticité
îamblichéenne du de myst., c’est évidemment au style ordinaire de Jamblique
lui-même que l’auteur anonyme fait allusion. Au surplus τό κομματικόν = non
pas « style fait de phrases courtes », mais « de sentences (τό άφοριστικόν) courtes
dans une même phrase » convient fort bien au περί ψυχής par exemple et tout
ensemble au de mysteriis. De même, quant au fond, τό πραγματικόν καί γλαφυρόν
= « l’application au fait et la précision » caractérise bien la manière presque sco­
lastique de ces deux ouvrages, τό ίνθουν, que l’auteur ajoute, est une note quasi
obligée pour Jamblique, cf. ϊνθους ό ’Ιάμβλιχος, φιλομαθής ό Φοϊνιξ [Porphyre],
David, in Porph. Isag., 92. 3 Busse, 4 ϊνθους ’Ιάμβλιχος, Marinos, v. Procli
26 et Bidez, l. I., p. 13, n. 3). L ’attribution à Jamblique, rejetée par Zeller
(III 2‘ , p. 774), Scott (IV, pp. 41 ss.) et Mau (P. W ., I X 648), est acceptée
par W . Kroll (P. W ., I X 650), Praechter (ap. Ueberweg, p. 613), Schmid (ap.
Schmid-St&hlin, I I , p. 1053, n. 6, 8), Geffcken jcf. Schmid, l. c., n. 8), Bidez
[M il. Desrousseaux, j>p. 11 ss.). Elle a été particulièrement défendue par un
élève de Kroll, C. R asche, de Jamblicho libri qui inscribitur De mysteriis
auctore, Diss. Munster, 1911 (je n’ai pu consulter ce travail). Elle est confirmée,
comme l’observe Bidez (1. ¡., p. 12), par le rapprochement de P bocl . in Tim .,
I, p. 386. 10 D. et de de myst. V III 3, p. 265.5 Parthey : Proclus, citant une
phrase du de myst.,la rapporte expressément à Jamblique. (Je reviens sur ces
textes au t. IV. ch. n i, paragraphes 1 et 2. Scott, IV, pp. 65 s., fait de vains
efforts pour nier la valeur de cette attestation de Proclus.)
L’ORIGINE CÉLESTE DE L’AME 49

cipant aussi à la puissance du Démiurge, l’autre introduite en nous


à partir de la révolution des corps célestes : c’est en celle-ci que
vient se glisser l’âme théoptique ». Dès lors, poursuit l’auteur,
l’âme issue de l’intelligible, étant présente en nous sous le mode
propre à l’intelligible (νοητώς παρούσα), est supérieure à la révo­
lution des astres, et « c’est par elle que, délivrés de PHeimarménè,
nous remontons vers les Dieux Intelligibles (1) ». Néanmoins,
comme cette âme est gênée par l’âme inférieure, il lui est utile,
pour la remontée, de recourir aux pratiques de la théurgie.
Pour prendre pleine intelligence de ce point de doctrine, il faut
le mettre en relation avec le système des Premiers Principes. En
tête vient le Tout Premier Dieu, qui est l’Un (είς). A partir de l’Un
émane spontanément (έαυτόν έξέλαμψε) le deuxième Dieu, qui
est μονάς έκ roü ενός. De ce deuxième Dieu dérive, comme Troi­
sième Principe, le Premier Intelligible (2). L’âme supérieure
apparaît donc au quatrième rang, après le Dieu ΕΙς, le Dieu
Μονάς et le πρώτον νοητόν. Nous retrouvons la même doctrine
en I 5 (p. 15.4 ss.). En tête « le Bien au delà de l’Essence »
(1er Dieu); puis le Bien selon l’Essence (2e Dieu); puis cette Essence
elle-même, qui constitue l’être propre (ιδίωμα) et la prérogative
(έζαίρετον ) de toute la série des dieux (intelligibles). Quant aux
âmes (p. 15.12 ss.), tant à celles qui gouvernent les corps (céles­
tes) (3) et président à leur administration qu’aux âmes humaines

(1) V III 6, p. 269. 1 ss. Parthey. α . X , 5, p. 290. 10 ss.


(2) άπ’ αύτοϋ (le 2· Dieu) γάρ ή ούσιότης καί ή ούσία...· αυτός γάρ... έστί των
νοητών άρχή, διό καί νοητάρχης V III, 2, ρ . 262.5. La doctrine est dite hermé-
t„iUe.
3) ψυχαΐς ταΐς άρχούοαις τών σωμάτων καί προηγουμέναις αυτών τής έπιμελεΐας
καί πρό τής γενέσεως τεταγμίναις αίδίοις κτλ. Parmi les âmes qui sont au ciel, l’au­
teur semble distinguer deux catégories : (1) les âmes qui gouvernent le ciel et les
astres; (2) les âmes humaines avant la génération. Cf. Plot. IV, 8, 2.27 δ ιττή
γάρ Ε π ιμ έλεια παντός, τοϋ μέν καθόλου κελεύσει κοσμούσα άπράγμονι έπιστασίφ
βασιλική, τοϋ δέ καθέκαστα ήδη αϋτουργω τινι ποιήσει συναφή τή πρός τδ πραττά-
μενον : au 1·Γ cas appartiennent l’âme divine qui gouverne le ciel entier (1.31 ss.)
et les âmes des astres (1. 39 ss.), au 2e cas les âmes humaines entièrement
plongées dans les corps (IV, 8, 3. 1 ss. περί δέ τής άνθρωπείας ψυχής ή έν σώματι
πάντη λέγεται χακοπαθεϊν κτλ.). D’après ce principe de Plotin, il apparaît que,
les âmes humaines ne gouvernant leurs corps que par le moyen d’un contact,
on ne peut entendre le texte de Jamblique comme concernant seulement
les âmes humaines qui, d’en haut, avant la génération, gouverneraient des
corps humains. D’où ma traduction (de même P a rth e y ; sine... sive). Cepen­
dant comme et Jamblique et Plotin se souviennent probablement de Phèdre
246 b 7 (ψυχή πάσα παντός έπιμελεϊται τοϋ άψύχου...'τελέα μέν οδν οδσα... μετεω-
ροπορεΐτεκαί γιάντα τόν κόσμον διοικεί) et de la suite 246 d 4 ss., 248 a 1 ss. où
il est parlé du cortège des dieux, puis des âmes qui suivent les dieux ordon­
nateurs du monde, il est possible que la phrase de Jamblique désigne la seule
classe des âmes humaines qui, au ciel, avant la génération, gouvernent les
corps célestes et le monde en tant qu’auxiliaires des âmes divines.
LA RÉVêlATlON d ’ h EBVÉS TKISHÉGISTK. ---- III. 5
50 LA RÉVÉLATION D’HERMÈS TRISMÉGISTE

qui, avant la génération, sont établies éternelles dans leur être


propre, elles n’ont plus en elles l ’essence même du Bien (2e Dieu)
ni, à plus forte raison, la Cause du Bien qui est antérieure même I
à cette essence (1er Dieu) : néanmoins elles retiennent et gardent «
en possession quelque portion du Bien. En sorte que leur partici­
pation au Beau et à la Vertu est très supérieure, en elles, à ce que
nous constatons chez les hommes : « dans les êtres composés en effet,
cette participation est incertaine et comme adventice; dans les
âmes, elle est enracinée, immuable et indéfectible, et elle ne peut
ni se renoncer elle-même ni être enlevée par autrui ». Toutefois,
même chez l’homme, l’âme supérieure, en raison de son origine,
peut rester en contact avec le monde d’en haut : si en effet, par
l’âme inférieure, l’homme est soumis à l’Heimarménè ( V I I I 7, p. 270.
1 ss.), par cet autre principe de l’âme qui l’emporte sur toute nature
e t génération, « nous pouvons nous unir aux dieux, nous tenir
f
au-dessus de l’ordre cosmique et participer à la vie éternelle et aux
activités des dieux supracélestes » (p. 270. 8 ss.; cf. C. H. X II ).

D. A rn obe .

Qu’Arnobe regarde les viri novi, dont ¡1 discute les opinions,


comme des disciples de Platon et de Numénius (et Cronius), il
le déclare lui-même : vos Platoni, vos Cronio, vos Numenio... cre-
ditis (1); et encore : vos, vos appello qui Mercurium, qui Platonem
Pythagoramque sectamini (p. 57. 27 R.). Que ces viri novi ne dési­
gnent pas une secte spéciale attachée à une gnose particulière,
mais un ensemble assez complexe professant une doctrine mixte,
dont les éléments ont été empruntés à des sources diverses (hermé­
tisme, Numénius, Porphyre et, par Porphyre sans doute, Oracles
Ckaldaïques et livres pseudo-zoroastriens), j ’ai essayé, après d’au­ J.
tres, de le montrer (2). D’une manière générale, ces « novateurs »,
comme les hérétiques que combat Tertullien (de anima), croient
à l’origine céleste des âmes et, par suite, à la possibilité pour elles I
de remonter au ciel après la mort, en vertu d’une sorte de droit r
issue du Père, l’âme doit naturellement retourner chez le Père.
On notera que, comme Tertullien, Arnobe rapporte en dernière
analyse ces enseignements à Platon (3).1

(1) P . 55. 13 s. Reifferscheid (C S E L , IV, 1875).


(2) Mémor. Lagrange, pp. 127 ss.
(3) Platon est le premier nommé p. 55. 13 vos Platoni... creditis. En 57. 27,
il est le premier nommé après Hermès, qui, comme Dieu révélateur, passe I
nécessairement avant : qui Mercurium, qui Platonem... sectamini. (En ce dernier
L'ORIGINE CÉLESTE DE L’AME 51

Rappelons, avec Arnobe, la thèse des viri novi (p. 59. 23 ss. R.) :
* Les âmes sont immortelles, toutes proches, en rang de dignité,
du Seigneur cause des êtres, étant issues de ce Géniteur et Père,
divines, sages, savantes, non susceptibles d’être touchées par aucun
corps. Comme cette vérité est certaine et que, issus du Parfait,
nous avons été doués d’une perfection ineffaçable, nous vivons
sans péché, et, dès lors, sans reproche, bons, justes, droits, sans qu’on
puisse nous accuser d’aucun vice : nulle convoitise ne nous vainc (1),
nulle sensualité ne nous souille, nous conservons dans son intégrité
la teneur de toutes les vertus. E t puisque nos âmes, à tous, dérivent
d’une seule et même source, nous n’avons qu’un même sentiment,
qui est conforme en tous ; nous ne différons ni de mœurs, ni d’opi­
nions; tous, nous connaissons Dieu (2), et la multiplicité des
hommes dans le monde ne fait point multiples les jugements ni
ne les distingue les uns des autres selon une diversité infinie. Cepen­
dant, tandis que nous glissons, par une chute rapide, vers les corps
humains, il sort des cercles du monde (3) et s’attache à nous des
forces, qui font que nous devenons mauvais et absolument vicieux,
qu’en nous bouillonnent les convoitises et la colère, que nous passons
la vie dans la débauche et sommes condamnés à servir à la lubricité
publique, m ettant nos corps en vente et les prostituant » (4).
Après avoir rapporté la thèse, Arnobe la discute. De cette longue
discussion (5), on peut déduire, touchant la doctrine des viri
novi, les points suivants (6) :
1) L ’âme est fille du Premier Dieu, portion de sa substance
même (15, 16, 22, 28, 36, 37, 43, 51, 62; discretae 28, portio 22);
elle a jailli du cratère de la vie (25, source de la vie 15, 45).
2) Dans la hiérarchie des divinités premières (prima numina 19),
l’âme tient le quatrième rang, après le Premier Dieu et les deux
Intellects (19, 25).

passage, Arnobe ajoute Pythagore, parce que, au m e siècle, c’est un dogme


reçu que Platon a jjuisé sa philosophie chez Pythagore, cf. Numénius, fr. 1,
p. 115. 4. s. L. 6 ϊέ Πλάτων πυθαγορίβας, 1 1 5 .1 5 έάσομεναύτόνέφ’ ίαυτοΰ νΰνείναι
Πυθαγόρειον, et Zeller, III 2‘ , p. 235, η. 4). P ourla suite qui eslis unius mentis,
traduire plutôt « qui pensez à l'unisson (des précédents) », « who are of the
same view » (G. E . McCracken, Newman Press, 1949), que » qui ¿tes d’un
seul et même Intellect » (Mém. Lagrange, p. 99).
(1) Ou « enchaîne » (vincit).
(2) Cf. Mém. Lagrange. ·■>. 105, n. 2.
(3) ex mandants circul. ecuntur nos causae, quitus mali simus et pessimi
Cf. Jam bl., de myst., p. 4 ή 8è ένδιδομένη έκ τής τών ουρανίων περιφοράς.

S
Cf. Mém. Laeran 105, n. 3.
Analv·. ·' · M - Lagrange 10 6 ss .
(6) ο ; ;; -n. Lagranc p. 120, . reproduis ici. Les chiffres renvoient
aux ; ¿graphes à'ad· 1. II.
52 LA RÉVÉLATION D’HERMÊS TRISMÉGISTE

3) Née fille de Dieu, l’Ame est :


a) quant à sa nature même, divine, immortelle, incorporelle
(1 5 ,1 6 ,1 9 , 22, 25, 29-30);
b) naturellement omnisciente et toute sage = vertus intellec­
tuelles (15, 19, 25, en général 16-29);
c) douée d’une perfection indélébile qui lui fait pratiquer
toutes les vertus morales et la rend impeccable (15, 29-30, 43);
d) non sujette aux lois du Destin = supérieure au soleil et aux
astres (1 5 ,1 9 , 29, 62).
4) Jaillies de la même source, toutes les âmes possèdent en com­
mun le même esprit, n’ont qu’une même conduite, un même juge­
ment (15, 18-19, 37, 45).
Nous reviendrons plus loin sur le drame de la chute et de la
remontée. Marquons seulement ici le point essentiel, le point que
ni le chrétien Tertullien, ni le chrétien Arnobe ne peuvent accepter :
l’âme est naturellement immortelle, le bonheur posthume lui est
assuré comme un droit, parce que, directement issue de la substance
divine, « fille », au sens propre, de Dieu, elle jouit des prérogatives
de Dieu lui-même, elle est destinée, par essence à un bonheur sans
fin. Tertullien combat ce propos par deux raisons. D’une part,
l’âme, créée à un moment du temps, est inférieure à Dieu ; elle n’est
donc pas toute divine, elle est capable de pécher; et dès lors son
sort futur n’est pas assuré. D’autre part, l’âme est corporelle.
Négligeant ce dernier argument de la corporéité de l’âme, Arnobe
montre que l’âme n’est ni naturellement docte et sage (16-29)
ni naturellement impeccable (29-30), mais que, de qualité inter­
médiaire, elle n’est pas à l’abri de la mort : il lui faut, à la lettre,
être sauvée et elle a donc besoin d’un Sauveur, le Christ (31-36).

E . Oracles Chaldaiques.

La doctrine des viri novi mentionne, à plusieurs reprises, une


« source » ou un « cratère » de vie : toutes nos âmes découlent uno
ex fonte ( II 15); « s’il est vrai que l’homme soit une portion de la
Substance Première, s’il est venu ici-bas comme un ruisseau jailli
des Sources de la vie heureuse » ( laetae ex fontibus vitae II 22) (1) ;
« voilà donc cette âme que vous dites savante, immortelle, parfaite,
divine, qui, après Dieu cause des êtres et après les deux Intel- 1

(1) Laetae Vahlen : laeta cod.


L ’ORIGINE CÉLESTE DE L’AME 53

lects (1), tient le quatrième rang, et qui vient à vous jaillissant


des Cratères de la vie » (affluens ex crateribus vivis II 25, p; 6 8 .14 R.).
Cette mention, jointe dans le dernier texte, à la notion de l’âme
au quatrième rang après les trois Premiers Principes, fait songer
aux Oracles Chaldaîques qui, aussi bien, présentent plus d’une
analogie avec la philosophie contemporaine de Numénius : or Por­
phyre s’est inspiré de ces Oracles comme de Numénius, et Arnobe
a pu ou dû les connaître à travers Porphyre (2).
Il n’est pas étonnant que les Oracles Chaldaîques, depuis le fameux
mémoire de W. Kroll (3), n’aient guère été étudiés (4). Les
difficultés abondent, non seulement à cause de l’obscurité tradi­
tionnelle en ce genre littéraire, mais parce que nous ne savons
même pas en quel ordre logique ranger les fragments et que les auteurs
qui s’inspirent de la théologie « chaldaïque » (Porphyre, Synésius)
ou qui citent les textes mêmes (Proclus, Simplicius, Damascius,
Psellos) les contaminent si bien de doctrines néoplatoniciennes
qu’il est presque impossible de dégager le noyau primitif. Si l’au­
teur de cette farràgo est bien le « Chaldéen » et théurge Julien (5)
qui vécut sous Marc-Aurèle (6), il paraît sage à priori, pour les
doctrines philosophiques tout au moins, de mettre les Oracles en
parallèle avec la philosophie religieuse du temps, par exemple
celle de Numénius. Or, comme je l’ai indiqué, les rapprochements
avec Numénius sont nombreux et remarquables (7).1

(1) Lire post mentes geminas, ci. M im. Lagrange, p. 108, n. 3.


(2) Jamblique aussi avait écrit une XaXSaüd) teXe'.otîtt) OeoXoyia, cf. Zeller,
III 24, p. 739, n. 1 (fin de la page). Au surplus, Arnobe (I 52) nomme un
Julianus parmi les mages, peut-être l’un des deux « Chaldéens ».
(3) D e oraculis chaldalcis, Bresl. Phil. Abh., V II 1, 1894.
(4) Pour la « philosophie » des oracles, le seul travail important est celui
de W . T heiler, Die chaldaischen Orakel und die Hymnen des Synesios, Sehr,
d. Königsberger Gel. Ges., X V III 1, 1942 (voir aussi le c. r. de A. Kurfess,
Phil. Woch., 1944, 5 /8 , pp. 26-28). J ’ai tiré de Simplicius, de caelo, un nouveau
vers des Or. Ch. relatif au 3e Dieu, cf. Symb. Osl., X X V I, 1948, pp. 75-77.
E. R . Dodds, Theurgy and its Relationship to Neoplatonism, J . Rom. St.,
X X X V I I 1947, pp. 55 ss., étudie surtout l’aspect théurgique des Oracles, et
montre, justement à mon sens, que Plotin n'était pas théurge.
(5) Ou les deux Julien, père et fils, ou le fils seulement, cf. K roll, l. c.,
p. 71, P. W ., X 15-17 (Julianos 8 et 9), T heileh, l. c., pp. 1-3, Dodds, l. c„
pp. 55-57.
(6) oi in l Mdpxou yevépevoi Seoup-foi, P rocl'., in Crat., p. 72. 10 Pasq., in
remp., II, p. 123. 12 Kr.
(7) Déjà noté, d’un mot, par K roll, P . W ., III 2045. 36 ss. « Da neupla­
tonische Züge mit Sicherheit nicht nachzuweisen sind und der Syncretismus
des Numenios viel Aehnliches zeigt » : de ce fait, et de ce que les Oracles sont
sûrement utilisés par Plotin et Porphyre (douteux pour Plotin : Kroll cp.
èmoSoSap^ç E n n. VI 9, 4. 22 [ l'esprit, dans sa montée vers l’Un, est retenu par
un poids qui le tire en arrière, ômo8o6apr)<; imdpxtov] et Or. Ch., p. 60 [la masse
54 LA RÉVÉLATION D’HERMÈS TRISMÉGISTE

Triade divine, composée de part et d’autre de trois Intellects,


Or. Ch., pp. 12-22 = Num., test. 24-25 L. Il est notable que les
mêmes difficultés se posent dans les deux systèmes. En principe,
le Premier Dieu des Oracles n’est que Père, Dieu caché en lui-même,
et non pas un Intellect. Cependant, à plusieurs reprises, les Orad.es
le nomment un Intellect (v. gr., p. 14), en sorte qu’il y a parfois
amphibologie dans l’expression « l’Intellect du Père » qui peut
signifier tantôt le deuxième Dieu, Intellect par essence (v. gr.,
p. 18), tantôt le Premier (p. 23). Il en va de même chez Numénius.
En principe, le Premier est purement Γαΰτοαγαθόν qui ne pense
qu’avec le concours du Second Dieu Intellect (test. 25 L.).
Cependant, lui aussi, ce Premier Dieu est 'déclaré un Intellect tant
dans les fragments mêmes du π. τάγαθοϋ (fr. 25 L.) que dans les
testimonia de Proclus (t. 24 /5 L.). Entre Numénius et les Oracles,
la correspondance semble exacte touchant le Premier et le Second
Dieu. Le cas du troisième Intellect est moins clair. Chez Numénius,
ce troisième Intellect vient,sûrement au troisième rang et n’est
pas intermédiaire entre les deux premiers puisque, à en croire
Proclus, il est la pensée du deuxième Dieu, l’Intellect démiurgique,
et ne se distingue de celui-ci que comme la Pensée pensée de la
Pensée pensante (d’où son nom de νους διανοούμενος). Dans les
Oracles, il est malaisé de se rendre compte si le troisième Intellect,
dit Dieu ύπεζωκώς, et dont le rôle semble être de distinguer et
réunir à la fois les deux premiers (1), est postérieur au deuxième
Intellect ou médian entre celui-ci et le premier. Porphyre, qui s’est
inspiré des Oracles, présente la même difficulté en ce qui concerne
son troisième Dieu, et nous voyons que saint Augustin n’arrivait
pas à se faire une idée claire à ce sujet.
Le premier Dieu est purement Père, caché en lui-même, et, de
ce fait, inconnaissable, Or. Ch., p. 12 : « Le Père s’est ravi lui-même
(ήρπασσεν εαυτόν), n’ayant même pas inclus dans sa Puissance
Intellective le feu qui lui est propre.» (2), p. 11 : Dieu inconnais­
sable : on ne le connaît que par une conversion de l’œil de l’âme,
quand celui-ci s’est vidé de toute autre perception = Num., fr. 20
ό θεάς ό μέν πρώτος έν έαυτω ών, fr. 11 τάγαθον Sè ούδενός έκ

est δύσκαμπτος καί όπισθοβαρής καί φωτός άμοιρος], mais l’image est usuelle, cf.
C. H. V II 3, 82. 2 άγχων σ* κάτω πρός αυτόν, Χ 2 4 , 125. 14 ψυχήν... ύπ’ αύτοϋ
[le corps] άγχομένην κάτω), Kroll déduit la date de composition, « environ 200 ».
(1) Cf. Symb. Osl., I. e„ p. 77.
¡2) Cette Πατρός δύναμις est identique au Dieu Fils, cf. Theiler, l. c., p. 6,
qui cite P letho 33 πατρός δύναμιν καί δύναμιν αύτοϋ νοεράν καί νοϋν πατρικόν τόν
αότόν δεύτερον θεόν τα λόγια ταϋτα πανταχού καλεΐ.
L ’ORIGINE CÉLESTE DE L’AME 55

παρακειμένου ουδ’ -αδ άπο όμοιου αισθητού έστι λαβεΐν μηχανή τις
οΰδεμία- αλλά... δεϊ τινα άπελθόντα πόρρω άπο των αισθητών όμιλήσαι
τω άγαθω μένω μόνον κτλ., fr. 26 : le premier Dieu est παντάπασιν
άγνοούμενος παρ’ αύτοϊς (les hommes).
C’est donc à tort que les hommes prennent le deuxième Dieu,
qu’ils connaissent, pour le premier Dieu, qui leur demeure inconnu,
Or. Ch., p. 14 Kr. πάντα γάρ έξετέλεσσε πατήρ καί νφ παρέδωκε|
δευτέρφ, δν πρώτον κληΐζετε παν γένος άνδρών — Num., fr. 26, p. 141.
13 L. (1) ώ άνθρωποι, δν τοπάζετε υμείς νοϋν ούκ έστι πρώτος, άλλ’
έτερος πρό τούτου νους πρεσβύτερος καί θειότερος, fr. 25, ρ. 141.2 :
le deuxième Dieu crée le monde, έπειτα θεωρητικός δλως.
Le premier Dieu, purement transcendant, ne crée pas lui-même
le monde sensible, mais laisse ce soin au deuxième Noûs, Or. Ch.,
p. 13 : « Le Feu Premier de par-delà (έπέκεινα) ne fait pas
descendre (2) sa Puissance jusqu’à la matière par une action
directe (έργοις), mais par le moyen d’un Intellect (άλλά νόψ) : car
c’est un Intellect, issu de l ’Intellect, qu’est l’Artisan du monde
fait de feu », p. 14 : « Le Père a créé en perfection toutes choses
(sc. dans le monde intelligible) et II les a livrées (sc. comme modèle)
au deuxième Intellect (νφ παρέδωκε δευτέρω) », p. 18 : « L'Intel­
lect du Père (sc. le deuxième Dieu) dit : ‘Que toutes choses soient
divisées en trois’. Le Père lui accorda son consentement (3),
et voici que toutes choses étaient divisées » (4) = Num., fr. 21,
p. 138.17 τόν μέν πρώτον θεόν αργόν είναι έργων ξυμπάντων, fr. 22
(cf. supra, p. 44), test. 24 /5. Pour les Or. Ch. et Numénius, la raison
est la même : le Dieu Premier, étant transcendant, ne peut avoir
contact avec la matière qui, au surplus, est mauvaise.
En raison de sa double qualité de Noûs et de Démiurge, le
deuxième Dieu est double, Or. Ch., p. 14 Kr. : « Près de celui-ci
(le premier Dieu?) se tient la Dyade (le 2e Dieu) : oar elle possède
ces deux caractères, et de contenir par l’intellect les intelligibles,
et de donner sentiment ( = vie, αϊσθησιν) aux mondes » (5) = 1

(1) Déjà rapproché par Kroll, p. 14, n. 1.


(2) κατακλίνει P rocl. in Crat. 57. 15 P. : κατακλείει in Tim . II 57. 31 D.
(3) ού (sc. νόου πατρός) τό θέλειν κατένευσε ne donne aucune construction
possible, οδ τώ θ. κ., en prenant κατένευσε absolument, serait bon, mais est exclu

§
ar le mètre. Reste donc à corriger ω τό θ. κ., en prenant τό βέλειν comme objet
β κατένευσε = le 1er Dieu, par un signe de tête, accorda (κατένευσε) son consen­
tement (τό βέλειν).
(4) καίήδηπάντ’ έτέτμητο, p. 18. Même tour :. 46 ταυτα πατήρ ένόησε, βροτός
ίέ οι έψύχωτο.
(5) κάσμοις, sans doute les astres ' - εμψυχ. υάος πυρ αίθέρα κόσμους,
où Kroll note : « mundi hic quuque ponuntur pro siu us ».
56 LA RÉVÉLATION D’HERMÈS TRISMÉGISTE

Nui»., fr. 24, p.140.9 ό μέν ούν πρώτος περί τα νοητά, 6 δέ δεύτερος
περί τά νοητά καί αισθητά, fr. 25, ρ. 140.25 (1) ό γάρ δεύτερος δ ιττό ς
ών αύτοποιεϊ τήν τε' Ιδέαν έαυτοϋ καί τόν κόσμον, δημιουργός ών
Les I ntelligibles dérivent entièrement du premier Dieu, Or. Ch.,
p. 23 : « Comme un torrent qui gronde, l’Intellect du Père ( = ici
le Père lui-méme), en son conseil infatigable,' lançait les flots de
ses pensées qui revêtent toutes formes; et celles-ci jaillirent toutes
de la même Source unique (2). Car c’est du Père que venait et
le conseil et l’accomplissement de ce conseil. Cependant les
Idées, par le Feu intelligent, furent distribuées et partagées en
d’autres Idées intelligentes (3). Car le Roi a fait préexister au
monde aux mille formes un Modèle intellectuel impérissable; et
à mesure que notre monde, d’une démarche désordonnée, cherche
à suivre la trace du Modèle, il est apparu un Ordre empreint de
beauté, orné des Idées de toute espèce. Or la Source en est unique,
et celles-ci en jaillissent en vrombissant, ...pensées intelligentes
> issues de la Source paternelle... Ces Idées primordiales, c’est la
Source (πηγή) originelle, complète en elle-même, du Père qui les
a fait jaillir » = Num., fr. 23 (cité supra, pp. 45-46).
Les analogies entre les Oracles Chaldaîques et Numénius sont
moins frappantes pour ce qui concerne l’origine des âmes, peut-
être en raison de l ’état fragmentaire de notre documentation,1

(1) Ces deux fr. de Numénius ont déjà été rapprochés de Or. Ch. par
Kroll, p. 14, n. 2.
(2) πηγής δέ μιδς ίπο πασαι (Schneck αρ. Kroll, p. 76 : άποπτασαι Proel.) έξέθορον.
(3) Ce passage est bien obscur. Ce πϋρ νοερόν qui distribue les Idées issues
du Père, faut-il l’entendre comme le 2e Dieu, en raison de p. 14 καί νφ παρέδωκε
δευτέρω? Cela parait légitime. Mais ce Feu μερίζεται les Idées en quoi? είς άλλας
(Ιδέας) νοεράς. Faut-il alors prendre νοεράς en son sens normal, < intelligent, intel­
lectuel n ? Que sont alors ces Idées voepai? Un monde νοερός intermédiaire entre
le νοητός et Γαΐσθητός, comme dans l’école néoplatonicienne? Il n’en est pas
question dans les Oracles eux-mémes (sinon chez les commentateurs). Les
hommes, en traduisant « formes intelligentes » ? Mais les Idées sont distribuées
dans le monde αισθητός entier, et non pas seulement dans les hommes (le texte se
comprendrait dans ce sens s’il s’agissait des âmes, comme chez Numénius,
fr. 22). La solution la moins improblable semble être de prendre νοερός comme
un équivalent de νοητός, selon l’observation de Theiler, l. c., p. 8 : « dass der
Chalaàer νοερός (oder auch νοερός καί νοητός [cf. cependant ma remarque supra])
gleich dem neuplatonischen νοητός gebrauchte », et en tenant compte du fait
que νοητός serait exclu par le mètre dans tous les exemples de νοερός que présente
ce fragment (v. 4 ,5 ,6 ,1 3 : en 4 et 13, νοερός possible quant au sens. On a le cas
exactem ent inverse, p. 52, v. 1 νοητόν = νοερόν). L’origine de l’équivalence
νοερόν— νοητόν semble bien être la doctrine, commune au n · siècle, des νοητά
comme pensées de Dieu. On devrait donc, au vrai, traduire v. 5 « ... en d’autres
Idées intelligibles », v. 6 « ...un Modèle intelligible (νοερόν τόπον) ». En ce cas le
rôle du 2 ' Dieu serait de distribuer les Idées premières (άρχεγόνοβς Ιδέας v. 15 )
dans l’infinité des modèles idéaux des formes sensibles (le Père se bornant
à faire jaillir les άρχέγονοιίβέαι). Ainsi serait constitué, en toutesa diversité.le
Modèle intelligible du monde sensible παντοίαις ίδέαις κεχαρημένος (v. 8).
L ’ORIGINE CÉLESTE DE L ’AME 57

plus sûrement parce que les Oracles ont ici emprunté à des sources
multiples.
On a vu plus haut que, chez Numénius, c’est le Premier Dieu
qui sème la semence de toute âme, le Second Dieu ayant pour
rôle de planter, distribuer et transplanter ces âmes en chacun de
nous (1). D’autre part, dans l’homme comme dans le monde,
Numénius place deux âmes, toujours en lutte mutuelle, l’une bonne,
l’autre mauvaise, et il est légitime de penser que les deux âmes
dans l’homme dérivent des deux Ames du Monde. Nous retrouvons
l’Ame du Monde dans les Oracles Chaldaïques, sous le symbole
d’Hécate. Hécate est dite située entre les deux Pères, c’est-à-dire
les deux Premiers Intellects (μέσσον τών πατέρων Εκάτης κέντρον
πεφορήσθαι, ρ. 27 Kr.). Il est possible qu’Hécate forme comme
une syzygie aveo le Premier Dieu (Kroll, p. 28), ou même qu’elle
doive être identifiée, comme πνοία θεού (désignation du troisième
Dieu chez Synésius), avec le troisième Dieu qui συνέχει les deux pre­
miers (2). D’autre part, les Oracles Chaldaïques parlent d’une compo­
sition originelle de l’âme par le Premier Dieu, la métaphore ici
étant celle du cratère, p. 26 Kr. : « Quant à l’étincelle de l’Ame,
l’ayant formée par le mélange de deux éléments accordés (ψυχαΐον
σπινθήρα δυσι κράσας όμονοίαις), l’Intellect et le Souffle divin (3),
il (l’Intellect Premier) (4) y ajouta en troisième lieu le chaste
Amour, lien auguste qui unifie toutes choses et les surmonte
toutes, συνδετικόν πάντων έπιβήτορα σεμνόν έθηκεν ». On notera
que, par ce rôle unificateur, 1’Έρω ς joue un rôle analogue à celui
du troisième Dieu ΰπεζωκώς qui à la fois distingue et réunit (συνέχει
èv άλλήλοις) les deux Premiers Intellects (5). Si Hécate = Ame
du Monde doit être identifiée au troisième Dieu, elle vient au trci- 1

(1) F r. 22, supra, p. 44. Comme je l’ai indiqué (n. précédente), il y a


peut-être, en Or. Ch., un partage équivalent entre les deux Premiers Intellects
au sujet des Id ée s, cf. p .23 ICr.: le νους πατρός ( = 1βΡέΓε)έρροίζησε παμμόρφους
Ιδέας, puis ces Idées έμερίσθησαν νοερώ πυρί (le 2e Dieu?) μοιρηθεϊσαι εις άλλας
νοεράς. Pour le Semeur, cf. d’autre part l’oracle p .50 K r. σύμβολα γάρ πατρικός
νόος έσ π ειρ εν κατά κόσμον (Procl. : έσπειρε ταΐς ψυχαϊς Psellos).
(2) Cf. T heiler , l. c., ρρ. 12 s., qui cite P rocl., in T im ., II, p. 129. 27 μέσην
γάρ καί έν τοϊς θεοϊς έχει χώραν ή τής ψυχής αίτια θεός, ώς δοχεΐ τοϊς θεολόγοις,
συναγω γός ούσα τώ ν δύο π ατέρω ν, καί άπό τών έαυτής λαγόνων τήν τής
ψυχής προίεμένη ζωήν.
(3) νώ και πνεύματι θείω Kroll : νεύματι Lyd. mens. 3. 14, νώματι ( = νοήματι)
T heiler , Porphyrios u. Augustin (Schr. d. Kônigsb. Gel. Ges., X I , 1933), p. 52,
Cltald. Orak., p. 9 et n. 3.
(4) Cf. T heiler , Chald. Orak., p. 6, qui cite P letho 45 όπατρικός νουςότής
ψυχής δηλαδή ουσίας προσεχής δημιουργός.
(5) Cf. Symb. Osl., I. c., p. 77. On ne sait à quelle triade attribuer l’oracle
p. 15 Kr. : «De ces deux premiers dérive le lien (δέμα) delà Triade Première,
qui en vérité n’est pas première ».
58 LA RÉVÉLATION D’HERMÈS TRISMÉGISTE

sièrae rang dan3 la hiérarchie des principes (i). Si en revanche


elle résulte d’un mélange, composé par le Père, de l’Intellect (2e Dieu)
et du Souille (3e Dieu, identique à l’Amour), elle vient au quatrième
rang._C’est ce que semblerait indiquer l’oracle p. 28 Kr. : « C’est
après les Intellects Paternels (ailleurs dits « les Pères », p. 27 K r.)
que je prends place, moi l’Ame, qui de ma chaleur anime toutes
choses », à la condition du moins d’interpréter cet oracle à la lumière
d’Arnobe I I 25 (2) : post deum principem rerum et post mentes
geminas locum optinens quartum (3). Quoi qu’il en soit, c’est des
flancs de cette Hécate = Ame du Monde que s’écoule incessamment
le flot des âmes. Dans leur enseignement sur l’animation dont la
Source des âmes anime toutes choses, dit Proclus (4), les Oracles
prononcent : « De son flanc droit (sc . d’Hécate), là où se creusent
les cartilages sous le sternum, jaillit à gros bouillons le flot abondant
de l’Ame primordiale, qui donne universellement la vie à la lumière,
au feu, à l’éther, aux étoiles ».
Un point est sûrement acquis. Puisque les âmes humaines déri­
vent d’Hécate, et que celle-ci est soit le troisième Dieu conjoint
au Père ou issu du Père, soit un mélange originel d’ « animation'» (5)
immédiatement composé par le Père, les âmes, en dernière analyse,
sont issues du Dieu Suprême : « L ’âme, existant comme feu lumi­
neux par la puissance du Père, demeure, sans connaître la mort,
et elle est souveraine maltresse de la vie » (p. 47 Kr.). D’où la possi­
bilité et tout ensemble l’obligation, pour l’âme de retourner au 1

(1) C’est peut-être »n si que l’a entendu P orphyre , de regr. an., tr. 8,p . 36.*
15 B ., bien que, comme le note S. Augustin, la désignation de < médian » ne
convienne pas en ce cas : Dicit enim Deum Patrem et Deum Filium , quem
graece appeliat paternum inteUectum vel paternam mentem (νους πατρικές ) ; de
Spiritu autem sancto aut nihil aut non alerte aliquid dicit ; quamvis quem alium
dieat horum medium, non intellego. S i enim t e r t ia m , sieut Plotinus, ubi de tribus
principalibus substantiis disputât, a n im a e n a t u r a m etiam iste vellet intelligi,
non utique diceret horum medium, id est Patrie et F ü ii medium. P o s t p o n it
quippe Plotinus a n im a e n a tu ra m p a t e r no in t e l le c t u i (sc. au Fils); iste autem
cum dicit medium, non postponit, sed interponit. Voir aussi fr. 9, p. 37.* 7 B . :
praedicas Patrem et eius FUium, quem oocas paternum inteUectum seu mentem,
et horum medium quem putamus te dicere S p i n t u m sa n c t u m , et, sur ces textes,
T heiler , Chald. Orak., pp. 8-9. Cependant il est possible que cette interpré­
tation du 3» Dieu comme Spiritus sanctus (Augustin) ou πνοία (Synésius) et,
comme πνοία, identique à l’Hécate βυναγωγ6ς των 8όο πατέρων (Theiler, l. c.,
p. 12), soit, chez Augustin et Synésius, un souvenir de la Trinité chrétienne,
sans fondement réel dans les Oracles.
(2) Déjà rapproché par K roll, p. 28, n. 2.
(3) On a un schème pareil chez Chalcidius, p. 233. 8 ss. Wrobel (et.
Theiler, l. c., p. 7) : summus et ineffabilis detts — prooidentia eius deus secundus
— secunda mens intelleclusque — animae.
(4) P rocl., in remp., II, p. 2 0 1 .1 0 Kr. = Or. Ch., p. 28 Kr.
(5) ψύχωσις, P roci., I. c., II 201. 12 περί τής ψυχώσεως, ήν ή πηγή των
ψυχών τά πάντα ψυχοϊ : cf. ie mélange dit ψυχωσις dans la Korè Kosmou.
L ’ORIGINE CÉLESTE DE L’AME 59

Père (p. 52 Kr.) : « Il te faut t ’empresser vers la Lumière, vers les


splendeurs (1) du Père, d’où l’âme t ’a été envoyée, revêtue du
puissant intellect ( ttoXùv ï a c apivT) voüv ) ».

F. G nostiques de P lotin .

Plotin, dans son traité contre les Gnostiques (II 9), ne nous donne
pas de renseignements assez précis pour que nous puissions déter­
miner avec certitude la secte dont il s’agit (2). Nous ne sommes
même pas en mesure de dire si ces Gnostiques sont des chrétiens :
du moins ne découvre-t-on, dans la doctrine qu’il condamne,
aucun trait proprement chrétien (3). A lire sans préjugé ce traité,
on a bien plutôt l’impression que Plotin vise un ensemble de gens
qui, par une fausse interprétation de certains textes platoni­
ciens (4), en concluent, comme l’indique le titre, que «le Démiurge
du monde est méchant et que le monde est mauvais ». Cela peut
s’appliquer à l ’universalité des « Gnostiques » et, ’de ce point
de vue, le titre adopté par Porphyre (5) est correct : mais il
serait vain de choisir une secte plutôt qu’une autre. Aussi
bien Plotin ne s’arrête-t-il qu’à quelques points principaux (6).
(1) πατρύς αυγά; : αΰλάς (Kaibel) est bien tentant, en raison d’Arnobe I I 33
vos in a u la m d o m in ic a in tamquam in propriam sedem remeaturos... praesu-
mitis, 62 a u la m sibi d u s (sc. du Père) patere.
(2) Voir les justes observations de de F aye , Gnostiques et Gnosticisme,
Paris, 1913, pp. 467-469, à propos de C. S chmidt, Platins Stellung zum Gnos­
tizismus, Leipzig, 1901 (T . U. X X 4), en part. pp. 50-63 (rapprochements avec
la secte de Prodicus et le Cod. Brucianus).
(3) Sans doute, dans le passage de V. Plot, consacré à ce traité (ch. 16),
Porphyre débute ainsi : γεγύνασι 84 κατ’ αύτλν (Plotin) τών Χριστιανών πολλοί μέν
καί άλλοι, mais pour ajouter aussitôt αίρετικοί 84 έκ της παλαιός φιλοσοφίας άνηγ-
μίνοι. Des noms qu’il cite aussitôt, seul Aquilinus est connu (cf. Bidez-Cumont,
Mages hellénisés, II, pp. 245, 249; ib. aussi pour les apocalypses apocryphes
de Zoroastre etc. utilisées par les Gnostiques). Eunape (F . Soph., p. 457. 10 ss.
Didot) rapporte, d’après Porphyre lui-même, qu’Aquilinus aurait été le condis­
ciple de ce dernier. J . Lydus (de mens., p. 1 2 8 .1 1 W. 4 84 Άκολϊνος έν τώ ύπομνήματι
τών αριθμών οδτω φησίν) cite, d’Aquilinus, une interprétation allégorique de
Μαία et d”Eppr)ç. Si c’est le même, singulier chrétien! C. Schmidt, au terme
d’une discussion sur Aquilinus (I. c., pp. 15-19), distingue l'hérétique de Por­
phyre et l’Aquilinus (selon lui néoplatonicien) de J . Lydus. ;W . Bousset, dans
ses Hauptprobleme der Gnosis, pp. 186 ss., ne pensait pas non plus qu’il
s ’agit d’une secte chrétienne). De toute manière un hérétique ne peut être
considéré comme un témoin sûr du christianisme. E t il me parait impos­
sible de penser que, comme le veut Schmidt, 1. c., pp. 82 ss., Plotin ait visé le
christianisme (orthodoxe) proprement dit.
(4) Cf. II 9,6; II 9, 10; II 9, 17. 1 -4; II 9, 18. 38-40; Porph., V. Plot.
16,1. 7 πολλούς έξηπάτων καί αύτοί ήπατωμένοι, ώς 8ή τού Πλάτωνος εις τό βάθος
τής νοητής ούσϊας ού πελάσαντος.
(5) CI. V. Plot. 1 i 11. , „
(6) II 9, 10. 14 ,.·ς μέν ούν έατέον έξετάζειν- καί γάρ τοϊς ταδτα άιφιβώς
λαδοϋσι τά νυν «¡ρημένα * —τι καί περί τών άλλων ¿πάντων όπως Ιχει είδέναι. Cf. C.
Schmidt, l. c., ρρ. 36, 4,
LA RÉVÉLATION D’HERMÈS TRISMÊGISTE

De ce nombre est, évidemment, l ’origine céleste de l’âme.


Σύ e ï θεοϋ παϊς, « tu es fils de Dieu » (II 9,9.56), tel est le dogme
premier. Les âmes sont en effet μέλη τής Σοφίας, « membres de
Sophia », qui est peut-être, du moins dans l’une des interprétations
proposées par Plotin, identique à l’Ame Universelle (είτε άμφω
ταύτον Θέλουσιν είναι II 9, 10.20). Or cette Ame Universelle vient
sans doute au dernier rang des hypostases, mais elle fait partie
de la série des hypostases, qui procèdent l’une de l’autre par une
sorte de génération éternelle (II 9, 3.11 s.). L ’Ame Universelle est
la quatrième hypostase, après le Père, l’Intellect en repos et l’Intel­
lect Démiurge (1). Il est donc clair que les âmes humaines, issues
de l ’Ame Universelle, sont consubstantielles aux Premiers Prin­
cipes. De là vient que ces âmes, immortelles et divines (II 9, 5.8),
sont capables d’entrer en contact avec l ’intelligible et que, après
la mort, elles se rendront à une Terre Nouvelle (καινήν γήν II 9,
5.24) : tel serait le plan, ou la raison d’être, du monde (-ίοϋτο 8è
λόγον είναι κόσμου, I I 9, 5.25). D’autre part, cette âme divine
n’est pas la seule en l’homme. Comme Numénius, comme Jamblique
(de myst.), les Gnostiques de Plotin admettent deux âmes : l’âme
divine, et une autre âme composée des éléments (άλογος δε καί ή
παρεισαγωγή αύτοις τής έτέρας ψυχής, ήν έκ των στοιχείων συνιστϊσι
I I 9, 5.17). Il semble que, dans leur doctrine, l’âme divine ait été
pur intellect, pure faculté d’intuition; la seconde, qui sans doute
s’est ajoutée au cours de la descente, est le siège de la perception
sensible (άντίληψις) (2) et de la délibération (βούλευσις).
On pourrait se demander, en somme, pourquoi Plotin critique
cette doctrine, puisque, dans son propre système, nos âmes sont,
elles aussi, issues en quelque manière de l’Ame Universelle, qui est
elle-même la troisième et dernière hypostase. Mais il faut prendre
garde au point précis que Plotin condamne. Ce n ’est pas l’origine
divine des âmes : Plotin eût dû alors condamner Platon. C’est que,
tout en donnant à l’homme une âme divine, les Gnostiques ne la 1

(1) On notera que Plotin ne s’en prend pas au principe même de cés géné­
rations hypostatiques, mais à la multiplication abusive des hypostases (II 9,
1-2; II 9, 6. 28 ss.). Alors qu’il suffit de poser l ’E tre, un Intellect unique, et
l’Ame, Terreur des Gnostiques est de dédoubler l’Intellect entre un Intellect
en repos et un Intellect en mouvement (II 9, 1.26) qu’ils identifient au
Démiurge (II 9, 6. 22). «Parfois aussi », observe Plotin (II 9, 6. 21), « au lieu de
l’Intellect ‘ qui réfléchit’ (*c. l’Intellect en mouvement), ils posent l’Ame
créatrice » : on voit qu’au fond Plotin ne s’est guère soucié de pénétrer la doc­
trine qu’il com bat; ou peut-être mêle-t-il ici plusieurs sources. Schmidt,
1. e., pp. 37-38, cherche à combiner ces doctrines avec celles des Valentiniens.
(2) Le m ot άντίληψις désigne la perception sensible chez les Stoïciens, cf.
St. V. F ., I I , p. 230. 32 αΐβθησίς έστιν άντίληψις δι’ αΙσΟητηρΙου ή κατάληψις. '
L’ORIGINE CÉLESTE DE L’AME 61

donnent qu’à l ’homme seul et la refusent au ciel et aux astres (1).


Voilà proprement le scandale et ce qui prouve que les Gnostiques
ne raisonnent pas « en Hellènes » (II 9, 6.6 ss.). De fait, ce qui
s’insurge ici en Plotin, comme plus tard encore en Simplicius
dans sa controverse contre Philopon (2), c’est toute la tradition
hellénique qui veut que le ciel et les astres, étant mus éternelle­
ment et mus de mouvements réguliers, soient pourvus d’âmes
éternelles parfaitement sages et ordonnées, donc d’âmes divines (3).
Nier ce dogme est une άσέβεια, une βλασφημία. Pour Simplicius,
les chrétiens qui nient la divinité du monde sont des blasphé­
mateurs (4). Pour Plotin, les Gnostiques sont des présomptueux,
des impies (5). C’est ici, en effet, l’un des points où la coupure
entre philosophie grecque et gnose est le plus apparente. Il y a
blasphème, pour le sage, à nier la divinité du monde. E t c’est une
grossière impiété, pour le gnostique, que de regarder comme divin
un monde fait de matière, donc essentiellement mauvais (6).
Marquons, pour finir, une deuxième différence. Il est bien cer­
tain que, sous l ’Empire, les philosophes platoniciens et les Gnos­
tiques n’étaient pas seuls à professer l’origine céleste des âmes.
L’âme est divine pour Sénèque (7). Epictète ne veut pas qu’on
maltraite l’esclave parce qu’il est, lui aussi, fils de Zeus (8). L ’un
et l ’autre, et Marc-Aurèle après eux, croient à la présence du δαίμων
dans l’âme et enseignent ΓΙπεσθαι θεώ qui, sous une autre forme,
correspond à 1’όμοίωσις θεω platonicienne (9). Néanmoins
il reste une grande différence entre le platonisme dualiste des
traités de l’âme et des Gnostiques et le stoïcisme, si mêlé qu’on
le veuille, des trois sages que j ’ai nommé3. Pour ces derniers,1

(1) I I 9 ,5 .1 -1 6 ; I l 9 ,8 .3 1 s s .;I I 9 ,9 .5 6 s . (σύ δέ κρείττων καί του ούρανοϋ ούδέν


πονήσας;); II 9, 18. 17 ss. (où il faut distinguer sans doute la ψυχή κόσμου,
qui reste mortelle, de la ψυχή τοϋ παντός ou Ame Universelle regardée comme
la dernière hypostase).
(2) Ci. Rio. H. T ., II, p. 343, n. 3.
(3) C’est cette tradition que j ’ai essayé de décrire dans Rio. H. T ., t. II.
(4) διαβεβλημένοι (d’après la correction de Praechter, cf. la référence de la
n. 2 supra). De même C. H. I X 4 χωρίον γάρ αύτής (sc. τής κακίας) ή γή, ούχ ό
κόσμος, ώς ϊνιοί ποτέ έροϋσι βλασφημοϋντες.
(5) τό αυθάδες II 9, 14. 41, τό θράσος II 9, 13.1-2, αύκ Εξω άν τοϋ άσεβεΐν γένοιτο
II 9, 16. 35.
(6) Cf. mon étude L'hermétisme, Rull. Soc. Roy. Lund, 1948, pp. 44 ss. :
« L ’nermétisme en face de la sagesse grecque ». C. Schmidt a d’ailleurs lui aussi
bien noté le point, I. c., pp. 75 ss., 79.
(7) Cf. M. P ohlens, Die Stoa, II, p. 160 (note à I, p. 322, 1. 23).
(8) I 13, 4 où μεμνήσρ... τίνων άρχεις; δτι συγγενών, δτι αδελφών φύσει, δτι τοϋ
Διδς απογόνων.
(9) Sénèque : P ohlens, II, p. 160 (note à I, p. 322, I. 23) ; Épictète ; ib.,
I I , p. 166; Marc-Aurèle ; ib., II, pp. 170 s.
62 LA RÉVÉLATION DîHERMÈS TRISMÉGISTE

le monde est bon. Il a été formé par un Dieu sage et bien­


veillant, dont la Providence ne cesse de le régir. Pour les platoni­
ciens dualistes, le monde est mauvais. Le Dieu transcendant ne
l ’a pas créé. E t même si tous n’iraient pas jusqu’à affirmer que le
Démiurge est méchant, encore est-il que, d’une manière générale,
la chute de l’âme dans la matière est par eux regardée comme un
mal (1). D’où vient que l’attitude psychologique ëst de part et
d’autre très diverse. Ils peuvent bien tous se croire également
fils de Dieu. Mais le Stoïcien se dira : « Fils de Dieu, je dois me
soumettre à Dieu, lui obéir en toutes choses. E t donc me tenir
à ma place dans cet Univers qui est l’œuvre de Dieu, et y accomplir
ma tâche. Esclave, celle d’esclave. Empereur, celle d’Empereur.
Je suivrai Dieu, j ’aimerai ses ordres dans la mesure où j ’essaierai
de rendre la cité temporelle dont' je suis membre plus semblable
à la Cité du Monde où j ’ai commerce avec les dieux. Au surplus,
ma seule récompense sera la certitude d’avoir bien servi ». E t lé
Gnostique se dira : « Fils de Dieu, emprisonné dans ce corps éphé­
mère, égaré dans un monde souillé, je ne dois plus songer qu’à
retourner à Dieu. Un jour, je le retrouverai. Mon âme, enfin
dépouillée, rentrera dans sa patrie. Vivons donc à l’écart de la
masse, loin de toute impureté qui m’attacherait à la matière.
Vivons dans la seule pensée de cette bienheureuse immortalité
qui m’est promise ». Qui ne voit le contraste? Celui-là accepte le
monde sensible, la vie humaine avec ses infortunes et, si modeste
qu’elle soit, la tâche qui l’attend ici-bas. De celui-ci tous les regards
sont tournés vers l’autre monde, vers l’autre vie; nulle tâche ne
l’intéresse, puisque ce lieu terrestre est un lieu d’exil, et le temps
qu’il y passe une sorte de purgatoire entre deux éternités de bonheur.
Le simple fait de rencontrer quelque expression analogue, toxiç Ocoü
ou toü Aii»ç àiréyovoç chez le Stoïcien et le Gnostique ne doit donc
pas nous abuser. Ces analogies recouvrent deux conceptions de
la vie en vérité très différentes.1

(1) Ainsi les Gnostiques de Flotin : cf. S chmidt. I. e., pp. 42-43. .Mais
ce trait n’est pas particulier à une secte déterminée, il est commun à toutes.
CH APITRE II

LA CHUTE DE L ’AME

I. L e pro blèm e

« Pourquoi », demande Asclépius à son maître, « pourquoi donc,


ô Trismégiste, a-t-il fallu que l’homme fût établi dans la matière
au lieu de vivre en la félicité suprême où Dieu habite? » (1). —
Lorsqu’elles apprennent leur condamnation, les âmes, dans la Korè
Kosmou, se plaignent ainsi : « Ciel, principe de notre naissance,
éther et air, mains et souffle sacré du Dieu Monarque, et vous,
regards des dieux, astres resplendissants, lumière indéfectible du
soleil et de la lune, frères de lait issus de la même origine, vous tous
de qui brutalement séparées nous subissons des misères, et plus de
misères encore, puisque, arrachées à des choses grandes et brillantes
et à la sainte atmosphère et au firmament magnifique, et, qui
plus est, à la vie bienheureuse que nous menions avec les dieux,
nous allons être ainsi emprisonnées en des tentes ignobles et viles!
Qu’avons-nous donc, malheureuses, commis de si affreux? Quel
crime, qui mérite ces châtiments actuels? » (2). — Arnobe, entrant
dans le jeu des viri novi, leur démontre que, si les âmes étaient
vraiment filles de Dieu, il serait impossible d’expliquer leur pré­
sence sur la terre : « Si les âmes, comme on le raconte, étaient de
la race du Seigneur et que l’âme eût été engendrée par la Puis­
sance Souveraine..., elles habiteraient toujours la cour du Roi
et n ’auraient point quitté ce lieu de la béatitude où elles connais­
saient et gardaient en mémoire les doctrines les plus augustes ;
elles n’eussent point, par un mouvement irréfléchi (imprudenter),
gagné eus lieux terrestres où elles habitent les corps opaques,
étroitement mêlées aux humeurs et au sang, dans ces outres d’excré­
ments, dans ces jarres immondes d’urine » (II 37). Peut-on conce­
voir, en effet, que le Roi du monde ait envoyé ici-bas les âmes nées
de Lui, pour que ces âmes oui auprès de T. étaient déesses et qui
(1) Ascl. 7, p. 304.11.
12) K . K . 34-35.
63
64 LA RÉVÉLATION D’HERMÈS TRISMÉGISTE

n’avaient subi ni contact corporel, ni enveloppe matérielle, fussent


immergées dans des semences humaines, sortissent de matrices
féminines, poussassent continuellement les vagissements les plu3
ineptes, épuisassent, en tétant, dés mamelles, se mouillassent
et se salissent de leur propre urine? (1139). Avec une abondance
qui sent assurément la rhétorique, mais ne nianque pas de force,
car le trait porte, Arnobe développe alors le thème (1). Les âmes,
au ciel, étaient simples et d’une perfection indélébile, vivaient dans
une tranquillité paisible et calme, n’avaient toutes qu’un même
esprit, une même intelligence, une même science, ne connaissaient
aucun désir de possession, étaient douces et incapables d’aucun
sentiment cruel, se tenaient enfin dans un état de pureté absolue.
Le moyen d’expliquer qu’un Dieu bon, leur Père, envoie ces âmes
sur la terre pour qu’elles y apprennent tous les vices, la haine, la
cruauté, la disoorde et l ’erreur, la cupidité, la guerre, pour qu’elles
s’y plaisent aux spectacles sanglants des jeux du cirque ou aux
pratiques les plus obscènes de la prostitution? « Que dites-vous, ô
descendance, ô progéniture de la Divinité Première? Voilà donc
que ces âmes sages, issues des Causes Suprêmes, cultivent tous les
genres de turpitudes, de crimes et de vices 1 Est-ce pour se livrer à
cette multiplicité de débauches qu’elles ont reçu l’ordre d’habiter
notre terre, d’endosser le vêtement d’un corps humain? » Quel être
de bon sens croira que le monde ait été organisé pour elles, et qu’il
n’ait pas été constitué plutôt comme le siège et le domicile où
se perpètrent tous les crimes des hommes? (II 43). La conclusion
est nette. Les Ames ici-bas sont méchantes et infiniment malheu­
reuses : il est donc impie de penser qu’elles aient été engendrées
par Dieu, qui est nécessairement sage et bon. « T ant s’en faut qu’on
croie Dieu l’auteur de cette condition, bien plutôt on s’expose au
crime d’impiété sacrilège si on lui attribue la paternité de l’homme,
cet être infortuné, misérable, qui se plaint d’exister, qui déteste et
déplore son état, qui ne voit pas qu’il ait été créé pour d’autre motif
que parce qu’on craignait que le mal n’eût pas de sujet matériel
où se répandre e t afin qu’il y eût toujours des malheureux dont les
tortures offrissent un aliment à je ne sais quelle Force mystérieuse
e t cruelle, ennemie du genre humain » (II 45-46) (2). — Au début1

(1) Ado. nat. II 39-43. J e résume ici Mém. Lagrange, pp. 115-117.
(2) Dans sa controverse contre les Gnostiques, Plotin se sert du même
argument a d hominem (II 9, 16. 17 ss.) : « Ils disent que la Providence ne
s ’exerce que sur eux (se. en tant qu’ils sont les seuls fils de Dieu, à l’exclusion
des astres) : est-ce quand ils étaient là-haut, ou maintenant qu’ils sont ici?
< Mais c ’est impossible > , car, si la Providence s’exerçait sur eux là-haut,
LA CHUTE DE L ’AME 65

d’un de ses premiers traités (IV 8) (1), « Sur la descente de l’âme


dans le corps », Plotin se livre devant nous à une confidence (2) :
« Souvent, tandis que, me détachant du corps, je m’éveille à mon
vrai moi, me rends étranger au reste et me deviens intérieur à moi-
même, que, contemplant une beauté indiciblement merveilleuse, je
me persuade alors faire partie d’une classe d’êtres supérieurs,
qu’ayant' produit les actes de la vie la plus haute, fondu avec le
divin et fermement établi en lui, je suis parvenu à l’activité
transcendantale (èxeCvnjv), installé au-dessus de tout autre intelli­
gible, et qu’enfin, après ce repos dans le divin, je suis redescendu
de l’intuition aux actes discursifs, souvent, oui, je me demande
comment il peut bien se faire que, maintenant encore, je redes­
cende, et comment il a pu m’arriver que mon âme soit un jour
entrée dans le corps, mon âme qui, bien qu’incorporée, est par
elle-même cette chose si noble qui s’est montrée à moi » (IV 8, 1.
1-11). Ces lignes sont extrêmement révélatrices. Comme l’observe
M. Bréhier (3), Plotin transpose ici en termes d’expérience le
mythe de la chute de l’âme. Ou plutôt, c’est cette expérience
elle-même, le sentiment profond de notre essentielle dualité, qui
le ramène au problème de la chute originelle : comment l’âme
a-t-elle bien pu, un jour, tomber dans le corps? Le sage alors
a recours à l’école. Il allègue d’abord les réponses d’Héraclite
et d’Empédocle, l’une et l’autre obscures (IV 8, 1. 11-23), puis
les dialogues de Platon, dont il marque les divergences (4).
Les textes d’ Héraclite et d’Empédocle font peut-être partie du
bagage scolaire (5), ceux de Platon sûrement (6). Comment donc

comment sont-ils descendus? E t si elle s’exerce sur eux ici-bas, comment


sont-ils encore ici-bas? >
(1) C’est le sixième traité de la première période, cf. P orph ., V. Plot.
4.31. Ce traité fait corps avec le deuxième de la même période, iwpt ψυχής
άθανασίας, cf. B r * h ie r , t. IV, j>. 211.
(2) F ait très rare chez Plotin, ainsi que le note E . Bréhier, t. IV, p. 216,
n. 1, moins rare chez Philon, cf. Riv. H . T ., II, pp. 551-553.
(3) Notice à ce traité, t. IV, p. 211.
(4) ι IV 8,1.23-50. Tantôt Platon blâme l’union de l’âme avec le corps, τήν πρ/>ς
τ4 σώμα χοινωνίαν τής ψυχής μ*μψάμ*νος (1. 29 /30, cf. 40) — Plotin se réfère ici
aux images du corps prison (βεσμός), tombeau (τεθάφθαι), garderie (φρουρά), du
monde caverne (σπήλαιον), à la ιττερορρύησις du Phèdre, — tantôt (T im ée) il
regardais monde comme un dieu bienheureux qui nécessairement est vivant et
intelligent, donc pourvu d’une âme. en sorte que et l’Ame du Monde et nos
âmes ont été envoyées par Dieu (ιταρά toO θεού έπέμφθη 1. 47) pour que le monde
fût parfait.
(5) On les retrouve chez Jamblique, I, p. 375.6-8 W. (les deux), 378.21-25
(Héraclite seul), mais ce peut être, de la part de Jamblique, un emprunt
a Plotin IV 8, 1.
(6) On peut être certain qu’à partir du h * siècle, les morceaux les plus
fameux de Platon ont été lus et commentés dans les écoles. Pour le mythe
LA RivéLATIOK D’ HERMÈS T R IS R Î CISTE. ---- I I I . 6
66 LA RÉVÉLATION D’HERMÈS TRISMÉGISTE

concilier ces enseignements différents du maître? C’est sur quoi,


peut-être d’après la tradition scolaire (1), Plotin s’interroge en
tête du deuxième chapitre (IV 8, 2. 1 ss.) : « Il en résulte que,
nous qui demandons à Platon des enseignements sur notre âme, nous
sommes nécessairement conduits à toucher aux problèmes que
voici. Sur l’âme en général : « Comment l ’âme a-t-elle jamais pu
être naturellement destinée à s’associer à un corps ? » Sur la nature
du monde : « Que faut-il penser du monde, dans lequel séjourne
une âme, volontairement ou par contrainte ou de quelque autre
manière? » Sur le Créateur : « A-t-il agi correctement (2), ou est-ce
dans la pensée peut-être que ces âmes étaient nos âmes (sc. des
âmes humaines), dont il a bien fallu que, régissant des corps infé­
rieurs, elles s’y enfonçassent plus avant, s’il est vrai qu’elles dussent
les dominer? » (3). Nous reviendrons sur la solution do Plotin.
Bornons-nous à marquer, pour l’instant, que la question s’est
imposée au philosophe, et non pas seulement comme une des nom­
breuses difficultés que soulève tout système, mais en vertu de la
discorde intime dont il a eu l ’expérience. — Porphyre lui aussi,
sans doute, a dû ressentir la même angoisse. Eût-il écrit, sinon,
le de régressa animae ? E t n’a-t-il pas interrogé son maître, trois
jours durant, pour savoir « comment l’âme entre en union avec
le corps ? » (4).

d’E r (Rép. X ), Proclus (m remp., II, p. 96.11 ss. K.) ne cite pas moins de
sept noms : Numénius, Albinos, Gaius, Maximus de Nicée, Harpocration,
Euclide, Porphyre.
(1) On peut conjecturer, en effet, que Plotin n’a pas été le premier, ni le
seul, à percevoir ces divergences. CL, à propos de la différence entre Gorgias
et République sur le lieu où siègent les juges infernaux, Proclus, in rem p.,
I I , p. 128.3 ss. Kroll, avec la remarque (128.12) ίτι μέν οδν ou πάντα πάντες ot
περί των év "Αιβου μύθοι τφ ΠΧάτωνι ποιηθέντες έκδιδάσκουσιν, δήλον.
(2) En envoyant ici-bas les âmes, et. ή τε οδν ψυχή ή τοϋ παντός... παρά τοϋ
θεοϋ έπέμφθη ή τε έκάστου ήμών IV 8, 1.46 S.
(3) Ce passage est, comme on sait, très discuté, et. la traduction du Père
V. Cilento, II (Bari, 1948), pp. 575-579, où la controverse est résumée. Les
MSS ont IV 8, 2.6 ss. περί δέ τού ποεητοϋ είτε όρθώς είτε ώς ήμέτεραι ψυχαΐ οδααι
Ισως, άς κτλ. Ce texte peut, je crois, être gardé moyennant la légère correction
ώς ήμετέρας (attribut) < τ ά ς > ψυχάς οΰσας qui donne une construction toute
normale (acc. absolu : Plat. Rép. II 383 a 2 se., Kühner-Gerth, I I , 95 d), le
verbe sous-entendu après les deux είτε (sc. έποίησεν) se tirant facilement de τοϋ
ποιητοδ. Les deux termes de l’alternative, si ma conjecture est juste, sont les
suivants : ou Dieu a bien agi, ou il a agi par une sorte de nécessité puisque les
corps humains n’auraient pu subsister sans la présence en eux d’une âme.
Sur le double mode de gouvernement des âmes sur les corps en fonction de la
qualité de ces corps, et. IV 8, 2.27 διττή γάρ επιμέλεια παντός κτλ. cité supra,
p. 49, n. 3.
(4) πώς ή ψυχή σόνεστι τφ σώματι V. Plot. 13, 1 1 ,cf. Plot. IV 8 ,1 .8 απορώ...
δπως ποτέ μοι ένδον ή ψυχή γεγένηται τοϋ σώματος. Il est possible cependant que
Porphyre ait questionné plutôt sur le mode d’union de l’âme au corps : en ce
cas la réponse de Plotin serait à chercher en IV 3.12-15.
LA CHUTE DE L’AME 67

J ’ai réuni ces témoignages pour indiquer à quel point le problème


de la chute de l’âme a préoccupé les platoniciens dualistes et les
gnostiques du h ® au iv* siècle de notre ère. Il posait en effet une
double difficulté, l’une intellectuelle, l’autre d’ordre moral. D’une
part, si l’âme est issue du Premier Dieu transcendant qui, par
essence est bon, si elle v it heureuse au ciel auprès des deux autres
Fils de Dieu (1), comment admettre qu’elle, soit descendue ici-
bas? D ’autre part, s’il est vrai que dans un tel système l’homme est
essentiellement son âme intellectuelle, que cette âme, loin de former
avec le corps un composé harmonieux, tient le corps pour une prison
qui l’empêche d’exercer ses facultés propres, que, par suite, le gnos-
tique n’atteint pas au bonheur qu’il désire pourtant comme tout
être humain, comment ne serait-il pas amené à se demander :
« Pourquoi suis-je ici-bas? Quel est le sens de cette vie terrestre à
laquelle on me condamne? E t que dois-je faire pour m’en délivrer? »

Dans les traités de l’âme de Tertullien et de Jamblique, le pro­


blème de la descente de l’âme forme, nous l’avons dit (2), la
deuxième section. Cette section comporte, chez Tertullien, deux
sujets : I. Lieu d’origine des âmes, temps et mode de la descente =
ch. 23-24 (3); II. Temps et mode de l’incorporation = ch. 25/27
+ 36 (4). La thèse de l’origine et de la nature divine des âmes, puis
de leur chute ici-bas, est celle des hérétiques dualistes, que Tertullien
n’aecepte pas. Cette thèse vient de Platon (23.1) (5) ;■« Quelques-
uns croient qu’ils sont descendus du ciel et ils sont aussi assurés
dans cette persuasion que dans leur conviction de remonter là-haut...
(23.5) J e m’afflige que Platon soit devenu, en toute bonne foi,
le pourvoyeur de tous les hérétiques ». Pour confondre donc les
dualistes, il suffira de réfuter l’argument de Platon qui sert de base
à l’hérésie (23.6) : « Pour nous faire admettre cette doctrine, et que
l’âme tout d’abord passait sa vie au ciel avec Dieu dans le commerce
des Idées, et que c’est de là-haut qu’elle a été transférée ici-bas,
et qu’elle se rappelle ici-bas qu’elle a connu antérieurement1

(1) Logos et Noûs V niurge dans le Poimandris, mentes geminae chez les
t/iri novi, etc.
(2) Cf. supra, pp. 3 12 s.
(3) Cf. ch. 22 fin i l .10 Wasz.) : sequitur nunc quomodo ex una (sc.
fente) redundet eonsitU «, id est, u n d e et q u a n d o et q u a r a t i e n e sumatur,
repris au début du (p. 34.27 W.) uti reddam quomodo animae ex una
reaundent, q u a n d o et q u a r a t i o n e sumantur.
(4) Les en. 28 'T onsacrés à une « digression » sur la métempsycose.
Sur le sens de ;f. mon article Composition et esprit du t de anima ·
de Tertullien, ;ite . . 1, n. 1.
(5) Cité déjà supra, pp. 3 s.. 33.
68 LA RÉVÉLATION D’HERMÈS TRISMÉGISTE

des modèles idéaux, Platon a élaboré un nouvel argument, à savoir


qu’apprendre est se ressouvenir : en effet, lorsqu’elles viennent
de là-haut ici-bas, les Ames commencent par oublier les objets
de leur contemplation antérieure, puis, instruites par les objets
visibles, elles s’en ressouviennent. Dès lors, puisque c’est par un
argument de telle sorte que se sont faufilées, du fait de Platon,
les doctrines qu’empruntent les hérétiques, je réfuterai suffisamment
les hérétiques si je supprime l’argument de Platon ». Dans le ch. 24,
Tertullien fait alors le procès de Ι’άνάμνηαις, de même que plus loin,
dans la partie positive (25 /36), il fournira une critique de la métem­
psycose (28/35).
Cette même ordonnance se retrouve, pour l’essentiel, dans le
π. ψυχής de Jamblique. On y retrouve les deux sujets : Points de
départ et buts de la descente (ch. 39, I, p. 377. 13-379. 10 W .);
Temps et modes de l ’incorporation (ch. 41, I, p. 381. 2-382.16).
La seule différence est que, entre ces deux sujets, Jamblique en
insère un troisième, les degrés de pureté dans l’union de l’âme
et du corps (ch..40, I, p. 379. 12-380. 29), et qu’il ajoute tout à la
fin, en corollaire, un paragraphe sur la possibilité de l’union entro
l ’âme incarnée et les êtres supérieurs (ch. 42, p. 382. 18-24).
Des deux sujets traités par Tertullien et Jamblique, le Poiman-
drès et la Korè Kosmou hermétiques ne s’intéressent qu’au premier.
Mais il y tient une place capitale. Car c’est en vérité tout le nœud
du drame : pourquoi l’âme immatérielle, toute pure, tout heureuse
au ciel, a-t-elle choisi de vivre dans un corps matériel, impur et
chargé de misères? On reste confondu devant une telle aberration
et il faut coûte que coûte l’expliquer. C’est donc à ce grand sujet
que je consacrerai tout ce chapitre, je veux dire aux raisons de la
descente, non pas au mode. Le passage à travers les sphères est
un thème indéfiniment ressassé depuis un demi-siècle dans les
travaux sur la religion de l’Empire. Je n ’aurais rien de plus à en
dire, et au surplus ce n’est pas l’essentiel. Ce qui compte, c’est
le pourquoi (1).
Quant au mode et au temps de l’entrée de l’âme dans le corps,
le Poimandrès et la Korè Kosmou n’en parlent pas. La raison en
est claire. Une fois admise la chute de l’âme, il n’importe guère de
savoir à quel moment précis elle anime le corps mortel ni comment1

(1) Mon dessein n’est pas ici d’offrir une analyse complète des 86ξ«ι psy­
chologiques du Trismégiste. Pas plus qu’en d’autres domaines, elles ne forment
d’ailleurs une unité. Pour plus de détails, voir les notes de l’édition Budé et,
au surplus, J . K roll, Lehren d. H . Tr. (1914), pp. 233 ss.
LA CHUTE DE L’AME 69

elle y loge. On ne trouve quelques indications à ce sujet que dans


certains extraits hermétiques de Stobée (Exc. X V et suiv.). J ’ai
essayé, dans l ’édition Budé, de découvrir l’origine et d'établir le
sens de ces SéÇai, et me permets d’y renvoyer le leoteur. On trouvera
en outre, à la fin de ce tome I I I , une traduction de l’opuscule peu
connu de Porphyre « Sur l’animation de l’embryon », qui complète
les données d’une part de Jamblique, d’autre part des extraits de
Stobée, et fait connaître, sur ce point, la position d’un platonicien
déclaré.

I I . R aisons de la descente

Dans un passage de son π. ψυχής, dans l’avant-dernier chapitre


de la I re Section, intitulé « Sur les opérations de l’âme » (Stob. I
49.37, p. 375. 5 W .), Jamblique se pose le même problème que
Plotin, Enn. IV 8 : d’où vient que les puissances rationnelles de
l’âme s’inclinent vers les puissances irrationnelles? D'où vient que
nous n’exercions pas de façon continue nos facultés intellectives,
mais retombions si souvent à Γάλογον? Cette question étant, on
l’a vu, liée à la question plus générale : « D'où vient que l’âme
intellective soit un jour entrée dans un corpe matériel? », Jamblique
mentionne incidemment quelques-unes des réponses que les
sages ont faites à cette dernière. Pour expliquer, en effet, que
l’âme, ici-bas, s’incline vers le corps — c’est là, très précisément,
le mal de l’âme, — on a donné deux raisons. Selon les uns, les acti­
vités qui nous font descendre (τά καταγωγά ενεργήματα 375.11)
proviennent de la cause même qui a déterminé la chute originelle,
cette cause étant « l’altérité première selon Plotin (1), la fuite
loin de Dieu selon Empédocle, le repos qui consiste dans le change­
ment selon Héraclite, une démence ou une déviation selon les Gnos-
tiques, le jugement erroné du libre arbitre selon Albinus ».
Selon les autres, la cause de ces inclinations est un mal qui s’atta­
che à l’âme après la chute, et qui tient au fait que l’âme est entrée
en contact avec la matière : soit la matière même selon Numénius
et Cronius, soit le corps terrestre selon Harpocration, soit l’âme
végétative et la vie irrationnelle selon Plotin et Porphyre. Plotin
parait dans les deux groupes, et, de fait, il n’y a point antinomie
entre ces deux opinions. Nous sommes victimes d’un premier mal
de l’âme, d’un mal foncier, le péché originel qui a entraîné la chute;1

(1) Pour ces δόξαι et celles du second groupe, c l . App. I, pp. 209 ss, les notes
ad loc .
70 LA RÉVÉLATION D’HERMÈS TRISMÉGISTE

mais aussi, en conséquence de ce mal premier, de tous les péchés


que nous commettons sous l ’influence de la matière. On se rappelle
la plainte des âmes dans la Korè Kosmou : « Que de péchés nous
attendent! », Haut τάς δειλαίας ήμάς άμαρτίαι περιμένουσιν (35, 3-4).
E t Plotin ne dit-il pas, IV 8, 5.16 : « Double est le péché
(αμαρτία) de l’âme. L ’un, c’est le péché qu’a occasionné la cause
de la chute elle-même (èirt τη τού κατελθεΐν α1τί$), l’autre, le
péché qu’occasionnent les mauvaises actions de l’âme, une fois
qu’elle est venue ici-bas? »
Cette brève indication de la première partie du π. ψυχής est
plus longuement développée dans la seconde, au premier chapitre
(Points de départ et buts de la descente : I 49.39, p. 378.19-379.10),
et dans un passage du second chapitre (Degrés de pureté dans l’union
de l’âme et du corps : I 49.40, p. 380, 6-19). Je transcris d’abord
ces deux morceaux, puis j ’essaierai de mettre un peu d’ordre dans
l’exposé assez confus de Jamblique.
Jam bl. π. ψ., ap. Stob., ch. 39, I, p. 378.19 ss. W. (1).
« Tels étant- donc le nombre et la diversité des lieux d’origine
dans l’univers, les descentes ici-bas se diversifient en conséquence :
quant aux modes de la descente, ils diffèrent de plus d’une manière.
H eraclite pose en principe qu'il se fait nécessairement des échanges
de contraire à contraire, il présume que les âmes parcourent le
chemin en haut et en bas et que, pour elles, rester aux mêmes lieux
est une fatigue, changer de lieu procure un repos. Les Platoniciens
de l’école de T a u r u s disent que les âmes sont envoyées par les
dieux sur la terre, les uns enseignant, d’accord avec le Timée,
que c’est pour l’achèvement de l’Univers, en sorte qu’il y ait dans
le monde autant de vivants que dans l’intelligible, les autres pen­
sant que le but de la descente est d’offrir une représentation de
la vie divine : telle est, en effet, la volonté des dieux, de se rendre
manifeste par le moyen des âmes; car les dieux se produisent
au dehors et se donnent en spectacle grâce aux âmes, quand elles
mènent une vie pure et immaculée.
Maintenant, selon une autre manière de diviser, les modes de
la descente des âmes sont considérés ou bien comme volontaires,
soit que l’âme ait choisi elle-même d’administrer les choses terres­
tres, soit qu’elles obéissent aux commandements des dieux, ou bien
comme involontaires, l’âme étant entraînée par force vers ce qui
est inférieur. »

(1) Pour ce passage et le suivant, cf. les notes de ma traduction, App. I,


pp. 219 ss.
LA CHUTE DE L’AME 71

Jam bl., 7t. ij/., ap. Stob, ch. 40, I, p. 380.6 ss. W.
« Davantage, à mon sentiment, la diversité des buts met aussi
une différence dans les modes de la descente des âmes. E n effet,
si l’âme vient ici-bas pour conserver, purifier et perfectionner les
choses terrestres, c’est sans souillure qu’elle accomplit sa descente.
Si l’âme se tourne vers le corps pour former par l’exercice et
redresser ses propres mœurs, elle n’est pas absolument impassible
ni ne jouit d’une entière indépendance, isolée en elle-même. Si
l’âme se rend ici-bas par punition et en raison d’un jugement,
elle semble de quelque manière entraînée de force et poussée
malgré elle.
< Certains des plus récents > ne font pas cette division, mais,
sans prendre en considération les différences, ils ramènent confusé­
ment à un seul mode l ’incorporation de toutes les âmes et soutien­
nent que cette incorporation est toujours un mal, notamment
Cronius , Numénius et H arpocration a
Voici d’abord deux observations de détail sur ces passages de
Jamblique.
1) Ils sont liés à leur contexte de façon continue et il ne semble
pas que Stobée ait fait ici des coupures. On peut donc s’étonner
que, dans le premier, Jamblique ne nomme qu’Héraclite et l’école
de Taurus, alors que, dans la première mention de la chute origi­
nelle (supra, p. 69), il avait nommé aussi Plotin, Empédocle, les
Gnostiques, Albinus. Est-ce parce que ces SôÇat ont été déjà indi­
quées dans la I™ section? Ou n’est-ce pas plutôt une nouvelle
preuve des méthodes superficielles de l’auteur?
2) La phrase sur Héraclite offre de grandes ressemblances avec
Plotin, IV 8, 1.11. Qu’on lise en regard les deux textes :

Jamblique , p. 378.21 Plotin, IV 8, 1.11


'Ηράκλειτος μέν γάρ άμοιβάς Ό μέν γάρ ‘Ηράκλειτος ...άμοι-
άναγκαίας τ ίθ ετ α ι έκ των βάς τ ε αναγκαίας τιθέμ ενο ς
έναντίων, όδόν τ ε άνω καί εκ των έναντίων, 'όδόν τε άνω
Χάτω διαπορεύεσθαι τάς ψυχάς καί κά τω ’ είπών καί ‘μεταβάλ-
ΰπείληφε καί τό μέν τ ο ΐς αύτοϊς λον αναπαύεται’ καί ‘κάματός
έπ ιμ ένειν κάματον είναι, τό έ ο τ ι τ ο ΐς αύτοϊς μοχθεΐν καί
δέ μεταβάλλειν φέρειν άνά- άρχεσθαι’ είκάζειν Ιδωκεν (δόκεΐ
7ΐαι»σιν. Volkmann).

Des ressemblances si préci ;■ user qu . ..mblique


a copié Plotin.
72 LA RÉVÉLATION D’HERMÈS TRISMÊGISTE

Venons-en au fond. Une foie laissées de côté les δόξαι d’Héracn^


et d’Empédocle, si nous joignons les trois morceaux, celui de la
I re section (p. 69) et les deux de la I I e section, nous rencontrons
en fait, chez Jam blique, les opinions suivantes :
1) L a chute dépend d’une faute originelle : altérité première
(Plotin), démence ou déviation (Gnostiques), jugement erroné
du libre arbitre (Albinus) = I ” section (cf. p. 69).
2) Les Ames descendent :
a) pour achever l’univers (Taurus d’après le Timée );
b) pour donner ici-bas une représentation de la vie des dieux ( ?)
= 1er passage de la I I e section.
3) Les âmes descendent :
a) pour conserver les choses terrestres ;
b) pour exercer et corriger leurs propres mœurs;
c) par punition à la suite d’un jugement (1).
4) L a descente des âmes est toujours un mal (Cronius, Numé-
nius, Harpocration) = 2e passage de la I I e section.
5) Selon une autre division, la descente des âmes est
par mouvement spontané (pour administrer

¡
les choses terrestres);
par obéissance aux dieux.
b) involontaire : l’âme est entraînée par force vers l’infé­
rieur = 1er passage de la I I e section.
Il est intéressant de comparer à ce tableau la division qu’établit
Plotin en IV 8, 1.27 ss. « Il apparaîtra que Platon ne tient pas
partout le même langage de telle manière qu’on eût pu reconnaître
facilement ce qu’il veut dire. * Car tantôt il méprise tout le sensible
et blâme l’union de l’âme aveo le corps (corps prison, etc., monde
caverne, perte des ailes), tantôt (1. 41 ss.), « dans le Timée , parlant
de cet univers visible, il fait l’éloge du monde et le nomme un dieu
bienheureux ; il dit que l’âme a été donnée par le Démiurge, qui est
bon, pour que cet univers soit pourvu d’intelligence, puisqu’il
fallait qu’il le fût et qu’il ne pouvait l’être sans une âme. C’est
pour cette raison donc que l’Ame du Tout lui a été envoyée par1

(1) O n n o t e r a que c e s trois m o tif s de l ’ i n c a r n a t i o n c o n s t i t u e n t dès le n e s .


u n s c h è m e typique d a n s l’École p la t o n ic ie n n e , c f . C e ls e ap. Orig. e. Cels.
V III 53 (p . 68.18 G l ö c k n e r = Kl.
Texte 151) έπειδή δέ σώματι συνδεθέντες άνθρωπου
γεγόνασιν (1) είτ’ οικονομίας των ίλών ίνεκεν, (2) είτε ποινάς άμαρτίας άποτίνοντες,
(3) είθ’ ύπό παθημάτων τινών τής ψυχής βαρυνθείσης, μέχρι áv ταϊς τεταγμίνοις
περιόδοις έκκαθαρθή..., πειστέον ουν ίτι παραδέδονταί τισιν ίπιμεληταΐς τοϋδε τού
δεσμωτηρίου. L a p r e m i è r e r a is o n e s t la m ê m e . L e s d e u x iè m e e t t r o is i è m e s o n t d a n s
l’ordre i n v e r s e c h e z C e ls e e t J a m b l i q u e (C e ls e : p u n it io n , p u r if ic a t io n ; J a m b l i ­
q u e : p u r ific a tio n , p u n itio n ).
LA CHUTE DE L ’AME 73

Dieu, de même que l’âme de chacun de nous, pour que le monde


soit complet : car il fallait que toutes les espèces de vivants qui
existent dans le monde intelligible existassent aussi dans le monde
sensible ». D’après Plotin, les textes de Platon -permettent donc
de distinguer deux opinions divergentes : dans la première, la
descente est mauvaise puisqu’elle comporte une chute dans la
matière, qui est mauvaise; dans la seconde, la descente est bonne
puisque, sans parler même de l’Ame du Monde, elle contribue
à l’achèvement du monde sensible en le remplissant d’autant
d’espèces de vivants qu’il y en a dans le monde intelligible.
Ce principe de division doit nous servir de guide. Il marque
en effet deux courants opposés, l’un optimiste (A), l’autre pessi­
miste (B), qui seront nos deux grandes classes. Dans ces deux
classes, les δόξαι de Jamblique, jointes à d’autres textes, nous
amèneront à reconnaître un certain nombre de subdivisions.

1. Courant optim iste .

A. Achèvement du monde (et administration des choses terrestres).


C’est ici, comme l’indiquent Plotin, IV 8, 1. 41 (έν Τ ιμ α ίω τόν
κόσμον έπαινεϊ) et Jamblique, ρ. 378.25 (les Platoniciens de l’école
de Taurus έπομένως τω Τ ιμ α ίφ ), la doctrine même de Platon
dans le Timée. Rappelons les passages essentiels : Tim. 39 e 3 :
« Cependant, du fait que tous les vivants n’avaient pas encore
été produits à l’intérieur du monde et qu’il ne les comprenait pas
encore, de ce point de vue il demeurait dissemblable du Modèle.
En conséquence donc, ce qui restait à accomplir de son ouvrage,
Dieu se m it à le faire, visant à reproduire la nature du Modèle.
Pour autant donc que l’intellect voit de Formes présentes dans
le Vivant réel, telles et en tel nombre, c’est de telles formes et en
tel nombre que le Dieu a pensé que dût contenir aussi ce monde
visible » ; Tim. 41 b 7 : « Il reste encore les espèces mortelles, trois
en nombre, qui ne sont pas encore venues à l’être. Or, sans leur
venue à l’être, le Ciel ( = le Monde, cf. 28 b 3, 92 c 7 /9) sera incom­
plet. Car il ne comprendra pas en lui-même toutes les espèces de
Vivants, et il faut qu’il les comprenne s’il doit être parfaitement
complet » (1); enfin la conclusion (92 c 6) : « Ainsi naquit ce1

(1) Sur ce passage, voir la bonne note de Taylor, p. 253. Le Démiurge


a créé lui-même les άθάνατα : il reste donc les θνητά. De ceux-là aussi Dieu veut
l’existence pour que le monde soit complet (le monde, étant fait d’opposés,
!|î
rj;
74 LA RÉVÉLATION D’HERMÊS TRISMÉGISTE

monde, réceptacle de tous les vivants mortels et immortels qui


le remplissent en toute plénitude, Vivant visible embrassant les
visibles, image du Vivant Intelligible, dieu perceptible, très grand,
tout excellent, très- beau, très parfait, ce Ciel visible qui est un et
seul de sa race ».
Cette conception du Timée a fortement influé sur la littérature
impériale; elle y a revêtu divers aspects.
Parfois nos auteurs se bornent à reproduire la doctrine et ju s­
qu’aux expressions mêmes du Timée. C’est le cas de Plotin (1) et
de certains des disciples platoniciens de Taurus qui enseignent
que les âmes sont envoyées par les dieux sur la terre pour l’achè­
vement de l ’univers (εις τελείωσιν του παντός Jam bl. 378.28 =
«ΐ μέλλει τέλεος ίχανώς είναι Tim. 41 c 1, τελεώτατος 92 c 9). Ce
sera le cas, nous le verrons bientôt, d’Arnobe dans une objection
qu’il se fait.
Il semble qu’on puisse rattacher à cette doctrine celle, courante
sous l ’Empire, de l’homme « ornement » du monde, κόσμου κόσμος, qui
paraît en plusieurs écrits hermétiques : C.H. IV 2 (49.10) κόσμον Si
θείου σώματος κατέπεμψε τον άνθρωπον, ζψου άθανάτου (κόσμον) ζφον
θνητόν, Ascl. 10 (308.13) l ’homme efficit ut sit ipse et mundus uterque
ornamento sibi, ut... mundus, Graece rectius κόσμος, dictus esse videa-
tur. Néanmoins, dans la pensée de l’auteur de l'Asclépius, l’homme
achève ou orne le monde non pas seulement par sa présence ici-
bas, mais par le soin qu’il prend des choses terrestres, munde
mundum sercando (11, p. 310.13). Dieu a créé l’homme (a) pour
que celui-ci le contemple à travers le monde (cf. vol. II), (b) pour
qu’il imite la raison divine et le soin que Dieu prend des choses
(8, p. 305.9) ; l’homme a été formé pour mirari atque adorare caelestia
et incolere atque gubernare terrena (306.4, cf. colit terram 302.12,
terrenum cultum 308.2, etc.). Sous cet aspect * dynamique », si je
puis dire, la doctrine du Timée correspondait à l’éthique stoïcienne
des administrateurs impériaux du u e siècle, et il faut voir là sans

doit contenir toutes les paires d’opposés, donc aussi άθάνατα — Θνητά, cf.
Héracl. fr. 62 D ). Il en résulte que la mort, même celle de ihoram e, n’est pas
dans ce système la suite d’un péché, mais fait partie du plan originel. En
contraste, C. H. I 15 où, en raison du péché de ΓΆνΘρωπος, l’homme à venir
sera θνητός bien qu’immortel par nature (άθάνατος γάρ ών..., τά θνητά πάσχει).
En contraste aussi, Sap. Sal. 1, 13 ό θεός θάνατον ούκ έποίησεν, 2, 24 φθόνψ Si
διαβόλου θάνατος είσηλθεν είς τόν κόσμον: Noter pourtant, chez Platon, que, si Dieu
lui-même a créé les άθάνατα, il confie la création des θνητά aux dieux inférieurs.
(1) Cf. P lot. IV 8, 1.47 πρός τό τέλειον αύτό είναι* έπειδή ίδει, όσα έν < ζτφ >
νοητώ κόσμφ, τά αυτά ταΰτα γένη ζφων καί έν τω αίσθητω ύπάρχειν, souvenir
évident de Tint. 39 e 8 ήπερ οδν νους ένούσας Ιδέας τω &έστιν ζωον, οίαί τε ένεισι
καί δσαι, καθορά, τοιαύτας καί τοσαύτας διενοήθη δεΐν καί τόδε σχεϊν.

t
LA CHUTE DE L’AME 75

doute une des raisons qui ont le plus contribué à la rendre popu­
laire.
Dans sa discussion contre les viri novi, Arnobe, on l’a dit plus
haut (p. 63), leur pose la question suivante : « Comment, si elles
étaient vraiment hiles de Dieu, les âmes eussent-elles, par un
mouvement irréfléchi ( imprudenter), gagné ces lieux terrestres? ».
A quoi il se fait à lui-même (1) une série de réponses, dont naturel­
lement il triomphe. Les deux premières sont inspirées du Tintée
soit à la lettre, soit sous la forme « dynamique ». On objecte d’abord :
« 11 fallait bien que ces lieux aussi fussent habités, et voilà pourquoi
le Dieu tout-puissant a envoyé ici-bas les âmes comme en des
sortes de colonies » (II 37, p. 78. 1 ss. R.). Arnobe ayant demandé :
« Mais de quelle utilité les hommes sont-ils au monde, quelle raison
les rend ici nécessaires », l’objection fictive est ainsi complétée,
par un rappel de la lettre même du Timée : « Les hommes contri­
buent à consommer l’achèvement de l’ensemble du monde (ad
eonsummandam huius molis integritatem) et, sans cet appoint,
l’univers en sa totalité reste imparfait et défectueux » (imperfecta
et clauda est universitatis haec summa, p. 78. 5 ss. R.). Ceci conduit
à un sombre et beau passage d’Arnobe : Le monde, même sans
l’homme, continuerait bien de remplir son office. Astres, saisons,
vents, nuages et pluies obéissent à des lois nécessaires, « et l’ordre
originel ne cesserait pas de se poursuivre, même si le monde, jamais,
n’avait entendu parler de l’homme et que cet orbe terrestre fût
resté à jamais muet dans le silence de ses espaces désolés » (78.
8 ss. R.). Vient alors l’ argument « dynamiquè », que nous tirons
de la réponse d’Arnobe : « Comment donc peut-on objecter qu’il
a fallu cet appoint d’un habitant terrestre (l’homme), alors qu’au­
cune des inventions de l’homme ne profite au perfectionnement
du monde, mais que toutes ses entreprises visent à son avantage
particulier et ne sortent jamais des bornes de sa propre utilité? »
C’est ici l’argument même de YAsclépius (8, p. 306.15) : <La partie1

(1) U est difficile de penser en effet qu’il s’agisse bien là de réponses des
viri novi. Pour ceux-ci, qui sont franchement dualistes (ci. II 16 at dum ad
corpora labimur..., ex mandants circuits secuntur nos causas, quibus mali simus et
pessimi), le monde est mauvais, le corps est un lieu d’ignominie. Comment
concilier cette thèse avec celle de la bonté du monde que supposent nécessai­
rement les réponse- T? 37 ss.? J e sais bien que Plotin concilie les deux
thèses IV 8,5 . I ss. r w v sï ¿XkriXou;ij te etç-réveoivoiropà f) et e t; tiXcîokjiv
xàQoSoç toü kx'" : ¡ces deux se 'ir-·· ‘ au Timée) f) t* Stxij té xc «nrrjXaiov, Jj «
àvdyxj) to es ' nov.èr -spl^ei·.- -lov1) dvd-po). Mais, comme on le voit par
les chapit recéderr -i particu. V 8, 3. 21 ss.), cette solution est propre
au philos .ie et sup, îute sa d e de l’âme.
76 LA RÉVÉLATION D’HERMÈS TRISMÉGISTE

terrestre du monde est conservée par la théorie et la pratique des


arts et des sciences, dont Dieu a voulu que le monde ne pût se
passer pour être parfait » (1).
Dans cette doctrine optimiste, qui se réfère directement et par­
fois de manière explicite au mythe démiurgique du Timée, c’est
en général Dieu lui-même qui envoie les âmes (ou l ’homme) sur
la terre :π « ρ ά του θεοϋ έπ έμ φ θη , sc. ή ψυχή (Plot. IV 8, 1.47),
κ α τέπ εμ ψ * τόν άνθρωπον (C.H. IV 2, ρ. 49.11), deus omnipotens
m is it (Arn. I I 37), π έμ π εσ θα ι τάς ψυχάς ΰπ6 θεών εις γην (Taurus
αρ. Jam bl., ρ. 378.26 W .), facit hominem (Ascl., ρ. 305.12). D’autre
part, puisque, dans une telle conception inspirée du Timée, le monde
est regardé comme bon, il est légitime de croire que les âmes des­
cendent έκαύσιοι, soit que, oomme dit Jamblique (379.8), l’âme
ait choisi elle-même d’administrer les choses terrestres (ή έλομένης
αυτής της ψυχής την διοίκησιν των περί γήν), soit qu’elle obéisse
(volontiers) au commandement des dieux (ή πειθαρχούσης τοΐς
κρείττοσιν). U faut prendre garde ici que cette notion de Γέκουσίως
est équivoque. Elle appartient normalement à la conception opti­
miste, puisque le monde est bon et qu’on ne voit pas pourquoi
les âmes n’y descendraient pas έκούσιοι, d’elles-mêmes ou par
obéissance au Monarque. Mais la notion peut appartenir aussi
à la conception pessimiste, dans le ?-■' où, par un mouvement
propre et volontaire qui est, cette fois, un péché, les, âmes choisis­
sent d’aller au monde, qui est mauvais en fait, mais leur parait
bon. E n ce cas, les âmes descendent, de nouveau, έκούσιοι. Cepen­
dant l’on voit aussitôt que leur spontanéité a un tout autre sens
que dans la doctrine précédente. C’est sans doute à cette sponta­
néité fautive que croyaient, comme beaucoup d’autres Gnostiques,
les viri novi d’Amobe, si l’on prend à la lettre II 47 (p. 85. 7 R.)
sed sua, inquitis, voluntate, non regis missione vénérant (2). Mais
peut-être inquitis (3) n’est-il qu’un trait de rhétorique : noter
dicetis, « direz-vous », en II 49 (p. 86.13) (4).1

(1) quae part terrena mundi artium disciplinarumque cognitione atque usu
s e r v a t u r , s i n e q u i b u t m u n d u m d e u s n o lu it e s s e p e r fe c t u m . Pour
servatur et perfectum, cf. Jam bl. p. 3 8 0 .7 4 μέν γάρ tnt βω τηρία καί χαθάρση
καί τ ε λ ε ι ό τ η τ ι των Tjjic κατιοΰαα, Am. II 37 ad consummandam molis huius
in t e g r it a t e m ,... nihil ad mundi p e r fe c t io n e m redire.
(2) Cf. déjà I I 16 (où les viri novi parlent eux-mêmes) : Nous sommes fils
de Dieu, donc parfaits, at dum ad eorpora labimur et p r o p e r a m u s Humana
= « nous nous empressons vers les corps humains », preperare = βπκύβειν qui
a valeur presque technique dans cette littérature, cf. Harv. Th. R ., X X X I
(1938), p. 8, n. 41.
(3) Qui revient plus bas, II 52 (88.26).
(4) E t de même si... dicas 86.27, dicatis... dicite 87.10 ss.
LA CHUTE DE L’AME 77

B. L'âme pure représente les dieux sur la terre.

Parmi les Platoniciens de l ’école de Taurus, dit Jamblique


(379.1 se.), une seconde classe pense que les âmes ont été envoyées
ici-bas pour « donner en spectacle la vie divine », εις θείας ζωής
έπίδειξιν. Car, explique-t-il, quand les âmes mènent une vie pure
et immaculée, elles montrent en spectacle (έπιδείκνυνται) les dieux
eux-mêmes. Malgré de longues recherches, je n’ai pu trouver
aucun parallèle à ce texte. Sans doute, l ’idée que le sage est
« un dieu parmi les hommes » est banale : ζήσεις ως θεός έν
άνθρώπσις (Epie. I I I 135). Sans doute aussi l’idée d’une proces­
sion dans le monde divin (προέρχονται γάρ είς τούμφανές οί θεοί,
Jam bl. 379.4) depuis le terme suprême jusqu’à l’âme est courante
dès le temps de Numénius (cf. ch. I). Mais je n’ai point souvenance
d’avoir lu ailleurs que le dessein des dieux (τούτην γάρ είναι τήν
βούλησιν των θεών) çn envoyant les âmes sur la terre ait été
de se manifester à travers elles (θεούς έκφαίνεσθαι διά των ψυχών),
ni que cette doctrine ait appartenu aux platoniciens du n e siècle.
Quoi qu’il en soit, il parait légitime de rapporter cette δόξα au
courant optimiste — elle témoigne d’une vue optimiste de la vie
humaine — , même si elle n’a point de rapport avec la doctrine
précédente, issue du Timée.

2. Courant pessim iste .

Le problème est ici beaucoup plus complexe. Distinguons tout


d’abord entre la chute originelle, la πρώτη κάθοδος, et les réincar­
nations, car un certain nombre de nos textes peuvent s’appliquer,
de prime face, à l’une ou aux autres.
Résumant, en IV 8, la doctrine dualiste de Platon, Plotin men­
tionne la πτερορρύησις du Phèdre comme cause de la descente ici-
bas (αίτια τής ένταϋθα άφίξεως IV 8, 1.36) et ajoute (1. 37 ss.) : « des
périodes, selon Platon, ramènent l’âme ici-bas après qu’elle est
remontée, et ce sont des jugements (κρίσεις), des tirages au sort
(κλήροι), des lots de fortune (τύχαι), des nécessités (άνάγκαι), qui
font descendre d’autres âmes sur la terre ». Ailleurs (IV 8, 5.2)
dans un résumé analogue, il rappelle de nouveau le châtiment
(δίκη), la nécessité (άνάγκη) et le libre arbitre (τύ έκούσιον). AJbinus,
selon Jamblique (p. 375. 10), donne pour cause des activités qui
mènent l’âme en bas (τά καταγωγά ένεργήματα) une décision
fautive du libre arbitre (ή του αύτεξουσίου διημαρτημένη κρίσις).
78 LA RÉVÉLATION D’HERMÈS TRISMÉGISTE

Jamblique, dans le second passage de la I I e section (380.9 ss.),


signale les deux δόξαι que voici : l’âme vient ici-bas pour redresser
ses propres mœurs (διά γυμνασίαν καί έπανόρθωσιν των οικείων
ήθών 380.10) ; l’âme descend par punition et en vertu d’une condam­
nation (έπί δίκη καί κρίσει 380.12).
Maintenant, Plotin se réfère explicitement, en IV 8, à des ensei­
gnements de Platon (IV 8, 2.1 ss.). Je ne vois pas de difficultés,
pour ma part, à rapporter la δόξα d’Albinus chez Jamblique à
des passages du Didaskalikos (1). Or celui-ci est un résumé, parfois
littéral, de la philosophie platonicienne. L a δίκη καί κρίσις de
Jamblique fait manifestement songer à des expressions de Platon
telles que Phèdre 249 a 6 κ ρ ίσ εω ς έτυχον, κ ρ ιθ εϊσ α ι δέ,... αί μέν...
δίκην έκτίνουσιν, αί δ’... ύπο της δίκης κουφισθεϊσαι etc. Mais la
difficulté est que, chez Platon, nous n’avons pas seulement une
doctrine des réincarnations en punition des fautes commises ici-
bas : en un dialogue du moins, dans le Phèdre, Platon admet la
notion d’un péché originel commis au ciel avant la chute, et dont
résulte la chute (2).
Dans le célèbre morceau sur l’attelage de l’âme (Phèdre 246 a ss.),
Platon parle sans doute de la nature de l’âme en général, divine
ou non divine (ψυχή πάσa = « tout ce qui est âme » 246 b 7), mais
il a bien soin de distinguer entre la perfection absolue de la première
et la perfection relative de la seconde : θεών μέν οδν..., το δέ
των άλλων μέμικται 246 b 1, τελέα μέν οδν..., ή δέ πτερορρυήσασα
246 c 1/2, ή δή τά μέν θεών όχήματα... ραδίως πορεύεται, τά δέ
άλλα μόγις 247 b 2 /3, καί οδτος μέν θεών βίος, αί δέ άλλαι ψυχαί-
248 a 1. L ’attelage de l’âme non divine est composite, l’un des
chevaux est bon, l’autre mauvais, en sorte que la conduite du char
est pénible et difficile (246 b). Il en résulte que les âmes non divines
sont sujettes à faillir au ciel même. Chacune d’elles, si elle le veut
et le peut (247 a 6), est libre de s’attacher au cortège de l’un des
dieux. Si elle suit le dieu fidèlement durant tout le cours d’une
révolution céleste, elle recommence alors une nouvelle révolution
(άτ’ οδν θεοϋ διάνοια ...καί άπάσης ψυχής όση αν μέλη κτλ. 247 d 1,
ή μέν άριστα θεοϊς έπομένη 248 a 1, θεφ ξυνοπαδός γενομένη
(1) Sur les passages du Didaskalikos auxquels pourrait se rapporter la
δόξα de Jamblique, cf. Append. I, p., 210, n. 3.
(2) Cette doctrine fait contraste avec celle du Timée selon lequel, dans
l’état où elles sortent des mains de Dieu, les âmes sont toutes également bonnes,
i et la première naissance est établie identique pour tous les êtres (humains)
afin que nul ne soit moins bien traité par Dieu » \Tim. 41 e 3-5). Les inégalités
ne viennent qu’après, au cours des réincarnations (Tim . 42 b 5-c 4), cf. Rev.
Philol., X X I I , 1948, pp. 172 ss.
LA CHUTE DE L’AME 79

248 c 3). Si, par la faute du mauvais cheval, elle n’a pu suivre
le dieu, elle perd ses ailes et tombe dans un corps terrestre
(όταν Sè άδυνατήσασα έπισπέσθαι 248 c 6, ή δέ πτερορρυήσασα
φέρεται έως αν... σώμα γήϊνον λαβοϋσα 246 c 2). Il y a donc là
une faute originelle, dont l’âme n ’est peut-être pas entièrement
responsable en raison de sa composition, mais dont la conséquence
n’en est pae moins inéluctable : l’âme perd ses ailes et tombe,
πτερορρύησιν (λέγει Πλάτων) αιτίαν τής ενταύθα άφίξεως (Plot. IV
8, 1.37).
Maintenant on notera qu’il n’est pas question ici de jugement
divin ou de châtiment : c’est par une sorte de nécessité physique
que l’âme qui n’a pu suivre descend ici-bas. L a mention d’une
κρίσις et d’une δίκη dans le Phèdre ne vient qu’après, au sujet des
âmes incarnées (249 a 5 ss.). Celles-ci, quand elles ont terminé
leur première existence terrestre, passent en jugement (κρίσεως
έτυχον). Si elles ont mal vécu, elles purgent leur peine (δίκην έκτί-
νουσιν) dans les prisons souterraines ; si elles ont bien vécu, rendues
plus légères par l’effet de la sentence (ΰπό τής δίκης κουφισθεϊσαι),
elles montent à un endroit du ciel. Les unes et les autres, après
mille ans, recommencent une autre vie humaine, chacune étant
libre de choisir le corps où elle habitera (249 b 1, cf. Rép. X 617 d ss.).
Voyons maintenant si les δόξαι de Plotin, d’Albinus (ap . Jambli-
que) et de Jamblique s’appliquent à la πρώτη κάθοδος ou aux
réincarnations. Plotin traite évidemment, en IV 8, de la πρώτη
κάθοδος. Néanmoins, dans son résumé du dualisme platonicien
(IV 8, 1 et 5), il confond les deux descentes puisqu’il parle tout
ensemble de la πτερορρύησις et de la δίκη. L a δόξα d’Albinus {ap.
Jamblique) pourrait, à la rigueur, se rapporter à la πτερορρύησις
conséquente à la faute céleste. Mais est-il vrai que, dans le Phèdre,
cette faute résulte d’un libre choix? Le texte du Phèdre donne plu­
tôt l’impression d’un pénible combat (ϊνΟα δή πόνος τ* καί άγών
έσχατος 247 b 5) où l’âme est comme entraînée par son poids
vers la terre. D’autre part, ή τοΰ αυτεξουσίου κρίσις a bien de la res­
semblance avec 1’αίτία έλομένου platonioienne au sujet d» a réin­
carnation. Des deux δόξαι de Jamblique,la seconde, avec λ ntion
d’une κρίσις et d’une δίκη, doit concerner plutôt la réinc ion.
E t il semble que la première (redressement des âmes sur re)
s’y rapporte aussi. Car d’une part, loin que la première < des
âmes soit présentée dans le Phèdre c mme un moyen de ■ . reotion,
elle y apparaît comme la triste conséquentr l’inéluc able effet
d’une disgrâce (καί τινι δυστυχίφ χρησαμένη 2 7) ; désormais 1n e
80 LA R É V É L A T IO N D ’ H E R M È S T R IS M É G IS T E

sera privée de la vue merveilleuse des Idées. D’autre part, c’est


dans la perspective des réincarnations que l’âme, au cours d’une
nouvelle existence, est appelée à réparer les fautes d’une vie ter­
restre antérieure.
Il reste un dernier texte litigieux, celui de Porphyre. Dans la
Cité de Dieu (X 30, X I I 21), saint Augustin mentionne à deux
reprises la cause initiale assignée par Porphyre à la chute des âmes
dans le de régressa animae (fr. 11, 1, p. 39*. 4 B .; fr. 11, 4, p. 41*.
22 B .). C’est à propos du dogme platonicien des réincarnations
Porphyre, dit Augustin, a corrigé Platon sur deux points. Premiè­
rement, il n’accepte pas la métensomatose en un corps de bête.
Deuxièmement, il admet que l’âme, une fois entièrement purifiée,
ne retombe plus jamais dans un corps d’homme. Dicit etiarn ad hoc
Deum an im an t mundo d ed isse, ut m a te r ia e c o g n o scen s m a la
ad P a trem r ec u r r e r e t nec aliquando iam talium polluta contagione
teneretur (p. 39*.4), ce qui est repris plue loin en ces termes (p. 41*.
22) : quod in libro decimo commemoravi, dicere maluit (Porphy-
rius) animam p r o p te r cog n o scen d a m a la traditam mundo, utab eis
liberata atque purgata, cum ad Patrem redierit, nihil ulterius taie
patiatur. Selon cette conception donc, la descente de l’âme est
voulue par Dieu : Deum animam mundo dedisse (1). Cette descente
a le caractère d’une épreuve : l’âme est appelée à connaître materiae
m ala; cette connaissance la porte à revenir en hâte vers le Père,
at... ad Patrem recurreret; dans ce dessein, elle se purifie du corps
(unde quoniam Porphyrius propter animae purgationem dicit corpus
omne fugiendum, fr. 11, 2, p. 41*. 1) jusqu’à ce que, toute libérée
et purifiée (p. 41*. 24), elle retourne définitivement chez le Père.
Autant qu’on en puisse juger (nous n ’avons ici que la mention,
par saint Augustin, de doctrines porphyriennes détachées de leur
contexte), il semble bien que ces passages du de regressu concer­
nent la πρώτη κάθοδος. Porphyre, selon saint Augustin, a amendé
les dogmes platoniciens sur deux points. Tout d’abord (p. 38*.
20 B .), « il estime que les âmes humaines ne peuvent être préci­
pitées que dans des hommes » (2), non pas donc en des corps de12

(1) Tout le contexte montre qu’il ne s’agit pas de l’Ame du monde, mais
bien de Tftme humaine : c’est cette âme seule qui est sujette à la métenso­
matose. Voir aussi Zeller, III 2·, p. 716 (n. 2 de la p. 715) : « mundo dedisse
{was aber nach dem folgenden nur bedeuten kann : er lasse die Seelen deshalb
in die Körperwelt eintreten) ».
(2) in sotos homines... præcipitari passe. Cf. elç iv8p<oTtov ùmxpépeo9ai chez
Clément d'Alexandrie [sic P en Protrept. I X , 1, p. 63.4 St.) et, sur cette
expression, R . S e. Ph. Th., X X , 1931, pp. 476 ss., X X V I , 1937, pp. 41 s.
L A C H U T E D E L ’A M E 81

bêtes : il s’agit ici, évidemment, de la réincarnation d’âmes qui ont


péché au cours de leur première vie terrestre, car il n’a jamais
été question, ni pour Platon, ni pour les néoplatoniciens, d’une
première incarnation en des corps d’animaux. Ensuite Porphyre
« a corrigé l’opinion des autres Platoniciens, et sur un point consi­
dérable, en ce qu’il a professé que l’âme, une fois purifiée de tous
les maux et établie avec le Père, ne subira jamais plus les misères
de ce monde » (p. 38*.27 B.). Le second texte cité plus haut (p. 80)
est précédé par ces mots (p. 41*.18) : « S ’il est vrai, en effet, que
le platonicien Porphyre n’a pas voulu suivre l’opinion de son école
touchant les circuits des âmes, la perpétuelle alternance de leurs
descentes et de leurs remontées ». Enfin, dans un passage où
saint Augustin résume la doctrine de Porphyre sur ce point ( Civ.
Dei X I I I 19 = fr. 11, 5, p. 41*.26 B .), il s’exprime ainsi : « Nous
avons dit plus haut déjà (X 30, X I I 21) que Porphyre a eu honte
de ce dogme platonicien, et que non seulement il n’a pas voulu du
corps des bêtes pour les âmes humaines, mais encore qu’il a décidé
que les âmes des sages seraient libérées des chaînes corporelles,
en sorte que, fuyant toute espèce de corps, elles se tiennent éter­
nellement heureuses auprès du Père ».
Il n’y a donc, pour les âmes ici-bas sages, qu’une seule incarnation,
et le motif invoqué pour cette incarnation, connaître materiae
mala, est par suite le motif de la πρώτη κάθοδος. D’autre part,
comme il dépend des âmes mêmes de se conduire ici-bas bien ou
mal, ce motif de la πρώτη κάθοδος doit être le même pour toutes
les âmes. Il en résulte dès lors que les âmes sont toutes envoyées
sur la terre pour une sorte d’épreuve : elles ont à connaître
le mal (1). Si, l’ayant connu, elles le dominent, elles remontent
définitivement au ciel ; si elles y succombent, elles sont réincarnées,
mais seulement en des corps d’hommes.
Au reste, il n’est pas sûr que Porphyre ait été partout conséquent1

(1) Plotin exprime une fois l’idée (IV 8, 7.12 ss.) que la connaissance du
mal fait mieux apprécier à l’âme la beauté de l’intelligible. Même plongée
ici-bas, l’âme peut remonter à la surface ιέξαναδϋναι) et, par comparaison avec
les maux (contraires du Bien), elle apprend à mieux connaître « les choses
meilleures », καί τη παραθέσει των otov έναντίων σαφέστερο» τα άμείνω μαθούση. Car
l’épreuve du mal fait voir plus clairement le Bien à ceux qui ne sauraient par
eux-mêmes « connaître le mal de science certaine avant de l’avoir éprouvé »
(Bréhier), γνώσις γάρ έναργεστέρα τάγαθοϋ ή τοϋ κακοδ πείρα οίς ή δύναμις
άσθενεσθέρα ή ώστε επιστήμη τ4 κακ4ν πρ4 πείρας γνώναι. Ailleurs (II 9,4.19 ss.),
à propos des Gnostiques, Plotin observe que, dans leur thèse, les âmes indivi­
duelles ne devraient plus renaître : ήδη ϊδειμηκέτι έλθεΐνείς γένεσιν πάλιν πειρα-
θείσας èv τή προτέρα γενέσει των τήδε κακών ώστε ήδη άν έπέλιπον
Ιοδσαι.
LA »ivÍLA TIO H D’ S ÏS M à s TMSMÍGISTE. — III. 7
82 L A R É V É L A T I O N D ’H E R M È S T R I S M É G I S T E

avec lui-même sur le motif de l’incarnation. Dans la dernière


section, eschatologique, du π. ψυχής, Jamblique nous rapporte,
de Porphyre, la δόξα suivante (p. 457.19 W.) : « Porphyre exclut
complètement les âmes de la vie indépendante (1), dans la pen­
sée qu’elles sont naturellement liées à la génération (συμφυείς
τή γενέσει) et qu’elles ont été données aux vivants composés
pour leur porter assistance (προς επικουρίαν) ». Il semble dès
lors que, touchant la πρώτη κάθοδος, Porphyre se soit rattaché
parfois à la conception optimiste inspirée du Timée. Peut-être
n’a-t-il pas senti que cette doctrine faisait contraste avec celle du
de regressu. Ou peut-être aussi sommes-nous trop mal renseignés
sur Porphyre pour savoir exactement ce qu’il pensait.
Venons-en maintenant à l’objet propre de notre enquête : les
raisons de la πρώτη κάθοδος dans la conception pessimiste.
Le problème que se posaient les platoniciens dualistes et les
gnostiques n’est pas celui des réincarnations, qui n’oifre aucune
difficulté, mais celui de la πρώτη κάθοδος, où, rappelons-le, on ren­
contre la redoutable aporie que voici. Dans le système dualiste,
il est présupposé que la matière est essentiellement mauvaise,
donc aussi le monde, donc le corps : dès lors la descente de l’âme
est un mal. D’autre part, c’est un autre présupposé que l ’âme est
fille de Dieu, heureuse au ciel. Enfin le Dieu Père de l’âme est bon
par définition. Comment donc expliquer la chute?
La solution des dualistes, philosophes ou gnostiques, s’est
inspirée de Platon. La cause première de la chute ne peut être
un vouloir à priori du Dieu suprême, puisque celui-ci est bon et
que la descente est un mal. Le dogme platonicien vaut encore
ici : αιτία έλομένου, θεός αναίτιος [Rép. X 617 e 4) (2). Cette cause
doit se trouver dans l’âme elle-même et les conditions du problème
ne laissent que deux solutions. Ou bien l’âme a péché au ciel avant
la chute, et c’est en punition de ce péché que les dieux (ou Dieu)
l’envoient sur la terre : il y a donc bien là, sans doute, une βούλοσις
των θεών, mais conséquente à un choix libre des âmes, en sorte
que Dieu est, cette fois encore, άναίτιος. Ou bien le péché de l’âme
consiste dans sa chute même, dans la décision qu’elle prend de
descendre, le motif de ce libre choix pouvant varier d’ailleurs
selon tel ou tel auteur. Voyons tour à tour ces deux solutions.12

(1) άπό τής άδεοπότου ζωής = de la vie souverainement indépendante au ciel,


cf. Z e l l e r , III 2*, p. 714 (qui traduit « absolut », n. 1).
(2) a . Rev. Philol.: I. c. (supra, p. 78, n. 2), p. 166.
L A C H U T E D E L ’A M E 83

A. Péché avant la chute.

Parmi les textes hermétiques, c’est la Korè Kosmou qui nous


offre le type le plus net de péché antérieur à la chute, et dont la
chute se trouve être la conséquence et le châtiment : « reconnaissez
donc », dit Dieu aux âmes après leur faute, « que c’est pour votre
faute passée que vous subissez ce châtiment de l’incorporation » (40 ).
J ’airésumé déjà plus haut (pp. 37-38) le cadre général de cetouvrage.
Reportons-nous donc au moment où, après avoir chargé les âmes
de créer les animaux, Dieu se retire (21 ). Que font alors les
âmes? « 22 . Ayant pris ce qui avait été mélangé de la matière (1),
d’abord elles l’examinaient (2), elles faisaient la révérence à (3)
la mixture du Père et cherchaient à savoir de quoi elle avait été
composée... Ensuite, de ce qu’elles se fussent livrées à cette recher­
che, la terreur les gagnait d’encourir la colère du Père, et elles
se tournèrent vers l’exécution de ses ordres ». Les âmes modèlent
donc les corps des animaux (23 ). Puis : « 24 . E t ces âmes, comme
si elles avaierft accompli un exploit, d’ores et déjà s’armaient d’une
audace indiscrète (4) et transgressaient les commandements;
elles quittaient maintenant leurs propres sections et dépôts et ne
consentaient plus à demeurer en un seul lieu, mais ne cessaient
de se mouvoir : continuer d’être attachées à une seule résidence,
elles le regardaient comme une mort ».
Il y a ici, manifestement, deux péchés. Un péché de curiosité;
un péché d’audace et de désobéissance. L ’auteur s’étend plus1

(1) Il s’agit de la matière dite Ψύχωσις d'où ont été tirées les âmes, cf. 15.
(2) κατενόουν. La κατανόησις est d’abord « observation, considération,
examen », d’où résulte la perception, la compréhension d’un objet. Le mot
est significatif et revient trois fois dans le récit de la faute de l'Anthrôpos,
C. H. 113 : κατανοήσας p. 10.19, κατενόησε p. 10.22, κατανοήσαι p. 11.5 (où le
καταπονησαι de Flussas est ingénieux, mais faux : l’auteur insiste précisément
sur le péché de περιεργία ).
(3) καί τότοΰ πατρός προσεκύνουν κράμα. Scott exclut ces mots qui étonnent
en effet dans le contexte, puisque, à ce premier moment, les âmes « ne sont
disposées ni à adorer la mixture ni à adorer Dieu qui la leur a confiée, mais que,
au contraire, elles sont entraînées à une irrévérente curiosité » (Scott, III,
p. 517). J ’avais songé à προσεκύκων (έκύκων déjà Ferguson, IV, p. 452) : ces âmes
• remuent et brouillent » la matière comme Dieu lui-méme avait fait auparavant
1$ιεκ(νησε 1 4 , 9, εύ τε κινήσας 1 8 , 4). Mais προσεκύνουν peut s’entendre dans le
sens ironique, cf. P l a t . Hép. III 398 a : dans la cité idéale, s’il arrive un poète,
προσκυνοΐμεν âv αυτόν ώ, ·:?όνκαΙ θαυμαστόν καΐήδύν, mais on le renvoie ailleurs,
» oint de myrrhe et co nnè de bandelettes ». Comme le remarque Ferguson
(I. c.), il y a ici une n ie burlesque. De même Theiler (par lettre) : « Wie
böse Buben sagen die n zwar zuerst dankschon (um προσεκύνουν etwas zu
modernisieren), statt aber aus befohlene Werk zu gehen, probieren sie
i·:· '•st am κράμα he um. Alles > dlenistisch spielerich, leicht absurd ».
, ■ Ou « d’une curiosi' insoi· ερίεργον ώπλίζοντο τύλμαν.
84 L A R É V É L A T I O N D ’H E R M Ê S T R I S M É G I S T E

longuement sur le second, mais il y a lieu de croire que c’est le


premier qui importe le plus, car, d'une part, dans la suite de la
Korè Kosmou, l’auteur condamne à plusieurs reprises la περιεργία,
et d’autre part ce péché, comme nous le verrons, est spécialement
réprouvé par l’hermétisme.
D éjà, dans la description de la seconde faute, l’auteur parle de
la περίεργος τόλμα des âmes. Or ces mots pourraient définir aussi bien
leur premier crime : Dieu avait livré aux âmes une mixture sacrée,
et c’est donc une άσίβεια que de chercher à la connaître. Mais il y
a plus. L ’expression reparaît dans le discours où Momus blâme
Hermès d’avoir créé l’homme (4 6 είτα oû καί μέχρις ουρανού
π ερίεργον όπλισθήοονται τόλμαν) et les deux notions de περιεργία
et de τόλμα sont constamment associées dans ce même passage :
l’homme sera π ερ ίερ γ ος δφθαλμοΐς (44), il prétendra δραν τολμη-
ρω ς les beaux mystères de la nature (¿6.), il étendra τολμηράς
χεϊρας pour reohercher (έπί ζήτησιν) ce qui est par delà les mers (4 5 ).
Il faut donc. que l ’homme devienne l’esclave des passions et
qu’ainsi la curiosité indiscrète de l’âme humaine (των ψυχών αυτών
τδ π ερ ίερ γ ο ν ) soit désappointée dans son attente. Maintenant,
si l ’homme est ainsi περίεργος et τολμηρός, c’est évidemment en
raison de son âme : le péché originel de l’âme a sa répercussion
dans le composé de corps et d’âme. On est donc fondé à penser
que la curiosité audacieuse, caractéristique de l’homme, est bien
l’effet du péché originel de l’âme au ciel. Ç’a été un même péché,
qui s’est manifesté de deux façons. Une première fois, les âmes
ont été curieuses à l’égard du mélange du Père et, comme nous
l’avons vu, cette curiosité est une insolence. Une deuxième fois,
les âmes ont eu l’audace de quitter les rangs qui leur avaient été
assignés : or pourquoi cette τόλμα est-elle dite περίεργος? D’où
vient que la même expression περίεργον όπλίζεσθαι τόλμαν se retrouve
à propos de l’homme dans un contexte où la curiosité insolente
est mise en relief? On a bien l’impression qu’en quittant leurs
rangs, les âmes ont été mues par la curiosité. Elles ont voulu voir
ce qu’il y a ailleurs. Elles ne tenaient pas tant à obtenir de meil­
leures places qu’à changer de place, à connaître la place des autres :
« demeurer au même lieu leur était une mort » (1). C’est là encore
de la περιεργία, insolente parce qu’elle offense les commandements
de Dieu.1

(1) tí t-n έπί μιας μονής είναι θάνατον ήγοϋντο (24, 5-6) : cp. Héracl. ap.
Jam b l. π. ψυχής, p. 378.24 W . (‘Ηράκλειτος τιθέται) τδ μέν τοΐς αύτοϊς
έπιμένειν κάματον είναι, τδ δέ μεταβάλλειν φέρειν άνάπαυσιν (ν. aussi 375.8).
L A C H U T E D E L ’A M E 85

Il est intéressant d’observer que ce péché de curiosité est l ’un


des plus graves dans la gnose hermétique. L a curiosité est le prin­
cipe de la vaine science, et toute science est vaine qui n’a pas pour
but principal de mener à Dieu. * Les hommes qui viendront après
nous », lit-on dans VAsclépius (14, p. 312.16 ss.), « abusés par
l’astuce des sophistes, se laisseront détourner de la vraie, de la pure
et sainte philosophie. Adorer la divinité d’un cœur et d’une âme
simples, révérer les œuvres de Dieu, rendre enfin des actions de
grâces à la volonté divine..., telle est la philosophie que n’entache
nulle curiosité malencontreuse de l’esprit, haec ést nulla animi
in p o rtu n a curiositate violata philosophia ». Maintenant, si l’on
note que le péché de 7repiepYÎa dans la Korè Kosmou n’a pas son paral­
lèle dans le Phèdre (car le péché originel consiste là, plutôt, dans
une impuissance de l’âme à suivre le cortège d’un dieu), qu’en
revanche il est notoirement blâmé par l ’hermétisme (puisque la
fausse science empêche la seule Yvûotç qui compte, la connaissance
obtenue par grâce), on sera tenté de croire que ce péché est un trait
propre à la gnose hermétique et qu’il en définit l’esprit. Dieu,
et tout ce qui touche à Dieu, est objet non de recherche rationnelle,
mais de révélation et de foi. Or la révélation n’est donnée qu’aux
cœurs purs, qui se bornent à suivre, simplement, les ordres divins.
C’est là d’ailleurs une sorte de lieu commun en certains cercles
de spirituels sous l’Empire (1).

