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Conduite du bilan

neuropsychologique
chez l'enfant

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Chez le même éditeur

Du même auteur :
L'enfant dyspraxique et les apprentissages, par M. Mazeau, C. Le Lostec, S. Lirondière. 3e édition.
2016, 232 pages.
Dyspraxie et troubles non-verbaux - Faire avec la complexité : études de cas, par B. Gaie, C. Le Lostec,
M. Mazeau, A. Pouhet, A.-M. Toninato. 2014, 232 pages.
Le syndrome dys-exécutif chez l'enfant et l'adolescent - Répercussion scolaires et
comportementales, par A.-C. Moret, M. Mazeau. 2013, 264 pages.
Neuropsychologie et troubles des apprentissages, par M. Mazeau. 2005, 320 pages.

Autres ouvrages :
Neuropsychologie, par R. Gil. Collection Abrégés de Médecine. 2014, 562 pages.
Rééduquer dyscalculie et dyspraxie. Méthode pratique pour l'enseignement des mathématiques,
par A. Crouail. Collection Orthophonie, 2009, 184 pages.
Pratique de l'EEG. Bases neurophysiologiques, principes d'interprétation et de prescription,
par J. Vion-Dury et F. Blanquet. Collection Abrégés de Médecine. 2008, 224 pages.
Neurologie, par J. Cambier, M. Masson, H. Dehen. Collection Abrégés de médecine. 11e édition,
2004, 576 pages.
Atlas interactif de neuroanatomie clinique - Atlas photographique + Compléments interactifs,
par L. Thines, F. Lemarchand. 2016, 168 pages.
Handicap mental : approche transdisciplinaire – somatique, psychiatrique, psychopédagogique,
par Claude-André Dessibourg. 2009, 232 pages.
Comprendre la paralysie cérébrale et les troubles associés - Evaluations et traitements, par
D. Truscelli (dir). 2e édition, 2017, 496 pages.
Les nerfs crâniens, par D. Doyon, K. Marsot-Dupuch, J.-P. et al. Francke. 2e édition, 2006,
304 pages.
La sclérose en plaques - Clinique et thérapeutique, par G. Defer, B. Bréchet, J. Sèze, C. Lebrun-
Frenay, H. Zéphir. A paraître, 224 pages.
La maladie de Parkinson, par K. Dujardin, L. Defebvre. 3e édition, 2015, 240 pages.

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Conduite du bilan
neuropsychologique
chez l'enfant
3e édition

Hervé Glasel et Michèle Mazeau

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l'œuvre dans laquelle elles sont incorporées (art. L. 122-4, L. 122-5 et L. 335-2 du Code de la propriété intellectuelle).

© 2017, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés


ISBN : 978-2-294-73170-9
e-ISBN : 978-2-294-73480-9

Elsevier Masson SAS, 65, rue Camille-Desmoulins, 92442 Issy-les-Moulineaux cedex


www.elsevier-masson.fr

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Avant-propos

Les contes de fées sont plus que vrais.


Non parce qu'ils nous enseignent que les dragons existent, mais parce qu'ils nous
disent qu'on peut vaincre les dragons.
Chesterton

Conduire un examen en neuropsychologie hypothèses plausibles et les tester, éliminer les


infantile, c'est se proposer de résoudre un fausses pistes, pour enfin répondre clairement
problème présenté sous une forme obscure et à la question : quel est le coupable (diagnostic) ?
trompeuse, plein de chausse-trappes et d'im- Comment agit-il (mécanisme reliant diagnostic
passes, mais dont la solution est essentielle pour et symptômes, processus déficitaires ou déviants
l'enfant, pour lui permettre de se construire, de incriminés) ?
grandir et d'envisager l'avenir en étant un peu Pour résoudre l'énigme de ces troubles
mieux armé. cachés aux effets pervers, il faudra suivre
Le problème (le dragon qu'il faut apprendre quatre étapes.
à connaître et à apprivoiser, à défaut de pouvoir
le vaincre), c'est le symptôme : échec scolaire
imprévu, troubles incompréhensibles dans certains Authentifier le problème
secteurs des acquisitions intellectuelles, capacités-
Cette première étape consiste, par le recours à
incapacités surprenantes, conduites apparemment
des données normatives, à situer à la fois la réa-
inexplicables, c'est-à-dire irruption, au sein des
lité et l'ampleur du problème ; c'est l'étape où l'on
apprentissages, de l'inattendu, de l'étrange et du
s'assure que les plaintes recouvrent une pathologie
déconcertant.
avérée (et non un simple décalage, banal et nor-
En effet, contrairement aux troubles neu-
mal, un niveau de performance seulement un peu
romoteurs ou aux handicaps sensoriels, les
« limite », des exigences injustifiées de la part de
troubles neuropsychologiques sont cachés, invi-
l'entourage, etc.).
sibles, ne se révélant que par des manifestations
indirectes souvent déroutantes, auxquelles il
s'agira de donner une explication, une significa- Poser les bonnes questions
tion. C'est pourquoi les repérer et les identifier
est souvent une gageure, qui réclame ténacité, Cette étape est nécessaire pour recueillir indices
expérience et méthode. et informations pertinents. Elle suppose une
Il s'agit de mener une véritable enquête, à bonne connaissance du cadre théorique et de
l'instar d'une enquête policière : la victime, c'est l'architecture cognitive (figure 1) dans lesquels
toujours l'enfant, dont les déboires atteignent peuvent s'inscrire les différents signes cliniques
immanquablement ses parents ; ce sont donc qui font l'objet de la plainte : les différentes
naturellement les enfants, les parents (quelquefois hypothèses (et donc l'architecture du bilan)
les enseignants), qui portent plainte. Dès lors, il sont construites en référence aux connaissances
faudra savoir poser les « bonnes » questions, repé- actuelles concernant les différents processus
rer les indices utiles et négliger les distracteurs, cognitifs en cause dans différentes opérations
démêler ce qui est de l'ordre de la spéculation mentales et les aspects développementaux de
ou de la preuve, débusquer les suspects, faire des ces processus.

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Avant-propos

Efficience globale
Attention
Fonctions exécutives

Fonctions sensorimotrices, praxies

Langage

Sens des nombres

Cognition sociale Processus


mnésiques

Figure 1. L'architecture du fonctionnement cérébral et du bilan neuropsychologique.

Interpréter correctement Tirer les conséquences


les réponses des interprétations
Les chiffres, ou tout résultat « objectif » obtenu Enfin, il faudra tirer les conséquences en termes
à l'issue de telle ou telle épreuve, ne constituent de pronostic, de propositions thérapeutiques, de
jamais en eux-mêmes un diagnostic, ils sont l'un rééducations, de suppléances, d'aides techniques,
des éléments à partir desquels on pourra ensuite d'adaptations (de la pédagogie, de l'entourage, de
mener une étude qualitative : examen comparatif l'environnement, des exigences, etc.). Il semble
des réussites et échecs (dissociations), analyse de évident que les suggestions thérapeutiques ne
la signification des erreurs, étude des stratégies peuvent que succéder à la phase diagnostique,
spontanées permettant des réussites atypiques, préalable évidemment indispensable pour faire
recherche des aides à apporter pour accéder au des propositions motivées et efficaces.
succès, etc. Ces éléments qualitatifs, qui ren- Pourtant, en pratique quotidienne, il est fré-
seignent sur la dynamique du fonctionnement quent de constater que des orientations ou des
mental de l'enfant, sur les mécanismes en œuvre prises en charge de tous ordres (rééducations
derrière la performance, sont les clés du diagnostic diverses, psychothérapies) sont proposées alors
neuropsychologique. qu'aucun diagnostic précis n'a jamais été posé.

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Avant-propos

« développementaux », soit indirectement à leurs


conséquences délétères (troubles spécifiques des
Exemple apprentissages, retards scolaires inexpliqués, etc.),
Il est fréquent de constater que l'on doivent en effet disposer d'un outil puissant et
propose des séances de rééducation du fiable pour analyser ces troubles, en comprendre
graphisme à un enfant qui écrit mal ou les mécanismes et ainsi proposer des actions thé-
des séances de lecture à un enfant qui rapeutiques véritablement motivées et efficientes.
lit mal, sans qu'il paraisse véritablement Pour ce faire, nous déclinerons les grands cha-
utile d'investiguer la dysgraphie du pre- pitres de la neuropsychologie, qui contraignent le
mier ni la difficulté lexique du second. Or, bilan (figure 1) :
une dysgraphie peut, a priori, procéder • l'examen des compétences linguistiques, et le
de mécanismes aussi différents qu'une diagnostic de dysphasie (chap. 3) ;
dyspraxie, un trouble des fonctions exécu- • puis celui des fonctions praxiques (chap. 4) et
tives ou une agnosie visuelle. De même,
neurovisuelles (chap. 5) ;
les difficultés d'accès à la lecture peuvent
• l'investigation des différentes mémoires
aussi bien traduire une agnosie visuelle,
que refléter un trouble des compétences
(chap. 6). Les intersections entre les secteurs
linguistiques, ou encore un trouble de « langage » et « mémoires », très importantes,
l'organisation du regard ou un déficit en souvent même centrales dans le questionne-
« mémoire de travail ». Bien sûr, chacun ment diagnostique, seront traitées au fil de
de ces cas relève d'une prise en charge chacun de ces deux chapitres, au fur à mesure
très différente, qui doit être bien ciblée et que ces recouvrements suscitent de légitimes
spécifique. interrogations ;
Comprendre « pourquoi et comment » cet • enfin, nous traiterons de l'évaluation des fonc-
enfant-là écrit mal ou lit mal est donc un tions attentionnelles et exécutives (chap. 7) qui
indispensable préalable à toute proposi- présentent la particularité d'être à la fois un
tion thérapeutique. secteur spécifique de pathologie et un domaine
transversal, dont les anomalies peuvent diffuser
dans tous les autres secteurs de la cognition.
Mais la conduite de ces bilans est délicate et Possédant alors les éléments pour conduire
complexe, et ne peut se résumer ni à un listing l'examen dans chacun de ces grands domaines,
d'épreuves bien choisies, ni à quelques recettes nous terminerons en proposant une méthodo-
bien tournées. Au contraire, devant chaque logie rigoureuse pour répondre à la question
enfant, il faut pouvoir construire l'évaluation qui de la conduite du bilan face à des anomalies
va répondre aux interrogations particulières que d'accès au langage écrit ou au calcul (chap. 8)
soulève cet enfant-là. lorsque le trouble des apprentissages didactiques
Cependant, cette construction répond à des occupe le devant de la scène et que la plainte sco-
règles générales, les grandes lignes peuvent en être laire est le motif de la consultation.
tracées, le chemin peut être balisé pour éviter les Chacun de ces différents chapitres peut se lire
errements et les impasses : la pratique de l'examen dans l'ordre ou dans le désordre.
neuropsychologique est une démarche que chacun Cette 3e édition doit beaucoup aux nombreuses
peut acquérir et que nous nous proposons d'expli- discussions partagées avec passion et plaisir, au fil
citer ici (chap 1 et 2). des ans, avec les collègues du CERENE1.
Les différents professionnels de l'enfance
confrontés, soit directement aux séquelles de 1
CERENE : Centre de Référence pour l'Évaluation
lésions cérébrales précoces ou aux manifesta- Neuropsychologique de l'Enfant (www.cerene-edu-
tions de dysfonctionnements cognitifs dits alors cation.fr).

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Abréviations

CAMSP centre d'action médicosociale précoce ; IRP indice de raisonnement perceptif


structure assurant le suivi et la prise en IRV indice de raisonnement verbal
charge des enfants de 0 à 6 ans IVT indice de vitesse de traitement
CLIS classe d'intégration scolaire. Classes LT long terme
spécialisées, à petit effectif, pour MCT mémoire à court terme
enfants porteurs d'un handicap MT mémoire de travail
(auditif, visuel, mental, moteur) NS note standard
ne permettant pas une intégration PEV potentiels évoqués visuels
dans une classe standard SLC séquence lettres-chiffres
CT court terme St standard
DS déviation standard TAC trouble d'acquisition de la coordination
ERG électrorétinogramme TDAH trouble de l'attention avec hyperactivité
ET écart-type Tea-Ch Test of Everyday Attention-Children
ICV indice de compréhension verbale TED trouble envahissant du développement
IDC identification de concepts TOP trouble oppositionnel avec provocation
IMT indice de mémoire de travail VPS visuo-practo-spatiale

Les noms de batteries et de tests sont indiqués dans l'ouvrage de la manière suivante :
• batteries : en lettres capitales ;
• tests : en lettres bas de casse et en italique.

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Les outils Chapitre 1
du neuropsychologue

Les familles de tests normées. Elles sont parfois proposées isolément


(tests monotâches) visant des compétences spéci-
neuropsychologiques1 fiques, par exemple les capacités visuoconstruc-
tives (Figure de Rey), le raisonnement par analogie
Le bilan neuropsychologique ayant pour but (SPM), la compréhension passive du vocabulaire
d'analyser le fonctionnement cognitif de l'enfant, (EVIP), l'accès au réseau sémantique (Expressive
il s'agit de mettre à l'épreuve chez le sujet les dif- One Word)…
férentes formes de traitement de l'information. Le plus souvent, cependant, elles sont réu-
Pour ce faire, il faut lui proposer des tâches à réa- nies au sein de batteries composites, c'est-à-dire
liser ce qui permettra de juger de ses capacités : un ensemble de subtests individuels, censés
• à prendre en compte et traiter efficacement permettre l'approfondissement des différentes
l'information proposée ; dimensions d'une même fonction selon la sphère
• à mettre en œuvre les processus cognitifs per- cognitive étudiée : systèmes de mémoire (CMS),
mettant de réaliser la tâche demandée ; systèmes attentionnels (Tea-Ch), fonctions exé-
• à préparer, organiser et donner sa ou ses cutives (D-Kefs) ou le traitement spécifique visé :
réponses, au sens large. visuoconstructif (Beery-VMI, DTVP2), mémoire
Si les observations qualitatives sont précieuses, auditivoverbale (CVLT), lecture (Odédys).
cette approche est fondamentalement analytique : Certaines batteries enfin ont une ambition
elle s'appuie sur des données d'observation objec- globale et visent l'analyse de l'ensemble des phé-
tives, basées sur l'utilisation d'outils étalonnés. nomènes cognitifs. Ces batteries composites pré-
Ces outils sont des tests, c'est-à-dire des sentent un avantage certain : elles se veulent une
épreuves mobilisant les compétences cognitives analyse étendue et systématique des compétences
de l'enfant. Elles lui sont proposées le plus souvent de l'enfant. Elles offrent une collection d'épreuves
en situation duelle, et elles permettent de mesurer organisées selon plusieurs dimensions et qui
les aptitudes visées. Cette mesure est essentielle- visent une certaine forme d'exhaustivité, dans le
ment une évaluation de l'écart à la norme de la contexte du modèle sur lequel elles s'appuient. Il
performance attendue pour un enfant donné par s'agit de batteries telles que la série des échelles
rapport à ce qui serait attendu pour son âge. Si les de Wechsler (WPPSI, WISC, WAIS), le K-ABC, le
Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant
© 2017, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

observations cliniques, c'est-à-dire qualitatives, MSCA, les EDEI-R, la NEMI, la NEPSY…


permettent de nuancer les données objectives, Cependant, on alertera d'emblée sur le fait que
c'est-à-dire numériques, ces dernières sont le socle la diversité des épreuves au sein d'une batterie
de l'analyse des fonctions cognitives. composite peut parfois avoir comme conséquence
Depuis les débuts de la psychologie scienti- une moindre qualité de chacune d'entre elle du
fique et de la psychométrie, de très nombreuses point de vue psychométrique. À l'inverse, un test
épreuves ont été développées, administrées et « monotâche » a certes pour défaut son domaine
d'application restreint ne répondant qu'à une
1
Tous les tests cités sont le reflet des choix personnels
question en particulier, mais est souvent le pro-
des auteurs. Ils sont disponibles aux ECPA (www. duit d'une recherche pointue et d'un étalonnage
ecpa.fr). Lorsque ce n'est pas le cas, la référence sera très sérieux et approfondi. Ces différents groupes
indiquée en note de bas de page. de tests sont donc aussi précieux les uns que les

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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

autres et demandent au neuropsychologue une sité intéressante de tâches étalonnées. Elle prend
large culture quant aux tests disponibles. L'illusion en compte la dimension « motricité » (ou prac-
d'une évaluation exhaustive au moyen d'un outil tomotrice) de façon consistante (épreuves de
multitâches et a fortiori monotâche doit d'emblée coordinations motrices, de précision, de latéra-
être dissipée. Aucun outil ou groupe d'outils ne lisation, d'imitation de gestes, de graphisme…).
peut évidemment prétendre révéler toute la diver- • Les EDEI-R proposent des épreuves verbales et
sité et la richesse du fonctionnement du sujet. non verbales. À noter, dans la section « non ver-
bale », deux épreuves de catégorisation (com-
Exemples de batteries pléter une suite) particulièrement intéressantes
car elles sont présentées sous deux formes dif-
composites ou multitâches férentes : images (épreuve dite Classifications)
Ce sont tous les tests qui proposent une série de ou « blocs logiques » (épreuve dite Analyse
plusieurs épreuves différentes (les « subtests »), catégorielle).
chaque épreuve justifiant pour elle-même d'une Ces tests proposent des épreuves étalonnées dès
consigne particulière, d'un matériel spécifique, 4 à 5 ans :
d'un étalonnage propre. • La NEMI2 (nouvelle échelle métrique d'intelli-
Ces tests sont donc constitués comme un gence) : essentiellement verbale et très corrélée
assemblage composite d'activités variées, choisies au niveau scolaire, relativement rapide à utili-
en fonction des différentes compétences qu'elles ser, elle distingue des épreuves dites « faciles »
requièrent2. et « difficiles » pour les sujets déficients men-
Les résultats chiffrés de ces tests, qui se pré- taux ou pour les non-lecteurs. Elle ne peut pas
sentent sous forme de notes souvent assorties d'un être utilisée (interprétée) s'il existe un soupçon
graphique, peuvent être appréhendés de deux concernant les compétences linguistiques
façons : (chap. 3) et/ou mnésiques (chap. 6).
• d'une part, sous forme de notes standards attri- • La NEPSY2, nouvelle édition (2012) de la
buées pour chacun des subtest ; NEPSY, couvre la période allant de 5 ans
• d'autre part, éventuellement (sous réserve d'une à16 ans 11 mois et propose une analyse en
bonne homogénéité des scores) sous forme de cinq domaines : attention et fonctions exé-
« notes d'échelle » ou « indices » spécifiques ; cutives, langage, sensorimotricité, domaine
On peut ainsi citer, parmi les tests multitâches visuospatial et mémoire et apprentissage. De
les plus utilisés en France : nombreux subtests sont originaux ou inspirés
• Les échelles de Wechsler (selon l'âge : WPPSI, d'épreuves présentes dans d'autres batteries, en
WISC, WAIS) ; particulier pour explorer l'attention (auditive
• Le KABC2, qui distingue deux échelles concer- et visuelle) et les fonctions exécutives (planifi-
nant les processus mentaux d'une part et les cation), y compris pour de très jeunes enfants ;
connaissances d'autre part. Au sein des proces- d'autres sont intéressants si l'on s'interroge
sus mentaux, les auteurs proposent une classi- sur une éventuelle dyslexie, tels Processus
fication des subtests en trois catégories, selon phonologiques et Dénomination rapide ; elles
les types de traitements sollicités : échelle des sont néanmoins nettement moins sensibles
processus simultanés, échelle des processus que d'autres épreuves appartenant à des bat-
séquentiels et échelle non verbale ; teries spécifiques ; d'autres encore permettent
• Le MSCA (ou McCarthy), qui isole six échelles : d'explorer le domaine sensorimoteur et le gra-
verbale, performance perceptive, quantitative, phisme : notons, en particulier, une épreuve de
mémoire, motricité et intellectuelle générale ; Copie de figures, très pertinente pour objec-
très apprécié des plus jeunes, il offre une diver- tiver certains éléments d'une dysgraphie ou
d'une dyspraxie visuospatiale ; signalons enfin
2
On doit se référer au livret explicatif accompagnant
quelques épreuves de mémoire (mémoire des
chaque test pour connaître les consignes précises de visages, de listes de mots, mémoire immédiate
notation et le mode de calcul des différents scores de phrases), qui peuvent utilement compléter
proposés par les auteurs. un bilan de mémoire.

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Chapitre 1. Les outils du neuropsychologue

Ces tests sont donc, par leur construction même, • La Figure de Rey. L'enfant doit reproduire une
particulièrement précieux, puisqu'ils proposent figure géométrique complexe (il existe une ver-
toute une palette d'activités très variées, qu'ils ne sion simplifiée pour enfant), d'abord en copie,
préjugent pas des domaines dans lesquels l'enfant puis de mémoire. Sont pris en compte la durée
est ou n'est pas en difficulté, et qu'ils permettent de la réalisation graphique, la stratégie employée
la mise en évidence d'éventuelles hétérogénéités (de proche en proche, ou réalisation de l'arma-
dans les performances de l'enfant : nous revien- ture principale puis ajout de détails, etc.), et la
drons sans cesse sur ce point, tout à fait fonda- réalisation même de chaque élément dans deux
mental pour orienter les investigations ultérieures. de ses composantes, à savoir la production gra-
Cependant, ces tests ne sont ni interchangeables phique proprement dite et l'arrangement spatial
ni équivalents. Ils n'investiguent pas les mêmes des éléments entre eux (emplacement relatif des
domaines, et n'ont donc pas le même usage. divers segments, orientations des obliques). Il
s'agit donc d'une épreuve nécessitant des compé-
Exemples de tests « monotâche » tences visuo-practo-spatiales, tant lors de la prise
d'information que lors de la réalisation gra-
Ces tests ne cherchent à évaluer qu'un seul type phique (copie) et des compétences en mémoire
d'opération mentale (catégorisation, compétences visuelle à long terme. Une fois la réalisation
visuospatiales, etc.), et ne font appel qu'à un seul spontanée réalisée, une réalisation guidée,
type de consigne portant sur une seule sorte de de proche en proche, par le praticien, permet
matériel (dessins, cubes, labyrinthes, images, de dissocier éventuellement les authentiques
vocabulaire, etc.). Ils sont construits autour d'un troubles visuospatiaux des fragilités exécutives.
paradigme unique et la graduation en « difficul- • Les Cubes de Kohs. On demande à l'enfant de
tés » consiste en une complexification progressive reproduire des figures géométriques (modèle
d'une même tâche. présenté dans le plan, sur un carton) avec des
Nous citerons, parmi les plus utilisés : cubes aux faces diversement colorées. Cette
• Les Progressives Matrices (PM couleur, SPM, épreuve est considérée comme reflétant le
APM, en fonction, de l'âge et de la précision niveau de développement non verbal, « l'intelli-
de l'étalonnage). Il s'agit de séries de dessins ou gence pratique, à savoir résoudre des problèmes
de suites logiques à compléter, proposables dès par l'action ». Le matériel (cubes à assembler)
4 ans. L'essentiel du matériel, constitué de des- est très praxique et très visuospatial (obliques,
sins géométriques, est très « visuospatial » et les repérage topologique). Cette épreuve est sem-
réponses sont à choisir en choix multiple parmi blable à celle des Cubes du WISC4.
six propositions ; Outre un résultat global, elles • Le VOCIM (vocabulaire en images). Il s'agit
permettent de mesurer un effet de régularité d'une épreuve de désignation d'images, uti-
dans la réussite de l'enfant en fonction de sa lisable à partir de 3 ans, destinée à évaluer le
réussite globale. Cela peut être particulièrement niveau de vocabulaire connu de l'enfant. Ce
pertinent lorsque des questions attentionnelles dernier doit montrer l'image dénommée ou
ou exécutives sont de nature à remettre en cause évoquée par l'examinateur parmi quatre (choix
la validité d'autres épreuves. multiple). Les gnosies des images doivent être
Notons que cette épreuve peut être réalisée en intactes. À noter : un étalonnage ancien.
temps limité ou en temps libre, et ce, à chaque • L'EVAC (épreuves verbales d'aptitudes cogni-
fois, en autonomie. Cela permet de juger qua- tives, 2003) : Elle emprunte aux caractéristiques
litativement, en particulier chez les enfants des batteries multitâches (12 épreuves variées),
plus grands, la gestion du temps, le contrôle mais est centrée pour l'essentiel autour du lan-
métacognitif, l'engagement individuel dans gage oral et écrit. Elle propose en particulier
une tâche traitée sans l'étayage de l'adulte. une série d'épreuves en lien avec la connais-
L'étalonnage est cependant inhabituel, avec sance du vocabulaire (spatial, numérique, tem-
une mosaïque de données en fonction du pays porel, mots outils), l'interprétation d'expression
considéré, de l'intervalle des âges considérés, du second degré, la résolution de devinettes, la
et du mode de passation. compréhension en contexte.

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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

l'examen de l'enfant cérébrolésé et/ou présentant


L'intérêt des tests mono-tâches est essentiel pour
compléter l'administration des batteries multi- des dysfonctionnements « développementaux ».
tâches précédentes. En revanche, ils ne peuvent en En outre, un échec ou une réussite dans cette
aucun cas constituer des tests de « débrouillage » épreuve-là ne renseigne en rien sur les capacités
et ils ne doivent jamais être utilisés seuls en pre- de l'enfant dans d'autres domaines, d'autres sec-
mière intention. teurs qui restent inexplorés : aucune interpré-
tation valable en termes de dissociation ne peut
donc être extraite de ces tests puisqu'ils n'utilisent
En effet, un échec peut être la traduction d'un qu'un seul et même paradigme (tableau 1.1).
handicap (ou d'un déficit ou d'un dysfonctionne- Le choix secondaire d'un test « monotâche »
ment) méconnu, interférent avec le domaine exploré dépend donc des éléments fournis par la clinique
par le test : l'interprétation en serait alors tout à fait et par l'interprétation des résultats obtenus pré-
erronée. Ce risque, loin d'être rare ou anecdotique, alablement lors de tests visant l'évaluation de la
est au contraire central dans la problématique de dynamique intellectuelle globale.

Tableau 1.1. Les tests « monotâche » les plus utilisés.


Test Entrée Compétences sollicitées Sortie(s) Observations
Progressives Visuelle – Logique, raisonnement par Désignation en – Test de facteur G
Matrices (PM) analogie (suites logiques) choix multiple – Indépendant du
– Attention niveau scolaire
– Fonctions visuospatiales (motifs – indépendant des
orientés, analyse d'obliques) fonctions
– Fonctions exécutives (choix multiple) linguistiques

Figure de Rey Visuelle – Fonctions praxiques Graphique Intérêt+++ de


Copie – (organisation graphique) (practomotrice) comparer la
production en copie
– Fonctions visuospatiales (analyse et celle de mémoire,
et reproduction de figures orientées ; que l'enfant présente
organisation topologique ; perception ou non des troubles
des obliques) praxiques
– Stratégie (type d'organisation)
Figure de Rey Idem + MLT Graphique (practomotrice)
Mémoire visuospatiale
Cubes de Kohs Visuelle – Raisonnement logique Manipulation – Test de facteur G
– Fonctions praxiques (manipulation, (visuo-practo- – Indépendant du
construction) spatiale) niveau scolaire
– Fonctions visuospatiales (analyse – Indépendant
des relations topologiques, perception des fonctions
des obliques, arrangement spatial) linguistiques

VOCIM Auditivoverbale – Audition Désignation en – Très dépendant du


– Discrimination auditive choix multiple niveau de langage
– Connaissances lexicales – Très dépendant du
niveau socioculturel
et du niveau scolaire
EVAC Auditivoverbale Tâches séquentielles versus tâches – Désignation – Très dépendant du
et visuelle simultanées (globales) – Parole niveau de langage
– Très dépendant du
niveau socioculturel
et du niveau scolaire.

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Chapitre 1. Les outils du neuropsychologue

Notons que beaucoup de batteries proposent Remarquons que si les éditeurs français ont
des épreuves semblables, voire quasi identiques. déjà adapté beaucoup d'outils existants de par le
La plupart intègrent des épreuves monotâches monde, de nombreux outils restent encore indis-
éditées plus tôt et qui sont familières aux pro- ponibles en France. Il ne faut pas hésiter à aller
fessionnels. Par exemple, on retrouve de nom- chercher des outils publiés à l'étranger, en par-
breuses épreuves de raisonnement par analogie ticulier dans les pays anglo-saxons. Ces outils
de type Matrices au sein de diverses batteries présentent l'avantage d'inclure un grand nombre
de tests. De même, des tâches de catégorisation de sujets, sur des populations variées. L'étendue
visuelle plus ou moins comparables sont pré- de l'étalonnage y est généralement large, et la
sentes dans plusieurs batteries (Catégorisation de sensibilité excellente. On ne pourra évidemment
la NEPSY2, épreuve de Catégorisation de l'UDN2, pas utiliser les outils d'évaluation du langage oral
des EDEI-R…). On retrouve des épreuves de ou écrit (à l'exception d'excellentes batteries cana-
catégorisation verbale semblables dans le WISC4 diennes étalonnées avec des enfants québécois).
(Similitudes) et dans les EDEI-R. Certaines bat- On restera vigilant quant aux aspects culturels et
teries telles que la NEPSY reprennent de nom- à la traduction personnelle des consignes qu'on
breuses épreuves individuelles développées pourra en faire. En effet, elles doivent éclairer l'en-
ailleurs pour l'adulte par exemple et remises fant quant aux attentes de la tâche proposée, sans
à jour (Test des lignes de Bender/Flèches, Token l'expliquer, ni donner d'indices déterminants.
test/Compréhension de consignes, Copie de On restera à jour des publications de recherche.
figures/Beery-VMI). Ce n'est pas parce que En effet, certaines de ces épreuves peuvent être
ces épreuves appartiennent à la même famille proposées en bilan, même si l'étalonnage pro-
qu'elles sont totalement interchangeables. Au prement dit n'existe pas. On se référera alors à
contraire, il est extrêmement précieux, en cas l'analyse statistique des épreuves qui permettent
d'échec à une épreuve donnée, d'en proposer une d'évaluer la distance du sujet par rapport au
autre dont le matériel est légèrement différent groupe contrôle. On pense par exemple aux
(afin d'éviter les effets tests-re-tests), et dont la épreuves de théorie de l'esprit de Baron-Cohen ou
consigne sera elle aussi nouvelle, afin de pouvoir à la batterie d'évaluation de la batterie mémoire
mesurer ce qu'une telle proposition amendée de travail, D'Alboy.
peut entraîner de bénéfice chez l'enfant. Il va sans dire que les chercheurs, et partant,
les éditeurs de tests, mettent constamment à jour
nos connaissances quant au développement de
l'enfant et aux mécanismes cognitifs. Le neuro­
Exemple psychologue doit lui aussi se tenir informé de ces
avancées et des nouveaux outils disponibles pour
IDC, Classification de l'UDN2, les appréhender. Ce travail doit se faire avec une
Catégorisation de la NEPSY2, dose salutaire d'esprit critique, afin de ne pas
Classification des EDEI-R prendre toute nouveauté pour argent comptant.
Ces épreuves ont en commun de proposer
une catégorisation à partir d'un matériel
imagé.
On orientera le choix des subtests en
Du bon usage des outils
fonction : en neuropsychologie de l'enfant
 des aptitudes générales de l'enfant ;
 de la validité et de la sensibilité des Le neuropsychologue n'est pas un « technicien
épreuves ; des tests » et il ne doit pas être sollicité pour
 de l'aspect récent du matériel (présen- simplement faire « passer des tests ». Sa mission
tation, graphisme, familiarité pour l'en- est de clarifier les enjeux du fonctionnement
fant) et de son étalonnage (effet Flint) ; cognitif de l'enfant et de ses répercussions dans
 des épreuves éventuellement déjà pro- sa scolarité et sa vie personnelle. Il doit donc,
posées antérieurement. sur la base de ses hypothèses et de ses observa-
tions, s'orienter de manière ordonnée dans les

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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

différentes d ­imensions intellectuelles et cogni- Deux modèles dominants


tives du patient, et ce faisant, en choisissant en
permanence le(s) outils qui lui permettront de La plupart des batteries de tests aujourd'hui dis-
répondre à ses questions : « L'enfant présente-t-il ponibles revendiquent une appartenance à l'une,
un retard global ou un trouble spécifique ? Quels à l'autre ou aux deux approches suivantes : les
mécanismes cognitifs sont préservés ? Quels sont modèles factoriels de type modèle CHC et les
les mécanismes sous-jacents à telle ou telle obser- modèles neuropsychologiques de type Luria.
vation laissant soupçonner tel trouble ?, etc. ».
Le neuropsychologue doit donc bien connaître Modèles factoriels
et avoir à l'esprit l'ensemble des outils qui sont à Les modèles factoriels de type CHC (Cattell,
sa disposition, afin de pouvoir aller chercher, au Horn, Carroll) s'appuient sur une classification
moment où il en a besoin, au sein des différentes des épreuves selon leurs dimensions dominante
batteries, la ou les épreuves complémentaires per- et secondaires. Il est important de saisir que ces
mettant d'approfondir une hypothèse, de lever une dimensions (dominante et secondaires) dont il
ambiguïté, de confirmer, renforcer ou nuancer est question sont déterminées après-coup, c'est-­
d'autres données. De plus, il doit les avoir analy- à-dire, en interprétant ex post l'explication la plus
sées intimement afin d'en connaître la pertinence probable de telle ou telle dimension (facteur sous-
pour répondre à une question donnée, leurs avan- jacent « inobservable » ou latent, représenté par un
tages et limites. L'utilisation d'un outil entraînera vecteur lui-même combinaison linéaire des fac-
presque nécessairement l'utilisation d'un autre teurs observables).
outil qui compensera, corrigera les biais du pre- Dans les faits, on propose une série de tâches
mier, ce qui permettra de cerner au plus près la à un groupe de sujets. On détermine ensuite une
nature et l'intensité de la difficulté de l'enfant. matrice de corrélation entre ces tâches. On peut
De même, il est important de bien comprendre calculer la ou les dimensions sous-jacentes qui
la nature des modèles qui ont présidé à la construc- « expliquent le mieux » la tâche visée. En projetant
tion de ces tâches. Le neuropsychologue doit éviter ces données sur des axes imaginaires, combinai-
l'erreur courante visant à appuyer son raisonne- sons linéaires des vecteurs initiaux constitués des
ment sur le nom que les auteurs auront attaché à observations initiales, on cherche à optimiser la
telle épreuve, à telle échelle ou quotient. Il gardera représentation de ces données, en minimisant le
aussi une certaine distance et un esprit critique nombre de facteurs explicatifs et en maximisant
quant à l'interprétation prête à l'emploi qui pourrait le pouvoir explicatif de ces facteurs. On cherche
ressortir des batteries proposées par les éditeurs. ainsi à rassembler les tâches proposées en sous-
Par exemple, pourquoi telle épreuve est-elle groupes (des dimensions réputées indépen-
nommée Arithmétique, et est-elle classée dans dantes) explicatifs de leur(s) ressort(s) cognitif(s)
l'échelle de mémoire de travail ? Pourquoi telle supposé(s).
épreuve Mémoire de chiffres est-elle classée Ainsi, on peut classer telle épreuve complexe
comme épreuve « séquentielle » ? (par ex. Similitudes du WISC), comme étant prin-
La construction des batteries de tests, qui se cipalement de nature « verbale », car les résultats
trouvent à la base des outils utilisés par le neu- des sujets sont fortement pondérés (c'est-à-dire,
ropsychologue, est assise sur des modèles théo- grossièrement, corrélés) par une combinaison
riques fondamentaux. Les données objectives qui linéaire d'épreuves jugées verbales. De la même
peuvent en être tirées doivent donc être analysées manière, certaines épreuves seront plutôt qua-
en ayant en tête les présupposés théoriques des lifiées de « perceptives » et classées en tant que
outils utilisés. Les analyses statistiques sous- telles dans une échelle perceptive ou « non ver-
jacentes peuvent, sinon, s'avérer trompeuses. On bale », car elles sont mieux corrélées entre elles et
s'arrêtera ici aux batteries composites. Pour les plus faiblement avec les autres épreuves. Enfin,
batteries spécialisées et les tests monotâches, on se certaines épreuves sont quant à elles mieux
rapportera à leur description au sein des chapitres « expliquées » par un vecteur complexe retrouvé
suivants qui traitent des différentes fonctions dans la plupart des tâches, qu'on appellera « fac-
cognitives et des troubles associés. teur G », soit facteur « général » d'intelligence.

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Chapitre 1. Les outils du neuropsychologue

Cette approche découlant des données est donc y a à la racine d'une telle approche une certaine
statistique, et ne s'appuie pas sur l'analyse a priori circularité puisque pour déterminer à quel « silo »
de la tâche du point de vue des étapes cognitives telle épreuve appartient, il faut trouver ses liens de
et processus sous-jacents. Elle détermine a pos- corrélations avec d'autres épreuves que l'on consi-
teriori que la tâche considérée est plus « saturée » dérera représentative de ce silo… par le même
par tel ou tel facteur. Ce facteur est inobservable, moyen. De même le biais interprétatif ex post,
combinaison de facteurs observables, et inter- inhérent à ces méthodes factorielles, entraîne la
prété comme étant représentatif de telle ou telle multiplication des facteurs explicatifs et de leur
compétence. labellisation concurrente.
Ainsi Spearmann a-t-il cherché à modéliser De manière plus dangereuse, ces classifica-
les compétences cognitives dans un modèle « à tions par corrélation et interprétation de facteurs
deux facteurs ». La performance du sujet à chaque latents peuvent induire des erreurs diagnostiques
épreuve est expliquée par un facteur d'intelligence préoccupantes. Par exemple, en clinique, on sera
général (facteur G), retrouvé dans toutes ses per- surpris de constater que tel enfant présentant de
formances, plus un facteur plus spécifique à la manière claire un trouble du langage expressif
tâche elle-même. Thurstone, quant à lui, a plutôt (par ex. un trouble de la morphosyntaxe) béné-
déduit de ses analyses un modèle à plusieurs fac- ficie d'une dissociation entre échelles du WISC4
teurs, chaque épreuve étant expliquée non par un au profit de l'échelle verbale et non pas à celui des
facteur principal (facteur G), mais par une série processus supposés moins « verbaux ». C'est que
de facteurs (en 1938, il en citait sept : spatial, l'enfant peut tout à fait analyser et réaliser les trois
perceptif, numérique, verbal, fluence, mémoire, tâches sous-jacentes (Similitudes, Vocabulaire,
induction). Plusieurs auteurs ont pu arguer que Compréhension) de manière satisfaisante du point
d'autres types de représentation des données de de vue de la qualité des contenus verbaux et dans
Thurstone pouvaient faire apparaître un facteur la moyenne attendue, alors même que la formu-
général d'efficience, combinaison des autres. lation est franchement pathologique (par ex.
Guilford (1958) a de son côté privilégié d'autres agrammatique). S'il ne fait certes pas de doute
types de facteurs : la réussite à une épreuve pour- que ces épreuves s'appuient toutes sur un matériel
rait être expliquée par des facteurs de contenu verbal, il est cependant impossible de poser un
(il en dénombre quatre types), d'opération (cinq diagnostic de dysphasie sur une telle base. Cette
types) et de production (six types). ambiguïté est tout simplement due à l'usage dif-
Enfin, les modèles hiérarchiques de Cattell- férent du sens du mot « verbal » dans cette ana-
Horn-Carroll, le plus souvent cités comme base lyse : contenus verbaux des inputs et outputs vs
des batteries d'évaluation cognitive, tirent de structure du langage. L'analyse des processus de
leurs analyses factorielles une interprétation traitement de l'information et de leurs étapes est
basée sur deux types d'intelligence : intelligence donc fondamentale. C'est celle que proposent les
fluide (facteur Gf, processus mentaux de haut approches cognitives.
niveau, tel le raisonnement) et l'intelligence
cristallisée (facteur Gc, capacité d'apprendre
sous l'influence de la culture environnante et de Modèle des processus cognitifs
l'éducation, partiellement elle-même influencée Inspirée depuis les années 1950 par les travaux en
par l'intelligence fluide). À la lumière des nom- intelligence artificielle, l'approche des processus
breuses ramifications de ces travaux, on a pu voir cognitifs par le biais des modèles du traitement de
apparaître une diffraction de ces facteurs en une l'information par le cerveau trouve son pendant
myriade d'autres facteurs (jusqu'à plus de 70 !). dans le domaine de la pathologie et de la clinique
En définitive, si cette démarche, épousée pen- dans les travaux pionniers de Luria.
dant près d'un siècle d'analyse des compétences Psychologue puis médecin soviétique, initiale-
cognitives de l'homme, permet éventuellement ment proche de Vygotsky dans les années 1920
de classer commodément des tâches complexes et 1930, Luria a été amené à essayer de com-
en extrayant la ou les dimensions considérées clés prendre les conséquences cognitives des lésions
et « explicatives », on comprendra bien aussi qu'il cérébrales acquises par les soldats envoyés au

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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

front pendant la Seconde Guerre mondiale. damment les uns des autres en fonction de la ques-
Comme longtemps avant lui Broca ou Déjerine, tion que l'on se pose. On doit donc déconstruire
il confirmait et généralisait ainsi de manière fine chaque batterie, chaque subtest, voire chaque
les dissociations entre processus cognitifs : une item, afin de les utiliser en fonction de la question
lésion focale pouvait avoir un effet catastrophique que l'on se pose :
sur un compartiment spécifique de la cognition, • type d'information afférente à traiter ;
alors que les autres compétences étaient préser- • type de mécanisme de traitement de l'informa-
vées. Il en déduit que « des systèmes cérébraux tion convoqué ;
multiples interviennent dans les fonctions cogni- • type de réponse à préparer et à donner par
tives complexes ». l'enfant.
Les tâches complexes ne sont donc plus à On peut par exemple spécifiquement choisir
comprendre en termes de facteurs explicatifs une épreuve parce qu'elle aura pour but de mesu-
principaux ou secondaires, mais comme le pro- rer l'intensité d'un trouble supposé de l'enfant.
duit de la mise en œuvre de sous-composantes Inversement, si l'on cherche à mesurer l'efficacité
indépendantes. Grâce au développement et à d'un autre traitement, on choisira spécifiquement
l'approfondissement des modèles du traitement une épreuve dont le format ne sera pas en mesure
de l'information depuis 30 ans, et leur confir- de gêner l'enfant du fait précisément de son trouble.
mation expérimentale, il est désormais possible Par exemple, si l'on cherche à analyser les capaci-
d'analyser toute tâche proposée au sujet en termes tés de raisonnement chez un enfant présentant un
de processus cognitifs sous-jacents. On peut ainsi trouble spécifique du langage, on évitera les tâches
mettre en évidence la ou les étapes qui pourraient de raisonnement présentées sous forme verbale.
la faire échouer. Afin d'illustrer notre propos, nous avons choisi
d'approfondir l'analyse de trois batteries de tests
couramment utilisées par les psychologues et
dont les approches théoriques s'inscrivent dans
Batteries ou épreuves l'un, l'autre ou une combinaison des deux modèles
individuelles ? décrits plus haut :
• les échelles de Wechsler, construites sur la
On l'aura compris, l'approche réduisant la réussite base d'une analyse factorielle des compétences
ou l'échec à une tâche à la mise en œuvre d'un fac- cognitives ;
teur principal ou secondaire d'aptitude n'est plus • la NEPSY2, développée depuis le milieu
suffisante. Il faut désormais penser en termes de des années 1980, sur la base d'une approche
superpositions et de cascades de processus, mises neuropsychologique ;
en œuvre par le sujet au cours de la réalisation • le KABC2, proposant une approche combi-
d'une épreuve. Il s'agit à présent d'entrer dans née des modèles factoriels CHC et de l'analyse
l'intimité des processus de traitement de l'infor- cognitive des traitements.
mation, de façon à isoler la ou les étapes mises en
cause. C'est l'approche fondamentale de ce livre.
Dans la très grande majorité des cas, et à l'ex- Exemple emblématique
ception notable des échelles de Wechsler (WPPSI, de l'approche par analyse
WISC ou WAIS), il est inutile, voire absurde d'ad- factorielle : les échelles
ministrer une batterie composite complète. Outre
de Wechsler
le fait que les épreuves qui les composent sont de
qualité et de pertinence variable, aucune d'elle, en Ces échelles proposent une série d'épreuves
dépit parfois de son projet initial, ne permet une variées, impliquant le plus souvent la combi-
recension exhaustive et approfondie de toutes les naison de compétences cognitives multiples.
compétences intellectuelles et instrumentales de Étalonnées de l'âge de 2 ans 6 mois à l'âge adulte,
l'enfant. elles permettent une bonne continuité dans
La règle générale est d'isoler chaque subtest de l'analyse de capacités des sujets d'une période à
chaque batterie et de mobiliser ces outils indépen- l'autre. Utilisées depuis des décennies (1re édition

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Chapitre 1. Les outils du neuropsychologue

en 1949), dans de multiples contextes culturels Une fois encore ce sera au neuropsychologue
et linguistiques (plus de 20 éditions de par le de faire son travail d'analyse et d'élucidation afin
monde, dans la plupart de sphères linguistiques de déterminer ce qui pourra être pénalisant ou
importantes), la sensibilité des épreuves a pu être facilitateur pour le sujet au cours de la passation
confirmée de manière fiable et élargie. Cela ne de telle ou telle tâche, dans un premier travail de
veut pas dire que les échelles de Wechsler peuvent débrouillage du bilan neuropsychologique.
tout faire, être utilisées pour le diagnostic de tout Les échelles de Wechsler proposent un éventail
type de troubles. d'épreuves pour trois intervalles d'âges identifiés :
En effet, si les tâches impliquent des compé- • WPPSI : de 2 ans 6 mois à 7 ans 3 mois ;
tences langagières ou visuospatiales, des com- • WISC : de 6 ans à 16 ans 11 mois (la récente
pétences en mémoire de travail, manipulation parution du WISC5 est évoquée dans le
numérique, etc., ces outils ne peuvent en aucun tableau 1.2) ;
cas être utilisés isolément et seuls pour la mise en • WAIS : de 16 ans à 90 ans.
évidence d'un trouble spécifique du traitement de À ces échelles s'ajoute une échelle non verbale
l'information. (WNV), destinée aux sujets de 4 ans à 21 ans
Pour le WISC4, ces épreuves sont classées dans 11 mois. Elle est particulièrement précieuse pour
quatre catégories issues de l'analyse factorielle les sujets malentendants ou présentant un trouble
traditionnelle : du langage, évitant les consignes orales et s'atta-
• compréhension verbale ; chant uniquement à la qualité des épreuves non
• raisonnement perceptif ; verbales. Certaines épreuves peuvent complé-
• mémoire de travail ; ter utilement un bilan chez l'enfant entendant
• vitesse de traitement. (par ex., matériel renouvelé pour les Matrices).
Il est ici de la plus haute importance de ne pas Cependant, on restera vigilant quant à l'infiltra-
s'arrêter au titre que les auteurs ont pu donner aux tion générale des fonctions visuo-practo-spatiales
tâches ou aux échelles. En effet, pour en donner dans la plupart des tâches.
d'emblée une illustration, la tâche de Vocabulaire Du fait de leur large spectre en termes d'âge,
par exemple va bien au-delà des compétences d'étalonnage ou de type de tâches, les échelles
lexicales : c'est une épreuve métalinguistique ; elle de Wechsler formeront le noyau initial d'une
ne peut être comparée à une tâche de connais- évaluation neuropsychologique. Point de départ
sance du vocabulaire telle que la désignation ou des investigations, elles donnent certes des élé-
la dénomination d'images. Il est du reste frap- ments d'analyse objectifs des compétences des
pant de constater que, au cours des décennies, sujets, mais aussi une vaste palette d'observations
les auteurs eux-mêmes ont pu hésiter et varier cliniques, très utiles pour orienter la suite des
quant au classement de telle ou telle épreuve. investigations du point de vue instrumental et
Par exemple, le subtest Arithmétique a quitté neuropsychologique.
de l'échelle verbale (édition du WISC3) pour L'homogénéité de ces échelles d'un âge à l'autre,
rejoindre celle de mémoire de travail (édition du même si certaines épreuves originales peuvent
WISC4). Or cette épreuve est bien (entre autres), être réservées à un sous-ensemble de sujets, per-
à la fois une épreuve langagière et de mémoire de met une belle continuité d'analyse et donc un suivi
travail. Insuffisamment saturée en facteur per- d'évolution. On restera tout de même vigilant
ceptif, l'épreuve d'Assemblage d'objets a quitté la quant à la cohérence des résultats aux périodes de
batterie du WISC4 alors qu'elle peut donner un chevauchement des étalonnages (6 à 7 ans 3 mois
bon complément d'information quant aux trai- pour la WPPSI et le WISC ; 16 ans à 16 ans 11 mois
tements visuo-practo-spatiaux en 2D. De même, pour le WISC et la WAIS). La rigueur de passation,
la sortie de l'épreuve d'Arrangement d'images en particulier aux jeunes âges, permettra d'éviter
(WAIS4) sur la base de sa faible « pureté » facto- les incohérences et décalages inattendus dans
rielle fait perdre un outil précieux dans l'analyse des tâches semblables, voire quasi identiques. De
du raisonnement perceptif (c'est-à-dire non pas plus, comme il a été discuté au préambule, dans
« non langagier », mais basé sur un matériel pro- les cas où un choix est possible, on préférera la
posé visuellement et évitant une réponse verbale). batterie la plus avancée en âge, plus sensible et

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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

évitant ­parfois les effets plafond. En revanche, si • audition ;


un patient s'avère très en panne dans une tâche • attention auditivoverbale ;
proposée par l'une des batteries, on pourra par la • niveau conceptuel permettant l'accès au sens de
suite confirmer dans un second temps la réalité et ce qui est dit (cf. facteur G) ;
l'intensité de la difficulté ou du trouble, en propo- • compétences de compréhension linguistique ;
sant une épreuve comparable de la batterie prévue • lorsque les consignes sont longues : compétence en
pour des sujets plus jeunes. mémoire à court terme et en mémoire de travail ;
Les épreuves comparables d'une version à l'autre • maîtrise suffisante du français.
seront ici présentées ensemble, même si le matériel De même, les réponses étant attendues de
peut être légèrement différent en contenu (choix manière verbale, elles mobilisent sur le registre
des images, des mots…), en fonction de l'âge du expressif de sortie des capacités d'évocation, mise
sujet. En effet, leur objectif, les mécanismes cogni- en mots de sa pensée, fluidité verbale, organisa-
tifs en jeux restent identiques quel que soit l'âge. En tion du discours et parole.
revanche, l'analyse qualitative des réponses restera
essentielle et différentiée selon les âges (matura- Similitudes (à partir de 4 ans)
tion exécutive pour les épreuves à choix multiples, C'est une tâche de conceptualisation et de catégo-
qualité du langage dans les réponses verbales…). risation, tâche de facteur G verbale prototypique.
On ne tiendra pas compte du fait qu'elles soient Relativement indépendante aussi bien du milieu
considérées par les auteurs « épreuves principales » socioculturel que du niveau scolaire, elle est, par
ou « épreuves complémentaires ». Cette distinc- excellence, la tâche verbale qui reflète le niveau de
tion nous paraît le plus souvent assez arbitraire. développement cognitif de l'enfant. La nature de la
Seule la nature des processus cognitifs mis en jeu tâche est très conceptuelle, puisqu'il s'agit de trou-
et les questions que se pose le neuropsychologue ver le point commun aux deux termes énoncés par
peuvent amener une tâche au centre ou la périphé- l'examinateur, le lien qui les unit, un critère com-
rie d'une évaluation. Les épreuves uniques au sein mun ou leur classe commune.
d'une batterie seront analysées séparément.

Épreuves dites verbales Lorsque la note aux Similitudes est satisfaisante,


elle peut servir de référence pour évaluer les com-
Pour les plus petits (21/2 ans – 3 ; 11 ans) pétences conceptuelles et raisonnementales, le
Il faut bien noter, en ce qui concerne les épreuves « niveau de développement cognitif » de l'enfant.
verbales :
• que toutes sont très liées au niveau lexical, donc
dépendent des capacités linguistiques (chap. 3) et Outre l'aspect purement conceptuel pour lequel
du niveau socioculturel dans lequel évolue l'enfant ; l'épreuve a été conçue, la consigne réclame :
• qu'elles sont administrées à partir d'images, • une attention auditive ;
donc de stimuli visuels ; • un minimum de mémoire de travail ;
• que deux d'entre elles réclament une réponse • une connaissance du vocabulaire employé.
en choix multiple, donc de bonnes capacités de La réponse sollicitée (compétences « de sortie »)
choix, de contrôle de l'impulsivité, des automa- requiert l'intégrité de l'ensemble des capacités
tismes ou des persévérations. linguistiques (organisation syntaxique, accès lexi-
Aucune de ces épreuves ne peut être considérée cal), un langage « élaboré » (génération de phrases,
comme « de facteur G », ni comme l'équivalent synonymes) et une production de parole intelligible
des Similitudes. Dans cet esprit, on peut utiliser (à confronter au bilan de parole/langage, cf. chap. 3).
« les analogies opposées » du MSCA. On peut néanmoins proposer cette épreuve à
certains enfants souffrant de dysphasie, du moins
Pour les enfants plus âgés s'ils sont capables de s'exprimer a minima : leur
Tous les subtests verbaux supposent, comme voie réponse, quoique peu académique sur le plan de
d'entrée, une bonne compréhension du langage la formulation, peut être tout à fait pertinente au
oral (énoncés et consignes verbales), et ce dans regard du critère demandé, ce qui permet une
toutes ses composantes : cotation valide.

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Chapitre 1. Les outils du neuropsychologue

Cette épreuve nécessite aussi de bonnes capaci- tanément (même si ici, il bénéficie d'une amorce
tés de contrôle (fonctions exécutives) afin d'inhi- visuelle), cette tâche permet d'analyser :
ber les diffluences et les persévérations induites • les qualités d'articulation ;
par ce type de tâche. • les paraphasies phonémiques ou sémantiques ;
• le manque du mot ;
Raisonnement verbal • les difficultés d'initiation.
(à partir de 4 ans jusqu'à 16 ans 11 mois) Cette tâche demande l'intégrité :
Il s'agit d'une épreuve de devinettes, purement • des gnosies visuelles ;
auditivoverbale, dans laquelle les éléments sont • du stock lexical ;
donnés les uns après les autres (ce qui diffé- • des capacités d'accès précis au réseau séman-
rencie cette épreuve du subtest Devinettes du tique ;
K-ABC) : un premier élément est donné, puis (si • des fonctions exécutives d'initiation (la tâche
l'enfant n'a pas trouvé la bonne réponse) il est étant perturbée par l'hyperinhibition cognitive)
répété alors qu'on en ajoute un deuxième, puis ou de régulation et d'inhibition sélective (afin
les deux premiers sont répétés et on ajoute un d'éviter les diffluences et les persévérations et
troisième. Cette modalité de passation favorise permettant une bonne métacognition ouvrant
une fixation des informations en mémoire à la voie à des autocorrections).
long terme et réduit considérablement la charge Ne proposant que 30 items, une telle tâche ne
en mémoire de travail. Il s'agit d'une épreuve conviendra qu'à des enfants très jeunes et deman-
qui réclame attention auditivoverbale, connais- dera, en cas de doute, la mobilisation d'outils plus
sances sémantiques et lexicales, capacités à évo- complets et sensibles.
quer le mot précis. L'enfant doit comprendre, Cette épreuve est le pendant de la compré-
mémoriser puis synthétiser les différentes hension de mots, réclamant la désignation
informations pour trouver le terme cible. C'est d'images (WPPSI).
probablement cette synthèse attendue qui a
fait intituler cette épreuve Raisonnement…
Compréhension de mots
La capacité ou non de l'enfant à affiner ses (de 2 ans 6 mois à 7 ans 3 mois)
réponses au fur et à mesure de l'apport d'infor-
mations plus précises est un bon indicateur des Voici une autre épreuve classique de vocabu-
capacités exécutives de l'enfant (flexibilité men- laire, sur le versant réceptif cette fois-ci. L'enfant
tale, persévération). entend un mot et doit désigner l'image, parmi les
L'épreuve sollicite : quatre propositions, la plus pertinente par rap-
• les connaissances générales sur le monde ; port au mot entendu. Outre la compréhension
• les compétences de compréhension langagière passive du vocabulaire (l'enfant n'a qu'à recon-
(lexicales, syntaxiques) ; naître l'image pertinente), une pareille épreuve
• la mémoire de travail mais aussi à long nécessite l'intégrité :
terme (chap. 6). • des capacités d'exploration visuelle ;
Pour la réponse : • des gnosies visuelles ;
• l'évocation lexicale, phonologique et la parole ; • des capacités d'attention focalisée ;
• l'inhibition de l'impulsivité, des persévérations, • des fonctions exécutives de décision devant une
des diffluences éventuellement induites (fonc- situation de choix multiple.
tions exécutives). D'autres épreuves au sein de batteries spécia-
lisées permettent une analyse nettement plus
approfondie de ces compétences.
Dénomination d'images C'est donc d'abord une tâche de connais-
(de 2 ans 6 mois à 7 ans 3 mois) sance lexicale, du moins si l'enfant ne présente
Il s'agit d'une tâche classique de dénomination. aucun trouble neurovisuel, et que ses fonctions
Sur la base d'une image, l'enfant doit donner le exécutives sont efficientes : en effet, la désigna-
mot le plus précis qu'il connaît la désignant. Outre tion suppose d'inhiber les réponses impulsives
une évaluation du stock lexical actif, c'est-à-dire et de désigner la réponse parmi un choix mul-
le stock de mots que l'enfant peut mobiliser spon- tiple (quatre images).