B. Péché consistant dans la chute.

L ’hypothèse d’un péché des âmes avant la chute ressortit au


mythe plutôt qu’à la philosophie. On en comprend aisément le
principe. Dieu ne pouvant être responsable de la descente, celle-ci
doit résulter d’un choix erroné de l’âme. Cette notion d’un choix
erroné, Platon l’avait appliquée à l’âme qui, après une première
naissance, se choisit un nouveau corps. L ’auteur de la Korè Kosmou
l’applique à un choix tout premier de l’âme au ciel. L ’âme peut
se décider pour ou contre l’ordre divin. Entraînée par sa curiosité,
elle se décide contre cet ordre. Telle me parait être l’origine du
mythe dans un écrit d’ailleurs tout imprégné de platonisme.
Le système que nous allons considérer, et qui fait consister le
péché non dans une transgression que suit, comme châtiment
la descente, mais dans la descente elle-même, offre une vue plus

(1) Cf. notre édition de VAsclépius, n. 115, et, pour simplici mente, ib.,
n. 120.
86 L A R É V É L A T IO N D ’ H E R M È S T R IS M É G IS T E

profonde. Il est bien question toujours d’un choix de l’&me, Dieu


est toujours irresponsable. Mais le choix porte ici sur le fait qu’à
un moment donné, par une libre décision, l’âme quitte Dieu, aban­
donne son heureux séjour au ciel, se tourne Vers le monde et s’y
attache. L a chute n’est plus ici la conséquence d’une faute, consé­
quence que non seulement l ’Ame n’a pas voulue, mais qu’elle
refuse de toutes ses forces : elle est la faute. E t la question se pose
aussitôt : pourquoi l’âme choisit-elle de tomber? Pourquoi se
détourne-t-elle de Dieu, se tourne-t-elle vers la matière? Question
aussi mystérieuse que dans le cas d’Adam, plus mystérieuse encore.
Car ce n’est pas à Adam, homme terrestre, composé de corps et
d’âme, qu’il lau t comparer le prototype céleste de l’âme : c’est
aux anges, aux anges établis au ciel, jouissant de la vue de Dieu,
éternellement heureux auprès de Lui. D’où vient qu’à un moment
donné, certains anges renoncent Dieu, refusent en quelque sorte
leur bonheur?
Tel est en somme le délicat problème devant lequel se trouvé
la gnose. Notre étude est ici conditionnée par le texte fondamental
de la gnose hermétique, le Poimandris. Or ce traité, bien des indices
le prouvent (1), est composite et sans doute de date relativement
tardive. Il semble que maints courants divers s’y soient mêlés,
dont chacun devait rapporter la chute à une faute différente.
E t ce mélange de traditions a eu pour résultat que le Poimandris
présente, au vrai, toute une succession de fautes. Je résumerai
d’abord ce qui a trait à l’aventure de l ’Anthrôpos, depuis sa nais­
sance jusqu’à son union aveo Physis. Puis j ’essaierai de distinguer
les thèmes. E t c’est à propos de chacun de ces thèmes que je noterai
les sujets parallèles chez les dualistes platoniciens (surtout Numé-
nius et Plotin) et les gnostiques païens (surtout Plotin II 9), dans
la mesure où ces sujets parallèles se laissent à peu près discerner.
L ’Anthrôpos a été enfanté par le Noûs (qui est mâle et femelle)
absolument égal à son Père, et donc pourvu de tous les privilèges
qui reviennent à la divinité (C.H. 1 12, cf. supra, pp. 15 s., 34). Cepen­
dant l’Anthrôpos examine (xaTocvofynxç, cf. supra, p. 83, n. 2) la créa­
tion que le (2e Noûs) Démiurge a façonnée dans le feu (2), et il veut
créer à son tour. Il entre alors dans la sphère démiurgique et y 12

(1) Cf. Rev. Et. Gr., L V II, 1944, pp. 262 ss., et C. H. D odd , The Bible
and the Greeks (Londres, 1935), pp. 142 s.
(2) Ou « au moyen du feu », èv m pl. Mais jtop1 est une correction (Zie-
linski) et j ’inclinerais, pour ma part, à garder t» tô>narpt, non pas au sens pro­
posé'par Dodd (The Bible and the Greeks, p. 153, n. 1) : « alors que l’Homme
se trouvait encore dans ( s uni à) le Père » (comme le note Dodd, on attendrait
L A C H U T E D E L ’A M E 87

prend connaissance dès œuvres de son frère (le 2e Noûs) ; les Gouver­
neurs (des sept cercles) s’éprennent de lui et lui donnent part cha­
cun à son propre rang (1). Ayant donc appris à connaître l’être
des Gouverneurs et participé à leur nature, l’Anthrôpos veut briser
la périphérie des cercles et connaître la puissance de celui qui
règne sur le feu (I 13), c’est-à-dire du deuxième Noûs Démiurge,
qui est « dieu du feu et du souffle » (I 9, p. 9.17 s.). L ’Homme a donc
brisé chacun des cercles, jusqu’au dernier (celui de la Lune). Il
se penche alors à travers cette ouverture « et fait montre à la
Nature d’en bas de la belle forme de Dieu ». La Nature ne le voit
pas directement, mais elle voit son reflet dans l ’eau, son ombre
sur le sol, et elle s’éprend de lui. L ’Homme, de son côté, s’étant
vu lui aussi dans le miroir de l’eau, s’éprend de sa propre image.
Il veut habiter là (sc. sur la terre), « et il vint habiter la forme sans
raison ». Anthrôpos et Physis s’unissent d’amour (I 14), et d’eux
naissent les premiers hommes.
Essayons de distinguer les thèmes, en suivant les étapes mêmes
du récit.
a) Le désir de créer à son tour, ήβουλήθη καί αύτός δημιουργείv 10.20.
Est-ce là une faute? Non sans doute dans le Poimandrès, puisqu’il
est dit aussitôt après (10.21) : καί συνεχωρήθη άπο τοϋ πατρός,
« permission lui en fut donnée par le Père ». Mais il faut prendre
garde que le Poimandrès témoigne déjà d’un dualisme mitigé,
d’un dualisme qui tend au monisme (2). Sans doute le Dieu suprême

< ώ ν > ), ni,comme le suggère Einarson (cf. n. 36 de l’édition), en rapportant


έν τώ πατρί à κατανοήσας = a ayant perçu dans le (Noûs) Père » (cf. θεωρώ έν τ£>
Not μου 9. 4, είδες έντφ Νώ 9.10), car έν τώ πατρί devrait suivre en ce cas le
verbe, mais ou bien (1 ) « ayant perçu ce que le Démiurge avait créé dans le Père >,
au sens local, puisquec’est à l’intérieur de la masse originelle du φως que se sont
produites toutes les créations subséquentes (Preuschen-Bauer comprend ainsi
Col. 1 ,1 5 /6 δς έστιν εΐχών τοϋ θεοϋ τοϋ άοράτου, πρωτότοκος πάσης κτίσεως, ότι έν
αύτφ έχτίσθητάπάντα et cp. Μ. A ur.IV 23 έν σοΙ πάντα, C. Η. V 10, ρ. 6 4 .1 3 πάντα
8έέν σο(), OUbien (2) « ... avec l’aide du Père », cf. Mth. 9, 34 έντώ άρχοντιτώ ν
δαιμόνιων έχβάλλει τά δαιμόνια, ou bien (3) « ...en union avec le Père », cf. Jo h. 3,21
&δέ ποιων τήν αλήθειαν έρχεται πρός τό φως, {να φανερωθή αΰτοϋ τά έργα ότι έν
θεω έστιν εΐργασμένα, ou bien (4) «... du fait du Père » (ou « en dépendance
du '» : noter que c’est avec la permission du Père que le démiurge a créé, p.
10.9), cf. I Cor. 15, 22 ώσπεργάρ έν τώ Άδάμ πάντες άποθνήσκομεν, οδτως χαί έν
τφ Χριστή» πάντες ζωοποιηθήσονται, Rom. 3, 24 δικαιούμενοι... διά τής άπολυτρώ-
σεως τής έν Χ ρ ισ τώ Ίη σ ο ϋ , ou bien simplement (5) « ...en présence du Père»
(classique : cf. L. S. J ., έν, I 5 b). Bref, étant donné l’extrême variété de
nuances de έν à l’âge hellénistique, bien des sens restent possibles en gardant
la leçon des MSS.
(1) Plutôt que « magistrature », comme j ’avais traduit τάξις (cf. n. 37
de l’édition).
(2) Selon un processus d’évolution que M11· S. P étrement . m a'-.-é i
plusieurs reprises dans sa thèse, Le dualisme chez Platon, la ques et .
manichéens, Paris, 1947,
88 LA RÉVÉLATION D’HERMÈS TRISMÉGISTE

estril en quelque manière déchargé de la responsabilité de créer


le monde puisque le Créateur proprement dit est le Fils de Dieu,
Logos ou Noûs Démiurge. Cependant le Démiurge crée « selon
le vouloir de Dieu » (10.9,12) s’il est vrai que, comme je le crois
avec Dodd (1), il faut entendre le m ot Νοϋς, dans cette formule,
καθώς ήθέλησεν ô Νοϋς, comme désignant le Premier Dieu. E n outre,
le Noûs Père est dit livrer à son second fils, l’Anthropos, τά έαυτοϋ
πάντα δημιουργήματα (10.18). Comme l’auteur poursuit aussitôt :
« et quand l’Anthrôpos eut examiné la création du Démiurge », τήν
τοϋ Δημιουργού κτίσιν (10.19), comme aussi il n’est parlé nulle
part d’œuvres qui seraient proprement et exclusivement dues
au Père, il faut bien admettre que les δημιουργήματα du Père
sont ici la création du Fils, qu’en d’autres termes c’est au Père
même que l’auteur rapporte la création accomplie par le
Démiurge (2). Dès lors, on ne peut dire que le seul fait de vouloir
créer soit tenu, dans le Poimandrès, pour une faute.
Ainsi en va-t-il dans le Poimandrès. Mais on peut se demander
si le Poimandrès nous présente l’état premier du système. C’est,
nous l’avons dit, un ouvrage composite où plusieurs traditions se
mêlent. Or, à l’origine, dans les spéculations gnostiques le thème
« désir de créer » a dû être considéré comme mauvais, il a dû figu­
rer comme une sorte de péché originel, dès là qu’on ne peut créer
sans matière e t que la matière est mauvaise (3). L a notion d’un
Démiurge non seulement inférieur au Premier Dieu, mais encore
mauvais et, comme tel, opposé au Dieu Suprême est courante
dans les gnoses dualistes. E t l’on peut donc penser que le désir
de créer, dans un dualisme cohérent, est déjà, par lui-même, mau­
vais. C’est ce que prouvent, au surplus, les Gnostiques de Plotin
selon qui le Démiurge a créé ίνα τιμωτο, δι’ αλαζονείαν καί τόλμαν
(II 9,1 1 .2 1 ) (4). Ce mot τόλμα, nous l’avons vu plus haut à propos
du péché des âmes dans la Korè Kosmou. Leur péché était dit une
περίεργος τόλμα, ce qu’on peut traduire aussi bien « curiosité inso-

(lj L . e„ pp. 142 s.


(2) - Noter que, si τά ¿αυτοϋ δημιουργήματα parait plus haut (10.7) à propos
du Noûs Démiurge (de même 10. 22 s. κατενόησε τοϋ άδελφοδ τά δημιουργήματα),
en I 18, ρ. 13.7 ss. αύξάνεσθε... πάντα τά χτίσματα καί δημιουργήματα concerne
assurément des ouvrages du Premier Dieu, car c’est ce Premier Dieu qui parle.
Traduire : « vous tous, mes créatures et mes ouvrages ». Ce sont ces créatures
et ouvrages terrestres (plus particulièrement l’homme) que le Premier Noûs
a donnés à l’Anthrôpos.
(3) Dans le C. H. I, elle est issue du σκότος, cf. 4, 20 (13.23) f i στυγνόν σκό­
τος, έξ οδ ή ύγρά φύσις, έξ ής τό σώμα συνέστηκεν έν τφ αίσθητώ κόσμω, έξ οδ
θάνατος άρδευέται.
(4) C. Schmidt, Plotins Stellung ζ. Gnostiz., ρ. 41, n. 5, cp. I ren . I 2, 2, 3.
LA CHUTE DE L ’AME 89

lente » que « audace indiscrète. » Livrées à elles-mêmes, les âmes


s’étaient empressées d’examiner (κατενόουν) la mixture sacrée
composée par le Père. Ici même, dans le Poimandrès, l’Anthropos
examine la création du Démiurge, cherche à comprendre la puissance
de celui qui règne sur le feu (1). Il est bien vrai que les âmes de
Korè Kosmou ont reçu de Dieu la charge de créer (les animaux),
que l’Homme de C. H. I a reçu du Père la permission de créer. Mais
il reste la trace de l’idée que créer un monde matériel, se mêler de
quelque façon à la matière est chose mauvaise, et que se livrer à
une action créatrice presque nécessairement accompagnée de περιερ-
γία, s’éloigner par suite de la vraie γνώσις, c’est se détacher de
Dieu, et donc tomber. Dans son désir même de créer, l’Anthrôpos
commence sa chute. La suite le manifeste tout aussitôt.
b) L'entrée dans la sphère démiurgique, γενόμένος έν τη δημιουρ­
γική σφαίρα 10.21 s. La chute est, cette fois, évidente. Jusqu’ici
l’Anthrôpos se trouvait auprès du Noûs Père. Si nous en
jugeons d’après le processus de la remontée qui répète, à l’inverse,
celui de la descente, l’Anthrôpos était donc établi non seulement
au-dessus des sept cercles, mais au-dessus de l’Ogdoade même,
ou huitième cercle (ciel des fixes) : car les Puissances de Dieu,
auxquelles l’âme se mêle au terme de Γάνοδος, sont placées υπέρ τήν
ύγδοατικήν (ou mieux όγδοαδικήν Reitzenstein) φύσιν (I 26, p. 16.8).
Or, pour entrer dans la « sphère du Démiurge », c’est-à-dire dans
l’ensemble des cercles planétaires, cercles de feu et donc matériels,
créés par le Démiurge, l’Homme a quitté nécessairement le lieu
ύπερουράνιος. Il descend, et, lui qui est fait de Vie et de Lumière
comme son Père, il se mêle à la matière. Le contraste entre cette
première étape de la κάθοδος et la dernière étape de 1’άνοδος se marque
d’ailleurs jusque dans l’expression : l’Homme entre dans le monde
créé, γενόμενος έν τη δημιουργική σφαίρα 10.21 ; l’âme entre dans la
nature ogdoadique, γίνεται έπΐ τήν όγδοατικήν φύσιν 16.5, entre en
Dieu, έν θεό) γίνονται 16.11.
A peine est-il descendu que l’Homme subit le contact du mal.
Car les Gouverneurs des cercles s’éprennent de lui (2), et chacun

C I . supra, p . 8 3 , n . 2 .
B ο ί δ έ ή ρ ά σ θ η σ α ν 1 1 . 1 , c f . 6 θ εό ς ή ρ ά σ θ η τ ή ς ιδία ς μ ο ρ φ ή ς 1 0 . 1 8 , οδ ή ρ ά σ θ η
ώ ς ίδιου τά κο υ 1 0 .1 6 . C ’e s t là u n c u r ie u x th è m e : t o u t le m o n d e s ’ é p r e n d d e
l ’ H o m m e , s o n P è r e (le 1 er N o u s ), le s G o u v e r n e u r s , P h y s is (έ μ ε ιδ ία σ ε ν Ip o m
1 1 . 1 1 ) . E t t o u t le m o n d e lu i f a i t d e s d o n s : le P è r e q u i l'e n g e n d r e α ύ τ ω ίσο ν ( 1 0 .1 6 )
e t q u i π α ρ ίδ ω κ ε τά έα υτοΰ π ά ν τα δ η μ ιο υ ρ γ ή μ α τα ( 1 0 . 1 8 ) , le s G o u v e r n e u r s d o n t
c h a c u n μ ε τεδ ίδ ο υ τ ή ς Ιδία ς τ ά ξ ε ω ς ( 1 1 .2 ) , P h y s is e lle - m ê m e q u i s e d o n n e à lu i.
C . H . D o d d |7. c ., p p . 1 56 s .) c i t e u n p a r a llè le j u i f : d a n s la Vie d’Adam et d’Eve
1 3 / 4 (11, p . 1 3 7 C h a r le s ) , le s a n g e s a d o r e n t A d a m n o u v e lle m e n t c r é é . M a is il y a
90 LA RÉVÉLATION D’HERMÈS TRISMÉGISTE

d’eux lui donne part à son propre rang dans la hiérarchie des sphè­
res. Que veut dire par là l’auteur? La suite nous éclaire. En I 16
(p. 12.7), nous apprenons que l'Homme a en lui la nature de l’ar­
mature (άρμονία) des Sept, composés de feu et de souffle. Plus
précisément, en I 25/6, il est dit qu’à la mort, après avoir laissé
ici-bas ce qui revient au corps et à 1’άλογον, l’homme (dans sa partie
spirituelle) remonte à travers l ’armature des sphères (διά τής αρμο­
νίας), abandonnant à chaque cercle le vice particulier qu’il en
avait reçu (15.15 ss.), en sorte que, s’étant dévêtu des vices des
sphères (γυμνωθείς άπό τής αρμονίας) et muni désormais de la
qualité qui lui est propre (τήν ιδίαν δύναμιν εχ«ν 16.5), c’est-à-dire
redevenu pure Vie et Lumière, il entre dans la nature ogdoadique,
puis en Dieu. Nous savons donc maintenant ce que l’Anthrôpos
reçoit des Sept Gouverneurs : ce sont les sept péchés capitaux.
Assurément, son entrée dans la « sphère du Démiurge » a été une
chute.
Maintenant, pourquoi ce voyage? Un mot l’explique : εξων τήν
πάσαν έξουσίαν, « pour y avoir plein pouvoir » (10.22), mot repris
plus bas (11.6) : « et celui qui avait plein pouvoir (£χων πάσαν
έξουσίαν ) sur le monde des êtres mortels et des animaux sans raison ».
Voici donc la province de l ’Homme : alors que le Démiurge domine
(κράτος 11.4) sur le monde céleste jusqu’à la Lune, l’Homme aura
domination sur la terre et ses habitants. Encore une fois, il n’est pas
dit ici que cette domination soit mauvaise, puisque Dieu a livré
à son Fils toutes ses œuvres (10.18) et qu’il lui a permis de δημιβυρ-
γεϊν (10.21). Il reste que, même dans le Poimandrès, le désir de
créer, de comprendre la domination du Démiurge pour dominer
à son tour (καί αυτός 10.20), avec pleine autorité, sur une région
propre, comporte et une άπόστασις άπό θεοϋ et une dégradation
morale (vices des Sept). Comme le note C.H. Dodd (1), « l’inten­
tion de l’auteur e3t de montrer que l’Homme, lors de son arrivée
à notre ciel et à notre terre, était déjà capable de sensualité, de
cupidité, d’audace et d’orgueil, et dès lors disposé à devenir la
proie des séductions de Physis ». C’est ce que manifeste la dernière
étape.
en plus, ici, les dons. On comparera plutôt Korè Kosmou 27-29 où les planètes
donnent de leurs qualités (et de leurs défauts) à l’homme créé par Hermès,
et l’origine première de ce mythe semble être celui de Pandore, cf. liés. Trop.
60 ss., en particulier 80 ύνύμησε δέ τήνδε γυναίκα | Πανδώρην, δτι π άντες
’Ολύμπια δώματ’ ίχοντες | δώρον έδώρησαν, où il faut noter la suite πΐ)μ’
άνδράσιν άλφηστήσιν : déjà, chez Hésiode, les dons des Olympiens à Pandore se
tournent en (sont mêlés de) maux. Plotin fait aussi allusion à ce mythe, IV 3 ,1 4 .
(1) L . c., p. 154.
LA CHUTE DE L'AME 91

c) L'union à Physis (I 14). De nouveau, nous avons affaire


à un double thème : l’amour de l’Anthrôpos pour Physis (έρώμενοι
γάρ ήσαν 11.17); l ’amour de PAnthrôpos pour sa propre image
(11. 13 ss.). L ’un et l’autre thèmes ont leurs parallèles dans la
littérature platonico-gnostique.
Numénius, parlant des deux Premiers Principes, s’exprime ainsi
(fr. 20, p. 137.28 S3. L.) (1) : « Le Dieu Premier, étant établi en
lui-même, est simple du fait que, étroitement uni à lui-même, il
n’est absolument jamais divisible. Le Dieu en revanche qui est
deuxième et troisième (2) ne fait qu’un; cependant, tandis qu’il
s’associe à la matière qui est double, il unifie sans doute celle-ci,
mais il est divisé par elle, qui est douée de concupiscence et fluide.
Comme il n’est plus étroitement attaché ’à l’intelligible (car en
ce cas il le serait à lui-même) (3) du fait'qu’il regarde la matière (4),
dans le soin qu’il prend de celle-ci il cesse de faire attention à lui-
même («περίοπτος έαυτοϋ γίγνεται). I) entre en contact avec
le sensible, lui donne toute sa sollicitude, l’élève en outre jusqu’à
son propre caractère (5), parce qu’il s’est tendu avec désir vers la
matière (έπορεξάμενος τής όλης) ». Or ce désir de la matière, les
âmes au ciel l’éprouvent elles aussi, cf. test. 47, p. 105. 4 ss. : « C’est
affranchies de tout contact avec quelque corps que ce soit que les
âmes bienheureuses habitent le ciel. Mais quand, je tan t les yeux
du haut de cette guette sublime et de cette lumière éternelle, émue
d’un désir secret (desiderio latenti), l’âme a formé le dessein de
rechercher le corps et cet état qu’ici-bas nous nommons vie, alour­
die par le poids même de ce dessein qui la porte ici-bas, elle glisse
peu à peu jusqu’aux lieux inférieurs ». Ainsi, pour Numénius, c’est1

(1) Ce fragment a été analysé par Beutler, P. W. i. c., 671.3 ss.


(2) Cf. supra, p. 43, n. 4. Le seul et même Second Dieu = Noûs démiurge a
un double caractère selon qu’il participe au Premier (en ce cas il est δεύτερος
et νοΟς νοών) ou bien se tourne vers la matière et l’amène à lui (en ce cas il est
τρίτος et peut être regardé comme le monde en tant que monde pensé, t4
διανοούμενον, test. 25 L.).
(3) τφ οδν μή είναι πρίς τφ νοητφ (ήν γάρ $ν πρός έαυτφ ). J ’ai entendu comme
plus haut ίνίαυτφών (cf. L. S. J ., πρύς B I 4). Mais peut-êt.-j « Comme il
n’est plus occupé de l’intelligible, car en ce cas il le serait de lui-rrt · » (cf.
L . S. J ., πράς B II). Ce sens irait avec ναύτης (sc. la matière) ίπιμελούμι....... t «πε­
ρίοπτος έαυτοϋ infra.
(4) τήν ίληνβλέπκν est possible. Sur l’emploi hellénistique ,e βλέτ- )pâv,
cf. Blass-Debrunner, 101. V. gr. C. H. X I 22 (156.18).
(5) άνάγει τε ϊτι εις τό Ιδιον ήθος. Beutler, I. c., parait entendre ά- .ευτύν)
et rapporter la phrase au retour duvoüçsur lui-même (avec sou t Tim.
42 s f), Mais ce sens, en soi possible, est exclu, semble-t-il. ·-ir -¿¡rte
ίπτεται toü αίσθητοδ καί περιίπει άνάγει τε κτλ. fo n t b, ernent la
conversion du Démiurge vers la matière (ir εξάμενος τής 0λ,
92 LA RÉVÉLATION D’HERMÈS TRISMÊGISTE

le désir de la matière, le désir du corps et de la vie terrestre qui


détermine la chute.
L ’autre thème se rencontre chez lès Gnostiques de Plotin, pour
autant que l’on puisse saisir leur vraie pensée à travers les allu­
sions peu claires du philosophe en II 9, 10. 19 es. Selon ces Gnos­
tiques, l ’Ame, quatrième hypostase (cf. supra , p. 60), jointe à
une certaine Sagesse (1), s’est inclinée vers le bas (νεϋσαι κάτω),
cette inclination ayant pour conséquence la descente en masse (βυγ-
κατεληλυθέναι) des âmes individuelles et. leur incorporation. L’Ame
elle-même n’est pas descendue, elle a seulement illuminé l’obscu­
rité (d’en bas), et, de ce fait, il s’est produit dans la matière une
image, εϊτ’ έκεΐθεν εϊδωλον έν τή uXfl γεγονέναι 1. 26 (2). Plotin,
de son côté, fait allusion une fois au reflet dans la matière, IV 3,
12.1 : « Les âmes humaines, ayant vu (ici-bas) leur propre image
(είδωλα αότών ίδοϋβαι) comme dans le miroir de Dionysos, se
sont précipitées de là-haut sur la terre ». Il semble donc qu’on ait
là un thème connu. Dans cette conception, le péché originel est
une sorte de péché de narcissisme : le prototype céleste de l’âme
s'éprend de sa propre image reflétée dans la matière.
Dans le Poimandrès, comme nous le disions, les deux motifs
sont juxtaposés. Le motif général est celui de l’union de l’Homme
et de Physis : ce sont ces deux personnages qui, en fin de compte,
s’étreignent (έμίγηααν 11.17). Mais Physis s’est éprise d’abord
d’un reflet de l’Anthrôpos. E t l ’Anthrôpos s’est épris d’abord,
non pas de Physis, mais d’un reflet de lui-même. Les deux versions
expriment d’ailleurs une idée analogue : dans cette étape, la der­
nière de la chute, le péché de l’Homme est d’aimer un sujet maté-
riel. Car, lors même que l’Homme s’éprend de son image, cette
image n’en est pas moins matérielle, puisqu’elle est un reflet dans
l’eau, une ombre sur la terre (11.12 s.). En conséquence, par un12

(1) Ici Plotin propose trois interprétations : ou l’Ame a donné le branle


(άρξάσης), ou la Sagesse a été la cause telle qu’on vient de dire, c’est-à-dire la
cause de l’inclination (εϊτ* τής τοιαύτης αίτια; γενομένης Σοφίας), OU Ame e t
Sagesse ne font qu’un pour les Gnostiques.
(2) L a suite est obscure : « Puis, dans leur fiction, ayant forgé quelque part
ici une image de l’image à travers la matière ou la matérialité (...), ils font
naître celui qu’ils appellent le Démiurge et, ayant supposé qu’il s ’est éloigné
de sa mère (Sophia), ils font procéder de lui le monde jusqu’aux dernières
d«e images ». L ’idée paraît être que le monde créé résulte d’une succession
d’images dont chacune est le reflet de l’autre, en sorte que les choses sensibles
ne soient qu’une très lointaine copie des Intelligibles. Ce dernier point ne nous
intéresse pas proprement ici : l’essentiel est le premier »βώλον qui s’est formé
dans la matière à la suite d’une νεύσις, d’une ίλλαμψις de l’Ame. C. Schmidt,
l. c„ pp. 41-42, fait des rapprochements avec la Sophia-Achamoth des Valen­
tiniens, mais c ’est expliquer obscurum per obscunus.
LA CHUTE DE L ’AME 93

libre choix (ήβουλήθη αύτοϋ οίκεΐν 11.14), l’Homme est venu


habiter την άλογον μορφήν, « la forme sans raison » (11.15 s.), cette
préférence étant le symbole de l’amour qui portera plus tard l’âme
incarnée vers son corps.
Choix ou attrait? Les deux ensemble. L ’Homme a voulu (ήβου­
λήθη), il a formé un propos (βουλή 11.15). Mais en même temps il a
été emporté par l’amour (έφίλησε 11.14, έρώμενοι ήσαν 11.17).
Plotin parlera de même. Parfois sans doute il ne mentionne que
l’attrait invincible, par exemple IV 3, 13.9 : « Le temps venu,
l’âme descend comme si l’appelait un héraut, et elle se revêt du
corps qui lui est proportionné : c’est comme si, par exemple,
l’âme était mue et entraînée par des forces magiques et de cer­
taines attractions irrésistibles ». Ailleurs il note et la spontanéité
et l’attrait. Ainsi IV 3, 13.18 : « Les âmes ne viennent pas sponta­
nément ni parce qu’elles ont été envoyées — du moins cette
spontanéité n’est-elle pas telle qu’elle comporte un libre choix, —
mais elles sont mues sans réflexion comme lorsqu’on saute d’ins­
tinct, ou qu’on se laisse entraîner au désir naturel des noces ou,
dans certains cas, à l'accomplissement de belles actions ». E t
encore, IV 3, 13.28 : « Quand le temps est venu, alors s’accomplit
ce que la loi veut qui se fasse, et cela se fait par les individus eux-
mêmes qui possèdent la loi en eux, de telle sorte qu’ils accomplis­
sent eux-mêmes la loi en tant qu’ils la portent avec eux partout,
puissante parce qu’elle est établie en eux (1), et que pour ainsi
dire elle pèse sur eux et suscite en eux l’ardent, le douloureux
désir de se rendre là où l’hôte installé en eux leur fait comme un
commandement d’aller ». E t encore, IV 8, 5.8 : « C’est malgré soi
que tout être va au pire : cependant, comme il y va d’un mouve­
ment propre, tandis qu’il subit le pire il est dit porter la peine de
son acte. D ’autre part, puisque ce subir et cet agir ont été néces­
sairement déterminés par une loi étemelle de la nature, puisque
l’être qui se conjoint (-ri συμβαΐνον = l’âme) vient, par son arri­
vée, à la rencontre des besoins d’un autre être (— le corps) parce
qu’il descend lui-même de ce qui est au-dessus de lui (2), si
l’on disait que c’est Dieu quia envoyé l’âme, on ne serait en désaccord
ni avec la vérité ni avec soi-même.... (1. 24). Ainsi l’âme, bien que12

(1) J e lis avec Vitringa, άτε περιφέροντας ίσχύσαντα τω : περιφέροντα καί Ισχύ-
σαντα έν τω codd.
(2) τ4 Si συμβαΐνον είς άλλου του χρείαν τη προσόβφ άπαντά χαταβαΐνον άπ4 του
δπίρ αυτό : ainsi Cilento (« appunto perché discende da uno che è al di sopra di
lui »). Mais χαταβαΐνον etc. est peut-être simplement circonstanciel : · en des­
cendant de la région supérieure » (Bréhier).
94 L A R É V É L A T I O N D ’H E R M È S T R I S M É G I S T E

chose divine et qu’issue des lieux d’en haut, entre dans le corps;
bien que le dernier des dieux, elle vient ici-bas par une inclination
spontanée (ροπή αυτεξούσιοι), en raison de la force qui l’entraîne
(αΙτί$ δυνάμεως : cf. IV 3, 13. 11 olov δυνάμεσι μάγων... κινεϊσθαί τε
καί φέρεσθαι) et pour ordonner ce qui vient après elle » (καί -roù
μετ’ αύτήν κοσμήσεως) (1).
Ces derniers mots, aussi bien, nous donnent l’explication de
l’ambiguïté que décèle tout le récit de la chute dans le Poimandrês.
Nous y avons constaté, d’un bout à l ’autre, une double tendance.
D’une part, il s’agit bien d’une chute, d’une dégradation. En s’in­
clinant vers la matière, l ’Homme s’éloigne du Père, et du même
coup renonce sa nature essentielle. Comme l ’avait marqué Numé-
nius à propos du Démiurge (cf. supra, p. 91), comme le montre
aussi Plotin dans sa controverse contre les Gnostiques, toute
νεύσις implique un oubli des Intelligibles, I I 9, 4.7 et δέ ένευσε, τφ
έπιλελήσβαι δηλονότι των έκει. Au début du traité Sur les
trois hypostases, qui date, lui aussi, de la première période (2),
Plotin pose excellemment le problème (V 1, 1.1) : « Qu’est-ce donc
qui a fait que les âmes ont oublié (έπιλαθέσθαι) Dieu leur père et
que, alors qu’elles sont parcelles du monde d’en haut et qu’elles
appartiennent entièrement à Dieu (οΰσας... 6λως εκείνου), elles
ont méconnu (άγνοήσαι) et elles-mêmes et Dieu? La racine du mal
pour elles a été l’audace (τόλμα), la génération, le fait qu’au prin­
cipe elles se sont différenciées de Dieu (ή πρώτη έτερότης) (3) et
qu’elles ont voulu s’appartenir à elles-mêmes (¿αυτών είναι) ».
Nous retrouvons ici, transposées en langage philosophique, les
étapes de la chute que le Poimandrês nous offrait sous forme de
mythe, τόλμα, c’est le désir téméraire commun aux âmes de la
Korè Kosmou et à l’Homme du C.H. I (cf. supra, pp. 83 s., 88 s.),
γένεσις, c’est la descente dans la génération que ce désir a pour1

(1) κοσμήσεως Kirchhoft. Le P. Cilento, dans sa traduction (Barí, 1948), II,


p. 581, cherche à défendre le κοσμήσει des MS3. en alléguant que αΐτίιρ δυνάμεως=
δυνάμει, que l'auteur aura voulu éviter à cause de son sens technique. Mais, cela
même admis, le datif κοσμήσει, si on le gardait, devrait être pris dans le même
sens que les datifs de mobile £οπή et (comme on le veut) δυνάμει (selon l’exemple
άγνοίορ άμαρτάνειν, etc.) : or, dans ce sens, U est grammaticalement impossible.
D’autre part, la traduction de Cilento (ii., p. 340) « per la esigenza intrínseca
délia sua virtù » (littéralement »pour la raison de la force qui est en elle ») ne
parait pas mauvaise, car elle correspond à la pensée générale de Plotin : l’âme
descend volontairement et en même temps elle est entraînée par une sorte
de loi nécessitante. On attend ensuite le pourquoi de cette loi : je proposerais
donc καί του < τ ό > μετ’, αύτήν κοσμήσει < ν > .
(2) Cf. P orph., V. Plot., 4. 40.
(3) Cf. J ambl ., π. ψυχής, Ι ,ρ . 375. 5 W . κατά Πλωτϊνον τής πρώτης ίτερύτη-
τος... αΐτίας γιγνομίνης των καταγωγών ένεργημάτων.
LA CHUTE DE L ’AME 95

suite, πρώτη έτερότης, εαυτών είναι, c’est la cause première


du désir : l’Homme (l’Ame) a voulu créer à son tour, se manifester
lui aussi comme personne agissante, comme Créateur, et du même
coup se distinguer (έτερότης) et du Père et du Démiurge. Voilà
le péché originel.
Mais ce péché est permis par le Dieu suprême, dès là que ce Dieu
permet (συνεχωρήθη 10.21) à l’Anthrôpos de créer, comme il avait
consenti (καθώς ήθέλησεν 10.9,12) à la création du Démiurge. Le
Père a livré toutes ses œuvres à son Fils (10.18), et il y a sans
doute un lien entre cette « traditio » et ce qui est dit plus loin de la
πάσα εξουσία de l’Homme (10.22, 11.7). Tout comme, donc, Dieu
a voulu la création, par le Démiurge, du ciel planétaire, et par
suite la domination du Démiurge sur ce ciel, ainsi a-t-il voulu, ou
du moins permis, la création des hommes terrestres et la domi­
nation de l’homme ici-bas : rappelons d’ailleurs que, d’une cer­
taine façon, et le ciel et la terre sont les œuvres du Premier Dieu
(cf. supra, p. 88). En d’autres termes, créer n ’est pas un mal, la
création n’est pas mauvaise. Si bien que l’âme, en se tournant vers
la matière, commet sans doute un péché puisqu’elle s’éloigne de
Dieu; mais ce péché est en quelque sorte nécessaire. Au surplus,
nous lisons plus loin (18, p. 13.4) que les animaux et les hommes
qui d’abord étaient mâles-et-femelles, ont été divisés « par le conseil
de Dieu », έκ βουλής θεοϋ. E t c’est Dieu lui-même qui, tel le Créa­
teur biblique (1), prononce d’une parole sainte (άγίω λόγω) ces
mots : « Croissez et multipliez » (13.7 s.). Il faut donc qu’il y
ait des hommes sur la terre, et, naturellement, c’est à l’Homme
qu’il revient de les produire : c’est pour cette tâche qu’il a reçu
την πάσαν έξουσίαν.
L a même ambiguïté reparaît chez Plotin. D’une part, la πρώτη
έτερότης est une τόλμα, donc une faute. Plotin ne laisse point de
doute à ce sujet. Il dit en IV 8, 5.16 : « Puisque la faute (της αμαρ­
τίας) est de deux sortes, l’une à l’occasion de ce qui a déterminé
la chute, l’autre à l’occasion de ce que l’âme, une fois venue ici-
bas, agit mal, le châtiment de la première consiste dans ce que

(t) Cf. Gen. 1 ,2 2 .2 8 ; 8, 17 et Scott, II, p. 5 2s., D odd,pp.l64 ss. — άγιος λόγος
désigne le Verbe dans les extraits hermétiques de Cyrille d’Alexandrie, en sorte
qu’on pourrait être incliné à traduire ici « par son verbe Saint », cl. fr. 33 Scott
(3 3 N .-F.) 4 8c πάντων κύριος ευθέως έφώνησε τω έαι.τοΰ άγΐψ καί νοητφ καί
δημιουργική) λόγω. Mais ce sens ne peut convenir en ■ point du Poimandris
(S 18) puisque le' Λόγος s’est confondu avec le Noûs il- ,urge > · $ 10 (10.13)
καί ήνώθη τώ δημιουργώ Νφ. Le Λόγος du P ..e s ’ rs qu’un
doublet, prouvant la contamination de d<- es.
96 LA RÉVÉLATION D’HERMÈS TRISMÉGISTE

l’âme a subi du fait de sa chute même (S 7tércov0 e xa-reAOoücra) ».


Mais d’autre part, c’est une loi que l’âme descende (IV 8, 7.1) ·.
« Gomme la nature est de deux sortes, l ’une intelligible, l’autre
sensible, il est meilleur assurément pour Pâme d’être dans l’intel­
ligible, mais il est nécessaire (àvayxY) ye ¡xrjv l^si) que, avec la nature
qu’elle a, elle participe aussi à l’être sensible ». Il est nécessaire
qu’il y ait des vivants : toute partie du monde doit être habitée
selon le Timée (41 b 7 ss.) ; « croissez et multipliez », dit le Poiman·
drès. Il est nécessaire que l’âme, comme le marquait Plotin (IV 8,
5.27), « ordonne ce qui est après elle ». Ainsi voit-on que, et chez
l ’hermétiste et chez Plotin, l’ambiguïté provient de la même cause.
Tous deux, après Platon, ressentent comme un mal la présence
de l’ême dans le corps, tous deux aspirent à la délivrance. Mais
Plotin refuse de tenir le monde pour entièrement mauvais. E t
le dualiste du Poimandris ne s’y résigne pas non plus. Peut-être
a-t-il été arrêté par la même difficulté que le philosophe n’a pas
su vaincre. Aucun païen de l’antiquité n ’acceptera jamais que le
monde soit absolument mauvais : le même Numénius qui déclare
que la matière est mauvaise, que l ’incorporation est toujours
un mal (1), considère le monde, du moins en tan t qu’il est pensé par
le Démiurge, comme troisième dieu (2), et dit que ce monde est
beau, copie de l’essence du Second Dieu, et qu’il a été rendu beau
par sa participation au Beau (3). Un dualiste conséquent ne
s’embarrasserait pas d’un tel scrupule : il prononcerait sans ambages
que la création n’est pas bonne, qu’il n’est pas bon qu’il y ait
des hommes sur la terre. Un Marcion est logique, quand il attribue
la création à un Dieu méchant. Mais il se peut aussi que l’ambiguïté
du Poimandrès soit due à une cause matérielle. Nous indiquions
plus haut que plusieurs traditions s’y mêlent. Il se peut donc que
les deux courants, l’optimiste et le pessimiste, qui tous deux, en
dernière analyse, remontent à Platon, se soient rencontrés en cet
ouvrage. Comme dans le cas du Logos et du Noûs Démiurge, l’auteur
a pris son bien de part et d’autre. E t il n’est pas étonnant qu’il ait
échoué à concilier de3 tendances inconciliables.1

(1) Cf. J am bl ., JC. ψυχής, p. 380.16 κακάς τε είναι πάσας (τάς Ενσωματώσεις)
δησχυρίζσνται (Cronius, Numénius, Harpocration).
(2) Cf. supra, p. 43, n. 4.
(3) ή S’ ουσία μία μέν ή τού πρώτου, έτέρα 8έ ή του δευτέρου, ής μίμημα 4
καλός κόσμος κεκαλλωπισμένος μετουσία τοϋ καλού, fr. 25 L.
C H A PITRE III

SORT DE L ’AME INCARNÉE

I. Le problème.

La troisième section du de anima de Tertullien (ch. 37-53) com­


porte, on l’a vu (supra, p. 3), deux sujets : choix de vie à
l’âgé de la puberté (37-41), ce qui, chez Tertullien, donne occasion
à un traité du péché (39-41); la mort (42-53), avec son image, le
sommeil (43-49). Cette division se trouve déjà chez Aétius (choix
de vie V 23, mort du vivant V 24 /5) et nous la rencontrons encore
dans le π. ψυχής de Jamblique : choix de vie I 49.42»; mort du
vivant I 49.43 (cf. supra, pp. 13 s.). Nous avons donc aflaire ici
à une tradition continue, et il est frappant de la voir reparaître
dans le Poimandrès, où elle se présente avec le même ordre. A la
fin du récit de la création de l’homme (I 18), Dieu, ayant prononcé
les mots (p. 13.7) : « Croissez en accroissement et multipliez en
multitude », ajoute : « E t que celui qui a l’intellect se reconnaisse
soi-même comme immortel ». Les êtres alors se multiplient chacun
selon son espèce et il se fait, entre les hommes, un partage (I 19,
p. 13.14) : « et celui qui s’est reconnu soi-même (comme immortel)
est arrivé au bien élu entre tous, mais celui qui a chéri le corps
issu de l’erreur de l’amour, celui-là demeure dans l’Obscurité,
errant, souffrant de manière sensible (1) les choses de la mort ».
Ce double sort de l’homme est expliqué dans les paragraphes sui­
vants (I 20-23) (2), puis l’on passe, tout aussitôt (I 24), au second
Sujet, la mort, avec cette demande du disciple : « Parle-moi encore
de la remontée (τής ανόδου), telle qu’elle se produit ». Car la
description de 1’άνοδος comprend deux parties. Poimandrès explique
d’abord ce qui se passe à la mort (I 24), puis il montre comment
l’âme, une foi3 détachée de tout ce qui est matériel, rejoint le
Père (I 25-26).12

(1) Plutôt que « dans ses sens », «Ισθητώς. De même X I I I 6 (202.22). Dans
le même sens, αΐβθητικώς I 23 (15. 3), X I I I 7 (203.16).
(2) Il est fait encore mention du partage des hommes en I 27-29 dans une
perspective différente. J ’y reviendrai plus loin.
LA RÉVÉLATION D’ b ERHÉS TRISRÉCISTE. --- III. g
98 LA RÉVÉLATION D’HERMÈS TRISM ÉGISTE

Nous suivrons donc, dans ce chapitre, l’ordre même des manuels


hellénistiques (Aétius, Tertullien, Jamblique) adopté par l’hermé-
tiste, en nous bornant au premier sujet. Il est clair en effet que,
pour les dualistes et les gnostiques, le choix de vie est un moment
capital de la destinée humaine : tout dépendra de ce choix. En
revanche, bien que l’hermétiste se pose, çà et là, le problème du
« comment » de la mort, on voit bien que ce problème ne le touche
pas directement : pour lui la mort n’est qu’un passage et ce qui
importe, c’est de mourir, si je puis dire, « en état de grâce » afin
de regagner le ciel. Sur ce second point, la mort proprement dite,
j ’ai déjà indiqué plus haut (p. 19) les références hermétiques.
Ce qui concerne l’eschatologie (IV e section) formera un chapitre
spécial.

II. Le choix de vie.

Rien n’est plus banal dans la littérature grecque que le thème


du choix de vie, depuis le mythe d’Héraclès à la croisée des che­
mins (1) et le Y pythagoricien (2) jusqu’à la Didachè (3). Aussi
bien doit-on le retrouver sans doute dans toutes les littératures,
puisqu’il n’est pas de société humaine qui, de quelque manière,
ne se préoccupe d’éduquer ses enfants. Il serait donc oiseux de
retracer ici, après d’autres, l’histoire du motif, d’autant que la
fin propre de notre enquête n’est pas la notion même de choix,
mais le sens des objets qui se proposent au choix, le sens des mots
bien et mal dans le dualisme gnostique. Il vaut la peine de s’arrê­
ter à ce point, car, peut-être mieux qu’ailleurs, on y voit ce qui
distingue d’une part les morales classiques des doctrines de salut,
d’autre part, à l’intérieur de celles-ci, le christianisme de la gnose (4).
Le but des morales de l’antiquité est, d’une façon générale,
Γβύ ζην, à la fois « bien vivre » et « vivre heureux ». C’est là la fin
dernière (τέλος) de la vie humaine, ou, comme dit Aristote (Eth.
Nie. I, 7, 1097 a 23 es.), et l’expression après lui deviendra cou­
rante (5), ce qui est toujours choisi pour soi-même (το καθ’ αυτί»
αιρετόν is i) et jamais comme moyen en vue d’autre chose1

(1) X ên ., Memor. II 1, 21-34.


(2) Cf. Id . rel. d. gr., p. 80, n. 9 et, en dernier lieu, F . Cumomt, Symbol,
rel. d. Rom., pp. 422-431, L u x Perpétua, pp. 278 ss.
(3) Ch. 1 et 5, et. Cumont, Symbol., p. 424, n. 2, Lux Perp., p. 281.
(4) J ’ai déjà abordé ce sujet dans mon opuscule. L'Hermétisme, Bull. Soe.
Roy. Lund, 1947/8, pp. 40 ss.
(5) Encore J amblique, ir. ψ., p. 383. 7 ss. W . κατά Si Ήριλλον έπιστήμη... τό
αιρ ετόν ϋχοντες.
SORT DE L’AME INCARNÉE 99

(μηδέποτε Si’ άλλο). Or cette fin, dans la doctrine universelle,


c’est de réaliser sa nature, d’épanouir les facultés qui reviennent
à l’homme en tant qu’homme. Maintenant, on pourra varier quant
à. la détermination de la fin, et c’est ici que se fait le partage des
écoles. Selon une classification fort répandue sous l’Empire, mais
qui remonte à la période hellénistique (1), on distinguera, par
exemple, entre les morales qui n’acceptent qu’un bien simple et
unique, comme le plaisir pur (Êpicure) ou la seule vertu (Zénon),
et les morales qui admettent un bien composé : ainsi déjà Platon
dans le Phitèbe, Aristote (vertu - f plaisir) (2), les platoniciens et
aristotéliciens de l’âge hellénistique et, avec eux, beaucoup des
successeurs de Zénon (vertu + αίρετά άγαβά). Mais un trait reste
commun. Il s’agit de définir la fin dernière ici-bas, de réaliser
excellemment la nature essentielle de l’homme sur cette terre
même. Les espérances d’immortalité personnelle sont totalement
absentes des morales d’Aristote, d’Épicure et des premiers Stoï­
ciens. Même chez Platon, elles ne jouent qu’un râle adventice :
les divers mythes d’outre-tombe qui concluent plusieurs des dia­
logues servent à confirmer, en prolongeant la perspective au delà
de la vie humaine, des vérités qui valent d’abord pour cette vie
même. E t si l’on considère celle des morales qui pourrait paraître
la plus détachée de la vie pratique, la morale qui met la fin de
l’homme dans la contemplation des Idées, du monde ou du Dieu
cosmique, on voit que, là encore, Γεδ ζην ici-bas prévaut : le sage
sera contemplatif pour bien gouverner la cité (République) ou parce
que c’est dans la θεωρία qu’il réalise le mieux son être (Aristote).
Quand on passe de ces sagesses aux doctrines de salut, l’atmo­
sphère est toute diverse. Un texte de saint Augustin, à propos
de Jok. 10, 1 ss., met bien en lumière cette différence (3). J ’en
traduis ici quelques lignes : « Les païens ont donc beau nous dire :1

(1) On en retrouve les éléments dans Jambliqueit.iji. 1 4 9 .4 2 · et chet Cicéron.


Sur les ressemblances e t différences entre ces deux auteurs, cf. Note CorneΊ
mentaire V I, infra, pp. 261 s.
(2) Voir ma traduction des traités d’Aristote sur le plaisir dans \.histot-,
Le plaieir, Paris, 1936, et mon article dans Rev. Sc. Phil. Théol., X X V , 1° s
pp. 233 ss.
(3) Tract, in Jo h., X L V , 2 /3 = P L , X X X V , 1720 : dicant p·
« Bene vivimus ». S i per ostium non intrant, quid prodest eis un ri
Adhoc enimdebet unicuique prodesse b en e v iv ere, ut detur illis en e:
nam eut non datur semper vivere, quid prodest bene viverel... fuerun m
philosophi, de virtutibus et vitiis subtilta multa tractantes, dividentes
ratiocinationes acutissimas «oncludentes, libres implentes, suam «..·,· · '■
buccis crepantibus ventilantes, qui etiam dicere auderent homini- : » Nos
sequimini, sectam nostram tenete, si vultis beate vivere ». Sed non mtrar ver
ostium.
100 LA RÉVÉLATION D’HERMÈS TRISM ÉGISTE

« Nous vivons bien » (bene vivimus, cf. Γεύ ζην); s’ils n ’entrent
pas par la Porte, que leur sert cette vie dont ils se glorifient? Car,
pour chacun, le « bien vivre » doit servir à ceci, qu’il lui soit donné
de « vivre toujours » (semper vivere). Car, à qui n’est pas donné
de vivre toujours, que sert de bien vivre ?... Oui, il y a eu des philo­
sophes, et qui ont écrit des choses subtiles sur les vertus et les
vices, distinguant, définissant, mettant en forme les plus ingé­
nieux arguments. Ils ont rempli des livres de leur sagesse, ils en
ont fait vibrer tous les échos. Que dis-je, ils ont osé proclamer
aux hommes : « Suivez-nous, attachez-vous à notre secte, si vous
voulez vivre heureux » ( beate vivere = ευ ζήν). Mais ils n’étaient
pas entrés par la Porte ».
« Vivre toujours » est donc l’essentiel. Maintenant, il est clair
que ce « vivre toujours » ne consiste pas à prolonger indéfiniment
l’existence terrestre, mais qu’il s’agit de la vie éternelle auprès
de Dieu. E t nous voilà donc ramenés à ce qui, pour le gnostique
et le chrétien, reste le grand, le seul problème. Semper vivere, dit
saint Augustin, et, avant lui, l’hermétiste : άναγνωρισάτω < 6 >
έννους έαυτάν δντα άθάνατον (C.H. I 18). Il n’importe pas de
savoir quel est notre τέλος ici-bas, mais quel est le τέλος tout court,
je veux dire : « pourquoi nous sommes venus ici-bas », έπΐ τί
γεγόναμεν, selon la formule du C.H. IV 4 (p. 5 0.13,18) qui est
courante dans la gnose païenne ou chrétienne (1). Or, pour chré­
tiens et gnostiques ensemble, cette connaissance, γνώσις θεοϋ καί
έαυτοϋ, est le fait d’une révélation, d’une grâce. Tel est le trait
commun. Mais il y a une différence, et Tertullien, dans le de anima
où il vise des gnostiques dualistes, nous la fait bien voir. Son témoi­
gnage est d’autant plus remarquable qu’il part de la notion tradi­
tionnelle dans les manuels hellénistiques, le choix de vie à la puberté.
Aétius (V 23) s’était borné à dire que c’est vers la deuxième
hebdomade (environ quatorze ans) qu’apparaissent les notions
du bien et du mal et qu’il se fait un enseignement à leur sujet,
περί Sè τήν δευτέραν εβδομάδα έννοια γίνεται καλοϋ κα'ι κακού
καί της διδασκαλίας αυτών (2). Tertullien admet la même date.12

(1) Cf. Hwrv. Th. Rev., X X X I , 1938, pp. 7 s. et notes 38-41, avec renvoi à
N ordew , Agnostos Theos, pp. 102-109.
(2) Cf. supra, p. 13 s. et n. 1 et L uc. Anacharsis (X L I X ) 20 τήν μέν 8ή
πρώτην Ανατροφήν αυτών μητράσι καί τιτθαϊς καί παιδαγωγοΐς έπιτρέπομεν ύπό
παιδείαις έλευθερίοις άγειν τε καί τρέφειν αυτούς, έπ ειδάν δέ συνετοί ήδη γ ίγ -
νωνται τω ν καλώς έχόντω ν καί αιδώς καί έρύθημα καί φόβος καί έπιθυμία των
άριστων άναφύηται αύτοϊς καί αυτά ήδη τα σώματα αξιόχρεα δοκή πρός τούς πόνους
παγιώτερα γιγνόμενα καί πρός τό ισχυρότερου συνιστάμενα, τηνικαϋτα ήδη ιταραλα-
βόντες αύτούς διδάσ κο με» άλλα μέν τά τής ψυχής μαθήματα καί γυμνάσια προτι-
SORT DE L’AME INCARNÉE 101

Cependant il ne se fonde pas sur l’autorité du médecin Asclé-


piade et du droit civil, mais sur celle de la Bible (38,1). Pour avoir
eu connaissance du bien et du mal, Adam et Ève ont éprouvé le
sentiment de la pudeur. Dès lors donc que nous éprouvons ce
sentiment, nous manifestons que nous distinguons entre bien et
mal. Or c’est à partir de ces années-là (environ quatorze ans) que
nous avons honte du sexe et que la concupiscence se fait sentir
(38,2). Voilà donc introduit, dès le chapitre 38 sur la puberté, par
la notion de concupiscentia, le thème du péché. Or la notion de
péché se rencontre et chez les gnostiques et dans le christianisme.
Comme Tertullien a partout en vue des gnostiques platoniciens,
il va profiter de son analyse du péché pour marquer la différence (1).
Une seule concupiscentia est licite, celle de la nourriture (38,
3-6). Les autres sont mauvaises et y céder est pécher. Il y a des
péchés dus au démon : celui-ci surveille l’âme et cherche sans cesse
à la capturer, d’où la nécessité du baptême (39). Toute âme, jus­
qu’au baptême, est souillée, et elle communique sa souillure au
corps. En effet, bien que l’Ëcriture parle d’hommes « charnels »,
le corps par lui-même n’est pas coupable de péché : il ne sert que
d’instrument, et il n’est pas un instrument animé, mais un pur
objet comme un vase à boire ou tout autre ustensile (40, 1-2) :
« Dès lors, il n’y a proprement rien de l’homme dans le ckoique,
et la chair n’est pas une personnalité humaine comme l’est quelque
autre âme ou quelque autre personne (par exemple un esclave),
mais elle est une chose, relevant d’une autre substance et d’une
autre condition, jointe cependant à l’âme comme un ustensile
ou un instrument qui serve aux nécessités de la vie » (40,3). Aussi
bien existe-t-il des péchés de pensée qui ne ressortissent qu’à
l’âme (40,4). Sans doute, le mal issu du péché originel est devenu,
pour l’âme, comme une seconde nature (naturale quodammodo).
θέντες, ίλλως 8è πρΑς τούς πόνους καί τά σώματα έθίζοντες. Cette notion que
l’âge de raison se caractérise par le discernement du bien et du mal était d’ail­
leurs fort répandue et nous la trouvons jusque dans l’épigraphie funéraire où
des bébés sont héroïsés parce qu’ils sont morts dans « Pétât d’innocence »,
ci. l’épitaphe d’Eutychos publiée par W. S eston dans Latomus, II, 1949,
pp. 31 4 /5 , v. 1-2
Εΰτυχ[ος] Εύτυχέους έπ νήπιο; ούρανΑν ήλθεν,
ού κακΑν ούβέ άγαθΑν γνούς, βίος ίττι φέρει.
Ce bébé, en effet, est mort à deux ans, deux mois et moins de cinq jours
(ήμασι πέντε |ήττον, v. 3 /4, périphrase très probablement pour τέτταρσι qui ne
convenait pas à la fin du vers), c’est-à-dire parfaitement incapable de distinguer
entre bien et mal. Sni me parait se rapporter à la phrase entière ού... γνούς,
« chose (sc. discernement du bien et du mal) que la vie apporte avec soi ».
Mais on peut entendre évidemment « ne connaissant ni le bien ni le mal que... ».
(1) J e reproduis ici, de l’article cité supra (p. 1, n. 1), les pp. 159-161.
102 LA RÉVÉLATION D’HERMÈS TRISMÉGISTE

Il n ’en reste pas moins dans l’âme quelque chose de bon, cet
élément directeur et divin qui lui est congénital et proprement
naturel (41, 1). Car ce qui vient de Dieu peut bien être obscurci,
puisque ce n ’est pas Dieu lui-même, mais ne peut périr, puisque
Dieu en est la cause. Cette partie bonne de l’âme subsiste donc,
mais sans agir, comme une lumière qui ne peut éclairer à cause
de la densité de l’obstacle (41,2). Encore est-il que cet élément
bon de l’âme parfois se manifeste (il a naturellement le sens de
Dieu), et de là vient que l'âme reste toujours responsable, puis­
qu’elle a toujours en elle le germe du bien (41,3).
Dans cette argumentation, il y a un mot révélateur (40,3, p. 56.
26) : adeo nulla proprietas hominis in choico. Comme l’a marqué
M. Waszink (p. 452), et il faut être ici, je crois, plus affirmatif
encore qu’il ne se montre, ce mot fait allusion à la doctrine Valen­
tinienne des trois classes d’hommes : le choicus, qui vit selon le
corps matériel ; Yanimalis, qui vit selon l’âme rationnelle; le spiri-
talis, qui vit selon le pneuma divin (cf. ch. 21 et Waszink, pp: 292-
293). Or ce mot révélateur, avec l’intention qu’il découvre, permet
de comprendre et la place que Tertullien assigne au de peccato
dans la I I I · section, et la manière dont il traite son sujet.
Pour'les dualistes dérivés de Platon, le péché tient essentielle­
ment à la matière. C’est parce que l’Anthrôpos issu de Dieu s’est
uni à la Physis matérielle que les hommes terrestres, nés de cette
union, sont doubles, bons quant à l’âme, mauvais quant au corps
(C.H. I 15). L ’âme, par elle-même toute pure puisque divine, ne
contracte de souillure que par son union au corps et dans la mesure
où ici-bas elle vit selon le corps. Une fois incarnée, et de ce seul
fait, elle est en quelque sorte en état de péché. Du moins en va-t-il
ainsi pour le profane. En revanche, l’initié à la gnose est sauvé.
Il l’est d’une part en ce que, grâce à la vie de pureté qu’il mène,
il s’éloigne autant que possible de la souillure corporelle. Il l’est
d’autre part en ce que, par une sorte d’illumination intérieure
qui l’a définitivement sauvé, connaissant Dieu et se connaissant
comme issu de Dieu, il a la certitude de ne plus pécher. Le corps
peut bien, en apparence, commettre des actes peccamineux, c’est
là le fait de la matière dont le gnostique ou spirituel s’est une fois
pour toutes délivré par la gnose. D’un mot, ce n’est pas l’âme qui
pèche, mais le corps matériel. E t dans la mesure où il s’est libéré,
ou croit s’être libéré, de la matière, l’homme ne pèche plus (1).

(1) Cf. C. H. X l l 5-9 avec l’Appendice B, pp. 193 » . et L'Hermétisme,


cité supra (p. 98, n. 4), pp. 29-33, 54-58.
SORT DE L’AME INCARNÉE 103

C’est contre cette doctrine que s’élève Tertullien. Ici, comme


partout, ce sont les hérésies dualistes qu’il a en vue. Le péché est
le fait de l’âme : voilà le dogme chrétien. Le corps, par lui-même
impeccable puisque irresponsable, ne sert que d’instrument à l’âme
pécheresse. Pour justifier ce point, Tertullien montre (a) que l’âme
est capable de pécher : il le prouve en établissant que l’âme n’est
pas toute divine, mais seulement créée par Dieu en un temps donné :
ainsi nota et facta , elle est passibilis et capax exorbitationis (4 et
24,2); (b) que l'âme ne contracte pas de souillure par son seul
contact avec le corps (1), mais acquiert le sens du péché à un
certain moment du progrès de l’être vivant (à quatorze ans), et que
c’est elle alors qui pèche par l’intention qui l’anime, le corps ne lui
servant que d’instrument (40-41). On voit donc maintenant pourquoi
le thème du péché a sa place ici même, dans la IIIe section relative
au progrès du vivant, et au moment précis de la puberté, non pas
dans la I I e section relative à l’incarnation de l’âme. E t l’on voit
aussi pourquoi, au cours de sa démonstration, Tertullien insiste
sur le rôle et la responsabilité de l'âme dans le péché. Non tamen
suo nomine caro infamis (40,2, p. 56.20) : ceci est la contradiction
directe de la doctrine dualiste.
Sur un autre point encore, on peut marquer la différence
entre le christianisme et la gnose, dès là qu’on compare le mot de
saint Augustin intrare per ostium, répétant l’expression johan-
nique (10,1) είσέρχεσθαι διά -rijç θύρας, avec celui de l’hermétiste
(V II 2, p. 81.12) ζητήσατε χειραγωγόν τόν όδηγήσοντα υμάς έπΐ
τάς τής γνώσεως θύρας. Pour le chrétien, Jésus n’est pas seule­
ment le guide (χειραγωγός) qui mène jusqu’à la porte, ni seulement
le portier (ό θυρωρός J oh. 10,3), il est la Porte, έγώ είμι ή θύρα
(Joh. 10, 7.9). Le salut implique donc un Sauveur, et il faut passer
par lui, S’assimiler à lui pour être sauvé. Le salut hermétique ne
comporte pas de Sauveur : il n’est besoin que de connaître. Sans
doute, Poimandrès peut bien dire au disciple : « fais-toi le guide
de ceux qui sont dignes, pour que le genre humain, grâce à toi,
soit sauvé par Dieu », διά σοΰ υπό θεοϋ σωθη (I 26, ρ. 16.15).
Mais Dieu ne sauve ici qu’en tant qu’il donne la Connaissance,
et le seul rôle de l’intermédiaire (διά σοΰ) est de la prêcher.
Enfin, la Connaissance acquise, l’initié trouve en lui-même,

(t) C’est le contraire qui est vrai, cf. 40. t (p. 56. 16) : peccatrix autem
( animaJ, quia immunda (par suite du péché originel), recipiens ignominiam
et carnis ex societate, ce que Waszink (p. 449) explique justement ainsi : ■ the
s o û l guarantees the ig n o m in y < ; of sin > for the flesh as well ».
104 LA RÉVÉLATION D’HERMÈS TRISM ÉGISTE

dans son être régénéré, les forces suffisantes pour suivre Dieu.
Le terrain ainsi déblayé, il semble qu’on puisse résumer ainsi les
principaux caractères du « choix de Vie » hermétique.
Il suppose une révélation, par contact personnel avec la divinité
ou à la suite d’une prédication humaine (1). L ’homme ordinaire
est censé être ignorant de son origine et de sa- fin : il faut donc qu’il
les apprenne.
Cette révélation obtenue, il y a un choix. On croit à la Parole
ou l’on reste incrédule. Ainsi se fait le partage des hommes.
De ce choix initial résulte le choix d’un genre de vie : le fidèle ne
se conduit pas comme l’incrédule. En outre, sans parler des récom­
penses et châtiments posthumes, le fidèle jouit dès ici-bas d’une
grâce de protection et d’illumination divine, l’infidèle, dès ici-bas,
tombe sous l ’empire d’un démon.
Explicitons ces trois points.

1. L a révélation.
Les hommes sont dans l’ignorance. Après avoir reçu de Poiman-
drès la révélation, Hermès se met à prêcher en ces termes (I 27,
p. 16.21) : « O peuples, hommes nés de la terre, qui vous êtes aban­
donnés à l’ivresse, au sommeil et à l’ignorance de Dieu (τή αγνωσία
του θεού)... Convertissez-vous (μετανοήσατε)..., vous qui avez fait
compagnie avec l'ignorance (oL. συγκοινωνήσαντες τη άγνοια 17.1) ».
E t il dit à Dieu, dans la prière finale (I 32, p. 19.5) : « Remplis-
moi de puissance (ένδυνάμωσόν με), et j ’illuminerai de cette grâce
ceux de ma race qui sont dans l’ignorance (τούς έν άγνοια τοϋ
γένους) (2), mes frères, tes fils ». Cette ignorance couvre toute la
terre, V II 1 (81.3) : « Où courez-vous, ô hommes, ivres que vous êtes,
vous qui avez bu jusqu’à la lie le vin sans mélange de la doctrine
d'ignorance (τόν τής άγνωσίας άκρατον λόγον)... Car le mal de
l’ignorance inonde toute la terre (ή γάρ της άγνωσίας κακία έπικλύζει
πάσαν τήν γην) ». L ’homme, parce qu’il ignore, est fondamen­
talement mauvais, παν τό ζωον <C τό "> των άνθρώπων έπιρρέστερόν
έστι εις τήν κακίαν (Exc. X I 5), ούδέν άγαθόν έπΐ της γης (ib. 2 [18]),
ό άνθρωπος κακός (ib. 2 [19]). L ’ignorance est en effet le vice capi-12

(1 ) J e n e r e v ie n s p a s s u r l ’id é e g é n é r a le d e r é v é la t io n (c f . Bév. H . Tr„ I ,


I n t r o d ., c h . 1 - 4 ) n i s u r le s m o d e s d e la r é v é la t io n (¿ 4 ., c h . 9 ) . R é v é l a t i o n par
c o n t a c t d i r e c t a v e c le d iv in : C. H . I (p o u r H e r m è s ) , X I , X I I I . R é v é l a t i o n par
p r é d ic a t io n : C . H . I (p o u r le s h o m m e s ) , I V , V I I .
(2 ) A in s i f a u t - i l tr a d u ir e s a n s d o u t e , en p r e n a n t οι έν άγν οια a b s o lu m e n t ,
c o m m e o l ά γ ν ο ο ϋ ν τες I 2 0 ( 1 3 . 1 8 ) , V I 6 ( 7 5 . 1 8 ) ; p o u r τ ό ϋ γέν ο υ ς, c l . I 2 6 ( 1 6 . 1 4 )
δ π ω ς τ ό γ έν ο ς τ7)ς ά ν θ ρ ω π ό τη τ ο ς... σ ω θ η . M a is p e u t - ê t r e « c e u x q u i s o n t d a n s
l ’ig n o r a n c e d e l e u r r a c e ( d iv in e ) », c p . τ ή ά γ ν ω σ ία τ ο ϋ θεοΰ 1 6 . 2 2 .
SORT DE L’AME INCARNÉE 105

tal et elle apparaît comme telle, dans le traité X I I I 7 (203.10), en


tête des « punitions irrationnelles de la matière (1) », non seulement
parce qu’elle est la première dans la série des vices, mais parce
qu’elle est la mère de tous les vices. Dès là qu’on ignore Dieu, on
vit dans le mal absolu. Hermès ne se lasse pas de le redire : κακία Sè
ψυχής άγνωσία X 8 (117.4), ή γάρ τελεία κακία τί> άγνοεΐν το θειον
X I 21 (156.9). Deux conséquences funestes résultent en effet de
l’ignorance de Dieu. D’une part l’âme s’ignore elle-même, c’est-
à-dire ignore qu’elle vient de Dieu et doit retourner à Dieu : άγνο-
οΰντες έπΐ τί γεγόνασιν και ΰπο τίνων IV 4 (50.18), άγνοεϊς ότι θεός
πέφυκας καί του ένύς παΐς X I I I 14 (206.15). Or cette âme qui
s’ignore est, au vrai, profondément malheureuse, puisqu’elle devient
l’esclave de corps qui lui sont totalement étrangers et la font souf­
frir (2). Mais, et c’est là le deuxième effet mortel de 1’άγνοια, l’âme
qui s’ignore n’a pas conscience de son ignorance, de son malheur.
Parce qu’elle ignore le vrai Bien (3), elle se croit bonne, elle croit
l’homme bon. Ainsi II 16 (38.14) : ignorant la nature du vrai Bien,
les hommes ignorent aussi la nature de Dieu, « et, dans leur igno­
rance, nomment bons et les dieux et certains des hommes, alors
qu’ils ne peuvent jamais ni être bons ni l’avoir été (sans la Connais­
sance) »; V I 6 (75.18) : « de là vient que ceux qui sont dans l’igno­
rance (ot άγνοοϋντες)... osent dire l’homme beau et bon (4),
lui qui n’a jamais vu, même en rêve, ce qui peut exister de bon,
mais qui dès l’origine est captif de toute espèce de mal ». Cette
erreur de jugement en entraîne une autre. Non seulement l’homme
se croit bon, mais il se complaît dans ce triste état d’inconscience,
V I 6 (75.21) (5) : « lui qui... est allé jusqu’à tenir le mal pour bon
et ainsi use du mal sans se rassasier jam ais, craignant d’en être
privé et luttant de toutes ses forces, non seulement pour en avoir1

(1) 203. 6 : ce sont nos vices mêmes qui nous châtient, cf. X 20 et les notes.
(2) X 8 (117. 7) ήχαχοδαίμων,άγνοήσασα¿αυτήν, δουλεύει σώμασιν άλλοκότοιςκαί
μοχθηροϊς. J ’ai mal traduit dans l’édition Budé, trompé par une note de Scott
(I, p. 193, n. 3, II, p. 244) qui rapporte la phrase à la métensomatose en des
corps d ’animaux (il la transpose après τά έρπετά 117. 2). Mais il ne s ’agit pas
seulement des corps d’animaux : tout corps, par lui-même, est l’ennemi de l’âme
(cf. V II), donc άλλόκοτος et μοχθηρός (ceci expliqué par ώσπερ φορτίον, etc.) ; il y a
le pluriel à cause des réincarnations. — A l’âme άγνοήσασα έαυτήν répond l’4
άναγνωρίσας έαυτόν de C. H. I 19 (13. 14), comme à Γάγνοια la γνώσις θεοϋ (qui
chasse 1’άγνοια, X III 8, p. 204. 3).
(3) X 8 (117. 4) κακία 8é ψυχής άγνωσία- ψυχή γάρ, μηδέν έπιγνοϋσα των δντων
μηδέ τήν τούτων φύσιν μηδέ τό άγαθόν : ceci est l’exacte contre-partie de I 3 (7.11),
μαθεϊν θέλω τά ίντα καί νοήσαι τήν τούτων φύσιν καί γνώναι τόν θεόν.
(4) καλόν καί άγαθόν τολμώσι λέγειν άνθρωπον : trait direct contre la morale
classique grecque du καλοκάγαθός.
(5) Suite du texte précédent.
106 LA RÉVÉLATION D’HERMÈS TRISMÉGISTE

la possession mais pour l’accroître », Exc. X I 2 [21] : « les dieux


choisissent le (vrai) bien, < les hommes choisissent le mal > comme
bien ». Ainsi en va-t-il, du moins en règle générale. Marquons aussi­
tôt, cependant, qu’il y a des degrés dans cette misère morale.
L ’homme n’est pas irrémédiablement corrompu. S ’il l’était, comment
pourrait-il encore se convertir? Nous verrons plus loin que, parmi
les hommes, certains gardent le désir de connaître, et que, avant
même la révélation, ils vivent en quelque manière selon l’intellect.
Ce sont ceux-là qui seront dignes et capables d’entendre la Parole.
L ’homme donc, avant la révélation, vit dans la nuit. Il croit
avoir la lumière, mais sa lumière est ténébreuse (I 28, p. 17.2 άπαλ-
λάγητε τοϋ σκοτεινού φωτός). Il ignore Dieu — dans le sens, parti­
culier à la gnose, de Dieu Père et révélateur (1) — et il s’ignore
comme fils de Dieu. Or il a absolument besoin de cette double
connaissance pour retourner auprès du Père (2). Il· a donc besoin
aussi d’une révélation, directe ou indirecte. Cette révélation est
sans doute une grâce, c’est-à-dire une faveur de la part de Dieu :
τής χάριτος ταύτης φωτίσω τούς êv άγνοια (I 32, ρ. 19.5), tua énim
gratia tantum sumus cognitionis tuae lumen consecuti (Ascl. 41,
p. 353.1), δσοι δέ της άπό τοϋ θεού δωρεάς μετέσχον (IV 5, ρ. 50.
23) (3). Mais l’homme peut compter sur cette grâce, parce que
Dieu désire d’être connu : « Saint est Dieu, qui veut être connu et qui
se fait connaître aux siens » (4). « Dieu n’ignore pas l’homme, au
contraire il le connaît bien et il veut être connu de lui, θέλει γνω-
ρίζεσθαι » (X 15, p. 120.8). « Dieu se révèle volontiers à tous »,
omnibus se libenter ostendit (Ascl. 29, p. 336.4). Il faut « élever1

(1) Cette ignorance est totalement différente descelle de X IV 8 (225. 7)


ώ της πολλής άνοίας καί αγνωσίας τής περί τόν θεόν. L ’auteur est ici un antignos-
tique. Ce qu’il attaque, c ’est précisément la doctrine dualiste que Dieu ne
peut être le créateur du monde sensible en tan t que celui-ci comporte du mal,
et. X IV 7 et n. 18 ib.
(2) E x c . II B 4 3-4 : Si tu connais τόν προπάτορα, tu vivras et mourras
heureux, τής ψυχής σου μή άγνοούσης ποϋ αύτήν 8*ΐ άνατττήναι.
(3) Cf. Harv. Th. B ., X X X I , 1938, ρ. 1, η. 4.
(4) δςγνωσθήναι βούλεται καί γινώσκεται (moy.) τοΐς 13(οις 1 31 (18. 3). Cf. Joh. 1,
11 τό φως... εις τά Ι8ια ήλθεν καί οί ίδιοι αυτόν ού παρέλαβον, 10, 3 τα ίδια πρόβατα
φωνεϊ (cf. 1 0 ,4 .1 2 ), 1 0,14 γινώσκω τά έμά (cf. 4 σός άνθρωπος C. Η. I 32, Χ ΐ Ι Ι 20)
καί γινώσκουσΐ με τά ίμα, 13,1 άγαπήσας τούς ίδίους τούς έν τώ κόσμιρ, Hippol. V 8,
17 (92.12 W .) 6 ’Αδάμας ( = 1’ ’Άνθρωπος)... λέγει πρός τούς Ιδιους άνθρώπους. Ces
rapprochements ne prouvent pas dépendance, mais atmosphère commune, ίδιος
= » parent, familier, ami proche », ol ίδιοι - - « membres d’une même famille
(naturelle ou spirituelle) » est courant à l’époque hellénistique, cf. L . S. J ., s.
T. I 4 (ajouter Witkowski, Epist. Priv. Gr. 42. 9, 53. 18, etc.). Nombreux
exemples de Ιδιοι = familiares (souvent joint à φίλοι) chez Vettius Valens,
cf. Index II I , p. 400 K. Il n’y à pas à supposer ici d’influence chrétienne ni
même juive ( ¿ i r . l l , 34 άπαλλατριώσει σε τών ιδίων σου). — Voir cependant un
autre sens possible (avec γινώσκεται au passif), t. IV , ch. iv, paragraphe 1.
SORT DE D’AME INCARNÉE 107

le regard du cœur vers Celui qui veut être vu » (1). On notera que,
une fois la révélation transmise à son disciple (Hermès), Poiman-
drès lui commande de prêcher, I 26 (16.13) : « Eh bien donc, que
tardes-tu? Ne vas-tu pas, dès lors que tu as reçu de moi toute la
doctrine, servir de guide aux dignes ( t o ï ç dtÇioiç, cf. infra, pp. 109 s.),
pour que le genre humain, grâce à toi, soit sauvé par Dieu? » (2).
De même, dans le Cratère, c’est Dieu lui-même qui envoie sur terre le
cratère rempli de voüç, Dieu qui appointe un héraut (Soùç x^jpoxa),
et qui lui commande (¿x&euoev) de proclamer aux cœurs des
hommes ces paroles : « Plonge-toi, toi qui le peux, dans ce cra­
tère » (3).

2. L e choix.
« Convertissez-vous (μετανοήσατε) », dit Hermès aux hommes
quand il a reçu lui-même la révélation, « affranchissez-vous de la
lumière ténébreuse, recevez en partage Yimmortalité, ayant quitté
une fois pour toutes la perdition » (φθοράν, I 28, p. 17.2/3). Deux
voies s’ouvrent donc à l’homme : celle de la vie immortelle, celle
de la mort (τη του θανάτου δδφ ¿αυτούς έκδεδωκότες I 29, 17.4/5).
« Les uns alors », dit l’auteur hermétique, i après avoir jasé contre
moi (4), s’en furent de leur côté; mais les autres, s’étant jetés à

(1) ¿φορώντας τη καρδίφ είς τ4ν ¿ραθήναι θέλοντα V II 2 (81. 15). καρSia en ce
texte (8 1 .1 6 , 17), comme en IV 4 (50. 10 κηρύξαι ταϊς τών άνθρώπων καρδίαις, Cf.
plus haut I. 7 έν μέσω τ α ϊς ψυχαϊς ώσπερ ϊθλον Ιδρϋσθαι), IV 11 (53. 12 τοϊς τής
___ tk/ ι _Δ. λ __ «7 .a T T T I i _ ûΛ C\ μϊΙ Ι αχιιβ n 'in ili/ iiis o s · n éA sseaiM m an l un s

(άπ6 καρδίας dans les deux cas = έξ ίλης τή ς ψυχής, qu’on rencontre également
chez Epictéte et Marc-Aurèle, cf. F arquhabson , II, p. 505), Ant. Flucht. 3 .1 5
Wü. στρέβλωσον αυτών τήν ψυχήν καί τήν καρδίαν, P G M V 11 472 άγε μοι τήν δείνα...
καιομένην τήν ψυχήν καί τήν καρδίαν (citations en partie déjà dans Preuschen-
Bauer : celles qu’ il ajoute, de P G M X I I I, ne concernent que le cœur physique),
καρδία semble avoir appartenu à la langue populaire sous l’Empire comme
équivalent de ψυχή. Le mot une fois admis, il était facile de transposer Γ < œil du
νους »platonicien (cf. éd. Budé, p. 82, n. 5) en « œil du cœur ».
(2) De même I 32 (19. 4) ένδυνάμωσύν με, καί τής χάριτος ταύτης φωτίσω τούς έν
άγνοίφ τού γένους (sur la construction, cf. infra, p .l0 8 ,n . 1). Sur ces concepts de
φωτισμύςβΐ de χάρις, cf. les ouvrages bien connus de G il l is P. W e t t e r , Chans,
Leipzig, 1913; P his, Uppsala, 1915.
(3) IV 4, p. 5 0 .1 0 . Pour κηρύξαι, cf 27, p. 16. 19 καί ήργμαι κηρύσσειν. Sur
le κήρυγμα (ici μετανοίας), cf. Har«. Th. X X X I , 1938, pi 5, n. 18 (avec renvoi
à Norden, A gn . Th.), Épicure et ses -, p. 57, n. 1, L ’Enfant d’Agrigente
(2* éd., Paris, 1950), p. 107 s.
(4) κατάφλυαρτσαντες (où κατά = ----- , . Gu,
, κατά marquant l’idée de
reprise, de recn nmencement, « ayant recommencé leurs vains bavardages » (Us
les avaient san ■ oute interrompus, cf. I 28, p. 16. 24 ol δέ άκούσαντες παρεγένοντο
ύμοθυμαδύν] o u r e premier sens, cf. I I I Joh. 10 λύγοις πονηροϊς φλυαρών ήμδς
et les texte. ité nfra, pp. 108 s. Le second peut se défendre. La φλυαρία,
comme tous ies auteurs spirituels ie répètent, est un obstacle ..iajmir au recueil­
lement : or il faut êti cueilli pour entendre la Parole, cf. / T u 5, 13άμαδέ
108 LA RÉVÉLATION D’HERMÈS TRISMÉGISTE

mes pieds, me suppliaient de les instruire ». De même IV 4 (50.14) :


« Tous ceux qui ont prêté l’oreille à la proclamation et qui ont été
baptisés dans l’Intellect (1), ceux-là ont eu part à la Connaissance
et sont devenus hommes parfaits parce qu’ils ont reçu l’Intellect.
Ceux au contraire qui ont négligé d’écouter le message (2), ceux-là
restent purs logikoi (3) sans avoir reçu en plus l’Intellect : ils
ignorent pourquoi ils sont nés et par quelles causes ». Si l’on com­
pare les actes des deux classes, les uns sont immortels, les autres
mortels (άθάνατοι άντ'ι θνητών είσι IV 5, ρ. 51.1, cp. άθανασία~ φθορά
17.3). Enfin ce thème du choix initial est supposé en V II et IV 6 /7,
car il est bien évident qu’on ne choisit pas un nouveau genre de
vie si d’abord on n’a choisi d’écouter la Parole.
Comme l’a remarqué Norden (4), il y a là un thème conventionnel,
et il est facile d’alléguer des parallèles. Ainsi Joh. 8, 30 ταϋτα αύτοϋ
(Jésus) λαλουντος πολλοί έπίστευσαν εις αυτόν, mais 8, 48 άπεκρίθησαν
οί ’Ιουδαίοι καί είπαν αύτώ "Οΰ καλώς λέγομεν ήμεΐς ότι... δαιμόνιον
εχεις (cî. 8, 52.59) (5). A d. A ρ . 17, 32 άκούσαντες Si..., οι μέν
έχλεύαζον (cf. καταφλυαρήσαντες dans le premier sens indiqué
supra, p. 107, n. 4), ot Sè είπαν " Άκουσόμεθά σου περί τούτου καί
πάλιν” ,... τινές δε άνδρες κολληθέντες αύτω έπίστευσαν. Norden
(I. c.) fait état aussi d’un parallèle curieux dans les Oracula Sibyl-
lina (I 125 ss.), rempli sans doute, comme il le dit, de τόποι hellé-
xal άργαί μανθάνουσιν (? vont apprendre les nouvelles?) περιερχόμεναι τάς οικίας,
ού μόνον Si άργαί άλλα καί φλύαροι καί περίεργοι, λαλοΰσαι τά μή δέοντα, C. Η. X 9
(117. 12) : le Connaissant (6 γνούς) est & μή πολλά λαλών μηδέ πολλά άχούων,
Z osime , Compte F in a l, 8 (cf. Rév. H . T r., I, p. 3 6 7 .1 0 ss.) σύ γοΰν μή περιέλκου
ώς γυνή καί μή περιρρέμβου ζητούσα θεόν (έτερον add. Μ), άλλ' οίκαδε καθέζου,
καί θεός ήξει πρός σέ 6 πανταχοϋ ών... καθεζομένη 8έ τω σώματι καθέζου καί τοΐς
πάθεσιν, et mon article dans Annuaire Ec. P r. d. H . Et. (S c .R e lig .), 1951/2,
pp. 3 ss.
(1) έβαπτίσαντο του νοός est difficile. J ’avais conjecturé (comme Scott,
semble-t-il) έβαπτίσαντο (tù βάπτισμα) τού νοός, de quoi on pourrait rapprocher
I 32 (19.5) της χάριτος ταύτης (φως) φωτίσωτούςέν άγνοια (rapproché déjà par Reit-
zenstein Gôtt.N achr., 1910, p. 328, mais sans explication), cf. έφώτισας ήμας φως
γνωσεως, Λίοη. Eccl. Lit. 2492 (éd. Cabrol-Leclerq, Paris, 1904) = Const. Apost.
V III 37 (P G 1 , 1140 B ). Ou encore, dans les deux cas, génitif partitif. Ou encore,
dans le cas de έβαπτίσαντο, on peut se demander s’il n’y a pas ici assimilation
à la construction classique βάπτειν (βάπτεσθαί) τίνος, sur le type de λούειν
(λούεσθαΐ) τίνος, cf. A rat. 650/1 τά μεν... βάπτων ώκεανοίο, 858 εί S’A μέν άνέ-
φελος βάπτοι ¿¿ου έσττερίοιο, 951 ή που καί ποταμοίο έβάψατο, Εν. L u e 16, 24 tva
βάψη το άκρου του δακτύλου αύτοϋ 68ατος.
(2) ήμαρτον τοϋ κηρύγματος, cf. L. S. J . αμαρτάνω I 4. Ou « se sont mépris
sur le message », cf. Hérod. I 71 Κροΐσος 8έ
(3) Se. n ’usent que de la seule raison,
p. 2, n. 5.
Agnostos Theos, pp. 199 S.
S De même Joh. 12, 36 ss. (après le dernier discours public, sur la Lumière)
ταϋτα έλάλησεν Ίησοϋς... (37) τοσαϋτα δέ αύτοϋ σημεία πεποιηκύτος έμπροσθεν
αυτών ούκ έπίστευον είς αύτόν... (42) όμως μέντοι καί έκ τών άρχόντων πολλοί
έπίστευσαν είς αύτόν.
SORT DE L’AME INCARNÉE 109

nietiques, mais non moins influencé par le prophétisme ju if (1).


Noé reçoit de Dieu l’ordre de prêcher au peuple la repentance. Or,
quand il a fini, ot δέ μιν είσαίοντες έμυκτήριζον έκαστος | έκφρονα
κικλήσκοντες, άτάρ μεμανημένον άνδρα (I 171 s.). Norden com­
pare ce dernier trait avec le δαιμόνων έχεις de J oh. 8, 48 et
veut retrouver ici une même tradition littéraire (/. c. p. 200).
Encore faut-il observer que la diversité de réactions à l’égard d’un
message religieux n’est pas nécessairement toujours d’ordre fictif.
Il y a eu, dans l’histoire, des religions prêchées, et il va de soi que
l’accueil fait à ces messages a différé selon les prédispositions des
auditeurs. Le cas du prophétisme juif, des apôtres chrétiens ou
manichéens, de la propagande dionysiaque en Grèce même en four­
nit assez d’exemples (2). Bien plus, il y a toute apparence que le
thème littéraire du κήρυγμα et des réactions qu’il provoque a été
forgé à la suite et en conséquence de faits réels. Quant à dire si ce
thème, dans le Poimandrès , est fiction ou réalité, comment en déci­
der?
Le κήρυγμα du Poimandrès est un message de repentance (3).
Il invite à changer de vie. E t dès lors il suppose, chez qui l’accepte,
des dispositions favorables. Doit-on entendre dans ce sens le καθο-
δηγός γίνβ τ ο ΐς ά ξίο ις de I 26 (16.14)? On pourrait penser que les
dignes sont tels parce qu’ils ont été appelés, élus par la divinité
elle-même, άξιοι parce que άξιούμενοι, τιμούμενοι. On rejoindrait
ainsi le cas du Lucius d’Apulée (X I 21) magni numinis d ig n a lio n e
destinatus (4), et nous nous trouverions en présence d’une sorte de
prédestination, d’élection préalable par la divinité (5). Cependant,1

(1) C’est en effet un lieu commun chez les Prophètes que Dieu leur ordonne
de parler : ici I 129 κήρυξον μετάνοιαν, όπως αωθώαιν άπαντες, cp. I smb 6 , 9 καί
εΐπεν « Πορεύθητι καί elniv τφ λαφ τούτη» *, JÉRÉMIE 1,5 προφήτην είς ϊθνη τέθεικά
σε etc. C’en est un autre que la frayeur du prophète quand il reçoit cet ordre :
ici I 147 τ4ν 8k τρόμος Χάβε μυρίος olov ίκουσεν, cp. ISAIB 6,5 καί εΐπον « ”û
τάλας έγώ, 8 « κατανένυγμαι », J érém ie 1,6 καί είπα « Ώ ί»ν δέσποτα κύριε, Ιδού
ούκ έπίσταμαι Χαλεΐν ότι νεώτερος έγώ είμι ». Geffcken, dans son édition des
Sibyllina, signale d’autres rapprochements avec la tradition juive : ad 137-140,
149 ss.
(2) Ainsi, pour nous borner à la Grèce, les réactions diverses, dans les
Bacchantes, à l’égard du message de Dionysos.
(3) μετανοήσατε, 1 28 (16. 26). Sur l’alliance des verbes κηρύσσειν et μετανοεϊν,
et. Norden, A f n . T h ., p. 140, n. 1. Sur μετάνοια dans les Septante, ib., p. 139,
n. 1. Sur les origines du concept de μετάνοια, ib., pp. 134-140.
(4) Sur cette expression et les exemples analogues, ci. R eitzenstein,
Hell. Myst. Rel.·, pp. 252-254.
(5) Ainsi pense Mu· P étrement, L e dualisme etc., qui, p. 245, cite &l’appui
γιγνώσχεται τοΐς ΙδΙοις I 31 (18. 3). Mais les « amis » de Dieu peuvent être tels
parce qu’ils se sont donnés à Lui après la prédication. Par lui seul, le mot
n’implique pas l’idée de prédestination. Pour la prédestination par la Fatalité,
Cf. L ’Hermétisme, cité supra (p. 98, n. 4), pp. 32 s. (à propos de C. H. X II 5-9).
110 LA RÉVÉLATION D'HERMÈS TRISMÉGISTE

à ma connaissance, l’idée de prédestination est absente de l’hermé­


tisme. Dieu appelle tout le genre humain : όπως τ ο γένος της άνθρω-
π ό τη το ς... σωθή (I 26, ρ. 16.14 ) , om n ib u s se libenter ostendit (Ascl.
29, p. 336.4). Il vaut donc mieux comprendre : dignes parce que leurs
dispositions morales les rendent dignes (capables) de prêter atten­
tion à la Parole. Or précisément άξιος en ce sens est presque techni­
que dans les milieux spirituels et les confréries de mystères sous
l’Empire. Ainsi dans l’inscription des Iobacchoi (datée par la men­
tion d’Hérode Atticus, mort en 178 ap. J.-C.), Syll 3. 1109.31 ss. :
μηδενί έξέστω ΐόβακχον είναι έάν μή πρώτον... οοκιμασΟή (1)... ει
άξιος φαίνοιτο καί έπιτήδειος τω Βακχείω, J amblique , ν . Pyth., 17, 72,
ρ. 41. 12 D. (2) αυτοί δέ εί μεν ά ξιο ι έφαίνοντο τοϋ μετασχεΐν δογμάτων,
έκ τε βίου καί τής άλλης έπιεικείας κριθέντες, Josèphe, Bell. Jud.
I l 8, 7, 138 (Esséniens) φανείς άξιος οΰτως είς τον όμιλον έγκρί-
νεται (3). Sans doute, dans ces confréries, s’agit-il d’une « digni­
té » reconnue après examen, conséquente à un temps d’épreuve, à
une sorte de noviciat (4), alors que dans le Poimandrès, du moins
avant le choix initial, il ne saurait être question d’une telle proba­
tion : le seul fait que, parmi les auditeurs, les uns écoutent* les
autres refusent la Parole, prouve que le message s’est adressé à la
masse des hommes. Mais le sens d ^ io ç n’en est pas moins le même :
sont άξιοι ceux que leurs dispositions ont rendus dignes de croire.
Une autre expression confirme cette exégèse. Le héraut du G. H.,
IV 4 dit aux âmes (5) : « Plonge-toi, toi qui le peux (ή δυναμένη),
dans ce cratère ». Celui qui est digne d’entendre est celui qui est
capable d’entendre. Cette idée du pouvoir de l’âme revient à plu­
sieurs reprises et à diverses étapes de la révélation. Marquons ici
ce qui a trait à la première, lorsqu’il s’agit d’accepter la Parole. A ce
degré, le pouvoir de l’âme revêt deux aspects. Premièrement il est
lié au vouloir : ή γάρ τελεία κακία το άγνοεΐν το θειον τό δέ δύνασθαι
γνώναι καί θελήσ α ι καί έλ π ίσ α ι οδός έστιν ευθεία, ιδία τοϋ άγαθοϋ,
φέρουσα καί ράδια (6), X I 21, ρ. 156.9 ss. Ce désir foncier est la
(1) Cf. Rev. E l. Gr.. L , 1937, pp. 479 s.
(2) Ce texte et le suivant cités déjà R E G ., I. c., pp. 483 ss.
(3) Peut-être aussi άξίω μύστη P G M . IV 477, mais cette conjecture de
Dieterich (αξιω μυσται Pap.) n’est pas sûre.
(4) Le début de C. H. X I I I pourrait faire songer à une pratique analogue.
(5) Littéralement « aux coeurs », et. supra, p. 107, n. 1.
(6) C’est ainsi que, pour ma part, je couperais et accentuerais la phrase,
sans rien corriger (sauf pour faSia) : = « avoir le pouvoir de connaître, en
avoir la volonté et l’espérance, c ’est là une route droite, la route propre du
Bien, amenant même avec soi ( = ayant pour conséquence) des choses faciles ».
φέρουσα dans ce sens est ici possible, vu le sens métaphorique : · voie de vie,
méthode de vie ». Or ce qu’impose cette voie de vie est facile à accomplir : ceci
en réponse à la plainte de l’âme, < ούδέν νοώ, ούδέν δύναμαι » (1 5 6 .5 ).
SORT DE L’AME INCARNÉE lit

disposition de base. Dieu ne sauve que ceux qui veulent être sau­
vés. Il est remarquable que, dans le premier des deux traités propre­
ment gnostiques, C. H. I, le disciple ne cesse de manifester son
appétit de connaître : μαθεΐν θέλω (7.11), πώς (exclamatif) άκοϋσαι
βούλομαι (7.12), καί αύτόςγάρ ερώ, τοΰ λόγου (12.3 /4) (1), εις μεγάλην
γάρ νϋν επιθυμίαν ήλθον καί ποθώ άκοϋσαι (12,12/3), et cette note n’est
pas absente du second, C. H. X I I I (cf. 1 et 15, p. 207.5 θέλω άκοϋσαι
καί βούλομαι ταΰτα νοήσαι, voir aussi IV 6, 51.9 κάγω βαπτισθήναι
βούλομαι, ώ πάτερ). Il y a là peut-être un cliché d’école : mais
l’empressement ne paraît pas aussi vif dans les autres traités. Aussi
bien, qui veut peut. « Ayant mis dans ta pensée qu’il n'est pour toi rien
d’impossible, estime-toi immortel et capable de tout comprendre »,
X I 20 (155.15). « Si tu embrasses par la pensée toutes ces choses à
la fois,... tu peux comprendre Dieu. Mais si tu tiens ton âme empri­
sonnée dans le corps, si tu la tiens dans l’abaissement (ou le décou­
ragement, ταπείνωσης) et vas disant : « Je ne comprends rien, je ne
peux rien; j ’ai peur de la mer (2), je ne puis monter au ciel : je ne
sais ce que j ’étais, je ne sais ce que je serai », qu’as-tu à faire avec
Dieu? » X I 20-21 (156.4 ss.).
Il faut donc vouloir. E t ce vouloir est déjà un pouvoir. Mais
le vouloir lui-même suppose des conditions morales, un certain
détachement de la matière : « Tu ne peux rien concevoir des choses
belles et bonnes, tant que tu chéris ton corps et que tu es mau­
vais », φιλοσώματος καί κακός ών (X I 21, p. 156.8). C’est là le
eecond aspect du pouvoir de l’âme, et il est lié à un problème
classique dans l’hermétisme, que posent les traités I 21, IV 3 ss. (3).
On croit dans la mesure où l’on est έννους (IX 10, p. 100.17 ss.).
Or tous les hommes ont reçu le νοΰς puisqu’ils descendent tous
de I’Anthrôpos. Comment donc se fait-il que tous ne croient pas?
Tous les hommes ont bien reçu le νοΰς. Mais, en certains, le νοΰς
est entièrement obnubilé du fait de leur attachement au corps
(φιλοσώματος ών). D’autres au contraire mènent une vie meilleure
et restent capables d’entendre la Parole. Dieu, l’Intellect suprême,
ee tient auprès d’eux (παραγίνομαι αυτός έγώ ό Νους I 22, 14.12),
sa présence leur devient un secours (ή παρουσία μου γίνεται βοήθεια
14.13), et aussitôt ils connaissent toutes choses (καί ευθύς τα πάντα
γνωρίζουσι 14.14) : c’est à savoir au moyen de la révélation, puisque
celle-ci, on l’a vu, est toujours requise. D’une certaine manière,
(1) Virgule après ipû, selon moi. καί οώτός γάρ έρώ se référant ά 11-17
έρωμενοι γάρ ήσαν.
(2) Sur le sens de cette exprès- '>n, ο' . . , 2 e parue i.p. 141, n. 3.
(3) Voir déjà L ’Hermétisme. pp. 30 s.
112 LA RÉVÉLATION D’HERMÈS TR1SMÉGISTE

on peut dire que l ’homme, avant la révélation, a et n’a pas le νους.


Il l’a sans doute en puissance, en sorte que le disciple du Poiman-
drès peut s’étonner avec juste raison : « tous les hommes n’ont-ils
donc pas l’intellect? » (I 22, p. 14.10/1). Mais d’autre part, même
s’il pratique certaines vertus morales, l’homme n’a pas la plénitude
de l’intelligence. Il ne sait pas d’où il vient et où il va. Il ne connaît
pas toutes les ressources de l’instrument qu’il possède. Il n’ose pas
s’assimiler à Dieu, se rendre égala Dieu (έάν ουν μή σεαυτον έξισάσης
τω θεω), et dès lors il ne peut pas comprendre Dieu (τον θεάν
νοήσαι où δύνασαι, X I 20, p. 155.11 ¡2). En ce sens, il est vrai qu’il
n’a pas le νοϋς. Il n ’est encore qu’un λογικός. La pleine connaissance
de Dieu et de soi-même est quelque chose qui se mérite comme un
prix (ώσπερ αθλον IV 3, p. 50.7). Or cette prise de conscience, fruit
de la révélation, exige des capacités, un effort : c’est cela que
désigne précisément la notion de pouvoir dans les traités IV (50.11)
et X I (155.12, 15, 16; 156.3, 5, 8 ,1 0 ) (1).
Nous voici à même de comprendre la nature de l’acte de foi.
Car c’est bien une πίστις que l’adhésion au message : π ισ τ εύ ω καί
μαρτυρώ I 32 (19.6), βάπτισον σεαυτην ή δυναμένη ..., ή π ιστεύο οσα
IV 4 (50.12), l’objet de la croyance étant ici indiqué : « toi qui crois
que tu retourneras vers Celui qui a envoyé le cratère ». Il y a foi
parce que, selon l ’expression de YEpître aux Hébreux (11, 1), il
s’agit là de choses qu’on ne voit pas : πραγμάτων έλεγχος où
βλεπομένων, cf. C. H. IV 9 (52.18) τα μέν γάρ φαινόμενα τέρπει, τά
δέ αφανή δ υ σ π ισ τεϊν ποιεί. Le Bien est invisible aux yeux visibles
(άφανές τοΐς φανεροϊς 52.20). E t, de même, l’annonce de notre ori­
gine divine et de notre destinée céleste est trop belle pour qu’on y
croie aisément : qu’on se souvienne du vieux proverbe grec, qu’il
faut άνθρώπινα φρονεΐν άνθρωπον δντα καί θνητά τόν θνητόν
(Arist., Eth. Nie ., X 7, 1177 b 32). Précisément le disciple du C. H.
X I est un homme qui manque de confiance, qui n’ose pas s’égaler à
Dieu ( X I 20, p. 155.11; 21, p. 156.1 ούδέν δύναμαι). Accepter le
message implique donc un mouvement de foi, au double sens du
mot : foi au message (cf. X I 1, p. 147.6 σοί — ici le Νοϋς — γάρ αν
καί μόνο> π ισ τ εύ σ α ιμ ι) ; confiance qu’on pourra suivre le message.
On voit aussi quel rôle joue le pouvoir de l’âme dans les adhésions à
la Parole, et l’on saisit comment le C. H. I X 10 (100.17 ss.) peut
|1) Comme le note Scott (II, p. 335), dans ce traité X I ,« the pupilhas not
yet attained gnosis, but he is starting on the way to it ». Cette notion du pouvoir
apparait même dans on traité non gnostique (Dieu cosmique!) comme V 2
(61. 3 ) eî δύνασαι, τοΐς τοδ νοδ Αφθαλμοϊς φανήσεται (sc. 4 θεός), avec la men­
tion intéressante de la prière (60. 16 ss.) où οδν... εΰξαι πρώτον τω κυρίω... ΐλεω
τυχεΐν,.ίνα δ υνη θής τόν τηλικοδτον θεόν νοήσαι.
SORT DE L’AME INCARNÉE 113

établir un lien entre ce pouvoir ( = la faculté de comprendre) et


l’acte de foi. Le message parait vrai si l’on est ëwouç (èwooüwi άληθή
δόξειεν ) (1), il paraît incroyable à qui refuse de connaître (τω άγνο-
οδντι ά π ιστα ). L a foi implique un acte d’intelligence; manquer de
foi, c’est manquer d’intelligence (2). L a parole (du prophète ou du
maître) mène l’auditeur jusqu’à un certain point de la vérité :
c’est alors à l’intellect d’exercer son pouvoir (μέγας Ισ η ). Quand
il a embrassé tout l’ensemble (3), il croit et se repose dans cette
belle foi (έπίστευσε καί τγ) καλή π ίσ τ ει έπανεπαύσατο). Ce pas-
eage difficile (4) s’éclaircit, me semble-t-il, si on le rapporte à la
ioctrine du pouvoir intellectuel de l’âme que nous analysions plus
haut. Pour croire, l’âme a besoin d’exercer le νους qu’elle possède
en puissance. L ’homme qui croit est bien Γίννους ών, celui qui
possède l’intellect et qui vit moralement de telle façon qu’il soit
capable d’en faire usage pour l’acte de foi.

3. Conséquences du choix.
L ’auditeur a donc cru : il « connaît » (■?) yvupi^ouca) (5), il
sait pourquoi il est' venu à l’être. Cet acte de foi est un engagement
de la part de l’homme : désormais on a choisi (6) et l’on entre­
prend ce combat spirituel dont parlent tous les manuels de « vie
dévote » (7). C’est là un thème tout à fait banal, et il n’y a pas
lieu d’y revenir (8). Plus remarquables, parce que plus caracté­
ristiques de la gnose hermétique, sont les appuis divins sur lequel
peut compter l’homme à partir du moment où il a choisi (d).
Il y a d’abord un don de force (Séva(«ç). Quand le disciple (ici
Hermès) du Poimandrès a cru à la Parole (ou, dans son cas, à la 1

(1) R e itz e n stein , Hell. Mysl. R e l p. 235, a bien vu que èwoûv équivaut
ici à ίννους ών ou voüv ίχων comme en C. H. I.
(2) r i γάρ νοήσαί έστι r i πιστεϋβαι, άπιατήααι St τ4 μή νοήσαι 100 .1 8 . J ’ai tra­
duit d’après la logique du morceau. Si le message parait άληθής parce qu’on est
twooç, άπιστος parce qu’on est άγνοών, c’est donc que la loi implique une νίησις,
c’est-à-dire qu’on était capable de voeîv, qu’on possédait le νους. Cette traduction
suppose donc < τ 4 > άπιστήσαι (sic D et Scott qui, pour le reste, corrige), les
deux sujets étant τ6 πιστεϋσαι et < τ 4 > άπιστήσαι avec chiasme.
(3) τά πάντα περινοήσας. Sur ce verbe περινοεϊν, Cf. Reitzenstein, (. c., pp. 235 s.
(4) Non expliqué dans Scott. R eitzenstein, l. c., pp. 234-236, offre des
parallèles hellénistiques pour πίστις.
(5) IV 4 ,5 0 . 11. Noter la progression : ή Suvapfvij..., ή πιστεύουσα 5τι..., ή
γνωρίζουσα έπΐ τ! γέγονας.
(6) Sur le choix, voir encore C. H. IV 6 /7, Exc. X V III 3 (τ6 8έ αίρεϊσθσι
ϊχομεν).
(7) Cf. G. H. VII 3, X (19 άγών ti εΟσεβεΙας 122. 15 s.). En E xc. II B 8 je
préfère garder άγωγάς, en E xc. X X I V 4 αΙώνα.
(8) Voir au surplus éd. Budé, p. 132, n. 62, J . K rozl, Lehren, pp. 341-348.
(9) Cf. C. H. IV 8 (52. 5) τα μέν παρά θεού ήμΐν τε υπήρξε καί υπάρξει' τά δέ
άφ ήμών άκολουθησάτω καί μή ύστερησάτω.
LA RÉVÉLATION D'HERMÈS TRISMÉGISTE. ---- I I I . 9
114 LA RÉVÉLATION D’HERMÈS TRISMÉGISTE

vision), il commence par adresser à Dieu une prière d’actions de


grâces et de louange (εγώ δε εύχαριστήσας καί εύλογήσας) (1).
Puis il prend congé de Poimandrès,' non seulement instruit, mais
« investi de puissance » (δυναμωθεις καί διδαχθείς 16.18). E t c’est
alors qu’il se met à prêcher (καί ήργμαι κηρύσσειv 16.18). Cette
force divine fait de lui un témoin (μαρτυρώ I 32, p. 19.6) (2).
« Remplis-moi de puissance (ένδυνάμωσόν με) », dit-il encore dans
la prière finale (I 32, p. 19.4), « et j ’illuminerai de cette grâce ceux
qui sont dans l’ignorance ». La force est liée au témoignage. Elle est
aussi nécessaire pour tout progrès décisif dans la connaissance- de
Dieu, comme on le voit par le C. H. X I I I , la « Consécration du
Prophète » selon la juste expression de Reitzenstein (3). Le disciple
(ici T at, 209.7) a reçu l ’initiation première, mais sous forme voilée
encore (οΰκ άπεκάλυψας 200.6) et énigmatique (αίνιγματωδώς 200.4).
Il n’est pas entièrement sauvé, car on ne peut l’être avant d’avoir
été régénéré en Dieu (200.6 /7). Il n’a plus à recevoir que ce dernier
accomplissement (τούτον — sc. τόν λόγον — παρά πάντα μόνον αγνοώ
200.9/10). Il-s’est donc préparé à cet acte : il s’est rendu étranger
au monde (άπαλλοτριοϋσθαι 200.11), il a fortifié son esprit contré l’illu­
sion du monde (200.12/3). Le voilà prêt. Hermès alors l’instruit sur
le mode de la renaissance ( X I I I 2-6) jusqu’au point où il lui explique
que Dieu, étant totalem ent immatériel, n’étant conçu que par sa
puissance et son opération (τό μόνον δυνάμει καί ενεργείς νοούμε-
νον) (4), n’est appréhendé que si l’on est capable de concevoir
la naissance en Dieu (δεόμενον δέ του δυναμένου νοεϊν τήν έν θεώ
γένεσιν 203.2). « Suis-je donc incapable (αδύνατος)? » demande le dis­
ciple. « Qu’il n’én soit pas ainsi », répond Hermès : « attire, cela
(la force) viendra ; veuille, cela se produit » (203.4 /5). Nous recon-1

(1) I 27 (1 6 .1 7 ). Sur ces termes, cf. J . Kroll, Lehren, pp. 308-310, 328-335.
(2) La suite des idées dans ce passage : (1 ) ένδυνάμωσόν με, (2) καί τής χάριτος
ταύτης φωτίσω τούς έν άγνοίφ.... (3) 8ιό πιστεύω καί μαρτυρώ = (1 ) d’abord don de
la force divine, (2) qui mène à la foi en la révélation reçue, (3) d’où résulte le
témoignage en faveur de cette révélation, avec l’assurance finale είς ζωήν καί
φως χωρώ, toute cette suite semble confirmer le sens originel proposé par
K. Holl pour μάρτυς dans la langue chrétienne, cf. Ges. Aufsätze, I I , pp. 68 ss.,
103 ss. Le « témoignage » suppose une vue directe de Dieu (Christ) dans sa
gloire, une όμιλία avec Dieu (cf. ib., p. 73, n. 1, et p. 80), un don particulier de
force en conséquence de la vision (ib., p. 80).
(3) Poimandrès, p. 339. Cet aspect « prophétique » n ’est d’ailleurs pas
le seul, cf. t. IV, p. 212.
(4) Ainsi ai-je traduit dans l’éd. Budé (X III 6, p. 203, 1), cf. J o s., C. Apxon
Il 167 : Moyse a défini Dieu comme δυνάμει μέν ήμϊν γνώριμον, όποιος δέ κατ’ ουσίαν
έστίν άγνωστον (sur ce texte, cf. t. IV, ch. i). Mais on pourrait traduire aussi
avec Scott (qui supprime à tort καί ένεργεία : il s’agit de l’opération divine,
cf. E xc. III) : « a thing which can be apprehended only by divine power », ce
qui serait explicité ensuite par δεόμενον δέ κτλ.
SORT DE L’AME INCARNÉE 115

naissons icü ’alliance « vouloir et pouvoir » (cf. supra, pp. 110 s.), mais
appliquée à un degré supérieur de la Connaissance. Il ne s’agit
plus seulement de savoir en théorie qu’on est fils de Dieu, mais de
renaître positivement en Dieu, de devenir dieu, donc immortel
(X II I 14). Les Puissances mêmes de Dieu vont remplacer dans le
fidèle les puissances irrationnelles de la matière (X II I 7-12), en
sorte que, désormais, l’initié voit : « Père, je vois le Tout (ou toute
la vérité) et je me vois moi-même dans l’Intellect », X I I I 13 (1).
Sur quoi, en reconnaissance de ce don divin, Hermès chante un
hymne à Dieu, l ’hymne- des Puissances divines maintenant instal­
lées dans l’homme (al δυνάμεις ai èv έμοί X I I I 15, p. 207.4;
18, p. 208.3). Hermès est capable de chanter cet hymne, car, régénéré
comme il est, il a pouvoir (δυνήσομαι X I I I 15, p. 207.2) de tout
comprendre, entendre et voir. Mais le disciple, lui aussi régénéré,
désormais entièrement pur (κεκαθαρμένος γάρ X I I I 15, p. 206.19),
veut offrir à son tour une eulogie à Dieu ( X I I I 21, p. 209.4). Il en
a maintenant le pouvoir (δύναμαι 209.3). Grâce à l’hymne chanté
par Hermès, il a été illuminé à plein (2). Il a reçu une vertu divine
qui l’investit de puissance (3).
Ainsi voit-on, aux diverses étapes de la révélation, des conditions
parallèles. Au premier degré, l’homme possédant virtuellement le
νους était capable, s’il vivait bien, d’entendre la Parole. Au degré
supérieur, le fidèle, instruit en partie de la révélation, est capable,
s’il s’est préparé, de renaître en Dieu. On notera ici un trait inté­
ressant de la piété hermétique. Le don de force, nous l’avons vu,
est lié au témoignage : Hermès δυναμωθείς se met à prêcher. Mais
ce don conduit aussi à l’eulogie. Celui-qui est rempli de Dieu est
incité à remercier Dieu; et d’autre part celui-là seul chante bien
Dieu qui a été rempli de Dieu. Nous le constatons à toutes les
étapes. Avant même la révélation, les bons jouissent de la présence
divine ( v. infra) : alors ils connaissent toutes choses ( = ils reçoivent
la révélation) « et ils rendent grâces au Père par des bénédictions
et des hymnes », εΰχαριστοϋσιν εΰλογοϋντες καί ύμνοΰντες I 22
(14.15/6). De fait, à peine la révélation reçue, Hermès remercie
et loue le Père (εύχαριστήσας καί εΰλογήσας I 27, p. 16.17) et le Poi-1

(1) Ou « l’intellect » : r i παν 6ρώ καί έμαυτ&ν έν τφ νοt X I I I 13 (206. 3). Même
amphibologie que I 7 (9. 5) έν τφ νοί μου, cf. η. 17 ad loc. Pour « voir », cf. X 4
(114. 14) τφ δυναμένφ Ιδεΐν.
(2) έπιπεφώτισταί μου ό νους 209. 3 / 4 : pour la valeur de έπι-, cf. I Cor Γ' ’ 2
άρτι γινώσκω έκ μέρους, τότε δέ έπιγνώ σομα ι.
(3) της άρετης X III 22 (209.15) : cf. καθώς παρέδωκας αύτώ τήν - ' , . ,.r M
I 32 (19. 8).
116 LA RÉVÉLATION D’HERMÈS TRISMÉGISTE

mandrès s’achève sur un hymne (I 31-32). A la seconde étape,


Hermès et Tat chantent Dieu parce qu’ils ont été, l’un et l’autre,
investis de puissance. Enfin, quand l’homme parvient au oiel
dépouillé des vices des sphères, comme il a reconquis son pouvoir
propre (d’Homme céleste, τήν ιδίαν δύναμιν ίχων I 26, 16.5), il
chante des hymnes au Père avec les autres Bienheureux (καί ύμνεϊ
βύν τοΐς ούβι τόν πατέρα 16.6).
Ces apports successifs de δύναμις divine témoignent de la protec­
tion de Dieu à l’égard de son fidèle. A mesure que le juste s’enfonce
en Dieu, il jouit davantage-de sa présence, et, de même, à mesure
que le méchant s’enfonce dans le mal, il devient la proie d’un
démon vengeur.
Tous les hommes possèdent l’intellect, mais tous ne vivent pas
selon l’intellect. Dieu se tient auprès des justes : παραγίνομαι αύτός
έγώ δ Νους τοΐς δσίοις κτλ. I 22 (14.12). Cette présenoe dé Dieu
(παρουσία 1 4 1 3 : σύνειμί σοι πανταχοϋ 7.10) devient alors un secours
(14.14). Le Νους se fait gardien des portes de l’&me (πυλωρός 14.20 :
cf. le θυρωρός johannique, J oh. 10, 3), il ferme la porte à l’entrée
des actions mauvaises et honteuses (1), il coupe court aux (mau­
vaises) pensées (2). Cette image du chirurgien qui retranche les
parties malades (3) reparaît en C. H. X I I 3 (175.8 ss.) : * Comme,
un bon médecin fait souffrir le corps dont s’est emparé la maladie,
brûlant ou coupant (4), ainsi le Νους fait souffrir l’âme en la reti­
rant peu à peu du plaisir (5), d’où dérive toute maladie de l’ftme...
En contrecarrant donc (άνηπράσσων) la maladie, il procure le bien
à l’âme, comme le médecin la santé au corps ». Il est malaisé de dire
s’il s’agit ici du Νοΰς divin ou du νους humain. Des deux sans doute,1

(1) άποκλείσω τάς εισόδους των... Ενεργημάτων 14. 20. άποκλείειν par lui-même
dénote le lait de · fermer la porte & », le complément à l’acc. désignant ce à
quoi on ferme la porte, cf. I Macc. 5,47 απέκλεισαν αυτούς (leur fermèrent la porte),
10. 75 άπίκλεισαν αυτόν, 11. 61 άπέχλεισαν (sans compl. d’objet). Dans cette
construction, le génitif των... Ενεργημάτων dépend de τάς εΙσόδους. L ’autre cons­
truction possible (mais plus lourde) serait de couper après τάς εΙσόδους ( — τάς
πόλος) e t de faire dépendre των... Ενεργημάτων de τάς Ενθυμήσεις.
(2) Ενθυμήσεις έκχόπτων 14. 22 : cf. X II 3 (175. 7) άνηπράσσων αυτών τοΐς
προλήμμασιν, non pas tan t » préventions », comme j ’avais traduit, que » pensées
qui se sont emparées de l’îm e », cf. τό σώμα προάληαμένον ύπό νόσου 175. 8.
(3) έκκόπτων : cf. Mth. 5,30 et ή δεξιά σου σκανδαλίζει σε, (κκοψον αυτήν, Luc.
Catapl. (X V I) 24 : Cyniscus s’est montré nu à Rhadamante (cf. Gorg. 523 c ss.),
il paraît sain, sauf quelques restes de στίγματα et de nombreuses traces ό ’Εγκαύ-
ματα, ούκ οΐία 8έ όπως Εξαλήλιπται, μάλλον δέ ίκκέκοπται.
(4) Souvenir, sans doute, du fameux passage du Gorgiat 521 e 8 : le médecin
διαφθείρει τΐμνων τε καί χάων (cf. 480 C 7).
(5) ¿ξυφαφών semble un hapax (manque dans L. S. J .), ύφαιρεΐν paraît dans
la langue médicale dans le sens de < retrancher graduellement quelque chose
d’un régime », H ippocr ., V. M . 5 (3 9 .1 6 Heib.) ΰφειλον του πλήθεος τών σιτίων
αυτών τούτων.
SORT DE L’AME INCARNÉE 117

puisque, une fois la révélation acceptée, l’Intellect vient s’établir


dans' l’homme, cf. G. H., X 21 (123.25) : « Quand l’Intellect est
entré dans l’âme pieuse, il la guide vers la lumière de la Connais­
sance, et l’âme ainsi favorisée n’est jamais lasse de chanter Dieu
(ύμνοϋσα : cf. supra, p. 115) et de répandre ses bénédictions sur tous
les hommes... [22]. Aussi, mon enfant, quand tu rends grâces à Dieu,
(ευχαριστούσα : cf. supra, p. 115), il te faut le prier d’obtenir un « bon
intellect »... [23]. L ’Intellect est le Bon Démon. Heureuse l’âme qui
en est toute remplie, malheureuse celle qui en est toute vide » (1).
Bien différent est le sort du méchant. Non seulement il sera châ­
tié après la mort (cf. infra, pp. 126 ss.), mais il est torturé dès ici-bas
par le démon. Ici se rencontrent plusieurs courants doctrinaux. C’est
une croyance généralement admise sous l’Empire que l ’Enfer a sa
place sur la terre même et que les bourreaux infernaux ne sont
autres que nos propres vices. Cette doctrine paraît chez Hermès
dans le traité X 20 (2) et elle est impliquée par les expressions « puni­
tions (ou bourreaux) de la matière » (203.7), « punitions des ténèbres »
(204.19) pour désigner les vices dans le C. H. X I I I 7 et 9 (3).
Mais ailleurs il est bien question d’un démon installé dans l’homme
Ainsi, en I 23, Dieu se tient loin des hommes sans intellect (4),
cédant la place au démon vengeur (τιμωρός δαίμων) (5) qui tor­
ture l’âme en l’incitant au crime pour qu’elle subisse de plus grands
châtiments (14.22 ss.). En X 21 (123.18 ss.), l’intellect, devenu
démon (όταν δαίμων γένηται 123.19), reçoit un corps de feu
pour être au service de Dieu; cet intellect-démon pénètre dans
l’âme impie et la flagelle des fouets réservés aux pécheurs (αίκίζεται
ταΐς των άμαρτανόντων μάστιξιν) pour que l’âme se précipite dans
le crime. En X I I 4 (175.15 ss.), dans les âmes qui n’ont pas pris
pour guide l’intellect (δσαι... οΰκ ίτυχον κυβερνήτου του νοϋ),
l’intellect est dit coopérer avec elles et laisser la bride aux mauvais
désirs, auxquels les entraîne la violence même de leur élan naturel (6).
Les âmes, ici encore, ne cessent pas de s’abandonner à leurs

S
Cf. éd. Budé, App. B , pp. 138-140.
Cf. éd. Budé, notes 64-68 a d lo c. Ajouter F . Cumont, L ux P e r p é tu a ,
pp. 196, 204 ss.
(3) Cf. éd. Budé, p. 212, n. 36.
(4) Se. qui ne vivent pas selén l’intellect : ol ανόητοι ~ ot voüv ϊχοντες, cf.
Plat. Tim . 30 b 2 ηβρισκεν... oûSèv άνόητον τοϋ voôv ίχ ο ν το ς... κάλλιον tatαθαί
ποτέ έργον (et Taylor a d lo c., p. 80), C. H. IV 4 (50. 17), X 24 (125. 15) et
l’homme «νους d’Hermès d’après Zosime (cité éd. Budé, p. 55, n. 18).
(5) L ’expression revient chez Hermès a p . J . Lydus, cité éd. Budé, p. 334
(ad A s c l. 28).
(6) Ti) ρύμη τής όρέξεως 175. 18 = fci’ όρέξεις άπλέτους I 23 (15. 4).
118 LA RÉVÉLATION D’HERMËS TRISMÉGISTE

passions (1) et né sont jam ais rassasiées de mal faire (2). Elles
tombent donc sous le coup de la loi vengeresse (3). Cet intellect
qui coopère aux mauvais instincts de l’àme, qui laisse la bride aux
passions, ne peut être l’intellect humain puisque précisément les
ftmes sont dites n’avoir pas pris pour guide l’intellect (175.15). Il
s’agit donc, comme en I 23 et X 21, d’un intellect-démon qui
vient torturer l’âme en l’enfonçant davantage dans le mal; c’est
ce que confirment d’ailleurs les ressemblances de forme si frappantes
entre ce morceau et I 23 (4).

f j έπιθυμοϋσαι ού παύονται 175. 20 = où παύεται... τήν ίπιθυμίαν ίχων I 23


(15. 4).
(2) ουδέ κόρον ίχουαι... 175. 20 = άκορέστως I 23 (15. 5), ούτως αύτφ (sc. τζ>
κακώ) χρώμενον άκορέστερον VI 6 (75. 22).
(3) τιμωρύς 175. 22 = τιμωρώ... δαίμονι I 23 (15. 1 ), ίνα τύχη πλείονος τιμωρίας
(15. 3).
(4) Comme entre le précédent (X II 3) et I 22. — Il resterait un dernier
trait : le gnos tique supérieur à l’Heimarménè. Mais c’est là un problème
souvent étudié et sur lequel on ne peut rien dire qui ne soit banal, cf. éd. Budé,
App. E , pp. 193-195; L'Hermétisme, l. c., pp. 32-33; J . Kroll, Lehren,
pp. 382 ss., et plus généralement mon là . rel. à. Grecs, pp. 101 ss.
C H A PITRE IV

L ’ESCHATOLOGIE

I. Remarques préliminaires.

1. Les traités platoniciens de l’âme finissent nécessairement


par une section relative aux fins dernières. De même que l’âme est
descendue du ciel, ainsi doit-elle y remonter : telle est, selon Ter-
tullien (de an. 23), la doctrine commune des hérétiques qui s’ins­
pirent de Platon, quidam de caelis devenisse se credunt tanta persua-
sione quanta et illuc indubitate regressuros repromittunt (23,1, p. 31.13
W.) (1). Au début de la dernière section du de anima (54-58), Ter-
tullien commence par rappeler cette croyance universelle (54, 1,
p. 72.26 W.) : omnes ferme philosophie qui immortalitatem animae,
qualiterqualiter volunt, tamen vindicant, ut Pythagoras et Empe·
docles, ut Plato, quique aliquod illi tempus indulgent ab excessu
usque in conflagrationem universitatis, ut Stoici, suas solas, id est
sapientium, animas in superis mansionibus collocant... Itaque apud
ilium (Platon) inaetheremsublimantur animae sapientes, apudArium
in aerem (2), apud Stoicos sub lunam. C’est aussi sur une section
eschatologique que se termine le traité de Jamblique (I, p. 454/8
Wachsm.), qui d’ailleurs sur ce point ne nous est guère utile, car
Jamblique fait surtout état des divergences dans l’école de Plo-
tin (3).
Comme on l’a dit plus haut (pp. 19 s.), la gnose hermétique se con­
forme à ce schème traditionnel : la révélation du Noûs dans le Poi-
mandrès concerne, en dernier lieu, le sort de l’âme après la mort
(C. H. I 24-26). Il n’en pouvait être autrement, pour deux raisons.1

(1) Cf. déjà Cíe. Tuse. I 30, 72 qui autem se íntegros castosque servavissent,...
is ad Utos, a quibus essent profeeti, redilum facile patere. Tout ce passage s’inspire
littéralement du Phédon.
(2) Cf. Ah. Did., fr. 39, 4, p. 471.11 Dox. Gr. είναι Si ψυχήν έν τώ δλιρ φασίν
(les Stoïciens), b καλοΰσνν αΙθέρακαί άέμι τάς δέ λοιπάς ψυχάς προσπεφυκέναι
ταύτη, Son τ* έν ζφοις είσΐ καί όσαι έν - τεριέχονττ διαμένειν γάρ έχει τάς των
άποβανόντων ψυχάς. Cf. Waszink, p. 54 ’
(3) Plus utile pour nous le περί θανάτου jr 'imblique (Stob. I, 49. 43), sur
quoi v. infra, p. 12 ..
119
120 LA RÉVÉLATION D'HERMÈS TRISMÉGISTE

D’une part, il est naturel que, dans l’École, ce qui gardait chez Pla­
ton la souplesse du mythe se soit figé en formules de catéchisme.
Le démiurge du Timée était une représentation fictive : il devient
le Second Dieu, pièce maîtresse de la théologie à partir du il» siècle
de notre ère. De même, c’est comme dogmes certains qu’Olym-
piodore, Proclus, Hermias, prennent et expliquent les mythes
eschatologiques du Gorgias, du Phédon, de la République et du
Phèdre. D’autre part, entre les tendances pessimiste et optimiste
qui, chez le maître, s’équilibraient encore, la balance n’est plus
égale. Pour toutes sortes de motifs, le pessimisme a pris le dessus.
Cicéron même en témoigne. Scipion, ayant entendu de βοή aïeul
que la vraie vie est notre vie posthume et que la vie présente est
mort (Somm. Scip. 3 vestra vero quae dicitur vita mors est) : « Hé
quoi », se plaint-il à son père Paulus, « pourquoi m’attarder sur la
terre? Pourquoi ne me hâter pas plutôt vers vous (1)? » Si donc ce
lieu terrestre est mauvais, il n’à pu être créé par le Premier Dieu
hypercoemique : on doit poser en principe un Second Dieu. Il en
va pareillement de la survie bienheureuse de l’âme. Ce n’était,
chez Platon, qu’une grande et belle espérance (πολλή b> ίλπίς είη
x*l καλή Phéd. 70 a 9), qui d’ailleurs exigeait des preuves bien
persuasives (ούκ όλίγης παραμυθίας Sevrai xat πίατεως 70 b 2).
Il faut, maintenant, que ce soit vrai, sans quoi l’homme ne trouvera
nulle part le bonheur pour lequel il est fait. Les mythes eschatolo­
giques de Platon prennent ainsi valeur de dogmes, et c’est même
cette partie du système qui doit être le mieux assurée : de caelis
se devenisse credunt ta n ta p e rs u a sio n e quanta et illuc in d u b ita te
regressuros repromittunt.

2. Il n’y a pas d’unité entre les écrits hermétiques; dès lors


il n’y a pas d’unité non plus entre les diverses notices éparses en
oes écrits touchant la survie de l'âme. En sorte qu’on ne saurait
construire une eschatologie hermétique, pas plus qu’on ne peut
construire un système de philosophie qu’on dirait propre à l’hermé­
tisme.
Quant à ces notices elles-mêmes, elles n’offrent, le plus souvent,
aucune originalité. Prenons pour base le résumé doctrinal présenté1

(1) Quin hue ad vos venire p r o p e r o t , cf. C. H . IV 5 (51. 5) καταφρονήσαντες


πάντων τών σωμάτων... έπί τ4 ht καί μόνον σπεΰδουσιν, Or. Ch., ρ. 52 Kr. (cité
infra, p. 131, n. 4) άνω σ π ε ύ δ ο υ σ ι πρΑς δψος — Pour l’idée, voir aussi Virg.
A en. V I, 719 ss. : Quoi, demande Enée à Anchise, les âmes qui sont remontées au
ciel aspirent à rentrer dans des corps humains? quaelucis miseris tan dira cupidot
L ’E S C H A T O L O G IE 121

par Anchise dans l'Enéide (VI 724-751), dont Norden a montré


qu’il est tout inspiré de sources philosophiques hellénistiques (1) :
nous en retrouverons les éléments dans tel ou tel écrit hermétique (2).
a) Purification des âmes par l’eau, le feu, les vents : Aen. V I
735-743 = Ascl. 28 (334.3 ss.). Il y a une différence. Dans la source
de Virgile, toutes les âmes passent par cette purification. Dans
YAsclépios, il y a deux classes. Les âmes bonnes vont aussitôt
in sibi conpetentibus locis (334.7); les autres sont livrées aux tour­
billons de l’air inférieur, et cette punition est pour elles éternelle
(ut... semper aeternis poenis agitata rapiatur 335.2). Dans deux
fragments du Λόγος τέλειος hermétique conservés par Jean Ly-
dus (3), il est même indiqué que ces zones agitées de l ’air sont le
vrai Pyriphlégéthon et le vrai Tartare des poètes, doctrine courante
sous l’Empire (4).
b) Quisque sues patimur mânes VI 743 (τον έαυτοϋ έκαστος τις
δαίμονα πάσχομεν, Norden, ρρ. 32 s.) = C. Η. I 24 (15.11) καί
το ήθος τω δαίμονι άνενέργητον παραδίδως. Je reviendrai sur ce
texte ( injra, pp. 126 s.) (5).
c) Séjour des âmes dans la lune : V I 743-4 exinde per amplum
mittimur Elysium - f 886-7 sic tota passim regione vaganlur, |aëris
in Campis latis (έπειτα περαιωθεϊσαι εις τά ’HXéuta λεγάμενα πέδια —
ίνα δέ φυσικώς λέγωμεν, εις τήν σελήνην, μεθόριον ούσαν του καθ’ ημάς
παθητοϋ καί τοϋ κατ’ αιθέρα άφθαρτου τόπου, Norden, ρ. 16, cf.
ρρ. 23 ss.) = J . Lyd., de mens., ρ. 90.24 ss. W. ό Αίγύπτιος Έρμης
èv τω λόγω αΰτοϋ τφ καλουμένω τελείω φησί τούς μέν τιμωρούς των
δαιμόνων έν αύτη τή όλη παρόντας τιμωρεΐσθαι τδ άνθρώπειον κατ’
άξίαν, τούς δέ καθαρτικούς έν τω άέρι πεπηγότας τάς ψυχάς μετά θάνατον
άνατρέχειν πειρωμένας άποκαθαίρειν περί τάς χαλαζώδεις καί πυρώδεις
τοϋ άέρος ζώνας (cf. § a, supra), τούς δέ σω τη ρ ικ ού ς προς τφ
σεληνιακφ χώριφ τετα γμ ένο υ ς ά π οσ ώ ζειν τάς ψυχάς, peut-être
Stob. Herm. I 49, 68 (Exc. X X V , en particulier 9 -1 4 ), bien qu’il
s’agisse plutôt ici de soixante régions diverses dans l’air entre la
terre et la lune.
(1) Commentaire du I. VI, Leipzig, 1903, pp. 16 ss. Norden rapporte la
plupart des données virgiliennes à un ouvrage de Posidonius : je laisse ici ce
point sujet à controverse. Sur les sources et la composition d’Aen. V I, voir
aussi Norden, Hermes, X X V I I I , 1893, pp. 360 ss.
(2) J e ne choisis que quelques traits. Pour plus de détails, cf. le chapitre
de J . K roll, L eh ren .p p. 294-316.
(3) Cf. éd. de VAsclépius, p. 334, test., 1. 3.
(4) Cf. F . Cumont, L u x Perpétua, pp. 208 ss.
(5) Le summus daemon à'Asr.l. 28 (334. 3 ss.) me parait être différent
du δαίμων individuel : cf. éd. Budé, n. 238 ad loc. De même le δαίμων de X 16
(121. 2 ss.) est le νους du mort lui-même. Voir in fra , pp. 144 ss.
122 LA RÉVÉLATION D’HERMÈS TRISMÉGISTE

d) Passage de la lune à l’éther : VI 743-7 et pau ci laeta arva tene-


mus, |donec longa dies, perfecto temporis orbe, [ concretam exemit
labem, puram que reliquit | aetherium sensum atque au rai sim plicis
ignem (μένουσιν αυτόθι,, έως άν... έγκαταλειφθη τό τε πνεύμα λεπτότατου
και πυρ ειλικρινές — δ λαβοϋσαι περαιτέρω χωροϋσιν εις τον αιθέρα,
οθενήλθον, Norden, ρ. 16, cf. ρρ. 17-9) = G*. Η. X 7 (116.14) αί δέ
άνθρώπιναι (ψυχαί) άρχήν αθανασίας ϊσχουσιν εις δαίμονας μετα-
βάλλουσαι, είθ’ ούτως εις τόν των θεών χορόν (χώρον Stob.). Or,
que le séjour des dieux soit le feu o u .l’éther, à la différence des
démons qui séjournent dans l ’air, c’est une doctrine banale depuis
V Epinom is (cf. 984 c 5 SS. θεούς δέ δή τούς όρατούς,... τούς πρώτους την
των άστρων φύσιν λεκτέον..., μετά Si τούτους καί ύπό τούτοις έξης
δαίμονας, άέριον δέ γένος κτλ.). Ce passage de l’état démonique à
l’état divin, ou, ce qui revient au même, de la région de l’air à celle
du feu ou de l’éther est, lui aussi, un τόπος traditionnel, cf. Norden,
p. 39, qui cite Plut, de defor. 10,415 BC έκ μεν ανθρώπων είς ήρωας,
έκ δ’ήρώων ε ίς δαίμονας αί βελτίονες ψυχαί τήν μεταβολήν λαμβάνουσιν-
έκ δέ δαιμόνων όλίγαι μέν έν χρόνφ πολλφ δι’ αρετής καταρθεϊσαι
παντάπασι θ ειό τη το ς μετέσχον.
e) Transmigration des Âmes : VI 748/51 = Stob. Herm., Exc.
X X I I I ( Korè Kosmou) et passim (1). Au sujet de la transmigration,
il n’y a d’ailleurs pas de doctrine hermétique cohérente :1a métenso-
matose en des corps de bêtes est admise C. H. X 8, Ascl. 12 (311.4 /6),
Korè Kosmou 39, 42; elle est niée C. H. X 20.
On pourrait établir d’autres parallèles entre Virgile et l’hermé­
tisme. Ainsi, des quatre classes de βιαιοθάνατοι condamnées, selon
Virgile (V I 430 ss.), à demeurer en deçà de l’Hadès, la première,
celle des suppliciés (430 hos iuxta falso damnati crimine mortis),
réparait Ascl. 29 (335.22 ss.) qui damnati humanis legibus vitam
violenter amittunt ut non naturae animam debitam sed poenam pro
meritis reddidisse videantur (2).
De même, le Sty x noviens interfusa (V I 439), ainsi expliqué
par Servius (in Aen. V I 439, p. 66.25 Thilo) qui altius de mundi
ratione quaesiverunt, dicunt intra nooem k os mundi circulos inclusas
esse virtutes, in quibus et iraeundiae sunt et cupiditates (cf. in Aen.
V I 714, cité infra, p. 132) de quibus tristitia nascitur, id est Styx.1

(1) C’est à to rt que Norden,/. c., p. 43, cite l'E x c. X X V I en vertu du titre
περί έμψυχώσεως καί μετεμψυχώσεων : en réalité, il n’est pas traité de la métem­
psycose dans la partie conservée de cet extrait.
(2) Cf. Norden, pp. 10 ss., à propos de c en tu m e r r a n t a n n o s (VI 329, cp.
Ascl. n u m er.i c o n p le t i 3 3 3 .8 ), des άωροι et des βιαιοθάνατοι. Voir aussi Norden,
H e r m e s , l. c ., pp. 372 ss.; F . Cumont, L ux P e r p é tu a , pp. 303 ss.
L ’ E S C H A T O L O G IE 123

Unde dicit novem esse circules Stygis, quae inferos cingit, id est
terrant, ut diximus supra. Servius renvoie ici à son commentaire du
v. 127 (p. 27.19 ss. Th.) : ergo harte terrant in qua vivimus inferos
esse voluerunt, quia est omnium circulorum infima, planetarum scilicet
septem, Saturni..., et duorttm magnorum (ciel des fixes et?) (1),
hinc est quod habemus (439) « et novies Styx interfusa coercet » : nam
novem circuits cingitur terra. Dans son commentaire (pp. 29 ss.),
Norden a justement défendu l’exégèse de Servius en rappelant les
novem orbes de Cicéron, Somn. Scip. 17 novem tibi orbibus vel potius
globis conexa sunt omnia, sc. le ciel des fixes, les sept Cercles plané­
taires, l’air qui entoure la terre et qui représente la neuvième et
dernière révolution du Styx. Or nous avons la même doctrine
(moins le περιέχον) dans l’Ogdoade hermétique, c ’est-à-dire la
huitième sphère, celle des fixes, cf. C. H. I 26 (16.5), X I I I 15 (206.16
ss.). Si, à cette ogdoade, on ajoute, comme dernier cercle, la zone
de l’air atmosphérique entre la lune et la terre, on obtient l’ennéade
de Virgile : doctrine expressément enseignée C. H. X V I 17 (237.14
SS.) περί δέ τον ήλιον αί οκτώ είσι σφαΐραι..., ή τε των άπλανών, εξ των
πλανωμένων (six, puisqu’on ne compte pas le Soleil lui-même), κα ί ή
μ ία ή π ε ρ ίγ ε ιο ς (2).
Je reviendrai plus loin (pp. 133 ss.) sur le péan des bienheureux
dans l’Elysée virgilien (V I 657) et le parallèle hermétique C. H.
I 26.

3. A côté de ces lieux communs eschatologiques qui ne composent


pas un système, on trouve, dans le C. H., un exposé suivi sinon tout
cohérent, qui présente des parties originales. C’est la section finale
de la révélation du Νους dans le Poimandrès (I 24/6), correspon­
dant à la quatrième et dernière section des traités platoniciens de
l’âme (Tert., de an. 54/8, Jam bl. π. ψυχής, pp. 454/8 W.). Ce mor­
ceau mérite un examen attentif. J ’en dirai d’abord le plan. Puis
j ’étudierai tour à tour ce qui concerne, à la mort, les parties infé­
rieures du composé humain (I 24 : doublet en I 25), et ce qui con­
cerne la partie pure et spirituelle de l’âme, c’est-à-dire le νους
ou encore l’homme essentiel ( 1 15, p. 11-20) ou encore 1’Άνθρωπος1

(1) Je doute que Servius ait bien compris sa source. II y a un cercle plus
grand que les sept cercles planétaires, celui des étoiles fixes, et il y a un cercle
plus petit que ces cercles plané’.'. ?s, mais plus grand encore que la terre, c ’est
le cercle de l’atmosphère qui ure la terre. Mais on ne voit pas ce que
seraient deux cercles plus g r . me le ciel planétaire, à moins d’entendre
(sie Nordeo · et Pécliptiqv.·
(2) Cf. J Lehren, p. "05.
124 LA RÉVÉLATION D’HERMÈS TRISMÉGISTE

(C. H. 1 12 bs.), car ce qui remonte au ciel est cela même qui en était
descendu, l’Homme céleste d’où est issu le νοϋς humain (I 26).
Cette division est oelle-là même qu’avait adoptée Jamblique à la
fin de son περί θανάτου, qui forme la deuxième section de la troi­
sième partie du περί ψυχής (I 49.43, t. I, pp. 383/5 W.). Après
avoir exposé le problème physique de la mort, il se demandait ce
que devenaient, à la mort, les diverses parties de l’âme. Ce qui
concerne le sort du νοϋς a disparu. 11 ne reste que deux paragraphes,
l’un sur Γάλογον de l’âme (I, p. 384.19-28), l’autre sur le corps
astral (περιβλήματα, ίχήματα : I, p. 385.1-10).
Dans cette analyse de I 24-26, j ’ai réparti le sujet en un certain
nombre de « questions disputées » dont il peut être commode de
connaître aussitôt la liste :

I 24 | y ^
! Les sens
/ Montée du νους à l’Ogdoade
\ Chant des Bienheureux
1 26 < Réception des élus par les Bienheureux
I Assimilation des élus aux autres Bienheureux
\ Assimilation aux Puissances et entrée en Dieu.

II. L'eschatologie du C. H. I.

1. Plan du morceau.

La description de Γ άνοδος de l’âme en C. H. I 24-26 (et. ίτι δέ μοι


είπέ < περί > τή ς άνόδου τής γινομένης 15.8) comporte trois sec­
tions dont les deux premières forment doublet. Le principe de base
est la distinction classique entre les deux parties de l’âme, 1’άλογον
(μέρος) et le λογικόν (ou νοητικόν). La première est d’ordre corporel
(matériel), la seconde est incorporelle et, selon la tradition com­
mune, jouit seule de l’immortalité bienheureuse (1). L ’auteur
commence donc par dire ce que devient à la mort 1’άλογον. Mais
il suit ici deux courants. Dans le premier, 1’άλογον matériel
retourne à la matière, sans qu’il soit question des astres : I 24
(15.9-15) πρώτον μέν... έπΐ τήν άλογον φύσιν χωρεϊ. Dans le second,
1’άλογον, ou du moins les πάθη qui font partie de 1’άλογαν, retournent
aux astres, chaque πάθος à l’astre dont il est issu : I 25 (15.15-16.4)
καί οδτως σρμόί λοιπόν (adv.) ... τό ένεδρεϋον ψευδός. Une fois débar- 1

(1) La position de G. H. I 24 est plus complexe, voir infra, p. 127.


L ’ESCHATOLOGIE 125

rassé de Γάλογον, il ne reste plus que le νους ou l’Homme spirituel


enfin nu, délivré des accrétions sensibles et matérielles. Le sort pos­
thume de ce νοϋς est décrit dans la troisième section I 26 (16.4-13)
καί τότε γυμνωθείς... θεωθηναι.
Il importe de noter avec soin la juxtaposition des deux courants
en I 24-25 (1), faute de quoi, si par exemple on attribue à tout le
morceau, comme Scott, une inspiration unique, on est nécessaire­
ment forcé de corriger le texte, car les. inconséquences sont évidentes.
En I 24, le corps est livré à Γάλλοίωσις, la figure extérieure (είδος)
disparaît (άφανές γίνεται = άφανίζεται). Ceci est évidemment une
μείωσις. Or, en I 25, la faculté de croître et décroître (ή αυξητική
ένέργεια καί ή μειωτική) subsiste jusqu’à ce que l’âme l’ait livrée
au cercle de la lune. En I 24, Γήθος est livré au démon, et cet
ήθος, quel qu’il soit, doit comprendre les πάθη. Or, en I 25,
les πάθη sont successivement abandonnés aux planètes par l’âme
qui remonte au ciel. Si l’on admet l’unité d’inspiration, il faut donc
suspecter ήθος (2). En I 24, le θυμός et Γέπιθυμία retournent à
la nature άλογος. Or, en I 25, l’âme livre à la planète Vénus τήν
έπιθυμητικήν άπάτην, à la planète Mars τό θράσος το άνόσιον καί της
τόλμης τήν προπέτειαν, c’est-à-dire évidemment le θυμός. Si l’on
a ici un même tout, il faut donc, avec Scott (II, p. 60), supprimer la
phrase καί ό θυμός... χωρεϊ en I 24 (15.14/5). En réalité, le texte est
bon, mais il résulte d’une contamination. L ’un des procédés de
l’auteur hermétique pour harmoniser les deux courants est encore
apparent. Il est tout mécanique, et consiste à répéter les mêmes
tours en I 24 et I 25, ainsi καί τό ήθος τω δαίμονι άνενέργητον
παραδίδω ς (15.11/2 : παραδίδως aussi 15.10) = καί τη δεύτερη
(ζώνη δ ίδ ω σι) τήν μηχανήν των κακών, δόλον άνενέργητον (15.17/8 :
άνενέργητον encore 15.19, άνενεργήτους 16.3).

2. Les parties inférieures du composé humain I 24-25.

I 24 πρώτον μέν έν τη άναλύσει του σώματος του ύλικοϋ παραδίδως


αυτό τό σώμα είς άλλοίωσιν, καί τό είδος δ είχες άφανές γίνεται, καί τό
ήθος τω δαίμονι άνενέργητον παραδίδως, καί αί αισθήσεις του σώματος
εις τάς έαυτών πηγάς επανέρχονται, μέρη γινόμεναι καί πάλιν συνανιστά-

(1) Déjà indiquée par J . K role , Lekren, p. 297 : » Oftenbahr ist hier die
Anschauung, nach welcher die niederen Seelenteile zurückbleiben, das λογικόν
μέρος aber sich zum Himmel schwingt, eingeschoben in die andere Vorsteliung,
dass die Fehler und Laster in uns von den Planeten stammen ». De même
R eitzenstein, Poimandres, p. 51 : « Wieder sind zwei Fassungen durch-
einander gewirrt ».
(2) Ainsi Scott qui, II, pp. 57 s., propose τό πν:ϋμα τώ άέρι παραδίδως.
126 LA RÉVÉLATION D'HERMÈS TRISMÉOISTE

μεναι εις τάς ένεργείας, καί ό θυμός καί ή έπιθυμία εις τήν άλογον
φύσιν χωρεϊ.
A la mort donc (1),
le corps lui-même est livré à l’altération
la figure extérieure disparait
1’ήθος désormais inefficace est livré au démon
les sens du corps retournent à leurs sources respectives (pour
la suite, voir infra, p. 129).
l’irascible et le concupiscible s’en vont à la nature sans raison.
Les troisième et quatrième propositions font seules difficulté :
quel est cet ήθος livré au δαίμων? Quelles, ces « sources » auxquelles
retournent les sens?
A. Ζ,’ήθος.
J ’ai déjà rapproché plus haut (p. 121) ce passage du vers de Virgile
(VI 743) Quisque sm s patimur mânes, ainsi traduit par Norden
(p. 32) : τόν έαυτοϋ έκαστος τις δαίμονα πάσχομεν. Norden compare
Pkéd. 107 d 5 λέγεται δέ οδτως, ώς άρα τελευτήσαντα έκαστον ό έκάστου
δαίμων, δσπερ ζώντα εΐλήχει, οδτος άγειν επιχειρεί είς δή τινα τόπον,
οΐ δει τούς συλλεγέντας διαδικασαμένους είς “Αιδου πορεύεσΟαι μετά
ήγέμονος εκείνου φ δή προστέτακται τούς ένθένδε έκεϊσε πορεϋσάι.
L a notion du δαίμων qui nous prend en charge dès la naissance
est commune depuis au moins Héraclite — le fr. 119 ήθος άνθρώπω
δαίμων en est déjà une interprétation rationaliste et donc la suppose
— et se retrouve chez Lysias, Ménandre, Théocrite, etc. (2). Elle
est banale dans l ’hermétisme, cf. C. H. X V I 15 (236.18) γενόμενον
γάρ ημών έκαστον καί ψυχωθέντα παραλαμβάνουσι δαίμονες κτλ. Que
ce démon qui nous a pris en charge à la naissance conduise l’âme,
après la mort, au lieu qu’elle mérite, Platon déjà l’enseigne. Cela
devient un dogme traditionnel, mais qui peu à peu se complique.
Selon Servius, in Aen. V I 743 (p. 105.5 Thilo), nous avons deux
démons, l’un bon, l’autre mauvais : nam. eum nascimur, duos genios
sortimur: unus est qui hortatur ad bona, aller qui dépravai ad maXa.
q u ib u s a d s is te n tib u s p o st m ortem a ut a d se rim u r in m elio -
rem vitam , aut co n d em n am u r in d e te r io r e m : per quos autvaca-1

(1) έν τΐ) άναλύσει τού σώματος. Non pas tant la dissolution du corps lui-même
(comme éd. Budé et Scott) que la séparation de l’âme et du corps, λύσις est
pris dans le même sens, chez Ps. Clément, p. 7. 25 Frankenberg (Die syriachen
Clementinen mit grieckisckem Paralleltext, T ü 48, 3, Leipzig, 1937) : έχθραίνειν
γάρ τ4 θειον λεγουσιν iiti τοΐς τη λ ύσ ει θανύντων σωμάτων σκύλλουσιν τάς
ψυχάς. De même Acta TKomae 160, p. 271. 25 as. Bonnet : οδτος 8 i i νομιζύμενος
θάνατος οόκ έστιν θάνατος, άλλά λύσις άπ4 τού σώματός έστιν 8ι6 χαίρων δέχομαι
τή ν το ια ύτην λύσιν τόΰ σώ μ α το ς.
(2) Cf. Burnet ad Phaed. 107 d 6 ό έκάστου δαίμων.
L ’E S C H A T O L O G IE 127

tionem meremur, aut reditum in corpora; ergo « mânes » genios


dicit, quos cum vita sortimur (1). J . Lydus, de mens., p. 90.24 ss. W.,
distingue trois classes de démons : ceux qui nous châtient dans la vie
présente (τούς μέν τιμο,ιρούς : cf. le τιμωρός δαίμων de C. H,, I 23,
p. 15.1), ceux qui après la mort nous mènent purger notre peine
(τούς δε καθαρτικούς), ceux qui après la mort nous conduisent à
la récompense (τούς Si σωτηρικούς).
L/ήθος semble être ici tout l’ensemble du caractère moral, tout
ce pourquoi nous sommes, une fois morts, susceptibles de récom­
pense ou de châtiment. Cet ήθος est propre à l’âme incarnée : il
suppose la structure entière du composé humain, d’une part le
vouloir dirigé par la raison, d’autre part les passions dépendantes du
corps ; il est déterminé par les actions et réactions de ces deux parties
composantes. Dès lors, quand l’âme est séparée du corps, Γήθος
devient nécessairement άνενέργητος. Toutefois, dans la perspec­
tive de I 24, il ne disparaît pas. Qu’il y ait une survie de Γάλογον lui-
même est une doctrine admise par plusieurs auteurs, cf. Jambli-
que, π. ψυχής, p. 384.19 ss. (2) et Proclus, in Tim ., III, p. 234.6 ss. A
propos de Tim. 41 c d (τό δέ λοιπόν υμείς, άθανάτω θνητόν προσυφαί-
νοντες), Proclus se demande ce que sont la partie immortelle et la
partie mortelle de l’âme, et il distingue sur ce point plusieurs théo­
ries parmi les platoniciens. Les uns ne donnent l’immortalité qu’au
seul λόγος (καί οί μέν την λογικήν ψυχήν μόνην άβάνατον άπολείποντες
234.9/10) : ainsi Albinus et Atticus. Les autres, plus modérés,
comme Porphyre et surtout Jamblique, admettent une certaine
survie de l’irrationnel (3). L ’hermétiste de C. H. I 24 appartient
à ce second groupe. L^Ooç, qui n’est pas détruit, est remis au δαίμων.
L ’auteur ne dit pas ce qu’il devient alors. On peut supposer qu’il
suit les doctrines du temps. Comme cet ήθος a dépendu partielle­
ment du corps, comme il est un μέρος άλογον de l’âme, il ne saurait
être placé dans l’éther. D’après les théories vues plus haut (p. 121),
il doit être mené, selon son mérite, à l’une des régions de l’air : s’il
a été mauvais, dans l’air bas et impur où le châtient l’eau, le feu
et les vents (cf. p. 121, § a); s’il a été bon, dans l’air plus proche de
la lune (cf. p 121, § c).1

(1) Cité (en partie) Norden, p. 32, n. 1. Norden cite aussi Plut, de Gen. Socr.
22, 992 BC, mais ce texte me semble sans rapport avec la présente doctrine
(conduite de l’âme p . d é m o n à son de: ■ . posthume'.
(2) Cf. traduction tes, infra. on
(3) Cf. la traducti ce pass . infra, p. 236,
128 LA RÉVÉLATION D’HERMÈS TRISMÉGISTE

B. Les sens.
« Les sens reviennent à leurs sources respectives. » Scott (II,
pp. 58-59) veut retrouver ici la doctrine bien connue de Γήγεμονικόν
stoïcien. Pour les Stoïciens, la sensation est un πνεύμα issu de Γήγε­
μονικόν et qui se diversifie selon les divers organes sensibles aux­
quels il parvient. A la mort donc, les facultés sensitives se résor­
beraient dans le seul et même ήγεμονικόν. Cette interprétation
ne me parait pas juste. D’abord parce qu’il y a le pluriel (είς τάς
έαυτών πηγάς). Ensuite parce que Γήγεμονικόν est le λογιστικόν
μόριον de l’âme, c’est-à-dire l’âme encore, et que le contexte semble
indiquer plutôt que les parties de Γάλογον retournent à la nature
universelle d’où elles tirent leur origine (θυμός et έπιθυμία vont à
Γάλογος φύσις). Enfin et surtout parce que cette doctrine ne serait
guère accordée à la conception dualiste qui inspire tout le morceau.
T out ce qui ressortit à la matière, et donc aussi les sens, va rejoindre
la m atière; puis l’homme spirituel, λόγος ou νους, débarrassé de ces
-vêtements matériels (γυμνωθείς 16.4), se rend à l’Ogdoade, qui lui
eet apparentée : comment croire, dès lors, que les sens se résorbent
dans le λόγος (ήγεμονικόν) puisque les πνεύματα sensibles sont liés
par définition aux organes du corps et qu’au ciel il n’y a plus de
corps P Ajoutons que la suite du texte (μέρη γινόμεναι etc.) ne se
comprend pas bien non plus dans l’hypothèse de Scott. Il faut
tenter une autre voie.
S ’il y a plusieurs sources (πηγαί ) pour les sens, on incline d’emblée
A établir une correspondance entre les cinq sens et les cinq éléments
du monde, les quatre d’Empédocle, plus l’éther. C’est une doctrine
-classique que celle de la συγγένεια entre le sens de la vue et le milieu
lumineux par l’intermédiaire duquel on voit. Platon appelle la vue
le plus « solariforme * de nos sens (ήλιοειδέστατον... των περί τάς
αισθήσεις όργάνων Rép. V I 508 b 1, cf. toute la discussion depuis
507 d), et une δόξα d’Aétius relative à Platon explique le phénomène
de la vue comme une rencontre entre les rayons visuels issus de
l’œil et les rayons lumineux issus de l ’objet (Aét., IV 13, 11,
p. 404.7 D. Πλάτων κατά συναύγειαν). L a correspondance entre
éléments et sens est ensuite étendue par Aristote à d’autres sens
{de an. I I I 1 ,4 2 5 a 3 ss., de sensu 2 ,438 b 16 ss.). Dans le de anima,
la pupille de l ’œil est faite d’eau, milieu transparent (ή μέν γάρ κόρη
ύδατος de an. 425 a 4, καί εύλόγως τό έντός έστιν υδατος de sens. 438 b 5,
του μέν δμματος τό όρατικόν δδατος ύποληπτέον ib. 438 b 19), l’oreille,
d ’air, l ’organe olfactif, de l’un ou de l’autre, le feu est commun à
L ’E S C H A T O L O G IE 129

tous lés sens, la terre est un des constituants du toucher. Dans le


de sensu (438 b 19 ss.), l’organe visuel est fait d’eau, l’organe auditif,
d’air, l’odorat, de feu : d’une manière générale, « il est évident qu’il
faut faire correspondre chacun des organes sensibles à l’un des élé­
ments » (φανερόν ώς δει... άποδιδόναι καί προσάπτειν έκαστον των
αίσθητηρίων ένί των στοιχείων 438 b 17 /9) (1). Une δόξα d’Aétius
(IV 9, 10, ρ. 397 b 26 D.) s’exprime ainsi : « Pythagore et Platon
tiennent que chacun des sensibles, pris dans sa pureté (καθαρόν),
provient de chacun des éléments. L ’éthériforme correspond à la
vue, le pneumatique ( = l’aériforme) à l’ouie, l’igniforme à l’odorat,
l ’humide au goût, le terreux au toucher ». C’est la doctrine d’Aris­
tote, sauf que, pour faire place à l’éther, on l’a rapporté à la vue,
et dès lors on a lié 1’δγρόν au goût. L ’éther revient naturellement à
Γδρασις, qui est le plus pur de nos sens.
D’après cette doctrine traditionnelle, il semblerait donc que les
sens, dont il est dit qu’ « ils retournent à leurs sources respectives »
(είς τάς έαυτών πηγάς ¿«ανέρχονται), soient rendus, chacun d’eux,
à l’élément correspondant.
Que penser maintenant de μέρη γινόμεναι κτλ.? J ’ai mal tra­
duit cette phrase dans l’éd. Budé, négligeant la nuance propre de
συνανιστάμεναι (2), abusé en outre par l’interprétation usuelle (3)
et par la doctrine de l’Exc. I I I sur les ένέργειαι astrales, qui sont
en rapport direct avec les αισθήσεις (4).
Il faut partir de l’opposition μέρη γινόμεναι ~ πάλιν συνανιστάμεναι.
C’est une doctrine commune que, dans le vivant, les αισθήσεις for­
ment un tout. Les cinq sens sont les αίσθητικά μέρη de l’âme sensi­
tive, qui ressortit encore à 1’άλογον (Dox. 390 a 6), et l’âme peut
donc être dite la συγγυμνασία των αισθήσεων (ib. 387 a 7 : Asclé-
piade). Or, après la mort, une fois retournés chacun à son élément,
les sens redeviennent parties isolées (μέρη γινόμεναι), ne forment
plus un tout comme dans le vivant. Cependant, comme les éléments
ne meurent pas, rien n’empêche que de l’éthériforme, de l’aériforme,
etc., il ne ressurgisse une autre combinaison (πάλιν συνανιστάμεναι)
où les sens, de nouveau associés, exercent leurs opérations (εις τάς
ένεργείας). J e traduirais donc : « les sens reviennent à leurs sources
S u r l ’ in t e r p r é t a t i o n d e c e p a s s a g e , c f . Z e l l e », I I 2 ‘ , p . 5 3 7 , n . 3 .
S
I)
2) T o u s le s M S S ., s a u f D B * σ υ ν ισ τά μ εν α ι p r é f é r é p a r S c o t t .

3 ) Q u i c o n s i s t e à id e n t i f i e r π η γ α ί e t έ ν έρ γ εια ι : « D ie α ισ θ ή σ εις g e h e n in ih r e m
U r s p r u n g ,« ! d e n έ ν έ ρ γ ε ια ι,a u f », R e itz e n stein , Poimandres, p p . 5 1 s. (e n n o t e :
» W o h l d e n έν έρ γ εια ι d e r E le m e n t e ») ; » D ie m i t d e m K ö r p e r v e r b u n d e n e n S in n e s ­
k r ä f t e g e h e n in ih r e m U r s p r u n g , d ie έν έ ρ γ ε ια ι, z u r ü c k », I n . , Studien, p p . 2 6 s .
( e n n o t e , r e n v o i à u n e d o c t r in e ir a n ie n n e ) .
(4 ) C f. I I I 1 7 - 2 3 e t Intr., p p . x x x i - x x x v i ; J . K roll , Lehren, p . 2 8 9 .
LA h é v é l a t io n d ’ h ï r n è s t r i s m é c i s t e . — III. 10
130 LA RÉVÉLATION D’HERMÈS TRISMÉGISTE

respectives, devenant parties isolées et recommençant de s’associer


en une nouvelle combinaison pour exercer leurs opérations (1) ».

I 25. On a souvent étudié la doctrine des ενδύματα ou περιβλήματα


planétaires (2), et il n’y a pas lieu d’y insister. Passons aussitôt
à I 26 qui contient ce qu’il y a de plus original dans l’eschatologie du
Poimandrès.

3. Le bonheur du νους : I 26.

I 26. καί τότε γυμνωθείς άπό των τής αρμονίας ενεργημάτων γίνεται
επί τήνόγδοατικήν φύσιν, την ιδίαν δύναμινέ'χων, καίύμνεΐσυντοϊςούσι (?)
τύν πατέρα· συγχαίρουσι δέ οί παρόντες τή τούτου παρουσία, καί
ομοιωθείς τοΐς συνοϋσιν άκούει καί τινων δυνάμεων υπέρ τήν όγδοατικήν
φύσιν ούσών (3) φωνή τινι ήδεία ΰμνουσών τόν θεόν· καί τότε τάξει ανέρ­
χονται προς τον πατέρα, καί αύτοί εις δυνάμεις εαυτούς παραδιδόασι,
καί δυνάμεις γενόμενοι έν θεοί γίνονται, τοΰτό έστι τύ άγαθον τέλος
τοΐς γνώσιν έσχηκόσι, θεωθηναι.
« E t alors, dépouillé des vêtements produits par l’armature des
sphères, il (4) arrive au monde de l’Ogdoade, en possession désormais
de sa propre qualité; il chante avec les Êtres (?) des hymnes au
Père et toute l’assistance se réjouit avec lui de sa venue. Devenu
semblable à ses compagnons, il entend aussi certaines Puissances
établies au-dessus du monde de l’Ogdoade qui, d’une voix suave
particulière, chantent des hymnes à Dieu.
Alors, en bon ordre, ils montent vers le Père et se remettent eux-
mêmes aux Puissances; et, devenus Puissances à leur tour, ils
entrent en Dieu. Tel est le terme fortuné pour ceux qui possèdent
la gnose, avoir été fait Dieu. »
L’ascension finale comporte deux étapes. Tout d’abord, le νους
parvient au cercle des fixes où il retrouve d’autres bienheureux.
Puis, tous en bon ordre montent encore plus haut, par delà le cercle1

(1 ) S c o t t a v a i t e n p a r t i e v u le s e n s (« a n d e n t e r in g i n t o f r e s h c o m b i n a t i o n s
t o d o o t h e r w o r k »), m a i s l ’a d d iti o n μ έρ η < τ ο ΰ κ ό σ μ ο υ > e s t m a u v a is e e t l a
c o r r e c t io n ε ις Γτάς| < έ τ έ ρ α ς > έ ν ερ γ εία ς in u t il e . R e i t z e n s t e i n , q u i a v a i t s u p p r im é
τ ά ς (Poimandrès, 3 3 6 . 9 ) , le r e s t i t u e Studien 1 5 9 . 3 .
(2 ) C f. e n d e r n ie r lie u F . C umont, Lux Perpétua, p p . 1 8 5 s s . A u t r e s r é f é ­
r e n c e s é d . B u d é , p . 2 5 , n . 6 3 . V o ir Addenda.
(3 ) ο ύ σ ώ ν a é t é o m is p a r e r r e u r d a n s l ’é d . B u d é . P o u r ό γ δ ο α τικ ή ν , R e i t z e n s t e i n
c o n j e c t u r e v r a i s e m b l a b l e m e n t ό γ δοα δ ικήν.
(4 ) L e s u j e t d e γ ίν ε τ α ι, ύ μ ν εΐ, ά κ ο ύ ε ι n ’e s t p a s in d iq u é : c ’e s t l ’ h o m m e
s p i r i t u e l o u le νους r e n d u à s a p u r e e s s e n c e . P l u s l o i n , l e s u j e t d e ά ν έρ χ ο ν τα ι,
π αρ α δ ιδ ό α σ ι, γ ίν ο ν τα ι, e s t to u s le s b i e n h e u r e u x d e l ’ O g d o a d e .
L ’E S C H A T O L O G IE 131

des fixes, jusqu’aux Puissances divines auxquelles ils se mêlent :


c’est ainsi qu’ils < entrent en Dieu ».
Chacun des détails de ce texte veut être examiné avec soin.

A. Montée du νους à VOgdoade.


γυμνω θείς άπδ των τή ς άρμονίας ένεργημάτων 16.4/5. Cf.
Proc!., El. Theol. 209 (182.16 ss. Dodds) : « De toute âme particu­
lière, le véhicule (όχημα) (1) descend par l’addition de tuniques
(χιτώνων). (2) de plus en plus matérielles. D’autre part il remonte
en compagnie de l’âme dès là qu’il se dévêt de tout ce qui est matériel
et qu’il recouvre sa forme propre (διά... τής ε£ς -ri οίκεϊον είδος άνα-
δρομής : cf. τήν Ιδίαν δύναμιν Ιχων infra), de même que l’âme qui
l’utilise (3). Car, de cette âme aussi, la descente s’opère par l’acqui­
sition de vies irrationnelles, la remontée .par le dépouillement de
toutes les facultés relatives au créé dont l’âme s’était vêtue dans
sa descente, quand elle est redevenue toute pure et s’est débarrassée
de toutes ces facultés qui pourvoient aux besoins de la génération »
(καί γενομένΐ) καθαρά καί γυμνή των τοιούτω ν πασών δυνάμεων
ίσαι πρδς τήν τής γενέσεως χρείαν υπηρετοϋσι). Porphyre, ad Marc.
33 (295.13 Ν.) γυμνός δέ άποβταλείς γυμνητεύων καλέσει τόν πέμ-
ψαντα· μόνου γάρ του μή τοΐς άλλοτρίοις πεφορτισμένου έπηκοος δ
θεός, καί των καθαρών άπό τής φθοράς ύπερκείμενος (4).
γ ίνετα ι έπ ί τ ή ν ... φύσιν 16.5, cf. έν θεφ γίνονται 16.11. Ce sens
local de γίνομαι (« arriver à, dans »), rare chez les classiques (ές
Λακεδαίμονα τριήρεί άπόστολος έγίνετο Hdt. V 38), devient fréquent
sous l’Empire soit dans la langue populaire — P. Oxy. II 283.11
(45 ap. J.-C.) γενόμενος έν τή Μέμφει, IV 709.7 (50 ap. J.-C.),
N. T. Le. 24,22 γενόμεναι επί τό μνημεϊον, Act. Ap. 21,35 έγίνετο
έπί τούς άναβαθμούς, ib. 13, 5 γενόμενοι έν Σαλαμΐνι, — soit même
chez des écrivaine plus recherchés lorsqu’ils veulent donner un tour
rapide et naïf au récit : ainsi Aelius Aristide l’emploie souvent, en
ses Discours Sacrés, γ. έν 381.22 (Keil), 396,24, 397.13, 398.21,
409.2, 410.15, 413.8, 427.5, 446.21, 453.12, 454.5, 7, 25, 458.22,
461.33, γ. έπί (gén.) 399.1:, 406.11, 452.7, γ. έπί (dat.) 452,23,

1) Autre désignation pour le corps astral, cf. Dodds, pp. v j ss.

¡2 Cf. Dodds, pp. 307 /8.


3 Sc. qui s’est revêtue de ce :orps astral.
(4 Pour γυμνωθείς, voir aussi Orac . Chald., p. 52 K r. ( =
p. 88. 4 Pasq.l où γάρ έφικτά τά θεία {Ιροτοΐς τοΐς σώμα voot
U in Crut .,
άλλ’ ίσαοι
γ υ μ ν ή τις ίνω ιτεύδουσι πρός "Ίος, C. Η. X I I I 6 (202. !" ;ο γυμνό., ,ci notes
30 et 30α ad »ο-, ψυν- γυμνή ιάματος est déj Plate cf. L. ' J ,
8. ν. γυμνός 4.
132 LA RÉVÉLATION D’HERMÈS TRI3MÉGISTE

455.11, γ. κατά (aco.) 418.26, γ. πρός (dat.) 442.90, γ. Ινδόν 466.20.


De l’expression έν θεω γίνεσθαι nous avons l’exact parallèle dans
les Acta Pauli et Theclae 6, p. 239.7 Lipsius : μακάριοι οΐ σύνεσιν
Ίησου Χριστού χωρήσαντες ( V. infra), βτι αυτοί έν φ ω τΐ γενήσονται.
έπ ΐ τήν όγδοατικήν φύσιν 16.5. φύοις = ici « monde », cf. έν
μεταρσίω τής άνω φύσεως Korè Kosmou 1 6 , 10 (1), ή των υποκειμέ­
νων φύσις (« le monde d’en bas ») ib. 2 , 2,5, 2 7 2, έπήδησεν εύθύς
έκ των κατωφερών στοιχείων δ του θεοϋ Λόγος είς τό καθαρόν της
φύσεως δημιούργημα C. Η. I 10 (10.1 s.). Pour le ciel des
fixes comme séjour des âmes, cf. F . Cumont, Lux Perpétua,
pp. 161, 182 ss.
τήν ιδίαν δύναμιν ϊχω ν 16.5/6. Reitzenstein, Poimandres, p .53,
compare justem ent Servius in Aen. V I 714 (p. 98.18 ss. Th.) docent
autem philosophi, anima descendens quid per singulos circulas per-
dat. Unde etiam mathematici fingunt, quod singulorum numinum
potestatibus corpus et anima nostra conexa sunt ea ratione, quia cum
descendant animae trahunt secum torporem Saturni... ; quae res
faciunt perturbationes animabus, ne p o s s in t uti v ig o re suo et
v ir ib u s p r o p r iis . On pourrait traduire δύναμις par « forces,
pouvoir » en raison de ce texte (vigor, vires) et peut-être de C. H.
III 3 (45.3) ανήκε δέ έκαστος θεός διά τή ς ίδιας δυνάμεως τό
προσταχθέν αΰτω, mais « qualité essentielle » parait meilleur,
cf. Procl., El. Th. 209 (183.17 ss., traduit supra p. 131 : le véhicule
astral de l’âme συνανάγετάι τή ψυχή δι’ άφαιρέσεως παντός τοϋ
ένύλου καί τής ε ί ς τ ό οίκεϊον είδο ς άναδρομής) et L. S. J . δύναμις
II 2 b.
υμνεί σύν το ΐς ούσι (2) 16.6. A partir de ce point, nous rencon-

(1) Où la glose ούρανοΰ, passée dans le texte et supprimée par Heeren,


confirme le sens de « monde supérieur ».
(2 ) τ ο ΐ ς ο δ σ ι e s t é t r a n g e , d ’o ù τ ο ΐ ς π α ρ ούσι R e i t z e n s t e i n ( Studien, 1 5 9 . 1 3 ) ,
τ ο ΐ ς < έ κ ε ϊ > ο δ ο ί S c o t t . S i l ’ o n g a r d e τ . ο ύ σ ι, i l n e p e u t s ’a g i r q u e d e s « v r a is
Ê t r e s » (* d e n w a h r h a f t S e ie n d e n », R e i t z e n s t e i n , Poimandres, a d 3 3 6 . 1 9 ) e t
s a n s d o u t e , a u d é b u t d e la r é v é la t io n , le d is c ip le a m a n i f e s t é s o n d é s ir d e μ α θ εΐν
τά ό ν τα κ α ί ν ο ή σ α ι τ ή ν τ ο ύ τω ν φ ύσιν κ α ί γν ω ν α ι τ ό ν θ εό ν I 3 ( 7 . 1 1 /2). M a is d ’ a u t r e
p a r t c e s « Ê t r e s » s e r a i e n t ic i c o n s id é r é s c o m m e d e s p e r s o n n e s (σ υ γ χ α ίρ ο υ σ ι Si ol
π α ρ ό ν τ ε ς ), e t e n o u t r e , en 1 3 , le s e n s p e u t ê t r e « c o n n a î t r e l a n a t u r e d e s c h o s e s ,
le s e n s d e l ’u n i v e r s » : b ie n q u e l’ in s p ir a tio n d e r n iè r e d e c e t e x t e s o i t p la t o ­
n i c ie n n e , il n ’e s t p a s q u e s tio n e n C . H . I d e s « v r a i s ê t r e s » = ε ίδ η d e P l a t o n .
S o m m e t o u t e , o n e s t t e n t é d e c o r r ig e r e t , d a n s c e c a s , σύν τ ο ΐ ς ό σ ίο ις m e s o u p ir a it.
L a d é s ig n a t io n οί ό σ ιο ι c o n v ie n t a u x B ie n h e u r e u x , c f . P lat. Rép. I I 3 6 3 c 5 ε ίς
"Α ιδ ο υ γ ά ρ ά γ α γ ύ ν τ ε ς τ φ λ ό γ φ κ α ίκ α τα κ λ ίν α ν τ ες κ α ί σ υ μ π ό σ ι ο ν τ ω ν ό σ ί ω ν κ α τ α -
σ κ ε υ ά σ α ν τ ε ς ¿ σ τ ε φ α ν ω μ έ ν ο υ ς π οιο ϋ σ ι τον ά π α ν τα χρόνον ήδ η δ ιά γ ειν μ εθ ύ σ ν τα ς, Kern,
Orph. fr. 3 2 b I V ( in s c r . d e P h a e s t o s , n e s . a p . J . - C . ) θ α ύ μ α μ έ γ ’ ά ν θ ρ ώ π ο ις π ά ν τω ν
Μ α τη ρ π ρ ο δ ίκ ν υ τι, | τ ο ΐ ς ό σ ί ο ι ς κ ίγ κ ρ η τ ι κ τ λ . L ’ e x p r e s s io n ό σ ιο ι μ ύ σ τα ι e s t t r a d i ­
t i o n n e lle , A r isto p h . Gren. 3 3 5 / 6 Ιεράν ό σ ίο ις μ ύ σ τα ις χ ο ρ εία ν , Orph. h. 8 4 , 3 έν
τ ε λ ε τ α ΐ ς ό σ ιο υ ς μ ύ σ τ α ς ( g a r d e r όσιους : ό σ ία ις A b e l) , οί ό σ ιο ι = « le s s a i n t s » d a n s
Ά . T . , V. g r . Psalm. 2 9 ( 3 0 ), 5 ψ ά λα τε τ ω κ υ ρ ίω , ο ί ό σ ιο ι α υτο ύ.
L ’E S C H A T O L O G IE 1 33

trons trois thèmes traditionnels dans la littérature apocalyp­


tique :
Le chant des Bienheureux : υμνεί Î6.6, υμνουσων 16.9.
La réception du nouvel élu par les Bienheureux : συγχαίρουσι Sè oi
παρόντες τη τούτου παρουσία 16.6/7.
L ’assimilation du nouvel élu aux morts déjà béatifiés : ομοιωθείς
τοΐς συνοϋσιν 16.7/8, δυνάμεις γενόμενοι 16.11.
Sans prétendre à être complet, j ’indique ici quelques textes
parallèles païens, juifs et chrétiens (1).

B. Le chant des Bienheureux.


Chez les païens, le « locus classicus » est sans doute Aen. V I 657
laetumque choro paeana eanentis (cf. 644 pars pedibus plaudunt cho-
reas et carmina dicunt) qui reprend lui-même un thème grec, Pin-
dare, fr. 129.130 Bgk., v. 5 τοί δέ φορμίγεσσι τέρπονται. Chose
curieuse, la mention du chant des élus n’est pas commune dans les
épigrammata funéraires : Kaibel 288.2 χορός άθανάτων, Anth. Pal.
V II 12.5/6 σός δ’έπέων, Ήριννα, καλός πόνος οό σε γεγωνεϊ | φθίσθαι,
ίχειν δέ χορούς άμμιγα Πιερίσιν, V II 31.5/6, 9 αυτόματα! τοι κρήναι
άναβλύζοιεν άκρήτου | κήκ μακάρων προχοαΐ νέκταρος άμβροσίου...,
9 βφρα καί έν Δηοϋς οίνωμένος αβρά χορεύσης : encore s’agit-il
de poètes, Erinna et Anacréon, dont on suppose qu’ils chan­
teront au ciel comme ils ont fait sur la terre (2). V II 613.6 γείτονα
της μακάρων θηκε χοροστασίης est plus typique, mais c’est là
une épitaphe chrétienne (Diogène, évêque d’Amisos). Pour les
Latins, cf. par exemple Carm. epigr. 1109.34 omnis caelicolum te
chor[u]s exc[ipiet], 1530 B 3 chorus deorum. C’est toujours l’expression
stéréotypée du χορός άθανάτων, où le mot χορός n’implique l’idée
de masses chantantes que d’une manière très atténuée, comme dans
notre propre « chœurs des anges » ou « chœurs des élus ». Néanmoins
on a assez de preuves que, même pour les païens, le chant des
Bienheureux est un τόπος reçu. Ainsi Stace, Silves, V 3 ,2 4 ss. (Epice-
(1) S u r c e s t h è m e s , c f . l ’i n t é r e s s a n t a r t i c l e d e R . H olland , Z ur Typik
der Himmelfahrl, A R W , X X I I I , 1 9 2 5 , p p . 2 0 7 s s . P o u r l e c h a n t , ib., p p . 2 1 7 / 8
e t N ord en , C o m m e n t a ir e d ’A en. V I , p . 2 8 9 , Hermes, l. c., p p . 393 s., J. K roll ,
Lehren, p p . 3 0 8 / 1 0 . P o u r l a r é c e p tio n a u c ie l, H olland , p p . 2 0 7 / 9 , S kutsch ,
P . W . I V 9 3 8 . 1 1 s s . ( à p r o p o s d e Consol. ad Lia. 3 2 9 s s . ) , F . V o llm er , C o m ­
m e n t a ir e d e Stat. Silv. I I 1 ( L e ip z ig , 1 8 9 8 ) , p . 3 1 7 , s u r t o u t l ’ in s c r ip t io n d e
T e r e n t i u s à D o u r a , c f . Dura Reports, Ninth Season, 1 9 4 4 , p p . 1 7 7 s s .,
C . B . Welles, The epitaph of Julius Terentius, Harv. Th. Rev., X X X I V , 1 9 4 1 ,
p p . 7 9 s s . (en p a r t ic u l ie r p p . 8 3 s s .) , A . D . N ock, ib., p p . 1 0 3 s s .
(2) D e m ê m e O r p h é e : Aen. V I 6 4 5 s s . nec non Thraeicius longa cum veste
sacerdos e t c . ( t r a d i t i o n n e l : c f . N o r d e n , p . 2 9 1 , Hermes, l. c., p . 3 9 4 (M u s é e );
a j o u t e r Anth. Pal. V I I 3 6 3 . 3/4 ψ υχή S i κ α τ ’ ούρανάν, ή χ ί π ερ Ό ρ φ « ύ ς , | /¡χι Π λ ά ­
τ ω ν , itp év θ εο δ έγ μ ο ν α θ ώ κ ο ν έφ εϋ ρ εν ).
134 L A R É V É L A T IO N D ’H E R M È S T R IS M É G IS T E

dion de Stace en l’honneur de son père) : seu, tu Lethaei secreto


in gramine campi |concilia heroum iuxta manesque beatos | Maeo-
nium Ascraeumque senem non segnior umbra |accolis a lle r n u m qae
s on as et c a rm in a m is ée s (1). Le récit dé la mort d’Apollonius de
Tyane dans Philostrate (V III 30) offre un autre témoignage. Apol­
lonius finit sa vie au voisinage du temple de Diktynna en Crète. Une
fois il s’y rend la nuit. Les chiens qui gardent le temple, loin de
l’attaquer, l’approchent et le cajolent comme s’ils le connaissaient
familièrement. Les veilleurs l’arrêtent, l’accusent d’avoir ensorcelé
les chiens. Mais, à minuit, Apollonius rompt ses liens, appelle les
veilleurs pour qu’ils soient témoins du spectacle, court vers le temple.
Les portes s’ouvrent d’elles-mêmes (2) et se referment sur lui.
On entend alors un chœur de vierges qui chante : « Quitte la terre,
monte vers le ciel, viens » (βοήν 8è άδουσών παρθένων έκπεσεΐν·
τό δε άσμα ήν· "στεΐχε γάς, στεΐχε ές ουρανόν, στεΐχε” , οΐον ϊθι
έκ τής γής άνω) (3). Holland a raison, je crois, de regarder ce
chœur virginal comme celui des Bienheureux qui, d’en haut, ap­
pellent à eux le nouvel élu (4). C’est le thème de la réception de
l’âme, que nous étudierons plus loin. Notons seulement, pour l’ins­
tant, que les âmes déjà béatifiées chantent. Voici un dernier exemple
tout semblable à C. H. I 26 : dans les Oracles Chaldaïques, où l’âme
se dépouille aussi des vêtements des sphères avant de parvenir au
ciel suprême, il est marqué que, arrivée au terme, elle chante un
péan : Olympiodore, in Phaed.., p. 244.20 Norvin διό καί τό λόγιόν
<ρησι, τάς ψυχάς άναγομένας τόν παιάνα άδειν, 205.26 μήποτε δέ κατά
τό λόγων καί αύτός (Platon) τόν παιάνα άδων βούλεται άναδραμεΐν
είς τάς οικείας άρχάς (5).
On a conjecturé (6) que ce chant des élus aurait peut-être quel­
que rapport, même inconsciemment, avec la musique des sphères 1

(1) V ollmer, p. 526, cp. Ps. P l a t . Axioch. 371 c 8 είς τόν των ευσεβών
χώρον οίκίζονται, ένθα... κύκλιοι χοροί καί μουσικά άκούσματα. '
(2 ) S u r c e t h è m e , c f . O. W e in r e ic h , Genelhliakon W. Schmid, 1 9 2 9 ,
p. 297.
' (3) S u r c e r é c i t , c f . H olland , l. c., p p . 2 0 7 /8. E n l i s a n t στεΐχε < * ’ > ε ί ς ρύρα-
νύν, o n o b t i e n t u n t é t r a m è t r e c r é t i q u e c a t a l e c t i q u e , H o lla n d , p . 2 0 8 {ib.
p o .u r l e p o é t iq u e στεΐχε). L e g é n . γ ά ς e s t p o s s ib l e « ά π ό > γ ά ς R e i t z e n s t e i n , Belle-
nistische W underenàhlungen, L e ip z i g , 1 9 0 6 , p . 4 9 ) , H olland , ib., p . 2 0 8 .
(4 ) E t n o n p a s c o m m e u n c h œ u r d e v ie r g e s q u i, s u r l a t e r r e , c é l é b r e r a i e n t
p a r le u r s c h a n t s l a m o n t é e d ’ A p o llo n iu s . C f. H o lla n d , p . 2 0 8 . M ê m e i n t e r ­
p r é t a t i o n K . H oll , Gesamm. A ujs., I l , p . 2 6 7 , n . 1 , q u i r a p p e lle q u e le t r a i t
e s t h a b i t u e l d a n s le s lé g e n d e s c h r é t i e n n e s . N o u s l e r e t r o u v e r o n s p lu s l o i n .
(5) K roll, de Or. ch., p. 54, c i t e e n c o r e P rocl ., Chald. Phil., p. 193. 12
P i t r a ύμνον ο5ντώθε£> τούτον άναΟωμεν, τήν είς αυτόν έξομοιωσιν' ( j e l i r a i s έξομολό-
γησιν, ι h y m n e d e g r a t i t u d e »)· καταλίπωμεν τήν ό*ο»σαν ουσίαν, έλθωμεν έ π ί
τόν άληθή σκοπόν γνωρίσωμεν τόν δεσπότην, άγα7ΐήσωμεν τόν πατέρα κτλ.
(6) J . K roll, Lehren, p. 309.
L ’E S C H A T O L O G IE 13$

et l’on a pensé que la mention du chant des δυνάμεις (16.8/9) était


BÛrement inspirée par la doctrine juive des anges assimilés aux dieux
planétaires (1). J ’en doute. Le thème du ohant des Bienheureux
parait en Grèce (Pindare) avant toute spéculation sur la musique
des sphères. E t c’est, en outre, un trait qui vient naturellement à
l’esprit quand on imagine une condition idéale d’existence. L ’homme
heureux chante. Les συμπόσια étaient accompagnée de chants,
et c’est comme un συμπόσιον éternel qu’on se figure la vie au ciel.
De plus, à partir du moment où les élus forment la cour de Dieu, U
est naturel qu’ils poursuivent là-haut le service divin commencé
sur la terre. Dieterich a montré (2) que le motif du chant ou de
la musique est habituel dans les descriptions de « pays des mer­
veilles » des romans hellénistiques. Ainsi chez Hécatée d'Ahdère
(Diod. I I 47,2) : διά τό τδν θεάν τούτον (Apollon) καθ’ ήμέραν ύπ’ αύτών
ύμνεϊσθαι μετ’ φδής συνεχώς, plus loin καί συνεχώς έν τώ ναώ κιθαρί­
ζοντας δμνους Χέγειν τφ θεώ μετ’ φδής άποσεμνύνοντας α&τοΰ τάς
πράξεις. Lucien a parodié ce trait, ver. hist. II 5 καί μήν καί βοή
σύμμικτος ήκούέτο άθρους, ...οϊα γένοιτ’ άν έν συμποσίιρ, των μέν
αΰλοΰντων, τών δέ έπαινούντων.
Le chant des anges, archanges, etc. et des élus est un thème si
commun dans l’apocalyptique juive que, pour ma part, je ne crois
pas qu’il faille chercher d’autre origine à ce trait lorsqu’il se ren­
contre dans le N. T. ou dans la littérature chrétienne des premiers
siècles (apocryphes, actes des martyrs, gnose). Citons seulement
Livre d’Hénoch 39.12 /4 (trisagion), 40.3 ss. (les quatre Archanges),
61.6/12 (élus au ciel), 71.11 (Hénoch lui-même), Secrets d ’Hénoch
8.8 (« And there are three hundred angels very bright, who keep
the garden, and with incessant sweet [ <ρωνή τινι ήδεία C. Η.
I 26,16.9] singing and never-silent voices serve the Lord throughout
all days and hours ») (3), 15.1, 17.1 (« with sweet and incessant
voice »), 19.6 (« continually with one voice singing »), 20.4 (« singing
songs... with small and tender voices »), 21.1 (« singing with gentle
voice ») (4).1

(1) · W e n ;· e s d ie δ υ ν ά μ εις s in d , w e lc h e in 1 e r h ö c h s te n S p h ä r e s in g e n , s o
l i e g t s ic h e r l ic h d ie jü d i s c h e V e r b i n d u n g d e r E n g e l m i t d e n p l a n e t a r i s c h e n
G o t t h e i t e n v o r >, ib.
(2 ) JVekyia*, p p . 3 6 / 7 .
(3 ) T r a d . d e K o r b e s e t C h a r le s ap. R. H. C h arles , Apocryphe... of the
OÙ Test., I I , p . 4 3 4 . S e l o n F o r b e s , ib., p . 4 2 $ , l ’o u v r a g e d a t e r a i t d u d é b u t d e
n o t r e è r e e t s e r a i t d û à u n ju i f h e l lé n i s a n t d ’E g y p t e .
(4 ) D a n s le t r a g m e n t ,e l’a p o o r v V · <pocalvpse de Sophonias c i t é p a r
C lé m e n t, Strom., V 11 le p r o p h è t e , . a u <: îq u iè m e c ie l, v o i t l e s a n g e s
a p p e lé s κύριοι a s s is ■ . -s t r ô n e s s e p t l o i s p lu s - ¡ lia n t s q u e l a lu m iè r e d u
136 LA RÉVÉLATION D’HERMÈS TRISMÉGISTE

Dans YApocalypse johannique, le chant des habitants du ciel est


un « leit-motiv » à travers tout l’ouvrage : 4.8 (les quatre animaux :
trisagion); 4.10/11, 11.16/8 (les vingt-quatre vieillards); 5.9 (ces
deux groupes ensemble); 5.11/2 (les mêmes, plus άγγελοι πολλοί);
5.13 (toutes les créatures); 7.9/10 (la foule des martyrs, cf. 7.13 ss.);
7.11/2 (les anges); 11.15 (φωναί μεγάλαι); 12.10. (φωνή μεγάλη);
15.2/4 (le vainqueur de la B ête); 19.1/8 (la foule immense des
élus).
Le même thème revient dans les Apocalypses apocryphes. Norden
(p. 289), J . Kroll (Lehren , p. 308, n. 4), Holland (l. c., p. 218) citent
Apoc. Petri, v. 17/9 (1) : oî δέ οίκήτορες· roü τόπου ¿κείνου (le
Paradis) ένδεδυμένοι ήσαν Ινδυμα άγγέλων φωτεινών (cf. infra ) καί
όμοιον ήν τό ένδυμα αυτών τη χώρα αύτών άγγελοι δέ περιέτρεχον
αύτούςέκεΐιτε. ίση δέ ήν ή δόξα των εκεί οίκητόρων, καί μια φωνή τδν
κύριον θεόν ¿νευφήμουν ευφραινόμενοι έν έκείνω τω τόπ ω (2)·
De même, pour ne mentionner qu’un autre exemple, Apoc. Pauli
14 (p. 532 James) (3) : « And thereafter I heard the voices of thousands
of angels... uttering hymns and glorifying the Lord and crying etc. »,
23 (p. 538) « angels as it were three thousand sang an hymn before
me », 28 (p. 540) « And I saw there men rejoicing and singing psalms »,
29 (p. 541) « And he (David) held in his hands a psaltery and an
harp and sang praises, saying : Alleluia. And... they answered :
Alleluia », 48 (p. 551) « I saw... his angels singing hymns » (cf. 49,
p . 552).
Voici enfin, pour la littérature chrétienne des premiers siècles,
un petit choix de parallèles. Hermas, Sim. IX 11, 5 : κάγώ ώσεί

soleil levant καίόμνοΰντας θεόν άρρητον, ΰψιβτον. Clément compare ce passage


avec Platon, E p . V II 341 c 6 ss.
(1) Cf. D ie t e r ic h , Nekyia·, p. 4. 37 ss. = E . P reu sch en , Anlilegomena *,
p. 85. 12 ss.
(2) Comme le note J . K roll, l. c., ce μιά φωνή rend peu probable la leçon
φωνή τινι îîtqc (D : ήίεία BCM) préférée par Reitzenstein (Poimandres, p. 55 :
dans Studien, p. 28, R . est revenu à ήδείφ), Scott (II, pp. 65) s. et C. H. Dodd,
The Bible and the Greeks (Londres, 1935), p. 176 et n. 2. Cp. Mari. Perp. 12, 1
audivimus v ocem unitam . ήδείαest d’ailleurs excellent,ci. Secretsd’Hénoch,supra.
(3) M. R h . J ames, The Apocryphal New Test., Oxford, 1945. C’est à dessein

?
ue je cite d ’après cet ouvrage, Jam es traduisant le texte latin (édité par
âmes, Apocrypha Anecdota I, Cambridge, 1893, que je n’ai pu consulter)
plus complet que le texte grec publié par Tischendorf, Apocalypses apocryphae,
Leipzig, 1866, pp. 34 ss. Ainsi, pour  p . Paul. 14, le grec a simplement (p. 46.
15 Tisch.) καί έγένετο φωνή ώς μυριάδων λέγουσα κτλ. L a mention du chant
en 23 et 28 manque dans le grec. D’une façon générale, le texte grec est plus
court et p araît un abrégé. Noter le τόποι; « petitesse de la terre » (t. II, pp. 446 ss.),
c. 13, p. 41. 9 Tisch. ( = p. 530 James) xod είπεν πρός με ό άγγελος· « βλέψον είς
τήν γην », καί έβλεψα, καί 18ον δλον τόν κόσμον ώς ο ΰ ίέν Ινώ π ιόν μου
έκ λελ ο ιπ ό τα . καί είπον τφ άγγέλω' «τοϋτό έστιν τό μέγεθος τών άνθρώπων; » καί
είπέν μοι· « ναι». Ce curieux écrit’mériterait une étude (date ive s. ap. J.-C .).
L’ESCHATOLOGIE 137

νεώτερος έγεγόνειν καί ήρξάμην καί αυτός παίζειν μετ’ αυτών (sc. les
vierges célestes, dites plus loin δυνάμεις του υΐοϋ του θεού I X 13, 2,
ν. infra), αί μέν γάρ έχόρευον, αί δέ ώρχοϋντο, αί δέ ήδον. Μart. Perp.
12, 1 (ρ. 40.30 ss. Knopf-Krüger) : Saturus rêve que lui-même
et Perpétua sont conduits au ciel; des anges les invitent à entrer
et à saluer le Seigneur : et venimus prope locurn cuius loti parietes
taies erant, quasi de luceaedificati; ...et introivimus et a u d iv im u s
vocem u n itam d icen tem « Agios, agios, agios » s in e c e ss a tio n e
(cf. συνεχώς Héc. Abd.,s«pra,p. 135, et, pour letrisagion, HénochZO. 12,
Apoc. Joh. 4.8). Hippolyte, Ref. V I 31,8 (p. 159.23 ss. Wendland)
άνέδραμεν άπό τής μεμορφωμένης 6 Χριστός... πρός τόν Νουν καί τήν
’Αλήθειαν, εντός του όρου μ ετά τω ν άλλων αΙώνων δοξάζων τόν
Π ατέρα (1). Sur ce chant des Eons, cf. Iren. I 2, 6 (p. 22 Harv.)
στηριχθέντα δέ έπ! τούτω τά ίλα ( = tout l’ensemble des Eons) καί
άναπαυσάμενα τελέως (cf. G. Η., IX 10, 100.23, X I I I 20, 228.21)
μετά μεγάλης χαράς φησιν (Valentin) ύμνήσαι τόν Προπάτορα,
πολλής εύφρασίας μετασχόντα.

C. Réception du nouvel élu par les Bienheureux.


C’est là, en Grèce, un très ancien τόπος dans la description du
pays de « là-bas ». Platon déjà en fait état, Apol. 40 e 4-41 c 7. Si ce
qu’on dit est vrai (εί... άληθή έστιν τά λεγόμενα), Socrate se
réjouit de retrouver après la mort ces justes juges des Enfers,
Minos, Rhadamante, Eaque, Triptolème, de converser avec les
poètes, Orphée, Musée, Hésiode, Homère, dé comparer ses épreuves
avec celles des anciens héros et de poursuivre avec eux ses fameuses
interrogations sur le vrai σοφός. Le motif devient usuel dans les
oraisons funèbres, Hypéride, Epit. 35/9 (έν "Αιδου δέ λογίσασθαι
άξιον τίνες οί τόν ήγεμόνα δεξιω σόμενοι τόν τούτων : Léosthène
sera accueilli, recherché et admiré — φοιτάν ΛεωσΘένη δ εξ ιθ υ ­
μένους καί θαυμάζοντας — par les demi-dieux qui ont combattu
devant Troie, par les héros des guerres médiques, par Harmodius
et Aristogiton) (2). Il est de règle dans les Consolations, Sénèque
ad Marc. 25, 2 excepit ilium coetus sacer, Scipiones Catonesque :
le fils de Marcia, Metilius, sera spécialement reçu au ciel par son
aïeul (père de Marcia), le fameux Cremutius Cordus, qui se fera
son guide et mystagogue, Üle nepotem suum... applicat sibi nova1

(1) Texte cité par Scott, Π , p. 65. Il s’agit de la gnose Valentinienne, cl.
Ref. VI 29, 1 ss.
. (2) Sur ce développement qui sent la rhétorique, cf. G. C olin , R E G .,
L I, 1938, pp. 324 ss.
138 LA RÉVÉLATION D’HERMÈS TRISMÉGISTE

luce gaudentem et vicinorum siderum meatos docet... in arcana naturae


libens ducit : c’est exactement la même situation que dans le Songe
de Scipion et l’influence de cet ouvrage ne parait pas douteuse.
De même Stace, Silo. I I 1, 200 ss. (l’enfant Melior accueilli au ciel
par Blesus), II 7 ,1 1 4 s. (seu... te [Lucain] nobile carmen insonantem |
Pompei co m ita n tu r et Catones), V 1, 253 es. (Priscilla est reçue
par Proserpine elle-même et les veteres heroides) (1), I I I 3, 22 ss.
(ex u lten t placidi Letkaea ad flumina manes, \Elysiae gau d ete
domus. |Félix, a ! nimium felix... |umbra cénit), V 3, 284 ss. (Ile, pii
manes Graiumque examina vatum, \inlustremque animam Lethaeis
spargite sertis |et monstrate nemus). E t ainsi de suite d’ouvrage en
ouvrage, par exemple, pour finir, Ael. Aristide X X X I I (Epitaphios
pour le rhéteur Alexandre de Cotyaeis), 34 (p. 225.16 ss. Keil) :
ci δέ άληθεϊς oí Πινδάρου λόγοι καί Πλάτωνος!., καί διατριβαί τινές
είσι των έν "Αιδου, ή που νυν ποιητών τε χορούς είκύς ιστασθαι περί
έκεΐνον... τήν δεξιάν προτεινόντω ν καί λογοποιών... άπάντων ώς
αύτόν (αυτόν Keil : αύτόν 0 ; « chacun l’appelant à soi-même »)
έκάστου καλοϋντος καί μεθ’ αΰτοϋ σκηνοΰσθαι κελεύοντος.
Il faut faire ici une observation. Que ç’ait été là un pur τόπος,
un couplet qui ne devait pas manquer dans les discours de consola­
tion, nos textes le prouvent, et Juvénal le confirme, qui (II 149 ss.),
tout en déclarant que les enfants même ne croient plus aux mythes
infernaux (esse aliquos manes et subterránea régna... nec pueri cre-
dunt), n ’utilise pas moins le lieu commun pour décrire l’indignation
des grands héros d’autrefois ( Curius quid sentit et ambo Scipiadae
etc.) quand vient à eux une ombre indigne (quoties hinc talis ad
iüos umbra venit). Aussi bien le rhéteur Ménandre, qui codifie le
genre de Γέπιτάφιος, énumère-t-il ce thème parmi les autres (II I,
p. 421.16 Spengel) : ού δεϊ θρηνεΐν πολιτεύεται γάρ μετά τών θεών,
ή τό Ή λ ύ β ιο ν έ χ ε ι πεδίον. Les épitaphes versifiées des Latins
où la mention se retrouve — v. gr. Carm. epigr. 423.3/4 A c c ip ite
hanc animam numeroque augete sacr[atam] | Arria Romano et tu
Graio Laodamia (2), 1165.1/4 Vmbrarum secura quies animaeque
pior(um ) |laudatae colitis quae loca sancta Erebi, |sedes (3) insontem
Magnülam d u e i te t’estros | per rumora et campos protinus
Elysios — ne sont pas telles à priori qu’on puisse en induire la foi
en l’immortalité, car les graveurs de ces inscriptions recouraient

(1) Cf. V ollmer. ad toc., p. 509, cite Culex 261 SS. obvia Persephone comités
heñidas urguet adversas prseferre faces.
(2) J ’entends comme F . P lessis, Epitaphes (Paris, 1905), p. 196 augete
numero Romano... Graio.
(3) Sc. in ou ad sedes, cl. P lessis, p. 253.
L’ESCHATOLOGIE 139

probablement à des manuels où des formules diverses se trouvaient


indiquées (1). Mais, d’autre part, bien qu’on eût cessé de croire aux
mythes infernaux que certaines de ces formules supposaient, il
n’est pas douteux que la foi en l’immortalité céleste des âmes ait
repris vigueur à partir du h ® siècle de notre ère. En sorte qu’on
pouvait user de ces formules, d’ailleurs stéréotypées, en leur don­
nant un autre sens : il suffisait qu’elles impliquassent la doctrine
de l’âme immortelle. Ceci est plus vrai encore quand le défunt avait
été initié à quelque mystère comme ceux de Dionysos — Carm. epigr.
1233.17 ss. nunc seu te Bromio signatae mystidis at se 1 florigero in
prato congregi in Satyrum |... poscant — ou quand le mort déclare
explicitement qu’il n’est pas aux Enfers, mais a été transporté au
ciel par un dieu ou une déesse, ib. 1109.27 s. nam me sancta Venus
sedes non nosse silentum | iussit et in caeli lucida templa tulit (2).
D’une manière générale, à partir du h ® siècle au moins, la formule
« vivre dans la société des dieux », dont Ménandre nous offre le type
(πολιτεύεται γάρ μετά των θεών), peut, sinon doit, comporter valeur
réelle, exprimer un sentiment vrai (3).
Des dieux aux âmes divinisées, la distance, sous l’Empire, n’est

(1) Cf. H. F ocillor ap. F . Plessis, l. c., pp. xv i ss., C. B. W e l l s s , I. c.


{supra, p. 133, η. 1), p. 81, η. 10. Il y a des cas au surplus où le mort est dit présent
■à la fois aux Enfers (ou au ciel) et dans la tombe. Weites cite (p. 89) Carm. epigr.
434. 11 ss. nunc vero infemas sedes... tende, suivi de (v. 15) hase domus aeterna
est, hic situs sum, hic ero semper. De même l’inscription de Terentius (Weites,
p. 80),1. 7 ftv ψυχαΐδέξασθε θεαί (donc immortalité), suivi de (1.8) έλαφράκαλύψαιτε
γαϊα. (Noter E . E ngström, Carm. lat. epigr., Göteborg, 1912, n» 218. 12 hic
sita, sed sedes meruit penetrare piorum). Simplè juxtaposition de formules.
Sur ces contradictions, cf. aussi E d. Ga ll e tie r , Etude sur la poésie funéraire
romaine d’apris les inscriptions (Paris, 1922), pp. 51 s., 56 s. Voir d’ailleurs,
du même, tout le ch. 111 (pp. 44 ss.) sur le départ (difficile) entre les
textes à simple formule et les textes où semble s ’affirmer une vraie croyance.
(On notera que ce savant ne croit pas à l’existence de formulaires propre­
ment dits, mais à celles d’anthologies d’épigrammes funéraires, analogues
au x recueils de dédicaces de monuments, op. cil., pp. 225 ss., en particulier
233-235. Sur ce problème controversé, voir en dernier lieu R. Latti^ ore,
Thèmes in Greek and Latin Epitaphs, Un. of Illinois, 1942, pp. 18 ss.).
(2) De même Carm. epigr. 530. 6 non tarnen ad Mânes sed caeli ad sutera

p l ? ; V. gr. Carm. epigr. 1530 B ibis in optatas sedes, nam luppiter aethram |
pandit, Feste, tibi candidus, ut venias, | iamque venis : tendit dextras chorus inde
deorum, |et toto tibi iam plauditur eece polo (cf. συγχαΐροιισι C. H. I 26) : épitaphe
du païen Ru (lus Festus (fils du poète Festus Avienus), sous Valens, cf. P. W. VI
2257 (n ° l l). Pour la formule « avec les dieux», Holland, l. c., p.209, cite Kaibèl
243. 5 μετά δαίμονας £λλους, 652. 2 s. σύνεδρος άθανάτων, 654.5 θεών μέτοχος, 312.4
καί με θεών μακάρων κατέχει δάμος ϊσσον Ιόντα, 8 τειμή δ’ έκ Διός έστι σύν άθανίτοισι
■θεοϊσι, Anth. ΡαΙΛ Π 570.3 s. άθάνατοι μέν αυτόν (χουσι θεοί (épitaphe du proconsul
Dulcitius, sous I '¡η). Encore doit-on remarquer que la formule est banale et
n’implique pas Ale-mime, une foi sincère : Callimaque a δαίμονες of μ’ Ιχετε
(Anth. P u . v T i), Théocrite θείοισι παρ’ άνβράαι (V II659. 3), Dioscoride (fin
n i· s salue h omme θεοϊς Ιαμ (VII 407. 9), Antipater de Sidon
(il· . J .-L..) dit que les princes sont conduits par Zeus è l’Olympe (VII
140 LA RÉVÉLATION D’HERMÈS TRISMÉGISTE

pas grande (1). Les morts sont assimilés aux δαίμονες et il n’est
pas rare qu’un défunt soit nommé « dieu » (2). On conçoit dès lors
que les épitaphes mentionnent cette foule des « âmes déesses »,
comme dans l’inscription de Doura Europos où la femme de Ju ­
lius Terentius les invite à accueillir son époux au ciel : δν ψυχαί
δέξασθε (δέξασθαι lap.) θεαί (3). Voilà peut-être, chez les païens,
l’équivalent le plus exact de notre συγχαίρουσι οί παρόντες τή τούτου
παρουσία. Bien proche aussi le texte de Philostrate ( V. Ap. V III 30 :
supra, p. 134) où les vierges célestes invitent d’en haut Apollonius
à venir les rejoindre. Noter en outre que les ήρωες dont traite YHe-
roicus de Philostrate sont dits « âmes divines », Her. I 12 ψυχαΐς γάρ
θεία ις οΰτω καί μακαρίαις άρχή βίου το καθαρεϋσαι του σώματος
(sc. la mort)· θεούς τε γάρ, ών οπαδοί είσι, γιγνώσκουσι τότ’ ούκ άγάλ-
ματα θεραπεύουσαι καί ύπονοίας, άλλά ξυν ουσίας φανεράς πρύς αύτούς
ποιούμεναι, τά τε των άνθρώπων όρώσι.

Ces témoignages purement païens sur la réception de l’élu par les


Bienheureux pourraient suffire à notre objet, car je ne crois pas,
pour ma part, que le C. H. I ait été influencé par le christianisme;
et, s’il l’a été par le judaïsme, c’est d’une manière toute superfi­
cielle, en ce que, à propos de la multiplication des vivants, il cite
un mot de la Genèse (4). Néanmoins, comme la mention des Puis-

241. I l s .,c f . Ennius, fr. 69 Baehr. Romulus in caelo cum dis genitalibus aevom
degit). Cependant, an iv · s. de notre ère, l’expression peut être prise au sérieux,
dans le cas du païen Dulcitius comme de cet Andréas (chrétien?) célébré V II
673. 3 s. Άνδρέα, σύ ζώεις, ού κατθάνες, άλλα σέ χώρος | άμβροτος άθανάτω ν
ά γίω ν ϋπεδέκτο.
(1) Cf. C. B . W e l l e s , I. c., ρρ. 90/2.
(2) Cf. avec W e l l e s (p. 91) Çarm. epigr. 975. 4 (époque d’Auguste) viva
anima deus sum, 1109. 16 desine flere deum, 31 die Nepos, 43 >ed quicumque
deus quicumque vocaberfis héros], Kaibel 314 τέκνωγλυκυτάτψ καί 0e<j>Ιδίω έπηκόψ,
SEG V III 4 7 4 .2 ίγνων ώς Θε4ς έξεγένου (il y a ici, au vrai, une circonstance parti­
culière : Isidora s’est noyée dans le Nil et elle est donc révérée comme une
Nymphe, cf. S. Eitrem , A R W , X X X I V , 1937, pp. 313 ss., en particulier 316 ss.).
J . H . Si. X I X (1899), p. 127, n° 142 réxvcpθεώ μνήμην,Μ Α Μ Α , V, 232 πατρίθεφ,
ib. IV 362 : Philoxénos honore ses père et mère τούς θεοϊς Ισους 1.4 /5, cf. ναίροιτε...
èv θεοϊς θεοί 1. 8 (l’éditeur W . M. Calder renvoie là à son article. Rev. Phüol.
X X X V I , 1912, p. 52 [Inscriptions d'Iconium], à propos de l’alliance de
l’épitaphe et du βωμός, ce qui indique un culte du mort divinisé). Ajouter
E ngstrôm , Carm. lat. ipigr. 268. 2 [puros quoi] voltus tu dea [restituis] : la
morte a été changée en Nymphe, cf. 1. 6.
(3) W e l l e s , l. c., p. 8 0 ,1. 7 /8 . Le même (p. 86) cp. l’inscription de Tomi,
L . R o b e r t , Gladiateurs dans l'Orient grec (Paris, 1940), p. 102, n° 41. 8 /10,
mais je laisse cette épitaphe dont le texte et le sens me paraissent trop incer­
tains.
(4) C. H. 1 18 (13. 7) 4 8è θεύςεύθύς είπενάγίω λόγφ- « Αύξάνεσθε έν αυξήσει καί
πληθύνεσθε έν πλήθει κτλ. ». Même formule C. Η. III 3 (45.10) είς τ4 αύξάνεσθαι ίν
αυξήσει καί πληθύνεσθαι iv πλήθει: cf. Gen. 1 ,2 2 .2 8 ,8 ,1 7 et 9 ,1 . 7 (ces trois der-
L’ESCHATOLOGIE 14t

sançes en I 26 peut faire songer aux δυνάμεις personnifiées des Juifs


et des chrétiens (1), il n’est pas inutile de citer quelques parallèles
des Apocalypses juives et de la littérature chrétienne.
Hénoch 71.3 ss. « And the angel Michael seized me by my right
hand, and lifted me up and led me forth into all the secrets » (cf.
Senec., Marc. 2 5 ,2 , cité supra, pp. 137 s.), tous les secrets du ciel,
des étoiles, des luminaires, etc. (Charles, p. 236).
1Secrets d'Hénoch. Le prophète est porté par les anges jusqu’au
premier ciel et ainsi de suite jusqu’au huitième (c. 3-21). Là, l’ar-
chistratège Michel le prend en charge et le mène au trône même de
Dieu (22,6). Hénoch est alors dépouillé de ses vêtements terrestres,
oint et revêtu de la robe de la gloire divine (22,8/10 : je reviendrai
sur ce thème, infra, p. 146). Puis Dieu ordonne à l’un de ses ar­
changes, qui fait office de secrétaire, de remettre à Hénoch des
livres et une plume pour qu’il puisse écrire toutes les révélations
divines (23, 11 /2 : révélation c. 24 ss.).
Apocalypse de Paul. Conduit par un ange jusqu’au troisième
ciel (c. 19), Paul arrive au seuil du paradis (c. 20). Là, un vieil homme
au visage brillant comme le soleil (πεπολιωμένος, p. 49 T.) vient à
sa rencontre, l’embrasse d’un air joyeux (κατεφίλησέν με ίλαρω τώ
π ροσώπφ ib.) et le salue par ces mots : Χαίροις, Παϋλε, άγαπητέ
του θεοϋ (il·.). Même accueil, ensuite, de la part d’Elie (p. 536
James : manque en Gr.) : « And I entered within th at place (le

niire8 références concernent Noé après le déluge). Même alliance αύξάνω — πλη-
θύνω Gen. 17, 20; 35, 11- ; 48, 4, Ezod. 1, 7. En aucun de ces passages la Bible
n’a la forme emphatique βύξ,έν αύξήσει, πλ. έν π λή θει : il n’est donc même
pas sûr que la citation soit directe. Il y avait beaucoup de Juifs dans l’Empire
romain, particulièrement à Alexandrie (noter l’influence juive sur les papyrus
magiques), et il est donc possible que l’hermétiste reproduise par oui-dire une
expression courante chez les Juifs où le mot de la Genèse aura été contaminé
par une autre formule biblique (cf. έηληθύνΟηοαν είς πλήθος 1 Chron. 4, 38).
Ou encore, avec Scott (II, p. 53), on peut supposer « that the writer’s more
immediate authority was not Genesis itself, but some document based on a
Semitic original in which the words of Genesis were paraphrased or expanded >.
En tout cas, de cette seule expression, on ne saurait conclure à une influence
juive profonde, et ce qu’en veut tirer C. H. Dodd, The Bible and the Greeks,
pp. 164 es. me parait exagéré.
(1) J . Kroll est le plus décidé, Lehren, pp. 77 s. (après avoir résumé la
doctrine hermétique des δυνάμεις pp. 76 s.) : « Aus diesen Gedanken spricht
der reine Philon, nur von ihm und gant aUein von ihm aus sind diese herme­
tischen Vorstellungen erklärbar », p. 309 : « Wenn es die δυνάμεις sind, welche
in der höchsten Sphäre singen, so liegt sicherlich die jüdische Verbindung der
Engel m it der planetarischen Gottheiten vor » (c’est moi qui souligne). Scott,
II, pp. 66 s., se borne à faire les rapprochements sans affirmer la dépendance.
Dodd, l. c., p. 110, dit simplement : « The conception of divine δυνάμεις at any
rate he (l’hermétiste) shares with Hellenistic Judaism ». Le même (p. 17)
cite des exemples païens de δόναμις personnifiée et observe : « W e recognize
here the monotheistic tendency to represent the gods of polytheism as aspects
or agencies of the one supreme Being ».
142 LA RÉVÉLATION D’HERMÈS TR1SMÉGISTE

paradis) and straightway I saw Elias, and he came and saluted


me with gladness and joy » (cf. συγχαίρουσιν). Puis, Paul est intro­
duit dans la cité du Christ (c. 23, p. 538 J., abrégé en Gr.) : « And he
(l’ange) stood by the lake Acherusa, and set me in a golden ship,
and angels as it were three thousands sang an hymn before me until
I came even unto the city of Christ. And they that dwelt in the
city of Christ rejoiced ( !) greatly over me as I came unto them, and
I entered in and saw the city of Christ ». Plus tard (c. 25, p. 539 J . =
p. 53 T .), Paul est conduit par l’ange jusqu’à la rivière de miel, et
il est accueilli là par les prophètes Isaïe, etc. (les noms manquent
en Gr.) : καί έλθόντες ήσπάσαντό με λέγοντες· χαίροις, Παύλε,
άγαπητέ τοϋ θεοϋ. Plus tard encore (c. 27, p. 540 J. = p. 54 T .),
Paul est conduit à la rivière de vin (εξ άμφηλίου πόλεως Gr.,
« to the east of the city » Syr.), et il voit là les patriarches. C’est en
ce lieu qu’est reçu quiconque a été sur la terre φιλόξενος τοϊς
άνθρώποις : les patriarches l’accueillent (comme un fils et un frère
Lot.) καί άβπάζονται αύτόν ώς φίλον τοϋ 6εοϋ (1).
Hermas, Simil. IX 10.6/7, 11 en entier, 13.2. Dans l’extraordi­
naire scène où Hermas est invité par le Pasteur à demeurer seul
avec les vierges qui sont les άγια πνεύματα et les δυνάμεις du Fils de
Dieu (13.2), il est « livré » à ces vierges (παράδος ούν αύταΐς με...,
παρατίθεμαι ΰμϊν τούτον 10.6, ήμΐν παρεδόθης 11.2) qui le traitent
on ne peut mieux : ήσαν δέ ίλαρώτεραι καί πρός έμέ εδ είχον 10.7,
λίαν γάρ σε άγαπώμεν 11.3, celle qui parait avoir le premier rang
se met à l’embrasser et toutes alors suivent son exemple 11.4, elles
jouent avec lui 11.4,5, elles dansent et chantent; lui, garde le silence
mais Ιλαρός ήμην μετ’ αυτών 11.5. Le soir venu, il veut se retirer;
cependant elles lui disent : « Tu nous a été livré, tu ne peux nous
quitter », en sorte qu’il couche avec elles, mais comme un frère :
« car tu es notre frère, et désormais nous voulons vivre avec toi »
11.2/3, 6 ss. Dans son édition ( Patres Apostolici, III, p. 216), Har­
nack observe qu’on ne peut guère expliquer cette scène par la
pratique des « virgines subintroductae » qui n’était pas en usage
encore au n e siècle. La seule explication possible, à mes yeux, est de
reconnaître en cette vision une peinture des joies célestes. Les vierges
d’Hermas sont des δυνάμεις θεού comme les Puissances de C. H. I
26. Elles chantent et dansent comme les Bienheureux du ciel païen
ou les anges et élus des Juifs et des chrétiens. Elles revêtent le nouvel1

(1) Dans l’Apoc. Petri, v. 18 άγγελοι Si περιέτρεχον αύτοΰς (les élus) htsiae,
Holland a, je crois, bien vu le sens de περιέτρεχον (Le., p. 218, n. 1) : « Geleit und
Dienstbereitschaft der Engel für die Seligen ».
L’ESCHATOLOGIE 143

élu d’un vêtement de gloire (13.2), ce qui est, nous le verrons, un


trait propre à la réception de l’âme au ciel. On peut donc regarder
cette scène comme une description de l’accueil céleste.
Mort. Perpetuae 11, 3 ss., p. 40.22 ss. Knopf-Krüger (vision de
Saturus). Saturas arrive au ciel, qui est comme un beau jardin
avec des roses et toutes sortes de fleurs : ibi aulem in viridario alii
quattuor angeli fuerunt clariores ceteris. Qui ubi viderunt ru>$ honorem
n o bis dederunt, et dixeruni ceterisangelis: « Ecce sunt, ecce sunt »
cum admiralione... Angelidixerunt nobis: « V en ite p r iu s intro, ite
et s a lu ta te D om inu m ». 1 2 ,3s. : Saturus et Perpetua parviennent
donc au trône de Dieu et le saluent d’un baiser (osculati sumus ilium,
et. Herrn., Sim. IX 6, 2 les vierges s’approchent du Seigneur et
le baisent, προσδραμοΰσαι κατεφίλησαν οώτόν). Ils saluent ensuite
les vieillards (et pacem jecimus). Ceux-ci leur disent : « Ailes et
jouez » ( ite et ludite : cf. Herrn., Sim. IX 11, 4/5). Saturus demande
alors à Perpetua : « As-tu ce que tu veux ? » Elle répond : Deo gratias,
« j ’étais joyeuse vivante, mais je le suis bien plus encore ici » (M a­
rier sum et hic modo : cf. Herrn., Sim. IX 11, 5 Ιλαρός ήμην μετ’
αυτών, 11, 8 εΰφράνΟην μετ’ αυτών μείνας).
Passio Mariani et Jacobi 6,10, p. 70.12 ss. Knopf-Krüger : ex in-
proviso mihi sedens ad dexteram eins iudicis Cyprianus apparuit...
et ait : « Veni, sede mecum » (1).
Athanase, V. Anton. 60 (P. G. X X V I 929). Un jour, se trouvant
sur la montagne et levant les yeux au ciel, Antoine voit dans l’air
une forme qui monte et une troupe qui vient à sa rencontre en grande
joie (είδον άναγόμενόν τινα πολλήν τε των άπαντώντων γινομένην τήν
χαράν). Tout en louant ce chœur admirable (μακαρίζων τόν τοιοϋτον
χορόν), Antoine se demande ce que cela signifie. Une voix lui répond
que c’est l’âme d’Amoun, moine de Nitrie, entendons la réception
de cette âme au ciel. Reitzenstein (2) compare S. Jérôme, Ep. 22,
41 : Eustochium sera accueillie au ciel d’abord par Marie escortée
des chœurs virginaux (cum tibi Maria ... choris occurret comitata
virgineis), puis par Thècle q y use, volera pour l’embrasser (in
tuos laeta volai '' r- -'--sus: ci Sim. I X 11, 4 καταφιλεΐν),
puis par l’Epo, ; u viendra -e au-devant d’elle (tune et
ipse sponsus occurret), puis par un a ■■■>« chœur de chasteté » (cas-1

(1) Cité par K . Holl, Ges. Aufs., I l, p 4, à propos de la croyance


< dass der Märtyrer unmittelbar ins Paradiest {ehe » ! ’ · rai à citer encore
cette vision de Marianus et 'a suivante 3 ss.) de Ja.cc
'2) Hellenistische W u-·; Erzählungen 59. Amou montré par.,
r ièrement chaste : Eu.- .omnium (ap. J er. me ’•'Çoit - . . .a récompense de
i . chasteté.
144 LA RÉVÉLATION D’HERMÈS TRISMÉGISTE

titatis chorus), Sara et les femmes mariées, Anna et les veuves, au


chant des enfants et des élus. Rappelons aussi, avec Holland (1),
Prudence, Peristephanon 5 (Passio S. Vincenti M.), 373 s. Stipant
eunlem candidi \hinc inde sanctorum chori, 14 (Passio Agnetis),
91 ss. Exutus inde spiritus emicat \liberque in auras exilit, angeli \
saepsere euntem tramite candido.
Il serait facile de multiplier ces parallèles à travers la littérature
chrétienne des premiers âges jusqu’à la fixation de YOrdo commen-
dationis animae avec ses admirables prières pour la réception de
l’âme au ciel (2). On notera en particulier, dans la prière Ddieta
iuventutis, l’expression aperiantur ei caeli, c o lla eten tu r i l l i
A n g eli qui reproduit textuellement notre συγχαίρουσι Sè oî
παρόντες -rj) τούτου παρουσία.

D. Assimilation du nouvel élu aux Bienheureux.


'Ομοιωθείς τοϊς αυνοϋσιν ne veut pas dire seulement que l’Intel­
lect remonté à l’Ogdoade s’est mêlé aux autres Intellects bienheu­
reux : il leur est « devenu semblable ». L a phrase parait d’abord
étrange, s’il est vrai que le νους, une fois débarrassé des vêtements
des sphères, a recouvré sa propre essence (τήν Ιδίαν δύναμιν ίχων
16.5/6). Il faut donc croire que les Intellects déjà béatifiés ont
quelque chose de plus et que, pour leur devenir semblable, l’Intel­
lect nouvellement remonté doit acquérir ce surplus. Trois passages
du C. H. X nous mettent sur la voie.
Le premier passage (X 16) offre le parallèle de I 24 /5 en ce qu’il
nous décrit le sort des diverses parties du composé humain après
la mort. L ’âme retourne à elle-même (3). Le souffle se contracte
(συστέλλεται) dans le sang (cf. X 13, p. 119.8 ss.), l’âme dans le
souffle (4). « L ’intellect alors, après s’être libéré des vêtements
et revêtu d’un corps de feu puisqu’il est par nature divin (5), se
(1) L . c., pp. 209, 217.
(2) Sur ce point, cf. l’article cité (tupra, p. 133, η. 1) de A. D. Noce, Harv. Theol.
Rev., X X X I V , 1941, pp. 103-109 (nombreuses références). E . P ete rso n ,
en 1935 {Dos Buch von den Engeln, Leipzig, pp. 74 s.), promettait une étude
des sources de la Commendatio : « Es wâre leicht, den Gedankeninhalt der
Gebete der Commendatio animæ in einer grossen Zabi von Belegen aus altkirch-
lichen Autoren festzustellen, doch das soll einer eigenen Arbeit vorbehalten
bleiben ».
(3) ¿ναδραμοϋσαγάρήψυχήείς έαυτήν121. 1. Sc. l’âme n’est plus unie au corps,
mais se sépare et s’isole en elle-même, cf. Phéd. 64 c 6 χωρίς δέτήν ψυχήν ii ti του
σώματος άπαλλαγεϊσαν αυτήν καθ’ έαυτήν είναι.
(4) Ceci ne s’accorde pas avec ¿ναβραμοΰσα εις έαυτήν. Sur d’autres inconsé­
quences de ce traité, cf. éd. Budé, n. 56.
(5) r καθαρές γενόμενος των ένδυμάτων (noter l’article I), θείος ών φύσει σώματος
πυρίνου λαβόμενος 1 2 1 / 3 /4 . Pas de virgule après φύση, le participe ών expli-
L’ESCHATOLOGIE 145

répand en tout lieu (1), ayant abandonné l’âme à un jugement et


au châtiment qu’elle mérite » (2).
Cette doctrine est reprise en X 18 (121.20 ss.) : « Quand donc
l’intellect a été séparé du corps terreux, aussitôt il s’est revêtu de
la robe qui lui est propre, la robe de féu (τύν ίδιον εύθύς ένβδύσατο
χιτώνα, τόν πύρινον), avec laquelle il lui était impossible d’habiter
dans un corps de terre », et l’idée du θείος ών φύσει est précisée
en X 21 (123.19) par la notion du νους δαίμων : « C’est un ordre
établi que l’intellect, quand.il est devenu un δαίμων, reçoive un
corps de feu pour se mettre au service de Dieu » (πυρίνου τυχεϊν
σώματος πρδς τάς τοϋ θεοϋ υπηρεσίας). Nous retrouvons ici des
doctrines familières : celle du mort divinisé, assimilé aux δαίμονες
(cf. supra, p. 140), et celle de la fonction propre des δαίμονες, qui est
d’être au service de Dieu (ou des dieux) (3).
Après la mort donc, dès là qu’il devient un δαίμων, l’intellect est
revêtu d’une robe de feu. C’est à cette vestition, je crois, que pense
l’auteur de 1 26 (4), et nous allons voir que la « vestition » du nouvel
élu est un τύπος traditionnel dans l’eschatologie païenne, juive
et chrétienne.
quant λαβόμενος qui correspond à γενόμενος. Les ¿»Κύματα sont ici l’âm e, revête­
ment de l’intellect, et le souffle, revêtement de l’âme, cf. 121. 7 /8. Plus haut
( X 13), où l’image est celle des ύχήματα, il y a encore le λόγος comme ένδυμα
intermédiaire entre le νους et l’âme, et le souffle, dernier ένδυμα, est lui-même
dans le sang (ou passe par le sang). — Pour la robe de feu que le νους doit
revêtir après la mort, cf. Orae. Chaid., p. 51 Kroll : έσσάμενον πάντευχον
άκμήν φωτύς κελάδοντος |άλκή τριγλώχινι νύον ψυχήν θ’ όπλίσαντα | παν τριά-
3ος σύνθημα βαλεϊν φρενί κτλ.
(1) περιπολεΐ πάντα τύπον 121.4. Cf. X I 20 (155. 13 SS.) συναύξησον σεαυτύν τφ
άμετ^ήτιρμεγέθει..., (155. 21) ύμοϋ πανταχήείναι, et mon commentaire de ce texte

(2) ’ χρίσει xal τή κατ’ άξίαν δίκη, OÙ δίκη = « châtiment » et non « verdict »
(comme dans tr. Budé), cf. J ambl. π. ψ., p. 454. 24 W . τύ τής κρίσεω ςλέγω ,
τύ τής δίκης έργον, τύ τής καθάρσεω ς (trad. et commenté infra, pp. 240 ss.).
(3) υπηρεσία a presque valeur technique dans le cas des δαίμονες, cf. J ambl.
de myst. I l 7, p. 85. 1 ss. Parth. πάντα τά γένη ταϋτα τάς οίχείας τάξεις έπιδει-
κνύουαιν άμα μεθ’ έαυτών... καί τάς λήξεις έν αίς ένοικοϋσι παραδεικνύουσιν, άέρισν
μέν πυρ οΓ άέριοι, vOôvtov δέ... οί χθύνιοι, λαμπρύτερον δέ οί ουράνιοι έπιδεικνύ-
οντες" έν αύτοις δέ τουτοις τοϊς τρισίν οροις τριπλής τάξεως... ίλα τά γένη κατενείματο,
τά μέν τών θεών..., τά δέ τών άγγέλων;.., ύπη ρετικά δέ το ύτο ις τά τών δαιμό­
νων έπιφαινόμενα καί τά τών ήρώων διακονικά ώ σαύτως, I 5, ρ. 16. 12
Ρ . τής δέ τών θεών (τάξεως νόει) έξηρτημένην τήν τών δαιμόνων μακρφ δή τινι
καταδεεστέραν αυτής συνακολουθούσαν, άτε δή ού πρωτουργύν οδσαν, υ π η ρ ετι­
κήν δέ τιν α τή ς άγαθής βο υλή σ εω ς τών θεών συνεπομένην, P bocl. El.
Theol. 110, ρ. 98. 6 ss. Dodds τά μέν έστι συγγενή πρύς έχεΤνα (sc. les tout
premiers termes de la σειρά), φύσιν έν τή σφετέρα τάξει λαχόντα κρείττονα καί
θειοτέραν (ce senties dieux), τάδέ πορρώτερονπροελήλυθε, δευτέραν καί ύπηρε-
τικ ή ν άλλ’ ού πρωτουργύν καί ή γεμονικήν έν τή σειρμ πάση κεκληρω-
μένα πρόοδον (ce sont les δαίμονες).
(4) Les différences ne portent que sur des détails. Il n’est pas question
en X de vêtements des sphères ni d’ascension à travers les sphères, en sorte
que la vestition se fait aussitôt (ευθύς) et non au terme d’une remontée.
LA stV ilA T IO N d ’ iie r m è s t k i s x é g i s t e . --- lit. 11
146 LA RÉVÉLATION D’HERMÈS TRISMÉGISTE

Dana l 'Apocalypse de Pierre , v. 17 /9, les Bienheureux sont ainsi


dépeints : « Les habitants de ce lieu (le Paradis) étaient vêtus de la
robe d’anges lumineux, leur vêtement avait le même éclat que le
pays où ils vivaient (1). Des anges, en ce lieu-là, s’empressaient
tout autour d’eux (2). Égale était la gloire (δόξα) de tous ceux qui
habitaient là et c’est d’une même voix qu’ils chantaient les louanges
du Seigneur Dieu, tout pleins d’aise et de joie en ce pays ». Dans son
commentaire de ce passage, Dieterich (3) fait ressortir que toutes
les descriptions païennes de Γ Ήλύβιον πέδιον offrent, depuis
l'Odyssée (4), les mêmes traits. C’est un pays de lumière éternelle,
que jamais ne troublent pluies et chutes de neige, caressé d’un doux
zéphyr. On le dit ici resplendissant de lumière et, puisque les robes
des Bienheureux sont pareilles, elles sont donc blanches et lumi­
neuses. Dieterich (p. 29) cite de nombreux exemples chez les poètes,
d’Eschyle à Nonnos, qui dépeignent la couleur blanche ou rose ou
dorée ou brillante du vêtement des Bienheureux assimilés aux dieux
eux-mêmes. 11 eût pu ajouter toute la suite d'épithètes formées sur
πϋρ ou φως que la troisième prière de Γάπαθανατιβμός du papyrus
magique de Paris ( P G Μ IV 590 ss.) accole au dieu Aiôn (IV 594).
Celui-ci est d’ailleurs représenté (IV 694 ss.) comme un dieu &
l’aspect lumineux qui s’avance avec une stature plus qu’humaine,
les cheveux dorés, vêtu d’une tunique blanche, couronné d’une
couronne d’or (5).
Le thème de la vestition du nouvel élu est presque de règle dans
l’apocalyptique juive et chrétienne. Hénoch 6 2 .15b/16 : «And they
(les élus) shall have been clothed with garments of glory, and these
shall be the garments of life from the Lord of Spirits » (p. 228 s.
Charles). Or ce vêtement des élus est celui-là même des Fils de
Dieu, 71.1 : « And I saw the holy Sons of God,... their garments
were white and their faces shone like snow » (p. 235 s. Charles).
■Secrets d’Hénoch 22.8/10 : Quand Hénoch est arrivé devant le Sei­
gneur, celui-ci dit à l’archistratège Michel : « Dépouille Hénoch
de ses vêtements terrestres, oins-le de mon doux chrême, mets-lui
la robe de ma gloire ». Or le chrême divin est plus brillant qu’une1

(1) ol δέ οΐκήτορες τού τύπου έχείνου ένδεδυμένοι ήσαν ένδυμα άγγέλων φωτει­
νών καί δμοιον ήν τΑ ένδυμα αυτών τή χώρα αυτών, ci. ν . 15 4 κύριος έδειξέ μοι
μέγιστον χώρον έκτΑς τούτου του κύσμου υπέρλαμπρω ν τφ ρω τί.
(2) Cf. supra, p. 142, n. 1.
(3) Nekyia*, pp. 19 ss., en particulier p. 29.
(4) IV 566 ss., cf. la description de l’Olympe V I 43 ss.
(5) δψη... κατερχόμενον θεΑν υπερμεγέθη φωτινήν ίχοντα τήν βψιν..., χρυσοκδμαν
t* χιτώνι λευκφ χαίχρυσφ στεφάνω : voir aussi 635 s. δψη 6εΑ» νεώτερον... πυρινύ-
τρικα, έν χιτώνι λευκώ καί χλαμΰδι κόκκινη έχοντα πϋρινον στέφανον.
L’ESCHATOLOGIE 147

grande lumière, il resplendit comme le rayon du soleil. Hénoch,


oint et vêtu, se regarde, « and I was one of the glorious ones, and
there was no difference » (p. 443 Forbes-Charles).
Tout le monde connaît, dans l ’Évangile (MA. 22, l i s.), la para­
bole de la robe nuptiale, qu’il faut mettre en relation avec la
doctrine de 2 Cor. 5 ,1 ss. : « Car, nous le savons, une fois que notre
demeure terrestre, cette tente, aura été détruite, nous recevrons de
Dieu une autre habitation (οικοδομή, le corps glorieux), une maison
non faite de main_d’homme, éternelle, dans les cieux. E t c’est pour
cela même (1) que de fait nous gémissons, car nous désirons d’un
ardent désir revêtir ce surplis (2) céleste, pour nous montrer vêtus,
et non pas nus... Oui, nous voulons revêtir ce surplis, pour que
le mortel en nous soit absorbé par la vie ». Or cette robe de gloire,
comme dans Hénoch, est celle du Seigneur et des Bienheureux, cf.
Le. 9, 29/30 (Transfiguration) καί έγένετο έν τφ προσεύχεσθαι
αύτόν τό είδος του προσώπου αύτοϋ έτερον καί ό Ιμ α τισ μ ό ς αύτοΰ
λευκός έξαστρά πτω ν. Paraissent alors Moyse et Elie, ot ¿«ρθέντες
έν δόξπ ϊλεγον κτλ.
Dans YApocalypse johannique, le thème des vêtements blancs ou
brillants est un « leitmotiv » : 3, 4.5 (ό νικών ούτως περιίαλεΐται έν
ίματίοις λευκόϊς); 3, 1S (ίμάτια λευκά ίνα περιβάλη καί μή φανερωθή
ή αισχύνη της γυμνότητός σου, cf. 2 Cor. 5, 3); 4, 4 (ν. blancs
et couronnes d’or); 6, 11 (robe blanche); 7,9 .1 3 (r. blanche); 7, 14
(robes « blanchies » dans le sang de l’Agneau); 19, 7/8 : l’heure
est venue des noces de l’Agneau, son épouse s’est apprêtée, elle
s’est revêtue d’une robe de lin, resplendissante, toute pure : cette
robe, ce sont les mérites des Saints.
Dans YApocalypse de Thomas (3), il est dit que, le sixième jour,
le Fils de Dieu apparaîtra. Les élus quitteront le Paradis, revien­
dront sur la terre et reprendront leurs anciens corps. « Then shall
their bodies be changed into the image and likeness and the honour
of the holy angels and into the power of the image of mine holy
Father (sc. Dieu). Then shall Aey be cloAed with the vesture of life
eternal, out of the cloud of light which... cometh down our >f the
highest realm of the heaven from the power of my Fath And
th a t cloud shall compass about with the beauty thereof al the
spirits that have believed in me » (p. 561 James).123

(1) έν τούτψ : cf. Blass-Debrunner, 219, 2.


(2) J ’essaie de rendre ainsi Γ:-ςν8ύσασθ°υ de 5, 2. 4.
(3) Sur quoi, cf. R . M. J ¿ m e s , .J m er. N . ' pp. 555 s. C’est une prophétie
des derniers temps, non une vision - ”au-..
148 LA RÉVÉLATION D’HERMÈS TRISMÉGISTE

Voici enfin un choix très court de textes chrétiens des premiers


âges. Mort. Perp. 10, 1 (4e vision de Perpétua). Perpétua rêve
qu’on frappe à la porte de la prison. Elle ouvre et voit le diacre
Pomponius vêtu d’une tunique blanche sans ceinture {qui erat oesli-
tus distinctam candidam, so. iunicam) qui lui dit : « Perpétua, nous
t ’attendons, viens ». 1 2 ,1 /2 (vision de Saturas). Arrivés au Paradis,
Saturas e t Perpétua voient un palais aux murs faits de lumière
(cuius loci parûtes taies erant, quasi de luee aedificati). Devant la
porte se tiennent quatre anges qui, au moment de l’entrée des deux
martyrs, les revêtent de robes blanches (qui introeuntes vestierunt
stolas candidas). Ils entendent un chœur chanter à l’unisson le trisa-
gion et voient, assis en ce lieu, une sorte de vieillard aux cheveux
brillants comme neige ( quasi kominem canum , niveos habentem capil-
los) (1). — Hermas, Sim. V III 2, 3. Tous ceux qui entrent dans la
tour céleste sont vêtus d’une robe blanche comme neige (l(um(7|xèv SI
rèv aôriv wâvteç cl^ov Xeoxiv «oel xiiva ). I X 13,1 /2 (suite de la scène
vue plus haut, p. 142). Le Pasteur explique à Hermas ce qu’eBt la
Tour — c’est l’Eglise, — ce que sont les vierges : # Ce sont des
esprits saints (2), et nul ne peut être trouvé dans (3) le royaume
de Dieu si ces vierges ne l’ont pas revêtu de leur propre robe (iœv
pi) «ÜTai aùriv èvSuuwoi tb {vSopa aùrôv). Si, en effet, on ne porte que
le nom (4), sans avoir reçu de ces vierges la robe, cela ne sert à rien.
Car ces vierges sont les Puissances du Fils de Dieu (v. infra) : si
donc on porte le nom (de Dieu) sans porter aussi la puissance de
Dieu, c’est en vain qu’on porte le nom ». — Exe. ex Theodoto
(ap. Clem. Al., Strom. V III), I, 1-2 et mon commèntaire de ce
passage Vigil. Christ., I I I (1949), pp. 193 s. (Voir Addenda).

E . Assimilation aux Puissances.


Une fois assimilé aux autres Élus, le voü; entend certaines Puis­
sances qui, installées au-dessus de l'Ogdoade, chantent Dieu. Alors

fl) Knopt-KrUger renvoient à Dan. 7, 9 καί παλαιός ήμερων ίκάθητο, καί té


ένδυμα αύτοΟ ώσεί χιώ ν λευκόν, καί ή θρίξ τής κεραλής αύτοϋ ώσεί έριον καθαρόν*
ό Θρόνος αύτοϋ φλύξ πυρός, όί τροχοί αύτοϋ πϋρ φλίγον. Voir aussi Pass. Mar. et
Ja c. 7, 3 fp. 70. 33 Knopf-Krüger) cuius restitua discincta erat (cf. Mart. Perp.
10, 1) in tantam candida luce, ut oculi in eam constanter videre non posscnt.
(2) Féminin en hébreu : l’auteur était juif ou avait été élevé dans une
maison juive, cf. Harnack en son édition (1877), p. X I et n. 4 (où il cite Zahn).
(3) εύρεθηναι είς (inveniri in L* : venire L l intrare v. éthiop.) est certainement
dur, mais cf. B lass-Debrunnkr 205 : « Häufig ist είς für έν bei Hermas...
Dieser είς scheint also damals noch Provinzialismus gewesen zu sein », et, sur
le grec d’ Hermas, Harnack en son édition, p. X I et n. 3 (citation de Zahn).
(4) Sc. de Dieu, cf. Âpoc. 3 ,1 2 ; 14, 1.
L ’ESCHATOLOGIE 149

les Élus, en bon ordré, montent vers le Père, c’est-à-dire au-dessus


de l’Ogdoade; ils se livrent eux-mêmes aux Puissances, et, devenus
Puissances, ils entrent en Dieu.
11 y a là, semble-t-il, quatre étapes :
L ’audition du chant des Puissances
La παραπομπή
La παράδοσις
L ’assimilation aux Puissances.
Les trois premiers thèmes sont traditionnels, et je me bornerai
sur ce point à rappelèr seulement quelques textes. Le dernier
demandera un examen plus attentif.
a. άκούει κτλ. (16.8/9).
Lucien, v. hist., II 5 : A mesure que l’on s’approche de l’Ile Heu­
reuse, καί μήν καί βοή σύμμικτος ήκούετο άθρους ...τών μέν αόλούν-
των, των δέ έπαινούντων. — Mort. Perp. 12. 1 : Upe fois revêtus
de la robe blanche et entrés au Paradis, Saturus et Perpétua enten­
dent le chant du trisagion, et introivimus et audivimus vocem unitam
dicentem « Agios etc. ». — Plutarque (ou l’auteur anonyme du)
π. ψυχής (1) ap. Stob. IV 5 2 ,4 9 (t. IV , p. 1089 Hense = Plutarque,
t. V II, p. 23.4 ss. Bernardakis), dans une comparaison fameuse
entre la mort (τελευτάν) et l’initiation aux Grands Mystères d’Eleusis
(τελεϊσθαι), s’exprime ainsi : « Ce sont d’abord des courses au hasard,
de pénibles détours, des marches inquiétantes et sans terme à tra­
vers les ténèbres. Puis, avant la fin même, la frayeur est au
comble; le frisson, le tremblement, la sueur froide, l'épouvante.
Mais ensuite, une lumière merveilleuse s’offre aux yeux, on passe
dans des lieux purs et des prairies où retentit le bruit des voix
chantantes et des danses; des paroles sacrées, des apparitions
divines inspirent un respect religieux (καί λειμώνες έδέξαντο,
φωνάς καί χορείας [καί σεμνότητας άκουσμάτων Ιερών καί
φασμάτων άγίων ίχοντες).
Ce thème de l’audition d’un chant est différent de celui de la voix
céleste qui avertit de faire telle ou telle chose, cf. la vision de Cléo-
nyme ap. Proclus, in rem. p., II, p. 114. 20 Kr. (d’après Cléarque) :
Cléonyme et un autre individu parviennent, dans l’au-delà, au
« lieu sacré » d’Hestia, καί άμφοΐν τήν άυτήν γενέσθαι φωνήν· « μένειν
τε ήσυχη καί όράν τά έκεΐ πάντα », celle du martyr Marianus (Passio1

(1) Cité comme d’un anonyme par P fister , P. W., Suppl. Bd., IV 319.
18 ss. S chmid-St Xhlin (II, pp. 501, 515, 1011) ne paraissent pas mettre en
doute l’authenticité. Traduction de P. F oucart, Myst. d'Eleusis (Paris, 1914),
p. 393, que je reproduis légèrement modifiée.
150 LA RÉVÉLATION D’HERMÈS TRISMÉGISTE

Mar. et Jac. 6, 9) : tune exauditur mihi vox clora et immensa dicentis :


« Marianum applica » (1).
b. καί τ ό τ ε τ ά ξ ει ανέρχονται πρύς τδν πατέρα (16.9/10).
Ces mots suggèrent l’idée d’une πομπή ou παραπομπή, c’est-à-dire
d’une procession où le nouvel élu est conduit solennellement à sa
demeure définitive. E t ce cortège fait aussitôt songer à certaines
formules de la Commendatio animae ou des Suffragia egressa anima
dicenda. Ainsi (prière Delicta iuventutis) : Veniant illi obviant sancti
Angeli Dei et perducant eum in civitatem caelestem Ierusalem, ou
(prière Commendo te) : in adventu tuo (τή τούτου παρουσία I ),
te comitantibus Angelis, ou (antienne Subvenite) : in sinu Abrahae
Angeli deducant te, ou (prière Misericordiam) : per manus sanctorum
Angelorum inter sanctos et electos tuos in sinibus Abrahae, Isaae
et Jacob Patriarcharum tuorum eam (l’âme) collocare digneris, ou
(prière Omnipotens) : et Angelas tuas sanctos ei obviant mittas, viam-
que illi iustitiae demonstrare et portas gloriae tuae aperire digneris.
Mais, d’autre part, comme l’a marqué déjà E . Peterson (2), ces
formules chrétiennes rappellent l ’usage païen de la παραπομπή
quand on introduisait dans une ville un roi ou un grand personnage
lors de son épiphanie. On peut penser aussi à l’aventure de Paul et
Barnabé à Lystres, où prêtre et peuple veulent conduire procession-
nellement au temple, pour leur offrir un sacrifice, les thaumaturges
qu’on prend pour des dieux, cf. Act. Ap. 14, 11 ss., en particulier
14, 13 8 τε Ιερεύς του Διάς του δντος πρδ τής πάλεως ταύρους καί
στέμματα έπΐ τούς πυλώνας ένέγκας σϋν τοΐς δχλοις ήβελεν θύειν.
Bien des traits en I 26 évoquent en effet une épiphanie du nouvel
élu, d’abord et avant tout le mot παρουσία (16.7) qui est quasi
technique en ce sens (3). L a « venue » de l’Élu a pour contre-partie
nécessaire la réception solennelle qu’on lui fait (4). Tel est le. cas
ici. Le νους béatifié est conduit processionnellement au Père, qu’il
doit saluer (Mort. Perp. 11, 4), auquel il doit s’unir. Ce qui indique
bien qu’il s’agit d’un cortège de fête est l’expression τάξει, presque
de règle en pareille occurrence. Ainsi, dans la παραπομπή des objets
sacrés d’Eleusis (Sylt.3 885 : env. 220 ap. J.-C .), il est prescrit que
tous les éphèbes feront escorte aux Ιερά, vêtus de l’armure complète,

(1) Autres références ap. H oloand, l. e., p. 212, n. 2.


(2) Vonden Engeln
, p. 74 : * Wie in der Antike die feierliche Einholung
in die Stadt sich zu einem reich gegliederten Festzug entwickelt, so wird die
Seele des Gläubigen in einem Festzug in die Himmelstadt eingeholt ».
l. c., 311. 30 ss.
(3) Cf. P fister ,
(4) : cf. P fister, l. c., 312. 11 s s . , H. K l e in -
α ποδοχή, υ ποδ οχή, δ έχ εο β α ι
xnecht, Zur Parodie des Gottmenschentums bei Aristophanes (à propos de
Αν. 1706-1765), ARW, X X X I V , 1937, p. 296.
L ’ESCHATOLOGIE 151

couronnés de myrte, s'avançant en bon ordre (11. 25 ss. παραπέμπειν


δέ τούς εφήβους π[άντας, έχοντας] την πανοπλίαν, έστεφανωμέν[ ους
μυρρίνης στεφά]νωι, β αδείζοντας έν τ ά ξ ει) (1).
C, καί αυτοί εις-δυνάμεις εαυτούς παραδιδόασι (16.10/11).
L ’expression εαυτούς παραδιδόασι est curieuse. Peut-être n’est-elle
que la reprise de l ’idée énoncée en I 24-25 par παραδίδως (15.10,
12) et δίδωσι (15.17). De même que, dans sa remontée, l’homme
a livré son corps à l’altération et son caractère moral au δαίμων
(I 24), ou qu'il a livré tous ses πάθη aux cercles planétaires (I 25),
de même livre-t-il maintenant son vrai moi, c’est-à-dire le seul νους,
aux Puissances divines. Mais il est permis de conjecturer, que l’au­
teur, ici encore, s’est souvenu d’un thème traditionnel de l’apoca­
lyptique. Selon YAsclépius 28 (334.3 ss.), quand l ’âme a quitté
le corps, elle passe sous la domination du Génie Suprême (transiet
in summi daemonis potestatem) qui la met en jugement pour exami­
ner ses mérites. Ce summus daemon est ici le Grand Juge. Or c’est
une doctrine commune que l’âme est conduite au tribunal et livrée
au Juge par son δαίμων personnel, et que de nouveau, après la
sentence, le J uge livre l’âme au δαίμων pour qu’il la mène au lieu
où elle doit se rendre. Voici quelques exemples :
Hermès ap. J . Lydus, de mens., p. 167.17 ss. W. : Les âmes qui
ont offensé les règles de la piété, une fois sorties du corps, sont
livrées aux démons (παραδίδονται τοΐς δαίμοσι) et portées par
eux à travers l’air dans les zones brûlantes et glacées que les poètes
nomment Pyriphlégéthon et Tartare.
Hermas, Sim. I X 10 ,6 : A la vue des vierges célestes, Hermas de­
mande au Pasteur : « Livre-moi à ces vierges ». Le Pasteur alors
appelle les âmes et leur dit : « Je vous confie cet homme jusqu’à mon
retour » ( Παράδος ούν, φημί, αύταΐς με- προσκαλείται αύτάς ό ποιμήν
καί λέγει αύταΐς’ Παρατίθεμαι ύμΐν τούτον έως έρχομαι). Plus loin
(Sim. IX 11, 2), comme Hermas, intimidé, veut se retirer pour la
nuit : « Non, lui disent les vierges, tu nous as été livré (ήμΐν παρε-
δόθης) : tu ne peux plus te retirer ».1

(1) Pour le bon ordre de la procession des mystes, et. l’inscription lies-
peria, X , 1941, pp. 65 ss., n° 31 {v. L. Robert, HE G, LV II, 1944, pp. 202 s.). —
Pour èv τάξει, cf. P lat ., Lois, I, 637 e 6 ss. : les Perses s’enivrent volontiers,
mais d’une manière plus ordonnée que les autres peu,.‘.es, Πέρσαι δέ σφόδρα μέν
χρώνται καί ταϊς άλλαις τρυφαΐς..., ίν τά ξει δέ μάλλον τούτων. On a τάξει. comme
ici, dans la lettre du proconsul Cassius à la cité de Nysaea, SylP. 74 ' 11 s.
περί τούτου του πράγματος άπεκρΙΟην καλώς aùrèvπεποιηκέναι καί - édi­
teurs l’expliquent comme une traduction du latin ordine. C’est p ans ce
cas puisqu’il s’agit d’un Romain, mais C. H. I 26, où toute in .e du latin
est a exclure, montre que cet emploi peut être aussi purement ¿iec.
152 LA RÉVÉLATION D’HERMÈS TRISMÊGISTE

Apocalypse de Paul, 16 (p. 534 J .) : « Let him therefore be deli­


vered unto the angel Tartaruchus (παραδοΟήτω ή ψυχή αΰτη άνίλεψ
άγγέλω Τεμενούχω, ρ. 46.13 Tischendorf : même texte 18, p. 535 J . =
p. 48.10T . où le grec ηΤαρταρούχψ). 17 (p. 534 J.) : « Thou hast never
wrought mercy; therefore wast thou delivered unto such angels
which have no mercy (πάντως άνελεήμων έγένου, καί διά τούτο ούτως
παρεδάθης τφ τοιούτω άγγέλφ, ρ. 47.4 s. Τ.}. 22 (ρρ. 537 S. J.) : Paul
arrive à un lac aux eaux plus blanches que le lait. C’est le lac Aché-
rousa (αύτη έστίν ή Άχέρουσα λίμνη 51.6 s. T.). A l’intérieur de ce
lac est la cité de Dieu. Tous ne peuvent y entrer, il faut d’abord
avoir fait repentance. Celui qui s’est repenti, à la sortie du corps,
est conduit devant Dieu qu’il adore : « and then, by the com­
mandment of the Lord, he is delivered unto Michael the angel, and
he washeth him in the lake Acherusa and so bringeth him into
the city of Christ with them that have done no sin » (p. 538 J.
= 6ταν δέ μετανοήση καί μετασταΘή του βίου, παραδίδοται τω Μιχαήλ,
καί βάλλουσιν αύτδν εις τήν Άχέρουσαν λίμνην, καί λοιπδν εισφέρει
αύτèv είς τήν πόλιν του θεοΰ πλήσιον των δικαίων, ρ. 51.9 ss. Τ .).
L e sens serait donc ici que les Élus, sans être conduits par des
δαίμονες (puisqu’ils sont eux aussi des δαίμονες), se livrent eux-
mêmes, ou d’eux-mêmes, aux Puissances. C’est là, en effet, un acte
de leur vouloir propre, l’achèvement de tout leur désir : devenir à
leur tour des Puissances, entrer en Dieu.
d. καί δυνάμεις γενέμενοι èv 6 εφ γίνονται (16.11).
Seuls les dieux sont naturellement immortels. Devenir immortel,
c’est donc pour l’homme ancien, de quelque façon devenir Dieu (1).
Sur ce point, l’apothéose finale de I 26 ne fait que suivre un long
courant de pensée. Ce qui est original en cette apothéose, c’est la
mention des δυνάμεις : les Élus entrent en Dieu dans la mesure
où ils sont devenus des Puissances de Dieu. Autant dire que ces
Puissances sont considérées comme des parties ou des membres
qui, réunis, constituent l’ensemble de l’Être divin. Il y a lieu
d’examiner cette curieuse doctrine. Nous étudierons d’abord la
notion de puissance divine dans le Corpus Hermeticum. E t noue
nous poserons ensuite la question des sources.1

(1) Cf. supra, p. 140 et n. 2.


L’ESCHATOLOGIE 1S3

III. Les Puissances.

1. Les Puissances dans le C. H.

C. H. J.

Les δυνάμεις en tant que Puissances divines personnifiées parais­


sent cinq fois dans le G. H. I, quatorze fois dans le C. H. X I I I .
D’après cet ensemble, on peut se faire quelque idée de leur nature.
L e visionnaire de C. H. I voit d’abord une immense lumière, de
laquelle se détache, vers le bas, l’obscurité (I 4). Cette lumière
est le Noûs, le Dieu par excellence de l’hermétisme (εγώ Νους δ
σδς θεές I 6, ρ. 8.16), et il a pour Fils Iç .Logos. Puis, cette masse
de lumière, jusqu’alors indivisée, devient un monde ordonné (κόσμος
I 7, p. 9.7) qui consiste en un nombre incalculable de Puissances
(έν δυνάμεσιν άναριθμήτοις δν ib., ρ. 9.6). Donc les Puissances cons­
tituent l’être même de Dieu.
J e ne reviens pas sur I 26. L ’élu entend chanter les Puissances
établies au-dessus de l’Ogdoade (16.8/9). Les Élus se livrent aux
Puissances (16.10/11), ils deviennent des Puissances et, du même
coup, entrent en Dieu (16.11).
En I 27, au terme de la révélation, le Dieu révélateur, qui est le
Noûs lui-même, se mêle de nouveau aux Puissances (έμίγη τοΐς
δυνάμεσιν 16.16).
Dans la prière de I 31, Dieu est loué comme suit : « Saint est Dieu,
de qui le vouloir est accompli par ses propres Puissances » (άγιος
δ θεός, ου ή βουλή τελείται άπδ των ίδιων δυνάμεων 18.1 /2). On
comparera avec fruit C. H. I I I 3 (45.3) : « Chaque dieu, par sa
propre puissance, fit surgir les êtres qu’il avait eu charge de créer »
(άνηκε δέ ίκαστος θεός διά της Ιδίας δυνάμεως τό προσταχθέν αύτω).
On sent la différence et l’évolution. Ici Γΐδία δύναμις est simple­
ment la force, au sens normal du mot : là elle est une forme person­
nifiée, une sorte d’hypostase divine.

C. H. X I I I

Au terme de sa remontée, l’élu de C. H. I entend chanter les


Puissances. Le thème est repris en C. H. X I I I 15. Ce traité décrit
l’expérience d’illumination intérieure par laquelle le novice, dès
154 LA RÉVÉLATION D’HERMÈS TRISMÉGISTE

ici-bas, devient Dieu. Il y a donc un lien entre les deux traités, en


tant que l’apothéose dont on est gratifié en cette vie même ( X II I)
est une anticipation de l’apothéose dont on jouira après la mort
(1 26). Ce lien est confirmé par l’allusion directe de X I I I 15 : « Père »,
demande Tat, « je voudrais l ’eulogie en forme d’hymne que tu m’as
dit que j ’entendrais de la bouche des Puissances, une fois parvenu
à l ’Ogdoade, selon que Poimandrès a rendu l’oracle de l ’Ogdoade »
(206.16/8) (1). Nous apprenons du même coup que le vision­
naire de C. H. I, qui a bénéficié de la révélation de Poimandrès
(le Noûs), n’est autre qu’ Hermès, le père spirituel de T at en
C. H. X I I I . Il n’y a dès lors aucun doute que les Puissances de X I I I
ne soient, en substance, les mêmes que celles de I (2).
Les Puissances de I constituaient Dieu. Comme, en X I I I , le
novice devient Dieu, son apothéose consistera donc en ce que les
Puissances divines vont entrer eii lui et former en lui, membre à
membre, un être nouveau qui sera Dieu lui-même ou encore le
Logos de Dieu. Ce processus est indiqué dès le début. L ’Homme,
c’est-à-dire ΓΆνθρωπος divin de I 12 ss., doit être régénéré dans
l’individu concret qu’est Tat. Cette génération suppose un père, une
mère, une semence (X II I 2). Quant à l’engendré, qui sera évi­
demment tout différent de l’homme actuel, il sera « Dieu, fils
de Dieu, le Tout en tout, constitué seulement de Puissances »
(θεοϋ θεάς παΐς, τδ παν έν παντί, εκ πασών δυνάμεων συνεστώς X I I I 2,
ρ. 201.5/6). Tel est le programme. L ’exécution en est décrite en
X I I I 7-9. Le novice est invité à se recueillir (3), à attirer en lui
l’influx divin, à vouloir le salut (έπίσπασαι... θέλησον 203.4). Alors
les douze vices qui jusque-là constituaient l’homme charnel, en
dépendance des douze signes du zodiaque (4), vont être succes­
sivement chassés par les dix Puissances qui forment Dieu :
c’est ainsi que se fera la παλιγγενεσία ( X I I I 7, p. 203.17 /9).
Vient ensuite un moment de silence pendant lequel ce grand
acte est supposé s’accomplir (λοιπόν σιώπησον ...καί εύφήμησον,
καί διά τούτο [sc. grâce à ce silence] oû καταπαύσει τό έλεος είς
ήμας άπά τοϋ θεοϋ X I I I 8, ρ. 203.19/21). Puis, aussitôt, cette
acclamation qui rappelle les formules liturgiques par lesquelles1

(1) Pour la lecture (μου < ά ν > Nock) et l ’interprétation, et . t. IV , p. 206


(2) Ceci dit d’une manière générale : voir au surplus infra, pp. 166 ss.
(3) κατάργησαν τοϋ σώματος τάς αισθήσεις 203. 5, Ct. κατασχεθεισών μου των
σωματικών αισθήσεων I 1, ρ. 7. 3 /4 .
(4) Cf. X I I I 12 (205. 9 SS.) τό σκήνος τούτο... έκ τοϋ ζωοφόρου κύκλου συνέστη
καί τούτου συνεστώτος έκ + άριθμών + δώδεκα βντων τύν άριθμίν. (άρθρων prop.
Eitrem , Symb. Osl., X X V I I , 1948, p. 144, alii alia. V. Aàd.).
L’ESCHATOLOGIE 155

on salue le nouvel initié : « Salut, mon fils, te voilà purifié à


fond par les Puissances de Dieu, pour l ’ajointement des membres
du Verbe » (1).
Les Puissances divines sont ici nommées ( X I I I 8-9) : ce sont la
Connaissance de Dieu (γνώσις θεοϋ), la Connaissance de la Joie
(γνώσις χαράς) (2), la Continence (εγκράτεια), l’Endurance (καρτερία),
la Justice (δικαιοσύνη), la Libéralité (κοινωνία), la Vérité (αλήθεια),
le Bien (άγαθόν), la Vie (ζωή), la Lumière (φως). Cette liste est
curieuse. Vie et Lumière sont des constituants de Dieu : ό δε Νους ό
θεός... ζωή και φως υπάρχων I 9 (9.17 /8), ό δε πάντων πατήρ ό
Νους, ών ζωή καί φως I 12 (10.15). Le Bien peut être dit un consti­
tuant de Dieu, il est l’être même de Dieu : ainsi II 14-16, en parti­
culier άναλλοτριώτατον γάρ έστι του θεοϋ (το άγαθόν), ως αυτός ό
θεός δν II 16 (38.18/9). La Vérité pourrait à la rigueur faire partie
de l’essence de Dieu : ainsi X I I I 6 (202.15 ss.) τί ούν αληθές έστιν... ;
— Τό μή θολούμενον etc., ce qui désigne Dieu, comme on le voit par
le parallèle Exc. II A 9 et 1 5 τί οδν αν είποιτις τήν πρώτην αλήθειαν... ;
— "Ενα καί μόνον... τόν άεί δντα (15 1/2 et 5). Cependant le contexte
en X I I I 9 (204.14 ss.) montre qu’il ne s’agit pas ici de la Vérité objec­
tive de Dieu, mais de la vérité comme vertu morale : 1’άλήθεια est
opposée à 1’άπατή et au φθόνος (204.15, 17), c’est-à-dire au vice qui
nous porte à tromper le prochain pour lui nuire. Les autres Puis­
sances n’ont pas de rapport avec les attributs essentiels de Dieu. La
γνώσις θεοϋ n’est évidemment pas Dieu puisque Dieu même en est
l’objet : elle vaut seulement pour l’homme ici-bas, en ce qu’elle lui
permet d’atteindre Dieu. Quant au reste, ce sont des vertus morales.
Trois d’entre elles remontent aux origines de l ’éthique grecque :
continence, endurance, justice, ί ’έγκράτεια représentant sans doute
ici la σωφροσύνη, et la καρτερία, Γάνδρεία, on retrouve trois des quatre1

(1) χαϊρε λοιπόν, ώ τέκνον, άνακαθαιρόμενος ταϊς τού θεού δυνάμεσιν, είς ουνάρθρωσιν
τοϋ Λόγου X I I I 8, ρ. 203. 21 s. Cp. F irm. Ματ . deerr. pr. r. 19, 1 (p. 47. 4 Ziegler)
άι]8ε νυμφίε, χαϊρε νυμφίε, χαϊρε νέον φως (sur quoi cf. Dieterich, Mahraslit., p. 214
n° V I; Cumont, CR A l . 1934, p. 108) et acclamations mithriaques commençant
par Nama dans les mithréums de Doura (cf. Cumont, C R A I, l. c., p. 105,
Prel. Reports V II/V III, 1939, pp. 87, 104, 118, 119 ss.) et de 8 . Prisca à Rome
(cf. A. F errua , Il mitreo di S. Prisca, Rome, 1941, pp. 17 ss.).
(2) L ’expression est étrange, car le contraire de cette γνώσις n’est pas,
comme pour la γνώσις θεοϋ, une άγνοια, mais simplement la λύπη, ce qui donne
l’opposition normale χαρά — λύπη. On se demande si le texte est correct. Nock
l’accepte ainsi que Reiuenstein (Poimandres), Scott écrit χαρά sans autre
explication en son cou: u.aire (II, p. 387), mais il observe justement {ib., à
propos de παραγενομέν· —ης [se. la joie], ή λύπη φεύξεται εις τούς χωροϋντας
αύτην 204. 3 /6) : « ‘Gr; >ned as an evil démon, which, when expelled
from one man, an o i.o . ,m a whora :! may enter ». Vices et Puissances
restent pur- - .es.
156 LA RÉVÉLATION D’HERMÈS TRISMÉGISTE

vertus classiques. L a libéralité (κοινωνία) est hellénistique (1). La


χαρά joue sans doute un grand rôle dans la spiritualité chrétienne (2),
cependant elle n’est pas proprement chrétienne, mais apparait,
vertu contraire à la λύπη, comme un des traits de la morale hellénis­
tique (3). Il semble donc que cette liste de dix Puissances (204.22,
205.8, 17), opposée à une liste de douze vices, résulte d’une conta­
mination. Aussi bien l’anomalie d’une opposition « dix-douze » le
suggérerait à priori. On a douze vices parce qu’il y a douze signes
du zodiaque. Mais on avait eu en I 25. à peu près (4) sept vices,
et l’on peut donc supposer une liste de sept vertus contraires, ce
que nous trouvons précisément en X I I I 8-9. Tel est probablement
le premier noyau de notre liste de dix Puissances. Comme d’autre
part il fallait bien que ces Puissances fissent figure d’hypostases
divines, constituant Dieu lui-même, l’auteur hermétique ajoute à
la fin, de façon assez maladroite (5), le Bien, la Vie et la Lumière
qui sont véritablement de l’essence divine.
Néanmoins, le nombre et la désignation des Puissances ne chan­
gent rien au fond de la doctrine : pour devenir Dieu, le novice doit
être intérieurement transformé, son moi ancien doit faire place à
un moi nouveau, à un nouveau « corps » (-ri σώμα τοϋτο τύ έκ
δυνάμεων συνεστός X I I I 14, ρ. 206.9 : cf. έκ τούτων συνιστάμενον
X I I I 10, ρ. 205.2, έκ πασών δυνάμεων συνεστώς X I I I 2). E t c’est
précisément ce nouveau corps qui sera immortel : désormais T at
est né (ou rené) Dieu et fils de l’Un (θεάς πέφυκας καί του Ένδς
παΐς 206.15). D’autre part, une fois régénéré, l’hermétiste a conscience1

(1) Cf. par exemple W . W . T arn, HeUenistic Civilisation*, pp. 99 ss. Sur
le mot même de κοινωνία, cf. H. B o l k e ste in , Wohltätigkeit und Armenpflege
(U trecht, 1939), pp. 81 n. 5, 431 ss. Autres références ib., p. 431, n. 1.
(2) V . gr. chez S. Paul (souvent liée à Γείρήνη : noter άγάπη, χαρά, εΙρήνη,
μακροθυμία Gal. 5 ,2 2 ) et depuis lors. Pour Hermas, ct.M and. X 3 ,1 -2 . ί ’ΙλαρΑτης
est une des douze vierges célestes (Puissances) en Sim. I X 15, 2. Dans la même
liste, on a Γίγχράτεια et Γάλήθεια.
(3) Chez Epicure et les Stoïciens (cf. St. V. F ., index, s. v.).
(4) « A peu près », parce que le premier πάθος dérivé des sphères en I 25 n’est
pas proprement un vice (τήν αυξητικήν ένέργειαν καί τήν μειωτικήν).
(5) L a maladresse du raccord se laisse voir à un détail. Après la mention
de Γάλήθεια, qui termine la liste des sept vertus morales, l’auteur ajoute
(204. 15) :i Vois comme la somme du bien s’est trouvée toute complète, mon
enfant, par la venue de la vérité : car l’envie s’en est allée loin de nous »,
Ϊ8ε πώς τΑ άγαθΑν πεπλήρωται, ώ τέκνον, παραγινομένης τής άληθείας· φθΑνος γάρ
άφ’ήμών άπέστη. Ceci veut dire, manifestement, que la liste est achevée : le bien
est complet, πεπλήρωται. On ne saurait désirer meilleure preuve que la liste ori­
ginale com portait sept vertus, qui, ensemble, constituaient le πλήρωμα du bien
(Reitzenstein, Poimandres, ad 343. 8, n!a pas vu le sens). Cependant l’auteur
poursuit : « A la Vérité s'est adjoint aussi leBien », τή Si άληθεία καί τά άγαθΑν
ί π εν έν ετ ο (204. 1 7 /8 ). Que vient faire ici ce τΑ άγαθΑν puisqu’on vient de dire
que 1’άγαθΑν est com plet? L ’inconcinnité est évidente.
L ’ESCHATOLOGIE 157

de son nouvel état (έαυτόν γνωρίζει έκ τούτων αυνιστάμενον 205.1 /2).