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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

Vocabulaire (à partir de 4 ans) • mais aussi des capacités de contrôle (fonctions


L'enfant doit donner la définition des mots énoncés exécutives) afin d'inhiber les diffluences et les
par l'examinateur. C'est une épreuve très dépen- persévérations induites par ce type d'épreuve.
dante du niveau socioculturel et du niveau scolaire En cas d'échec, il sera très important de pou-
de l'enfant. La tâche explore (nature de la tâche) : voir se référer précisément aux réponses propo-
• La connaissance active de la signification du sées par l'enfant : la nature même de ces réponses
mot proposé (accès sémantique) : (indépendamment de leur caractère juste ou faux)
– les performances de l'enfant sont donc à pourra orienter vers un type particulier de déficit
comparer à celles obtenues à un test de cognitif. De ce fait, la prise en note verbatim des
connaissance lexicale (EVIP, VOCIM, partie réponses de l'enfant est cruciale, car elle permet-
dite « passive » du TVAP, partie « lexicale » de tra d'interroger la ou les dimensions langagières
l'ECOSSE, Expressive One Word…) ; en cause dans les difficultés de l'enfant.
– l'accès au réseau sémantique ;
– la confrontation des compétences mnésiques ;
Cependant, ces compétences ne sont pas suffi- Exemple
santes, car on peut connaître un mot et ne pas
être capable d'en expliquer le sens. Ces définitions du mot « tempête » ont
• La possibilité d'en expliciter la significa- une connotation bien différente :
 « … il pète ! » (rires). La prégnance de
tion (tâche métalinguistique) : synonyme,
la rime et l'évocation d'un « gros mot »
périphrase, exemple et mise du mot en
semblent être difficiles à inhiber. S'il
contexte, etc. On peut connaître un mot, le com- s'agit d'une stratégie fréquente, asso-
prendre et l'utiliser à bon escient en contexte, ciée à des diffluences et des coq-à-l'âne,
sans être capable d'en donner une définition : l'hypothèse d'un syndrome dysexécutif
– à rapporter au niveau de développement de est à prendre en considération ;
l'enfant (facteur G), sachant qu'un bon niveau  « c'est pour jouer de la musique »
dans cette épreuve peut être essentiellement (mime). On peut là s'interroger sur la
le reflet de la stimulation langagière dans le confusion phonologique avec « trom-
cadre familial ; pette ». Si de nombreux quiproquos
– à rapporter à son niveau de langage. semblent être liés à des confusions
entre mots dont l'enveloppe auditive
est proche et que l'enfant consulte
Cette épreuve demande à l'enfant des définitions pour un trouble de langage (oral ou
de mots : il s'agit donc d'une épreuve métalinguis- écrit), il faudra alors évoquer un trouble
tique et non d'une épreuve visant à évaluer uni- de discrimination phonologique.
quement les connaissances lexicales de l'enfant.

Dans le WISC4 et la WPPSI4, les quatre ou cinq Compréhension (à partir de 4 ans)


premiers items sont des dénominations d'images Il s'agit d'explorer la compréhension de situations
(images prototypiques, en couleur) : attention sociales (WPPSI : Compréhension de situations),
donc si l'on a des raisons de soupçonner une réclamant des capacités d'analyse et jugement
agnosie des images (chap. 5). (niveau de facteur G) et une expérience sociale
(environnement socioculturel, mode de vie). Trop
souvent interprété comme le reflet des compé-
La réponse sollicitée (compétences « de sortie ») tences et de l'« adaptation » sociales de l'enfant,
requiert : ce subtest est surtout très corrélé au niveau socio-
• l'intégrité de l'ensemble des capacités linguis- culturel du sujet et nécessite également, du fait de
tiques : organisation syntaxique, accès lexical, la formulation des questions, la compréhension
langage « élaboré » (génération de phrases, syno- de phrases longues (mémoire de travail) et un
nymes) et production de parole intelligible — à excellent accès syntaxique (« Que dois-tu faire ? »,
confronter au bilan de parole/langage (chap. 3) ; « Pourquoi ? »).

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Chapitre 1. Les outils du neuropsychologue

La formulation d'idées complexes peut être obé- Surtout, de nombreuses épreuves font en fait
rée par les troubles du langage expressif (réticence appel à des compétences linguistiques implicites
à répondre, réduction linguistique, paraphasies). (Arrangement d'images du WISC3).
Enfin, même dans des tâches non linguistiques,
Information (à partir de 2 ans 6 mois) certains enfants sans trouble du langage peuvent s'ai-
La plupart des questions font référence à des der d'un langage « égocentrique » qui les aide à orga-
connaissances générales et sont donc très dépen- niser et contrôler leur action (Cubes, Identification
dantes du niveau socioculturel familial et du niveau de concepts en nommant intérieurement les images),
scolaire de l'enfant. aide dont sont privés les enfants dysphasiques :
Par ailleurs, les connaissances requises sont des il s'agit là de répercussions souvent négligées des
connaissances déclaratives, stockées en mémoire troubles du langage dans ce domaine, traditionnel-
sémantique et/ou épisodique, mémoire à long terme lement considéré comme « non langagier ».
auditivoverbale : un déficit dans ces secteurs peut La plupart de ces épreuves sont relativement
rendre compte de scores médiocres ou effondrés. indépendantes du niveau socioculturel et du
Notons que beaucoup d'items mobilisent des niveau scolaire des enfants.
compétences numériques (nombre de jours dans Tous les subtests de cette échelle ont comme
la semaine, dans l'année, nombre de faces d'un voie d'entrée la vision dans toutes ses compo-
cube…). Des réponses systématiquement déca- santes et nécessitent donc :
lées dans ce domaine doivent engager, en lien • acuité visuelle suffisante ;
avec l'échec à l'épreuve Arithmétique, un éventuel • oculomotricité permettant une exploration
trouble du sens des nombres. convenable du matériel (Mazeau, 1995) ;
• perception des obliques ;
Conclusion • constitution de gnosies visuelles normales
Les différentes épreuves verbales requièrent certes (décodage d'images, de dessins, de contours).
des compétences linguistiques, mais aussi des com-
pétences en mémoire à long terme, en mémoire de
Identification de concepts
travail, et même (subtest Arithmétique) des compé- (IDC, à partir de 4 ans)
tences praxiques et spatiales ou visuelles (épreuves
à partir d'un matériel imagé). Toutes sollicitent, à C'est une épreuve de classement, de catégorisation
divers degrés et de différentes façons, l'attention et à partir d'images, qui ne nécessite pas de produc-
les fonctions exécutives. C'est pourquoi l'interpréta- tion verbale de la part de l'enfant. Les critères de
tion des scores obtenus par l'enfant ne peut pas se catégorisation sont très variables selon les planches
faire indépendamment d'une analyse qualitative des (appariement fonctionnel, expérientiel, par classe
résultats à chaque épreuve. Observer et comprendre logique…). Par ailleurs, le choix multiple est une
comment l'enfant s'y prend pour réussir ou pour problématique de premier plan dans ce subtest.
échouer est tout aussi important que de connaître En effet, parmi deux (puis trois) rangées d'images,
son niveau objectif de performance (note standard). l'enfant doit en extraire une de la première rangée
« qui va avec » une de la deuxième rangée (et éven-
tuellement une troisième de la dernière rangée qui
Épreuves dites non verbales, « va avec » les deux premières). Contrairement à
perceptives ou performance la conception classique des épreuves de classifica-
Il serait faux de croire que les compétences lin- tion ou de catégorisation (par ex., Classification ou
guistiques n'interviennent pas dans ces épreuves : Analyse catégorielle des EDEI pour des épreuves
bien que le matériel (images, cubes, dessins) ne soit non verbales), ou même des Similitudes sur le plan
pas directement « du langage », les consignes et les verbal, l'enfant ne doit pas extraire la règle qui lie
explications sont orales ; elles sont généralement les éléments d'un groupement déjà amorcé, mais
indispensables à la compréhension de la tâche qui il doit ­lui-même envisager différentes ­possibilités
peut rarement se déduire uniquement du matériel. de règles et de groupements (toutes les possibi-
Il faut savoir en tenir compte lorsqu'on s'adresse à lités sont initialement ouvertes), et voir lequel(s)
certains enfants : étrangers maîtrisant encore mal est(sont) compatible(s) avec des éléments don-
le français, malentendants, dysphasiques… nés dans les rangées suivantes. Les fonctions de

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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

contrôle de l'impulsivité, d'inhibition des distrac- • mais surtout d'importantes compétences exé-
teurs et des diffluences, de stratégie sont donc ici cutives : en effet, il faut prendre en compte
très sollicitées, au profit du repérage de classes, tous les items, lutter contre l'impulsivité, les
de groupes, de concepts parmi un foisonnement persévérations, les automatismes (associations
d'informations (visuelles). « automatisées » de type : bateau/marin, ou
Bien qu'il s'agisse bien d'une épreuve de fac- poule/poussin), et être capable de planifier une
teur G, apparemment le pendant non verbal de stratégie. En particulier, il faut faire preuve
celle des Similitudes, il est pourtant fréquent que les d'une grande flexibilité mentale pour envisager
enfants obtiennent des performances très contras- toutes sortes de liens éventuels entre les diffé-
tées à Similitudes et à Identification de concepts, et rents items ;
ce, en l'absence de tout trouble instrumental (ni
langagier, ni visuel) : ces épreuves, malgré les appa-
rences, explorent donc des capacités différentes.
Comment comprendre ces différences ?
Exemple
Il est probable que, pour résoudre le problème On peut envisager que le glaçon puisse
peut-être faire partie de la classe « eau » et
posé par IDC, certains sujets procèdent de façon
il sera alors appareillable avec une piscine
simultanée, globale, percevant l'ensemble des
ou une baignoire, mais peut-être aussi
items et en extrayant les deux ou trois éléments de la catégorie « froid » et il faudra alors
pertinents. Ils n'ont pas à justifier verbalement penser à l'appareiller avec l'esquimau, ou
leur choix, ce qui peut favoriser des enfants qui encore, en se basant sur la forme du des-
sont moins à l'aise avec les activités séquentielles, sin, évoquer qu'il puisse faire partie de la
verbales, analytiques. En effet, dans le subtest classe « forme cubique » pour imaginer un
Similitudes, c'est au contraire la qualité de la justifi- lien éventuel avec une boîte ou un dé à
cation verbale du lien entre les deux items fournis jouer, etc.
qui détermine la note.
Pour d'autres au contraire qui favorisent les trai-
tements séquentiels, IDC est très difficile du fait du • pouvoir se détacher des premières hypothèses
nombre d'items visuels à traiter (de quatre à douze faites dès qu'elles s'avèrent insuffisantes ou non
dessins). Cette remarque est particulièrement pertinentes, et en générer d'autres.
vraie lors du passage d'un choix sur deux rangées
à un choix sur trois rangées, qui marque une rup-
ture cognitive importante. En effet, dans le pre-
mier cas, l'enfant peut éventuellement trier tous les
appariements possibles. À partir de trois lignes, la
Exemple
combinatoire devenant explosive, l'enfant doit « se Le bateau de la première ligne semble
d'abord pouvoir être appareillé aux
laisser porter par les données » pour découvrir les
glaçons de la seconde ligne de quatre
dimensions conceptuelles communes.
images, sur la base du concept « eau »
Enfin, dans l'épreuve verbale des Similitudes, qui peut les réunir. Mais aucun des des-
c'est l'examinateur qui fournit à l'enfant les deux sins de la troisième ligne ne cadre avec
termes dont il doit trouver le point commun. cette hypothèse qu'il faut donc aban-
Dans l'Identification de concepts, tous les items donner. On peut chercher un autre lien
sont donnés à l'enfant ; c'est lui qui doit découvrir, logique (moyen de locomotion ?) et voir
parmi toutes les propositions, quels sont les items si, dans les deux autres lignes, d'autres
à assembler en faisant des hypothèses sur leurs éléments peuvent confirmer cette hypo-
liens catégoriels éventuels. thèse (y a-­t-il un camion, ou un vélo,
Quoi qu'il en soit, cette épreuve nécessite, outre ou… ?), mais si ce n'est pas le cas, il faut
les capacités de catégorisation explicitement reprendre le processus avec de nouveaux
sollicitées : items, en prenant acte que le bateau
• bien sûr des compétences visuelles et neuro- n'est pas un élément pertinent, qu'il n'a
visuelles qui garantissent que chaque dessin a aucun rôle autre que de distracteur.
bien été interprété ;
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Chapitre 1. Les outils du neuropsychologue

Matrices (à partir de 4 ans) ésotériques, s'éloignant d'un raisonnement de la vie


Cette épreuve mobilise le raisonnement par ana- quotidienne (fonction des connaissances générales
logie. Les items sont présentés sous la forme de de l'enfant et du milieu socioculturel).
tableaux dont il faut extraire la loi de construction, Outre des capacités de raisonnement, cette
dans le but de l'appliquer correctement et finir de tâche implique :
les compléter en choisissant le bon élément parmi • une perception visuelle fine intègre, un décodage
des distracteurs : « Si à côté du grand rond, il y a un et une analyse détaillée de chaque image : explo-
petit rond, alors à côté d'un grand carré, il y aura ration du regard, gnosies visuelles+++ (chap. 5) ;
un… ». Elle est donc conçue comme une épreuve • des capacités de synthèse (ne pas concevoir
de facteur G. Les suites sont constituées de des- chaque image comme un signifiant isolé) :
sins et les éléments à prendre en compte pour niveau de facteur G ;
faire le bon choix sont très variés : constituer des • de bonnes capacités de repérage temporel ;
paires de dessins identiques, relation numérique • des compétences linguistiques (récit+++) ;
entre les éléments, relations logiques… selon les • de bonnes capacités d'attention visant l'exhaus-
items, il faut prendre en compte la taille des dif- tivité de l'exploration du matériel ;
férents composants, leur couleur, leur orientation • de bonnes capacités exécutives de tri et de
(flèches, obliques…). combinatoire, ainsi que des capacités de plani-
Les compétences spatiales sont donc très sol- fication (choisir la première image, intercaler
licitées (chap. 4), et il ne s'agit d'une épreuve de une image entre deux autres déjà placées, auto-
facteur G que dans la mesure où l'enfant traite correction démontrant une bonne flexibilité
correctement les données spatiales. mentale…) ;
Les capacités attentionnelles sont aussi très • enfin, des compétences dépendantes du milieu
impliquées, ainsi que les fonctions exécutives socioculturel, la maîtrise des scénarios de la vie
(inhibition sélective, impulsivité). La flexibilité quotidienne et le contexte culturel des schémas
mentale est importante, car il faut tenir compte des narratifs traditionnels stockés en mémoire à
ruptures dans la difficulté progressive des items : long terme.
à partir du deuxième tiers de l'épreuve (environ),
Balances (à partir de 16 ans 11 mois)
l'enfant doit changer de stratégie, il doit renoncer à
s'appuyer uniquement sur des identités perceptives Épreuve originale et nouvelle dans la WAIS4, elle
et élaborer un véritable système d'analogies. sera intégrée dans la prochaine édition des échelles
de Wechsler pour les enfants (WISC5). Épreuve de
Arrangement d'images raisonnement, elle propose au sujet d'équilibrer
(de 8 à 21 ans : WNV et à partir des balances, sur la base de relations d'équivalence
de 16 ans 11 mois : WAIS3) précédemment proposées (si un carré rouge + un
Cette épreuve a malheureusement été supprimée triangle jaune « pèsent » autant ensemble qu'un
des nouvelles versions (WPPSI4 et WISC4). carré rouge + un rond vert, que faut-il mettre
Cette épreuve consiste à reconstituer un petit vis-à-vis d'un plateau contenant uniquement un
récit à partir d'une courte série d'images, c'est- triangle jaune + un rond vert ?). Cette tâche de
à-dire en retrouver la logique d'organisation. raisonnement déductif (« si… alors… donc ») est
S'agissant de saynètes de la vie quotidienne, l'enfant un bon complément à l'épreuve des Matrices, pro-
doit reconnaître le scénario implicite et retrouver posant un matériel inédit.
l'ordre temporel des enchaînements d'une image Outre des compétences se rapportant à la
à l'autre. On peut donc parler d'une compétence dynamique intellectuelle globale (compréhension
raisonnementale « concrète », les situations appar- implicite ou explicite des relations de transitivité
tenant pour beaucoup d'entre elles à la logique des et d'équivalence, facteur G), elle implique :
actes de la vie quotidienne ou « scripts » (on allume • de bonnes capacités d'organisation du
le feu avant de faire bouillir de l'eau), on met le regard (exploration, fixation) ;
linge dans la machine après l'avoir trié…). Une telle • une bonne régulation exécutive ;
tâche se retrouve pour les enfants plus jeunes dans • des capacités en mémoire de travail (maintenir
le KABC2 (Histoires à compléter). Remarquons que la ou les équivalences en tête le temps de l'appli-
certaines histoires pour les plus âgés sont assez quer à une situation nouvelle).
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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

Cubes (à partir de 2 ans 6 mois) Deux éléments sont également importants à


La reconstitution d'une figure géométrique d'après prendre en compte :
modèle (dessin en 2D) avec des cubes comportant • l'épreuve est chronométrée et l'enfant rapide béné-
différents arrangements géométriques de couleurs ficie de points dits « de bonification » ; mais, dans
selon leurs faces requiert (nature de la tâche) : la WISC4, il est désormais prévu de calculer une
• La perception, l'analyse et la synthèse visuelle en note standard sans les bonifications de temps.
termes de correspondance entre le tout (modèle) Ainsi, il est possible de distinguer les enfants qui
et les parties à assembler (faces des cubes) : échouent parce qu'ils ne savent pas comment
– stratégie ; orienter ou assembler les cubes entre eux, et ceux
– compétences visuospatiales (chap. 4) : choix qui y parviennent mais sont simplement plus lents ;
des faces correctes ; • ces cubes, de par leur conception, ne réclament
– fonctions exécutives ; pas uniquement des praxies constructives,
– compétences gnosiques visuelles et passage mais beaucoup de compétences visuo-spatiales.
2D/3D ; Ainsi certains enfants obtiennent-ils des scores
– perception spatiale (obliques) ; très différents à cette épreuve et à celle des Cubes
– si obtenu par tâtonnements : motricité fine de la NEPSY. En effet, les Cubes de la NEPSY
(explorer les différentes faces en tournant les sont uniformément rouges, et la tâche est uni-
cubes). quement constructive (tâche d'assemblage). Au
• La réalisation (compétences de « sortie ») suppose : contraire, les Cubes des échelles de Wechsler
– l'assemblage correct : comportent des faces mi-rouges et mi-blanches,
– fonctions praxiques et spatiales+++ ; à frontière oblique (ces faces se présentent
– motricité fine. comme un carré bicolore constitué de deux
• La comparaison (en cours et/ou en fin de tâche) triangles, l'un blanc, l'autre rouge). Les enfants
au modèle, éventuellement la correction d'un doivent donc reconstituer le « découpage » vir-
ou plusieurs éléments sollicite : tuel du modèle en ses différents éléments (les
– fonctions exécutives ; cubes), ce qui est beaucoup plus difficile avec
– oculomotricité (références au modèle) ; les cubes bicolores de la WISC. Par ailleurs, la
– perception des obliques ; réalisation d'obliques en assemblant des faces
– gnosies visuelles. bicolores est très complexe, tant sur le plan
Il est donc très important de noter comment cognitif que purement spatial, réclamant des
l'enfant s'organise : s'il prend chaque cube et le manipulations complexes de chacun des cubes
retourne en tous sens d'un air perplexe, s'il est mis (choix de la face, puis orientation des parties
en échec par les obliques qu'il tente de restituer par blanches et rouges de la frontière oblique…).
des manœuvres tout à fait inappropriées (par ex., • L'ajout, pour les petits, d'une épreuve de cubes
certains enfants cherchent à produire une oblique monocolores (partie A de l'épreuve) permet
en « inclinant » le cube !), s'il est capable de com- désormais une réelle évaluation de capacités
parer sa production au modèle, s'il perçoit les dif- constructives, d'autant que l'examinateur pro-
férences et s'il critique (ou non) sa réalisation, etc. cède à une démonstration de la construction à
faire devant l'enfant (pour les items 1 à 13). Ce
n'est que dans un second temps que les cubes
Sur le plan neuropsychologique, ce subtest est sont bicolores (item 11 et suivants), ce qui néces-
essentiellement une épreuve : site une organisation spatiale très différente, tant
• de stratégie et de raisonnement non verbal dans la manipulation même du cube que dans la
(facteur G). Sa réussite peut servir de référence conception ou l'orientation des obliques. Enfin,
pour évaluer la pensée conceptuelle, le « niveau ce n'est qu'à partir de l'item 14 que le modèle sera
de développement cognitif » de l'enfant, surtout présenté sous forme d'un dessin (sans démons-
en cas de troubles linguistiques ou mnésiques ; tration), nécessitant une transposition de deux
• practospatiale+++. Elle est particulièrement dimensions (le modèle présenté) à trois dimen-
échouée lors des dyspraxies et des troubles sions (la réalisation à faire). Il s'agit donc de
visuospatiaux (et perd alors, dans ces cas, toute
modifications notables et de variations de pré-
signification en termes de « facteur G »).
sentation très précieuses pour le clinicien.
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Chapitre 1. Les outils du neuropsychologue

Complètement d'images Il est donc capital, en cas de difficultés, de noter


(à partir de 4 ans) si l'enfant a reconnu le modèle (dans ce cas, s'il
On demande à l'enfant de désigner la partie man- n'a pas de troubles langagiers, il le dit spontané-
quante d'un dessin significatif. On s'abstiendra de ment : « c'est un cheval ») et qu'il ne peut en réussir
solliciter la dénomination afin d'éviter, en cas de l'assemblage, ou au contraire s'il ne sait pas quel
trouble du langage, l'interférence d'un écran lin- résultat il doit obtenir. En outre, il est important
guistique. La tâche invite donc à l'observation et de noter s'il tourne les pièces dans tous sens ou s'il
l'interprétation d'une image, la comparaison avec cherche à s'aider de la verbalisation, etc.
un stock de représentations interne, la désigna- Malheureusement, ce subtest a disparu du
tion de la partie manquante… ce qui, en principe, WISC4. En effet, il était très intéressant, chez
permet de contourner la dimension langagière de l'enfant dyspraxique, de comparer, à partir de
l'épreuve. À nouveau, cela ne veut pas dire que 7 ans, ses performances, fréquemment très
l'enfant n'associe pas de manière irrépressible des disparates, aux deux épreuves spécifiquement
évocations lexicales, lorsque celles-ci sont dispo- praxiques, Cubes et Assemblage d'objets : certains
nibles. Cependant on peut très bien désigner la enfants échouent massivement les Cubes (note
partie manquante d'une porte sans savoir que cela standard entre 1 et 3) alors qu'ils réussissent
s'appelle un gond, une serrure ou une poignée… La nettement mieux AO (note standard aux alen-
tâche requiert donc : tours de 7-9), d'autres ayant exactement le pro-
• la connaissance préalable de ce que représente fil inverse. Il s'agissait donc manifestement de
le dessin, du concept, la fonctionnalité de l'objet différentes populations d'enfants dyspraxiques,
représenté : contexte socioculturel ; certains étant aidés par la représentation mentale
• la reconnaissance du dessin en tant que tel, et la de l'objet à reconstituer, objet qu'ils identifiaient
perception des détails pertinents (pour pouvoir à partir d'un élément parcellaire. L'épreuve a été
déterminer lequel manque) : attention visuelle, maintenue dans les éditions successives de la
regard et gnosies visuelles (chap. 4 et 5). WPPSI (jusqu'à 7 ans).
• Que la réponse (compétences de « sortie ») soit
Reconnaissance d'images
désignée et pointée, soit, si l'enfant le fait spon-
(WNV uniquement de 4 à 7 ans)
tanément, verbalisée (niveau de connaissances
lexicales, accès lexical). Uniquement proposée par la batterie « non
verbale », elle mobilise les gnosies visuelles.
Présentant initialement les images cibles pendant
À noter une durée brève, la réussite dépend aussi des capa-
Dans l'échelle Raisonnement perceptif, cette cités de mémoire visuelle à court terme.
épreuve est l'une des rares (avec Identification de Pour mémoire, l'épreuve Labyrinthes du WISC3
concepts) qui ne soit ni praxique ni visuospatiale. a été supprimée des éditions ultérieures. On la
retrouvera dans d'autres batteries (Elithorn Mazes,
Laby5–12…). Elle peut néanmoins compléter uti-
Assemblage d'objets lement une analyse de la planification et de l'inhi-
(de 2 ans 6 mois à 7 ans 3 mois) bition sélective chez l'enfant. Il reste qu'il s'agit
Il s'agit d'une épreuve de puzzles, qui nécessite d'une tâche complexe et multidimensionnelle
(nature de la tâche) une représentation mentale du impliquant de nombreuses compétences cogni-
tout à partir d'indices visuels parcellaires : tives sous-jacentes. En effet, parcourir un laby-
• à confronter au niveau de développement ; rinthe suppose (nature de la tâche) :
• et aux capacités gnosiques visuelles (images+++) • la possibilité de distinguer l'intérieur de l'exté-
(chap. 5). rieur des « couloirs », d'anticiper du regard,
La réalisation demandée (compétences de « sor- d'effectuer un suivi linéaire du regard : oculo-
tie ») requiert un assemblage des pièces selon une motricité, exploration/balayage, compétences
organisation spatiale convenable : « regard » ; stratégie du regard (fonctions exécu-
• compétences motricité fine ; tives, planification) ;
• compétences praxiques+++ ; • des capacités d'orientation : compétences
• compétences visuospatiales+++. visuospatiales ;
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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

• l'organisation d'une stratégie adaptée en conce- C'est pourquoi il est alors capital de propo-
vant qu'il faille momentanément s'éloigner du ser un test qui ne soit ni praxique, ni linguis-
but, reconnaître et contourner l'obstacle : fonc- tique pour juger des capacités de raisonnement,
tions exécutives+++. logique, conceptualisation non verbale de l'enfant
La réalisation des Labyrinthes exige (compé- (Analyse catégorielle des EDEI, par ex.).
tences de « sortie ») la production d'un trait pré-
cis : motricité fine, graphomotricité. Épreuves dites de mémoire
Cette épreuve, qui était facultative et souvent
de travail
négligée, a été abandonnée dans les dernières
versions des échelles de Wechsler. Pourtant elle Mémoire des chiffres (à partir de 6 ans)
était révélatrice des troubles du contrôle et de la Cette épreuve, de passation très rapide, donne des
stratégie caractéristiques des syndromes dysexé- renseignements importants sur les systèmes de
cutifs : les enfants sont alors incapables de réali- mémoires provisoires.
ser les « détours » nécessaires, leur impulsivité les La répétition de chiffres à l'endroit sollicite :
conduit à aller directement au but, franchissant • l'attention auditivoverbale (fonctions exécu-
tous les couloirs sans souci des frontières ou des tives, attention sélective, focalisée) ;
impasses. • la mémoire à court terme (fonctions
Cependant, les troubles oculomoteurs (fré- mnésiques).
quents en particulier chez les enfants IMC et/ La répétition de chiffres à l'envers explore en
ou anciens prématurés) rendaient cette épreuve outre la mémoire de travail.
ininterprétable.
Au total, les différentes épreuves proposées dans
les échelles réputées non verbales sollicitent prati-
Indépendamment du niveau de la perfor-
quement toutes les fonctions cognitives. À partir
mance, il faut noter l'intérêt d'une éventuelle
du moment où l'enfant est en difficulté dans une
dissociation entre ces deux modalités de pas-
ou plusieurs épreuves, il devient crucial de dispo- sation, désormais bien individualisées (et per-
ser d'une étude qualitative, de passer ses erreurs au mettant un étalonnage indépendant, et une
crible de l'analyse des différents facteurs en jeu et de mesure des dissociations éventuelles) dans la
disposer d'une grille de lecture pour comprendre les WISC4.
stratégies (erronées, compensatrices ou autres) utili- Le fait de moyenner ces deux sous-épreuves, de
sées par l'enfant pour tenter de résoudre le problème. ne transmettre que la note globale pour ce subtest
risque d'effacer des dissociations pourtant très
instructives en ce qui concerne l'investigation de
À noter la mémoire de travail.
Attention à l'interprétation de la note d'échelle
« non verbale », « performance » ou à « l'indice de
raisonnement perceptif » chez les enfants dys-
Cependant, il faut savoir que la répétition
phasiques car :
• la contre-performance possible au Code et à de chiffres à l'envers peut être, pour de nom-
l'Arrangement d'images (récit) contribue à un breux sujets, une tâche qui sollicite plus le
faible score d'échelle ; bloc-notes visuospatial (mémoire de travail
• la fréquence des troubles du geste (dyspraxies, visuospatiale), que les mémoires transitoires
dysgraphies) associés aux dysphasies induit un auditivoverbales. En effet, beaucoup de sujets
échec aux subtests assemblage d'objet, cubes, etc. ; se projettent mentalement, mais visuellement,
les chiffres énoncés par l'examinateur, puis les
« relisent » à l'envers. Cette tâche peut donc
La note performance est alors faible et donne être altérée par des troubles des traitements
l'impression (erronée) de déficience mentale. spatiaux.

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Notons au surplus que cette épreuve de aux questions liées à la discrimination auditive
mémoire de travail implique aussi des capacités lors des confusions du type (un/A).
de raisonnement combinatoire. Tel n'est pas le
cas pour les épreuves plus « pures » en mémoire Mémoire visuospatiale
de travail telles que les n-back (le sujet doit (WNV uniquement de 8 à 21 ans)
reconnaître l'apparition d'un stimulus visuel Il s'agit de l'épreuve classique dite des Cubes de
ou verbal, identique à celui apparu n pas plus Corsi. Elle peut être conçue partiellement comme
tôt). Ces épreuves ne sont malheureusement un pendant visuel de l'épreuve Mémoire de
pas couramment disponibles dans un environ- chiffres. Elle se divise en deux conditions :
nement clinique. • Empan visuel endroit : l'enfant observe
l'adulte lui désigner du doigt un chemin en
pointant successivement une série de cubes
À noter sertis sur une planchette de bois. Lorsque
Dans la WPPSI, il n'est prévu aucune épreuve l'adulte a terminé, c'est à l'enfant de répli-
équivalente en MT auditivoverbale, mais la 4e quer le chemin dans le même sens que celui
édition inclut désormais une tâche de mémoire observé. Il s'agit donc bien d'une tâche de
de travail visuelle et visuospatiale (Mémoire mémoire visuelle à court terme. Notons
spatiale), étalonnée dès 2 ans et demi. Pour les cependant qu'elle peut s'appuyer sur la voie
jeunes enfants, il faudra donc aller chercher dans dorsale (cf. Mishkin et Ungerleider, 1982 ;
d'autres tests des épreuves qui permettent d'éva- Goodale et coll., 1991) du « où » et du « com-
luer les mémoires transitoires auditivoverbales, ment » et que le mouvement du doigt est
si importantes pour les premiers apprentissages facilitateur, car permet un encodage double
en lecture (lecture par assemblage). On peut de la position du cube désigné et du dépla-
conseiller des épreuves de répétitions de mots cement du doigt d'un cube à l'autre (codage
ou phrases dont la longueur (en nombres de syl- d'un trajet). Il ne s'agit donc pas d'un empan
labes) est contrôlée (MSCA) ou la répétition de visuel « pur », qui permettrait d'analyser le
phrases de la NEPSY. nombre d'informations simultanées prises en
compte par l'enfant, ce qui est précieux pour
les capacités de lecture. Il s'agit d'une tâche
Séquences lettres et chiffres séquentielle et l'empan visuel est ici bidimen-
(à partir de 6 ans) sionnel, et consiste à mémoriser un déplace-
Il s'agit d'une épreuve de la WAIS introduite dans ment. C'est en cela que cette épreuve n'est pas
la WISC4, qui permet d'investiguer la mémoire exactement le pendant visuel des épreuves de
de travail auditivoverbale : l'examinateur énonce MT auditivoverbales.
une série (de 2 à 8 items) de lettres et de chiffres ; Sa réussite nécessite, outre de bonnes capaci-
le sujet doit répondre en restituant les lettres et les tés attentionnelles et exécutives, des capacités
chiffres après les avoir triés, restituant d'une part oculomotrices intactes (l'œil suit le doigt de
les chiffres dans l'ordre numérique, d'autre part l'examinateur, et l'œil guidera ultérieurement le
les lettres dans l'ordre alphabétique. Cette épreuve doigt du sujet pour passer d'un cube à l'autre),
sollicite donc particulièrement l'administrateur ainsi qu'une bonne coordination entre l'œil et
central. Elle est complémentaire de « mémoire des la main.
chiffres envers ». • Empan visuel envers : il s'agit en prin-
Elle réclame : attention auditive et bonnes capa- cipe d'une épreuve miroir dans le domaine
cités exécutives (chap. 7) afin d'éviter les persévé- visuel de l'épreuve d'empan de chiffres envers.
rations, les diffluences, les séries automatiques, et Supposée épreuve de mémoire de travail dans la
surtout de gérer la répartition de l'attention entre modalité visuelle, elle consiste à réaliser le che-
les lettres et les chiffres durant la remise en ordre min désigné par l'examinateur, mais à rebours.
de chacune des séries. On restera vigilant quant Notons que cette tâche bénéficie de nombreux

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Tableau 1.2. Les nouveautés du WISC5.


Sub-tests supprimés Commentaires
IDC A été conservé dans la version anglaise (intéressant à conserver dans de
nombreux cas, lorsqu'on a besoin d'une épreuve de catégorisation non
verbale)
Sub-tests modifiés
Mémoire des chiffres Trois épreuves dont deux identiques aux précédentes. Une troisième
consistant à remettre les chiffres dans l'ordre croissant, ce qui évite la
surcharge due à la recombinaison (y compris visuo-spatiale, dans l'épreuve
de chiffres envers)
Matrices Modification des items qui donne moins d'importance aux compétences
visuo-spatiales, et plus à l'aspect plus proprement raisonnemental
Nouveaux sub-tests
Balances Confère texte p.35
Puzzles visuels Epreuve supplémentaire dans le domaine visuo-spatiale, réclamant des
capacités de rotation mentale (et donc de mémoire de travail visuelle)
Mémoire des images Mémoire de travail visuelle, qui complète utilement l'analyse de la
mémoire de travail. La présentation de l'épreuve génère un conflit entre
l'ordre de la première et de la seconde présentation des images (fonctions
exécutives)

effets facilitateurs et ne peut véritablement sées. On doit au moins ajouter les compétences de
être considérée comme une épreuve de mémoire raisonnement et de manipulation de chiffres. En
de travail authentique. En effet si, dans l'épreuve fait de facteur(s), ce sont au moins quatre dimen-
d'empan de chiffres envers, aucun lien n'existe sions cognitives qui entrent dans l'interprétation
entre deux chiffres prononcés successivement, des leviers de cette tâche (modulées bien sûr par
dans l'épreuve spatiale, la tâche est facilitée par les fonctions attentionnelles et exécutives). L'échec
l'effet d'amorçage induit par le passage d'un ne peut être d'emblée imputé uniquement, soit aux
cube à l'autre. L'enfant n'a pas forcément besoin capacités langagières ou de mémoire de travail de
de maintenir et réorganiser le chemin observé, l'enfant.
il peut en repartant du dernier cube, retrouver Cette épreuve est en réalité découpée en deux
en les reconnaissant, les « sauts » réalisés d'une étapes :
paire de cube à l'autre. • La première consiste en quelques tâches de
dénombrement, appuyées sur des planches
Arithmétique (à partir de 6 ans) illustrées. Étape précieuse pour les enfants les
Dénotant l'hésitation des auteurs quant à l'affecta- plus jeunes, elle permet de juger de l'installa-
tion de cette épreuve dans la catégorie verbale ou tion ou non de deux des trois règles de Gelman :
dans la catégorie mémoire de travail, elle illustre correspondance entre chaque objet et un mot
assez bien les ambiguïtés d'une analyse f­ actorielle. nombre, cardinalisation (la règle d'indiffé-
En effet, cette tâche implique bien ces deux dimen- rence de l'ordre est ici moins facile à observer,
sions cognitives (langagière et de mémoire de le matériel étant lui-même structuré, il permet
travail) en même temps ! Mais ce ne sont pas uni- peu de liberté au sujet dans le déclenchement
quement ces deux compétences qui sont mobili- et l'organisation ultérieure de la procédure de

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comptage). Quelques items permettent de voir collection de référence ou surcomptage (sou-


s'amorcer des opérations calculatoires, si le vent révélé par des temps de latence), type de
vocabulaire est maîtrisé (par ex., notion de « en raisonnement, oubli de certains éléments de la
tout ») ou de raisonnement déductif. consigne, demandes de répétition de la consigne
• La seconde étape est purement verbale et ne per- (attention, compréhension), le choix des opé-
met pas l'utilisation du brouillon. Des énoncés rations, les erreurs de calcul malgré un bon
sont proposés à l'enfant qui doit les résoudre de raisonnement, etc.
tête. Commençant par des items simples à une
opération arithmétique (addition ou soustraction
de nombres inférieurs à 10), elle progresse vers Épreuves dites
des tâches à deux opérations ou impliquant des « de vitesse de traitement »
plus grands nombres. Au décours de cette étape, La notion de vitesse de traitement est ici excessi-
certains sujets utilisent une projection mentale de vement trompeuse, car il est difficile de préciser
l'opération « posée » à réaliser : cela peut expliquer quels sont les traitements qui sont anormale-
certaines difficultés de jeunes présentant des ment lents. En effet, les trois tâches proposées
troubles visuospatiaux (sans que cela ne traduise dans ce domaine mobilisent essentiellement
un trouble dans le domaine numérique). des compétences de nature oculomotrices et
Il s'agit donc d'une épreuve composite impli- impliquent une bonne discrimination visuelle.
quant le raisonnement (facteur G), le sens des Même la dimension motrice, lorsqu'elle existe,
nombres, la mémoire de travail et la compréhen- est minime, et ne pénalisera que les enfants
sion verbale. Elle est aussi très dépendante du très gênés dans ce domaine. La lenteur dans ces
niveau scolaire de l'enfant. Dans le WISC, elle tâches ne peut donc être imputée à une lenteur
est proposée de manière facultative, alors qu'elle générale qui ­impliquerait l'ensemble des trai-
est très informative du fait de la multiplicité des tements intellectuels et cognitifs. Il en est de
processus en jeu et devrait donc être proposée de même en ce qui concerne une hypothèse prin-
manière systématique. cipalement attentionnelle. Tâches brèves (2 min
La réussite à ces tâches suppose donc : chacune), elles ne peuvent servir en effet de
• la connaissance de la comptine des mots- mesure fiable des capacités de focalisation de
nombres, corrélée à de nombreuses fonctions l'attention.
mentales : Isolée comme une échelle à part entière des
– facteur G, échelles de Wechlser, elle ne peut rivaliser en
– capacités mnésiques, termes d'importance des traitements impli-
– compétences linguistiques, qués avec les autres échelles. Notons que trans-
– capacités de dénombrement et de cardinali- mettre à une famille ou des professionnels un
sation, diagnostic de lenteur de traitement sur la base
– capacités visuospatiales et praxiques, dans les de ces quelques tâches est abusif et dangereux.
items appuyés sur des données visuelles ; On réservera donc l'analyse de ces tâches à des
• la possibilité de faire de petites opérations sur préoccupations essentiellement de bas niveaux,
les nombres : impliquant la bonne efficacité de l'outil visuel
– résultats mémorisés d'opérations mentales : (oculomoteur).
niveau scolaire (compétences mnésiques),
– accès au surcomptage : niveau de développe- Code (à partir de 4 ans)
ment (raisonnement logique). Cette épreuve de Code, chronométrée, cherche à
Il faut donc non seulement noter les réponses mettre en évidence (nature de la tâche) :
de l'enfant, mais également tous les éléments qu'il • l'accès aux symboles ;
donne à voir des stratégies qu'il met en œuvre : • des capacités de transcodage de signes arbi-
réponses « par cœur », usage des doigts comme traires.

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La réalisation de la tâche (compétences de « sor- Symboles (à partir de 4 ans)


tie ») nécessite : Cette épreuve (modalités d'entrée) requiert d'excel-
• une référence aux modèles, ce qui nécessite lentes capacités d'organisation linéaire du regard
des saccades oculaires rapides, parfaitement (exploration de la ligne de symboles, régulièrement
calibrées et fiables (sinon perte de temps+++ et et de la gauche vers la droite ; capacité de faire des
erreurs) : capacités oculomotrices, exploration/ références au modèle sur une même ligne, etc.).
balayage (regard) ; Le repérage d'un symbole identique au « sym-
• une mémorisation des codes (gain de bole isolé » en début de ligne (le modèle) néces-
temps+++) : mémoire à court terme, mémoire site attention visuelle (nature de la tâche), mais
de travail ; également (modalités de réponse) une capacité de
• d'écrire (rapidement) un signe dans la case pré- comparaison visuelle de dessins non signifiants :
vue : capacités graphomotrices : motricité fine, • attention et fonctions exécutives (choix, straté-
dysgraphies (quelle qu'en soit la cause). gie), cf. chap. 7 ;
• la référence aux modèles, en début de ligne,
À noter nécessite des saccades oculaires rapides, par-
faitement calibrées et fiables (sinon perte de
L'échec au Code peut être secondaire à des temps+++ et erreurs) : capacités oculomotrices,
troubles oculomoteurs et/ou à des dyspraxies, ou
exploration/balayage (regard) ;
encore à la lenteur (épreuve chronométrée).
Cette épreuve, chronométrée, participe au
calcul de l'indice de « vitesse de traitement ».
Une même note à cette épreuve peut donc On peut faire les mêmes réflexions que pour le
recouvrir des réalités très différentes, et il est très subtest Code : importance de savoir, lorsque la
important de noter la stratégie de l'enfant (réfé- note obtenue est faible, si l'échec est lié à la lenteur
rences au modèle, subvocalisation, etc.), s'il y a (peu de signes cochés, mais tous à bon escient)
peu de réponses mais correctes ou au contraire ou si au contraire il y a de nombreuses erreurs ;
beaucoup d'erreurs, si l'enfant a des difficultés importance, si lenteur il y a, d'un éventuel trouble
à repérer les lignes (tentatives de suivi du doigt du regard, d'un trouble graphique, ces deux der-
par ex.), etc. nières fonctions intervenant cependant de façon
Ce subtest est aussi utilisé (avec Symboles) pour beaucoup plus discrète que dans la réalisation de
calculer un indice de vitesse de traitement. Nous l'épreuve du Code.
avons déjà signalé qu'il n'était pas évident de
savoir de quel « traitement » on évalue la vitesse… Barrage
La rapidité d'exécution de la tâche peut en effet Dans cette épreuve, le sujet doit repérer et cocher
dépendre aussi bien de la mémoire de travail, que des cibles parmi des distracteurs. Deux étapes
des compétences « regard » ou des performances sont prévues. Dans la première, le matériel est
graphiques. structuré, c'est-à-dire que les images sont organi-
Quoi qu'il en soit, il est important : sées de manière linéaire avec passage à la ligne.
• d'objectiver la lenteur de l'enfant quand elle Dans la seconde, le matériel est réparti de manière
existe ; la lenteur peut en effet être, en soi, un aléatoire dans la page de format A3. Si elle est pré-
handicap scolaire majeur ; cieuse, cette tâche d'exploration permettant de
• d'essayer d'en comprendre les causes : enfant juger des qualités oculomotrices de l'enfant est à
perfectionniste et peu sûr de lui qui effectue l'épreuve peu satisfaisante. Le matériel étant en
de nombreuses revérifications, enfant ne couleur, le contraste entre cibles et distracteurs
mémorisant pas le code et obligé de recher- est significatif, ce qui aide beaucoup de sujets. La
cher le modèle à chaque item, enfant stressé présentation initialement structurée du matériel
et inhibé par le chronomètre, enfant dysgra- amorce chez l'enfant un traitement organisé, qu'il
phique qui perd du temps à contrôler l'am- n'aurait peut-être pas initié seul, s'il n'avait eu
plitude de son geste, enfant distractible qui accès à la première étape. Dans les faits, la tâche
papillonne, etc. est peu sensible, souvent réussie. On lui préfé-

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Chapitre 1. Les outils du neuropsychologue

rera une tâche plus « confondante », proche des échelles composites des compétences humaines.
exigences écologiques, par exemple lors de la lec- Si les épreuves de Cubes, Identification de concepts
ture (par ex. : Barrage de cloches ou autres tâches et de Matrices sont toutes trois basées sur un
d'attention visuelles comme celles proposées dans matériel indubitablement visuel, les mécanismes
la Tea-Ch). sous-jacents nécessaires à leur réussite sont extrê-
Qualitativement, les barrages des échelles de mement variés et irréductibles les uns aux autres.
Wechsler mobilisent les compétences suivantes : Les compétences visuoconstructives nécessaires
• fondamentalement une bonne maturité aux Cubes ont peu d'impact sur le raisonnement
oculomotrice ; par analogie nécessaire à l'épreuve des Matrices
• de bonnes capacités d'attention focalisée ; et inversement. Travailler par indices d'échelles
• des capacités d'organisation systématique de la (même si les notes standards sont homogènes),
recherche. ou pire encore par QI est donc très peu pertinent
Le barrage de certains distracteurs (fausses au cours de l'évaluation neuropsychologique de
alertes), l'amplitude et l'organisation des sac- l'enfant.
cades, le passage répété sur des cibles que
l'enfant ne repère pas, un arrêt prématuré de
la recherche, la lenteur sont tous des éléments
Une proposition ancrée dans le
d'observation importants et informant le neuro- paradigme cognitif : la NEPSY2
psychologue. Publiée pour la première fois en France en 2003
après un long développement initial dans les
pays nordiques puis aux États-Unis, la NEPSY
Conclusion (Korkman, édition révisée et amplifiée en 2012)
Les échelles de Wechsler restent toujours un est sans doute, à la date d'aujourd'hui, l'une des
outil de choix dans l'évaluation neuropsycho- seules batteries d'épreuves destinées à l'enfant à
logique de l'enfant (tableau 1.3). Loin d'être s'inscrire de manière explicite dans le paradigme
simplement un instrument de mesure de « l'in- neuropsychologique et cognitif du traitement de
telligence » du sujet (on pourrait presque dire : l'information. Pendant longtemps en effet, les
au contraire !), elles offrent une série d'épreuves tests neuropsychologiques sont restés réservés à
variées et complémentaires constituant géné- l'adulte. Or, même si la maturation développe-
ralement un excellent outil de débrouillage. mentale de l'enfant est clairement un facteur à
Permettant l'observation de multiples compé- prendre en compte lors de l'évaluation du sujet
tences du sujet, on verra (chap. 2) qu'elles ne jeune, les principes généraux et les modèles sous-
sont en général qu'un point de départ, certes jacents au traitement de l'information restent
primordial, de l'évaluation des aptitudes cogni- bien, quant à eux, identiques à ceux qui prévalent
tives de l'enfant. Aucune épreuve n'est vraiment chez l'adulte.
pure du point du traitement de l'information, S'appuyant sur la démarche de Luria, la NEPSY
mais au contraire le plus souvent massivement propose une série d'épreuves variées avec l'objectif
plurifactorielle. L'analyse fine des traitements initial que celles-ci soient « soigneusement ciblées
sous-jacents met le praticien sur la piste d'une pour évaluer les fonctions complexes et leurs
évaluation plus poussée. sous-composantes ». En effet, elle reconnaît que
Bien qu'ancrée théoriquement dans la famille des « systèmes cérébraux multiples interviennent
des batteries construites sur la base des modèles dans les fonctions cognitives complexes » (p. 1 du
factoriels de type CHC (Cattell Horn Carroll), manuel). Opposée dans sa conception à des bat-
on comprend bien que la réduction de chaque teries généralistes d'efficience globale, la NEPSY
épreuve à une série limitée de facteurs explicatifs s'attache en principe à proposer des tests « limi-
qu'ils soient primaires ou secondaires est insuffi- tant ou contrôlant le nombre de processus cogni-
sante lorsqu'il s'agit d'interpréter la réussite et sur- tifs mesurés dans un seul test, en [cherchant] à le
tout l'échec à une épreuve. Au surplus, on touche rendre aussi “pur” que possible » (p. 6). On verra
ici à toutes les limites d'une représentation par cependant que si on y propose des tests précis

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Tableau 1.3. Les différents subtests des échelles de Wechsler : principales compétences cognitives sollicitées (schématique).
Épreuve Facteur G Attention M. de T Compétences Compétences Niveau Observations
et fonctions linguistiques visuo-practo-spatiales scolaire et/ou
exécutives socioculturel
SIM +++ ++ + ++ — — > 4 ans
VOC + ++ — +++ — +++ Métalinguistique
COM + + + ++ — +++ Compétences sociales
COS
INF + + et MLT ++ — +++
RVB + ++ + et MLT +++ — ++
CUB +++ + — +/– +++ — Épreuve chronométrée : note avec ou sans
(certains sujets s'aident bonification de temps
d'auto-instructions verbales)
IDC +++ ++ +/– (gnosies visuelles) —
44

MAT +++ ++ — — +++ —


CIM ++ + — ? (gnosies visuelles) —
MCH — +++ +++ + + (CH à l'envers) — > 6 ans
Comparer performance endroit et envers +++
SLC — +++ +++ + — — > 6 ans
ARI ++ ++ ++ ++ ++ ++ > 6 ans
COD — + ++ ++ + — Épreuves chronométrées : enfant lent ?
SYM — + — — ++ —
BAR — +++ — — + (regard) — > 6 ans
Épreuve chronométrée : enfant lent ?
COM + ++ — +++ (gnosies visuelles) +++ Épreuves spécifiques à la WPPSI3
AOB + + — — +++ —
DIM + ++ — +++ (gnosies visuelles) +++
Cotation : de « +++ » = très dépendant de ce facteur à « - » = peu dépendant de ce facteur.

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Chapitre 1. Les outils du neuropsychologue

visant la mesure de sous-composantes fondamen- rares à des âges précoces, plus courantes à des
tales des capacités cognitives, on trouvera aussi âges plus tardifs) ;
des tâches visant certains aspects complexes des • d'autres sont rares dans le groupe contrôle,
capacités cognitives, mettant à contribution plu- mais révélatrices de certains troubles.
sieurs sous-composantes, « pouvant appartenir Il sera de ce fait particulièrement précieux
à un ou plusieurs domaines cognitifs ». Dès lors, de s'appuyer sur les données psychométriques
la vigilance et l'analyse soigneuse des différentes étalonnées des erreurs observées au cours de la
dimensions impliquées dans chaque épreuve passation.
restent de mise. S'inscrivant bien dans le paradigme cognitif,
Du point de vue psychométrique, les auteurs les auteurs affirment eux-mêmes « qu'il y a néces-
reconnaissent que les performances aux subtests sité à aller au-delà des notes de performance
évaluant les processus fondamentaux plafonne- globale, qui bien souvent, ne permettent pas de
raient à un âge précoce, tandis que les perfor- cerner les mécanismes sous-jacents qui contri-
mances aux subtests mesurant des opérations plus buent au mauvais fonctionnement ». De manière
complexes s'amélioreraient avec l'âge. En effet, les assez symptomatique et paradoxale pourtant,
fonctions de bas niveau du fonctionnement cogni- ils proposent toute une richesse d'échelles et
tif arrivent à maturité assez vite, ce qui n'est pas le notes composites, au risque de masquer les spé-
cas des fonctions de haut niveau (attentionnelles cificités liées à la réussite ou à l'échec lors de la
et exécutives, cf. étapes développementales in passation d'une tâche. Restons bien conscients
Préambule). pourtant qu'à moins d'être tout à fait homogènes,
Donnant l'exemple des aptitudes motrices, on les différentes composantes cognitives d'une
observe un effet de plafonnement dès 9 ans, la tâche contribueront de manière variée à l'échec
grande majorité des enfants étant en mesure à dans une telle tâche. Les « moyenner » revient
partir de cet âge-là de réaliser les tâches deman- à masquer toute la richesse de la mesure et des
dées, car les fonctions mobilisées appartiennent observations. On évitera donc tout bonnement
à « l'équipement standard » de l'enfant. À partir de calculer ces notes composites sans intérêt du
de cet âge-là, l'observation d'un déficit est donc le point de vue neuropsychologique.
signe d'un trouble probable. Il y a alors un raison- D'autant que les auteurs ont bien pris soin le
nement fonctionnant plutôt en « tout ou rien » : plus souvent de mesurer de manière autonome
Soit l'enfant réussit bien la tâche demandée, et il les différentes dimensions d'une même épreuve,
est alors dans la norme. A contrario, les difficultés évitant l'écueil de mélanger des aspects quali-
au cours d'une tâche de bas niveau signalent un tativement distincts au sein d'une même « note
trouble dont on peut mesurer le degré de sévé- objective ». En effet, que vaut par exemple une
rité. Aussi la distribution des aptitudes pour les mesure composite de « précision visuomotrice »
fonctions cognitives de base n'est-elle pas néces- lorsque vitesse et précision du tracé sont très
sairement (et plutôt rarement) normale (elles ne dissociées ?
sont pas distribuées selon une courbe en cloche Des notes de comparaisons sont parfois
symétrique), et donc fortement dyssymétrique en disponibles. Elles sont néanmoins rarement
faveur de la droite (les bonnes performances). On ­informatives, car le plus souvent triviales. Par
raisonnera donc ici plutôt en percentile qu'en note exemple, si l'écart entre la tâche A (NS = 12) et
standard. la tâche B (NS = 8) est de 4, cet écart correspond
Un intérêt particulier est porté à la notion d'er- à une note standard (de l'écart) de 8, à savoir
reurs, à leur prévalence et évolution au cours du la moyenne basse. En réalité, le praticien réalise
développement. On distinguera : facilement qu'une des deux tâches est mieux
• les erreurs caractéristiques d'un certain niveau réussie que l'autre : le calcul de la note standard
de développemental ; de l'écart apporte donc peu d'information sup-
• les erreurs représentées de manière homogène plémentaire… Le seul cas où cette note présente
aux différents groupes d'âge ; un intérêt serait celui où l'on constaterait un
• certaines erreurs qui sont plus ou moins rares écart très inhabituel entre les performances de
selon l'âge, avec des effets paradoxaux (erreurs deux tâches.