Maintenant il a des visions (1), non par la vue corporelle, mais par
l’activité spirituelle qu’il tient des Puissances (τη διά δυνάμεων
νοητική ενεργείς). Il se sent stable comme Dieu (άκλινής γενόμενος
205.3) (2). Il se voit coextensif à tout l’espace, à toute la durée, à
tous les êtres qui existent (3). Dès lors, par un mouvement spontané
que nous avons déjà noté (4), il veut chanter Dieu. Mais ce n’est
plus son moi humain qui chantera, c’est son moi nouveau, Dieu lui-
même présent en lui par ses Puissances : « ainsi chantent, en
toutes choses, les Puissances qui sont en moi » (διό καί έν πδσιν
αί δυνάμεις αΐ έν έμοί όίδουσι X I I I 15, ρ. 207. 3 s., cf. X I I I 18/9,
ρ. 208 .3 ,6 , 14). On peut dire que 1’εύλογία vient de3 Puissances et
retourne aux Puissances (5). La γνώσις venue de Dieu chante le
νοητόν φώς dans la joie de l’esprit (έν χαρά voû). La justice chante
le Juste (τό δίκαιον). La κοινωνία chante le Tout (6). La vérité
et le bien dans l’homme chantent la Vérité, le Bien de Dieu (υμνεί
άλήθεια τήν ’Αλήθειαν, τό ’Αγαθόν άγαθόν υμνεί 208.9). La Vie et
la Lumière s’offrent à elles-mêmes, à travers l’homme, l’hymne de
louange (ζωή καί φώς, άφ’ υμών είς υμάς χωρεΐ ή ευλογία 208.10).
D’un mot, le Logos divin, qui rassemble en lui toutes les Puissances
(είς συνάρθρωσιν τοϋ Λόγου 204.1), chante Dieu par la voix de
l’homme (ό σός Λόγος δι’ έμοϋ υμνεί σε 208.12). Ainsi l’illumination
s’achève sur un hymne, comme s’était achevée déjà la révélation
en C. H. I.
Résumons donc. Dans le C. H. I, les Puissances personnifiées,
sont des parties de Dieu et en même temps des hypostases divines
que Dieu emploie pour accomplir son vouloir. Après la mort, on entre
en Dieu quand on devient l’une de ces Puissances. Dans le G. H.
X I I I , les Puissances sont les parties constituantes du Logos présent
en l’homme quand il a été divinisé. Grâce à ces Puissances, l’homme1

(1) φαντάζομαι X I I I 11 (205.3) : cf. L oncin. 15, 2 (à propos des Erinnyes


qu’Oreste voit) : ένταϋθ’ 4 ποιητής (Euripide) αύτ4ς εϊίεν ’Ερινύας, 8 δ’έφαντά-
σθη, μικρού 8εΐν θεάσασθαι καί τούς άκούοντας ήνάγκασεν.
(2) Sur άκλινής, cf. éd. Budé, n. 51.
(3) tv ούρανώ είμι κτλ. X I I I 11, ρ. 205. 5 ss. : sur ce thème, cf. t. IV,
ch. v u .
(4) Supra, ch. ni, pp. 115 s.
(5) Cf. X I I I 18. La liste des Puissances est ici reprise. Seule manque
la καρτερία, qui fait corps sans doute avec Γέγκράτει*. Ί n’est plus question de
γνώσις χαράς, mais de la seule χαρά, cf. suprà, p. 155, n. 2.
(6) Léger gauchissement ici, semble-t-il, quant au sens de κοινωνία. Plus
haut (204. 13/4), opposée à la πλεονεξία, c ’était la libéralité. Ici, en relation
avec le Tout (τί παν Ομνει 8ι’ έμοϋ), c’est plutôt la participation à tout l’en­
semble de l’Univers, regardé comme une cité (πόλις ή γενών καί κωμών
κοινωνία, Arjst. Pol. 1281 a 1).
158 LA RÉVÉLATION D’HERMÈS TRISMÉGISTE

dès ici-bas se rend coextensif à Dieu. Désormais, lorsqu’il loue Dieu,


c’est Dieu lui-même qui se loue.

2. Les sources.

Il y a un lien, disions-nous, entre les Puissances de C. H. I et


celles de C. H. X I I I , comme en témoigne, outre la parenté de doc­
trine, l’allusion de X I I I 15 à I 26. Néanmoins le problème des
sources n’est pas exactement le même dans les deux cas. Pour le
premier traité, nous avons à chercher des forces ou Puissances
personnifiées qui, comme ici, soient à la fois hypostases de Dieu et
ministres de son vouloir. Pour le second, nous avons à chercher
des Forces divines qui, tout en restant plus ou moins personnifiées,
entrent dans l’homme et y agissent. Examinons donc tour à tour
ces deux points.

A. Puissances hypostases et ministres de Dieu.

H. Mattingly, dans un pénétrant article (1), l’a observé ju ste­


ment, « l’idée que la Divinité se révèle aux hommes par ses « Ver­
tus » ou Puissances est commune à la pensée chrétienne et païenne
en cet âge (ive s.) », et il en donne comme exemple païen une phrase
de Julien, Hymne au Roi Soleil: * Il y a en effet des dieux apparentés
à Hélios et naturellement unis à lui, dont l’addition fait la somme
totale de l’essence inviolée de Dieu : dans le monde visible, ils sont
multiples; dans Hélioe lui-même, ils forment une unité » (είσ’ι γάρ
τοι θεοί συγγενείς Ή λίω κοά συμφυείς, την άχραντον ουσίαν του θεοΰ
κορυφούμενοι, πληθυνόμενοι μέν έν τω κόσμο), περί αυτόν δέ ένοειδώς
δντες IV 143 B , t. I, ρ. 185.19 ss. HertI.) (2).
Ce texte constitue un excellent point de départ pour notre enquête
puisqu’il nous offre la doctrine de Puissances, qui d’une part sont
des dieux personnifiés et d’autre part forment, additionnés, l’être1

(1) The Roman · Virtues’, Haro. Th. Rev., X X X , 1937, pp. 103 ss. Le
texte cité est p. 114.
(2) J e ne connais pas d’antres exemples du moyen κορυφοϋσθαι, mais on
a l’actif κοροφόω « faire la somme d’une chose » (P rocl. in Eucl., p. 261.
4 Friedl.) et le passif κορυφοΰοβαι «composer par addition la somme d'une chose »,
ex. gr. P r o c i . in Crat., p. 102. 15 ss. Pa sa. : le monde est un et complet («Iç n
καί παντελής) ; il tient l’unité d'Apollon; il tient la complétude des neuf Muses,
« car le nombre issu en neuvième à partir du premier parfait est apparenté,
par ressemblance et identité, aux causes de l'ordre e t de l’harmonie cosmiques,
qui d’une part revêtent une multitude de formes, mais d'autre part composent
par leur addition totale une unique perfection », ταΐς πολυεώέσι μέν αΐτίαις
τής κοσμικής διατάξεως καί αρμονίας, πάσαις S" «ίς μίαν τελειότητα χορυφοομέναις.
L’ESCHATOLOGIE 15 a

de Dieu. Commençons par indiquer brièvement la nature des


Puissances dans le discours de Julien. Puis nous remonterons dans
le passé pour découvrir les origines de cette notion.
L a phrase que nous avons citée prend place dans un morceau
sur les δύναμής du dieu Hélios (142 C ss.). On ne peut, dit Julien,
distinguer en Dieu substance, pouvoir, opération (1). Car tout
ce que Dieu veut, il l ’est, et il le peut, et il l ’opère : en eiïet ni iJ ne
veut ce qui n’est pas, ni il n’est incapable de réaliser ce qu’il veut,
ni il ne veut ce qu’il n ’a pas le pouvoir d’opérer (2). Dès lors, ce
qui a été dit jusqu’ici de Γοΰσία de Dieu s’applique aux puissances
et aux opérations divines (142 C-143 B, pp. 185.22-186. 19 H.).
Vient alors le principe : les Puissances d’Hélios sont des dieux
naturellement unis à lui (συμφυείς) qui, par addition, forment sa
substance; multipliées dans le kosmos, elles composent dans Hélios
une unité (p. 185.19/22 H.). Ce principe est ensuite développé.
Dans ce long exposé (143 B-152 A), je ne choisis que le premier
point (143 C-144 C).
Hélios réunit en lui les pouvoirs de Zeus (143 D, p. 186.16 ss.),
d’Apollon (144 A, p. 186.19 ss.), de Dionysos {ib., p. 186.24 ss.),
d’Asklépios (144 B, p. 187.6 ss.). On en a une preuve de fait : à
Chypre, Hélios et Zeus sont adorés en commun (186.17 ss. ). Julien
avait déjà noté ce détail plus haut (135 D, p. 175.18 ss.) et il avait
cité là, en outre, le témoignage de l’oracle apollinien (τον Άπόλλω
...παρακαλέσαντες μάρτυρα 175.21) : είς Ζεύς, εις Άίδης, είς "Ηλιος
έστι Σάραπις. Une formule presque identique (3) est donnée
comme orphique par Maerobe (4), et ce dernier rapporte
aussi, dans le même sens, l’oracle de Claros où lad, dieu suprême,
est tour à tour Hadès en hiver, Zeus au printemps, Hélios en été,1

(1) ού γάρ άλλο μέν έστιν ουσία θεοΰ, δύναμις δέ άλλο, καί μά Δία τρίτον παρά
ταϋτα έ ν έρ γ ιια 184. 24 s. Problème classique, cf. C. H. X IV 4 (223. 8 ss.)
τίς ούν έστιν ουτος (Dieu) καί πώς αύτδν γνωρίσομεν; ήτοότω τήν τοϋ θβοΰ προση-
γορίαν μόνψ δίκαιον άνακεϊσβαι, ή τήν τού ποιητου, ή τήν τού πατρός, ή καί τάς
τρεις; θεόν μέν διά τήν δύνα μιν, ποιητήν δε διά τήν έ ν έρ γεια ν , πατέρα δέ διά
τΐ> αγαθόν (= ούσία ). δόναμις γάρ έστι, διάφορος τών γενομένων, ένέργεια δέ έν τώ
πάντα γίνεσθαι.
(2) πάντα γάρ άπερ βούλεται, ταϋτά έστι καί δόναται καί ένεργεϊ' ο>5τ*
γάρ δ μή ϊστι βούλεται, ούτε δ βούλεται δρίν ού σθένει, οΰθ’ δ μή δύναται ένεργεϊν
έδελει 184. 26 ss. De nouveau problèmes classiques, cf. A sci. 8 (305. 12 ss.)
voluntas etenim dei ipsa est summa perfectio, voluntatem comitatur efjectus , 34
(344. 22) om nia enitn deus et ab co om nia et eius om nia voluntatis, surtout
le morceau sur le vouloir divin A scl. 26 (331. 11 ss.j. Voir aussi C. H. X 2
(113. 11 s.) ή γάρ τούτου (Dieu) ένέργεια ή θέλησίς έστι καί ή ουσία αϋτοΰ τό
θέλειν πάντα είναι.
(3) A la fin εις Διόνυσος au lieu de έστι Σάραπις.
(4) Macr. Sat. 1 18, 18 = Kern, Orph. fr., n° 239 (voir aussi les n°‘ i
Cf. E . P eterîîon, Είς Θεός, pp. 241 ss.
160 LA RÉVÉLATION D’HERMÈS TRISMÉGISTE

Iacchos en automne (1). Dans le même sens encore, on pourrait


alléguer certaines représentations d’Aiôn. Sur une mosaïque de
l’isola Sacra près d’Ostie (époque d’ Hadrien), Aiôn est figuré tenant
un cerceau à travers lequel passent, successivement, les quatre
Saisons (2). Sur une mosaïque d’Antioche on voit quatre hommes
assis à table, trois formant un même groupe à droite, un quatrième
à part des autres à gauche. Celui de gauche, d’âge mûr et au visage
grave, est Aiôn. Les trois autres sont les trois Temps. Le plus à
gauche des trois est le Futur (Μέλλων), un bel adolescent qui regarde
droit devant lui avec assurance; au centre, le Présent (Ένεστώς),
lui aussi un adolescent, tourne la tête à gauche vers le Futur; enfin
le Passé (Παρω(ι)χημένος), d’âge mûr comme Aiôn, se détourne
de ses compagnons et je tte un regard mélancolique vers la
droite (3). Le sens de ces deux représentations est le même : Aiôn
résume à lui seul les quatre Saisons ou les trois Temps, et, réci­
proquement, ces Saisons ou ces Temps, une fois additionnés (κορυφού·
μενοι), fo n tl’Aiôn. Au surplus, comme celui de l’isola Sacra, l’Aiôn
d’Antioche tient le cerceau, image du seuil que doit inéluctablement
franchir toute durée fragmentaire.
On pourrait rappeler enfin la formule célèbre êv καί τδ παν
dont la signification est pareille. Dieu est & la fois un et toutes
choses. Unique, il se révèle infiniment multiple par toutes les mani­
festations de son activité dans l’univers : άρξομαι ...τάν θεάν
έπικαλεσάμενος ...πάντα βντα τδν Ινα, και Ινα δντα τδν πάντα C. Η.
X V I 3 (232.18 SS.), ούτος ό άσώματος, b πολυσώματος, μάλλον Si
παντοσώματος V 10 (64.5). Aelius Aristide résume bien cette
doctrine en disant que tout ce qu’il y a de races de dieux consti­
tuent une effluence de la puissance de l’unique Zeus, père de l ’uni­
vers (ώστε καί Θεών βσα φϋλα απορροήν τής Δίος του πάντων πατρός
δυνάμεως Ικαβτα Ιχει X L I I I 15, ρ. 343.1 ss. Keil) (4).
Quelle est l’origine de ces Puissances hypostases? Un mot de
Julien, ici encore, nous m et sur la voie. Poursuivant son propos
sur l’assimilation des autres dieux à Hélios, Julien demande (148 D.
149 A, p. 193.3 ss.) : « Pourquoi te (5) parler encore d’ Horus et des1

(1) Macr. Soi. I 18, 20 - BunESCH, Klaroi, p. 48, n» IV, c ité Riv. H . T .,
I, p. 13, où j ’ai eu to rt de ne p a s a c c e p te r, au v. 5, la co rrectio n "Ιακχον (Ian)
pour Ίαώ , c i. les Addenda de la 2* éd ition (1950), p. 426.
(2) Cf. G. Calza, La Necropoli die Porto di Borna nell'Jsola Sacra (Rome,
1940), tomba n° 101, pp. 183 ss., f. 92, pp. 312 ss.
(3) Cf. Doro Levi, Hesperia, X I I I, 1944, pp. 269 ss., en particulier 269-274
pour l'interprétation de la mosaïque, 284 ss. pour le symbole du cerceau.
(4) Cf. E . P e t e r s o n , M onotheism us (cf. infra, p. 1 6 2 , n. 2), p. 27 e t n. 3 7 .
(5) Julien s’adresse au philosophe Sallustius.
L’ESCHATOLOGIE 161

autres noms de dieux, qui tous conviennent à Hélios? De fait, les


hommes ont appris à connaître ce dieu (Hélios) d’après les effets
qu’il produit » (συνηκαν γάρ άνθρωποι τον θεάν έξ ών ό θεάς όδε
έρ γά ζετα ι). Nous nous trouvons ici devant une formule connue
Cornutus, parlant des noms de Zeus, s’exprime ainsi (Th. Gr. 9
p. 9.14 ss. Lang) : « Zeus est aussi nommé Sauveur, Herkéios..., car
infini est le nombre des dénominations analogues qu’on applique à
Zeus, puisqu’il comprend dans son extension tout ordre de puis­
sance et de position, qu’il est la cause de toutes choses et veille
sur toutes » (καί σωτηρα καί έρκειον... αΰτάν προσαγοοεύουσιν,
άπεριλήπτων όσων όνομασιών αώτου τοιούτων ούσών, έπειδή δια-
τέτα κ εν εις πάσαν δύναμιν καί σχέσιν καί πάντων αίτιος καί
έπόπτης έστίν). Pareillement l ’auteur du de mundo (7, 401 à 12) :
« Dieu est unique, mais il porte une multitude de noms, car il en
reçoit autant qu’il y a d’effets nouveaux dont il se montre la cause »
(είς δέ ών πολυώνυμός έστι, κατονομαζόμενος το ΐς π ά θεσ ι πάσιν
άπερ αώτάς ν εο χ μ ο ΐ). E t de même Diogène Laërce d’après une
source stoïcienne (V II 147 = St. V. F., II, p. 305. 15 ss.) : « Dieu
est un Vivant immortel, doué de λόγος, parfait [ou intelligent] dans
sa béatitude, qui n’admet aucun mal (1)... Dieu est le Démiurge
de l’univers et comme le Père de toutes choses, non seulement en
général, mais spécialement cette partie de lui qui pénètre à travers
toutes choses et qui reçoit des noms multiples selon les puissances
qu’elle exerce » (κοινώς τε καί τά μέρος αώτου τά διήκον διά πάντων, 8
πολλαΐς προσηγορίαις προσονομάζεται κατά τά ς δυνάμεις).
Suit la doctrine banale de Zeus nommé tour à tour Dis, Zên (cf. de
mundo 7,401 a 14), Athéna, Hèra, Héphaistos, Poséidôn, D éméter(2).
Puis Diogène (ou plutôt sa source) conclut : « Tout de même des
autres appellations : les hommes les ont attribuées à Dieu en
s'attachant à telle ou telle propriété » (όμοίως δέ καί τάς άλλος
προσηγορίας έχόμενοί τίνος οΐκειότητος άπέδοσαν). La polyonymie ou
myrionymie de tel ou tel dieu ou du Dieu suprême est un fait banal1

(1) θεόν Si είναι ζφον ¿θάνατον λογικόν τέλειον [ή νοερόν] έν ευδαιμονία, κακοΰ
παντός άνεπίβεκτον. J ’ai exclu ή νοερόν, en raison du parallèle (non signalé
par Amim) S e x t . E mp . adv. math. I X 33 κοινήν γάρ πάλιν πρόληψιν έχουσι
πάντες άνθρωποι περί θεού, καθ’ ήν μακάριόν τί έστι ζφον καί άφθαρτον καί
τέλ ειο ν έν εύδαιμονίφ καί παντός κακού άνεπ ίδεκτον. Sextus, répétant
évidemment la même source, n’a pas ή νοερόν, d’ailleurs doublement absurde
puisqu’on a d’abord eu λογικόν (manque dans S. E.) et que τέλειον doit
être immédiatement lié à έν εύδαιμονία κτλ. qui l’explique. — Pour παντός
κακού άνεπίδεκτον, Cf. C. H. VI 1-2.
(2) Voir aussi S bi»., de benef., IV 7-8. A e l . A r is t . X X X V I I 28 Keil
(Athéna δώναμις de Zeus).
ι έ R iV ÎllT lO R D’HERKta TRISMÎOISTE. — m . 12
162 LA RÉVÉLATION D’HERMÈS TRISMÉGISTE

sous l’Empire (1). Ce qui est intéressant ici, c’est l’explication


commune (stoïcienne) donnée par le de mundo, Cornutus, la
source de Diogène Laërce et de Sextus Empiricus, Julien. Dieu a
autant de noms ou, ce qui revient au même, autant de formes ou
d’aspects (quern Παντόμορφον vel omniformem vocant, Ascl., 19,
p. 319, 4) qu’il y a d’effets de puissance qu’il manifeste dans le
monde. Toutes les δυνάμεις de Dieu, additionnées ensemble, font
ainsi la somme de l ’être de Dieu.
Telle est, je crois, la source, purement païenne, des δυνάμεις
comme hypostases divines en I 26.
Voyons maintenant d’où vient l’idée que ces δυνάμεις sont les minis­
tres du vouloir divin (ού ή βουλή τελείται άπό των ιδίων δυνάμεων
I 31, ρ. 18.1). Je puis être bref sur ce point, la notion de θεοί δεύτε­
ροι ayant été souvent étudiée de nos jours (2). Un fameux passage du
de mundo (6 ,3 9 8 a 1 ss.) exprime cette doctrine que, si la puissance
divine, qui siège au ciel, est cause de la conservation de tous les
êtres, elle ne l’est pas directement en ce qu’elle se répandrait elle-
même jusqu’aux lieux*les plus infimes du monde, mais par le moyen
de ministres, de même que le Grand Roi des Perses ne réglait pas
en personne tout le détail des affaires de son immense Empire, mais
qu’il employait pour cela une armée de gouverneurs, de satrapes
et d’officiers de toute sorte (398 a 29/31). Cette image du Dieu
Grand Roi est restée célèbre, et la comparaison des dieux ministres
avec les satrapes se trouve chez Philon (Decal. 61, 177 /8), chez
Aelius Aristide (Ε ίς Δ ία 43, 18, p. 343.26 Keil), chez Celse (ap.
Orig. c. Cels. V III 35, p. 65.24 Glôckner) (3). La même doctrine
se rencontre ailleurs avec d’autres dénominations pour les dieux
ministres. Ainsi Maxime de Tyr, X IV (Diibner) 8 : « Dieu lui-même,
toujours fixé au même lieu (4), gouverne le ciel et tout l’ordre des
choses célestes. Mais il possède des Puissances immortelles de rang
inférieur, ce qu’on appelle « dieux seconds », qui sont établis entre
le ciel et la terre » (είσΐ δ’αύτω φύσεις άθάνατοι δέύτεραι, θεοί καλούμε­
νοι δεύτεροι, έν μεθόρια γης καί ούρανοδ τεταγμένοι). De même Apu­
lée, de Platane, 1 1 1 (95.7 ss. Thomas) dont le texte est intéressant 1

(1) C f. C. H . V 1 0 , p . 6 4 . 8 ονόματα έχει άπαντα e t n. 26 ad loc., Ascl. 2 ,


p . 3 2 1 . 5 s. hune vero... omninominem.
(2 ) C f. e n p a r t i c u l i e r l’é t u d e p é n é t r a n t e d e E . P ete b so n , Der Monoiheis-
mus als politisches Problem , L e ip z i g , 1 9 3 5 , passim.
(3) C f. E . P e t e r s o n , op. cit-, pp. 107 ss., no tes 29 e t su iv an tes.
(4) θεός μεν οδν κατά χώραν Ιδ ρ υ μ έ ν ο ς : c f. de. mundo 398 a 19 κρεΐττον οδν
ΰπολαοεΐν... ώ ς ή έν ουρανώ δύναμις ιδ ρ υ μ έ ν η κ τλ ., 397 b 2 4 ss. τήν μεν ούν
άνω τάτω καί πρώτην έδραν αυτός ΪΧαχεν... άκρωτάτη κορυφή του σύμπαντος
έ γ κ α θ ι δ ρ υ μ έ ν ο ς ούρανοϋ.
L’ESCHATOLOGIE 163

parce qu’il nous montre que cette doctrine passait, au 11e siècle,
pour platonicienne : « Platon distingue trois classes de dieux. La
première est ce Dieu suprême, Un et Seul (1), hypercosmique,
incorporel, que nous avons montré plus haut (c. 5, p. 86.12 ss.)
comme le Père et l’Architecte de cette sphère divine. La seconde
classe est celle des astres et des autres divinités qu’on nomme habi­
tants du ciel (caelieolas). L a troisième est celle que les anciens
Romains appellent intermédiaires (medioximos) ». De même Plu­
tarque, de Is. 67 : Il n’y a point de dieux différents pour Grecs et
Barbares, peuplés du Nord ou du Midi. « Mais, comme le soleil, la
lune, le ciel, la terre, la mer, qui sont communs à tous, reçoivent
des noms divers selon les lieux, ainsi, bien qu’il n’y ait qu’une seule
Raison pour gouverner l’univers, une seule Providence pour veiller
sur lui, et bien que les Puissances auxiliaires de Dieu soient établies
sur toutes choses (xal δυνάμεων υπουργών έπί πάντα τεταγμένων),
les lois ont fixé pour elles ici ou là des honneurs et des noms diffé­
rents. »
Arrêtons ici cette liste qui suffit pour expliquer la doctrine de
C. H: I 26. Quand au nom même de δυνάμεις, au pluriel, pour dési­
gner des entités divines, il se rencontre peut-être dès le m e siècle
avant notre ère s’il faut attribuer à Cléarque lui-même tous les
termes du récit de la vision de Cléonyme que Proclus, d’après lui,
rapporte in rem p., I I , p. 114.10 ss. (2). Cléonyme d’Athènes,
désespéré de la mort de son ami Lysias, s’évanouit. On le croit
mort et on l’expose sur le lit funèbre (προυτέθη ). Or sa mère, s’étant
penchée sur lui pour un dernier baiser, perçoit un léger souffle. Elle
arrête les funérailles. Cléonyme reprend vie et raconte ce qu’il a vu.
Il dit que son ftme, délivrée du corps, s’est élevée dans les airs d’où
elle voyait toute la terre. Elle parvient « à un certain lieu sacré d’Hes-
tia (3) que fréquentaient (4) des Puissances démoniques sous la
figure de femmes d’une beauté indescriptible» (βν περιέπειν δαιμό­
νιας δυνάμεις έν γυναικών μορφαΐς άπεριηγήτοις 114.18/9) (5).1

(1) Unus et tolus — είς καί μένος, C. Η. IV 1, ρ. 49. 4 et n. 1 ad loe.


(2) Tiré de Cléarque (cf. in r. p., I l, p. 114. 1), π. ύπνου : cf. F . W ehrli,
Klearchos (Bêle, 1948), fr. 8, pp. 11 ss.
(3) είς τινα χώρον Ιερδν τής Εστίας 114. 18 : trait pythagoricien, ci.
W ehrli, 2. c., p. 49 (Kommentar).
(4) 8v περιέπειν : même sens ici que άμφιέπειν.
(5) Cp. les vierges célestes (dites δυνάμεις του υίοϋ τού θεού) chez Hermas,
Sim. I X 13, 2. Un emprunt est invraisemblable. C’est donc un τόπος. D a n s
le même sens vague δυνάμεις — entités divines, cf. Porph. de abst. II 2, p. 133.
ION . ούκ εΐ δαίμοσιν ή Θεοϊς ή τισ ιδ υ ν ά μ ε σ ιν θϋσαί τι των έμψύχων προσήκει...,
διά τούτο καί θοινδσθαι ίξ άνάγκης δει τα ζώα. — Je ne fais pas état de Ιεραί
δυνάμεις dans l’inscription deGerger (Insc. Syrie I,n ° 47, pp. 5 ; ¡s.) complétée
164 LA RÉVÉLATION D’HERMÈS TRISMÉGISTE

S i, comme je le crois, les Puissances de C. H., I 26 s’expliquent


suffisamment par des doctrines philosophiques païennes, il me
parait inutile de chercher pour elles des sources juives, ainsi qu’on
l ’a voulu parfois (1). Rappelons exactement les termes du pro­
blème. Les Puissances de C. H. I sont des Puissances personnifiées
(elles chantent, on se mêle à elles) qui composent l'être de Dieu.
Poimandrès lui-même, le Noûs révélateur, est l’une d’entre elles. Ce
sont donc des hypostases divines, qui font partie de la substance
de Dieu. En C. H. XLU on compte parmi elles Zoè, Phôs et l’Aga-
thon : or Zoè et Phôs sont les constituants de Dieu et le Bien est
l’essence même de Dieu. D’autre part, ces Puissances hypostases
sont les auxiliaires du vouloir de Dieu (I 31).
Maintenant, l’Ancien Testament (L X X ) a connu sans doute l’ex­
pression κύριος των δυνάμεων ou κύριος σαβαώθ (2), mais le
sens est indiscutablement « Seigneur des armées ». Or ces armées
sont naturellement subordonnées à Dieu et ne sauraient en aucun
cas, pour le Ju if, être considérées comme parties de Dieu. Il y a là
une différence capitale et qui tient à la nature même du monothéisme
juif. Le Dieu des Juifs est un Dieu personnel unique et simple,
qu’on ne saurait imaginer composé de Puissances multiples. Si, dans
le judaïsme hellénistique, on a conçu l’existence d’entités intermé­
diaires entre ce Dieu et le monde ou l’homme, aucune d’entre
elles ne saurait prétendre à participer à l’essence divine. Ce sont
là purement des serviteurs, que Dieu emploie comme exécutants
de ses ordres. Le caractère exclusif du monothéisme ju if est, sur
ce point, si décidé que précisément les θεοί δεύτεροι ont fait l’ob­
je t de polémiques entre juifs et païens. Philon, sous l’influence de
la philosophie hellénistique, admet, on le verra, des puissances
hypostases. Néanmoins, en ce qui concerne leur subordination

par une stèlo de Samosate ap. F r . K. Dörner-R ud. Naumann, Forschungen


in Kommagene (Istanbuler Forsch., B d. 10), Berlin, 1939, pp. 24 s., col. V I,
1. 23 s. [πολυφονώτατά τε τάς [ερίς δυνάμεις] | [δαι]μ[6νω]ν etc., puisque,
comme on le voit, il s'agit là d’une restitution très conjecturale. La grande
inscription contemporaine d’Antiochus de Commagène (In scr. Syrie 1 : peu
avant 31 av. J .-C.) porte simplement (1 205 s.) 6<mç 8 ’ άν διατάξεως ταύτης
δύναμιν Ιεράν ή τιμήν ήρωικήν... καταλύειν... έπιβάληται où le sens de ΐύναμις
est très différent.
(1 ) Cf. supra, p. 141, n. 1. Pour les δυνάμεις juives, voir surtout W . Grundmann
ap. Theolog. Wörterbuch de G. Kittel, II (Stuttgart, 1935), pp. 292 ss. (Ancien
Testament), 296 ss. (judaïsme hellénistique). J e n’ai pu consulter, du même,
Der Begriff der Kraft in der neutestamenüiche Gedankenwelt, Stuttgart, 1932.
Pour Philon, cf. aussi E . B réhier , Les idées phil. et relig. de Philon* (Paris,
1925), pp. 136-157, H. A. W olfson, Philo (Harvard Un. Press, 1947), I,
pp. 217 ss. (Powers), II, pp. 126 ss. (Divine Properties)
(2) Grundmann, l. c., p. 293. 37 ss.
L ’ E S C H A T O L O G IE 165

à Dieu, il est très net : « De même qu’il serait absurde et périlleux


d’accorder aux satrapes subalternes les honneurs dus au Grand
Roi, car on donnerait à des esclaves ce qui revient au maître
(χαριζόμενος τά δεσπότου δουλοις), de même serait-ce manquer totale­
ment de tact et de sens du droit que d’honorer des mêmes privilè­
ges le Créateur et les êtres créés (les dieux astres) », de decal. 67 (1).
Comme l’a marqué Peterson (2), cette polémique sera reprise,
à satiété par les chrétiens. De leur côté les païens répondaient :
la grandeur de Dieu ne consiste pas à régner seul, mais bien plutôt
à régner sur d’autres dieux égaux à lui (3). Les δυνάμεις de l’Ancien
Testament me paraissent donc hors de cause. A supposer même
que l’hermétiste eût emprunté aux Septante le mot δυνάμεις (4),
on doit reconnaître alors qu’il a entendu la chose en un sens
tout différent des Juifs, voire en un sens opposé à la notion juive.
Reste Philon, chez qui les Puissances ont bien parfois l ’aspect
d’hypostases ou de propriétés personnifiées de Dieu lui-même (5),
en particulier quand Philon assimile les Puissances de Dieu aux
Idées platoniciennes (6). Mais il est constant que Philon n’est
pas un témoin pur, que « la conception philonienne des Puissances
a ses racines partie dans le judaïsme, partie dans la Grèce hellé­
nistique » (7), qu’elle représente « une fusion entre la philoso­
phie hellénistique de Posidonios et la tradition judaïque » (8).
Maintenant, ce que les Puissances de Philon ont de commun avec
celles du G H. I., c’est précisément les traits non judaïques, les
traits empruntés à la philosophie hellénistique. Pourquoi donc
supposer que l’hermétiste ait pris ces traits dans Philon alors
qu’il les trouvait chez les païens? J ’ai montré plus haut que la
tendance à voir en Dieu tout ensemble unité et multiplicité est
l’une des caractéristiques de la philosophie religieuse dès le i er siècle
(Cornutus). J ’ai montré aussi que la tendance à voir dans les
puissances de Dieu des entités personnelles, des hypostases divines,1

1) Cf. E . P eterson, Monotheismus, p. 25 et notes ad. loc.


2) I b ., pp. 49 ss.
3) Ib ., p. 52.
4) J e ne comprends pas l’assertion de Grundmann, op. cit., p. 297, n. 41:
« Öie einzige ausserjüdische Stelle (pour Suwiix*iç « als Ausdrück für Engel­
mächte ») ist Corp. Herrn. I 26 ». Mais les Puissances de I 26 ne sont pas des
anges : il eût suffi de lire tout le C. H. I pour le constater.
(5) Grundmann, î . c., p. 299. 25 ss., Wolfson, II, pp. 126-149.
(6) G rundmann, p. 300. 2 ss., B rühier, pp. 152 ss., en particulier p. 156;
Wolfson, I, pp. 226 ss.
(7) Grundmann, p. 299. 59 ss.
18) Ib ., p. 3 0 0 .1 5 ss. C’est là un fait si ¿vident, et si universellement reconnu,
qu i! est inutile d’y insister.
1 66 L A R É V É L A T I O N D 'H E R M È S T R I S M É G I S T E

est propre aux païens, non aux Juifs (1). Il serait déraisonnable
de vouloir que l’hermétiste emprunte à Philon, dont rien ne prouve
au surplus qu’il l’ait lu, une notion qu’il rencontrait dans son
milieu païen. Ajoutons que, chez Philon, la doctrine des Puis­
sances est confuse, puisqu’elle résulte de deux traditions : tantôt
les Puissances sont propriétés de Dieu et partagent donc les préro­
gatives de l’essence divine; tantôt elles sont créées et donc radi­
calement distinctes de Dieu. Cette confusion n ’apparaît point
chez l’hermétiste.
En résumé, la doctrine hermétique des Puissances apparaît
comme une spiritualisation de la notion stoïcienne. Cornutus,
la source de Diogène et encore Julien regardaient le même Dieu
comme un composé de Zeus, Apollon, Dionysos, etc. L ’hermétiste
le regarde comme un composé de Lumière et de Vie. E t c’est parce
que ces hypostases sont désormais toutes spirituelles qu’elles pour­
ront venir habiter dans l’homme au cours de la régénération. Voilà
l’originalité propre des Puissances hermétiques. Or l’idée d’une
présence de Dieu lui-même, du Saint, de l’inapprochable, dans
un être mortel serait, pour un Juif, un blasphème : Philon n ’en
porte aucune trace. On aurait meilleure raison de songer au chris­
tianisme. Mais, comme je l’ai montré ailleurs (2), la mystique
chrétienne part d’un principe tout différent. Elle suppose — et
c’est là son trait spécifique en tan t que chrétienne, — elle suppose
qu’on s’assimile à un Dieu qui s’est incarné, qui a vécu sur la terre,
est mort, est ressuscité : or, avec cela, on est aux antipodes mêmes
du dualisme hermétique.

B. L'entrée des Puissances dans l'homme.

Tout en réservant pour le tome suivant l’analyse détaillée de


l ’expérience mystique du C. H. X I I I , je voudrais montrer dès
maintenant ce qui caractérise la notion de Puissance en cet ouvrage.
Les Puissances, dans le G. H. I, apparaissaient surtout comme
des entités divines, des hypostases de Dieu. En X I I I , l’idée de
jorce doit reprendre le dessus, car les Suvâpetç de X I I I sont bien
des Forces agissantes, qui remplissent l’initié de puissance, en
sorte que désormais il « voit » : « J ’ai puissance : par la vertu de

(lj Grundmann note que le trait païen dans les puissances philoniennes
est justement la « Verselbständigung der Kraft Gottes zu den Kräften als
Hypostasen », p. 299. 61 s.
(2) L ’Hermétisme (cité, supra, p. 98, n. 4), pp. 54 ss.
L ’ E S C H A T O L O G IE 167

ton hymne et de ton eulogie mon intellect a été illuminé à plein »


(δύναμαι' έκ τοϋ trou ύμνου καί τής σής εύλογίας έπ ιπ εφ ώ τισ τα ί
μου ό νους X I I I 21, ρ. 209 3 s.). Puissance et illumination vont
de pair et l’expérience de T at en X I I I est la même que celle
d’Hermès en I quand il a reçu la vision : « Remplis-moi de puis­
sance », dit Hermès, « et j ’illuminerai de cette grâce ceux qui
sont dans l’ignorance » (ενδυνάμωσαν με καί τής χάριτος ταύτης
φ ω τίσω τούς έν άγνοια 1 32, ρ. 1 9 .4 s.,cf. δυναμωθεΐς... τήν μεγίστην
θέαν 1 27, ρ. 1 6 .18 s.). De part et d’autre, l’origine de ce pouvoir
est le même. Hermès a été rempli du souffle ou de l’esprit de Dieu :
« Tout cela m ’arriva parce que j ’avais reçu de mon Noûs... : me
voici donc, rempli du souffle divin de la Vérité » (τοϋτο Sè συνέβη
μοι λαβόντι άπύ του Νοός μου...' θεόπνους γενόμενος τ ή ς ’Αλή­
θειας ήλθον I 30, ρ. 17, 19 s.). T at a été rempli des Puissances
mêmes de Dieu.
D’où vient cette idée de l ’entrée dans l ’homme d’un élément
divin qui le transforme et l’assimile à Dieu? Notons ici quelques
termes.
En I 30 (17. 19), les manuscrits, suivis par Nock et Reitzenstein
dans sa seconde édition du texte (1), donnent : τοϋτο δέ συνέβη μοι
λαβύντι άπύ τοϋ Νοός μου, τουτέστι τοϋ Ποιμάνδρου, τοϋ τής Αυθεν­
τίας λόγου. Dans sa première édition (2), Reitzenstein corrigeait la
fin en τόν τής Αυθεντίας λόγον. De même Scott : τοϋ τής αυθεντίας
<νοός, τόν...> λόγον. De même Dodd (3) : τοϋ της αύθεντίας
νοός, τύν λόγον. Toutes ces corrections visaient à donner à λαβόντι
un complément. Mais il faut garder, je crois, λαβόντι pris absolu­
ment, et nous allons voir que cet emploi ne manque pas d’intérêt :
Hermès a reçu du Noûs, c’est-à-dire Poimandrès, qui est le Verbe
de la Souveraineté absolu (4). Qu’a-t-il reçu?
On lit dans la phrase immédiatement précédente, à quoi se
rapporte τοϋτο Si συνέβη μοι, les mots suivants : « En gardant
le silence j ’ai été engrossé du bien, et en mettant au monde la
parole, j ’ai produit de beaux fruits », ή σιωπή μου έγκύμω ν τοϋ
άγαθοϋ καί ή τοϋ λόγου έκφορά γεννήματα άγαθών (17.17 ss.).

Studien, p. 160. 8.
S Poimandrès, p. 338. 2.

The Bible and the Greeks, p. 178 et n. 1.


AûOcvria désigne le Dieu suprême, et. I 2 (7. 9) 4 IloiuavSpiii;, & xrfc AùOev-
Raçvoifc; (même formule X I I I 15, p. 206. 20). Sans doute le Logos a été distin­
gué du Noûs en 8 et 10, mais il se confond avec le Noûs en 11, et Poimandrès
peut être dit ici le Logos de Dieu puisqu’il s’ost montré essentiellement « le
Révélateur ».
168 L A R É V É L A T IO N D ’H E R M È S T R IS M É G I S T E

Il faut garder avec soin έκφορά (1.) qui continue l’image de


έγκύμων : la mise au monde est l’aboutissement de la grossesse,
et έκφέρω est d’emploi courant dans la langue médicale pour
désigner la parturition (2). Ce contexte nous éclaire le sens
de λαβόντι : « Cela — cette gestation et cette parturition — m’ar­
riva parce que j'avais conçu de mon Noûs etc. » (3). λαμβάνειν
ou συλλαμβάνει ou (έν γαστρί) έχειν est usuel, pris absolument,
pour exprimer la conception (4) et le passage au sens métapho­
rique ne présente pas de difficulté : Hermas, Sim. IX 24,4 : 6λον
τ6 σπέρμα υμών κατοικήσει μετά τοϋ υ'ιοϋ του θεού’ έκ γάρ του
πνεύματος αύτοϋ έλά β ετε, Justin, dial. Thryph. IV 2 Quelle
συγγένεια avons-nous avec Dieu? Notre âme est-elle divine et
immortelle, est-elle une parcelle de l’Intellect Souverain lui-même?
ώς δέ έκεΐνος όρα τον Θεόν, ούτως καί ήμΐν έφικτον τφ ήμετέρω νφ
συλλαβεΐν r i Θειον καί τοΰντεϋθεν ήδη εΰδαιμονεϊν; (5). De cet
emploi absolu de λαβόντι en C. H. I, retenons l’idée que l’initié
reçoit en lui une semence divine, qui grandira et formera l’homme
nouveau. Cette image très concrète sera reprise en X I I I 2. La
naissance du nouvel homme suppose une conception : il y a une
μήτρα, « la sagesse intelligente dans le silence » (6); il y a un
père, le Vouloir de Dieu; il y a une semence, le vrai Bien; le fruit
(6 γεννώμενος) sera l ’homme nouveau. Or il n’est pas besoin
de nous étendre sur ces métaphores. Depuis Dieterich (7) on1

(1) έκφθορά Zielinski, άφορία Scott.


(2) Cf. L . S. J ., έκφέρω II 1.
(3) Comme : « L a sainte Vierge ayant conçu du Très-Haut », Bossuet,
Il Concept., cité Littré, s. v. « Concevoir ». L ’emploi absolu est commun au
français et au grec. Cf. au surplus la formule du Symbole des Apôtres (forma
occidentalis recentior), Denzinger 6, v. 3 qui conccptus est de Spiritu Sancto,
où le grec a γεννηθέντα (ou σαρκωθέντα ) έκ πνεύματος άγιου.
(4) συνέλαβεν Ελισάβετ Le. 1,24 ; εϋρέθη έν γαστρί ίχουσα έκ πνεύματος άγιου
Mlh. 1,18. Pour συλλαμβάνω, déjà classique en ce sens (L. S. J ., s. v., IV), cf.
H. Hanse, Gott ha ben (RGVV X X V II), Berlin, 1939, pp. 126 et 131, n. 2.
Pour λαμβάνω, L . S- J ., s. v., II 1 g.
(5) Sur ce texte, et. Hanse , p. 47. Peut-être, dans le même emploi m éta­
phorique, J oh. 1,16 έκ τοΰ π ληρώ ματος αύτοϋ ήμεϊς πάντες έλά βομεν, 16,14
εκείνος (l’Esprit de Dieu) έμέ δοξάσει, δτι έκ τοΰ έμοΰ λήψ εται, mais « rece­
voir part à » paraît meilleur. En Phii. 3, 12 ούκ ότι ήδη έλαβον ή ήδη τετε-
λείωμαι, διώκω δέ cl καί καταλάβω έφ’ ω καί κ ατελή μφ θη ν ϋπ4 Χριστού, la
fin donne la nuance : « se saisir du Christ! comme on a été saisi par lui ».
(6) σοφία νοερά έν σιγή X I I I 2 (200. 17). C’est à tort que dans l’éd. Budé
(n. 13) j ’ai vu ici des entités gnostiques, Sophia, Sigè. La matrice est évi­
demment l’âme convenablement disposée du novice lui-même. Celui-ci a
acquis la sagesse et l’intelligence des choses spirituelles et, comme il est
recommandé en X I I I 8 ( 2 0 3 .1 9 λοιπόν σιώπησον), il se recueille danslesilence ;
on a ici l’équivalent de 1 30 ή σιωπή μου έγκύμων τοΰ άγαθοΰ.
(7) E in e Μ ithrasliturgie, 3e éd. (Berlin, 1923), pp. 95 ss. Sur le thème
« avoir Dieu en soi » (cf. aussi l’ouvrage cité de H. Hanse, Gott haben), pp. 121 ss.
sur l’image des épousailles, pp. 159 ss. sur la renaissance.
L ’E S C H A T O L O G IE 16 9

les a souvent étudiées. Citons seulement un texte magique, car,


on va le voir, les ressemblances entre C. H. X I I I et certains papyrus
magiques sont remarquables, PGM V III 2 : « Viens à moi,
* i Seigneur Hermès, comme les nourrissons dans le sein de leurs
mères » (έλθέ μοι, κύριε Έρμη, ώς τά βρέφη εις τάς κοιλίας των
' î?"
î », γυναικών).
4 U Un autre terme intéressant est έπίσπασαι dans la phrase έπίσ-
πασαι εις έαυτόν, καί έλεύσεται· θέλησον, καί γίνεται X I I I 7
(203.4 s.). On doit traduire, sans compléments : « Attire à toi,
la venue se fera; veuille, la naissance se fait (γίνεται = έβται ή
γένεσις 203.6) ». Cet έπίσπασαι, pris absolument comme λαβόντι,
nous sert, pour ainsi dire, de plaque indicatrice, car on rencontre
une expression tout analogue dans la Recette d'immortalité magi­
que (PGM IV 475 ss.) (1) qui offre le· meilleur parallèle de
C. H. X I I I .
Marquons d’abord les ressemblances générales entre ces deux
écrits. Nous passerons ensuite au point particulier qui nous occupe.
Dans la Recette comme en C. H. X I I I , il s’agit d’atteindre à
l’immortalité (2) au moyen d’une nouvelle naissance (3), qui
consiste en ce que le myste, sortant de sa nature mortelle, est
doué pour un peu de temps (4) d’une nature spirituelle. Grâce
à la palingénésie, l’homme « voit » (5) le monde d’en haut et
le Dieu suprême (Aiôn) lui-même. Cette renaissance est indis­
pensable, car, avec ses yeux de chair, l’homme ne peut pas « voir ».
Il faut dono que ses organes sensibles soient transformés (6),
que son corps mortel fasse place, pour un temps, à un nouveau

(1) L a pseudo-Lilurgi« de Mithra de Dieterich. Traduit t. I, pp. 303 ss.


Parmi les derniers travaux sur ce texte, voir surtout J . D e y , Π α λ ιγ γ ε ν ε ­
σία, E in Beitrag zur Klärung der religions geschichtlichen Bedeutung von Tit.
3,5 (Neutestamenü. Abhandl. X V II 5), Münster, 1937, pp. 104 ss. J e citerai
* w». désormais par Recette et la ligne du papyrus.
(2) άπαθανατισθείς 647, έν τψ άπαθανατισμώ 741, 4 άπαθανατισμδς οδτος 747 =
X I I I 3 (201. 15) ¿θάνατον σώμα, cf. 14 (206. 14).
(3) μεταγεννηθέντος 647, παλινγενάμενος 718, άπ6 γενέσεως ζωογόνου γενόμενος
720·, τη άθανάτψ γενέσει 501, ίνα νοήματι μεταγεννηθώ 503 s. = X I I I tit. περί
- 1 · παλιγγενεσίας, cf. 4 (202. 7), 10 (204. 21), 22 (209. 16), τής ουσιώδους γενέσεως
14 (206. 13), γενεσιουργός 4 (202. 7), γενάρχα τήςγενεσιουργίας 21 (209. 6), νοερά
γένεσις 10 (204. 22), έγεννήθην έν ν $ 3 (201. 16).
(4) πρδς όλίγον 522.
(5) δπως ουρανόν βαίνω καί κατοπτεύω πάντα 484 s., fva... έποπτεύσω 504,
θαυμάσω 511, θεάσωμαι 512, μέλλω κατοπτεύει» 516 — X I I I 13 (206. 3) πάτερ,
r- τό παν όρώ καί έμαυτόν έν τω νώ, 3 (201. 14) όρων τι έν έμοί, άπλαστον θέαν γεγενη-
μένην έξ έλέου θεού, 11 (205. 3) φαντάζομαι ούχ δράσει όφθαλμών, άλλά τή διά
:
^'^¡βΙ^έπεί'συ* 2τον**μοι^έφικτόν θνητόν γεγώτα συνανεέναι ταΐς χρυσοειδέσιν
μαρμαρυγαΐς τής άθανάτου λαμπηδόνος..., ίσταθι, φθαρτή βροτών φύσι 529 ss. *=
X I I I 3 (201. 20 ss.) νύν δρας με... δφθαλμοϊς, 8 τι δέ < είμ ι, ο ύ > κατανοείς

* ¡9.
170 LA R É V É L A T IO N D ’H E R M È S T R IS M É G IS T E

corps, le « corps parfait » (1), que les quatre éléments (souffle,


feu, eau, terre) qui le constituaient jusqu’alors soient changés en
éléments « primordiaux » (2) ou spirituels (3). Cette métamor­
phose s’accomplit par un décret immuable de Dieu lui-même (4).
Elle aboutit d’une part à une délivrance du vieil homme (5),
d’autre part à une entière purification ou sanctification du
myste (6) puisque, désormais, c’est Dieu qui vit en lui (7).
Le parallélisme entre les deux écrits ainsi reconnu, il en résulte
une double conséquence.
Tout d’abord, le C. H. X I I I permet de mieux comprendre la
Recette d'immortalité. Il ne s’agit pas d’une liturgie : outre d’autres
raisons, le style ne s’y prête aucunement (8). Il ne s’agit pas
non plus, à mon sens, d’un « livre de dévotion » (9) d’une manière
générique et vague, mais, plus précisément, d’un récit de montée
au ciel (10) comme la littérature apocalyptique païenne, juive
ou chrétienne en offre maint exemple (11). La différence dlavec
ces récits apocalyptiques est que l’expérience n ’a pas été ici réalisée

άτενίζων σώματι καί δράσει- ούκ ¿οθαλμοΐς τούτοις θεωρούμαι νϋν, ώ τέκνον, ν. Add.
201. 16 τό πράγμα τοϋτο ού διδάσκεται, ούδέ τφ πλαστφ τούτψ στοιχείφ, δι’ ού
έστιν ISetv, 11 (205. 3) φαντάζομαι, ούχ ύράσει ύφθαλμων.
(1) σώμα τέλειον 495 = X I I I 14 (206. 9) τύ σώμα τοϋτο τύ έκ δυνάμεων συνεσ-
τύς, 3 (201. 15) έξελήλυθα είς άβάνατον σώμα.
(2) γένεσις πρώτη 487, πνεύμα πρώτον 489, πϋρ πρώτον 4 9 0 /2 , ύδωρ πρώτον
492/3, ουσία γεώδης πρώτη 49 4 /5 .
(3) τφ άθανάτιρ πνεύματι 505, τφ άθανάτω ύδατι 506.
(4) κατά δύγμα θεοϋ άμετάθετον 527 s., κατά δόκησιν θεοΰ δπερβαλλύντως άγαθοΰ
648 s. = X I I I 2 (201. 1 s.) celui qui « ens mence > pour la nouvelle naissance
est le θέλημα τού θεού, X I I I 21 (209. 8 s.) σου γάρ βουλομένου πάντα τελείται.
(5) ύπέκλυτος δέ ϊσει η) ψυχή καί οϋκ έν σεαυτώ έσει 725 S., ώς έν έκστάσει άπο-
φοιδώμενος 737 = έμαυτοϋ έξελήλυθα εις αθάνατον σώμα X I I I 3 (201 15.
J ’écris έμαυτοϋ plutôt ςυ ’έμαυτύν (codd.) qui me paraît impossible. L ’éd. Budé
(ad 201. 15.) renvoie à Plot. II 9, 18. 37 ούδ’ δτι αύτοίς φασιν είναι έξελθεϊν
άποθανοϋσι, τοΐς δέ μή : mais ce texte ne porte pas, i moins de corriger en
αύτούς, ce qui est exclu vu la correspondance αύτοίς — τοΐς δέ μή, les deux
dépendant de είναι). X I I I 3 (201. 16) είμι νϋν ούχ 6 πρίν, άλλ’ έγεννήθην έν νφ.
(6) Purification : άνακαθαιρύμενος ταϊς του θεοϋ δυνάμεσιν X I I I 8 (203. 21),
κεκαθαρμένος γάρ 15 (206. 19). Sanctification : άγίοις άγιασβείς άγιάσμασι άγιος
522.
(7) ζωή μου..., μένε σύ, νέμε έν τη ψυχή μου 709 s. (ν. infra, ρ. 172, η. 3) —
ζωή καί φώς, άφ’ ύμών είς ύμάς χωρεϊ ή ευλογία X I I I 18 (208. 10), ύ σύς Λύγος
δι’ έμοϋ ύμνει σέ (208. 12).
(8) Cf. déjà Reitzenstein, N eue. Ja h r b., X I I I , 1904. ρ. 192, résumé Dieterich,
M . L.*, ρ. 236 : « Entw eder sei das Stück des Zauberpapyrui eine Liturgie
oder Agende (rituel) im engeren Sinn; die verlange kurze Sätze und ein
δρώμενον ». Sur cette hypothèse d’une liturgie, voir la discussion M . L.*,
pp. 234-240.
(9) « Erbauungsbuch », Reitzenstein, cité Μ . ¿Λ , p. 240.
(10) 6πως ... ουρανόν βαίνω 484, δψη σεαυτύν άνακουφιζύμενον καί υπερβαΐνοντα
clç όψος 539 ss.
(11) Cf. supra, pp. 131 ss. et t. I I , pp. 444 ss. Reitzenstein (cité M . L*„
p. 240) à déjà comparé avec l’Apocalypse de Barueh.
L ’E S C H A T O L O G IE 171
dans le passé, elle est à réaliser, et justement la Recette donne
les moyens de la réaliser. C’est en quoi ce curieux morceau se
rapproche de C. H ..X II I. Il s’en rapproche aussi par le fait que
la montée est symbolique : c’est en esprit que l’on s’élève, l’expé­
rience est- tout intérieure (1).
A l’inverse, la Recette d'immortalité éclaire le traité hermétique,
et tout particulièrement la phrase qui nous a servi de point de
départ έπίσπασαι εις ¿αυτόν, καί. έλεύσεται. La Recette nous montre
qu’on n’a pas ici un tour métaphorique, mais l ’expression d’une
réalité très concrète.
Dans la Recette, après la première prière où le myste a demandé
d’être régénéré en esprit et que souffle en lui le souffle sacré (ίνα
νοήματι μεταγεννηθώ... καί πνεύση έν έμοί τό Ιερόν πνεύμα 509 S.),
vient le précepte que voici : « A partir des rayons (solaires) tire à
toi du souffle par une triple aspiration, de toutes tes forces », Ιλ κ ε
άπό των άκτίνων πνεύμα γ' άνασπών, 8 δύνασαι (537 s.). Le résultat
de cette aspiration est ainsi décrit : « Tu te verras alors soulevé et
franchissant l’espace vers le haut, en sorte qu’il te semblera
être au milieu de l’air », καί 8ψη σεαυτόν ανακουφιζόμενου καί
ΰπερβαίνοντα εις ΰψος, ώστε σε δοκεΐν μέσον του άερος είναι (540 8.) (2).
« Là tu n’entendras plus aucun son ni d’être humain ni de bête·
tu ne verras à cette heure plus rien des choses mortelles de la
terre (3), mais tu contempleras toutes les immortelles », c’est-
à-dire tous les mouvements des corps célestes. Ainsi est-ce le
pneuma divin, qui s’introduisant dans l’homme, lui a donné le
pouvoir de monter au ciel et de voir les choses célestes.
Le même précepte est répété plus loin (628 ss.) quand le myste,
parvenu au-dessus du ciel planétaire, voit s’ouvrir les portes du
dernier ciel et paraître, à l’intérieur, tout le bel ordre des dieux,1

(1) On notera que le thème de Γούρανοβατεϊν n’est pas étranger au C. H.


X I I I : et. X III 11 (205. 5) iv ούρανώ είμ ι, έν γή, έν δδατι, έν αέρι.
(2) Cf. Cléarque αρ. Procl., in r. p ., II, p. 114. 14 μετέωρον άρθήναι et les
références citées Id . r. d. Grecs, p . 123, n. 1. Voir aussi l’article cité (supra,
p. 133, n. î ) de Holland, A R W , X X I I I , 1925, pp. 207 ss., en particulier 214 ss.
(sur le thème de l’envol au ciel).
(3) ούδέ 6ψη ούδέν των έιτί γης θνητών accentue le τόπος traditionnel « tu verras
la terre comme un point », cf. t. II, pp. 446-456, 610. A ux textes là cités ajou­
ter Celse ap. Orig. e. Cela. IV 85 (p. 30. 18 Glöckner) φέρ’ ούν, et τις άπ' ουρανού
έπΐ τήν γην έπιβλέποι, τί äv δόξαι διαφέρειν τα ϋφ’ ήμών ή τά ΰπό μυρμήκων καί μελισ­
σών δρώμενα; Marc-A urble IV 3,8 όλη τε γάρ ή γή στιγμή καί τούτης πόστσν γωνί-
διον ή κατοΐκησις αυτή ; (cf. Farquharson ad toc., II, p. 595). Encore Apocal. Pauli
<iv*s.), 13, p. 41.9. Tisch. (ρ.53ιΛ iâmes) καΐείπενπρός με όίγγελος- « ίίλέψονείς
τήν γην », καί ΚλεΊητ <xl 'υυν όλο» ιόν κόσμον ώς ούδέν ¿νώπιόν μου έκλελοιπότα,
καί είπον τώ t ι ιοΰτός έστιν το μέγεθος τών άνθρώπων; » καί είπέν μοι.
ε val ». V. i .
172 LA RÉVÉLATION D’HERMÈS TRISMÉGISTE

en sorte que, du plaisir et de ]a joie que lui cause cette vision,


son esprit est tout agité et exalté : « Alors donc, tiens-toi tran­
quille et, regardant bien droit, tire à toi, de l’objet divin, le souffle
(στάς ούν ευθέως ίλ κ ε άπ4 τού θείου άτένιζων εις σεαυτάν τό
πνεύμα). Quand donc ton âme se sera calmée, dis : « Avance, Sei­
gneur ». A ces mots les rayons se tourneront vers toi (τούτο είπόντος
στραφήσονται επ ί σε αί ακτίνες) », et le myste voit le dieu Hélios
vêtu d’une tunique blanche et d’une chlamyde écarlate, aux che­
veux de feu, à la couronne de feu (1). Cette nouvelle aspiration
de souffle divin a donc eu le même effet que la première. Elle
remplit le myste de la δύναμις du dieu, son être est ainsi régénéré
(ΰπό σου μεταγεννηθέντος 646 s.) et immortalisé (άπαθανατισθείς
646 s.), dès lors il est préparé pour la vision nouvelle qui est supé­
rieure à la précédente. E t il l ’est encore pour la dernière où l’Aiôn
lui-même se montre à lui (693 ss.). Ce dieu est pure lumière (φωτινήν
δχοντα τήν δψιν 696 s.), de ses yeux jaillissent des éclairs, de son
corps des astres (703 s.). Le myste pousse un long grondement (2)
en se contractant le ventre de manière à mettre en mouvement
ses cinq sens m aintenant renouvelés (ίνα συγκίνησης τάς πέντε
αισθήσεις 706), et il supplie le dieu de demeurer en lui : « Toi
qui es ma Vie, moi, un tel, demeure, habite en mon âme » (3).
Nous voici au terme : Dieu est présent en l’homme, demeure
habite en lui (4). Les papyrus magiques offrent d’autres exemples
de cette entrée du dieu dans le myste (5), qui peut aboutir à
une identification totale du dieu et du myste : « Tu es moi et je
suis toi, ton nom est le mien, mon nom est le tien. Je suis ton
image... J e te connais, Hermès, et tu me connais. Je suis toi et
tu es moi » (6). E t c’est un phénomène analogue qui s’est produit
en Hermès et T at, une fois achevée l’illumination (έπιφώτισταί
μου ό νους 21, ρ. 209-3).
(1) Hélios n’est pas encore le Dieu suprême (Aiôn), mais son fils. C’est
lui qui conduira le m yste auprès d’Aiôn (έάν σοΙ 86ξη, βγγεώύν με τώ μεγίστφ
θεφ, τω σε γεννήσαντι καί ποιησαντι 643 ss.).
(2) Cf. Dieterich, Μ . LA, ρρ. 41 s., 69 et 228, 233 ( A U .) .
(3) ζωή (Preis. : ζών P) μου, του Δ, μένε σύ, νέμε έν τή ψυχή μου (709 S.).
Qu’on lise μένε σύ, νέμε avec Preisendanz ou μένε-σύ, μένε avec Kroll, le sens est
le même, νέμε est possible (L. S. J ., s. v ., A III 1 « dwell »), μένε serait une
métathèse facile, mais je dois dire (après examen personnel) que le papyrus, très
correctement écrit dans une belle onciale, porte très distinctement νέμε. L a
leçon de Dieterich μένε σύν lu i suppose une faute qu’il me parait impossible
d’adm ettre dans un texte de langue correcte et de style soigné.
(4) Cf. en général H. H an se , Gott haben, et, pour μένειν, ib., pp. 131 s.,
pour l'habitation (usuellement οίκε», κάτοικε»), ιέ., pp. 132 ss.
(5) Cf. U . d. Gr., pp. 317 ss.
t .

(6) P G M V III 36 ss., 49. Sur la formule σύ εϊ έγώ καί έγώ σύ, et. Di e t i -
iuch , Μ . ΙΛ , pp. 97 et 240 (A d d .j, W e in r e ic h , A R W , X I X , pp. 165 ss.
L’ESCHATOLOGIE 173

Quelle est donc la nature de ce phénomène? Il s’agit, dans la


Recette comme en C. H. X I I I , de faire venir en soi un influx divin,
une force de Dieu. Dans la Recette d'immortalité, cette force est
essentiellement le souffle sacré que contiennent les rayons d’ Hélios,
peut-être aussi ceux d’Aiôn qui est invoqué comme δυνάστα
πνεύματος (714). Dans le C. H. X I I I , cette force est la Puissance
même, ou les Puissances, de Dieu. On dit de la force divine qu’elle
est « aspirée », qu’on Γ « attire à soi » (έπίσπασαι, Ιλκε... άνασπών).
C’est donc un fluide concret, proprement la δύναμις magique.
Nous voilà sur un terrain connu, souvent exploré (1). Bornons-
nous à rappeler un passage du de mysteriis de Jamblique (I 12,
p. 41.10 ss. Parth.) (2) qui illustre au mieux la doctrine et de
C. H. X I I I et de la Recette.
Porphyre avait objecté que les invocations (κλήσεις) des théurges,
plus précisément les prières par lesquelles on attire à soi la lumière
divine (ή διά κλήσεων Ιλλαμψις 40.17), sont des actes de contrainte
qui impliquent que lès dieux soient passibles (έμπαθεϊς) comme
les démons. Non, répond Jamblique. Cette illumination ne résulte
pas d’une violence qu’on fait aux dieux; ceux-ci ne se laissent
pas attirer de force (καθέλκεσθαι), c’est de leur propre vouloir
qu’ils se montrent (αύτοφανής γάρ τίς έστι... ή Ιλλαμψις 40.17 s.)
grâce à leur efficience et perfection divines, et, loin de descendre
jusqu’à nos âmes, ils les élèvent et les unissent à eux (3), en
les habituant, alors qu’elles sont encore incarnées, à quitter le
corps et à se tourner vers leur Source éternelle et intellective (4) :
« Que ce dont nous parlons à présent soit salutaire à l’âme, les
faits eux-mêmes le montrent à l’évidence. L’âme en effet, quand
elle contemple les bienheureux spectacles, acquiert une vie nouvelle,
elle opère grâce à une force étrangère, il semble alors qu’on ne
soit plus un homme, et à bon droit. Souvent même, ayant rejeté
sa propre vie, l’âme a reçu en échange la force infiniment béati-1

(1) V. gr. D ie t e r ic h , Μ. V ., p. 46 et n. 1 ; F . P f is t e r , P. W„ X I 2116/7,


2125 ss. (Kultus, § 3 et 5 ); G ruhdmanh , I. c., pp. 290. 42 ss., F . P r e is ig k e ,
- Vom göttlichen Fluidum nach ägyptischer Anschauung (Schriften d. Papyrus-
institut Heidelberg, 1), Berlin, 1920; In ., Die Gotteskraft der frühchristlichen
Zeit {Schriften etc., 6), Berlin, 1922; G il l is P. W e t t e r , P his, Uppsala, 1915,
pp. 34 ss., mon Id . rel. d. Gr., pp. 297 ss. (sur δύναμις, δυναμύω etc.), 317 ss.
(sur l’entrée du fluide dans le magicien). C’est la même force qui, attirée dans
les images des dieux, les anime, cf. Ascl. 24 et 31 avec les notes de l’éd. Budé.
(2) Déjà cité par W e t t e r , 2. c., p. 34.
(3) ιάς T* ψυχάς αύτών (sc. τών θεουργων) είς έαυτούς άνακαλούμενοι καί τήν
6 κλβιν αΰταΐς τήν πρύς έαυτούς χορηγοΰντες (41. 5 /7 ).
(4) καί ( η ¿ν σωματι οβσας άφίστααθαι τών σωμάτων b d τε τήν atStov καί
νοητήν Ιαυτών άρχήν παράγεσθαι (41, 7 /9).
174 LA RÉVÉLATION D’HERMÈS TRISMÉGISTE

fiante des dieux (1). Si donc l’ascension obtenue par nos prières
(ή διά των κλήσεων άνοδος 41.17) procure aux prêtres la puri­
fication des passions, la délivrance du monde créé, l’union à la
source divine, comment dire que cette ascension implique (chez
les dieux) une passibilité? Car il n’est pas vrai que ces sortes d’invo­
cations attirent de force (κατασπά 42.3) les dieux impassibles et
purs dans le monde passible et impur; au contraire, elle fait de
nous, qui du fait de la génération sommes nés passibles, des êtres
purs et immuables » (2).
Quand Jamblique, au début du ive siècle (3), compose le
de mysteriis, la théurgie est en pleine floraison et elle a déjà une
longue histoire. Comme la Recette et C. H. X I I I , Jamblique parle
d’une « attraction » de la force divine (καθέλκεσθαι, κατασπά).
Nous voyons d’après lui qu’on discutait, de son temps, sur le
sens de ce phénomène. Les uns le tenaient pour une sorte de con­
trainte magique, et c’est bien ainsi qu’il apparaît dans la Recette,
du moins dans le texte actuel (4). Jamblique réfute cette concep­
tion : c’est d’eux-mêmes que les dieux « illuminent »; ils infusent
en nous leur δύναμις (ou ένέργεια) et forment en nous un être
nouveau. Telle a dû être aussi, sans doute, la doctrine de l’hermé-
tiste. Mais la présence du mot έπίσπχσαι permet de replacer le
C. H. X I I I dans son milieu propre. C’est le milieu de la théurgie
et de la magie avec lequel, comme on l’a montré (5), nos textes
hermétiques ont eu plus d’un rapport.

( t ) tv γάρ τφ θεωρείν τά μακάρια θεάματα ή ψυχή άλλην ζω ήν ά λ λ ά τ τ ε τ α ι


καί {τ έ ρ α ν ένέρ γεια ν έ ν ε ρ γ ε ί καί ούί* άνθρωπο« είναι ήγεϊται, τύ τε ύρθώς
ήγουμένη' πολλάκις Si καί τήν {α υ τ ή ς ά φ εΐσ α ζωήν τήν μ α κ α ριω τά τη ν
τω ν θεών ένέρ γεια ν ά ν τή λλ ά ξα το (41. 11/5).
(2) τουναντίον Si τούς έμπαθιϊς γινομένους ήμάς 8ιά τήν γένεοιν καθαρούς χαΐ
ά τρ έπ το υ ς ά π ε ρ γ ά ζ ε τα ι (42. 3 /5 ). Cf. C. Η. X I I I 11 (205.3) ά χ λινή ς γινό­
μενος ύπύ τοδ θεού et la note 51 ad. loc.
(3) Le de mysterii* a dû être écrit avant la mort de Porphyre en 304 :
cf. Tu. H oftneh , U eher die Geheimlehre »on Jambliekus, Leipzig, 1922, p. X I .
(4) μένε σύ, χτλ. δ τι κ ελεύ ει σοι (Noms magiques) 710/2.
(5) En dernier lieu Μ. P . N iis s o h , Bull. Soc. Roy. Lund, 1948, pp. 83 s.
Voir aussi R io. H . T r., 1 .1 . pp. 283 ss., t. IV , pp. 182 ss.
APPENDICES
APPENDICE I
JAMBLIQUE

T R A IT É DE L'AM E (1)

< SECTION I >

St. I
< L’AME ET SES PUISSANCES >
49.32
1,362. < 1 . Nature de l’ ame>
23 W.
Or donc (2), Aristote, après avoir ramené à trois catégories
principales les qualités qui semblent appartenir le plus à l’âme,
au mouvement, à la connaissance et à la subtilité de l’essence,
27 |qu’il va parfois jusqu’à nommer une substance incorporelle (3),
363 W. rapporte |à ces trois tout le détail des opinions qu’on a formulées
sur l’âme, et, de la sorte, il a découvert le moyen de borner ce
sujet sans bornes et de l’embrasser du regard d’une manière
claire et concise. Quant à moi, pourtant, ce qui me frappe en
ces trois termes, c’est combien ils sont équivoques et confus (car
5 les mouvements de pur changement |ne se montrent pas à l’obser­
vation analogues à ceux de la vie, ni les connaissances figura-1

(1) Les titres entre crochets obliques sont de Wachsmuth ou de moi-même,


les titres sans crochets de Stobée : dans ces derniers, j’ai omis régulièrement la
mention έν ταύτώ = « dans le même livre ». — Ma traduction était presque
achevée quand j ’ai découvert, dans cette ample mine de textes précieux qu’est
B o u il l e t , Les Enncades de Plotin (3 vol., 185 7 -1 8 6 1 ), au t. i l , pp. 62 5 -6 6 1 ,
celle d’Eugène Lévêque. Ce travail consciencieux m’a permis parfois de corriger
le mien (je me suis abstenu de toute discussion là où nous différons). Les notes
de Lévêque sont en général solides et sûres. Quand elles apportent plus de textes
que je n’en cite, mais sans que ces références soient indispensables pour l’intelli­
gence de Jamblique, je me borne à un renvoi sous la forme : « cf. Lévêque,
p. et n. ».
(2) Il ne semble pas qu’avant cette introduction à la l te partie sur la nature
de l’âme il y ait eu autre chose dans Jamblique que le préambule général du
traité, μεν ouv est une formule usuelle de transition pour passer du préambule
d’un ouvrage (où d’ordinaire l’auteur indique son sujet) à l’exposé proprement
dit.
(3) A r i s t . de an. I 2, 4 05 b 10 ορίζονται 8è πάντες τήν ψυχήν τρισίν ώ ς είπεΐν,
κινήσει, αίσθήσει, τ φ ά σ ω μ ά τ φ ’ τούτων 8’ έκαστον ανάγεται προς τά ς άρχάς.
LA RÉVÉLATION D’ HERMÈS TRISMÉG1STE. --- III. 13


178 LA RÉVÉLATION D’HERMÈS TRISMÉGISTE

tives (1) aux connaissances sans figuration, ni la pureté d’essence


de l’air à celle des incorporels par soi), combien en outre ils
sont inachevés et incomplets : car il n’est pas possible d’em-
10 brasser toutes les catégories d’opinion en ces |trois termes.

< A. A me composée d ’atomes > (2)


Certains rapportent l’essenoe de l’âme aux principes des
quatre éléments. En effet, les corps premiers indivisibles sont
plus élémentaires que les quatre éléments (3); d’autre part,
15 comme ils sont sans mélange et entièrement remplis |de la subs­
tance première en sa pureté, ils ne comportent pas la moindre
sorte de division interne (4). Or ces corps possèdent une infinité
de formes, entre autres la forme sphérique, et c’est donc des
atomes sphériques que l’âme est constituée.

< B . A me forme du corps > (5)


Selon l’enseignement de quelques-uns parmi les A risto téli -
20 cien s , l’âme ^est |la forme attachée aux corps, ou qualité simple
(1) ai μορφω-ηκαΙ γνώσεις 363. 6 : et. ib. I 49. 65, p. 454. 12 (Πλώτινος Si καί
οί πλεϊστοι των Πλατωνικών) άπόθεσιν τών παθών καί τών μορφωτικών διαγνώσεων,
δόξης τι πάσης ύπεροψίαν καί τών ένύλων διανοήσεων άπάστασιν... τήν τελεωτάτην
κάθαρσιν ύπολαμβάνουσιν, P rocl., in Remp., I, p. 39. 28 ss. Kr. πάς οδν θεός
αμόρφωτος (cf. άμορφοι γνώσεις Jam bl.), κάν αύτοπτήται μορφωτικώς- ού γάρ έν
αύτώ ή μορφή, άλλ’ άπ’ αύτοϋ, μή δυναμένου τοϋ αύτοπτοϋντος άμορφώτως ίδεϊν
τόν άμόρφωτον, άλλ' όρώντος κατά τήν αύτοϋ φύσιν μορφωτικώς. 111. 19 SS. ένόό
γάρ βντος τοϋ μετεχομένου θεού νοϋς μέν άλλως μεταλαμβάνει, ψυχή δέ άλλως νοερά,
φαντασία δέ άλλως, αίσθησις δέ άλλως- 6 μέν άμερίστως, ή δέ ανειλιγμένως, ή 8έ
μορφωτικώς, ή δέ παθητικώς. 74. 26 (dans leur interprétation des mythes païens,
les Chrétiens) άντί τής καθάρσεως τοϋ νοΰ ταΐς φανταστικαϊς εφέπονται καί μορφω-
τικαϊς έπιδολαΐς. 121.2 τόν δέ νοϋν άληπτον είναι ταΐς φανταστικαϊς ήμών καί
μορφωτικαϊς κινήσεσιν. 235.18 καί ή μέν φαντασία νόησις ούσα μορφωτική νοητών
έθέλει γνώσις είναι τινων. La connaissance « figurative » est donc celle qui impli­
que la représentation de l’objet sous une forme visible, au contraire de la
connaissance άμορφος.
(2) Démocrite et Leucippe : cf. A r is t . de an. 1 2, 403 b 31 δθεν Δημόκριτος μέν
πϋρ τι... φησιν αυτήν είναι’ άπειρων γάρ ίντων σχημάτων καί άτόμων τα σφαιροειδή
πϋρ καί ψυχήν λέγει...’ ών (sc. τών άτόμων) τήν μέν πανσπερμίαν τής δλης φύσεως
στοιχεία λέγει (δμοίως δέ καί Λεύκιππος), τούτων δέτά σφαιροειδή ψυχήν, 405 a 8
Δημόκριτος δέ καί γλαφυρωτέρως είρηκεν.... ψυχήν μέν γάρ είναι ταύτό καί νοϋν,
τοϋτο δ’ είναι τών πρώτων καί άδιαιρέτων σωμάτων, κινητικόν δέ διά λεπτομέρειαν
καί τό σχήμα, τών δέ σχημάτων εύκινητότατον τό σφαιροειδές λέγει, τοιοϋτον δ’εΐναι
τόν τε νοϋν καί τδ πϋρ.
(3) W achsmuth ponctue à tort (d’une virgule) après άτομα, faisant de πρδ
τών τεσσάρων στοιχείων στοιχειωδέστερα (pour πρό pléonastique avec un compa­
ratif, cf. 3 7 4 .1 5 πρεσβύτερα πρύ τής φύσεως et L. S. J . s. v. I I I 1) une apposition.
Mais l’auteur n’établit pas ici que les 1er· corps sont indivisibles (ceci est prouvé
plus loin), il montre que les atomes sont bien les άρχαί des quatre éléments.
(4) είς αυτά (Heeren : αύτά FP) διαίρεσιν. Les principes des éléments sont
des corps simples, faits d’une substance simple : or 1’άσύνθετον est άδιάλυτον
par définition.
(5) Ce paragraphe montre que beaucoup déjà ne comprenaient plus le vrai
sens de fa formule aristotélicienne ή ψυχή ούσία ώς είδος σώματος φυσικοϋ
APPENDICE I 179

incorporelle ou qualité essentielle parfaite. A cette opinion est


étroitement liée (1) une façon de voir à vrai dire non transmise
par la tradition, mais susceptible d’être exprimée avec assu­
rance (2), selon laquelle l’âme est la combinaison de tout
l’ensemble des qualités et leur somme totale unifiante, que cette
25 somme vienne après coup |ou qu’elle soit préexistante.

<· C. Ame essence mathématique >

Après cela je passe en revue, les distinguant avec soin, |ceux


qui font entrer l ’essence de l’âme dans l’essence mathématique.

< a. Ame figure géométrique> (3)

De celle-ci donc, une première classe est constituée par la


figure, qui est la limite de l’étendue et l’étendue elle-même.
δυνάμει ζωήν έχοντος (de an, II 1, 412 a 19). J ’ai traduit είδος τό περί τοϊς
σώμασιν par « attachée aux corps », cf. P lat. Rép. II 359 e 1 περί Si τή χεφϊ
χρυσοΰν δακτύλιον (ίχειν), J ahbl ., Comm. Math. 19, p. 64. 18 Festa : τά στοιχεία
τά απλά καί τούς περί τοϊς σώμασι λόγους θεωρούσα (sc. ή μαθηματική), mais
peut-être eût-il fallu dire « enveloppant les corps » comme un vêtement, selon
le sens usuel de περί avec le datif. En d’autres termes, ces Aristotéliciens ver­
raient dans 1’είδος une qualité seulement du corps, la ligure extérieure qni le
circonscrit. Aussi bien Cat. 8, 10 a 11 le 4e genre de la qualité est-il σχήμα τε
καί ή περί Ικαστον ύπάρχουσα μορφή. Vient alors une disjonction. Ι/είδος ποιότης
est ou π. simple, c’est-à-dire qualité sans plus, sans autre détermination, ou π.
liée à l’essence (ούσιώδης) : ceci se rapporte à la distinction aristotélicienne
entre la qualité première (fvot μέν δή τρόπον τούτον λέγεται ή ποιότης διαφορά
ουσίας Méta. Δ 14, 1020 b 1, σχεδόν δή κατά δύο τρόπους λέγοιτ’ αν τό ποιόν, καί
τούτων ένα τον κυριώτατον' πρώτη μέν γάρ ποιότης ή τής ουσίας διαφορά 1020 b
13 ss.) et le simple πάθος. Dans le premier terme de la disjonction, άσώματος
ne s’oppose pas au τελεία du second terme (comme άπλή à ουσιώδης), mais
rejette implicitement la doctrine stoïcienne de la qualité σώμα. Quant à τελεία,
c’est sans doute un souvenir de l’âme εντελέχεια du corps, cf. infra, p. 188, n. 4.
Avec tout ce passage, cp. P lot. IV 7, 8 s. 5 (à propos de l’âme entéléchie) :
εί μέν ουν ή παραβέβληται ώμοίωται, ώς μορφή άνδριάντος πρός χαλκόν, καί
< δ εΐ> · διαιρουμένου τού σώματος συμμερίζεσθαι <jwà > τήν ψυχήν καί άποκοπ-
τομένου τινός μέρους μετά τού άποκοπέντος < κ α Ι> ψυχής μόριον είναι.
(1) ή παράκειται δόξη : cf. J ambl., Comm. Math. 28, p. 88, 18 F esta παρά-
κεινται τή μαθηματική θεωρία ή τε θεολογική έπιστήμη καί ή φυσική.
(2) Malgré la similitude de l’expression (ού παραδοθεΐσα μέν, δυναμένη^ δέ
πιθανώς λέγεσθαι αίρεσις 363. 21 = ώσπερ άν τις νεωτερίσειεν έν ταϊς έπινοίαις
367. 4 = τάχα άν τις έπινοήσειε καινότερον, ούκ άπιθάνως 370. 12), il ne doit pas
s’agir ici d’une conjecture personnelle de Jamblique, car, pour lui, l’âme vient
d’en haut, elle est une πρόοδος des genres plus divins είς ύποδεεστέραν ούσίαν
366. 5, 367. 3 /4 . Cette doctrine de l’àme tempérament des qualités élémen­
taires du corps pourrait être celle de Galien, cf. Lévêque, p. 626, n. 5, qui cite
P rocl., in Tim ., III, p. 349. 21 D. τί οδν; φαίη Sv i Γαληνός- ταϊς τού σώματος
κράσεσιν ίπονται τής ψυχής αί δυνάμεις, καί ύγροϋ μέν δντος καί άστάτου καί παν-
τοίως ρέοντος άνους καί άστατος ή ψυχή, καθισταμένου δέ είς συμμετρίαν κατευθύνεται
καί έμφρων γίνεται.
(3) Ceci se rapporte aux discussions relatives à Tim . 35 a et aux deux inter­
prétations mathématiques que l’on donnait de la composition de l’Ame du
Monde, cf. P rocl., in Tim . II, p. 153. 19 D. ot μέν α ριθμόν αύτήν είπόντες έκ
180 LA RÉVÉLATION D’HERMÈS TRISMÉGISTE

le Platonioien s’est donc défini l’âme au moyen de ces


Sév ère
5 choses mêmes (1 ) , S p e u s i p p e au moyen de la forme | de ce
qui est étendu de tout côté (2). Cependant, si, par une autre

μονάδος ποιοϋσιν, ώς άμερ ιστού, καί τής άορίστου βυάδος, ώς μεριστής,, ol ot Si


δέ ώς
γ ε ω μ ε τ ρ ικ ή ν ύπόσ τά σιν οϋσαν έκ σημείου καί διαστάσεως, του μέν άμεροϋς, τής
δέ μεριστής. La première opinion doit remonter à Xénocrate, la seconde à
Speusippe, cf. Zeller, I I 1·, p. 784, n. 1. La comparaison de l’âme à une figure
géométrique (σχήμα) se trouve aussi chez Aristote, de an. II 3, 414 b 20 ss.
(1) έν α ύ το ΐς μέν οδν το ύ το ις Σεβήρος... αύτήν άφωρίσατο, iv ίδέςι δέ τού
κάντη διαστατού Σπεύσιππος- έν αίτια δέ ήτοι ένώσει τούτω ν άλλος άν τις καθαρώ-
τερον (sc. τήν ψυχήν προστησάμενος) αυτήν προστήσαιτο τελειότατα. Deux passages
de Proclus éclairent Ce texte difficile, cf. P rocl., in Tim ., I I , p. 152. 24 D.
οΰκ άρα άνεξύμεθα λέγειν ήμεϊς ούτω μέσην αύτήν, ώς ίχουσάν τι καί άσώματον καί
σωματικύν, ώς ’Ερατοσθένης ύκέλαδεν, ή δ ιά σ τη μ α γεω μ ετρ ικ ύ ν έκί τήν
ούσίαν αύ τή ς άναφέρειν, ώς Σευήρος' κράσις γάρ ουκ άν ποτέ γένοιτο άδια-
στάτου καί διαστατού καί άμερίστου καί σώματος' ούδέ γάρ σ ημείου καί γ ρ α μ ­
μής. εί δέ μή τούτης (sc. τής γραμμής), καί άλλου τινύς διαστήματος κολλ$
μάλλον μάλλον γάρ τού άμεροϋς άφέστηκε τύ τρ ιχή μερισ τύν ή τύ μοναχή,
ρ. 153. 21 D. (cf. ρ. 179, η. 3) ot δέ ώς γεωμετρικήνύπόστασινοδσαν έ κ σ η μ ε ίο υ
καί διαστάσεως...' καί τής μέν προτέρας εΐσί δύξης (sc. l’âme nombre) οι περί
Άρίστανδρον καί Νουμήνιον..., τής δέ δευτέρας (âme composée du point et de
l’étendue) Σευήρος. Le σημεϊον καί γραμμή ou σημεϊον καί διάστασις de Proclus
est la même chose que le πέρας (διαστάσεως) καί διάστασις de Jamblique.
Sévère se définit donc l’âme au moyen (tv instrumental : Kühner-Gerlh,
I, pp. 4 6 5 /6 , Blass-Debrunner · 195) du πέρας = σημεϊον et du 1” étendu (la
............................................ , έν t

lui-méme, cf. p. 179, n. 2), l’âme serait la cause ou le principe d’union du point et
de l’étendu considérés comme άμέριστον et μεριστύν. Ce principe d’union doit
être Vuniti indivisible et incorporelle qui, de toute somme, fait un nombre un,
de toute figure géométrique une figure une, cf. P rocl., in Tim ., II, p. 152.12
ή δέ ψυχή διηρημένη εις κολλάς ουσίας έχει καί τύ ήνώσθαι, χωριστήν λαχοϋσα σωμά­
των ύ7ΐοστάσιν, ρ. 153. 1 τήν δέ ψυχικήν (ούσίοηι) μίαν (μένειν) καί ού μίαν, ώς
καί τύ !ν φυλάττειν έν τφ κληθύεσθαι καί τύ πλήθος έν τώ ένίζεσθαι. Sur le prin­
cipe d'unification du nombre, cf. aussi Ps. A rcrytas ap. Stob. I 41. 2 (I,
p. 280. 3 W.) άλλ’ έπεί... τα έναντία συναρμογάς τίνος δεϊται καί ένώσιος, άνάγκα
άριθμών δυνάμιας καί άναλογίας καί τά έν άριθμοϊς καί γαμετρικοίς δεικνύμενα
καραλαμδάνεν, ά καί συναρμόξαι καί ένώσαι τάν έναντιύτατα δυνασεϊται. Sur Sévère
(peut-être 2e moitié du ii " s. ap. J.-C .), voir surtout P raechter ap. Ueber-
weg“ , pp. 553 s. et, du même, l’article Severus Platoniker dans P. W. I I A
2007 ss. Cf. aussi Lévêque, p. 627, n. 1.
(2) L a formule se lit plus complète chez P osidonius ap. Plut, de an. procr.
22, 1 (II 1023 B) : δμοια δέ τούτοις έστίν άντειπεΐν καί τοις περί Ποσειδώνιον ού.
γάρ μακράν τής ύλης άπέστησαν, άλλά δεξάμενοι τήν των κεράτων ούσίαν ι περίτά
σώματα · λέγεσθαι < μεριστήν » [Tim . 35 a 2-3), καί τούτα (sc. ή των κεράτων
ούσία) τω νοητώ μείξαντες, άκεφήναντο τήν ψυχήν ιδέαν είνα ι το ύ κ ά ν τη δια­
σ τα τ ο ύ κ α τ’ άριθμύν συνεσ τώ σ αν αρμονίαν π ερ ιέχο ντα ' τά τε γάρ
μαθηματικά τών πρώτων νοητών μεταξύ καί τών αισθητών τετάχθαι, τής τε ψυχής
τών νοητών τύ αίδιον καί τών αισθητών τύ παθητικύν έχούσης ιτροσήκον (=^ « comme
il convient >) έν μέσω τήν ούσίαν ύπάρχειν (cf. Taylor, A Commentary on...
Tim aeus, pp. 118 ss.). Voir aussi D iog. L a. III 67 άθάνατον ίλεγε (sc. Platon)
τήν ψυχήν... άρχήν τε έχειν άριθμητυεήν, τύ δέ σώμα γεωμετρικήν (ceci est proba­
blement une Dourde de Diogène : son modèle devait distinguer les deux
façons d’interpréter la composition de l’âme, sc. l’âme nombre et l’âme
grandeur)· ώρίζετο δ” αύτήν Ιδέαν το ύ κάντη δ ιε σ τώ το ς π νεύμ α το ς. Le
contexte, dans Jamblique e t Proclus, montre qu’il ne faut pas traduire
• la forme (non 1’ < idée >, comme l’entend Plutarque, l. c. 1023 C) de la
totalité de l’étendue » (du monde, cf. Zeller, II, 1, p. 784, n. 1 et p. 1000,
n. 3 : « was allen Raum allgegenwärtig erfüllt »), mais > la forme de ce qui est
APPENDICE I 181

vue plus pure, on se la proposait au moyen de la cause ou du


principe d’union de ces choses, on en aurait alors la représen­
tation la plus parfaite (1).

Ame nombre>
Maintenant, à son tour, le nombre constitue une seconde
classe (de l’essence mathématique). Eh bien, ce nombre lui
aussi, quelques-uns des P ythagoriciens l’adaptent à l’âme
10 simplement tel quel (2), X énocrate | en tant qu’il se meut
lui-même (3), Modératus le Pythagoricien en tant que l’âme

étendu de tout côté », sc. selon les trois dimensions, cf. ARisT.de ca d o l 1,268 a 6
συνεχές μέν ούν έστίτό διαιρετόν εις άεΐ διαιρετά, σώμα δέ τό πάντη διαιρετόν,
μεγέθους δέ τό μέν έφ’ έν γραμμή, τό δ" έπί δύο έπίπεδου, τό δ’ έπΐ τρία σώμα' καί
παρά ταϋτα ούκ ίστιν άλλο μέγεθος διά τό τα τρία πάντα είναι καί τό τρ ις πάν-
τη , 268 a 23 μόνον γάρ ώρισται (τό σώμα) τοίς τρίσιν, τοΰτο 8' έστί παν. τρ ιχή
δέ δν διαιρετόν πάντη διαιρετόν έστιν.
(1) Comme l’a vu Lévéque (p. 627, n. 3), il y a là sans doute une allusion à la
doctrine propre de Jamblique, selon qui l’âme ne pourrait être dite « figure »
(espace continu) qu’en tant qu’elle est l’unité d’où procède le continu, cf. Simpl .,
in Categ. 6 (4 b 20 : sur la quantité), p. 135. 8 Kalbfieisch : <; Le divin Jamblique
ici encore manifeste son savoir spéculatif en nous révélant les premiers principes
tant des deux espèces de la quantité (continu et discontinu) que de l’unité qui
les embrasse. Voici à peu près ce qu’il écrit : « Puisque la puissance de l’un, à
partir duquel toute la quantité est engendrée, s’étend identiquement à travers
tous les termes et définit chacun d’eux en procédant hors d’elle-même, elle
fait subsister le continu en tant qu’elle traverse tous les termes d’une manière
absolument indivisible et qu’elle accomplit une procession une, indivisible,
sans discontinuité; en tant que, dans sa procession, elle s’arrête selon chacun
des termes, qu’elle définit chacun d’eux et en fait une unité, elle introduit
le discontinu ; et c ’est selon la cause unique suprême qui embrasse à la fois ces
deux activités qu’elle introduit les deux espèces de la quantité. Selon l’iden­
tité partout répandue et tout entière tant dans les termes en particulier que
dans leur série complète, la puissance de l’un effectue le continu; selon l’iden­
tité des termes avec eux-mêmes en chaque particulier et selon que cette iden­
tité subsiste tout entière en chaque unité singulière, elle engendre le discontinu.
Selon l’unité qui unifie entre elle les quantités intelligibles, elle fonde le continu;
selon l’unité qui distingue ces quantités l’une de l’autre, elle fonde le discontinu.
Selon son activité statique, l’un produit le discontinu; selon son activité pro­
cédante, il produit le continu; et puisque tout ensemble il demeure et procède,
11 engendre les deux espèces. En effet, la puissance des mesures intelligibles
(sc. probablement les nombres, cf. 128. 21 τό τελειότατου μέτρου-où ποσού τήν
τριάδα) embrasse à la fois en une même unité et ce qui demeure et ce qui
procède. D’ou vient certes que, si l’on assigne aux mesures intelligibles et
divines l’un seulement de ces deux ordres, si c’est les seuls êtres immobiles,
on se laisse abuser par les arguments fallacieux des Péripatéticiens, si c’est
les êtres en procession, par ceux des Stoïciens ».
(2) απλώς ούτως : c f. P l a t . Gorg. 468 c 4, Lois I 633 c 8 τήνάνδρίαν δέ, φέρε,
τί θώμευ; πότερου απλώ ς ούτω ς είναι πρός φόβους καί λύπας διαμάχην μόνον,ή καί
πρός πόθους τε καί ήδονάς κτλ. Donc le nombre a l’é tat pur, sans autre quali­
fication. Sur la doctrine cf. A rist . Mêla. A 5,985 b 26 έπεί δέ τούτων οί άριθμοί
φύσει πρώτοι, έν δέ τοϊς άριθμοΐς έδόκουν θεωρειν ομοιώματα πολλά τοΐς ούσι καί
γιγνομένοις, μάλλον ή έν πυρί καί γή καί ΰδατι, 6τι τό μέν τοιονδί των άριθμών
πάθος δικαιοσύνη, τό δέ τοιονδί ψυχή καί νους, κτλ.
(3) Cf. AÉT. I V 2, 3, p. 386b8 D. : Πυθαγόρας αριθμόν αύτόυ κινοϋυτα...,
όμοίως δέ καί Ξενοκράτης, Arist . de an. I 2, 404 b 29; 4, 408 b 32 SS.
182 LA RÉVÉLATION D’ HERMÈS TRISMÉGISTE

comporte des rapports (1), Hippasos, de la branche des acous-


matiques parmi les Pythagoriciens <2), en tan t qu’instrument
servant d’étalon au Dieu créateur du monde (3), P laton, au
rapport d’Aristote (4), en ce qu’il assume comme prémisses
que le Vivant par soi (l’Ame) est composé de la forme de l’Un et
15 de la longueur, < largeur > , | profondeur premières, et qu’il
définit l’Un comme intellect, la Dyade comme science, le nombre
d e là surface comme opinion, celui du solide comme sensation.

< c . Ame harmonie>


Maintenant, considérons en outre l'harmonie, non celle qui
20 est établie |dans les corps, mais l’harmonie mathématique (5).
C’est donc cette harmonie-là, purement et simplement, celle
qui met de la proportion et de l’accord dans les choses désac­
cordées, de quelque manière que ce soit (6), que Modératus
rapporte à l’âme (7). En revanche, T im ée (8) attribue à l ’âme

(1) ώς δέ λόγους π*ριεχούση (sc. τή ψυχή 364. 9) scripsi : περιέχουσαν FP*


περιέχουσα P περιέχαυσιν Usener περιέχοντα (sc. άριθμόν) Heeren περιέχουσαν
< ψ υνήν> Diels-Kranz IVors., I, p. 109. 25). ηι et αν sont facilement interchan­
geables dans la cursive : cf. la faute inverse (περιεχούση pour περιέχουσαν) en
S w p l . in Ar. Cat., p. 375. 12 Kalbfleisch. Sur Modératus (c. fin i " s. ap.

1.
J.-C .), cf. U e b e r w e g “ , p. 519 et infra, n. 7.
(2) Les acousmatiques semblent n’avoir été que des disciples du premier
degré, des novices, par opposition aux mathématikoi : cf. J ambl., p . Pyth. 81;
Porph., p . P . 36.
(3) Cf. J ambl ., Nicom. ar., p. 10. 20 Pist. (Diels-Kranz, I, p. 109.27) olgè

1
περί Ίππασον άκουσματικοΐ αριθμόν είπον παράδειγμα πρώτον κοσμοποιίας καί πάλιν
κριτικόν κοσμουργού θεοΰ όργανον (cf. S vh ., in A r. met., p. 123. 7 Kr.).
(4) Cf. A rist ., de an. I 2, 404 b 18-24 όμοίως δέ καί év τοΐς περί φιλοσοφίας
λεγομένοις διωρίσθη, αύτό μέν τό ζώον έξ αυτής τής του ένός ιδέας καί του πρώτου

\ nu. >■■)!Il p s »WP»


μήκους καί πλάτους και βάθους, τά δ' άλλα όμοιοτρόπως. ( η δέ καί άλλως, νουν μέν
τό έν, έπιστήμην δέ τά δύο (μοναχώς γάρ έφ’ έν ) , τόν δέ τού έπιπέδου άριθμόν δόξαν,
αίσθησιν δέ τόν τοϋ στερεού, Mêla. Ν 3 ,1 0 9 0 b 20 ss. Le Vivant par soi (αύτό
τό ζφον, où αύτό a le sens, technique chez Platon, de « par soi, en soi », cf.
Burnet ad Phéd., 65 d 4 s.) est l’Ame et les composants en question sont l’Un et
les Nombres Idéaux qui constituent l ’espace. C’est en tant que formée de l’Idée
de l’Un et des Idées-Nombres de l’espace que Platon, selon Aristote, pensait
que l’Am e peut avoir connaissance et de l’intelligible et du sensible. Pour
expliquer que l’Ame soit aussi motrice, Xénocrate ajoutait que cette Ame-
Nombre est un nombre qui se meut lui-même (αυτοκίνητος).
(5) Cp. P lot . IV 7, 84. 1 έπεί δέ καί άλλης φύσεως (sc. η ψυχή), δει ζητεϊν τ£ς
αδτη. άρ’ ούν έτερον μέν σώματος, σ ώ μ α το ς δέ τι, οΐον αρμονία; τούτο γάρ των
άμφί Πυθαγόραν λεγόντων έτερον τρόπον φήθησαν αύτό τοιοϋτόν τι είναι οίον καί
ή περί χορδάς αρμονία.
(6) όπωσοΰν peut se rapporter soit à διαφέροντα, soit à άπεργαζομένην.
(7j Sur Modératus, cf. supra, n. 1 . Les fragments sur le nombre se trou­
vent dans S t o b . I Proœm. 8-9 (I, p. 21. 6-25 W . = fr. 1-2 de Muliach, II, p. 48;
le fr. 3 de Muliach n’est pas de Modératus, mais de Plutarque, cf. D i e l s , Dax.,
pp. 96 s. Wachsmuth, l. c., p. 21 ad 1. 26). Lévêque (p. 629, n. 1) cite P o r p h .
V. Pyth. 49, mais Porphyre dit simplement oi Πυθαγόρειοι, p. 44. 6 N.
(8) On ne trouve rien d’exactem ent semblable chez le Ps. Timée de Locres
(II, pp. 38 ss. Mull.), ni dans le passage sur l’Ame du Monde (95 d ss.), ni dans
APPENDICE I 183

25 l’harmonie | en tant que médiété et conjonction (1) dans les


êtres, les vies et la génération de toutes choses, P lotin , P or­
ph yre et A m élius | enseignent que c’est l’harmonie en tant
qu’elle se trouve dans les rapports essentiels préexistants (2),
tandis que beaucoup des P latoniciens et P ythagoriciens
donnent leur préférence à l’harmonie entrelacée à l’ordre uni­
versel et inséparablement liée au ciel (3).

celui sur l’âme humaine (99 d ss.). Le premier (τάν δέ τώ κόσμω ψυχάν μεσόθεν
έξάψας έπάγαγεν έξω, περικαλύψας αυτόν δλον αύτφ, κράμα αύτάν κερασάμενος έκ
τε τάς άμερίστω μαρφάς καί τάς μεριστάς ουσίας, ώς έν κράμα έά δύο τουτέων είμεν
ψ ποτέμιξε δύο δυνάμια ς, ά ρ χά ςκ ινα σ ίω ν, τάς τε τα ύτώ κ α ίτ α ς τ ώ έ τ έ ρ ω
[le Ps. Timée se rallie donc à l’interprétation de Xénocrate, cf. P lut , de an.
procr. 1012 D : X . commence par établir que la psychogonie de Tim. 35 a 1 ss.
signifie la génération d’un nombre, Γάμέριστον correspondant à l’unité, le μερισ-
τόν au multiple. Puis il ajoute : τούτον Si μήπω ψυχήν τόν άριθμόν είναι' τύ γάρ
κινητικόν καί τό κινητόν ένδεΐν αύτώ. τού δε ταύτού καί τού έτέρου συμμιγέντων,
ών τό μέν έστι κινήσεως άρχή καί μεταβολής το δέ μονής, ψυχήν γεγονέναι, μηδέν
ήττον τού ίστάναι καί Ιστασθαι δύναμιν ή τού κινεϊσθαι καί κινεΐν ούσαν], à καί
δύσμικτος έάσα ούκ έκ τώ £άστω συνεκίρνατο. λό γ ο ι δ’ οίδε π ά ντες έντΐ κατ’
άριθμώ ς άρμονικώ ς σ υγκεκραμένοι4 ώς λόγω ς κατά μοίραν διαιρήκει
κτλ.) résume, en la simplifiant, la doctrine de Plat. Tim. 35 a ss. Le second (τάν
μέν ών άνθρωπίναν ψυχάν έκ τών αυτών λόγων καί δυναμίων συγκερασάμενος καί
μερίξας διένειμε τα φύσι τά άλλοιωτικα παραδούς κτλ.) ne fait même pas
allusion à l’àme comme médiété des êtres. Il est possible que Jamblique ait
connu un texte plus complet. Sur le libelle du Ps. Timée (date probable :
entre 20 av. J.-C . et 120 ap. J.-C .), cf. surtout A. E . Taylor, Λ Commentai/
on... Timaeus, App. II, pp. 655-664.
(1) μεσότητα καί σύνδεσιν : même alliance P lat . Tim. 43 d 7 μεσότητας καί
συνδέσεις. Au vrai, c’est dans ce passage du Timée (44 b-c) et plus loin (88 b ss.)
qu’il est question de l’âme comme modératrice de la vie, une fois qu’elle a été
bien formée par l’éducation.
(2) Selon Plotin, la beauté, faite d’harmonie, des choses d’ici-bas se fonde
sur une harmonie intelligible (évidemment préexistante) que l’âme doit appren­
dre à percevoir : cf. I 3 ,1 . 28 μετά τοίνυν τούς αισθητούς τούτους φθόγγους... διδακ-
τέον, ώς περί ά έπτόητο έκείνα ήν, ή νοητή αρμονία καί τό έν ταύτη καλόν καί
δλως τό καλόν, I 6, 3. 28 αί δέ άρμονίαι αΐ έν ταΐς φωναΐς αί (del. Volkmann)
άφανεϊς τάς φανεράς ποιήσασαι καί ταύτη τήν ψυχήν σύνεσιν τού καλού λαβείν
έποίησαν, <ξώς>- έν άλλω τό αυτό δείξασαι. παρακολουθεί δέ (il appartient aux)
ταίς αίσθηταίς μετρείσθαι άριθμοϊς, έν λόγω ού παντί, άλλ’ δς άν ή δουλεύων εις
ποίησιν είδους είς τό κρατείν (voir aussi VI 7, 14. 18 ss. sur l’Amitié intelligible
présente dans le νούς). L ’Ame étant la dernière des réalités intelligibles (IV 6,
3. 5 λόγος γάρ έστι πάντων, καί λόγος έσχατος μέν τών νοητών καί τών έν τω νοητφ
ή ψυχής φύσις) a donc connaissance de l’harmonie intelligible et l’on peut dire
que, d ’une certaine manière (en tant que connaissante), elle est constituée
par cette harmonie (cf. III 4, 3. 21 έστι γάρ καί πολλά ή ψυχή καί πάντα καί τά
άνω καί τά κάτω αύ μέχρι πάσης ζωής, καί έσμέν έκ α σ το ς κόσμος νοητός).
Cf. B réhier , La philosophie de Plotin, p. 48. Telle est du moins la doctrine
plotinienne en tant qu’on la peut tirer des Ennéades mêmes. Mais il est
possible que Jamblique fasse allusion à des άγραφα de Plotin sur la compo­
sition de l’Ame du Monde dans le Timée. On trouvera sur ce point dans la
Note complémentaire I (infra, pp. 249 ss.) un long passage du Commentaire
de Proclus sur le Timée (ad 35 b 4 μίαν άφεϊλεν κτλ. = II, p. 213. 8 ss. D.),
où précisément les noms de Plotin, Porphyre et Amélius (cf. Ueberweg-
Praechter, p. 609) sont, comme ici, assemblés, Proclus y ajoutant la théorie
de Jamblique.
(3) Cf. Note Complémentaire II, infra, pp. 251 s.
184 LA RÉVÉLATION D’HERMÈS TRISMÉGISTE

< D . Ame substance incorporelle>

5 Allons, élevons-nous donc jusqu’à la substance incorporelle


par elle-même, distinguant en ordre, dans ce cas aussi, toutes
les opinions sur l’âme.
Il y en a qui définissent cette substance en sa totalité (1)
comme homoeomère (2), identique et une, en sorte que, dans
10 n’importe laquelle de ses parties, il y a tout l’ensemble, qui |de
même installent dans l’âme particulière le monde intelligible,
les dieux, les démons, le Bien et toutes les réalités supérieures (3),

que, pour chacune, d’une manière appropriée à son essence (4).


15 De cette opinion relèvent Numénius , | sans conteste (5), P lo-
tin aussi, bien qu’il ne la professe pas absolument (6) ; A m îl iu s
y incline sans s’y fixer; P or ph yr e , lui, est en doute à son sujet :
tantôt il s’en sépare avec véhémence, tan tôt il y adhère comme
à une doctrine transmise depuis le commencement. Selon cette
20 opinion donc, |l’Ame ne diffère en rien de l’Intellect, des dieux
et des genres supérieurs, du moins en ce qui regarde la substance
totale de l’Ame.
Maintenant en vérité, la doctrine qui du moins est opposée
à la précédente fait de l’Ame une entité à part, en ce qu’elle est1

(1) πάσαν τήν τοιαύτην ούσίαν (365. 7), de même que τήν ίλην ούσίαν (365.21),
désigne, je crois, l’Ame comme hypostase, l’Ame universelle contenant toutes
les âmes.
(2) C’est-à-dire composée de parties semblables l’une à l’autre et au tout.
Selon Plotin, IV 2, 1. 64, l’Ame est μεριατή μέν, δτι èv πδσι μέρεσι τού έν ω
ίστιν, άμέριστος 8έ, δτι δλη έν πδσι καί έν ¿τιμούν αύτών δλη. Voir aussi (avec
Lévêque, p. 629, n. 5) P lot . IV 3, 4 et 5, IV 9, 5, Porph. Sent. 39.
(3) καί πάντα τά πρεσδύτερα έν αυτή ένιδρύουσι F P . Sur les πρεσβύτερα γένη,
ci. ρ. 189, η. 2. έν αυτή est une simple répétition, par lapsus, de èv τή μεριστή ψυχή
(365. 10), et la correction γένη αυτής (Usener) parait inutile. Pour la doctrine,
et. Amélius dans la Note compl. I, infra, et, avec Lévêque (p. 630, n. 1),
P l o y II I 4^ 3 .1 8 ei Si ίπεσβαι δύναιτο τω δαίμονι τω άνω αύτοϋ, άνω γίνεται
< κ α τ’> έκεϊνον ζών καί έφ’ δ άγεται κρεϊττον μέρος αύτοδ έν προστασία θέμενος
καί μετ' έκεϊνον άλλον έως άνω. ίστι γάρ καί πολλά ή ψυχή καί πάντα καί τά
άνω καί τά κάτω αδ μέχρι πάσης ζωής.
(4) Cf. avec Lévêque (p. 630, n. 2) P lot . IV 9, 5.
(5) Nulle autre indication, sur ce point, dans le recueil de Leemans (Bruxelles,
1937) : pour les testimonia sur l’âme, cf. ib. n0« 31-37, pp. 97-98.
(6) Pour Plotin, Amélius, Porphyre, cf. infra, Note compl. I, en particulier
Procl., in Tim ., II, p. 2 1 3 .1 3 έπεί γάρ ή ψυχή πάντων έστί συνεκτική τών έγκοσ-
υίων, οΐον θεών, δαιμόνων, ανθρώπων, άλογων κτλ. (Amélius). Nous retrouvons
la même suite (Plotin, Amélius, Porphyre), et les mêmes 8όξαι de ces trois, infra
372. 9 ss. (où Bon notera που qui donne le sens, ici, de ού πάντη 6μολογουμένο>ς) :
καί που Πλωτϊνος καί Άμέλιος έπΐ ταύτης είσΐ τής ϊόξης (ένίοτε γάρ < ο ύ χ > ώς
άλλην τήν μειρίστην ψυχήν παρά τήν δλην, μίαν δέ αύτήν πρός έκείνην είναι άφορίζον-
ται)· ώς 3’ αν είποι Πορφύριος, πάντη κεχώρισται τά τής ίλης ψυχής παρά τήν
μερίστην ένεργήματα.
APPENDICE I 185

née seconde après l’Intellect selon une autre hypostase, et


25 regarde ce qui, de l’Ame, est accompagné de l’Intellect |comme
suspendu à l’Intellect, avec la faculté d’exister en propre d’une
manière indépendante ; elle sépare aussi l’Ame de tous les genres
supérieurs et lui assigne, comme définition propre de son essence,
soit le moyen terme entre les genres divisibles et les indivisibles 1
< et entre les genres corporels et les in>corporels (1), soit la
somme totale des raisons universelles des êtres (2), soit ce
qui, après les Idées, est au service de Dieu pour la création
du monde (3), soit la Vie qui, ayant jailli de l’intelligible, pos-
___ sède d’elle-même la propriété de vivre (4), soit encore la pro-
5 cession des genres |de tout l'etre réellement être vers une forme
d’existence inférieure (5). C’est du côté de ces opinions que
se tournent résolument (6), comme on le voit si l’on suit avec
compétence (7) la trace de leurs doctrines, tant P laton lui-
même et P ythagore qu’A ristote et tous les A nciens dont
10 on célèbre, pour leur sagesse, les noms | fameux. Quant à nous,
dans toute l ’entreprise de ce traité soucieux de vérité (8), nous
essaierons de nous conformer à ces doctrines.

(1) Cf. P lat., Tim. 35 a 5 èv μέσω τού τε άμεροϋς αώτων (même et autre) καί
τού κατά τά σώματα μεριστοδ, P lot. IV 2, 1. 41 ss. πρός δ'αδ έκείνητή άμερίστω
πάντη φύσει (sc. ¡ ’Intelligible) άλλη έξης ουσία άττ’ έκείνης ούσα, ίχουσα μέν τό
άμέριστον άπ’ έκείνης, προόδω δέ τη άπ’ αύτής έπί την έτέραν σπεύδουσα φύσιν,
είς μέσον άμφοϊν κατέστη, του τε άμερίστου καί πρώτου καί του περί τά σώματα
μεριστοϋ τοϋ έπί τοΐς σώμασιν et les textes de Jamblique cités Note compl. III.
(2) ή τό πλήρωμα των καθόλου λόγων (366.1). Cette expression ol καθόλου λόγοι
se retrouve J ambl,, Proir. 4, pp. 22. 5 Pist. dans un passage qui explique le
nôtre. Après avoir cité un fragment de Périctionè (ap . Stob. III 1. 121, t. III,
p. 87. 3 ss. Hense : Jamblique l’attribue à Archytas, cf. 16. 17 Pist.), Jamblique
poursuit (p. 21. 25) : « Ici encore, il (Archytas) ne définit pas l’activité de la
sagesse comme s’attachant seulement à quelque partie de la réalité, mais il
dit qu’elle s’étend, par une vue d’ensemble, à tous les êtres, qu’elle examine
les principes Communs de tout le réel et considère ce Tout selon les genres et
selon les points de vue les plus simples, tout de même que fait le regard à l’égard
des objets visibles, il dit qu’elle embrasse les raisons universelles de toutes choses
(τούς τε καθόλου λόγους πάντων φησίν αυτήν περιέχειν ) et qu’en outre elle réfléchit
et raisonne ».
(3) Cf. supra, p. 182 n. 3.
(4) Cf. P lot. VI 7, 21. 4-6 et d’autre part P lat. Phéd. 105 c-d.
(5) Cf. P lot . IV 2 ,1 . 41 ss. cité supra η. 1 (προόδω δέ τή άπ' αύτής [la nature
indivisible] έπί τήν έτέραν σπεύδουσα φύσιν), IV 8, 6 .1 ss. είπερ οδν δείμή έν μόνον
είναι — έκέκρυπτο γάρ αν πάντα μορφήν έν έκείνω (l’Un) ούκ ίχοντα,... ούδ’ άν τό
πλήθος ήν των βντων τούτων των άπό τοϋ ένός γεννηθέντων (cp. τό άπογεννώμενον
άπό των θειοτέρων γενών όλων Jam bl. 367.3), μή των μετ’ αύτό τήν πρόοδον
λαβόντων ά ψυχών εϊληχε τάξιν. Voir aussi VI 6 ,1 1 . 2·* ss.
(6) περί δή ταύτας τάς δόξας... τελέως έπιστρέφονται 366. 5 ss. : cf. 455. 24 περί
ταύτας τάς αίρέσεις ελίσσονται κτλ.
(7) μετ’ έπιστήμης F P : μετ’έπιστάσεως Usener. Pourquoi corriger?
(8) ημείς δέ περί αύτάς τήν μετ’ άληθείας πραγματείαν πάσαν πειρασόμεθα ένστή-
σασθαι. Pour le sens technique de πραγματεία, cf. W . J a e g e r , Studien sur Entste-
hungsgeschichte der Metaphysik des Aristoteles (Berlin, 1912), pp. 150 ss. Sur
186 LA RÉVÉLATION D'HERMÈS TRISMÉGISTE

< E . Ame corpûrelle>


Quelques-uns des P hilosophes de la Nature font < de
l’âme > une contexture où se réunissent les contraires, chaud
et froid, sec et humide. Car ils dérivent le mot « vivre » (zin)
du « bouillonner » (anazéïn) sous l ’action de la chaleur,
15 et |le m ot « âme » (psyché) du « se refroidir » (anapsychesthai)
sous l ’action du froid, et tout ensemble, dans ces deux
cas, < ... > (1); ou bien ils tiennent que l’air aspiré est

les mots désignant les différentes sortes d’écrits usités dans l’école néoplato­
nicienne, όπομνήματα, κεφάλαια, έπινειρήματα, cf. Porph-, v. Plot. 26. 28 ss. et,
sur ce te x te , l’intéressante préface de Mommert à son édition des Sententiœ de
Porphyre (Berlin, 1907), pp. X X V ss. (là aussi, p. X X I X , sur άφορμαί et
στοιχείωσις; sur σχολαί ci. Freudenthal, HeU. Studien, pp. 244-245, 303); pour
la nature du λίγος hermétique, cf. mon article Rev. Et. Gr., LV ,(1942), pp. 77
ss., reproduit Rèv. H. Tr., I l , pp. 28 ss. — Pour la phrase entière, cp. S im pl i -
ciu s ,m A r.d e an., p. 1 . 14 SS. Hayd. îtè καί αΰτφμοι ίίοξε ζητήσαί τε καί γράψαι
τήν αύτού ι* πρός έαυτόν τού φιλοσόφου καί τήν πρός αλήθειαν συμφωνίαν,... πανταχοϋ
Si κατάβύναμιν τής τών πραγμάτων άντεχομένω αλήθειας κατά τήν ’Ιάμβλιχου έν τύΐς
18(οις αύτού περί ψυχής συγγράμμασιν ύφήγησιν. σπουίή μ4ν ούν μία αβτη. ήβη βί ύφ’
ήγεμόνι τών ψυχών τε καί λόγων πάντων αΐτίιρ (cp. la. prière finale du Comm™ sur
te de Caelo, p. 731. 25 ss. Heiberg) τής προκειμένης άρκτέον πραγματείας. — τήν...
πραγματείαν πάσαν désigne évidemment le présent Traixi de l'Ame et non,
comme le pense Lévêque (p. 613), un Commentaire de Jamblique sur le de an.
d’A ristote (ce Commentaire n’a jamais existé, cf. Z rllkr , III 2\ p. 740 n.).
Sur la doctrine personnelle de Jamblique dans son π. ψ., cf. infra Note com­
plémentaire III, pp. 252 ss.
(1) Non seulement il faut admettre que, dans cette phrase (366. 12 ss.),
Jam blique résume d’une façon très obscure et maladroite sa source (Aristote :
cf. p. 187, n. 1), mais le texte comporte nécessairement au moins une lacune.
On peut imputer à la maladresse :
(a) σύνοβον τών έναντίων συνυφαίνουσιν (366. 12/13) pour <ψυχήν ώ ς > σύνοβον
κτλ., cf. A r is t . de an. I 2, 405 b 23 καί τήν ψυχήν έκ τών έναντίων συνιστδσιν,
(b) l’illogisme de καί γάρ (366.14), hors de propos en ce contexte, puisque les
étymologies ne se réfèrent qu’à l’un ou l’autre des éléments, non à leur σύνοβος.
Le καί γάρ concerne en vérité ce qui, dans la source (Aristote), forme le second
term e de l’alternative : (les uns composent l’âme des quatre éléments), les
autres prennent comme élément premier l’un ou l’autre des contraires, et en
conséquence réduisent l’âme à cet élément; de fait ils expliquent ou le vivre
par là chaleur (feu), ou l’âme par le refroidissement (air ou eau), cf. A r is t .,
I. c., 405 b 24 ol 8è θά τερ ο ν τών έναντίων...’ βιό καί (cp. καί γάρ Jam bl.) τοϊς
όνόμασιν άκολουθούσιν. Jamblique a omis ce second terme, d’où l’inconcinnité de
son καί γάρ.
D’autre part on doit admettre une lacune entre καί άμα έπ’ άμφοτέρων et
ή (366. 16). Le remède de Wachsmuth (exclusion de ή) ne sert de rien, car
il est absurde de dire que, dane les deux cas ( nvie = bouillonnement » et « âme =
refroidissement »), on fait de l’âme l’air aspiré : ceci ne convient évidemment que
dans 1θ second cas. Il y a donc une lacune (cf. déjà omission de ψυχρού P ou de
καί ψυχρού F en 366.13), et la suite des idées a dû être celle-ci : « et tout ensemble,
dans les deux cas, < ces étymologies ont été conformes aux théories respec­
tives de chaque φυσικός : car ou bien on fait de l’âme du te u > , ou bien on
pense que l’air aspiré est l’âme », cf. P hilopon , in de an., p. 92.2 Hayduck
( = Vers., I, p. 386. 12 D.-K.) θάτερον τών έναντίων τίθενται "Ιππων καί ’Ηράκλει­
τος, ό μέν τό θερμόν (πυρ γάρ τήν άρχήν είναι), ό 8έ τό ψυχρόν, δβωρ τιθέμενος τήν
άρχήν. έκ ά τε ρ ο ς τών το ύτω ν, φησί (Aristote), καί έτυ μ ο λ ο γ ε ϊν έ π ιχ ε ιρ ε ΐ
τό τή ς ψυχής βνομα πρός τήν οϊκείαν βόξαν, ό μέν λέγων..., ό βέ κ.τ.λ. On
APPENDICE I 187

l’âme (1), comme, au témoignage d’Aristote (2), il est dit dans


les poèmes O rphiques (3) que l’âme entre en nous, venant de
20 l’Univers, tandis que nous | respirons, portée qu’elle est par les
vents (4); cependant (5), à ce qu’il semble, Orphée lui-même
est d’avis que l’Ame est à part et une, et qu’à partir de cette
Ame une il y a beaucoup de divisions (6), et qu’en outre il
peut donc conjecturer que le texte de Jamblique devait porter quelque^ chose
comme ceci : καί άμα έπί τών άμφοτέρων <έτυμολογοϋσι πρός τήν οίκείαν δόξαν ή
γάρ ψυχήν τό πυρ λέγουσιν>, ή τόν άναπνεόμενον άέρα ψυχήν νομίζουσιν, ώσπερ
’Αριστοτέλης μέν έν τοις 'Ορφικοΐς έπεσι φησι λέγεσθαι τήν ψυχήν είσιέναι έκ του
όλου. [Une autre solution serait d’entendre άμα comme όμοίως = « et c’est de
la même façon (selon le même procédé) < qu’ils étymologisent > dans les
deux cas ·, puis point en haut après άμφοτέρων, la suite ή κ.τ.λ. indiquant une
nouvelle opinion des φυσικοί : soit donc τινές δέ τών φυσικών... συνυφαίνουσιν,
olov... υγρού (καί γάρ... έπ' άμφοτέρων)' ή... νομίζουσιν, ώσπερ ’Αριστοτέλης κ.τ.λ.
Mais ce sens de άμα est-il p o s s ib le ?]. Noter enfin qu’on obtient ainsi une
ponctuation normale : virgule, et non point en haut, après νομίζουσιν.
Meineke supprime μέν (366.18) à tort, puisqu’il y est répondu par γε μήν
en 366. 20 (cf. Denniston, Greek P articles p. 348). Même tour μέν... γε μήν
infra 378. 9-10.
(1) C f. A r i s t ., de an. I 2, 4 0 5 b 23 ss. όσοι δ’έναντιώσεις ποιοΰσινεν ταις
άρχαΐς καί τήν ψυχήν έκ τών έναντίων συνιστάσιν οι δέ θάτερον τών έναντίων, οΐον
θερμόν ή ψυχρόν ή τι TOtoÜTOv άλλο, καί τήν ψυχήν όμοίως έν τι τούτων τιθέασιν' διό
καί τοις όνόμασιν άκολουθοΰσιν' οί μέν γάρ τό θερμόν λέγοντες, ότι διά τούτο καί τό
ζήν ώνόμααται, οι 8έ τό ψυχρόν διά τήν άναπνοήν καί τήν κα τά ψ υ ζιν καλεΐσθαι
ψυχήν. P lat . Crat. 399 d 10 οίμαί τι τοιούτον νοεϊν τούς τήν ψυχήν όνομάσαντας,
ώς τούτο άρα, όταν παρή τώ σώματι, αίτιόν έστι τού ζήν αύτω, τήν τού άναπνεϊν
δύναμιν παρέχον καί άναψύχον...' όθεν δή μοι δοκούσιν αυτό ψυχήν καλέσαι
(d’où encore T e r t . de an. 25. 6, p. 36. 14 W. quia et ipsum vocabulum animae
penes Groecos de refrigeratione respandens : c i. Wasiink, p. 329-330), ib.,
427 a 4 : τό ψυχρόν et τό ζέον commencent par des πνευματώδη γράμματα,
c ’est-à-dire des lettres comportant une forte émission de souffle (d’où l’idée
de mouvement et de vie). Selon Philopon [in A r . de an., p. 92. 3 ss. Hayd.),
la dérivation de ζήν à partie de ζεΐν serait due à Hérachte, celle de ψυχή à
partir de ψυχρόν à Hippon (cf. Vors. s, I, p. 386. 7 ss.; T e r t ., de an. 5, 2).
(2) A r i s t ., de an. I 5 , 4 1 0 b 27 τούτο δέ πέπονθε καί ό έν τοίς Όρφικοΐς έπεσι
καλουμένοις λόγος' φησί γάρ τήν ψυχήν έκ τού όλου είσιέναι άναπνεόντων φερομένην
ύπό τώ ν άνέμων. J a m b liq u e a jo u te seu lem en t ήμών.
(3) Cf. K ern , Orphie. f r „ n° 27, pp. 95-97.
(4) Sur l’âme-vent, cf. avec Lévêque (p. 633, n. 1) P o rph y re , de antro
nym ph. 25, p. 73. 11 ss. N. Voir aussi C u m o n t , Sym b. fun. d. R om ., pp. 112 et
117 n. 2. Thémistius (in A r . de an., p. 35. 18 Heinae) a entendu ήμ. άναπνεόντων
comme se rapportant à la première inspiration : φησί γάρ τής ψυχής μεταλαμβάνειν
τά ζώα παρά τήν πρώτην άναπνοήν. Voir aussi T e r t ., de an. 25. 2 (p. 35. 6 W.) :
hoc... interdum Plato, cum dicit perinde anim am extraneam alias et extorrem
uteri prim a adspiratione nascentis infaniis adduci, sicu.t exspiratione novissima
educi (il est question de l’âme-vent, P lat ., Phéd. 70 a, mais aucun texte plato­
nicien ne correspond exactem ent à cette assertion : peut-être Tertullien a-t-il
songé à la citation orphique d’Aristote). Selon une doctrine anonyme citée par
Porphyre, πώς έμψ υχοϋται τά έμβρυα, II 3 (p. 35. 9 Kalbfl.), c ’est l’ardeur
des deux sexes au moment de l’accouplement qui αρπάζει ψυχήν έκ τού περιέ-
χοντος άέρος διά τής άναπνοής γιγνομένης : en ce cas, l’âme entre dans la matrice
avec le sperme. „ „
(5) γε μήν adversatif, répondant à un μέν, ici (366. 20) et 378. 10, 318. 3
(sur le νους) : cf. Denniston, p. 348.
(6) Cf. C orp. H erm . X 7 (p. 116. 7 SS.) : ούκ ήκουσας... ότι άπό μιας ψυχής της
τού παντός πδσαι αί ψυχαί είσιν αύται έν τώ παντί κόσμω κυλινδούμεναι, ώσπερ απο-
νενεμημέναι;
188 LA RÉVÉLATION D’HERMÈS TRISMÊGISTE

descend beaucoup de souffles intermédiaires (1) depuis l’Ame


universelle jusqu’aux âmes particulières (2).
25 | Quelques-uns des Aristotéliciens font de l’âme un corps
3 6 7 W. d’éther (3). D’autres la définissent une | « perfection » (4) en
raison de la substance du corps divin (5), — perfection qu’Aris ­
tote nomme « mouvement perpétuel » (6), comme le dit T héo-

(1) κολλάς δέ καί μέσας (F P : άμέσους Usener) έπιπνοίας. On peut, je


crois, garder μέσος = « servant de moyen term|e, faisant le lien entre » l’Ame
universelle et les âmes particulières. C’est le thème de la frequentatio influons
de YAsclépius- (p. 299.9).
(2) Il est encore fait allusion à ces «souffles « 376. 4 ss. [infra, p. 212) : les
Orphiques « pluriflent » l’Ame totale, qui est une, au moyen de souffles issus
de l’Ame totale (έπιπνοίαις άπό τής όλης). Cf. n. 5 ad. loc.
(3) Sur cette doctrine classique, cf. R . E . G., L V III, 1945, pp. 22-32. Lévê-
que (p. 633, n. 2) cite Macr. in s. Scip. I 14 Critolaus peripateticus constare eam
(animam dixit) de quinta essentia.
(4) τελειότητα αύτήν άφορίζονται. L a « perfection » de l’âme est sans doute
une doctrine ancienne (cf. Démoer., fr. 187 D. ψυχής μέν γάρ τελεότης σκήνεος
μοχθηρίην όρθοΐ), mais il y a peut-être une confusion (fréquente chez les An­
ciens) entre l’âme ένδελέχεια et l’âme έντελέχεια. En tant que faite d’éther (subs­
tance du ciel), l’âme est ένδελέχεια (voir infra n. 6). En tan t que forme du corps,
l’âme est έντελέχεια, c’est à dire ce qui rend achevé, parfait, le corps du vivant
en ta n t que vivant (cf. A rist ., de an., II 1, 412 b 5 έντελέχεια ή πρώτη σώματος
φυσικού όργανικοϋ). Même confusion chez Arius Didyme, fr. 3 (448. 19 D.) :
εντελέχειαν 8’ αυτό (sc. τό είδος) προσεΐπεν (Aristote) ή το ι 8ιά τό ένδελεχώ ς
( F P , voir infra n. 6) ύπά ρχειν ή βτι τώ ν μ ετεχ ά ν τω ν αύτοϋ έκαστον
π α ρ έ χ ε τ α ι τέλ ειο ν .
(5) En entendant que le corps divin est le ciel, et la substance de ce corps
l’éther, dont l’âme elle aussi est faite. Ou < selon la nature essentielle du corps
divin (l’éther) ». Pour l’absence de l’article avant l’abstrait ουσία, cf. K uehnbr -
G e r th , I 607. Lévêque construit, peut-être avec raison (vu l’absence de l’article,
tour un peu dur), τελειότητα κατ’ ούσίαν = la perfection essentielle (plutôt que
« la perfection de l’essence » Lévêque) du corps divin.
(6) Garder avec soin ένδελέχειαν (F P : έντελέχειαν Ileeren). Cf. P hil ., de Somn.
I 30 (III, p. 211. 10 C.-W.) : τί γάρ αύτόν (le νους ήγεμών) οίόμεθα είναι; πνεύμα
ή αίμα ή σώμα συνόλως (άλλ’ ού σώμα, άσώματον 8έ λεκτέον ) ή πέρας ή είδος ή άριθ-
μόν ή ένδελέχεια ν ή άρμονίαν ή τί τών δντων; Cic., T usc. 1 10.22 Aristoteles,... cum
quattuor nota ilia généra princip iorum esset conplexus (les quatre éléments)...,
quintam quandam naturam censet esse, e qua sit m ens... Quintum genus adhibet
v a c a n s n o m i n e et sic i p s u m a n im u m ένδελέχειαν a p p e l l a I n o v o n o m i n e
q u a s i q u a n d a m e o n t i n u a t a m m o t i o n e m e t p e r e n n e m (Noter qu’on
retrouve en T usc. I 9 . 19-10. 22 l’énumération de Philon : anim us sang = 9 .1 9 ;
souffle (anim am ) = ib.·, corps (feu) 10.19; harmonie = ib. ; nombre = 10.20;
ένδελέχεια = 10.22). Voir aussi T usc. I 17.41 si vero aut numerus quidam sit ani­
m a s..., aut quinta ilia non nominata (cp. vacans nomine) m agis quam non intellecta
natura, 19.43 (l’âme remontée au ciel y trouve une nature su isim ilis) et susten-
tabitur isdem rebus quibus astra sustentantur et aluntur, 26.65 sin autem est quinta
quaedam natura, ab Aristotele inducta prim um , haec et deorum est et animorum,
27.66 nec oero deus ipse... alio modo intéUegi potest n isi m ens... om nia movens
ipsaque p r a e d i t a m o t u s e m p i t e r n o . [67] H o c e genere atque eadem e natura
est Humana mens. Ajouter (avec J . B id ez , A la recherche... de l'A ristote perdu,
Bruxelles, 1943, pp. 35-37) Mart . Capella , I 7 (l’âme est fille d'Endelichia et
du Soleil), II 213 (Aristote est tout occupé à Vendelichia qu’il cherche p er caeli
quaeque culm ina). Le moyen terme entre le Ciel éthéré et l’âme éthérée est le
mouvement perpétuel de l’un et de l’autre : le Ciel, qui se meut continuelle-
nent, est dit αιθήρ άπό τού θεΐνάεί (Arist. de Cael. I 4,_270b 22). De même l’âme
αύτοκίνητος et toujours en mouvement est faite d’éther. Cf. B ignone , L ’A r is -
APPENDICE I 1S9

phraste en certains écrits (1) ; — ou « ce qui est produit à partir


de tous les genres plus divins » (2), comme on pourrait le conce­
voir par une invention nouvelle (3); ou « ce qui est étroitement |
5 mélangé aux corps », selon le propos; des S toïciens (4); ou « ce
qui est intimement lié au principe de croissance » ou « ce qui est
chose du corps comme le fait pour lui d’être animé, sans y être
présent par l’âme même comme si c’était là une propriété de
l’âme », selon ce qui est dit sur l’âme chez D icéarque de Me ssi ­
ne (5).

totele perdulo, I , pp. 196, 228 ss., en particulier 250 ss ., M o r z a u , L 'A m e du


M on d e de Platon au x Stoïciens , pp. 121-123, B id e z , l. c., pp. 33-44. — Noter au
surplus que, quand la forme ένδ — est attestée par les MSS et convient au
sens, elle doit avoir a priori le pas sur έντ — , car, comme le remarque Lucien
(Jud. Voc. 10), elle est grecque et normalement constituée sur l’adjectif ένδελεχής
(cf. δόλιχός), alors que έντ — est un vocable purement technique, créé artificiel­
lement par Aristote sans le soutien d’un adjectif έντελεχής ou d’un adverbe
έντελεχώς, puisque ceux-ci n’ont point d’existence. Il faut corriger, à ce sujet,
et l’édition Burnet en Platon, L ois X 905 e 3 άρχοντας μέν άναγκαϊόν που γίγνεσθαι
τούς γ* διοικήσοντας τόν άπαντα ενδελεχώς ούρανόν (Stobée, I, ρ. 65. 12 W. a ένδε-
λεχώς et Platon ne connaît que cette rorme, cf. R ép. VII 539 d, T im . 43 d 1, 58
c 4, L ois IV 717 e), et l’édition Reuter en Philon, L eg. ad Gai. 157 (VI,
p. 185.1), 280 (p. 206.23), 291 (p. 208.19), 317 (p. 213.13). Sur ce point, voir
Note complémentaire IV, infra pp. 257 s.
(1) Sans doute dans les Φυσικά! δόξαι dont dérivent, p arles Vêtus ta Pla-
cita (Diels, D ox., pp. 214 ss.), les doxographies des écrivains de l'Empire.
Epiphane (Dox., p. 592.14 /15) a : καί τήν ψυχήν ένδελέχειαν σώματος λέγει (’Αρισ­
τοτέλης). Θεόφραστος Έρέσιος τά αυτά Άριστοτέλει έδόξασε. Chez Théophraste lui-
même, ένδελεχής paraît deux fois dans le sens usuel, Caus. Plant. II 11. 10,
V 1.10 Au fragm. 16 Wimm. (= S im p l . in A r. p hys., p. 1236. 6, 10, 13 D.), il
faut bien lire έντελέχεια.
(2) ή τό άπογεννώμενον άπδ τών θειοτέρων γενών όλων 367.3 : cf. 365.26
χωρίζει δέ αύτήν (sc. τήν ψυχήν) καί άπό τών κρειττόνων γενών όλων, 366.4 ή τήν αυ
τών γενών δλου τοΰ όντως βντος πρόοδον, 365.11 και πάντα τά πρεσβυτέρα γένη.
(3) ώσπερ αν τις νεωτερίσειεν έν ταϊς έπινοίαις 367.4 : cf. supra, p. 179, n. 2.
C’est la doctrine de Jamblique, cf. Note complémentaire III.
(4) Cf. St. V. F ., I, p. 39.33 ( = Thém., de an., p. 17. 3 Heinze) άλλ’ όμως
Ζήνωνι μέν ύπολείπεταί τις απολογία κ ε κ ρ ίσ θ α ι 6λην δι’ όλου τοϋ σώ ματος
φάσκοντι τήν ψυχήν καί τήν έξοδον αύτής άνευ φθοράς τοϋ συγκρίματος μή
ποιοΰντι. Lévêque (ρ. 633, η. 4) cite Macr. in s. Sc. I, 14 Zeno (d ixil animam)
concretum corp ori spiritum .
(5) ή τό τη φύσει συμμεμιγμένον ή τό τοϋ σώματος δν ώσπερ τό έμψυχοΰσθαι (scripsi :
έμψυχώσθαι F Ρ έψυχώσθαι W achsmuth), αύτή δέ ( F Ρ : δή Wachsmuth) μή παρόν
τη ψυχή ώσπερ ύπαρχον (sc. ώσπερ τή ψυχή ύπαρχον). En d’autres termes, 1’έμψυ-
χοΰσθαι est chose du corps, mais il n’est pas dans le corps comme une pro­
priété de l’âme même. Le corps est animé sans qu’il y ait une âme, l’âme
n’ayant pas d’existence propre, mais n’étant que P « harmonie des quatre élé­
ments (ou des qualités élémentaires) » qui forment le corps. Cf. fr. 5-12 Wehrli, en
particulier fr. 7 = Cic. T usc. I 10.21 D icearchus autem ... Pherecraten quen-
dam ... disserentem inducit, nihil esse om nino animum et hoc esse nomen totum
inane frustraque anim alia et anim antis appeUari, neque in hornine inesse animum
vel anim am nec in bestia, vim que om nem cam qua vel agam us quid vel sentia-
mus in om nibus corporibus vives aequabiliter esse fusam nec separabilem a
corpore esse, q u ip pe quae nulla sit, nec sit quicquam n isi corpus unum et sim ­
p lex ita figuratum, ut t e m p e r a t i o n e n a t u r a e v i g e a t e t s e n t i a t , fr. 8 a W .
(S e x t . E mp., adv. log. I 349) οί μέν μηδέν φασιν είναι αύτήν παρά τό πώς έχον σώμα,
καθάπερ δ Δικαίαρχος. (Cp. L ucn. 111 98 ss. < Certains ont pensé sensum a nimi
190 LA RÉVÉLATION D’HERMÈS TRISMÉGISTE

I 49.33 < 2 . > S ur les puissances de l ’ame (1)


367 . 10
< A. Nature des puissance9 >

Or donc (2) P laton ne regarde pas les puissances comme


existant dans l’&me en se distinguant de l ’âme même, mais il
dit qu’elles ont grandi avec l’âme et coexistent avec elle dans
l ’unité d’une même forme à cause de l’essence incomposée de
l’âme (3). Aristote pareillement, après avoir assumé que

cerla non esse in parte localum, |verum Habitum quendam vitalem corporis esse, [
harmonium Grai quant dicunt. Comme l’a montré Robin, commentaire de
Lucrèce, ad I I I 98 ss., suivi par B a il e y , Commentant [Oxford, 19471, ad III
94, c ’est cette doctrine de Dicéarque et peut-être celle aussi d’Aristoxène, que
vise Lucrèce en sa critique de l’âme harmonie, III 94-135). Voir aussi le fr. 11
cité infra, p . 202 η. 1.
(1) Sur les puissances de l’âme, voir aussi le petit traité de Porphyre (Stob.
I 49. 24-26). — L a division que suit ici Jamblique — ούσία de l’âme (pp. 362-
367 W .), δυνάμεις (pp. 367-370), ένέργειαι ou έργα = «opérations » (pp. 370-375)
— remonte pratiquement à Aristote. Pour ούσία-δυνάμεις, cf. de an. II 2 fin. et
II 3 tu. : ίτιμέν ούν έντελέχειά τίς έστι (ή ψ^χή)..., φανερόν έκ τούτων, των 8έ δυνά­
μεων τής ψυχής χ.τ.Χ. Pour δυνάμεις — ένέργειαι, cf. de an. II 4 in. (au début de
l’exposé sur les facultés) : άναγκαϊον S i vbv μέλλοντα περί τούτων (sc. le θρεπηκόν
etc.) σκέψιν ποιεΐοβαι λαβεϊν έκαστον αύτών τί έστιν...· cl Si χρή λέγειν τί έκαστον
αύτών, οΐον τί τύ νοητικύν ή τύ αίσβητικύν ή τύ θρεπτικύν, πρύτερον t n λεκτέον τ£ τύ
νοεΐν χαΐ τ£ τύ αίσθάνεσθαι. πρύτερον γάρ ε£σι των δυνάμεων α£ ένέργειαι χαΐ α!
πράξεις κατά τόν λύγον (la question avait été posée dès 1 1 ,4 0 2 b 10 χαλεπύν δέ καί
τούτων διορίσαι ποια — sc. μύρια — πέφυκεν έτερα άλλήλων, καί πύτερον τά μύρια
χρή ζητεΐν πρύτερον ή τά έργα αύτών).
Cette division est devenue classique dans les écoles, soit qu’on trouve seule­
ment les deux termes αύσία-δυνάμεις (ou μέρη), — cf. A s t . IV 3 (τ£ς ή ούσία
αύνήζ),+ IV 4 (περί μερών τής ψυχής), A l e x . A phrod . de an., p. 2 7.1 ss. B r. τ£ς
μέν ούν ή τής ψυχής ούσία, καί τίνα τά έπύμενα αυτή,... δεδηλώκαμεν. άκύλουθον 8έ
εξής περί των μερών αύτής είπεϊν, πόσα τε καί τίνα, — soit qu’on ait les trois ούσία-
δυνάμεις-ένέργειαι, ci. T er tu ll . de an. qui, après avoir traité de la nature de
l’âme (5-13), continue (14,2) dividitur autem in partes, (14,3) huiusmodi autem
non tam partes animas habebuntur quam vires et efficaciae et operae (« puissances
et opérations et fonctions » : sur le sens de operae, analogue à celui de efficaciae
= ένέργειαι, cf. Waszink, p. 192), cf. Waszink, p. 215. P roclus , in Tim .,
II, p. 125. 10 ss. D., a un bon développement : « La 2e question est de diviser
comme il faut ce sujet de la psychogonie. C’est ce que nous allons faire main­
tenant, en prenant pour point de départ, cette fois encore, la réalité. En
chaque nature donc il y a essence, puissance, opération. Ainsi, du feu, autre
est l’essence selon laquelle appartient au feu l’être même de feu, autre la puis­
sance, autre l ’opération : de fait tantôt il dessèche, tantôt il chauffe, tantôt
il cause des changements de quelque autre sorte, et il en va de même pour tout
le reste. Il faut donc que, de l’âme aussi, autre soit l’essence, autre la puissance,
autre l’opération, et, si l’on veut la saisir et la considérer tout entière, on doit
traiter de tout cela. Dès lors la psychogonie comportera trois chapitres prin­
cipaux, l’un sur l’essence de l’âme, l’autre sur la puissance, le troisième sur
l’opération ».
(2) L a particule de liaison μέν ούν semble indiquer que Stobée a laissé de
côté une phrase de transition où Jamblique devait dire qu’il passait mainte­
nant au problème des puissances de l’âme.
(3) Sur l’histoire du problème des parties ou facultés de l’âme, voir un. bon
résumé de K. Gronau , Poseidonios und die jüdisch-christliche Genesisexegesis
APPENDICE I 191

15 l ’essence de l’âme est j simple, incorporelle, effectrice de


la forme (1), ne tient pas les puissances pour présentes dans
l’âme comme en une sorte de composé (2). En revanche, les
philosophes issus de C h r y s i p p e et Z e n o n et tous ceux qui
conçoivent l’âme comme un corps rassemblent les puissances
20 comme [ des qualités inhérentes au sujet, posent l’âme en premier
comme une substance présubjectée aux puissances, et, de ces
22 | deux, constituent une nature composée faite de dissembla-

(H e r lin , 1 9 1 4 ) , p p . 2 4 4 s s . à p r o p o s d e 'G r e g . N .y ss. de an. et res. 4 5 A - 6 8 A . L a


n o tio n d e parties d e l ’â m e (μ έ ρ η , μ ο ίρ α ς γέν η : A r i s t o t e e s t le p r e m ie r à p a r le r d e
δ υ ν ά μ ε ι; τ . ψ υ χ ή ;, de an. 11 3 , 4 1 4 a 2 9 ) n ’ a p p a r a î t q u ’a v e c l a f a m e u s e d iv is io n
t r i p a r l i t e d e P l a t o n {Rép. I V 4 3 5 b - 4 4 1 c , I X 5 8 0 d s s . , 5 8 8 c s s . , Phèdre 2 4 6 a s s . ) ,
c h a c u n e d e c e s p a r t ie s o c c u p a n t , s e lo n le Timée ( 6 9 e s s . ) , u n lie u d i s t i n c t d a n s
le c o r p s . S u r l 'i n c e r t i t u d e d ’a ill e u r s d e P l a t o n lu i - m ê m e e n c e t t e m a t iè r e ,
c f . Rép. X 6 1 1 b ού ρ ό δ ιο ν ... άίδ ιον είν α ι σύν θετό ν τ ε έ κ π ο λ λ ώ ν κ α ί μ ή η ) κ α λ λ ίσ τ η
κ εχ ρ η μ έν ο ν σ υ ν θ έσ ει, ώ ς νυν ή μ ΐν έφ ά ν η ή ψ υχή (a llu s io n a u x c o n t r a d i c t i o n s in t e r ­
n e s d e l ’â m e , c f . X 6 0 3 d μ υ ρ ίω ν το ιο ύ τ ω ν έ ν α ν τ ιω μ ά τ ω ν άμα γ ιγ ν ο μ έν ω ν ή ψυχή
γ έ μ ε ι ή μ ώ ν , P l a t o n s e r é f é r a n t ic i — èv γ ά ρ τ ο ι ς ά ν ω λ ό γ ο ις — à I V 4 3 9 b s s .) : la
p a r a b o le d e G la u c o s m o n t r e q u ’ il s ’ a g it là d e l ’ â m e en s o n é t a t p r é s e n t , n o n d e
l ’ â m e en s o i, ci". Rép. X 6 1 1 b - c οίον δ’ έ σ τ ’ι τ η ά λ η θ εία , ού λ ελ ω ο η μ έν ο ν δ ε ι α υ τό θεά -
σ α σ θ α ι υ πό τ ε τ ή ς το ΰ σ ώ μ α τ ο ς κ ο ιν ω ν ία ς κ α ί ά λ λ ω ν κ α κ ώ ν , ώ σ π ε ρ νυν ή μ ε ϊ ς θ ε ώ μ εθ α ,
ά λ λ ’ οΐόν έ σ τ ι καθαρόν γιγν ό μ εν ο ν κ .τ .λ . . — A r is t o t e r e j e t t e l a d iv is io n e n t r e p a r tie s
d e l 'a i n e lo c a le m e n t d i s t i n c t e s , de an. 1 5 , 4 1 1 b 5 λ έ γ ο υ σ ι δ ή τιν ε ς μ ε ρ ισ τή ν α υτή ν,
κ α ί ά λλο μ έν νοεΐν ά λλο δ ε έπ ιΟ υμ εϊν (c f. P l a t . Rép. I V 4 3 6 a 8 s . : à l a q u e s tio n
ε ί τ ώ α ύ τ ώ τ ο ύ τ ω έ κ α σ τ α π ρ ά τ το μ ε ν ή τρ ισ ίν ούσιν ά λ λ ο ά λ λ ω , P I . r é p o n d ά λλο
ά λ λ ο ι). I I 2, 413 b 27 τ ά δ έ λ ο ιπ ά μ όρια ( a u t r e s q u e l’in t e l l e c t ) τ ή ς ψ υ χή ς φανερόν
έ κ τ ο ύ τω ν ό τ ι ού κ έ σ τ ι -'ω ρ ισ τ ά , κ α θ ά π ερ τιν έ ς φ ασιν. S i l ’â m e e n e f f e t e s t d iv is é e ,
q u i e n m a i n t i e n d r a ¡ u n i t é ? N o n le c o r p s , p u is q u e c ’e s t e lle q u i m a i n t i e n t
l ’un itO d u c o r p s : il f a u d r a d o n c s u p p o s e r u n e a u t r e â m e , e t a in s i à l ’ in fin i,
c f . 4 1 1 b 6 τ ί ούν δή π ο τ έ σ υ ν έχ ει τή ν ψυχήν, εί μ ε ρ ισ τ ή π έφ υ κ εν , κ .τ .λ . O n n e
d o i t p a s d 'a ille u r s p a r le r d e p a r t i e s , m a is d e facultés d e l 'â m e , e t c e lle s - c i
n e s e d is t in g u e n t q u e lo g i q u e m e n t , 4 1 3 b 2 9 τέμ δ έ λ ό γ ω ό τ ι ε τ ε ρ α , φανερόν.
R e s t e la d if li c u lté d u νους, s u r la q u e lle A r is t o t e n ’ e s t p a s a r r iv é à u n e o p in io n
c l a i r e . — Q u a n t a u p r o b lè m e s p é c if i q u e m e n t t r a i t é ic i (d a n s l ’â m e , l ’e s s e n c e s e
d i s t in g u e - t - e lle d e s f a c u l t é s ) , il e s t n é d ’u n s o u c i d e p r é c is e r la d o c t r in e p la to -
n i c o - a r is lo t ô l ic ie n n e : si l ’e s s e n c e d e l ’ â m e e s t le νους, f a u t - i l r e g a r d e r le s a u t r e s
p a r t i e s o u f a c u lt é s (θ υ μ ό ς e t ε π ιθ υ μ ία c h e z P l a t o n , θ ρ ε π τικ ό ν , ό ρ εκ τικ ό ν , α ισ θ η τικ ό ν ,
κ ιν η τικ ό ν κ α τ ά τό π ο ν c h e z A r i s t o t e , c f . de an. I I 3 , 4 1 4 a 3 1 ) c o m m e a p p a r t e n a n t
à l’ e s s e n c e d e l ’â m e o u c o m m e é tr a n g è r e s à c e t t e e s s e n c e ? C ’ e s t , o n le v o it ,
la d if f ic u lté q u e s e p o s a i t d é j à P l a t o n {Rép. X 6 1 1 b ) . C e t t e d if f ic u lté e s t d e v e ­
n u e p lu s s e n s ib le d u f a i t d e l ’A n c ie n S t o ï c i s m e q u i a d m e t à l a fo is q u e l ’â m e e s t
π ο λ υ μ ερ ή ς e t q u e l ’u n e d e c e s p a r t i e s d u m o in s , Γ ή γ ε μ ο ν ικ ό ν , e s t π ολυδ ύν α μ ος. P o s i-
d o n iu s , s e m b l e - t - i l , a u r a i t c h e r c h é à c o n c i lie r l a th è s e d e P l a t o n - A r i s t o t e a v e c
c e lle d e l ’A n c ie n S t o ï c i s m e or. s o u t e n a n t q u e le λ ό γ ο ς (ήγ εμ ονικόν ) e s t l ’ â m e e s s e n ­
t i e l l e , t a n d is q u e le θ υ μ ό ς e t Γ έ π ι θ υ μ η τ ι κ ό ν 3 θ η Ι é t r a n g e r s à c e t t e e s s e n c e e t d é p e n ­
d a n t s d e c e q u ’il y a e n n o u s d ’a n i m a l, c f . G ronau , p p . 245-246 q u i c i t e Z e lle r
I I I 1 *. p . 600, il." 3 . — P o u r l ’â m e ¿ σ ύ ν θ ε το ς, lie u c o m m u n d e p u is P l a t o n , c f .
v. g r . A l bi n . D idask. 25, p . 177. 21 H.; C ic . Tusc. I 7 1 ; T e rt . de an. 9, 2;
1 4 , 1; 51, 5; 5 3 , 2 ; G r e c . N y s s . de an. et res. 45 C , 48 A e t K . G ros au , op. cil.,
p p . 243-244.
(1) C f. su pra, p . 1 7 8 , n . 5 e t p . 1 8 8 , n . 4 .
(2 ) ώ ς èv σ υ ν θ έ τ ω τ ιν ί 3 6 7 . 1 6 . L a f o r m u le n ' e s t p a s d ’A r i s t o t e , m a is
e m p r u n t é e à c e q u i s u i t ( 3 6 7 .2 1 ) s u r le s S t o ï c i e n s (έ κ δ ’ά μ φ ο τέ ρ ω ν — l ’â m e
e t s e s f a c u lt é s — τ ο ύ τω ν σ ύ ν θ ε τ ο ν φ ύσιν έ ξ ά νο μ ο ίω ν συνά γουσιν ) p o u r d é s ig n e r
c e q u e J a m b l i q u e p e n s e ê t r e l a p o s i t io n d ’ A r i s t o t e . L e s e n s e s t d o n c : « c o m m e
f o r m a n t a v e c l’ â m e q u e lq u e s o r t e d e c o m p o s é ».
192 LA RÉVÉLATION D’HERMÈS TRISMÉGISTE

368 W. blés (1). Dans ces conditions | donc, les puissances, de l’âme
prise en elle-même ou du vivant commun doué d’âme considéré
conjointement avec le corps, pour ceux qui tiennent que l’âme
vit d’une double vie, à la fois selon sa nature propre et selon
qu’elle est jointe à un corps (2), sont présentes diversement
5 dans l’âme et | dans le vivant commun, ainsi pour P laton et
P ythaqore (3); mais pour ceux qui tiennent que l’âme n’a
qu’une vie, celle du composé, parce que l’âme est étroitement
mêlée au corps, comme le veulent les S toïciens, ou parce qu’elle
abandonne la totalité de sa propre vie au vivant commun,
10 comme le soutiennent les P éripatéticiens (4), | pour ceux-là
il n’y a qu’un seul mode de présence des puissances, celui qui
consiste en ce que le vivant tout entier y participe ou en ce
qu’elles forment avec lui un mixte.

< B . Distinction des puissances>

Comment donc se distinguent les puissances? Selon les S toï­


ciens , certaines se distinguent par la différence des parties cor­
porelles qui leur servent de sujets (5) : ils disent en effet que
15 à partir de Vkégémonikon, des souffles, | divers selon les diverses
parties du corps, se tendent les uns vers les yeux, les autres1

(1) Les St. V. F . (II, p. 225.40 ss.) ne donnent, sur ce point, que le texte
de Jam blique. En 367.21 W ., pourquoi ne pas garder προτιθέασιν (F P : τιθέασιν
W achsm uth)?
(2) Sur la double vie, cf. H ermès ap. Stob. I 49.6 (I, p. 324.12 ss. W.
= Éxc. X I X 3 ), G rec . N yss . de an. et res. 81 C ss. διχή μ ε ρ ίζ ε τ α ι ή
άνθρω π ίνη ζωή, είς τε τήν διά σαρκύς ναύτην καί είς τήν έξω τού σώματος μετά ταύ-
την (Gronau, ρ. 260, cp. Cíe. Tuse. I 72, mais il s’agit là du sort des âmes après
la m ort, sort divers selon le comportement divers ici-bas). Voir aussi (avec
Lévêque, p. 634, n. 5) J ambl. de myst. 3, p. 106.3 Parthey : λέγουσι δέ τάδε,
τή ς ψυχής διττήν έχο ύση ς ζωήν τήνμένσύντφ σώματιτήνδέχωριστήνπαντύς
σώματος, περί μέν τύν άλλον βίον έγρηγορότες τά πολλά τη κοινή μετά τού σώματος
ζωή χρώμεθα, πλήν et που κατά τό νοεϊν καί διανοεΐσθαι τοΐς καθαροϊς λύγοις άφιστά-
μεβα ¿π ’ αύτοϋ παντάπασιν, έν Si δή τώ καθεύδειν άπολυύμεθα παντελώς ώσπερ άπύ
τινων παρακειμένων ήμϊν δεσμών, καί τή κεχωρισμένη τής γενέσεως ζωή χρώμεθα
et infra, p. 195, n. 4.
(3) Ceci encore est un développement scolaire de la doctrine platonicienne.
É ta n t admis les deux états, préempirique et empirique, de l’âme, le mode
de présence des puissances est évidemment divers dans ces deux cas.
(4) Pour Aristote, dans l’être raisonnable, c’est l’âme raisonnable qui est
en même temps principe de vie, de croissance, de sensation et de locomotion :
άεΐ γάρ èv τώ έφεξής υπάρχει δυνάμει τ6 πρύτερον έπί τε τών σχημάτων καί έπί των
έμψυχων, οΐον έν τετραγώνω μέν τρίγωνον, έν αίσθητικώ δέ τ4 θρεπτικύν, de an. II, 3,
414 b 29.
(5) Cf. St. V. F ., II, p. 225.32 ol μέν πολυδύναμον άξιοϋσιν είναι τήν ψυχήν έφ’
ένύς-οδσανυποκειμένου, οΐ δέ πολυμερή, διο ρίζο ντες καί το ΐς τύπ οις τά μέρη,
ώ σ π ερ ot Σ τω ϊκ ο ί.
APPENDICE I 193

vers les oreilles, les autres vers les autres organes des sens (1).
D’autres puissances se distinguent, relativement au même sujet,
par un caractère qualitatif propre : car tout de même que la
pomme possède, dans le même corps, saveur douce et bonne
odeur, ainsi Ykégémonikon a-t-il embrassé en un seul et même
20 tout représentation sensible, assentiment intellectuel |aux images,
appétit, raison (2). Selon les A ristotéliciens et tous ceux
qui conçoivent l’âme comme indivisible, les puissances < ne
se distinguent pas > quant à l’essence, mais bien quant aux sortes
d’effets dont elles sont capables (3). Selon P laton, c’est en
des sens divers que l’âme est dite d’une part tripartite, en tant
25 qu’elle se diversifie selon trois | substances de vie différentes,
d’autre part douée de puissances multiples, l’âme ne compor­
tan t plus alors de différences |quant à la substance de vie, mais
comportant, dans le même sujet, beauooup de propriétés dis­
tinctes (4). E t, d’un mot, la partie diffère de la puissance en ce
que la partie présente à l’esprit une altérité de nature, la
puissance une différenciation, dans le même sujet, du mode
de créer ou de produire.1

(1) Cf. A et . IV 4.4 (390.9 D.) όγδόου Si αυτού τού ήγεμονικού, άφ’ οδ ταύτα
πάντα (les autres puissances) έ π ιτ έτ α τα ι (cf. διατείνειν Jam bl.) διά τών οίκείων
όργάνων προσφερώς ταϊς τού πολύποδος πλεκτάναις, IV 21.2 (410.30) άπό δέτοϋήγε-
μονικοϋ έπτά μέρη έστί τής ψυχής έκπεφυκύτα καί έκτεινύ μένα είς τό σώμα καθάπερ
αί άπό τοΰ πολύποδος πλεκτάναι.
(2) Cf. Aet . IV 21.1 (410.23) οί Στωϊκοΐ φασιν είναι τής ψυχής άνώτατον μέρος
πό ήγεμονικόν, το ποιούν τάς φαντασίας καί συγκαταθέσεις καί αίσθήσεις καί όρμάς'
καί τούτο λογισμόν καλούσιν.
(3) κατά μέν τήν ουσίαν < ο ύ διακρίνονται> αί δυνάμεις Wachsmuth, le supplé­
ment étant pris à la question initiale (368.12) πώς οδν διακρίνονται. Cela donne
certainement le sens requis et parait la correction la plus simple. — Pour la
doctrine, cf. (avec Lévêque, p. 635, n. 1) N icolas de D amas ap. Porphyre,
π. τών τ. ψ. δυν. (Stob., I, p. 353.12 SS. W .) : Νικύλαος δέούκ ήξίου τά μέρη τής
ψυχής κατά τό ποσόν λαμβάνειν, άλλά μάλλον κατά το ποιόν, ώσπερ καί τέχνης καί
φιλοσοφίας ... άκούει τοίνυν Νικόλαος τά μέρη τής ψυχής ώς δυνάμεις τοΰ ϊχοντος·
τό γάρ ζώον καί δλως τό έμψυχον τω ψυχήν ίχειν πολλά δύναται, οΐον ζήν, αίσθά-
νεσθαι, κινεΐσθαι, νοεΐν, όρέγεσθαι, ών πάντων αιτία καί άρχή ή ψυχή, ταύτας ούν
τάς δυνάμεις... μέρη τής ψυχής τίθεται ώς εϊρηται. ούδέν <ζδέ>· κωλύει αυτής άμε-
ροϋς οΰσης μεριστώς δέχεσθαι τάς άπ’ αύτής τών ένεργειών ίνδόσεις.
(4) Cf. P o r p h . π. τών τ. ψυχής δυνάμεων ap. Slob. I 49.25 a (I, p. 351.8 W.) :
¿ητέον 8i ώς δύναμις μέρους διήνεγκεν, ότι τό μέν μέρος έκβέβηκε κατά γένος τόν
χαρακτήρα τοΰ άλλου μέρους (parce que la partie se différencie génériquement,
quant au caractère, de l’autre partie), αί δέ δυνάμεις περί τό αύτό στρέφονται γένος,
διότά μέν μέρη παρητεϊτο ’Αριστοτέλης έπί τής ψοχής (cf. supra, p. 190, n. 3), τάς
δέ δυνάμεις ούκέτι'τό γάρ έτερομερές εύθύς ύποκειμένου π αραλλαγήν είσάγειν
(cf. Jam bl., 368.24 λέγεται ή ψυχή τριμερής, ώς έν έτέρ α ις ούσίαις τριπλή ζωής
π α ρ α λλ ά ττο υσα ), τό δέ έτεροδυναμον καί περί ϊν υποκείμενον ένίστασθαι.
Voir aussi supra, p. 192, n. 5 et T ert . de an. 14.3 avec le commentaire de
Wasîitjk, p. 215.
LA RÉVÉLATION D’ HERMÈS TRISMÉGISTE. — . III. 14
194 LA RÉVÉLATION D’HERMÊS TRISMÉGISTE

I 49.34 < C > . S ur le nombre d es puissances (1)


3 6 9 .5
Les sectateurs de Zenon tiennent que l’âme comporte huit par­
ties distinctes, cependant qu’ils présument avec subtilité (?) (2)
que les puissances sont plus nombreuses encore, ainsi par exemple
il coexiste dans Ykégémonikon représentation sensible, assen­
tim ent intellectuel aux images, appétit, raison (3). P laton,
10 A rchytas (4) et le | reste des P ythagoriciens définissent
l’âme comme tripartite, et ils la divisent en faculté raisonnante,
irascible et concupiscible : cette division est en effet commode
pour organiser le système des vertus (5). De plus ils mettent
au nombre des puissances de l’âme la faculté de croître (<p»Scri<;),
la représentation sensible, la sensation, l’opinion, l’intention
15 motrice des corps, | l’appétit des choses belles et bonnes, l’in-
tellection. Quant à A ristote (6), il divise les puissances en
cinq : faculté de croître, sensation, mouvement local, appétit,
intellection.

I 49.35 < D > . S ur les puissances q u i t i e n n e n t a l ’ essence


3 6 9 .1 8 de l’ ame et sur l e s a d v e n t i c e s

20 P lotin enlève à l’âme les puissances irrationnelles, les sen­


sations, les représentations sensibles, les souvenirs, les raison­
nements (7) : il n’y a que la pure raison qu’il fasse se tendre1

(1) Problème classique : cf. Aet . IV 4, T ert . de an. 14,2 (d’après Soranus,
cf. Waszink, pp. 210-215), P orph. π. των τ. ψ. δυνάμεων αρ. Stob. I 49.25 a
(1, ρ. 350. 9 ss. W.), etc.
(2) Le texte n’est pas sur (v. Arnim le donne deux fois avec des conjec­
tures différentes, St. V. F . I, p. 39.23, II, p. 226.34). J ’ai traduit (ex. gr.)
οι από Ζήνωνος όκταμερή τήν ψυχήν διαδοξάζουσι, τ ερ -Cνοουντες'> τάς δυνάμεις
είναι πλείονας, le participe περινοοΰντες confirmant l’idée de distinction excessive
indiquée déjà par διαδοξάζουσι. διαδοξάζειν parait chez Platon pris absolument
(Phil. 38 b 13), mais chez Jamblique il gouverne un complément d’objet,
de myst. IV 6 (p. 190.2 P.), V III 5 (p. 268.13 P. : moyen). Pour les huit parties,
cf. A e t . IV 4.4 : les cinq sens, plus le φωνητικόν, le σπερματικόν et Γήγεμονικόν,
P o r p h . π. των τ. ψ. δυνάμεων αρ. Stob. I, ρ. 350. 13-18 W., T e r t . de an. 14, 2.
(3) Cf. supra, p. 193, n. 2 et Porph. π. τ. τ. ψ. δ. αρ. Stob., I, ρ. 350. 13 W .
(4) 11 s’agit très probablement d’un apocryphe, cf. Fors.5, 1, p. 439.27
D .-K. Cf. l’apocryphe pythagoricien cité Stob. I, p. 355 W. τριχθαδίαγάρ ύπάρ-
χοισα έπί τριχθαδίοις έργοις συνέστακε (355.6).
(5) Il est quasi sûr que Jamblique copie ici Porphyre. Cp. J ambl . (369.11 W.)
ταϋταγάρ είναι χρήσιμα πρός τήν των αρ ετώ ν σ ύστασιν et P orph. (350.19 W.)
παρά δέ Πλάτωνι και Άριστοτέλει έν τοϊς Ήθικοΐς τριμερής ή ψυχή λέγεται είναι,
καί κεκράτηκε τούτο παρά τοϊς πολλοΐς άγνοοϋσιν ώς ή διαίρεσις τής σ υστάσ εω ς
ένεκα τω ν άρετώ ν παρείληπται- ού γάρ απλώς εις σύλληψιν πάντων των μερών.
La φύσις de Jamblique (369.13) correspond au φυτικόν de Porphyre (350.24).
(6) Cf. de an. II 3, 414 a 31, III 9, 432 a 29.
(7) Cette courte phrase résume d’une façon beaucoup trop simpliste des
enseignements complexes de Plotin. En IV 3.18 il dénie aux âmes, avant leur
A P P E N D IC E I 195

jusqu’à (1) la pure essence de l’âme, en tan t que possédant


24 une nature apparentée | à la forme même de l’essence (de
l’âme) (2).
W. D émocrite le platonicien (3) ramène toutes ces sortes de
puissances à l’essence de l’âme.
P laton assume que les puissances tout à la fois s’appar­
tiennent à elles-mêmes et appartiennent aux vivants : il dis­
tingue chacun de ces deux cas, eu égard à chacune des deux
vies (4).
5 P orphyre et P lotin (5) déclarent qu’à chaque partie du
T out sont envoyées (6) par l ’Ame (du Tout) les puissances
appropriées, et précisent que les vies qui, de quelque manière
que ce soit, ont été ainsi envoyées vont se perdre et n’ont
10 plus d’existence, | à peu près de même que les fruits issus de la
semence (7) quand celle-ci a reflué sur elle-même. Mais peut-

descente et après leur remontée, le raisonnement (λογισμός) et le langage,


aucun des deux ne leur étant nécessaire. E n IV 4.1-7, il dénie aux âmes, après
leur remontée, le souvenir des événements terrestres. Enfin sensation et repré­
sentation sensible ne sont pas choses de l’âme même, mais du composé âme et
corps, I 1.1-7, IV 3.26.1-9.
(1) On peut garder, je crois, l’actif άνατείνει 369.23 (F P : άνατείνειν
COni.Wachsmuth) : cf. διατείνοντες 372.23, έξαιροίχην 374.20, γεννώντες 376.16.
(2) ώς έχοντα συμφυή δύναμιν πρός αυτήν τήν τής ουσίας ιδέαν (369.23). Cf.
P lot . IV 3.18.10 εί τις λογισμόν λαμβάνει τήν έκ νοϋ άεΐ γινομένην xal ούσαν έν
αύταϊς (sc. ταϊς ψυχαις) διάθεσιν καί ένέργειαν έστώσαν καί οΐον έμφασιν ούσαν (comme
un reflet de l’intellect), εΐεν άν κάκεϊ (sc. dans le monde intelligible) λογισμέ
χρώμεναι.
(3) Sur ce platonicien Démocrite (cité également Procl. in Tim ., II, p. 33,
13 ss. D.), dont Longin parle comme d’un homme qu’il â encore connu (cf.
v.
P orph. Plot. 20.31, 60) et qui a donc vécu dans la première moitié du ni* s.,
cf. P . W „ V 140.9 ss. (Kroll) et Z e l l e r , III 1*. p. 833 (fin note 1 de la p. 832).
(4) καθ’ έτεραν έτέραν ζωήν διοριζόμενος έκάτερον F P : καθ’ έκατέραν Canter.
On peut garder, je crois, la leçon des MSS., qui a bien le sens = « selon chacune
des deux vies », cf. déjà S oph ., fr. 201 μίαν μίαν = κατά μίαν et M oulton,
Gr. N. T ., I, p. 97, B lass -D ebrun n er ·, 2 4 8,1 (qui cite κατά δύο δύο P. Ox. VI
886.19, du in« s. ap. J.-C .), 493, 2 (« Distributive Verdoppelung») et Nachträge,
p. 322 (exemples dans les L X X : άνθρωπος άνθρωπος Num . 9.10 = « chaque
homme», έθνη έθνη I V Reg. 17.29 = « chaque peuple »; ajouter είςείς I Chron.
24.6). Le tour est d’origine populaire, mais peut avoir pénétré dans la langue
commune au ive s. — Les deux vies sont celle de l’âme prise en elle-même et
celle de l’âme dans le composé, cf. s u p r a , p. 192, n. 2 (sur 368.3 W .) et infra,
p. 371. 4 W . ούκοϋν ώσπερ ζωή κατ’ αύτόν ήν διττή, ή μόν χωριστή τοΰ σώματος,
ή δέ κοινή μετ’ αύτοϋ, κτλ.
(5) Cf. (avec Wachsmuth) P orph . Sent. 37, p. 31.17 ss. Momm. (où l’on
peut lire les textes parallèles dans Plotin).
(6) δυνάμεις... προβάλλεσθαι 370.7, τάς ζωάς τάς... προβληθείσας 370.8 : cf.
P orph . Sent. 29, p. 13. 10 Μ. τόν λόγον έχούση (sc. τή ψυχή) τόν μερικόν προβεβλη-
μένον.
(7) J e crois avec Lévêque (p. 637) qu’il faut entendre par σπέρμα la « raison
séminale » qui, procédant de l’Ame universelle, produit la variété et la diver­
sité des êtres vivants particuliers, en tant que, présente dans l’âme dès avant
la naissance, elle contient à titre de préformation toute la structure de l’être
à venir. Quand ce λόγος σπερματικός a reflué sur lui-même, c’est-à-dire quand il
196 LA RÉVÉLATION D’HERMÈS TRISMÉGISTE

être bien pourrait-on former la conjecture nouvelle et assez vrai­


semblable (1) que ces vies, elles aussi, continuent d’exister
dans le Tout et n’y sont pas détruites (2).

II I 25.6 < E . S ur la mémoire> (3)


III, 60 8 . 25 H.
Telles étant les puissances les plus communes (4), il y a
6 0 9 H. ¡[encore | d’autres puissances de l’àme, qui lui sont propres à
est allé rejoindre le Logos de l’Ame universelle, les puissances ou formes de
vie (ζωαί 370.8), propres au vivant particulier qui était partie du Tout (έκάστιμ
μέρει τοδ παντός τας οικείας δυνάμεις προβάλλεσθαι 370.6/7), disparaissent et n’ont
plus d ’existence selon Plotin et Porphyre (au témoignage de Jamblique);
selon Jamblique, ces puissances ou vies particulières existent elles aussi (καί
ταύτας) dans le Tout. Cette même dualité d’opinions se retrouve plus bas, à
propos de la mort (I 49.43 = I, p. 384.23 W.) : ήτοι γάρ λύεται (sc. au moment
de la mort) έκαστη δύναμις άλογος είς τήν ίλην ζωήν τού παντός άφ’ ής άπεμερίαθη,
ή καί δτι μάλιστα μένει αμετάβλητος, ώσπερ ήγείται ΓΙορφύριος' ή καί χωρισθεισα
άπό τής δ'.ανοίας ή δλη άλογος ζωή μένει καί αυτή διασψζομένη έν τφ κόσμψ,
ώσπερ οί παλαιύτατοι των ιερέων άποφαίνονται. La comparaison entre ces deux
passages suggérerait une transposition des mots ώσπερ... Πορφύριος après
άπεμερίσβη. Voir cependant infra, p. 236, n. 1 et 2.
(1) έπινοήσειε καινότερου 370.13 : cf. ώσπερ άν τις νεωτερίσειεν έν ταΐς έπινοίαις
supra, 367. 4.
(2) Sur l’interprétation générale de ce fragment obscur, cf. (avec Lévêque,
p. 637, n. 2) un extrait de Jamblique sur la catégorie avoir (Cat. 9, 11 b 11)
dans S im p l ic iu s , in Ar. categ., p.'374.24 ss. Kalbfleisch : « Ce n’est pas, dit
J am blique , à ce qui nous concerne et à ce qui concerne notre corps que nous
devons limiter toute l’étendue de Vavoir: ce serait, pense-t-il, l’acculer à une
impasse. Il faut monter plus haut et, touchant notre âme et notre nature,
considérer Yaeoir selon les qualités dont l’âme se rend maîtresse (τάς έπικτήτους...
περικρατήσεις 374.27 : L. S. J . trad. à tort « prédominance »), et qui sont acquises,
non congénitales. Car il n’est pas vrai que, tandis qu’il s’attache au corps des
corps qui lui sont congénères, l’âme, qui possède des puissances de mainte
sorte, n’acquerra pas certaines formes de vie. les unes congénères à sa nature,
les autres inférieures aux mesures propres qu’elle contient en elle. Ce que
j ’avance là, dit-il, on peut s’en rendre compte aussi d’après ce qui apparaît avec
évidence. Car si, lorsqu’elle descend dans le corps, l’âme projette certaines for­
mes de vie qui s ’attachent à elle comme acquises, et si elle en accueille d’autres
venues du corps, toutes celles qui se font voir dans la conversion (vers le
dehors : τροπή) et la sortie de soi, comment ne dirait-on pas que l’âme les a?
Bien plus, à mesure que l’Ame devient présente dans chaque partie du Monde,
elle accueille certaines vies et puissances, les unes qu’elle projette elle-même,
les autres qu’elle reçoit du Monde, et elle accueille dans chaque partie du Monde
les corps appropriés, les uns qu’elle reçoit du Monde, les autres, organiques,
qu’elle produit elle-même d’après ses calculs propres, et tout cela, puissances,
vies, corps, elle le dépose à nouveau, quand son lot est de passer à un autre lieu
de séjour. D’où il résulte évidemment que tout cela était pour elle acquis et
qu’elle l’a eu comme différent d’elle-même et d’une essence différente. Car
l’âme n’était pas naturellement unie à ces choses comme dans le cas des corps
formés par combinaison, mais, étant elle-même sans mélange quant à son être
oropre, elle a acquis ces choses qui se sont attachées à elle ».
* (3) Lem m a de ce morceau et du suivant : « E x tra it du Traité de l'Ame de
Jamblique ». Sur la place de ces morceaux dans le π. ψυχής, cf. supra, p p .10 s.
(4) Il n ’est pas question des κοινόταται δυνάμεις dans le chap. precedent
I 49. 35. Il faut donc penser que, dans la section sur l’âme (I 49), Stobée a omis
tout ce oui regarde, chez Jamblique, le détail des puissances. Dans la section
s u r la m ém oire (III 25) et celle sur l’intellect (I 48), il n’a évide m m ent cite
(et encore p a r de très courts extraits) que ce q u i concerne, chez Ja m b liq u e , ces
APPENDICE I 197
elle-même sans toutefois en constituer une partie essentielle (1)
comme la mémoire, qui est rétention de l’image (2).

I 4®·8 < F . S ur l’inteixect >

Maintenant donc, quant à l ’intellect et à toutes les puis­


sances supérieures de l ’âme, les S toïciens disent que la raison
n’est pas implantée dans l’âme dès le début, mais que c’est plus
24 tard qu’elle se forme par rassemblement |à partir des sensations

deux facultés. Il est possible qu’il ait cité, en totalité ou en partie, le ch. de
Jamblique sur la vie végétative et appétitive dans la section I 46 (περί τροφής καί
όρέξεως των ζιρων), mais cette partie manque dans les MSS. On peut suppléer
à ce manque par un passage de Simplicius (qui, pour les doctrines psycho­
logiques, s'inspire beaucoup de J amblique: cf. Note compl. III) dans son Commen­
taire sur le Manuel d’Épictète, § 27, p. 78.10 Dubner, éd. Didot (ci. déjà Lévêque,

Ê
. 637, n. 4) : i Lorsque, en vertu de sa condition, l’âme descendait vers ce
eu terrestre et qu'elle était sur le point de s’unir à un corps et de composer
avec lui un vivant mortel unifié, elle faisait émaner d’elle des puissances
irrationnelles (άλόγους ζωάς), les unes cognitives, sensations et représentations,
les autres appétitives, irascible et concupiscible. C’est grâce à ces puissances
que le vivant mortel devait posséder la forme de connaissance qui lui
revient, celle que possèdent aussi les animaux, renouveler par la nourriture ce
qui sans cesse s’écoule hors de lui, maintenir l’éternité de la race en engen­
drant des semblables, et se défendre contre ce qui lui nuit : toutes choses que
le vivant mortel n’eût pas eues à sa disposition s’il n’y avait eu en lui ces
puissances irrationnelles comme parties essentielles de sa nature (μή συμπλη-
ρωθένη ταΐς άλόγοις ταύταις δυνάμεσι, cf. n. 1 infra) »,
(1) ού μήν συμπληρωτικά! αυτής (609. 1). On ait des parties constituantes
d’un être qu’elles le συμπληροϋσιν. Ainsi P lat . Tim . 92 c 6 θνητά γάρ καί άθά-
νατα ζώα λαβών καί συμπληρωθείς όδε 4 κόσμος ούτω, A rist . de Gen. II 10,
336 b 31 συνεπλήρωσε τ6 8λον 4 θεός ένδελεχή (sic : cf. Note compl. IV, p. 258) ποιή-
σας τήν γένεσιν. L ’adjectif συμπληρωτικός apparaît avec Épicure (III 131 τό
συνεθίζειν οδν έν ταΐς άπλαΐς καί ού πολυτελέσι διαίταις καί ύγιείας έστί συμ­
πληρωτικόν καί πρύς τάς άναγκαίας τού βίου χρήσεις άοκνον ποιεί τ4ν άνθρωπον)
et les Stoïciens (5t. V. F ., I II, p. 18. 12 = S e x t . ado. math. X I 30 ήσαν 8è oi
φάσκοντες άγαθόν ύπάρχειν τό δι ’αότό αιρετόν,... τινές δέ τό συμπληρωτικόν ευδαι­
μονίας) pour désigner ce qui contribue essentiellement à constituer une chose,
là la santé, ici le bonheur. (Cf. St. V. F r ., II I , p. 25. 27 αί δ* άρεταί πασαι
καί ποιητικά έστιν άγαθά καί τελικά, καί γάρ άπογεννώσι την ευδαιμονίαν καί
συμπληροϋσι, μέρη αύτής γιγνόμεναι : ainsi dans Stob. II, p. 72. 3 W. Un passage
parallèle de Diog. L a. V II 96 = 5f. V. F ., III, p. 25.40 explique : en tant que
les vertus produisent le bonheur, elles sont des ποιητικά άγαθά, en tant que
συμπληροϋσι le bonheur, ώστε μέρη αύτής γίγνεσθαι, elles sont des τελικά άγαθά).
Si la mémoire ici n’est pas considérée comme une partie essentielle de l’âme,
c ’est qu’en effet les âmes désincarnées n’ont plus besoin de mémoire, cf. supra,
p. 194, n. 7.
(2) ή μνήμη κ ατοχή οδσα φ αντάσμα τος (III, 609. 2 Η.)·. Définition
scolaire qu’on retrouve identiquement chez Porphyre dans le fragment du
π. τ. τ. ψ. δυν. cité par Stobée au I I I e 1. de l’Anthologion (III 25. 1 = III, p. 605.
12 ss. H.) : μνήμη, ήν άφορίζεται ’Αριστοτέλης κα τοχ ήν φ αντάσματος, ώς
εικόνας, οδ φάντασμα είκών (cf. A r is t . de memor. 1, 451 a 14 τί μέν οδν έστι
μνήμη... είρηται, ότι φ αντάσ ματο ς, ώς είκόνος οδ φάντασμα, Ιξις) 606. 3, όταν
οδν γένηται κατοχή περί τήν φανταστικήν του φαντάσματος, καλείται μνήμη 606.
11. Voir aussi St. V. F ., I, p. 19. 16 μνήμη θησαυρισμός οδσα φαντασιών. En
revanche Plot. IV 6, 1. 2 ούδέ τάς μνήμας πάντως τε καί άκολούθως έροϋμεν
κατοχάς μαθημάτων καί αΐτθήσεων είναι, PoRPH. Sent. 15.
198 LA RÉVÉLATION D’HERMÈS TRISMÉGISTE

et des représentations sensibles, vers l ’âge de quatorze ans (1).


3 1 8 . W. Selon les disciples de P laton et de P ythagore , la raison,
bien que présente même dans les nouveau-nés, est obscurcie,
au vrai, par les impressions venues du dehors et n’exerce pas
son activité propre, mais demeure inactive (2).
5 Au surplus, touchant l’intellect (3), beaucoup des P éripa -
t é t ic ie n s , après avoir admis en premier lieu l’intellect qui
dérive du sperme et de la nature générative, qu’ils conçoivent
comme jaillissant immédiatement dès le premier instant de
la génération, en posent encore un second, séparé et dénommé
10 « du dehors », qui se surajoute tout à fait à la fin, | quand l’in­
tellect en puissance a atteint la perfection de son être et qu’il
participe, en vertu d’une convenance, à l’intellection en acte (4).

(1) Sur le logos άθροισμα (συναθροίζεσθαι Jam bl.), cf. C h r y s i p p e , ap. St. V. F .,
II, p. 228. 20 (et, plus complet, III, p. 122. 3) έστι δέ γε τής ψυχής μέρη, δι’
ών 4 έναύτή λόγος σ υνέσ τη κ ε καΐή έν αύτφ διάθεσις. καί £στι καλή ή αισχρά ψυχή
κατά τ6 ήγεμονικόν μόρων ίχον ούτως ή ούτως κατά τούς οίκείους μερισμούς, II,
ρ. 228. 23 εστιν (ό λόγος) έννοιών τέ τινων καί προλήψεων άθρ ο ισ μ α , III, ρ. 44. 2
postea per incrementa aeiatis exorta c seminibus suis ratio. Sur ie processus de
cet άθροισμα, cl. A e t . IV 11 (400 D.). — Sur l’âge, Z en o n ap. St. V. F ., I, p. 40.
32 ss. Dans A e t . IV 11. 4 (400. 23 D.) ό 8i λόγος έκ των προλήψεων συμπληροϋσθαι
λέγεται κατά τήν πρώτην ίβδομάδα, corriger (avec Ritter-Preller) κ. τ. δευτέραν έ.
Tous les autres témoignages ne parlent que de la 2e hebdomade. Voir aussi
T e r t . de an. 38. 1 (et Waszink, p. 434) et supra, p. 13, n. 1. et Add.
(2) A llu s io n s a n s d o u t e à l a d o c t r in e d u Times 43 d 2 s s . : (le s s e n s a t io n s ) τή ν
μ έν τ α ύ τ ο ϋ π α ν τά π α σ ιν έπ έδ η σ α ν ένα ντία α υ τή ρ έο υ σ α ι κ α ί έ π έ σ χ ο ν ά ρ χ ο υ σ α ν κ α ί
ίοϋσα ν, κ τ λ . , 4 4 a 8 κ α ί διά δή τ α ύ τ α π ά ν τα τ ά π α θ ή μ α τα νυν κ α τ ’ άρχάς τ ε ά νους ψυχή
γ ίγ ν ε τ α ι τ 4 π ρ ώ τ ο ν , ότα ν ε ις σ ώ μ α ένδ εθή θ νη τόν . S u r c e d e r n ie r p a s s a g e , c f . P k o c i ..
in Tim., I I I , p . 348. 6 s s . ( d é jà L é v ê q u e , p . 638, n . 6) : « C ’e s t ic i l a c o n c l u s io n
d e t o u t c e q u i a é t é d i t s u r l ’in c o r p o r a t i o n d e s â m e s , e t q u i a p e r m is à P l a t o n do
d é c o u v r ir les c a u s e s d e le u r a g i t a t i o n , d u t r o u b le q u i r é s u l t e p o u r e lle s d e l a
g é n é r a t i o n , e t e n f i n d e l ’é t a t d e f o lie c o n g é n it a l a u x t o u t p e t i t s . D ’o ù e n c o r e
c e t t e c o n c l u s i o n é v i d e n t e : a u x y e u x d e P l a t o n , l ’ â m e r a is o n n a b le e s t p r é s e n t e
a u s s i c h e z le s e n f a n t s b ie n q u ’e lle y s o i t e n c h a î n é e e t i n a c t i v e p u is q u e d o m in é e
p a r le s p u i s s a n c e s i r r a t i o n n e l l e s , e t c e n ’e s t p a s p lu s ta r d q u ’e lle v ie n t s ’ a jo u t e r
a u v i v a n t , c o m m e c e r t a i n s le p e n s e n t . C a r il a m o n t r é p o u r q u o i, b ie n q u e
p r é s e n t e , l a r a i s o n n ’ e s t p a s p r é s e n t e e t , t i r a n t l a c o n c l u s io n , il a d it q u e , p a r
c e s c a u s e s , l ’ â m e d e v ie n t f o lle e t d è s le p r in c ip e , q u a n d e lle a é t é lié e a u c o r p s ,
e t m a i n t e n a n t : q u e lle d if f é r e n c e en e f f e t e n t r e la j u v é n i l i t é d u e à l ’ â g e e t c e lle
q u i t i e n t a u g e n r e d e v ie ? T o u t d e m ê m e d o n c q u e , c h e z c e u x d e s a d u lt e s q u i
m è n e n t u n e v i e f o lle , l a r a is o n , b ie n q u e p r é s e n t e , d e m e u r e i n a c t i v e (ή σ υ χ ά ζε ι :
c p . J a m b l . μή έ ν ερ γ εϊν τή ν οΐκεία ν έν έρ γ εια ν , ά λ λ ’ή σ υ χ ά ζ ε ιν ), d e m ê m e a u s s i, c h e z
le s t o u t p e t i t s , l a r a is o n e s t p r é s e n t e , b ie n q u e , d o m in é e p a r la f o lie , e lle r e s l e
i n a c t i v e ». V o i r a u s s i P l o t . I 1 , 11 .
(3) W achsm uth supprime περί τού νοϋ, sans raisons suffisantes à mon sens.
(4) On retrouve ici la distinction, classique chez Aristote (de an. III 5),
entre le νους παθητικός intimement lié à l’âme, présent dans l’être humain dès le
premier moment de l’animation, et le \ -ΰς ποιητικός. Le premier est destiné à
périr, avec l’âme elle-même, en même temps que l’être humain (6 δέ παθητικός
νους φθαρτός 430 a 24). Le second, étant de sa nature χωριστός καί άπαθής καί αμι­
γής, puisqu’il est pure activité (τή ούσία ών ενέργεια 430a18),jou itseu ld e l’immor­
talité, ou pîutôt de l’éternité (χωρισθείς δ’έσνΐμόνοντοΰθ’όπερ έστί, καί τοϋτο μόνον
αθάνατον και άίδιον 430 a 22). — Peur le νους θύραθεν, cf. A r i s t . Gen. A n . II 3,

APPENDICE I 199

En revanche, beaucoup des P latoniciens eux-mêmes (1)


font entrer l’intellect lui aussi avec l’âme dès le premier moment
où celle-ci pénètre dans le corps, et, selon eux, il n’y a absolu­
ment pas de différence entre l’âme elle-même d’une part et
15 d’autre part | son intellect.

149.36 < 3 > . S ur les activités de l ’ ame (2)


370.14 W.
Qui donc n’a pas entendu parler de la doctrine P éripa té ­
ticienne selon qui l’âme, tout en étant immobile, est cause de

736 b 28 τόν νοϋν μόνον θύραθεν έπεισιέναι (voir aussi 6, 744 6 21). — Les expres­
sions ό κατά δύναμιν νους et ή κατ’ένέργειαν νόησις (Jambl. 318.10/11) correspondent
à la distinction aristotélicienne usuelle τό δυνάμει βν ~ τό ένεργεία (έντελεχεία ) Sv,
où δυνάμει et ένεργεί? sont parfois remplacées, chez Aristote même, par κατά
δύναμιν, κατ’ένέργειαν (έντελέχειαν), cf. Mita. Δ 11, 1019 a 6, Θ 1, 1045 b 33, de
an. III 5, 430 a 20, 7, 431 a 1 ή κατ’ένέργειαν έπιστήμη..., ή δέ κατά δύναμιν,
431 b 17 δ νους δ κατ’ένίργειαν. — Dans son de anima, Alexandre d’Aphrodise
offre un bon parallèle du morceau de Jamblique sur les Περιπατητικοί, cf.
p. 81. 22 ss. Bruns : « L ’intellect en puissance, que nous possédons dès la
naissance,... est appelé intellect matériel (υλικός νους) et il est réellement tel
(car tout ce qui est réceptif d’autre chose est matière eu égard à cette autre
chose), l’autre intellect, qui s’acquiert par l’enseignement et l’usage, est la
forme et le perfectionnement (έντελέχεια) du précédent ». (Cf. ib., p. 81.
13 : « L ’homme ne possède pas dès la naissance l’usage habituel [έξιν] de l’intel­
lect en acte, il n’a qu’une capacité, une convenance [έπιτηδειότητα] à le recevoir,
mais ce n’est que plus tara qu’il l’acquiert... En effet, tout ce qui contribue
au bien-vivre [par opposition au vivre tout court] vient en surplus chez ceux
qui ont achevé leur croissance [τελειουμένοις]..., car le bon état n’apparaît qu’en
ce qui est achevé [ένγάρ τφ τελείω τό εύ] » et cf. Jambl. p. 318.9 παραγίγνεοθαι...
όφιαίτατα, έπειδάν τε λ είω θ η μέν δ κατά δύναμιν νους, έ π ιτη δ είω ς δέ μετέχη τής
κατ’ενέργειαν νοήσεως). Ρ. 81. 26 Br. : « L ’intellect naturel e t matériel est présent
chez tous les êtres jouissant de l’intégrité de leurs facultés, différent d’ailleurs
selon que les gens sont plus ou moins doués (c’est en vertu de eet intellect
que nous disons tout homme intelligent), l’intellect acquis et qui vient plus
tard, qui est la forme, l’usage habituel et l’accomplissement de l’intellect
naturel, n’est plus présent en tous, mais seulement en ceux qui se sont exercés
et qui ont appris, de la même manière qu’il en va pour les sciences ». (Ceci
n’est pas exactement la doctrine d’Aristote, pour qui le νους ποιητικός est
requis pour tout acte de connaissance intellectuelle, donc nécessairement présent
en tous : la doctrine d’Aristote est mieux exposée dans le de an. libri mantisse.,
p. 110. 4 ss. [d’après Aristoclès?]). Pour le νοϋς θύραθεν, voir aussi Alexandre, de
an., p. 90. 19 ss. Br.
(1) αύτών των Πλατωνικών, sans doute pour opposer les Platoniciens authen­
tiques au platonisme adultéré des Péripatéticiens. Ces Platoniciens sont Plo-
tin, Amélius, Porphyre (et déjà Nuinênius) dont il a été question tupra 365.
14 ss., selon lesquels voû... ούδέν ή ψυχή διενήνοχε, et contre lesquels s’insurge
Jamblique : cf. Notecompl. III, p. 252.
(2) Malgré ce qu’on pourrait entendre, il ne s’agit pas ici d’une distinction au
sens aristotélicien entre puissances virtuelles (p. ex. la puissance de lire) et puis­
sances en acte (p. ex. l’acte même de lire), cf. supra, p. 190, n. 1. Le problème que
pose ici Jamblique est de savoir si toutes les puissances du corps animé dépen­
dent, comme le veut Aristote, de la seule âme noétique entéléchie du composé,
ou si, comme l’entend Platon, il faut distinguer deux sortes de puissances, les
unes propres à l’âme seule, les autres appartenant au composé entier. L ’accent
de ferveur des lignes 371. 18-22 donne à croire que c ’est à cette seconde solu­
tion que Jamblique se range.
200 LA RÉVÉLATION "D’HERMÈS TRISM ÉGISTE

mouvement (1>? Si en vérité, au surplus, l’immobile est


inactif (2), c’est aussi la partie inactive de l’âme qui sera
20 pourvoyeuse des activités. Si en outre, | comme certains le
disent, Γ « acte » (3) est fin, lien, unification et cause stable
des mouvements, et si l’entéléchie immobile de l ’âme, dont
parle Aristote, inclut dans sa compréhension cet « acte » (4),
c’est de Γ« acte » le plus parfait (5) que jaillira la force cau-
25 sative qui se manifeste dans les opérations particulières | des
vivants. Maintenant, selon P laton du moins, il s’en faut bien
que cette force causative soit identique à l’essence et à la vie
congénitales de l’âme. Sans doute, de toute évidence, on l’ac­
corde au vivant commun (6); mais puisque, avec cette force
28 causative, il y a concomitance de changement, |division, exten-
371 VV. sion corporelle, distension | dans le temps et l’espace, toutes
choses dont aucune ne se trouve dans la vie incorporelle prise
en elle-même, il en résulte manifestement cette nouvelle consé­
quence que, selon Platon, aucun des mouvements du composé
5 animé n’est propre à l’âme elle-même. Ainsi donc, | de même
que, pour lui, la vie a été reconnue double (7), l’une indépen-

(1) C f. A .
rist de an. 1 3 , 4 0 6 b 2 4 δ λ ω ς δ’ ούχ ο ύ τ ω ( s c . l ’à m e m e u t le c o r p s
d u m ê m e m o u v e m e n t d o n t e lle s e m e u t, c f . 4 0 6 b 1 5 s s .) φ α ίν ετα ι κιν εϊν ή ψ υχή τ ό
ζ ω ο ν , ά λ λ α δ ιά π ρ ο α ιρ έ σ εώ ς τίν ο ς κ α ί ν ο ή σ ε ω ς , e x p l i c i t é I I I 1 0 , 4 3 3 a 9 s s . φ α ίν ετα ι
δε γ ε δύο τ α ύ τ α < ζ τ ά 7 > κιν ο ϋν τα , ή δ ρ εξις ή νους (la φ α ν τα σ ία é t a n t u n e s o r t e d e ν ό η σ ις ).
(2) ά ν εν ερ γ η τό ν έ σ τ ι τ ο α κίνη το ν 3 7 0 . 1 8 . C e c i n e p e u t ê t r e e n t e n d u a u s e n s
a r i s t o t é l i c i e n p u i s q u e , p o u r A r i s t o t e , l ’â m e i n t e l l e c t i v e έ ν έρ γ εια d u v i v a n t , b ie n
q u ’ im m o b ile ( c f . n o t e p r é c é d e n t e ) , e s t n é c e s s a ir e m e n t a c t i v e . L a p e n s é e e t
l ’ a p p é t i t i o n s o n t d e s έν έρ γ εια ι. A u s s i b i e n " A c t e P u r im m o b ile e s t u n e P e n s é e
q u i s e p e n s e , ά νεν έρ γ η το ν (q u i d ’a ill e u r s , a b s e n t d ’A r i s t o t e , e s t u n m o t h e l lé n i s ­
t i q u e , c f . C . H . I 2 5 ) d o it d o n c ê t r e p r is ic i a u s e n s o ù t o u t e a c t i v i t é s e r a m è n e r a i t
à u n m o u v e m e n t : d a n s c e t t e a c c e p t i o n il e s t v r a i d e d ir e q u e l ’ à m e i n t e l -
l e c t i v e ε ν έ ρ γ ε ια , é t a n t im m o b ile , e s t a u s s i i n a c t i v e .
(3) I c i l ’à m e έν έ ρ γ ε ια c o n ç u e c o m m e τ έ λ ο ς ( p e r f e c tio n ) d e l 'ê t r e q u ’e lle a n im e
d o it s û r e m e n t s e tr a d u i r e p a r « a c t e », a u s e n s t e c h n i q u e d ’ A r is t o t e .
(4) ί ’ έ ν τ ε λ έ χ ε ια , o u p e r f e c t io n r é a lis é e , d ’ u n ê t r e im p liq u e n é c e s s a ir e m e n t
1’έν έρ γ εια o u a c t u a l i s a t i o n d e c e t t e p e r f e c t io n , c f . Mêla. H 3 , 1 0 4 7 a 3 0 έλ ή λ υ θ ε
δ’ ή έν έ ρ γ ε ια το ϋ ν ο μ α , ή π ρ ό ς τή ν έν τ ε λ έ χ ε ια ν σ υ ν τιθ εμ έν η , 8 , 1 0 5 0 a 21 το γά ρ
έργον τ έ λ ο ς , ή δ έ έ ν έρ γ εια τό δργον, διό κ α ί του ν ο μ α έν έρ γ εια λ έ γ ε τ α ι κ α τά το έργον
κ α ί σ υ ν τείν ει π ρ ο ς τ ή ν ε ν τ ελ έχ εια ν .
(5 ) A p r è s ά π ό τ η ς τ ε λ ε ιό τ α τ η ς έν ερ γ εία ς π ρ ο ϊο ϋ σ α 3 7 0 . 2 3 , le s M S S . p o r t e n t
ά π ό τ ή ς ψ υ χ ή ς q u e H e e r e n a e u r a is o n , s e m b l e - t - i l , d ’e x c l u r e c o m m e u n e g lo s e ,
d ’ a ill e u r s i n c o r r e c t e , p u is q u e l ’e n t é lé c h ie i m m o b ile d e P â m e e s t p r o p r e m e n t le
ν ο υ ς. S i J a m b i i q u e , a p r è s A r i s t o t e , p e u t d ir e q u e c e t a c t e le p lu s p a r f a it e s t c a u s e
d e s o p é r a t i o n s d a n s le s v i v a n t s (y c o m p r is , a p p a r e m m e n t , le s a n i m a u x ) , c ’ e s t
d a n s le s e n s o ù A r i s t o t e é c r it lu i - m ê m e de an. I I I 1 0 , 4 3 3 a 9 zi τ ις τή ν φ αντα σία ν
τ ιθ ε ίη ώ ς ν ό η σ ίν τιν α : o r la φαντασία a p p a r t i e n t , s in o n à t o u s , d u m o in s à l a p lu ­
p a r t d e s a n i m a u x , de an. I I I 3 , 4 2 8 a 21 s s .
(6) τ ό κ οιν όν = l ’ ê t r e c o m m u n , le c o m p o s é d e c o r p s e t d ’ â m e , c f . 3 6 8 . 2
το υ κ ο ιν ο ύ ... ζ ώ ο υ , 3 6 8 . 5 τ ω κ ο ιν φ ζψ<ρ, 3 6 8 . 9 ε ις τ ό κοινόν ζω ο ν , 3 6 8 . 11 τό δλον
ζω ο ν , 3 7 4 . 1 2 ε ϊ θ ’ ο ΰ τ ω ς ε ις τ ό κοινόν δίδ ω σιν.
(7) C f. 3 6 8 . 3 καΟ’ ο ΰ ς μεν ή ψ υχή δ ιτ τ ή ν ζω ή ν ζ ή , καΟ’α ύ τή ν τ ε κ α ί μ ε τ ά το υ
σώ μ ατος.
APPENDICE I 201

dante du corps, l’autre se communiquant aussi au corps, ainsi de


même, parmi les opérations, les unes seront propres à l’âme, les
autres communes et à l’âme et à l’être animé. De celles-ci, les
unes jaillissent immédiatement (1) de l ’âme même, d’autres
10 sont excitées par les affections du corps, d’autres | sont mises
en mouvement, à parts égales, par le corps et l’âme : toutes ont
leur impulsion originelle dans l’âme comme en leur cause. Tout
de même que, alors que la motion du navire est due en commun
au pilote et au vent (2), si les autres causes sont telles que (3)
sans elles le mouvement ne se produirait pas, encore est-il que
15 le pilote et le vent contiennent en eux |la cause la plus essen­
tielle de la motion, ainsi en vérité l’âme se sert elle-même du
corps entier et en gouverne les actes, tenant solidement (4) le
corps comme un instrument ou un support : mais elle n ’en
possède pas moins aussi par elle-même des mouvements propres,
tous ces mouvements qui, se libérant (5) du composé animé et
20 isolés en eux-mêmes, |produisent les formes de vie qui sont selon
l’essence de l’âme, comme par exemple celles de l’enthou­
siasme (6) et des intellections immatérielles et, bref, de toutes

(1) προχατάρχοντα (371.8) est un terme stoïcien, cf. les προκαταρκτικά αίτια,
St. V. F ., II, p. 119. 45 τών αιτίων τά μόν προκαταρκτικά, τά Si συνεκτικά, τά St
σύνεργά, τά Si ών ούκ άνευ. προκαταρκτικά μέν τά πρώτως άφορμήν παρεχόμενα εις
τό γίγνεσθαι τι, καθάπερ τό κάλλος τοϊς άκολάστοις του ϊρωτος’ όφθέν γάρ αύτοΐς τήν
έρωτικήν 8ιάθεσιν ίμποιεϊ μέν, ού μήν κατηναγκασμένως- συνεκτικά 8έ κτλ. Voir aussi
ib. Index, s. v. προκαταρκτικός.
(2 ) τής κατά τήν ναϋν φοράς κοινής οΰσης πρός τόν κυβερνήτην καί τόν άνεμον (371.
11 s.). 11 y a l’article (τήν) parce que la comparaison est bien connue, cf. infra
382. 2- 4 et p. 227, n. 1 ad loc. (voir aussi ib., n. 3 fin), πρός va avec κοινής. Sur
cette construction κοινός πρός τι, cf. t'n/ra382. 21 s. κοινήν πολιτείαν τών... ψυχών
πρός τούς θεούς, J ambl . de myst. V 7 (p. 208. 1 ss. P.) ού γάρ èv τή φύσει καί ταις
φυσικαΐς άνάγκαις ή τών θεών κεϊται ούσία..., άλλ’ όξω τούτων καθ’ έαυτήν ώρισται,
ού8έν ίχο υ σ α πρός αύτά κοινόν. L . S. J . (s. ν. κοινός 1) citent encore Anth.
Pal. X I 141, Corp. Pap. Rain. 22. 11 (il· s. ap. J.-C .).
(3) τοιαΰτά έστιν, ώς (371. 13), où ώς = ώστε, cf. Bl.-Debr. J 391, 1.
Pour τοιοϋτος ώστε, cf. P lat., Banq. 175 d 5 εδ Sv ίχοι... cl τοιοϋτον εϊη ή σοφία
ώστ’ έκ τού πληρεστίρου είς τό κενώτερον βεϊν.
(4) On attend sans doute κρατούσα (proposé par Usener), mais περιέχουσα
ne semble pas impossible. D’une part, l’âme enveloppe le corps (P lat . Tim,
36 e 3, Corp. H erm. X 11, p. 1 1 8 .1 8 , X I 4, p. 148.25, etc.). D’autre p artπεριέχειν
est employé dans le même sens infra 380.25 ot τε... όλόκληρα τά ε18η τής
ψυχής περιίχοντες. — όχημα (371.17) = « support » OU « véhicule », cf. infra,
p. 206, n. 2. Pour le corps όργανον, cf. Arist. de an II 1.
(5) όσαι paraît se rapporter tout naturellement à l’antécédent immédiat
κινήσεις. Mais on pourrait aussi le rapporter au collectif ή ψυχή (sujet de ϊχει),
à l’égard duquel il marquerait une restriction (« pour autant que l’âme... »)
— J ’ai traduit άπολυόμεναι Heeren (άπολλυόμεναι F P άπολελυμέναι Meineke). —
Wachsmuth exclut άπόλυτοι (371.19) avec Meineke. Faut-il lire ακώλυτοι («sans
empêchement, librement »)? — Pour le pluriel al ζωαί, cf. J ambl . Comm.
Math. 3, p. 13.11 F esta al τής ψυχής ζωαί καί δυνάμεις et souvent.
(6) ένθουσιασμός au sens grec, état où l’âme est possédée de Dieu. Pour la
suite, cp. J am bl . Protr. 10, p. 55. 26 Pist. μόνος γάρ πρός τήν φύσιν βλέπων ζή
202 LA RÉVÉLATION D’HERMÈS TRISMÉGISTE

ces belles pensées par lesquelles nous nous conjoignons aux dieux.
A coup sûr, c’est ce que n’accordent plus ceux du moins qui
tiennent l’âme pour corporelle, comme les S toïciens et une
25 foule d’autres : ni ceux qui |pensent que l’âme entre en combi­
naison avec le corps pour la génération, selon l’avis de la plu­
part des médecins ; ni ceux qui en font une excrescence |du corps,
existant en forme d’harmonie (1). Tous ceux-là en effet font
des mouvements de l ’âme des mouvements corporels.

< 4 > . S ur les actes de l ’ame (2)

Toutes les âmes donc accomplissent-elles les mêmes actes,


5 | ou bien ceux des âmes universelles (3) sont-ils plus parfaits,
ceux des autres âmes correspondant au rang approprié que
chacune d’entre elles a eu en partage? Selon ce que disent les
Stoïciens (4), unique est la raison, identique absolument
xal πρός το θειον, καί καϋάπερ αν εϊ κυβερνήτης τις αγαθός έξ αιδίων καί μονίμων άνα-
ψάμενος τοϋ βίου τάς άρχάς όρμεΐ (Vitelli : όρμά cocld., maintenu par B icnon e ,
L ’Aristotele perdulo, I, p. 85, n. 2) καί ζη καθ’ έαυτόν, sur quoi le Scholiaste du
MS. de Florence (p. 129.8 Pist.) observe : σύ τοιοϋτος καί ol κατά σέ, ένθουσιασ-
τικώτατε ’Ιάμβλιχε, έγώ δέ καί ίσοι έμοί τόν βίον δμοιοι ού τών άιδίων καί μονίμων
άνήψαμεν τοϋ βίου τάς άρχάς, τών 8è φθαρτών καί εύμεταπτώτων διό καί ζώμεν ούχ
ώς φιλόσοφοι, μάλλον δέ ούχ ώς άνθρωποι, άλλά βίον κτηνώδη καί χοίρειον.
(1) ουδέ ίσοι βλάστημα αυτήν άπό τών σωμάτων ποιοΰσιν έν αρμονίας εϊδει οδσαν
3 7 1 . 2 6 : c f . Plat. Phéd. 91 C 7 Σιμμίας μέν γάρ... φοβείται μήή ψυχή... τοϋ σώμα­
τος προαπολλύηται έν άρμονίας εϊδει ούσα. C’est la théorie des Pythagoriciens d u
Phédon, r e p r i s e par D ic é a r q u e , c f . supra p . 1 8 9 , n . 5 et le fr. 11 Wchrli ( N e m e s .,
de nat. hom., p p . 6 8 - 6 9 Matthaei) : Δικαίαρχος δέ άρμονίαν τών τεσσάρων στοιχείων
(SC. τήν ψυχήν είναι) άντί τοϋ κράσιν καί συμφωνίαν τών στοιχείων, οϋ γάρ τήν έκ τών
φθόγγων συνισταμένην, άλλά τήν έν τω σώματι θερμών καί ψυχρών καί ύγρών καί
ξηρών έναρμόνιον κράσιν καί σιμφωνίαν βούλεται λέγειν. δήλον δέ ίτι καί τούτων οί
μέν άλλοι τήν ψυχήν ουσίαν εϊναι λέγουσιν, Αριστοτέλης δέ καί Δικαίαρχος άνούσιον.
(2 ) Il ne s’agit pas, dans ce ch. 37, d’une nouvelle distinction, d’ailleurs
inouïe, entre opérations = ένέργειαι et actes = έργα (Aristote ne distingue
qu’entre puissances = δυνάμεις et opérations = ένέργειαι, cf. p. 1 9 0 , n. 1 ) , mais
Jamblique traite ici de divers problèmes relatifs aux opérations. (A ) 3 7 2 . 4 - 2 2 :
Les opérations sont-elles les mêmes pour toutes les espèces d’âmes, ou diffè­
rent-elles comme ces espèces? — (B) 3 7 2 . 2 3 - 3 7 4 . 2 0 : L ’âme se distingue-t-elle
de ses opérations? Toutes les opérations du composé reviennent-elles à l’âme
seule ou faut-il distinguer entre opérations propres â l’àme et opérations du
composé? Problème déjà abordé au ch. 3 6 . — (C) 3 7 4 . 2 1 - 3 7 5 . 2 8 : Rapports
entre les puissances (ou opérations) irrationnelles et les puissances ration­
nelles de l’âme. Digression, à ce propos, sur l’origine du mal pour l’âme.
(3) τά μέν τών ίλών (sc. ψυχών) 372. 5. Les ψ. ίλαι sont les âmes unies à la
ψ. τοϋ δλου, les ψ. μερισταί les âmes séparées de l’Ame universelle et jointes
à un corps qui est μέρος τοΰ όλου, cf. P rocl., in Tim. I, pp. 5.15, 380.26, etc.
On trouve aussi ψ. ίλική. Cf. E . R . D odds , Proclus, The Eléments of Theology,
pp. 294-296.
(4) Il n’est naturellement pas question d’âmes universelles, au pluriel,
chez les Stoïciens, mais la notion de l’unicité du Logos et de l’identité de l’intel-
lection chez tous les êtres pensants est bien connue. Pour la similitude de tou tes
les actions droites et vertus, cf. E . B r é h ie r , Chrysippe, pp. 243-248. Lévêque
(p. 642, n. 1) cite aussi S en. E p . 66.32 ratio rationi par est, sicut rectum recto:
ergo et virtus oirtuti: nihil enim a liu i est virtus quam recta ratio.
APPENDICE I 203

l’intellection, égales les actions droites, identiques les vertus


10 tan t des âmes particulières que des âmes universelles. | P lotin
et A mélius sont à quelque degré du même avis (parfois en effet
ils ne définissent pas l ’âme particulière comme distincte de
l’universelle, mais posent celle-ci comme ne faisant qu’un avec
la première) (1). Selon P orphyre en revanche, il semblerait
que les opérations de l’âme universelle fussent entièrement à
part de oe que fait l’âme particulière (2).
15 II pourrait y avoir aussi une autre opinion, qui ne serait pas
à rejeter (3) : classant les âmes par genres et espèces, elle ferait
la différence entre les actes parfaits des âmes universelles, les
actes purs et immatériels des âmes divines, les actes efficaces
des âmes démoniques, les actes valeureux des âmes héroïques,
les actes conformes à la nature mortelle (4) des âmes présentes
20 dans les animaux et |les hommes, et ainsi de suite pour le reste.
Ces questions ayant été bien définies, celles qui sont liées à ces
premières comporteront la même discrimination .
Les uns en effet, comme ils font s’étendre partout une âme qui
reste une et la même, soit quant au genre et à l’espèce selon
25 P lotin , [ soit aussi quant au nombre selon l’opinion d’une audace
juvénile qu’exprime à maintes reprises A m élius , diront que
l’âme se confond en tout avec les actes qu’elle accomplit (5).1

(1) Cf. par ex. P lot. IV 3,4.14 ε£ μή τις τύ μέν ΐν στήσειεν έφ’ έαυτοϋ μή
πΐπτον εις τύ σώμα, είτ’ έξ ¿κείνου τάς πάσας, τήν τε τοϋ όλου καί τάς άλλος, μέχρι
τινύς οΐον συνούσας καί μίαν τψ μηδενός τίνος γίνεσθαι κτλ. et, d’une façon générale,
E . B r é h ie r , La philosophie de Plotin, pp. 58 ss. Voir au surplus 365. 7 ss,
supra, p. 184.
(2) Sur les rapports, chez Porphyre, entre l’Ame universelle et les âmes
particulières, cf. Sententiae 37, pp. 31.17 ss. M. où toutefois on ne trouve rien
qui confirme la δόξα attribuée ici à Porphyre par Jamblique.
(3) C’est évidemment l’opinion de Jamblique. Lévêque (p. 642, n. 4)
renvoie au de myst., ch. 5-7. Voir au surplus P rocl ., in Tun., II, p. 213.8 ss.
(citéN ote compl. I in/ra), I I I , p. 245.19ss. : Proclus s’en prend à l’opinion des
modernes selon lesquels notre âme serait ισάξιος ou meme δμοούσιος à celle
des dieux. Bn vérité, il y a de grandes différences entre les diverses espèces
d’âmes, et non seulement quant aux activités, comme l’admet Plotin, mais
quant à l’essence. C’est contre cette doctrine des recentiores (déjà combattus
ib., p. 231.6 ss.) que Proclus est amené à mentionner les trois processions,
Cf. p. 245.27 ss. : ίστωσαν γάρ at μέν πρός τούς όλικούς όρώσαι νόας, at δέ πρύς τούς
μερικούς, καί at μέν άχρά ντο ις χρώμεναι νοήσεσιν, a t δέ άποστρεφόμεναί ποτέ τά
βντα,... καί a t μέν θ ε ΐα ι μόνον, a t δέ ε ις ά λλο τε άλλην μ εθ ισ τ ά μ ε ν α ι τάξι^ι,
δαιμονίαν ήρωίκήν άνθρωπίνην,... καί at μέν κατά πάσας άεΐ τάς έαυτών
ένεργοϋσαι δυνάμεις, at δέ άλλοτε άλλος προβάλλουσαι ζωάς. Ce passage semble
inspiré de Jamblique.
(4) θνητοειδή 372.20 : déjà P laton , Phéd. 86 a 8. Longue liste des composés
en -ειδής B uck-P e t e r s e n , pp. 703 ss. Voir aussi Chantraine , pp. 429, 431.
(5) Le problème est celui-ci : « Sommes-nous tout entiers dans chacun de
nos actes? » avec cette complication, introduite par l’hypothèse néoplato-
204 LA RÉVÉLATION D’HERMÈS TRISMÉGISTE

27 Les autres, par une |classification plus sûre, soutenant que c’est
373 YV. par une série de processions premières, | secondes, troisièmes,
que les différentes essences d’âmes vont toujours plus avant,
diront certes de la manière la plus absolue, tels qu’on doit se
représenter des gens qui entrent dans la discussion avec des
arguments nouveaux mais infaillibles (1), que les opérations
5 des âmes universelles, diviaes et immatérielles | aboutissent
aussi à l’essence (2), mais ils n’accorderont nullement que les
âmes particulières (3), comprises dans une seule espèce et distri­
buées dans les corps, se confondent d’emblée avec les actes
qu’elles accomplissent.
E h bien, appliquons aussi la même méthode aux démarches
10 d’une discrimination | apparentée à la précédente. Je dis donc
que les actes adhèrent naturellement aux puissances dans le
cas des âmes complètes en elles-mêmes, de nature simple (4) et

nicienne d’une Ame universelle présente de quelque façon dans tous les êtres
susceptibles de se voir attribuer une âme : « l’Ame universelle est-elle to ta­
lement présente dans chacune des activités de n’importe lequel vivant par­
ticulier? » D’après Jamblique, sous réserve de la nuance indiquée dans le
texte, Plotin et Amélius répondraient par raifirm ative (cf. Plot. IV 3, 1-8).
Jamblique lui-même distingue, selon les diverses processions d ’âmes qui se
font à partir de l’Ame universelle. Dans le cas des âmes les plus nobles, on peut
dire que chacune d’entre elles est tout entière dans chacun de ses actes :
essence de l’âme et opérations se confondent, dès lors que ces âmes ne sont
pas incorporées et que leur activité est donc toute simple, comme leur essence.
Dans le cas des âmes inférieures, comme les nôtres, cette identité n’est plus vraie.
L ’essence de l’âme déborde les opérations du vivant. Comme l’écrit M. Bréhier,
« notre moi, ce que nous sommes pour nous, n’est pas adéquat à notre âme »,
cf. Phil. de Plotin, p. 68, et le texte de Plotin (V 1, 12) cité ib., pp. 68-69.
(1) Cette incidente oblige, semble-t-il, à rapporter πάντως δήπου à έροϋσιν :
si on le rapporte à άποτελευτδν = « aboutissent aussi de la façon certes la plus
absolue à l’ essence ».
(2) καί εις ουσίαν άποτελευτίν 373.5. Ce καί est intéressant et semble
impliquer que les opérations des âmes parfaites non seulement commencent
à l’essence, mais encore s’y achèvent, c’est-à-dire, d’un mot, se confondent
avec l’essence. Les puissances, à partir de l’essence, font un cercle et finissent
là où elles commencent, cf. A rist . de caelo I 9, 279 b 1 πάντα γάρ παύεται
κινούμενα όταν έλθη είς τόν οίκεΐον τύπον, του δέ κύκλψ σώματος 4 αύτύς τύπος δθεν
ήρξατο καί είς δν τελευτά. Corp. Herm. I 11 (p. 10.8 N .-F.) άρχεται γάρ, οδ λήγει,
V ε τ τ . V al ., ρ. 331.24 k r. άρχύμενος δθεν έληξεν καί λήγων δθεν δρχεται, B asil ,
Hexnem. II 8 (49 C 7 ss.) τούτο Si κυκλικύν έστι τύ σχήμα, άς>’ έαυτοϋ δρχεσθαι καί
είς έαυτύ καταλήγειν' β δή καί τού αίώνος Ιδιον κτλ. J oh. L y d . de mens. III 4 (p. 39.4
Wuensch) ταύτη κυκλικύν ύνομάζεται σχήμα, άφ’ έαυτοϋ άρχύμενον καί είς έαυτύ
καταλήγον, δ δή ίδιον τού χρύνου είς έαυτύν άναστρέφοντος καί μηδαμού κρατουμένου
(la source de ces deux derniers textes serait peut-être Posidonius selon Gronau,
op. cit., pp. 40-41). Voir aussi E . R. D odds , Proclus, El. Theol., pp. 128.22 ss.,
130.11 ss. et la note p. 277 (ad prop. 146).
(3) τά Si τών μεριστών (373.5) est une simple périphrase pour αί μερισταί
(sc. ψυχαί). C’est bien des âmes qu’il s’agit (τά Si ne peut se rapporter à ένεργή-
ματα 373.4), comme le prouvent et le contexte et le pluriel ένεργοϋσι. On
retrouvera le même tour plus loin, cf. p. 206, n. 1.
(4) μονοειδών 373.12. Ce mot de formation platonicienne (v. gr. Pkéd.
78 d 5 μονοειδές δν αύτύ καθ’αύτύ) revient souvent chez Jamblique, cf. Comm.
APPENDICE I 20 5

séparées de la matière (c’est bien ainsi que doit s’exprimer le


présent système nouvellement inventé) (1), et que ces actes,
dans le cas des âmes imparfaites et disséminées chacune à part |
15 sur la terre, ressemblent à l’action par laquelle les plantes pro­
duisent leurs fruits. E n outre, il faut se représenter que, si les
S toïciens communiquent indistinctement toutes les activités
de l’âme quelle qu’elle soit à la partie gouvernée (2) et ina­
nimée, l’école de P laton ne les communique pas toutes à cette
partie. Il y a en effet certaines puissances de l’âme qui sont
20 liées au corps comme à une matière, ainsi la puissance ( sensitive
et l’appétitive, et il y en a de plus pures qui ne se servent aucu­
nement du corps, ainsi la puissance intellective : or donc, quant
aux actes des puissances corporelles, P laton ne les dit pas liés
aux corps essentiellement, c’est seulement par conversion (3) que,
selon lui, ils ont communication avec le corps ; quant aux actes
25 des puissances séparées, il les dit entièrement affranchis | de
toute tendance vers le corps. Concluons donc aussi que les actes
des âmes universelles et plus divines n’ont pas de communi­
cation avec le corps à cause de la pureté d’essence de ces derniè­
res, mais que ceux des âmes immergées dans la matière et
particulières ne sont plus libres de souillures au même degré :
ceux des âmes qui montent et qui se délivrent de la génération
30 sont pour le | reste désengagés des corps, ceux des âmes qui
374 W. descendent sont entrelacés | et entremêlés aux corps de plus

Malh. 19, p. 64.11 F . : la science mathématique examine ού μδνον τάς ποικίλας


κινήσεις των σφαιρών, άλλά καί τάς μονοειδεϊς αύτών, ib. 7, ρ . 30.7 F . : les objets
des mathématiques ne sont pas μονοειδή (répété in N ie. arithm., p. 8.8 Pist.),
ib. 10, p. 42.26 F . : l’âme μονοειδώς παρούσα aux objets mathématiques, etc.
(1) C’est bien toujours de l’opinion personnelle de Jamblique qu’il s’agit.
(2) τά βιοικούμενα καί άψυχα (373.17) ne peut désigner ici les plantes, qui
aussi bien ne sont pas gouvernées par Î’âme, mais par la φύσις (St. V. F ., Il,
n0· 708-712, 714-716; Bréhier, Chrysippe, pp. 161-162, 165), et dont on ne
saurait dire sans absurdité qu’elles possèdent toutes les activités de toute
âme quelle qu’elle soit. L a suite (είναι μέν γάρ κτλ. 373.18) montre évidemment
qu’il s’agit du corps, par lui-même άφυχον et gouverné par l’âme. On a donc
ici la même doctrine que supra 368.6 ss. C’est ce qu’a bien vu v. Amim qui,
dans les St. V. F ., joint ces deux passages (II, n»· 825 et 826).
(3) κατ’ έπιστροφήν 373.23. Sc. par conversion vers les choses sensibles ;
cl. 374.8, P lot . IV, 3, 4.21 ss. καί τήν μέν τοϋ παντδ; (ψυχήν) άεΐ ύπερέχειν τφ
μηδέ είναι αύτή τό καπελθεΐν... μηδέ έπιστροφήν < π ρ δ ς > τά τήδε, τάς δ" ήμετέρας
< ούκ άεΙ>τφ τε είναι άφωρισμένον αΰταΐς τδ μέρος έν τψδε καί τή έπιστροφή του
προσδεομένου φροντίσεως, Ρ οβρη . Sent. 7 ,ρ .2 . 6 Μ. ψυχή καταδεΐται πρδς τδ σώμα
τή έπιστροφή 'τή πρδς τά πάθη τά άπ’ αύτοϋ καί λύεται δέ πάλιν διά της άπ’ αύτοΰ
άπαθείας (voir aussi Sent. 30). L a même idée est souvent exprimée aussi par le
terme νεύσις, v. gr. P lot . III 6, 5.23 ss. toü Si παθητικού ή κάθαρσις... τδ δέ
χωρίζεσθαι τή μή πολλή νεύσει καί τή περί τά κάτω μή φαντασία. Pour l’histoire
de στροφή, έπιστροφή ci. Ε . R . D odds , Proclus, E l. Theol., p. 218.
206 LA RÉVÉLATION D’HERMÈS TRISMÉGISTE

d’une manière. Les âmes (1) qui ont pour support (2) des
corps pneumatiques (3) de nature toujours identique à elle-
même (4), et qui, par le moyen de ces corps (5), exécutent
aisément ce qu’elles ont décidé de faire (6), n’ont pas de peine
à produire, dès le début, leurs actes; mais les âmes ensemen-
5 cées | dans des corps plus solides et emprisonnées en eux sont
remplies, d’une façon ou de l’autre, de la nature de ces
corps. De plus, les âmes universelles convertissent vers elles
les choses gouvernées; en revanche les âmes particulières se
convertissent elles-mêmes vers les objets dont elles ont la
charge (7).
Reprenant maintenant la discrimination des actes d’après un
10 nouveau point de départ, |nous voyons que la doctrine P éripa ­
téticien n e met en principe que les actes de l’âme n ’appar­
tiennent qu’au vivant et au composé. [P laton commence par
rapporter les actes premièrement à l’âme, puis, cela fait, il les
accorde aussi au vivant commun] (8). P laton et P ytha -

(1) Dans la phrase précédente, les deux τά μέν... τά δέ se rapportent


nécessairement à ϊργα (373.26). Ici il ne peut plus s’agir des ϊργα : car, d’une
part, on ne peut dire que les ϊργα έκφαίνει τά σφών ϊρ γ α (374.4); d’autre
part, la suite τάδέτοΐς... σώμασιν ένσπειρόμενα καί κατεχύμενα έν αύτοΐς (374.4/5)
concerne manifestement les âmes. On doit donc prendre τά μέν τών έποχουμέ-
των (sc. ψυχών) comme une périphrase désignant les âmes, cf. τά τής τύχης = ή
τύχη et autres expressions semblables. Même tour déjà supra, p. 204, n. 3.
(2) Support du véhicule (έποχουμένων 374.2). Sur cette doctrine de Ι’ύχημα,
cf. Corp. Herm. X 13 (119.6) ψυχή δέ άνθρώπου όχεϊται τόν τρύπον τούτον... ή
ψυχή έν τώ πνεύματι et la n. 48 ad loc. Corps βχημα déjà supra 371.17, v. infra
382.4.
(3) C’est sûrement le sens, ici, de τοΐς πνεύμασι (374.2). Sur cette doctrine,
cf. l’édition de E . R . Dodds de Proclus, The Eléments of Tkeology, appendice
II, pp. 313-321.
(4) αΰτοειδέσι (374.2). Le mot parait déjà chez Marc-Aurèle, 11.12 σφαίρα
ψυχής αύτοςιδής, δταν μήτε έκτείνηται έπί τι μήτε ϊσω συντρέχη μήτε σπειρηται μήτε
συνιζάνη (quand ni elle ne s’étend vers l’extérieur ni ne se contracte sur elle-
même ni ne s’éparpille ni ne s’affaisse), άλλά φωτί λάμπηται ω τήν άλήθειαν όρά
τήν πάντων καί τήν έν αύτή.
(5) Garder δι’ αυτών (F P : βι’ αύτών Wachsmuth). C’est parce que ces
corps gardent toujours la même nature que l’âme peut agir librement par
leur 'entremise.
(6) Garder Ιλωσιν (F P : θέλωσιν Usener).
(7) Cf. (avec Lévêque, p. 643, n. 3) P orph . Sent. 30, p. 16.8 Μ. ώσβ’ ή μέν
τελειύτης άφίστησι τά πρύτερα άπύ τών δευτέρων, τηρούσα αύτά έπεστραμμένα πρύς
τά πρώτα, τύ δέ άτελές στρέφει καί πρύς τά ύστερα τά πρώτα καί φιλεΐν ταϋτα ποιεί
τών πρύ αύτών άποστραφέντα. Cf. aussi infra 3 7 9 .1 8 καί at μέν τών θεών (SC. ψυχαί)
θεία σώματα... έπιστρέφουσι πρύς τήν έαυτών νοεράν ούσίαν.
(8) Usener a eu raison, semble-t-il, de supprimer cette phrase Πλάτων...
δίδωσιν comme étant un résumé de la suivante, dû à un « lecteur instruit ».
De fait, après ψυχής (fin de la phrase précédente, 374.11), les MSS. ont une
clausula, et P ajoute le lemma Πλάτωνος évidemment ajouté par un lecteur.
De plus, la répétition προτάττει... προτάττοντες serait gauche et peu dans
la manière de Jamblique, qui varie ses tours. Enfin, si le sens de προτάττοντες
APPENDICE I

gore (1), plaçant au premier rang l’essence de l’âme comme


15 étant merveilleusement excellente | et génératrice de la vie
végétative, enseignent que ses actes ont plus de valeur et de prix
que la vie végétative (2); en outre, ils ne font pas dériver l’âme
de l’âme végétative, mais tiennent que l’âme, dérivée d’elle-même
et attachée à elle-même, dirige ses propres activités, et, tout
ce qu’il y a dans l’âme de mouvements beaux et nobles qui
20 l’emportent sur la vie végétative par eux-mêmes, ils |le mettent
à un rang plus élevé (3).
Au surplus, parmi les P latoniciens eux-mêmes, il y a beau­
coup de dissensions, ceux-ci ramenant à un seul système et à
une seule forme les espèces et les parties de la vie (4) ainsi que

est clair, celui de προτάττει ne l’est pas et semble peu grec. Ajoutons au sur­
plus que cette phrase e .t faite de centons. Pour τό κοινόν (374.12), cf. supra,
p. 200, n. 6. Pour διδόναι εις, cf. 368.8 ή δούσης δλην τήν έαυτής ζωήν εις τό
κοινόν ζώον, 370.27 δίδοται μέν εις τό κοινόν.
(1) Même alliance 365.4 τών Πλατωνικών καί Πυθαγορείων, 3G6.6 δ τε Πλάτων
καί δ Πυθαγόρας, 368.5 κατά Πλάτωνα καί Πυθαγόραν, 369.9 οί δε κερί Πλάτωνα
καί Άρχύτας καί οί λοιποί Πυθαγόρειοι. On notera que, dans tous ces cas,
Platon vient d’abord. C’est en effet que ou ces traditions sur Pythagore ne
datent que de l’Ancienne Académie, ou il s’agit de Pythagoriciens contem­
porains de ΓAncienne Académie, cf. Rev. Et. Gr., L V III, 1945, p. 11, n. 5.
(2) φύσις = ici τό φυτικόν, le principe de la vie végétative. — Pour πρό
pléonastique avec un comparatif (πρεσβυτέρα...πρό τής φύσεως 374.15), cf. supra,
363.13 πρό τών...στοιχείων στοιχειωδέστερα et ρ. 178, η. 3.
(3) ύπερέχοντα καθ’ αυτά έξαίρουσιν (374.19/20) F P . Ou, en lisant έξαιροϋσιν
(Wachsmuth) et en rapportant καθ’αύτά à ce verbe : « ils les mettent à part
isolés en eux-mêmes ».
(4) είς μίαν σύνταξιν και μίαν ιδέαν τά είδη... τής ζωής... συνάγοντες 374.22 : cf.
supra 367.11 : Πλάτων...συμφύτους αύτάς (sc. τάς δυνάμεις) καί κατά μίαν
Ιδέαν συνυφεστηκέναι λέγει. Peut-être ίδέα — « classe, catégorie ». — Vie végé­
tative (nutrition et croissance), vie animale (sensibilité et motricité), vie
humaine (raison) constituent des espèces ou parties de la vie depuis Aristote,
v. gr. de an. II 3, 414 b 28 ss. Mais je pense que les parties de la vie ici en
question, dont il est dit plus loin qu’elles sont en désaccord ou ramenées à
l’accord, son t la vie irrationnelle et la vie raisonnable, le παθητικόν et le λογιστικόν.
Cette division binaire est attribuée à Platon (au lieu de la division trinaire)
dès les Magna Moralia (I 1,1182 a 24 Πλάτων διείλετο τήν ψυχήν είςτε τό λόγον
ϊχον καί είς τό άλογον όρθώς), elle a été reprise par les manuels platoniciens du
n e s., v. gr. par Albinus qui insiste sur la lutte entre les deux parties (Didask.
24, p. 176.35 H. έπειτά γε μήν έτερα δντα τή φύσει τό τε παθητικόν καί τό λογισ­
τικόν καί τόποις όφείλει κεχωρίσθαι. εύρίσκεται γάρ μαχόμενα άλλήλοις, οΰτε αύτοδ
τινός πρός αυτό μάχεσθαι δυναμένου οΰτε τών έναντιουμένων πρός άλληλα περί τό
αύτό κατά τόν αύτόν χρόνον δυναμένων συστήναι : sur ce texte, cf. E . R. W lTT,
Albinus, pp. 80-81), on la retrouve enfin dans les extraits hermétiques de
Stobée E xc. II B 5 4-6 (I, p. 274.4 ss. W.) χαλεπή δέ (sc. όδός) ψυχή όδεϋσαι έν
σώματι οΰση. πρώτον μέν γάο αυτήν έαυτή πολεμήσαι δεϊ καί διάστασιν μεγάλην
ποιήσαι καί ύπό τού ένός μέρους πλεονεκτηθήναι. ένός γάρ γίγνεται πρός δύο (les
deux parties άλογα) ή σύστασις, του μέν φεύγοντος τών δέ καθελκόντων κάτω, καί
ίρις καί μάχη πολλή πρός άλληλα τούτων γίγνεται, κ.τ.λ. Cette doctrine de la lutte
entre les deux parties s’oppose évidemment à celle de l’unité du moi (identité
du νους et de Γαίσθησις) telle que la concevait le Stoïcisme (il est possible que la
réaction contre Chrysippe, avec citation des mêmes vers d’Euripide que
citait Chrysippe [cf. A l b i n , p. 177.5/6, 9 /1 0 ; G a l ie n de plac.Hipp. et Plat.
208 LA RÉVÉLATION D’HERMÈS TRISMÉG1STE

ses opérations, comme par exemple P lotin et P orphyre (1),


25 ceux-là | les alignant l’une contre l ’autre en lutte, comme
N uménius (2), d’autres les ram enant de la lutte à | l’har­
m onie, comme Atticus et P lutarque (3). Ces derniers disent

p. 382 Mü. = St. V . F . III p. 124.15; C h a l c id iu s in Tim. p. 183 W robel],


rem onte à Posidonius, cf. W i t t , l. c., p. 81), mais je ne vois pas com m ent
Jam blique peut dire qu’il y a eu dissensions sur ce point parmi les Platoni­
ciens, car c ’est là un locus classicus du platonisme.
(1) Sur l’unité des âmes chez Plotin, voir p. ex. IV 3, 1 à 8. Les âmes,
quel que soit leur rang, forment toutes un même systèm e, IV 3, 8. 17 άλλ’ cl
ποικίλον τό δλον σ ύ ν τα γ μ α αύταΐς (sc. ταις ψυχαϊς)..., εί δή τούτο, καί σ ύ ν τα ξίς
έστι (cp. είς μίαν σύνταξιν συνάγοντες Jam bl. 374.22), καί ού διέσπαστα: τα ίντα
δλως άπ’ άλλήλων, κ.τ.λ., IV 9, etc. Mais il semble que Jamblique confonde
ici deux problèmes : d’une part, l’unité de toutes les âmes en tan t que toutes
issues de l’Ame universelle et form ant à elles toutes un même systèm e; d’autre
p art, l’accord des diverses formes ou espèces ou parties de la vie dans un
mêm e individu humain. Or, sur ce point, Plotin maintient, avec toute la
tradition platonicienne, qu’il y a dans l’homme une « âme » supérieure et une
« âm e » inférieure, qu’elles peuvent entrer en désaccord, et qu’il appartient
à l’âm e supérieure de retenir, au besoin par la force, l’âme inférieure, cf. IV 3,
3 2 .10 τήν δέ (l’àme supérieure) δεϊ ασμένως λήθην έχειν έθέλειν τών παρά τής χεί-
ρονος. είη γάρ άν καί σπουδαίας οΰσης τής έτέρας τήν έ τέ ρ α ν τήν φύσιν χείρ ον α
ε ίν α ι κ α τ ε χ ο μ έ ν η ν ύπό τ ή ς έ τ έ ρ α ς β ί? . — Pour l’unité des âmes chez Por­
phyre, cf. Sent. 37, mais il faut faire la-m êm e remarque que ci-dessus.
(2) Selon Numénius, il y a dans le Monde deux Ames, l’une bonne, l’autre
m auvaise (la m atière), cf. test. 30 (Chalc. in Tim., c. 297), p. 94.6 Leemans :
Platonemque idem Numénius laudat, quod d u a s m u n di an im as autumet, unam
benefleientissimam, malignam alteram, scilicet silvam, quae licet incondite fluctuet,
tamen quia intimo proprioque motu movetur, vivat et anima convegetetur necesse
est, lege eorum omnium quae genuino motu moventur. De ces deux Ames cos­
miques, dérivent les deux âmes qui sont en nous, l’âme patibilis et l’âme
rationabilis, cf. ib., p. 94. 12 Leem. quae (sc. l’Ame mauvaise) quidem etiam
p a t i b i l i s animae partis, in qua est aliquid corpulentum mortaleque et corporis
simile (c’est le corps pneumatique dont l’ âme se revêt dans sa descente),
auctrix est et patrona, sicul r a t io n a b ilis animae pars auctore ulitur ratione ac
Deo. Si Chalcidius parle de deux parties de l’àm e, Porphyre (test. 36 L. = π.
τ.τ.ψ.δ. ap. Stob., I, p. 350.25) attribue bien à Numénius la doctrine de
deux âm es antagonistes en l'homme : άλλοι Si, ών καί Νουμήνιος, ού τρία μέρη
ψυχής μιας ή δύο γε, τό λογικόν καί άλογον, άλλά δύο ψυχάς έχειν ήμδς οΐονται,
ώσπερ καί άλλα, τήν μέν λογικήν, τήν δέ άλογον ών πάλιν ot μέν άμφω άθανάτους,
οΐ δέ κ.τ.λ.
(3) Pour Plutarque, cf. quaest. plalon., p. 1003 A, de procr. an. 5, p. 1014
B -C : « Én effet, ce qui a précédé la genèse du monde ordonné (κόσμος), ce fut
l’absence d ’ordre (άκοσμία), une absence d’ordre qui n’était pas l’absence
de corps, de mouvement et d’âm e, mais dont le principe corporel était informe
e t inconsistant et le principe m oteur instable et irrationnel. C’était la discor­
dance (άναρμοστία : cf. P lat. Pol. 273 d 1) de l’Ame privée de raison... Dieu n ’a
créé lui-même ni la tangibilité et la résistance (άντίτυπον : cf. P lat. T im . 62 c 1
άντιτυπώτατον) du Corps (du Monde), ni la faculté im aginative et m otrice
de l’A m e ; mais, ayant pris (παραλαβών : cf. Tim . 30 a 2 βσον ήν όρατόν παραλαβών)
ces deux principes, l’un opaque (άμυδρόν : cf. Tim. 49 a 4 άμυδρόν είδος = la
χώρα) et ténébreux, l’autre plein de trouble et dépourvu d’intelligence, tous
deux indéterminés et privés de la perfection qui leur convenait, il les a soumis
à l’ordre, à l’organisation et à l’harmonie pour en faire le V ivant le plus beau
et le plus achevé ». — Pour Plutarque e t A tticus (associés de même chez
Proclus), cf. Procl. in Tim., I, p. 381.26 ss. (sur Tim. 30 a 2 οΰτω δή παν ίσον ήν
όρατόν παραλαβών ούχ ήσυχίαν άγον... είς τάξιν αύτό ήγεν έκ τής άταξίας) ;
« P l u ta r q u e de Chéronée et A t t ic u s s’en tiennent confortablem ent à ces
APPENDICE I 209

que (1), alors que préexistent les mouvements irréguliers et désor­


donnés, surviennent par la suite les mouvements qui ordonnent et
5 règlent ces premiers, et, de ces deux ensembles, |ils tissent ainsi
la tram e de l’accord (les activités qui font descendre l’âme (2)
ayant pour cause, selon P lotin l ’altérité première (3), selon
E mpédocle la fuite loin de Dieu (4), selon Heraclite le
mots comme signifiant une génération temporelle du monde (cf. déjà ib., I,

{
)· 276.30 ss. « Plutarque et A tticus... ont entendu le m ot génération selon
e temps »). Ils disent donc que la m atière inordonnée préexiste à la généra­
tion, com m e préexiste aussi l’Ame m alfaisante qui m eut cette masse inor­
donnée. D ’où serait venu en effet le mouvement, si ce n’est de l’Am e? Puisque
le m ouvement est irrégulier, il vient donc d’une Ame sans règle... Mais, une
fois qu’est intervenue factio n créatrice du Démiurge, la m atière se transforme
en vue de la composition du monde, tandis que l’Ame m alfaisante, ayant eu
part à l’ Intellect, devient sage et prudente et produit un mouvement ordonné.
Ce qui porte la m atière à l’ordre, c’est la participation à la Form e; ce qui
porte l’Ame malfaisante à l’ordre, c ’est la présence de l’Intellect ». Voir aussi
la critique de Porphyre, ib. 391.4 ss.
(1) καί ούτοι μέν... συνυφαίνουσι (375.2-5) ne peut avoir pour correspon­
dant των δ’αύ διισταμένων πρός τούτους (375.12) en sorte que la ponctuation de
W achsm uth est fautive (il faut une virgule après ένεργημάτων 375.11). En
réalité le second génitif absolu των δ’αύ... διισταμένων vient répondre au premier
gén. abs. κατά μέν Πλωτΐνον... αιτίας γιγνομένης τών καταγωγών ένεργημάτων
(375.11). Dans la question de savoir d’où provient le mal pour l’âme, Jam -
blique distingue ainsi deux groupes : un premier groupe (Plotin, Empédocle,
Héraclite, gnostiques, Albinus : 375. 5-10) rapporte le mal à l’âme raisonnable
elle-même, à une faute de cette âm e; un second groupe, qui s ’oppose à ce premier
(διισταμένων πρός τούτους), rapporte le mal à des causes extérieures à l’âme rai­
sonnable. Telle étant la construction, le premier μέν (375.2) a pour réponse le δέ
de κατά δέ Άριστοτέλην (375.18), toute la phrase κατά μέν Πλωτΐνον... ώς τά κολλά
(375.5-18) form ant en vérité une digression à m ettre entre parenthèses ou entre
tirets. Selon Plutarque et A tticus, les mouvements irréguliers de l’âme sont
en lutte contre les mouvements rationnels (humains) qui peu à peu l’em portent;
selon A ristote en revanche, ces mouvements irréguliers (ταϋτα 375.19, repris
et explicité par τά τοιαΰτα τής ζωής ενεργήματα 375.21) ne se distinguent des
mouvements humains que par des qualités spécifiques : le φυτικόν et Γάλογον
ne sont pas un mal en soi, ils sont nécessaires au vivant com m e les autres.
Même construction καί... μέν..., avec en réponse un δέ, infra 457.11 ss.
καί τηροΰσι μέν..., Πλωτΐνος δέ, 376.16 ss. καί ot μέν... οί δέ.
(2) τών καταγωγών ένεργημάτων 375.11. Cf. de rrtyst. 3 .25 (ρ. 159.3 P .) :
il y a deux espèces de sortie de soi (έκστασις), καί τά μέν καταγωγά ψυχής τά
δέ άναγωγά, καί τά μέν διίστησιν έξω παντάπασι τής θείας μοίρας, τά δέ πρός αυτήν
συνάπτει, 2.6 (ρ .8 3 .1 Ρ .) άλλά μήν ή γε τών ψυχών θέα τών μέν άχράντων... άναγωγός
έστι καί ψυχής σωτήριος..., ή δέ τών ίτέρων καταγωγός έπί την γένεσιν ύπάρχει.
(3) Cf. (avec Lévêque, ρ. 644, n. 6) P l o t . V 1, 1.1 τί ποτέ άρα έστί τό
πεποιηκός τάς ψυχάς πατρός θεού έπιλαθέσθαι καί μοίρας έκεΐθεν οΰσας καί δλως
έκείνου άγνοήσαι καί έαυτάς καί έκεϊνον (cf. Corp. H erm . I, 18, 2 1 ); άρχή μέν ούν
αύταΐς του κακοϋ ή τόλμα καί ή γένεσις καί ή π ρ ώ τ η έ τ ε ρ ό τ η ς καί τό βουληθήναι
δέ έαυτών είναι.
(4 ) C e testimoniam d e J a m b l i q u e m a n q u e d a n s le s Vorsokratiker. I l f a u t
l ’ a j o u t e r a u t. I , p . 3 5 7 . 1 4 ( a p r è s l a c i t a t i o n d e P l o t i n IV 8 , 1 . 1 7 ) ’ Ε μ π ε δ ο κ λ ή ς
τ ε ε ί π ώ ν ά μ α ρ τ α ν ο ύ σ α ις νό μ ο ν είν α ι τ α ϊ ς ψ υ χ α ΐς π ε σ ε ΐ ν έ ν τ α ΰ θ α κ α ί α ύ τό ς κ .τ .λ . (suit
u n p a s s a g e d u fr . 1 1 5 ) . L a φ υγή ά πό το ύ θεού r a p p e lle E m p é d . f r . 1 1 5 , v . 13/ 4 τώ ν
κ α ί έ γ ώ νϋν ε ί μ ι, φ υ γ ά ς θ ε ό θ ε ν κ α ί ά λ ή τ η ς , ν ε ί κ ε ϊ μ α ιν ο μ έ ν ω π ίσ υ ν ο ς . N o t e r q u e , chez
P l o t i n d a n s ce ch. 1 , E m p é d o c l e e s t d é j à a s s o c i é à H é r a c l i t e c o m m e a u ch. 5
( v . p . 2 1 0 , n . 1 ) , c f . I V 8 , 1 . 1 1 ό μ έν γ ά ρ Η ρ ά κ λ ε ι τ ο ς , 6 ς ή μ ΐν π α ρ α κ ε λ ε ύ ε τ α ι
ζ η τ ε ΐ ν τ ο ϋ τ ο , ά μ ο ιβ ά ς τ ε ά ν α γ κ α ία ς τ ιθ έ μ ε ν ο ς έ κ τ ώ ν έ ν α ν τ ίω ν , « όδόν τ ε ά ν ω κ α ί
κ ά τ ω » ε ί π ώ ν κ α ί <ι μ ε τ α β ά λ λ ο ν α ν α π α ύ ε τ α ι » κ α ί « κ ά μ α τ ό ς έ σ τ ι τ ο ϊ ς α ύ τ ο ϊς μ ο χ θ ε ΐν
LA RÉVÉLATION D’ HERMÈS TRISMÉGISTE. --- III. 15
210 LA RÉVÉLATION D’HERMÈS TRISMÉGISTE

repos qui consiste dans le changement (1), selon les GnostiqueS


10 une démence ou une déviation (2), |selon Albinus le jugement
erroné du libre arbitre (3), cependant que d’autres, en oppo­
sition à ces précédents, attachent de quelque manière le mal à
l’âme à partir des accrétions venues de l’extérieur, Numénius et
15 Croîuus souvent à partir | de la matière (4), Harpocration
parfois aussi à partir de ces corps terrestres eux-mêmes (5),

καί άρχεσθαι », είχάζειν ίδωκεν άμελήσας σαφή ήμϊν ποιήσαι τδν λόγον. En 8 .1 on a
l’ordre Héraclite-Empédode, en 8. 5 Empédocle-Héraclite.
(1) A jouter de même ce testimonium aux Vors. 22 B 84 a, I, p. 170 ad 1 .1,
après la citation de Plot. IV 8, 5.5 oûî* ή Έμπεδοχλέους φυγή άπδ τού θεού καί
πλάνη καί αμαρτία έφ’ ή ή δίκη, ούδ1 ή 'Ηρακλείτου ανάπαυλα έν φυγή. L ’alliance des
trois noms (Plotin, Empédocle, Héraclite) et la similitude de l’expression
(τής έν Ttji μεταβάλλεσθαι άναπαύλης Jam bl. : μεταβάλλον άναπαόεται Plot. IV 8,
1.14) prouvent peut-être que Jamblique a copié Plotin.
(2) Cf. P l o t . 1 19, mais les termes de παράνοια et παρέχβασις ne se trouvent pas
dans ce tra ité . E n I I 9 ,1 0 il n ’est parlé que de la νεύσις des âmes.
(3) Sur ce passage, cf. R . E . W i t t , Albinus and the History of Middle
Platonism (Cambridge, 1937), p p .137-139. W itt ne voit rien, du moins dans le
Didaskalikos, qui justifie cette assertion de Jamblique. En Did. 16, la première
incorporation des âmes est due à un vouloir du Démiurge, comme dans le
Tintée. En Did. 23, Albinus parle simplement de la composition de l’âme
humaine. Cependant en Did. 25 (p. 1 7 8 .3 0 H.), l’incorporation (successive) des
âmes en des corps (multiples) est dite une conséquence de leur intempérance
OU de leur amour du corps, ή βουλήσει θεών ή δι’ άχολασίαν ή διά φιλοσωματίαν.
D’autre p art on pourrait alléguer le ch. 26 sur le Destin Où, se référant au
mythe de Platon sur le choix des vies (v. gr. Rép. X , 617 e 4 αίτια έλομένου,
619 b ss.), Albinus écrit (p. 179. 7 Herm.) : άλλά διότι ήτις δν έληται ψυχή
τοιοϋτον βίον καί τάδε τινά πράξη, τάδε τινά αύτή Ιψεται. άδέσποτον οδν ή ψυχή
καί έπ’ αυτή μέν τδ πρδξαι ή μή, καί ού χατηνάγκασται τούτο, τδ 8è ¿πόμενον τή
πράξει καθ’ ειμαρμένην συντελεσθήσεται. Il est possible que le passage de

soit un souvenir d’Albinus et que Jamblique ne connaisse Albinus que par une
tradition courante dans l’école de Plotin. Cette tradition reparaît peut-être
aussi chez P ro clus , in Tim ., I ll , p. 234. 8 D. (sur Tim . 41 d 1 τδ δέ λοιπδν
ύμεϊς, άθανάτψ θνητδν προσυφαίνοντες) : τί τδ άθάνατόν έστι τούτο καί τ[ τδ θνητόν,
έζήτηται παρά τοίς τοϋ Πλάτωνος έξηγηταΐς. καί οΐ μέν τήν λογικήν ψυχήν μόνην
άθάνατον άπολείποντες φθείρουσι τήν τε άλογον ζωήν σύμπασαν καί τδ πνευματικόν
όχημα τής ψυχής, κα τά τήν είς γένεσ ιν β ο π ή ν τή ς ψυχής τήν ύπόστασιν διδόντες
αύτοϊς μόνον τε τδν νοϋν άθάνατον διατηροϋντες ώς μόνον καί μένοντα καί
όμοιοόμενον τοίς θεοϊς καί μή φθειρόμενον, ώσπερ οί παλαιότεροι καί έπεσθαι τή
λίξει χρίναντες, δι’ής ό Πλάτων φθείρει τήν άλογον, θνητήν αυτήν καλών, τούς
Α ττικ ο ύ ς λέγω καί Ά λβ ίν ο υ ς καί τοιούτους τινάς.
(4) Numénius et Cronius sont souvent associés, cf. éd. Leemans, test. 14,
17, 22 (fragm. de Cronius, ib., pp. 153-157). Pour la doctrine, v. surtout test.
30 Leem. ( = C h a l c . in Tim ., c. 296 ss.): Chalcidius oppose ici la doctrine des
Stoïciens, qui jugent la matière indifférente, à celle de Pythagore et du pytha­
goricien Numénius, selon qui la matière est mauvaise (plane noxia) et cause du
mal, cf. p. 9 3 .1 ss. Deum quippe esse, ut etiam Platoni videtur, initium et causant
bonorum, s ilv a m m a lo ru m , 93. 4 m undum ex speciei bonitate s i lv a e q u e mali-
tia temperatum, 93. 9 silvam... Pythagoras m a li g n a m quoque (a it), 93. 19
( Pythagoras) ait existenteprovidentia mala quoque necessario substitisse, propterea
quod silva sit, et eadem s it m a lit ia p r a e d it a , 9 4 .5 silva quae m a lo ru m fo n s est.
(5) Harpocration d’Argos, sous Marc-Aurèle : cf. U e b e r w e g - P r a e c h t é r 1* ,
APPENDICE I 211

P lotin et P orphyre la plupart du temps à partir de l’âme végé­


tative et de la vie irrationnelle) (1). Selon Aristote d’autre
part, c ’est par des formes spécifiques de vie et d’autres carac­
tères que ces mouvements irréguliers (2) se distinguent des
20 mouvements humains. | Selon les Stoïciens (3) à leur tour,
les activités inférieures de la vie vont se détachant toujours
davantage dans le sens de l’imperfection, et plus elles progressent
vers l’irrationalité, plus l’inférieur s’éloigne du supérieur (4)
vers un état pire. Cependant, d’après ce que j ’ai entendu dire
25 à certains P latoniciens, par exemple |P orphyre et beaucoup

&
550, P. W . VII 2411, n° 2 (v. Arnim). Son nom revient, associé à ceux de
uménius et Cronius, infra p. 380. 19.
(1) φύσις ici encore = le φυτικόν. — Ci. (avec Lévêque, p. 645, n. 7) P lot.
1 8 ,8 .3 7 έστω 8ή πρώτως μέν τό όίμετρον κακόν, τό 8'έν άμετρία γενόμενον ή όμοιώσει
ή μεταλήψει τφ συμβεβηκέναι αύτφ δευτέρως κακόν καί πρώτως μέν τό σκότος, τό δέ
¿σκοτισμένου δευτέρως ωσαύτως, κακία δή άγνοια ούσα καί άμετρία περί ψυχήν δευτέ­
ρως κακόν καί οϋκ αύτοκακόν. En lait il résulte de cette doctrine que le premier
mal est la matière, comme Plotin ne cesse de le rappeler dans tout ce chapitre et
dans tout le traité (cf. 1 8,14.49 ύλη τοίνυν καί άσθενείας ψυχή αιτία καί κακίας αιτία,
πράτερον άρα κακή αυτή καί πρώτον κακόν), cf. l’introd. de Bréhier, 1.1, pp. 111-
114. Sur ce point, on ne voit pas de différence entre Plotin et Numénius,
cf. Bréhier, ίο .,ρ . 114. — Pour Porphyre, Lévêque (ib., n. 8) cite de antro nymph.
30. Voir plutôt de abst. III 27 (p. 226, 11 N.), IV 20 (p. 263. 20 N.).
(2) Sur ταϋτα (375. 19), reprenant les άτακτα κινήματα de 375. 2/3, cf. supra
p. 209, n. 1. Jamblique, aprèsla longue parenthèse 375. 5-18, reprend son exposé
sur les rapports entre.puissances rationnelles (τά άνθρώπινα) et puissances irra­
tionnelles de l’âme. Il a indiqué les δόξαι des Platoniciens (374. 21-375.18). Il
passe maintenant à celles d’Aristote, des Stoïciens et de Porphyre. En 375.19,
garder άπό (έπί Usener).
(3) Cette δόξα se rattache à la doctrine générale des Stoïciens qui explique
la hiérarchie des êtres par les différents degrés de tension du πνεύμα, cf. St. V.
F r. II, p. 205 (où notre passage est cité 205. 43 ss.). Les hommes (et les dieux)
sont gouvernés par le λόγος, les animaux par la ψυχή, les plantes par la φύσις, les
minéraux n’ont que 1’έξις, cf. par ex. p. 2 0 5 .1 9 τού δέ έμφύτου πνεύματος διττόν
είδος, τό μέν φυσικόν, τό δέ ψυχικόν είσΐ δέ ot καί τρίτον είσάγουσι, τό έκτικόν έκτι-
κόν μέν ούν έστι πνεύμα τό συνέχον τούς λίθους, φυσικόν δέ τό τρέφον τα ζφα καί τά
φυτά, ψυχικόν δέ τό έπί των έμψυχων αισθητικά τε ποιούν τά ζφα καί κινούμενα πάσαν
κίνησιν. Dans cette doctrine, il n’y a pas proprement de mal dans l’univers (car
chacun des êtres reçoit ce qui lui revient), sauf chez l’homme (cf. Cléanthe, h. à
Zeus, v. 16 et ss.). Car, bien que la nature donne à l’homme des άφορμαί άδιάσ-
τροφοι, l’animal humain est susceptible de perversion (διαστροφή, perversio Chal-
cidius) ποτέ μέν διά τάς των έξωθεν πραγμάτων πιθανότητας, ποτέ δέ διά τήν κατή-
χησιν τών συνόντων. Sur ce point, cf. St. V. F r . III, pp. 53-56 et ajouter cf.
Chalcid . in Tim ., c. 297 süvam igitur informent et carentem qualitate tam S t o ïc i
quam Pythagoras consentant, sed Pytkagoras malignam quoque, S t o ic i nec
bonam nec malam, dehinc tamquam in progressa viae malis aliquot obviis, perro-
gati unde igitur mala, p e r v e r s i t a t e m s e m i n a r i u m m a lo r u m f o r e causait
su n t; nec expediunt adhuc unde ipsa p e r o e r s ï t a s , cum iuxta ipsos duo sinl
initia rerum, deus et silva : deus summum et praecellens bonum, silva ut censent
nec bonum nec malum (ce fragment important manque dans les St. V. F r.).
Ce problème de la perversion progressive de l’être humain est étudié par
Plotin, I 8, 14, où il fait peut-être allusion aux Stoïciens, cf. éd. Bréhier, I,
p. 128, n. 1.
(4) J e prends τών πρεσβυτέρων comme dépendant ό’άπό dans άποφέρεται, et
non comme génitif gouverné par le comparatif τά καταδεέστερα.
212 LA RÉVÉLATION D’HERMÈS TRISMÉGISTE

d’autres, il s’établit une ressemblance des opérations humaines


avec celles des bêtes, et réciproquement de celles des animaux
28 avec les humaines, pour autant que des choses distinctes selon |
deux essences différentes sont de nature à ressembler les unes
I 49. 38
aux autres (1).
3 7 6 W.
< 5 > . Sun la mesure de l ’amb (2)
Ceux qui, admettant que l’essence de l’Ame est numériquement
une, la plurifient (3), — soit, comme le pense Amélios, au
moyen de positions et de degrés (4), soit comme disent
5 les Orphiques (5), au moyen de souffles |issus de l’Ame uni-

(1) L ’idée que l’homme έκθηριοϋται sous l’influence de l’ignorance ou du vice


est banale, cf. v. gr. P lat . Rép. V II 535 e 4 (l’âme) εύχερώς ώσπερ θηρίον ύειον
έν άμαθί* μολύνεται, I X 586 a 7 βοσκημάτων δίκην κάτω άεI βλέποντες... βόσκοντας
χορταζόμενοι et la fameuse image de la bête qui est en nous ib. I X 588 c etc. De
même J am bl . ProUr. 5, p. 3 5 .1 6 Pist. voû 8έ.'.. άφηρημένος έκθηριοϋται (άνθρωπος).
Sur les ressemblances entre les bêtes et les hommes, voir surtout P orph . de
abat. III et, sur ce texte, J . H a u s s l e it b r , Der Vegetarismus in der Antike
(Berlin 1935), pp. 230-233, 332-336.
(2) Comme on l’a vu plus haut, pp. 11 s., le sujet de ce chapitre est le
n om bre des âmes, μέτρον est expliqué par 377. 6 έστάναι άεί (τάς ψυχάς) κατά την
αύτήν σ υ μ μ ετρ ία ν. Il s’agit donc de ce qui, dans l’Ame universelle, mesure «la
pluriflcation », c ’est-à-dire le passage à une pluralité d’âmes particulières. C’est
ce principe de pluriflcation, divers selon Amélius et les Orphiques, que fait
connaître la première phrase.
(3) πληθύνοντες scripsi (376. 3) : πληθύοντες F P πληθύουσαν Wachsmuth. A la
rigueur on pourrait garder la leçon manuscrite, πληθύω comportant un passif
πληθύομαι au sens de « être rendu multiple, plurifié» chez Procluset Damascius,
cf. L . S. J . πληθύω II.
(4) σχέσεσι καί κατατάξεσιν (376. 3/4) nous est obscur parce que nous igno­
rons la doctrine exacte d’Amélius. J e l’entends comme de positions et de degrés
dans une hiérarchie d’âmes, selon la doctrine attribuée à Amélius par Proclus,
cf. N o teco m p l.I (âm esdivines,démoniques,humaines,animales),etcp. J ambl .
demyst. I 8, p. 23. 9 P . où μέντοι τήν ύπό σοΰδιάκρισινόποτεινομένηναυτώνπροσιέ-
μεθα, ήτιςτήν πρός τά διαφέροντα σώματα κ α τά τα ξιν, olov θεών μέν πρός τά αίθέ-
ρια, δαιοόνων Si πρός τά άέρια, ψυχών Si των περί γην, αΐτίον είνα! φησι τής νυνί
ζητούμενης διαστάσεως. ήτ* γάρ κ α τ ά τα ξις... άναξίως ύπόκειται των θείων γενών.
On a σχέσις et κατάταξις associés de même chez P rocl . in Tim ., I, p. 49. 29 ss.
D. καθ’ ίσον Si Ικαστος ήμών κατατεΐνεται περί τό μέρος καί κατακερματίζεται καί
τού όλου καί ένός άπολιμπάνεται, κατά τοσοϋτον καί πρός τήν τοιαύτην άνείλλεται
ζωήν, άσχετον ούσαν ο χ έ σ ιν καί κ α τά τα ξιν άκατάτακτον. Plus bas dans notre
texte (376. 7) τάς είς έτερον κατατάξεις = les degrés qui mènent du côté autre
que celui de l’unité, donc du côté de la différenciation. — Pour Amélius, cf. déjà
supra 372. 25 ot μέν γάρ μίαν καί τήν αύτήν πανταχοϋ ψυχήν διατείνοντες ήτοι
γίνει... ή καί άριθμώ, ώς νεανιεύεται ούκ όλιγάκις Άμέλιος, 365. 17, 3 7 2 .1 0 (Plotin
et A .). , ,
(5) Voir déjà supra 366. 21 : selon Orphée, είναι καί μίαν τήν ψυχήν, άς> ής
πολλάς μέν είναι διαιρέσεις, πολλάς 8έ καί μέσας έπ ιπ νο ία ς κτλ. Cf. aussi Orph. fr.,
n °37 K. αύτάρ "ΕρωταΧρόνος καί π νεύματα πάντ'έτέκνωσε (K ern cp. IG . X IV ,
872. 4 δαίμονες καί πνεύματα οί έν τόπψ τούτω, E itrem , È in christl. Amulett,
p. 3,1. 4 /5 άπό βασκοσύνης ττάσης άερίνων πνευμάτων, mais la notion de πνεύματα
aériens circulant entre la lune et la terre est trop courante sous l’Empire pour
être rapportée au seul Orphisme), n° 247, 1. 27 πνεύματα δ’ήνιοχεϊ (sc. le Dieu
unique, cf. 1. 10) περί τ’ήέρα καί περί χεϋμα νάματος, η® 297 b 1/2 Ζεύς δέ τε πάν­
των έστί θεός..., πνεύμασι συρίζων φωναϊσί τε άερομίκτοις.
APPENDICE I 213

verselle, — qui ensuite s’élèvent (1) de la multiplicité de l ’Ame


universelle à l’Ame redevenue une lorsqu’elle a répudié les
positions et les degrés menant de l’autre côté, et ainsi s’éloignent
de la dispersion dans les êtres participants, à mesure que se
résout la division en parties (2) des participants, ceux-là
10 maintiennent que l’Ame est tout entière partout la même ( et
lui attribuent une essence unique qui se détermine unité par
unité (3). En revanche, ceux qui, comme D émocrite et E p i -
cure , estiment que, dans une infinité de mondes composés (4)
d’une infinité d’atomes rassemblés au hasard, les âmes sont
15 constituées des mêmes éléments, concluent, 1 d’une manière
conséquente avec leurs postulats, que les âmes sont infinies en
nombre. Ceux qui disent l’âme engendrée à partir de semen­
ces (5), comme chaque être est capable d’en émettre beaucoup
et que cette progression continue toujours sans s’arrêter d’au­
cune manière, admettent l’infinité des âmes du fait de la géné­
ration et parce qu’il naît toujours des êtres (6). Ceux qui,
20 en vertu du changement, font dériver d’un seul |vivant qui périt
beaucoup de vivants et beaucoup de vies, du fait que le change­
ment est continuel et que jamais ne cesse la production de vies

(1) άνασχόντες scripsi dubitanter : άνασχέοντες P άναχέοντες F P * . alii alia.