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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

La 2e édition apporte des améliorations notables Londres nous semble en revanche dommageable.
par rapport à la première : extension de la cou- Certes de nombreuses critiques ont pu lui être
verture d'âge de 5 à 16 ans, inclusion d'une tache opposées.
de catégorisation (facteur G), de nouvelles tâches Cette tâche consiste en un petit casse-tête lar-
exécutives, visuospatiales, de perception sociale, gement utilisé dans les études de psychologie
ajout d'items plus simples pour éviter un effet cognitives quant à la démarche de raisonnement.
plancher non informatif et obtenir des mesures S'appuyant sur un dispositif matériel sous la
plus fines des troubles, dans la partie « gauche » forme d'un chevalet à trois tiges de trois tailles
de la distribution. différentes, et de trois boules de couleurs diffé-
La NEPSY prévoit explicitement un choix rentes, le but est d'atteindre une position d'arrivée
libre des subtests nécessaires à la conduite du présentée sur un cahier, en partant d'une position
bilan, selon les hypothèses et les observations de départ proposée sur le chevalet. Cette tâche
du clinicien. De ce fait, la proposition a priori implique donc deux inputs visuels (un en 3D,
de huit sous-batteries ne nous paraît pas par- l'autre en 2D) et la mobilisation de capacités de
ticulièrement pertinente. Comme pour tout raisonnement et de contrôle exécutif (planifi-
outil d'évaluation, l'analyse de la valeur d'une cation, inhibition des transgressions de règles
tâche, de ses sous-jacents cognitifs et de son quand on est bloqué).
utilité lors d'une procédure de bilan doit être La tâche proposée par la NEPSY1 impliquait un
laissée au neuropsychologue, sur la base des complément de consignes demandant un nombre
modèles à sa disposition et des questions qu'il précis de déplacements, ce qui engageait l'enfant
se pose. à un comptage simultané, l'induction d'une
Dans ce contexte théorique, l'analyse cri- stratégie de contrôle, mais aussi une surcharge
tique des épreuves tâche par tâche permettra en mémoire de travail et l'appel à l'intégrité du
d'opérationnaliser le raisonnement neuropsy- dénombrement chez le sujet.
chologique et l'attention particulière que le Les critiques quant à la validité de ce disposi-
praticien devra porter aux dimensions sous- tif ont été nombreuses (par ex. Baron I.S., 2004).
jacentes à chaque épreuve, voire à chaque Cependant, on peut toujours considérer cet item
item. Les ambiguïtés mêmes d'une tâche (ou comme pertinent du point de vue qualitatif dans
son défaut de conception) permettent une la demande du raisonnement non verbal, avec une
observation souvent judicieuse de ce qu'il fau- composante spatiale minimum, sur la base d'un
drait proposer à l'enfant pour lever la ou les dispositif attrayant pour les jeunes enfants. En par-
incertitudes liées à l'interprétation de la réus- ticulier, cela permet d'évaluer la capacité du sujet
site ou de son échec. De plus, l'analyse qua- à s'éloigner temporairement du but dans l'objectif
litative de la manière dont l'enfant s'y prend de le rejoindre plus tard (facteur G ? + planifica-
pour réussir ou échouer une tâche reste tou- tion). Cette capacité diachronique de différer l'ac-
jours pertinente. cès au but est assez contre-intuitive chez ­l'enfant
De manière désormais assez classique, la bat- jeune ou l'enfant présentant une déficience intel-
terie est structurée sous la forme six domaines lectuelle. On remarquera alors la difficulté, voire
fonctionnels : l'impossibilité d'accepter ce mouvement, parfois
• attention et fonctions exécutives ; même après démonstration. De plus, l'observa-
• langage ; tion des capacités d'inhibition du jeune enfant est
• mémoire et apprentissage ; ici possible et même normée, ce qui complète uti-
• fonctions sensorimotrices ; lement les analyses, quand la Tour de Hanoï, dans
• traitements visuospatiaux ; une approche comparable, n'est pas utilisable
• cognition sociale. (Dkefs, à partir de 8 ans seulement).
Le subtest Cogner-frapper a aussi été supprimé.
Inspirée d'une tâche du type go-no go, elle se
Attention et fonctions exécutives présentait sous la forme d'une épreuve d'inhi-
Si l'abandon de la tâche d'attention visuelle, non bition sélective de nature motrice. Partagée en
valide, nous paraît pertinent, celui de la Tour de deux étapes, la première consistait en une tâche

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Chapitre 1. Les outils du neuropsychologue

classique de résistance aux effets d'amorçage en particulier la notion de relier « deux ou plu-
sous mode binaire (éviter de refaire en écho ce sieurs points ». En effet, l'interprétation de l'idée
qu'a réalisé l'examinateur). La seconde partie, sous-jacente de « deux au moins » est loin d'être
nettement plus coûteuse, rajoutait des éléments triviale dans son implémentation concrète par
d'inhibition (ne pas répondre à certains stimuli). l'enfant. Trop souvent, le biais de positivité induit
Avec 3 stimuli d'entrée possibles et 4 réponses par l'énonciation du chiffre « 2 » restreint l'espace
envisageables, elle alourdissait grandement les de résolution pour l'enfant. On préférera une
exigences et rendait souvent ambiguë l'interpré- tâche comparable de la Dkefs (Design Fluency),
tation (trouble exécutif ? mémoire de travail ? qui impose un nombre de segments à réaliser,
courbe d'apprentissage ?). Bien que disparue de levant l'ambiguïté due à la formulation « au moins
la nouvelle édition, elle permet toujours de juger deux ». La présentation structurée du matériel
qualitativement des capacités de lutte contre les (des points organisés comme pour le chiffre 5 du
persévérations, les effets d'adhérence ou les auto- dé) sollicite l'inhibition de réponses dominantes.
matismes, la dimension praxique étant négli- En effet, cette présentation semble induire des
geable. La maladresse de certains gestes peut réponses plus standardisées et donc plus contrai-
être néanmoins observée et analysée, mais elle gnantes pour l'enfant, contrastant avec la présen-
ne remet pas en question la dimension exécutive tation dite aléatoire des points (même si à chaque
d'une telle épreuve. essai identique). C'est bien la souplesse mentale (la
fluidité), l'inhibition des persévérations, qui est
Attention auditive et réponses associées ici fortement sollicitée.
Cette tâche a été fortement amendée dans la nou-
velle version de la NEPSY2, rendant sa validité Statue
nettement meilleure. En effet, il s'agit ici initia- Destinée à juger de la stabilité motrice de l'enfant
lement de focaliser son attention auditive sur des et de sa sensibilité aux captures attentionnelles,
stimuli verbaux simples et de toucher une tâche cette épreuve a vu son étalonnage restreint à l'in-
rouge sur un cahier à chaque fois que se présente la tervalle d'âge 5–6 ans, alors que, dans la première
cible (le mot « rouge »). Tâche typique d'attention version, on proposait une analyse psychométrique
focalisée, elle permet d'analyser séparément les jusqu'à 12 ans 11 mois. Outre les observations
réponses correctes (« hit ») et les erreurs d'omis- qualitatives tout au long de la passation du bilan
sion (lacune dans les réponses) ou de commission (agitation motrice, réaction aux stimuli extérieurs
(réponse à une fausse alerte). À la tâche attention- parasites, distractibilité…), cette épreuve est
nelle est donc associée une dimension exécutive l'une des seules dont nous disposions pour mesu-
d'inhibition sélective. Notons que sa sensibilité rer l'intensité des difficultés liées à l'instabilité
n'est pas excellente. motrice éventuelle de l'enfant. Dans cette tâche,
Dans une deuxième étape, les exigences exécu- le sujet est tenu de rester immobile et silencieux,
tives s'accroissent avec l'inclusion d'une exigence les yeux fermés, station debout, une main posée
de type go-no go. La dimension attentionnelle sur la table, l'autre tenant un drapeau imaginaire.
passe de ce fait nettement au second plan. L'analyse Au cours de sa durée assez brève (75 s), le psy-
des erreurs (omissions ou commissions) devient chologue va provoquer des perturbations toutes
donc l'intérêt principal de l'épreuve. les 10 à 20 s et observer les réactions de l'enfant
Les auteurs reconnaissent spontanément que (respect des consignes, ouverture des yeux, com-
c'est dans le domaine de l'attention que la NEPSY portement vocal ou verbal, stabilité…). Outre les
est la moins riche et pertinente. observations quantitatives (y compris des sous-
indices par comportement observé, demandant
Fluidité de dessins un bon entraînement de la part de l'examinateur),
Il s'agit d'une tâche d'initiation d'une stratégie les observations qualitatives sont ici précieuses,
nouvelle sur un problème inconnu. L'exigence permettent de confirmer objectivement et de
consiste pour l'enfant à réaliser des dessins mesurer l'écart entre le comportement du sujet et
visant à relier des points entre eux. La consigne celui observé au sein d'une cohorte comparable
verbale s'avère souvent complexe à comprendre, d'enfants du même âge.

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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

Une telle épreuve ne peut naturellement per- • Sa durée : comportant deux volets, elle prolonge
mettre de poser en soi le diagnostic d'hyperac- les exigences d'inhibition sélective avec deux
tivité, mais est un outil standardisé pertinent types de matériel.
permettant de confirmer et d'étayer une telle • Le type de stimuli : géométriques simples, et
hypothèse. Elle est un point d'appui dans la non pas des mots comme dans le Stroop, ce
convergence des observations cliniques menant à qui rend ce dernier non valide pour des faibles
un tel diagnostic. Elle ne peut pas, bien sûr, être lecteurs.
utilisée isolément, uniquement et les données qui • La richesse de l'étalonnage : erreurs corrigées
en sont issues être avancées comme un argument ou non par sous-épreuve (automatisation de
unique et définitif. Même si elle n'est pas étalon- la tâche simple, résistance aux interférences),
née au-delà de 6 ans dans la version mise à jour, temps de réalisation (coût cognitif, stratégie).
elle peut être utilisée qualitativement au-delà, en À chaque fois est proposée une tâche de flexi-
s'appuyant éventuellement comme un guide, sur bilité mentale, superposée à la tâche d'inhibition
l'étalonnage de la version initiale. sélective.
Les auteurs citent trois nouvelles épreuves Notons qu'il serait particulièrement peu per-
comme étant de nature à compléter l'analyse de tinent ici de calculer un indice global pour cette
la maturité des fonctions exécutives chez l'enfant : épreuve, car chaque subtest révèle des dimensions
Catégorisation, Horloges et Inhibition. Une ana- cognitives assez différentes :
lyse rapprochée de ces tâches nous engage à nuan- • tâche d'entraînement : capacité à automatiser
cer cette affirmation. Si, en effet, ces épreuves une tâche séquentielle simple et surapprise
peuvent (comme beaucoup d'autres) révéler une (nommer une forme géométrique de base :
immaturité ou un trouble des fonctions exécu- rond/carré, ou le sens d'une flèche : haut/
tives qui irriguent et, par définition, contrôlent bas) ;
l'ensemble du comportement, seule l'épreuve • tâche d'interférence : véritable tâche d'inhibi-
Inhibition nous paraît être un outil relativement tion sélective, pouvant être comparée à la pré-
« pur » de certaines dimensions de ces fonctions cédente, mais certainement pas combinée ;
exécutives. • tâche de flexibilité mentale, devant tenir
compte des capacités mesurées au cours des
Inhibition deux premières.
Il s'agit d'une épreuve en deux volets, chacun Si cette tâche très valide et sensible nous semble
comportant trois sous-tâches, qui mobilisent répondre clairement à l'interrogation du fonc-
spécifiquement les qualités d'inhibition sélective tionnement exécutif de l'enfant, le Test de l'hor-
chez l'enfant. En effet, le cerveau cherche autant loge nous paraît au contraire nous en éloigner
que faire ce peut à automatiser les tâches récur- singulièrement.
rentes. Cela permet une économie cognitive, de En effet, si les auteurs rappellent qu'une telle
libérer des ressources attentionnelles, de fiabiliser tâche classique d'évaluation neuropsychologique
le traitement, qui peut passer dans la dimension chez l'adulte, consistant à réaliser un cadran à
non consciente, et permet ainsi la réalisation de aiguilles avec diverses heures à représenter, peut
doubles tâches ou de tâches multiples. Cependant, révéler des lésions cérébrales acquises (Freedman
le sujet est aussi régulièrement exposé à des tâches et al.), elle implique en réalité des compétences
nouvelles, auxquelles il devra s'adapter, renonçant cognitives variées dont la dimension essentielle-
aux automatismes qui pourraient s'imposer et ment exécutive est douteuse. En effet, en particu-
perturber la mise en place de stratégies nouvelles. lier chez l'enfant, elle demande :
De nombreuses tâches ont été proposées dans • une bonne maturité des fonctions visuo-
ce domaine, et peuvent le plus souvent se rappor- constructives ;
ter à des épreuves de go-no go (deux alternatives) • une bonne maîtrise de la base sexagésimale liée
ou de type Stroop (plusieurs alternatives). Dans le à l'heure (compétences numériques) ;
cas d'espèce, l'épreuve originale proposée par la • une bonne connaissance des conventions liées
NEPSY2 apporte une valeur ajoutée significative à la présentation de l'heure sous cette forme
par rapport à d'autres tâches. (connaissances culturelles).

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Chapitre 1. Les outils du neuropsychologue

À l'heure des téléphones portables, source (split-splat) ou des virelangues complexes. Une
principale de données temporelles chez l'enfant telle épreuve est intéressante lors de l'analyse des
et l'adolescent dans les sociétés occidentales, l'en- praxies buccophonatoires impliquées dans le lan-
traînement de telles compétences devient assez gage. En effet, l'enfant en difficulté ne parviendra
limité et formel. La validité de la tâche s'en trouve pas à automatiser ces successions de variation fine
remise en question. de mots nouveaux. De même, un bon contrôle
Toujours dans la même dimension exécutive, les exécutif (automatisation des séquences) est
auteurs souhaitent classer une nouvelle épreuve nécessaire.
de catégorisation.
Cette tâche consiste à découvrir parmi Répétition de pseudo-mots
8 cartes diverses dimensions présentent au sein Épreuve assez classique, proposée par de nom-
du matériel afin de réaliser deux groupes de breuses batteries, elle peut servir de complément
4 cartes opposant les variations binaires de ces pour confirmation du caractère stable des diffi-
dimensions (présence d'un animal ou de deux cultés. L'enfant doit reproduire des pseudo-mots
animaux, couleur jaune ou bleue de la carte…). entendus, ce qui permet de juger de la discrimi-
Très proche dans ses ressorts cognitifs des tâches nation phonologique, de la MT phonologique
de catégorisation piagétiennes (mettre ensemble (fonction de la longueur des pseudo-mots à
ce qui va bien ensemble), cette épreuve est plus répéter) et des qualités articulatoires, en parti-
clairement, en premier lieu, une tâche d'abstrac- culier lors de transitions complexes. Ces dimen-
tion, se rapportant aux compétences générales de sions ne peuvent être ici isolées, les erreurs
l'enfant, ce que relèvent d'ailleurs explicitement pouvant relever de l'une, de l'autre des compé-
les auteurs (tâche de facteur G). Si la dimen- tences sollicitées. D'autres épreuves pourront
sion (dys-)exécutive est éventuellement pré- éventuellement lever les ambiguïtés (épreuves de
gnante, elle ne se révèle que partiellement dans la NEEL). L'intérêt de cette tâche est de proposer
la notion de « catégorie inédite », c'est-à-dire des une variété de mots de longueur progressive. Les
regroupements ne relevant pas des catégories éléments de mémoire de travail ne doivent pas
implicitement prévues par les auteurs (fluidité être minimisés.
mentale). Le matériel permet aussi l'étalonnage
des persévérations, par le biais de l'observation Compréhension de consignes
des « répétitions ». L'interprétation exécutive Il s'agit d'une épreuve de type Token test. Le psy-
de ces répétitions et des réponses impulsives chologue prononce une phrase et l'enfant désigne
de type « n'importe quoi », devra néanmoins se sur une planche, en choix multiple, ce qu'il vient
faire dans le contexte des données disponibles dans d'entendre.
le domaine des compétences générales de l'enfant. Ce test comprend indubitablement une dimen-
sion langagière, impliquant une bonne com-
préhension morphosyntaxique (et, ou, qui est,
Langage n'est pas, si… alors…), l'épreuve implique aussi
Si la NEPSY (version 1 ou 2) ne peut être considé- d'autres compétences qui peuvent interférer avec
rée comme une batterie exhaustive et spécifique sa réussite :
permettant le dépistage des troubles du langage, • Composante mémoire de travail : le psycho-
elle apporte des outils complémentaires originaux logue ne peut répéter l'énoncé qui est des
et pertinents. plus en plus long et de plus en plus complexe,
Les tests conservés dans la 2e édition sont de impliquant des aptitudes solides en mémoire de
qualité variable. Deux épreuves d'articulation travail.
sont intéressantes, en particulier la réalisation de • Composante lexicale : les énoncés comportent
séquences oromotrices : des vocables préjugeant des bonnes compé-
tences de l'enfant dans la compréhension d'un
Séquences oromotrices vocabulaire numérique (ordinaux, cardinaux),
Il s'agit d'une tâche consistant à répéter cinq fois temporel (en premier, en dernier, d'abord,
au moins des séquences de pseudo-mots proches puis…), spatial (droite, gauche, au-dessus,

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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

a­ u-dessous). Notons que malgré les efforts pour condition sémantique, elle permet d'analyser
clarifier cette dernière dimension (rangée pour les compétences de l'enfant dans l'accès général
ligne), il peut être important de s'assurer auprès au réseau sémantique (animaux et aliments/
de l'enfant qu'il a bien compris les nuances liées boissons). L'étalonnage à partir de 5 ans est pré-
au vocabulaire spatial. À défaut, l'interprétation cieux car peu répandu dans d'autres batteries.
des erreurs pourra être sujette à caution (voca- Cependant, la dimension exécutive est ici négli-
bulaire ou compétences morphosyntaxiques ?). gée et on ne disposera pas d'étalonnage concer-
• Exploration visuelle et compétences visuospa- nant les répétitions, les intrus et les bris de règle.
tiales : l'enfant doit parvenir à bien traiter les En condition phonémique, on restera vigilant
informations réparties sur la feuille. quant aux difficultés liées à la conscience phono-
• Compétences exécutives : en particulier trai- logique, qui rendra l'épreuve non valide (ou ren-
tement des séquences, bon contrôle inhibiteur forcera le diagnostic de trouble de la conscience
des effets de « biais de positivité » (pointer tout phonologique).
ce que l'on entend, sans tenir compte des mar-
queurs morphosyntaxiques). Mémoire et apprentissage
Les épreuves de Processus phonologiques,
Dénomination rapide et Production de mots, Les épreuves proposées dans cette catégorie pro-
classiques et présentes dans de nombreuses batte- posent une bonne variété en termes de modalité
ries, sont ici moins convaincantes. mobilisée (visuelle ou auditivoverbale) et de méca-
• En effet, l'épreuve dite de Processus phonologiques nismes analysés (encodage, consolidation, récupé-
est destinée en réalité à évaluer la conscience ration) ainsi que d'horizons envisagés. Certaines
phonologique, brique élémentaire des processus sont très classiques (mémoire de liste de mots),
sous-jacents à la lecture. De même, l'épreuve de d'autres tout à fait originales et permettant un
Dénomination rapide est proposée en référence bon complément avec des batteries spécialisées, en
aux travaux de Denckla et Rudel (1976) concer- particulier la Children Memory Scale (CMS).
nant l'accès rapide aux mots en référence aux
processus de lecture. Cependant, l'épreuve de Dans la modalité auditivoverbale
Processus phonologiques incluant des items de Des épreuves progressives en termes de seg-
reconnaissance de segments de mots, d'omis- ment langagier considéré sont disponibles (mots,
sion ou de substitution de phonèmes s'avère phrases, narrations).
dans la pratique assez peu sensible.
De même, l'épreuve de Dénomination rapide Mémoire de listes de mots
nécessite en particulier un bon contrôle exécutif Cette épreuve mesure les progrès de l'enfant d'un
(capacité à décrire rapidement et systématique- essai à l'autre dans la mémorisation d'une série de
ment des stimuli sous la forme taille-nature- 15 mots. Le premier essai est un test de mémoire
couleur) et nous paraît s'éloigner de la capacité immédiate (donnant au passage un empan de mots,
simple à récupérer rapidement un mot. comparable à un empan de chiffres et le complé-
De plus, l'épreuve proposée aux enfants les plus tant utilement, en particulier pour les enfants pour
âgés (à partir de 12 ans) de dénomination d'une lesquels un soupçon de dyscalculie ou de trouble
série variée de lettres et de chiffres est trop courte attentionnel est suspecté). Au cours des essais sui-
pour être sensible. On lui préférera l'épreuve ori- vants, on peut mesurer la pente d'apprentissage
ginale de Denckla (six conditions de difficulté d'un essai à l'autre, jusqu'à l'essai 5.
graduée, étalonnage américain, qui ne propose Puis une liste interférente est proposée, permet-
malheureusement pas d'analyse des erreurs) ou le tant de mesurer les effets d'interaction ­antérograde
DRA3 (informatisé). d'un apprentissage sur un autre de même nature.
• L'épreuve de Production de mots et en réalité La récupération immédiate de la première liste
une épreuve classique de fluidité verbale. En (sans répétition de celle-ci), permet quant à elle
de mesurer les éventuels effets d'interaction rétro-
3
DRA (Dénomination rapide), Plaza M., Robert- grade d'un apprentissage nouveau sur un appren-
Jahier AM, 2006. tissage précédent.

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Chapitre 1. Les outils du neuropsychologue

Après un délai de 30 min environ (+/- 5 min), il dysphasies sévères (le test joue alors le rôle de
est demandé au sujet de rappeler librement la liste confirmation des impressions cliniques assez
initiale, permettant de mesurer les effets de conso- transparentes). Il est généralement plus courant
lidation à long terme d'une trace en mémoire. de relever des fragilités phonologiques avec des
Cette épreuve en tous points semblable à confusions entre mots proches (doigt/bois) ;
l'épreuve des 15 mots de Rey (ou California Verbal • comportemental : épreuve répétitive et générale-
Learning Test) est certes valide, mais pâtit ici de ment peu engageante, elle permet de confirmer
plusieurs défauts. En effet, le CVLT a bien pris soin une faible coopération de l'enfant en situation
de proposer 15 mots le plus souvent très fréquents d'apprentissage (veut s'arrêter, se plaint, s'oppose
et connus de l'enfant (fraise, pomme, bille, cein- lors de la proposition d'un nouvel essai…).
ture… à l'exception de chandail ou casse-tête qui Notons que la NEPSY2 propose utilement un
posent souvent problème à l'enfant), tandis que le étalonnage essai par essai des progrès de l'enfant.
choix des mots de l'épreuve mémoire de liste de Attention le contraste essai 5-essai 1 a peu de sens
mots de la NEPSY paraît moins fondé. De plus, quand l'essai 1 a été très bien réussi, et que l'enfant
les mots sont ici sans lien sémantique, ce qui en sature l'épreuve ou presque à l'essai 5.
apparence pourrait permettre de s'assurer d'un
encodage assez « pur » de mots indépendants. Interférence de listes de mots
Cependant, cela n'est que partiellement vrai avec Épreuve originale, elle consiste à faire mémoriser
des liens sémantiques ambigus, surtout en fin à l'enfant deux séquences de mots (de 1 à 5 mots
de liste [« frère-… -sœur-mer (mère ?)-voilier »]. par séquence). Elle se présente en trois étapes :
Outre un effet facilitateur en fin d'épreuve inter- • répétition immédiate de la 1re séquence ;
férant avec une analyse éventuelle de l'effet de • répétition immédiate de la 2e séquence ;
récence, ces liens entre quatre mots sur 15 peuvent • répétition immédiate des deux séquences.
avoir des conséquences ambivalentes sur les per- L'évaluation de la répétition des séquences 1 et 2
formances de l'enfant. Si les trois catégories pro- est une mesure de la mémoire immédiate et donne
posées au sein du CVLT permettent de proposer un complément d'informations concernant l'em-
une tâche de Rappel indicé, tel n'est pas le cas pour pan de mots. Le maintien de la liste 1 en mémoire
l'épreuve équivalente de la NEPSY2. De même, de travail pendant le traitement de la liste 2 permet-
les effets d'interférence entre listes sont difficiles tra d'analyser l'efficacité de la boucle phonologique.
à analyser dans l'épreuve de la NEPSY2, puisque Cependant, la nature identique du matériel à
les rapports sémantiques entre les mots sont plus encoder (liste de mots), perturbe l'analyse de la
difficiles à établir. Au sein du CVLT, seule la caté- tâche en termes de mémoire de travail. En effet, tan-
gorie « fruit » est commune aux deux listes. Un tel dis que la boucle phonologique est sollicitée dans le
contraste n'est pas possible pour la NEPSY2. Enfin, domaine verbal, la mémoire immédiate l'est aussi,
le CVLT propose une tâche de reconnaissance dif- créant une situation d'interférence peu pertinente (il
férée permettant une bonne analyse des capacités aurait sans doute mieux fallu proposer une séquence
d'encodage. Elle n'existe pas pour la NEPSY2. interférente de chiffres, par ex., avec un faible effet
Au-delà des éléments fondamentalement mné- d'interférence sur la séquence de mots n° 1).
siques de cette tâche (MLT verbale), on restera vigi- Inversement, le faible approfondissement de
lant quant à plusieurs aspects complémentaires : l'encodage de la liste 1 et l'interaction avec les
• exécutifs : cette épreuve permet aussi d'observer effets en mémoire de travail nous paraît limiter
qualitativement les diffluences (un mot amorçant l'intérêt d'une telle tâche dans l'analyse de la sen-
la production d'autres mots qu'ils soient de la même sibilité aux effets d'interférence.
famille ou non), l'inhibition (difficulté à amorcer Les auteurs reconnaissent par ailleurs l'intrica-
une réponse ou redites non contrôlées), la variabi- tion des processus impliqués dans une telle tâche
lité de la performance (une régression, temporaire avec les compétences langagières de l'enfant.
ou non, de la performance d'un essai à l'autre) ; Malgré cette remarque, les auteurs ne prennent
• verbaux : même si cette épreuve n'est généra- pas la peine de justifier le choix des mots propo-
lement que peu perturbée par les troubles du sés, en particulier en termes de disponibilité et de
langage, tel peut être le cas dans des cas de familiarité.

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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

Exemple typique de tâche intéressante en confirment bien que la jonction cheveu/visage est
principe, elle cherche à mesurer trop de méca- grandement facilitatrice dans la reconnaissance
nismes simultanément et ne permet pas de lever des visages. Dans la 2e édition de la NEPSY, cette
les ambiguïtés éventuelles soulevées par l'analyse frontière a été estompée, rendant la tâche nette-
des erreurs (trouble de la mémoire de travail, ment plus valide et sensible.
de la mémoire immédiate, effets exécutifs et L'encodage de visages nouveaux est censé reflé-
langagiers…). ter une mémoire visuelle « pure », car il s'agit de
stimuli qui sont difficiles à verbaliser. Cependant,
Répétition de phrases on sait que la reconnaissance des visages est une
Bien que maintenue dans la 2e édition de la NEPSY, compétence très particulière et spécialisée, traitée
a vu son étalonnage réduit à un intervalle de 5 à par le gyrus fusiforme et très encapsulée. Aussi,
6 ans. Cependant, elle garde toute sa pertinence en si cette tâche de reconnaissance des visages peut,
terme qualitatif, en particulier dans l'interaction éventuellement, mettre sur la voie d'un potentiel
trouble mnésique/trouble du langage. En effet, déficit de la reconnaissance des visages (proso-
L'enfant présentant un trouble morphosyntaxique pagnosie), elle ne nous semble pas ressortir d'un
aura le plus souvent du mal, et ce bien au-delà de mécanisme d'encodage mnésique généralisable
6 ans, à encoder correctement des phrases, mêmes à d'autres stimuli dans la modalité visuelle et
simples. De ce fait, une telle épreuve, moins mné- encore moins dans d'autres modalités. Cette
sique que langagière, donnera des informations épreuve peut être proposée en complément de
précieuses concernant le type d'erreurs produites l'épreuve de Reconnaissance d'affects, permettant
(simplifications, déformations, substitutions…). ainsi de contraster la reconnaissance de visages
L'étalonnage de l'édition initiale peut toujours res- neutres et celle d'indices émotionnels portés par
ter un guide au-delà de 6 ans. des visages. Un tel contraste ne pourra bien sûr
n'être que qualitatif, permettant éventuellement
Mémoire narrative de faire des hypothèses complémentaires.
Elle permet de tester les processus mnésiques Une nouvelle épreuve d'encodage en mémoire
dans la modalité auditivoverbale pour des seg- visuospatiale est proposée. Elle consiste à mémo-
ments langagiers plus larges : après des mots et riser la configuration spatiale de dessins disposés
des phrases, on propose ici des textes complets. sur une grille (Mémoire des figures). L'enfant doit
Si l'étalonnage s'étend de 5 à 16 ans, la sensibilité donc encoder et rappeler à la fois la nature et la
de la tâche est à l'épreuve assez limitée et on lui place des items mémorisés. Les figures sont « sans
préférera nettement les épreuves proposées dans signification », bien qu'ici, l'enfant puisse être aidé
les batteries spécialisées (en particulier la CMS). par une description spontanée, implicite et verba-
De plus l'étalonnage ne permet pas de dissocier lisable des stimuli (« celui qui a du rouge », « celui
aisément encodage, récupération libre ou indicé. qui ressemble à un serpent »…). Notons une nette
De même, ne prévoyant pas de rappel différé, facilitation, assez dommageable, permise par une
l'épreuve ne permet pas de juger de la consolida- information de couleur appariée, qui complète
tion de la trace en mémoire. l'information de forme.
Dans la modalité visuelle Mémoire associative visuelle
Mémoire des visages et auditivoverbale
Elle a beaucoup progressé depuis la 1re édition de Épreuve assez originale (Mémoire des prénoms), et
la NEPSY. En effet, l'épreuve initiale consistait à non disponible dans d'autres batteries, cette tâche
observer une série de visages, chacun devant être consiste à mémoriser le lien entre un portrait
ensuite reconnu parmi trois visages. Deux hori- d'enfant stylisé (mais il s'agit encore de visages) et
zons étaient proposés (rappel immédiat et rappel son prénom. Outre une mémorisation immédiate,
différé). L'épreuve remaniée est semblable, excepté elle permet d'analyser la pente d'apprentissage, la
les stimuli qui ont été grandement améliorés. En consolidation après un délai et le rapport indicé
effet, le matériel initial proposait des visages com- différé. Intéressante dans le principe, elle s'avère
plets, avec chevelure. Or les travaux de recherche dans la pratique assez peu sensible, fonctionnant

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Chapitre 1. Les outils du neuropsychologue

en tout ou rien. De plus, les difficultés éventuelles interjuges (Inter Rater Confidence) est faible, et
sont toujours susceptibles d'être rapportées à des deux psychologues même chevronnés pourront
fragilités de l'attention. Une telle tâche, loin de compter un nombre différent de répétitions.
constituer une épreuve « de base » dans l'analyse D'autres outils permettant un recueil automatisé
des phénomènes mnésiques, ne sera proposée que sont disponibles, mais n'impliquent pas exacte-
dans le cadre d'un bilan mnésique approfondi. ment les mêmes mécanismes (Finger Tappers,
par ex.). Si le recueil des données permet de dif-
Fonctions sensorimotrices férencier le côté dominant du côté non dominant,
Les tâches retenues dans ce domaine impliquent des effets paradoxaux (meilleure réussite du côté
en réalité une variété importante de mécanismes non dominant proposé après le côté dominant)
sous-jacents. Une fois encore, s'appuyer sur le sont possibles, et probablement dus à des effets
nom des tests ou de l'échelle à laquelle les auteurs de généralisation après entraînement du côté
souhaitent les rattacher peut être largement trom- dominant.
peur. Rien ne peut remplacer une analyse cogni- La seconde partie de l'épreuve est nettement
tive critique approfondie des mécanismes en jeu. plus complexe, et implique la réalisation de
De même, la nature plus spécifiquement de « bas Séquences motrices élaborées (joindre successi-
niveau » vs « haut niveau » des épreuves propo- vement chacun des doigts au pouce, pulpe contre
sées doit être soigneusement pensée, au risque de pulpe, de l'index vers l'auriculaire et vice versa).
confondre les niveaux d'observation. Cette tâche, à sortie motrice, est quant à elle
imprégnée de contraintes exécutives (automatisa-
Tapping tion de séquences, inhibition sélective du réflexe
Constituée de deux subtests, l'épreuve de Tapping consistant à repartir systématiquement de la pince
est typiquement une épreuve dont les deux étapes pouce-index…). Si elle implique aussi une bonne
sont à analyser de manière indépendante, impli- dissociation des doigts, et permet d'observer son
quant des mécanismes fort différents. automatisation (ou non) sous contrôle visuel (ou
En effet, la première partie (répétitions) non), cette tâche impose un bon contrôle cérébel-
consiste à réaliser des mouvements répétitifs leux, et l'observation de la capacité à joindre les
des doigts, impliquant de rapprocher et éloigner doigts pulpe contre pulpe est essentielle.
alternativement le pouce et l'index, aussi vite que
possible. On analysera cette étape dans le cadre Précision visuomotrice
d'épreuves motrices de « bas niveau », dans le L'épreuve de Précision visuomotrice est quant à elle
sens où les mécanismes sous-jacents mobilisent une épreuve de coordination entre l'œil et la main.
plus spécifiquement les comportements de sortie En effet, lorsqu'on demande à l'enfant de suivre
motrice « simples » (de type « diadococinésies : un chemin de la pointe du crayon, aussi vite que
contractions et décontractions rapides de certains possible, sans déborder, l'œil va guider le membre
muscles et de leurs antagonistes), requérant une supérieur et permettre d'observer la fluidité, l'an-
part limitée des compétences générales ou des ticipation, la précision du sujet. Les embardées,
mécanismes de planification et de contrôle. Une les à-coups, les sorties de route, les difficultés de
part prédominante de ces compétences fait par- freinage du geste permettent d'analyser finement
tie de l'équipement standard de l'être humain, ne la coordination oculomanuelle. Partagée en deux
sollicitant aucun apprentissage prolongé. Il s'agit sous-épreuves, cette tâche propose une première
donc d'une tâche de motricité fine, impliquant partie pour laquelle le chemin est assez large avec
une bonne individuation des doigts et une mobi- un parcours présentant peu de virages. La deu-
lité fluide, la capacité à stabiliser le mouvement xième partie demande un contrôle nettement plus
et son rythme de réalisation. Outre les données fin. Il est essentiel dans cette tâche de ne pas tenir
objectives de temps de réalisation de 20 répéti- compte de la note globale qui mélange vitesse et
tions, on observera ici la rapidité (ou difficulté) précision. Les étalonnages étant disponibles pour
avec laquelle l'enfant parviendra à automatiser les ces deux compétences, on les analysera le plus
répétitions, la stabilité de l'écartement des doigts, souvent séparément. En effet, qualitativement, et
le suivi de la consigne. Notons que la confiance du point de vue du contrôle exécutif, la vitesse de

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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

réalisation peut directement affecter la qualité de nent. En effet, consistant à réaliser des suites de
la précision. La capacité de l'enfant à réajuster sa gestes simples (poing, paume, claque sur la table),
vitesse de réalisation en fonction du feedback de sa l'interprétation en terme moteur est assez surpre-
précision permettra des o­ bservations utiles dans nante. Les éléments exécutifs sont ici largement
le domaine métacognitif et exécutif. En cas de dominants. Cela se rapproche de Mouvement de
faible contrôle (vitesse de réalisation au-delà de la mains du K-ABC.
moyenne, avec un nombre d'erreurs au-dessus de
la moyenne attendue), l'analyse en terme unique- Distinction des doigts
ment visuomoteur devient caduque. Le subtest Distinction des doigts a été supprimé de la
seconde édition de la NEPSY. Faiblement sensible,
Imitation de la position des mains elle était malgré tout la seule épreuve testant les voies
L'Imitation de la position des mains est une épreuve sensorielles tactiles afférentes chez l'enfant. L'intérêt
classique gnosopraxique, consistant à réaliser des de cette épreuve était double, en pathologie :
configurations digitales de complexité croissante. • rendre compte de certains problèmes d'imita-
Si la gnosie des doigts est essentielle (le guidage tions de configurations manuelles (cf. Imitation
visuel est un bon indice de faible représentation de la position des mains) ;
implicite de la place des doigts), la raideur des • rendre compte de répercussions éventuelles sur
doigts ou les troubles moteurs peuvent évidem- la capacité à s'appuyer sur le comptage digital
ment limiter les capacités du sujet (on remarquera pour effectuer de petits calculs chez le jeune
que certaines positions, assez acrobatiques parmi enfant (maternelle/CP).
les dernières en particulier, vont demander un On touche derrière un écran un ou plusieurs
certain entraînement de la part de l'examinateur, doigts de l'enfant et on lui demande de dire les-
ou pourront être abandonnées comme faiblement quels ont été touchés. Bien entendu, la difficulté
valides, car demandant un talent particulier !). de beaucoup d'enfants jeunes à nommer pré-
Cependant, le levier principal d'une telle tâche est cisément les doigts (index, majeur, annulaire,
principalement praxique, avec la faculté du sujet auriculaire) entrave la bonne performance et
à se représenter et programmer la suite des gestes crée une interférence verbale malencontreuse.
permettant de réaliser la position demandée. Il est En revanche, si on demande à l'enfant de bou-
essentiel pour une pareille épreuve d'observer qua- ger le ou les doigts précédemment touchés ou
litativement la manière avec laquelle le sujet réus- même en modifiant la dénomination des doigts
sit ou échoue les positions demandées. En effet, de manière plus simple (le doigt qui montre,
les tâtonnements, hésitations, tentatives d'aides celui du milieu, le petit doigt…), on peut obte-
de l'autre main, comparaison et contrôle visuels nir certains indices pertinents concernant les
entre la cible démontrée par l'examinateur et sa gnosies digitales et la sensibilité éventuelle à
réalisation par l'enfant complète de façon cruciale certains phénomènes d'extinction.
l'analyse des compétences dans le domaine des
praxies gestuelles. De même, il est important de Traitement visuospatiaux
noter si l'enfant réalise la configuration exacte de Il s'agit d'une variété d'épreuves impliquant diffé-
façon « globale » ou bien « pièce à pièce » par étapes rents processus visuels ou de repérage spatial. En
successives. Enfin, il peut y avoir des erreurs en tant que telles, elles ne sont pas toujours des épreuves
miroir, de choix de doigts… Notons que le temps visuospatiales de haut niveau, ou impliquant des
limite de 20 s n'est pas un argument suffisant pour compétences praxiques. Comme d'habitude, on se
conclure (même s'il est précieux). D'autant que les méfiera donc du nom des tests. Les auteurs désignent
données normatives sont assez sujettes à caution, les épreuves qu'ils imaginent ou remanient en fonc-
un ou deux échecs entraînant une note standard tion d'une dimension apparente de la tâche. Cela ne
inférieure à la moyenne, ce qui est très peu sensible. dit en rien ce que ces épreuves impliquent en elles-
mêmes de traitements cognitifs sous-jacents.
Séquences motrices et manuelles
L'épreuve Séquences motrices et manuelles a été Cubes
maintenue, et confirmée dans la dimension sen- En est témoin l'épreuve des Cubes (à ne pas
sorimotrice, ce qui nous paraît loin d'être perti- confondre avec l'épreuve des Cubes du WISC ou
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Chapitre 1. Les outils du neuropsychologue

de la WPPSI). Il s'agit ici d'une épreuve consis- des gestes nécessaires à la réalisation de chaque
tant à reproduire des modèles proposés en 2D sur modèle. Le nouvel étalonnage propose une analyse
des planches, au moyen de cubes monocolores. de la qualité motrice de la réalisation par l'enfant. À
Outre des ruptures de complexité assez abruptes, la différence du Beery-VMI, cependant, cette ana-
la tâche implique l'analyse visuelle d'un modèle lyse se fait de manière simultanée aux exigences
en perspective, avec des changements de posi- praxiques, ce qui ne permet pas une véritable dis-
tion (verticale, horizontale), le transfert depuis la sociation du coût cognitif de chaque dimension de
dimension intermédiaire entre 2D et 3D (ce que l'épreuve, et des éventuels effets de double tâche.
David Marr appelle le 2D1/24), vers la 3D et la De manière intéressante en revanche, une évalua-
reconstruction concrète des figures ainsi analy- tion des aspects top-down et bottom-up et de leur
sées au moyen des cubes. Les transferts multiples maturation est proposée. En effet, on peut analyser
de référentiels et de dimensions empêchent l'ana- et normer l'approche globale ou locale de l'enfant,
lyse univoque de la réussite et surtout de l'échec et ainsi évaluer la maturation des capacités d'inté-
éventuel lors de la passation d'une telle épreuve gration visuospatiale du sujet.
(compréhension de la tâche ? Facteur G ? Analyse Les deux épreuves suivantes ont l'intérêt de
visuelle de la perspective ? Représentation interne proposer du repérage spatial, en dehors de toute
des faces cachées ou incomplètes ? Anticipation sollicitation graphique ou praxique.
des pleins et des creux ? Généralisation à la 3D ?
Planification ou programmation du geste ?). Flèches
L'échec peut être dû à n'importe lequel de ces fac- L'épreuve des Flèches, bien que complétée et
teurs, mais la réussite peut aussi être facilitée par amendée, implique cependant encore trop de
la compensation d'un facteur par un autre. Dans dimensions intriquées pour pouvoir apporter
l'ensemble, elle mobilise plus nettement les trai- des informations univoques sur les difficultés
tements de représentation spatiale, les capacités éventuelles de l'enfant. En effet, prévue pour
de changement de référentiel et la généralisation analyser les capacités de jugement d'orientation,
entre les dimensions 2D et 3D. Elle sollicite moins elle suppose pour le sujet de pouvoir suivre de
les compétences praxiques. Il est intéressant de l'œil le parcours de flèches visant une cible et de
confronter les épreuves de cubes des échelles de décider celles qui attendraient le cœur de la cible.
Wechsler et celles de la NEPSY, notamment si les L'objectif est d'évaluer une capacité visuelle de bas
scores sont très discordants. niveau qui est le jugement d'obliquité (important
La passation permet néanmoins d'analyser indi- lors de la reproduction de figures, l'analyse de
rectement d'autres compétences. Du point de vue graphes ou schémas, les positions spatiales, etc.).
exécutif, en effet, la réalisation d'une simple tour Or l'intrication d'un nombre de plus en plus
permet d'analyser les capacités d'inhibition sélective élevé de flèches implique l'inhibition de phéno-
(l'enfant empile les cubes sans s'arrêter sans tenir mènes de simultagnosie, voire des phénomènes
compte du nombre de cubes prévu par le modèle, d'extinction ou de confusion entre stimuli
l'enfant colle ses cubes à ceux du modèle de l'adulte, proches. De plus, la dimension exécutive de la
l'enfant empile ses cubes sur ceux de l'adulte, ou ne tâche est évidente, tant la réussite est dépendante
comprend pas la nature de la tâche…). d'une approche planifiée systématique et rigou-
reuse par l'enfant. Trop souvent tenté de choisir
Copie de figures deux flèches situées côte à côte, l'enfant n'explore
La Copie de figures, une épreuve classique typi- pas nécessairement correctement l'ensemble
quement visuoconstructive en 2D, ne pâtit pas des du matériel. De même, soit l'enfant donne une
mêmes défauts que ceux de l'épreuve des Cubes. réponse au fur et à mesure de son exploration et
En effet, il s'agit de reproduire des dessins propo- néglige des stimuli qui pourraient être plus per-
sés en 2D. Sans nécessité de recodage d'un espace tinents, soit il maintient ses réponses transitoires
à l'autre, l'enfant doit bien programmer la suite en mémoire de travail, au risque d'une surcharge
interférant avec la visée principale de l'épreuve. La
4
Dimension 2D1/2 : dessin dans le plan (2D) figurant réussite le plus souvent en « tout ou rien » est peu
la 3e dimension (lignes de fuite, ombres, tailles informative. Enfin, on pourra s'interroger quant à
relatives…). la pertinence écologique d'une telle compétence.
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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

Orientation est généralement proposée pour chaque dimension


L'épreuve d'Orientation a été maintenue dans la (une tâche de fausse croyance, une expression ima-
2e édition de la NEPSY. Tâche assez étrange, elle gée, une expression au second degré, un détourne-
consiste à explorer de l'œil différents chemins ment d'objet…). De plus une tâche intéressante dans
possibles sur une carte schématique. Le sujet doit l'interprétation du « faire-semblant » est assez lourde
ensuite reconnaître la cible atteinte par un chemin en mémoire de travail, l'enfant devant interpréter
proposé séparément sous la forme d'une ligne une histoire complexe en trois épisodes, impliquant
brisée. Peu sensible, sa validité repose sur la ques- plusieurs personnages, pour certains dans des rôles
tion : quel type de ­compétence est ici mesuré ? A variés. L'échec peut alors être dû à des questions liées
priori tâche de repérage dans le repère allocen- au langage ou à la possibilité de maintenir en tête
trique, les phénomènes oculomoteurs sont ici toute l'information, dans le but de conclure. Dans les
prégnants et interfèrent avec l'objectif de la tâche. faits, ces tâches sont assez peu sensibles.
Deux épreuves nouvelles sont proposées dans
le domaine visuospatial. Une épreuve d'analyse Reconnaissance d'affects
visuelle (Puzzles d'images) vise à apparier des frag- L'épreuve de Reconnaissance d'affects est intéres-
ments d'images naturelles avec leur position au sein sante mais manque également de sensibilité. Elle
de l'image complète. Il s'agit d'explorer les capacités consiste à attribuer à un ou plusieurs visages des
d'imagerie mentale. Très facile pour la plupart des émotions, le plus souvent par analogie. De manière
enfants, marquant la puissance des capacités de discri- intéressante, les expressions sont classées selon
mination visuelle dès un très jeune âge, pour peu que les universaux classiques : triste, apeuré, content,
les capacités attentionnelles soient préservées, elle est en colère, avec dégoût, neutre. Une évaluation
peu sensible. De même, une tâche de reconnaissance indépendante de chacune de ces expressions est
de formes géométriques (Puzzles géométriques) est peu possible, ainsi que les erreurs de reconnaissance.
discriminante. Impliquant des compétences de discri- En principe, cette tâche est assez approfondie,
mination visuelle de bas niveau (forme globale, taille, mais découpée en subtests impliquant des sous-
détails), elle convoque aussi des capacités de générali- conditions assez réduites (ajoutant un élément
sation quelle que soit l'orientation de la cible. Ces com- de mémoire de travail, par exemple), rendant la
pétences semblent être le plus souvent résistantes, ce sensibilité limitée. De même, certains effets para-
qui rend cette épreuve à nouveau peu sensible. doxaux ont pu être relevés (certaines tâches appa-
remment plus complexes mieux réussies que des
Cognition sociale tâches apparemment plus simples) interrogeant
Des épreuves étalonnées et à jour des connais- un éventuel effet par item.
sances en sciences cognitives concernant la Le tableau 1.4 donne une vue synthétique des
reconnaissance des signaux sociaux et le dia- enjeux neuropsychologiques des épreuves de
gnostic des troubles du spectre autistique étaient la NEPSY.
attendues depuis longtemps. La NEPSY2 fait l'ef-
fort de proposer des tâches dans deux dimensions Conclusion
essentielles des compétences sociales : la théorie La NEPSY se veut d'usage quasi universel (com-
de l'esprit (Theory of Mind ou TOM) et la recon- portement, troubles des apprentissages, troubles
naissance des expressions émotionnelles portées du langage, retards ou troubles perceptifs, matu-
par le visage. Si l'effort est louable et donne des rité scolaire, difficultés sociales). Mais comme
points de repère intéressants pour l'évaluation de toute batterie à vocation généraliste, la validité et
ces aptitudes chez l'enfant, les tâches proposées la sensibilité de chaque subtest sont très variables.
sont à l'usage un peu plus décevantes : Les batteries spécialisées sont souvent nettement
mieux étalonnées et complètes (CMS pour la
Théorie de l'esprit mémoire, ELO ou L2MA pour le langage, Dkefs
L'épreuve Théorie de l'esprit propose des tâches per- pour les fonctions exécutives). Il nous paraîtrait
mettant d'inventorier certains aspects de la compré- largement excessif d'affirmer avec les auteurs
hension des signaux sociaux : implicite, second degré, que la NEPSY « serait en mesure d'être un outil
croyances au premier et au second ordre, humour, en première intention » concernant les troubles
jeux symboliques, etc. Cependant, une seule tâche d'apprentissage de la lecture, des mathématiques,
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Tableau 1.4. Les différents sub-tests de la NEPSY 1&2: principales compétences cognitives sollicitées (schématique).
Edition Épreuve Facteur G Attention et fonction Mémoire de Compétences Compétences VPS Capacités en Observations
exécutives travail linguist. MLT
2 Catégorisation +++ ++ Sensibilté aux — + exploration du Complément de l'épreuve IDC (Wechsler)
persévérations. Flexibilité matériel, gnosies ou catégorisation de l'UDN2
mentale

1 Tour +? — Planification +++ — — —? —


— Lutte contre l’impulsivité

1 Attention auditive — — Attention sélective — — — — Intérêt+++ de comparer les performances


— Inhibition des de l’enfant dans différents secteurs
automatismes, capacité de (attention visuelle, statue).
« shifting »

1 Attention visuelle — — Attention sélective — — +++ — Épreuve très dépendante des capacités
— Stratégie d’exploration oculomotrices, organisation regard,
visuelle exploration visuelle, et même
reconnaissance des visage.

Les deux Fluidité dessins — — Souplesse et fluidité — — ? — Cette fonction, rarement explorée, est
mentale pourtant fondamentale dans l’économie
intellectuelle et les apprentissages.

Les deux Statue — — Inhibition motrice — — — — Épreuve très intéressante lorsqu’une


57

— Inhibition des distracteurs hyperactivité est évoquée (TDAH).

1 Cogner – frapper — — Inhibition des — — — —


automatismes et capacités
de « shifting »

Chapitre 1. Les outils du neuropsychologue


— Lutte contre l’impulsivité

2 Inhibition +++ Organisation du Equivalente au Stroop, mais sans


regard, saccades la composante lexique

2 Interférence de ++ Mémoire de travail (administrateur


listes de mots central)

2 Attention auditive + +++ Focalisation + Compréhension + pointage — Épreuve en deux étapes permettant
et réponses attentionnelle, inhibition de mots de contraster la dimension d'attention
associées sélective, flexibilité mentale auditive et la dimension exécutive

Les deux Processus — (lutte contre l’impulsivité, +++ +++ — — Tâches de conscience phonologique, très
Phonologique les automatismes et les liées aux capacités d’apprentissage de la
persévérations) lecture par voie d’assemblage.

Les deux Dénomination — — — +++ — — — Tâche très corrélée aux capacités


rapide d’apprentissage de la lecture par voie
d’assemblage
— Tâche d’accès lexical rapide (à relier
+++ aux épreuves de fluence).

(Suite)
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Tableau 1.4. Suite.
Épreuve Facteur G Attention et fonction Mémoire de Compétences Compétences VPS Capacités en Observations
exécutives travail linguist. MLT

Les deux Compréhension — (lutte contre l’impulsivité, +++ ++ ++ —


de consignes les automatismes et les (beaucoup de
persévérations) termes spatiaux)

Les deux Répétition — (lutte contre l’impulsivité, +++ +++ — — À corréler aux épreuves
pseudo-mots les automatismes et les (et parole) — de MT
persévérations)
— de discrimination phonologique
— de conscience phonologique
— d’articulation et production de parole.

Les deux Fluidité verbale — (lutte contre les + +++ — + — La fluence sémantique explore l’accès
persévérations, les (nécessite le Accès lexical (étendue du lexical (en fonction d’une contrainte liée
associations d’idées, les coq- au champ sémantique).
58

contrôle sur la lexique)


à-l’âne, les diffluences) liste en cours de — La fluence phonologique (> 7 ans)
production pour reflète les capacités métaphonologiques
éviter les redites) de l’enfant et son niveau en langage écrit.

Les deux Séquence — ? — Parole — — À relier à d’éventuel troubles d’articulation,


oromotrice (habileté de parole, de discrimination phonologique,
bucco-phonat.) etc.

Les deux Tapping — — — —? Dextérité et — Exploration de troubles du geste :


dissociation doigts troubles moteurs, TAC, dyspraxie ?

Les deux Imitiation position — (lutte contre l’impulsivité — — ++ — À relier au schéma corporel et gnosies
mains et les persévérations) digitales

Les deux Précision — (lutte contre l’impulsivité) — — +++ — Épreuves graphiques : dextérité manuelle,
visuo-motrice praxies, traitement visuo-spatiaux, etc.

(Suite)

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Tableau 1.4. Suite.
Épreuve Facteur G Attention et fonction Mémoire de Compétences Compétences VPS Capacités en Observations
exécutives travail linguist. MLT

Les deux Séquence — Lutte contre l’impulsivité, + — (motricité —


manuelles les persévérations (visuelle) permettant la
réalisation de
chaque geste)

Les deux Copie de figures — (lutte contre les — — +++ — Épreuves graphiques : dextérité manuelle,
persévérations) praxies, traitement visuospatiaux, etc.

Les deux Flèches — (lutte contre l’impulsivité — — Visuo-spatiaux +++ — Épreuves visuo-spatiales ne réclamant ni
et les persévérations) praxiques ni graphiques.
« Flèches » explore plutôt les capacités
de représentation des orientions propres.
« Orientation » explore plus les fonctions
topologiques

Les deux Orientation — (lutte contre l’impulsivité — — Visuo-spatiaux +++ —


et les persévérations)
59

Les deux Cubes + Planification, organisation — — Praxies — Performance à mettre en relation avec
de séquences constructives +++ celle obtenue aux cubes de Kohs ou des
échelles de Wechsler.

Chapitre 1. Les outils du neuropsychologue


2 Horloges + Organisation Connaissances temporelles
sur un cadran

2 Puzzles ++ Imagerie
géométriques mentale

2 Puzzles d'images ++ Imagerie


mentale

Les deux Mémoire visages — — +? — — +++ Attention à une éventuelle


(visuelle) agnosie des visages

Les deux Mémoire — — + — — +++


des prénoms (couplage
visage/
prénom)

(Suite)

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Tableau 1.4. Suite.
Épreuve Facteur G Attention et fonction Mémoire de Compétences Compétences VPS Capacités Observations
exécutives travail linguist. en MLT
Les deux Mémoire narrative +? Attention auditive ++ +++ — +++ — Demande la mémorisation
soutenue (compréhension (compréhension d'un petit scénario et de détails précis
phrases, texte) phrases, texte)
— Permet de comparer le rappel libre
et le rappel indicé

Les deux Répétition — Attention auditive +++ +++ — + À comparer à la répétition de mots isolés,
de phrases (auditivo- (lexique, syntaxe) de pseudo-mots, de chiffres (à l’endroit et à
verbale) rebours), à SLC (WISC-IV), à la reproduction
de rythmes (Mira-Stamback).

Les deux Apprentissage liste — Stratégie d’apprentissage + + — +++ Épreuve très proche des 15 mots de Rey
de mots (regroupement sémantique ou (nécessite le (familiarité lexique) et des autres épreuves d’apprentissages
écologique) contrôle sur la (CMS, BEM…), qui permet d’évaluer :
liste en cours — le gain en fonction des répétitions;
60

de production — la stratégie de rétention


pour éviter les (regroupement des items, effets de
redites) primauté et/ou de récence, etc.) ;
— la résistance aux interférences.

2 Mémoire des ++ Codage spatial Mémoire à CT (nature et place de la figure


figures sans signification)

2 Reconnaissance + pour Exploration A contraster avec Mémoire des visages


d'affects certains items
reconnaissance

2 Théorie de l'esprit + Inhibition ++ Histoires ++ Basée sur des


longues et petites histoires,
complexes scénario, implicite
dans le langage

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de l'attention, du comportement ou des habile- certain dualisme, laissant le choix au praticien de


tés sociales… Il faut donc réserver l'usage de la son interprétation des données via une analyse
NEPSY à la passation de telle ou telle épreuve, en factorielle ou sous le prisme du paradigme neu-
fonction des questions qui se posent. ropsychologique de Luria.
Cependant, soit du fait de l'intervalle d'âge consi- Pour mémoire, la première édition du K-ABC
déré, ou de l'originalité de certaines tâches (par ex : (1983) s'appuyait sur un modèle de type CHC
Séquences oromotrices, Répétition de phrases, complexe intégrant :
Statue), certaines épreuves peuvent s'avérer sans • la théorie de Cattell à deux composantes fluide-
équivalent dans d'autres batteries plus spécifiques. cristallisé (1941) ;
De plus, son modèle sous-jacent est robuste, et • étendue et redéfinie par Horn (1965) et incluant
l'objectif de chaque tâche réfléchi en fonction d'un une gamme d'aptitudes en complément des
modèle développemental et neuropsychologique à deux dimensions « fluide » et « cristallisé » ;
jour. Il est essentiel de noter que les domaines et les • complétée par Carroll par le biais d'une analyse
tâches sont déterminés à partir de fondements théo- critique des analyses factorielles accumulées
riques (traitement de l'information) et non statis- sur 50 ans de données.
tiques (analyse factorielle), ce qui paraît nettement En effet, sur la base des données recueillies, les
plus pertinent. La corrélation de certains subtests efforts d'interprétation des ressorts principaux et
n'appartenant pas au même domaine révèle simple- secondaires de groupes de tâches ont donné lieu
ment une dimension cognitive commune (par ex. à un émiettement de facteurs explicatifs. Tous
une forte dimension attentionnelle ou exécutive). partent certes d'un facteur G (facteur général
Notons malgré tout que dans un souci d'éco- d'intelligence de type Spearman). Cependant,
nomie de temps, elle présente souvent trop peu pour Cattell, le facteur G est à son tour séparable
d'épreuves dans une même dimension, ou trop peu en deux aptitudes :
d'items dans une même épreuve. Or l'économie de • Gf : fluide, ou capacité à résoudre des problèmes
temps ne peut être un critère en neuropsychologie nouveaux en utilisant le raisonnement (fonc-
de l'enfant. Les raccourcis et omissions peuvent tion de facteurs biologiques et neurologiques
parfois remettre en cause l'ensemble du raison- sensibles à l'âge) ;
nement, et donc le diagnostic, ce qui pourrait être • Gc : cristallisée, ou aptitude basée sur les
très dommageable à l'enfant et son entourage. connaissances, dépendante de l'éducation et de
On l'a déjà dit, c'est le niveau de détail le plus la culture, résistante à l'âge.
précis qui nous intéresse, dans l'analyse la plus À son tour, devant la diversité des facteurs
pointue des différentes dimensions d'une tâche. explicatifs non réductibles aux précédents, Horn
Les notes d'échelles nous paraissent le plus souvent articulait des facteurs nouveaux :
être un masque et n'apportent rien. Reconnaissant • Gsm : acquisition d'informations et récupéra-
ce point, elles ont du reste été abandonnées dans tion à CT ;
la 2e édition de la batterie. • Glr : stockage et récupération d'informations
à LT ;
• Gv : traitement visuel ;
Un modèle mixte : le KABC2 • Gs : vitesse de traitement.
La construction du KABC2 est sans doute, dans Ces facteurs devaient être révisés et nuan-
son syncrétisme théorique, particulièrement cés, pour parvenir jusqu'à 10 aptitudes géné-
évocateur des efforts (parfois un peu désespé- rales, traitées comme équivalentes et non pas
rés) des auteurs à faire entrer leur outil dans le hiérarchiquement.
cadre du paradigme cognitif renouvelé de ces Les difficultés de consensus et la faible pondé-
dernières décennies, sans toutefois accepter de ration de ces facteurs pour de vastes ensembles de
renoncer au cadre intellectuel ayant prévalu données engageaient à une réinterprétation et un
lors de sa création. En effet, initialement fondé nouvel éclatement des dimensions « explicatives »
sur une approche développée du modèle CHC, par Carroll dans une hiérarchie à trois strates :
en particulier dans sa version revue et corrigée • niveau 3 (général) : facteur G (semblable à
par Cattell, le KABC2 revendique désormais un Spearman) ;

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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

• niveau 2 : (global) : huit (dix ?) aptitudes glo- Tableau 1.6. Correspondance entre le modèle
bales (proches de Horn et Gardner) ; factoriel de base et les processus cognitifs
• niveau 1 : (spécifique) : composé de 70 apti- identifiés par Luria.
tudes assez spécifiques, impliquant un certain
CHC Luria
niveau de maîtrise sur une échelle de difficulté,
vitesse d'accomplissement de la tâche, taux Processus séquentiels Mémoire à CT
d'apprentissage… Processus simultanés Traitement visuel
En pratique, les auteurs du KABC2 retiennent Aptitude d'apprentissage Mémoire à LT
désormais quatre facteurs principaux : proces-
Aptitude de planification Raisonnement
sus séquentiels/Gsm, simultanés/Gv, appren- fluide + intelligence
tissage (Glr), connaissances/Gc. Ils admettent cristallisée (connaissances),
cependant sans peine que la distinction séquen- non prévue par Luria
tiel/simultané n'a pas été validée par les analyses
factorielles jusqu'à 6 ans inclus… Ils classent
néanmoins les épreuves proposées selon chacune
de ces dimensions (tableau 1.5) : cristallisé IFC) ou IPM pour le modèle Luria. IPM
Cependant, ces tâches sont aussi redistribuées et IFC n'ont en réalité qu'une seule différence : l'in-
selon une table de correspondance entre le modèle clusion des aptitudes cristallisées (connaissances
factoriel de base et les processus cognitifs identi- générales sur le monde) à la seconde…
fiés par Luria (tableau 1.6). Face à un tel embarras théorique, à la recherche
Sans négliger que ces mêmes tâches seront aussi d'une unification qui permettrait de mobiliser des
commodément réorganisées selon la division ver- épreuves cognitives au service de n'importe quel
bal/non verbal initiée par les échelles de Wechsler… modèle sous-jacent de la cognition, on compren-
De ce fait, outre des notes standards classiques, le dra la stratégie de ses auteurs de se prévaloir de
praticien est en mesure de calculer des indices par proposer « des épreuves d'une certaine complexité
échelle, équivalents d'un modèle à l'autre, voire glo- globale », permettant, non pas la mise en évidence
baux telle que la note globale CHC (indice fluide- de troubles cognitifs éventuels des patients, mais la
mise au jour d'aptitudes élaborées et multidimen-
sionnelles des enfants. Cette approche est a priori
Tableau 1.5. Épreuves du KABC2 classées aux antipodes de la démarche analytique du bilan
selon leurs quatre dimensions. neuropsychologique qui cherche à discriminer
finement les ressorts de chaque tâche proposée, en
Séquentiels/Gsm Mémoire immédiate éloignant le plus possible les facteurs confondants.
de chiffres
La posture théorique des auteurs résiste mal
Suite de mots
dans la réalité à une analyse plus spécifique de
Mouvements des mains
chaque épreuve proposée. En effet, si certaines
Simultanés/Gv Raisonnement conceptuel sont authentiquement originales, beaucoup sont
Reconnaissance des visages fort semblables aux épreuves classiques que l'on
Séquences logiques retrouvera (sous la même forme ou amendée) dans
Planification spatiale de nombreuses batteries (séquences logiques,
Triangles mémoire des chiffres, histoires à compléter, etc.).
Supplémentaires : C'est pourquoi au-delà des contorsions
Dénombrement de cubes théoriques, plusieurs épreuves du KABC2
Reconnaissance de formes seront malgré tout pertinentes et d'excellents
Histoires à compléter compléments lors de la passation d'un bilan
Apprentissage (Glr) Mémoire associative neuropsychologique. Elles seront un appoint
Apprentissages de codes permettant d'approfondir et confirmer cer-
taines hypothèses issues d'épreuves précédem-
Connaissances/Gc Dénomination
ment administrées.
Devinettes
Cela sera bien entendu à nouveau possible sur la
Connaissances culturelles
base d'une analyse fine de chaque épreuve.