(2) Garder άποδιαλήψεως 3 7 6.9 (διαλήψεως Heeren, Wachsmuth) et cp. J ambe.
de myst. I 9, p. 32. 7 ss. P. : qui voit le monde unifié, image des dieux, aura
honte d’introduire parmi les dieux τομάς τε καί άποδιαλήψεις, p. 32. 17 : on ne
trouve chez les dieux ni extension spatiale ni άποδιάληψις μεριστή.
(3) καθ’ èv πεπερασμένων 376. 10. C’est ainsi, je pense, qu’il faut traduire
selon le sens ordinaire de καθ’ £v («individuellement», v. gr. Tint. 30 c 7), et non
« selon l’unité, en s’unifiant ». Ce qu’il slagit de montrer ici, c ’est que l’Ame,
tout en restant essentiellement une, se multiplie en un très grand nombre
d’unités.
(4) oî δ’έν άπείροις κόσμοις... άπό των απείρων ατόμων κατά συντυχίαν συνερχομέ-
νων < ύ ..> συνίστασθαι άπό των τοιώνδε στοιχείων τάς ψυχάς ηγούμενοι 376. 10 /14.
Comme l’a vu Wachsmuth, il manque un participe qualifiant κόσμοις. On attend
v. gr. συνισταμένοις, dont la chute serait explicable entre συνερχομένων et συνίσ-
τασθαι. L a doctrine est celle de 363. 11 ss. supra. L ’âme connaissante doit être
composée des mêmes éléments que l’objet qu’elle est destinée à connaître.
r (5 ) C’est la doctrine des médecins (φυσικοί) qui συγκεκρασθαι αυτήν (τ. ψ. ) είς τήν
γένεσιν οίονται 371. 25. L ’âme est mêlée au corps en vue de la génération, soit
qu’elle soit présente dans le sperme même, soit qu’elle entre dans l’embryon
à un moment donné de sa formation. Sur ces doctrines, cf. T ertull . de an.
25 (et Waszink. pp. 318 ss.), P o r p h . προς Γαϋρον II 2-3 et mon article Rev. Sc.
Phil. Théo'.., X X X I I I . 1949, pp. 151 ss.
(6) _έν τώ γίγνεσθαι άεί 376. 18. Même tour infra 376. 21 èv τώ μεταβάλλει»
ouwzûç, 376. 23 έν τώ άεί πλεΐον γίγνεσθαι. Cet emploi de έν τώ et l’infinitif est
classique au sens causal (Mo u l t o n , Proleg.3, p. 215, signale 6 ex. chez Thucyd.,
26 chez Platon, 16 chez Xénophon). Pour l’emploi biblique au sens temporel
(hébraïsme?), cf. M o u l t o n , Proleg.3, pp. 14, 215, 249; M o u l t o n - M i l l i u a n ,
s. v. èv p. 210; B l a s s - D e b r u n n e r , § 404 et p. 315; A b e l , Gramm. Gr. Bibl.,
§ 70 g.
214 LA RÉVÉLATION D’HERMÈS TRISMÉGISTE

nouvelles et successives par suite de la mutation (1), regardent


24 en conséquence le nombre des âmes comme illimité | en ce
3 77 W. qu’il naît toujours d’autres êtres. Ceux qui ne distinguent pas
l ’âme |de l’âme végétative (2) professent à leur tour eux aussi
que, par segmentation, les âmes naissent en nombre infini,
puisque aussi bien chacun des surgeons d’un arbre, une fois
détaché, reste de même nature que l’arbre entier et qu’on lui
5 voit produire des rejetons pareils à lui-même. | Cependant les
disciples de P l a t o n , après avoir présenté les âmes comme
inengendrées et immortelles, statuent qu’elles se maintiennent
toujours dans la même proportion (3), et que ni rien ne leur

(1) Il ne peut s’agir de la doctrine du Phédon 70 c-72 e selon laquelle des


morts renaissent les vivants (cf. 72 a 1 όμολογείται... τούς ζώντας έκ των τεθνεώ-
των γεγονέναι ούδέν ήττον ή τούς τεθνεώτας έκ των ζώντων), Car, dans ce cycle des
générations (ώσπερεί κύκλψ περιιόντα 72 b 1), les âmes des nouveaux vivants sont
les âmes mêmes des morts, quise trouvaient dansl’ Hadès (70 c/d, 71 e, 72 a, d/e),
et dès lors le nombre de ces âmes est fini. On songera plutôt à une doctrine
analogue à celle dont s ’est inspiré Virgile Géorg. IV 295 ss. (les abeilles nais­
sant de la corruption d’un jeune taureau). L ’idée de la μεταβολή indéfinie est
d’ailleurs courante depuis Héraclite, cf. v. gr. fr. 77 Diels.
(2) . Sur φύσις = τύ φυτικόν, cf. supra, p. 207, n. 2 et p. 211, n. 1. — Il ne peut
s’agir des Stoïciens (contra : Lévêque, p. 647, n. 5), puisque ceux-ci distinguent
précisément la ψυχή de la φύσις, ci. par ex. St. V. F r ., Il, n0· 714-716, 718. On
songera plutôt à une doctrine médicale comme celle que mentionne Porphyre,
πρύς Γαϋρον, II 4 (p. 3 5 . 23 ss. K.), selon laquelle Pâme de l’enfant est une
partie ou un fragment de l’âme du père ou de la mère : άγών δέ ούχ ήττων έσται
αύτοϊς πειρωμένοις δεικνύναι ώς έξωθεν ή έμψύχωσις καί ούκ άπύ τοϋ πατρός μέρος
ψυχής συγκαταβάλλεται τω σπέρματι, κ αθά περ φύσεως, είπερ άρα τή καταβολή
ή έμψύχωσις' πώς < δ ’> ού μ έρο ς ψυχής τής μητρός, εί όταν πλασθή γίγνοιτο ή
εϊσκρισις κ.τ.λ. Aristote mentionne le phénomène des ram eaux de an. 1 5, 411 b
19 SS. φαίνεται δέ κ α ί τά φυτά διαιρούμενα ζήν καί των ζώων ένια τών έντόμων
(annélides), mais l’âme présente dans les segments ft’est alors la même que
spécifiquement, non numériquement (ώς τήν αυτήν έχοντα ψυχήν τω είδει,
εί καί μή αριθμώ). — En 377. 4 garder τών ίσων αύτώ (F P : αύτώ Heeren),
cf. C. Η. I 12 (10.16) le Nous άπεκύησεν "Ανθρωπον αύτφ ίσον et, sur la confu­
sion de αυτού et έαυτοϋ, Blass-Debr. 283
(3) L e s â m e s , p o u r P l a t o n , s o n t Ισ ά ρ ιθ μ ο ι a u x a s t r e s f ix e s e t le u r n o m b r e
d e m e u r e t o u j o u r s l e m ê m e , c f . Tim . 4 1 d 8 , v o ir a u s s i Rép. X 6 1 1 a , c i t é n . s u i ­
v a n t e . C f . A l b i n ., Did. 1 6 (p . 1 7 2 . 6 ) κ α τ έ π ε μ ψ ε ν ... τ ά ς . .. ψ υ χ ά ς ό .. . δ η μ ιο υ ρ γ ό ς
Ισ α ρ ίθ μ ο υ ς τ ο ί ς ά σ τ ρ ο ις , 2 5 (ρ . 1 7 8 . 2 6 SS.) τ ω δ έ ά θ α ν ά το υς ε ίν α ι τ ά ς ψ υ χ ά ς λ ό γ ω
ή κ ο λ ο ύ θ η σ ε τ ό είσ κ ρ ίν ε σ θ α ι α ϋ τ ά ς τ ο ί ς σ ώ μ α σ ι , π α ρ εμ φ υ ο μ έν α ς τ α ΐ ς τ ώ ν έμ β ρ ύ ω ν
δ ι α π λ α σ τ ικ α ΐς φ ύ σ ε σ ι, κ α ί δ ια μ είβ ειν π ο λ λ ά σ ώ μ α τ α ... ι σ α ρ ί θ μ ο υ ς ( F r e u d e n t h a l :
ή ά ρ ιθ μ ο ύ ς c o d d . L a c o r r e c t i o n s ’ im p o s e , c f . supra, p . 7 , n . 1 ) μ έν ο υ σ α ς, ή
β ο υ λ ή σ ε ι θ ε ώ ν ... ή δ ιά φ ιλ ο σ ω μ α τία ν , T e r t u l l . de an. 3 0 . 1 ( p . 4 1 . 2 5 W a s z . ) si
ex mortuis vivi, sicut mortui ex oivis, unus omnino et idem numerus semper
haesisset omnium kominum, ille scilicet numerus qui primus vitam introisset
( T e r t u l l i e n d o i t a v o i r e m p r u n t é c e t t e d o c t r i n e , q u ’il r é f u t e , à A lb in u s :
c f . W a s z i n k , p p . 3 7 0 - 3 7 1 ) , S a l l u s t i u s 2 0 (p . 3 6 . 5 N .) ε ί γ ά ρ μ ή π ά λ ιν αί
ψ υ χ α ΐ ε ίς σ ώ μ α τ α φ έρ ο ιν το , α ν ά γ κ η ά π ειρ ο υ ς είν α ι ή τ ό ν θ εόν ά ε ! έ τ έ ρ α ς π ο ιε ΐν . ά λ λ ’
ο ύ δέ ά π ειρ ό ν τ ι έν τ ω κ ό σ μ ω (έν γ ά ρ π επ ε ρ α σ μ έ ν ο ι ά π ειρ ό ν τ ι ο ύ κ Sv γ έ ν ο ιτ ο ) , ούδέ
ά λ λ α ς γ ίν ε σ θ α ι δ υ ν α τ ό ν π α ν γ ά ρ έν ω τ ι γ ίγ ν ε τ α ι καινόν , κ α ί α τ ε λ έ ς είν α ι ά ν ά γ κ η , τό ν
δ έ κ ό σ μ ο ν έ κ τ ε λ ε ίο υ γ εν ό μ εν ο ν τ έ λ ε ιο ν είν α ι π ρ ο σ ή κ ε ι ( c f . N o c k ; p . X C I I I ) . P e u t -
ê t r e P l o t i n f a i t - i l a llu s io n e n c o r e à c e t t e d o c t r in e V 7 , 3 . 14 s s . κ α ί ε ί μ έν ή
π ο ίη σ ις έ χ ε ι τ ό ε ίκ ή τ ο ύ ό π ο σ α ο ΰν , ά λ λ ο ς λ ό γ ο ς· ε ί δ έ μ ε μ έ τ ρ η τ α ι , ό π ό σ α τιν ά
ε ϊ η , τ ό π ο σ ό ν ώ ρ ισ μ έν ο ν έ σ τ α ι.
APPENDICE I 215

est ajouté du fait de la génération, ni rien ne leur est enlevé


en passant de la vie à la mort (1). Cette mesuré enfin, |
10 P lotin la ramène au nombre parfait comme lui étant appro­
prié (2).1

(1 ) C f . P l a t . Rép. X 6 1 1 a 4 ε ί δ’ ε χ ε ι (ο ύ τ ω ς = s i le s â m e s s o n t i m m o r t e l l e s !,
έ ν ν ο εϊς ό τ ι à e i Sv ε ϊε ν α ί α ύ τα ί. ο ύ τ ε γ ά ρ άν π ο υ έ λ ά τ τ ο υ ς γ έν ο ιν το μ η δ ε μ ια ς ά π ο λ-
λ υ μ έ ν η ς , ο ύ τ ε αΰ π λ ε ίο υ ς' ε ΐ γ ά ρ ότιοΰν τ ω ν ά θ α ν ά τω ν π λ έο ν γ ίγ ν ο ιτ ο , ο ίσ θ ’ ό τι
έ κ τ ο ύ θ ν η το ύ αν γ ίγ ν ο ιτο κ α ί π ά ν τα αν ε ίη τ ε λ ε υ τ ώ ν τ α ά θ ά ν α τα .
(2) R i e n s u r c e p o in t , à m a c o n n a is s a n c e , n i d a n s P l o t i n l u i - m ê m e n i d a n s
l e C o m m e n t a ir e d e P r o c l u s s u r Tim. 4 1 d 8 (δ ιεϊλ εν φ υ χ ά ς ισ α ρ ίθ μ ο υ ς τ ο ΐ ς ά σ τ ρ ο ις),
I I I . ρ ρ . 2 6 0 - 2 6 5 D . E n P l a t o n Rép. V I I I 5 4 6 b 4 ( Ι σ τ ι δ ε θ ε ί ω μ έν γ ε ν ν η τ ω π ερ ίο δ ο ς,
ή ν α ρ ιθ μ ό ς π ερ ιλ α μ β ά ν ει τ έ λ ε ι ο ς ) , le n o m b r e p a r f a i t d é s ig n e l e t e m p s d o g e s t a t io n
d e l ’u n iv e r s (e f. A d a m , a d lo c. e t A p p . , p p . 2 8 8 - 2 9 0 ) . Ε η Γ ι ι η . 3 9 d 2 ( έ σ τ ι δ ’ ό μ ω ς
ούδέν ή τ τ ο ν κ α τα ν ο η σ α ι δυνατόν, ώ ς ό γ ε τ έ λ ε ιο ς ά ρ ιθμ ό ς χρόν ου τον τ έλ ειο ν ενιαυτόν
π λ η ρ ο ί ) , le n o m b r e p a r f a i t d é s ig n e la d u r é e d e la G r a n d e A n n é e (c f. T a y lo r ,
ad loc., p p . 2 1 6 - 2 1 9 ) . N i l ’ u n n i l ’a u t r e n e s o n t en r a p p o r t a v e c le » n o m b r e
p a r f a i t » d e s â m e s d o n t il s ’ a g i t ic i, m a is il e s t p o s s ib le q u e P l o t i n , o u q u e lq u ’un
d e s o n é c o le , s e s o i t a m u s é à d e te l le s s p é c u la tio n s . I l e s t q u e s t io n d a n s P r o c lu s
d ’ u n nombre divin , c e lu i q u i s y m b o lis e le m o n d e d e s d ie u x (y c o m p r is le s
â m e s d iv in e s e t le s c o r p s d iv in s ) , c f . in Tim ., I l , p p . 1 6 1 . 2 6 / 7 , 2 1 3 . 2 1 / 2 ,
tr a d u it , infra, N o te c o m p l. I , p p . 2 4 9 s s .
< SE C T IO N I I >

<DESCENTE DES A M E S > (1)

< I>
<Points de départ et buts de la descente>
I 49. 39
< 1 . P oints de départ >
1,377.11W.
P lotin , P orphyre et Am élius font passer les âmes dans les
15 corps à partir de l’Ame supracéleste | et toutes sur un pied
d’égalité (2).
C’est très diversement (3) que le Timée (4), semble-t-il, repré­
sente la première venue à l’existence des âmes, le Démiurge
distribuant les semences des âmes dans tous les genres d’êtres
supérieurs, à travers toute l’étendue du Ciel, et dans tous les
20 éléments (5) de l’Univers. Ce sera | donc aussi en correspon-
(1) Dans Stobée, la 2« section ne comporte qu’un seul titre περί διαοοράς
καθόδου των ψυχών, d’ailleurs mal placé en tête du ch. 40. Wachsmuth l’a
transposé en tête du ch. 39. Je n’en ai pas tenu compte pour la simple raison
que la διαφορά n’est qu’un aspect tout extérieur du problème et qu’il impor­
tait avant tout de mettre un peu d’ordre dans un texte peu clair au premier
abord. L ’ordonnance générale est la suivante : (I) Points de départ et buts
de la descente (ch. 39, 377.13-379. 10); (II) Union de l’âme et du corps (ch. 40,
379. 12-380. 29); (III) Temps et mode de l’incorporation (ch. 41, 42, 42 a,
381. 2-383. 16). Suit un corollaire sur la possibilité de l’union entre l’âme
incarnée et les dieux (ch. 43, 383. 18-24).
(2) Il a été déjà fait mention de cette doctrine, cf. 372. 10, 23 et les notes
p. 203, η. 1 et n. 5 de la section I.
(3) διαφερόντως (377.16) est équivoque. Ou « diversement de » ( = « supé­
rieurement à ») ce qui a été dit (par Plotin etc.), ou, étant donné ce qui suit,
« en m arquant bien des différences » dans les divers sorts des âmes (cf. πολύ
διαφερόντως διατάττονται 385. 2).
(4) ό Τίμαιος, avec l’article, est le Timée, et tout le passage est sans doute
un résumé du Commentaire de Jamblique sur le Timée (cf. Zeller, III 24,
p. 741, n. 3) à propos de Tim . 41 e 3 δτι γ έν εσ ις π ρώ τη μέν έσοιτο τεταγμένη
μία πασιν, ίνα μήτις έλαττοΐτο ύπ’αύτοϋ. Cf. P rocl. in Tim ., III, pp. 275-278
(traduit infra Note Complémentaire V, pp. 258 ss.), qui paraît, s’être souvenu
de Jamblique dont il cite proprement l’exégèse ib. p. 2 7 8 .2 .— J e prends,
ainsi que Wachsmuth d’après sa ponctuation (virgule après ποιεΐν), τύν δημιουρ­
γόν διασπείροντα comme une apposition à τήν πρώτην ύπόστασιν. — Pour les
κρείττονα γένη (377.18), cf. déjà 365.26 χωρίζει 8è αυτήν (sc. τήν ψυχήν) καί άπό
των κρειττόνων γενών όλων, 367.3 τό άπογεννώμενον άπό τών θειοτέρων γενών όλων,
365.11 καί πάντα τά πρεσβυτέρα γένη. L ’expression est explicitée infra 378.2
ουδέ κατά τάς διαιρέσεις τών κρειττόνων γενών οΐον θεών, άγγέλων, δαιμόνων,
ήρώων. Voir aussi infra, p. 221, n. 1.
(5) εϊς όλα δε τά στοιχεία του παντός (377.19). Ici on s’attendrait à ce que
στοιχεία = « planètes » (et non « éléments »), selon un sens courant sous l’Em -
516
APPENDICE I 217

dance avec les créations divines que se divisera l’ensemencement


des âmes par le Démiurge, et il y aura coexistence entre ces
créations et la première procession des âmes, celle-ci comportant
conjointement avec elle-même les logements des âmes: l’Ame
universelle a pour logement (1) le monde entier, les âmes des
25 dieux visibles les sphères célestes, celles des éléments |les
éléments mêmes, auxquels des âmes aussi ont été unies dans
un même lot selon chaque assignation de telle sorte. C’est de
tous ces lieux donc que se font les descente« des âmes, diver­
sement à partir de lots alloués différents, comme entend le
29 montrer clairement l’ordonnance du Timée.
Cependant une autre manière de voir des P latoniciens ne
distingue les descentes des âmes à partir des lieux différents ni
selon les lots alloués par le Démiurge, ni selon les divisions des
5 genres supérieurs tels que dieux, anges, démons, héros, | ni
selon la distribution des parties de l’Univers; mais, posant en
principe que l’âme est toujours dans un corps, comme par

pire, cf. P r e u s c h e n - B a u e r , s . v ., 4. C’est en effet dans les planètes (όργανα


χρόνων Tim. 41 e 6, 42 d 5) et la terre que le Démiurge sème les âmes d’abord
logées dans les astres fixes (cf. 41 e 5 δέοι δέ σπαρείσας αύτάς είς τά προσήκοντα
έκάσταις έκαστα όργανα χρόνων, 42 d 4 εσπειρεν τούς μέν εις γην, τούς δ’είς σελήνην,
τούς δ'εις τίλλα όσα όργανα χρόνου et A . E . T a y l o r , À C om m entary..., ρρ, 258-259
qui cite P r o c l . in Tim., III, p, 280. 22 ss. D. επειδή δέ ού μόνον έπί τής γης
ζώα συνίστανται διά τών τοιούτωνψυχών, άλλά καί έν άλλοις σ το ιχ ε ίο ις, ουδέ
άνθρωπος μόνον (τούτο γάρ ήμίν γνώριμον) , άλλά καί άλλα ζφοε, θειότερα μέν, γενητά
δέ όμως κτλ.). Cependant Jamblique dit plus loin (377.23) que les âmes des
dieux visibles (τών έμφανών θεών), c ’est-à-dire des astres, reçoivent comme
logements les sphères du ciel tandis que les âmes des στοιχεία ont pour loge­
ments ces στοιχεία eux-mêmes : or en quoi les θεοί εμφανείς se distingueraient-ils
des στοιχεία planètes? En outre ce passage 377.23 ss. marque sûrement une
hiérarchie : en tête l’Ame universelle logée dans l’univers entier, puis les
âmes des dieux astres logées dans les planètes (ou leurs sphères), puis les
âmes des στοιχεία. Ceux-ci sont donc situés sous les planètes, et ce qu’il
y a dans le kosmos sous les planètes, ce sont les quatre éléments dont chacun
produit un genre particulier d’êtres vivants, cf. P lat, E p in . 981 c 5 πέντε ούν
δντων τών σωμάτων (cinq, parce que l’auteur compte aussi dans le nombre des
σώματα l’éther, qui engendre les démons 984 e 3), πυρ χρή φάναι καί ύδωρ είναι καί
τρίτον άέρα, τέταρτον δέ γην, πέμπτον δέ αιθέρα, τούτων δ’έν ήγεμονίαις έκαστον ζωον
πολύ καί παντοδαπόν άποτελεϊσθαι (cf. W . J a e g e r , Arisloteles, 1923, ρρ. 146 ss.).
Au vrai, dans le cas de la πρώτη κατάβασις des âmes, le Timée lui-même ne

f
iarle (avec la Lune et les planètes) que de la Terre, 42 d 4. Mais il est dit plus
oin que les oiseaux, les quadrupèdes et les poissons résultent d’une modifi­
cation de la race humaine (91 d 6 ss.). De toute façon, στοιχεία désigne ici les
quatre régions du monde que se partagent, de haut en bas, les quatre élé­
ments. Pour ce passage de στοιχείον = « élément » à « région assignée à l’élé­
ment », cf. L. S. J ., s. v., II 2 fin (στοιχείον pour la mer, άμφω τά στοιχεία
= la terre et la mer).
(1) Un έχει sous-entendu se tire facilement de έχουσα τά δεχόμενα τάς ψυχάς
à la ligne précédente (377.22). Avec ή μέν..., αί δέ..., il faut sous-entendre néces­
sairement ψυχή (ψυχαί), tiré de ή σπορά τών ψυχών, ή τών ψυχών πρόοδος supra
377.20-22.
218 L A R É V É L A T IO N D ’ H E R M È S T R IS M É G IS T E

exemple E ratosthène (1), P tolémée le platonicien (2) et


d’autres, elle la fait passer de corps plus subtils dans les corps
épais (3) : l’âme sans doute séjourne ordinairement en (4) |
10 quelque portion du monde sensible, mais elle descend dans le
corps solide tantôt de tel lieu de l’Univers, tantôt de tel autre.
Quant à ces lieux, à partir desquels donc les âmes descendent
ici-bas, Héraclide le P ontique les situe dans la Galaxie (5),
d’autres dans toutes les sphères célestes (6) ; ceux-ci disent que

(1) Il ne doit pas s’agir du Cyrénéen, mais d’un autre, cl. Knaack (P. W . VI
362. 17, 386. 25, 389. 24), qui, après Wachsmuth (II, p. 293), les distingue.
Celui-ci en tout cas est mis au nombre des Πλατωνικοί et associé à un P to ­
lémée 6 Πλατωνικός. Un Eratosthène est également nommé dans Proclus,
in Tirn., II, p. 152. 26 (cité supra, p. 180, η. 1), mais ce passage concerne
l’Ame du Monde et n’a point de rapport avec le nôtre.
(2) C’est peut-être Ptolémée Chennos d’Alexandrie- (probablement n e s.
ap. J.-C .), sur qui cf. U e b e r w e g -P ra ech ter , p. 561. Il écrivit sur Aristote,
mais composa sans doute aussi un commentaire sur le Tintée, cf. P ro cl .
in Tim., I, p. 20. 7. S’il s’agit bien ici de ce Ptolémée Chennos, il ne saurait
être le même que le Ptolémée rangé par Longin (avec Ammonius) parmi les
Péripatéticiens dans une liste de philosophes que Longin aurait connus dans
son enfance (ap. P orph . v . Plot. 20.49, Cf. 20.21 ους όίπαντας μέν ύττηρξεν ÎSeïv
ήμΐν διά την έκ παίδων έπί πολλούς τόπους... επιδημίαν). Comme le remarque
É . R . Dodds (Proclus, El. Theol., p. 317), ce Ptolémée est partisan du corps
pneumatique de l’âme, en sorte que la doctrine remonterait au moins au
n a s. de notre ère.
(3) Plotin (IV 3, 9. 3 ss.) distingue pareillement deux modes de l’entrée
de l’âme j i ans J e corps : (1er mode : 9. 4 ss.) ή μέν γάρ (είσοδος) γίνεται ψυχή έν
σώματι ουση τή τε μετενσωματουμένη καί τή έκ σ ώ μ α το ς άερίνου ή πυρίνου
είς γή ινο ν γιν ομ ένη (on n’appelle pas cela métensomatose parce que le corps
à partir duquel se fait Γείσκρισις est invisible) : cette théorie paraît correspondre
à celle d’Er_atosthène et de Ptolémée ici; (2e mode : 9. 7 ss.) ή δέ έκ του άσωμά-
του είς ότιοΰν σώμα, ή δή καί πρώτη άν εΐη ψυχή κοινωνία σώματι = cette théorie
paraît correspondre à celle du Tintée où, lors de la πρώτη γένεσις, l’àme n'est
pas encore entrée dans un corps. — Pour οστρεώδη (378. 8) = littéralement
«à la coquille épaisse », cf. O lym pio d ., in Phaed., p. 1 43.11 N. μάλλον δέ καί αύτός
ό^Σωκράτης έρεϊ μικρόν ύστερον (Phéd. 81 d) ώς το σκιοειδές τοϋτο δή φάντασμα
τη ψυχή συνέζευκται μετά θάνατον, εως άν τή τοϋ σωματοειδοϋς άνάγκη συνεπομένη
π άλιν ένδ εθή τ<5 δσ τρ εώ δ ει σ ώ μ α τι. L’image vient du Phèdre 250 c 5 άσή-
μαντοι τούτου 6 νυν δή σώμα περιφέροντες όνομάζομεν, όστρέου τρόπον δεδεσμευμένοι.
(4) διατρίβειν εις (378.9). Pour cet emploi de είς = έν dans le grec tardif,
cf. Bl.-D ebr. 205. Pour l’origine de cette confusion, W a.ckerna.g e l , Synt.,
II, p. 156.
(5) Voir en dernier lieu P. B oyancé , Etudes sur le Songe de Scipion (Paris-
B ordeaux, 1936), pp. 130, 133 ss., en part. p. 134, n. 1, F . C umont , Symb.
fun. d. Rom., p. 193 et n. 1. Sur la croyance, cf. surtout Somn. Scip. 16, M a n il .
I 751 ss. Il est probable d ailleurs que cette croyance, répandue chez beaucoup
de peuples (cf. G un d el , P . W . V II, 564. 7 ss.), a dil être populaire en Grèce
avant Héraclide lui-même et qu’il l’a plutôt vulgarisée qu’inventée, cf. Z e l l e r ,
II l 5, p. 1038 (les étoiles de la Voie Lactée étaient tenues pour des âmes).
(6) La notion de l’immortalité céleste est trop commune sous l’Empire
pour qu’on y insiste. Voir en général Mrs A. S trong , Apotheosis and After
Life (Londres, 1915), pp. 174 ss., F . C umont, After Life in Roman Paganism
(New Haven, 1922), pp. 91 ss., Rel. Or*. (Paris, 1929), pp. 116 ss .,Lux Perpétua
(Paris, 1949), pp. 174 ss. Mais, comme le remarque Cumont (After Life, p. 105),
en dehors de l’immortalité dans les astres fixes, le soleil et la lune, les textes
sont peu explicites en général au sujet des autres planètes : « The place where
A P P E N D IC E I 219

15 les âmes habitent dans la Lune | ou dans la région de l’air


qui se trouve sous la Lune (1) et qu’elles descendent de là
dans la création terrestre, ceux-là soutiennent qu’elles tombent
toujours de corps solides en d’autres corps solides (2).
Tels étant donc le nombre et la diversité des l i e u x d ’ o r ig i n e
20 dans l’univers, | les descentes ici-bas se diversifient en Consé­
quence : quant aux m o d e s de la descente, ils diffèrent de plus
d’une manière.

< 2 . B uts de la de sce nt e >

H eraclite (3) pose en principe qu’il se fait nécessairement


des échanges de contraire à contraire, il présume que les âmes
parcourent le chemin en haut et en bas et que, pour elles, rester
25 aux mêmes lieux est une fatigue, | changer de lieu procure un
repos. Les Platoniciens de l’école de T aurus (4) disent que les
âmes sont envoyées par les dieux sur la terre, les uns ensei­
gnant, d’accord avec le Timée, que c’est pour l’achèvement de
l’Univers, en sorte qu’il y ait dans le monde | autant de
vivants que dans l’intelligible (5), les autres pensant que le
but de la descente est d’offrir une représentation de la vie
divine : telle est en effet la volonté des dieux, de se rendre
manifestes par le moyen des âmes ; car les dieux se produisent
5 au dehors | et se donnent en spectacle grâce aux âmes, quand
elles mènent uns vie pure et immaculée (6).
Maintenant, selon une autre manière de diviser, les modes
de la descente des âmes sont considérés ou bien comme volon-
the blessed thus corne together, that one of the upper spheres in which their
meeting takes place, is left uncertain. Their dwelling was known to be some-
where very high above us, but men did not willingly venture to fix its exact
situation ». καθ’ δλας του οόρανοϋ τάς σφαίρας doit donc signifier plutôt le ciel
entier qui comprend les sept sphères planétaires.
(1) Sur ce point, voir surtout F . C u m o nt , Symb. fun. d. Rom., pp. 177 ss.,
Lux Perpétua, pp. 174 ss.
(2) Cette dernière doctrine est évidemment celle de la métempsycose :
après sa « première naissance » (cf .supra,, 377. 16/7), l’âme qui n’a pas su rester
pure ne cesse de passer d’un corps terrestre en un autre et généralement dans
un corps inférieur (d’où πίπτειν 3 7 8 .1 7 ), cf. Tim . 42 b 5 ss., 90 e 6, 91 d 6 ss.
(3) Manque dans les Vorsokratiker, cf. supra 375.7 et pp. 209, n. 4, 210,
η. 1. Doit être ajouté à 22 B 84 a (pour άνάτταυσιν), 84 b (pour κάματον), 60
(pour δδδν άνω καί κάτω), 90 (pour άμοιβάς ...έκ των Εναντίων).
(4) Cf. U e b e r w e g -P ra ech ter , ρ. 546. Auteur d’un commentaire sur le
Timée.
(5) Cf. Tim. 39 e 3 ss., 41 b 7 ss.
(6) L ’idée que le sage est un portrait de Dieu est ancienne et banale, mais
je ne connais pas d’autre témoignage pour la doctrine que les âmes sont envoyées
par les dieux sur la terre (378. 26) pour donner en spectacle la vie divine
(εις θείας ζωής έπίδειξιν 37 9 .1 -2 ). Peut-être doctrine des A nciens 456. 24 (infra
p. 243).
1

220 L A R É V É L A T IO N D ’H E R M È S T R IS M É G IS T E

taires, soit que l’âme ait choisi 'elle-même d’administrer les


choses terrestres, soit qu’elle obéisse aux commandements des
10 dieux, | ou bien comme involontaires, l’âme étant entraînée
par force vers ce qui est inférieur (1).

< II>

I 49. 40 < L ’tu iio n d e l ’â m e a v e c le c o r p s > (2)


1,379.11W.
< 1 . Diverse selon la diversité des ames>

L ’union avec le corps n ’est pas la même pour toutes les


âmes. L ’Ame Universelle, selon l’opinion de P lotin, contient
en elle-même le corps qui lui est attaché, mais elle ne
15 s’attache | pas elle-même à ce corps et elle n ’est pas non plus
enveloppée par lui (3); en revanche les âmes particulières
s’attachent aux corps, elles deviennent choses des corps (4), et
c’est lorsque ces corps sont déjà dominés par la Nature univer­
selle qu’elles vont loger en eux (5). Cependant (6) les âmes
20 des dieux convertissent [ vers leur propre essence intellectuelle
les corps divins, qui imitent l’intellect (7); les âmes des1

(1) Sur to u t ce problème des buts (ou motifs) de la descente, cf. le


ch. II de ce livre, pp. 69 ss.
(2) Ce sous-titre est de mon cru. Les MSS. portent ici περί διαφοράς καθόδου
τών ψυχών, reporté par Wachsmuth en tête du ch. 39, cf. p. 216, η. 1.
(3) Cf. P lo t . IV 3, 9.12 ss. C’est tout en demeurant en haut que l’Ame
universelle gouverne le monde (άνω γάρ μένων έπιστατεϊ, SC. 6 έφεστηκώς 9. 34) ;
elle ne descend pas vers le monde, mais celui-ci s’approche d’elle (γειτονοϋντι
αυτή 9. 27). N oter 9. 34 ss. : έμψυχος τώ τοιούτοι τρόποι (sc. ό κόσμος), έχων ψυχήν
ούχ αύτοϋ άλλ’ αυτοί, κρατούμενος ού κρατών, καί έχόμενος άλλ’ οΰκ έχων. κεΐται
γάρ έν τή ψυχή άνεχούση αυτόν. L ’idée que le corps du monde est contenu et
soutenu par l’Ame du monde est déjà dans Platon, Tim. 34 b 4 έξωθεν τό σώμα
αυτή περιεκάλυψεν (sc. le Démiurge), 36 e 3 (l’Ame) κύκλω... αύτόν έξωθεν περικα-
λύψασα. Cp. C. Η. X 11 (118. 18) ώσπερ έν ψυχή δέ σώματος πεποιημένου.
(4) Cf. P lot . IV 3, 12-17, en partie. 17. 25 ss. : de même que le pilote, sur
un vaisseau ballotté par la tempête, s’applique au soin du navire au point
de s’oublier lui-même, ainsi les âmes έρρεψάν τε πλέον καί αδται καί <ζού προ-
σεΐχον> τοϊς έαυτών έπειτα δέ κατεσχέθησαν πεδηθεΐσαι γοητείας δεσμοΐς, σχεθεϊσαι
φύσεως κηδεμονία. Si le vivant particulier était comme le Tout, καί παρεϊναι
λεγομένη ψυχή ούκ âv παρήν αύτφ, καί παρεΐχεν αύτφ ζωήν μένουσα πάντη έν τώ άνω.
(5) Ceci me paraît faire allusion à la doctrine selon laquelle l’âme intellec­
tuelle n’entre dans le corps que quand celui-ci est déjà tout formé et pourvu de
l’âme βλαστική, cf. Stob. Herm. E xc. X V 5 1-4 έπεί τοίνυντό πνεύμα ούκ είχεν
έν τή νηδύι τήν ζωτικήν κίνησιν, τήν δέ βλαστικήν, καί ταύτην ήρμοσεν άρμονίμ υπο­
δοχήν ο ίσ α ν τή ς διανοη τική ς ζω ή ς.Pour είσοικίζονται (379. 18, 23, είσοικί-
ζουσιν 377. 14, είσοικίζει 378. 9), cf. P lot ., V 1, 2. 25 ψυχής είσοικισθείσης.
(6) καί paraît avoir ici le sens restrictif ( = καίτοι, cf. L S J. καί II 3).
Bien que les âmes particulières soient choses des corps, cependant, celles des
astres et des autres êtres divins dirigent à leur gré ces corps.
(7) Cf. supra 374. 6 καί τά μέν τών όλων έπιστρέφειν εις έαυτά τα διοι-
κούμενα, τά δέ τών διηρημένων αυτά έπνστρέφεσθαι πρίς ταϋτα ών έπιμελοϋνται.
APPENDICE I 221

autres genres divins dirigent leurs véhicules selon le rang que


chacune s’est vu assigner (1). En outre (2), les âmes pures
et parfaites vont loger dans les corps d’une manière pure, sans
être affectées de passions et sans être privées de la fonction
25 intellectuelle; pour les âmes de nature contraire, | c ’est le
contraire. Mais Atticus < e t d’a u tres> P latoniciens (3) |
W. ne sont pas de cet avis : ils unissent toutes les âmes aux corps
selon un mode unique de rencontre; d’une manière toujours
identique, dans toute incorporation des âmes, ils font exister
d’abord l’âme irrationnelle, désordonnée et immergée dans la
5 matière, et, quand cette âme a été bien | ordonnée, ils la font
en surplus s’unir à l’âme raisonnable (4).

(1) Comme le marque bien la traduction paraphrasée de Lévêque, « les


âmes des dieux [des astres] convertissent vers leur nature intellectuelle leurs
corps divins qui imitent l’intelligence [par leur mouvement circulaire] » : la
parfaite régularité du mouvement circulaire approche, autant qu’il se peut,
l’immobilité et le repos de la pure contemplation. — Les autres « genres divins »
sont sans doute les anges, les démons et les héros, cf. supra, p. 216, n. 4.
(2) "Ετι γε μήν marque de façon redondante une progression dans l’argu­
ment (ou ίτι ou γε μήν aurait suffi). La première diversité de κοινωνία concer­
nait la nature des âmes, Universelle ou particulières, sous réserve d’une res­
triction (καί 3 79.18) dans le cas des âmes particulières supérieures. La deuxième
diversité de κοινωνία (f n γε μήν 379. 22) concerne la pureté des âmes. Avec
Ά ττικφ < 8 έ > (379. 25), oir aura une δόξα qui s’oppose à tout ce qui vient
d’étre dit, en ce qu’elle n’admet aucune diversité-dans la κοινωνία.
(3) Le texte est gâté. Les MSS. portent Ά τπ κ φ ή Πλατωνικοί;. Mais,
d’une part il faut une particule adversative ( < 8 é > Heeren), d’autre part il
s’agit seulement d’un groupe des Πλατωνικοί puisque Πλωτϊνος (379.13) est lui
aussi un Πλατωνικός. La correction καί (pour ή) et l’addition <δλλοις τιοι>
Πλ. sont de Heeren.
(4) τάς δλας ψυχάς (380. 1/2) ici = κάβας τάς ψ., cf. 367. 3 από τών θειοτέρων
γενών δλων, 380 .1 6 τάς ένβωματώσεις τών ίλών, 377 .1 9 είς δλα δέ τά ατοιχεια τού
παντός, et non pas seulement les âmes universelles de supra 372. 5 ,1 6 , 373. 4,2 6 ,
374. 6, car il s’agit dans cette doctrinede toute espèce d’incorporation, ώσαύτως
άεΐ μέν καί έπί πάσης ένβωματώβεως τών ψοχών. — Pour Atticus, cf. déjà
supra, p. 208, n. 3 (sur 375. 1). Le texte qui éclaire surtout notre passage est
P rocl . in Tim. II, p. 153. 25 ss. (à propos de la composition de l’Ame du
Monde, Tim. 35 a, mais il semble qu’Atticus ait attribué à toute âme ce qui
concerne chez Platon l’Ame du Monde). Proclus vient de mentionner ceux
(Aristandros, Numénios, Sévéros) qui regardent la nature de l’âme comme
mathématique. 11 poursuit : « Les autres, tenant la nature de l’âme pour
physique, disent que l’essence divisible est l’âme irrationnelle qui préexiste
(προουααν) à la raisonnable, l’essence indivisible l’âme divine, et ils composent
l’âme raisonnable de ces deux parties, de l’une en tant que gouvernante, de
l’autre en tan t que subordonnée : telle est l’opinion de P lutarque et d’A rri-
cus. Ils disent encore que l’âme est »engendrée quant à la partie subordon­
née, engendrée quant à la forme ». Voir aussi ib. III, p. 234. 8 (à propos de
Tim. 41 d 1 τύ δέ λοιπόν υμείς, άθανάτω θνητόν προσυφαίνοντες) ; « Les exégètes de
Platon se sont demandé ce qu’étaient cette partie immortelle et cette partie
mortelle. Ceux qui ne laissent l’immortalité qu’à l’âme raisonnable font périr
la vie irrationnelle to u t entière et le véhicule spirituel de l’âm e; ils ne font
exister ces deux qu’autant que l’âme incline vers la génération et ne maintien­
nent immortel que l’intellect, comme étant le seul à être à la fois stable,
ressemblant aux dieux et non détruit ; ainsi pensent les plus A nciens ,
222 L A R É V É L A T IO N D ’ H E R M È S T R IS M É G IS T E

< 2 . D i v ers e selon la d i v er si té des b u ts > (1 )

Davantage, à mon sentiment, la diversité des buts met aussi


une différence dans les modes de la descente des âmes. En
effet, si l’âme vient ici-bas pour conserver, purifier et perfec­
tionner les choses terrestres, c’est sans souillure qu’elle accomplit
10 sa descente (2). Si l’âme se tourne vers les corps | pour
former par l ’exercice et corriger ses propres mœurs, elle n ’est
pas absolument impassible ni ne jouit d’une entière indépen­
dance, isolée en elle-même (3). Si l’âme se rend ici-bas par
punition et en raison d’un jugement, elle semble de quelque
manière entraînée de force et poussée malgré elle (4).
15 < C ertain s pourtant des plus récen ts> (5) ne font pas |cette
division, mais, sans prendre en considération les différences, ils
ramènent confusément à un seul mode l ’incorporation de toutes
les âmes et soutiennent que cette incorporation est toujours un
mal ( 6 ) , notamment C r o n i u s , N u m é n i u s et H a r p o c r a t i o n .

qui estiment s ’en tenir à la lettre du texte, où Piaton fait périr l’âme irration­
nelle, puisqu’il la nomme « mortelle », j ’entends A ttic u s , Albin us et autres
pareils ».
(1) Ou Stobée a brouillé ses notes, ou Jamblique compose sans ordre (puis­
qu’il a été déjà traité des τέλη plus haut 378. 21 -3 7 9 .1 0 :cf. 379. 2 τό τ έ λ ο ς
άναφέροντες τής καθόδου), ou, comme je le crois, ce paragraphe sur les τέλη
concerne l’influence qu’exerce le τέλος sur le mode d’union au corps de l’âme
incarnée. Il s’insère en effet entre deux passages (379.12-380. 5 et 380. 19-29)
relatifs à la diversité des modes d’union au corps selon (1) la nature ou la
pureté de l’âme et (2) le genre de vie qu’elle a mené avant sa descente.
(2) Cf. supra 378. 25 ss. : c ’est la conception « optimiste, cf., dans ce livre,
ch. I l, pp. 73 ss.
(3) Cette deuxième conception n’a pas été mentionnée plus haut, à moins
qu’on n’entende par là la θείας ζωής έπίδειξις de 379. 1 /2. L ’idée est celle du
héros éprouvé par Dieu et qui, grâce à cette épreuve, gagne le ciel, cf. ma
Sainteté, pp. 63-68 et Porphyre, supra, ch. I l , pp. 80 s.
(4) Ce sont les τρόποι άκούσ ιοιτής καθόδου, supra 3 7 9 .1 0 , l’âme étant forcée
(βιαζομένη) de descendre en punition d’une faute originelle, cf. supra, ch. II,
pp. 69 ss, et 93 ss.
(5) L ’addition <τινές Si τών νεωτέρων ούχ οδτω ς> est de Heeren.
(6) Lévêque et Wachsmuth (II, 291, 293, 296) entendent κακάς τε είναι πάσας
(380. 16/7) des âmes, τάς ψυχάς devant être sous entendu ici comme ψυχών après
τών όλων 3 8 0 .1 6 . De plus, Wachsmuth (1. c.) interprète καί διαφερόντως (380.17)
com m e « (omnes animas malas esse) sed diverso modo·. L a première traduction
est sûrement mauvaise. Selon Numénius e t Cronius, il y a en nous deux âmes,
l’une (irrationnelle) mauvaise, l’autre (raisonnable) bonne : cf. test. 36, p. 98
Leem. Cependant l’âme raisonnable elle-même devient mauvaise dès là que,
s ’incorporant, elle entre en contact avec la matière, cf. supra 3 7 5 .1 2 τών δ’αύ
διισταμένων πρός τούτους καί άπό τών έξωθεν προσφυομένων προστιθέντων όπωσόϋν
τη ψυχή τλ κακόν, άπό μέν τής ύλης Ν ουμηνίου καί Κ ρονίου πολλάκις, άπό δέ τών
σωμάτων αύτών τούτων ίστιν δτεκαί "Αρποκρατίωνος (cf. supra, p. 210, nn., 5).
De là vient que, comme le marque Leemans (Numénius van Apamea, p. 66,
n. 3), la venue de l'âm e dans un corps est pour elle toujours un mal : Leemans
se réfère à notre texte (¿6., test. 40, p. 99) et interprète donc justement κακός
είναι πάσας comme se rapportant à τάς ένσωματώσεις τών όλων.— διαφερόντως (non
APPENDICE I 223

< 3 . D ivers e selon les genres de vi e di ffé re nts


DES AMES AVAN T LA D E S C E N T E >

De plus il faut, de quelque façon, connaître aussi les g e n r e s


20 des âmes | avant leur entrée en un corps, dès là que,
d e v ie
bien sûr, ces vies elles aussi comportent de grandes différences :
or, en raison de ces divers modes de vie, c’est de manière diverse
aussi que les âmes font leur première rencontre avec le corps.
De fait, ceux dont l’initiation est toute fraîche et qui contem­
plent pleinement les êtres (1), ceux qui sont compagnons et
2ü familiers des dieux, ceux qui sont entièrement 1 accomplis
et qui tiennent étroitement embrassées dans un état de santé
parfaite les parties de leur âme, c’est impassibles et impollués
qu’ils s’implantent pour la première fois dans le corps. Mais
ceux qui sont gorgés de convoitises charnelles et remplis d’autres
affections sensibles, c’est chargés de passions qu’ils s’unissent
29 pour la première fois 1 aux corps (2).

traduit par Lévêque) peut avoir à la rigueur le sens indiqué par Wachsmuth
(les incorporations sont diversement mauvaises :cf. supra, p. 216, n. 3), mais il
parait beaucoup plus naturel de le rapporter à la suite οί περί Κρόνιον κτλ.
(1) oï τε γάρ νεοτελεΐς καί πολυΟεάμονες των οντων 380. 2 3 : c i . P l a t . Phèdre
251 a 2 6 δε άρτιτελής, 6 τών τότε πολυθεάμων, 250 e 1 ό μέν ούν μή νεοτελής, 248 b4
πάσαι Si... ατελείς τής του όντος θέας απέρχονται. Pour οι τε συνοπαδοί καί συγγενείς
τών θεών 380. 24, c f . Phèdre 248 C 3 ήτις άν ψυχή, θεώ ζυνοπαδός γενομένη, κατίδγ)
τι τών άληθών, J ul ., Or. IV, 130 c καί γάρ είμι τουβασιλέως οπαδός Ήλιου.
(2) Ce paragraphe est difficile à entendre. Il ne peut s’expliquer par la
doctrine de la métempsycose (qui éclairerait tout) puisqu’ il est parlé trois fois
(τήν πρώτην σύνοδον 380.' 22, πρώτως 380. 26, 28) de la première union de l’âme
avec le corps. 11 faut donc supposer que les βίοι τών ψυχών sont les genres de vie
des âmes au ciel avant leur première descente (πριν έλθεΐν εις σώμα, 380. 20),
et que, au ciel même, dans son état'préempirique, l’âme peut ou bien se conser­
ver pure et parfaite ou au contraire se remplir de passions. On se référera au
Phèdre (246 a ss., 247 b, 248 a-c) et aux doctrines du péché originel (commis au
ciel même) étudiées plus haut, ch. I l, pp. 83 ss. Pour une même distinction
entre deux comportements de l’âme (probablement) au ciel, cf. Stob. Herm.,
E x c. V III 5 e t mon édition, introd., pp. l x v - l x i x . — Pour περίεχοντες 380. 25,
cf. περιέχουσα 371. 17. Pour άπό τών επιθυμιών άναπεπλησμένοι 381. 27, cf. (avec
Wachsmuth) πλήρωσιν άπό νοϋ καί του δντος. 454. 14.
224 LA RÉVÉLATION D’HERMÈS TRISM ÉGISTE

< III>
I 49.41. < T e m p s e t m o d e s d e l 'in c o rp o ra tio n > (1)
1,381 W.
< 1 . T emps de l ’ incorporation >

D’autre part, selon Hippocrate (2), de la famille des Asclé-


piades, c ’est quand le sperme a été modelé en embryon (car il est
alors convenablement disposé pour participer à la vie), selon
5 P o r ph y r e , c’est dès le premier instant |de la parturition (3), que
le fruit reçoit actuellement la vie et que l’âme y devient présente.
On pourrait dire aussi (4), selon une autre opinion non exprimée
encore jusqu’ici, que multiples sont les puissances et les moda­
lités d’être de l’âme, et que, à tel et tel moments divers, dans la
10 mesure où le corps en formation | s’y trouve convenablement

(1) Comme on l’a marqué plus haut (pp. 12 ss.), ce ch. 41 est certainement
tronqué au début. (1) κατά y Ίπποκράτην prouve qu’au moins une autre
δόξα a été signalée antérieurement. (2) Jamblique ne mentionne que les opi­
nions d’Hippocrate, de Porphyre et d’un anonym e:or nous savons (e . infra)
qu’il y en av ait d’autres. (3) τοσαΰτα (381. 13) ne convient guère après une
énumération aussi courte. — Pour le problème, cf. surtout P o rph y re , Περί τού
πώς έμψυχοΰται τά έμβρυα, ed. Kalbfleisch, Abk. Berl., 1895 (traduit infra, pp. 265
ss.), en partie. II 1 ss., pp. 34. 11 ss. K . La source de Jamblique est presque
sûrement ce traité de Porphyre. Car, d’une part, l’opinion anonyme citée par
Jam blique est déjà dans Porphyre (II 3, p. 35. 9 ss. K. = infra, p. 268 :
Kalbfleisch a noté ce parallèle, 1. c., pp. 22-23), d’autre part deux des δόξαι ici
indiquées se retrouvent dans le même ordre chez Porphyre (Hippocrate :
Jam bl. 381. 2 = Porph. II 2, p. 35. 3 K. τοϋδ’ όταν πλασθή πρώτον τηνείσκρισιντι-
θέντος... καθάπερ Ιστορεί 4 'Ιπποκράτης. — Anonyme : Jam bl. 381. 16 = Porph.
II 3, p. 35. 9 K .), Jamblique insérant entre ces deux d’abord celle de Porphyre
lui-même (381. 4), qui, dans son traité, critique au fur et à mesure les opinions
adverses, puis la sienne propre (381. 6 ss.). On peut donc conjecturer que
ce qui précédait dans Jamblique était la même 86ζα que celle qui est indi­
quée dans Porphyre, c ’est-à-dire l’opinion qui fixe l’animation au moment
où le sperme a été injecté dans la matrice, cf. Porph. II 2, p. 34. 23 K. (pour
cette δόξα, P . cite Numénius et les exégètes des sens allégoriques de Pytha-
gore). On aurait donc la série suivante : (1) δταν καταβληθή τ4 σπέρμα
(Porph., p. 34. 23); (2) 8ταν πλασθή τύ σπέρμα (Jambl. 381. 3 = opinion d’Hip­
pocrate) ; (3) έν τη πρώτη άπογεννήσει τοϋ τικτομένου (Jambl. 381. 4 = opinion de
Porphyre, 1 1 1 , p. 3 4 .1 9 8 8εϊ γίγνεσθαι μετά τήν έκ γαστρός κατά φύσιν γίγνομένην
¿ποκύησιν) ; (4) opinion de Jamblique (γένοιτο 8* άν καί άλλη τις 84ξα κτλ., 381.
6 ss.) ; (5) Anonyme (Jam bl. 381. 16 ss. = Porph. II 3, p. 35. 9).
(2) Cf. H ip p . Nat. P uer. 18 (VII 498 ss. L.).
(3) Cf. η. 1. Ε ’άπογέννησις de Jamblique correspond à 1’άποκύησις de Por­
phyre.
(4) Opinion de Jamblique qui, comme il le fait souvent, présente sa doc­
trine sous forme dubitative. Cp. γένοιτο 8’ άν καί άλλη τις δόξα οϋδέπω καί νυν
¿ηθεϊσα ici 381. 6 et γένοιτο 8έ κάν άλλη 8όξα οΰκ άπόβλητος 372. 15, άλλος άν
τις καθαρώτερον αυτήν προστήσαιτο τελεώτατα 364. 6, ώσπερ άν τις νεωτερίσειεν έν
ταΐς έπινοίαις 367.4, τάχα άν τις έπινοήσειε καινότερον, ούκ άπιθάνως 370. 12, οϊους
άν τις θε£η τούς καινώς μέν άπταίστως 8έ άντιλαμβανομένους τών λόγων 373. 2, ώς
άν φαίη ή νεωστί παρευρεθεϊσα ήδε αίρεσις 373.12. ή παράκειται 84ξη ού παραοδθεΐσα
μέν, δυναμένη 8έ πιθανώς λέγεσθαι αίρεσις 363. 21 parait diflérent, cf. 179, n. 2 .
APPENDICE I 225

disposé, il participe d’abord à la vie végétative (1), puis à la


sensation, ensuite à la vie appétitive, alors seulement à l’âme
raisonnable, enfin à l’âme intelligente (2). Voilà pour le nombre
des opinions relativement aux temps où se pi •>duit la conjonc­
tion naturelle de l’âme et du corps.

< 2 . Modes de l ’ incorporation >

< A . Comment l ’ ame entre dans le corps >

15 Maintenant, quant à ce qui regarde, à propos de l’entrée de


l ’âme, la question de savoir comment l ’ ame p é n ètr e dans le
corps , il y a une première opinion à trois subdivisions (3),
selon laquelle l’âme est attirée du dehors au moment de ce qu’on
nomme la conception, soit par l’ardeur de l’engendrant lorsqu’il
20 aspire de l’air, soit par l’ardeur de la matrice | lorsqu’elle est
convenablement disposée pour retenir le sperme, soit par la
communauté d’impressions des deux sexes quand, respirant
ensemble, ils possèdent l’un et l’autre la propriété d’attirer
l’âme en même temps que se trouve émue la force naturelle
pourvoyeuse du sperme. D’après une seconde opinion, c’est1

(1) φύσις »» τό φυτικόν, ci. Sect. I, p. 207, n. 2 et p. 211, η. 1.


(2) Cette théorie de l’animation progressive se rattache en somme à celle
des Stoïciens, qui distinguent entre l’âme végétative de l’embryon et l’âme
animale de l’enfant une fois né, cf. Z e l l e r , III 1‘ , p. 200, n. 3. Telle sera encore
la doctrine de Grégoire de Nysse, de an. et rei. II I , de hom. op. 29 (l’embryon
n’a que l’âme végétative; à la naissance, celle-ci devient l’âme animale, puis, à
l’âge de quatorze ans, l’âme raisonnable : cf. G ronau , op. cit., p. 196 et n. 2,
197 et η. 1). Même doctrine également dans l’école pneumatique, qui distingue
entre le πνεύμα, principe de la vie βλαστιχή, et l’âme noétique, celle-ci ne sur­
venant que quand le vivant est déjà formé et doué de mouvement, cf. Stob.
H erm. E x c . X V et l’introd. de mon édition, p p . l x x x v i - x c v i i . Voir aussi
Waszink, op. cit., pp. 344-346. .............................
(3) C’est l’opinion de l’Anonyme que P o rp h y re , 1. c., I I 3, p. 35. 9 ss. pré­
sente ainsi : « Mieux encore, j ’ai même entendu quelqu’un soutenir devant moi
que l’ardeur du sexe mâle dans l’accouplement et l’ardeur correspondante de
la matrice (cf. Tim . 91 b-c) arrachent (άρπάζειν) une âme à l’air enveloppant (èx
τοϋ περιέχοντος άέρος) par le moyen de l’inspiration qui se produit alors (cf. Orph.
fr. 27, pp. 95 ss. Kern), quand ces deux ardeurs ont à ce point ému et altéré
la force naturelle pourvoyeuse du sperme qu’elle en acquiert la propriété
d’attirer une âme, et que cette âme, après avoilr jailli conjointement avec le
sperme à travers le sexe mâle comme à travers un tuyau, est recueillie à son
tour par l’ardeur de la matrice quand celle-ci se trouve convenablement disposée
pour retenir le sperme : c ’est pour cette raison que les deux se mélangent,
parce que, grâce à ces deux, l’âme est liée et emprisonnée, et ce qui arrive là
s’appelle conception du fait que le phénomène ressemble à la capture d’un
oiseau », σύλληψίν τε εΐρήσθαι τό πάβος 8ιά τό άρπαγη πτηνού έοικέναι τά γιγνόμενα
(35. 16 K.). Pas plus que Kalbfleisch, je ne saurais dire d’où vient cette doc­
trine. Jamblique a systématisé le processus en distinguant (ή...ή...ή) ce qui,
chez Porphyre, résulte de l’ardeur et du sexe mâle et du sexe féminin.
LA RÉVÉLATION D’HERMÉS TRIS MÉOISTE. — III. 16
226 LA RÉVÉLATION D’HERMÈS TRISMÉGISTE

par une loi fatale (1) que l’âme qui se meut d’elle-même s’intro­
duit dans le corps propre à servir d’instrument, en se détachant
25 soit de l’Univers, soit de |l’Ame universelle, soit de la Création
38 2 . U W. entière. | Cependant les plus purs des P latoniciens , comme
par exemple P lotin (2), disent que sans doute le corps propre
à servir d’instrument tient de ces parties-là le principe de son
15 mouvement, étant soumis, pour la génération, aux | puissances
qui se servent de lui, mais que ces puissances elles-mêmes sont
16 | indépendantes des corps particuliers.

382. 1 W. < B . Comment l ’ ame se sert du corps>

Davantage, la manière dont l ’ ame se ser t du corps


demande elle aussi plus d’une distinction. Car les uns disent
qu’elle ressemble à la fonction du pilote sur un navire, duquel
(1) ή Si (381. 23) s’oppose à μία μέν (381. 16). Selon la première théorie
l’âme, au moment de la conception, est attirée (δόξα ή έλκουσα) en se détachant
du dehors (άπό τών έκτός 3Ç1. 17), c’est-à-dire, comme l’explique Porphyre
(3 5 .1 1 ), de l’air enveloppant (έκτου περιέχοντοςάέρος). Selon la seconde, l’âme
s’introduit dans le corps (είσδύνειν ποιεί 381.23) par une loi fatale (κατ’ άνάγκην)
en se détachant (άπό) soit du Tout, soit de l’Ame Universelle, soit de la Créa­
tion entière. Après cette seconde théorie, les MSS. en indiquent une troisième,
qui se rattach e à la seconde tout en la précisant. C’est bien de ces parties-là
(άπό τούτων τών μερών 382. 14 W .), c’est à dire ou du Tout ou de l’Ame Uni­
verselle ou de la Création, que vient au corps le principe de son mouvement,
c’est à dire l’âme αυτοκίνητος (qui précisément est principe moteur pour le
corps en tan t qu’elle se meut elle-même, cf. Phèdre 245 c 5 ss.), mais les puis­
sances de l’âme elle-même sont indépendantes (άπολύτους είναι 3 8 2 .1 5 /6 ) du
corps individuel, elles ne lui sont donc pas attachées κατ’ άνάγκην. L a seule
expression άπό τούτων τών μερών, correspondant à άπο τών έκτός (381. 17) et à
άπό τού παντός, κτλ. (381. 24), prouve que tout se tient et que Wachsmuth a eu
to rt de transposer la phrase οί δε καθαρώτεροι κτλ. à la lin du paragraphe sui­
vant (382. 11 ss.) où άπό τούτων τών μερών ne correspond plus à rien. Mais ij y a
d’autres indices : άρχεσθαι μέν τής κινήσεως τί> οργανικόν σώμα (382.13) s’explique
par είσδύνειν ποιεί την αύτοκίνητον (sc. ψυχήν : la correction < α ύ > τήν de Üsener
paraît inutile) είς τό οργανικόν σώμα (381. 23 /4), άπολύτους (3 8 2 .1 5 /6 ) s’oppose à
κατ’ άνάγκην (381. 23). Il n’y a donc rien à changer à l’ordre de F P . — Quant
à la doctrine de l’incorporation de l’âme κατ’ άνάγκην, elle paraît avoir été
répandue sous l’Empire, cf. par exemple Stob. H erm . E x c. X V 6 : une fois le
vivant formé et doué de πνεύμα, ή έγγυτάτω ψυχή ούσα obœioÛTat, ού κατά την
συγγενικήν Ιδιότητα (Ρ : ούσιότητα F ), άλλα τήν καθειμαρμένην, X V II 1 ψυχή
τοίνυν έστίν ...ούσία αυτοτελής, έν άρχή έλομένη βίον τόν καθ’ ειμαρμένην et (avec
Lévêque, ρ. 652, n. 3) P lot . IV 3, 1 3 .1 τό γάρ άναπάδραστον καί ή δίκη ούτως έν
φύσει κρατούση ίέναι έκαστον έν τάξει πρός 8 έστιν έκαστον γενόμενον είδωλον προαι-
ρέσεως καί διαθέσεως αρχετύπου, 13. 21 άλλ’ είμαρμένον άεί τώ τοιώδε τό τοιόνδε,
καί τώ < μ έ ν > τοιώδε τό νυν, τώ δέ τό αδθις.
(2) ‘W achsm uth (382. 12) renvoie à P lot . IV 3, 3 (pour l’âme individuelle
partie de l’Ame du Tout) et IV 3, 23 (pour l’indépendance de l’âme raisonna-
,ble à l’égard du corps : έκεϊ (sc. dans la tête) τό λογιζόμενον ούχ ώς έν τόπω, άλλ’
' 8τι τό έκεϊ άπολαύει αύτοϋ 23. 33). — Dans la formation du vivant raisonnable, le
corps όργανικόν ioue le rôle d’instrument, il est donc δουλεύον είς τήν γέννησιν
ταΐς χρωμέναις αύτφ δυνάμεσιν, il est au service de l’âme qui le meut (en tant
qu’elle est αυτοκίνητος). Mais cette âme (raisonnable) elle-même est άπόλυτος,
elle n’est pas unie au corps κατ’ άνάγκην, cf. note précédente.
A P P E N D IC E I 227

le pilote peut aussi se détacher séparément (1). D’autres l’assi­


milent à la fonction du cocher monté sur un char (2), dont il
5 dirige en commun la marche | et le transport. Pour expliquer
la chose, d’autres préfèrent, comme étant plus en accord avec
les faits (3), la comparaison avec une collaboration de l ’âme
et du corps exactement équilibrée entre ces deux parties,
ou avec une convergence et un penchant de l’âme vers le
corps (4), < o u > (5) avec une domination de l’âme sur le
corps. D’autres n’accordent rien de tout cela, mais disent
10 que l’âme est comme une partie dans le vivant | entier (6),
d’autres qu’elle est fixée dans l’âme comme un art dans

(1) άπολύεσθαι (Lévêque, p. 652, n. 6) : άπόλλυσθαι F άπύλυσθαι P . Même faute


371. 19 άπολλυδμεναι F P pour άπολυύμεναι (Heeren). L ’image de l ’âme pilote est
empruntée à P l o t i n , IV 3, 21. 5 λέγεται δέ ούτως èv τφ σώμα-n είναι ή ψυχή ώς 4
κυβερνήτης έν τή νηί, πρδς μέν τδ χωριστήν δύνασθαι είναι τήν ψυχήν καλώς είρηται,
τ4ν μέντοι τρδπον κτλ., cf. aussi 1 1, 3 .1 9 ή ώς είδος ού κεχωρισμένον, ή είδος έφαπ-
τδμενον, ώσπερ 4 κυβερνήτης et déjà P lat . Phèdre 247 c 7 ψυχής κυβερνήτη μ4νψ
θεατή νφ, Criti. 109 c 3 OÙ les dieux οΐον οίακι πειθοϊ ψυχής έφαπτύμενοι..., ούτως
άγοντες τδ θνητδν πδν έκυβέρνων. Voir aussi Porphyre, infra, p. 284.
(2) L ’image du corps βχημα est courante sous l’Empire, voir ma note à C. H.
X 13 (p. 128, n. 48) et cf. déjà P lat. Tim. 69 c 5 ol δέ μιμούμενοι, παραλαβόν-
τες άρχήν ψυχής άθάνατον τ4 μετά τούτο θνητδν σώμα αύτή περιετάρνευσαν ίχημά τε
παν τδ σώμα εδοσαν κτλ. avec le commentaire de A. E . Taylor, p. 496. — Il y a
une nuance entre celte métaphore et la précédente : les chevaux sont animés, le
navire ne l’est pas. On a donc ici une étape intermédiaire entre la rencontre
purement accidentelle du pilote et du navire e t la totale collaboration (συνεργεί?
382. 6). — κοινήν (382. 4) : la marche commune au char et aux chevaux.
(3) ώς μάλλον άρμδζουσαν (382. 5) va sûrement, comme l’a vu Wachsmuth,
avec τήν δμοιότητα (382. 8). — L ’image d’une συνέργεια entre âme et corps
parait définir plutôt la psychologie aristotélicienne, cf. en partie, de an. II 1,
412 b 4 ss., b 15 : ce n’est pas de n’importe quel corps que l’âme est τδ τι ήν
είναι καί 4 λύγος, mais d’un corps propre à servir d’instrument à l’âme (c’est
le sens ΰ’δργανικδς), c ’est-à-dire « d’un corps naturel de telle sorte particulière,
possédant en lui-même le principe du mouvement et du repos », άλλά

Φ
υσικού τοιουδί έχοντος άρχήν κινήσεως καί στάσεως έν έαυτφ. Dès lors il est vain
e se demander εί έν ή ψυχή καί τδ σώμα 412 b 6. On ne peut pas les consi­
dérer à part (tandis qu’on peut séparer le pilote du navire). Plus loin,
après avoir répété que ούκ ίσπν ή ψυχή χωριστή τού σώματος (413 a 4), Aristote
se demande si l’âme est entéléchie du corps ώσπερ πλωτήρ πλοίου (413 a 9). C’est là,
semble-t-il, le point de départ de la question plotinienne, cf. supra n. 1. En
bon aristotélisme, il semble que la réponse doive être négative, cf. la longue
note de R . D. H icxs (Cambridge, 1907) ad loc. (pp. 319-321).
(4) νεύσις et δοπή sont des expressions plotiniennes (v. gr. καί ή νεύσις δέ πώς
ούχ άμαρτία; I 1, 12. 24 : νεύσις aussi chez les Gnostiques de Plotin, II 9, 4. 6)
pour caractériser l’inclination de l’âme vers le corps, συννεϋειν parait chez
Plotin et Porphyre [Sent. 43, p. 42. 6, 8Momm.), mais non pas, comme σύννευσις
ici, pour désigner les relations de l’âme avec le corps.
(5) < ή > έπικρατεί? scripsi. L ’omission de ή, surtout devant une voyelle
(ici e), est une faute assez commune, cf. Stob.Herm. E xc. X X I I I (Korè Kosmou)
1 6 1 < ή > ήν άναγχαιον, 2 1 4 < ή > ά έφθησαν έργάσασθαι.
(6) Théorie combattue par P lotin , IV 3, 20. 30 : ού μήν ούδ* ώς μέρος έν 4λω
(ϊσται ή ψυχή έν τφ σώματι)' ού γάρ μέρος ή ψυχή τού σώματος. ε( δέ τις λέγοι ώς έν
δλω_ μέρος τφ ζφω, πρώτον μέν ή αύτή άν μένοι απορία, πώς έν δλψ· ού γάρ δή ώς έν
τφ άμφορει τού οίνου 4 οίνος, ή ώς 4 άμφορεύς, ούδ* ή καί αύτ4 τι έν αύτφ forât.
228 L A R É V É L A T I O N D ’H E R M È S T R I S M É G I S T E

11 l ’instrument, de la même façon que | si le gouvernail était


animé (1).

149. 42 < C . Comment l ’ame s ’ unit aux d ie u x > (2)

1 ,3 8 2 .17 W. Touchant I’ union des âmes avec les d ie u x , on a été en


20 désaccord. Les uns disent qu’il est impossible | que les dieux
aient commerce avec les âmes enfermées en des corps; les autres
soutiennent qu’une même cité réunit en commun les âmes pures
aux dieux, même si, pour la plupart du temps, elles séjournent
dans le corps; d’autres supposent qu’elles n’entrent en société
qu’avec les démons ou même avec les héros.1

(1) Cf. P l o t . IV 3 ,2 1 .1 1 (après le texte cité supra, p. 227, η. 1 λέγεται δέ ούτως


κτλ. ) : άλλ’ δρα οΰτω φατέον, (εν τφ σώματι είναι τήν ψυχήν ) ώς ή τέχνη (έστί ) έν
τοϊς όργάνοις, οΐον έν τφ οίακι, εί έμψυχος 6 οίαξ ήν, ώστε κυβερνητικήν είναι ένδον
τήν κινούσαν τεχνικώς.
(2) Comme on l’a marqué plus haut (p. 13), ce ch. 42 n’a pas de corres­
pondant chez Tertullien et Aétius. On comparera surtout le de mysteriis. —
Pour κοινήν πολιτείαν... πρός τούς θεούς, 382. 21/2, cf. Sect. I, p. 201 n. 2.
L ’idée d’une πολιτεία commune aux âmes et aux dieux est stoïcienne.
< SE C T IO N I I I >

< V IE DE L’AME DANS LE CORPS>

49. 42» < 1 . Choix du genre de v ie a la pu be r t é > (1)

•382,25 W. < L e s genres de vie se distinguent^ soit comme les meilleurs,


383 W. caractérisés selon | P laton par la purification, l’élévation et
le perfectionnement de l’âme, soit comme les pires, opposés aux
précédents par les caractères contraires ; ils sont juges comme
préférables, selon les S toïciens par la communion (2) et le
bien dépendant de la nature, selon les | P éripà téticien s par
la juste proportion conforme à la nature et la vie intellectivc
supérieure à la condition humaine (3); ils possèdent le préférable,
selon H ér illu s (4) par la science, selon A riston par l’état

(1) Sur cette 3· section et sur les deux questions qu’elle comporte (choix
de vie à la puberté, m ort), cf. supra, pp. 3 ss. et 13 s. Sur la composition de ce
ch. 42», tronqué au début, ib., p. 13 s. On doit sous-entendre en tête, avec une
formule de transition, une proposition principale comme πολυειδώς ΐιαφέρονται
οί βίοι, tous les participes suivants (κρινάμενοι 382. 25, άντιδιαστελλύμενοι
383. 2 /3, προτιμώ μενοι 383. 6, τό αιρετόν ϊχοντες 383. 11) dépendant de ce verbe
initial. Il faut donc m ettre des virgules partout. Quant aux rapports entre
cette doxographie sur les τέλη et celles de Cicéron (Lucull. 129-131, de Fin.
II 34-35, V 16-23), cf. infra Note complémentaire V I, pp. 261 s.
(2) κοινωνία peut désigner soit la communilas cum hominum genere (cf.
St. V. F r ., Ind., s. v. κοινωνία et άνθρωπος, p. 18), soit la κοινωνία des hommes et
des dieux, πρός άλλήλους διά τ6 λίγου μετέχειν (Λ . V. F r., II, ρ. 169. 28 et Ind.,
I. c.). — Pour le bien dépendant de la nature, cf. Cic. de F in ., 11 34 Stoicis
consenlire naturae, quod esse volunt e virilité, id est honeste, vivere, quod ita
interpretantur : vivere cum intellegentia rerum earum, quae nalura evenirent,
eligentem ea quae essent secundum naturam, reicientemque contraria et la fameuse
formule, άκολούθως τη φύσει ζην {St. V. F r., I, 45. 34 et passim).
(3) Pour ή κατά φύσιν συμμετρία, cf. Cic. de F in ., II 34 sententia... Peri-
patetirnrum, ut finem lunorum dicerem secundum naturam vivere, id est virlute
adhibita frui primis a natura datis. Hais peut-être Jambiique songe-t-il à la
vertu έξις έν μεσότητι, cf. Eth. Nie. 11 et passim. — Pour la vie théorétique
ύπέρ τήν άνθρωπίνην φύσιν, cf. Eth. Nie., X 7, 1177 b 26 &8έ τοιοϋτος Sv εΐη βίος
κρείττων ή κατ’ άνθρωπον' ού γάρ ή άνθρωπός έστιν οΰτως βιώσεται, άλλ’ ή θεϊόν
τι έν αΰτφ υπάρχει.
(4) Pour cette suite de noms, cf. Note complémentaire V I. — H é r i l l u s :
P . W ., V III 683 (v. Arnim); A r i s t o n : P. W ., II 957 ss. (n" 56 : v. Arnim);
H i é r o n y m f . : P. W ., V III 1561 ss. (n° 12 : Daebritz). Ce testimonium de
Jamblique sur Démocrite (εύσχημοσύνη) manque dansles Vorsokraliker. A joindre
aux fragm. sur Ι’εύθυμία, εύεστώ.
230 LA R É V É L A T IO N D ’H E R M È S T R IS M É G IS T E

d’indifférence, selon D é m o c r i t e par la bonne tenue de l’âme,


selon les autres par quelque partie du bien, soit par l’absence
10 de trouble au dire | cI ’ H i é r o n y m e , soit par d’autres façons
quelconques de se conduire, toutes façons d’où dérive le pullule­
ment des vies particulières avec leurs divisions infinies dans le
monde créé (1). Il n ’y a aucun besoin de nous préoccuper à leur
sujet. Laissons-les se perdre dans leur infinité et donnons-leur
le bonjour.

49. 43 < 2 .> S ur la mort (2)

I, 3 8 3 .1 5 W. <A . P ro blèm e e s s e îit ie l >

Quand, après cette vie d’ici-bas, survient la mort, qu’arrive-


t-il ? T out de même que, à la naissance, l’âme, selon les différentes
sectes, a préexisté au corps, ou reçu l’existence en même temps
que le corps, ou est venue s’ajouter à lui de quelque manière

'(1) J ’ai construit άπειροι avec διαιρούμενοι. Mais peut-être βίοι άπειροι, περί τήν
γένεσιν διαιρούμενοι = « le pullulement infini des vies particulières qui se distri­
buent de par le monde ». Ou encore, περί τήν γένεσιν = « qui s’attachent au
monde sensible ».
(2) Sans parler des recherches antérieures chez les Présocratiques (Vors ,
Ind. 202 a 34-b 20; Aét. V 24, 1-3; 25, 2-4), Platon (Tim . 81 d 5-e 2 : cf. A.
E . Taylor, op. cit., pp. 5 86/7), Aristote (de respir. 478 b 28 ss.) et les méde­
cins (pas de traité spécial dans le Corp. Hippocr., mais nombreuses mentions
passagères : cf. l’index de Littré, s. v. Mort), il est clair que le phénomène
physique de la mort doit avoir été un problème banal dans les écoles hellé­
nistiques puisque c’est sur la connaissance de la nature réelle de ce phénomène
qu’Épicure d ’une part fonde son mépris de la mort (Ep. III 124-127, K. Δ. 2,
10, 11), que Ghrysippe d’autre part fonde la doctrine de la corporéité de
l’âme (St. V. F r., II, p. 219. 20) et celle de l’éternité du monde (¿6.
11, p. 185. 43 : la m ort est séparation du corps et de l’âm e; or, l’àme du monde
ne se sépare pas du corps du monde : donc le monde est éternel). Un περί θανάτου
paraît dans le catalogue des œuvres de Sphairos, ib., I, p. 140. 14, mais il
s’agit plus probablement du problème moral. En tout cas, chez Cicéron, le
problème physique est à la base du dilemme sur lequel s’appuie la diatribe
morale « la mort n’est pas un mal » (Tusc. I 25 quid hoc? dasne aut manerc
animos post mortem aut morte ipsa interire?), chez Philon, il paraît dans ur.o
suite de δόξαι purement physiques (Somn. I 31 = t. III, p. 211. 16 C.-W. : τίδέ;
τελευτώντων σβέννυται καί συμφθείρεται τοΐς σώμασιν (sc. ό νους ) ή πλεϊστον έπιβιοϊ
χρόνον ή κατά τό παντελές άφθαρτόν έστι;). Les Placita d’Aétius lui consacrent deux
chapitres (V 24-25) en relation avec Γύπνος et, probablement par l’intermédiaire
de Soranus, c ’est de même en liaison avec le sommeil (et le rêve) que Tertui-
lien traite de la mort (de an. 42-53). Sa définition de la mort, discretio corporis
animaeque (51. 1), separatio carnis atque animae (52. 1) est celle de Chrysippe,
χωρισμός ψυχής άπό τοϋ σώματος (St. V. F r ., Il, pp. 185. 45, 219. 25), d’ailleurs
classique, cf. Plat. Phéd. 64 c 3 ss., Gorg. 524 b 2. Il discute (521 la question,
qui semble avoir été traditionnelle (cf. Waszink, pp. 526-529), de savoir si,
même après la mort, l’âme ne subsiste pas quelque temps dans le corps. Il
A P P E N D IC E I 231

20 par la suite (1), dira-t-on aussi que, | à la mort, l’âme périt


avant le corps, ou est détruite avec lui, ou encore continue de
vivre, isolée en elle-même, après sa sortie d’ici-bas? Tel est le
problème essentiel dans son entier. Quant aux parties de ce
problème, aux questions subsidiaires qu’on y distingue, elles
donnent lieu à bien des doutes du genre que voici.
discute aussi (53) la possibilité d’un éloignement progressif de l’âme à la mort,
problème également classique (Waszink, pp. 539-540). Dans les textes hermé­
tiques, la nature de la mort est étudiée à plusieurs reprises : C. H.
X 13 (119. 11 /5 ), Ascl. 27 (333. 5/13), Stob. H erm. E x c. X X I I I (K orè Kos-
mou) 6 7 , X X V I 1 2 . Le Poimandrès ne s’occupe que du sort des diverses par­
ties du composé humain à la mort (C. H. I 24/5 : cf. X 16). Dans ta partie
physique de la compilation, Stobée avait une section περί ύπνου καί θανάτου
(I 44), aujourd’hui perdue. Le IVe livre (IV 51) contient un περί θανάτου
(t. V, pp. 1066 ss. Hense) et une σύγκρισις ζωής καί θανάτου (IV 53 = t. V,
pp. 1097 ss.), mais les textes là recueillis ne concernent que le problème moral.
(1) πότερον... προυπήρχεν ή συνυφίστατο ή... έπεγίγνετο ταϊς σώμασιν. Construc­
tion κατ’ υπόνοιαν, puisque, avec προυπήρχεν, il faudrait τών σωμάτων, et.
L . S. J ., s. v. II 2 .— προυπήρχεν (383. 17/8) : c’est évidemment la doctrine
platonicienne de la métempsycose, cf. A l b . Did, 25, p. 177. 33 H. ώς οδν 6 θάνατος
διάκρισις ψυχής άπό σώματος, οότω καί ή ζωή σύνοδος ψυχής, ο Οσης δηλονότι
π ρό σ θεν, καί σώματος' είδέκαί ϊσται μετά θάνατον καίήνπρό τοϋ περιπεσεϊν σώ-
ματι, πιθανώτατον άΐδιοναύτήν είναι, ρ. 178.26 τώ δέ άθανάτους είναι τάς ψυχάς λόγω
ήκολούθησε τό είσκρίνεσθαι αύτάς τοις σώμασι (sc. l’incorporation successive en des
corps multiples). — συνυφίστατο (383.18) : c’est la théorie de Tertullien, de an.
27. 1 (p. 38. 14 W.) Quomodo igitur animal conceplum? Simulne confiata utrius-
que substantia corporis animaeque an altéra earum praecedente? Immo simul
ambas et concipi et confiai, perfici dicimus, sicul et promi, nec ullum inter-
venire momentum in conceptu quo locus ordinetur : cf. le commentaire de
Waszink, pp. 342-348. — υστέρα πως έπεγίγνετο τοϊς σώμασιν ή ψυχή
(383. 18/9) : c’est presque sûrement la doctrine de l’àme harmonie, soutenue
par Simmias dans le Phédon 85 e 3-86 d 3. En effet, d’une part il ne peut s’agir
de la doctrine aristotélicienne du νους qui θύραθεν έπεισεϊσι dans le vivant
déjà formé et pourvu d’une àme (Gen. A n. II 3, 736 b 28), car, de toute évi­
dence, ce νους προΟπήρχεν et l'on revient donc ainsi au premier cas. 11 ne peut
s’agir non plus ae la doctrine stoïcienne ou pneumatique, car, selon celles-ci,
c’est le sperme lui-même qui devient progressivement φύσις, puis ψυχή, cf.
Λί. V. F r ., II, p. 212. 15 ss. (Phil. op. m. 67) : le sperme une fois entré dans
la matrice είς φύσιν τρέπεται, φύσις δέ.... ζιροπλαστει τήν μεν ύγράν ούσίαν..., τήνδέ
πνευματικήν εις τάς τής ψυχής δυνάμεις, Soran. Gyn. I 43, 3 (cité Waszink. p. 345i :
μεταβέβληται μέν γάρ ήδη το σπέρμα καί φύ σις έσ τί, κατά προκοπήν δέ καί ψυχή,
καί ούκέτι σπέρμα. D’autre part, et cette raison est décisive, il y a correspon­
dance. chez Jamblique, entre ce qui se passe έν τή γενέσει et ce qui se passe
έν τώ άποθνήσκειν, en sorte que les trois verbes προφθείρεται, συναπόλλυται et
διαιιένει répondent, mais en ordre inverse, aux trois verbes προυπήρχεν, συνυφίσ­
τατο et υστέρα έπεγίγνετο : l’âme qui continue d’exister après la sortie du
corps est. évidemment l’âme qui préexistait au corps, l’aine qui meurt
avec le corps est l’âme qui a reçu l’existence en même temps que lui, dès lors
l’âme qui périt avant le corps est l’âme qui de quelque manière est survenue
dans le corps une fois formé. Or cette dernière notion est celle de Simmias
dans le Phédon (reprise par Dicéarque, cf. Sect. I, p. 189, n. 5 et p. 202, n. 1). De
même que l’harmonie de la lyre résulte du bon accord des cordes et périt avant la
lyre si col accord n’existe plus, de même l’âme harmonie qui résulte de la κράσις
des qualités fondamentales du corps (κράσιν ούσαν τών έν τώ σώματι Phéd.
80 d 2) disparait, avant le corps même, dès là que χαλασθή τό σώμα ήμών άμέτρως
ή έπιταθή ύπό νόσων καί άλλων κακών (86 c 3-4). Hans doute la dépouille
mortelle' (τα λείψανα του σώματος 86 c 7-8) peut continuer d’exister un long
temps jusqu'au jour où elle est brûlée ou tombée en pourriture (πολύν χρόνον
232 LA RÉVÉLATION D’HERMÈS TRISMÊGISTE

< B . Questions su b sid ia ir e s >

< a . Cause de la morV>

25 E st-ce parce que les artères sont empêchées, |par suffocation,


de recevoir le souffle du dehors (1), ou parce que la tension vitale
se relâche et défaille (2), ou parce que de quelque manière la
chaleur s’éteint peu à peu au dedans en refluent vers les organes

παραμένειν, έως Sv ή κατακαυθη ή καταααπή) : mais l’âme, qui était l’harmonie des
qualités corporelles, n’est plus là, en sorte qu’.elle périt nécessairement la
première dans ce qu’on appelle la mort (έν τω καλουμένω θανάτω πρώτην άπόλλυ-
σθαι 86 d 3). Aussi bien l’attribution de cette 3e δόξα au pythagorisme (ou à
Dicéarque) est-elle confirmée par la suite, 384. 2 ss. si δέ ώς δύναμις υποκειμένου,
ώσπερ δή αρμονία λύρας ή τελειότης, π ρ ο α φ ίσ τα τα ι τοϋ σώματος έν τώ άποθνήσ-
κειν ή ψυχή. Jamblique, il est vrai, nie alors que la mort soit, pour l’âme, une
corruption antérieure à celle du corps : προφθιίρεται μέν ούδαμώς (384. 4-5).
Mais il ne nie pas que l’âme disparaisse avant le corps. Notons enfin qu’on
ne peut rapporter cette 8όξα sur l ’âme, qui tout ensemble έπιγίγνεται τώ
σώματι et προφθείρεται τοϋ σώματος, à Cornutus dont il est dit plus loin
(384. 1-2) que, selon lui, l’âme προαναιρεϊται ou συναναιρεϊται τώ σώματι.
Tout d’abord, comme on le voit., il y a doute sur le vrai sentiment de Cor­
nutus. E n second lieu, comme le marque Zeller (III 1 , p. 718, n. 5), l’une
des causes ici indiquées pour la m ort (έκλυομένου τοϋ τόνου καί παριεμένου
383. 26) est celle-là même qu’enseigne le Stoïcisme : la mort survient, δταν παν­
τελώς γένηται ή άνεσις τοϋ αισθητικού πνεύματος ( Α ε τ , V 24. 4, ρ . 436 a 14 D.). Or,
si Cornutus se rattache ainsi au stoïcisme (comme d’ailleurs en son ouvrage
sur les dieux), il ne peut avoir enseigné que l'âme périt avant le corps, mais
tout au plus, avec Panétius, qu’elle périt avec le corps.
_ (1 ) άρά γε πνιγμώ τών αρτηριών άποκλειομένων τοϋ δέχεσθαι το έκτδς πνεϋμα... τά
ζώντα... αποθνήσκει; (383. 24-25). On a ici une petite pièce de médecine pneu­
matique (sur cette école, cl. R E G ., LV III, 1945, pp. 50-58 et mon édition des
extraits hermétiques de Stobée, introd. à l’E x c . X V ). L ’âme est un souille
immanent au corps, perpétuellement entretenu par l’air qu’apportent du
dehors la respiration et les pores, et circulant à travers le corps par les artères
et les veines. Si les canaux intérieurs viennent à se boucher, cet arrêt de la
circulation du souffle a pour effet une maladie et, à la limite, la mort (cl.
1’έμφραξις τοϋ πνεύματος chez Dioclès, R E G ., I. c., p. 51, n. 2). Cette doctrine,
répandue sous l’Empire grâce à l’école pneumatique, reparaît dans les écrits
hermétiques, C. H. X 13, p. 119. 8 (rapprochement déjà noté par Scott, II,
p. 258) : το πνεϋμα διήκον δια φλεβών καί άρτηριών καί αίματος κινεί τό ζώον.... διό
καί τινες τήν ψυχήν αίμα νομίζουσιν είναι... ούκ είδότες ότι πρώτον δεϊ τό πνεϋμα άνα-
χωρήσαι είς τήν ψυχήν (?)... καί τάς φλέβας καί τάς άρτηρίας κενωθήναι [sc. de souf­
fle)... καί τοϋτό έστιν ό θάνατος τοϋ σώματος, E x c. X X I I I 6 7 , 11 ουτοι (Isis et
Osiris) τό τοϋ θανάτου ζητήσαντες άγριον έγνωσαν ώς, τοϋ έξωθεν πνεύματος
φιλυποστράφου τυγχάνοντος είς τά τών ανθρώπων πλάσματα, έάν ύστερήση ποτέ,
άνάκτησιν ούκ έχουσαν έργάζεται λειποθυμίαν, E x c. X X V I 1 2 , 6-10 τοϋτο γάρ
δ σπώμεν άνωθεν έξ άέρος πνεϋμα, τοϋτο πάλιν άνω πέμπομεν ΐν’ άναλάβωμεν· καί
εΐσίν... τούτου τοϋ ένεργήματος τεχνίτιδες έν ήμίν φΰσαι, αί έπειδάν μύσωσι τά
δεκτικά έαυτών τοϋ πνεύματος άναβεβήκαμεν. Aélius attribue une doctrine
analogue à Diogène d’Apollonie, V 24. 3 ( = Vors. II, p. 57. 30) : Διογένης
έάν έπί παν τό αίμα διαχεόμενον πλήρωση μέν τάς φλέβας, τόν δέ έν αύταΐς περιε-
χόμενον άέρα ώση είς τά στέρνα..., ΰπνον γεγενήσθαι...· έάν δέ άπαν τό άερώδες έκ
τών φλεβών έκλίπη, θάνατον συντυγχάνειν.
(2) Doctrine stoïcienne d’après Aétius V 24.4 (cité supra, p. 231 n 1 fin).
Noter d'ailleurs le mot τόνος, cf. St. K. F r., II, p. 145. 24.
APPENDICE I 233

28 internes (1), que ce qui auparavant était vivant cesse | ensuite


de vivre? Mais, si la mort se produit de cette façon, | l’âme est
anéantie avant le corps ou en même temps que lui, comme le
pense Cornutus (2).
Si, en revanche, c’est comme qualité d’un sujet, ainsi qu’il
en va de l’harmonie dans une lyre, ou comme perfection d’un
sujet (3), que l’âme, à la mort, s’en va avant le corps, il ne
5 s’agit 1 nullement d’une corruption antérieure à celle du corps
(car il n’y a pas non plus, dans ce cas, marche vers le néant par
un mouvement progressif) (4), mais l’âme passe tout soudain
au néant sans intervalle de temps (5) et sans corruption, de
même que, quand elle existe, elle existe tout d'un coup, à la
manière d’un éclair qui brille. Dans ces conditions donc (6), on
posera tout ensemble que le vivre des vivants résulte de ce
10 qu’ils possèdent la |forme de la vie, et que ce qui a nom mourir
résulte de ce que cette forme est absente ou n ’est plus possédée :
cette opinion a pour champions beaucoup de P éripa téticien s .
D ’autre part, si l’âme est disséminée (7) dans le corps et
s’y trouve présente comme du vent dans une outre, enclose

(1) τοϋ θερμού έναποσβεννυμένου πως εις τά εΓσω (383. 2 6 /7 ). C’est la doc­
trine de la mort par κατάψυξις : cf. A e t . V 24.2 ’Ε μ π εδ ο κ λ ή ς τόν μόν ύπνον
κατάψυξιν τοϋ έν τφ αίματι θερμοϋ σύμμετρον γίνεσθαι, τήν δέ παντελή θάνατον, Aris­
tote de resp. 478 b 31 πάσι μέν οδν ή φθορά γίνεται διά θερμοϋ τίνος έκλειψιν. — Pour
είς τά εϊσω (383. 27), cf. la mort de Socrate, Phéd. 118 a 1 ss. έπεδείκνυτο ότι
ψύχοιτό τε καί πήγνοτο... καί είπεν Άτι, έπειδάν π ρός τή κ αρ δία γένηται αϋτφ,
τάτε οίχήσεται. ήδη ουν σχεδόν τι αύτοΰ ήν τά περί τό ή τρ ον ψυχόμενα.
(2) Ci. supra, ρ. 232, fin de la n, 1 de la p. 231.
(3) ή τελειότης me paraît devoir être lié plus logiquement à ώς δύναμις
ύποκειμένου (donc virgule après λύρας). Si on le joint à ώσπερ δή άρμονία (Wachs-
muth), le sens est « comme l’harmonie ou la perfection d’une lyre ». L ’argument
est celui-ci : si la mort résulte d’un processus physique qui comporte une
certaine durée (étouffement, relâchement du tonus vital, extinction pro­
gressive de la chaleur intérieure), on admettra que l’âme se corrompt (quel
que soit le mode de cette corruption) avant ou avec le corps; si, en revanche,
l’âme est harmonie du corps (cf. p. 231, n. 1), elle disparait sans doute avant le
corps mais tout d’un coup (έξαίφνης), non pas par une dégradation progressive.
(4) διάκινήσεως πρόεισιν 384. 5 s’oppose à έςαίφνης... μεθίσταται άχρόνως 3 84.6.
Pour διά κινήσεως, cp. διά χρόνου, διά πολλοϋ. Pour l’éclair, cf. Porphyre, infra,
p. 286.
(5) Garder άχρόνως (F P : άχράντως Usener) et cp. άχρονος (Porphyre), infra,
p. 287, n. 1.
(6) Cet ϋσται δή ουν constitue la suite de l’argument sur l’âme τελειότης
du sujet. Il ne faut donc pas passer à la ligne, comme W achsmuth. δή oüv,
fréquent chez Platon (cf. D e n n i s t o n , pp. 468-470), revient 385. 1, 456. 22. —
Si l’âme est τελειότης du sujet (cf. έντελεχεια), elle existe tout d’un coup dès là
qu’est présent Γείδος de la vie, elle disparait tout d’un coup dès là que cette
forme est absente : cf. la doctrine de « certains des Aristotéliciens » 3 6 3.19
(l’âme est είδος τό περί τοϊς σώμασιν ou ποιότης άπλή άσώματος OU ποιότης ουσιώ­
δης τελεία) et 366. 25 (d’autres Aristotéliciens définissent l’âme τελειότητα...,
ήν ένδελέχειαν καλεΐ ’Αριστοτέλης) et ρ. 178, η. 5 ; ρ. 188, η. 4 de la section I.
(7) παρέσπαρται ; cf. E pic . I 63 ή ψυχή σώμά έστι λεπτομερές παρ’όλον τό
234 LA R É V É L A T IO N D ’H E R M È S T R IS M É G IS T E

15 en lui ou mélangée à lui (1) et mue en lui | à la manière des


poussières voltigeant dans l’air qu’on voit apparaître à travers
les fenêtres (2), il est clair de quelque manière [que l ’âme sans
doute sort du corps, mais que, durant cette sortie, elle se dis­
perse et se dissipe (3), comme le déclarent D émocrite et
Ë picure (4).
άθροισμαπαρεσπαρμένον ( = Démocrite, cf. Arist. de an. I 5, 409 b 2 εϊπερ γάρ
έοτιν ή ψυχή έν παντί τφ αίσθανομένιρ σώματι), προσεμφερέστατον δέ π νεύμ α τι
θερμού τινα κρδσιν έχοντι ( = Démocr., ci. A r i s t . de an. I 2, 403 b 31 δθεν Δημό­
κριτος μέν πΰρ τι καί θερμόν φησιν αύτήν είναι), L u c r . III 124 ss. (on peut perdre
une grande partie du corps sans mourir, mais, un peu de souffle expiré, aussitôt
on m eurt : cl. E pic. I 65) : noscere ut Aine possis non aequas omnia partis ( corpora
(les atomes) habere.... [ sed magis haec, venti quae sunt calidique vaporis |semina,
curare in membris ut oita moretur. L ’image du vent dans l'outre n’est, à ma
connaissance, ni chez Démocrite ni chez Epicure, mais cf. É picharme, fr. 10
(I, 2 0 0 .1 2 Diels-Kranz) S γα φύσις άνδρών τί ών; ασκοί π εφ υσ ιαμένοι. D’autre
part Lucrèce a souvent l’image de l’eau contenue dans, un vase (III 434 ss.,
440, 555) et Epicure nomme le corps τό στέγαζον (I 65, 4 τού σ τε γ ά ζο ν το ς
λυθέντος, I 64. 1 s. ού μήν είλήφει δν ταύτην — l’âme n’aurait pas acquis la sen­
sation — eî ριή ύπό τού λοιπού άθροίσματος έ σ τ ε γ ά ζ ε τ ό πως), cf. C. B ailey/TAî
Greek Atomists (Oxford, 1928), p. 306.
(1) συμμιγνυμένη πρός αυτό (384. 14) : pour σ. πρός, Cf. 456.16 συμμίγνυνταί
πως πρόςτά διαφέροντα et déjà P lat . Tim . 57 d 3 διό δή (τά στοιχεία) συμμειγνυμένα
αύτά τε π ρός αύτά καί πρός ίλληλα τήν ποικιλίαν έστ'ιν άπειρα (à Côté de όταν
συμμειγνύηται... αλμυρά δυνάμει 83 C 6/7).
(2) Sur l’image des ξύσματα, cf. Arist. dp an. I 2, 404 a 1 ss. άπείρων γάρ
δντων ρημάτων καί άτόμωντά σφαιροειδή πυρ καί ψυχήν λέγει (sc. Démocrite), otov
έν τφ αέρι τά καλούμενα ξύσματα, & φαίνεται έν ταΐς διά των θυρίδων άκτΐσιν (plus
loin, 404 a 17 s. Aristote attribue à certains Pythagoriciens la doctrine ψυχήν είναι
τά έν τφ άέρι ξύσματα, sans qu’on puisse dire quelle est la source de cette δόξα).
L ucr. II 114ss. utilise la même image pour décrire le mouvement perpétuel des
atomes : contemplator enim, cum solis lumina cumque | inserti fundunl radii per
opaca domorum, \ multa minuta modis multis per mane videbis | corpora misceri
radiorum lumine in ipso | et velut aetemo certamine proelia, pugnas | edere
turmatim certantia nec dare pausam. B ailby (Commentary, II, p. 821) cite
encore L actant. de ira dei X 9 haec, inquit (Leucippe), per inane irrequietis
motibus volitanl et hue atque iüuc feruntur, sicut pulveris minutias videmus in
sole, cum p er fenestram radios ac lumen immiserit. Jamblique a écourté la
formule : if faudrait < έ ν τα ΐς> διά των θυρίδων <άκτϊσιν>· φαινόμενα 384.15.
(3) Cf. E pic. I 65 καί μήν και διαλυομένου τού όλου άθροίσματος ή ψυχή δι α -
σ π είρ ετα ι = διασκεδάννυτα ι Jamblique, cf. P lat, Phéd. Π A l (όμως δέ μοι
δοκεΐς) δεδιέναι τύ των παίδων, μή ώς αληθώς ό Ανεμος αυτήν έκβαίνουσαν έκ τού
σώματος διαφυσά καί διασκεδάννυσιν, où Socrate reprend le mot de Cébès
77 b 3 ίτι ένέστηκεν δ νυνδή Κέβης έλεγε, τό των πολλών, όπως μή άμα άποθνήσκοντος
τού άνθρώπου δ ια σ κ εδά ν νυ τα ι ή ψυχή καί αύτή τού είναι τούτο τέλος ή.
(4) En résumé ce paragraphe sur les causes de la m ort (383. 24-384. 18)
comprend trois propositions.
A. — Ou la m ort lente (άρά γε πνιγμφ... αποθνήσκει 383. 24-28). En ce cas,
il faut adm ettre que l’âme est détruite avant ou avec le corps. Ainsi Cor-
nutus (άλλ’ εΐ ούτως... oferai 383. 28-384. 2).
B. — Ou l’âme δύναμις ou τελειότης (είδος) du corps. E n ce cas, l’âme est
imédiatement anéantie sans dégradation progressive : il y a vie quand Ι’εΐδος
est présent, mort quand il est absent. Ainsi πολλοί Περιπατητικοί (εί δέ ώς δύνα-
μις... προεστήκασιν 384. 2-12.)
C. — Ou l’âme dispersée dans le corps. E n ce cas, l’âme sort bien du corps
(έξεισιν), elle n’est donc détruite ni avant ni avec lui. Mais, durant sa sortie
même, elle se disperse (dans l’air). Ainsi D ém ocrite et E pic u r e (εί δε παρέσ-
παρται μέν [solitariuml]... άποφαίνονται 384. 12-18).
A P P E N D IC E I 235

<i>. Sort des parties du composé humairO>


< 1 . S o rt de l ’in tellect>
<
< 2 . S ort d es puissan ces irra tio n n e lle s > (1)
< . . . > , d’autre part P lotin , champion de la position (2) |
20 qui sépare les puissances irrationnelles de la raison, soit qu’il
les laisse se perdre dans le monde créé, soit qu’il les mette à
part de l’intelligence discursive (3). De cette position à son
tour résultent deux opinions distinctes : en effet, prises chacune
à part, les puissances irrationnelles ou bien se résolvent dans
le tout de la Vie universelle de laquelle elles ont été détachées,
On notera que les trois δόξαι s ’achèvent également par la désignation de
leurs auteurs : καθάπερ Κορνοϋτος οϊεται 384. 2, ής... Περιπατητικοί δόξης προεσ-
τήκασιν 3 8 4 .1 2 , ώσπερ Δ. καί ’Επίκουρος 384 .1 8 .
(1) Heeren a eu raison d’indiquer une lacune avant τούς δέ περί Πλωτΐνον
(384. 19), non seulement parce que τούς δέ prouve à l’évidence qu’il y a eu
d’abord un premier groupe, mais parce que le problème n’est plus le même.
Il s’agit maintenant de savoir ce que deviennent, à la mort, les diverses par­
ties au composé humain et spécialement les diverses parties de l’âme, cf.
Corp. fferm. I 24-26, X 16. Dans ce qui subsiste du texte, il ne nous est parlé
que des puissances irrationnelles (384. 19-28 : noter έκαστη δύναμις άλογος
384. 23) et des substances intermédiaires entre le corps et l’âme (385. 1-10 :
noter περί τών μέσων ουσιών ψυχής τε καί σώματος 385.1 /2). Jamblique suit donc
un ordre de valeurs descendantes, et il faut dès lors supposer en tête un para­
graphe sur le sort du νους ou du λόγος Sur ce dernier point, cf. par ex. C. H.
I 26, P lo t. IV 3 , 2 4 . 20 ss.
(2) τ ή ς σ τ ά σ ε ω ς π ρ ο ϊσ τ α μ έν ο υ ς (384. 19). P o u r ce sens tardif de σ τ ά σ ις =
« p o s i t io n , o p in io n d ’u n p h i lo s o p h e », c f . S e x t . E m p ., Pyrrh. H yp. II 4 8 π ά σ α ι
γά ρ δο κοϋσιν (s c . α ί δ ό ξ α ι) ε ι ς τ ά ς τ ρ ε ις τ α ύ τ α ς ά ν α φ έρ εσθ α ι σ τ ά σ ε ι ς , I I ! 3 3 το -
σ α ύ τ η ς τοίνυν κ α ί ί τ ι π λ είο ν ο ς δια φ ω ν ία ς γ ε γ ε ν η μ έ ν η ς ..., ή τ ο ι π ά σ α ις σ υ γ κ α τ α θ η -
σ ό μ εθ α τ α ϊς κ ε ιμ έ ν α ις σ τ ά σ ε σ ι . . . ή τ ισ ίν , 3 4 ε ί δ έ Ttva σ τ ά σ ι ν τ ώ ν ά λ λ ω ν π ρ ο -
κρ ιν οϋ μ εν , 3 6 ε ί τοίνυν μ ή τ ε π ά σ α ις τ α ϊ ς . .. σ τ ά σ ε σ ι δ υ ν ά μ εθ α σ υ γ κ α τ α τ ίθ εσ θ α ι μ ή τ ε
τιν ί τ ο ύ τ ω ν , κ .τ . λ . , 3 7 έ π ε ί γ ά ρ ήν άν τ ι ς ε ϊ π η ... σ τ ά σ ι ν .
(3) S i l ’o n a d m e t ic i u n e t r i p l e h y p o th è s e (1 ) χ ω ρ ιζ ο ύ σ η ς ά π ό τ ο ύ λό γο υ , (2)
ά φ ιε ίσ η ς ε ίς τ ή ν γ έ ν εσ ιν , (3 ) ά φ α ιρ ο ύ σ η ς ά π ό τ ή ς δια νοία ς, le t e x t e e s t in c o n s i s t a n t ,
c a r o n n e v o i t p a s e n q u o i l a 3 e h y p o th è s e s e d is t i n g u e r a i t d e l a p r e m iè r e .
II vaut donc mieux n’admettre ici qu’une double hypothèse : Plotin sépare
Γάλογον du λόγος (διάνοια), soit que cet άλογον se perde dans la γένεσις, soit qu’on
le mette simplement à part de la διάνοια (sans le vouer à la destruction). Dans
cette seconde hypothèse, on peut de nouveau tenir deux opinions selon que
certaines puissances άλογοι prises séparément se résolvent dans la Vie uni­
verselle ou qu’elles subsistent (cf. p. 2 3 6 ,n. 1). Cette exégèse oblige à prendre
les deux ή καί (384. 21) pour les deux parties d’une même disjonction. Bien
que Jamblique dise un peu plus bas (384. 23, 24) ήτοι... ή.καί dans un cas
semblable, U n’est pas défendu de lui attribuer l’autre usage (double ή καί)
pour lequel on a des exemples (cf. Denniston, p. 307), T huc. I 35, 4 άλλ’ή
κάκείνω ν κωλύειν τούς... μισθοφόρους, ή καί ήμϊν πέμπειν, P lat . Crit., 44 e 4 καί
άναγκασθώμεν ή καί πάσαν τήν ουσίαν άποβαλεϊν..., ή καί άλλο τι... παθεϊν. — Les
puissances irrationnelles, étan t naturellement distinctes du λόγος (διάνοια) ne
peuvent, à la mort, accompagner l’âme rationnelle dans sa remontée, cf. supra
369. 20 Πλωτϊνος αύτής (sc. de l’àme rationnelle) άφαιρεΐ τάςάλόγους δυνάμεις....
μόνον δέ τόν καθαρόν λογισμόν είς τήν καθαράν ούσίαν αύτής άνατείνει. — Pour ή
καί άφιείσης είς τήν γένεσιν, cf. C. Η . 1 24 (15. 14) καί ό θυμός καί ή έπιθυμία
είς τήν άλογον φύσιν χωρεΐ.
236 LA RÉVÉLATION D’HERMÈS TRISMÉGISTE

25 ou encore (1) subsistent | le plus possible sans changement,


comme le pense P o r p h y r e (2); ou bien encore, séparée de
l’Intelligence, la Vie irrationnelle totale subsiste elle aussi et se
28 conserve dans le kosmos, comme le déclarent 1 les plus anciens
des p r ê t r e s (3),

(1) Il faut conserver avec soin ή καί en 384. 24 (ή καί Heeren, «1 καί
Meineke), car c’est à cet ή καί que s’oppose 1’ήτοι initial de 384. 23. Le second
ή καί (384. 26) marque une nouvelle hypothèse (celle de Jamblique) qui s’oppose
à toute la première disjonction (ήτοι... ή καί) de 384. 2 3 /5. Dans l’hypothèse
d’une subsistance de Γάλογον après la mort, on peut considérer les puissances
chacune à p art. En ce cas, certaines puissances se dissolvent (λύεται) dans la
Vie universelle, certaines autres continuent d’exister le mieux possible, δτι
μάλιστα μένει. (Ainsi, en C. H. I 24, Γήθος subsiste puisqu’il est livré au δαίμων
qui le traite selon son mérite, mais les αισθήσεις, qui retournent à leurs sources,
le θυμός et 1’έπιθυμία, qui vont à Γάλογος φύσις, disparaissent. En I 25, les puis­
sances άλογοι détachées des cercles planétaires sont rendues à ces cercles, et
l’on peut concevoir qu’elles y subsistent de quelque manière, bien qu’elles
soient désormais άνενέργητοι). Ou encore on peut considérer ί’άλογον en sa
totalité (Jamblique).
(2) Cette δόξα « porphyrienne » ne s’accorde pas entièrement avec celle
de 370. 5 οί 8è περί Πορφύρ ιον καί Πλωτΐνον... ά φ ίε σ θ α ιμ έ ν κ α ί μη κ έτι είναι
τάς ζωάς τάς όπωσοϋν προβληθείσας άφορίζονται, car ceci semble indiquer un anéan­
tissement de toutes les puissances άλογοι. On notera que Jamblique, dans ce
premier passage, oppose comme ici, à la doctrine porphyrienne, la sienne propre
(3 7 0 .1 1 /3 ) : είναι δέ καί ταύτας έν τφ παντί καί μή άπόλλυσθαι τάχα άν τις, έπινο-
ήσειε καινότερου (ici au contraire c ’est la doctrine des. παλαιότατοι των ιερέων,
cf. infra, n. 3), ούκ άπιθάνως. D’autre part la δόξα «porphyrienne » de 384. 23/5
s’accorde avec ce que dit Proclus dans son tableau des opinions sur le
sort de Γάλογον après la mort, cf. in Tim ., III, p. 234. 18 ss. après le passage
sur A tticus et Albinus cité supra, sect. II (p. 221, n. 4) : « D’autres, plus modé­
rés que ces premiers, comme P o rph y re , et plus indulgents, se refusent à
répandre cette corruption dont on parle sur le véhicule (de l’âme) et sur
l’âme irrationnelle : ces parties, selon eux, se ramènent comme â leurs élé­
m ents primitifs et se résolvent de quelque manière dans les sphères à partir
desquelles elles sont constituées; ce sont là, disent-ils, des mélanges issus
des sphères célestes, et l’àme, durant sa descente, les recueille, en sorte que
to u t à la fois ils sont et ne sont pas; cependant, pris chacun d’eux à part, ils
n ’existent pas et leur individualité propre n’a point de permanence. Ces
exégètes paraissent suivre les Oracles Chaldaïques qui disent que l’âme, dans
sa descente, recueille, dès là qu’elle la prend, « une portion d’éther, de soleil,
de lune, et tout ce qui flotte dans l’air » (cf. Or. Ck., p. 47 Kroll). Il faut aussi
leur appliquer le texte de Platon, qui ne parle pas précisément d’une corrup­
tion de to u t l’irrationnel.
Viennent maintenant en troisième lieu ceux qui, excluant toute corruption
ta n t du véhicule que de la partie irrationnelle, ramènent à une même chose
la permanence du véhicule et celle de l’irrationnel, expliquent ce qu’il y a en
lui de m ortel comme étant l’élément corporel transporté de passion pour la
m atière e t chargé du soin des choses mortelles — tel est l’avis de J amblique
e t de ceu x qui se prétendent d’accord avec lui — , qui enfin font dériver l'être
de l’irrationnel non pas simplement des corps divins, en sorte que, issu de
causes mobiles, il soit aussi muable de par sa propre essence, mais des dieux
eux-mêmes qui dirigent le monde et qui produisent éternellement toutes choses ».
(3) P eut-être les Orphiques, comme le pense Lévêque (p. 656, n. 2) qui
renvoie à supra 376. 4. Plutôt, je pense, ces « anciens prêtres » dont il est parlé
de myst. V I I I t (p. 2 6 0 .1 7 P .), qui adm ettent eux aussi une multiplicité d’oôolai
et de principes com portant une grande variété de degrés. Jamblique range
parm i eux Hermès et il les tient implicitement pour les fondateurs de la
théurgie. V oir aussi infra. Note compl. V II, p. 262.
APPENDICE I 231

< 3 . S o r t des s u b stan ce s in te r m é d ia ir e s >


C’est en vertu des mêmes principes qu’on se range donc
aussi à des partis très différents touchant les substances inter­
médiaires entre l’âme et le corps (1). Car les uns, comme la
plupart des P l a t o n i c i e n s , logent immédiatement l’âme même
5 dans le corps même qui est j propre à servir d’instrument (2).
Les autres estiment qu’entre l’âme incorporelle et le vase
corporel (3) il y a des vêtements éthérés, célestes et spirituels (4)
qui, enveloppant la vie intellective, sont placés devant elle comme
un rempart pour la garder, qui en outre sont à son service en
qualité de véhicules, et qui d’autre part aussi la réunissent de
10 manière proportionnée au corps solide | en l’y attachant par
de certains liens intermédiaires communs (5).
(1) Les περιβλήματα ¡ou βχήματα) de l’âme sont de nature pneumatique, et le
πνεύμα est traditionnellement lié à Γάλογον de l’âme depuis les origines (aris­
totéliciennes) de cette doctrine : cf. C. H. X 16 (121. 7) είναι τού μέν νού τήν
ψυχήν, της δέ ψυχής τβ πνεύμα, P rocl. E l. Theol. prop. 209 avec la note
d’E . R . Dodds ad loc. (pp. 306/8). Dès lors le problème du sort posthume du
« véhicule » est en connexion directe avec celui du sort posthume de) Γάλογον
(cf. D odds , op. eic., p. 319) : d’où κατά ταύτά, Jam bl. 385. 1. Touchant ce
problème, il y a deux écoles. Sans parler des Platoniciens qui ne reconnaissent
pour βχημα de l’âme que le seul corps charnel (cf. infra, n. 3), ceux qui admet­
tent un corps pneumatique ou bien le résolvent dans les sphères (Porphyre),
ou bien lui accordent l’immortalité comme à Γάλογον lui-même (Jamblique),
cf. le) texte de Proclus cité supra, p. 236, n. 2 et D o d d s , op. α'ι.,ρρ. 3 0 6 /7 ,3 2 0 .—
Le paragraphe de Jamblique sur lé sort de 1’βχημα est évidemment tronqué.
Jamblique ne mentionne que les opinions relatives à l’existence ou à la non-
existence des περιβλήματα, il ne parle pas de leur sort posthume.
(2) Ainsi A l b in u s , Did. 23, p. 176. 14 H. : les dieux υπέθεσαν τβ άλλο σώμα
(le reste du corps : on vient de parler de la tête) πρβς υπηρεσίαν (cf. infra,
n. 4) ώς βχημα προσφύσαντες, cf. P lat . Tim, 69 c 6. Sans doute P roclus in
Tim ., III, p. 234. 8 ss. (cité supra, Sect. II, p. 221, n. 4) attribue à Atticus et
Albinus la doctrine que, à la mort, l’âme irrationnelle et le véhicule sont détruits,
mais, comme l’observe Dodds (op. cit., p. 306, n. 3), il est possible (probable
même) que Proclus introduise ici de son chef la mention de 1’βχημα.
(3) τού άγγειώδους Ferguson (Hermelica IV, p. 574) : ¡του άγγελιώδους P
τής άγγελ. (sc. ψυχής) Wachsmuth (d’après F , semble-t-il). La correction
S’impose évidemment, cf. M. A ur . X 38. 2 μηδέποτε συμπεριφαντάζου τβ περι­
κείμενον άγγειώδες. Sur cette image du corps άγγεΐον qu’on trouve aussi
dans l’hermétisme (Stob. H erm ., E x c. X X V I 4 , 3), cf. la note de Farquharson
à M. Aur. III 3. 6 παύση... λατρεύων τοσούτω χείρονι τώ άγγείω.
(4) Sur ces περιβλήματα, doctrine courante dans la gnose hermétique 'ou
chrétienne et dans le néoplatonisme, cf. l’éd. E . R . D odds de Proclus, The
E l. of Theol., pp. 313 ss. L ’auteur de C. H. X 17 (121. 12 ss.) explique que
άδύνατον τόν νουν έν γηίνω σώματι γυμνόν αύτόν καθ’ έαυτόν έβράσαι. L ’intellect a
donc pris comme περιβόλάιον f’âme, celle-ci utilise le souffle (ou le corps pneuma­
tique) comme ύπηρέτης, le πνεύμα enfin gouverne le vivant. Noter de même,
chez Jamblique, περιβλήματα... π ρο βεβλήσ θαι μέν..., ύ π η ρ ετ ε ϊν Si κ,τ.λ..
(385. 6 ss.).
(5) Ici s’arrête dans Stobée ce long extrait continu du π. ψυχής de
Jamblique. Le fragment relatif à l’eschatologie se trouve plus loin dans la
même section sur Pâme (I 49), aux ch. 65, 67 (c’est par inadvertance sans
doute que Wachsmuth a sauté un n°), pp. 454-458, entre le mythe d’E r et un
extrait hermétique des Τσιδος πρβς ΤΩρον.
< SE C T IO N I V >

<ESGHATOLOGIE>

I 49. 65. < 1 . J ugement , châtiment et purification > (1)

I, 4 5 4 ,1 0 W. < A . Nature de ces opérations >

< . . . > Pour P l o t i n en revanche et la plupart des P l a t o ­


la purification (2) la plus parfaite consiste à se débar­
n ic ie n s ,

rasser des passions et des connaissances figuratives (3), à

(1 ) Ce titre est emprunté aux lignes 454.24/5 τό τής κρίσεως λέγω, -ri τής δίκης
ϊργον, τό τής καθάρσεως. Selon cet ordre, suivi dans tout le chapitre 65, la
κάθαρσις vient en dernier. Il faut donc supposer, au début, une lacune où il était
traité du jugement et du châtiment. Noter au surplus Πλωτϊνος δέ...
(2) La difficulté de ce ch. 65 provient de ce que nous n’avons là qu’un extrait
qui nous laisse dans l’incertitude touchant la vraie pensée de Jamblique.
S’agit-il de la purification après la mort, de cette sorte de purgatoire que
subissent les âmes dans les airs avant de gagner le ciel suprême (cf. Vi Rg.
A en. V I 740 ss., F . Cumont, After Life, pp. 185 ss., Symb. fun. d. R ., pp. 128 ss.
et infra, p .2 4 4 , n .3)? L ’ordre des trois termes κρίσις, δίκη, κάθαρσις, donnerait à le
penser : d’abord le jugement, puis le châtiment, puis la purification, enfin la
récompense (ch. 67). De même la place assignée par Stobée à ce morceau
entre le m ythe d’E r (Rép. X ) et un texte hermétique relatif à l ’eschatologie
(E xc. X X V Scott). D’autre part ce qui est dit ici de la κάθαρσις (454. 11-22)
parait plutôt se rapporter au rôle de la κάθαρσις dans la vie du sage. Il n’est
nullement question de l’action des causes extérieures (vents, pluies, soleil
brûlant) dans la purification des âmes après la mort. L a κάθαρσις est présentée
comme une vertu qui permet au sage de ressembler à Dieu, άφομοίωσιν του κατα-
νοουμένου πρός -ci κατανοούν 454. 14 : cf. Plot. 1 2, 3. 10 πώς ουν λέγομεν ταότας
(sc. τάς άρετάς) καθάρσεις καί πώς καθαρθέντες μάλιστα ¿μοιούμεθα (sc. τώ θεώ);
voir aussi le ch. 4 sur les rapports entre purification et union à Dieu (noter 4 .1 5
δει ούν καθηραμένην συνεΐναι. συνέσται δέ έπιστραφεϊσα ) et le ch. 5 sur la fin propre
de la purification. La séparation d’avec le corps dont il est parlé en ces textes
plotiniens (άφισταμένη τού σώματος 3 .1 7 , τό χωρίζειν άπό σώματος έπ! πόσον δυνα­
τόν 5. 4) concerne la séparation accomplie par le sage dès cette vie terrestre.
Ce traité de Plotin a été, comme on sait, fortement utilisé par P o r p h y r e ,
Sent. 32 ( περί άρετών, pp. 17-25 M.). Sur la vertu-κάθαρσις chez Platon, cf. ma
Contemplation... selon Platon, pp. 131 ss.
(3) τών μορφωτικών διαγνώσεων 454. 12. Cf. Sect. I, p. 178, n. 1.
APPENDICE I 239

mépriser tout objet d’opinion (1) et à écarter les pensées enga­


gées dans la matière (2), à se remplir de l’Intellect et de
15 l’Etre, | à faire que le sujet pensant ressemble à l’objet qu’il
pense (3). S o i e n t aussi certains d’entre eux déclarent que
c ’est à l’âme irrationnelle et à la partie opinative de la raison
que s’applique la purification (4), mais que la raison essentielle
20 elle-même (5) et l’intellect de l’âme sont toujours | au-dessus

(1) δόξης τ* πάσης υπεροψίαν 454. 13. «Opinion», c’est-à-dire (comme Lévê-
que) « tout ce qui est du domaine de l’opinion », plutôt que « vaine gloire »,
étant donné le ton purement intellectuel du morceau (cf. τδν δοξαστικόν λόγον
infra 454. 18) et les souvenirs du Phédon (ci. 84 a 7 : l’âme purifiée par la
philosophie έπομένη τώ λογισμω καί άεί έν τούτω οδσα, τδ αληθές καί τδ θειον καί τδ
ά δ ό ξα σ το ν θεω μ έν ή... ζην τε οίεται οΰτω δεΐν κ.τ.λ.) et du Phèdre (cf. 248 b 4
πάσαι δέ,... άτελεΐς τής του όντος θέας απέρχονται, καί άπελθοϋσαι τροφή δοξαστή
χρωίνται).
(?) των ένόλων διανοήσεων. Aristote dit déjà des passions de l’âme qu’elles
sont des λ ό γ ο ι ένυλοι (de an. 1 1, 403 a 25), du fait que toute affection psy­
chique suppose un πάσχειν du corps (έοικε δέ καί τά τής ψυχής πάθη πάντα είναι
μετά σώματος, θυμός...· άμα γάρ τούτοις πάσχει τι τδ σώμα 403 a 16 SS.).
(3) Cf. supra 371.20 ss. et la note p. 201, n. 6 ; voir aussi p. 238, n. 2.
(4) Cette distinction entre λόγος δοξαστικός et λ. ούσιώδης parait se rapporter
à la double doctrine relativement à l’état de l’âme intellective (ou du λόγος
essentiel) ici-bas. Selon le platonisme classique, l’intellect humain, tout en
étant théoriquement capable de contempler l’Ê tre ici-bas, en est néanmoins
empêché dans la pratique par les mille liens qui le rattachent au corps. Il ne
peut donc s’élever vers l’Ê tre que s’il se purifie de ces attaches corporelles :
d’où le rôle de la κάθαρσις, cf. J am bliq u e , Protr. 13 (p. 70. 9 Pist.), (qui, après
avoir cité Phéd. 82 b-84 b, conclut ainsi : έκ δή τής τοιαύτης έφόδου φαίνεται ήμϊν
φιλοσοφία άπ α λλα γή ν τω ν άνθρωπίνων δεσμών παρέχειν καί λύσιν τής γενέ-
σεως καί περιαγωγήν έπί τδ δν καί γνώσιν τής Οντως άληθείας καί κάθαρσιν ταϊς
ψυχαΐς. Tel est encore l’avis de P roclus . E l. Th. prop. 211 (cf. l’imjjortante
note de Dodds ad/loc., pp. 309-310, voir aussi pp. 299-300) et (comme le note
Dodds, p. 309) de Jamblique, cf. P rocl . in Tim ., III, p. 334. 3 ss. (cité infra
Note compl. I I l/ pp. 252 ss.). A l’encontre de cette doctrine, Plotin a soutenu
parfois qu’il y ÿ, même dans l’âme intellective incarnée, une partie qui demeure
toujours en haut, toujours impassible et en acte de penser, cf. (avec Dodds,
pp. 299, 309) P lot . III 4. 3, IV 8. 8, V 1. 10 et la critique de P roclus, in
Tim . III 333. 28 (cité Note compl. III, 1.1.), in Parm. 948 .1 8 (cité Dodds, p. 300)
οΰτε μένειν τι τής ψυχής άνω ¿ητέον... οΰτε άμοούσιον τήν ψυχήν ύποθετέον τοΐς θεοϊς.
Ce sont ces deux doctrines que nous retrouvons ici chez Jamblique. La première
opinion est celle du platonisme classique et celte de Plotin lui-même en I 2.
L a seconde opinion (ϊνιοι δέ καί τούτων πολλάκις άποφαίνονται 454. 16) est celte
de Plotin dans les passages cités supra. Dans cette seconde δόξα, la purification
ne concerne évidemment que Γάλογον de l’âme et 1e δοξαστικόν. Noter que l’idée
d’un νοΟς humain toujours attaché au Νοϋς divin se retrouve dans la gnose
hermétique, C. H. X I I 8-9 (cf. mes notes ad loe. et ib. App. E ).
(5) τδν λόγον τδν ούσιώδη 45 4 .1 9 . Cf. dans l’hermétisme la notion de l’homme
ούσιώδης C. H. I 15, 32, I X 5 (et note 21 ad loc.), Ascl. 7, 8 ; γένεσις ούσιώδης
C. H. X I I I 14. L ’Asclepius 7 (p. 304. 2) distingue en l’homme une partie
simplex, quae, ut Graeci aiunt, ούσιώδης, quam vocamus divinae similitudinis
formam, l’autre quadruplex (composée des quatre éléments), _quod υλικόν
Graeci, nos mundanum dicimus, e quo factum est corpus. Celle-ci recouvre la
partie « essentielle » in quo purae mentis divinitas tecta sola cum cognatis suis,
id est mentis purae sensibus, secum ipsa conquiescat tamquam muro corporis
saepta. P rocl . in Tim ., II, p. 299. 19 parle également de la partie ούσιώδης
de l’âme (ενέργεια... του ουσιώδους τής ψυχής) et il mentionne E l. Th. prop.
240 LA RÉVÉLATION D’HERMÈS TRISMÉGISTE

du monde, toujours conjoints eux-mêmes aux Intelligibles,


sans avoir jamais besoin d’être perfectionnés ni affranchis des
choses superflues.