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Chapitre 1. Les outils du neuropsychologue

Empan de chiffres endroit l'ordre des images associées aux mots prononcés.
Universellement utilisé et présent dans la plupart Elle propose des mots très simples, unisyllabiques,
des batteries multitâches (cf. échelles de Wechsler), appartenant notoirement au vocabulaire de l'en-
il juge de la mémoire immédiate, mais est aussi fant, même très jeune (clé, coq, feu, lune, os…). Le
infiltré de facteurs attentionnels. Les fluctuations choix d'une réponse motrice, avec transfert d'une
d'un essai à un autre peuvent être la marque d'un modalité à l'autre, n'est pas justifié théoriquement
défaut de vigilance. Il peut aussi exister une inter- et peut sans doute être facilitateur (encodage par
férence des facteurs exécutifs (organiser et répéter saccades oculaires…).
une séquence, difficulté de mobilisation de straté- La tâche, avec l'interférence d'une épreuve de
gies implicites de chunking, c'est-à-dire découpage dénomination de couleur, est censée proposer la
des données par paires ou triplets, etc.). mesure de la mémoire de travail, grâce à la suppres-
Elle doit être évidemment être séparée de la sion partielle de la répétition par mobilisation de
Mémoire de chiffres inverse, mobilisant ­clairement la boucle articulatoire. Cependant, la présentation
des processus beaucoup plus complexes de postérieure à la présentation des stimuli de cette
mémoire de travail, de capacité d'appliquer des tâche interférente, brouille les enjeux de la tâche :
permutations (combinatoire), liée au facteur G. • L'enfant aura pu subvocaliser pendant la présenta-
Il s'agit d'une tâche pour laquelle il est typiquement tion elle-même des stimuli, renforçant ainsi la trace.
précieux de réaliser la passation en deux phases : • La tâche interférente peut aussi révéler les
• Phase 1 : passation standard sur la base de deux difficultés des enfants ayant précisément une
essais par empan, avec arrêt lorsque les deux sensibilité aux effets d'interférence rétrograde
essais sont échoués : permet de calculer l'empan (récupération d'une trace initiale rendue plus
de chiffres, tel que normé par les auteurs. Permet difficile par l'encodage d'une nouvelle trace).
le calcul de la NS telle que l'étalonnage le prévoit.
• Phase 2 : une fois la passation standard réali- Mouvements des mains
sée, poursuivre en revenant à l'empan réussi, Il s'agit d'une épreuve adaptée d'une tâche de
afin de confirmer qu'il est stable, en particulier Luria, qui testait les persévérations. Luria propo-
lorsqu'un seul essai est réussi. Puis prolonger sait une séquence répétée de trois mêmes gestes.
pour les empans échoués afin d'analyser les La question était donc : le patient est-il capable de
effets d'entraînement, s'ils existent et les fac- renoncer à la répétition de la même réponse, peut-
teurs éventuellement attentionnels. il automatiser une séquence, est-il capable de faire
Afin d'éviter que cette tâche ne soit trop pol- preuve de flexibilité mentale ? Il s'agit donc d'une
luée par l'interférence de ces facteurs de vigilance, tâche très clairement exécutive.
dans une tâche assez peu motivante et dont le L'épreuve proposée par le KABC2 est plus ambi-
sens échappe à l'enfant, on pourra l'encourager à guë, puisqu'il ne s'agit plus d'une séquence fixe mais
chaque essai (« Écoute moi bien, Es-tu prêt ?, Un de séquences variables de gestes d'un item à l'autre. La
autre maintenant… »), s'assurer que l'on parle voie d'entrée est visuelle, tandis que la voie de sortie
bien en face à l'enfant (complément d'encodage est motrice. Certes la flexibilité mentale de l'enfant
labial, précieux dans le domaine verbal, et ce qui est clairement mobilisée, mais la maturité des traite-
ne modifie pas la nature de l'input : on ne juge pas ments séquentiels et l'inhibition des persévérations
des capacités linguistiques, mais de mémoire…). nettement moins. La mémoire (visuelle ? kinesthé-
Les troubles du sens des nombres ne peuvent sique ? par émulation interne des gestes observés ?)
en soi expliquer ici un échec. Dans cette épreuve, est sans doute mise à contribution. Les efférences
l'enfant doit manipuler des mots-nombres (infé- motrices sont assez simples, mais impliquent aussi
rieurs ou égaux à 9). Il s'agit donc bien d'un input les praxies gestuelles. Cliniquement, la dimension
verbal, ayant accessoirement un sens numérique. attentionnelle de la tâche est évidente.
Le fait que les auteurs fassent éventuellement
Suite de mots observer un réencodage verbal par l'enfant est
Autre mesure de mémoire immédiate, avec des symptomatique des multiples facteurs impliqués
mots non associés au domaine des nombres. Elle dans cette tâche. Son intérêt est donc d'autant plus
engage une réponse motrice de pointage dans limité qu'on peine à imaginer sa valeur écologique…

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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

Dénombrement de cubes Les auteurs ont prévu une variété de visages,


Il consiste à observer une planche représentant un selon différents critères (sexe, âge, groupe eth-
empilement ordonné de cubes et à dénombrer le nique). Or il apparaît que ce dernier critère est pro-
nombre de cubes présents, en incluant les cubes bablement nettement moins pertinent : en effet,
partiellement (ou complètement) cachés. du fait d'une exposition plus variée encore à leurs
C'est une tâche impliquant l'imagerie mentale, petites différences, on sait qu'il existe une exper-
voire le sens physique (l'équilibre du tout). Si les tise supérieure encore du sujet lors de la reconnais-
auteurs parlent de résolution de problème, c'est sance des visages de son propre groupe ethnique.
qu'ils supposent un traitement implicite du type :
« Si à cet endroit-là, il manque un cube, le tout va Planification spatiale
s'écrouler… ». Elle se présente comme un jeu se déroulant sur un
Cependant, il nous semble que la tâche est tout damier. L'enfant doit faire réaliser à une figurine
d'abord à analyser du point de vue du traitement de chien le parcours « le plus court » (en nombre
de l'information : de cases occupées) entre une position de départ
• input visuel en 2D1/2, avec les effets de et une cible (un os), en tenant compte de diverses
perspective ; contraintes (type de déplacements, obstacles,
• traduction spatiale en 3D par imagerie mentale ; cases interdites…).
• comptage mental du nombre de cubes présents, Cette épreuve mobilise certes les capacités de
avec un fort aspect exécutif : planification de l'enfant. La capacité à « réfléchir
– mémoire de travail ; avant d'agir » est clairement favorisée. Cependant,
– stratégie de comptage séquentiel… outre une consigne assez complexe, impliquant
L'aspect numérique paraît nettement secon- une bonne compréhension verbale, la coordination
daire, sauf pour les enfants ayant une difficulté à des différentes contraintes crée une surcharge en
automatiser la comptine des nombres. mémoire de travail, tandis que le comptage (impli-
cite) favorise les enfants qui le mobilisent spon-
Raisonnement conceptuel tanément. Comme il existe un biais en faveur de
C'est une tâche de détection d'intrus. L'enfant doit l'utilisation intuitive des déplacements le long des
pouvoir détecter le concept commun émergeant lignes et des colonnes (même chez les enfants ne
de toutes les images sauf une et pointer sur celle présentant pas de troubles exécutifs), la contrainte
qui « ne va pas avec les autres ». supplémentaire consistant à les inhiber pour
Très simple pour la plupart des enfants, elle peut employer les déplacements en diagonale rajoute un
être pertinente pour évaluer les capacités d'abs- niveau de difficulté qui ne permet pas toujours de
traction résiduelle des enfants déficients intel- conclure. En effet, un enfant peut très bien dépas-
lectuels, car beaucoup d'items s'appuient sur des ser largement le nombre minimal de déplacements
identités perceptives. En effet, notre expérience prévu, du fait de ce simple manque d'optimisation
semble nous montrer qu'elle est généralement par le cheminement le long des diagonales, et non
réussie en tout ou rien (faible sensibilité), et est une impulsivité ou défaut d'inhibition.
échouée par les enfants ne comprenant pas les Il est frappant de constater que du point de
enjeux de la tâche. De même, du point de vue exé- vue théorique, cette tâche complexe implique
cutif, cette tâche engage à observer cliniquement des compétences verbales (consigne complexe),
les capacités d'inhibition sélective de l'enfant. de raisonnement, numériques (il faut compter les
Comme toutes les tâches de pointage, elle per- déplacements) et exécutives (planification, anti-
met d'observer les enfants impulsifs, ou ayant des cipation, inhibition sélective…). Or les analyses
troubles exécutifs. factorielles confirmatoires semblent dénier toutes
ces dimensions, au seul profit d'une dimension
Reconnaissance des visages de facteur visuel (Gv)… Si la modalité visuelle
L'enfant est amené à observer un ou deux visages est bien entendue impliquée au cours de la prise
pendant 5 s, puis à les reconnaître parmi d'autres. d'informations par le sujet, il paraît pour le moins
Cette épreuve est proposée dans de très nom- étrange qu'elle soit la plus explicative en termes
breuses batteries, telle que la NEPSY2. de mécanisme prépondérant de traitement.

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Chapitre 1. Les outils du neuropsychologue

Triangles enjeux langagiers soient ici au premier plan (accès


Tâche typiquement visuoconstructive, elle engage fin au réseau sémantique), un échec à une épreuve
l'enfant à reproduire un patron présenté en 2D de dénomination ne suffira sûrement pas à elle
au moyen de pièces géométriques simples mono- seule à établir le trouble des gnosies.
chromes ou de triangles isocèles rectangles. Ces L'épreuve de Reconnaissance de formes, assez
derniers présentent deux faces uniformes, l'une simple et rapide de passation, est donc intéres-
bleue, l'autre jaune. sante pour tester une telle hypothèse.
Proche de l'épreuve des Cubes du WISC4, elle Si les auteurs font ici référence à la théorie de
s'en différencie sur plusieurs aspects. Certes, les la forme (ou Gestalt théorie) comme principe de
deux types de matériel (triangles et cubes) peuvent réussite à cette tâche, les travaux neuropsycho-
être manipulés, et le travail peut se faire par essais logiques relatifs aux gnosies visuelles font plu-
et erreurs. A priori, l'épreuve des Triangles est plus tôt appel aux études neurologiques sur patients
« pure », car elle ne nécessite pas de traduction de la cérébrolésés qui mettent clairement en évidence
tâche d'une perception 2D vers une perception 3D, l'implication du lobe temporal dans les tâches de
en excluant, comme c'est le cas de l'épreuve des reconnaissance du sens des inputs visuels (voie du
Cubes, des données visuelles perturbantes (les « Quoi ? », Ungerleider et Mishkin [1982]).
bords).
Comme pour les cubes, les traitements sous- Mémoire associative
jacents incluent au moins :
Elle consiste à faire apprendre à l'enfant une taxo-
• l'analyse visuelle ;
nomie inconnue de 12 espèces inédites (quatre
• la synthèse visuelle ;
rappelant des poissons, quatre des coquillages,
• l'inscription intentionnelle des gestes dans
quatre des plantes imaginaires).
l'espace (praxies).
Il s'agit donc d'une épreuve de mémoire asso-
Cependant, pour l'épreuve des Triangles, l'expé-
ciative. Après apprentissage, le psychologue pré-
rience tend à montrer que la difficulté principale
sente l'amorce (le « nom ») et l'enfant doit pointer
pour l'enfant est la capacité à créer un carré perçu
« l'espèce ».
au moyen de deux triangles mis côte à côte. Une
Un peu déroutante pour l'enfant du fait de la
fois cette forme de base réalisée, la plupart des
bizarrerie des noms proposés, elle ne peut être
items sont généralement assez bien réussis.
administrée qu'à des enfants d'un certain âge
Les bonifications de temps sont néanmoins
bénéficiant d'une bonne dynamique intellectuelle.
intéressantes afin de déterminer l'efficacité de la
Cependant, en l'absence d'autres épreuves de
stratégie de l'enfant, sa lenteur à converger vers
mémoire associative entre deux modalités, celle-
la solution, sa capacité à généraliser les stratégies
ci entre utilement dans la palette des outils d'éva-
employées.
luation lors d'un doute concernant l'intégrité des
compétences mnésiques.
Reconnaissance de formes
Il s'agit d'un subtest précieux et assez unique
quand on a des doutes concernant l'intégrité des Apprentissage de code
gnosies visuelles. En effet, l'enfant doit pouvoir Épreuve originale, et comparable à peu d'autres et
reconnaître un objet ou un animal présenté sous à ce titre, intéressante, elle prévoit l'apprentissage
forme d'une ombre monocolore noire schéma- par l'enfant d'une série de symboles a priori sans
tique et parfois incomplète. signification (mais en réalité assez figuratifs pour
Exceptées les images de Blanche Ducarne, certains : « eau » est représenté par une vague ;
aucune épreuve permettant de tester les gnosies « dans » est représenté par un petit cercle noir au
visuelles à jour n'existe pour les enfants. Certes, centre d'un carré blanc), en lien avec un mot ou
une tâche de dénomination d'images peut mettre un concept. L'enfant doit ensuite « lire » une série
éventuellement sur la piste, avec des interpréta- de « phrases » de plus en plus complexes utilisant
tions inhabituelles de certaines images simples ces « unités lexicales ».
(par ex. « un pont » pour « une cheminée »…). Longue à faire passer et déroutante pour l'en-
Mais, comme il est toujours possible que les fant, son utilité réelle lors d'un bilan se révèle un

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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

peu décevante. Le fait que les symboles soient Il s'agit d'une tâche de récit, impliquant qui
parfois quasi figuratifs, en lien avec le concept plus est une dimension de reconnaissance des
sous-jacent et d'autres fois au contraire, très loin scénarios sociaux sous-jacents (scripts). Elle doit
du concept visé, entretient une ambiguïté quant à donner lieu à un travail de logique temporelle
la nature exacte de cet apprentissage. (chronologie), tout en prenant appui sur les com-
En effet, malgré la revendication des auteurs pétences liées à la pragmatique des situations pro-
d'un lien entre cette épreuve et l'apprentissage de posées et les connaissances culturelles des enfants
la lecture, il n'en est rien. En effet, un large cor- desdites situations (par ex : l'anniversaire…).
pus de recherches montre que la lecture dans un Elle est précieuse quand les tâches de raisonne-
système alphabétique n'est justement pas un pro- ment sur matériel abstrait sont décevantes et qu'on
cessus « logographique », consistant à relier des cherche à approfondir les compétences intellec-
images (les mots écrits) avec des mots du langage tuelles de l'enfant : il faut organiser le matériel
oral. On sait aujourd'hui à quel point un appren- ce qui nécessite des capacités de planification. La
tissage de ce type est laborieux et rapidement vitesse et la consistance des choix sont des élé-
inefficace (cf. Yoncheva (2010)). ments psychométriques et qualitatifs importants.
La condition en rappel différé permet de mesu- Le tri entre les choix pertinents et des distrac-
rer l'efficience des processus de consolidation teurs apporte des indications intéressantes quant
mnésique. aux capacités d'inhibition de l'enfant, avec des
choix « évidents » à écarter. De même, il ne s'agit
Séquences logiques pas d'une tâche de combinatoire complexe com-
C'est un test traditionnel de complétion de suites parable à Arrangement d'images de la WAIS3 (ou
logiques, épreuve de raisonnement, consistant WISC3). Cette approche permet de s'assurer de
à extraire la loi présidant à la construction de l'interprétation assez univoque de la réussite ou
chaque série et à son application pertinente pour de l'échec à cette tâche.
la poursuivre. Tâche perceptive et manipulatoire, elle induit
Ce test entre dans la vaste famille des tests psy- probablement un comportement langagier sous-
chométriques classiques et peut se révéler utile jacent chez l'enfant (le sujet « raconte l'histoire »).
quand d'autres tâches de la même nature ont Il est donc important de ne pas renforcer cette
été administrées récemment. Il permet, sur un dimension et on évitera absolument de faire verba-
nouveau matériel, de confirmer ou infirmer un liser l'enfant, et pour le psychologue, d'expliquer.
trouble assez général des capacités de raisonne-
ment, lors d'une suspicion de retard intellectuel Dénomination
(facteur G). Les auteurs ont pris soin de limiter Épreuve classique de nommage d'une image, elle
l'usage de l'orientation des stimuli comme para- mobilise les capacités de l'enfant à aller chercher
mètre déterminant lors de l'analyse de la série. un mot précis au sein de son réseau séman-
Comme toute tâche imagée, nécessitant une tique. Elle teste le versant expressif du langage.
réponse par pointage, l'épreuve des séquences Cependant, au sein du KABC2, elle ne présente
logiques du KABC2 peut encourager une éven- pas une profondeur et une pertinence suffisante
tuelle impulsivité sous-jacente de l'enfant. Des pour apporter des informations utiles. En effet,
encouragements engageant l'enfant à prendre son de nombreuses autres batteries proposent une
temps peuvent s'avérer nécessaires, afin de ne pas épreuve semblable beaucoup plus riche.
interpréter à tort un trouble exécutif comme une
fragilité du raisonnement. Devinettes
Il s'agit d'une épreuve de raisonnement sur maté-
Histoires à compléter riel verbal et par inférence conceptuelle, présente
Cette épreuve consiste à faire compléter par l'en- aussi dans d'autres batteries (cf. Raisonnement
fant une série de vignettes afin de donner du sens verbal du WISC4). Sur la base d'un indice, l'en-
à une petite histoire en images. Il peut y avoir une fant doit découvrir ce qui est visé. Le traitement
ou plusieurs lacunes à combler, et ce, le plus sou- d'entrée est verbal, ce qui nécessite que la com-
vent au sein de la séquence et non à la fin. préhension et la pragmatique du langage soient

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Chapitre 1. Les outils du neuropsychologue

intègres. L'avantage par rapport à d'autres présen-


tations est la proposition pour les jeunes enfants
Conclusion
(avant 7 ans) d'une réponse par un choix d'images Un psychologue ou un neuropsychologue ne sau-
à pointer. Cette tâche est cependant cliniquement rait en aucune façon examiner un enfant et pré-
moins fine que celle du WISC4, car elle ne donne tendre essayer d'en comprendre le fonctionnement
qu'un seul indice, ce qui ne permet pas d'analy- (et les dysfonctionnements) :
ser la capacité du sujet à réduire graduellement • en se passant de l'usage de tests étalonnés.
l'espace de ses choix. De plus, comme le recon- Si des entretiens, informels ou semi-diri-
naissent les auteurs, pour les items les plus diffi- gés selon les cas, sont bien sûr indispen-
ciles, les connaissances concernant les attributs sables, ils doivent s'accompagner de la
des éléments visés deviennent déterminantes, passation de tests judicieusement choisis
ce qui rend alors l'épreuve moins pertinente du pour permettre d'aboutir à un diagnostic
point de vue du simple raisonnement. neuropsychologique ;
• en utilisant « le test dont on dispose » (certaines
Connaissances culturelles écoles ou certaines structures disposent de très
Épreuve à nouveau mixte, son interprétation en peu de moyens…) : certains tests, très anciens,
est, de ce fait, assez ambiguë. En effet, à l'énoncé n'ont plus un rationnel ni un étalonnage valide,
d'un mot ou d'une question, l'enfant doit poin- d'autres, même très récents, ne sont pas appro-
ter sur une image parmi quatre propositions. priés pour répondre à la question que pose cet
Épreuve de compréhension réceptive du lan- enfant-là ;
gage, elle est nettement moins riche que d'autres • en ne s'appuyant que sur la passation d'un
épreuves plus pures de compréhension du voca- seul test : par exemple, en aucun cas, le bilan
bulaire. Elle fait appel à l'encodage en mémoire neuropsychologique ne saurait se réduire
sémantique. Pour ce qui est de la part des aux épreuves de Wechsler. Ces dernières
connaissances décontextualisées, elle cherche sont indispensables, mais elles ne sont pas
à mesurer l'amplitude du stock d'informations suffisantes.
disponibles en mémoire à LT. On travaillera avec une multiplicité d'outils à
Il s'agit donc de deux épreuves en une, qui jour, fondés du point de vue théorique, valides
jugent certes des capacités d'encodage, puisqu'il et sensibles. Il ne s'agit pas de multiplier les pas-
s'agit de reconnaître la bonne information, mais sations de multiples batteries, mais de choisir
au sein de deux systèmes mnésiques différents dans chacune les épreuves les plus pertinentes,
(connaissances académiques et réseaux lexicaux). en fonction d'un raisonnement hypothéticodé-
Outre son aspect évidemment verbal, aussi bien ductif. Tous les outils sont utiles, aucun n'est,
en entrée qu'en réponse attendue, cette tâche est à lui seul, déterminant. On n'hésitera pas à
très culturellement orientée. À l'usage, elle est le démembrer les batteries proposées, en analy-
plus souvent assez peu discriminante du point de sant soigneusement chacun des subtests propo-
vue mnésique et dépend, malgré les affirmations sés en termes d'exigences et processus cognitifs
des auteurs, assez directement du niveau culturel sous-jacents.
de l'entourage de l'enfant. In fine, le neuropsychologue doit disposer d'un
éventail de tests et de batteries assez fourni pour
lui permettre d'en extraire à la demande les outils
À noter spécifiques dont il aura besoin pour tester ses
Cette analyse des épreuves du KABC2, comme hypothèses et répondre aux questions que pose
celles des batteries multitâches, confirme qu'une chaque enfant.
prise en compte individuelle, subtest par subtest,
est essentielle pour saisir l'ensemble des leviers Bibliographie
cognitifs d'une même tâche. Se contenter de la
rapporter à un facteur principal ou secondaire Baron. Ida Sue : Neuropsychological Evaluation of the Child.
peut complètement obscurcir les enjeux multiples New York, NY, US : Oxford University Press ; 2004.
Carroll JB. Human cognitive abilities. Cambridge
de leur réussite, mais aussi et surtout de leur échec.
University Press ; 1992.

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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

Denckla MB, Rudel RG. Rapid automatized naming Mishkin M, Ungerleider LG. Contribution of striate
(R.A.N) : dyslexia differentiated from other learning inputs to the visuospatial functions of parieto-­
disabilities. Neuropsychologia 1976 bb ; 14 : 471–9. preoccipital cortex in monkeys. Behav Brain Res
Goodale MA, Milner AD, Jakobson LS, et al. A neurolo- 1982 ; 6(1) : 57–77.
gical dissociation between perceiving objects and Yoncheva, Y.N., Blau, V.C., Maurer, U., McCandliss,
grasping them. Nature Jan 1991 ; 349(6305) : 154–6. B. D. (2010). Attentional Focus During Learning
Mazeau M. La pathologie du regard. In : Troubles visuos- Impacts N170 ERP Responses to an Artificial
patiaux et dyspraxies de l'enfant. Paris : Masson ; Script. Developmental Neuropsychology, 35(4),
1995. p. 48–66. 423–45.

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Le cœur du bilan Chapitre 2
« Et pourquoi on m'a renvoyé de l'école, Monsieur Hamil ? Madame Rosa m'a dit
que c'était parce que j'étais trop jeune pour mon âge, puis que j'étais trop vieux
pour mon âge et puis que j'avais pas l'âge que j'aurais dû avoir et elle m'a traîné
chez le docteur Katz. »
Émile Ajar, La vie devant soi, 1975.

Introduction : les réticences « performances » dont l'enfant fait preuve à un


moment donné sont le reflet de son fonctionnement
Les tests psychométriques ont mauvaise presse, psychique tout entier, indécomposable, holistique.
aussi bien dans le public qu'auprès des profession- Considérant que les aspects du fonctionnement
nels. Accusés de réduire l'enfant à un chiffre (celui cognitif ne peuvent jamais être dissociés du fonc-
du trop fameux « QI »), de favoriser un « étique- tionnement psychoaffectif, toute anomalie déve-
tage » hâtif et faussement objectif des enfants, de les loppementale conduit à explorer l'inconscient de
cataloguer de façon figée en faisant fi des capacités l'enfant, d'où des psychothérapies visant à mettre à
dynamiques d'évolution chez l'enfant, les tests psy- jour par différentes approches (dessins, entretiens,
chométriques ont connu une grande désaffection. jeux, etc.), les conflits inconscients non résolus qui
Toutes ces critiques n'ont peut-être été, malheureu- « bloquent » les processus mentaux ou interdisent
sement, que trop justifiées par le passé : mis au point l'accès normal aux savoirs. Dans cette conception,
d'abord par Binet,1 les tests psychométriques devaient souvent dite psychodynamique, l'enfant va « se
bien « mesurer » le niveau d'efficience des enfants ; il débloquer » lorsque se dénoueront les fils invisibles
s'agissait à l'époque de caractériser « l'intelligence » qui entravaient sa progression.
et de chiffrer son déficit éventuel afin d'orienter les • Pour d'autres, l'aversion pour le cognitif tient à la
enfants dans des structures spécialisées conçues pour connotation « organique » qu'il véhicule, organi-
répondre aux besoins des « débiles légers, moyens ou cité souvent perçue comme signe de l'irréversible
profonds », selon la terminologie d'alors. (puisque « neurologique »), heurtant l'expérience
N'y voyant que les risques encourus par l'en- courante des thérapeutes qui constatent souvent
fant, contestant l'intérêt et même la signification des évolutions favorables, aussi brusques qu'inat-
de ces tests, puis à partir des années 1950–1960 tendues : ces dernières ne leur semblent explicables
Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

largement influencés par les théories psychanaly­ et possibles que dans le cadre d'une évolution psy-
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tiques, de nombreux psychologues ont alors chique, reflétée par le terme « psychodynamique ».
refusé de « faire passer des tests », préférant des • Bien évidemment, il s'agit là d'a priori erronés : les
méthodes d'investigations plus centrées sur le anomalies neurologiques (organiques, touchant
vécu, la problématique personnelle ou familiale, la structure cérébrale) ne sont ni plus ni moins
l'évolution de la personnalité de l'enfant. « fixées » que certains troubles psychiatriques, ni
Derrière ces choix se profilent, de façon plus ou de plus mauvais pronostic que certains troubles
moins explicite, de grands débats : envahissants du développement. Au contraire,
• Pour les uns, l'évaluation « intellectuelle » (ou la plasticité cérébrale, la maturation et l'évo-
cognitive) n'a, intrinsèquement, aucun sens : les lution, l'entraînement et les apprentissages
peuvent conduire à des améliorations notables.
Enfin, il ne faut pas confondre la persistance de
1
C'est en 1905 que paraît le « Binet-Simon ». la lésion (ou de l'anomalie structurelle cérébrale)

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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

et l'évolution des symptômes reliés à cette lésion l'intensité d'éventuels troubles cognitifs. Il a pour
(ou à cette anomalie cérébrale), évolution très but de clarifier la spécificité ou non de ses diffi-
généralement favorable à la fois sous l'effet de cultés afin de pouvoir proposer des stratégies de
la maturation, du développement, des rééduca- prise en charge et de remédiation.
tions et des actions thérapeutiques engagées. L'interprétation des difficultés de l'enfant doit
• Pour d'autres enfin, la question se pose diffé- donc se faire dans le contexte de ses aptitudes
remment : certes, le fonctionnement mental d'un générales, sa capacité à faire face à la complexité
enfant peut être approché, mais ils redoutent du monde, à lui donner un sens, à mettre en lien
que cette évaluation « intellectuelle » (ou cogni- des données, à créer des savoirs nouveaux. C'est
tive) soit incompatible avec une approche ce que l'on appelle la « dynamique intellectuelle
« totale » de la personne, dans ses aspects psy- globale », ou plus couramment, même si de façon
chorelationnels, émotionnels, sa probléma- controversée et polémique, « niveau de développe-
tique et sa subjectivité. Il s'agirait alors de deux ment » ou « l'intelligence ».
approches distinctes, incommensurables2 ?
Cette question recouvre aussi la crainte, maintes
fois formulée, du « réductionnisme » souvent repro- La dynamique
ché à la psychologie cognitive : l'intérêt porté aux intellectuelle globale
processus mentaux risquerait de « réduire » l'enfant
à la somme des fonctions cognitives examinables. Certains psychologues ont insisté sur le fait
Le risque existe, certes, et la vigilance est légitime. que l'intelligence serait une capacité générale
Mais on pourrait arguer que toute pratique, toute à raisonner, déduire, résoudre un problème
technique présente des dangers, non en elle-même (s'adapter), acquérir des connaissances : il
mais en fonction de l'usage qu'en font certains prati- existerait un facteur commun à toutes ces acti-
ciens : bien entendu, ces risques existent pour la pra- vités intellectuelles, le « facteur G » (G pour
tique de la neuropsychologie, exactement au même « général »). D'autres (Jensen, 1992) estiment
titre que pour la pratique psychothérapeutique, ou que c'est la vitesse de traitement des informa-
celle de la génétique, etc. Comme toute technique, sa tions qui rend le mieux compte des capacités
pertinence dépend de l'expérience, des compétences des sujets à résoudre des problèmes ou faire des
et de la personnalité de celui qui la met en œuvre. apprentissages. Plus récemment, la plupart des
Cela ne doit donc pas conduire à se priver d'un auteurs (Carroll, 1992) renoncent au concept
outil puissant et efficace pour nous aider à com- « d'intelligence » au profit de l'étude (et de
prendre comment se développent certains enfants l'évaluation) de différentes fonctions comme la
qui, en raison de particularités cérébrales précoces mémoire, le langage, la perception visuelle, etc.
(lésions ou dysfonctionnement cérébral précoce), ne Dans ces modèles, l'intelligence générale,
disposent pas du même répertoire de compétences le facteur G, est plutôt présentée comme occu-
(sensorielles, motrices, cognitives, etc.) que les autres. pant une position hiérarchique dominante
par rapport aux autres fonctions, caractéri-
sant le raisonnement logique, la conceptua-
lisation et l'abstraction, ou encore comme
L'évaluation psychométrique : une fonction métacognitive de planification
et de contrôle des diverses stratégies de traite-
un examen de débrouillage ment de ­l 'information (Lecomte, 1998).
L'objectif central du bilan neuropsychologique est
de mettre en évidence chez l'enfant la nature et
En fait, en neuropsychologie, l'intérêt pour « le
2
Il s'agit là d'une question qui, dans un cadre plus QI » global, verbal ou performance, est nul (nous
large, infiltre désormais l'ensemble de la neuropsy- conseillons même de ne pas le calculer, pour ne
chologie : voir sur ce point les interrogations des pas risquer de masquer des hétérogénéités signi-
cognitivistes concernant le statut et la nature des fiantes) et les objectifs que nous poursuivons en
émotions (Damasio, 1994 ; Giffard, 2008) ou de la utilisant ces tests sont tout autres.
conscience (Buser, 1998 ; Naccache, 2006).

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Chapitre 2. Le cœur du bilan

Nous avons besoin en revanche, quel que soit


le symptôme pour lequel l'enfant consulte, d'avoir facteur G, cet enfant fait la preuve de
une idée de son niveau de développement, de son performances qui le situent bien dans
niveau de « facteur G » indépendamment de son sa classe d'âge réel (ou plus), que l'on
« QI » global. pourra considérer le problème langa-
Il nous faut pour cela connaître ses capacités gier comme spécifique, et engager une
dans des tâches de classement, de catégorisa- évaluation en ce sens des différentes
tion, de raisonnement, de logique et ce, dans un composantes langagières.
domaine cognitif où ne s'exprime pas sa plainte Si, au contraire, cet enfant raisonne
initiale : c'est la condition pour, ensuite, pou- de façon constante comme un enfant
voir interpréter les examens qui seront menés de 4 ans dans des tâches non linguis-
spécifiquement dans le secteur où s'exprime le tiques bien choisies, alors on peut
légitimement faire l'hypothèse que cet
symptôme.
enfant parle comme il raisonne et qu'il
ne s'agit pas d'un trouble linguistique
spécifique.
Exemple Toute la difficulté réside dans le choix et
l'administration de tâches de facteur G
 L'enfant, qui a 5 ans 6 mois d'âge pertinentes pour cet enfant-là, qui pré-
réel, consulte pour « retard gra- sente ces symptômes-là ou telle asso-
phique » : comment interpréter le fait ciation particulière de difficultés : c'est
qu'il échoue à reproduire un carré le premier travail du neuropsychologue
(ou un losange, ou toute autre tâche que de rechercher avec opiniâtreté dans
graphique) ? quelles tâches l'enfant pourra se mon-
Une tâche de facteur G lui sera pro- trer performant, dans quelles épreuves il
posée verbalement : devant la plainte pourra objectiver ses compétences préser-
graphique, on choisira plusieurs vées (totalement ou partiellement).
épreuves de facteur G non graphiques, En l'absence de cette information, en
non visuospatiales, non praxiques. première intention, il devient impossible
Si l'enfant se montre en échec de d'interpréter les évaluations spécifiques
façon cohérente dans ces épreuves, entreprises dans tel ou tel secteur de la
sa performance étant par exemple cognition, de leur attribuer une signi-
comparable à celle d'un enfant de fication fiable, de savoir si l'on se situe
3 ans1/2–4 ans, on ne peut alors pas (ou non) dans le domaine des troubles
conclure à une dysgraphie (= trouble « spécifiques ».
graphique spécifique) : les enfants de
moins de 4 ans (d'âge « mental ») ne
réalisent normalement pas de carré,
et ce, alors qu'ils ne souffrent d'aucun
trouble graphomoteur ni practospa- Ce premier objectif, central, constituera une
tial… Le trouble graphique, peut-être « boussole » pour l'ensemble des investigations
au premier plan des difficultés de ce ultérieures. La dynamique intellectuelle globale de
jeune, doit donc être repensé dans l'enfant est-elle préservée ? Les compétences intel-
l'ensemble de la problématique liée à lectuelles sont-elles homogènes ou dissociées selon
son déficit mental. le type de matériel proposé ? Existe-t-il un format
 L'enfant consulte pour « retard de préféré de l'information pour tel ou tel enfant ?
parole/langage » : que penser du fait
Ce n'est qu'à la lumière de cette évaluation de la
qu'il obtient un niveau de vocabulaire
dynamique intellectuelle globale que l'on pourra
(ou un âge langagier, ou autre) qui le
situe dans la moyenne des 4 ans ? éventuellement parler ou pas de trouble cognitif
De même, ce n'est que dans le cas spécifique de l'enfant. C'est dans un deuxième
où, lors d'épreuves non verbales de temps que les outils mesurant les aptitudes cogni-
tives de l'enfant dans tel ou secteur prendront tout
leur sens.

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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

Notons que si l'évaluation de la dynamique présentation du matériel est la possibilité indi-


intellectuelle globale de l'enfant est un objectif recte, à ce stade du bilan exploratoire, de se faire
premier du bilan neuropsychologique, celle qui une idée cursive des compétences instrumentales
orientera la mise en perspective des compétences du sujet et d'orienter les investigations ultérieures.
instrumentales, le bilan ne proposera pas forcé- Ni la NEPSY ni le K-ABC ne sont de bons can-
ment en premier les épreuves permettant de l'éva- didats d'évaluation « de première intention » :
luer au cours du bilan. pour le K-ABC, du fait de la surreprésentation
En effet, étant donné l'importance de ces élé- des épreuves de nature visuo-practo-spatiale
ments pour l'orientation ultérieure du bilan, et la (de Barbot et Pecquet, 1994), qui peuvent biai-
présentation parfois inhabituelle des tâches pro- ser l'analyse en termes de dissociations (surtout
posées, leur aspect éventuellement anxiogène (on défavorable aux enfants souffrant de troubles
pense par ex. à l'épreuve des Cubes du WISC4, moteurs, de dyspraxies, de troubles visuospa-
première épreuve de la batterie), on préférera tiaux, d'agnosies visuelles, etc., cf. chap. 4 et 5). En
commencer le bilan par des tâches plus abordables ce qui concerne la NEPSY, parce qu'elle ne per-
et d'apparence plus anodine. Par exemple, une met pas de se faire une bonne idée des capacités
épreuve de dessin ou de copie de figures peut être de l'enfant dans des activités de « facteur G », en
préférée. Même si l'enfant présente des difficultés dépit de l'unique épreuve de Catégorisation ajou-
motrices ou praxiques, ces épreuves, lorsqu'elles tée dans la NEPSY2. En revanche, nous le verrons
sont possibles, restent connotées chez lui comme plus loin, plusieurs subtests originaux sont d'un
une tâche assez banale et peu exigeante, et non grand secours dans chacune de ces batteries, dans
comme une tâche scolaire ou intellectuellement un second temps, pour tester une hypothèse au
complexe. Un échange verbal sans enjeu apparent décours du bilan neuropsychologique.
pour l'enfant peut aussi être une bonne introduc- Parmi tout l'arsenal dont dispose le clinicien
tion à la procédure. Un tel échange donnera du pour tenter d'évaluer le fonctionnement men-
reste une impression générale en termes de coo- tal d'un enfant, ce sont les échelles de Wechsler
pération et de maturité de l'enfant, et renforcera qui remplissent un rôle irremplaçable3, en raison
l'alliance qu'il faut établir avec lui. On pourra de l'équilibre entre les épreuves verbales et non
aussi observer déjà ici des atypies langagières verbales d'une part, de l'important éventail de
éventuelles. tâches qui permettent de sonder l'essentiel des
Cette première étape cruciale donnera donc grands domaines de la cognition et d'autre part
lieu à des investigations approfondies, en sélec- de la variété des épreuves de facteur G proposées :
tionnant le(s) outils nécessaire(s). Mais quel(s) verbales (Similitudes) et non verbales (Cubes,
outils choisir ? Identification de concepts, Matrices) ; elles per-
mettent une analyse en termes d'homogénéités ou
Comment choisir un test d'hétérogénéités intertâches, une étude comparée
des réussites/échecs selon les épreuves, en fonc-
de première intention ?
tion des compétences requises par telle ou telle
Étant donné que nous sommes, à ce moment de épreuve.
notre évaluation, dans la phase initiale du bilan, Ces épreuves permettent de confirmer si les
une étape d'exploration permettant d'établir le compétences intellectuelles globales de l'enfant
niveau de développement de l'enfant, nous ne sont préservées. Elles permettent aussi de qualifier
discuterons donc maintenant que les apports des
tests multitâches. En effet, aucun test monotâche
(fût-il décrit de « facteur G ») ne peut s'envisager 3
Par exception motivée, par ex. si les épreuves du
comme un outil univoque permettant d'établir WISC ont été récemment administrées et que l'on
avec un niveau certain de sécurité la dynamique souhaite un complément d'information, on pourra
intellectuelle de l'enfant, d'où la multiplication des par exemple proposer une épreuve de raisonnement
épreuves dans ce domaine dans le but de conver- logique « monotâche » en administrant, selon les cas,
soit les SPM soit la NEMI. Les données recueillies
ger vers une bonne estimation des compétences viendront alors de toute façon en complément de
globales du patient. Un avantage supplémentaire celles apportées par ailleurs par une batterie plus
de faire varier les supports, modalités et type de généraliste.

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Chapitre 2. Le cœur du bilan

le retard s'il est avéré. On remarque trop souvent ne peut rendre compte de l'intensité (la sévérité)
chez les professionnels une certaine réticence à des troubles observés dans tel secteur précis des
objectiver un tel retard et son intensité. Une attitude apprentissages.
courante dans ce cas-là est de « faire confiance » à
l'avenir, d'éviter les étiquettes, « d'attendre ». Or
cette posture risque souvent de limiter les chances L'analyse des données issues
de l'enfant de développer les compétences d'adap- des échelles de Wechsler
tation sociale et à la vie quotidienne dont, plus
tard, en tant qu'adulte, il aura tant besoin. Énoncer Deux cas de figure peuvent se présenter à l'issue
les choses avec les parents (et les professionnels), de la passation des échelles de Wechsler.
aussi douloureux soit-il, est un gage d'adaptation
des prises en charge, qui sinon finiront par s'étio- Scores globaux grossièrement
ler du fait de leur manque de pertinence, surtout si homogèneset dans la norme
elles visent un trouble instrumental qui s'inscrit en
réalité dans un retard global.
(ou supérieurs)
Si le QI global issu des échelles de Wechsler L'enfant a des capacités intellectuelles normales,
ne nous intéresse pas, la variété des épreuves et ou même supérieures. En éliminant un retard
la richesse de l'étalonnage permettent de se faire global, on ouvre la voie à des investigations ins-
une bonne idée à la fois objective et qualitative des trumentales approfondies. En effet, c'est seule-
compétences de l'enfant. Notons qu'il est impor- ment dans le contexte d'aptitudes intellectuelles
tant à cette étape de proposer à l'enfant la batte- tout-venant que l'on pourra aborder la notion de
rie la plus « avancée » (et souvent la plus sensible) trouble spécifique. Rappelons que les épreuves des
pour son âge. Il peut en effet être trompeur de échelles de Wechsler ne disent rien sur les compé-
proposer au-delà de 6 ans les échelles de la WPPSI tences de l'enfant en lecture, graphisme, les capa-
(ou au-delà de 16 ans le WISC au lieu de la WAIS). cités attentionnelles ou exécutives, les processus
Si les tâches sont jugées « plus abordables », on de mémoire.
risque justement de masquer indûment les fragili-
tés de l'enfant, ce qui ne sera pas de nature à nous Des scores excellents, voire très significativement
éclairer sur ses aptitudes ou difficultés. supérieurs (enfants souvent qualifié de « surdoués »
Les autres tests permettront, dans un second ou « à haut potentiel ») n'excluent pas la présence
temps, de répondre aux questions soulevées par éventuelle d'un trouble cognitif spécifique.
les résultats aux épreuves de la WPPSI ou de la
WISC, selon l'âge de l'enfant.
Il faut donc disposer de plusieurs tests compo- Scores globaux faibles, en deçà
sites et de différents tests monotâche : les échelles des normes et grossièrement
de Wechsler, sauf cas tout à fait exceptionnel,
homogènes
seront proposées en première intention, puis les
autres tests ou épreuves seront proposés en fonc- C'est la définition classique de la déficience men-
tion d'un arbre logique dépendant des symptômes tale. Mais plusieurs précautions s'imposent avant
de l'enfant, des plaintes explicites, des questions de conclure, en particulier en ce qui concerne
qui naissent au fur et à mesure que se précise la l'interprétation des scores, car plusieurs questions
connaissance de l'enfant. peuvent se poser.
Distinguer le déficit mental du trouble cognitif
spécifique est très important sur le plan diagnos- Déficience structurelle ?
tique, du fait des conséquences que chacun de ces Une réelle connaissance de l'enfant et de sa famille
diagnostics implique, à la fois en termes d'orien- est nécessaire pour interpréter ces résultats. Avant
tation et de propositions thérapeutiques adaptées. de conclure que la déficience mentale constitue
En effet, le diagnostic de troubles cognitifs bien une caractéristique structurelle de l'écono-
spécifiques, de « dys- », repose d'abord sur l'éli- mie cognitive de l'enfant, il faut bien sûr évaluer
mination d'une déficience mentale, ou du moins les conditions dans lesquelles l'évaluation s'est
sur la preuve que la déficience mentale (légère) déroulée (participation ou réticence de l'enfant,
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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

extrême fatigue, angoisse intense, etc.) et l'éven- Il est important de signaler ici que les différentes
tuelle influence des aspects socioéducatifs (sous- épreuves dites « de facteur G » ne constituent pas
stimulation de l'enfant, dépression, conditions de un groupe d'épreuves homogènes, même si on les
vie précaires, troubles psychiatriques, etc.). regroupe en « verbales » versus « non verbales ». Le
« facteur G » est une variable qui imprègne l'ensemble
Déficience mentale ou association des épreuves proposées, mais à des degrés divers
de pathologies cognitives ? selon les tâches. Les épreuves dites « de facteur G »
Dans un contexte neurologique, il faudra surtout en sont simplement plus saturées que les autres, et
redouter un artefact lié à la présence d'une double recouvrent essentiellement des compétences de caté-
pathologie cognitive. Il n'est pas rare en effet qu'une gorisation, classification, planification.
association de pathologies rende compte d'un échec
qui apparaît alors à tort comme « global ». C'est
le cas lorsque les compétences linguistiques sont
atteintes (dysphasies, cf. chap. 3) — compromettant On constate souvent, chez un même enfant, des
performances très contrastées aux différentes
l'ensemble des épreuves dites « verbales » —, et que
épreuves de facteur G. Il est donc fondamental de
les compétences gnosiques visuelles et/ou practos-
ne pas se baser sur un seul test. Avant de conclure
patiales (chap. 4 et 5) sont également déficitaires, à une déficience mentale, le clinicien doit recher-
rendant ininterprétables les épreuves dites « perfor- cher avec opiniâtreté une épreuve de facteur G
mances » globalement échouées. que l'enfant pourrait réussir. D'une façon géné-
rale, la réussite à une épreuve de facteur G, quelle
Déficience mentale ou trouble
qu'elle soit, doit faire réfuter le diagnostic de
des fonctions attentionnelles et exécutives ?
déficience mentale et faire envisager la co-occur-
Enfin, un syndrome dysexécutif peut aussi mimer rence de plusieurs « dys- ».
une déficience intellectuelle, en suscitant des
échecs dans pratiquement tous les subtests. Là,
c'est la tonalité particulière des échecs (analyse Ces cas de pathologies cognitives associées sou-
qualitative) qui doit alerter l'examinateur. lèvent deux observations :
• La première concerne la constatation que cer-
tains enfants peuvent développer des capaci-
Un score faible et grossièrement homogène aux tés conceptuelles et raisonnementales de bon
deux échelles du WISC ou aux différents indices
niveau alors même qu'ils ont présenté d'emblée,
du WISC ne suffit pas pour affirmer une défi-
dans leur développement, des troubles massifs
cience mentale. Avant de conclure, il est impératif
de compléter l'examen en proposant au moins une à la fois sur le plan linguistique, moteur et per-
épreuve de raisonnement (catégorisation, logique, ceptif visuel. Cela confirme que ces fonctions
conceptualisation) qui ne soit ni linguistique, ni « d'intelligence générale » peuvent se développer
gnosique visuelle, ni practospatiale, ni mnésique. de façon relativement indépendante des autres
Nous suggérons la passation de la partie Analyse modules (linguistiques, mnésiques, gnosiques,
catégorielle des EDEI-R (matériel non verbal et practomoteurs).
non imagé : formes géométriques de couleurs et Traditionnellement, on pense que seules les
de tailles différentes). D'autres épreuves peuvent fonctions motrices et sensorielles sont d'emblée
compléter utilement cette analyse. présentes chez le bébé alors que les fonctions
Le subtest Classifications des EDEI, quoique « élaborées », telles la logique, le raisonnement,
classé dans les épreuves non verbales, car le matériel la conceptualisation, l'abstraction sont com-
est constitué d'images, est cependant très dépen- prises comme résultant d'une lente construc-
dant des compétences linguistiques du sujet : il est tion par étapes successives (voir les travaux
donc fréquemment échoué si l'enfant présente une de Jean Piaget) : l'expérience sensorimotrice
dysphasie. La réussite (absolue ou relative) à cette préparerait l'émergence des conceptions préo-
épreuve des EDEI doit faire remettre en question pératoires (elles-mêmes encore fortement sous
le diagnostic de déficience mentale et faire envisa- l'influence du perceptif et de l'expérientiel) qui
ger la co-occurrence, chez l'enfant, de pathologies
serviraient ensuite de socle à l'élaboration pro-
cognitives dans différents secteurs.
gressive de la pensée hypothéticodéductive.
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Chapitre 2. Le cœur du bilan

À la lumière de la neuropsychologie, on peut Ces travaux étayent l'hypothèse de la présence


envisager un autre scénario du développement précoce de certaines fonctions intellectuelles et
des fonctions de conceptualisation et raisonne- logiques, fonctions qui ne pourraient pas s'expri-
ment : les fonctions logiques, tout comme les mer du fait de l'immaturité des fonctions d'in-
fonctions motrices et sensorielles, préexiste- hibition et des fonctions exécutives (chap. 7).
raient (sous une forme très immature, comme • La seconde observation, qui découle de la précé-
toutes les autres fonctions cognitives). Ainsi, dente, concerne le concept même de « déficience
le bébé est d'emblée capable de catégoriser ou mentale », puisque ce dernier ne peut pas être
de mettre en lien des événements reliés par réduit à la constatation d'un QI global faible.
une notion de causalité (Lecuyer, 2004), mais
leur expression serait initialement masquée Nous réserverons donc le diagnostic de défi-
par l'immaturité des fonctions attentionnelles cience mentale aux enfants dont les capacités
et exécutives (essentiellement les fonctions sont faibles (au moins 1,6 à 2 écarts types en deçà
préfrontales, cf. chap. 7) : « se développer, c'est de la norme de leur âge réel) dans les épreuves de
aussi et souvent inhiber une structure concur- catégorisation, raisonnement logique ou classifi-
rente » (Houdé, 1995). cation (cf. « facteur G »).
Jean Piaget avait constaté la résolution tardive
par les enfants, vers la fin de la première année,
du problème « A-non-B ». On rappelle qu'il s'agit Ce diagnostic suppose donc que l'on ait proposé
de rechercher un objet caché devant l'enfant, différentes épreuves de facteur G, requérant des
d'abord en A, puis très visiblement transporté compétences dans divers secteurs de la cognition,
en B : jusque vers 12 mois, si la recherche est dif- et que l'on ait éliminé la possibilité d'une co-
férée (en général, de quelques secondes), le bébé occurrence de troubles.
continue à rechercher l'objet en A. Selon l'inter- Les enjeux sévères de l'annonce d'un retard
prétation piagétienne, cette erreur « A-non-B » mental ou retard global chez l'enfant engagent,
traduirait le fait que l'enfant n'a pas encore acquis après les premiers doutes, à approfondir sérieuse-
« véritablement » la permanence de l'objet. ment cette hypothèse. De ce fait, on multipliera
Or, on a pu mettre en évidence (Baillargeon les épreuves de catégorisation et de raisonnement
et coll. 1985, 2004), dans certaines conditions logique en faisant varier les divers paramètres en
expérimentales, en particulier en remplaçant la jeu : type de matériel (verbal ou perceptif), type de
réponse motrice par une réponse oculomotrice, consignes, passation selon l'âge en individuel ou
la capacité précoce des bébés, dès 4–5 mois, à en duel, moment de l'administration de la tâche
faire preuve d'une conception « forte » de la (début, milieu ou fin de la passation, première
permanence de l'objet. Comment alors com- séance ou séance(s) ultérieures). Beaucoup de bat-
prendre l'erreur « A-non-B » chez des enfants teries multitâches étant redondantes, on aura de
nettement plus âgés (Houdé, 1995) ? En fait, ce fait de nombreuses épreuves comparables sans
il pourrait s'agir non pas d'une difficulté à être identiques qui permettront de lever les ambi-
accéder à la permanence de l'objet, mais d'une guïtés : y a-t-il co-occurrence de troubles, l'enfant
incapacité à gérer le fait que la réponse doit être est-il gêné par des troubles attentionnels ou exé-
différée : cette condition entrave leur possibilité cutifs, l'enfant est-il inhibé, intimidé, rapidement
d'inhiber la réponse antérieurement apprise désarçonné par la perception (fondée ou non) de
(et antérieurement valide). Leur incapacité, ses limites ou erreurs, etc. ?
dans les conditions habituelles, à résoudre ces Dans le domaine de l'abstraction et des capa-
problèmes est alors attribuée à l'immaturité du cités de catégorisation, on pourra proposer, au-
système de contrôle exécutif, qui ne leur per- delà de l'épreuve de Similitudes (catégorisation
met pas d'inhiber les routines antérieurement verbale), une épreuve semblable proposée par
acquises. Cette analyse est également dévelop- les EDEI-R. Elle intègre certains aménagements
pée (et appuyée par les résultats de protocoles facilitateurs (par ex. des amorces : « tous les deux
expérimentaux solides) pour d'autres biais de sont… »), qui permettent de juger du pouvoir
raisonnement, chez l'enfant, chez l'adulte et étayant (ou non) de ces indices. De plus, cette
chez des sujets porteurs de lésions frontales. batterie est particulièrement sensible du côté de
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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

la queue de distribution « à gauche » de la courbe les critères de manière indépendante ? Parvient-il


de distribution normale, c'est-à-dire du côté des à bénéficier d'une amorce (trois cartes ne par-
performances faibles. Cela permet ainsi de qua- tageant qu'un seul critère) ? La procédure même
lifier plus finement le niveau de développement de tri est-elle comprise, accessible, rigoureuse ?
de l'enfant, alors que, au cours de la passation des L'enfant reconnaît-il un intrus ? L'épreuve
épreuves du WISC par exemple, on sera contraint Raisonnement conceptuel du KABC2 peut être
par « l'effet plancher » (peu ou pas de réussite). utilement mobilisée pour analyser plus finement
Dans certains cas, il peut être aussi utile de pro- cette dernière compétence complémentaire des
poser l'épreuve de Similitudes de la WPPSI4 : capacités de raisonnement catégoriel. Dans la
comme pour les EDEI-R, mais sur une plage plus même veine, mais de manière légèrement diffé-
restreinte d'items, elle propose aussi une amorce. rente, l'épreuve de Catégorisation de la NEPSY2
De ce fait, on peut juger de la capacité de l'enfant à propose une tâche de tri sur 8 cartes. L'intérêt
généraliser (intérieurement ou de vive voix) cette complémentaire de ce subtest est de proposer de
stratégie. En cas de difficulté de généralisation, nombreux choix de classification, ce qui permet
l'hypothèse de retard se trouvera renforcée. Enfin, d'analyser la flexibilité mentale (passage d'une
si on ne dispose pas de ces différentes batteries, catégorie à une autre, répétitions, persévérations,
rien n'empêche, dans un second temps, lors d'une cf. fonctions exécutives) ou les tris non pertinents
nouvelle séance de bilan de l'enfant, après une (catégories « inédites »). Ces deux types d'observa-
première passation complète standard, de repro- tion (qui sont normés en percentile d'observation
poser l'épreuve des Similitudes du WISC4 avec par cohorte) sont particulièrement précieux et
l'amorce (« Tous les deux sont… »). On pourra peut-être plus significatifs que le nombre de tris
ainsi, de manière qualitative, confirmer ou non corrects réalisés. La sensibilité du score des réus-
les difficultés de l'enfant à catégoriser de manière sites est en effet assez faible et de manière intéres-
conceptuelle (et non pas simplement descrip- sante, renforce l'hypothèse d'une réussite plutôt
tive), les items proposés. On ne pourra bien sûr qualitative en « tout ou rien » (et non finement
pas ­re-normer les performances de l'enfant, mais graduée et quantitative) en fonction des capacités
compléter l'interprétation des données objectives. d'abstraction de l'enfant.
De même, dans le domaine de la catégorisation Une tâche d'appariement d'images des EDEI-R
sur matériel visuel, on pourra compléter la passa- (Classifications) est une fois encore assez intéres-
tion du subtest Identification de concepts par des sante, car simplifiant l'approche, elle guide l'en-
tâches de classification telle que celle proposée au fant, ce qui permet, pour les sujets en difficulté
sein de l'UDN2 (Classification), de Catégorisation dans les autres tâches de classification spontanée,
de la NEPSY2, ou encore de Classifications (com- d'observer l'effet étayant ou non d'une telle pré-
plétement de couples ou triplets) des EDEI-R. sentation. L'épreuve consiste en effet à compléter
Dans le cas de l'UDN2, il s'agit de trier 27 cartes une proposition de catégorie à partir de deux ou
selon trois critères implicites (nature, couleur et trois cartes. Si la tâche à deux cartes est souvent
taille)4. L'étalonnage est proposé en termes de aisée, le passage à trois cartes est particulièrement
pourcentage de réussite ou d'échec résiduel à tel édifiant en termes de niveau de développement
ou tel âge (jusqu'à 11 ans). Le neuropsychologue (généralisation, émergence des concepts sous-
n'induit pas de choix ou d'ordre mais laisse l'en- jacents, résistance aux appariements fonctionnels
fant « mettre ensemble ce qui va bien ensemble ». ou simplement d'apparence). On restera vigilant
Tâche à la présentation et consigne typiquement quant à la dimension d'interprétation d'images
piagétienne, elle laisse une place importante à (gnosies), sur un matériel à l'iconographie vieillie.
l'analyse qualitative de l'approche de l'enfant : Enfin, l'épreuve d'Analyse catégorielle des
a-t-il des difficultés de compréhension ou d'in- EDEI-R peut, elle aussi, être particulièrement ins-
terprétation des consignes ? Réalise-t-il des tris tructive. Consistant, comme la précédente, en une
croisés (deux critères simultanés) ? Parvient-il à tâche de complétion de catégorie. Cependant, à la
simplifier (généraliser) son approche, et extraire différence de cette dernière, le matériel en est par-
ticulièrement simple (trois formes géométriques
basiques : rond, carré, triangle ; trois couleurs
4
9 cartes et 2 critères pour les plus jeunes avant 6 ans franches ; trois tailles bien différenciées), et donc
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Chapitre 2. Le cœur du bilan

faiblement biaisée du point de vue perceptif ou à une difficulté de fond. Enfin, on remarquera
instrumental. Le psychologue propose des appa- que les deux premières séries très visuospatiales
riements de deux items, charge à l'enfant de les correspondent plus clairement à une tâche de
terminer par le choix d'un troisième item cohé- complétion de « patterns » visuels, plutôt qu'à un
rent. Si les premiers tris engagent le croisement authentique raisonnement par analogie. Les trois
des critères (par ex. même taille, même forme, dernières séries sont dans ce sens plus convain-
couleur différente), la transition vers un tri sous cantes et valides.
un seul critère est un indice solide de capacité Afin de confirmer (ou infirmer) les données
de généralisation, de passage à un autre niveau issues d'une passation initiale des Matrices des
d'extraction d'un concept (régularité sous-jacente échelles de Wechsler, on pourra proposer, en
à un matériel aux éléments « en apparence » fonction de l'âge et dans un second temps (ou
dissemblables). en première intention, si le WISC a été récem-
Dans le domaine du raisonnement logique, ment utilisé) l'épreuve de Séquences logiques du
de nombreuses tâches permettent de compléter KABC2. De même, les Matrices de la Wechsler
l'analyse proposée par l'épreuve des Matrices des Non Verbale (WNV) incluent un matériel dif-
échelles de Wechsler. Notons que les épreuves férent qui évitera un éventuel effet test/re-test.
d'Arithmétique ou de Raisonnement verbal ne sont On rappelle ici que les analyses (factorielles)
pas de bons candidats à un tel approfondissement semblent, de manière assez fiable et répliquée,
du niveau de développement de l'enfant. En effet, dissocier la dynamique intellectuelle d'une part
l'aspect multifactoriel de ces tâches, incluant une (facteur Gf, intelligence fluide) des capacités
importante dimension verbale, numérique et/ou d'apprentissage cristallisé (Gc). Remarquons que
de mémoire de travail, ne permettra pas de lever la capacité d'apprentissage implicite ou non, d'une
les éventuelles ambiguïtés rencontrées au cours passation à l'autre d'un même test – procédure
des premières investigations. On choisira à nou- test/retest – (pour autant, bien entendu, qu'il n'ait
veau des tâches incluant le moins possible de com- pas été expliqué, entraîné, voire « aidé ») peut aussi
plexité instrumentale. être tout à fait éclairante.
Issues initialement des Progressive Matrices Au-delà du raisonnement logique sur matériel
de Raven (PM) développées dès la fin des non verbal, on pourra aussi suggérer la passation
années 1930, une foule de propositions compa- de tâches plus expérientielles à partir de maté-
rables sont aujourd'hui disponibles. Les PM elles- riels plus familiers. Il existe en effet toute une
mêmes peuvent être utilement sollicitées (trois myriade d'épreuves imagées visant la mise en
formes selon le niveau anticipé ou l'âge du sujet). œuvre d'une capacité d'organisation séquentielle
Outre des étalonnages assez déroutants, issus de de séries de vignettes, le plus souvent sur la base
groupes très variés culturellement ou de divers d'une logique temporelle. D'apparence assez
modes de passation (en temps limité ou pas), ludique, et généralement bien comprise du point
elles nécessitent une passation individuelle. Sans de vue pragmatique par les enfants du fait de leur
interaction avec l'adulte, et comportant 60 items familiarité dans la vie courante, les prérequis
organisés en cinq séries (temps de passation indi- sous-jacents à ce type de tâches sont néanmoins
viduelle anticipé de près de 40 min), ce matériel nombreux : analyse visuelle, compétences visuos-
est de ce fait moins approprié : patiales, organisation exécutive, choix multiples
• d'une part, pour les populations les plus jeunes, parfois, familiarité/connaissance des scénarios
car il peut conduire à tort à un diagnostic de sociaux ou de la vie quotidienne, éventuellement
déficience intellectuelle ; culturels (par ex., on trie le linge avant de le laver à
• d'autre part si l'on suspecte un trouble neurovi- la machine). Tout en restant sensible à ces dimen-
suel, visuospatial ou dysexécutif. sions cognitives additionnelles, on pourra mobi-
Au-delà d'un bon niveau d'autonomie, la réus- liser des tâches du type Histoires à compléter du
site nécessite une solide maturité exécutive et des KABC2, les épreuves d'Arrangement d'images de
compétences de jugement métacognitif à mobili- la 3e édition du WISC ou de la WAIS.
ser en cours de passation. Ne pouvant intervenir, En complément d'une investigation approfon-
le professionnel ne pourra que très indirecte- die de la dynamique intellectuelle, on pourra ana-
ment juger si l'échec est dû à la précipitation ou lyser des tâches comme la Tour de Hanoï (Batterie
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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

Delis-Kaplan Executive Functions) ou Tour de La valeur d'orientation


Londres (NEPSY), qui, bien que destinées à cla- des dissociations pour le bilan
rifier la maturité exécutive de l'enfant, possèdent
également une importante dimension raisonne-
neuropsychologique
mentale et logique. On ne le répétera jamais assez : le calcul d'un
On remarquera ici, qu'après des décennies d'ex- indice global d'efficience (le « QI ») n'apportera
périmentation, seule une faible variété d'épreuves rien au neuropsychologue. C'est au contraire le
de facteur G validées et non infiltrées de facteurs moyen le plus sûr de confondre en un tout indif-
instrumentaux confondants est aujourd'hui férencié des compétences variées, de masquer
encore disponible. On saluera de ce fait l'existence les dissociations et écarts entre épreuves, bref
d'une épreuve originale au sein de la WAIS4 et du de se priver des éléments clés de l'orientation
WISC5 (Balances) qui renouvelle les propositions ultérieure du bilan. Qu'en est-il en revanche des
disponibles (chap. 2). Administrable dès 6 ans, indices intermédiaires ? Au sein des échelles
elle ouvre une brèche intéressante dans la capacité de Wechsler (jusqu'à la 4ème édition), il y en a
du sujet à manipuler les opérateurs d'équivalence quatre : indice de compréhension verbale (ICV),
(et non d'analogie) et de transitivité. indice de raisonnement perceptif (IRP), indice
de mémoire de travail (IMT) et indice de vitesse
de traitement (IVT). Ils sont couramment cal-
Définition culés par les praticiens, et leurs dissociations
(écarts significatifs) sont souvent maniées
La déficience mentale est définie comme l'inca-
(fort imprudemment le plus souvent) comme
pacité d'accéder aux opérations logiques (raison-
nement déductif, suites logiques, catégorisation),
des pièces à conviction éclatantes de troubles
du moins à un niveau correspondant à l'âge réel instrumentaux.
de l'enfant, ce qui, dans nombre de cas, ne peut Nous ne considérerons ici que les hétérogénéi-
être simplement assimilé à un QI total. tés significatives (supérieures à - 1,6 ou 2 écarts
types). Il peut s'agir :
• soit de dissociation entre indices. On parle alors
de dissociation interéchelles ;
Au-delà du bilan d'efficience, • soit de dissociations à l'intérieur de chacune
l'orientation du bilan des échelles (ou de chacun des indices), avec
des résultats très contrastés selon les subtests,
neuropsychologique se traduisant par « des pics et des creux » parti-
culièrement marqués. On parle alors de disso-
On l'a dit : la passation des échelles de Wechsler ciation intraéchelle ou intersubtests.
(et parfois d'épreuves périphériques appropriées)
est une étape centrale du bilan neuropsycho­
logique de l'enfant. Mais elle n'est qu'une base, le Les dissociations inter-échelles
préliminaire à toute évaluation approfondie de la
ou inter-indices
cognition. Sur ces fondations, on bâtira le bilan
lui-même, à partir des hypothèses de l'anamnèse, Ce sont certainement les plus connues et celles qui
des données de ce travail initial de débrouillage sont encore le plus souvent prises en compte. La
et des observations cliniques au cours de ces pre- réunion de différentes épreuves en deux groupes
mières épreuves. Comment alors orienter la suite répond certes à une logique assez transparente,
du bilan ? Il serait en effet absurde d'analyser de les consignes, les tâches et les réponses étant
manière approfondie toutes les dimensions cogni- construites selon un modèle d'aptitudes différen-
tives. Une procédure réfléchie et économe est déjà ciées, verbal vs non verbal. Dans l'échelle verbale,
très intensive en temps. Il s'agit donc de viser le(s) les consignes et les réponses requièrent des com-
domaine(s) où un travail plus détaillé sera néces- pétences linguistiques ; l'enfant doit écouter, com-
saire, tout en évaluant plus cursivement des fonc- prendre et « dire » ; dans l'échelle de performance,
tions pour lesquelles peu d'inquiétudes peuvent l'enfant doit observer et « faire » ; on a même quel-
formulées. quefois parlé d'intelligence « pratique » à propos

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Chapitre 2. Le cœur du bilan

de cette échelle. La distinction entre ces deux épreuves « perceptives » peuvent être échouées du
sortes d'aptitudes (verbales vs « pratiques ») a pu fait de fragilités qui n'ont rien à voir avec la nature
être validée par certaines recherches ultérieures de la voie d'entrée visuelle (trouble de l'attention,
(Grégoire, 1990–1991) qui ont montré (analyse immaturité des fonctions exécutives…).
factorielle hiérarchique) la cohérence interne De même, les indices ICV et IRP peuvent être
propre à chacune des deux échelles. déprimés alors qu'une seule épreuve de l'échelle
Mais il faut rappeler les indispensables précau- est échouée, sans que les autres soient perturbées.
tions à prendre : tout d'abord, les notes d'échelles Ainsi, la même performance apparente dans un
(compréhension verbale-raisonnement perceptif) « domaine » peut avoir des causes tout à fait diffé-
n'ont de signification que s'il n'existe pas d'hété- rentes, selon la ou les épreuves déficitaires.
rogénéité notable intraéchelle. Faute de quoi, cela Inversement, on pourrait être amené à négliger
conduirait à « gommer », à lisser des dissociations l'existence d'un trouble instrumental sous-jacent,
interéchelles très significatives, révélatrices de au prétexte qu'une ou plusieurs échelles du WISC
troubles cognitifs spécifiques. sont dans la norme : on l'a dit, la standardisation des
Ces précautions étant prises et le calcul des épreuves verbales des échelles de Wechsler ne pré-
notes d'échelles étant valide, il faut aussi se gar- voit pas une évaluation tenant compte de l'aspect
der de la conclusion hâtive : l'effondrement de structurel du langage. Des réponses exactes dans
l'ICV (anciennement QI-V) signifie « dysphasie », leur contenu seront validées de manière uniforme,
ou dissociation aux dépens de l'IRP (Resp. QI-P) qu'elles soient correctement formulées ou pas dans
signifie « dyspraxie ». leurs dimensions linguistiques instrumentales. En
réalité, l'indice de compréhension verbale peut être
dans la norme (voire au-dessus), alors que l'enfant
De nombreuses pathologies ou associations de présente une authentique dysphasie.
pathologies peuvent se traduire par une dissocia- En définitive, les indices, les dissociations inte-
tion significative entre QIV et QIP : il est donc
réchelles, tout comme le QI total s'avèrent de peu
tout à fait illégitime (et souvent erroné) de por-
de secours quand on parvient à l'étape de l'orien-
ter un diagnostic de dyspraxie sur le seul critère
QIP < QIV, comme il serait inexcusable de porter tation et de la construction ultérieure du bilan
un diagnostic de dysphasie uniquement au vu de neuropsychologique. Rien ne remplace l'analyse
la dissociation inverse. fine et individuelle de la réussite ou l'échec, par-
Ces dissociations d'échelle (comme les dissocia- tiel ou complet, du patient à telle épreuve ou tel
tions d'indices) ne sont que des indicateurs qui groupe d'épreuves. Les raccourcis commodes sont
doivent orienter les hypothèses diagnostiques. en réalité dangereux, d'autant que les éditeurs de
tests persistent à proposer ces analyses factorielles,
ce qui conduit naturellement nombre de profes-
En effet, chaque épreuve doit être analysée dans sionnels à les utiliser, ce qui peut fausser pendant
son identité propre et se résume rarement à un des années le raisonnement de générations de
composant cognitif unique (chap. 1), qu'il soit ver- praticiens !
bal ou perceptif. Elle mobilise des « ingrédients »
variés : tous sont nécessaires à sa réussite ; l'ab- Les dissociations intraéchelles
sence d'un seul, même en apparence secondaire,
peut entraîner l'échec. Par exemple, dans l'échelle
ou dissociations intersubtests
non verbale, certains subtests sont infiltrés de fac- Ce sont les hétérogénéités qui seront les plus signi-
teurs linguistiques (par ex. : IDC, Code) ; de même, ficatives pour le neuropsychologue, celles qu'il
dans l'échelle de mémoire de travail, l'épreuve faut rechercher, dans tous les tests composites.
d'Arithmétique est très infiltrée de connaissances Reflet du fonctionnement modulaire de la cogni-
scolaires, de compétences visuospatiales, lin- tion, ces dissociations doivent être analysées avec
guistiques et exécutives. En effet, des épreuves beaucoup d'attention car elles indiquent quels sec-
« verbales » peuvent être échouées de manière teurs cognitifs sont préservés et quelles caracté-
apparemment homogène pour des raisons étran- ristiques communes aux épreuves sont échouées :
gères aux compétences linguistiques de l'enfant elles ont donc une forte valeur d'orientation pour
(connaissances sur le monde, pragmatique…). Les construire le bilan neuropsychologique.

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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

D'ailleurs, les comparaisons internotes et inte- d'Arithmétique (qui propose dans les premiers
rindices, la détermination des dissociations, « les items des tâches jugeant la bonne préservation des
points forts et les points faibles », sont désormais compétences de comptage et dénombrement de
explicitement prévus dans les cahiers de passation base), on orientera ses investigations plutôt vers les
de la WPPSI et de la WISC. compétences numériques (chap. 8), mais aussi de
Chaque épreuve sollicite plusieurs opérations compréhension verbale (chap. 3), d'attention ou de
mentales, une série particulière de compétences mémoire de travail (chap. 7), en fonction des autres
(cf. tableau 1.2) qui sont spécifiquement mises en observations du bilan. Si les premières impressions
jeu pour résoudre le problème original que repré- cliniques font observer agitation, désorganisa-
sente chaque épreuve. tion, ou au contraire hyperinhibition, lenteur de
réaction, on s'assurera de garder assez de temps
pour approfondir les fonctions attentionnelles et
Un même score à un subtest donné peut ressortir exécutives (chap. 7). S'il faut beaucoup répéter les
de causes et de mécanismes divers. C'est pour- consignes, les questions attentionnelles peuvent
quoi il est capital de considérer chaque subtest être au premier plan, mais les compétences de
séparément, et d'analyser chaque épreuve en compréhension verbale sont à creuser, etc.
termes de compétences requises pour répondre à
Ces éléments d'analyse, parmi les plus courants,
la consigne et réaliser la tâche. Enfin, une ana-
ne restituent pas, bien entendu, toute la diversité
lyse qualitative des échecs ou erreurs de l'enfant
est un élément indispensable pour orienter le des situations cliniques. Il convient de plus de ne
diagnostic. pas considérer ces pistes comme des certitudes
ni des diagnostics : ce ne sont que de premières
hypothèses, plausibles, qu'il va falloir mettre à
Élargir la base l'épreuve d'un bilan conçu pour explorer spécifi-
des investigations pour quement telle ou telle fonction cognitive.
Le tableau 1.3 (page 44)rappelle que, lorsqu'une
orienter la suite du bilan épreuve est ratée, il ne faut pas en déduire trop
Les épreuves des échelles de Wechsler sont riches hâtivement qu'il y a un déficit (une pathologie, un
en données objectives et qualitatives sur le fonc- dysfonctionnement, un retard…) directement en
tionnement cognitif de l'enfant. Outre les ques- rapport avec le nom de l'épreuve, avec l'objectif
tions liées à la dynamique intellectuelle, elles explicite des auteurs. Il faut généralement envisa-
peuvent, éclairer (en gros) sur les compétences ger toute une cascade d'hypothèses, qu'il faudra
linguistiques, visuoconstructives, exécutives et relier aux plaintes initiales puis tester méthodi-
numériques du patient. Ces premières observa- quement, car chacune des fonctions sollicitées
tions peuvent déjà utilement guider le praticien pour un type de tâche peut être en cause.
vers le ou les compartiments instrumentaux qu'il En effet, la foule des données disponibles sur la
faudra approfondir. base de l'anamnèse, l'observation clinique et les
L'expression verbale de l'enfant étant immature, premiers éléments objectifs fournis par les épreuves
fautive ou désorganisée, on approfondira les phé- étalonnées permettra de lister les épreuves qu'il est
nomènes langagiers (chap. 3) et exécutifs (chap. 8). absolument nécessaire de proposer dans la suite
L'épreuve des Cubes étant perturbée, on réservera du bilan à l'enfant pour étayer son raisonnement.
du temps dans la suite du bilan à l'analyse des On suggère au praticien de les consigner par écrit
fonctions visuoconstructives (chap. 4) et à leurs (avec leur temps de passation anticipé), afin de
fondements visuels et moteurs. Si l'enfant est gêné pouvoir construire la suite du cheminement, sans
dans l'interprétation des images (Identification se laisser déborder par le temps imparti (toujours
de concepts, Matrices, Complètement d'images au trop court). On pourra ainsi garder la ligne de
besoin), on ira plus loin dans l'analyse des gno- son raisonnement, sans toutefois s'y laisser enfer-
sies visuelles (chap. 5). Les épreuves de l'indice de mer. Il arrive en effet parfois que ce soient les
vitesse de traitement étant déficitaires, on s'assu- toutes dernières épreuves du bilan qui permettent
rera de la bonne efficacité de l'outil visuel (fixa- d'affirmer avec fermeté la nature des troubles de
tion, saccades et oculomotricité en général). Si l'enfant. Souplesse, qualités d'observation et esprit
l'enfant est en grande difficulté au cours de la tâche critique, toujours dans la rigueur, sont à la base du
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Chapitre 2. Le cœur du bilan

raisonnement neuropsychologique. L'intuition cli- sus cognitifs. Une évaluation de détection, même cir-
nique doit toujours être corroborée par les données conscrite, doit de ce fait être systématique. Incluant
issues des épreuves étalonnées. les horizons de mémoire immédiate et différée, les
Aussi riches soient-elles, les données issues des épreuves choisies prennent toujours du temps, mais
échelles de Wechsler ne rendent pas compte de permettent d'éliminer un trouble perturbant et rare-
nombreux aspects de la cognition. En effet, aucun ment évoqué (chap. 6).
élément tangible ne peut en être tiré concernant le De même, sauf exception étayée, un bilan atten-
langage écrit, la cognition sociale, très peu sur les tionnel ne peut être évité. Si les troubles attentionnels
systèmes de mémoire, très indirectement sur les sont bruyants et accompagnés d'instabilité motrice,
phénomènes attentionnels ou exécutifs. Quand, ils sont aisément confondus avec les troubles exécu-
au surplus, la plainte qui engage la réalisation d'un tifs (chap. 7). Discrets ou invisibles, ils peuvent être
bilan complet est scolaire, ce qui est souvent le cas, négligés et pourtant imprégner toutes les fonctions
on évitera de laisser ces éléments dans « l'angle et pénaliser l'ensemble des réalisations de l'enfant.
mort » de l'évaluation car ils peuvent être au cœur Dans le but de se faire une image exploratoire
des préoccupations. On risque, en retardant une et dynamique des compétences et fragilités de
évaluation même brève des compétences instru- l'enfant, rien n'empêche lors de la première heure
mentales, de s'égarer dans l'approfondissement de du bilan de balayer cursivement l'ensemble des
capacités largement préservées et fonctionnelles, dimensions cognitives au moyen d'une épreuve
au détriment de dimensions plus affectées et per- représentative, à valeur d'orientation. On choisira
turbant au quotidien la vie de l'enfant. de préférence une épreuve « plafond », qui, réus-
De ce fait, il nous paraît pertinent d'élargir, dès sie, rassurera sur le domaine concerné, au moins
la première heure d'interaction avec l'enfant, les dans un premier temps. Chaque professionnel
investigations propres aux compétences intel- pourra sélectionner sa « mini » batterie d'explora-
lectuelles, à des acquisitions plus périphériques tion (sans s'arrêter là bien entendu !).
mais non moins importantes. Un simple dessin On l'aura compris, la pertinence d'un bilan
spontané (bonhomme, arbre, maison ou même neuropsychologique vient s'appuyer sur un équi-
libre) permet de briser la glace et apporte des libre complexe, entre exhaustivité et précision :
informations intéressantes sur la latéralisation, la • Exhaustivité, car un trouble cognitif peut
tenue de l'outil scripteur, la tonicité et souplesse infiltrer tout ou partie des compétences
du membre supérieur, la motricité fine, les praxies intellectuelles et instrumentales de l'enfant.
visuoconstructives en 2D, l'organisation exécu- Restreindre le champ du bilan, c'est prendre le
tive, la qualité de la représentation interne, voire risque de faire des contresens.
la maturité de l'enfant (choix du thème, qualité de • Précision, car rien ne sert de mettre au jour un
l'investissement, prolongement de l'effort, etc.). trouble si on n'est pas en mesure d'affiner le(s)
Il nous paraît impératif pour l'enfant d'âge sco- mécanisme(s) sous-jacent(s) qui est(sont) en
laire, à partir du CP, de proposer rapidement une cause. Les prises en charge ou aménagements
tâche d'écriture (le prénom, phrase ou texte à copier, scolaires ou de la vie quotidienne ne peuvent
dictée selon la classe). Une analyse de la qualité et se satisfaire d'un doute vague. Leur pertinence,
fonctionnalité de l'écriture peut engager d'emblée cohérence et acceptabilité (de la part de l'enfant
à remonter toute la généalogie du geste scripteur et des adultes dans son entourage) en dépendent.
(motricité, praxies…). De même, dès l'apprentissage
engagé, une épreuve de lecture est importante. Les Conclusion
multiples ressorts cognitifs de la lecture amèneront
à s'interroger, en cas de besoin, et plus finement, Au-delà des chiffres, l'examen psychométrique peut
sur l'intégrité des systèmes visuels (oculomotricité, fournir de nombreux indices sur le fonctionnement
gnosies), langagiers, de mémoire de travail… intellectuel et cognitif de l'enfant, ses difficultés, ses
Les plaintes mnésiques sont rarement au premier stratégies palliatives spontanées plus ou moins effi-
plan des demandes de bilan. Pourtant, les troubles caces, ses particularités, ses talents et ses faiblesses.
des mécanismes de mémoire peuvent être très per- Il est souvent très bien accepté de l'enfant si l'on
turbants scolairement et dans la vie de tous les jours. a pris le temps de lui en expliquer les objectifs, et
Discrets, ils peuvent infiltrer l'ensemble des proces- si on lui en restitue les principales observations et
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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

conclusions, et ce, même s'il est très jeune. Beaucoup • retard moteur (marche aux alentours de
d'épreuves peuvent aussi être utilisées dès cette 22 mois) ;
étape pour rassurer l'enfant sur son fonctionne- • puis retard graphique (commence à faire des
ment et ses performances ; pour celles qui sont traits circulaires à 3 ans) ;
ratées, qui le mettent en difficulté, il est important, • et surtout gros retard de langage (mutique à
si possible, d'expliciter le lien avec les symptômes 3 ans ; dit une dizaine de mots reconnaissables
ou plaintes qui ont motivé la consultation. à 4 ans, jargon inintelligible).
Mais aucune tâche n'est pathognomonique de Ces « retards » dans tous les domaines marquent
telle ou telle sorte de pathologie, car toutes les l'évolution de cette petite fille de 4 ans et demi,
fonctions cognitives sont engagées dans toutes sans qu'aucune étiologie particulière ne soit
nos activités mentales, même si certaines sont retrouvée (grossesse et accouchement normaux,
plus sollicitées selon les épreuves. première enfance sans événement pathologique
En repérant les principales compétences requises notable, et premiers examens complémentaires,
pour résoudre chaque tâche, en regroupant les tels un scanner et un caryotype, normaux).
divers échecs de l'enfant selon la logique de la neu- L'énoncé du diagnostic (« déficience mentale
ropsychologie et en les confrontant à ses réussites isolée, d'étiologie indéterminée ») et la nécessité
(même partielles ou relatives), il est possible de de trouver une structure adaptée pour la socia-
repérer les compétences probablement en cause lisation d'Amandine entraînent ses parents dans
dans les échecs et les compétences probablement une suite de consultations et d'examens. Elle est
préservées (dont attestent les réussites). Certains suivie depuis 2 ans au CMPP, avec lequel nous
ensembles d'indices concordants vont, en première prenons contact : aucun test psychométrique n'a
intention, orienter le bilan neuropsychologique. jamais été pratiqué, « et cela ne semble pas souhai-
Ces hypothèses devront ensuite être mises à table », nous dit-on.
l'épreuve du bilan neuropsychologique, afin de Lors de la consultation, les premiers sondages
déboucher sur un diagnostic précis qui consiste, non concernant le niveau de raisonnement et les
seulement dans l'identification du trouble, mais aussi connaissances acquises nous surprennent : ainsi,
dans la compréhension de son mécanisme intime ; au Columbia7, elle obtient un score qui la situe
c'est en cela que le diagnostic neuropsychologique aux alentours de 5 ans. Ses performances corres-
est indispensable pour proposer un projet rééduca- pondent donc grossièrement à son âge réel, fai-
tif, des aides thérapeutiques ou une orientation. sant douter, de ce fait, du diagnostic de déficience
mentale.
Les tests de langage afférent (Désignation
d'images pour établir le niveau lexical (VOCIM) et
Cas de pratique clinique5 le niveau de compréhension syntaxique (Khomsi
ou O52) s'avèrent également concordants avec
Amandine6 ou les dangers l'âge réel, corroborant les dires des parents (« elle
du refus des tests comprend tout ! »), d'abord interprétés comme le
L'histoire d'Amandine est exemplaire, en ce sens reflet de leur déni. La passation des échelles de
que sa déficience mentale apparaissait comme Wechsler confirmera la lenteur et les troubles gra-
« évidente » car rendant compte de l'ensemble de phiques, mais surtout affirmera l'absence de tout
ses « retards » : trouble cognitif : les épreuves de facteur G sont
bien réussies, et l'on n'a aucun indice de trouble
linguistique, ni visuo-practo-spatial, ni d'un quel-
5
Les exemples cités utilisent selon les cas, différentes
versions des échelles de Wechsler. Pour alléger la lec- conque déficit en mémoire de travail.
ture, on les appellera sans référence au numéro de Il n'y a donc plus ni « retard » de langage ni
l'édition. « retard » intellectuel patents : il faut reprendre
6
Afin de préserver leur anonymat, les prénoms des l'ensemble de l'histoire d'Amandine.
enfants ont été modifiés et certains détails trop spéci-
fiques ou trop précis de leur biographie ont éventuelle-
ment été transformés ou supprimés, du moins dans la 7
Test en images (il faut désigner l'intrus parmi quatre
mesure où cela ne gêne pas la compréhension du cas ou cinq images), conçu pour les enfants en grande
clinique. difficulté linguistique, à l'étalonnage très ancien…
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Chapitre 2. Le cœur du bilan

Consultation en neuropédiatrie et IRM sont lui propose la passation des EDEI-R. Les résultats
alors proposées, qui permettent la mise en évi- sont alors bien différents : Compréhension sociale :
dence d'une malformation cérébrale et, clinique- 100 ; Analyse catégorielle : 110 ; Classifications B
ment, d'une très discrète ataxie. Cette dernière (séries) : 98. Par contre, on note toujours un déficit
gêne l'équilibre (retard à la marche), les gestes aux épreuves de Vocabulaire (80) et Connaissances
fins (retard graphique) et touche essentiellement (80). Les conclusions, dès lors, sont ainsi formu-
la sphère buccofaciale (troubles de la parole, sans lées : « une évaluation récente, à l'aide de l'EDEI-R,
troubles sous-jacents des fonctions linguistiques). remet en cause les observations précédentes et les
Le diagnostic, après examen, s'établit désor- conclusions de déficience intellectuelle. Les diffi-
mais ainsi : « malformation cérébrale responsable cultés de langage de cet enfant nous interrogent
de troubles moteurs touchant les gestes fins et la et nous font évoquer une dysphasie probablement
parole, chez une enfant d'intelligence normale, associée à un TAC rendant compte de sa lenteur et
sans autres troubles associés ». Amandine a donc de ses difficultés en motricité fine ».
bénéficié d'une intégration scolaire à l'école de son Un bilan de langage est alors demandé (Aristide
quartier, avec le soutien des rééducations et maté- a maintenant 10 ans) qui conclut à une dyspha-
riels nécessaires (ordinateur). Elle a actuellement sie phonologique-syntaxique, avec un trouble
11 ans, est scolarisée dans la 6e de son secteur : elle notable sur le versant compréhension syntaxique,
n'a aucun retard scolaire et poursuit depuis le pri- mais prédominant sur le versant expressif (pho-
maire (avec des aides techniques appropriées) une nologie, lexique et syntaxe). La longueur moyenne
scolarité très satisfaisante. des énoncés est faible, Aristide ne prend pas
spontanément la parole et présente une impor-
tante inhibition linguistique dont on peut pen-
Aristide : le danger des scores ser, a posteriori, qu'elle a été interprétée comme
apparemment homogènes « une grande timidité ». Par ailleurs, la mémoire
Aristide est le second d'une fratrie de deux. Son de travail auditivoverbale est très déficitaire et
grand frère est un bon élève, épanoui à l'école. les difficultés d'accès à l'écrit sont majeures. Les
La famille, attentive et chaleureuse, ne présente propositions thérapeutiques, avec l'aide de cette
apparemment aucune caractéristique particulière. nouvelle orthophoniste et le soutien du SESSAD,
Aristide est un petit garçon sympathique, gentil, sont réorientées en ce sens.
appliqué, mais très réservé. Des difficultés sont
signalées dès la maternelle, d'abord mises sur le Ali et Audrey ou la question
compte de ce que les parents appellent « sa grande de la déficience mentale
timidité ». En fait, c'est dans tous les domaines de
la scolarité qu'il s'avère être en grande difficulté. Dans ces deux cas, des tests ont été pratiqués,
En CP, la psychologue scolaire lui fait passer mais le faible niveau de performance des enfants
une WPPSI : les scores sont faibles, aussi bien (incotable) — dans plusieurs secteurs, voire
en verbal qu'en performance, et surtout gros- dans tous — doit être interrogé à la lumière de la
sièrement homogènes au sein de chaque échelle clinique.
(60–65) « le situant dans la zone de déficience ». La
conclusion est la suivante : « sa lenteur, ses diffi- Ali
cultés d'élocution et de graphisme, ses difficultés Ali est un petit garçon né prématurément à
dans l'ensemble des apprentissages scolaires sont 31 semaines8, mais surtout avec un grand retard
à comprendre dans le cadre d'une déficience intel- de croissance intra-utérine, puisqu'il ne pesait que
lectuelle, chez un enfant très inhibé ». Aristide est 900 g. Mais il a un APGAR à 10, tète bien et n'a pas de
alors orienté vers un SESSAD « déficience intel- difficulté particulière durant la période néonatale.
lectuelle » et scolarisé dans une CLIS 1 (troubles
mentaux).
Alors qu'Aristide a 9 ans et demi, un nouveau 8
Le terme d'une grossesse est toujours exprimé en
psychologue prend son poste dans ce SESSAD semaines d'aménorrhée : l'âge gestationnel de l'en-
et entreprend de revoir tous les enfants. Il prend fant, au moment de la naissance, est donc de
connaissance des résultats antérieurs d'Aristide et 2 semaines de moins.
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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

Du fait de ses antécédents, il fait cependant l'objet de formes). Les jeux qu'il entreprend avec le garage
d'un suivi attentif : on note une hémiparésie droite et les voitures sont construits, suivis, et l'ensemble
et un retard psychomoteur (marche vers 20 mois) évoque les compétences et les intérêts d'un petit
qui font pratiquer une IRM. Cette dernière montre garçon de 4 ans environ.
des anomalies (leucomalacies) très postérieures Cette dissociation importante entre les consta-
(pariéto-occipitales). Enfin, des potentiels vusuels tations cliniques (qui évoquent, dans certains
évoqués (PEV) sont pratiqués qui montrent des domaines, un niveau d'environ 4 ans) et les scores
anomalies dans les latences et les tracés (alors que à la WPPSI (incotable) font poser la question de
les électrorétinogrammes [ERG] sont normaux). l'association d'une dysphasie réceptive sévère (ren-
L'enfant est alors suivi et pris en charge par un dant compte de l'absence d'expression orale et de
service spécialisé de soins à domicile (SESSD9), troubles sévères de la compréhension verbale) et
et il nous est adressé à 6 ans et demi pour quasi- d'une agnosie visuelle à plusieurs modes (chap. 5).
absence de langage oral. Dans la mesure où Ali connaît et reconnaît
Les quelques items de la WPPSI-R qui ont été parfaitement formes et couleurs, la passation du
pratiqués par le SESSD donnent des « résultats » subtest Analyse catégorielle des EDEI lui permet-
qui pourraient être jugés désespérants. tra de révéler son niveau de raisonnement dans
des épreuves qui ne nécessiteront ni langage, ni
WPPSI : résultats d'Ali. images, ni compétences practospatiales, confir-
Subtests totalement Assemblage d'objets, mant l'association dysphasie/agnosie visuelle.
échoués Carrés, Labyrinthes,
Information, Similitudes,
notes st. = 1 Audrey
Subtest partiellement Figures géométriques, Audrey, elle aussi, est née prématurément à
échoué note st. = 4 31 semaines. Elle ne présente aucun trouble
moteur focalisé, ni trouble spécifique du langage,
De nombreuses épreuves ne peuvent même pas mais un « retard psychomoteur et psycho-intellec-
être proposées, soit que l'enfant ne comprenne pas tuel global ». Après un suivi de plusieurs années
la consigne (en particulier dans l'échelle verbale), dans un CAMSP qui lui avait proposé rééduca-
soit qu'il se désintéresse complètement du matériel tions (psychomotricité), psychothérapie et soutien
(Complètement d'images). Seule l'épreuve Figures à l'intégration en école maternelle, elle atteint la
géométriques est cotable, il y obtient une note stan- limite d'âge de la structure.
dard de 4. La passation de la WPPSI-R montre un type de
Or, nous constatons, comme les différents inter- courbe assez péjoratif, qui la crédite d'un QI glo-
venants du SESSD, qu'Ali n'est pas dépourvu de bal aux alentours de 60.
raisonnement ni de compréhension, pour autant
qu'on lui propose des épreuves qui ne soient ni lin- WPPSI : résultats d'Audrey.
guistiques (il faut amorcer la tâche devant lui, car il Subtests Performance Verbal
ne comprend aucune consigne verbale) ni visuelles WPPSI
(on soupçonne une agnosie partielle des objets et Les plus – Figures – Information : NS = 2
des images et une agnosie massive concernant les échoués géométriques : – Compréhension :
représentations d'animaux). En revanche, il n'a pas NS = 3 NS = 2
d'agnosie des couleurs : Ali montre qu'il connaît – Carrés : NS = 3
très bien les couleurs, y compris violet, rose, mar- – Labyrinthes :
ron, etc. Il se montre capable de les trier, de réaliser NS = 3
un carré, de poursuivre une suite de trois couleurs – Complètement
alternées (rouge-jaune-vert), d'avoir un compor- d'images :
tement attentif et intéressé (en particulier lors des NS = 4
exercices de tri et de suites logiques de couleurs ou Les moins Assemblage – Arithmétique : NS = 5
échoués d'objets : NS = 6 – Vocabulaire : NS = 5
9
SESSD : service médicosocial de soins à domicile,
– Similitudes : NS = 6
souvent aussi désigné sous le sigle SESSAD.

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Chapitre 2. Le cœur du bilan

Tous les subtests ont pu être proposés, mais la le contexte d'une hyperactivité avec troubles de
ligne de base de l'ensemble des notes standard est l'attention et trouble global des fonctions exécu-
très basse. Le commentaire qui accompagne la tives (chap. 7). L'orientation vers une CLIS 1 (pour
WPPSI cherche manifestement à contrebalancer enfants avec troubles mentaux) répondra mieux
l'impression défavorable qu'une telle courbe peut aux difficultés de la petite Audrey.
induire : « il semble que la situation d'évaluation
ait réellement entravé les performances d'Audrey
et les scores relativement faibles ne reflètent pas Astrid et Aurélien ou la suspicion
le fonctionnement cognitif de l'enfant. […] Dans de troubles associés
l'ensemble, et malgré les scores de la WPPSI,
Audrey se situe dans une dynamique d'appren- Astrid
tissage, elle est très intéressée par l'écriture et Astrid est une petite fille dont les troubles du lan-
s'appuie sur de bonnes capacités d'imitation. Il gage sont connus (première consultation à l'âge de
nous semble qu'elle bénéficierait d'une classe spé- 3 ans) et qui consulte maintenant pour un conseil
cialisée, de type CLIS en raison de ses difficultés en vue d'une orientation. Elle a désormais 9 ans et
visuospatiales ». fréquente une classe d'adaptation où elle est mal
Nous la rencontrons donc à la demande du tolérée : en effet, Astrid est considérée comme
CAMSP pour la première fois à l'âge de 5 ans et présentant une déficience mentale modérée qui,
demi, dans l'optique d'une éventuelle prise en associée aux insuffisances langagières (étiquetées
charge « de suite » et d'une scolarisation spéciali- « retard sévère de parole/langage »), a fait renoncer
sée pour enfants dyspraxiques. à tout projet scolaire.
Lors de la consultation, l'enfant touche à tout
sans réaliser aucun jeu construit, elle ne peut se
soumettre à aucune consigne précise, parle sans WISC : résultats d'Astrid.
cesse à tort et à travers. On arrive cependant à Subtests Performance Verbal
mener un « examen-observation ». Si, en imita- WISC
tion, en copie, en répétition, Audrey peut effec-
Les plus Code : NS = 5 – Information : NS = 3
tivement réussir quelques épreuves de niveau échoués – Similitudes : NS = 5
environ 4 ans (elle recopie une croix et un carré,
répète trois chiffres à l'endroit), elle échoue toutes – Arithmétique : NS = 3
les épreuves où une stratégie, un choix, un raison- Résultats – Compréhension :
nement est demandé : faibles NS = 7
• elle empile sans fin tous les cubes, ne pou- – Vocabulaire : NS = 7
vant réaliser ni pont ni train, ne regardant Réussis – Complètement
pas le modèle, ne pouvant tenir compte de la d'images :
demande de l'examinateur. Pourtant, à la ques- NS = 12
tion de savoir si elle a fait un petit pont, elle sait – Arrangement
répondre : « Non, j'ai fait une tour » ; d'images :
• elle est très gênée par des écholalies et des per- NS = 10
sévérations lors d'épreuves verbales ; – Cubes : NS = 8
• elle ne peut donner deux cubes et donne tous les – Assemblage
cubes qui sont sur la table ; d'objets : NS = 9
• elle ne peut reproduire une série de frappes (un
coup ou deux coups frappés sur la table, devant
elle), car elle est trop impulsive et frappe en Étant donné sa dysphasie, on s'intéresse surtout
continu de nombreux coups répétitifs ; aux scores obtenus dans l'échelle performance.
• enfin, son discours, logorrhéique, est décousu, On note d'emblée la note standard de 12 obtenue
infiltré à la fois d'écholalies et de coq-à-l'âne. au subtest Complètement d'images. On sait que
Pour Audrey, le problème n'est donc pas celui l'épreuve du Complètement d'images est la seule
de troubles visuospatiaux. C'est bien le diagnos- de cette échelle qui ne soit ni praxique, ni spa-
tic de déficit mental qui s'impose, déficit dans tiale : elle reflète bien le niveau de raisonnement
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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

non verbal de l'enfant victime de troubles prac- WPPSI : résultats d'Aurélien.


tomoteurs ou visuospatiaux. L'examen clinique
Subtests Performance Verbal
d'Astrid met effectivement en évidence un retard WPPSI
graphique important, une incapacité à gérer
les relations spatiales entre différents éléments. Les moins – Figures – Information :
réussis géométriques : NS = 9
Simultanément, on propose le subtest Analyse NS = 7
(7 à 10-11) – Compréhension :
catégorielle des EDEI qui met en évidence les
– Damier des NS = 9
excellentes capacités de conceptualisation-caté- animaux : NS = 7
gorisation de l'enfant (note standard = 110). – Arithmétique :
– Assemblage NS = 10
À la lumière de ces nouveaux éléments, on d'objets : NS = 10
réinterprète l'ensemble de la symptomatologie – Vocabulaire :
– Carrés : NS = 10 NS = 10
d'Astrid. Le diagnostic de dysphasie, qui avait ini-
tialement été récusé, est de nouveau évoqué, puis – Labyrinthes : – Phrases
NS = 11 mémorisées :
confirmé par le bilan de langage (chap. 3). À l'is- NS = 9
sue de cette évaluation, on ne parle plus d'un défi-
cit intellectuel modéré avec « retard de langage », Les mieux Complètement Similitudes :
réussis(> 12 : d'images : NS = 13 NS = 17
mais d'une dysphasie (phonologique-syntaxique) 13–17)
associée à une dyspraxie de type « visuospatiale » :
l'orientation et le projet thérapeutique sont réajus- On remarque alors les grandes hétérogénéités
tés en ce sens. qui se cachent derrière ce QI dit « homogène ». On
note en particulier les excellentes performances
aux subtests Similitudes = 17 » et Complètement
Aurélien d'images = 13, qui contrastent avec le Damier des
Aurélien, 5 ans et demi, en grande difficulté sco- animaux et les Figures géométriques, où il obtient
laire, consulte car un maintien en maternelle est une note standard de 7.
préconisé en raison à la fois de troubles graphiques L'examen neuropsychologique complet mettra
et d'un vocabulaire qualifié de « pauvre ». Le bilan en évidence, chez ce petit garçon intelligent, l'as-
psychométrique pratiqué alors est dit « normal » sociation de troubles praxiques responsables de la
dans les deux échelles : « Le test du WPPSI donne dysgraphie (chap. 4), et de troubles mnésiques, qui
des résultats homogènes et légèrement au-dessus expliquent le vocabulaire « pauvre ».
de la moyenne, avec QI performance = 111 ;
QI verbal = 118 ; QI total = 116 ». Le diagnostic
s'oriente alors vers des troubles de nature psycho- Conclusion
dynamique : « les tests projectifs (CAT) montrent Nous pensons avoir montré l'intérêt des tests psy-
une tendance à l'inhibition et au découragement chométriques, leur richesse, leur rôle irrempla-
(« C'est trop dur, je sais pas »). Aurélien présente çable comme examen de première intention.
donc une tendance à l'inhibition, ce qui s'inscrit Leur intérêt principal, du point de vue neuropsy-
dans un aspect affectif. Mais il est très sociable chologique, ne réside finalement pas tant dans le trop
avec les adultes en relation individuelle et avec fameux calcul du QI, mais bien plutôt dans l'analyse
les autres enfants. Il a besoin d'être pris en réé- différentielle, item par item, des stratégies mises en
ducation individuelle d'orthophonie pour les œuvre par l'enfant pour résoudre (ou non) les diffé-
acquisitions scolaires ». On ne peut d'ailleurs rents problèmes posés par les diverses épreuves.
qu'être surpris de l'indication d'orthophonie,
dont on comprend mal le lien avec l'ensemble de
la conclusion… Les tests psychométriques, en particulier les
En fait, si l'on regarde les différences de scores échelles de Wechsler, permettent de faire le
au sein des deux échelles, verbale et performance, premier inventaire des compétences et incom-
on constate un écart très important (10 points) pétences de l'enfant.
• Ils autorisent (seuls ou en association, par ex.,
entre l'épreuve la mieux réussie et celle qui est la
avec le subtest Analyse catégorielle des EDEI-R)
plus échouée.

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Chapitre 2. Le cœur du bilan

Baillargeon R. Le raisonnement des bébés à propos des


la distinction entre trouble(s) cognitif(s) objets cachés. In : Le développement du nourrisson.
spécifique(s) et déficience mentale. Paris : Dunod ; 2004. p. 221–70.
• Ils suscitent les premières hypothèses sur les Barbot de F, Pecquet F. Le K-ABC est-il un instrument
grandes fonctions éventuellement en cause, en pertinent pour l'évaluation intellectuelle des enfants
particulier si l'on regroupe les épreuves échouées IMC ? In : Huteau M, editor. Les techniques psycho-
ou réussies en fonction d'une analyse en trois logiques d'évaluation des personnes. Paris : EAP ;
points : 1994. p. 418–22.
Baron. Ida Sue : Neuropsychological Evaluation of the Child.
– nature des entrées sollicitées ;
New York, NY, US : Oxford University Press ; 2004.
– inventaire des compétences requises par la Billard C, Touzin M. Troubles spécifiques des apprentis-
tâche ; sages : l'état des connaissances. Paris : Signes édi-
– nature des sorties requises par la réponse. tions ; 2004.
• En donnant une bonne estimation du niveau Buser P. Cerveau de soi, cerveau de l'autre. Paris : Odile
de conceptualisation, de catégorisation, de rai- Jacob ; 1998.
sonnement logique de l'enfant, ils permettent de Carroll JB. Human cognitive abilities. Cambridge
calibrer le niveau de difficulté (de complexité) des University Press ; 1992.
épreuves du bilan neuropsychologique ultérieur, Damasio AR. L'erreur de Descartes. Paris : Odile Jacob ;
1994.
dans les domaines du langage, de la mémoire, du Giffard B. « Émotion, humeur et motivation ». In : Traité
domaine praxique ou visuospatial. de neuropsychologie clinique De Boeck Supérieur.
2008. p. 381–427 Paris.
Grégoire J. Comment interpréter la différence entre QI ver-
Ils constituent donc le premier volet, quantifié, bal et QI de performance au WISC-R ? In : Revue euro-
de l'évaluation, préalable indispensable au second péenne de Psychologie appliquée. 1992. p. 29–33 42-1.
volet, plus qualitatif, qui lui, constitue l'examen Grégoire J. Structure hiérarchique du WISC-R. In :
neuropsychologique proprement dit. Recherche en Education. Bruxelles, première partie :
1990. 1991. p. 31–6 1 : 15-19, seconde partie, 2-3.
Ce dernier sera maintenant envisagé fonction
Houdé O, Mazoyer B, Tzourio-Mazoyer N. Cerveau et
par fonction, chaque domaine cognitif faisant psychologie. PUF ; 2002.
l'objet d'un chapitre particulier : Houdé O. Rationalité, développement et inhibition – un
• langage oral et diagnostic de dysphasie ; nouveau cadre d'analyse. Paris : PUF ; 1995.
• troubles visuo-practo-spatiaux ; Lecomte J. La mesure de l'intelligence, le QI en question(s).
• troubles gnosiques visuels ; Sciences humaines 1998 ; 88 : 44–6.
Lecuyer R. La représentation va pouvoir commencerLe
• troubles de la mémoire (mémoire à long terme, développement du nourrisson 2004 Dunod Paris
mémoire de travail) ; 271308 Quelques livres de référence (Certains de ces
• troubles des fonctions attentionnelles et exécutives. ouvrages ne concernent pas spécifiquement l'enfant,
mais constituent un document de référence).
Bibliographie Lussier F, Flessas J. Neuropsychologie de l'enfant. Paris :
Dunod ; 2001.
Baillargeon R, et al. Object permanence in 3,5 and Naccache L. Le nouvel inconscient. Paris : Odile Jacob ; 2006.
4,5 month-old infants. In : Developmental Psycho- Seron X, Van der Linden M. Traité de neuropsychologie
logy. 23. 1987. p. 655–64. clinique. Marseille : Solal ; 2000.

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Troubles du langage Chapitre 3
oral : le diagnostic
d'une dysphasie

L'apprentissage n'est pas une alternative à l'innéité : sans un mécanisme inné pour
procéder à l'apprentissage, celui-ci ne pourrait tout simplement pas avoir lieu.
Steven Pinker, L'instinct du langage, 1999.

Les principes Authentifier


généraux de l'évaluation le trouble du langage
Le langage est le fruit d'une longue construction Le langage : un apprentissage
progressive, qui débute bien avant la naissance et précoce et spontané1
se poursuit toute la vie.
Lorsque des inquiétudes surgissent chez un On entend trop souvent, concernant un enfant qui
enfant, les questionnements doivent s'ordonner parle peu ou mal, un discours rassurant (même
selon une chronologie et une logique rigoureuses : chez les professionnels), incitant à la patience.
• s'assurer que les anomalies constatées sont bien du On est alors amené à laisser des enfants en âge
domaine de la pathologie (et non des variations scolaire dans des difficultés de compréhension
individuelles, importantes mais banales et nor- ou d'expression du langage oral sans aide, prise
males) et donc authentifier le trouble en faisant en charge spécifique ou rééducation. Cette posi-
passer des tests étalonnés de « niveau de langage » ; tion attentiste méconnaît le fait que l'acquisition
• faire la preuve que ces anomalies développe- du langage chez le petit humain, lorsque celui-ci
mentales concernent électivement les fonctions est exposé normalement à un environnement
linguistiques (et non l'ensemble des fonctions psy- ­stimulant, est un processus précoce et spontané :
cho-intellectuelles), c'est-à-dire affirmer la spécifi- on n'enseigne pas à l'enfant à comprendre et parler
cité du trouble par des tests psychométriques ; sa langue maternelle. Bien que la variabilité inter­
Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant
© 2017, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

• puis établir un diagnostic différentiel entre les individuelle puisse être significative, les structures
différentes causes possibles d'anomalies du déve- sophistiquées du langage, non seulement le voca-
loppement du langage chez l'enfant en distinguant bulaire, mais aussi la morphosyntaxe, sont dans
les différentes pathologies du langage chez l'enfant l'ensemble installées sur les deux versants, réceptif
(pédopsychiatriques, ORL, neurologiques) ; et expressif, avant 3 ans.
• enfin, au sein du groupe des dysphasies, éta-
blir un diagnostic précis afin de proposer une
stratégie de rééducation bien ciblée et efficace
1
Pour une recension : Dehaene-Lambertz G., Spelke E.
The Infancy of the Human Brain. Neuron 2015 ;
(et, éventuellement, une orientation adaptée).
vol. 88, issue 1 : 93-109 ; Kabdebon C., Dehaene-
Il s'agit donc d'affirmer et typer la dyspha- Lambertz G. (sous presse). Les premières étapes de
sie en effectuant un bilan neurolinguistique l'acquisition du langage, in Pinto S., Sato M (Eds),
(figure 3.1). Traité de Neurolinguistique, De Boeck-Solal.

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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

Inquiétudes
1. Authentifier
Objectiver niveau de langage le trouble
tests langage étalonnés

Limite inférieure à–2 ET ou plus de la norme


des variations individuelles
Norme–1 ET

TESTS PSYCHOMÉTRIQUES 2. Affirmer la


Surveiller évolution TROUBLE LANGAGE ÉLECTIF ? spécificité
du trouble

Normalisation OUI
NON

3. Diagnostic
Déficience Problème [Vérifier audition normale] différentiel
mentale ? pédopsy ?

Troubles cognitifs associés ?

Bilan Bilan 4. Diagnostic


neuropsychologique neurolinguistique du type de
dysphasie

Figure 3.1. Diagnostic de dysphasie : la démarche générale.


ET : écart-type.

Sur le versant réceptif apprentissage est aidé par la « sur »-articulation


des adultes autour de lui (« mamanais »), mais il
Dès la naissance, le nourrisson marque une pré- est surtout basé sur un repérage statistique des
férence pour la voix humaine plutôt que pour des régularités de la langue. Dès 4 mois, l'enfant
sons non langagiers. De plus, il est d'emblée sen- repère la signification de quelques mots (son
sible aux différences prosodiques entre les langues2. prénom, « papa » « maman » « main », etc.) et il
Tournant alors son attention de manière préfé- possède une cinquantaine de mots vers 12 mois
rentielle vers la parole, l'enfant sera en position de mais il faut attendre la 2e année pour voir l'expan-
traiter de manière fine les sons de la langue. Il dis- sion rapide du vocabulaire. Enfin, la structure
crimine au départ de nombreux phonèmes même syntaxique de la phrase est déjà calculée dès la
ceux absents de sa langue maternelle. Cette capacité deuxième année de vie alors que la production
ira en s'estompant et au cours de la première année est encore limitée. Ce sont sur ces compétences
de vie, le nourrisson affine son expertise de sa structurelles que s'approfondiront de manière
langue maternelle, reconnaissant d'abord la proso- exponentielle les capacités d'interprétation du
die de sa langue puis les phonèmes et enfin la façon discours par le sujet.
dont ils s'associent dans les mots vers 8 mois3. Cet

2
Mehler J.P. Jusczyk G. Lambertz N. Halsted J. Bertoncini C.
Amiel-Tison. A precursor of language acquisition in Un enfant qui comprend mal, pour lequel
young infants. Cognition 1988 ; 29 (2) : 143-178. il faut répéter, mais surtout reformuler des
3
Jusczyk P.W., Friederici A.D., Wessels J.M.I., consignes simples à 3 ans est dans une situation
Svenkerud V.Y. Infants sensitivity to the sound pat- de décalage significatif par rapport aux acquis
terns of native language words. Journal of Memory
standard.
and Language 1993 ; 32 (3) : 402-420.

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Chapitre 3. Troubles du langage oral : le diagnostic d'une dysphasie

Sur le versant expressif souligné la variabilité interindividuelle de cette


construction langagière, certaines étapes néces-
Les structures expressives du langage sont plus saires doivent rythmer ce parcours (tableau 3.1).
tardives, mais seulement parce que les effec- Lorsque ces étapes-repères n'apparaissent pas, ou
teurs bucco­ phonatoires du langage sont encore hors des délais habituels, il est légitime de s'interroger.
immatures. À un an cependant, l'articulation des Cependant, la fluctuation des performances
premiers mots est possible. L'explosion lexicale « normales » (d'un enfant à l'autre, et/ou de leur
attendue entre 18 et 24 mois (jusqu'à 6 à 8 nouveaux rythme d'acquisition chez un même enfant) oblige à
mots par jour) est suivie à 2 ans par la production une certaine prudence pour juger de la signification
de petits énoncés de deux mots, sans syntaxe. C'est d'éventuels « décalages » par rapport à ces standards.
à 3 ans qu'est attendu un langage expressif intelli- C'est pourquoi on ne peut suspecter un retard ou
gible en dehors du cercle familial (par l'enseignant une anomalie que par rapport à une norme, qui pré-
et les autres enfants à l'entrée en maternelle en par- cise, non seulement ce que sont les acquis de la majo-
ticulier). Surtout, il s'agit d'un langage bien struc- rité des enfants d'un âge donné, mais aussi quels sont
turé et organisé, avec une morphosyntaxe correcte. les écarts normaux à cette « moyenne » (écarts types),
Les aptitudes langagières de l'enfant sont donc ce qui, à partir de l'âge de 3 ans, implique obligatoi-
des compétences précoces, appuyées sur des rement le recours à des tests de langage étalonnés.
acquisitions spontanées, issues de la rencontre
entre des structures cérébrales (frontotemporales)
spécialisées et les stimuli spécifiques du langage Attention
dans l'environnement.
Certains signes doivent particulièrement alerter
quels que soient les résultats des tests langagiers
Signes d'alerte (à plus forte raison si ces derniers sont imprati-
cables ou incotables) :
Si donc l'enfant « ne parle pas, parle peu, parle • à 2 ans et demi, si l'enfant dit moins de 6 mots
mal, on ne le comprend pas, etc. ». Les premières et/ou n'associe pas 2 mots ;
inquiétudes (de la famille, des enseignants) sont • à 3 ans, si l'enfant ne comprend pas les ordres
souvent évoquées sous le terme de « retard » (de simples (« viens », « prends », « donne », etc.), si on
parole, de langage). En effet, les premiers éléments lui parle sans faire de gestes ;
qui peuvent (doivent) alerter résident en une ano- • à 3 ans et demi, si l'enfant dit moins de 20 mots,
malie dans le déroulement des étapes langagières ne fait pas de phrases organisées et syntaxique-
attendues et observables à certains moments ment correctes de 3 mots.
clés du développement de l'enfant. Car, si l'on a

Tableau 3.1. Quelques repères.