<CB. Ca u ses e f f ic ie n t e s de ces o p é r a t io n s >

E h bien donc, après cela, déterminons par qui sont accom­


plies chacune de ces opérations, je veux dire celles du jugement,
25 du | châtiment, de la purification.
A en croire la plupart des P y t h a g o r i c i e n s et P l a t o n i ­
c i e n s (1), c’est par les âmes particulières elles-mêmes. Mais, selon

ceux d’entre eux qui se montrent p l u s e x a c t s (2), c’est par


les âmes plus universelles et plus parfaites, l’Ame unique et
30 totale, l’ordre de l’Univers, | l’Intellect qui gouverne en roi,
455 W. l ’ordonnance générale du Monde (3). 1 Quant aux A n c i e n s ,
ils soutiennent que c’est par les dieux visibles, principalement
le Soleil, par les Causes démiurgiques invisibles (4) et tous
les genres d’êtres supérieurs, héros s’entend, démons, anges et
5 dieux, | qui dirigent personnellement le système de l’Univers.

< C . Ca u ses f in a l e s de ces o p é r a t io n s >

Maintenant donc, quelle peut bien être la fin de ces opérations,


en vue de laquelle elles existent premièrement?
L a fin du jugement est la pureté sans mélange des choses
bonnes, un état de séparation et de perfection des choses
belles prises à elles seules qui soit absolument éloigné de tout
10 l’imparfait, un état d’excellence | et de transcendance des
choses supérieures qui les isole en elles-mêmes et dont rien de
ce qui est inférieur ne puisse jamais s’approcher. Tels sont (5),

194 (p. 168. 33 D.) les λόγοι ουσιώδεις, c’est-à-dire les notions conformes à
l’essence, donc vraies, que forme le λόγος ουσιώδης.
(1) Voir note complémentaire V II, pp. 262 ss.
(2) Ou « qui sont plus authentiquement Platoniciens », cf. P lat . Rép.
I 342 d 7 ό άκριβής Ιατρός, explicité par 341 c 5 4 ™ άκριβεϊ λόγω Ιατρός.
(3) T o u te s ces fo rm u les s ’é q u iv a le n t, c f .d e m êm e 3 8 1 . 2 4 άπό τού παντός, ή
τ ή ς ίλ η ς ψυχής, ή τ ή ς δημιουργίας πάσης.
(4) Sc. les d ieu x άφανεϊς (h y p ercosm iq u es), d o n t d é riv e n t le s d ieu x
a stre s έμφανεϊς (en co sm iq u es), cf. P ro c l . in Tint., III, p. 1 9 8 . 25 et γάρ καί
διάφοροι τ ά ξ ε ι ς elol τώ ν έγκ οσ μ ίω νθ εώ ν... κ α θ ά π ε ρ κ α ί τ ω ν ύ π έ ρ τ ό ν ο υ ρ α ν ό ν
ι δ ρ υ μ έ ν ω ν ( κ α τ ά γ ά ρ έ κ ε ί ν ο υ ς κ α ί ο δ τ ο ι π ρ ο ε λ η λ ύ θ α σ ι ν ) , άλλ’ δμω ς κ .τ .λ .
(5) Dans tout ce paragraphe, Jamblique commence par indiquer l’opinion
des Anciens (cf. n. 1), qui selon lui est la bonne (cf. καί τα τοιαϋτα σμικρά τέλη
456. 8 pour désigner l’opinion opposée à celle des Anciens), puis, à cette δόξα
des Anciens, il oppose celle des Platoniciens et Pythagoriciens (455. 25,
456. 9/10, donc aussi ¿ίλλοις, 455.12). Dès lors il faut lire 455.11 χειρόνων ούδέποτε.
APPENDICE I 241

selon l’opinion des A n c i e n s , les effets principaux d u jugement.


Mais d ’AUTRES seraient plutôt d’avis que ce qui fait surtout
l’utilité du jugement, c’est sans doute le bon ordre, la séparation
15 du pire d’avec ] le meilleur et toutes choses analogues.
Quant au châtiment, le besoin qu’on en a consisterait en ce
qu’il assure la domination du meilleur sur le pire, en ce qu’il
abat, renverse et anéantit entièrement le mal, et en ce qu’il
réalise pour tous une égalité proportionnelle et conforme au
20 mérite (1). Contre cette doctrine | des A nciens , les uns se
représentent comme avantage du châtiment l’égalité numérique
entre peine et faute (2) ou même la multiplication de la peine
pour la faute, d’autres l’exacte réciprocité entre le châtiment
subi et l’offense qu’on a d’abord commise (3), d’autres la
délivrance du vice (4), d’autres quelque autre chose du même

καί ταδτα avec Usener (χειρόνων. ούδέποτε κατά ταΰτα F P ). Il est d’ailleurs
difficile de marquer précisément ce que Jamblique veut dire au juste quand il
oppose ces deux groupes touchant κρίσις, δίκη, κάθαρσις. Il semble que « Pla­
toniciens et Pythagoriciens » (c’est-à-dire la tradition classique du plato­
nisme) interprètent à ses yeux ces trois opérations d’une manière encore trop
grossière et matérielle au lieu que les « Anciens » (en réalité les théurges) s’en
feraient une représentation plus fine et plus déliée.
(1) Lévêque (p. 659, n. 1) cf. P lot . IV 4, 45. 47 αίδέ κολάσεις ώσπερ νενοσηκό-
των μερών, των μέν έπιστύψεις φαρμάκοις (ils resserrent les uns au moyen de
remèdes astringents), τών δέ έξαιρέσεις ή καί αλλοιώσεις, ίνα υγιαίνη τό παν έκαστου
διατιθεμένου βδ δει' τό δ’ΰγιεινόν τοϋ παντός < τοϋ μέν> άλλοιουμένου, τού δέ έξαι-
ρουμένου έντεΰθεν, ώς ένθαδί νοσοΰντος, ου δέ μή νοσήσει τιθεμένου. — Ιυ’ίσάτης
κατ’ άξίαν est en somme la justice distributive (τό διανεμητικόν δίκαιον) telle que
la définit A r isto te , Eth. Nie. V 3, 1131 a 24 ϊτι έκτου κ α τ’ άξίαν τούτο δήλον
τό γάρ δίκαιον έν ταΐς διανομαϊς όμολογούσι πάντες κατ’ άξίαν τινά δεϊν είναι. „
Μστιν άρατό δίκαιον άνάλογόν τι. τό γάρ άνάλογον ου μόνον έστί μοναδικού άριθμού
Ιδιον, άλλ’ όλως άριθμού' ή γάρ άναλογία ίσ ότη ς έσ τί λόγω ν (de proportions),
καί έν τέτταρσιν έλαχίστοις (comportant au moins quatre termes).
(2) Ιυ’ίσότης κ ατ’ άριθμόν est l’égalité pure et simple dont Aristote fait Vobjet
de la justice corrective (τό διορθωτικόν), c f. Eth. Nic.W 4, 1 1 3 2 a 6 ώ σ τε τό άδικον
τούτο δνίσον δν ΐσάζειν πειρδται 6 δικάστης' καί γάρ όταν δ μέν πληγή δ δέ πατάξη, ή
καί κτείνη δ δ’άποθάνη, διήρηται τό πάθος καί ή π ρδξις εις άνισα' άλλα πειραται τή
ζημία ίσάζειν, άφαιρώντού κέρδους. Pour la πολλαπλασίωσις du châtiment, cf. P l a t .
Rép. X 6 1 5 a 5 ss. τό δ’ ουν κεφάλαιον έφη τάδε είναι, όσα π ώ π οτέ τινα ήδίκησαν καί
όσους έκαστοι, υπέρ άπάντων δίκην δεδωκέναι έν μέρει, υ π έ ρ έ κ ά σ τ ο υ δ ε κ ά κ ι ς ...
ϊν α δ ε κ α π λ ά σ ι ο ν τ ό ϊ κ τ ε ι σ μ α τ ο ύ α δ ι κ ή μ α τ ο ς έ κ τ ί ν ο ι ε ν , κ α ί... πάντων
τούτω ν δεκαπλασίας άλγηδόνας ύπέρ έκάστου κομίσαιντο.
(3) τό άντιπάσχειν τά αυτά άπερ οί δράσαντες προηδίκησαν (455. 21 /2). C’est
l’antique loi du talion (cf. E sch . Choe. 313 δράσαντι παθεϊν et G. T homson, The
Oresteia, II, p. 185, qui cite P lat . Lois I X 872 d/e) dont, selon A rist o t e ,
Eth. Nie. V 5, 113 2 b 21 ss., les Pythagoriciens auraient fait leur doctrine :
δοκεϊ δέ τισι καί τό άντιπεπονθός είναι άπλώς δίκαιον, ώσπερ οί Πυθαγόρειοι έφασαν'
ώρίζοντο γάρ άπλώς τό δίκαιον τό άντιπεπονθός δλλω. Aristote montre alors que
la loi du talion ne s’accorde ni à la justice distributive ni à la corrective et il
ne reconnaît comme valable (dans les échanges) que Ι’άντιπεπονθάς κατ’ άναλο-
γίαν καί μή κατ ισότητα (1132 b 33). Voir aussi Λί. Μ . 1194 a 37.
(4) τήν άπαλλαγήν τη ς κακίας (4 5 5 . 2 2 ). C’e s t la n o tio n de la pein e Ιασις, cf.
P l a t . Gorg. 5 25 a 8 προσήκει δέ παντί τ ώ έν τιμωρία όντι, ύπ’ άλλου όρθώς τιμωρου-
LA RÉVÉLATION D’HERMÈS TRISMÉGISTE. --- III. 17
242 l a r é v é l a t io n d ’h e r m è s t r i s m ë g i s t e

genre : c’est du côté de ces opinions que se tournent (1) la


25 | plupart des P latoniciens et P ythagoriciens .
E h bien (2), venons-en à la purification : retranchement
27 des choses étrangères, restitution de |l’essence propre, perfec­
456 W. tion, plénitude, indépendance, remontée | à la cause qui a
engendré, rattachement des parties au Tout, expansion de
la puissance, de la vie, de l’activité, depuis le Tout jusqu’aux
êtres particuliers, et toutes choses analogues, voilà ce qu’il
faut regarder comme ses plus grandes utilités. D’autres pourtant
5 refusent de suivre les |A nciens quand ils ont donné le premier
rang à ces avantages réels de la purification : ils mettent en
avant la séparation d’avec le corps, la libération des liens,
la délivrance de la corruption, l’affranchissement du créé et
toutes autres fins pareillement médiocres (3) de la purification,
dans la pensée qu’elles prévalent sur les fins universelles.
10 De ce nombre sont la plupart des P latoniciens |et P ythago­
r ic ie n s , divers entre eux selon que divergent leurs doctrines.

μ ένω , ή β ε λ τ ί ο ν ι γ ί γ ν ε σ θ α ι κ α ί ό ν ί ν α σ θ α ι ή παραδείγματι το ΐςά λ λ ο ιςγ ίγ ν εσ ­


θαι ¡p ein e = ex em p le, cas non relev é p ar Ja m b liq u e ), Lois I X 854 d 4 τάχα γάρ
âv δούς ταύτην τήν δίκην γένοιτ’ άν β ε λ τ ί ω ν σωφρονισθείς. ού γάρ έπί κακώ δίκη
γίγνεται οόδεμία γενομένη κατά νόμον, δυοϊν δέ θάτερον άπεργάζεται σχεδόν ή γάρ
βελτίονα ή μ ο χ θ η ρ ό τ ε ρ ο ν ήττον έξηργάσατο τόν την δίκην παρασχόντα, X 908
a 4 : l ’ u n e des tro is prisons de la c ité e st d ite σωφρονιστήριον — « m aison de
c o r re c tio n », A r i s t . Èth. Nie., II 3, 1 1 0 4 b 16 μηνύουσι δέ καί αί κολάσεις γινό-
μεναι διά τούτων (sc. τω ν λυπών!" ί α τ ρ ε ϊ α ι γάρ τινές είσιν, αί δέ ίατρεϊαι διά των
έναντίων πεφύκασι γίνεσθαι (dans Rhet. I 14, 1374 b 33 ή γάρ δίκη καί κόλασις
ίασις, le sen s e s t d ifféren t : ΓΙα σις est ici la ré p a ra tio n fa ite à la v ictim e ). — Sur
to u te s c e s n o tio n s du c h â tim e n t, c f. L . G e r n e t , Recherches sur le développement
de la pensée juridique et morale en Grèce (P a ris, 1 9 1 7 ), A p p . I , pp. 441 ss. :
Sur les conceptions philosophiques du délit et de la pénalité. C om m e le m arq u e
c e t a u te u r , ib., pp. 1 2 0 ss., le m o t κόλασις im p liq u e p ar lu i-m êm e l ’idée
d ’ a m e n d em e n t du c ou p ab le.
(1) περί ταύτας τάς αιρέσεις έλίσσονται (455. 24). Même tour supra 366. 5 ss.
περί δή ταύτας τάς δόξας... τελέως έπιστρέφονται, cf. Plat. Théét. 194 b 2 περί δέ
ών Ισμεν τε καί αίσθανόμεθα, έν αύτοϊς τούτοις στρέφεται καί έλίττεται ή δόξα.
(2) καί μήν.,.γε. Noter le goût de Jamblique pour cette formule de tran­
sition, cf. supra άλλά μήν.,.γε 365. 22, 367. 17, 381. 15, ού μήν... γε 371. 22.
(3) Noter l’orthographe σμικρά, peut-être un « platonisme ». i l est curieux
que ces fins « médiocres » de la purification sont parmi celles que Jamblique
met en valeurdans le Protreplique 13 (p. 70. 9 P., cité supra, p. 239, n. 4) : απαλ­
λαγή τών άνθρωπίνων δεσμών (ά. τών καταδέσμων ici), λύσις τής γενέσεως(λ. άπό
σώματος..., γενέσεως άφεσις ici), mais il y ajoute περιαγωγή έπί τό 8ν et γνώσις
τής δντως άληθείας. On voit donc ce qui caractérise les σμικρά τέλη de la κάθαρ-
σις, c’est qu’ils se bornent à l’aspect négatif, à la différence de la conception
des Anciens pour qui la κάθαρσις est άνοδος έπί τήν αιτίαν et, de ce fait, τελειότης.
Plotin parle comme les Anciens : pour lui la purification est déjà union,
cf. I 2, 4. 15 cité supra, p. 238, n. 2.
APPENDICE I 243

<D . T erm es extrêm es de ces o p é r a t io n s >

Distinguons en outre les termes extrêmes de ces trois


opérations, voyons jusqu’où s’étend et à quel point s’achève
chacune d’entre elles.
Les âmes sont soumises au jugement pour autant qu’elles
15 | font alliance avec la création, qu’elles ne se séparent point
de l’Univers et qu’elles sont mêlées de quelque façon à la
diversité (1). Mais les âmes qui ont reçu permission de vivre
déliées des liens du corps, pures, absolument indépendantes,
qui sont maîtresses d’elles-mêmes et en même temps toutes
remplies des dieux, ont été aussi complètement exemptées du
20 jugement. Cependant, sur ce point, | les P l a t o n i c i e n s et
P y t h a g o r i c i e n s ne s’accordent plus avec les A n c i e n s , mais
font passer toutes les âmes en jugement (2).
De même, quant au châtiment aussi, c ’est dès à présent que
les A n c i e n s placent au nombre des dieux l e s âmes immaculées
25 et celles qui sont unies aux dieux | par la communauté d’esprit,
et, quand ces âmes sortent du corps, ils les conduisent chez1

(1) Dans ces trois paragraphes (jugement, châtiment, purification),


l’opposition entre Anciens et Platoniciens (Pythagoriciens) consiste en ce que
les Anciens font dès ici-bas (έντεϋθεν ήδη 456. 24) une distinction entre les âmes
déjà pures et unies aux dieux et les âmes encore mêlées au créé : ces dernières
seules seront jugées, châtiées, purifiées, les autres échappent à ces opérations.
Pour les Platoniciens au contraire, toutes les âmes, qu’elles aient vécu ici-bas
purement ou non, sont soumises à ces opérations. Il ne s’agit donc pas, dans
cette première phrase et la suivante, d’une distinction entre le fait pour les
âmes d’être incarnées et leur condition une fois sorties de ce monde : μέχρι; 8σου
(456. 14 = « pour autant que, dans la mesure où » et non t aussi longtemps
que ») συντάττονται εις τήν γένεσιν κτλ. indique, non pas le fait inévitable d’être
incarné et par suite mêlé à la création, mais le fait de choisir volontairement
une vie mêlée à la création, άφειμένο« (456.16) signifie, non pas «congédiées »,
c’est-à-dire affranchies du corps par la mort, mais ce participe va avec απόλυτοι
κτλ. = «les âmes qu’on a laissées aller libres, etc. ». Ι/άκόστασις de 456. 15 a
donc ici le sens ascétique (cf. Porph. de abst. I 47 τί ούκ άφιστάμεθα έκόντες τοϋ
σωματικού φορτίου; τί ούκ έλευθεροϋμεν αύτούς δμα τή άποστάσει έκ πολλών;) de
quitter moralement le monde, non le sens concret de mourir. Pour συμμίγνυνται
πρό; τό. διαφέροντα (456. 16), cf. P lat . Ροί. 273 d 6 ίνα μή... εί; τόν τής άνομοιό-
τητος άπειρον βντα πόντον δύη.
(2) Les quatre grands mythes eschatologiques de Platon étant Gorg.
522 e-527 e, Phéd. 107 d-115 a, Rèp. X 614 a-621 d, Phèdre 246 a-249 b, voici
ce qui en résulte quant au jugement et au châtiment. En Gorg., toutes les
âmes sont jugées (524 a, e), puis les âmes coupables sont châtiées selon leurs
fautes (525 a /c , 526 c 9), les autres envoyées aux Iles des Bienheureux (526 c).
En Phéd., toutes les âmes sont jugées (107 d 8, 113 d 3 /4). Les âmes coupables
sont ensuite châtiées et purifiées ou au lac infernal (έκεϊ οίκοϋσί τε καί καθ αιρόμε­
νοι τών τε αδικημάτων διδόντες δίκας άπολύονται εί τίς τι ήδίκησεν 113 d 6/8)
ou au T artare où elles restent soit toujours, soit temporairement (113 e 1-114b 6).
Les autres sont ou libérées et ramenées sur la terre (114 b 6-c 2) ou affranchies
244 LA RÉVÉLATION D’HERMÈS TRISMÉGISTE

les dieux sans les soumettre au châtiment. En revanche, pour


les P latoniciens , toutes subissent le châtiment, après quoi,
28 délivrées de la génération, elles vont | à l’Essence.
457 W. L a purification de son côté donnerait lieu à | pareille
controverse. Car, selon les mêmes hommes (1), c’est au-
dessus de la purification aussi que sont les âmes qui font
cortège aux dieux (2). L es autres sont partagés. Ceux-ci
décident qu’il y a pour l’âme des périodes de purification dans
5 le monde (3), ainsi certains P latoniciens ; ] ceux-là préfèrent
m ettre l ’âme au-dessus de ces périodes aussi : tel est bien l’avis
de P lotin (4).

du corps pour toujours et conduites à des lieux « plus beaux » (114 c 2 /6). En
Rép. X , toutes les âmes sont jugées (614 c 4 ss., d 6), puis les âmes coupables
sont conduites pour mille ans aux Enfers où elles sont châtiées; les autres,
pour le même temps, vont au ciel (615 a 1 /4). Passé ce temps, elles reviennent
toutes à la prairie du jugement (Gorg. 524 a 3, Phéd. 107 d 8, Rép. 614 c 2,
e 3, 616 b 3), d’où elles gagnent le tribunal des Moires qui les renvoie sur la
terre, chacune choisissant son genre de vie {infra, n. compl. V II). En Phèdre,
sauf pour les âmes philosophiques qui ne restent sur la terre que trois mille
ans, le séjour terrestre des âmes est de dix mille années. Après leur première
existence, toutes sont jugées (249 a 6) ; les âmes coupables vont alors subir
leur peine dans les prisons souterraines, les autres montent jusqu’à tel ou
tel lieu du ciel, toutes pour une durée de mille ans. Ce temps passé, elles
choisissent toutes une deuxième existence (248 e- 249 b).
(1) Évidem m ent les Anciens, cf. infra, Note compl. V II, pp. 262 ss.
(2) δσαι θεοϊς συνέπονται (457. 2). Cf. supra 380. 24 οί τι συνοπαδοΐ... των θεών
et p. 223, η. 1. de la Sect. II.
(3) περικόσμιος, plusieurs fois employé dans le de myst., ne signifie pas
« universel » (sic Lévêque), mais équivaut à έγκόσμιος = c dans le monde ».
Jam blique ne précise pas : c’est qu’il s’agit ici en effet du purgatoire, dont le
lieu n’était pas fixé. Pour Platon, dans le Phédon, c’était ou le lac infernal
(113 d) ou le T artare (pour les âmes très coupables, mais qui néanmoins arri­
vent à passer sur le lac Achérousias, 114 a 6 ss.). Pour les auteurs postérieurs
(v. gr. Plutarque, de facie), c ’était la région de l’air comprise entre la terre
et la lune, cf. supra, p. 238, n. 2, et ajouter la notice de J . L y u ., de mens., p. 167.21
W ü. καί 6 μέν Ερμής περί μόνου τοϋ καθαρμού τών ψυχών (cf. Ps. A pu l ., Ascl. 28,
p. 334, test, ad 1. 3, éd. Budé), 6 8έ Ιάμβλιχος έ ν τ φ π ρ ώ τ φ τη ς π ερί καθόδου
ψυχής πραγματείας καί τής άποκατάστεως αυτών μέμνηται, τόν υπέρ σελήνης άχρις
ήλίου χώρον τφ "Αιδη διδούς, παρ’ ω φησι καί τάς έκκεκαθαρμένας έστάναι ψυχάς, καϊ
αύτδν μέν είναι τόν Πλουτώνα, Περσεφόνην 8έ τήν σελήνην. Il ne semble pas qu’on
puisse assimiler ce traité en plusieurs livres « Sur la descente de l’âme » à notre
π ερ ί ψ υχής : en effet il n’est guère possible que le 1er livre du περί ψυχής ait
mentionné déjà le « purgatoire » des âmes, et d’ailleurs Stobée n’indique nulle­
ment que ce περί ψυχής ait comporté plusieurs livres. Peut-être le περί καθόδου ψ.
est-il le même que le traité sur la métempsycose, cf. Z e l l e r , III 2\ p. 740
(n. 1 de la p. 739).
(4) Aucune indication sur ce point, à ma connaissance, dans Plotin lui-
même.
APPENDICE I 245

;7. <2. R éc o m pen se d es a m es> (1)


7 W. Sur la récompense (2) que les âmes obtiennent par la suite
une fois qu’elles sont sorties du corps, < les A n c i e n s d’une
(1 ) Tout le premier paragraphe de ce ch. 67 est gâté, non seulement
par des lacunes dans le texte, mais par suite d’interversions. F P offrant le
même texte, il faut conclure que l’archétype était déjà corrompu et portait
en marge une phrase oubliée, et que, dans la source de F P , cette phrase a été
insérée dans le texte hors de place.
A. — Lacunes.
457. 9. Après èrtttSàv έξέλθωσι τού σώματος, F P ont εις Αγγέλους 8è καί αγγελικός
ψυχάς τύ δλον δή τούτο οί πρεσβύτεροι. On peut suppléer exempli gratia < ο ί μέν
πρεσβύτεροι λέγουσι πορεύεσθαι αύτάς εις θεούς μέν καί θείας ψυχοίς>, είς Αγγέλους
δέ κτλ. Garder είς Αγγέλους (ίσαγγέλους Usener). Wachsmuth suppose une
seconde lacune après ψυχάς, et elle est plausible en effet, la suite des κρείττονα
γένη comportant habituellement dieux, anges, démons, hérauts (cf. infra, n.
compl. V II); mais il est possible à la rigueur que Jamblique ait indiqué
seulement les deux premiers termes de la série. Après ψυχάς, point en haut.
457. 19. On vient de dire (457. 17 ss.) que l’âme désincarnée n’a plus besoin
du λογισμός (selon certains des Anciens). Puis F P ont Πορφύριος δέ αύτάς
άφαιρεϊ... Από τής άδεσπότου ζωής, κτλ. Ainsi lu, αύτάς ne saurait se rapporter qu’à
l’âme (αύτήν, αυτή, αύτής plus haut), le passage du singulier au pluriel n’ayant
d’ailleurs rien de choquant (cf. 378. 5/6 καταβάσεις των ψυχών τιθεμένη δέ τήν
ψυχήν κτλ. et passim). Mais αύτάς = âmes est ici absurde. Jamblique ne peut dire
que Porphyre écarte les âmes (désincarnées) de la vie indépendante puisqu’il est
constant que Porphyre assure à l’âme intellective l’immortalité auprès des
dieux. Comme il était question dans la phrase précédente du λογισμός, on attend
ensuite les parties irrationnelles de l’âme, le θρεπτικόν et Γάλογον dont il a été
traité plus haut 374. 21 ss. (cf. Sect. I, pp. 207, n. 4, 209, n. 1 ), 379. 25-380. 5.
L ’âme les conserve-t-elle après la mort ou sont-elles détruites? Or on a vu
plus haut (Sect. III, p. 236, n. 2 et p. 237, n. lj que Jamblique, représenté
ici par les Anciens (infra, N. compl. V II), admet l ’immortalité de ces deux par­
ties alors que, pour Porphyre, elles se dissolvent dans Γούρανός ( P r o c l ., in
Tim. III, p. 234. 18 ss. cité Sect. II I , p. 236, n. 2), Comme tout notre passage
est construit sur l’antithèse « les Anciens ont dit ceci ~ Plotin (ou Porphyre
ou les Platoniciens) dit cela » (cf. καί τηρούσι μέν... οί παλαιότεροι, Πλωτΐνος
δέ 457. 11/3, οί δ’άρχαιότεροι..., Πορφύριος δέ 457. 13/6, κατά μέν τούς παλαι­
ούς..., κατά δέ τούς Πλατωνικούς 458. 18/9), il faut supposer dans la lacune
une phrase comme ; a < L e s anciens (sc. Jamblique) ont admis que les δυνά­
μεις (ou ένέργειαι) inférieures de l’âme sont immortelIes>, en revanche Porphyre
les enlève complètement à la vie indépendante ».
B) Transposition.
457. 22 ss. Après cette phrase sur Porphyre où αύτάς désignait, non les âmes,
mais les δυνάμεις ou ένέργειαι inférieures de l’âme, on passe brusquement à
une phrase dont le sujet (έσπάρησαν... άλλαι μέν... άλλαι δέ) est les âmes. De
plus, il est question ici, comme tout au début, du lieu où vont les âmes après
la mort. Enfin, selon la construction antithétique de tout le morceau, on
attend, avant ce ό δέ παρά Πλάτωνι Τίμαιος, une indication sur ce que disent
les Anciens. Si, en revanche, on transpose cette phrase après la phrase initiale
dont la conclusion est τό δλον δή τούτο οί πρεσβύτεροι, on obtient un sens excel­
lent : « Les Anciens disent qu’après la mort les âmes vont qui chez les dieux
qui chez les anges...; quant au Timée de Platon, il fait remonter les âmes aux
lieux où le Démiurge les a semées avant leur descente ». Après quoi Jambli­
que ajoute : « Plutarque, Porphyre et les Anciens font garder à l’àme le rang
ui lui revient : en revanche Plotin... ». E tan t donné le mauvais état du texte,
3 ne paraît pas imprudent d’opérer ici une transposition. Le copiste s’est
d’ailleurs rendu compte de l’inconcinnité de ce qu’il écrit puisqu’il fait pré­
céder et suivre cette phrase ό δέ π. Π. Τίμαιος d’un paragraphe.
(2) έπικαρπία, litté r a le m e n t « le fru it que l ’on re tire d ’u ne chose (terre,
tro u p e a u , ca p ita l) », e s t em ploy é au sens m é tap h o riq u e p ar O n o sa n d r e
246 LA RÉVÉLATION D’HERMÈS TRISMÉGISTE

part disent qu’elles s’en vont qui chez les dieux et les âmes
10 divines, > qui chez les anges |et les âmes angéliques : d’une
22 manière générale, voilà pour les A n c i e n s . | Quant au T i m é e
de P l a t o n (1), c’est selon la manière divine dont les âmes
ont été semées par le Démiurge, les unes dans le Soleil, les
25 autres sur la Terre, | qu’il leur fait faire aussi leur remontée,
458 W. chacune se gardant (2) de franchir les limites | de son établis­
4 5 7 .1 1 sement eu égard à l’ensemencement du Démiurge. | En outre
P l u t a r q u e (3), P o r p h y r e (4) et les A n c i e n s font garder
à l’âme le rang qui lui revient : P l o t i n en revanche l ’affranchit
de tout cela (5).
Les A n c i e n s lui attribuent à juste titre une disposition
d’esprit boniforme (6) presque semblable à celle des dieux {

(ou Onasandre, 1 er s. ap. J . C.), 34. 4 έπικ. = exactem ent « récompense »


comme ici (je cite d’après l’édition de l’Illinois Greek Club, coll. Loeb, 1923,
p. 486) : ίνθα μέντοι χρή καί νικώντα μή κατ’ άνδρα μόνον άμοιβάς έκτίνειν, άλλα καί
τφ σύμπαντι στρατεύματι των κινδύνων έπικαρπίαν άποδιδόναι. De même E l is N
(2«/3e s. ap. J . C.), de nai. an. II 8 : les dauphins, quand ils ont aidé à la
pêche au flambeau, s’approchent de la barque, ώς άπαιτοΰντες τού κοινού πόνου
τήν έπικαρπίαν τήν δφειλομένην σφίσιν έκ τής νομής. Dans le même sens, καρπός est
courant, cf. É p i c u R E , Gnom. Vat. 27 b A μέν των άλλων Επιτηδευμάτων μόλις τελει-
ωθεισιν δ καρπός Ερχεται, έπΐ δέ φιλοσοφίας συντρέχει τή γνώσει τό τερπνόν, fr. 519
Us. δικαιοσύνης καρπός μέγιστος άταραξία, I. P rien e 112.13 ss. (1 er s. av. J.-C .)
συνιδών δ’δτι μόνη μεγίστους άποδίδωσιν ή άρετή καρπούς κτλ. Fréquent dans
le N. T.
(1 ) Sur la transposition, cf .supra, p. 245, n.l. Jamblique ajoute ici παρά Πλάτωνι
pour distinguer ce Timée du Ps. Timée de Locres (supra 364. 24). Cf. T int.
42 d 4-5.
(2) Garder μή ύπερβαίνουσαν (ύπερβαινούσας Usener)... έκάστην, cf. K üh ner -
G erth I 287. Il suffit ensuite (458. 1) de lire οικίας pour οικείας en gardant
προς τής (πρόσθεν Wachsmuth).
(3) J e ne vois pas à quel ouvrage de Plutarque Jamblique fait allusion.
Dans le de def. or. 10, 415 B , Plutarque mentionne la doctrine que les âmes
peuvent passer d’un rang inférieur à un supérieur (έτεροι δέ μεταβολήν τοϊς τε
σώμασιν όμοίως ποιοϋσι καί ταϊς ψυχαϊς. ώσπερ έκ γης ύδωρ, έκ δ’ύδατος άήρ, έκ
δ’άέρος πϋρ γεννώμενον όράται τής ουσίας άνω φερομένης, ούτως έκ μέν άνθρωπον εις
ήρωας, έκ δ’ήρώων είς δαίμονας αί βελτίονες ψυχαΐ τήν μεταβολήν λαμβάνουσιν, έκ
δέ δαιμόνων όλίγαι μέν ϊτι χρόνω πολλφ δι’άρετής καταρθεϊσαι παντάπασι θειότητος
μετέσχον : cf. G. S o u r y , D ém onologie de Plutarque, Paris, 1942, pp. 24-25, qui
rappelle justement Y E pin om is ; voir aussi de I s. 27 αύτή δέ — sc. Isis — καί
"Οσιρις έκ δαιμόνων αγαθών δι’ άρετήν είς θεούς μεταβαλόντες), mais il ne la prend
pas à son compte. Dans le de fo c ., la ψυχή demeure dans la Lune, le νους
monte au Soleil.
(4) Il est sans doute question de τάξεις chez Porphyre (v. gr. de regr. an.
fr. 2 , p. 29*. 1 ss. Bid. quamquam itaque discernât — sc. Porphyre — a daem o-
nibus angelos... et admoneat utendum alicuius daem onis am icitia, quo sub­
ven an te vel paululum a terra possit elevari quisque p ost mortem, aliam vero
viam esse perhibeat ad angelorum superna consortia, cavendam tamen etc.),
mais je ne vois pas de texte où Porphyre dise que l’âme ne doit pas quitter
sa τάξις propre. Cf. en revanche H e r m . ap. Stob., E xc. X X I I I , 1 7 ,2 4 .
(5) De fait, nulle mention des τάξεις chez Plotin.
(6) άγαθοειδή 457. 14. J ’emprunte l’expression à E . R. Dodds, dans sa
trad. de P r o c l u s , E l. Tkeol., p. 133. 30 (« boniform »). — τούτο (457. 16) -
la présidence των τήδε.
APPENDICE I 247

15 et la présidence sur les choses d’ici-bas : P o r p h y r e lui enlève


cela aussi.
Parmi les A n c i e n s , quelques-uns disent qu’elle est au-dessus
du raisonnement (1), et ils définissent ses actes comme étant
si exactement achevés que le raisonnement même le plus pur
et le plus parfait ne saurait les inventer. < . . . > : (2) P o r p h y r e
20 les (3) | exclut complètement de la vie indépendante, dans
la pensée qu’elles sont naturellement liées à la génération et
qu’elles ont été données aux vivants composés pour leur
porter assistance (4).
3 Numénius (5) paraît soutenir l’idée d’une union et d’une
5 identité sans distinction entre l’âme et ses principes, | tandis
que les A nciens maintiennent que l ’âme se lie aux'principes
en restant une substance différente. Ceux-là comparent la
chose à une résolution, ceux-ci à une association; les uns parlent
de jonction sans parties distinctes, les autres de jonction avec
distinction des parties. Cependant les âmes ainsi distinguées
(de leurs principes) (6) ne sont pas dans la dépendance du
10 monde ou sous la domination de la |nature, comme l’ont sup­
posé certains P l a t o n i c i e n s : de toute façon elles sont déliées de1

(1) Cf. (avec Lévêque, p. 660, n. 4) P lot . IV 3, 18. 1 πάτερα Si λογισμφ


ψυχή χρήται πρ’ιν έλθεΐν καί πάλιν αδ έξελθοόσα; Plotin montre alors qu’avoir
besoin de raisonner est le signe d’une άσθένεια, d’où il ressort implicitement que
les âmes désincarnées n’ont plus besoin du λογισμός, cf. IV 3, 18. 15 καί πάμπαν
όσα μέν διά χρείας ή δι’ άμφισβητήσεις διαλέγονται ένταϋθα, έκεϊ οϋκ άν εϊη,...
γιν ώ σκ ο ιεν δ’ άνκαί τά παρ’ άλλήλω ν ένσ υ νέσ ει. — Pour ϋπερέχειν αυτήν
λογισμού (457. 17), cf. ταύτης ύπερέχειν τάς ψυχάς 457. 2, τούτων αυτήν ύπερέ-
χουσαν 457. 5.
(21 Pour la lacune et la phrase suivante Πορφύριος δέ κτλ. cf. supra, p. 245, n. 1.
Sans doute certains Néoplatoniciens (S allu stiu s 20; P rocl . E l. Theol. 206,
cf. Dodds, pp. 304/5) ont admis que l’âme doit toujours revenir en un corps,
mais Porphyre, du moins d’après les témoignages de S. Augustin sur le de
regr. an., pense exactem ent le contraire, cf. fr. 11, 1, p. 39*. 9 ss. Bid. in eo
tamen aliorum Platonicorum opinionem... emendavit, quod mundatam ab omnibus
malis animam et cum Pâtre constitutam numquam iam mala mundi huius passu-
ram esse confessas est, fr. 1 1 , 6, p. 42*. 3 Porphyrius autem dixit animam pur-
gatissimam, cum redierit ad Patrem, ad haec mala mundi numquam esse redi-
turam. Ajoutons qu’il s’agit ici de la récompense de l’âme une fois qu’elle est
sortie du corps (457. 9) : or on ne voit pas quelle sorte de récompense serait
pour l’âme le fait de revenir indéfiniment dans un corps.
(3) αύτάς = τάς αλόγους δυνάμεις (ou ένεργείας), cf. supra, p. 245, n. 1.
(4) D’où il suit évidemment que, comme dans le cas du λογισμός, l’âme
n’en a plus besoin une fois séparée du corps.
(5) Test. 34 Leemans. A partir de ένωσιν μέν (458. 3) et jusqu’à νοοϋμεν
(458. 12), il est question de la condition posthume de l’âme intellective, du
νους même délié dù monde sensible et attaché à ses principes. — άναλύσει
458.6 = résolution de l’âme en ses principes. — 458.7 lire προσεικάζουσι (προσεο£-
κασι F P ).
(6) Passage obscur. J ’en fends b διορισμός αυτών (1. 8) com m e αύταί (al ψυχαί)
248 LA RÉVÉLATION D’HERMÊS TRISMÉGISTE

l ’Univers, comme nous le concevons précisément dans le cas


des substances indivisibles.
Pour P o r p h y r e , c’est jusqu’aux vies humaines < . . . > (1) :
ce qui vient- après est, selon lui, une autre espèce d’âmes,
15 l ’espèce irrationnelle. En outre, P o r p h y r e | dit que l’âme
devient semblable à l ’Univers tout en demeurant selon elle-
même telle qu’elle est (2), < . . . > (3); selon les P l a t o n i c i e n s
en revanche, les âmes prennent soin des êtres inanimés.
Une fois délivrées de la génération, selon les Anciens elles
partagent avec les dieux le gouvernement de l ’Univers, selon
20 les P latoniciens elles contemplent la hiérarchie | des dieux;
tout de même, elles sont unies aux anges, selon'les premiers
pour administrer avec eux le Monde, selon les seconds pour
les accompagner dans leurs révolutions célestes (4).

διωρισμέναι. — άφ’ δλων (1. 1 1 ) peut-être adverbial (« entièrem ent déliées », sc.
du monde) : on attendrait άπύ των δλων. — A moins de corriger άχωρίστων
(1. 1 1 ) en χωριστών (» substances séparées » sc. de la matière), il faut l’enten­
dre, je crois, comme άμεριστών (fréquent chez Proclus, cf. E l. Th., Index).
(1) On attend τήν έπικαρπίαν (ou άθανασίαν) διατείνεσθαι λέγουσι = « que
s’étend la récompense (immortalité) ». Cf. supra 375. 18 κατά δέ ’Αριστοτέλην
είδεσι ζωής καί άλλοις δροις ταΰτα (sc. τά άτακτα κινήματα = ή άλογος ζωή ) χωρίς
άπύ των ανθρωπίνων διακέκριται. Comme on l’a vu plus haut (p. 245, n. 1 et
Sect. I II, p. 236, n. 2), selon Porphyre les parties irrationnelles de l’âme ainsi
que le véhicule subsistent après la mort corporelle, m aispourse dissoudre bien­
tô t dans 1’ούρανδς.
(2) άφομοιοΐ τήν ψυχήν τοϊς πάσι (458. 15) : cf. P orph. Sent. 40, p. 36. 9 Μ. ή
(sc. τή άεννάιρ ούσία 35.11) συνθεΐν δυνηθείς καί τω π α ντί όμοιω θή ναιτοϋ δντος
ούδέν επιζητήσεις, 36.11 εΐ δ’ούδέν έπιζητήσεις..., τ<ρ παντί ώμοιώθης καί ούκ
ένεσχέθης ϊν τινι τών άπ’ αύτοΰ et la suite (passage d’ailleurs emprunté à
P lot. VI 5, 12). L ’âme, une fois dégagée de la matière, redevient ce qu’elle
est par essence, un incorporel qui est partout parce que nulle part (sc. sans
lieu physique), cf. Sent. 31 (16, 13 Μ.) ό θεός πανταχοϋ δτι ούδαμοΰ, καί 4. νους
πανταχοϋ δτι ούδαμοΰ, καί ή ψυχή πανταχοϋ δτι ούδαμοΰ.
(3) A Πορφύριος μέν άφομοιοΐ τήν ψυχήν τοΐς πάσι, la réponse ne peut être
κατά δέ τούς Πλατωνικούς έπιμελοΰνται τών άψύχων, non pas tant en raison du
passage du singulier au pluriel, car on a bien d’autres exemples de ce tour
(cf. 457. 1 ss. les uns disent ταύτης ύπερέχειν τάς ψυχάς, les autres περιόδους τής
ψυχής είναι et supra p. 245, n. 1), mais parce qu’il n’y a ni opposition ni lien d’au­
cune sorte entre le fait pour l’âme intellective de devenir semblable à l’Uni­
vers et le fait de s’occuper des άψυχα. D’autre part, un μέν solitarium est con­
traire à l ’usage de Jamblique, particulièrement dans les ch. 65, 67 où il pro­
cède généralement par antithèses. Le δέ de κατά δέ τούς Π. répond bien à
quelque chose, mais à quelque chose qui manque et il faut donc supposer
une lacune. Or nous avons vu plus haut (457. 15) que Porphyre refuse à l’âme
désincarnée la προστασία τών τήδε. On peut donc supposer, après μένουσαν...
ή τις έστίν, quelque chose comme < ο ύ μήν τών τήδε άξιοι αύτήν προϊστάναι> =
< « mais il ne pense pas qu’elle préside aux choses d’ici-bas » > , à quoi répond
m aintenant κατά δε τούς Π . έπιμελοΰνται τών άψύχων.
(4 ) Sur le rôle des anges dans le néoplatonisme, c f . ' C u m o n t , Les anges
du paganisme, Rev. Hist. Rel., 1915, pp. 159 ss., en particulier 169 ss. Sur
les άγγελοι de Théra, probablement païens, c f . en dernier lieu M. G uarducct,
Studi e Mat. di Stor. d. Relig., XV , 1939, pp. 79 ss.
NOTES COM PLÉM EN TAIRES

I
(cf. supra, p. 183, n. 2) P rocl . in T int., II, pp. 213. 8-215.29.

Proclus commence (II, pp. 212.3-213.7) par rappeler l ’exégèse de ceux qui
rapportent ¡a composition mathématique de l’Ame du Monde à l’ordonnance
harmonieuse de l’oùpavéç (ciel des fixes et planètes : cf. infra, p. 251, Note
compl. II). Puis il poursuit (II, p. 213.8).
« Après ceux-ci il y a une autre masse d’exégètes qui s’attache à des théories
exprimant mieux la réalité (1 ).
A m é u u s , sans avoir revendiqué pour lui-même une doctrine qu’il réfère à
P lotin , comme ayant été livrée dans des entretiens non enregistrés par écrit
et d’ailleurs suffisamment réfutée par les disciples du maître, essaie d’inter­
préter d’une autre manière le texte en question (T int. 35 b 4 ss.). Puisque l’Ame
comprend en elle-même tous les êtres du Kosmos, dieux, démons,’ hommes,
animaux, c’est selon la m onade, dit-il, que l’Ame contient tout le genre encos-
mique des dieux (et il n’y a pas lieu de s'étonner de ce qu’on ait dit que l’Ame
comprend les dieux — c ’est de quoi en tout cas l’un de ses disciples déjà l’a
accusé ( 2 ) — ; car, puisque le mot « dieu » est pris en des sens multiples, et ne
désigne pas seulement l’Ê tre superessentiel ni l’Intellect, mais aussi les âmes
divines et les corps divins, admettons donc que l’Ame du Tout comprenne ces
derniers en tant qu’elle embrasse le nombre divin (3) selon ce qu’il y a en elle de
monadique)·, selon la dyade et la iriode, l’Ame comprend le genre des démons
(en effet, puisque les démons sont à la fois dépendants des dieux et provi-
dents à notre égard, c’est selon la dyade qu’il (4) éveille en eux le zèle provi­
dentiel, selon la triade qu’il les fait accomplir leur conversion vers les dieux :
car la position des démons est double, comme nous l’avons dit, puisqu’ils sont
intermédiaires entre les dieux et nous); selon la tétrade et l’ ennéade, l’Ame
prend soin de toute la vie humaine (car celle-ci aussi est double, et se divise
en vie supérieure et vie inférieure : par l’ennéade l’Ame organise la vie supé­
rieure, par la tétrade elle dirige l’inférieure); selon Voctade et Veikosiheplade,
l’Ame procède d’une façon générale et jusqu’aux êtres les plus bas, et, par l’im­
pair, elle fait venir à maturité les fruits cultivés, par le pair les fruits sauva­
ges (de fait, c’est par des puissances appropriées que l’Ame ordonne chaque1

(1) πραγματειωδεστέρων λόγων άντεχόμενον : les πρ. λ. s’opposent aux spécu-


ations formelles, purement mathématiques, du premier groupe.
(2) τούτο γοΰν ήδη τες αότφ τών μετ’ αδτόν έπήνεγκε. Il doit s’agir de Plotin,
en raison de ce qui a été dit plus haut.
(3) Le nombre divin paraît être celui qui symbolise le monde des dieux,
Cf. P r OCL., ib., II, p. 161.22 ss. δφειμένη οδν τής νοητής αρμονίας καί τών
άριθμών δφεΐται τών νοητών (SC. ή ψυκή), καί δπερέχουσα τής αίσθητής άρμονίας
υπερέχει καί τών αισθητών άριθμών. καί εΐ δει περί έκάτερου τούτων^ (nombre et
harmonie) συντόμως είπεΐν, τετραχώς ίκάτερον αυτών έστιν καί γάρ άριθμδς
π ρ ώ τ ισ τ ο ς μέν ό θ ε ιο ς , δεύτερος δέ ό ούσιώδης, καί τρίτος δέ δ ψυκικός, έσχατος
δέ ό φυσικός, δ μέν ένοειδής, δ δέ άκίνητος, 5 δέ αύτοκίνητος, δ δέ έτεροκίνητος· καί
ή άρμονία π ρώ τη μέν ή έν θ ε ο ϊς, δευτέρα δέ ή έν τοΐς βντως οδσι, τρίτη δέ ή έν
ταΐς ψυχαϊς, έσχατη δέ ή έν τοΐς ήρμοσμένοις ΰπ’ άλλων.
(4) Plotin encore, au témoignage d’Amélius.
249
250 LA R É V É L A T IO N D 'H E R M E S T R IS M É G IS T E

chose, par les paires celles qui partout sont inférieures, par « s impaires les
choses plus dignes, plus souveraines, plus rattachées aux êtres divins).
Quant à P o r p h y r e , malgré l’étrangeté de la thèse susdite, il n’en maintient
pas moins, dans une longue discussion, que l’Ame a été mise en harmonie et
qu’elle remplit d ’harmonie tout le Kosmos, tirant cette conclusion non seule­
ment de ce que l’Ame est multiplicité, qu’étant telle, elle est ou inordonnée
ou harmonisée, et que ce dernier cas est le vrai, non le premier (car, si l’Ame
est l’œuvre de l ’Intellect, comment serait-elle sans ordre et sans harmonie?),
mais encore de ce qu’elle conduit toutes choses dans le monde selon des rapports
harmoniques, ta n t les générations des vivants que leur système unifié en
relation avec le Tout. Maintenant, quels sont ces rapports que l’on découvre
dans l’Ame selon sa substance même, il ne Ta ni enseigné ni jugé digne d’atten­
tion. Il a simplement déclaré que l’essence de l’Ame possède en elle-même les
rapports harmoniques, non pas comme images d’une première série d’autres
choses ni comme principes d’une seconde série d’autres choses (1 ), mais comme
liant la multiplicité des puissances qui sont en elle. E t de fait, en réalité, si
l’Ame n’est pas seulement indivisible mais aussi divisible, il faut que son essence
ne soit pas seulement une, mais multiple, et, si telle, qu'elle soit ou innom­
brable ou nombrée. Mais l’innombrable est impossible, car l’innombrable est
une multiplicité sans ordre. L ’Ame doit donc être nombrée. Maintenant, si
elle est nombrée, elle est constituée ou de parties inharmoniques ou de parties
harmonisées. D’inharmoniques, c ’est impossible, car rien ne subsiste par
nature en cet état. L ’Ame doit donc, de toute façon, être constituée de parties
harmonisées. Mais, si elle Test de parties telles, c’est nécessairement selon
l’harmonie la meilleure, puisqu’elle est le premier des êtres harmonisés. Or la
meilleure des harmonies est l’harmonie selon le genre diatonique : car il est
m ajestueux et puissant. C’est donc selon ce genre que, de toute façon, l’Ame
est harmonisée. En sorte que l’essence de l’Ame sera constituée de parties
harmonisées selon le genre diatonique. Rien n’empêche d’ailleurs que, tout cela
admis comme vrai, les rapports harmoniques n’en soient pas moins aussi des
images de certaines réalités divines, tout de même que le corps du Monde, qui
est sphérique, est dit être, par sa forme sphérique, une copie de l’Intellect : il
y a correspondance entre ces deux ordres de réalités. Voilà ce qu’a dit Por­
phyre, nous offrant ainsi de quoi former sur l’Ame un raisonnement vrai.
Quant au divin J a m b u q u e , il célèbre, de toutes ses forces, les nombres
comme présentant de certaines propriétés admirables. Il dit que la monade
est cause de l’identité et de l’unification, la dyade pourvoyeuse de la proces­
sion des êtres et de leur différenciation, la triade guide de la conversion des
êtres après leur sortie de l’unité, la tétrade panharmonique, puisqu’elle con­
tient en elle-même tous les rapports et qu’elle manifeste en elle le second sys­
tème universel (2 ), l’ennéade génératrice de la perfection vraie et de la ressem­
blance, puisqu’elle est parfaite, constituée de parties parfaites, et qu’elle par­
ticipe à la nature du Même; il nomme l’ogdoade la cause de la procession en
général et de la progression à travers toutes choses, et la dernière enfin, l’eiko-
siheptade, il l’appelle génératrice de la conversion des êtres les plus éloignés
eux-mêmes, afin que, de chaque côté de la tétrade {3), on trouve à la fois l’immo­
bile, ce qui procède et ce qui se convertit, d’un côté à titre premier, de l’autre
côté de façon secondaire. En effet Vennéade a affinité avec la monade puisqu’elle123

(1 ) ούχ ώς άλλων εικόνας ούδ’ ώς άρχάςίτίρων : ni comme images de choses


supérieures ni comme principes de choses inférieures. L ’Ame est un être inter­
médiaire entre les νοητά et les αισθητά.
(2) Sc. le système du monde visible, copie du monde intelligible.
(3) Soit 1, 2, 3 — 4 — 9, 8, 27.
A P P E N D IC E I 251

est une nouvelle unité, l’ogdoade avec la dyade puisqu’elle est un cube issu de la
dualité, Veikosiheptade avec la triade par suite de la similitude de leurs causes.
Il donne donc l’immobilité, la conversion et la procession aux réalités plus
simples grâce aux premiers nombres, aux réalités plus-complexes grâce aux
seconds. Quant à la tétrade, qui se tient au milieu, elle possède l’immobilité
parce qu’elle est carrée, la procession parce qu’elle est pairement paire (1 ), la
conversion parce qu’elle est remplie de tous les rapports issus de la monade.
Ce sont là des symboles de réalités divines et ineffables ».

II
(cf. supra, p. 183, n. 3).

Allusion, semble-t-il, à l’interprétation selon laquelle les termes de la série


de l’Ame du Monde (1, 2, 3, 4, 9, 8, 27 : cf. Tim. 35 b 4-c 1) représentent les
distances des planètes à la terre, mesurées par rapport à la distance de la lune
à la terre, prise pour unité (lune 1 , soleil 2 , Mercure 3, Vénus 4, Mars 8, Jupi­
ter 9, Saturne 27 : cf. Tim . 36 d 2 ss. et Rivaud, éd. du Timée, p. 53). Dans
cette exégèse, l’harmonie de l’Ame est entrelacée à l’ordre cosmique et au ciel
(<juvSiaTrXexopévr]V Ttô xé<j|A(p : Cf. Tim . 36 e 2 S’ èx pioou Trpoç tou îrr/azm oipa-
vov 7tàvT7) SiaTtXexeîoa). Porphyre, selon Macrobe (in somn. Scip. II 3, 15),
attribue une doctrine analogue aux Platonici : « Porphyre a inséré cette
opinion des Platoniciens (sur les distances proportionnelles des planètes à la
terre) dans ses livres où il a jeté quelque lumière sur les obscurités du Timée-
Il dit que, selon les Platoniciens, les intervalles dans le corps du Monde, qui se
1 1 1 1
résument dans les rapports 1 + 3 · 1 + 2 ’ 1 + g> 2 *cf‘ Tim" 43 d 6' 7)’ sont “
l’image de la structure de l’A m e, et que de là résulte l’harmonie, dont le système,
inhérent à la structure de l’Ame, a été transmis au corps aussi du Monde, qui
est mis en mouvement par l’Ame ». Voir aussi P rocl., in Tim ., II, p. 212. 3 ss. :
» Qu’il faut entendre ce que dit ici Platon (Tim. 35 b 4 ss.) non seulement au sens
mathématique, mais encore au sens physique ou philosophique, je l’ai déjà
marqué plus haut. Car ce n’est pas de nombres et de rapports mathématiques
qu’est constituée l’essence de l’âme, mais tous ces rapports et nombres sont
des images de son essence réelle et des divisions créatrices et génératives qu’elle
porte en elle. Maintenant, de quelles réalités les rapports mathématiques sont
les images, et comment ils révèlent l’essence de l’Ame du Tout, il n’est plus
facile d’en rendre compte quand on n’est pas resté attentif à la propre pensée
de Platon. C’est ce que prouve le désaccord des exégètes; les objections que les
modernes font aux anciens attestent la difficulté d’une pareille enquête. Les
uns en effet jugent bon de rapporter aux sept sphères les sept premiers termes
de cette série (de l’Ame du Monde), auxquels nous avons comparé analogique­
ment les nombres qui comprennent la totalité du diagramme; d’autres rap­
portent ces premiers termes aux distances des planètes au centre de la terre, où
ils placent la monade; d’autres les rapportent aux mouvements, d’autres à la
grandeur des astres, d’autres à la vitesse de leurs révolutions, ou encore à
d’autres explications du même genre. Or ces exégèses comportent bien des
embarras de toute sorte : par exemple le désaccord où elles sont avec les faits
observés par les astronomes modernes et avec les démonstrations qu’ils en ont
données ; le fait encore que Platon ne définit nulle part la grandeur, la distance,
le temps de course ou le mouvement des astres, si ce n’est pour dire que l’un est

(1) àpratxiç àpvla : cf. P l a t . Farm . 1 4 3 e 7.


252 LA RÉVÉLATION D’HERMÉS TRISMÉGISTE

plus grand que l’autre, sans ajouter de combien ou comment il est plus gTand;
le fait qu’il s’agit d’une psychogonie, et non d’une cosmogonie (car, même si
Ton devait produire en quelque sorte des créations identiques dans l’Ame
et dans le Corps du Monde, encore fallait-il considérer les puissances et les
rapports inhérents à l’Ame elle-même avant ceux qui étaient réalisés à l’exté­
rieur) ; mais le principal est que cette explication manque le but touchant les
termes donnés e t qu’elle est même en contradiction avec eux : dans cette série
en effet, le terme qui tient le cinquième rang < 9 > est plus grand que le
sixième < 8 > , tout comme Vennéade est plus grande que l’octade ; dans la série
qu’ils proposent, la cinquième grandeur ou distance ou quoi qu’ils veuillent
suggérer est de toute façon plus petite que la sixième. Ainsi donc les doctrines
qu’ils nous offrent ne s’accordent point avec les nombres du texte platonicien >..

III

(cf. supra, pp. 185, n. 1, 185, n. 8 de la p. 185).

La doctrine de Jamblique sur l’âme.

Les extraits du «epl dans Stobée ne nous font pas connaître la doctrine
de Jamblique à laquelle il fait lui-même allusion en 3 6 6 .1 0 /1 1 W . Mais d’autres
passages tirés de Proclus, de Simplicius et de Priscien nous donnent quelques
renseignements sur ce point (1 ).
A) P roclus, in Tim ., III, pp. 333. 28 ss. D. (à propos de Tim . 43 c 7-d 4
xal 81) vive ... Siéaeiaav).
Proclus commence par montrer que, en raison des mouvements irrationnels
de la matière, le cercle du Même en nous est lié (ÎTréSiieav : il n’y a plus de pure
contemplation) tandis que le cercle de l’Autre est soumis à toute sorte d’ébran­
lements (Siéoturocv). 11 poursuit alors :
« P artan t de ces considérations, nous nous élèverons contre P lotin et le
grand T héodore (2) qui maintiennent hors d’atteinte en nous quelque chose
d’impassible e t toujours en acte de penser. Car Platon n’a admis que deux
cercles dans sa composition de l’âme : or, de ces deux cercles, l’un, selon lui,
est lié, l’autre secoué, et ni celui qui est lié ni celui qui est secoué ne peuvent
plus s’exercer à l’activité intellectuelle. Aussi est-ce à bon droit que le divin
J amblique s ’en prend à ceux qui pensent de la sorte (3).
(1) Qu’est-ce donc qui pèche en nous quand, sous l’impulsion de l’irrationna-
lité, nous nous portons avec empressement vers une image licencieuse? N’est-
ce pas la décision du vouloir? E t comment ne serait-ce pas cette décision? Car
c’est grâce à elle que nous luttons contre les produits téméraires de l’imagina­
tion. Mais si la décision pèche, comment l’âme serait-elle sans péché?
(2) Qu’est-ce donc qui rend toute notre vie heureuse? N’est-ce pas le fait que
la raison possède sa vertu propre? Oui à coup sûr, dirons-nous. Or si, quand la
partie principale de notre être est parfaite, notre être entier est bienheureux,
qu’est-ce qui empêche qu’aujourd’hui même tous les hommes ne soient bien­
heureux, s’il est vrai que ce qu’il y a en nous de plus haut pense toujours, est
toujours occupé aux choses divines? Car < de deux choses Tune > : si l’intel-123

(1) Un petit nombre de ces textes a déjà été traduit, incomplètement


d’ailleurs et parfois incorrectement, par Lévêque, p. 630 n. 6, p. 631 n. 2 et 5.
(2 ) Théodore d’Asiné, cf. Ueberweg-Praechteru , pp. 613, 617-618.
(3) Dans ce qui suit, et qui paraît être une propre citation de Jamblique,
j ’ai numéroté les arguments. J ’ai mis en outre entre crochets obliques ce qu’il
faut suppléer pour l’intelligence de l’argument.
A P P E N D IC E I 233

leot est cette partie qui pense toujours, l’intellect n’a rien à voir avec l’àme,
< puisque tous les hommes ne sont pas heureux > ; et si l’intellect est une
portion de l’âme, alors tout le reste de l’âme doit être heureux.
(3) Qu’est-ce donc que le cocher de l’àme? N’est-ce pas ce qu’il y a en nous de
plus accompli et ce qu’on pourrait appeler le couronnement suprême? Comment
ne le dirait-on pas tel, si ce cocher est bien celui qui gouverne toute l’essence
de notre âme, qui par sa tête contemple le lieu supracéleste et devient sem­
blable au grand Chef des dieux, au Cocher qui lance son char ailé et s ’avance le
premier dans le ciel (Phèdre 246 e)? Or si ce qu’il y a de plus haut en nous est le
cocher, et si ce cocher, comme il est dit dans le Phèdre (248 a ss.), tantôt est
emporté dans les hauteurs et élève la tête vers le lieu qui est en dehors du ciel,
tantôt s ’enfonce ici-bas et < communique à l’attelage ( 1 ) > sa propre boi­
terie et sa mue, il en résulte évidemment cette conséquence nécessaire que ce
qu’il y a de plus haut en nous change de condition selon les circonstances. »
B) S im pl ic iu s , in A r. de an., p. 240. 33 ss. Hayduck. « Ainsi donc, lors même
que l’essence la plus haute de l’àme demeurerait absolument identique, son
activité, qui ne demeure pas identique, ne saurait se confondre avec l’essence,
s’il est vrai du moins que tantôt elle pense, tantôt ne pense pas. Mais, puisque
l’essence suprême elle-même de l’âme ne demeure pas sans mélange au cours
de l’inclination pour les objets de second rang, en sorte que (2 ) de cette façon
aussi cette essence est médiane, comme le marque J am blique dans son « Traité
de l’Ame », non seulement entre les divisibles et les indivisibles, mais aussi entre
les engendrés et les inengendrés, les périssables et les impérissables, et en sorte que,
pour cette raison même (3), tantôt elle pense et tantôt ne pense pas (en effet,
si elle agissait d’elle-même en demeurant identiquement immuable, non seule­
ment elle agirait toujours de la même façon, mais il ne lui arriverait pas non
plus, quand elle projette des vies de second rang et qu’elle y est impliquée, de
rester tantôt inséparable de ces vies dans cette implication et tantôt d’en être
séparée : car peut-être bien la séparation, la pureté intégrale et incorruptible
de l’essence, est-elle cela même qu’exprime Aristote par ces mots (4) : « une
fois séparé, l’intellect possède sa vraie nature », en ce sens que la vie qui est
encore inséparable des objets de second rang ne possède pas sa vraie nature),
il est certes vraisemblable, ou plutôt nécessaire, que non seulement l’activité
de l’âme, mais son essence même, et cette essence à son plus haut degré (j’en­
tends de notre âme à nous), de quelque manière s’affaiblisse, se relâche et pour
ainsi dire s’affaisse au cours de l’inclination pour les objets de second rang, non
qu’elle sorte entièrement d’elle-même (o) (car dans ce cas elle ne demeurerait
pius une âme), mais elle ne conserve plus sa pureté, en sorte qu’elle (6) se
maintient tout à la fois la même et non la même — car ni l’altérité ne la change
entièrement ni l’identité ne demeure pure et inchangée, — et ainsi, comme elle
a été divisée de quelque manière par le changement et n’est pas restée ce
qu’elle était, elle supporte aussi d’avoir son activité séparée de son essence, en
sorte qu’il lui arrive aussi de ne pas agir ».1

(1) <άναπίμπλησι ξυνωρ!δα> suppl. Schneider, v. gr


(2) fva consécutif : cf. Blass-Debr.·, 391, 5 ; Moulton, Prol., p. 210; Pem ot,
Et. sur la langue des Evang., pp. 55, 9 0 ,1 2 0 ,1 4 5 . — Cf. supra 365.28 s. (p. 185).
(3) αύτό τούτο accus. adv. : cf. Plat. Banq. 204 a 4.
(4) Arist., de an., III 5, 430 a 22.
(5) où παντελώς έαυτής έξισταμένην 241.10 H. ; cf. Stob. Herm. E x c. XV 5
fon $è αύτη (ή διανοητική ζωή ) άμερής καί αμετάβλητος, ούδέποτε έξισταμένη
χ9ιζ άμίταβλησίαζ.
(6) ώς consécutif (avec infin.) : cf. B l a s s - D e b r 392, 1 ; Schmid, A u I l l
p. 85, IV p. 87; L S J. ώς I I I ; Moulton-Milligan ώς 5. De même ώς καί ποτέ μή
ένεργείν infra : cf. Pap. Holm. I X 13 ώς καί τούς τεχνίτας λανθάνιν (!).
254 LA R É V É L A T IO N D ’H E R M È S T R IS M É G IS T E

C) S im p l ic iu s , ib., p. 5. 38 ss. Hayd.


« En outre, dans le I I I e livre, considérant que, selon la faculté raisonnante
elle-même, notre âme est médiane entre les vies extrêmes, il (Aristote) ¡’assi­
mile tantôt à la vie sensible tantôt à la vie intellectuelle; il la montre tantôt
s’abaissant à imiter les sens, tantôt s’élevant à l’imitation de l’intellect, tantôt
se concentrant, autant qu’il lui est possible, et demeurant tout entière en
elle-même quand elle imite l’intellect qui la dépasse, tantôt se quittant en
quelque sorte elle-même dans son inclination pour les choses du dehors, agis­
sant selon sa procession et s’avançant vers la division, sans perdre toutefois
complètement les qualités opposées. Car, de fait, sa division coïncide avec la
concentration vers l'indivisible, sa procession avec la conversion vers soi, sa
fuite d’elle-même avec la permanence en elle-même, bien qu’elle s’affaiblisse
quand elle incline vers l’extérieur. En sorte que, tout ensemble, notre âme
demeure et change, parce qu'elle est au milieu, des choses gui ne connaissent que
permanence et des choses absolument muables; elle participe de quelque manière
à l’un et l’autre des extrêmes, comme, par exemple, elle est à la fois divisée en
quelque sorte et pour ainsi dire indivisée, elle naît et elle est inengendrée, elle
périt de quelque façon et se conserve impérissable. C’est pourquoi nous n ’admet­
trons ni que, comme le veut P lotin, il y a quelque chose de l’âme qui demeure
toujours également identique et pur, ni que sa procession soit complète dans
la chute vers la génération, mais nous dirons que, procédant tout entière, elle
n’en demeure pas moins pure dans l’inclination pour les objets de second rang.
Mais d’ailleurs l’entier déroulement de nos arguments montrera plus distincte­
ment ces vérités et en tant que ce sont les opinions d’Aristote et en tant qu’elles
ont été élucidées avec plus de clarté par J amblique. »
D) S implicius, ib., p. 89. 22 ss. Hayd.
Simplicius vient de rappeler qu’en toute génération d’ici-bas il y a passage
du moins parfait au plus parfait : on a d’abord le sperme, puis l’embryon, puis
le vivant. Il poursuit :
« Mais, si l’âme est inengendrée, comment peut-on dire que, constituée dans
un état plus imparfait quant à l’essence, elle n’atteint que plus tard, quand elle
agit, une condition plus parfaite? Car il est bien clair qu’Aristote lui a attribué
à elle aussi ce qui vient ainsi en premier dans la génération, et c ’est pourquoi
il dit que lui revient l’entéléchie première, en tant que celle-ci n’est pas absolu­
ment parfaite. (Il ne fait certes pas comme Platon, qui n’emploie le mot, géné­
ration dans le cas de l’âme qu’à cause de la première descente vers la division, et
non pas comme si l'âme venait à l’existence à un moment donné, puisqu’il mon­
tre que notre âme aussi est inengendrée et impérissable — je ne parle pas en­
core de l’âme supérieure, qu’il nomme la meilleure des choses engendrées (1 ) — .
Quant à Aristote du moins, c ’est au sujet des êtres venant à l’existence à
un moment donné qu’il emploie le mot engendré). C’est peut-être que l’engen­
dré et le périssable se voient clairement dans le cas de l’âme humaine en ce qui
regarde, sinon l’essence, du moins l’activité et l’achèvement, puisque l’âme
est parfois pervertie et liée. Si en revanche, comme le veut J ambli que , il ne
saurait sortir d’une essence impassible et parfaite une activité dispersée et
imparfaite, admettons que l’âme soit sujette au pâtir en quelque manière
aussi quant à l’essence : en sorte que, de cette façon aussi, elle est médiane non
seulement entre le divisible et l’ indivisible, ce qui demeure et ce qui a fait proces­
sion, l’intelligent et l'irrationnel, mais encore entre l’inengendré et l’engendré,
puisque d’une part elle est inengendrée selon ce qu’il y a en elle de permanent,
d ’intelligent et d’indivisible, et que d’autre part elle vient à l’être selon la 1

(1) άρίστην των γενητών Simpl. 89.30 : àpCftvi) των γεννηθέντων Tim . 3? a 2. Le
sens de ce passage difficile est d’ailleurs controversé, cf. Wilamowitz, Platon,
II, p. 389, Taylor, A Commentary.,., p. 176.
A P P E N D IC E I 255

procession, le divisible et la communication avec l’irrationnel, et que ni elle


ne conserve pur l’inengendré, c’est-à-dire l’intelligent, comme aussi bien elle ne
conserve pas purs non plus l’indivisible et le permanent, ni l’engendré n’est
en elle pareil aux engendrés du dernier rang, à ceux qui à un moment donné
sont absolument inexistants, mais que l’un (l’inengendré) est comme sortant
en quelque manière parfois de lui-même du fait de la communication avec
l’engendré, et qu’il ne demeure pius simplement fixé en la permanence, mais
tout à la fois reste ce qu’il est et devient, et que l’autre (l’engendré) n’est
jamais privé de l’inengendré, mais est toujours suspendu à lui, possède à l’in­
térieur de lui-même la permanence, et pour ainsi dire s’étale, comblant les
vides de ce qui s’en est allé. Cependant, si ce qu’il y a dans l’âme d’engendré
et qui fait procession n’est jamais privé de ce qui est permanent et inengendré,
ce qu’il y a en elle d’ir.engendré est parfois dégagé de toute communication avec
l’engendré, dans la vie séparée des choses corporelles. C’est pourquoi l’âme est
immortelle et permanente, elle possède toujours, en dépendance de la vie intel­
lectuelle, l’immortalité et la permanence, même quand notre âme est en lutte
avec elle-même. Cet état d’immortalité, de permanence, d’indivisibilité, elle le
regagne en toute sa pureté, autant qu’il lui appartient, dans ia vie séparée et
intellectuelle (car une fois séparée, comme le dira Aristote, elle possède sa
vraie nature) ; d’autre parc, dans l’inclination pour les choses du dehors, elle
conserve la permanence sans s’ abandonner entièrement elle-même (à preuve
toute activité rationnelle, qui ne se fait pas sans conversion de l’âme vers elle-
même, d’où résulte la ferme assurance conséquente h l’assentiment, l’âme
jugeant que le connu est vrai et lui donnant alors son plein agrément — car
c’est cela qu’est la terme assurance; — à preuve aussi ces mouvements inté­
rieurs où l’âme rappelle ses énergies pour se tourner à nouveau vers le mieux, et
le perfectionnement de l’âme par olie-mêmc), sans non plus conserver toute
pure cette permanence qui lui est propre. Car, par l’inclination pour le dehors,
c’est tout entière qu’à la fois elle demeure et fait procession, et elle ne possède
ni l’un ni l’autre ( 1 ) d’une façon absolue ni sans contamination de l’un par
l’autre (de là vient aussi que le principe immortel de i’âme se remplit alors,
en tout son être, du principe mortel sans rester purement immortel, et que
l’inengendré se trouve être de quelque façon en devenir, comme aussi l’indi­
visible de l’âme se trouve être divisé), car l’âme n’est plus, par son essence,
activité, autant qu’il lui est permis de l’être. Ainsi donc, selon ce qu’il y a en
elle d’engendré, l’âme est l’en téléchie première, à cause de la séparation entre
son essence et son activité i.
E) SiMpucms, ib., p. 313, 1 ss.
« Cherchons maintenant comment nous nous accorderons avec le divin
J am bliqu e , qui prend tant l’intellect en puissance que l’intellect en acte au
sens de quelque chose de supérieur à l’âme, soit ce qui définit l’âme, soit i’im-
participable, alors que, à notre avis, ces deux, selon la tradition, concernent
l’essence même de l’âme, comme aussi bien nous l’avons souvent rappelé
d’après les propres dires d’Aristote. Non certes que nous ayons l’audace de
contredire J am bliqi /e . N ous nous accorderons avec lui autant que possible,
car il y a autant de différence de nous à lui qu’entre des gens qui, pour l’ins­
tan t, se regardent seulement comme progressants et ceux qui possèdent la
science parfaite : les uns s’élèvent des êtres causés à la considération des causes,
les autres, à l’inverse, font descendre leurs regards à partir des causes sur les
êtres causés, comme on contemple, du haut d’un pic, les lieux plus enfoncés.
C’est bien, en quelque manière, la même chose ici : car, de quelque façon, les
mêmes objets sont ensemble causes et causés, puisque les causés ont l’être en1

(1) Sc. la permanence et la procession.


2ôû LA R É V É L A T IO N D ’H E R M È S T U IS M É G IS T E

raison (le la p ro p rié té et de l’opération des causes, qu’en outre, telle apparaît la
cause dans la s im p lic ité de l’essence, tel aussi le ' causé secondairement et par
participation, et qu’à l’inverse, pour ceux qui partent de la considération des
causés, tel apparaît le causé secondairement et par participation, telle aussi la
cause sous un mode simple et non participé. Dès lors, toute propriété qui se
voit dans la cause se voit aussi dans le causé. Or donc, comme cet homme divin,
en raison de sa science suprême, considère cette propriété premièrement dans
la cause, il nous autorise à la concevoir aussi dans l’âme ; de notre côté, nous
avons mieux aimé la voir d’abord dans l’âme, et de là remonter jusqu’à la
cause. Par exemple, ce qui tantôt demeure de façon pure, tantôt sort de la
permanence sans mélange et, procédant vers la productivité des vies fluentes,
se trouve impliqué en elles, nous l’avons rapporté à notre âme en tant qu’elle
est substantifiée de cette manière, et nous pensons donc que l’intellect qui
définit l’âme est lui aussi de même nature, puisqu’il définit un objet de telle
so rte; et à l’inverse, ayant considéré ce qui, dans l’âme, est restauré parfois
dans l’acte pur, mais à partir de l’être en puissance, nous pensons que l’intel­
lect aussi qui définit une essence de telle nature qu’elle est tan tôt en puissance,
tan tôt passe à l’acte pur, est lui-même rendu un intellect en puissance, non
pas en ce qu’il subit l’être en puissance, mais en ce qu’il définit et fait subsister
l’essence en tan t qu’elle supporte et d’être parfois en puissance et d’être res­
taurée de nouveau dans l’acte. »
F ) A ces textes où Jamblique est nommé, il en faut joindre un autre mani­
festement inspiré de la même doctrine (cf. en particulier le n° B ). C’est le pas­
sage où Simplicius commente de an. III 4 ,430 a 5. «Il faut examiner la cause du
fait que l’intellect ne pense pas toujours ».
S im pl ., ib., p. 237. 37 ss.
« Il n’est pas vrai absolument que tout immatériel intelligible pense aussi
toujours, et cela n’est pas non plus requis, mais seulement que, dans le cas des
immatériels, l’intelligible soit identique à l’intellect, en sorte que, quand il est
pensé en acte, il soit pensant en acte, et que, tant qu’il est pensé en puis­
sance, il soit aussi pensant en puissance. Cependant il n’en vaut pas moins la
peine de se demander pour quelle cause certains des immatériels intelligibles
ne pensent pas toujours, lorsqu’ils ne sont pas non plus objets d’intel-
lection en acte pour eux-mêmes. Cette cause est la procession continuelle
de l’être, à travers les intermédiaires, depuis les termes les plus élevés jus­
qu’aux plus bas, afin qu’il n’y ait de vide nulle part : encore est-il que néces­
sairement les intermédiaires sont supérieurs aux termes les plus bas, en tant
que d’un rang plus élevé et que se rapprochant davantage des êtres premiers.
Puis donc que l’dme humaine, ou plutôt la raison d’une telle âme, raison que
présentement il (Aristote) nomme intellect, est médiane entre les indivisibles
et les divisibles, les êtres toujours identiquement les mêmes et les êtres entièrement
muables, les êtres qui s'appartiennent entièrement à eux-mêmes et ceux qui subsis­
tent en un autre, dès là qu’il transcende ceux-ci et se trouve inférieur à ceux-là,
en tant que transcendant les êtres subjectés en un autre il est lui-même imma­
tériel, en tan t qu’inférieur aux êtres suprêmes et toujours fixés en eux-mêmes
il ne pense ni n’est pensé toujours d’une manière pure. Mais, de toute évidence,
à mesure que la vie de la raison se détache de l’intellection conforme à l’es­
sence, elle descend vers l’imparfait et l’être en puissance; et elle-même, l’intel-
lection essentielle de l’intellect, elle me parait s’effriter dans la production de la
vie qui procède vers le dehors, en sorte que l’âme, selon tout son être, conserve
sa nature de médiété et que tantôt, pour cette raison même, elle projette l’intel­
lect qui procède vers le dehors, tantôt se sépare, comme le dit précisément
Aristote : « une fois séparé, l’intellect possède sa vraie nature », cette expres­
sion « une fois séparé » n’ayant point place dans le cas de ce qui est toujours
A P P E N D IC E I 257

séparé. Comment expliquer, si l'intellect demeurait toujours immuablement


identique, que tantôt il laisse imparfait l’intellect qui fait procession à partir
de lui, et tantôt soit rendu parfait, tantôt aussi se recueille en lui-même?
Mais il est clair que l’intellect essentiel de notre âme ni ne demeure purement
dans un état continuel de conversion vers lui-même ni non plus ne sort complè­
tement de lui-même comme l’intellect passible, c ’est-à-dire l’intellect qui pro­
cède vers le dehors, en sorte qu’aussi il n’a .pas besoin lui-même d’un autre
intellect qui le perfectionne. De fait, l’intellect essentiel a relâché son intellec-
tion autant qu’il faut pour que d’une part il ne pensé pas d’une façon toute
pure et que d’autre part il se suffise à lui-même pour atteindre à sa perfection,
jusqu’à un certain point d’abord, en sorte qu’il perfectionne l’intellect procé­
dant vers le dehors, en totalité ensuite quand, s’étant détaché de celui-ci et
entièrement retiré en lui-même, il possède, une fois séparé, sa vraie nature.
C’est donc l’état de médiété qui est cause que pas même l’intellect essentiel ne
demeure tel en toute pureté. »
G) P hiscien, Metaphr. in Theophr,, p .3 2 .1 3 ss. Byw ater.« Assurément, selon
J amblique, l’dme particulière comprend également ces deux, le permanent et le
muable, en sorte que, de cette façon aussi, elle conserve sa qualité d’intermédiaire
(cf. n° B ). En effet, les êtres supérieurs ne sont que permanents, les êtres mor­
tels sont entièrement muables. Quant à l’âme particulière, comme, en tant que
médiane, elle est divisée et plurifiée avec tous les genres contenus dans le
monde, non seulement elle demeure, mais encore elle change dès là qu’elle fait
subsister tant de vies particulières. E t ce n’est pas seulement selon ses modes
d’être qu’elle change, mais d’une certaine manière aussi, selon l’essence. »

Ces textes éclairent, dans le π. ψυχής de Jamblique, le morceau relatif à


l’âme conçue comme substance incorporelle (365. 5-366. 11 W .). Jamblique
commence par y rappeler la doctrine de ses prédécesseurs néoplatoniciens
(Numénius, Plotin, Amélius, Porphyre) qui, d’une manière plus ou moins
affirmative, assimilent entièrement l’Ame à l’Intellect (voü... oùSèv ή ψυχή
διενήνοχε 365. 20 W .). A cette doctrine s’en oppose une autre, dont nous
savons maintenant qu’elle est celle de Jamblique, qui distingue l’ Ame de
l’Intellect (cf. Proclus, n° A), et définit l’Ame comme un intermédiaire entre les
genres divisibles et indivisibles, corporels et incorporels (365. 28 W .), ou encore
comme la procession depuis les genres de l’être réellement être vers une forme
d’existence inférieure (366. 5 W .). La première définition se retrouve chez
Simplicius et Priscien, et elle y est introduite par une formule identique qui
doit être une citation de Jamblique (« en sorte que, de cette façon aussi, etc. » :
cf. les passages soulignés dans les n0< B, C, D, F , G). Quant à la notion de
l’âme πρόοδος, c’est-à-dire faisant procession depuis l’être pur jusqu’aux
derniers termes, elle revient continuellement chez Simplicius, qui l’attribue
à Jamblique.

IV
ένδελεχή ς, έ ν δ ε λ έ χ ε ια chez Philon (cf. supra, p. 189, n. 6 de la p. 188).

Les textes à considérer sont P h il . Leg. ad Gai. 157 (VI, p. 1 8 5 .1 Reuter),


280 (p. 206.23), 291 (p. 208.19), 317 (p. 213.14).
Supprimons d’abord le dernier exemple, car il n’est qu’une invention de
Reuter. Les MSS. donnent en effet διετάξατο γάρ (Auguste) έκ τών Ιδίων προσόδων
άνκγεσθαι θυσίας έντελεϊς όλοκαύτους τω ύψίστω θεώ καθ’ έκάστην ημέραν :
donc des « sacrifices parfaits », c’est-à-dire où l’on immole des victimes par­
faites; le sens est excellent. C’est Mangey qui a corrigé en ενδελεχείς, d’où
Reuter a tiré έντελεχεΤς. Pour les trois autres exemples, il faut partir du de
ΙΛ RÉVÉLÂT!·;'· CH F. RMÈS TRISMÉGISTE. — III. 18
258 L A R É V É L A T IO N D ’H E R M È S T R I S M É G I S T E

spec. leg. I 170 (V, p. 41.17 Cohn) : οδ χάριν τήν τής έβδομης θυσίαν έξομοιώσαι
τή ένδελεχείμ (ainsi Cohn avec tous les MSS. sauf R) των ήμερησίων αμνών διενοήθη.
Les ήμερήσιοι άμνοί sont les agneaux qu’on sacrifie chaque jour, matin et soir,
pour rem ercier Dieu des bienfaits qu’il nous accorde continuellement jour
et nuit (άς άπαύστως καί άδιαστάτωςό θεός τώγένει των ανθρώπων χορηγεί, ιό .1169.
ρ. 41.14 C). L e jour du sabbat on sacrifie quatre agneaux (ίσα προστιθείς ϊσοις)
dans la pensée que le sabbat, jour anniversaire de la naissance du monde, est
comparable au temps éternel (αιών) : « c’est pourquoi Moyse a eu la pensée
d’assimiler le sacrifice du sabbat au sacrifice perpétuel (τή ένδελεχεία) des agneaux
offerts chaque jour». Que lit-on maintenant dans la Leg■ad Gai.? 157 : προστάξας
καί 8ι’ αΐώνος (C) άνάγεσθαι θυσίας ένδελεχεϊς (A) όλοκαύτους καθ’ έκάστην ήμέραν,
280 πλήθει θυσιών, ού μόνον έν ταϊς κατά τάς δημοτελεϊς έορτάς άναγομέναις, άλλα
καί έν ταϊς καθ’ έκάστην ήμέραν ένδελεχέσιν (ΟΗ : έντ — CG), 291 διά τής ένδε-
λεχοΰς θυσίας (ΟΑ : έντ — CGMH). Marquons d’abord que, si l’on s’en
tient à la tradition manuscrite (cf. Reuter, VI, pp. X X X V I I I ss., LV ss.),
la leçon ένδ — paraît partout la meilleure. La Leg. repose sur deux branches
CO (G) et AH (M ),la première étant en général préférable. Mais si une leçon
est à la fois attestée par O et un ms. du deuxième groupe (A ou H), elle semble
dès l’abord certaine : or c’est le cas de Leg. 280 et 291 (en 157, ένδ — n’est
donné que par A). Cependant, alors même que la tradition serait moins favo­
rable, alors même qu’elle serait contraire, il faudrait de toute façon écrire
ένδελεχής, en vertu des L X X où ένδελεχισμός désigne le sacrifice perpétuel de
chaque jour (v. gr. E x . 29, 38-42 et al.) et en vertu de 1’ένδελέχεια du de. spec.
leg. 1170. Ce qu’Auguste a prescrit pour le temple de Jérusalem, c ’est le maintien
du sacrifice perpétuel de chaque jour : c ’est à ce respect pour l’usage ancestral
des Juifs que se reconnaît sa dévotion à ΓΎψιστος, dévotion que Philon a pré­
cisément à cœ ur de m ettre en relief. — Quant à l’usage d’Aristote lui-même, il
faut noter enfin que si Aristote emploie à plusieurs reprises ένδελεχής et ένδελεχώς,
il n’offre aucun exemple de έντελεχής, car il y a longtemps que Boniti {Ind.
Arist., 249 a 23) a corrigé, d’après les codd. F H et Philopon, le passage du
de gen. et corr., B 10, 336 b 32 où Bekker (suivant E) lisait έντελεχή. Le sens
impose d’ailleurs ένδελεχή, cf. 336 b 27 ss. έπεί γάρ èv άπασιν άεΐ τοϋ βελτίονος
όρέγεσθαί φαμευ τήν φύσιν, βέλτιον δέ τό είναι ή τό μή είναι..., τούτο δ’ (le fait
d’exister toujours) έν άπασιν άδύνατον ύπάρχειν διά τό πόρρω τής άρχής άφίστασθαι,
τω λειπομένω τρόπφ συνεπλήρωσε τό όλον ά θεός, ένδ ελεχή ποιήσας τήν γένεσιν.
E n son édition (Oxford, 1922), H. H. Joachim écrit évidemment ένδελεχή et
Simplicius, in A r. Phys., p. 846.12 D. commente bien : του ένδελεχοϋς τό έπ’
άπειρον δηλοΰντος. Il ne reste donc, à l’actif d’Aristote, que la seule invention du
mot έντελέχεια. Sur la formation de ce mot technique nouveau, cf. W. D. Ross en
son commentaire de Mita. Θ 3, 1047 a 30 (II, pp. 245 s.; corriger la mention
de Philon), qui rappelle les articles de Hirzel, Rh. M us., 1884, pp. 169-208,
et de Diels, Zeitschr. }. Vergl. Phil., X L V II, pp. 200-203.

V
(cf. supra, p. 216, n. 4).
P r o c i . in Tint. 41 e 3, III, pp. 275.26-278.32 Diehl.

x P ar essence les âmes sont excellentes, hypercosmiques, au-dessus de la


Fatalité, parce qu’elles ont eu leur première existence (τήν πρώτην ύπόστασιν :
cf. Jam bl. 377.16) indépendante de ce monde visible. Cependant, en raison
des chars e t des lieux de séjour (λήξεις : cf. J . 377.26) qu’elles ont eus en lot
(έκληρώσαντο : cf. συνεκληρώθησαν J . 377.25, διακληρώσεων 377.27) comme
domiciles propres (διοικεϊν : cf. Tim. 19 e 5), elles sont venues dans ce monde
(εγκόσμιοι γεγένηνται), et c'est du Démiurge qu’elles ont reçu aussi ce poste.
A P P E N D IC E I 259

C’est pourquoi, après les avoir attachées aux chars, Dieu prononce les lois
fatales par lesquelles les âmes ont eu pour lot d’habiter les corps, comme un
homme qui serait débarrassé lui-même des [276] troubles de la politique et
des charges du gouvernement tandis que ses troupeaux lui fourniraient en
tribut les moyens convenables de vivre. Mais ce n’est pas encore pour le présent
ni de cette façon que les âmes sont « sous la Fatalité » : car les chars, non seu­
lement de ces âmes, mais des dieux eux-mêmes, sont mus en cercle du fait
de la Fatalité. Afin donc que les âmes elles aussi, conjointement avec leurs
chars, tombent sous le règne de la Fatalité, il faut qu’elles descendent et
aient commerce avec la création, ce qui vient en second après l’ensemen­
cement (celui-ci en effet précède), étant une sorte de distribution secondaire
des chars subordonnée aux révolutions divines, tout de même qu’il y a eu
une division des âmes elles-mêmes de classe à classe, division qui dépend
d’une part de la Cause Démiurgique unique (c’est pourquoi aussi elle est éter­
nelle, et il ne peut y avoir changement en de tels guides), qui dépend d’autre
part et de la Fatalité (car c’est elle qui dirige les révolutions, qui lie ensemble
les révolutions universelles aux particulières et qui conjoint le semblable au
semblable) et des âmes elles-mêmes, tant des divines que des particulières
(à cause en effet de ce qu’elles s ’unissent entre elles et que leurs chars sont
naturellement apparentés). Dès lors donc, quand l’âme particulière s’associe
à l’universelle, son char aussi fait cortège au char de l’âme divine, et de même
que telle âme imite l’intellection de telle âme, de même tel corps reproduit
l’image de tel corps.
Ainsi donc le premier ensemencement dans les chars ne manifeste pas seu­
lement l’âme comme encosmique, mais il en met toute l’existence sous la
dépendance de tel ou tel guide. Car autre chose est pour l ’âme d ’être encos­
mique, autre d’être Lunaire ou Martienne. C’est là en effet une espèce plus
particulière de vie : en tant qu’elle est montée sur un char, l’âme devient
citoyenne de l’Univers, en tant qu’elle a été semée dans tel char, elle devient
citoyenne de la sphère de la Lune ou de celle du Soleil ou de quelque autre.
De plus, aussi longtemps que le char de l’âme est uni à l’Univers, elle abonde
[277] en vie hypercosmique et elle est, comme le disent certains, « à moitié
reliée » (1 ); mais, à mesure que l’ensemencement se poursuit, il la met sous
la conduite d’un dieu plus particulier.
Après l’ensemencement, il n’a été fixé qu’une seule naissance pour toute
âme ; ce sont les âmes elles-mêmes qui, pour le reste, accomplissent une
deuxième et troisième descente selon leur propre choix. Elles n’en accomplissent
qu’une seule qui soit commune à toutes : toute âme en effet doit entrer dans
la création, car tel est le genre des âmes particulières, incapable de demeurer
immuablement en haut. Ici-bas, désormais, l’âme tombe sous le sceptre de
la Fatalité : car elles reçoivent du Tout et la vie propre aux mortels et ce corps
visible, et elles prennent par là-dessus une condition physique. Cependant,
si elles ont bien vécu, elles peuvent, même ici-bas, se purifier des accrétions
de la Fatalité, dans la mesure où il n’y a pas pour elles nécessité absolue d’y
être unies à cause du corps : que peuvent en effet les productions de la Fatalité
contre le coryphée du Théétète (173 c/e) « qui astronomise sur le ciel » et ne
se soucie même pas de savoir en quel lieu de la terre il est? Si d’autre part on
se tourne vers le corps, on est nécessairement uni aux dons de la Fatalité.
E t, une fois dominées par la vie propre aux mortels, les âmes deviennent
esclaves de la Fatalité : l’Univers use d’elles comme d’êtres sans raison. Or
cet état, de nouveau, leur appartient et de leur fait (car c ’est ainsi qu’elles1

(1) ήμίσχετος. Il s’agit de Théodore, cf. II, p. 142.24 καί εΐ βούλει τά του
γενναίου Θεοδώρου παραλαμβάνειν έν τούτοις, 6 μέν νους άσχετός έστιν, ή δέ περί
τό σώμα ζωή έν σχέσει, μέση Si ή ψυχή, ή μ ίσ χ ε τ ό ς τις οδσα.
260 L A R É V É L A T I O N D ’H E R M È S T R I S M É G I S T E

ont choisi, et, ayant choisi, elles mènent jusqu’au bout le genre de vie qui
leur convient) et du fait du Tout : chaque être en effet est poussé selon sa
nature, et toute façon de vivre a son utilité pour compléter le Tout, et il
n’est aucun être qui soit laissé sans ordre ni détermination dans l’Univers,
mais ils sont tous dirigés de manière que leurs vies fassent un ensemble
proportionné. C’est ainsi donc que les âmes descendent, dans leur procession,
de la vie toujours bien ordonnée et toute première, par les vies intermédiaires,
jusqu’à la vie la plus basse et soumise au Destin, et que, ayant fait route
assistées par les Moires, elles tombent, de leur ancien poste au-dessus de la
F atalité, sous les lois de la Fatalité et sous «le trône d’Anankê » (Rép. X 620 es.).
Maintenant, cette « première naissance » qu’enseigne à présent le Philosophe,
et que le Démiurge, quand il proclame [278] les lois fatales, annonce d’avance
aux âmes, comment faut-il bien l’expliquer? Car l’interprétation qu’on en donne
n’est pas simple. Le divin J am blique nomme « première naissance » l’ense­
mencement dans les chars, et la suite témoigne en sa faveur (41 e 5) : « (Dieu
notifia) que les âmes, une fois semées (dans les instruments du temps),
devraient... » U n autre (Porphyre? cf. supra, pp. 80 s.) explique la première
naissance des âmes comme l’unique descente : il faut en effet que chacune de
ces âmes a it de toute façon commencé avec la création, car cela leur est propre.
Cette exégèse donc définit simplement qu’il n’y a qu’une certaine descente
pour chaque âme. Une autre explication, plus exacte que la précédente, celle
qu’a enseignée mon M aître (Syrianus), dit que, pour chaque âme particulière,
il a été fixé une descente non pas tout uniment, mais selon chaque « révolution
de l’ Engendré Divin » (sc. le Monde, cf. Rép. V III 546 b). En effet il n’y a point
vraisemblance qu’aucune âme, ni de celles qu’on dit sans souillure ni de celles qui
peuvent devenir mauvaises et s’égarer, demeure en haut tout le temps d’une
révolution : car ce qui, durant le temps complet d’une révolution, demeure en
haut inébranlable et immuable ne peut même plus descendre désormais durant
une autre révolution, puisque tous les aspects stellaires que revêt l’Univers en
son déroulement ont laissé cette âme saine et sauve sans qu’elle tombe jamais,
et que ce sont toujours les mêmes aspects qui reviennent indéfiniment. En
outre, la vie de l’âme particulière est plus courte que la révolution du Tout,
en sorte que, si, durant toute cette révolution, l’âme a eu assez de force pour
demeurer en haut, elle a obtenu en partage une puissance intellective immuable
(car elle v it identiquement la même pendant toute la durée du temps), de telle
sorte que, si le temps en sa totalité, à mesure qu’il se déroule, n’a produit
sur elle aucun effet nouveau, elle appartient, dans son état naturel, aux êtres
toujours immuables. Nécessairement donc, toute âme particulière doit accomplir
une descente dans chaque révolution (1 ), les unes plus que les autres, parce
qu’elles ont fait trop grand usage de leur libre arbitre. C’est cette descente-
là que Platon a nommée « première naissance ». Il le manifeste lui-même
quand, après avoir parlé des assignations (λήξεων) qui suivent la première
naissance, il a ajouté (42 b 5) : « (Dieu notifia) que, si l’homme devait manquer
ce but (sc. le retour à l’astre approprié), il se métamorphoserait, à la deuxième
naissance, en la nature d’une femme «. C’est donc qu’il entend par première
naissance la descente à partir du monde intelligible ».1

(1) L ’argument, si je comprends bien, est le suivant. La vie de l’âme est


normalement plus brève que la révolution du Tout. Dès lors, si l’on admettait
que, pendant toute une révolution, l’âme a pu demeurer en haut, on devrait
adm ettre aussi que l’âme est du nombre des êtres immuables, donc éternels :
ce qui n ’est pas, puisqu’on vient de rappeler que sa vie est de plus courte
durée qu’une période universelle. En conséquence, il n’est pas vrai que l’âme
demeure en haut pendant cette période, et, si elle ne demeure pas en haut,
nécessairement elle descend.
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A P P E N D IC E I

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Gic. de F in . V 16-23

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262 LA RÉVÉLATION D’HERMÈS TRISMÉG1STE

VI (suite)

Il suffit de comparer ces quatre listes pour constater les ressemblances et


les différences. Les ressemblances concernent surtout Hérillus, Aristón et
Hiéronyme qui paraissent dans les quatre listes. Démocrite ne reparaît chez
Cicéron qu’en de F in . V. Quant aux trois grandes écoles (Platon = Académie,
Lycée, Stoa), on les retrouve sans doute dans les trois listes cicéroniennes,
mais les δόξαι n’y sont pas les mêmes que chez Jamblique, sauf peut-être
en Cic. de F in . II 34 (lre division), cp. τ 6 χαλάν r i τής φύσεως έξηρτημένον =
consentiré naturas pour les Stoïciens, et, pour les Péripatéticiens, ή κατά φύσιν
συμμετρία = secundara naturam vivere. Les différences sont considérables,
non pas seulement quant aux δάξαι mais quant' au plan. Jamblique semble
suivre un ordre de valeurs. En tête Platon, le Platon du Phédon et de la Répu­
blique avec sa doctrine de la κάθαρσις et de 1’άναγωγή (cf. la περιαγωγή de
Rép.. V II 518 d 4). Puis, apparemment sur le même plan, Stoïciens et Péri­
patéticiens (leurs βίοι sont gouvernés par le même participe προτιμ ώμενοι)
Puis, en vrac, une suite de quatre noms : Hérillus, Aristón, Démocrite, Hié­
ronyme. Les deux premiers sont mis parmi les systèmes abandonnés dans
Cicéron Lucull. et de F in . II, les trois premiers dans Cicéron de F in . V, cepen­
dant qu’Hiéronyme n’est jamais cité par Cicéron qu’en passant. On a donc
l’impression qu’au temps de Cicéron déjà, ce ne sont là que des étiquettes.
Vient enfin, chez Jamblique, une phrase pleine de mépris pour les βίοι qui
ίλλοις τισΐ τρόποις διαγωγής τ4 αίρετόν ίχουσι, tous genres de vivre d’où
résulte, dans la pratique, la variété infinie des mœurs humaines : tout cela
ne mérite pas considération. Cicéron, en revanche, paraît suivre un cadre
logique qui, par l’intermédiaire de Clitomaque ou de Philon de Larisse pour
le Lucullus, d’Antiochus pour le de Finibus, peut remonter jusqu’à Carnéade (1 ).
Une fois exclus les systèmes abandonnés, simple collection de noms chez Cicéron
comme chez Jamblique, on obtient une grande division binaire, selon que
le Souverain Bien est réduit à la seule voluptas (plaisir positif ou absence de
douleur) ou au seul honestum, ou selon que l’honestum est accompagné d’autre
chose, voluptas (en son double sens) ou usage des biens naturels. Or cette
classification est sans doute fondée historiquement (elle remonte aux discus­
sions du Philébe), mais elle reste au vrai secondaire et ne correspond pas aux
doctrines génuines des trois grandes écoles : à preuve les difficultés qu’éprouve
Cicéron à placer les Stoïciens, qui tantôt sont mis dans l'honestum pur (Lucull.,
de F in . II), tantôt dans l'honestum + les biens naturels (de F in . V). Cette
classification n’a aucun rapport avec celle de Jamblique, dont les δόξαι sont
plus exactes. Dès lors, sauf en ce qui concerne les quatre derniers noms (Hérillus-
Hiéronyme), on ne peut guère rattacher les doxographies de Jamblique et de
Cicéron à la même source hellénistique. S’il fallait supposer cette source
unique, il faudrait aussi admettre que Jamblique Ta remaniée quant aux trois
grandes écoles, peut-être en raison d’une lecture personnelle des philosophes
dont il parle.
V II
(cf. supra, p. 240, n. 1)

Dans la tradition normale du platonisme (cf. la loi d’Adrastée en Phèdre


249 a/b), après leur première existence les âmes sont jugées (κρίσεως έτυχον
249 a 6), puis, une fois jugées, les unes s’en vont dans les ύπό γής δικαιωτήρια
où elles subissent leur châtiment (δίκην έκτίνουσιν 249 a 7), les autres obtiennent1

(1) Cf. Rév. H erm. Trism ., II (1949), pp. 358, 360.


APPENDICE I 263

leur récompense au ciel; au bout de mille ans toutes ces âmes, celles de l’ Hadès
et celles du ciel, ont à choisir une deuxième existence terrestre pour achever
leur purification. Or c’est ua dogme'platonicien que ce nouveau choix de vie
dépend entièrement des âmes seules, cf. le discours de Lachésis Rép. X 617 d/e
ούχ υμάς δαίμων λήξεται, άΧΧ’ υμείς δαίμονα αίρήσεσθε... αΙτία έΧομένου, θεός
αναίτιος, la loi d’Adrastée Phèdre 249 b 3 αίροϋνται δν Sv θέλη έκάστη.
Cependant, à la fin de sa vie, dans les Lois (X 903 b/d, 904 c-905 c), Platon
avait enseigné que ce sort posthume des âmes est réglé par la Providence
universelle en vue du bien de l’ensemble. C’est cette dernière forme de la
doctrine platonicienne qui a été reprise par P lotiw, cf. (avec Lévêque, p. 658,
n. 3) II 3, 8.3 καί Ιπεται τοίς δρωμένοις έν τώ παντί Δίκη, είπερ (τδ παν) μή
λυθήσεται- μένει δ’άεί δρθουμένου τού δλου τάξει καί δυνάμει τοϋ κρατοΰντος, III 2 ,
13.16 όθεν καί θεία φήμη Άδράστεια' αυτή γάρ ή διάταξις Άδράστεια δντως καί
6ντως Δίκη... τεχμαίρεσθαι δέ 8εϊ τοιαύτην τινά είναι τήν τάξιν άεί τών όλων έκ των
δρωμένων έν τώ παντί, ώς εις άπαν χωρεΐ καί δ τι μικρότατον (cf. Plat. Lois X
903 b 7 τούτοις δ’εϊσίν άρχοντες προστεταγμένοι έκάστοις έπί το σμικρότατον
άεί πάθης καί πράξεως, εις μερισμόν τδν έσχατον τέλος άπειργασμένοι), IV 3,
12.17 tout est réglé dans l’univers έν τε καθάδοις ψυχών καί άνόδοις καί είς
τά άλλα σύμπαντα. μαρτυρεί δέ καί το τής συμφωνίας των ψυχών πρός τήν
τοΰδε τού παντός τάξιν ούκ άπηρτημένων (détachées), άλλά συναπτουσών έν
ταΐς καθόδους έαυτάς καί μίαν συμφωνίαν πρός τήν περιφοράν ποιούμενων, IV 3,
24, en particulier 24.16 είρηται δέ έν τώ νόμω καί όσον καί έφ’ όσον δει
παθεϊν..., άρμονίας δυνάμει τής κατεχούσης τά πάντα, IV 8, 5.10 όταν δέ
ταϋτα πάσχειν καί ποιεΐν ή άναγκαίον άιδίω φύσεως νόμω..., θεόν εί τις λέγοι
καταπέμψαι (sc. τάς ψυχάς), ούκ αν άσυμφώνως... τή άληθεία... άν είη. Dans le
texte de Jamblique, ces deux opinions sont d’abord indiquées, celle du plato­
nisme traditionnel par ώς μέν δή οί πλεϊστοι Πυθαγόρειοι καί Πλατωνικοί λέγουσιν
(454.25), celle de Plotin par ώς δέ οί άκριβέστεροι έν αύτοϊς (454.27). Viennent
enfin les αρχαιότεροι (455.1) dont, en ce ch. 65, les opinions sont régulièrement
opposées à celles des Platoniciens et Pythagoriciens (cf. 455.12, 20; 456.5,20,
23; 457.1 où οί αύτοί μέν άνδρες = οί παλαιότεροι). Nous avions vu déjà (384.
27) les παλαιότατοι τών ιερέων opposés à Porphyre : or ces παλαιότατοι repré­
sentaient l’opinion de Jamblique. Un texte du de myst. II 5 (p. 79.6 ss. P.)
nous permet de reconnaître ici en eux les fondateurs (présumés) de la théuf-
gie : καί μήν τό γε ά π οκα θαρ τικό ν τών ψυχών τέλεον μέν έστιν έν τοίς θεοϊς,
έν δέ τοίς άρχαγγέλοις άναγωγόν ά γ γ ε λ ο ι δέ λύουσι μονον τών δεσμών τής όλης,
δαίμονες δέ είς τήν φύσιν καθέλκουσιν, ήρω ες δέ κατάγουσιν είς τήν έπιμέλειαν
τών αισθητών έργων, άρχοντες δέ ήτοι τήν προστασίαν τών περικοσμίων ή τήν τών
ένύλων επιστασίαν έγχειρίζουσι, ψυχαί δέ έπιφαινόμεναι κατατείνουσί πως έπί τήν
γένεσιν. De part et d’autre c’est la même suite : dieux (archanges) anges démons
héros, ce que Jamblique, dans le π. ψ., nomme les κρείττονα ou πρεσβυτέρα ou
θειότεραγένη (365.11, 20, 27; 367.3, 372.15, 377.18, 378.3 : voir aussi Sect. II,
p. 216, n. 4). Comme cette suite reparaît constamment dans le de myst., où elle est
un des points essentiels de la doctrine (cf. par ex. I I 1-9), on peut être assuré que
la mention des κρείττονα γένη dans le π. ψ. se réfère à l’art théurgique et que,
dès lors, les άρχαιότεροι sont les prêtres (égyptiens) fabuleux qui auraient fondé
cet art. Pour le rôle purificateur du Soleil, voir au surplus Procl. in Tim ., III,
p. 68.14 (après un important passage sur le Soleil μεσίτης 67.26 ss.) : διό καί
φύλακα τοϋ παντός αύτόν (sc. τδν ήλιον) προσείρηκεν δ θ ε ο λ ό γ ο ς (sc. Orphée,
cf. 227.31 = fr. 96 Kern) καί περί αύτόν δυνά μεις άπέλιπε δη μιουρ γικά ς
άχράντους άναγωγούςτελεσιουργούςκαίάλλαςπολλάς κ α θ α ρ τικ ά ς τ ε κ α ί κρ ιτι­
κά ς, καθ’ άς διακοσμεί τό παν αίδίως περιπολών. Sur les dieux purificateurs,
ih. p. 198.16 έπεί δέ καί τών θεών αύτών οί μέν εισι δ η μ ιο υ ρ γ ικ ή ς τάξεως, οί
δέ ζωυγονικής, οί δέ ά τρ έ π το υ καί κ α θα ρά ς ζω ή ς, οί δέ άλλης τινός, κατά τάς
264 LA RÉVÉLATION D’HERMÈS TRISMÉGISTE

των λεγόντων ιδιότητας άφορίζεται καί τό είδος των λόγων, όπου μεν δ η μ ιο υ ρ γ ι­
κόν, όπου δέ ζωής Θείας παρεκτικόν, όπου Si ά τ ρ έ π το υ κ α θ α ρ ό τη το ς χ ο ρ η ­
γ ό ν ... εί γάρ καί διάφοροι τάξεις είσί τωνέγκοσμίωνθεών, δημιουργικά*, ζωογο-
νικαί συνοχικαί τελεσιουργοί φρουρητικαί κ ρ ιτικ α ί κα θα ρτικ α ί,... άλλ’ δμωςκάΐ
πάντες πασών τών δυνάμεων μετέχουσιν κτλ. Sur les démons purificateurs, ib. I,
p. 113.23 πολλά γάρ καί αί μερικαί ψυχαΐ δρώσιν, όργανα τών τιμ ω ρ ώ ν ή καθαρ­
τικ ώ ν ούσαι δαιμόνω ν, όξω του σώματος. Sur les Puissances (célestes) cathar­
tiques en général, ib. I, p. 38.9 όλως δέ καί περί αύτάς τάς ψυχάς είσι καί άνα-
γωγοί δυνά μ εις καί κ α θ α ρ τ ικ ο ί, κ ρ ίσ εώ ς τε ϊφ ο ρο ι καί δίκ η ς, καί δήλον,
ώς αί μέν τοΐς φύλαξιν άνάλογον, αί Si τοΐς έπικούροις. Dans les El. Th., prop. 143,
Produs mentionne les déliés purificatrices (εϊ τις όστι θεότης καθαρτική),
prop. 156 et 158 il distingue chez les dieux la propriété purificatrice (το
καθαρτικόν) de la protective (τό φρουρητικόν), de l’élévàtive (τό άναγωγάν) et
de la conversive (τό έπιστρεπτικόν).
APPENDICE II
PORPHYRE

A GAUROS. SUR LA M A N IÈ R E DONT L'EM BRYON


REÇOIT L'AME.

Προς Γαϋρον περί του πώς έμψυχοΰται τά έμβρυα. Ed. K. Kalbfleisch,


Abhandl. Berl. Akad ., 1895, pp. 33-62(1).·

Prologue, I, l-I I , 5.
[I, 1] La doctrine relative à l’entrée des âmes dans les corps
en vue de la production d’un être vivant nous a remplis d’une
extrême incertitude, et non pas nous seulement, cher Gauros,
mais ceux qui se sont employés principalement à la recherche
de ce problème.
5 D’une manière générale, les hommes de science et presque
tous les médecins se sont demandé s’il faut tenir les embryons
pour des vivants ou s’ils ont seulement la vie végétative, le
caractère propre du vivant consistant dans la sensibilité et
l ’impulsion, celui des végétaux se faisant voir dans les fonctions
de nutrition et de croissance sans accompagnement de sensibilité1

(1) Notes critiques.


34.1 καθ’ δ προελθόντων ϊνεστι (sc. ή ψυχή), κάρω κτλ.
36.27 Je garderais διόλλυνται Ρ.
40.7 κάν πληγαϊς (« eu égard à, en ce qui concerne les »).
41.7 γεννικώτερον.
46.25 ή < δ η > ?
47.28 adn. cr. μ * < κ έ τ ιή > κατά τήν (Kalbfleisch) paraît bon, cf. 56.23/4.
50.25 garder έάν P.
54.22 ούδαμοϋ γνωριστικών?
55.24 ούτωσΐ καί < π ρ ό ς > ? cf. 1. 21.
56.6 Sûrement εύγονία.
56.9 ώς εύγονίφ φύσεως αρετή ψυχής (SC. ¿μποδίζει), καί άρετή φύσις.
56.10 καί άρετήν? (κατ’ άρετήν Ρ ). ,
56.23 όταν άπό τής μητρός μηκέτι (sc. ήκ?) ή ψυχή), μηδέ τό ίμ(βρυον) ή.κατα
κτλ. Pour ϊμ(βρυον), cf. 37.17, 53.16.
57.2 ήτις άν < ή > (κατά καιρόν) ψυχή κτλ., cf. 1. 1 2 .
57.3 /4 adn. cr. Les Or. Chald. n’ont rien à voir ici: c est de la pure astrologie,
et. Bouché Leclercq, Astr. Cr., pp. 257 ss„ 280 ss.
60.12 καλάμης sûrement mauvais. J e proposerais v. gr. ου... των (καρπών
μόνον, άλλα καί των ζώων, ήνωνται έν σπέρ)μα(σι) καί δστερον διακρίνονται
60.20 (κατά διαφόρους καιρούς) είσιόντα (« faisant leur entrée en scène »).
265
266 LA RÉVÉLATION D’HERMÈS TRISMÉGISTE

et d’impulsion. Dès lors, puisque les embryons, dans leur compor­


tem ent, n ’usent point d’imagination et d’impulsion, et qu’ils ne
sont gouvernés que par les seules fonctions de croissance et de
nutrition, comme en témoignent, pour l’un et l’autre, les phé­
nomènes, il faut admettre que les embryons sont des végétaux
10 ou |pareils à des végétaux; en revanche, les regarder comme des
vivants parce qu’ils doivent, une fois sortis du ventre, être doués
de vie, c ’est là, je le crains, une vue précipitée et le fait de gens
soucieux de se conformer, sans examen suffisant, aux opinions
du vulgaire.
[2] D ’une manière plus particulière, ceux qui supposent que
les embryons participent aussi à l’âme animale ont été à leur
tour dans le doute, s’il faut estimer les embryons des vivants en-
acte, ou des vivants seulement en puissance, non pas en acte —
15 en puissance se dit soit | de ce qui, sans avoir encore reçu la
puissance, est capable de la recevoir (ainsi l’enfant eu égard à la
grammaire), soit de ce qui a reçu la puissance, quand il n ’agit
pas selon elle (ainsi l’enfant quand, après avoir appris la gram­
maire, il n ’écrit ni ne lit parce qu’il est occupé à d’autres choses
ou qu’il dort), — ceux qui disent les embryons vivants en puis­
sance ne leur attribuant pas Yen puissance en ce sens que l’em­
bryon a convenance à être animé, mais l’interprétant au sens de
20 ce qui a reçu | l ’âme et reste inactif, puisque aussi bien c’est
chose admise, même de ceux qui regardent l’embryon comme
non participant encore à l’âme animale, que l ’embryon est en
puissance à l’animation en vertu d’une convenance.
[3] Or donc, tout comme, dans un profond sommeil, les acti­
vités de la vie sensitive et impulsive sont retenues bien que l’âme
soit présente (on le voit bien quand cet état prend fin), ou comme,
chez les animaux hibernants, au temps de l’hibernation, l’activité
25 végétative |continue de s’exercer au ralenti tandis que l’activité
sensitive et impulsive est complètement immobilisée, [ est-ce
que de même, chez les embryons, bien que l’âme soit pré­
sente (1)..., ce qu’ils éprouvent ressemble à une torpeur ou une
hibernation? Ou bien l’âme, tout en étant active elle-même,
n’agit-elle que faiblement, et en va-t-il comme du mouvement
des jam bes dans la marche, mouvement que les tout petits ne
peuvent accomplir encore, bien que, par l’imagination, ils
5 remuent les jambes, les plient et | les déplacent localement,
Peut-être « dans la mesure où elle y est présente quand ils sortent
I’ J jrpoeXÔévTuv ïv c o n : xat TcpooeX06vTuv iv to ri P.
APPENDICE II 267

même s’il n’y a pas encore d’aptitude à marcher? [4] Dans le


premier cas, les embryons sont des vivants en puissance, au
sens toutefois où est dit en puissance ce qui tient ses habitus en
inactivité; dans le second, ils sont des vivants aussi en acte.
En revanche, si, dans la thèse de ceux qui regardent les
embryons comme gouvernés seulement par le principe de la vie
végétative sans qu’ils aient de part à l’âme impulsive et sensitive,
les embryons sont dits des vivants en puissance, cela sera dit
alors en ce sens que l’embryon a convenance à recevoir l’âme
10 vivifiante, 1 non pas en ce sens que, l’ayant déjà reçue, il reste
inactif.
[ I I , 1] Eh bien donc, supposé qu’on ait démontré que l’em­
bryon n’est ni un vivant en acte (les vivants différant des non-
vivants par la sensibilité et l ’impulsion) ni un vivant en puis­
sance (au sens de ce qui a déjà reçu l ’âme tout en tenant dans
l ’inaction les activités du composé de corps et d’âme), il devient
facile à Platon d’établir la nécessité de l’entrée de l’âme et le
15 moment précis | de cette entrée (1). Car, de toute évidence,
puisque l’embryon n’est donc un vivant ni en acte ni en puis­
sance, au sens de ce qui a déjà reçu l’habitus mais reste inactif,
et puisqu’on ne le dit vivant en puissance que par la convenance
qu’il a à recevoir l’âme proprement dite du vivant, dès l’instant
où il devient doué de sensibilité et d’impulsion, il faut nécessai­
rement admettre et l ’entrée de l’âme et le moment précis de
20 l’entrée : ce qui doit se produire après |l’enfantement hors du
ventre quand il est conforme à la nature. [2] Au contraire, si
l’embryon est un vivant en puissance au sens de ce qui a reçu
l’habitus, ou, davantage, s’il est un vivant en acte, il est difficile
de déterminer le moment de l’entrée, et ce n’est pas du moins
sans une extrême défiance qu’on acceptera ce moment ni sans
le tenir pour fictif, de quelque sorte que, le cas échéant, on ait
marqué avec précision qu’il était. Car ou bien on le définit
celui où le sperme a été injecté dans la matrice, comme si le
25 sperme ne pouvait être retenu dans la matrice | et y devenir
productif à moins qu’une âme venue du dehors n’eût réalisé,1

(1) εύκολος τώ Πλάτωνι ή τής είσκρίσεως ανάγκη καί < δ > όρος 6 ταύτης
γίγνεται 34.14. A cet εβκολος τώ Πλάτωνι... γίγνεται s’opposent τώ Πλάτωνι
άθετεϊσθαι τόν περί τής είσκρίαεως λόγον 36.9 et τώ Πλάτωνι έκκεκλίσθαι τήν
έξωθεν των ψυχών είς τά σώματα είσκρισιν 58.19. D’autre part, l’idée est reprise
sous une autre forme : άνάγκη καί τήν εϊσκρισιν καί τόν καιρόν τής είσκρίσεως
καταλιπεϊν 34.18. Le mot είσκρισις est quasi technique, cf. Albin. Didask. 25.6
H. τό είσκρίνεσθαι αύτάς τοϊς σώμασι. L ’expression complète est ή έξωθεν τών
ψυχών είς τά σώματα είσκρισις, cf. 58.20.
268 LA RÉVÉLATION D’HERMÈS TRISMÉGISTE

par son introduction, la jonction naturelle (1) : Numénius


s’étend longuement sur ce point ainsi que les exégètes des sens
allégoriques |de Pythagore, qui entendent comme s’appliquant
au sperme et le fleuve Amélès chez Platon, et le Styx chez
Hésiode et les Orphiques, et 1’« efïlux » chez Phérécyde. Ou bien
on place l ’entrée de l ’âme au moment de la première formation
de l’embryon, le garçon étant différencié au bout de trente
5 jours, la fille au bout de quarante-deux jours, |comme le rapporte
Hippocrate (2). Ou bien on assigne à l ’entrée le moment où
l’embryon a commencé de se mouvoir; sur l ’époque exacte,
Hippocrate déclare (3) : « Quand les extrémités du corps du tout
petit se sont ramifiées extérieurement (4) et que les ongles et
les cheveux se sont enracinés, alors l’enfant commence à se mou­
voir : le temps jusqu’à ce point est, pour le garçon, trois mois,
pour la fille, quatre ». [3] Mieux encore, j ’ai même entendu quel-
10 qu’un (5) | soutenir devant moi que l’ardeur du sexe mâle dans
l’accouplement et l’ardeur correspondante de la matrice (6)
arrachent une âme à l’air ambiant par le moyen de l’inspiration
qui se produit alors (7), quand ces deux ardeurs ont à ce point
ému et altéré la force naturelle pourvoyeuse du sperme qu’elle
en acquiert la propriété d’attirer une âme, et que cette âme,
après avoir jailli conjointement avec le sperme à travers le
sexe mâle comme à travers un tuyau, est recueillie à son tour
15 par l’ardeur de la matrice quand |celle-ci se trouve convenable­
ment disposée pour retenir le sperme : c’est pour cette raison
que les deux se mélangent, parce que, grâce à ces deux, l’âme
est liée et emprisonnée (8), et ce qui arrive là s’appelle concep-

W
De l’élément masculin et de l’élément féminin, cf. Hipp. Nat. Puer. 5
476 L.) : s’il doit y avoir conception, μίσγεται 4μοϋ τό τε άπ6 τού άνδρ4ς
έλθ4ν καί τ4 άπ4 της γυναικδς.
(2) Nat. P uer. 18 (VII 498 ss. L .). Noter διαρθροΰσθαι Hipp. = διαρθρου-
μένης Porph. 35.4.
(3) Nat. P uer. 21 (VII 510 L.).
(4) δζωθή έξω 35.7 : cf. ib. 17 (VII 498. 3 L.) καί δή καί διοζουται ώς βένβρον.
(5) La m ême doctrine est rapportée par Jamblique ap. Stob. I, p. 38 1 .1 5 . ss.
W . ; cf. supra, p. 225 et n. 3. Ou source commune ou Jamblique dépend de
Porphyre, cf. K . Kalblleisch, l. c. , pp. 22-23.
(6) Ceci rappelle Tim . 91 b-c.
(7) Il est possible que cette doctrine soit liée de quelque manière à la
tradition des Orphiques sur l’âme portée par les vents depuis l’air enve­
loppant jusque dans le corps au momeht de l’inspiration, ci. Orph. fr. 27,
pp. 95 ss. K.
( 8) Cf. la première des trois théories mentionnées supra II 2 (Numénius et
Pythagoriciens) : l’âme entre au moment de la conception, ώς Sv μη8" oïou τε
8ντος (τοϋ σπέρματος) έν τη μήτρα γονίμως κράτηθηναι μήτι γε ψυχής έξωθεν τή
είσκρίσει έαυτής τήν σύμφυσιν ά π ερ γ α σ α μ έν η ς 34.24 ss.
APPENDICE II 269

tion du fait que le phénomène ressemble à la capture d’un


oiseau (1). Mais ce sont là pures fables. J ’en ai ri alors, il m’en
souvient; et si j ’ai cru bon de les mentionner, ce n’est pas que
cette fiction ait le moindre prix, mais parce que je montre ainsi
que le mode (de l’entrée de l’âme) est susceptible d’une infinité
20 d’impasses, dès là que, | pour s’être refusé à placer l’entrée de
l ’âme après l’enfantement hors du sein maternel, on applique
le phénomène à ce qui est encore dans le sein et à toute l’in­
certitude de ce qui se passe là.
[4] Pour ceux-là donc qui interprètent en ce sens la doctrine
de Platon, il est malaisé de préciser le moment de l’entrée de
l’âme, et la difficulté ne leur sera pas moindre s’ils entreprennent
de montrer que l’animation se fait de l’extérieur, — et non pas
25 que, arraché au père, un fragment de l’âme paternelle, |comme
de sa nature, est injecté, en même temps que le sperme, — s’il
est vrai après tout que l’animation a lieu lors de l’injection
du sperme. Gomment d’autre part ne serait-ce pas un fragment
de l’âme de la mère, si l’entrée a lieu | quand l’embryon a été
formé ou quand il a commencé de se mouvoir? Car, de même
que les ressemblances physiques révèlent que l’enfant a pris à
ses parents quelque chose de leur corps, de même faut-il que les
ressemblances spirituelles aussi indiquent la source originelle d’où
l ’âme a été tirée. [5] Pour nous donc, nous démontrerons avant
5 tout que le fruit n’est ni un vivant |en acte, ni un vivant en puis-,
sance au sens de ce qui a déjà reçu l ’âme, d’où il résulte que
l ’entrée de l’âme a lieu après l’enfantement ; et quand même nous
aurions concédé que l’embryon, en lui-même, soit un vivant en
puissance, voire un vivant en acte, nous montrerons qu’il n’est
pas possible que l ’animation ait eu lieu ni à partir du père ni
à partir de la mère, mais qu’elle se fait seulement de l’extérieur,
en sorte que, même dans ce cas, la doctrine platonicienne de
10 l ’entrée de l ’âme ( n’est pas rejetée comme fausse.1

(1 ) σύλληψίν t e είρήσθαι τύ πάθος διά τ4 άρκαγη πτηνού έοικέναι τά γιγνά-


μενα 35.16. Le même mot σύλληψις désigne à la fois l’action de « se saisir de »
(L S J. s. v. II) et l’action de « concevoir · (¿6. II I ). L ’oiseau ici capturé est
l'âm e. Cf. l’image de la cueillette d ’un fruit, P lat. Tint. 91 d 1 otov άπδ δέν­
δρων χαρπ&ν καταδρέψαντες.
270 LA RÉVÉLATION D’HERMÈS TRISMÉGISTE

pe P A R T IE : L ’e m b ry o n n ’e s t p as un v iv an t en acte
III, 1 -X II, 7.

1) PREUVE PAR LA DOCTRINE DE PLATON, III, 1-IX, 5.