Âge Compréhension Expression
6–9 mois Son prénom, « NON ! » « A-reu »
7–12 mois Ordre simple avec geste Babillage canonique1 (syllabes CV redoublées).
(« viens », « donne », etc.)
10–16 mois Ordre simple sans geste Papa, maman
16–20 mois Montre certaines parties du corps (1 à 5) 6–8 mots, début jargon intonatif
18–24 mois Ordre double (2 consignes successives Associe 2 mots ; dit environ 20 mots ;
ou combinées) jargon intonatif ++
24–30 mois Désigne 4 à 8 images Dit 50 mots environ (déformés ou non, mais
(objets de la vie quotidienne) compréhensibles)
3 ans Négation grammaticale, « Phrases » associant au moins 3 mots avec
différencie singulier/pluriel organisation syntaxique correcte
1
Boysson-Bardies, 1996 ; MacNeillage et Davis, 2000.

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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

L'audition doit alors être vérifiée systématique- Les tests de langage, en effet, sont prévus pour
ment. Il est impensable de commencer un bilan évaluer des capacités spécifiquement linguistiques,
langagier sans s'être assuré de la qualité de l'audi- décontextualisées : il s'agit d'apprécier précisément,
tion : des déficits notables, d'emblée ou s'aggravant électivement, les compétences linguistiques de
progressivement, peuvent être longtemps ignorés. l'enfant : ces compétences sont donc artificiellement
induites et volontairement isolées. Du point de vue
Indices développementaux : de l'enfant, la performance demandée est donc arbi-
traire, coupée de toute situation communicative.
les tests de langage Si, pour le praticien, il est indispensable de
L'objectif, à ce stade de l'évaluation, est de compa- disposer d'outils qui lui permettent, justement,
rer le niveau global du langage de l'enfant à ceux d'évaluer de quelles capacités spécifiquement lin-
d'enfants-témoins du même âge, pour s'assurer guistiques dispose (ou ne dispose pas) l'enfant, il
d'une éventuelle pathologie. faut bien comprendre que ces tests ne reflètent en
rien les capacités de communication de l'enfant,
d'où le fréquent quiproquo entre les profession-
À noter
nels (« cet enfant ne comprend rien », pensent-ils
Avant 2 ans 9 mois, on ne dispose pas de tests après l'échec par l'enfant d'un test de compréhen-
étalonnés, et, aux alentours de 3 ans, certains sion linguistique) et les parents (« notre enfant
enfants, souvent pour des raisons comportemen- comprend tout », ce qui est vrai en situation,
tales, se prêtent mal à un examen standardisé.
lorsque l'enfant peut utiliser de nombreux indices
extralinguistiques — moment de la journée, into-
Il est donc important de choisir des tests « géné- nation, matériel à sa disposition, activité conco-
ralistes » (composites) dans le domaine du langage : mitante des frères et sœurs…).
des tests trop ciblés sur telle ou telle composante Le langage, en effet, n'est qu'un des moyens de
linguistique pourraient soit masquer une insuffi- communication. La pragmatique (l'art de prati-
sance dans un autre secteur, soit rassurer à tort. quer la communication verbale en fonction de
C'est ainsi que l'on évitera, à ce stade, les tests axés son interlocuteur, du moment, de la nature de
uniquement sur le lexique, ou uniquement sur la l'échange, etc.) intègre de nombreux éléments non
syntaxe, épreuves que l'on utilisera au contraire linguistiques : intonations (« espèce de petite cra-
préférentiellement dans un second temps pour pule » peut être une injure ou une expression affec-
préciser la nature du trouble langagier. tueuse !), mimiques, regards, contexte matériel (on
ne parle pas de la même façon dans la rue, dans un
musée ou dans une cour de récréation) ou affectif,
À noter ou social (on ne choisit pas les mêmes formulations
Il faut d'abord chercher à nouer avec l'enfant une pour parler à un camarade ou au directeur, etc.).
conversation plus ou moins dirigée : on utilisera Parmi les tests de langage (tableau 3.2) qui
du matériel de jeu, des petits livres d'images, ou peuvent permettre d'objectiver un décalage entre
toute circonstance propre à induire ou faciliter un le développement langagier de l'enfant et « la
contact langagier relativement spontané. C'est une norme », on peut citer4, pour les plus usités, la
étape très importante, qui permettra de juger : N-EEL, la BEPL-A et B, le L2MA et l'ELO.
• non seulement des capacités langagières de Il s'agit de tests multifactoriels, composites, qui
l'enfant en situation ; permettent :
• mais surtout de ses capacités de communication :
• d'évaluer différentes composantes des capa-
quel contact établit-il avec son interlocuteur, avec ses
cités langagières de l'enfant, de comparer son
parents ? Quelles stratégies communicationnelles
utilise-t-il (regards, monstrations, intonations, « niveau langagier » d'une part à la norme,
mimes, etc.) ? Sont-elles efficaces ? Adaptées ? L'enfant d'autre part à son niveau non langagier ;
réussit-il à communiquer, est-il informatif ?, etc.
Ces observations qualitatives sont absolument
fondamentales avant même de commencer toute
4
Les tests cités ne le sont qu'à titre d'exemple, choisis en
investigation. raison de leur fréquence d'utilisation par les profes-
sionnels (il ne s'agit pas d'une liste exhaustive).

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Chapitre 3. Troubles du langage oral : le diagnostic d'une dysphasie

Tableau 3.2. Analyse neuropsychologique des principales épreuves de langage.


Épreuve Modalités Principales composantes Modalités Observations
d'entrée cognitives sollicitées de sortie
Écoute de paires – Attention – Facteur G (compréhension oui/non ~ 4 ans
de mots ou non- auditivoverbale pareil/pas pareil ~ 4 ans)
mots (jugement – Discrimination – Mémoire de travail+++
« pareil/pas phonologique
pareil »)
Répétition – Attention Mémoire de travail Parole : Importance de
(de mots, de auditivoverbale Mots et phrases : – production contrôler la longueur
logatomes, – Discrimination phonologique des mots et non-mots,
de chiffres, de – accès réseaux la complexité arthrique,
phonologique sémantiques – capacités
phrases) (mots, logatomes) la familiarité des mots
– accès lexical et syntaxique practomotrices de
– compréhension (phrases) la sphère
verbale (phrases) buccophonatoire
Logatomes, chiffres :
– mémoire de travail+++
Désignation Matériel : Accès réseaux sémantiques, – Pointage Exploration vocabulaire
d'images – regard accès lexical – Fonctions connu (« passif »)
(exploration des exécutives (choix
différents items) multiple…)
– vision, gnosies
visuelles
Consigne : – Mémoire de travail
– mots : – Compréhension
discrimination syntaxique
phonologique
– phrases :
attention
auditivoverbale
Dénomination Matériel : Accès réseaux sémantiques, Parole : Si échec, importance
d'images – regard accès lexical – production de noter si :
(exploration des phonologique – mot connu
différents items) – capacités (désignation)
– vision, gnosies practomotrices de – aide par ébauche
visuelles la sphère orale ou fin de phrases
buccophonatoire – diffluences,
persévérations
– approximations
sémantiques
– approximations
phonologiques
Fluence Sémantique – Accès réseaux Parole : Explore : fluidité
sémantiques, accès lexical – production verbale, manque du
dans un champ sémantique phonologique mot
– Fonctions exécutives (lutte – capacités
contre les diffluences, les practomotrices de
persévérations, troubles du la sphère
choix…) buccophonatoire
Phonologique Évocation phonologique
(Suite)
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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

Tableau 3.2. Suite.


Épreuve Modalités Principales composantes Modalités Observations
d'entrée cognitives sollicitées de sortie
Fins de phrases Épreuve purement – Mémoire de travail Parole : Attention : l'épreuve
orale (N-EEL) – Planification et – production est très différente selon
– attention adéquation (à la consigne, phonologique le type de phrase à
auditivoverbale au début de la phrase), lutte finir, sollicitant plus ou
– capacités moins les capacités en
– discrimination contre les persévérations, les practomotrices de
diffluences : fonctions facteur G, les fonctions
phonologique la sphère attentionnelles
exécutives buccophonatoire
– compréhension et exécutives, la
(accès – Accès lexical mémoire de travail,
morphosyntaxique, – Facteur G les compétences
accès sémantique) syntaxiques…
– Compétences
au début en morphosyntaxe
de la phrase
Avec support imagé Moins exigeant
en mémoire ?
Récits À partir de matériel – Planification du récit Parole : Épreuve moins ciblée,
(Le bain des (lutte contre les diffluences, – production sur le plan langagier
poupées) organisation conceptuelle phonologique (toutes les composantes,
et chronologique) relationnelles,
À partir d'images – capacités
– évocation lexicale intellectuelles et
sérielles (La chute practomotrices linguistiques sont plus
dans la boue) : – syntaxe phrastique de la sphère ou moins engagées)
– regard (morphosyntaxe) buccophonatoire mais plus « écologique »,
(exploration des – syntaxe textuelle, reflétant mieux le
différents items) connecteurs (et puis, alors, langage « en situation »
– vision, gnosies après…) et les compétences
visuelles pragmatiques.
– schéma narratif (MLT)

• de faire des hypothèses sur le type de trouble pées) ; on distingue quatre séquences de jeu, au
du langage que présente l'enfant : « retard » ou cours desquelles l'examinateur peut conduire
dysphasie. des évaluations qualitatives et quantitatives sur
Un bilan complémentaire est ensuite toujours le lexique, la morphosyntaxe, la longueur des
indispensable pour préciser de quel type de trouble énoncés, la pragmatique, etc.
langagier souffre l'enfant, c'est-à-dire quels sont les • L'ELO6, conçu par A. Khomsi, peut être pro-
mécanismes déficitaires ou déviants sous-jacents posé dès la petite section de maternelle (et
qui rendent compte des symptômes observés. jusqu'au CM2). Il est prévu pour explorer sépa-
• La BEPL-A comporte une version courte qui rément différentes composantes de la langue
peut être utilisée à des fins de dépistage (écoles (lexique, syntaxe), dans leurs deux versants,
maternelles, suivi de cohortes d'enfants, etc.). compréhension et expression. En ce sens, on
Son domaine d'application (dès 2 ans 9 mois peut dire qu'il s'agit là d'une batterie réellement
jusqu'à 4 ans 3 mois) la rend irremplaçable pour neuropsychologique qui vise clairement à éta-
les plus jeunes. blir un diagnostic de dysphasie, et ce bien que
• La BEPL-B5 (même fourchette d'âge) propose l'examen de la phonologie soit assez réduit.
un support conversationnel à partir d'un maté- • La N-EEL7(Nouvelles épreuves pour l'examen du
riel ludique, familier à l'enfant (Le bain des pou- langage, ECPA éd.) concerne aussi les enfants

5
B EPL-B : batterie d'évaluation psycholinguistique,
6
ELO : ECPA éditeur, 2001.
C. Chevrie Muller et coll., ECPA. 7
N-EEL : C. Chevrie-Muller et M. Plaza, 2001.

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Chapitre 3. Troubles du langage oral : le diagnostic d'une dysphasie

dès l'âge de 3 ans 7 mois (et jusqu'à 8 ans 7 mois). En ce qui concerne les conditions de la passa-
Cette batterie comporte, comme la BEPL, une tion de ces épreuves de langage, nous insistons
épreuve d'expression « dirigée », ici induite par la particulièrement sur deux points :
suite de cinq images : c'est une épreuve de récit, 1. Dans la plupart des cas, pour interpréter le
La chute dans la boue. On note aussi une épreuve bilan de langage, il faut préalablement disposer
originale de compréhension de questions. Cette d'informations fiables concernant le niveau de
batterie propose une grande variété d'épreuves facteur G de cet enfant (chap. 2).
de langage (connaissances lexicales, dénomina- Prenons deux exemples :
tion d'images, articulation, compréhension et • Le jeune Issa, 7 ans, d'origine malienne (par
expression morphosyntaxique, conscience pho- son père) et sénégalaise (par sa mère), issu d'une
nologique…) et des épreuves de mémoire. famille nombreuse et d'un milieu socioculturel
• Le L2MA8, destiné aux plus grands, se veut une très simple, consulte au CMP sur conseil de l'en-
batterie « complète », qui explore le langage oral seignante, en raison d'un « retard de langage ».
et écrit, mais aussi les fonctions directement La passation d'une BEPL-A va conclure à des
liées (mémoire et attention). En ce qui concerne performances langagières « à la limite inférieure
le langage oral, notons la présence d'une épreuve de la norme » : on préconise donc « un bain de
de fluence (phonologique et sémantique) et langage », une stimulation langagière (et senso-
d'une épreuve d'antonymes. rimotrice) globale via un petit groupe « d'éveil »
qui sera proposé les mercredis durant 2 ans.
À noter Trois années scolaires plus tard, alors qu'on s'in-
terroge sur le maintien d'Issa en CP, on sollicite
Attention à la présence de quelques épreuves d'at-
(enfin !) la psychologue scolaire : les échelles de
tention ou de mémoire, dont on comprend pour-
Wechsler lui octroient une note de 17 aux Cubes,
tant bien la motivation. En effet, il est vain de penser
qu'un test, même composite, pourrait à lui seul
de 16 aux Matrices, alors que toutes les épreuves
permettre « le » diagnostic de tel ou tel trouble (dys- verbales sont faibles (entre 6 et 8). On propose
phasie, dyslexie). Ainsi, une épreuve de barrage, à une N-EEL et on interprète alors très différem-
elle seule, ne peut en aucun cas permettre de définir ment les résultats obtenus : ses performances
les qualités attentionnelles de l'enfant (cf. chap 7) : en langage ne sont plus ramenées à un supposé
pour en interpréter les résultats, il faudrait en effet « déficit socioculturel », mais bien à son excellent
la confronter aux épreuves d'attention auditive, et/ niveau de raisonnement et conceptualisation…
ou aux capacités en facteur G, de regard, etc. Le papa, questionné, nous confirme qu'Issa
Cette illusion d'un test unique qui permettrait de comprend moins bien et parle beaucoup moins
« faire le tour du problème » est assez dangereuse : bien les langues domestiques que ses frères (dont
• d'une part, cela risque de contribuer à isoler deux sont de très brillants élèves dans la même
l'examen orthophonique du reste du bilan neu- école). Alors qu'Issa a presque 8 ans, on entre-
ropsychologique. Or seul l'ensemble du bilan prend alors un bilan de langage systématisé.
neuropsychologique permet de comparer les per- Une WPPSI proposée à 4 ans et demi, avant la
formances de l'enfant dans différents domaines BEPL, en mettant en évidence une importance
(facteur G, compétences visuo-practo-spatiales, dissociation selon les épreuves, aurait probable-
fonctions exécutives…) ; ment évité ces 3 ans d'errance diagnostique…
• d'autre part, lorsque d'autres tests ou épreuves
• À l'inverse, Martin, 6 ans, en grande section de
complémentaires sont proposés (ce qui est haute-
maternelle, vient consulter car on soupçonne une
ment souhaitable !), les enfants seront de fait soumis
à la répétition d'épreuves du même type (par ex.,
dysphasie : une demande a été faite d'une ULIS
épreuves de barrages, de copies de dessins, etc.), ce primaire « langage » pour l'entrée en primaire. Le
qui fausse les scores obtenus et gêne donc considéra- « retard » de langage a inquiété très tôt les parents
blement l'appréciation des performances de l'enfant. (la maman est consultante juridique dans un
grand groupe de presse et le père est directeur
d'une agence de communication). Aussi Martin
8
L2MA : batterie pour l'évaluation psycholinguistique a-t-il déjà fait l'objet de plusieurs évaluations
de l'enfant, 8 ans 6 mois à 10 ans 6 mois, C. Chevrie- orthophoniques. Toutes ont conclu à un « retard de
Muller, A.M Simon et S. Fournier, ECPA. parole/langage » puis, en raison de la persistance
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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

des troubles, et depuis quelques mois on évoque nant est de savoir s'il s'agit d'un déficit qui touche
une « dysphasie ». toutes les fonctions cognitives dont le langage, ou,
C'est à l'occasion de la demande de l'ULIS au contraire, d'un déficit spécifiquement linguis-
primaire qu'un bilan psychométrique sera tique, qui épargne (totalement ou partiellement)
demandé : les épreuves performances sont les autres secteurs de la cognition.
toutes très faibles, ce qui sera confirmé par Pour résoudre cette question nous devrons
les épreuves de catégorisation non verbale des nous demander :
EDEI-R : dans toutes ces tâches, Martin se com- • si l'ensemble du fonctionnement cognitif de
porte, raisonne comme un enfant de 4-4 ans et l'enfant est déficitaire ou non, ce qui suppose de
demi, ce qui est grossièrement homogène avec s'interroger sur les liens qui unissent raisonne-
son niveau de langage. Ses troubles du langage ment, conceptualisation et pensée d'une part,
sont alors compris comme le reflet de son défi- langage d'autre part ;
cit intellectuel global, ce qui va déboucher d'une • de quels indices nous disposons pour trancher
part sur des investigations étiologiques, d'autre cette question, en particulier en analysant les
part sur une orientation beaucoup plus adaptée résultats aux échelles de Wechsler dont nous
à l'ensemble de ses difficultés. disposons.
2. Certaines pathologies cognitives « transversales » Puis, nous examinerons les tests complémen-
(mémoire de travail, chap. 6), fonctions exécutives taires (non verbaux) susceptibles de mettre à jour
(chap. 7) se répercutent dans le langage, donnant les capacités préservées chez l'enfant.
alors l'impression d'un trouble linguistique. Enfin, nous nous interrogerons sur la possible
Au terme de cette première étape, l'examina- coexistence d'un retard mental et d'un trouble
teur dispose d'assez d'éléments pour penser que spécifique du langage.
les inquiétudes initiales ne procèdent pas d'une
« impression », ni d'une simple lenteur (normale)
d'acquisition, ni d'une innocente particularité Langage et pensée
développementale (cf. figure 3.1) : On sait à quel point langage et pensée sont liés
• soit les performances de l'enfant se situent à la dans certaines conceptions du développement
limite inférieure de la norme (moins un écart- de l'enfant. L'origine de cette croyance réside
type) : il faut alors instituer une surveillance, dans le fait que la plupart des adultes ne peuvent
un suivi de l'évolution (par ex., tous les 4 ou imaginer en quoi consisterait une pensée sans
6 mois, selon l'âge de l'enfant et l'intensité des langage.
plaintes). Une normalisation progressive rassu-
rera, tandis que la persistance de performances « Il est indiscutable qu'un adulte normal ne
« limites » fera évoquer le rôle (non spécifique) peut penser consciemment en dehors du
d'otites à répétition dans la première enfance, langage. D'où la grande difficulté que l'on peut
d'un milieu socioculturel insuffisamment sti- avoir, intuitivement, à admettre une pensée
mulant, d'une inhibition psycho-intellectuelle, sans langage. Seule la pathologie nous apprend
de mécanismes psychoaffectifs, de la manifes- son existence. […] L'exercice intellectuel de
tation de troubles relationnels, etc. ; niveau élevé est possible, sans image et sans
• soit les performances de l'enfant le situent à mots. »
Dominique Laplane, La pensée d'outre-mots.
moins 1,6 ou 2 écarts types en deçà de la norme : Synthélabo, France, 1997.
il s'agit d'une pathologie du langage. Il faut alors
poursuivre les investigations.
Chez le bébé normal, nous savons bien que
la pensée (« préverbale ») précède la mise en
place des structures langagières : qui pourrait
Affirmer la spécificité nier que l'enfant de 2–6–8 ou 12 mois « pense »,
linguistique du trouble réfléchit, calcule, fait des analogies, extrait des
invariants, déduit ? Mais, depuis Piaget, nous
La réalité et l'intensité du déficit langagier étant avons l'habitude de considérer cette pensée
désormais acquis, la question qui se pose mainte- comme une pensée « archaïque », strictement

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Chapitre 3. Troubles du langage oral : le diagnostic d'une dysphasie

liée au développement sensorimoteur et ancrée les sensations qui leur sont associées, et que le
uniquement dans le concret, le perceptif et niveau d'organisation auquel ils accèdent se com-
l'expérientiel. Seul le développement ultérieur plexifie et se modifie avec le développement, les
du langage permettrait à l'enfant d'entrer dans expérimentations sensorimotrices, les liens que
l'abstrait, de concevoir un certain niveau de l'enfant établit entre différents événements, etc.
symbolisation, de se détacher de « l'ici et mainte- « Bien sûr, la parole structure la pensée et sur-
nant ». Dans cette optique, le langage était conçu tout permet l'échange des pensées, ce qui engendre
comme l'outil qui construit la pensée logique et la d'autres pensées, mais les enfants pensent bien
conceptualisation. avant la parole. »11.
Pourtant, au sein du premier stock de mots En pathologie, l'indépendance langage/pensée
que comprend ou produit d'abord le tout-petit, est encore plus flagrante, comme le montrent :
on note de nombreux mots dont la référence • l'efficience aux épreuves non verbales de nom-
n'est pas concrète : « fini », « encore », etc. L'accès breux enfants dysphasiques, y compris des
à la signification de ces termes reflète déjà une enfants n'ayant jamais eu aucun accès à aucun
capacité d'abstraction de haut niveau. De même, apprentissage de nature linguistique, par ex.
plus tard, vers 2-3 ans, lorsqu'il commence à faire des enfants souffrant d'emblée de surdité ver-
de petites phrases, les erreurs par généralisation bale (cf. p. 110) ;
syntaxique montrent à quel point, avant de parler • l'existence de doubles dissociations : certains
et de « posséder » le langage, l'enfant a su extraire enfants (syndrome de Williams) présentant une
des règles aussi complexes qu'implicites. Or, que déficience mentale avérée n'ont pas de déficit
sont les capacités d'abstraction sinon les capacités net des compétences linguistiques ; au contraire,
à extraire des règles et des invariants ? beaucoup d'enfants présentant des dysphasies
« La nécessité d'une maîtrise du langage comme graves d'emblée développent des capacités rai-
préalable à toute capacité de catégorisation a sonnementales non verbales en accord avec leur
longtemps constitué un a priori fort, interdisant âge réel.
d'envisager l'étude des capacités précoces en ce Bien sûr, nous sommes habitués à ce que le lan-
domaine. On en serait plutôt aujourd'hui à penser gage de nos interlocuteurs reflète plus ou moins
l'inverse : une capacité de catégorisation est un leur pensée. En effet, au fil de la maturation de l'en-
préalable à l'acquisition du langage. »9. fant, la pensée devient de plus en plus « verbale »,
En effet, depuis une trentaine d'années, on met à tel point qu'il nous est ensuite difficile de nous
en évidence des capacités de catégorisation chez représenter une pensée sans le support du langage.
les bébés, et ce dans divers domaines, à partir de
divers matériaux. Chez les nouveau-nés, ce sont
essentiellement de capacités de catégorisation per- La caractéristique de l'enfant dysphasique est
ceptives (phonologiques, visuelles : formes, taille, d'être dans l'impossibilité de traduire en mots,
figures géométriques, etc.) qui ont été mises en phrases ou discours, sa pensée pourtant souvent
évidence. Très tôt les bébés différencient des caté- intacte.
gories telles que « animé/inanimé » ou « hommes/
femmes ». « Certains auteurs (Quinn, 1997 ;
Rakinson, 2003) soutiennent que les bébés passent Le diagnostic de trouble structurel du dévelop-
par un processus progressif de la catégorisation pement du langage (dysphasie) repose donc sur la
des formes à celles de propriétés de plus en plus preuve de la construction par l'enfant de fonctions
complexes et de plus en plus abstraites, en procé- de conceptualisation, catégorisation, logique,
dant par apprentissage associatif de corrélats »10. induction et déduction, et ce, indépendamment
Quoi qu'il en soit, il est clair que les bébés ont de l'efficience de ses fonctions linguistiques.
une capacité spontanée à organiser leur environ- Il faudra mettre en évidence les manifestations
nement, les différents stimuli qu'ils rencontrent, d'un facteur G intact, concordant avec l'âge réel de

9
Lecuyer, 2004.
10
Idem. 11
Scmid-Kitsikis, 1991, cité par Boris Cyrulnik, 2001.

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l'enfant, ou, à tout le moins, très nettement supé-


rieur à son niveau de performance langagière. réponse « Les deux, ça boit » peut être
Dans tous les cas (y compris et surtout si les considérée comme valide (enfant de 8 ans,
épreuves verbales sont inexplorables du fait de l'in- dysphasie phonologique-syntaxique).
tensité du trouble langagier), on cherchera à mettre Dans le cadre de ces troubles expressifs
en évidence la préservation de capacités de raison- dans la dimension morphosyntaxique
nement dans le domaine non verbal : on sera alors du langage, on peut même mettre assez
conduit à utiliser des tests dans lesquels le facteur couramment en évidence une dissocia-
langagier est absent ou non directement sollicité. tion inverse (ICV > IRP). En effet, lorsque
la compréhension est bien préservée, les
trois subtests Similitudes, Vocabulaire et
Les échelles de Wechsler Compréhension peuvent être bien réussis,
Les échelles de Wechsler adaptées à l'âge de l'en- en dépit d'une expression fautive, voire
très fautive.
fant (WPPSI ou WISC) permettront, dans les cas
les plus typiques, d'objectiver l'atteinte du secteur
langagier et la préservation du secteur non verbal
(Cubes, Matrices, Identification de concepts). Le déficit (habituel) de la mémoire de travail
Il existe d'autres tests multitâches non ver- doit être exploré par la Répétition de chiffres et
baux, dont certains initialement conçus pour par Séquence Lettres-Chiffres (SLC). Il peut être
des enfants sourds ; ces tests peuvent être utilisés très instructif d'investiguer aussi la mémoire de
avec les enfants en grande difficulté de langage, travail visuospatiale à des fins comparatives.
ceux qui présentent des troubles importants de la Dans certains cas, le trouble de l'enfant est tel
compréhension linguistique, et bien sûr avec les (en particulier, trouble sévère de la compréhen-
enfants sourds ou malentendants. Citons en par- sion ou, sur le versant expressif, trouble de l'évo-
ticulier le Leiter-R (à l'étalonnage assez ancien) cation, de l'articulation) que les épreuves verbales
et la WNV (échelle non verbale d'intelligence de seront impraticables ou ininterprétables, et seule
Wechsler, dont le nombre d'items est assez limité). l'échelle Raisonnement perceptif sera proposée.
Cependant, si ce type de dissociation est évo-
cateur, il n'est pas pathognomonique d'un trouble Épreuves de l'échelle dite indice
linguistique : il peut se rencontrer aussi, par ex.,
de « Raisonnement perceptif »
en cas de troubles mnésiques, ou d'autres troubles
cognitifs (fonctions exécutives). Au sein de l'échelle de Raisonnement percep-
tif (IRP), certaines épreuves présentées sous la
forme d'un matériel visuel peuvent néanmoins
Épreuves de l'échelle dite réclamer des compétences de nature linguistique.
de « Compréhension verbale » Dans l'épreuve dite Identification de concepts,
Par ailleurs, certaines épreuves de l'échelle verbale une stratégie certainement facilitatrice pour l'en-
peuvent assez souvent être proposées (ICV) et être fant sans troubles du langage peut être de recoder
pertinentes, malgré l'atteinte du langage proposi- (de façon spontanée et implicite) les images en
tionnel chez l'enfant. C'est en particulier le cas du mots. Pour les enfants présentant des troubles du
subtest Similitudes, si l'on s'attache à l'énonciation langage, on évitera précisément d'engager un tel
du concept et non à la correction linguistique ou à processus qui peut être une source d'échec. Alors
la formulation académique. que la consigne l'envisage explicitement, on évitera,
au cours des premiers items, de demander à l'enfant
de répondre avec des mots (« Ce sont des arbres »).
On se contentera de demander à l'enfant de pointer.
Exemple Il en est de même pour l'épreuve complémen-
taire de Complètement d'images. On attend de
À une question du type : « En quoi le café l'enfant qu'il découvre un élément manquant
et le jus d'orange se ressemblent ? », la d'une image (la poignée d'une porte, par ex.).
L'enfant qui ne connaît pas le mot, a des d
­ ifficultés

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Chapitre 3. Troubles du langage oral : le diagnostic d'une dysphasie

d'évocation, a un trouble d'accès au réseau séman- Tableau 3.3. WISC et troubles du langage.
tique, une réponse verbale erronée (ou l'absence
de réponse) peut engager sur une fausse piste Subtests du Intérêt Observations
WISC
diagnostique. On évitera donc de parler, et on
demandera une réponse par geste. Similitudes + (si possible) Suppose un langage
Dans les anciennes versions du WISC et de minimal
la WAIS, on pourra mobiliser en complément Mémoire des ++ Pour évaluer
de l'évaluation de la dynamique intellectuelle chiffres, SLC l'importance
du déficit en
l'épreuve d'Arrangement d'images (raisonnement
mémoire de travail
selon une logique d'organisation temporelle). auditivoverbale
L'enfant peut être conduit à se raconter l'histoire,
Complètement + Favoriser la
voire à chercher à la dire. Apparemment « non d'images désignation de la
verbale », cette tâche pourra donc gêner l'enfant partie manquante,
dysphasique (tableau 3.3). les périphrases,
Aussi, dans ces trois épreuves officiellement plutôt que la
classées « non verbales », il est fréquent que des dénomination
enfants en difficulté langagière échouent. Code — Épreuve très corrélée
Enfin, un indice de raisonnement perceptif aux compétences
médiocre (voire effondré) doit faire envisager plu- langagières et
sieurs hypothèses : mémoire de travail
• un calcul non pertinent de l'IRP, du fait de la Arrangement +/– Épreuve très corrélée
grande hétérogénéité intraéchelle, le score « glo- d'images aux compétences
(supprimé langagières (récit)
bal » étant faible du fait de l'échec dans certains
à partir du
subtests particuliers, avec conservation de WISC4)
résultats « normaux » (supérieurs ou égaux à 8)
Cubes +++ Épreuve de facteur G,
dans d'autres subtests ; si l'enfant est
• l'association de plusieurs troubles cognitifs indemne de troubles
(multi« -dys ») : visuo-practo-spatiaux
• une dyspraxie (chap. 4) : échec aux subtests Matrices +++ Épreuve de
Assemblage d'objets et Cubes ; Facteur G, si
• une dyspraxie et des troubles perceptifs visuels l'enfant est indemne
(fréquents en cas d'antécédents neurolo- de troubles
giques, lésions cérébrales, IMC : échec aussi visuo-practo-spatiaux
au Complètement d'images. Il faudra donc pro- Identification +/− (selon Comme dans
poser des épreuves non verbales, qui ne soient de concepts le type de les épreuves de
ni praxiques ni gnosiques visuelles, par ex. le dysphasie ?) Classifications des
EDEI, il semble que
subtest Analyse catégorielle des EDEI ;
ces tâches réclament
• une déficience intellectuelle. tout de même une
capacité de nature
linguistique pour
Les tests de facteur G monotâche, évoquer le concept
non verbaux
Progressives matrices
Les Progressives Matrices (PM) sont adaptées
selon l'âge. L'enfant doit retrouver, parmi plusieurs

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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

dessins, celui qui complète logiquement la série d'analyse fins, aussi pertinents que l'étalonnage (en
proposée. Les subtests Matrices des échelles de percentile d'échec résiduel à un âge donné).
Wechsler sont très comparables. On voit donc qu'une réussite à l'un de ces tests
ou subtests attestera de l'intégrité des fonctions de
raisonnement, conceptualisation, catégorisation,
Certains items (en particulier dans le PMCouleurs alors qu'à l'inverse, un échec ne pourra pas être
ou PMC) doivent être choisis en fonction de leur d'emblée interprété comme reflétant une défi-
orientation spatiale, ce qui rend le test impropre cience mentale.
chaque fois que l'enfant présente des troubles
visuospatiaux associés. Enfin, les enfants présen-
tant des troubles de l'attention, du choix et de la Le diagnostic de déficience mentale ne peut
sélectivité (chap. 7) peuvent être très gênés par donc pas découler simplement d'un score global
la présentation en choix multiple : on voit alors insuffisant aux épreuves de raisonnement per-
qu'ils persévèrent, désignant toujours la planche ceptif des échelles de Wechsler ou de toute autre
située au même endroit, ou désignent n'importe épreuve non verbale : il faut, avant de conclure,
laquelle, de façon impulsive et irrépressible, sans s'assurer des compétences visuo-practo-spatiales
avoir exploré les diverses possibilités. des enfants et de leurs capacités à gérer les fac-
teurs attentionnels et les choix multiples (fonc-
tions exécutives) requis pour l'épreuve.
Cubes de Kohs
Pour la réalisation de ce test, l'enfant doit repro-
duire une figure géométrique plus ou moins com- Déficience mentale et trouble
plexe à l'aide de cubes dont les faces sont colorées.
Il s'agit d'une épreuve très visuo-practo-spatiale.
spécifique du langage
En cas d'échec, avant de conclure, il est donc Le diagnostic de déficience mentale (diagnostic
indispensable de tester les compétences praxiques avéré et étayé par une évaluation bien conduite),
et visuospatiales de l'enfant. Cette épreuve est élimine-t-il ipso facto celui de trouble spécifique
aussi très comparable à celle des Cubes proposée du langage ? On sait que c'est le cas dans un certain
dans les échelles de Wechsler. nombre de définitions anciennes de la dysphasie,
Par ailleurs, d'autres tests composites pro- définitions qui s'appuyaient sur un ensemble de
posent des épreuves de facteur G non ver- signes négatifs, éliminant les autres causes pos-
bales (tableau 3.4), qu'il s'agisse des subtests sibles de pathologie du langage (surdité, troubles
Classifications et Analyse catégorielle des EDEI-R psychoaffectifs, etc.) : les signes neurologiques
ou de la Tour de Hanoï (DKefs). et la déficience mentale étaient alors considérés
Dans une moindre mesure, on pourra aussi comme excluant, par définition, le diagnostic de
mobiliser l'épreuve de Catégorisation de la trouble spécifique du langage et/ou de dysphasie.
NEPSY2 : le matériel est imagé (dessins d'ani- Or, il existe en fait deux populations d'enfants :
maux dans des situations variées) et propose des • ceux dont le niveau de langage (mesuré par des
indices multiples de classification que l'enfant tests étalonnés est à peu près concordant avec
doit détecter. Cet exercice est probablement faci- leur niveau de développement (de facteur G).
lité par le langage. On conçoit alors que leur langage reflète leur
De manière plus qualitative mais probablement pensée. Il ne s'agit donc pas de trouble spéci-
moins confondante, l'épreuve de Catégorisation de fique du langage, mais d'un retard intellectuel
l'UDN2 peut être précieuse. En effet, le matériel global qui se manifeste aussi dans les compé-
est très simple (trois catégories d'objets : tasses, tences linguistiques de l'enfant ;
pulls, fleurs ; de trois tailles et de trois couleurs • ceux dont le niveau de langage est nettement
différentes). Dans cette épreuve issue d'une batte- inférieur à leur niveau de facteur G. Ces enfants
rie d'inspiration piagétienne, le mode d'approche parlent donc nettement moins bien que ne le
de l'enfant, les croisements de critères, le besoin laisserait supposer leur niveau de conceptuali-
d'amorce, la flexibilité mentale sont des éléments sation : il est alors licite d'évoquer la présence

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Chapitre 3. Troubles du langage oral : le diagnostic d'une dysphasie

Tableau 3.4. Évaluer les capacités non verbales.


Test Modalités Fonctions sollicitées Modalités de sortie Observations
d'entrées
Progressives matrices Visuelle – Logique (induction) Désignation Non utilisable en
– Fonctions cas de troubles
visuospatiales visuospatiaux, de
troubles perceptifs
– Fonctions exécutives visuels associés
(choix multiple)
Cubes de Kohs Visuelle – Logique Manipulation Non utilisable en cas
– Stratégie (fonctions (fonctions praxiques) de dyspraxie et/ou
exécutives) de troubles spatiaux
associés
– Fonctions
visuospatiales
– Fonctions praxiques
Tour de Hanoï Visuelle – Logique. Cependant, Manipulation Les manipulations
la reproduction d'une demandées
procédure peut, jusqu'à réclament un
un certain point, minimum de
permettre d'obtenir un capacités motrices
bon score, sans réelle (enfiler un disque
anticipation ni réflexion à trou sur un picot),
logique…) accessibles à un
enfant dyspraxique.
– Stratégie (fonctions
Par ailleurs, il n'y
exécutives)
a pas vraiment à
traiter de données
spatiales (mais
plutôt à concevoir
et anticiper dans une
série séquentielle,
les « déplacements »
successifs)
Classifications des Visuelle : – Logique (trouver le Désignation Nécessite
EDEI-R – regard concept qui relie deux (implicitement)
(exploration d'un images proposées) des fonctions
ensemble – Compétences linguistiques ?
d'images) linguistiques ?
(nécessité
– gnosies visuelles de la construction
(identification des linguistique
images) de la classe ?)
– Fonctions exécutives
(choix multiples)
Analyse catégorielle Regard – Logique Manipulation ou Cette épreuve ne
des EDEI-R (exploration – Fonctions exécutives désignation comprend pas
d'un ensemble (choix multiples) d'exigence praxique,
de pièces ni visuospatiale, ni de
géométriques) mémorisation
UDN II Visuelle – Logique Manipulation Attention : suppose
Classification (différentes – Fonctions exécutives de bonnes capacités
exigences selon les d'exploration visuelle
épreuves) du matériel

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d'un trouble spécifique du langage au sein même


d'une déficience mentale. Nous avons proposé le
Les pathologies du langage :
terme de « dysphasie relative » (Mazeau, 1999) diagnostic différentiel
pour distinguer ces cas des dysphasies « clas-
siques » dans lesquelles l'enfant fait la preuve de À ce stade de l'évaluation, nous savons que les
capacités de raisonnement concordantes avec difficultés de langage de l'enfant sont avérées,
son âge réel. En effet, dans ces cas (dysphasie au qu'elles relèvent du domaine de la pathologie, et
sein d'une déficience mentale), les propositions ne sont pas le simple reflet d'un dysfonctionne-
thérapeutiques doivent tenir lieu aussi (sur- ment ou d'un déficit global des fonctions psycho-
tout ?) des capacités intellectuelles de l'enfant. intellectuelles : il s'agit donc bien d'un trouble
Cette démarche vise à déterminer le caractère qui se manifeste électivement dans le secteur
spécifique du trouble cognitif langagier : elle ne linguistique.
préjuge en rien de l'éventuelle association avec des Mais les troubles de l'acquisition du lan-
troubles praxiques, visuospatiaux, attentionnels gage oral peuvent survenir chez l'enfant dans
ou exécutifs (figure 3.2). différentes circonstances qui couvrent très

Troubles du langage invalidant


les épreuves verbales

Choix d’épreuves
non verbales

Réussite Échec

Examen des fonctions


Examen des fonctions
visuo-spatiales
exécutives
et praxiques

Déficitaires Normales

Choix d'épreuve Altérées


ni praxique
ni visuo-spatiale
?
Échec

Réussite
Déficit global

Trouble langagier spécifique


→ poursuivre investigations
linguistiques Déficit langagier > déficit Déficit langagier =
du niveau de développement niveau de
Dysphasie relative développement
Figure 3.2. La démarche psychométrique dans les troubles du langage.

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Tableau 3.5. Les quatre grands chapitres de la pathologie du langage.


Environnement Sujet Pathologies correspondantes
Conditions socioaffectives Compétences relationnelles – « Enfant sauvage », autisme,
Langue maternelle (et niveau (ou communicationnelles) psychoses…
socioculturel) Compétences sensorielles (audition) – Surdités
Compétences cérébrales : – Déficience mentale
– soit « globales » (facteur G) – Aphasies, dysphasies
– soit spécifiquement
linguistiques

schématiquement quatre grands chapitres de Éliminer un trouble d'ordre


la pathologie. En effet, cette construction du sociocognitif
langage (en général l'acquisition de la langue
maternelle) nécessite que soient simultané- Pour ce faire, il nous faut distinguer langage et
ment présentes plusieurs conditions, dont cer- communication.
taines tiennent à l'enfant lui-même et d'autres La communication repose sur un éventail de
dépendent de son environnement linguistique, compétences diversifiées, utilisant des ressources
affectif et socioculturel (tableau 3.5). variées, linguistiques et extralinguistiques :
Ainsi les troubles du langage peuvent révéler intonations, mimiques, regards et expressions
des déficits dans d'autres domaines (sensoriels, faciales, gestuelle accompagnant le discours,
par ex.) ou refléter des carences relationnelles ou cohérence ou non entre le discours-l'attitude-la
psychoaffectives. situation, etc. Ces moyens de communication
Donc toute anomalie avérée (chronologique, (non linguistiques) peuvent normalement consti-
quantitative ou qualitative) dans le déroulement tuer à eux seuls la communication (chez l'enfant
de cet apprentissage doit conduire à évoquer sys- avant 2 ans, à distance, dans une foule bruyante
tématiquement chacun de ces éléments, à explorer ou au contraire, entre deux élèves en classe durant
chacun de ces fondements du langage de l'enfant, un examen !), ou servir à moduler le discours oral
à savoir : (interrogation, compassion, amour, humour, déri-
• les troubles du domaine sociocognitif, relation- sion, colère, menace, sarcasme, indulgence, etc.),
nels, comportemental et/ou socioculturels, qui précisant alors de façon irremplaçable la signifi-
relèvent de la pédopsychiatrie ; cation et/ou le contexte émotionnel des énoncés.
• les troubles sensoriels, liés à l'audition, qui Les capacités communicationnelles sont très
relèvent de l'ORL et de la phoniatrie ; précocement efficaces chez le bébé, reposant sur :
• les insuffisances globales du développement • les compétences sociales du nourrisson (imita-
intellectuel ; tion, empathie, partage émotionnel12) ;
• les dysphasies ou aphasies, qui relèvent de la • la construction progressive d'un fonds com-
neuropsychologie infantile. mun d'évidences, construction qui émerge de
Nous avons déjà répondu à la question d'un l'ensemble des capacités sensorignosiques et
éventuel retard intellectuel dans les pages précé- sensorimotrices de l'enfant (Mazeau, 2007).
dentes. Le souci du clinicien, médecin ou neuro- Les fonctions communicationnelles englobent
psychologue, est donc maintenant : donc des capacités à la fois différentes et beaucoup
• d'éliminer tout trouble envahissant du dévelop- plus larges que les compétences langagières, ces
pement, traits psychotiques, autisme, carence dernières représentant les compétences instru-
affective, communicationnelle ou culturelle mentales, « techniques », par lesquelles les pensées
susceptible de rendre compte des anomalies sont « traduites » en mots et phrases.
langagières observées ;
• d'éliminer tout trouble auditif susceptible
de rendre compte des anomalies langagières 12
Ces capacités dépendent certainement largement des
constatées. neurones miroirs.

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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

Par ailleurs, les règles qui régissent ces échanges


Ces dissociations, toujours pathologiques, sont
communicationnels sont organisées selon des très importantes car elles fondent une première
stratégies apprises dans un cadre culturel dans le distinction entre les troubles du langage qui
but de communiquer, entrer en relation dans un reflètent des anomalies relationnelles ou socio­
contexte donné, réguler les interrelations entre cognitives, et celles qui traduisent le dysfonction-
locuteurs. L'ensemble de ces règles constitue la nement des structures cérébrales spécifiquement
pragmatique du langage. dédiées au langage.
L'essentiel de ces aspects pragmatiques, très
culturels, extrêmement importants sur le plan Ainsi, lorsque des symptômes de la lignée autis-
relationnel, ne dépend pas directement des com- tique ou des troubles envahissants du développe-
pétences langagières du sujet. Ils ressortent de ment se font jour, ce sont les aspects pragmatiques
stratégies cognitives de haut niveau, « supralin- du langage qui sont atteints, déficit toujours asso-
guistiques », en lien avec le niveau de conceptua- cié à d'autres lignées de symptômes non langa-
lisation de l'enfant, ses capacités d'élaboration giers mais communicationnels.
sur le plan conceptuel (facteur G), ses compé- Au contraire, lorsque l'origine du trouble du
tences et son appétence relationnelle, sa capacité langage est « structurelle » (dysphasies), la prag-
à exprimer et réguler ses émotions selon le code matique est non seulement respectée, mais utilisée
culturel en vigueur, son environnement affectif et par le sujet pour communiquer avec une relative
socioculturel. efficacité en dépit de son trouble du langage plus
Ainsi, les capacités spécifiquement linguis- ou moins massif. Cela se traduit, cliniquement,
tiques et les capacités plus largement communi- par un bon contact, des échanges visuels signi-
cationnelles, bien que normalement liées et très fiants, des gestes de monstration, de désignation,
interdépendantes, peuvent-elles se trouver disso- des interactions adaptées (intonation, gestuelle,
ciées au décours de certaines pathologies. mimiques).
On peut donc rencontrer :
• des enfants ayant de bonnes capacités commu-
nicationnelles, pragmatiques, alors qu'ils n'ont
que peu ou pas de langage : c'est le cas, normale­ Attention !
ment, des très jeunes enfants avant la maîtrise Certains troubles oculomoteurs, visuoattention-
du langage, mais aussi, en pathologie, celui des nels ou gnosiques visuels (chap. 5) peuvent être
enfants dysphasiques ; interprétés, à tort, comme « une fuite du regard ».
• à l'inverse, des enfants au langage riche et bien S'il est certain que ces troubles interfèrent dans
construit ayant des capacités communication- les échanges communicationnels, ils ne doivent
cependant pas être confondus avec des troubles
nelles très faibles ou quasi inexistantes, par
du comportement ou de la relation. Les cliniciens
exemple dans le cas des troubles du spectre
doivent être particulièrement vigilants si l'enfant
autistique13 du type syndrome d'Asperger14, est un ancien prématuré, s'il a des antécédents
de syndromes de Williams-Beuren, du cock- neurologiques ou s'il est IMC.
tail-syndrome party ou dysphasie sémantique-­
pragmatique, ou encore de logorrhées secondaires
à certaines atteintes des lobes frontaux.
Éliminer un déficit auditif
13
Des échelles comportementales sont habituellement En fait, la vérification de l'audition est normale­
utilisées pour juger des compétences relationnelles, ment un préalable aux autres investigations,
sociales et communicationnelles de ces enfants intellectuelles, langagières et psychologiques.
(par ex. Autism Diagnosis Inventory ou ADI-R, très Bien que cela paraisse évident et relativement
complet ; CARS pour les enfants très jeunes). Des bat-
teries comportementales pertinentes existent aussi :
simple (audiométrie, PEA), il arrive encore que
BECS et ADOS. certaines malauditions de l'enfant soient décou-
14
Les autismes dits « de haut niveau » se réfèrent préci- vertes tardivement, notamment lorsque l'enfant
sément aux troubles de l'interaction, sans retard men- souffre de pathologies complexes, de multi- ou
tal, mais avec trouble du langage. polyhandicaps. Dans ces cas, « l'arbre peut cacher

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Chapitre 3. Troubles du langage oral : le diagnostic d'une dysphasie

la forêt ». C'est souvent le cas chez l'enfant sourd municationnelles, son environnement affectif et
plurihandicapé ou chez l'enfant présentant des culturel, ses capacités sensorielles sont jugés sans
lésions cérébrales (IMC, AVC précoce…), mais relation directe (ou déterminante) avec l'origine
pas seulement (otites à répétition). du trouble du langage qu'il présente.
Mais, à l'inverse, un déficit auditif patent éli-
mine-t-il obligatoirement un trouble structurel du
langage, une dysphasie ? Nous pouvons trouver, L'enfant souffre donc d'un déficit ou d'un dys-
chez les enfants déficients auditifs, deux popula- fonctionnement des structures cérébrales spéci-
tions distinctes : fiquement dédiées au traitement de l'information
• les uns évoluent, sur le plan de l'acquisition linguistique.
de la langue, comme les professionnels de Le terme de dysphasie recouvre les troubles
la malaudition s'y attendent compte tenu de survenant d'emblée, ou du moins avant l'âge de
l'importance de leur surdité, de leur niveau de 12–18 mois (limite floue) = atteinte initiale ou
développement, des actions mises en œuvre, du très précoce.
milieu familial, etc. : leurs difficultés (en lan- Le terme d'aphasie concerne les troubles surve-
gage oral, en langage écrit) reflètent celles qui nus secondairement, après une première phase
normale d'acquisition du langage.
sont inhérentes à leur déficience auditive ;
• les autres, au contraire, ne font pas les acqui-
sitions qui étaient attendues compte tenu de En outre, certains contextes étiologiques doivent
leur handicap auditif et plusieurs hypothèses faire particulièrement évoquer une dysphasie ou
doivent alors être testées : prise en charge mal une aphasie : antécédents neurologiques (ménin-
adaptée ? troubles sociocognitifs surajoutés ? goencéphalite, épilepsie, prématurité, hémiplégie
déficience mentale associée ? ou trouble cogni- néonatale, anoxie, traumatisme crânien, etc.) ou
tif spécifique associé ? Cette dernière hypothèse configuration familiale des troubles faisant évo-
est d'autant plus justifiée que l'enfant présente quer une origine génétique. Cependant, dans la
des antécédents neurologiques (prématurité, grande majorité des cas, aucune cause n'est retrou-
IMC, épilepsie,), que l'origine de sa surdité est vée (dysphasies dites « développementales »).
neurologique (méningite…), ou génétique, ou
encore que l'étiologie de sa surdité est connue
Évaluer la dysphasie
pour être également responsable d'anomalies
cérébrales (embryofœtopathies). Il convient donc maintenant de compléter ces pre-
Parmi les troubles cognitifs divers que l'on peut mières et indispensables observations par la mise
trouver en association avec une surdité ou une en évidence de signes positifs de la dysphasie, des
malaudition, la dysphasie est une éventualité que signes dont la présence témoignera du caractère
l'on ne doit pas écarter a priori. neurologique, structurel, du trouble. Ces signes
Au total, le diagnostic de dysphasie peut coexis- positifs sont de deux ordres :
ter avec celui de dyspraxie (chap. 4), de déficience • les déviances linguistiques ;
intellectuelle, de surdité, etc. Cependant, ces dia- • les dissociations intralinguistiques.
gnostics complexes ne sont possibles, au terme
d'un bilan méthodique et rigoureux, que si l'on Déviances linguistiques
peut aussi mettre en évidence des signes positifs
de dysphasie. On appelle « déviances » des anomalies langa-
gières que l'on n'observe pas au cours du déve-
loppement normal du langage de l'enfant, des
productions qui ne font pas partie du répertoire
Le diagnostic positif de l'enfant normal lors de l'acquisition de sa
de dysphasie et son type langue maternelle, productions qualitativement
différentes de celles des enfants tout-venant,
À ce stade de l'examen de l'enfant, le diagnostic qui reflètent un dysfonctionnement focalisé
de dysphasie est généralement acquis par élimi- au sein d'un processus interne à l'architecture
nation : l'intelligence de l'enfant, ses facultés com- linguistique.

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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

En effet, certaines maladresses phonologiques (­ moineau désignant tous les animaux qui volent),
ou syntaxiques font naturellement partie des sont habituelles au début de la construction du
productions des jeunes enfants. Si elles per- lexique.
sistent au-delà d'un certain âge, on peut parler de Au contraire, sont de l'ordre des déviances :
« retard ». Au contraire, d'autres anomalies ne se • le manque du mot et les stratégies qu'il induit
rencontrent jamais lors de l'apprentissage « nor- (silences, périphrases, aides par l'ébauche orale
mal » de la langue et constituent alors des indices ou le contexte) ;
complémentaires très pertinents pour confirmer • les paraphasies (un mot pour un autre) séman-
un trouble structurel du langage. tiques (« fleur » pour /arbre/), phonémiques
(« captus » pour /cactus/) ou encore mixte
Déviances phonologiques (« mouton » pour /menton/) ;
Au début de l'apprentissage de la langue, les • les persévérations.
enfants font de nombreuses approximations
phonologiques. On considère que le système de Déviances syntaxiques
production phonologique n'est guère mature Les erreurs par surgénéralisation de la règle et par
avant 5–6 ans selon les enfants. Les « erreurs » méconnaissance des exceptions sont banales et
phonologiques sont donc normalement présentes tout à fait normales au cours des premières phases
et nombreuses dans le langage enfantin ; il s'agit le d'acquisition syntaxiques. Classiquement, ce sont
plus souvent de simplifications, assimilations ou même de « bonnes fautes » puisqu'elles assurent
élisions, qui peuvent perdurer assez longtemps. que l'enfant connaît et applique la règle.

Exemples
Exemples
Dire « tatu » à la fois pour /voiture/ et
/chaussure/ est normal vers 2 ans mais « Le roi, il disat » (généralisation du passé
pathologique à 5 ans. Dire « pestacle » simple des verbes du 1er groupe, en raison
pour /spectacle/ ou « bourette » pour de leur fréquence en français), « l'oiseau
/brouette/ n'est guère inquiétant vers l'a pas mouru » (construction par analogie
4 ans, mais certainement anormal à avec /vendu, courru/, etc.), « ils sontaient »
8 ans. Mais dans ces exemples, il s'agit de (construction de l'imparfait à partir du
déformations, banales à certains stades présent : /ils chantent - > ils chantaient/
évolutifs et qui persistent anormalement, d'où : /ils sont - > ils sontaient/), ou encore
évoquant alors un retard de parole. Ces « y a gros de lait » pour /il y a beaucoup
déformations consistent généralement en de lait/ (par extension de l'usage de /gros/
des simplifications (« fieur » pour/fleur/), pour les volumes), etc.
assimilations (« tato » pour /gâteau/) ou
élisions (« ka » pour /quatre/).

Au contraire, sont de l'ordre des déviances


Au contraire, sont de l'ordre des déviances : les formulations qui violent les règles morpho­
• les complexifications arthriques (par ex. : « cra- logiques ou syntaxiques de la langue :
cretol » pour /casserole/) ; • les omissions systématiques ou les erreurs de
• les approches phonologiques successives choix du déterminant des mots fréquents (« le
(par ex. : « tantagne, panpagne, cancagne » pour maison, une téléphone »), des prépositions, des
/campagne/) ; mots-fonctions (« pour taxi », en réponse à la
• les persévérations (chap. 7). question « Comment rentres-tu chez toi ? » ;
« garçon joue le fille… balle » pour /le garçon
Déviances lexicales joue à la balle avec la fille/) ;
Les approximations par surgénéralisation (déno­ • l'incapacité à utiliser les flexions verbales,
mmer « pomme » tous les fruits), par analogie remplacées par des infinitifs (« boire coca,
(oiseau dénommé « canard ») ou surspécialisation Marjorie » pour /j'ai bu du coca avec Marjorie/).

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Chapitre 3. Troubles du langage oral : le diagnostic d'une dysphasie

TRAITS
PHONÉTIQUE
NIVEAU SOUS-LEXICAL PHONEMES
(non significatif)

MOTS LEXIQUE PRAGMATIQUE


SYNTAGMES − En fonction buts
NIVEAU du SENS − Selon relations

SÉMANTIQUE PHRASES SYNTAXE Locuteur

D I S C O U R S
Interlocuteur

ASPECTS STRUCTURELS
+ ASPECTS CULTURELS
Figure 3.3. Structure commune à toutes les langues.

Enfin, l'hypospontanéïté du discours (l'enfant Un ensemble limité d'éléments non signifiants


a rarement l'initiative de la parole, parle très peu (traits phonétiques et phonèmes pour le langage
et seulement en réponse à des sollicitations), la oral, chérèmes pour la langue des signes) consti-
réduction psycholinguistique et la réduction de la tue les « briques » élémentaires qui doivent être
longueur moyenne des énoncés (l'enfant s'exprime combinées entre elles selon les règles de la langue
par phrases ou protophrases minimales, très (règles phonotactiques pour la langue orale) pour
courtes, obligeant son interlocuteur à « extorquer » permettre la production illimitée d'unités signi-
des précisions par une succession de questions), fiantes (les mots) ; ces unités-mots (qui consti-
sont particulièrement fréquentes au décours des tuent le lexique) sont à leur tour l'objet d'une
dysphasies/aphasies. combinatoire permettant de produire une infinité
de phrases selon des combinaisons et des règles
particulières (règles morphosyntaxiques). Enfin,
La mise en évidence de ces déviances repose sur un une syntaxe textuelle permet la combinatoire de
examen qualitatif du langage de l'enfant, par des
phrases de façon que leur succession réponde
professionnels (médecins, neuropsycho­ logues,
aux règles qui régissent un discours ou un récit
orthophonistes) expérimentés, connaissant par-
faitement les variations normales du langage (une suite de phrases, même bien construites, ne
en cours de construction chez le petit enfant et constitue en rien un récit !).
capables d'apprécier la valeur pathologique (ou Il est très important de noter que :
non) de certaines formulations inhabituelles. • les aspects pragmatiques (communication)
occupent une place à part, en raison de leur sup-
port en grande partie culturel et de l'importance
Dissociations intralinguistiques des aspects extra- et/ou supralinguistiques ;
Toutes les langues humaines15 ont une struc- • les secteurs « structurels » de la linguistique
ture comparable à celle de poupées gigognes, à reposent sur des mécanismes dont les bases
emboîte­ments successifs (figure 3.3). sont innées, mais qui se spécialisent et se déve-
loppent secondairement en fonction des carac-
15
Y compris la langue des signes des sourds (LSF), ou téristiques de la langue à laquelle on est exposé
quelques rares langues sifflées encore en usage dans (langue maternelle). C'est le cas des capacités
quelques régions montagneuses du globe ! de discrimination phonologique, du décodage

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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

des intonations et rythmes de la langue, de


chacun des deux versants du langage, la compré-
l'extraction des unités-mots de la chaîne parlée, hension (ou versant afférent) et l'expression (ou
de l'apprentissage « flash » par mise en mémoire versant efférent).
des termes lexicaux, de l'extraction des règles C'est en effet sur le critère d'éventuelles disso-
morphosyntaxiques ; ciations dans les performances à ces différentes
• chacun de ces niveaux (phonologique, lexical, épreuves (phonologie/lexique/syntaxe) que pourra
syntaxique) requiert des traitements séquentiels. être posé le diagnostic des différents types de dys-
Il y a donc, au sein même du « module langage », phasies.
des sous-modules interdépendants mais iso-
lables, qui réalisent une architecture fonctionnelle
particulière.
À ce stade, le bilan de langage doit donc se
présenter sous la forme présentée ci-dessous
Aussi, lors de lésions ou de dysfonctionnements (tableau 3.6), comprenant au moins une épreuve
cérébraux ou d'anomalies développementales dans étalonnée spécifique par case.
ce secteur, peut-on observer des dissociations au L'évaluation des capacités en compréhension
sein même de cette architecture linguistique, cer- devra toujours précéder le bilan de l'expression
tains éléments étant atteints et d'autres préservés ; orale : comment interpréter les performances en
on parle alors de dissociations intralinguistiques, expression si l'on ignore ce que discrimine, entend
caractéristiques des aphasies et dysphasies. ou comprend l'enfant ?

Cela signifie que chacun des trois grands sec- Attention


teurs linguistiques, à savoir la phonologie, le Ne pas confondre les épreuves de phonologie
lexique et la morphosyntaxe (reposant chacun dont il est question ici et celles qui explorent la
sur des substrats neuronaux différents, isolables, « conscience phonologique » : la perception des
quoique normalement interdépendants), peuvent, oppositions phonologiques pertinentes dans
chez un même enfant, être soit atteints à des chaque langue est implicite, apprise de façon
degrés divers soit préservés. automatique avec la langue : l'enfant distingue
Aucontraire,lorsdecarencespsychologiqueset/ou /bain/de/pain/ sur la base de ses capacités de
éducatives, de troubles envahissants du développe- discrimination phonologiques, qui sont des
compétences très précoces, mais l'enfant ne peut
ment ou d'autisme, c'est l'ensemble du langage en
évoquer que leur différence sémantique (/bain/
tant que véhicule de la communication qui est en
a rapport avec le fait de se laver, /pain/ est lié à
cause (et non l'architecture interne des modules
l'idée des tartines). Ce n'est que beaucoup plus
cérébraux sur lesquels reposent les différents tard (5–6–7 ans) qu'il prendra conscience de la
traite­ments linguistiques). On n'observe donc pas différence phonologique qui les distingue (/p/-
d'hétérogénéités à l'intérieur même du fonctionne- /b/) et pourra volontairement manipuler ces
ment linguistique, qui, globalement, se trouve être composantes phonologiques. On parle alors de
pathologique. On voit mal en effet comment un conscience phonologique (ou d'habiletés méta-
trouble relationnel, un trouble de structuration de phonologiques) : ces capacités explicites sont liées
la personnalité, ou une carence de l'environnement à l'acquisition de la langue écrite (et n'ont stricte-
socioculturel pourrait engendrer un trouble. ment aucun rôle dans le développement normal
de la langue orale).

Ce sont ces dissociations intralinguistiques qui


vont fonder les différents tableaux cliniques et les Dysphasies vs « retard de langage »
différents types de dysphasie. Les critères distinctifs anciennement admis pour
En termes d'évaluation, cela implique donc de ces diagnostics n'étaient guère satisfaisants, ni en
disposer d'épreuves qui permettent de tester
ce qui concerne la démarche médicale (le diagnos-
séparément chacun de ces éléments, et ce, sur
tic dépendait de critères d'intensité et d'évolution :

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Chapitre 3. Troubles du langage oral : le diagnostic d'une dysphasie

Tableau 3.6. Bilan de langage : recherche de dissociations intralinguistiques.


Afférent - Compréhension Efférent - Expression
Phonologie Épreuve de discrimination phonologique Épreuve de répétition (ou de dénomination) :
(désignation sur images, ex. : pain/bain/main) longueur, familiarité et difficulté arthrique
ou écoute de paires pareil/pas pareil (ex. : cri/cri contrôlés
vs cri/gris)
Lexique Épreuve de désignation d'images (d'objets) – Dénomination
– Devinettes
– Épreuves de fluences
Syntaxe – Épreuve de désignation d'images Fins de phrases (sur images ou purement
– Jugement syntaxique de phrases auditivoverbal)
entendues

si le trouble était intense ou s'il persistait au-delà Tableau 3.7. Retard de parole-langage versus
de 6 ans, alors le « retard » était renommé « dys- dysphasie
phasie » !), ni en ce qui concerne les aspects opéra-
tionnels, puisque cette typologie ne permettait pas Lexique Syntaxe
de dégager précocement des indications thérapeu- Retard Déficit modéré ou important,
tiques claires (tableau 3.7). mais grossièrement homogène :
Mais, désormais, à ce stade de nos investiga- Niveau lexical ~ niveau
tions, la distinction entre « retard de parole-lan- syntaxique
gage » et « dysphasie » est possible. Car les critères Erreurs de
rappelés ci-dessus pour le diagnostic positif de régularisation
dysphasie permettent de distinguer le décalage Dysphasie Déficit Non-respect
chronologique (retard) sans nette dissociation (phonologique- modéré de la structure
intralinguistique et sans déviances majeures, syntaxique) de la langue
de troubles atteignant électivement certaines Dissociation intralinguistique :
des structures neuronales supportant les diffé- lexique/syntaxe
rentes compétences linguistiques (dysphasies, Inhibition et réduction
tableau 3.8). psycholinguistique
Ainsi, ni l'âge ni l'intensité des troubles ne sau-
raient être des critères pertinents pour faire le dia- On ne peut donc en aucun cas parler de « la »
gnostic différentiel entre « retard » et « dysphasie ». dysphasie sans préciser de quelle dysphasie il
Il y a donc des dysphasies modérées et des s'agit pour cet enfant-là. Cependant, par habitude,
retards sévères, comme il y a des dysphasies et pour des raisons de fréquence, il est convenu
graves et des retards bénins. que lorsque le type de dysphasie n'est pas précisé,
il s'agit d'une dysphasie phonologique-syntaxique
Diagnostic du type de dysphasie ou d'un trouble de production phonologique.
Pour une description détaillée des symptômes,
Cette dernière étape est tout à fait fondamentale de leurs associations et des pistes rééducatives,
pour qui veut faire des propositions thérapeu- nous invitons le lecteur à se reporter à des ouvrages
tiques motivées. En effet, la possibilité d'atteintes spécialisés traitant des aspects cliniques des dys-
en mosaïque de tel(s) ou tel(s) élément(s) (ou phasies (cf. « Quelques livres de référence », en fin
« sous-module ») des réseaux linguistiques réalise de chapitre).
des tableaux très différents.
Dysphasies réceptives
Les dysphasies constituent toute une classe de ou sensorielles
pathologies qui s'expriment sous des jours très
Le trouble prédomine sur les voies du décodage du
divers et réclament des traitements très diversifiés.
message afférent : les troubles de la compréhension

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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

Tableau 3.8. Les atteintes des différents secteurs linguistiques déterminent les divers types
de dysphasies (ici, notation des symptômes sur le versant expressif).
Dysphasies Phonologie Lexique Syntaxe Pragmatique
Phonologique- ↘ ~ normal ↘↘↘ Satisfaisant
syntaxique
Production ↘↘↘ ~ normal ↘ Satisfaisant
phonologique
Manque du mot Normal ↘↘↘ Normal Satisfaisant
(ou anomie)
Sémantique- Normal Normal Normal ↘↘↘
pragmatique
↘ : atteinte modérée, ↘↘↘ : atteinte sévère.

dominent le tableau. Les troubles de l'expression des tâches que l'on peut amorcer (Analyse catégo-
ne sont que la conséquence des anomalies sur les rielle des EDEI-R). En effet, les épreuves de rai-
voies afférentes, d'où l'importance, avant de juger sonnement perceptif des échelles de Wechsler et
de l'expression, d'évaluer la compréhension. les tests non verbaux nécessitent malgré tout un
En fait, on distingue deux tableaux très diffé- minimum d'explications orales pour que l'enfant
rents et de sévérité très inégale en fonction des comprenne bien la tâche qui lui est demandée.
mécanismes atteints. Pour affirmer la nature structurelle du
trouble, il faut rechercher une dissociation carac-
Surdités verbales téristique au sein des compétences auditives,
Les surdités verbales (ou agnosies verbales) sont qui, lorsqu'elle est présente, permet cliniquement
des troubles graves de la segmentation du dis- d'affirmer le diagnostic. Il s'agit d'une dissocia-
cours et de l'identification des mots. tion entre :
L'enfant entend bien (le bilan auditif doit être • d'une part, la compréhension des sons
complet : audiogramme, PEA), mais ne peut non linguistiques (bruits, instruments de
attribuer de sens au flux afférent de paroles. Le musique, cris d'animaux), souvent préservée
trouble de la compréhension orale est massif. De et qui peut être explorée par la désignation
ce fait, l'expression ne se met pas en place : l'enfant d'images correspondant aux sons entendus
consulte précocement, avant 3 ans, pour absence (lotos sonores) ;
de langage oral. Rapidement (dès 4–5 ans), en
l'absence de diagnostic et d'une prise en charge Attention !
adaptée, des troubles du comportement peuvent Les onomatopées utilisées pour « dire » les
apparaître et l'ensemble du tableau peut alors bruits d'animaux (« miaou, ouah-ouah, bêêê,
faire croire, à tort, qu'il s'agit de troubles enva- cui-cui… ») sont des mots, au même titre que
hissants du développement ou d'un autisme. En l'ensemble du lexique. D'ailleurs, ces termes sont
effet, ces enfants présentent souvent des troubles différents selon les pays, et si les vaches fran-
du comportement et/ou des troubles relationnels çaises font « meuh », les vaches anglaises font
qui rendent difficile l'examen. D'ailleurs, chez « moo » ! Au contraire, l'écoute d'un chat qui
certains enfants autistes, on a pu mettre en évi- miaule, de l'enregistrement d'un chien qui aboie
dence des troubles de la reconnaissance de la voix ou d'un agneau qui bêle est un véritable bruit de
humaine, de la parole, des intonations, etc. l'environnement.
Du fait que l'enfant ne comprend pas les
consignes orales, il peut être judicieux d'utiliser • d'autre part, la compréhension des sons du lan-
une observation dirigée et/ou des tests psychomé- gage quasi nulle ou très réduite. L'absence quasi
triques multitâches conçus pour les enfants sourds totale d'expression orale est donc secondaire au
(Wechsler non verbal, Snijders-Oomen, Leiter) ou trouble de compréhension.

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Chapitre 3. Troubles du langage oral : le diagnostic d'une dysphasie

Les éléments dont la mise en évidence simulta- Lors de l'évaluation, outre les confusions per-
née permet d'affirmer cliniquement le diagnostic ceptibles dès les premiers échanges (par ex.,
sont : l'enfant écrit son nom alors qu'on lui demande
• la préservation (totale ou relative) de capacités de tracer un rond !), on note des erreurs lors des
de raisonnement non verbal (tris, catégorisa- épreuves de désignation d'images (VOCIM ; par-
tions selon l'âge) ; tie dite passive du TVAP ; EVIP) ou lors d'épreuves
• l'intérêt pour des jeux ou du matériel adapté nécessitant un jugement « pareil/pas pareil » entre
à l'âge contrastant avec une absence d'intérêt deux items successifs prononcés par l'examina-
pour la parole et le langage ; teur (EDP 4–8, épreuves extraites des bilans de
• la préservation de l'intérêt et de la compréhen- langage). Ces erreurs ne signent pas un faible
sion de la signification des bruits. niveau lexical ni une méconnaissance du voca-
L'enfant doit alors impérativement être adressé bulaire : indépendamment du score obtenu par
en neurologie infantile pour des explorations l'enfant, on note (analyse qualitative des erreurs)
complémentaires (EEG, PEA tardifs, IRM…) à que les échecs consistent en confusions de mots
visée étiologique. phonologiquement proches : /canif-caniche/,
/classe-glace/, /palais-balai/, /cadeau-gâteau/, etc.
Ce trouble de discrimination phonologique peut
être isolé ou coexister avec d'autres troubles linguis-
On peut observer des symptômes proches chez
tiques appartenant aux dysphasies d'expression.
les enfants souffrant d'un syndrome de Landau-
Il est toujours utile d'explorer la mémoire de
Kleffner (épilepsie touchant les lobes temporaux),
réalisant alors une surdité verbale acquise (apha- travail auditivoverbale et la boucle phonologique.
sie), avec perte graduelle du langage, initialement
acquis normalement. Dysphasie expressive,
phonologique-syntaxique
Ce type de dysphasie est, de loin, la plus fréquente
Troubles de discrimination phonologique des dysphasies. L'enfant parle tard, peu et mal. Les
Beaucoup plus fréquents et beaucoup moins graves, anomalies concernent tant la phonologie que la
ces troubles peuvent cependant être responsables syntaxe, et ne consistent pas en un simple déca-
de distorsions importantes de la compréhension lage chronologique global des acquisitions. La
orale. Là encore, le bilan de l'audition doit être par- réduction psycholinguistique est de règle.
ticulièrement soigneux. L'enfant confond les sons
proches, ne perçoit pas les oppositions signifiantes
entre phonèmes proches. Des confusions itératives Le déficit syntaxique — donnant un langage sou-
vent qualifié (à tort) de « bébé » —, est toujours
de sens peuvent perturber notablement la compré-
au premier plan en expression, mais on peut
hension du discours de l'autre.
également le noter, à un moindre degré, lors des
Les mêmes confusions de sons se retrouvent alors épreuves de compréhension syntaxique.
dans la production phonologique de l'enfant (l'enfant
parle « tard » et produit longtemps un jargon phono-
logique fluide, plus ou moins intelligible), puis per-
En ce qui concerne le bilan, il faut être vigilant :
turbent les premiers apprentissages de lecture-écriture.
• lors de l'évaluation du niveau de facteur G :
– comme nous l'avons déjà dit, certaines
épreuves réputées non verbales requièrent en
Le diagnostic est très important, puisqu'il s'agit fait des compétences linguistiques,
de rapporter les troubles de l'expression (souvent – en contrepartie, certaines épreuves verbales
étiquetées « retard de parole ») à leur véritable peuvent, en cas de dysphasie modérée, être
cause : c'est bien la difficulté de traitement des proposées et valides (Similitudes…), il ne faut
oppositions phonologiques propres à la langue donc pas s'en priver,
qu'il faudra d'abord considérer et prendre en – la co-occurrence (assez fréquente) d'une dys-
compte.
praxie peut rendre ininterprétable les scores

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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

de l'échelle performance, et le risque est ment moins déficitaires que les compétences
grand alors de voir confondre ces enfants qui ­morphosyntaxiques (et phono­logiques), ce qui
présentent une dysphasie et une dyspraxie est un élément très important du diagnostic
avec des enfants déficients mentaux ; (tableau 3.8).
• lors de l'évaluation des compétences linguis-
tiques, bien utiliser des tests spécifiques à
chaque fonction linguistique (tableaux 3.9 et Trouble de production
3.10) afin de ne pas gommer les dissociations phonologique
intralinguistiques. En général, les compétences La figure 3.2 résume les étapes débouchant sur la
lexicales sont respectées, ou significative- réalisation (production) de la parole.

Tableau 3.9. Exemples d'épreuves de langage utilisables pour explorer un secteur


linguistique spécifique.
Secteur Afférent, compréhension Efférent, expression
exploré
Phonologie Discrimination auditive Répétition
– EDP 4-8 Subtest du domaine« Phonologie » de la N-EEL
– Désignation d'images
phonologiquement proches (pain/bain)
Syntaxe Compréhension Expression
– O 52 – Subtest de la N-EEL (Phrases à compléter)
– ÉCOSSE – Subtest de la ELO (Production d'énoncés)
– ELO – NSST
– NSST – TCG
(+ épreuves de jugement syntaxique de
phrases entendues). On trouvera aussi
une épreuve de jugement syntaxique
dans la batterie mémoire de travail,
D'Alboy
Lexique Connaissance (voc. « passif ») Évocation
– Subtest de la N-EEL (désignation) – Subtest de la N-EEL (dénomination)
– Partie passive du TVAP – Partie « active » du TVAP (définition de mots)
– EVIP – Subtest Dénomination de la BEPL (sur image et à partir
– VOCIM- WPPSI (Compréhension de de définitions)
mots) – Subtest Devinettes du K-ABC
– Fluence (NEPSY, DKefs)
– Subtest extrait du MSCA, du L2MA
Pragmatique Ordres simples ou complexes : Contenu et pertinence du discours, fluidité,
– Compréhension de interactions langagières
consignes (NEPSY) – BEPL-B, Le bain des poupées
– Subtest Compréhension de questions – Subtest de la N-EEL
N-EEL – La chute dans la boue
– ELO Compréhension – Production d'énoncés de la ELO
– PELEA,1 compréhension du second – Ces épreuves permettent aussi d'apprécier la richesse
degré et des dictions lexicale, l'utilisation de la morphosyntaxe et la longueur
moyenne des énoncés (LME).
1
L'EVAC propose une épreuve d'interprétation de métaphores, mais dont l'entrée est à l'écrit.

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Tableau 3.10. Analyse neuropsychologique des principaux tests de langage monotâches.
Test Âge Domaine exploré Autres compétences sollicitées
« Entrées » « Sorties »
TVAP, partie passive 3–8 ans Lexique afférent Images : regard et gnosies visuelles Désignation en choix multiple : attention et
fonctions exécutives
TVAP, partie « active » idem Lexique, métalangage Auditivoverbales Parole-définition de
(expression) mots = métalangage + évocation + syntaxe
EVIP 2,5–18 ans Lexique afférent Images : regard et gnosies visuelles Désignation en choix multiple : attention et fonction
exécutives

Chapitre 3. Troubles du langage oral : le diagnostic d'une dysphasie


VOCIM 3–9 ans Lexique afférent Images : regard et gnosies visuelles Désignation en choix multiple : attention et
fonctions exécutives
Devinettes du K-ABC 2,5–12,5 ans Lexique : expression -Auditivoverbales - Mémoire de travail Parole
Épreuves d'I. Jambaqué 6–14 ans Lexique : accès et Images : regard et gnosies visuelles Parole
113

et G. Dellatolas (2000) expression


ÉCOSSE (partie orale) 4–12 ans Syntaxe : compréhension Images : regard et gnosies visuelles Désignation en choix multiple : attention et
fonctions exécutives
O52 3–7 ans Syntaxe : compréhension Images : regard et gnosies visuelles Désignation en choix multiple : attention et
fonctions exécutives
TCG 5–10 ans Syntaxe : expression Images : regard et gnosies Parole
visuelles + auditivoverbale et mémoire
de travail
Compréhension NEPSY 3–16 ans Compréhension : Attention visuelle et auditive-Mémoire Désignation
combinatoire lexicale et de travail
longueur
EDP 4-8 4–8 ans Phonologie afférente – Auditivoverbale [concept « pareil/pas pareil »]
(discrimination – Mémoire de travail
phonémique)

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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

La réalisation proprement dite de la parole est structurel du langage. Celui-ci peut être intact et
donc précédée d'étapes cognitives de haut niveau on parle d'une dysarthrie (déficit neuromoteur
correspondant au stockage et à la représentation de la sphère buccophonatoire). Les déformations
phonologique des mots, la programmation de phono­ logiques, voire les impossibilités, sont
type praxique de la suite des commandes motrices stables, régulières, prévisibles, toujours les mêmes
de la sphère buccophonatoire menant à l'émission chez un même enfant. À noter, souvent, un micro-
des sons de la langue composant les mots. bavage persistant lors de tâches attentionnelles.
À chaque étape, un trouble peut toucher électi- Les enfants sont très aidés par l'apprentissage de
vement le développement de ces dimensions sous- la lecture, et c'est la prise en charge de choix. En
jacentes à la production de la parole : effet, inutile d'entraîner la répétition qui n'aide pas
le patient : ce sont les effecteurs qui sont en cause.
• Lorsqu'il s'agit d'un trouble lié à la fragilité de
Ce dernier trouble est d'une grande fréquence.
la représentation phonologique des mots, on
Soit il est isolé et l'enfant est fluent (fluidité des
est en présence d'un véritable trouble du lan-
émissions verbales), mais difficilement intelligible
gage. L'encodage phonologique est alors flou, la
du fait des distorsions phonologiques qu'il pro-
récupération est de qualité variable. L'enfant est
duit, soit le trouble de production phonologique
aidé (momentanément) par le « modèle » pro-
est associé à un certain degré de dyssyntaxie et
posé par l'examinateur au cours des tâches de
on se rapproche du tableau du type dysphasie
répétition de mots. Au contraire, la production
phonologique-syntaxique (en général cependant,
spontanée est instable, dépendante de l'envi-
le trouble de production phonologique est au pre-
ronnement lexical ou morphosyntaxique de
mier plan et la dyssyntaxie avérée mais modeste).
la phrase. Ayant partie liée à la représentation
L'évaluation doit éviter les mêmes écueils que
des frontières des phonèmes de la langue, des
dans la dysphasie phonologique-syntaxique. En ce
variations licites ou illicites pour une langue
qui concerne le bilan de langage proprement dit,
donnée, la conscience phonologique est géné-
les épreuves de répétition sont centrales pour ce dia-
ralement déficitaire, avec un impact péjoratif
gnostic. Là encore, ce n'est pas tant le score obtenu
sur l'apprentissage de la lecture. Cependant, le
par l'enfant à ces épreuves qui sera déterminant pour
recodage visuel de certaines suites de sons peut
le diagnostic que l'analyse qualitative de ses erreurs
par la suite stabiliser les représentations phono-
phonologiques. Ainsi, pour juger des performances
logiques fluctuantes.
de l'enfant, il faudra faire varier plusieurs critères
• Lorsqu'il s'agit d'un trouble praxique, dans la
des mots à répéter : mots vs non-mots, longueur
sphère buccophonatoire, l'automatisation des
des mots, fréquence dans la langue, influence des
« gestes » articulatoires ne s'inscrit pas normale-
phénomènes de coarticulation au sein des mots, etc.
ment et l'enfant ne dispose pas des engrammes
Lorsque le trouble est « pur », les épreuves mor-
moteurs fiables lui permettant, sans effort, de
phosyntaxiques sont bien réussies.
produire la suite rapide des sons de la langue.
Ici aussi, les erreurs sont instables, dépen-
dantes du contexte, des co-articulations, etc. On ne peut parler de trouble de production
Cette dyspraxie de la parole peut entraîner des phonologique que si l'enfant ne présente pas de
troubles de la structuration des phrases, par des trouble de discrimination phonologique.
effets de doubles tâches. Cependant, en prin-
cipe, les représentations morphosyntaxiques
sont préservées. On évaluera les praxies bucco-
phonatoires en faisant réaliser volontairement Manque du mot
à l'enfant des configurations faciales du type : Cette dysphasie, également appelée anomie, est
gonfler une joue, faire semblant de gonfler un plus rarement diagnostiquée : c'est probablement
ballon, faire souffler des bougies imaginaires, pour cette raison qu'on la croit peu fréquente.
envoyer un baiser avec les lèvres… C'est un symptôme qui peut être isolé mais qui
• Lorsqu'il s'agit d'un trouble moteur, apparent est souvent diversement associé aux précédents
au moment de la réalisation motrice du flux du (trouble de production phonologique, dyssyn-
langage, on n'est plus en présence d'un trouble taxie) alourdissant fâcheusement leur pronostic.

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Chapitre 3. Troubles du langage oral : le diagnostic d'une dysphasie

Lorsque le trouble est isolé, « pur », il passe faci- Les batteries composites de langage répondent
lement inaperçu en langage conversationnel, spon- à la question du niveau global de développement
tané ; il est même facilement confondu (en l'absence du langage atteint par l'enfant (« âge langagier »),
d'examen) avec un « vocabulaire pauvre », du fait et, partiellement (selon les subtests proposés dans
de l'emploi fréquent de termes vagues (« des trucs, telle ou telle batterie), à la question de savoir s'il
des bidules, des machins… »). Seules les épreuves existe, ou non, une dissociation intralinguistique
de langage induit en permettent le diagnostic en (déficit grossièrement homogène dans les diffé-
mettant en évidence une dissociation pathologique rents secteurs de la langue, ou, au contraire, nette
entre lexique connu (VOCIM, partie passive du hétérogénéité).
TVAP) et lexique produit. Certains tests, monotâches, ont au contraire
Notons aussi l'intérêt des épreuves d'I. Jambaqué été prévus pour évaluer un seul aspect des com-
et G. Dellatolas (2000) : l'épreuve de dénomination pétences linguistiques de l'enfant. Ils sont donc
d'images, d'administration rapide et facile, est parti- particulièrement précieux pour préciser le type
culièrement pertinente pour le diagnostic du manque de dysphasie dont souffre l'enfant.
du mot ; cette épreuve est valide de 6 à 14 ans. Ils sont dédiés à un aspect particulier du
Les épreuves de dénomination d'images langage (phonologie, lexique, syntaxe ou prag-
et d'évocation lexicale (épreuves de Fluence matique), dans son versant afférent ou efférent
sémantique de la NEPSY ou de la DKefs selon (tableau 3.10). Ils sont très utiles pour mettre
l'âge, subtest des Devinettes du K-ABC) sont les en évidence des dissociations au sein même des
épreuves maîtresses de ce diagnostic. Il existe compétences linguistiques chez un même enfant.
désormais une épreuve informatisée d'évocation Citons, entre autres :
rapide (BIMM16), permettant de juger et des capa- Sur le versant réceptif :
cités de dénomination et la rapidité l'évocation du • Les tests d'évaluation du lexique connu
mot (avec erreurs ou non). (Désignation) : VOCIM, TVAP, EVIP (permet
d'évaluer les grands adolescents).
Signes associés En outre, aucun jugement de type « vocabulaire
pauvre » ne peut être valide sans un test de ce
Les dysphasies sont souvent accompagnées de
type, à l'étalonnage fiable.
symptômes extralinguistiques dont il faudra éva-
luer l'intensité et l'impact sur la vie quotidienne,
les apprentissages, le pronostic : Rappel
• déficit de la structuration temporelle ; Les épreuves de définition de mots (partie dite
• déficit de la mémoire immédiate auditivover- active du TVAP par ex., subtest Vocabulaire des
bale (la répétition simple de phrase est souvent échelles de Wechsler) ne peuvent être considé-
déficitaire), voire de la mémoire à LT ; rées comme reflétant le niveau de connaissances
• déficit de la mémoire de travail, en particulier lexicales de l'enfant : on peut connaître un mot
dans son versant « auditivoverbal » et « boucle et sa signification, l'employer à bon escient et ne
phonologique » ; pas pouvoir le définir. Ces épreuves testent donc
• dyscalculies ; les capacités métalinguistiques de l'enfant. De
• difficultés souvent sévères d'accès au langage écrit. même, l'épreuve de Compréhension du WISC est
en fait une tâche complexe d'analyse de situa-
tion de la vie quotidienne, impliquant, outre
des connaissances fines sur le monde, les deux
Les épreuves de langage versants du langage, réceptif (comprendre les
consignes assez complexes) et expressif (expri-
De nombreux tests ont été conçus pour explorer le mer une idée élaborée).
langage oral de l'enfant. Cependant, tous les tests
ne répondent pas aux mêmes questions.
• Les tests de compréhension morphosyn-
taxique : O52, L'ECOSSE (évaluation de la
16
Batterie informatisée du manque du mot, P. Gattignol,
S. Marin Curtoud, ECPA. compréhension syntaxique à l'oral et/ou à

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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

l'écrit, permettant aussi de comparer les deux (analyse de tous les phonèmes et des transitions
canaux), Compréhension de la ELO (avec disso- complexes).
ciation des énoncés imageables, ne nécessitant
pas d'inférence, et des énoncés non imageables,
pour lesquels une inférence est nécessaire : tout Attention !
n'est pas décrit dans l'image). Avant de conclure en termes de trouble (ou défi-
Pour les plus âgés, et lorsque les troubles sont cit) dans le domaine considéré, il convient de s'as-
modérés, on peut prolonger l'évaluation avec surer que l'enfant n'a pas été mis en difficulté par
des épreuves de langage élaboré, par ex. avec les fonctions sollicitées par les modalités d'entrée
le PELEA17 (second degré, métaphores…). Il (présentation du matériel) ou les modalités de
est intéressant en particulier d'administrer sorties (réponse), et ce, indépendamment de la
une épreuve de compréhension d'expres- nature même de la tâche proposée (tableau 3–10).
sions idiomatiques ou de dictons, ce qui Lorsque l'on suspecte de tels biais, il est très
apporte plusieurs informations pertinentes : important de proposer alors une épreuve testant
connaissance par l'enfant de ces expressions, le même secteur linguistique, mais utilisant soit
une autre afférence, soit une autre modalité de
interprétation superficielle ou au premier
réponse.
degré… L'étalonnage manque cependant de
sensibilité.
Sur le versant expressif : Matériel imagé
• Les tests d'expression lexicale (dénomina-
tion d'images) : épreuves de Jambaqué et Toutes les épreuves proposant du matériel imagé
Dellatolas (2000), Expressive One Word Picture (images, photos, dessins), qu'il s'agisse de dési-
Vocabulary Test18. Ces épreuves sont indispen- gnation d'images, de dénominations d'images
sables non seulement pour juger du niveau ou de récits, sollicitent le regard et les gnosies
de lexique en expression (Dénominations, visuelles :
Fluences), mais encore pour affirmer un éven- • le regard, car il faut que l'enfant ait exploré
tuel « manque du mot ». Le manque du mot peut visuellement l'ensemble des propositions ima-
être objectivé sur la base du test informatisé de gées : en cas de troubles de l'oculomotricité,
la BIMM (latences). On peut juger de la qualité d'anomalies de la stratégie du regard (chap. 5)
des fluences et de l'accès au réseau sémantique ou troubles de l'attention visuelle (chap. 7), l'en-
grâce à plusieurs épreuves prévues pour des fant peut n'avoir pris connaissance du matériel
âges différents (DKefs, NEPSY2). que de façon parcellaire ;
• Les tests d'expression morphosyntaxique : • les agnosies visuelles, car les images ou dessins
NSST, TCG, ELO (Production d'énoncés, proposés doivent être correctement perçus et
Deltour). interprétés par l'enfant : c'est un préalable indis-
• Les tests de discrimination phonologique : EDP pensable à toute désignation, dénomination ou
4–8, épreuve de Répétition de mots de la NEEL récit pertinent (chap. 5).

Afférence auditivoverbale
17
PELEA, protocole d'évaluation du langage élaboré de
l'adolescent, Boutard C., Charlois A.-L., Guillon A., Toutes les épreuves sur afférence auditivoverbale
Ortho Edition, étalonné de 11 à 21 ans. (devinettes, complétion de phrases, répétition de
18
D'usage courant pour les populations francophones du mots, de phrases, etc.) nécessitent, non seulement
Québec. Épreuve américaine (langue anglaise), mais la perception et la compréhension du stimulus
comme souvent présentant un matériel très varié, de entendu, mais également des performances atten-
nombreuses planches et un étalonnage étendu (de 2 ans tionnelles et de mémoire de travail.
à plus de 70 ans sur plus de 2 000 sujets). Quelques items
sont non pertinents pour les francophones français
En effet, en cas de mémoire de travail défail-
(faible familiarité). Remarquez, dans certaines planches lante, l'enfant ne pourra pas tenir compte de
destinées aux plus jeunes, un travail de catégorisation l'ensemble des éléments présentés auditive-
(facteur G), avec un groupe d'items à désigner d'un mot ment ; ses réponses en seront alors sérieusement
pour la catégorie (des animaux, de la nourriture…). affectées.

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Chapitre 3. Troubles du langage oral : le diagnostic d'une dysphasie

Réponses en choix multiple restant extrêmement important et une certaine


Toutes les épreuves qui proposent une réponse stagnation du développement étant observé, la
en choix multiple (désignation d'un item parmi question s'est vite posée d'un suivi en psycho-
d'autres) nécessitent à la fois des compétences thérapie ». Aucune évaluation psychométrique ni
d'exploration du regard (nécessité de parcourir bilan de langage n'a été effectué à l'époque…
du regard l'ensemble des propositions de réponse, Or, il est impossible, au décours d'une unique
cf. supra) et d'attention-concentration (fonctions consultation, de proposer ces épreuves en même
exécutives, chap. 7). temps qu'un bilan linguistique. On effectue donc
Un enfant en difficulté dans ce domaine seulement un bref sondage dans les fonctions non ver-
pourra échouer en raison de réponses impul- bales en proposant une suite logique de jetons (plaques
sives (il répond sans avoir pris connaissance de logiques Nathan) qui nécessite la coordination d'une
l'ensemble des items) ou de persévérations, ou alternance 1/1 (ronds/carrés) et d'une alternance 2/2
encore de troubles du choix (l'enfant montre tous (couleurs), suite habituellement réussie en grande
les items, ou toujours le premier, ou toujours le section (> 5 ans et demi). Louis comprend immédia-
dernier…). tement la règle et réussit avec rapidité. En l'absence
d'autres renseignements, nous nous basons sur cette
épreuve de logique (ni langagière ni practomotrice)
Réponses orales pour faire crédit à Louis d'une intelligence non verbale
Toutes les épreuves qui réclament une réponse « probablement » (!) concordante avec son âge réel.
orale nécessitent des capacités d'évocation Le bilan de langage montre :
sémantique, lexicale et phonologique et des capa- • un trouble syntaxique majeur, aussi bien en com-
cités suffisantes de réalisation arthrique (praxies préhension (O 52 < 4 ans) qu'en expression, avec
et motricité buccophonatoires). une hypospontanéité du discours, des phrases
très courtes, souvent faites de la juxtaposition
de mots pleins, entrecoupées de silences et com-
plétées par des mimes très expressifs. Par ex.,
Cas de pratique clinique récit du film Le Roi lion : « (mime de courir) –
tué/mort… (mime d'attaque, ouvre la bouche
Louis ou l'hypothèse et mime un rugissement effrayant) – piti bébé,
psychologique grandir – amis (mime le fait de se promener en
Louis, en grande section de maternelle et en chantant), etc. » ;
grande difficulté de langage, consulte à l'âge de • un trouble de production phonologique tel qu'il
6 ans. La consultation est motivée par la décision à est souvent inintelligible : « atje » pour /vache/,
prendre pour la prochaine année scolaire : main- « eufan » pour /éléphant/, « achon » pour /pois-
tien en maternelle ou orientation en IME19 ? son/, « bentiteur » pour /ventilateur/ ;
Le retard global du développement psychomo- • une fluence verbale (sémantique) très déficitaire,
teur, le retard graphique, le retard de parole-lan- puisqu'en 1 min, Louis ne peut citer que trois
gage ont été rattachés au décès brutal du père alors « choses qui se mangent ».
que Louis n'avait que 11 mois. Il est donc suivi On peut donc, au décours de cette consul-
par le CMPP sur un plan psychothérapeutique, tation, suspecter fortement une dysphasie
au rythme d'une séance par semaine : « à 3 ans phonologique-syntaxique.
10 mois, c'est un enfant vif, souriant, très remuant Pour en faire la preuve, on demandera que le
[…]. Il ne disait que quelques syllabes et une série bilan soit complété par la passation d'une WPPSI
de sons incompréhensibles. Mais il se montrait et d'un bilan de langage complet : phonologie,
très content d'entrer en relation, prenant plaisir lexique et syntaxe, sur chacun des deux versants,
à jouer, à quêter un mot, une réponse, avec une afférent et efférent. Le diagnostic sera confirmé,
envie de savoir, d'apprendre. Néanmoins, le retard la prise en charge de l'enfant sera alors réajus-
tée (orthophonie, trois séances par semaine) de
même que son orientation (demande d'admission
19
Institut médicoéducatif. dans une classe spécialisée).

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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

Charles, 9 ans 9 mois, CM1 nouveau bilan met en évidence des troubles de la
sphère orofaciale : « hypotonie linguale, succion/
Une hypothèse psychogène respiration/déglutition/mastication pas instal-
de trouble de la relation lées ». On note des difficultés de motricité faciale
Charles a des difficultés scolaires anciennes et et un trouble de la parole prégnant. En fin de prise
intenses. Le contexte familial est difficile, avec en charge, un an plus tard, l'évaluation révèle
une séparation parentale conflictuelle et doulou- une bonne progression du langage (vocabulaire,
reuse, qui n'est pas encore réglée. Avec son frère syntaxe) et de faibles séquelles du trouble articu-
jumeau (qui ne présente pas de trouble), il est en latoire. L'expression morphosyntaxique le situe
garde partagée. Des consultations en pédopsy- dans la moyenne basse. Il semble qu'il n'y ait pas
chiatrie ont évoqué un trouble envahissant du de troubles majeurs de la compréhension.
développement (TED) enraciné dans la désorga- Au terme de son travail, l'orthophoniste oriente
nisation de la situation familiale. Le père reste la famille vers un psychomotricien qui va s'occu-
dubitatif et demande la réalisation d'un bilan per des troubles de l'écriture. Aujourd'hui, selon
neuropsychologique complet. l'entourage, l'expression semble néanmoins mar-
quée par des problèmes de syntaxe importants.
L'élocution de l'enfant paraît souvent décousu,
Histoire développementale avec une certaine difficulté à trouver ses mots.
La grossesse gémellaire n'a pas posé de diffi- Il s'aide beaucoup en s'accompagnant du geste.
cultés particulières. L'accouchement a eu lieu à Charles coupe souvent la parole pour parler de ses
terme par césarienne. Il n'y a pas eu de troubles sujets favoris, indépendamment de la conversa-
périnataux. Par la suite, Charles semble atteindre tion. Les troubles de l'expression semblent s'être
les étapes de développement attendues avec aggravés depuis 6 mois environ : l'enfant bégaie.
6 mois de retard environ par rapport à son frère. À l'entrée au CP, les premiers apprentissages
L'accordage entre les parents et l'enfant a été bon. formels sont difficiles. L'accès à la lecture est
La marche indépendante était acquise à 18 mois laborieux. En fin d'année, l'enfant ne sait pas lire.
pour Charles. Par la suite, il semblait pataud, très Depuis, les progrès sont néanmoins significatifs.
prudent, n'osant pas faire. Les problèmes de graphisme restent en revanche
Le développement du langage a été lent. Au encore prégnants.
cours de la 2e année de vie, Charles ne réagissait Les difficultés restant importantes au CE1,
pas à son prénom, aux appels qui lui étaient adres- un bilan d'efficience intellectuelle est réalisé à
sés. Encore aujourd'hui, il ne répond pas toujours l'âge de 7 ans 10 mois. Il révèle une dissociation
à son nom. L'audition a été vérifiée à 2 ans, qui n'a massive de 40 points entre l'échelle verbale et
pas mis en évidence de déficit. Vers 3 ans, l'en- l'échelle perceptive, sans préciser dans quel sens
fant ne comprenait manifestement pas certaines (!). Cependant, étant donné que la psychologue
consignes. Aujourd'hui, il a encore du mal à inter- engage à la poursuite d'une prise en charge ortho-
préter certains énoncés et répond à côté (« Est-ce phonique, on suppose que l'échelle verbale était
que tu veux des pains au lait ? ». Réponse : « J'en ai en panne, d'autant que l'épreuve d'abstraction
chez maman », répété trois fois, avant de dire : « Je verbale provoque une telle anxiété chez l'enfant
sais pas »). Il reste volontiers à regarder des des- que la passation doit en être interrompue dès le
sins animés pour enfants nettement plus jeunes 2e item.
que lui. Un nouveau bilan psychologique est réalisé à
Sur le versant expressif, les premières phrases 8 ans 9 mois. La psychologue pose d'abord une
construites sont apparues à 3 ans et demi. Des hypothèse de trouble de la compréhension orale.
séances d'orthophonie sont mises en place à par- Mais devant les fluctuations de performance,
tir de l'âge de 4 ans, et se sont poursuivies jusqu'à elle préfère l'hypothèse d'un « comportement de
l'âge de 8 ans (méthode Padowan). La spécialiste rébellion causé par une déconsidération ».
note en début de prise en charge un retard de L'investigation du développement sociocognitif
parole et de langage, un trouble articulatoire mais marque des atypies. Du point de vue de certains
une bonne compréhension. À 7 ans 2 mois, un proches, le visage de Charles est peu expressif, atone.

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Chapitre 3. Troubles du langage oral : le diagnostic d'une dysphasie

On note parfois une certaine discordance entre Charles a rapidement tendance à dire « Je ne sais
ce qu'il peut parfois exprimer et les expressions pas, je comprends rien » et même « J'abandonne ».
du visage. Charles manque parfois de tact et a pu De même, dans une épreuve exigeante, non
paraître joyeux lors du décès de proches. Ses atti- seulement du point de vue visuoconstructif, mais
tudes sont parfois décalées, et il est peu sensible aux aussi de facteur G, Charles est particulièrement à
manifestations implicites de sentiments. Il ne com- l'aise (Cubes, NS = 14). L'enfant peut partir sur une
prend pas les blagues, le second degré. Il a des sujets mauvaise piste, mais démontre une très bonne
de prédilection (intérêts restreints ?) qui reviennent capacité d'autocorrection.
(les bateaux, la mer, les requins, les dinosaures…). Ce qui frappe dans cette tâche, qui limite pour-
Il est très peu sensible à la douleur, manque de tant la dimension verbale à la transmission des
pudeur, etc. consignes, ce sont les difficultés d'interprétation
Pourtant Charles est décrit simultanément de l'enfant pour certains énoncés anodins. En
comme « adorable, très gentil, très généreux ». effet, comme on sait que l'enfant a déjà été exposé
À la maternelle, la socialisation n'avait pas posé de à cette épreuve par le passé, on lui demande, en
problème et aujourd'hui, il aime aider les autres, faisant référence aux cubes « Est-ce que tu en
en particulier les enfants du RASED qui sont as déjà vu des pareils ? ». Charles ne répond pas
en plus grande difficulté que lui. Il est pourtant mais réunit les cubes identiques, interprétant la
marginalisé en classe, pris comme tête de turc. question en dehors du contexte. De plus, même
Comme il a parfois du mal à s'adapter aux règles si on lui répète trois fois qu'on ne s'intéresse qu'à
du jeu des autres, il préfère finalement jouer seul. la surface supérieure des cubes, il continue à tenir
compte des côtés, au point qu'il réussit un item
Bilan tout en parvenant à faire les côtés uniformément
blancs…
Dans la relation duelle, Charles s'avère être un
Du point de vue des capacités de catégorisa-
garçon adapté, qui s'efforce de bien faire, mais
tion, Charles est en panne, qu'on lui présente
souvent anxieux. Il craint de se tromper et cherche
une information visuellement, ou verbalement
à être rassuré par l'adulte.
(Identification de concepts, NS = 5 ; Similitudes,
NS = 7). Malgré les encouragements, il a tendance
Dynamique intellectuelle à répondre « C'est impossible, je ne sais pas… ».
Le bilan psychométrique confirme une dissocia-
tion très importante des aptitudes intellectuelles Examen du langage oral
selon le type d'information à traiter. Lors de Devant les difficultés de compréhension, l'échec à
la passation des échelles du WISC4, il existe en certaines épreuves verbales (et à IDC), on engage
effet un écart de plus de 30 points entre l'échelle donc un bilan complet de langage. Au cours de
de raisonnement perceptif, qui situe l'enfant l'échange à l'oral avec l'examinateur, Charles se
dans la moyenne pour son âge, et l'échelle de montre certes peu disert, mais fluide et informa-
Compréhension verbale qui est déficitaire (disso- tif. Le contenu de ce qu'il dit est pertinent.
ciation présente chez moins de 1,2 % des enfants
de son âge). Mais, à regarder les résultats de plus Sur le versant réceptif
près, l'interprétation de cette dissociation sera à On est donc frappé par les très faibles résul-
moduler avec prudence, du fait d'une hétérogé- tats aux tâches métalinguistiques. La compré-
néité importante à l'intérieur de chaque échelle hension active du vocabulaire est très échouée
selon le type d'exercice proposé. Force est donc de (Vocabulaire, NS = 1). Charles a énormément de
revenir aux subtests individuels… mal à définir un mot pris isolément. La réduction
En effet, quand l'information est présentée verbale est très intense, les réponses laconiques,
visuellement, le raisonnement non sémantique avec une impossibilité à approfondir ses idées. De
chez Charles est bon (Matrices, NS = 12). Très à nombreux mots courants sont inconnus ou plus
l'aise au cours de ce travail, l'enfant se pique visi- sûrement, l'enfant ne voit pas comment élaborer
blement au jeu et s'investit pleinement jusqu'aux sa pensée en mots pour en donner une définition
premières difficultés. Quand il ignore la réponse, (« nénuphar », « obéir », « île », « cambrioleur »,

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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

« transparent », etc.). Très vite, Charles dit que encore appris ». Il ne parvient pas à interpréter
« C'est trop difficile », se renfrogne. On doit le des expressions telles que « faire de l'exercice phy-
solliciter beaucoup pour qu'il donne une réponse sique », « recycler les bouteilles vides », etc. Les
autre que : « Je sais pas ». quelques réponses données sont laconiques.
Dans ce cadre, l'analyse complémentaire de Il existe donc bien un trouble significatif de la
la compréhension passive du vocabulaire situe compréhension du langage oral chez Charles. Il est
l'enfant au-dessous de la moyenne pour son âge très hésitant quant à sa compréhension passive
(EVIP, T = 80). L'épreuve est très laborieuse pour du vocabulaire. De plus, les capacités métalin-
Charles. Quand on lui dit oralement un mot isolé, guistiques consistant à donner des définitions de
qu'il doit reconnaître parmi quatre images, il dit mots isolés sont effondrées. Le calcul morphosyn-
très souvent « Je ne sais pas », ce qui oblige à lui taxique est faible, mais c'est surtout l'interpréta-
demander un choix forcé qui est souvent faux. tion d'énoncés non imageables et d'expressions
Quand il sait, il est très lent à se décider, avec métaphoriques qui est difficile.
beaucoup d'hésitations. Le traitement est très
coûteux. Sur le versant expressif
La compréhension d'énoncés comportant des Un examen orthophonique à l'âge de 7 ans 2 mois
adverbes de lieux, de temps, des ordinaux et des car- avait évoqué chez Charles des fragilités des praxies
dinaux, etc., est effondrée (NEPSY, Compréhension buccophonatoires. On confirme au cours de ce
de consignes, NS = 1). La mémoire de travail n'est bilan une certaine hypotonie de la sphère orofa-
pas en cause (IMT, dans la norme). Bien que pou- ciale (bouche souvent ouverte, protrusion de la
vant même parfois répéter mot pour mot certains langue au cours de certaines tâches, salive au coin
énoncés, Charles insiste : « Je ne connais pas, j'ai des lèvres…). On note un visage peu expressif. Il
pas appris ». La compréhension d'énoncés de com- y a donc en réalité un déficit neuromoteur de la
plexité croissante est aussi très difficile (ECOSSE, sphère buccophonatoire, de la face, de la langue.
10e centile). Certes, il existe une certaine labilité En revanche, l'articulation est bonne (NEEL,
attentionnelle, mais certains énoncés sont clai- répétition de mots peu fréquents, à la moyenne).
rement mal interprétés (relative en « qui » ou en La fluidité verbale est dissociée. Si l'enfant n'a
« que », effacement de la relative…). Quand les aucune difficulté dans le domaine sémantique
énoncés deviennent plus ambigus et complexes, (aller chercher tous les noms d'animaux ou tous
nécessitant un appel à la pragmatique du langage ou les prénoms de garçons, NS = 15), il a beaucoup
de la situation, Charles a du mal (pour : « L'enfant plus de mal à aller chercher des mots commen-
regarde l'éléphant parce qu'il est gros », l'enfant çant par une même lettre (modalité phonémique,
choisit l'image où c'est l'enfant qui est corpulent). NS = 4). Charles ne trouve que quelques mots
Du reste, on met en évidence une très grande dans les 15 premières secondes, puis plus aucun.
difficulté de Charles à se représenter et com- Une épreuve de dénomination d'images est cor-
prendre des énoncés non imageables. Quand il rectement réussie (Expressive One Word, T = 93),
doit inférer sa réponse des données de l'énoncé en tout cas nettement mieux qu'une tâche de
pour choisir une interprétation, il se trompe désignation. Il n'y a pas de manque du mot, de
presque systématiquement (ELO, If1, −2ET). stratégie d'approche. L'accès au réseau lexical est
Malgré un second essai, il reste encore beaucoup bon. L'évocation ne pose pas de difficultés, sans
d'erreurs (If2, < -2ET). paraphasie phonémique ou sémantique.
Enfin, très peu d'expressions métaphoriques Les capacités narratives sont un peu inégales. Si le
sont comprises (« marcher sur des œufs », « jouer conte du « Petit Chaperon Rouge » est bien rapporté,
sur les mots », « avoir un cheveu sur la langue »). avec une bonne fluidité et une syntaxe correcte, la
Cependant, aucun de ces énoncés n'est interprété narration spontanée est plus laborieuse. Par deux
au premier degré. fois, Charles arrive en séance et tente de raconter une
La compréhension des situations sociales de histoire (en rapport avec la moto, ou le chien de la
la vie quotidienne est faible (Compréhension, famille), mais très vite le discours est difficile à suivre,
NS = 6). Pour la plupart des situations propo- les expressions employées sont peu appropriées et
sées, Charles répond « Je connais pas, j'ai pas difficiles à interpréter dans le contexte (pour le chien :

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Chapitre 3. Troubles du langage oral : le diagnostic d'une dysphasie

« On a recommencé à zéro… »). Pour la moto, Charles Par ailleurs, les épreuves formelles visant l'ex-
finit par abandonner en disant : « Je me rappelle plus ». ploration des compétences sociocognitives sont
Quand on lui demande de décrire une situation, il est réussies. En particulier le traitement des fausses
très bref avec une difficulté à approfondir. croyances au premier et second ordre (théorie de
En définitive, si certaines fragilités du langage l'esprit), s'appuyant sur des tâches verbales mais
expressif sont détectées, leur intensité est nette- renforcées par des illustrations imagées est bien
ment moins importante que le trouble du langage préservé (Happé). Même la détection de faux pas
sur son versant réceptif. L'évocation lexicale est dans une situation racontée à haute voix est dans
bonne et la syntaxe correcte. La mise en mots de la la moyenne des enfants de 9 ans (Baron-Cohen),
pensée est néanmoins laborieuse, l'expression est avec cependant un certain effet d'épuisement
souvent réduite. Quand il doit s'exprimer, l'enfant en fin d'épreuve. Enfin, la reconnaissance des
devient très anxieux, voire opposant, ne souhai- expressions du visage en fonction de la nature de
tant pas poursuivre l'échange. l'émotion évoquée est excellente.
À l'école, les conséquences du trouble du lan- Il n'existe donc pas de troubles de la cognition
gage sont fortement renforcées par (et/ou à l'ori- sociale chez Charles.
gine du) faible accès à la lecture. C'est le trouble du langage oral, en particulier
La lecture à haute voix chez Charles est lente sur son versant réceptif, qui est au premier plan du
et hachée (Alouette-R, - 2 ET), avec un nombre diagnostic. Ce sont à ces troubles que doivent être
d'erreurs (surtout d'assemblage) qui est très élevé rapportées les atypies d'interaction sociale. La pré-
(- 3 ET). Fonctionnellement, la vitesse de lecture à sentation amimique, liée au déficit neuromoteur
voix basse est lente (test de l'IREP, 4e centile). Au de la sphère buccofaciale de l'enfant, ne s'interprète
cours de cet exercice consistant à détecter un mot plus comme à une difficulté à exprimer les émo-
absurde dans un court paragraphe, Charles est tions, mais bien plutôt à une certaine hypotonie
très angoissé. Au deuxième item, il veut s'arrêter, de la face. Les difficultés familiales ne peuvent être
au bord des larmes. Quand on lui dit de prendre incriminées, si ce n'est que le processus de déci-
son temps, il réussit quelques questions. Mais sion concernant les prises en charge de l'enfant
ensuite, il y a beaucoup d'erreurs. s'avère moins fluide, sujet à des débats qui ne sont
Sans surprise, la compréhension de ce qui est pas dans son intérêt. En effet, c'est bien le travail
lu est effondrée. (IREP, 5e centile). Au cours d'un en orthophonie qui devra être intensifié, non seu-
exercice consistant à lire un texte et à répondre lement dans la dimension orale du langage, mais
à un QCM, sans exigence d'inférences sur les aussi dans la modalité écrite. Très anxieux, Charles
données du texte, Charles est très en panne, très devra pouvoir bénéficier d'une prise en charge psy-
gêné par cet exercice qui l'épuise, lui est presque chologique. Un travail ne passant pas par le langage
insupportable. Il préfère parfois sauter des items sera à privilégier (relaxation, ressenti et régulation
auxquels il ne comprend rien. Peu d'éléments sont des émotions…).
lus et il y a des erreurs. Des conseils seront donnés aux parents et à l'en-
Au total, il existe une dyslexie sévère chez seignant pour favoriser les apprentissages par voie
Charles, dyslexie majorée fonctionnellement par visuelle (dessins, schémas, vidéos pédagogiques)
une difficulté de compréhension du langage qui et pour valoriser ses résultats dans les matières où
l'empêche d'accéder au sens. il est en plus performant (géométrie…) pour peu
qu'il comprenne bien les consignes (problèmes
S'agit-il donc d'un TED d'allure en images, recours à des pictogrammes…).
Cependant, il faudra viser des objectifs raison-
psychogène ? nables, dans un milieu adapté (ULIS-école).
L'analyse des compétences dans la sphère de la
cognition sociale permet d'éliminer cette hypo- Larry : dysphasie ou déficience
thèse. Cliniquement, l'enfant entretient une rela-
tion appropriée avec l'adulte. Le contact oculaire mentale ?
peut paraître un peu pauvre et fluctuant en début Le jeune Larry présente une hémiplégie droite
de bilan, mais à la troisième séance, il est bon. néonatale, diagnostiquée à l'âge de 6 mois, qui

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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

justifie un suivi régulier au sein d'un grand hôpi- Le bilan langagier montre alors des dissocia-
tal parisien. La marche libre est acquise à 22 mois. tions importantes entre :
Une consultation de suivi systématique à 3 ans • les capacités de compréhension (lexicale et syn-
et demi conclut à un retard mental important, en taxique : VOCIM, O52) peu altérées, avec des
particulier au vu des résultats obtenus à l'échelle performances qui le situent aux alentours de
de Vineland (Sparrow et coll., 1984), grossière- 5 ans et demi et 6 ans (ceci confirme qu'il ne
ment bas et homogènes : communication équi- peut pas s'agir d'une déficience intellectuelle
valente à 17 mois, socialisation à 12 mois, vie profonde) ;
quotidienne à 17 mois, compétences motrices à • les capacités d'expression (lexicale et syntaxique)
17 mois. très déficitaires : la dénomination d'images, les
Les parents, inquiets de l'évolution de l'enfant, Devinettes du K-ABC sont incotables en raison
consultent de nouveau à l'âge de 4 ans et demi : d'un important manque du mot. La fluence
« Larry est souriant, de bon contact et bonne interac- sémantique est très pauvre (cinq animaux évo-
tion. Les scores au Vineland montrent maintenant qués en 1 min) et la partie expressive du NSST
une hétérogénéité certaine, aux dépens de l'échelle est incotable ; le récit (description d'images)
« Communication » (équivalents à 1 an et demi) net- comme la conversation sont très agramma-
tement plus échouée que les autres (environ 3 ans et tiques, pour autant que l'on puisse décoder sa
3 mois). Une WPPSI est alors proposée, qui lui octroie production orale (« i va à mo'd » pour « il va se
un QIP de 48 et un QIV de 49 sans que le détail des faire mordre » ; « é pati vé-illo » pour « il est parti
subtests ne soit jamais communiqué. La conclusion en vélo », formulations dont on doute qu'elles
est alors « déficience intellectuelle profonde » ; il serait puissent être mises en relation avec « une
souhaitable de commencer à prévoir l'entrée dans grande pauvreté du modèle familial » …). Il
un établissement spécialisé ». Les parents refusent ce parle peu et n'utilise que des phrases minimales
dernier conseil et organisent cahin-caha la scolarité qui comprennent rarement plus de quatre ou
de l'enfant en milieu ordinaire. cinq mots.
Un bilan orthophonique est ensuite effectué à La constatation d'une double dissociation :
5 ans et 2 mois au CMPP, à la demande de l'école. • entre les capacités raisonnementales (PM47)
En voici les résultats : « Les productions font normales et les compétences linguistiques
apparaître de nombreuses déformations phono- effondrées d'une part ;
logiques qui altèrent parfois l'intelligibilité. On • et d'une dissociation entre les capacités de
repère l'existence de rares phrases avec utilisation compréhension (préservées) et les capacités
du /je/, quelques articles, le verbe n'est pas tou- d'expression, massivement défaillantes d'autre
jours conjugué, les structures syntaxiques sont part ;
au maximum SVC (sujet-verbe-complément). conduit au diagnostic de dysphasie d'expression,
Le stock expressif apparaît peu précis, avec de de type phonologique-syntaxique. L'association avec
nombreuses erreurs du fait du mauvais modèle une dysgraphie, fréquente, et ici liée à un trouble
familial (sa maman dit « une tasse » pour dire moteur (petit syndrome cérébelleux), doit être prise
« du café »). À noter la grande pauvreté des sti- en compte pour organiser la suite de la scolarité.
mulations familiales associée à une importante
inadaptation éducative ».
Nous voyons l'enfant à 6 ans et demi, alors qu'il Ces deux exemples illustrent des cas encore trop
a été maintenu en grande section de maternelle fréquents où des a priori négatifs concernant la
et que le problème de son orientation est au pre- situation familiale et son influence sur le déve-
mier plan des préoccupations parentales. C'est un loppement de l'enfant font durablement écran à
gaucher obligé qui présente un retard graphique tout bilan, tout examen, toute évaluation.
important ainsi qu'un déficit linguistique. On se « Ces enfants […] sont orientés vers des prises
propose d'évaluer rapidement ses capacités non en charge psychothérapeutiques qui ne sont pas
verbales à l'aide du PM 47 : il y obtient un score nécessairement adaptées ou qui ne prennent
strictement concordant avec son âge réel, ce qui en compte qu'une partie de leurs difficul-
tés » (Plazza, 2000).
élimine le diagnostic de déficience mentale.