[ I I I , 1] Tout d’abord donc, prenant à témoin l ’évidence elle-


même, nous pensons qu’il convient de se mettre sous les yeux
les différences spécifiques des plantes et des animaux, puis
d’examiner desquelles de ces différences se rapprochent davan­
tage les données expérimentales touchant l’embryon. Si en effet
ces données apparaissent comme semblables à la nature des
15 choses dans le cas des animaux, il faut définir le fruit |un animal ;
si elles ressemblent à la nature des choses dans le cas des plantes,
on ne doit pas s’étonner si le fruit ne reçoit la vie que lorsqu’il
est sorti du ventre, pas plus que nous ne nous étonnons de ce
que, avant de s’être séparé du père, le sperme demeurant en
lui-même ne produise pas les effets qu’il est naturellement destiné
à produire une fois tombé dans la matrice après la sécrétion.
[2] Or donc, le propre de la vie végétative et des plantes est
20 de se nourrir, non par voie buccale, mais par la puissance 1 in­
hérente aux racines, qui, attirant les humeurs nourricières envi­
ronnantes dans le sol (1), les assimile pour faire croître et nour­
rir comme il convient l’être que cette puissance administre. En
revanche, le propre des animaux mortels (2) et pourvus de chaic
est de prendre leur nourriture par voie buccale et de la digérer
à l’intérieur d’eux-mêmes grâce aux organes dont ils ont été
25 munis, pour cet usage même, par leur nature | particulière.
[3] E n outre, tous les animaux naturellement destinés à respirer
par des narines rejettent et aspirent l ’air par cet organe; car,
s’ils en sont empêchés, ils meurent aussitôt par étouffement et
ne peuvent, même un instant, résister à ce qui fait obstacle à la
continuité de la respiration. Au contraire, les végétaux respirent
seulement par ce qu’on appelle la moelle ; quant aux fruits, c’est
par ce qu’on nomme les pédoncules, par où ils se trouvent sus-
30 pendus, | qu’ils se procurent la nourriture et l ’air extérieur,
pédoncules d’où précisément ils se détachent aussi en tombant,
quand ils ont attein t la maturité et la perfection au plus haut
point de leur fabrication. De plus, plongés dans un milieu1

(1) την περικειμένην έν τη γη τρόφιμον Ικμάδα Ιλκουσα 36.20 : cf. Εν. Luc 8.6
και έτερον κατέπεσεν έπΐ τήν πέτραν, καί φυέν έξηράνθη διά τό μή èyeiv Ικμάδα.
(2) Cf. P lat. Soph. 265 c 1.
APPENDICE II 271

liquide | qui les entoure de partout, les animaux terrestres péris­


sent; au contraire les graines poussent quand elles sont entière­
ment baignées d’eau, qu’on en verse sur elles ou qu’elles l’atti­
rent du sol.
[4] Si donc les embryons se nourrissaient eux aussi par voie
buccale, et non par la puissance immanente au sperme, qui, à
la manière dont les plantes tirent l’humidité du sol, attire le
5 sang | qui circule autour du sperme et le baigne à l’intérieur
dans la matrice, et, tandis qu’elle en assimile une partie pour la
croissance et la nourriture de l’embryon, en met à part le surplus
qui sera lui aussi utile au fruit une fois mené à terme pour le
rendre glissant; ou bien si les embryons respiraient par le nez
comme après la sortie du ventre, et non par le cordon ombilical, ce
cordon par lequel leur centre est attaché et fixé au chorion comme
10 par une racine | ou un pédoncule, duquel en retour, sembla­
blement aux fruits, ils s’empressent, une fois mûrs, de se détacher
pour tomber à terre ; ou enfin s’il était possible que les embryons
résistassent même un peu de temps sans qu’un milieu liquide
les baignât de partout, milieu dont au contraire les animaux
terrestres après l’enfantement ne peuvent soutenir même un
instant la pression environnante, — si donc, comme je le disais,
15 l’administration des embryons dans le ventre 1 ressemblait à
celle des animaux et non, manifestement, à celle des plantes, il
serait permis, appuyé sur le témoignage des faits, de se ranger à
l’opinion de ceux qui tiennent les embryons pour des vivants.
[5] Mais puisque les embryons refusent, comme leur étant étran­
gère, la façon dont sont administrés les animaux, et que la façon
dont ils le sont, comme leur étant la plus appropriée, est presque
contraire à celle qui suit la sortie du ventre quand ils ont installé
en eux l’âme du vivant, pourquoi, sans tenir compte de l’évidence
20 |des faits, nous abuser nous-mêmes de plein gré par ce raisonne­
ment que, puisqu’en vérité nous avons affaire à des vivants dès
l’émergence du fruit, à l’intérieur du ventre aussi les embryons
sont des vivants? Car, ou bien il faut rejeter ces témoignages
d’après lesquels on découvre que l’embryon est administré comme
une plante et non comme un animal, ou bien, puisqu’on ne peut
lutter contre l’évidence, il y aura lieu sans doute de se demander
pourquoi l’embryon change de végétal en animal, s’il est vrai
que d’aucuns pourraient trouver la chose paradoxale et non
25 l’œuvre d’une | nature divine, mais il n’en faudra pas moins
admettre que l’embryon dans le ventre n’est pas un animal, puis-
1

272 LA R É V É L A T IO N D ’H E R M È S T R IS M É G IS T E

que également il est immobile avant de recevoir une âme en tant


qu’animal.
[IV , 1] Mais Platon enseigne (1), disent-ils, que la puissance
végétative dans le sperme fait partie de la troisième portion de
l’âme, le concupiscible, que le concupiscible est poussé par le
plaisir et la douleur et qu’il a l’appétit des mets et de la nourri-
30 ture, que d’autre part |plaisirs et douleurs sont des sensations,
ou du moins des mouvements qui nous ont été donnés en vue
38 de la sensation, | et que les appétits sont des impulsions : dès
lors, si l’embryon participe à la sensation et à l’impulsion, par
quoi le vivant diffère du non-vivant, comment ne serait-il pas
un vivant?
[2] Ceux qui tiennent ce langage ne se rendent pas compte
qu’ils font des plantes aussi des vivants, en tant qu’administrées
elles aussi par une puissance végétative qui, comme ils le disaient,
fait partie de la portion concupiscible de l’âme. Mais ce serait |
5 bien assez pour nous qu’ils nous accordassent que la vie des
embryons ressemble à celle des plantes et non à celle des vivants
proprement dits, même si leur zèle les pousse, dans une nouvelle
charge, à supprimer la différence entre la plante et l’animal
en luttant contre l’évidence et entrant dans la présente discussion
avec un argument plus absurde encore que les précédents, eux
qui ne comprennent même pas en quel sens Platon dit que la
10 puissance végétative est partie du concupiscible et | qui ne
se sont même pas préoccupés de savoir pourquoi Platon ne
dédaigne pas de dire que les plantes sont des vivants.
[3] Car Platon ne fait pas comme les autres qui distinguent le
vivant du non-vivant par la sensibilité et l’impulsion; ce n’est
point par ces caractères que les vivants, à ses yeux, diffèrent
des non-vivants. Mais, comme il sépare la vie de la non-vie, il
est en droit d’embrasser aussi les plantes dans la catégorie des
vivants puisqu’elles sont déjà en vie; toutefois c ’est jusqu’au
15 nom seulement | qu’il leur attribue cet élément commun avec
les vivants proprement dits et participants à l’âme automotrice.
[4] Je veux citer ses paroles mêmes pour montrer à l ’évidence
et son opinion propre et l’erreur de ces gens-là. Voici ce qu’il
dit (2) : « Quand toute la structure du vivant mortel eut été
bien join te en une même formation naturelle, parties et membres,
comme il était nécessairement sujet à vivre au contact du feu
(1 ) T im . 70 d ss., 91 a ss.
( 2 ) T im . 76 e 8 ss.
APPENDICE II 273

20 et de l’air et que par suite, ] sous l’action de ces éléments, se


dissolvant et se vidant il allait à sa perte, les dieux machinent
pour lui un moyen de secours. Ils créent une nature apparentée
à la nature humaine, mais en la formant du mélange d’autres
sortes de figures et d’organes des sens, en sorte qu’elle soit une
autre espèce de vivants : ce sont là les arbres, plantes et graines
aujourd’hui domestiques, qui, corrigées par la culture, se sont
laissé apprivoiser par nous, mais qui auparavant n’étaient que
25 les espèces sauvages, qui sont plus anciennes que les | domes­
tiques. Tout ce qui en effet (1) a eu participation à la vie, c’est
à bon droit qu’on le nommerait très correctement un vivant.
Néanmoins ce dont nous parlons à cette heure ne participe qu’à
la troisième sorte d’âme dont le siège, à ce qu’on dit, est entre
le diaphragme et le nombril, à qui nulle part n’est échue de
l’opinion, du raisonnement et de l’intellection, mais bien des sen­
sations agréables et pénibles accompagnées de |désirs. Car cette
âme n’est toujours que passive : par nature (2) sa formation ne
lui a pas permis de percevoir et raisonner ses propres sentiments
en se tournant en elle-même sur elle-même, rejetant la motion
venue de l’extérieur et usant de sa motion propre. Ainsi le
végétal est bien en vie et n’est pas autre chose qu’un vivant,
5 mais il reste enraciné et fixé au sol d’une manière stable |parce
qu’il a été privé de l’automotricité. » [5] Voilà donc ce que dit
Platon. D’un mot, ceux-là risquent de ne rien comprendre au
Philosophe qui pensent que, selon Platon, l’embryon est un
vivant au sens où nous nous demandons présentement s’il est
tel. Si en effet c’est en raison de la vie qu’on veut le nommer
un vivant, nous sommes d’accord; mais nous affirmons avec
force que Platon lui non plus ne concède d’aucune façon qu’il
10 ait l’âme automotrice dont il est pourvu | après l’enfantement,
nous tenons qu’il est un vivant dans le même sens que les plantes.
[6] Quels sont donc la sensation et l’appétit des plantes? Au
dire de Platon, ils n’ont de commun que le nom avec ceux des
vivants proprement dits et ne leur sont pas identiques. De fait,
après avoir montré ce point de l ’homonymie, il ajoute : « For­
mant une nature apparentée à la nature humaine, par le mélange
d’autres sortes de figures et d’organes des sens en sorte qu’elle
soit une autre espèce de vivants, ils créent » les arbres domes-
( 1 ) Ce γάρ explique έτερον ζώον.
(2) P a ici (39.3) φ (et ό au dessus de la ligne), mais φύσει 40.27 avec A F Y
de Platon (φύσιν W) et Stobée. Pour l’interprétation, cf. A. E . Taylor,
A Commentwy etc., p. 544.
LA BÉVI ■ATIOS D’ HEK'-.OS TIUSMÉ'IISTE. — III. 19
274 LA RÉVÉLATION D’HERMÈS TRISMÉGISTE

15 tiques et les graines. | C’est donc d’autres sortes de sensations


et d’appétits qu’usent les végétaux; et ils sont vivants en un
autre sens que les hommes. Par conséquent, même si les embryons
ont sensation d’après Platon, même s’ils ont appétit, même s’ils
sont dits vivants, ils ont ces facultés et sont dits vivants équivo-
quement avec nous, mais univoquement avec.les plantes, comme,
nous le montrerons (1), Platon le dit lui-même en toute clarté.
[7] Ainsi donc, de même que les végétaux, dit Platon, parti-
20 cipent « à la troisième sorte d’âme dont | le siège, à ce qu’on
dit, est entre le diaphragme et le nombril, à qui nulle part n’est
échue de l’opinion, du raisonnement et de l’intellection, mais
bien des sensations agréables et pénibles accompagnées de désirs »,
et que cependant, tout en participant à ces facultés, ils ne sont
plus des vivants au sens où l’on dit vivants lés êtres qui parti­
cipent à l’âme automotrice, mais ont part seulement à la nature
affective, cette nature que nos contradicteurs n’hésitaient pas
à nommer âme comme ils n’hésitaient pas à appeler équivo-
25 quement vie | et le mouvement imposé aux sujets par cette
nature affective et le mouvement issu de l’âme automotrice,
de même, bien qu’ils participent à cette même puissance, qu’ils
soient, d’après Platon, nommés vivants et animés et qu’ils aient
part à la sensation et au désir, les embryons ne sont pas des
vivants en la manière où le sont les êtres qui possèdent l’âme
automotrice, touchant laquelle nous avons commencé de recher­
cher à cette heure quand elle entre dans le corps. [8] Gardons-nous
30 d’entrer en erreur troublés | par l’homonymie, mais de même
que, quand Platon dit que les plantes sont corrigées | par la
culture et se laissent apprivoiser par nous alors qu’il n ’y avait
d’abord que les espèces sauvages, nous n’admettons pas pour
autant, dans le cas des plantes, intellection, raisonnement et
caractère moral, à propos desquels on parle proprement de
correction, d’apprivoisement et d’état sauvage, mais le prenons
comme dit par métaphore ou même équivoquement, de même
5 faut-il entendre par sensations, appétits et désirs | ceux qui
sont dits par analogie et équivoquement, non ceux dont la pro­
duction a pour cause l’âme automotrice, touchant l’introduction
de laquelle nous avons entrepris ce discours, où nous concédons
sans doute que l ’embryon a part à ce qu’on nomme impro­
prement âme eu égard aux (2) impressions et affections sensibles,1

(1) Au ch. ix .
(2) En 40.7 je lis xàv tA yiyocü; : xat rcXr^aïc; P.
APPENDICE Π 275

âme à laquelle ont participé aussi les végétaux, mais affirmons


que, selon Platon aussi, il n’a point part à l’âme automotrice
10 avant la sortie du ventre, | même s’il participe d’une manière
exceptionnelle à la sensation et au sentiment de plaisir propres
à la vie végétative. [9] D’un mot, Platon ne semble pas appli­
quer, comme les autres, le mot de sensation à l’impression pro­
duite dans l’âme par le moyen des organes des sens du fait
que l’âme s’est attachée au corps (1), mais appeler sensation
le mouvement corporel auquel participent aussi les plantes,
15 nommer opinion le mouvement psychique | conjoint au mouve­
ment corporel, et faire résulter la perception sensible des deux
ensemble, tant du mouvement affectif irrationnel, dénommé par
lui sensation et non pas mouvement des organes sensoriels, que de
l’opinion, dont les autres font une impression de l’âme : voilà
pourquoi, dans sa définition du sensible, il dit : « ce qui est
appréhendé par l’opinion accompagnée de sensation irration-
20 nelle » (2). |[10] Comme il a donc rassemblé les impressions sensi­
bles sans entendement, connaissance ou image < et celles > qui
proviennent de l’âme nommée par lui opinative ( ?) (3) et qu’il les a
attribuées aux plantes,il dit à bon droit que les plantes participent
à la sensation. E t, pour marquer que les plantes ne participent pas
à l’âme automotrice et tout ensemble opinative, raisonnable, et,
25 comme diraient les autres, sensitive |et impulsive, il résume son
propos en disant : « Car elle n’est toujours que passive; par nature
sa formation ne lui a pas permis de percevoir et raisonner ses
propres sentiments en se tournant en elle-même sur elle-même,
rejetant la motion venue de l’extérieur et usant de sa motion
propre ». [11] Or on pourrait dire la même chose de l’embryon,
et mieux encore ce qu’il ajoute sur le végétal, puisque c’est là
pareillement une propriété aussi [ de l’embryon. Il dit : « Ainsi
le végétal est bien en vie, et n’est pas autre chose qu’un vivant,1

(1) διά (της) τών αίσθητηρίων προσπάθειας γενομένης 40.12/3. προσπάθεια est
un terme quasi technique chez Porphyre pour désigner l’attachem ent de
l’àme au corps et à ses passions, et. Sent. 28, p. 1 2 .1 8 Μ. : (1’άσώματον se délivre
du σώμα) αυτό έαυτό στραφέν έκ τής προσπάθειας, 29, ρ. 13.9 έκ δέ τής πρός τό
σώμα προσπάθειας, 32, ρ . 23.8 SS. ένεργών μέν γάρ τις συνεχώς κατ’ αΤσθησιν, κάν
μή μετά προσπαθείας καί τής τού ήδεσθαι άπολαόσεως τούτο ποιή, άλλ’ οδν έσχέ-
δασται περί το σώμα,... προσπάσχων δέ ταϊς τών αισθητών ήδοναΐς ή λύπαις σύν
προθυμία καί έπινεόσει συμπαθεί, ad Marc., 32, ρ. 295. 7 Ν. όσω τής τοϋ σώμα­
τος προσπαθείας άφίσταται, τοσούτω μέτριο τω θείιρ πελάζει.
(2) Tim . 28 a.
(3) Le texte est gâté (40. 20 SS.) : τάς πρός τής κατ’ αύτής τής δοξαστικής ψυχής
συναρμόσας τοϋ γνωρίσματος. Peut-être < καί ¿» τάς πρός τής κατ’ αυτόν (déjà
Kalbfleisch) [τής] δοξαστικής ψυχής συναρμόσας. J e ne sais que faire de τοϋ
γνωρίσματος.
276 l a r é v é l a t i o n d ’h e r m è s ' t r i s m é g i s t e

mais il reste enraciné et fixé au sol d’une manière stable parce


qu’il a été privé de l’automotricité ». Car l’embryon demeure lui
aussi enraciné à l’intérieur par le cordon ombilical : il a été
appelé vivant en raison de ce qu’il vit, mais il ne participe pas
encore à l ’âme automotrice.
5 [V, 1] Cependant, disent-ils, les embryons ont des mouvements
de déplacement local, ils ont la sensation de la chaleur brûlante
puisqu’ils tressautent quand, dans les bains, l’air brûlant a frappé
le ventre maternel. [2] (1) D’autres allèguent plus noblement (2)
encore que les envies étranges dont sont prises les mères à l’épo­
que de la grossesse, envies dont ni elles n’ont eu l’expérience au-
10 paravant ni elles ne sont |affligées au même degré quand elles ont
enfanté, sont le fait des embryons : ce qui le prouve, c’est que, si
elles satisfont ces envies, elles mettent au monde des enfants sans
défaut, si elles n ’ont pu obtenir ce dont elles avaient envie, des
enfants contrefaits et qui portent sur le corps la marque des
objets désirés qui leur ont manqué. [3] Mais ce qui surtout
manifeste, disent-ils, que l’embryon a part à l ’âme impulsive, ce
sont les enfantements. Car les mort-nés sont d’enfantement diffi-
15 cile |parce qu’ils ne collaborent pas à la poussée de la nature en
vue de la sortie, les enfants femelles sont plus paresseux à venir
parce qu’ils sont de mouvements plus lents; en outre, la poussée
de la mère ne suffit pas à expulser l’embryon s’il n’y a pas aussi
une poussée convergente vers l ’extérieur de la part du fruit.
[4] Pour moi, s’il faut se laisser aller une fois aux niaiseries,
je pourrais bien leur donner du renfort et dire que l’embryon se
20 forme des images et des opinions en commun avec la mère |comme
s’il participait à l’âme imaginative et opinative. Car il est univer­
sellement reconnu que nombre d’animaux, et certes aussi des
femmes, enfantent des produits exactement semblables aux
modèles de la même espèce dont, durant la saillie, elles ont
accueilli les figures dans leur imagination : de là vient que nous
exposons à la vue de cavales, de chiennes, de colombes, et, ma
25 foi aussi, de quelque femme des tableaux représentant |de belles
figures, afin que, je tan t les yeux sur ces figures et les prenant en
mémoire, les femelles saillies enfantent des fruits semblables.
[5] Il est donc sous la main d’affirmer que la chose n’aurait pas eu
lieu si les spermes ne participaient à une âme imaginative. Corn­

il) Pas de § 2, par erreur, dans Kalbfleisch.


(2) J e lis YewixMTspov : ysvtxÚTepov P yevvxcó-repov Kalbfleisch. « Plus noble­
ment » (ironique) ou peut-être ® plus drastiquement ».
APPENDICE II 277

ment en effet, si c’est un autre qui se forme l’image, un autre, qui


n’y a point part, aurait-il été mû selon la condition de celui qui
se la forme? C’est comme si, alors que toi tu as éprouvé quelque
impression, |moi, qui ne l’ai pas éprouvée, j ’en avais été affecté
parce que je suis enclos dans la même chambre et, si tu le veux,
enchaîné à toi par les mêmes liens.
[V I, 1] Mais tout cela ressortit, en vérité, aux moyens d’in­
fluence du discours, qui ont facile de fournir en abondance fraudes
et tromperies, et qui, par les plausibles dehors d’un argument
5 vraisemblable, peuvent |débouter même la vérité. Par exemple,
pour commencer par le dernier point, si nous pouvions reproduire
nos représentations en les faisant passer sur nos propres corps
comme sur un essuie-main, tout comme l’on dit couramment
aujourd’hui que les démons reproduisent les formes de leurs
représentations sur l ’enveloppe d’air vaporeuse qui leur est unie
ou qui est à leur disposition (1), non qu’ils la colorent aucune­
ment, mais parce que, par un procédé ineffable,-ils font appa­
raître dans l’air qui les enveloppe, comme dans un miroir,
10 |les réflexions des images qu’ils ont formées, il serait permis de
conjecturer que les représentations de l’âme immanente au
sperme modèlent le corps à leur image. Mais puisque nous
sommes incapables de produire cet effet sur nous, bien que nous
puissions, d’après nos représentations, façonner des objets diffé­
rents de nous, tous ceux qui se trouvent extérieurs à notre
propre substance (2), je ne sais s’il n’y a pas lieu de craindre, pour
cette raison, que ce ne soit pas une âme particulière à l’embryon
15 qui produise la formation |du corps en sa dépendance, non plus
que l’âme de la mère ne forme le corps qui lui est propre, bien
que cette :âme forme le corps étranger présent dans la mère et
extérieur à sa substance, s’il est vrai que, dans les autres cas
aussi, elle peut reproduire ses représentations en les faisant
passer sur les choses extérieures.
[2 } Voici en outre une chose qu’il faut savoir et qui mérite plus
encore d’être rapportée à la suite de Platon. Toujours, d’après
Platon, les rejetons issus de la substance d’une chose sont infé-
20 rieurs en rang de puissance et d’essence (3) |à ce qui les a engen­
drés : ils ne peuvent être de même essence que les principes géné-
(1) Il s’agit du corps pneumatique ou aérien, cf. 49.17.
(2) Ou « façonner comme différents de nous tous les objets qui se trou­
vent extérieurs etc. », άλλα St... δσα ίκτδς ήν τής ήμετέρας ουσίας διαμορφοϋν.
(3) ΰποβέβηκε δυνάμεως καί ουσίας ά; ία Kalbfleisch (Nachträge, ρ. 80) : ύπ.
δυνάμεις καί ουσίας άξια Ρ.
278 LA R É V É L A T IO N D ’H E R M È S T R IS M É G IS T E

rateurs, encore est-il qu’ils se laissent persuader de quelque


manière par leurs parents et qu’ils leur doivent leur perfectionne­
ment. Ainsi la raison discursive, étant un rejeton de l’intellect, est
inférieure en essence à l ’intellect qui l’a produite mais elle peut
se tourner vers l’intellect et en comprendre les actes, même si
25 elle n’a point de part, comme l’intellect, à l’intuition | immé­
diate et sans discours. De même à son tour la partie irration­
nelle contiguë à la raison, étant un rejeton de la raison, est par
essence non participante au raisonnement, mais elle est dite
« en conformité avec la raison », et bien qu’elle soit incapable,
selon son essence propre, de mouvements rationnels, elle est
perfectionnée par la raison. [3] Dès lors, comme la puissance
végétative est cm rejeton de la partie irrationnelle et, d’un mot,
30 du concupiscible, elle est, d’après Platon, inférieure en essence |à
l’âme opinative et imaginative, mais elle peut être gouvernée |
par l’âme imaginative bien qu’elle ne participe pas elle-même à
l ’imagination et à la faculté d’opinion. C’est dans ce sens en tout
cas qu’on dit aussi des plantes qu’elles sont corrigées par la
culture et apprivoisées, non qu’elles appréhendent par une
image auditive la voix des cultivateurs, mais parce que, par leurs
impressions sensibles, elles sont susceptibles d’être menées et diri-
5 gées en se laissant conduire |par un guide. [4] Il n ’y a donc rien
d’étonnant à ce que, après qu’elle s’est unie à la puissance du
sperme, la puissance végétative de la femme, docile à la pai tie
imaginative de l’âme maternelle (1), soit impressionnée par la
forme de l’objet qui s’est représenté au sujet commun. Car, nous
l’avons dit (IV 8 ss.), subir une impression sensible est le propre
de ce qui est en passivité, comprendre et d’après cela acquérir
la notion d’une chose, le propre de l’âme automotrice. Or la
10 figure de l’être |modelé est relative à l’affection subie et à l’im­
pression sur les sens, non à l’entendement et à la connaissance.
[V II, I] Quant aux mouvements locaux, comment, chez l’em­
bryon enraciné par le cordon ombilical, se feraient-ils par impul­
sion et avec représentation, alors qu’ils ressemblent plutôt aux
torsions d’entrailles et aux tressaillements dans les organes
toutes les fois que, à un moment donné, le souffle vital a été
15 intercepté (2). [2] Il se produit en nous aussi quantité | de1

(1) Le texte n’est pas sûr. En 43.5 je lis avec Krpll φυτικήν συμφϋσαν : φυσι­
κήν σύμφυσιν P. En 43.6, avec Kalbfleisch, άγουσαν έπιπείθειαν (= έπιπειθομένην) :
άγουσαν έπιπειθή (corrigé en -θεϊ) P.
(2) έοικυΐαι... παλμοϊς μερών οίς άν άποληφθή πνεύμα, 43.14. Quand l’air
APPENDICE II 279

changements locaux de certaines matières .sans qu’il y ait repré­


sentation, par exemple le passage de l’aliment selon la doctrine
traditionnelle. Le tube digestif le reçoit d’une manière cons­
ciente à l’intérieur des dents jusqu’à la gorge, mais, à partir de
ce point, il n’y a plus de conscience, ni quand cet aliment est
digéré (1) et qu’il distribue ce qui est utile dans le foie, ce
qui est inutile dans le reste du bas ventre et les entrailles,
20 ni quand il fait dévier le liquide inutile [ dans la vessie. E t il
n’y a pas non plus possibilité de se représenter comment, quand
l ’aliment s’est converti en sang dans le foie, la nature l’envoie
au cœur, après en avoir séparé la lie pour en faire de la bile, ni
comment le cœur le renvoie aux veines qui à leur tour irriguent
la chair. Comment enfin la nature, ayant retenu une partie de ce
sang, le convertit en sperme, multipliant dans le produit ses
propres raisons séminales, on ne peut non plus en prendre
25 conscience. [3] Tout cela, [ qui est des mouvements locaux,
s’accomplit sans impulsion ni représentation, en sorte qu’il n’y
en a pas non plus dans le cas des mouvements des embryons.
Quant à leurs impressions de plaisir et de peine, ç’a été là
des expansions et des contractions, comme on en voit précisément
aussi chez les plantes quand elles se flétrissent altérées de soif et
reverdissent après un apport de liquide. De même donc que les
plantes sont dites avoir soif et apaiser leur soif sans qu’elles se
30 forment d’images, et | de même que certaines d’entre elles se
tournent vers le soleil et se meuvent en cercle avec lui en faisant
correspondre le cours de leurs inclinaisons aux courbures du mou­
vement solaire, et que d’autres se fendent en direction de la |lune
et ouvrent toutes grandes leurs corolles jusqu’au maximum d’écar­
tement, et que d’autres, en fait, vont jusqu’à tendre, comme
des mains, leurs vrilles vers des échalas, de même les embryons
tressaillent parfois naturellement au contact de la chaleur.
[V III, 1] Maintenant, quand on dit que, si la mère a envie de
tel objet, c’est précisément parce que l’embryon aussi en a envie,
5 on méconnaît | entièrement les accidents qui surviennent aux
femmes en grossesse du fait de la matrice. De même qu’on ne doit
pas dire que ces femmes vomissent parce que leurs fruits vomissent,
n’a plus d’échappement, il se produit ues flatuosités, d’où résultent les
phénomènes indiqués.
(1 ) πεττομένης devant se prendre normalement au passif, l’antécédent
de ce participe et des suivants serait τής τροφής. Mais peut-être faut-il l’en­
tendre au moyen, ce qui donnerait, pour άνιδιδούσης κτλ., un sens meilleur
(ce n’est pas la nourriture qui distribue, elle est distribuée, cf. au surplus
άναπέμπει ή φύσις 43.21) : en ce cas l’antécédent est τής γαστρός.
280 LA R É V É L A T IO N D ’H E R M È S T R IS M É G IS T E

ni qu’elles ont la nausée à cause, des nausées des embryons, de


même ne dira-t-on pas qu’elles ont des envies à cause des appétits
de l’embryon, mais il faut attribuer tout le phénomène au mou­
vement de la matrice, qui est cause aussi des accidents qui
10 frappent 1’ |embryon quand ces envies n’ont pas été satisfaites.
[2] Cette matrice, à coup sûr, Platon estime qu’elle est guidée par
une impulsion propre, et il lui attribue une action opérative
presque égale à la part que fournit le père pour la construction de
l ’ouvrage. Voici ses propres paroles dans le Timée (91 a 1) : « Les
dieux ont machiné l’amour de la conjonction sexuelle en construi­
sant un vivant animé dont une espèce est en nous, l’autre espèce
15 dans |la femme ». Il appelle « deS vivants,en nous », instruments
de la génération, tant le membre du mâle que la matrice de la
femelle, «des vivants» non parce qu’ils vivent seulement comme les
plantes, mais parce qu’ils obéissent à l’âme automotrice. Car il dit
(91 b 5) que « le système des parties honteuses a été créé indocile
et indépendant en son vouloir, comme un vivant qui n’écoute pas
la raison et qui, à cause d’appétits furieux, s’efforce de tout domi-
20 ner ». C’est ce que |manifeste l’indépendance du vouloir, comme
si le mouvement des parties obéissait à une impulsion ; oui bien,
et en outre la réalité aussi le manifeste : car ces parties sont
mues par une image, tout de même que les autres parties qui
obéissent à l’impulsion. [3] Quant à la matrice, Platon s’exprime
en ces termes (91 b /d) : « Dans les femmes à leur tour, pour la
même raison, si ce qu’on nomme matrice ou utérus, qui est en
elles un vivant possédé du désir de faire des enfants, est resté
25 longtemps, | à la saison convenable (1), sans donner fruit, il
le supporte avec peine, s’irrite et s’en va errer de tous côtés dans
le corps; comme il obstrue les issues du souffle et empêche la respi­
ration, il je tte la victime dans les angoisses les plus extrêmes et
cause d’autres maladies de toute sorte, jusqu’à ce que leur désir
et leur amour mutuels aient rapproché les deux sexes, cueilli
pour ainsi dire le fruit de l’arbre, semé dans la matrice, comme
30 dans un |sillon, des vivants invisibles en raison de leur petitesse
et non formés encore, et qu’alors, après avoir, de ces vivants,
différencié les parties, ils les nourrissent jusqu’à ce qu’ils aient
pris taille dans le ventre, et finalement les fassent venir au jour,
achevant ainsi la génération des vivants ». [4] La matrice est donc
elle aussi, selon | Platon, un vivant plein de désir, qui s’irrite
dangereusement et erre de tous côtés dans le corps. Dès lors,
(1 ) - s p i -rr,v oipav P : jr a p à t . &■ P la to n .
A P P E N D IC E II 281

comment ne serait-elle pas la cause même des désirs et des mou­


vements, quand en fait Platon dit textuellement qu’elle jette la
victime dans les angoisses les plus extrêmes? C’est donc de la
matrice que viennent et les envies de la mère et les mouvements
de l’embryon.
5 [IX , 1] Quand on est capable de comprendre, il suffit, pour
connaître l ’opinion de Platon, qu’il ait dit que les puissances de
désir présentes dans les organes générateurs des parents cueillent
pour ainsi dire le fruit de l’arbre et le sèment dans la matrice
comme dans un sillon : cela suffit pour connaître clairement que
l’administration de l’embryon dans la matrice est purement
10 végétative (1) | selon Platon, et que l ’embryon n ’a pas de part
encore à l’âme automotrice.
[2] — Mais comment, disent-ils, Platon a-t-il parlé d’ense­
mencer des vivants?
— Ces gens-là se fourvoient lourdement par inattention. Car
Platon n’a pas parlé simplement d’ensemencer des vivants :
l’eût-il fait d’ailleurs, qu’il serait permis de l’entendre au sens
où nous l’entendions un peu plus haut nommer les plantes des
vivants. Mais que ditril ? « Ayant semé des vivants invisibles en
raison de leur petitesse et non formés encore. » Or ce qui n’est pas
15 formé | n ’est pas encore un vivant. E t même si les embryons
avaient déjà reçu figure plastique et croissance, encore est-il
que cette configuration et le fait de croître sous l ’action d’une puis­
sance végétative seraient de l’ordre corporel et ne reviendraient pas
à cette âme différente qui est proprement l ’âme du vivant. « Et
finalement », dit Platon, « ils le font venir au jour, achevant ainsi
la génération des vivants ». Ils achèvent la génération des êtres
en puissance à devenir vivants. Ainsi voit-on que Platon sait
parfaitement que l’animation par l’âme automotrice a lieu après |
20 que l’embryon est venu au jour hors du sein maternel.
[3] — Mais comment, disent-ils, en un lieu où il passe en revue les
infortunes que subit l’âme, Platon a-t-il dit : « S ’il est vrai qu’il
lui a été réservé d’appartenir même aux portés dans le sein » (2).
— Ceux qui tiennent ce langage ignorent qu’autre chose est
être porté dans le sein, autre chose appartenir aux portés dans le
sein. Le premier désigne précisément le fait que quelque chose1

(1 ) J e lis 4 5 . 9 δ τ ι φ υ τ ικ ή < ή > δ ιο ίκ η σ ή d ’a p r è s la c o n je c tu r e de K a lb ­


f le is c h (n . c r .) .
(2) Kalbfleisch compare E p in . 973 d 3 έξ αρχής τδ γενέσθαι χαλεπόν άπαντι
ζώω' πρώτον μέν τδ μετασχεϊν τής τών κυουμένων έξεως.
282 LA R É V É L A T IO N D ’H E R M È S T R IS M É G IS T E

est conçu dans le sein, le second le fait d’être logé dans les portés
25 dans le sein. ] De même donc que, si l’on qualifie de malheur pour
l’âme le fait d’appartenir aux mortels, on ne dit pas que l ’âme
est devenue mortelle, mais qu’elle est logée dans les mortels,
de même, à coup sûr, faut-il entendre ce appartenir aux portés
dans le sein en ce sens que T âme entre dans la race des êtres
portés dans le sein et mortels, mais non en ce sens que, au moment
où ces êtres sont conçus, elle est, elle-même aussi, conçue avec
eux (1).
[4] Pareillement ils se méprennent sur la pensée de Platon ]
quand il dit, dans le Phèdre (248 d), que « l’âme qui a contemplé
le plus abondamment entre dans la. semence (γονή) d’un homme
ami de la beauté, et adonné aux Muses ».. Car, par semence, il ne
faut pas entendre le sperme, mais la génération, en sorte que cela
signifie « génération de celui qui doit encore être porté dans le
sein », et non « sperme de celui qui procrée ». Car Platon ne dit
5 pas que l’âme arrive et va se loger dans le sperme | d’un homme
ami de la beauté, mais qu’elle contribue à la génération d’un
homme ami de la beauté, en sorte que l’ami de la beauté, ce n’est
pas l’engendrant, mais l’engendré. [5] D’autre part, ce qui prouve
que, selon Platon, l’âme vient s’établir quand l’embryon, après
l’achèvement de son corps, est sorti de la mère pour venir au
jour, c’est qu’il est dit aussi dans le Tintée (43 a) : « Quand le
corps en son entier eut été bien équipé, Dieu y introduit l’âme ».
Mais dans le Phèdre aussi (246 c) Platon parle de même, et pour
10 ainsi dire partout où il |dit que l’âme, s’emparant du corps, fait
du composé de corps et d’âme un vivant.

2) PREUVE PAR LA NATURE DES CHOSES


x , 1 -X II, 7.

[X , 1] Cependant, même sans l’aide de Platon, il faut examiner


le phénomène en sa réalité même et se demander, d’une vue non
superficielle, s’il n’est pas vrai que toute la génération des
embryons ressemble, autant qu’il est possible, à celles des plantes,
15 le père faisant tomber la semence, |la mère la recueillant pour la 1

(1 ) Cette traduction un peu lourde rend, je crois, la pensée de Porphyre.


11 ne veut pas dire que l’âme appartient aux foetus, et il ne faut donc pas
traduire τά κυούμενα par fœtus. Il veut dire (ou plutôt, selon lui, le texte de
Platon signifie) que l’âme appartient aux êtres dont la condition est d’être
portés dans le sein et mortels, mais elle n’y entre qu’à la naissance. L ’âme,
à ce moment, έν τω γένει των κυουμένων καί θνηνών γίγνεται 45.27.
A P P E N D IC E II 283

faire croître, non pas seulement, comme la terre, pour fournir la


nourriture ni de la même manière qu’aux nouveau-nés elle procure
simplement le lait, mais d’une façon quelque peu analogue à ce
qui se passe cliez les plantes greffées et inoculées : car il y a dans
la matrice une puissance unie au sperme, sous l’action de laquelle
et le sujet de base qui possède sa nature propre et le sujet inoculé
20 qui a la sienne composent une sorte de mélange | pour former
l’unique substance du sujet inoculé. [2] L ’administration du
produit engendré se fait donc en conformité avec le sujet qui
a été greffé, mais tout ce qui vient naturellement d’en bas (1),
c’est le sujet récepteur qui l’administre selon sa nature propre.
E t tantôt il y a prédominance des qualités du sujet de base,
tantôt les qualités du sujet inoculé s’emparent ensemble du tout.
[3] Cependant, et dans les végétaux et dans la matrice végéta-
25 tive, l’administration du fruit se fait 1 à peu près de même. Tout
aussitôt, la puissance immanente au sperme fait se coaguler autour
de lui une enveloppe extérieure membraneuse, comme le dit Hip­
pocrate (2), et confectionne oette enveloppe de la même manière
que chez les fruits elle fait les fleurs et la peau (3) : c’est ce qui
devient le chorion. Du centre de l’embryon elle fait se tendre, à
la manière d’une racine ou d’un pédoncule, un petit tube grêle
semblable à un boyau, et c’est suspendu à ce tube et enraciné par
30 lui que l’embryon respire et se procure |principalement la nour­
riture : on le nomme le cordon ombilical. A partir de la circon­
volution sphérique du sperme elle érige et étend en longueur et
largeur une autre |membrane extérieure qui devient, pour l’être
qu’elle façonne, une défense contre les atteintes du dehors. Enfin,
jusqu’à la sortie, elle ne cesse de façonner et de fixer ensemble
tous les organes intérieurs : du moins certes, si par violence un
embryon était arraché à la matrice avant terme, lors même
qu’il fût proche du temps de l’enfantement, on lui trouve les1

(1 ) 6ax Si φύσει κάτωθεν (46.21), c’est-à-dire l’alimentation et la croissance.


(2) Cf. Hippocr., Nat. Puer. 12 (VII, p. 488. 13 ss. L.).
(3) Il faut, je crois, adopter la correction de Kalbfleisch (Nachträge, p. 80.
καί olov έπΐ τών καρπών τά άνθη καί τδ κέλυφοί ά π ο τ ε λ ο ύ σ η ς (άποτελοϋσιν Ρ).
Le texte de P voudrait dire que, chez les fruits, ce sont les fleurs qui confec­
tionnent la peau. Or, s ’il est vrai que, dans la fleur, les parois de l’ovaire consti­
tuent les parois du fruit, et si par ailleurs le pluriel άποτελοΰσιν est admissible
(cf. διόλλυνται SC. τά ζψα 36.27, τελειούνταιβο. τά γεννώμενα 42.21/2, κυίσκονται SC.
τά κυούμενα 45.28), ce texte n’en est pas moins irrecevable, car la comparaison
ne porterait pas. Il doit s’agir, de part et d’autre, de la puissance immanente
à la semence et l’on ne peut m ettre en comparaison, ici (embryon) la puis­
sance immanente au sperme, là (fruits) les fleurs qui sont déjà elles-mêmes
un produit de la δύναμις φυτική.
284 L A R É V É L A T IO N D ’H E R M È S T R IS M É G IS T E

parties intérieures sans consistance et prêtes à se disjoindre, bien


5 que l’organisation plastique soit | avancée et que le tissu de
l’enveloppe extérieure soit constitué.
[4] Tout le temps donc que l’embryon demeure dans le ventre
est employé au modelage et à la fixation des parties. Cela res­
semble à l ’appareillage d’un navire : à peine le constructeur a-t-il
achevé et amené à la mer le navire, que le pilote vient s’y loger.
Si de plus on imaginait avec moi le constructeur toujours atta-
10 ché au navire et ne le quittant pas, ( alors même que le pilote y
est monté après qu’il a été tiré du rivage à la mer, on aurait là
une image ressemblante de la construction de l’embryon au
cours du processus générateur, bien que, entre autres nombreuses
différences qui distinguent les œuvres du principe créateur
naturel (1) des créations artificielles du constructeur de navires,
la moindre ne soit pas que le constructeur peut être séparé de
sa création et du pilote, tandis que ce principe est inséparable 1
15 de ce qu’il produit et que toujours il veut être entièrement
présent en ses ouvrages. [5] C’est pourquoi aussi ce principe
s’associe tantôt à tel pilote, tantôt à tel autre. T ant que le
sperme est dans le père, il est gouverné par la puissance végé­
tative du père et par l ’âme supérieure de celui-ci, qui conspire
avec la puissance végétative pour la production de l’ouvrage.
Quand, sortant du père, le sperme a été injecté dans la mère,
le principe créateur naturel s’associe à la puissance végétative
20 | de la mère et à l ’âme de celle-ci, le mot « s’associer » devant
être compris non pas au sens que les parties associées perdent
ensemble leur être propre ni que, comme les substances mélan­
gées, elles se résolvent en un seul élément, mais en ce sens
qu’elles maintiennent tout du long cette sorte de mélange
divin et paradoxal qui est la propriété spéciale des êtres du
genre animal : elles ne font qu’un avec l’associé convenable de
la même manière que les substances qui, dans le mélange,
perdent ensemble leur être propre, et en retour elles conservent
leurs puissances particulières de la même manière que les subs-
25 tances non mélangées |qui restent distinctes en elles-mêmes :
ce qui prouve au surplus qu’elles ne sont pas corporelles et que
leurs essences ne sont pas soumises à la condition des corps. [6]
Mais, sur ce mélange total sans destruction des parties, je suis
prêt à exposer ma pensée, avec la longueur voulue, dans

(1) çitnç (47.12). C’est la 80va(«î (f* onipiia-n de 46.25/6, ou encore l’âme
végétative de l’embryon. — Pour la suite (§ 5 ), v o ir Addenda.
A P P E N D IC E II 285

d’autres discours sacrés. Quand enfin le sperme n’est plus sous


la dépendance du gouvernement maternel (1), la mère n’abrite
plus l’être qui, à la séparation, doit rompre le | mélange, et le
principe créateur naturel lui aussi, par un décret de la nature,
passe des ténèbres à la lumière, du milieu aqueux et sanguin où
il résidait jusqu’alors à une enveloppe qui séjourne dans l’air.
Or, à ce moment de nouveau, il reçoit aussitôt de l’extérieur
son pilote, qui se trouve là par la providence de la Cause
ordonnatrice de l ’univers, qui n’a nullement permis que l ’âme
végétative fût privée de pilote dans le cas J des vivants : mais,
5 alors que les parents se bornent à fortifier cette âme, quand
elle leur est unie, pour l’accomplissement de sa besogne,
l’âme venue de l ’extérieur (2) non seulement la fortifie pour
accomplir la besogne de la mère (3) en l’animant de souille
comme faisaient les parents, mais encore elle dirige sa besogne
à la manière dont les âmes humaines dirigent la besogne des
principes végétatifs qui leur sont appropriés. |
10 [X I, 1] L ’âme végétative une fois venue au jour avec |le fruit,
le pilote y entre sans y être forcé. Sans doute, comme je l’ai vu
au théâtre, ceux qui jouent Prométhée sont forcés de faire entrer
l’âme dans le corps alors que l’homme récemment façonné est
étendu sur le sol : cependant les Anciens peut-être, par ce
mythe, n ’avaient pas dessein de montrer que l ’entrée de l’âme
est chose forcée, ils faisaient voir seulement que l ’animation a
lieu après l’enfantement et quand le corps a été façonné. C’est
15 là aussi |ce que le théologien des Hébreux paraît signifier quand,
il dit que, lorsque le corps humain eut été façonné et eut reçu
toute la structure qui lui revient, Dieu lui insuffla le souffle en
.
façon d’âme de vie ( Gen Il, 7).
[2] Ainsi donc, l’âme automotrice n’entre pas dans le corps
par contrainte, et, moins encore, en épiant les ouvertures de la
20 bouche et des narines, propos assurément ridioule | et qu’on
rougirait de tenir, dont pourtant se glorifient certains des Pla­
toniciens. Car l ’animation est un phénomène naturel, comme, en
général, toute jonction qui se fait selon un accord entre la par­
tie ajustée et la partie capable de s’y ajuster. Ainsi par exemple,
si l’œil voit, ce n’est pas parce qu’un cône s’est étendu depuis
la pupille jusqu’au ciel, ni parce que des rayons épanchés jusqu’à1

(1) Je Iis μη<κέτι ? ) > κατά τη ν της μητρ5ς οίκονομίαν 47.28 (Kalbfleisch).
(2) ή δέ έξωθεν (48.6),sc. ψυχή (qui se tire de ψυχήν 48.5).
(3) Voir Addenda.
286 LA R É V É L A T IO N D ’H E R M É S T R IS M É G IS T E

l’objet visible y ont produit, en s’y brisant, des angles de


25 réflexion, ni parce que des images se sont écoulées depuis | les
objets jusqu’à l ’œil, mais parce qu’ils ont été heureusement
ajustés, l’un pour voir, l ’autre pour être vu. Ainsi encore, si le
naphte allumé à un feu allumé se convertit en flamme (1), ce
n’est pas à cause du lieu intermédiaire, puisque rien n’empêche
que, même sans contact, les substances mises en harmonie
soient en sympathie l’une avec l ’autre : c’est aussi en vertu
d’une affinité que l’aimant attire naturellement ] la limaille de
fer et les brins de paille et que le corps disposé à être dirigé par
une âme attire l ’âme qui convient- au corps ainsi disposé, sans
qu’aucun acte de vouloir, de surveillance ou de choix contribue
à la venue de l’âme, comme aucun de ces actes n’empêche l’âme
de s’en aller une fois l’harmonie rompue.
5 [3] De même donc que, 1 lorsque le corps instrumental a été
désajusté, on aurait beau obstruer la bouche, les narines et les
autres ouvertures du corps en y laissant tomber une infinité
d’objets, l’âme aurait beau préférer de rester, user de violence
et de supplications, elle s’en va par une nécessité de la nature qui
n ’a nullement voté que le désajusté s’accorde au désajusté, de
même, quand le corps a été rendu propre à recevoir une âme,
10 l’âme qui doit l’utiliser vient en lui, | sans avoir eu nul besoin
de s’y implanter peu à peu ou d’y entrer par quelque partie :
c ’est tout soudain qu’elle vient et qu’elle se détache, elle n’a
pas fait route à travers le processus d’une genèse, elle n’a pas
différé son départ tout au long d’une corruption, de même que
l ’éclair non plus ne se forme peu à peu tout au long d’une
genèse, mais il est ou il n’est pas, sans comporter l’extension
temporelle de la genèse et de la corruption (2). Il n’est pas
15 vrai non plus que, |comme un oiseau qui entre dans une maison
par la fenêtre, l ’âme, volant à travers l’air, entre par la bouche
ou le nez, mais, soit que, étant céleste (3), elle ait attiré à elle
un corps fait d’éther ou de souffle ou d’air, ou encore formé du
mélange de ces éléments, soit qu’elle ait pu, même sans ces

(t) C’est ainsi qu’il faut traduire si l’on garde le texte 6 νάφθας άφβείς άφθέντι
πυρι έξάπτεται, cf. ήπται ταίρι Eur. Hel. 107, δψαντες πυρί Esch. A g. 295. Mais
le texte est-il bon? Diels proposait 6 νάφθας < καί μ ή > άφθείς άφθέντος πυράς
έξαπτεται = » même sans contact avec un feu allumé prend flamme ·.
(2) Cf. Jam bl., π. ψυχής, supra, p. 233.
(3) διά τό είναι έγκόομιος 49.16. εγκόσμιος = ούράνιος,'cf. Ε . R . Dodds en
son édition de Procius, The Eléments of Theology, pp. 283, 285. L ’àme, étant
céleste, ne peut entrer directement dans un corps de chair : il lui faut entrer
d’abord dans un corps intermédiaire, éthéré, pneumatique ou aérien.
A P P E N D IC E II 287

corps, faire sa venue dans les vivants aptes à la recevoir, c’est


20 par tout l’ensemble du sujet qu’a lieu, en même temps, |l’ani­
mation, de même qu’est instantané (1) le lever du soleil pour la
distribution des rayons depuis une extrémité de la terre jusqu’à
l ’autre extrémité et jusqu’à toute région vue par le soleil.
[4] D’autre part, de même que, si des cordes ont été mises en
harmonie, fussent-elles longuement distantes l’une de l’autre,
et que des brins de paille aient été placés sur elles et leurs voi­
sines — supposons que ces cordes voisines ne leur soient pas
accordées, — qu’on frappe seulement l’une des cordes accordées,
25 toutes se mettent à vibrer et, 1 par leurs vibrations, renversent
les brins de paille, tandis que les cordes voisines demeurent
immobiles et restent inaffectées à cause de l’absence d’accord,
et de même que la distance n’a nullement empêché les cordes
harmonisées d’être affectées de la même manière et que non plus
le voisinage n’a pas exercé de contrainte sur l’absence de sym­
pathie entre les cordes non accordées, de même le vivant instru­
mental qui se trouve en harmonie avec l’âme appropriée obtient
aussitôt de la sympathie dans l’âme qui doit l’utiliser. Quant
au fait de sympathiser avec tel corps et non avec tel autre, |
c ’est dû ou à la vie antérieure elle-même ou à la révolution de
l’univers qui mène le semblable au semblable.
[X II , 1] Eh bien donc, si l’on peut démontrer que le corps
est déjà en harmonie avec l’âme dans l’état d’imperfection de
la vie utérine, la conclusion est nécessaire : c’est dès la vie
5 utérine que naît l’âme qui doit se servir du corps | propre à ce
service. Mais si le corps encore porté dans le ventre est de tissu
lâche, s'il a encore besoin du cordier et du tendeur de cordes,
non pas de l’homme qui frappe la corde (2), pourquoi négliger
d’examiner les faits et nous fourvoyer en des étrangetés
absurdes en estimant que les embryons, quand ils émergent,
ont déjà pris d’avance l’âme, parce que nous ne nous rendons
pas compte que l’âme fait son entrée au moment de l’enfante­
ment? Tout cela, disons-nous, on se rend compte que cela n’a
10 même pas de ) sens dans la période de l’enfance : et de fait
l’intellect lui aussi n ’entre qu’avec le progrès de l’âge. [2] Ceci,
pour ma part, loin de refuser, pour l ’avoir déclaré absurde (3),
de le concéder, je le soutiendrai plus que tout. Oui, prenant1

(1) J e lis ¿ 1? Sxpovoç 4 9 . 2 0 (< t; a / p .t0 P S p x io ç D i e l s j . c f . ’s u p r a , p . 2 3 3 , n . 5 .


( 2 ) V o i r Addenda.
(3) <!)<; Î tottov «vaSetÇ àjievoc; c i. K a l b f le is c h ( 5 0 .1 1 ) : e ïç S t . i v . P .
288 LA RÉVÉLATION D’HERMÈS TRISMÉGISTE

à témoin de la vérité de ce discours Platon et, avec lui, Aristote,


je maintiendrai que l ’intellect survient tard chez les hommes
et ne vient même pas chez tous simplement comme cela, mais
15 qu’il est rare |et n’est donné qu’à ceux dont l’âme se rend apte
à s’y unir. [3] Si l’âme, quand elle s’est retournée vers elle-même,
trouve l ’intellect présent, il n’en résulte pas, bien sûr, qu’elle le
possédait dès le principe lorsqu’elle est entrée dans le corps. Car
les choses qu’on ne peut saisir localement ni contenir corporelle­
ment, mais qui fusionnent en raison des aptitudes et ressem­
blances du sujet récepteur, ni le lieu ni le temps ni aucune autre
20 contrainte ne s’en rend maître : qu’il y ait inaptitude, | les
liens se rompent, l’union est empêchée; qu’il y ait aptitude, on
s’empare d’elles, l’union se fait, et plus on leur est accordé,
mieux aussi on les tient. C’est pourquoi celui qui a la connais­
sance de Dieu tient Dieu présent, celui qui n’a pas cette connais­
sance est absent de l ’Omniprésent (cf. Tim. 53 b 3). E t il n’est
pas à craindre qu’on nous reproche d’enlever l’intellect à
beaucoup (1), puisque Platon a fait cette réflexion que celui-là doit
s’estimer heureux à qui l’intellect arrive quand il est vieux (2)
25 et que les âmes ont perdu leurs plumes quand elles surviennent |
à la naissance (3), et puisque Aristote a démontré que c’est du
dehors que s’implante l’intellect, quels que soient ceux en
qui, à un moment donné, il entre (4). Sans doute, quand elle
survient, l ’âme possède de prime abord raisonnements, inclina­
tions e t opinions, mais l ’homme, dans sa petit enfance, est
encore imparfait.
[4] De plus, la vie utérine ne ressemble pas à l’état d’imper­
fection du tout petit enfant eu égard au pubère, mais 1 elle sort
de l’ordinaire et elle est d’une autre sorte. L ’homme qui, le temps
s’avançant, prendra une nourriture solide, dans sa petite enfance
est nourri de lait : mais ni le lait ne sort de la catégorie des ali­
ments, ni l’alimentation ne se fait par une autre voie que par
la bouche. En revanche, l ’alimentation dans la vie utérine est
de nature particulière, et elle ne se fait pas par la bouche, mais
5 par | un autre conduit, s’il est vrai que c’est par le cordon
ombilical, ce qui est plutôt le fait des plantes, non des animaux.
En outre, le tout petit enfant ne prononce que des sons indis-
(1) Lire avec Kalbfleisch (50.22) ού δέος μή τις μέμφ (ηται) τί>, puis je conjec­
ture πολλών (πόλων Ρ ) άφαιρεΐσθαι τίν νοϋν. Parmi ces ττολλοί sont tous les enfants.
(2) Kalbfleisch, cp. Loch., 188 b.
(3) Phèdre 246 c, 248 c.
(4) De an. g en. II 3, 736 b 28.
APPENDICE II 289

tincts et inintelligibles, mais il n’en fait pas moins connaître ce


qui le chagrine par des signes visibles et des larmes. Dans l’em­
bryon au contraire, la vie ne peut s’exprimer ni par la voix ni par
des signes sensibles. Quant au reste, pour ne pas dévoiler une fois
de plus les mêmes choses, la croissance de l ’embryon encore porté
10 dans le ventre se rapproche plus du genre de vie des plantes que |
de celui des animaux. [5] En ce qui concerne la faculté raison­
nante, les nouveau-nés la possèdent aussi de quelque manière,
puisqu’ils ont la faculté sensitive, par l’intermédiaire de laquelle
celle-là est mue à agir; et encore faut-il que tout s’y prête, et l’en­
tourage et les circonstances extérieures, et qu’ils soient assistés
par l’adulte déjà raisonnable en acte pour qu’ils parviennent
jusqu’à l’acte. E n revanche, il n’y a même pas trace de faculté
sensitive chez le fruit encore dans le ventre, parce qu’il n’y a
15 encore en lui ni les organes | grâce auxquels se. produisent les
sensations ni les localisations ni les distances. [6] Quant aux
tressaillements, ils ne sont pas moins nombreux, même dans les
fœtus de superfétation, de même qu’il y a aussi, dans le cas de
ces fœtus, des torsions exactement comme chez les embryons,
en sorte que les sages-femmes et celles-là mêmes qui ressentent
les douleurs sont souvent en doute si ce qui se meut est du
nombre des êtres vivants. Le phénomène dit de la môle pré­
sente aussi les mêmes mouvements et tressaillements, si bien
20 que, jusqu’à une date tardive, on demeure dans | l’incertitude
si ce qui se meut est un embryon; mais, quand est dépassé le
temps de la grossesse, la preuve est faite de l ’erreur. Il a été
admis que ces produits sont inanimés, mais non exclus de la
nature, exactement à la manière aussi des monstres, qui, bien
qu’ils soient contre nature, n’en appartiennent pas moins à la
nature qui n’a pas réussi à produire le rejeton normal.
[7] Ainsi donc (1), dans le cas de l’embryon, il n’y a eu besoin
que de la force végétative qui fait croître et modèle le fruit,
25 l’entrée de la puissance | sensitive et opinative est superflue et
constitue une entrave, puisque, même dans notre état présent,
si la puissance végétative fait pousser le vivant et accomplit
sans obstacle l’ouvrage qui lui revient la sensibilité est em­
pêchée et s’enfonce sous le champ de la conscience durant le
sommeil, et plus le sommeil est sans rêves et sans images, plus
aussi la puissance végétative est agissante, tandis que ceux qui1

(1) J e lis ¡51.23) 2v0aSi) (ïvO aSiP), cette dernière phrase formant en vérité
la conclusion de tout le chapitre xit.
LA RÉVÉLATION D’ HERMÈS TRISMÉGISTE. — III. ‘- 0
290 LA RÉVÉLATION D’HERMÈS TRISMÉGISTE

sont affligés d’insomnies et de préoccupations dépérissent, l’ou­


vrage de l’une des puissances étant repoussé par les opérations
30 |de l’autre. E t même s’il était besoin d’un reflet de sensibilité
et pour ainsi dire d’une lumière | puisque le rayon solaire ne
pénètre pas de l ’extérieur dans le ventre, ce qu’il y en a dans le
corps de la mère, qui a été constitué sensible, est suffisant par
lui-même pour accomplir la fabrication.

I I e P A R T IE : L’embryon n’est pas


un vivant en puissance X I I I , 1-X V I, 9.

[ X I I I , 1] Que l’embryon ne soit pas un vivant en acte, qu’il ne


participe pas à une âme automotrice présente en acte, ce qu’on
5 vient de dire suffit à le montrer. Mais qu’il ne soit, pas | même
animé en puissance, Yen puissance étant entendu de ce qui a reçu
l’habitus, mais demeure inerte sans agir, il reste à le prouver. Ce
qui a reçu l ’habitus et n ’agit pas, mais demeure inerte sous le
rapport de ceCte puissance, s’il a acquis toute la perfection qui
revient à sa forme spécifique, s’est simplement tenu en repos;
mais s’il était encore imparfait selon sa forme, et qu’on affirmât
de lui Yen puissance, on passerait manifestement à l’autre signi-
10 | fication de Yen puissance, en écartant la signification normale
correspondante à la perfection de la forme, c’est-à-dire simple­
ment « qui demeure inerte sans agir ». [2] Par exemple, si quel­
qu’un à propos de la rame qu’on a rejetée du navire, affirme
l’en puissance parce qu’elle ne fait pas avancer le navire, on juge
qu’il veut dire la « chose en puissance » qui sans doute est parfai­
tem ent constituée selon sa manière d’être, mais qui se repose
15 d’agir sous le rapport | de sa puissance propre. En revanche,
celui qui assigne l’en puissance au cas des planches appropriées
à la fabrication de la rame, planches dans lesquelles on ne voit
pas encore la forme de la rame, mais qui peuvent devenir des
rames par l’art du fabricant, accorde sans doute que la forme
de la rame n’est encore d’aucune façon dans la planche, mais
signifie par le terme en puissance que cette forme peut venir
à l’être. En sorte que telle chose est dite en puissance parce
20 qu’elle peut recevoir la ] puissance, telle autre parce qu’elle reste
inerte sous le rapport de la puissance qui se trouve déjà en elle.
[3] Puis donc que le dormeur n’exerce pas ses activités
sensitives, et que l’embryon est également sans exercer les
siennes, il faut examiner si le sperme, ou ce qui est fabriqué à
A P P E N D IC E I I 291

partir du sperme, ressemble à l’homme en repos ou au dormeur


ou, oui certes, par Zeus, à l’homme engourdi de sommeil, s’il
25 ressemble, en vérité, à la rame immobile | et qui ne fait pas
avancer le navire, et non pas à la planche qui n ’a pas reçu encore
la forme de la rame. [4] Eh bien, si du moins on considère le
vrai, il apparaîtra que l’embryon, jusqu’à l’enfantement, est
encore inachevé. Le corps animal ne consiste pas dans le mode­
lage extérieur, ni dans le contour externe investi de la forme
spécifique, mais dans la perfection totale de l ’ouvrage modelé,
quand on peut voir que sont pleinement achevés le contour
30 externe, les entrailles | et tout le reste, muscles, os, artères et
veines, et l’entière fabrique des organes, de même que, touchant
les fruits des arbres, la maturité implique l’achèvement : or est
mûr ce qui, dans le cas des embryons, | sort de la mère d’une
manière conforme à la nature, comme les fruits qui tombent des
arbres. L ’embryon n’est donc pas encore doué de sensation
comme ce qui a reçu l’habitus, et il n’est donc pas non plus
en puissance, du moins dans ce sens-là : car il n’y a pas encore
de facultés sensitives dans les organes inachevés, comme il n’y
a pas non plus la forme de la rame dans la planche. Par consé-
5 quent, |l’embryon est en puissance doué de sensation, d’impul­
sion et de raison, non pas au sens de ce qui a reçu la puissance
et demeure inerte sous le rapport de cette puissance, car il ne
ressemble pas non plus à un dormeur, mais au sens de ce qui
peut recevoir la puissance et qui est encore inachevé.
[6] C’est à cette opinion que se rattache Platon lui-même (1),
quand, divisant l ’âme, il en attribue la partie gouvernante à la
10 région de la tête, l’irascible à la région du cœur, le concupiscible |à
la région du foie : or, là où il n’y a encore ni tête ni cœur ni foie,
comment se peut-il que l’âme ait le moyen de s’y installer?
D’autre part, si la nature ne fait rien au hasard, ni, c’est plus
vrai encore, Dieu, mais toujours en vue d’une fin, qu’on me dise
comment, si elle a garde à ce qui doit arriver, elle aurait fourni
un organe dont l’embryon ne peut pas encore se servir, alors que
15 la puissance végétative suffit par elle-même pour la |production
de l’ouvrage, que l’âme maternelle collabore suffisamment aussi
à l ’équipement de l’embryon, et que l’âme automotrice capable
d’agir (2) demeure inactive en ce qui regarde les ouvrages de la
puissance végétative. [7] A coup sûr, la méconnaissance de ce
(1) T in t. 73 cd, 70 a, d.
(2) Sur le mobile. Cf. Arist. Phys. T 3,202 a 17 ( = Méta. K 9,1066 a 311.
292 LA RÉVÉLATION D’HERMÈS TRISMÉGISTE

point est le fait de gens incapables de comprendre comment l’âme


est présente au corps et continent elle en est absente, que ni cette
présence ni cette absence ne sont locales, et que c’est en vertu
20 de l’état d’adaptation | et de commun ajustement que ou bien
l ’âme est immanente au corps, ou du moins lui est présente et
s’y accorde, ou bien elle en est absente et se trouve en désaccord
avec lui. Or, selon les calculs de la nature, l’embryon n’est pas
encore ajusté à l’âme : comment donc l’âme est-elle présente à
ce qui ne lui est pas encore ajusté, alors qu’il ne lui est pas pos­
sible d’y être présente d’une autre manière? Car, même si l’on
concédait que l’âme fût présente localement, toujours est-il que,
comme la présence de l’âme en vue de la vivification n’a pas
lieu localement mais par suite d’un accord entre le corps instru-
25 mental | et ce qui utilise l’instrument, ce qui doit utiliser l’ins­
trum ent est absent puisque celui-ci ne peut pas encore être en
accord vu son imperfection, même si l’on concédait que l’âme
fût présente d’une autre manière.
[X IV 1] — Oui certes, disent-ils, mais de même que le sperme
possède la raison séminale des dents, qu’il fait pousser après
la sortie qui suit les douleurs, et de même qu’il possède les raisons
30 séminales de la barbe, du sperme et des | menstrues, ainsi
est-ce par la présence dans le sperme des raisons séminales de
l’impulsion, de l’imagination et de la sensation que ces facultés
surgissent après l’enfantement.
[2] — Que ceux qui parlent ainsi | ne font nulle violence,
dans leur dissentiment, à l’évidence des faits, que leurs conjec­
tures soient même ohoses raisonnables, cela va de soi, par la
seule considération que, si ces facultés n’étaient pas présentes
dans le sperme, elles ne sauraient naître ensuite. Pourtant, du
fait de leur partialité, ils ne se rendent pas compte qu’ils font
provenir l’âme d’une semence et qu’ils manifestent l’âme végé­
tative comme supérieure à l ’âme automotrice. [3] Eh bien (1),
5 ces erreurs sont celles des |Stoïciens qui, par une conversion de
bas en haut, ont eu l’audace d’engendrer le supérieur à partir
de l’inférieur : ayant posé comme donnée du problème que, pour
toutes choses, l ’être et l’essence viennent de la matière, ils font
dériver de la simple consistance (2) la nature végétative, de la
nature végétative l’âme sensitive et l’âme impulsive, de celles-ci1

(1) Ou άλλα δή ταϋτα (Kalbfleisch) ou δρα δή, ταϋτα : ίρ α δή ταϋτα Ρ.


(2) Ιξις = le fait que les parties tiennent ensemble dans un même tout,
ce qui est le propre des êtres inorganiques.
APPENDICE II 293

à son tour l’âme raisonnable, de l’âme raisonnante l’intellect,


et, au moyen de différences dans les mouvements (1) et d’addi-
10 tions, ils engendrent toutes choses de bas en haut | alors qu’il
eût fallu les engendrer de haut en bas et faire sortir l’inférieur
du supérieur, puisque tout engendrant, de par son essence même
d’engendrant, est naturellement fait pour engendrer un infé­
rieur à lui, non un supérieur. C’est pourquoi la puissance végé­
tative en nous a engendré le sperme qui lui est inférieur en tant
que dépourvu du mouvement en acte, mouvement qu’il obtient
par la suite et de la nature végétative de la mère et de ce qui l’en-
15 toure (2), l’être en acte prenant 1 toujours le pas sur l’être en
puissance.
[4] En outre, si les raisons séminales de l’imagination et de
l’impulsion sont dans le sperme, et que la puissance végétative
les amène ensuite à l’acte, la puissance végétative qui, mise en
mouvement, s’est changée en âme sera l’air même qui, selon Chry-
sippe, a fondu sur elle aussitôt la sortie après les douleurs (3) :
or on ne saurait trouver discours plus dépourvu d’âme (4) que
celui-là, parce qu’il est impie et a l’audace de faire dériver le
20 supérieur de l’inférieur. | Si d’autre part l’âme, sans être un
rejeton de la puissance végétative, n’en est pas moins présente
dans le corps par le fait d’une capture, ce drame qu’on nous offre
ainsi de la capture de l’âme est, lui aussi, pure fiction, et nulle­
ment le fait de connaisseurs (5), mais de gens qui de nouveau
(1) Le mouvement de la plante diffère de l’inorganique, le mouvement
de l’animal de celui de la plante.
(2) άπό τού περιέχοντος 54.14. On n’ose préciser. S’il s'agissait du nouveau-
né après la sortie, τό περιέχον serait évidemment l’air enveloppant.
(3) è έπιπεσών άήρ ώς οϊεται Χρύσιππος 4μα τή έξ ώδίνων ττροόδω ή φύσις έσται
κινηθεισα μεταβαλοΰσα εις ψυχήν 54. 16-18. Dans l’hypothèse indiquée, la φύσις
fait passer à l’acte l’imagination et l’impulsion, c’est-à-dire l’âme animale.
Or, selon Chrysippe (5t. V. Fr., I I , n°» 804-808), c’est l’air extérieur qui,
en s’abattant à la naissance sur le nouveau-né, fait passer la φύσις à l’acte
d’âme, en tant que le souffle vital du nouveau-ne (πνεύμα = φύσις) est
alors refroidi par l’air et pour ainsi dire trempé par lui, comme un fer trempé
dans l’eau froide (cf. Plut, de Stoic. rep. 41, 1 = St. V. Fr., I I 806 : τό βρέφος
έν τή γαστρί φύσει τρέφεσθαι νομίζει καθάπερ φυτόν' ίταν δέ τεχθή, ψυχόμενονύπό τού
άέρος καί στομούμενον τό πνεύμα μεταβάλλειν καί γίνεσθαι ζφον' δθεν ούκ άπό τρόπου
τήν ψυχήν ώνομάσθαι παρά τήν ψΰξιν). Si donc la φύσις se fait passer elle-même
à l’acte d'âme, elle ne peut être autre chose que l’air extérieur qui, selon
Chrysippe, la fait passer à l’acte. L ’argument repose sur le principe aristo­
télicien que tout ce qui doit passer de la puissance à l’acte ne peut passer à
l'acte que sous l’action d’une cause efficiente. La φύσις ne peut se faire passer
elle-même à l’acte d’âme. Si elle le fait, elle se confond nécessairement avec
s i cause efficiente, l’air extérieur.
(4) Je garderais άψυχότερος 54.18 (ψυχρότερος, ci. Wendland), le jeu de
mots paraissant voulu. Sens : « plus matérialiste ».
(5) L e t e x t e n ’ e s t p a s s û r ούδα μ ού τ ώ ν γ ι γ . .. ρ ισ ... P P e u t - ê t r e ούδα μ ού [τ ώ ν ]
ν ν ω ρ ισ τ ικ ώ ν .
294 LA RÉVÉLATION D’HERMÈS TRISMÉGISTE

ignorent que l’âme n’est pas capturée comme par la main ou


par un lien ou au moyen d’une cage : car, pour tout dire d’un
mot, sa capture n’est pas de l’ordre corporel, elle n’a lieu qu’en
25 vertu d’une aptitude, comme le feu non plus | ne se laisse pas
prendre par un lien ou par la main, mais seulement en vertu de
l ’aptitude de la matière combustible.
[X V , 1] Maintenant, que soit apte aux sensations, impulsions
et représentations l’être suspendu à la matrice, attaché à elle
et nourri par le cordon ombilical comme par une racine, dont
en outre les organes des sens et les viscères ont leurs orifices clos
et sont [ encore informes, puisque tous les pores sont bouchés
par un milieu liquide dans lequel cet être ne saurait subsister
si jam ais il s’y trouvait après son entrée dans la vie, j ’en vou­
drais obtenir la preuve d’un homme qui ne s’abaissât pas à des
niaiseries. [2] Je ne dis rien de ce que, l’essence de l’âme consistant
en un mouvement de connaissance, de toute façon, si elle est
présente, l’être en qui elle est présente devient par elle capable
5 de connaître; je n’en dis rien pour qu’on | ne se figure pas
répondre à propos en alléguant les états d’hébétude et de profond
sommeil, sans voir qu’en ces états le vivant ne laisse pas que
d’imaginer, il perd seulement le souvenir des images, chez
l’embryon en revanche il y a incapacité d’imaginer, dès là
qu’il n ’est même pas encore en activité sous le rapport de la
sensation : or c’est à partir de la sensation que les impressions
sensibles sont repétries en forme d’images. [3] Si d’autre part on
dit que l’âme, même dans le sperme, fait des actes d’imagina-
10 tion et d’appétition 1 en tan t qu’indépendante, non plus en
ta n t qu’âme d’un vivant et du composé de corps et d’âme,
parce que ce n’est pas non plus (1) une âme et un sperme qui
font le vivant, mais une âme et un corps instrumental, on
marque seulement le fait que l’âme n’est pas encore présente à
l’embryon, à cet embryon auquel elle ne communique pas encore
ses activités propres et auquel n ’ont pas appartenu, je suppose,
les inclinations et imaginations qui viennent par l’âme. [4]
15 D’ailleurs il y a unanimité parmi ceux qui, avec Platon, |
adm ettent sans discussion l’existence indépendante de l’âme
pour ne pas refuser de reconnaître qu’il y a en elle, même
séparément de ce corps animal, de certaines sensations et appé-
titions, oui, et c’est même complètement, disent-ils, que l ’âme1

(1) Pour o n (jlï| cf. Blass-Debrunner», § 4 2 8 ,5 et Add., pp. 316-7, Wacker-


nagel, Syntax, II*, pp. 280-1.
APPENDICE II 295

voit alors (1), complètement qu’elle tend vers son objet et se le


concilie, non pas au moyen de parties et d’Ouvert ures déterminées
comme lorsqu’elle est entrée dans ce corps animal, dans ce corps,
dis-je, durant l’état encore inachevé duquel il est bien possible
_20 que l’âme ait les [ sensations qui lui sont propres, mais comment
se peut-il qu’elle se procure les sensations qui impliquent l ’union
avec un corps entièrement achevé? [5] Voici ce qu’on ignore :
il n’est pas vrai que, tout comme des défauts ou excès dans le
corps ne font nul obstacle à la vie végétative, que dis-je, même
dans le cas d’excisions, d’extractions ou d’excroissances de
chair, le travail de la nature n’est pas grandement empêché, de
même aussi l’état des organes est indifférent eu égard aux
25 facultés | psychiques. Ce qui est sûr du m oins,'c’est que, s’il
s’est répandu dans l ’œil un peu de liquide, la faculté de voir est
empêchée et disparait, si un peu de bile s’est emparé de la
méninge, la faculté imaginative est altérée, et il en va pareille­
ment pour le reste : une petite marge fait grande différence
pour empêcher les mouvements psychiques. Or l’embryon tout
entier ressemble à une boue nullement solidifiée, qui peut se
comparer à de l’eau.
30 [X V I, 1] Maintenant, admettons que le sperme ait une âme,
s’il plaît de nommer âme la puissance végétative, admettons,
oui, qu’il la tienne du père, détachée de lui ou engendrée par
lui, admettons que, de la mère aussi, plus tard, il obtienne ou
nourriture, ou encore | force, voire même commune respiration
pour cette âme végétative et augmentative qui est en lui — de
fait, il semble qu’Hippocrate aussi, selon l’ancien usage,
appelle âme la puissance végétative — , en tout cas, pour ce qui
est de l’âme automotrice, il n’est pas possible de montrer
qu’elle réside dans le sperme ou du moins dans l’embryon, parce
5 qu’il n’est pas besoin non plus de cette âme-là, | la puissance
propre du sperme ayant été assumée pour l’ouvrage. [2] Car c’est
de l’âme irrationnelle que vient la fécondité (2), et il faut que la
puissance végétative soit florissante si elle doit (3) amener à un
tel volume, modeler et rendre compacte en neuf mois cette
goutte infime de liquide sans que rien ne l’en empêche. Or
l’activité de l’une des puissances, par son approche, empêche1

(1) Τ ό τ ε c i. dubitanter (δ τ ε P Sum K a l b l lo is c h ) . Postea S t’ όλου < τ’ >


ό ρ έγ εσ θ χ ι.
(2) ευ γο ν ία ( 5 6 .6 ) c i. I O J b i ï e i s c h : ευ το ν ία P .
(3) τ ή ς μ ε λ λ ο ύ σ η ς ( 5 6 . 6 ) Disls : τ ή μ ελ λ ο ύ σϊ) Ρ .
296 LA RÉVÉLATION D’HERMÈS TRISMÉGISTE

que l’autre soit florissante. Comme l’excellence de l’âme fait


obstacle à la fécondité de la puissance végétative, ainsila puissance
10 végétative à l’excellence de |l’âme (1). Si donc il était besoin aussi
d’une âme, ceux qui sont destinés à procréer le mieux, hommes
et femmes, devraient s’exercer aussi à la vertu, et non pas,
comme ils font d’ordinaire, se livrer aux exercices du corps.
Si en revanche les exercices du corps sont favorables à la fécon­
dité de la puissance végétative et si, comme quelqu’un l’a dit
quelque part, le sage est un mauvais artisan eu égard à la pro­
création d’enfants, il n’est pas besoin, pour la génération des
embryons, d ’une âme dont la vertu soit la marque particu-
15 lière (2), mais d’une âme à qui la vertu soit étrangère |cepen­
dant qu’elle conserve la pleine vigueur qui lui est propre.
[3] Résumons-nous. Si l’âme cognitive fabrique le corps, et
si c’est par elle que nous avons croissance et nourriture parce
qu’elle modèle et nourrit le corps, il faut concéder la nécessité
de cette âme, et d’une âme que l’embryon possède en privé par
divis. Si en revanche l ’âme de la mère suflit au sperme pour ce
20 dont a besoin l’embryon — or il a besoin d’être modelé, |de rece­
voir nourriture et croissance, et de vivre précisément ainsi, non
de la vie cognitive, — il suflit de l’âme végétative et du principe
fabricateur présent dans la matrice vivifiante. [4] Pourquoi donc
embrouillons-nous les affaires en nous embarrassant de savoir d’où
vient l’âme automotrice et en refusant de croire qu’elle vient de
l’extérieur, dès le moment où elle ne vient plus de la mère et où
l’embryon n’est plus gouverné par l ’effet de l’animation dont la
25 mère est le principe? (3) Ce qui manque en effet |vient de la
mère à la puissance végétative qui a toujours besoin de recevoir un
afflux de souffle de la part de la puissance sensitive parce que,
comme nous l’avons dit (V I, 2/3), elle est un rejeton de la
puissance sensitive et appétitive et qu’elle obéit à la sensation,
bien que non participante elle-même à la sensation, de même que
la partie irrationnelle de l’âme, bien qu’incapable d’activité
rationnelle, est réglée par la raison.1

(1 ) J e lis ώ ς ευ γο ν ία φ ύ σ ε ω ς (SC. ¿ μ π ο δ ίζ ε ι) ά ρ ετή ψ υ χ ή ς, κ α ί α ρ ετ ή φ ύ σ ις 5 6 . 9 :


ώ ς ε υ γ ο ν ία φ ύ σ ε ω ς ά ρ ετή ψ υ χ ή ς κ α ί ά ρ ετή φ ύ σ ις Ρ .
(2) L e t e x t e n ’e s t p a s s u r ( 5 6 .1 4 ) . ή ς ίδιον ή ά ρ ετ ή c i . K a l b f le is c h : ή ς ίδρη
ά ρετή Ρ .
(3 ) J e lis ( 5 6 .2 3 ) ότα ν ά π 4 τ ή ς μ η τ ρ δ ς μ η κ έ τ ι (SC. ή κ η ή α υ το κ ίν η τ ο ς ψ υ χ ή ), μ η δ έ
τ δ ε μ β ρ υ ο ν ) ή κ α τ ά τή ν έ κ τ ή ς μ η τ ρ δ ς έμ ψ υ χ ία ν δ ιο ικο ύμ ενο ν : δ τ α ν ... μ η κ έ τ ι μ η δ έ
τ δ έν ώ κ α τ ά κ τ λ . Ρ . P o u r έ μ (β ρ υ ο ν ), c f . 3 7 . 1 7 , 5 3 . 1 6 . P o u r l e t o u t , c f . X 6
( 4 7 .2 8 ) δ τα ν δ έ μ η < κ έ τ ι ή > κ α τ ά τ ή ν τ ή ς μ η τ ρ δ ς οικο ν ο μ ία ν .
APPENDICE II 297

[5] Quant à ce qui manque, du fait de la nature corporelle


irrationnelle, à la bonne liaison des parties après |l’enfantement,
c’est le Tout qui le donne et qui en remplit le sujet, puisqu’une
âme particulière est aussitôt présente, n ’importe quelle âme qui
se soit trouvée à propos (1) pour le nouveau-né et accordée au
corps instrumental apte à la recevoir. Car les Chaldéens disent
que, dans la partie orientale du ciel, il s’écoule éternellement 1
5 un flux divin intelligible, qui meut le monde et le fait tourner,
et qui vivifie tous les êtres du monde en leur envoyant des âmes
appropriées. Dès lors, tout degré situé du côté de cette région
orientale, qui est la porte d’entrée des âmes et le conduit par où
respire l’univers, est rempli de puissance : ce degré est nommé
le centre (2) et l’horoscope. De plus, tout être qui a émergé de la
mère, ou qui de quelque autre manière es,t apte à devenir un
10 vivant, est en dépendance du flux invisible |qui s’écoule pièce à
pièce, et il tire à soi, de l’âme de ce flux, la portion de flux vital
qui lui revient — c’est pourquoi aussi on appelle ce centre oriental
« lieu de la vie » (3 ) — au moment même où l ’embryon, rejeté
par la puissance végétative qui l’administrait, a émergé dans l’air
à la naissance. C’est de ce moment aussi que les astrologues
déduisent la marque distinctive de la conception, non que le
flux vivifiant ait fait alors son entrée — comment le pourrait-il,
15 puisqu’il n’a commencé | de donner une âme qu’au moment
précis où le nouveau-né a émergé après les couches? — , mais
parce que le flux s’est ajusté au nouveau-né à cause de l’aptitude
que celui-ci avait à le recevoir, et il n’aurait pas eu cette aptitude
si, au'moment de la conception, les fondations de l ’embryon
n’avaient pas été jetées.
[6] Si j ’ai fait mention de ces doctrines, ce 'n’est pas que je
tienne pour croyable tout ce qu’enseignent ces gens-là, mais pour
montrer la quasi-universalité de la manière de voir commune, |
20 selon laquelle, dès les temps anciens, on a été convaincu que
l’animation a lieu après l’émergence des fruits à la suite des
couches. En outre, ayant fait réflexion que le Tout concorde
avec lui-même et avec ses parties, on doit ne pas méconnaître que,
comlne il arrive dans le cas des notes où, si la note ajoutée au
bas de l’échelle est consonante à la mèse, elle sauvegarde l’accord1

(1) J e lis (57.2) Tj-ru; Sv < i > x (a r à xotpè)v i|roxt) «¡i TexOévri Ycvovépr).
(2) Point cardinal de l’écliptique. Sur les « degrés horoscopes » et les cen­
tres, cf. Bouché-Leclercq, Astrologie Grecque, pp. 257 ss.
(3) Cf. Bouché-Leclercq, pp. 280 ss.
298 LA RÉVÉLATION D’HERMÈS TRISMÉGISTE

de l’octave, si elle est trop basse ou trop haute (1), elle s’écarte du]
25 double rapport (2), ainsi en va-t-il aussi du petit corps de
l’embryon qui est dans le sein et en train de se rendre accordé à
une âme : avant d’avoir reçu le degré suffisant d’accord avec
l ’âme, il ne la possède pas; a-t-il été accordé, aussitôt il possède,
présente en lui, l ’âme qui doit l’utiliser; mais tant que l ’accord
fait défaut, l ’âme n’est pas présente, bien que le monde soit tout
rempli et gorgé d’âmes. [7] Car de même que, | si le froid ou la
chaleur ou encore quelque excès ou défaut relâche et détend
l ’accord de l ’œil, aussitôt la faculté sensitive cesse d ’être présente
5 même en puissance... (3), de même |l’âme, qui se servira du
corps instrumental quand il aura été accordé, est absente de ce
corps entier tan t qu’il demeure imparfait et non accordé, même
si, comme je l ’ai dit, toutes choses sont recouvertes d’un épais
m anteau d’âmes. C’est, de fait, ce qui se passe pour nous aussi :
bien que l’Univers, suppose, soit recouvert d’un épais manteau
d’âmes, nous ne pouvons vivre en compagnie de trois âmes, ou
même de deux, qui conservent leur faculté propre de raisonne­
ment, parce nous n’avons été accordés qu’à une seule âme, et, si
10 cet accord | est rompu, Je corps peut sans doute admettre des
âmes d’une autre sorte, par exemple des âmes de vers de
cadavres et de vers de terre, mais il s’est séparé (4) de l’âme
qui lui était appropriée et consonante. [9] Si d o n c.. (5), |
15 comment l ’âme serait-elle présente à l’embryon, cette âme
dont la constitution naturelle est de ne pas lui être présente
de l ’extérieur et de ne prendre pour instrument que le tout
complet une fois qu’il a été entièrement formé?1

(1) Littéralem ent « trop lâche ou trop tendue ».


(2) Sc. de l’octave, composée de deux tétrachordes : sur tout ce passage,
et. Oxford Claas. D ieu, s. v. Music, p. 586.
(3) Une ligne gâtée dans P.
(4) ¿xcupla&Q Diels : éxdtpTj P' ixwpr)(aev) Kalbfleisch (58.11).
(5) Trois lignes gâtées. Le sens paraît être : « Si donc la nature artifi­
cieuse (1) TexviTtéouoa çfonç) n’avait pas établi que l’âme, par sa puissance,
dût s’unir au corps d’une manière totale [St* 6Xou, cf. X I 2, 3) », on pourrait
adm ettre que l’âme ne vient pas du dehors dans le nouveau-né (mais qu’elle a
grandi avec l’embryon); « en revanche, puisque l’union se fait en totalité
(St’SXou), et que l’âme qui doit utiliser le corps » ne peut le faire tant qu’il
n’est pas né encore, pleinement achevé, « comment etc. ».
APPENDICE II 290

I I I e P A R T IE : M ê m e s i l'e m b ry o n e s t v iv a n t
e n a c te ou en p u issa n ce ,
l ’a n im a tio n d o it s e fa ir e de l'e x té r ie u r
X V II, 1-fln. (1)

[X V II, 1] (2) Maintenant, même si tout cela ne te convainc


pas, même si tu conjectures que l’embryon a part à l’âme auto­
motrice et non pas (seulement) au principe naturel de nutri­
tion et de croissance, eh bien, muni encore d’une réponse en ce
cas, je nie qu’on ait fait battre en retraite Je dogme de Platon, |
20 que c’est de l’extérieur qu’a lieu l’entrée des âmes dans les corps.
Admettons, oui, l’incertitude du moment précis du temps (3),
que pourtant ce n’est ni le père qui livre l’âme ni la mère, cela
sera décidé en conteste autant certes que tout autre point.
Car, évidemment, si l ’âme ne vient pas des parents, elle est
entrée de l’extérieur. [2] Est-ce lors de l’injection du sperme,
ou de la configuration de l’embryon, ou au premier instant du
25 mouvement local chez l’embryon, |ou quand, à l’iseue des dou­
leurs, l’enfant se présente ? Que tout cela, si tu le veux, reste sujet
à doute. Mais que l ’âme, l’âme cognitive, ne soit pas un fragment
arraché aux parents, qu’elle n’en soit pas détachée ni àlafaçon des
homœomères ni à la façon des anhomœomères, ni par conséquent
avec diminution en ceux qui fournissent cette partie ni sans
diminution comme dans le cas des facultés, ce n’est pas tâche
sans limites (4) que d’en persuader les incrédules par les raisons
que voici.
30 Mais j ’indique d’abord 1 les arguments propres à réfuter ceux
des défenseurs de Platon (5), | qui, de propos délibéré ou parce
qu’ils méconnaissent, je ne sais comment, la doctrine de Platon,
ont dévié de la vérité. [3] De fait, on pourrait à bon droit se poser
cette difficulté : comment, de même que du blé naît du blé, du
cheval un cheval, ne naît-il pas aussi, de l’homme, un homme,
comment, de l ’homme, naît-il (seulement) une partie instru-1

(1) Cf. la division du prologue, supra II 5 (36. 6 ss. K.).


(2) D’ici à la fin, nombreuses lacunes en P , en sorte que j ’ai dû me fier
aux restitutions de Kalbfleisch.
(3) De l’animation.
(4) Ou «sans conclusion possible», άπέραντον (58.29). Mais le mot même est
restitué (περ P )
(5) τούς ύ(πέρ) τ(οΰ Πλα)τωνος (μαχομ)ένους? Kalbfleisch.
300 LA RÉVÉLATION D’HERMÈS TRISMÉGISTE

5 mentale de l’homme (1)? Car | la puissance végétative est


(seulement) une partie instrumentale de l’homme, tandis que
l’homme, en tant que vivant, est un assemblage des deux parties,
puisqu’il est composé d’un corps et d’une âme, de l ’âme douée
de raison. D ’une manière générale, si le sperme est un homme
en puissance, et que, selon nous, il n’a pas en puissance l’âme,
comment serait-il un homme en puissance alors qu’il ne parti­
cipe pas à l ’âme? [4] En outre, diront-ils, on constate deux sortes
de générations, l’une à partir de semblables, l’autre à partir
10 de 1 dissemblables. Si l’on a allumé un feu à un autre, c’est du
semblable qu’il tient la cause de son inflammation; mais si le
feu résulte de ce qu’on a frotté des pierres ou des férules, ou de
ce que des rayons viennent frapper des surfaces polies, c’est du
dissemblable que le feu tient la cause de son inflammation... (2) |
19 [5] De même donc qu’il y aurait absurdité à nier (3) que, si
l ’on allume une mèche à une flamme, cet allumage a eu lieu
de l’extérieur, puisqu’il a résulté extérieurement de la friction
des pierres, de même, dans le cas des spermes, où ceux qui les
projettent sont eux-mêmes animés, y aurait-il violence à
vouloir nous persuader que ce qui naît à partir des spermes
possède l ’animation comme une chose ajoutée de l’extérieur,
de la même façon que les êtres qui ne naissent pas de spermes (4) :
à tout le moins, pour quel motif dira-t-on que la nature de
25 l’homme est supérieure aux autres, |s’il est vrai que l’animation
se fait chez l’homme exactement comme chez les vers de cada­
vres, les vers de terre et les œufs sans germes ( ?) (5), dont il faut
concéder que l’animation se fait de l’extérieur? [6] Assurément
cela ne saurait être : l’homme engendre un vivant pourvu non
seulement d’un corps, mais aussi d’une âme, de quelque nom
qu’on veuille la nommer, raisons séminales, puissances, partie, [
source de vie. D’autre part, c’est le propre des spermes que de se
développer avec méthode selon un ordre fixe et de produire1

(1) L ’être humain, dans l’hypothèse de Porphyre, ne donne naissance


qu’à un corps, qui est seulement une partie instrumentale de l’homme entier
(ίργανον άνβρώπου), le corps servant d’instrument à l’âme. L ’expression vient
d’Aristote : πάντα τά φυσικά σώματα τής ψυχής όργανα, de an. II 4, 415 b 18.
(2) Six lignes gâtées en P.
(3) J e lis, d’après la conjecture de Kalbfleisch (qui compare Hermipp.
55, 29), (Δσπεp οδν άτοπ)ος 4... έξωθεν < μ ή > φάσκων.
(4) Dans le premier cas, il y a γένεσις έξ άνομοίου, et par suite il serait
absurde de nier que la chose se fasse de l’extérieur; dans le second, il
y a γένεσις έξ όμοίου, et par suite il serait absurde de dire que la chose se fait
de l’extérieur.
(5) Les derniers mots douteux : (φών ΰπη)νέμον ci. Kalbfleisch.
A P P E N D IC E II au

tel organe après tel autre; et, de ce qu'ils font pousser les dents
après l’enfantement, puis, au cours du progrès de l’âge, la barbe
et les poils du pubis, on ne peut conclure que les parties de cette
sorte ne sont pas issus du sperme. C’est d’une manière appro-
5 priée que l’être humain, | à partir du sperme, est mû de la vie
végétative et du mouvement de croissance tan t qu’il est dans
le ventre, de la vie sensitive quand il en a émergé, de la vie
rationnelle quand il a progressé en âge, et en dernier lieu de
la vie intellectuelle, sans qu’aucun élément psychique se soit
par addition insinué en lui de l’extérieur, mais tout a été
d’abord confondu ensemble comme dans la germination des
céréales, et même si certaines raisons séminales ne se différen­
cient qu’à un autre moment, comme par exemple, dans le
10 grain de blé, |les raisons séminales du chaume, de la feuille, de
la racine ont été unies avant de se différencier, néanmoins ces
raisons séminales, non du blé et des (1) (fruits seulement, mais
aussi des animaux, ont été d’abord unies dans les semences) et
par la suite se différencient. [7] Car de même que, dans la noix
qui vient d’émerger, tout est ensemble et dans une même masse
15 compacte et verte, puis la cosse et la coque ligneuse |sous la
cosse se distinguent, à des moments différents, de la pellicule
sous la coque, du fruit lui-même dans la pellicule, et des mem­
branes ligneuses qui traversent intérieurement le fruit, et
pourtant la raison séminale de la noix reste toujours présente
tout entière dans le fruit, de même, disent-ils, toutes les parties
ont été confondues dans le sperme, mais elles n’en sortent pas
20 moins de cette confusion et se configurent chacune à part |en
faisant leur entrée en scène (à des moments différents) (2), et
c’est toujours la partie appropriée aux circonstances qui néces­
sairement se distingue avant les autres. C’est pourquoi, comme
il n’est pas encore besoin, durant la grossesse, d’impulsion et
d’imagination, les raisons séminales de ces facultés demeurent
inactives dans la masse entière de l’embryon, de même que,
dans le grain de blé, les raisons séminales du chaume et de la
25 feuille, mais le moment de la sortie [ de chacune des facultés
vient toujours à point pour correspondre aux besoins. [X V III,
1] Maintenant, que le sperme ne soit pas le produit de la seule
âme végétative en nous, mais aussi de l’âme sensitive, imagina-1

(1) Lacune d’une ligne environ. Je conjecture ou τού πυροϋ καί τών (καρπών
μόνον, άλλά καί τών ζφων, ήνωνται έν σπέρ)μα(σι) καί ύστερον διακρίνονται.
(2) (κατά διαφόρους καιρούς) conieci 60.20, coll. 60.17.
302 LA RÉVÉLATION D’HERMÈS TRISMÉGISTE

tive et impulsive, c’est ce que prouve à l’évidence le fait que |


l’émission séminale est provoquée par l’imagination, que, d’ une
manière générale, elle s’accomplit au moyen d’un contact et
s’accompagne d’un plaisir corporel et qu’elle peut être suscitée
par de certaines sensations : il suffit en tout cas, dit-on, de la
simple sensation, puisque parfois l’épanchement résulte de la
5 seule vue des beaux corps; et, pour ce qui est des images vues |
en songe, elles causent une sécrétion de sperme tandis qu’elles
laissent les autres humeurs en repos. Ainsi donc le sperme n’est
pas le produit de la seule âme végétative, mais aussi de l’âme
imaginative. Si le sperme était l’ouvrage de la seule âme de
nourriture et de croissance, il posséderait sans doute à bon
droit le pouvoir de croître et de se nourrir, mais il ne saurait
d’aucune façon, n’étant le produit que d’une telle âme, recevoir
10 de cette âme aussi le pouvoir de former |des images qui se
manifeste dans les représentations voluptueuses, ainsi quejles
appétits et impulsions qui accompagnent ces images. Dès lors,
comment le sperme ne serait-il pas l’ouvrage propre et person­
nel (1) de la puissance imaginative et impulsive elle aussi? (2)
(1) (ocÙT07toir))Tov Kalbfleisch.
(2) Le reste, 61.13-62.30, est en trop mauvais état pour permettre une
traduction.
ADDENDA.

P. 13, η. 1; 100, n. 2; 198, η. 1. Sur «l’âge de raison», voir encore Ps.


P lut ., de fluv. 7,6 βλέπεσθαι Sè (sc. une pierre semblable à la pierre
ponce, qu’on trouve dans le Pactole) ύπό παρθένων των μήπω χρό­
νον φρονήσεως έχουσών. Sur l’importance du nombre sept dans
les âges de la vie, cf. surtout F. B oll , Die Lebensalter ap. Kl.
Schriften, Leipzig, 1950, pp. 156 ss., en particulier pp. 183 ss.
P. 21, n. 2 (citation de Pline). L a plupart (ainsi encore
J . Beaujeu dans l’édition Budé, 1950) entendent adprobaverit :
« a reconnu » ou « a démontré que ». M. Boyancé, REG., L X V
(1952), p. 313, n. 1, après K. Reinhardt, l’entend : « a prouvé par
son exemple ». Dans ce cas, comme le note M. Boyancé, le texte
n’aurait plus valeur pour les croyances d’Hipparque, mais pour
celles de Pline ou de son temps.
P. 41, fin de la note 3 de la p. 40. Sur le trône dans l’astrologie,
cf. F. B oll , A us der Offenbarung Johannis, Berlin, 1914, p. 31.
P. 108, l. 18. Gp. Ps. Clem ., Homil. 1 10, p. 3 3 .1 Dressel (Gottin-
gen, 1853) : après la prédication de Barnabé à Alexandrie, οί έκ
παιδείας κοσμικής όρμώμενοι φιλόσοφοι γελάν αύτόν καί χλευάζειν
έπεβάλοντο. Plus loin, Barnabé les invite au choix (33.14) : λοιπόν
τ ή ς ύμ ετέρ α ς έστίν εξουσίας, ΰπείκειν ή ά π ειθ ε ΐν τοϋ δε λέγειν
ύμϊν τό συμφέρον ού παύσομαι, otj. εμοί μεν ζημία το σιωπάν (cf. supra,
p. 104), ύμΐν δέ τό άπειθεΐν βλάβη.
Ρ. 130, η. 2. Cependant je ne suis plus aussi sûr de ma traduction
pour τάς άφορμάς κακάς τάς τοϋ πλούτου C. Η. I 25 (16.2 : V. aussi
VAdd. p. 28) : « les appétits illicites que donne la richesse ». Dans
les passages parallèles, Macrobe, in s. Scip. 1 12, 14 (p. 522.7
Eyssenh.) attribue à Jupiter la vis agendi, quod πρακτικόν dicitur,
Servius, ad Aen. V I 714 (II 1, p. 98. 23 Thilo) lui attribue regni
desiderium, et Ptolémée, Tétral. IV 10, 11 (p. 208. 5 ss. Boll-Boer)
dit que Zeus τό εύσχημον... άντεισάγει et que τιμής... μάλιστα καί
έπαίνου και έλευθεριότητος άντιποιεΐσθαι παρασκευάζει (cf. sur ce texte
F . B o l l , Kl. Schr., p. 201). Or pouvoir et honneurs sont au point
de départ pour l’acquisition des richesses, et tel est bien le sens
303
3C 4 ADDENDA

propre de άφορμή, « occasion, prétexte, moyen d’entreprendre ou


d’acquérir une chose ». Je traduirais donc aujourd’hui : « à la
sixième (zone, l ’homme abandonne) les moyens vicieux d’acquérir
de la richesse ». L ’auteur ajoute τάς κακάς en raison de la distinc­
tion traditionnelle entre acquisition juste et acquisition injuste de
la richesse (cf. déjà Solon, 13. 7 s. Edmonds [LGL, I, p. 126]
χρήματα δ’ ίμείρω μέν έχειν, άδικώς Si πεπάσθαι ούκ έθέλω), et la
répétition de l ’article avant l’adjectif attributif établit précisément
une distinction entre cette catégorie des κακαί άφορμαί et celle des
άγαθαΐ άφορμαί, cf. Kühner-Gerth, Γ 6 1 3 (3A) et 614 (3B).
P. 1 4 8 , fin du paragraphe D. Dans l ’épigraphie chrétienne, citons
v. gr. E. Diehl, Lateinische Altchristliche Inschriften (Kl. Texte 26-
28), n° 202 (mosaïque de Tabarka) : Primata cum Victoria, gaude
triumfa, consecratae virginitatis et confessionis victricia portantes
tropea, v este in d u ta e a n g e lic a in pc. Ce sujet de la vestition de
l’élu m ériterait une étude.
P. 15't, n. 4. Cf. un article à paraître dans Class. Philology.
P. 1<VJ, n. 6 (ad C.H. X I I I 3, 201. 20 ss.). Texte de Reitzenstein
et Nock. Pour une autre lecture et interprétation, cf. t. IV, p. 225,
n. 1.
P. 171, n 3 fin. Pour ούδενόςδέ άκούσει οΰτε άνθρώπου ούτε ζφου
άλλου, cf. Numen., fr. 11, p. 131.10 ss. Leem. οΰτως δει τινα άπελθόντα
πόρρω άπό των αισθητών όμιλήσαι τω άγαθω μόνω μόνον, ένθα μήτε τις
άνθρωπος μήτε τι ζωον έτερον.
Ρ. 28 4, § 5. Deux difficultés dans ce passage.
a) En 47.19, le sujet de προσχωρεί est sûrement la φύσις de 47.12
et 14, cf. διό καί π ρο σχω ρεί άλλοτε άλλοις αύτή (sc. ή φύσις) κυβερ-
νήταις. Il se peut donc qu’en 47.17 le sujet de διοικεϊται soit, non
pas τό σπέρμα (bien que ceci donne un bon sens), mais déjà aussi
ή φύσις. En ce cas, traduire : « T ant que le sperme est dans le père,
le principe créateur naturel (immanent au sperme) est gouverné etc. »
b) En 47.23/4, pourquoi le brusque passage au pluriel (ένοΰνται,
σωζουσιν) après les singuliers συμφθείρεται 47.21, άναστοιχειοϋται ib.,
διασώζεται 47.22 s. et alors que le sujet est manifestement le même?
N’est-ce pas parce que après le gén. abs. του προσχωρεϊν δέοντος
άκούειν (47.20), l’auteur a en tête, non plus seulement ή φύσις, sujet
de προσχωρεί (47.19), sc. le principe immanent au sperme qui
s’associe à la φυτική (δύναμις) de la mère, mais les deux parties
associées (φύσις du sperme et φυτική de la mère)? Aussi ai-je traduit
« les parties associées », et cette traduction semble être justifiée en
outre par le sens propre de άναστοιχειοϋται en 47.21 : non pas « réduit
ADD EN DA 305

à (résolu en) ses éléments primitifs », mais au contraire, quand il


s’agit d’une multiplicité, « réduit à (résolu en) un seul élément », ici
le mélange. Vin et eau mélangés ne font plus qu’un seul élément,
l ’eau rougie. Ainsi Philon, V. Mosis II 288 δς (le Père) αύτδν (Moïse)
δυάδα βντα, σώμα καί ψυχήν, εις μονάδος άνεστοιχείου φύσιν δλον
δι’ ίλών μεθαρμοζδμενος εις νουν ήλιοειδέστατον, g. r. d. k. 184 ό ακραι­
φνέστατος νους ..., δς ... τώ καταπνεύσαντι (Dieu)... προσηκύντως βλος
είς Ιεράν σπονδήν ά ν α σ το ιχ ειω θ είς άνταποδίδοται, 200 βίος γάρ
έμπρεπής κδσμφ τω πατρί... εύχαριστεΐν, μονονούκ έκθυμιώντι καί άνασ-
τοιχ ειοϋ ν τι έαυτδν ( « wellnigh evaporating itself into a single ele-
mental form » Golson). Voir aussi ib. 29 avec la note de Colson ad
loc. (Lœb. Cl. L ., IV , p. 567) et Chrysippe ap. Phil., de incorr. mundi
94 φέρε δ’ οδν, ώς φησιν δ Χρύσιππος, τδ άναστοιχειώσαν τήν
διακόσμησιν ε ίς αύτδ πϋρ τοϋ μέλλοντοςάποτελεϊσθαι κόσμου σπέρμα
είναι (le feu réduit à l’unicité de sa propre nature élémentaire la
diversité de l’organisation du monde).
P. 285, n. 2. La besogne de la mère, comme on l’a vu plus haut
(46. 21 s., cf. p. 283, n. 1), est d’administrer à l’embryon « tout ce
qui vient naturellement d’en bas » (δσα φύσει κάτωθεν), c ’est-à-dire
alimentation et croissance. Dans le vivant une fois constitué et mis
au jour, c’est l ’âme végétative seule (sc. sans l’aide de la mère) qui
devra accomplir cette besogne. Mais elle sera dirigée dans sa
besogne par l ’âme rationnelle venue du dehors.
P. 287, n. 2. L ’homme qui frappe la corde est l’âme rationnelle
qui se sert de l’instrument lorsque celui-ci a été pleinement achevé;
le cordier et le tendeur de cordes sont l’âme végétative, dite plus
haut φύσις (47. 12, 14; κάκείνη = ή φύσις 48. 1 ; φύσεων 48. 8 ;
φύσεως 48. 9) OU ή έν τφ σπέρματι δυναμις 46. 25/6.

LA RÉVÉLATION d ’ HBHMÈS TRISMÉGIST*. — III 21


I n d ex L ocorum 1

Acta Pauli et Theclae Apocalypsie Pauli


6 ................................................................ 132 14...............
1 6 ,1 7 .........
A e t i u s (Diels, Dox. Gr.\ 20 ...............
22 ...............
IV , 3-5, 7 - 9 .......................................... 5
9 .1 0 ................................................. 129 Apocalypsie Petri
1 3 .1 1 .............................................. 128
f . 17-19.
V , 1 - 6 .................................................... 6
1 5 -1 6 ,1 8 ,2 1 ................................... 6 Apocalypsie Thomas
2 3 ....................................... 13 100
23-25 ................................................ 97 p. 561 Jam e s....................................... 147

23-26 ................................................ 6
A pulée

A l b in u s de Plat. 1 ,1 1 .......................................... 162 s.

Didaskalikos (ed. Hermann) A e l . A r is t id e (ed. Keil)


16.............................................................. 6 Discours Sacrés, passim................... 131 s.
2 5 .............................................. 6 ss., 2 8 ,3 3 X X X I I , 34........................................... 138
25 (178. 29)........................................... 7, 1 X L I I I .1 5 .............................................. 160
ap. Jam b l. it. ? . 3 7 5 ,1 0 . 77 s. ; 78,1 ; 79 ;
210, 3 A r is t o t e

deanima, I I I , 1, 425 a 3 ................... 128


A l e x a n d r e d ’A p r r o d i s i
de sensu, 2, 438 b l ............................ 128 s.
ui met. 3 8 ,1 6 Hayduck................... 13, 1 Eth. Nie., I, 7 ,1 0 9 7 a 23 ................ 98
X , 7, 1177 b 3 2 ................ 112
Anthologia Palatina Politique, V II, 11,1336 b 37........... 13, 1
V II , 12.5................................................ 133 P s. A r i s t o t e
31.5................................................ 133
241.11........................................... 139, 3 de mundo, 6 , 398 a 1 ........................ 162
407.9............................................. 139, 3 7, 4 0 1 a 12 ...................... 161
460.4............................................. 139, 3
A rn obe
613.6.............................................. 133
659.3 ....................................... 139, 3 ado. not. (ed. Reifferscheid, CSEL, 1875)
673.3 ........................................ 139, 31 I I I (analjrse)...................................... 51 s.

1. Cet Index ne vise pas à être complet, et il ne porte, sauf rare exception, que
sur le corps même du livre, sans les Appendices. Passim après le titre de l’ouvrage
signifie que de nombreux passages sent signalés (non transcrits) au lieu indiqué de mon
livre. Quand la référence comporte page e t ligne, je n’indique que la première ligne,
om ettant les abréviations usuelles s. ou ss.
307
308 TA BLES

50 62.15....................................................... 146
50 71.1......................................................... 146
51 71.3......................................................... 141
2 5 ............................ 58 Secrets d’Hinoch (ed. Forbes-Char-
................................. 59, 1 le s).
................................. 75 s. p a s s im ...................................
................................ 63 s. 2 2 .8 -1 0 .................................
4 3 ......................... 64 2 2 - 2 3 ......................................
45 g....................... 64
H e r r a r P a st o r
4 7 ............................ 76
6 2 ............................ 59, 1 Sim ilitud ines ted . G e b h a rd t-H a r-
n a ck ).
A thanasb V I I I , 2 . 3 .............................. .................... 148
I X , 1 0 -1 3 ............................. .................... 14 2 s.
V. Antonii 6 0 ............................................ 143
1 0 .6 ....................... .................... 151
A u g u s t in 1 1 , 2 .............................. .................... 151
1 1 . 5 ..............................
in Jo., 4 5 , 2 - 3 ........................................... 99 S.
1 3 .1 -2 ........................... .................... 14 8

C else 1 3 .2 . . a .................. . . . 137; 1 6 3 ,5


2 4 . 4 ..............................
ap. Orig. c. Cels., V II I, 4 9 .......... . . . 29,
5 3 .......... H e a lth s T r is m é c is t e 1

C icéron C. U ., I , 6 ( 9 . 6 ) ...............
9 ( 9 . 1 7 ) ..............
Somn. Scip., 1 3 .............................. 1 0 ( 1 0 .3 ) ........... ..................... 4 7 ,5
1 5 ............................... . . 27 11 ( 1 0 . 9 , 1 2 ) . .
1 7 .............................. 1 2 ....................... 1 5 s ., 3 4 , 8 6 s.
26 (fin).................. 31 1 2 ( 1 0 .1 5 ) .........
Tuse. Disp., 1 , 7 2 .................................... 3 3 ,1 1 2 ( 1 0 .1 8 ) ......... ..................... 88
1 3 - 1 9 ...............
CORRUTUS
1 3 ....................... ..................... 87
Theol. Gr., 9 .......................................... 161 13 ( 1 0 . 1 9 ) . . .
13 ( 1 0 . 2 0 ) . . . . . . . 8 6 ,2 ; 8 7 -8 9
D io c ín b L aerce 13 (1 0 .2 1 ) .........
V II , 1 4 7 ...................................................... 16 1 1 4 .......................
1 5 ....................... .................... 10 2
Excerpta ex Theoiota 1 8 -2 6 ...............
18 ( 1 3 . 7 ) . . . .
1 , 1 - 2 ............................................................. 14 8
2 0 ( 1 3 .2 3 )........
F i r m ic u s M a t e r n u s 2 1 -2 5 .............
2 2 ....................... . . Ill s ., 1 1 6
d e a r . pr. reL, 1 9 , 1 ............................... 155, 1
2 2 ( 1 4 .1 5 )...,
22 ( 1 4 . 2 0 ) . . .
H éc a té e d ’A b d í r e
2 3 ......................
a p . Diod. Sic ., I I , 4 7 , 2 ....................... 1 35 2 4 -2 6 .............
2 4 .......................
H énoch
2 4 (1 5 .9 ) .........
L ie n d’Hénoch (ed. R .-H . Char­ 2 4 ( 1 5 .1 1 ) ....
les). 2 4 ( 1 5 .1 2 ) ..
p a ssim ................................................... 135 1 2 5 ....................

1. C. H . e t Ascl. renvoient à l’édition Bndé. S t. H. désigne les extraits hermétiques


de Stobée, à paraître dans les t. I I I et IV de l ’éd. Budé.
TABLES 309

2 6 .. 19 s., 107, 123, 130-152 2 0 ..................................... 112


2 6 (1 6 .4 )............................... 131 21 ........................... 110 , 111
2 6 (1 6 .5 )..................... 1 1 6 ,1 3 1 ! X I I , 1 ....................................... 36
26 (1 6 .6 ).. 132,2; 133-137 4 ....................................... 117 s.
26 (1 6 .6 -7 )................. 137-144 8 ....................................... 35
26 (1 6 .7 -8 )................. 144-152 8 (1 7 5 .8 )......................... 116
26 (1 6 .8 -1 1 ).............. 149-152 X I I I , 1 ..................................... 114
26 (1 6 .8 -9 ).......................... 149 2 ( 2 0 0 .1 7 ).... 34; 1 6 8 ,6
26 (16.9).............................. 136, 2 (201.5). 34, 1; 1 54,156
26 (16.9 -1 0 )....................... 150 3 ............................... 34
26 (16.1 0 -1 1 )..................... 151 3 (201.15).................... 170, 5
26 (1 6 .1 1 )............................. 152 & 6(2 0 3 .1 )...................... 114
2 6 (1 6 .1 4 )............................ 109 7 .......... 105
27-29 ....................... 7 (203.4).. 154 , 169-174
2 7 .............................. 7 (203.17)... ... 154
27 (16.16)................. 8 (203.19)___ ... 154 s.
27 (16.17)................. 8 (2 0 3 .2 1 )... ... 1 5 5 ,1
27 (16.18)................ 8 (204.4)____
2 8 .............................. 106, 107 s. 8 - 9 ................ . . . 155 s.
2 9 (1 7 .4 )................... .......... 107, 4 9 (2 0 4 .1 5 ).... ... 156, 5
30 (17.17-18)......... .......... 167 s. 10 (205.2).. 156, 157
30 ( 1 7 .1 8 ).............. 11 (2 0 5 .3 )... 157 et n. 1
31 (18.1-2).............. .......... 153 1 3 ..................
31 (18 .3 )................... .......... 106, 4 1 4 ................... 34, 105
3 2 .............................. 14 (206.9)... ... 156
32 (1 9 .4 ).. 107,2 ; 114, 167 14 (206.15).. ... 156
32 (19.5).................. 1 5 .................... 34,115
3 2 (1 9 .6 )................... .......... 1 1 2 15 (206.16).., ... 154
[, 16............................. .......... 105 15 (2 0 7 .3 )..., ... 157
[I, 3 ............................. 1 7 .................... ... 123
3 (45 .3 )................ .......... 153 1 8 ....................
3 (45.10).............. 2 1 ..................
/, 2 ............................. 21 (2 0 9 .3 )... ... 166 s.
4 . . 35,1 0 7 e tn . 3 ,1 0 8 ,1 1 0 X IV , 4 ...................... ... 1 5 9 ,1
4 (50.12).............. .......... 1 1 2 8 .................... ... 106, 1
4 (50.14).............. X V I, 3 ...................... ... 160
5 ............................. AscUpius, 7 ................ 36 et n. 3, 63
9............................. 8 .. 36, 74, 75 s.; 1 5 9 ,2
>>

' , 1 0 ............................ 1 0 ....................... . 36, 74


I, 5 , 6 ......................... 1 1 ......................
II, 1 ............................ 1 4 ...................... ... 85
2 ............................ 107 et n. 1 1 9 ...................... ... 162
X , 1 0 ......................... 1 1 1 , 1 1 2 s. 2 6 ...................... ... 1 5 9 ,2
[, p a ssim .................. .......... 35, 3 2 8 ....................... 121, 151
2 ............................... 2 9 ....................... 106, 122
7 ............. 122 34 ....................................... 159, 2
8 ...................................... 105 4 1 ....................................... 106
15 ................................... 106 Stob. Herrn., II , A, 9 ....................... 155
16 ................................... 144 ! 1 5 ..................... 155
18......................................... 145 II , B, 4 ....................... 1 0 6 ,2
2 1 ..................... 105, 117, 145 X I , 2 (1 8 -1 9 )............ 104
21-23................................... 117 2 (2 1 ) ................... 106
X I, 1 ................................... 112 104
on o . m XV
310 TA BLES

XV, 6. 7, 3 J AMBLIQUE
X V I.............................. 8 de myet. (P a rth e y )
X X I I I ( Kori Koemou).
I, 5 ................................................ 49; 145, 3
Analyse.................................................. 37 ss
1 2 ....................................................... 173 s.
2 2 -2 4 ........................................................ 83
I I , 7.......................................................... 145, 3
34 -3 5 ........................................................ 63
V II I, 2 ................................................... 49, 2
4 4-46............. 84
6 ................................................. 49
Herrn, ap. J . Lyd. de mena., 167.17
7 ................................................. 50
W u en sch .......................................... 151
(ap. Stob., vol. I Wachsmuth)
H ip p o l y t s (ed. P . Wendland) p la n ............................................................. 9 s.
Ref. o. haer., I, 21, 3 .......................... 7 ,1 an aly se.............................................. 10-14
V I, 2 9 ,1 ....................... 25, 2 traduction ................................... 177-264
3 1 , 8 ..................... 137 365.9 W ...................................................... 46 s.
3 75.5 ...................................................... 69
H y p è r id e 378.19......................................................... 70
Épitaph., 3 5 -3 9 ................................... 137 378.21......................................................... 71
379.8............................................................ 76
I nscriptions 380.6 ...................................................... 71
Corot, epigr. (Buecheler) 380.10 ............................................ 7 8 ,7 9 s.
« 3 . 3 ........................................................ 138
9 7 5 .4 .................................................. 140, 2 de e. pyth. (Deubner)
1 1 09.16 ............................................. 140, 2 17, 72(41.12 D .).................................... 110
1 1 09.27................................................... 139
1109.31 ............................................. 140, 2 F l . JosipH E
1 109.34................................................... 133
Bell. Jud., I l , 8 , 7 ,1 3 8 ........................ 110
1 109.43................................................... 140, 2
116 5 .1..................................................... 138 J u l ie n
1233.17 ............................................. 139
1530 B ........................................ 133; 139, 3 IV (ad Soiem), 142 C-144 C ............ 159
143 B ................................................... 158
Corot, lot. epigr. (EngstrOm) 148 D-149 A ...................................... 160 s.
« 3 - 1 2 ..................................................... 1 3 9 ,1
J u s t in
2 « *-2 ........................................................ 1 4 0 ,2
Dial. c. Tryph., IV , 2 .......................... 168
Dittenberger, S yll.·
7 4 1 1 1 ,1 1 ............................................... 1 5 1 ,1 J u v în a l
* 8 5 .2 5 ..................................................... « O s.
1109.31 ............................................. no I I , 149 ss................................................... 138

Epitaphe de Terentius (ci. 133, l) L ib a n iu s


7 -8 ............................................ 139, 1 ; 140 X V II I, 18.............................................. 14, 1
Heeperia, X , 61 ss., n° 3 1 ................ 151, 1
L u c ie n
K aibel (E p. e l. coli ).
2 4 3 .5 ................................................. 1 3 9 ,3 A nackarsis, 2 0 ........................................ 100,2
2 8 8 .2 ........................................................ 133 Ver. Hist., I I , 5 ...................................... 13 5
3 1 2 -4 ,8 ................................................... 1 3 9 ,3
J ean L ydus
314............................................................ 140, 2
652.2-3 .................................................. 139, 3 de mens. (Wuensch)
6 5 4 .5 ................................................. 139, 3 90.24 . . . . ................................... 1 2 1 ,1 2 7
SEG, V II I, 474.2................................ 1 4 0 ,2 167.17......... . ' . ....................................... 151

I r în £ e M acrobe
adv. haer. (H a rv ey )
Sat., I, 18, 18. 159
I, 2, 6. 137 18, 2 0 . 160
TABLES 311

Martyrium Perpetuar 2 8 ....................................................... 58


10,1.......................................................... 148 5 4 .............................................. 134 et n. 5
11, 3 s s ..................................................... 14 3
Oracula Sibylline
1 2 ,1 -2 ............................................ 137,148
I, 171 s.................................................. 109
M a x i m e DS T v r
O r ig ín e
X IV , 8 (D uebner)............................. 162
in Jo., V I, 4, 8 5 ................................... 1 4 ,1
M în a n d r e le R h éteu r
Papyri Graecae Magicae
[II, 421.16 Spengel............................ 138
IV , 475 ss...................... .. 169-174
N o uveau T es ta m en t 537 s................................................ 171 ss.
709 s................................................ 172, 3
Math., 22.11 s....................................... 147
V II I, 2 .................................................. 169
Le., 9, 29 s.............................................. 147
Joh. 3, 1 3 .................................................. 33 Paesio Mariant
8 ,3 0 .4 8 ...................... ................ 108
6 , 9.................... ...................................... 150
10 , 1 ss................
6 ,1 0 ......................................................... 143
12, 36 ss....................
Act. Ap., 14, 11 ss........... ................. 150
P h il o n
1 7 ,3 2 ................
2 Cor., 5 ,1 ss...................... Decal., 67 .............................................. 165
Hebr., 1 1 , 1 .......................
P h il o s t r a t e
Apoc., passim ..................
Her., I, 12 ............................................ 140
N u m é n i u s (ed. Leemans) V. A p .T ., V II I, 3 0 .................... 134
tr. 1 .......................................................... 5 0 ,3
P la to n
11 ..................................... 45, 2 ; 54 s.
20 .......................................... 54, 91 Apol., 40 e - 4 1 c ................................... 137
21 ................................................. 55 Epin., 984 0 5..................................... 122
22 .......................................... 4 4 ; 57, 1 P b ii., 107 d 5 ..................................... 126
23 .............. 45 e t n. 3, 46, 56 Phidre, 246 a ss.................................. 78 s.
24 ................................................. 56 flip ., V I, 508 b 1 ................................. 128
25 - 43, 4 ; 4 7 ; 55 s.; 96, 3 X , 617 e 4 ................................... 82
26 ................................................. 55 Tim., 39 e 3 ..................................... 73
2 8 ....................................................... 45 41b 7 ..................................... 73
3 1 ....................................................... 42 92 c 6 ..................................... 73
test. 24-25 ............................................ 54 s
25 ................................................. 43 P l in e

3 0 ................................................ 43, 45 JV. jy ., II, 26, 9 5 ................................. 27, 2


3 3 ....................................................... 46 s.
3 5 ,3 6 ................................................ 45 P l o t in
4 2 ....................................................... 91 Enn., II , 9 ..................................... 59-61
9 ,4 .7 ................................... 94
Oracula Chaldalca (W. Kroll)
9 .4 .1 9 ........................... 8 1 ,1
P -11 K r................................................ 54 9 .1 0 .1 9 ........................ 92
12 ................................................. 54 9 ,1 1 .2 1 .............................. 88
13 ................................................. 55 9 .1 6 .1 7 ........................ 6 4 ,2
14 ................................................. 55 IV , 3 ,1 2 .1 ................................ 92
1 6 ....................................................... 55 3 ,1 3 .9 ................................ 93
3 3 ................................................ 56 et n. 3 3 .1 3 .1 8 ........................ 93
26 ................................................. 57 3 ,1 3 .2 8 .............................. 93
27 ................................................. 57 7............................. 30 s.
312 TABLES

7 .1 2 .1 1 ........................ 31 I S e r v io s
8. 1 . 1 ............................. 65 in Aen. (Thilo), V I, 127 ................... 123
8 .1 .1 1 ........................ 71 439 ................... 122 8.
8 .1 .2 7 .......................... 72 8. 7 1 4 ................... 132
8 ,1 .3 7 ................................. 77 743 ................... 126 8.
8 , 1 .4 7 ..................... 74, 1 ; 76
8 .2 ................................. 49, 3 S e x t u s E m p i r ic u s
8. 2 .1 ............................ 66
8 , 2 .6 ................................... 6 6 ,3 ado. math., I X , 3 3 .............................. 1 6 1 ,1
8 . 5 .2 ............................ 77
St ace
8 , 5 .8 ................................... 93
8 ,5 .1 6 ................................. 70,95 Silo., I I , 1, 200 ss.................................. 138
8 .5 .2 7 .......................... 96 7 ,1 1 4 s.................................... 138
8 .7 .1 2 .......................... 8 1 ,1 V , 1 ,2 5 3 s s . . . , .......................... 138
V , 1 , 1 .1 ..................................... 94 3, 24 ss..................................... 133 8.
3, 284 ss................................... 138
P lu ta r q u e
T aurus
dedej. or., 10, 415 B /C....................... 122
ap. Stob ., IV , 1089 H ense.............. 149 ap. Jam bl. i t . f 3 7 8 . 2 5 .. .. 73, 76, 77

T e r t u l iie n
PoEPHYRE
de an. (Waszmk)
de abet., I I , 4 7 ................................... 7, 3
4 8 .......................................... 7 ,3 p l a n ........................................................ 3
2 . 3 ............................................................ 1. 3
ad Mare., 3 3 ......................................... 131
it. Taupov (trad .)......................... 265-301 9 . 2 ................................................................ 29
X , 2 ................................................................ 9 ,3 1 4 .1 ...................................... 29
X I I I , 7 ................................................... 7 ,3 1 5 .5 .................................. L3
X IV , 4 ..................................................... 7, 3 2 3 ................................................................. » 9
2 3 .1 ................ 3 s., 33, 67
de regr. a n ., 8 .............................. 4 7 ; 5 8 ,1
2 3 .5 ................................... 4,67
1 0 .................................... 47
11, l e t 4 ........................ 80s. 2 3 .6 .................................. 67 s.
11, 5 ................................ 81 2 8 .1 .................................. 1, 3
3 3 .2 .................................. 1, 3
V. Plot., 16................................................ 5 9 ,3
Porph.ap. Jam b l. it.*}/. 4 5 7 . 1 9 .. .. 82 37-53 ....................................................... 97
3 7 .5 -7 ..................................................... 7, 2
38 ........................... 13 s., 100 8 .
P r o c lu s
39 .................................. 101
£1. Theol. (Dodds), 110 ................ 145, 3 40 .................................. 10 1 8.
2 0 9 ......... 131, 132 4 0 .2 ......................... .. ■■· 1°3
in Crat., 102.15 Pasq......................... 158, 2 4 0 .3 .................................. 102
in Etui., 261.4 Fried!............................ 1 5 8 ,2 4 1 .............................................................. 102
in remp., I I , 91.21 Kroll.................. 7, 1 5 1 .1 .................................. 39
1 1 4 .1 0 ........................... 163 5 3 .2 .................................. 30
1 1 4 .2 0 ........................... 149 s. 5 4 .1 .......................................................... 119
in Pint., I l l , 234.6 D iehl................. 127
V areon
P rudence
de 1.1-, V, 5 9 ........................................ 27
Peristepk., 5, 373 s.............................. 144
14,91 ss............................. 144 VlRGILE

Aen., V I, 430 .................................... 122


S E N iq u R 439 ..................................... 12 2 s.

Cons, ad Marc., 25, 2 ......................... 137 s. 657 ..................................... 133


TABLES 313
724-751 121-123 743-747............................... 122
735-743............................... 121 748-751.............................. 122
743 ......................... 121, 126 886 s.................................... 121
743 a.................................... 121

I ndex V erborum
άγιος λόγος........................................... 95, 1 ¿ιεισιεαν, άνααχχν, ίλχειν................. 169 SS.
«νάλυαις, λιίαις(τ. »ιάματος)............ 125, 1 δΐιοι (οί)................................................ 106, 4
άνόητος.................................................. 117, 4 θρόνοι (célestes)................................. 48, 3
άντίλτ,ψις.............................................. 60, 2 χχρδία ( = ψυχή)............................... 107, 1
άποχλείω (etgén.).............................. 116, 1 χαταφλυαρεΐν....................................... 107, 4
Αυθεντία................................................ 167, 4 χήρυξ, χήρυγμχ................. 107, 3; 109, 1
βαιετίζεοβαι (et gén.) ...................... 108, 1 χόσμοι (astres).................................... 55, 5
βλειεειν ( = όρχν)............................... 91, 4 xopuçoûv, χορυψοΰσθαι................... 158, 2
γυμνός, γυμνωθείς............................. 131, 4 λαμβάνειν (concevoir).......... 168, 3, 4, 5
δίχη (châtim ent)................................ 145, 2 νοερός ( = νοητός)............................... 40, 3
δυνάμεις (juives)................................ 164, 1 όντες (ο'ι).................................. .·____ 132, 2
δυνάμεις (personnifiées)................... 163, 5 ιερολήμματα......................................... 116, 2
εις ( = tv).............................................. 14g, 3 αιεεΰδειν ( properarr) ........................ 120, 1
έχχόχτειν.............................................. 116, 3 τά ξις....................................................... 87, 1
iv αιγή................................................... 168, 6 Ολη ( = χαχόν)......................X V I, 4 ; 43, 3
èv τ ά ξ ε ι................................................. 151, 1 ΰχηρια'.χ (des démons).................... 145, 3
εν τψ π α τρ !.......................................... 86, 2 χλευάζειν.................................... 108 e t Add.
ίξυφαιρεϊν............................................ 116, 5 ψόχωαις.................................................. 58, 5

Index Général1

A m e , A m es. — «UTiOwv........................................... 42, 4


— veut être connu........................... 106, 4
Affinité de 1’— et du corps............. 7 ,3
Essence, pouvoir, opération en — . 159, 1
— avec les dieux....................... 1 3 9 ,3
Vouloir et pouvoir en — .................. 1 5 9 ,2
— d ieu......................................... 140, 2
Second— . . ; ....................................... 4 3 ,3
— humaines au c iel................ 49, 3
Troisième — (monde)........................... 43,4
Cadre des traités de 1’— ___ 14, 1 ; 30, 2
Curiosité insolente de 1’— .............. 8 3 ,2 ,3
H e r m é t is m e .
Deux — en l’homme......................... 4 5 ,1
Motifs de l’incarnation de 1’— ----- 72, 1 A lb in u se tl’— ..................................... 1 ,3
Nombre d es— .................................... 7 ,1 Anthrâpos bien-aimé dans T— ___ 8 9 ,2
Retour de 1’— à D ieu....................... 47, 6 Conceptions vulgaires dans 1’—
Vie humaine épreuve de 1’— ......... 81, 1 (K. K .).................................... 48,2
Courants spirituels dans 1’— 36, 3; 37, 1
D ie u . Fluide magique dans 1’— ................ 173, 1
— nem othète....................................... 4 4 ,3 Foi et Connaissance dans 1’— ------- 113,2
— 6 i v ..................................................... 44, 2 Foi e t Témoignage dans 1’— .......... 1 1 4 ,2

1. L a Table des Matières étan t détaillée et, je l’espère, claire, je n’ai signalé ici qu’un
petit nombre de thèmes, principalement parmi ceux qui ont été traités dans les notes.
Comme dans les autres Index, il n’a pas été tenu compte des Appendices.
314 TABLES
Influence juive su ri’— ..................... 1 4 0 ,4 Gnostiques de Plotin........... 59, 3; 50, 1
Robe de feu dans 1’— .......................... 144,5 Oracles Chaldaiquee et Numé-
n iu s ............................................... 53-56
P la to n Sources et date de Numénius......... 4 2 ,1

— cause des hérésies............................. 25,2


— et Pythagore...................................... 50,3 R e l ig io n

P l a t o n is m e Croyances dans les épitaphes . . . 139, 1


Makarismos du nouvel in itié......... 1 5 5 ,1
Connaissance du — ................ 29, 3 ; 65, 6
Renouveau du — ................................. 27, 2
T h è m e s s c o l a ir e s
P r o b lèm es l it t é r a ir e s
Age de raison___ 13, 1; 100, 2 et A id.
Authenticité du de mysteriis......... 48, 2 Petitesse de la terre............ 136, 3; 171,3

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