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Chapitre 3. Troubles du langage oral : le diagnostic d'une dysphasie

Laurine : retard de langage d'images, elle est très gênée par les aspects de
ou dysphasie ? production phonologique mais elle ne présente
pas de trouble de l'évocation ; la fluence séman-
Laurine parle peu et mal ; elle bénéficie d'une tique est médiocre (huit animaux en 1 min),
séance d'orthophonie par semaine au CMP voisin mais pas effondrée ;
depuis déjà 6 mois lorsqu'elle consulte, à l'âge de • enfin, la mémoire séquentielle immédiate
4 ans, avec un dossier bien documenté : (Répétition de chiffres à l'endroit, épreuves
• un K-ABC a montré des capacités à hauteur de Mouvements de mains du K-ABC) est très
de son âge réel, sauf dans certains subtests déficitaire.
(Devinettes, Mémoire des chiffres) où elle est en Ces éléments semblent nettement indiquer une
difficulté ; dysphasie phonologique-syntaxique et incitent
• un examen audiométrique a éliminé toute pré- à revoir la prise en charge (on préconise trois
somption de malaudition ; séances d'orthophonie par semaine). Il faudra, en
• le bilan de langage pratiqué par son orthopho- particulier, juger de l'évolution au cours de l'année
niste fait état à la fois d'observations en situation à venir, tant dans le domaine langagier que dans
et de résultats à des tests étalonnés : BEPL-A, l'ensemble des activités séquentielles (mémoire de
VOCIM, O52. travail, début des habiletés métaphonologiques
Toutes les épreuves de phonologie sont très afin d'anticiper sur les stratégies d'accès au lan-
échouées, et, en ce qui concerne la répétition de gage écrit).
mots faciles, Laurine se situe à – 5 ET (!) de la
norme. Les épreuves d'expression (récit sur image,
questions sur images) mettent en évidence la dys- Lamaro : trouble
syntaxie et la réduction des énoncés. Par exemple, de la communication ou pathologie
à la question : « Pourquoi le garçon est-il tombé ? »,
elle répond : « Pakeu i va bobo ». du langage ?
Au cours de la consultation, on constate les Le jeune Lamaro, d'origine sénégalaise (né en
mêmes difficultés. Certains arguments plaident France), sans aucun antécédent particulier, est
en faveur d'une dysphasie : suivi depuis l'âge de 2 ans et demi. En effet, en
• l'inhibition psycholinguistique et l'importante petite section, Lamaro ne parlait pas du tout, com-
réduction de la longueur moyenne des énoncés prenait difficilement ce qu'on lui disait, avait peu
(trois mots, exceptionnellement quatre) ; de relation avec les autres enfants. Le diagnostic
• l'importance du trouble phonologique et syn- d'autisme est évoqué et un suivi est institué (psy-
taxique en afférent (compréhension) et en effé- chothérapie, jardin d'enfant dit « thérapeutique »,
rent (expression), avec présence de marqueurs psychomotricité…) d'abord au CMPP puis en
de déviances ; on note en particulier des per- hôpital de jour.
sévérations, des complexifications arthriques Vers 3 ans et demi, les parents découvrent que
(éléphant devient « téfrétran »), et des structures Lamaro sait lire : il a appris seul, spontanément ;
syntaxiques très altérées avec utilisation passe- à 4 ans, il lit couramment ! Cette lecture, alors
partout du syntagme « i va ». Par exemple, « I va qualifiée « d'hyperlexie », ne lui donne cepen-
zenti » (gentil), « I va bobo », « I va chaud », pour dant pas accès à la compréhension du texte. Mais
« Il va se brûler, c'est chaud ». À noter que l'im- l'évolution est dès lors marquée par une mise en
portance du trouble phonologique gêne souvent place progressive des échanges verbaux, échanges
l'appréciation de la structuration syntaxique ; toujours perturbés par une compréhension très
• le contraste entre l'importance des troubles lacunaire et très infiltrés d'écholalies.
phonologiques et syntaxiques d'une part, et, Vers l'âge de 5 ans, sur conseil du médecin sco-
la relative préservation des capacités lexicales, laire, Lamaro est adressé au neuropédiatre d'un
nettement moins atteintes (dissociation intra- centre référent parisien. Le contact est jugé bon,
linguistique, d'autre part. En effet, en désigna- adapté, malgré une agitation importante. Il faut
tion d'images (VOCIM), elle se situe seulement souvent le toucher pour attirer son attention (l'au-
à - 1 ET de sa classe d'âge. En dénomination dition a été vérifiée, elle est normale), l'attention

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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

est très labile et ne peut être maintenue que sur important entre les compétences générales de
des tâches non verbales. leur fils, qui leur paraît être adapté et pertinent,
Les tests pratiqués montrent : et ses réalisations scolaires. Ils reconnaissent que
• des notes supérieures à la norme aux épreuves Justin s'exprime encore mal en français. Ils ne
non verbales des échelles de Wechsler sont pas eux-mêmes des locuteurs natifs de l'an-
(IRP > 130, NS = 15 aux Cubes, NS = 17 aux glais, mais pour autant qu'ils puissent en juger,
Matrices) ; l'expression en anglais est aussi fautive. Le per-
• des performances très faibles dans les épreuves sonnel de l'école le confirme. Alors que le départ
verbales, cependant évaluables : Vocabulaire de la famille pour une nouvelle destination est
NS = 3, Compréhension NS = 3 ; on est frappé de imminent, ils s'interrogent sur le système scolaire
ses bonnes capacités de répétition (de mots, de le plus adapté (en anglais, en français ?).
phrases), normales pour l'âge réel (NS = 10 au
subtest Phrases mémorisées) ; il n'existe aucun Une histoire développementale
trouble phonologique ni en réception, ni en
qui fournit des alertes
expression ;
• un niveau de lecture de 8 ans 4 mois (CE2) à Conçu dans le cadre d'une PMA chez des parents
l'Alouette et de CM1 au texte « Notre lapin ». La jeunes, on ne signale pas de particularités lors de
lecture est fluide, sans aucune erreur de déchif- la grossesse ou de l'accouchement. Lors des pre-
frage. La compréhension est correcte pour les miers mois de vie, Justin s'avérait un bébé vif et
mots isolés (mots sous images) et les petites tonique, la communication avec l'entourage était
phrases mais très déficitaire pour une petite bonne. Cependant, il semble qu'il ait eu peu de
histoire. babillages. La marche indépendante a été un tar-
Le diagnostic de dysphasie réceptive est alors dive à 17 mois, mais sans troubles ultérieurs de
posé et l'enfant est adressé à un SESSAD « troubles la motricité globale chez ce garçon aujourd'hui
du langage ». sportif.
Du point de vue du langage, les deux parents
francophones ont vécu depuis la naissance de
La préservation des fonctions non verbales, la l'enfant dans un environnement anglophone. La
prédominance des troubles de compréhension langue du couple est le français mais la nounou
du langage oral et l'appétence spontanée pour parle anglais. Quelques premiers mots isolés ont
une communication non orale (gestes, picto- été prononcés à 2 ans. À 3 ans, la crèche s'inquié-
grammes, langage écrit) doivent faire évoquer tait de difficultés de prononciation et Justin sim-
une dysphasie réceptive. Il ne s'agit pas d'une plifiait les mots (camion prononcé « mion »). Des
pathologie rare, mais seulement d'un diagnostic tests ORL ont révélé des otites séreuses avec perte
rarement posé car méconnu… de l'audition (40 % de perte en bilatéral). L'enfant
parlait très fort, criait et était bruyant. La pause de
yoyos a amélioré l'audition. À 4 ans, une nouvelle
Justin, 6 ans 5 mois, 2e année baisse de l'audition a été constatée. L'opération
de primaire (système anglophone) des végétations a normalisé la situation. À 4 ans,
l'enfant prononçait des phrases complètes, intelli-
Une conséquence gibles en dehors du cercle familial.
du bilinguisme ? Aujourd'hui, Justin est un jeune garçon spon-
Justin est l'aîné de deux garçons, élevé dans une tané, qui parle beaucoup. Il est le plus souvent
famille d'expatriés évoluant dans un environne- fluide mais a connu des périodes de bégaiement,
ment socioculturel plutôt privilégié. Il est scola- surtout lors de périodes de fatigue.
risé dans le système anglophone. Les responsables L'articulation est, quant à elle, déficitaire. De
de l'école sont alarmistes : l'enfant a d'importants plus, la maman a l'impression que son fils n'arrive
retards d'acquisition (écriture manuelle, lecture, pas toujours à mettre sa pensée en mots. Cela a pu
orthographe, autonomie…). Les deux parents créer des périodes de frustration et d'opposition.
de Justin sont francophones et parlent français Le vocabulaire est étroit. L'enfant a du mal à répé-
à la maison. Ils s'interrogent quant à un écart ter les mots, qu'il transforme, en anglais comme

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Chapitre 3. Troubles du langage oral : le diagnostic d'une dysphasie

en français. Justin francise parfois les mots blèmes de son âge ne pose pas de difficultés, mais
anglais. Il n'y a cependant pas de néologismes. l'enfant a souvent besoin que l'on matérialise la
Du point de vue de la morphologie de la langue, situation problème.
la maîtrise des genres n'a pas été automatique, L'apprentissage de la lecture en anglais, qui a
mais (à plus de 6 ans !) les parents constatent commencé il y a 18 mois, ce qui est standard dans
« des progrès ». Les flexions verbales ne sont pas le système anglophone, est encore très limité. Il y
toujours correctes. Il y a des erreurs d'expression a encore beaucoup de confusions entre lettres en
(« allez on jouer », « n'inquiète pas »…). La syntaxe miroir (p/q, b/d). C'est aussi vrai pour les chiffres
est déficitaire et l'expression est parfois agram- (6/9). L'assemblage consonne/voyelle est maîtrisé
matique (« papa chambre », « bleu voiture »…). en anglais, pas en français. Quelques graphies
Du point de vue du discours, Justin s'exprime complexes sont connues en anglais et en français.
par petites phrases courtes. Bien que de plus en L'accès au sens est dissocié, meilleur en anglais
plus sensible à ses difficultés, il ne se montre pas qu'en français. D'après la maman, Justin adore lire
inhibé et s'exprime volontiers. et comprend ce qu'il lit.
Sur le versant réceptif à l'oral, la compréhension Notons que si le comportement en classe est
est bonne. Justin est actuellement suivi en ortho- correct, l'attention est éphémère et l'enfant peut se
phonie en français. montrer parfois turbulent.
L'enfant a été gardé à la maison jusqu'à l'âge Justin est un garçon en bonne santé, l'appétit est
de 2 ans. Puis, il a été exposé à la vie en collecti- bon, le sommeil très réglé. L'enfant est, du reste,
vité. D'emblée, il s'est bien entendu avec les autres souvent fatigué en fin de journée et a du mal à
enfants. Il reste toujours un garçon souriant, cha- se réveiller le matin. Anxieux, il a besoin d'être
rismatique et au contact facile. rassuré. Outre les prises en charge en orthopho-
À 2 ans et demi, Justin a rejoint une école pour nie (en français, une fois par semaine à raison de
les matinées (en anglais). Il n'y a pas eu d'anxiété 45 min), Justin bénéficie d'un tutorat de 2 h en
de séparation. L'enfant est décrit comme indé- français par semaine. Il fait des devoirs dans les
pendant. La socialisation a été excellente. Le deux langues.
comportement a été bon et Justin suivait bien
les consignes. Il aime le cadre de la classe et du
groupe. Bilan
Du point de vue des exigences scolaires, le des- Justin se montre un jeune garçon souriant, positif
sin est précis et le choix des thèmes, de son âge. mais parfois un peu instable. De ce fait, il a sou-
Il n'y a pas de problèmes de motricité fine et le vent besoin d'un certain étayage. Du fait du départ
coloriage est soigneux. On ne remarque pas de prochain de la famille dans un nouveau pays, et
difficultés praxiques dans le cadre des activités de du peu de temps imparti, l'évaluation s'est surtout
la vie quotidienne. appuyée sur un bilan psychométrique (WISC4),
Par la suite, l'apprentissage des lettres de l'al- qui confirme les bonnes compétences intellec-
phabet n'a pas posé de difficultés. L'écriture du tuelles de l'enfant. Il existe certes une authen-
prénom a cependant été difficile et n'est d'ailleurs tique dissociation-hétérogénéité des aptitudes en
toujours pas automatisée. On remarque des lettres fonction du type de données à traiter. Cependant
en miroir. Malgré 2 ans d'entraînement, la qualité l'écart entre l'échelle de Compréhension verbale,
de la trace est fragile et la lisibilité faible. L'enfant dans la moyenne basse (ICV, T = 90) et l'échelle
oublie des lettres ou les inverse. La transcription de Raisonnement perceptif (IRP, T = 105) n'est
phonographémique est très difficile (en anglais, pas massif ou statistiquement significatif. C'est
comme en français puisque l'enfant bénéficie, l'analyse des données qualitatives qui est la plus
accompagné d'un tuteur, de cours à distance dans éclairante.
cette langue). La trace est macrographique et les En effet, lors d'une tâche de catégorisa-
cahiers sont très brouillons. tion visuelle, la réussite de Justin est bonne
L'accès au calcul est plutôt bon. Le calcul men- (Identification de concepts, NS = 11). Sur matériel
tal est possible. Les jeux logiques sont aisés. La verbal, l'enfant est (quantitativement) un peu
base 10 est maîtrisée. La résolution de petits pro- moins à l'aise (Similitudes, NS = 8). Mais d'emblée,

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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

on note que la compréhension des enjeux de la Sur matériel numérique, le raisonnement est aussi
tâche est difficile et Justin a besoin de plusieurs solide (Arithmétique, NS = 12). Sur matériel imagé,
illustrations avant de parvenir à généraliser. on confirme que les trois règles du dénombrement
La plupart des réponses sont superficielles et sont bien maîtrisées (bijection un objet/un mot
maladroites. nombre, indifférence de l'ordre et cardinalisation).
Qualitativement, l'expression est difficile et Le surcomptage est possible. Lorsqu'on lui propose
souvent erronée. Il y a des latences et des hési- des petits problèmes arithmétiques à résoudre de tête
tations. Les erreurs morphosyntaxiques sont par le biais de consignes langagières, Justin a cepen-
nombreuses : dant besoin de temps, avec des latences, la nécessité
• En quoi le rouge et le bleu se ressemblent ? : de répétitions. Mais le résultat est généralement cor-
« Oh… Parce que [après de nombreux encou- rect. Les difficultés de discrimination phonologique
ragements]… Ça de violet, le bleu et le rouge sont frappantes (dix vs dit, quinze vs cinq). Sur le
quand on le mélange ça fait le violet. C'est versant expressif, l'enfant a parfois la réponse mais
presque la same couleur. » ne sait comment l'exprimer (Martine a 10 images et
• En quoi un stylo et un crayon se ressemblent ? : elle en reçoit encore 15. Combien d'images a-t-elle
« C'est… C'est… Un stylo [après encoura- en tout ? : « Je sais pas comment le dire, c'est 2–5 »).
gements]… Parce que c'est un stylo, aussi le Dans ce contexte, il est révélateur que le rai-
crayon c'est rouge… Presque le same… C'est de sonnement verbal soit nettement plus difficile
same, ça sert de écrire. » (Raisonnement verbal, NS = 8). Dans une tâche de
• En quoi le lait et l'eau se ressemblent ? : « Ça se petites devinettes consistant à découvrir un mot à
fait pour manger, pour boire. Lait ça vient d'une partir d'une série d'indices, Justin est rapidement
vache, de l'eau, ça viennent de… De munian, en panne. Il a des réponses souvent très décalées,
muntagne. » qui révèlent des difficultés de compréhension :
• En quoi une chemise et une chaussure se res- • Ça a un long manche : « Les longues manches ? ».
semblent ? : « Ça sert pour l'aller à l'école, c'est • On l'utilise avec de l'eau pour laver le sol : « La
en cartan (pour carton ?). Les saussures, ça sert terre ».
pour marcher, la chemise ça sert les habits pas • C'est une pièce où l'on dort : « La terre… Une…
avoir froid. » [ne trouve pas le mot] ».
• En quoi un chat et une souris se ressemblent ? : • Ça a une poignée et les gens peuvent l'ouvrir
« Sont animal »… pour passer de l'autre côté : « Une zirafe, un
Il y a donc de nombreux mélanges entre l'anglais tigre ».
et le français. Le vocabulaire est difficilement • C'est un bâtiment spécial où l'on fait du sport :
accessible. La morphosyntaxe est souvent défici- « Bâtiment ?… Le football ».
taire, avec des éléments d'agrammatisme. Notons Outre des difficultés d'accès au réseau séman-
que l'articulation est parfois difficile à com- tique et des phénomènes de persévération, on note
prendre. Il y a des confusions phonologiques (cou/ aussi dans l'expression de nombreuses erreurs
coude). d'articulation (poichon pour « poisson », fèque
On retrouve la même dissociation entre les pour « flaque »…).
épreuves verbales et les épreuves réputées « non En définitive, les qualités d'abstraction et de rai-
verbales », au cours des tâches de raisonnement. sonnement de Justin sont excellentes lorsqu'on lui
Sur matériel non sémantique, le raisonnement propose un matériel non langagier. Très à l'aise, il
par analogie situe Justin dans la bonne moyenne est alors attentif et donne des réponses réfléchies
pour son âge (Matrices, NS = 12). Observateur, et pertinentes. Au contraire, très gêné par les
l'enfant prend son temps. La régularité de la réus- manipulations langagières, il est nettement plus
site est bonne. Justin n'est pas impulsif. Quand les en panne quand il doit travailler avec des mots.
situations problèmes deviennent plus difficiles, il Ces quelques premières épreuves engagent donc
le remarque. On a pu, du reste, juger à plusieurs immédiatement une réflexion quant à une hypo-
reprises d'une bonne maturité métacognitive. thèse de dysphasie phonologique-syntaxique,
Certains items complexes pour son âge sont réussis. avec un trouble sur toute la chaîne de mise en

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Chapitre 3. Troubles du langage oral : le diagnostic d'une dysphasie

mots de la pensée (accès au réseau sémantique, vers un établissement spécialisé. Il est pris en
phonologie, lexique, morphosyntaxe), ainsi que charge en orthophonie (une séance par semaine)
des fragilités dans la compréhension. depuis l'âge de 6 ans, d'abord pour un « retard
Il reste encore à évaluer quantitativement l'in- de parole/langage » qui s'est progressivement
tensité du trouble par le biais d'un complément de amendé, puis en raison de ses grandes difficul-
bilan neuropsychologique ou orthophonique (de tés d'accès à la lecture. Après le redoublement de
préférence dans les deux langues). son CP, il a ensuite bénéficié de plusieurs heures
On remarquera que les épreuves de Vocabulaire par semaine d'aide scolaire individualisée (par le
et de Compréhension ne sont pas des épreuves « réseau d'aide » RASED) de son école, en psycho-
de choix pour évaluer la nature exacte et surtout motricité et avec un maître itinérant spécialisé).
l'intensité du trouble. Car, en effet, chez Justin, Il est à noter que ces aides sont non spécifiques
ces deux épreuves le situent dans la moyenne puisqu'elles ne font pas suite à une démarche dia-
basse (NS = 8 aux deux épreuves), le contenu des gnostique visant à élucider « pourquoi » l'enfant
réponses étant souvent correct. C'est la formula- est en échec…
tion très défectueuse qui met à nouveau le trouble Lors de la consultation, on note les éléments
au premier plan : suivants :
• Qu'est-ce qu'une horloge ? : « C'est pour… Voir • En lecture, Lambert cherche à appliquer
quelle heure est-il ». des procédures de conversions grapho-
• Qu'est-ce qu'une vache ? : « C'est animal… Aussi phonologiques qui sont encore très mal
ça fait le lait ». maîtrisées. Il peut déchiffrer quelques syl-
• Que veut dire obéir ? : « C'est pour écouter les labes simples CV (consonne-voyelle) mais
adutes (sic) et aussi c'est pour écouter ». échoue aux syllabes VC ou CCV. La lecture
On peut donc conclure sans erreur qu'il existe de quelques mots fréquents est possible
chez Justin un trouble du langage et que ce avec appariement mot/image (« garçon »,
trouble n'est pas une conséquence de la situation « maison »). Il ne peut lire aucun mot nou-
de bilinguisme. Élevé dans un milieu adapté et veau (même simple et régulier : « pirate »,
stimulant en français, la nature des erreurs met « cube »), ni aucun texte.
bien en évidence un trouble structurel du langage, • Pour la production d'écrits, là encore, Lambert
avec un impact sur les deux langues apprises par cherche, par des procédures de subvocalisation,
l'enfant. à segmenter les mots en syllabes et phonèmes,
À ce titre, on engagera la famille à une réflexion mais il échoue car il fait à la fois des approxima-
quant au choix prochain du nouveau lieu de sco- tions phonologiques, des erreurs de segmenta-
larisation de leur fils. Le contexte anglophone ne tion, des oublis de phonèmes et des erreurs de
nous paraît pas le plus approprié. Nécessitant une conversions.
prise en charge orthophonique vigoureuse (trois Par exemple, pour /dimanche/ : il répète à
à cinq séances par semaine), un bain de langage mi-voix/di/(écrit « di »), puis/man/qu'il transcrit
uniforme (famille, école, professionnels) nous « mio » puis il reprend l'ensemble du mot en énon-
semble le plus adapté, afin de donner toutes ses çant /di – man - sssse… sse/ et écrit « id » (?), d'où
chances à Justin de maîtriser au mieux au moins /dimanche/ devient « dimioid ».
une langue, d'autant que l'entrée dans le langage On entreprend donc le bilan de cette dyslexie
écrit paraît déjà difficile. sévère en essayant d'abord de répondre à deux
questions préalables : quel est son niveau de fac-
teur G et qu'en est-il de son langage oral ?
Lambert ou la question du
langage dans l'exploration d'une
WISC
dyslexie
Le test WISC montre une grande dissociation
Lambert consulte à 13 ans, alors qu'il est en entre l'échelle performance (107) et l'échelle ver-
CM2, pour échec scolaire majeur et orientation bale globalement faible (63).

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WISC3 : résultats de Lambert. encore, elle… → « va tomber » (au lieu de « elle


tomberait »), etc.
Subtests Performance Verbal
WISC3
Dans les échanges spontanés, on note égale-
ment des maladresses syntaxiques (récit du film
Échoués – Information, Taxi : « C'est un monsieur de taxi ») qui n'affectent
NS = 3
pas la compréhension du scénario mais donnent
– Arithmétique, une impression globalement « fruste ». La com-
NS = 1
préhension syntaxique est également déficitaire,
– puisque, malgré ses 13 ans, il ne sature pas le O52
Compréhension,
NS = 3
(échec pour les phrases passives).
– Vocabulaire,
NS = 3 Mémoire
Réussis – Complètement – Similitudes, Enfin, il existe un déficit sévère de la mémoire à
d'images, NS = 12 NS = 9 court terme et de la mémoire de travail : Lambert
– Code, NS = 9 ne peut répéter que trois chiffres à l'endroit et
– Arrangement deux chiffres à l'envers.
d'images, NS = 11 Aussi, avant même de poursuivre les investiga-
– Cubes, NS = 11 tions dans le secteur du langage écrit, on a mis en
– Assemblage
évidence :
d'objets, NS = 12 • une dissociation entre ses capacités verbales
– Symboles, NS = 12
(déficitaires) et ses capacités non verbales
(normales) ;
• au sein du langage oral, une dyssyntaxie modé-
On note, au sein de l'échelle verbale, la préserva- rée et la présence persistante de troubles pho-
tion des capacités au subtest Similitudes, alors qu'à nologiques, tant en afférent (compréhension)
toutes les autres épreuves les notes sont comprises qu'en efférent (expression) ;
entre 1 et 3. • un trouble sévère de la mémoire à court terme
Au contraire, les épreuves non verbales sont et de la mémoire de travail, avec inaptitude aux
bien réussies, éliminant tout soupçon de défi- tâches métaphonologiques.
cience mentale. De même, la copie de la Figure de
Rey le situe dans la médiane de son âge, bien qu'il Conclusions
utilise une stratégie de proche en proche ; il s'y
Ces éléments conduisent au diagnostic de séquelles
montre efficace et rapide.
probables d'une dysphasie (de type « trouble de
production phonologique » et la dyslexie est alors
Langage oral considérée comme un des éléments séquellaires
Le bilan de langage oral met en évidence des ano- de cette dysphasie, réalisant une diffusion de la
malies phonologiques et syntaxiques. dysphasie dans le langage écrit. On voit d'ailleurs
Lambert est fluent et informatif, mais on bien que ses écrits ne sont pas constitutifs d'une
note les troubles de production phonologique « dysorthographie » banale, mais constituent un
(« Zé manzé éflit » pour « J'ai mangé des frites »), véritable jargon écrit : /maison/ donne « mdsoio » ;
qui, cependant, ne gênent pas vraiment l'intelligi- /souris/ devient « sicori » ; /une caméra/ devient
bilité du discours. Il existe aussi des maladresses « une cama ».
syntaxiques : « Lambert utilise correctement la Lambert est orienté vers une SEGPA. On se
structure de base SVC, mais il y a de nombreuses propose de tenter, dans les 3 années à venir, de
erreurs dans l'utilisation des flexions grammati- reprendre avec lui l'apprentissage de l'écrit, en
cales et des mots fonctions ». coordonnant rééducation individuelle (trois
Exemples (complétion de phrases, sur images) : séances par semaine) et enseignement scolaire,
tous les jours, les enfants… → « baignent » (au lieu sur la base d'une méthode syllabique (Lasek,
de « se baignaient »). Si la petite fille se penchait 2002), moins coûteuse en mémoire de travail.

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Chapitre 3. Troubles du langage oral : le diagnostic d'une dysphasie

On y associera un apprentissage « global » pour Pinto S., Sato M, Traité de Neurolinguistique, De Boeck-
quelques mots très fréquents (pour favoriser son Solal. 288 : 527–531.
Mazeau M. Dysphasies, troubles mnésiques et syndrome
autonomie dans la rue, les magasins). On se fixe
frontal, 2e édition. Paris : Masson ; 1999.
des objectifs limités : on espère que Lambert, Mazeau M. Les apports de la neuropsychologie à la com-
très motivé, pourra apprendre à déchiffrer ou préhension des troubles de la communication. In :
reconnaître quelques mots fréquents, isolés ou au Évaluer les troubles de la communication, APF, actes
sein de très courtes phrases, ce qui pourrait lui des 20es journées d'études ; janvier 2007. Paris.
donner ultérieurement une certaine autonomie Mehler J-P, Jusczyk G, Lambertz N, et al. Amiel-Tison. A
precursor of language acquisition in young infants.
sociale. Un oralisateur de textes (sur ordinateur Cognition 1988 ; 29(2) : 143–78.
ou tablette) sera aussi indispensable pour lui per- Plazza M. Actes du colloque « Repérage, dépistage et prise
mettre d'accéder ultérieurement à une formation en charge des troubles spécifiques du langage chez
professionnelle. l'enfant », La Sorbonne, 10 novembre ; 2000.
Quinn PC, Eimas PD. A re-examination of the percep-
Bibliographie tual-to-conceptual shift in mental representations.
Revue of general psychology, 1, 1997. p. 271–87. 3.
Boysson-Bardies B. Comment la parole vient aux enfants. Rakinson DH, Oakes LM. Early category and concept
Paris : Odile Jacob ; 1996. development. Oxford : Oxford University Press ;
Chevrie-Muller C, et al. Batterie d'évaluation psycholin- 2003.
guistique. ECPA ; 1997. Snijders J-T, Snijders-Oomen N. Snijders-Oomen “petits”
De Agostini M, et al. Évaluation du langage oral de l'enfant (2,5–7 ans) : Non Verval intelligence scale (SON).
aphasique (ELOLA). In : Revue de neuropsychologie ; H.D. Tjeenk Willink Groningen, 1976.
1998. p. 319–67. 8-3. Snijders J-T, Snijders-Oomen N. (3 à 16 ans) : Examen
Dehaene-Lambertz G. E. Spelke. The Infancy of the d'intelligence non verbale pour sujets sourds et enten-
Human Brain. Neuron 2015 ; 88(1) : 93–109. dants (tests d'intelligence non verbale S.O.N.). In :
Jambaqué I, Dellatolas G. Épreuves de fluence verbale et Wolters JB, editor ; 1962. Groningen.
de dénomination chez l'enfant d'âge scolaire. ANAE Sparrow, et al. Vineland Adaptative Behavior Scales.
2000 ; 56 : 13–6. American Guidance Service Inc ; 1984. Quelques
Jusczyk PW, Friederici AD, Wessels JMI, et al. Infants livres de référence.
sensitivity to the sound patterns of native language Chevrie-Muller C, Narbonara J. Le langage de l'enfant,
words. Journal of Memory and Language 1993 ; aspects normaux et pathologiques. 3e édition. Paris :
32(3) : 402–20. Masson ; 2007.
Kabdebon C., Dehaene-Lambertz G. (sous presse). Danon-Boileau L. Des enfants sans langage. Paris : Odile
Lasek D. La lecture par imprégnation syllabique. Paris : Jacob ; 2002.
Ortho-éditions ; 2002. Dyslexie, dysorthographie, dyscalculie : bilan des données
Lecuyer R. « La représentation va pouvoir commencer ». scientifiques. 2007. (comporte un chapitre sur l'acqui-
In : Le développement du nourrisson. Dunod ; 2004. sition du langage oral, pp. 5 à 32). INSERM.
Leiter-R : International performance scale, Stoelting Pinker S. L'instinct du langage. Paris : Odile Jacob ; 1999.
CO. 620 Wheat Lane, Wood dale, Illinois, 60191, Orthophonique Rééducation. Les habiletés pragmatiques
États-Unis. chez l'enfant, FNO, no 221, avril ; 2005.
MacNeilage P, Davis B. On the origin of internal structure Segui J, Ferrand L. Leçons de parole. Paris : Odile Jacob ;
of word forms. Science 2000. 2000.

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Diagnostic des troubles Chapitre 4
praxiques

Le diagnostic de dyspraxie est un diagnostic « à Disorder (DCD). Nous verrons que TAC ou DCD
la mode », et ce terme est employé très librement sont des termes qui ne recouvrent pas exactement
par les professionnels, les parents et les patients les mêmes symptômes ni les mêmes mécanismes
eux-mêmes. Or les troubles praxiques forment que les dyspraxies développementales propre-
une constellation complexe de pathologies variées ment dites.
du geste. L'affirmation du trouble découle donc Ici, nous chercherons, en dissociant les méca-
d'une analyse fine et raisonnée de l'ensemble des nismes sous-jacents, à clarifier les diagnostics
processus qui se conjuguent et convergent pour différentiels de TAC et/ou dyspraxies. Les défini-
permettre la réalisation de ces gestes. tions et les limites de ces pathologies ne font pas
Les troubles de cette lignée concernent les toujours l'objet d'un consensus. En effet, contrai-
acquisitions de coordination, les fonctions rement à ce nous avons décrit pour le langage,
visuospatiales et les compétences praxiques, les nous ne disposons pas actuellement d'une modé-
fonctions d'organisation du geste et de traitement lisation efficiente pour décrire le développement
des données spatiales. Il est « pratique » de les de ces fonctions visuo-practo-spatiales.
traiter ensemble car il s'agit de fonctions proches, « À ce jour, il manque toujours une théorie
complémentaires et qui ont souvent partie liée en générale permettant d'expliquer ce que nous per-
pathologie de l'enfant. cevons, comment nous le percevons et comment
nous mettons en relation ce qui est perçu avec
les capacités de mouvement dont nous dispo-
sons. » (Grealy, 2002).
Définitions, typologie Cela alimente différentes conceptions de
et principes ces troubles, et, partant, des propositions très
hétérogènes en ce qui concerne leur mise en
Les dyspraxies de l'enfant ont été décrites dès 1964 évidence, leurs répercussions et leur prise en
par l'équipe d'Ajuriaguerra à l'hôpital Sainte- charge (Mazeau, 2006). Il faut pourtant, avant de
Anne, qui en donnait la description princeps sui- proposer un programme thérapeutique — réé-
vante : « Il s'agit d'enfants d'intelligence normale, ducatif (visant à réduire les symptômes) et/ou pal-
ayant une relative facilité dans le domaine du lan- liatif (visant à obtenir la fonction par des moyens
Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

gage, mais présentant par ailleurs des difficultés détournés) et/ou de réadaptation (aménagement
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importantes sur le plan moteur et de l'organisa- de l'environnement) — chercher d'une part, à


tion spatiale » (Stamback et coll., 1964). décrire les symptômes, d'autre part à prendre en
Depuis, de nombreuses équipes ont apporté compte, au moins partiellement, les mécanismes
leur contribution, en particulier par la descrip- en œuvre derrière le symptôme. C'est tout le sens
tion ou l'étude des dyspraxies développementales de l'analyse neuropsychologique.
(Cermak, 1985 ; Hauert, 1993 ; Koeda et coll., 1997).
Cependant, elles n'apparaissent pas sous ce terme
Mouvement vs geste
dans les DSM où il est question de « troubles d'ac-
quisition de la coordination » ou TAC (Albaret, C'est une première distinction fondamentale. Le
1999), ni dans de nombreuses publications anglo- mouvement correspond à la faculté de mobiliser
saxonnes (Magalhães et coll., 2006) qui parlent ses effecteurs musculaires dans le but de bouger
elles aussi plutôt de Developmental Coordination une partie du corps dans l'espace. Le mouvement

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est défini par ses aspects balistiques (vitesse, • Praxies idéomotrices : consistant à réaliser des
amplitude, direction, force…) et donc ses caracté- gestes de la vie quotidienne en s'appuyant sur
ristiques mécaniques. leur représentation, c'est-à-dire l'idée de l'action.
Le geste, quant à lui, signe l'inscription inten- Il peut s'agir de la représentation d'un geste
tionnelle d'une série de configurations corporelles « concret » (par ex. : se coiffer avec un peigne)
dirigées vers un but. Le geste est donc anticipé, ou symbolique et conventionnel (faire un salut
préparé, programmé et réalisé en fonction d'un de la main) à valeur souvent quasi linguistique
objectif que le sujet s'est fixé. Il répond donc à un (« chut », « au revoir », salut militaire, etc.). En cas
projet d'un certain niveau de complexité. de pathologie, les mimes d'actions (faire sem-
Le geste est généralement initialement blant de repasser, d'ouvrir une porte avec une clé,
conscient, appris, le plus souvent culturellement de jouer de la trompette, de dormir, de se coiffer,
transmis. Puis il est graduellement entraîné, d'éplucher une banane, etc.) sont échoués. Les
déclenchable à volonté et de réalisation automati- mimes sont à peine ébauchés, impossibles, irre-
sée, constituant des engrammes moteurs encodés connaissables ou aberrants, alors qu'en situation,
en mémoire procédurale. le geste peut être réussi de façon dite « automa-
Ce sont ces engrammes moteurs, ces pro- tique ». Cette dissociation automaticovolontaire,
grammes gestuels automatisables et/ou automati- lorsqu'elle existe, est très caractéristique. C'est
sés que l'on appelle praxies. que la présence réelle de l'objet peut déclencher
automatiquement des « affordances », des sché-
mas automatisés d'usage de l'objet. Sa vision
Les types de praxies (en même temps que l'on identifie l'objet via la
Il existe toute une mosaïque de gestes de nature voie ventrale) active automatiquement le schème
différente. On les distingue en fonction : d'action correspondant : par ex., on frappe avec
• de l'espace dans lequel ils se développent : un marteau. L'absence de l'objet gêne l'activation
– proximal (impliquant le tronc ou le corps du schème moteur sous-jacent.
entier) ou distal (impliquant les doigts) selon • Praxies idéatoires : ici, les gestes impliqués néces-
que ces gestes sont inscrits près de l'axe du sitent des séquences d'actions élémentaires, qui
corps ou non, doivent donc se succéder dans le temps (allumer
– réflexif car se référant au corps propre (boire une bougie, plier une lettre et la mettre dans
un verre d'eau) ou s'inscrivant dans un l'enveloppe, faire de la compote ou de la pâte à
espace indépendant de celui du corps propre crêpe, etc.). Il est important de noter qu'habituel-
(dessiner) ; lement chaque séquence séparément peut être
• de l'utilisation ou non d'un outil (geste transitif réalisée par l'enfant, mais c'est leur enchaîne-
ou intransitif) ; ment qui est échoué (différence avec un trouble
• de leur degré de conventionnalité (gestes sym- moteur). Ces praxies sont impliquées dans de
boliques ou visant une transformation concrète nombreuses activités de la vie quotidienne : petit
dans l'espace) ; secrétariat, cuisine, toilette, repas, scolarité.
• de leur degré d'implication de l'input visuel… • Praxies visuoconstructives : consistant à projeter
L'analyse des pathologies du geste chez l'enfant dans l'environnement une élaboration maté-
est calquée sur celles qui sont observées chez rielle respectant des rapports et des configu-
l'adulte (les a-praxies). Cependant, d'un auteur à rations spatiales précises. On qualifie ainsi les
l'autre, les définitions varient grandement. Dans actions qui visent à obtenir un assemblage de
la pratique clinique, on distinguera les : plusieurs éléments pour constituer un tout. Il
• Praxies gestuelles : capacité à réaliser un geste s'agit donc essentiellement d'organiser des uni-
nouveau, qu'il soit arbitraire ou non, et à tés les unes par rapport aux autres (cubes, Lego®,
programmer la suite des étapes menant à sa Clipo®, kapplas, puzzles, organisation de traits
réalisation. pour la réalisation de lettres, mais aussi menui-
• Praxies d'utilisation d'outil : reflétant la capacité serie, bricolage, couture, etc.). Ces activités
à automatiser la manipulation d'un outil (une s'inscrivent donc obligatoirement dans l'espace
paire de ciseau, un stylo…). et sont indissociables des fonctions spatiales : les

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Chapitre 4. Diagnostic des troubles praxiques

diverses pièces doivent être organisées les unes gauches, ou devant/derrière, ou endroit/envers),
par rapport aux autres, c'est dire qu'il faut analy- les enfants dyspraxiques tournent et retournent le
ser et/ou concevoir et/ou reproduire les rapports vêtement en tous sens cherchant à quelle partie du
topologiques entre les parties et percevoir et/ou corps correspond chaque pièce ou chaque ouver-
se représenter et/ou produire les orientations ture (col, manches, jambes).
(obliques, haut/bas, droite/gauche). Ce sont ces Ne seront pas abordées ici, car faisant partie de
praxies qui sont le plus fréquemment perturbées tout autre tableau sémiologique :
chez l'enfant, celles qui touchent les fonctions • les dyspraxies buccofaciales et buccophona-
« practospatiales ». Elles relèvent d'un trouble de toires (apraxie de la parole), qui appartiennent
la relation du geste à l'espace. au chapitre des troubles du langage, qu'elles
Chez l'enfant d'âge scolaire, on fera un cas à soient isolées ou associées à différents tableaux
part pour la praxie de l'écriture, à la fois visuo- de dysphasies d'expression1 ;
constructive et d'utilisation d'outil. En effet, la • les apraxies oculomotrices, bien connues des
dimension gestuelle du graphisme s'applique ophtalmologistes et des orthoptistes sous le nom
habituellement à l'écriture et s'accompagne alors d'apraxie de type Cogan, variété de troubles
d'une dimension linguistique. On verra de ce fait oculomoteurs caractérisée par une anomalie
que certaines dyslexies peuvent entraîner des dys- de l'initiation des saccades volontaires horizon-
graphies qui n'ont rien de dyspraxique. tales, qui ne peuvent être déclenchées que par
des mouvements de la tête.
Les autres praxies
Le développement des praxies
Certaines praxies sont spécifiques à une forme
bien particulière de gestes, d'environnement, de Chez l'enfant, l'élaboration des praxies va prendre
manipulations. Les praxies de l'habillage sont, des chemins développementaux graduels, au fur
par exemple, des gestes réflexifs spécialisés dont et à mesure de son exposition aux gestes culturels
les troubles (dyspraxies de l'habillage) sont fré- de son environnement et de leur entraînement.
quents chez l'enfant et parfois dissociés des autres Les quelques repères chronologiques sont synthé-
troubles praxiques. Contrairement aux difficultés tisés dans le tableau 4.1.
uniquement liées à un défaut de structuration
spatiale ou de structuration du schéma corpo-
rel (l'enfant confond alors les éléments droits et 1
Il en est question au chapitre 3.

Tableau 4.1. Acquisitions praxiques : principales étapes.


Âges Activités de construction Graphisme Vie quotidienne
2 ans Fait une tour de 4–6 cubes, un Fait des traits – Mange seul de la purée
train de 3 cubes circulaires, loops – Enfile de grosses perles
3 ans – Fait un pont avec 3 cubes Reproduit un trait – Se déshabille en partie
– Fait des puzzles de 4 morceaux vertical, un trait – Utilise une fourchette
horizontal – Se brosse les dents (maladroitement !)
3,5 ans Fait une tour de 10 cubes Reproduit une croix – Met son pantalon et ses chaussons, sa
culotte
– Va seul faire pipi
4 ans – Fait une pyramide avec 6 cubes – Reproduit un carré – Coupe entre deux lignes avec des ciseaux
– Fait des puzzles – Reproduit des – Actionne la fermeture éclair, se boutonne
8–12 morceaux diagonales
5 ans Fait un « escalier » avec – Reproduit un triangle – Découpe suivant des courbes avec des ciseaux
8–10 cubes ou blocs (sur modèle) – Copie son prénom – Utilise le couteau (début)
– S'habille seul
6 ans – Écrit son prénom – Se coiffe, se mouche
sans modèle – Noue ses lacets (début)
– Reproduit un losange – Tartine avec un couteau

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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

Les facteurs cognitifs intervenant de l'objet (acte conscient qui permet d'évoquer le
dans les praxies concept associé à l'objet, et éventuellement le mot
qui le désigne : /marteau/, cf. la voie ventrale, mais
Le geste est le résultat d'un couplage sensorimoteur la vision de l'objet-outil (marteau, ou crayon…)
complexe : la motricité est contrôlée et régulée par donne aussi accès, de façon automatique, à l'en-
les différents systèmes sensoriels, mais, en boucle, semble des gestes de préhension, de manipulation,
les différentes sensorialités sont influencées (voire d'utilisation qui sont normalement attachés à cet
déterminées) par l'acte moteur. Par exemple, non objet (voie dorsale figure 4.1).
seulement ce que nous voyons (un marteau) guide Évidemment, l'utilisation intentionnelle de l'ob-
notre geste (approche, prise…), mais en retour jet, fonction d'un projet du sujet, fait suite à une
et indissociablement, ce que nos sens (vision de décision qui suppose l'intégrité des lobes frontaux.
notre propre main, sensations kinesthésiques Si le geste n'est pas seulement un mouvement,
au décours du mouvement, toucher du manche, il est néanmoins toujours inscrit dans l'espace
poids de l'objet…) et ce que le « liage » multimo- (figure 4.2). C'est-à-dire que sa réalisation implique
dal nous transmettent dépendent du geste (fait nécessairement des entrées et des sorties :
ou simulé, imaginé) que nous décidons de faire • entrées : visuelle et proprioceptive ;
(prendre, jeter ou utiliser le marteau). Ces infor- • sorties : motrices.
mations sensorielles ne sont pas les mêmes selon Ainsi, l'échec dans la réalisation d'un geste peut
que notre geste est actif (nous prenons le marteau) avoir des causes multiples :
ou passif (on nous met le marteau dans la main). • de « bas niveau » :
Regarder un objet « prenable » ou « utilisable » – prise d'information visuelle,
(contrairement au fait de regarder un arbre ou une – réponse motrice,
girafe) ne déclenche pas seulement l'identification – coordination entre l'œil et la main ;

cortex moteur et
prémoteur
cortex lobe
préfrontal pariétal
voie dorsale

Avant ŒIL Arrière


V1

voie ventrale
lobe temporal

lobe occipital

La voie « dorsale » : Où ?
La voie « ventrale » : Quoi ?
Figure 4.1. Voies dorsale (du « où » ?) et ventrale (du « quoi » ?).

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Chapitre 4. Diagnostic des troubles praxiques

Projet de geste

INPUT VISUO-SPATIAL Préparation Input proprioceptif

Planification

Programmation

Réalisation motrice

Produit
de l’action

Figure 4.2. Les facteurs intervenant dans la construction du geste et leur organisation.

• de « haut niveau » : Réaliser le diagnostic de dyspraxie implique


– élaboration du projet, donc de spécifier à quel niveau de l'action le
– programmation de la suite des mouvements trouble apparaît, et d'éliminer les autres causes.
ou des gestes intermédiaires, Cependant, bien entendu, au cours du travail cli-
– planification de l'action et régulation proac- nique, on aura affaire :
tive du geste, • a des ambiguïtés diagnostiques ;
– utilisation des jugements portant sur l'ac- • a l'intrication des niveaux d'élaboration du
tion et des ajustements entre le projet et sa geste et à la co-occurrence de troubles de bas et
réalisation. de haut niveau.

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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

Analyser les praxies, c'est donc évaluer les diffé- accorde peu d'importance. Son refus des jeux de
rentes compétences nécessaires à la réalisation de cubes, Lego® et Clipo®, son manque d'intérêt pour
l'action du sujet dans l'espace concret. les coloriages et les dessins, ses jeux exclusivement
tournés vers les récits (histoires, livres, cassettes
vidéos, films) et les jeux symboliques, sont compris
comme le reflet de sa personnalité, de ses goûts.
Les données de l'anamnèse Aussi, ce n'est souvent qu'ultérieurement,
lorsque les troubles se manifestent dans le
On peut distinguer divers contextes dans lesquels domaine scolaire, que des soupçons se forment.
surgissent les premières inquiétudes quant aux Alertés par l'enseignant qui s'inquiète d'un retard
fonctions praxiques ou spatiales (figure 4.3). graphique, d'une dyscalculie rebelle ou d'un échec
scolaire global, les parents consultent.
Les symptômes isolés
Lorsque les symptômes initiaux sont isolés, ils
Le retard psychomoteur global
passent facilement inaperçus dans la première Lorsque les symptômes initiaux s'inscrivent
enfance. La maladresse de l'enfant est d'abord dans le cadre d'un retard psychomoteur global,
interprétée comme une particularité à laquelle on ils inquiètent plus tôt. Habituellement, il s'agit

Absence d'antécédent neurologique Antécédent neurologique connu

Retard psychomoteur

Dyspraxies de Dyspraxies
développement « lésionnelles »
Suivi systématique
ou pb. scolaire
Dyscalculie
SPATIALE
→ 120, 272, 275

Retard WPPSI – WISC


graphique Dissociation verbal (~OK)/perf.

CONSULTATION SPÉCIALISÉE
EXPLORATION FCT° VISUO-PRACTO-SPATIALES

Figure 4.3. Les conditions du diagnostic des troubles visuopractospatiaux.

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Chapitre 4. Diagnostic des troubles praxiques

d'ailleurs plutôt de TAC que de dyspraxies au répercussions scolaires sont sévères, diffusant
sens strict (Mazeau, 2006). Si des tests sont pra- progressivement dans de nombreux secteurs des
tiqués précocement (avant 3-4 ans), les résultats apprentissages. En effet, l'enfant écrit lentement,
risquent d'être interprétés dans le cadre d'une écrit mal. Il est en souffrance à l'école et ne peut
immaturité globale, se confondant alors long- suivre le rythme de la classe. Les cahiers sont mal
temps avec des diagnostics flous tels « retard tenus, incomplets. L'élève ne parvient pas à noter
psychomoteur » ou « retard global » ou « retard ses devoirs en fin de cours.
intellectuel ». En effet, beaucoup des items utili- L'analyse des productions de l'enfant en situa-
sés dans les baby-tests pour juger de la normalité tion écologique (à l'école, pour les devoirs à la
de l'évolution de l'enfant sont des items prac- maison) nous paraît fondamentale, afin de pou-
tomoteurs ou visuopractomoteurs : leur échec voir évaluer la fonctionnalité de l'écriture dans le
ou leur retard d'acquisition peut signer soit un cadre habituel de scolarisation.
« retard global », soit une difficulté spécifique Dans tous les cas, lorsque la famille consulte,
dans le domaine practospatial. Seule l'évolution il est précieux de réaliser un inventaire systéma-
de l'enfant permettra de trancher, en général tique des compétences motrices et praxiques dans
après 3 ans et demi-4 ans. le cadre de la vie quotidienne, ce qui permet de
faire le premier tri des signes.
Prématurité et antécédents
neurologiques Dans la sphère motrice
Lorsque l'enfant est un ancien prématuré (Mellier • Tonus et acquisitions motrices au cours de la
et coll., 1999 ; Koeda et coll., 1997 ; Epipage 2004, première année (tenir sa tête, tenir assis, tenir
Edwards et coll., 2011) ou s'il a des antécédents debout avec appui), tonus des muscles de la face
neurologiques (méningite, tumeur cérébrale, trau- (téter, mâcher, éventuel bavage).
matisme crânien, etc.), il est alors habituellement • Date d'acquisition de la marche indépendante
suivi régulièrement par des structures spéciali- (attendue entre 10 et 18 mois), le mode d'acqui-
sées (consultation hospitalière de neuropédiatrie, sition n'étant pas nécessairement un critère.
CAMSP, etc.). La « maladresse » sera systémati- Quand le tonus a été bon et que l'enfant ne se
quement explorée et le retard des acquisitions lâchait pas, on interrogera l'équilibre (tenir sur
praxiques sera rapidement détecté ; de même un pied, sauter à cloche pied, faire du vélo). À
l'évolution graphique sera surveillée, et c'est la noter que le critère de l'âge du vélo sans rou-
mise en évidence, au décours de la passation d'une lettes d'appui, trop souvent cité, n'est pas un
WPPSI, d'une dissociation entre l'échelle verbale critère de dyspraxie. Il s'agit d'un exercice
(préservée) et l'échec aux épreuves de raisonne- d'équilibre et/ou de coordination, d'où l'explo-
ment perceptif, dissociation d'au moins 20 points ration éventuelle d'un TAC.
qui alertera. En effet, les dyspraxies sont connues • Plus tard, on évaluera la qualité des activités
pour être une séquelle habituelle et fréquente de la dynamiques : courir, sauter, grimper.
prématurité, surtout lorsqu'existent des lésions de • Descendre les escaliers en alternant les pieds.
leucomalacies périventriculaires (Leroy-Malherbe, • Activités sportives de l'enfant : jeux de balle et
2004), que l'enfant souffre ou non de troubles neu- de ballon, jeux de raquette (coordination œil/
romoteurs associés. À noter la grande fréquence main), natation.
des dyspraxies de l'habillage dans cette population
d'enfants.
Dans la sphère plus proprement
Le trouble de l'écriture praxique
Plus tard (fin de maternelle, début primaire), c'est • Le dessin spontané (qualité : rapport aux
le retard graphique, plus ou moins isolé, qui est praxies ; choix et maturité du contenu : plus
la cause la plus fréquente de consultation, car les en rapport avec la dynamique intellectuelle), le

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coloriage (préhension de l'outil scripteur, coor- gogique. Cependant, les « retards » ou atypies ne
dination œil/main, planification, inhibition constituent que des soupçons : en effet, certains
sélective). enfants présentent des dyschronies développe-
• Petits travaux manuels (découper avec une paire mentales qui ne sont que des particularités indi-
de ciseaux, utiliser un bâton de colle, coller des viduelles et s'effaceront avec le temps (Mazeau et
gommettes…), utilisation d'outils (rouleau de coll., 2016).
scotch, règle, pochoirs…). C'est pourquoi l'évolution entre deux consul-
• Jeux de construction : Lego® (encastrements ; tations à 4 ou 6 mois d'intervalle est un élément
spontané ou sur la base d'un plan), kapplas, précieux à considérer. En effet, en cas de retard
puzzles (encastrements). simple (de lenteur banale d'évolution, liée aux dif-
• Activités de la vie quotidienne : toilette (se coif- férences individuelles de développement), le déca-
fer, se brosser les dents, se laver les mains…), lage entre le niveau des performances praxiques
aller aux toilettes seul, s'habiller, manger pro- et celui des performances langagières a tendance
prement (tenue des couverts). Être capable de à se réduire avec le temps. Au contraire, la relative
faire ses lacets est devenu un critère peu infor- stagnation des acquisitions praxiques, ou pire,
matif, car les modes de vie et d'habillement ont l'accroissement de l'écart entre performances
réduit l'entraînement des enfants à ce type de praxiques et performances verbales entre deux
pratique (aspect culturel et d'entraînement des consultations est un signe hautement suspect qui
praxies). doit inciter à un suivi attentif dans ce secteur de
la cognition.
Conclusion
Une analyse détaillée de la plainte permet donc, Trop souvent, on associe des signes vagues et
en première intention, un précieux tri au sein de ambigus à des troubles praxiques, alors que c'est
la famille des symptômes moteurs vs praxiques, l'évaluation minutieuse des différentes dimen-
et de proposer des hypothèses opérationnelles sions du geste qui permettront d'affirmer ou non
pertinentes lors du bilan proprement dit. Il ne le trouble.
faut pas négliger que l'entourage de l'enfant est
désormais le plus souvent fort bien « informé »
de l'existence des troubles praxiques ; on restera
donc vigilant quant à la nature de l'interpréta-
tion a priori des observations éventuelles par la
Éliminer les hypothèses
famille elle-même. concurrentes
L'interrogatoire précis de l'entourage est d'au-
tant plus important qu'il permet, sinon d'éva- En effet, plusieurs pathologies sont susceptibles
luer, du moins d'estimer la gêne fonctionnelle de donner des tableaux voisins, en particulier en
de l'enfant dans sa vie quotidienne. En effet, en présence d'éventuels troubles moteurs « soft ».
l'absence de symptômes, de manifestations délé- Le diagnostic procède donc tout d'abord de l'éli-
tères, il serait tout à fait déraisonnable (et abusif) mination d'hypothèses concernant des troubles
de « médicaliser » ces enfants. associés à des compétences générales ou annexes
Tels enfants, maladroits (Clumsy Children des qui pourraient perturber le résultat de l'action,
Anglo-Saxons), patauds et mal à l'aise dans les sans qu'il soit question d'un trouble praxique.
activités sportives ou motrices qui nécessitent
précision, rapidité et agilité, s'investissent davan- La compréhension de la tâche
tage dans les activités verbales et intellectuelles.
D'autres se montrent particulièrement malheu- Retard intellectuel global
reux en classes maternelles, où l'investissement Un retard moteur ou praxique s'il s'inscrit dans le
praxique (manipulations, dessin, fabrications en cadre d'un retard global, n'aurait plus la signification
tous genres) est au cœur de la démarche péda- d'un trouble cognitif spécifique : il ne serait que le

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reflet, dans ces domaines-là, entre autres, du défi-


cit global. Le décalage des acquisitions, motrices, notion même de forme n'est pas maîtri­
de coordination ou gestuelles est alors homogène sée : un triangle est dessiné en carré. La
à la dynamique intellectuelle. Dans certains cas, notion d'orientation n'est pas pertinente
les troubles sont nettement plus sévères que ce que pour lui (vertical vs horizontal). Obliques
l'efficience intellectuelle aurait pu laisser anticiper. et croisements ne peuvent être repro­
On parlera alors de « versant dyspraxique », quand duits. L'hypothèse de dyspraxie semble se
ce sont les acquisitions menant à l'inscription renforcer, mais finit par céder le pas à une
intentionnelle des gestes dans l'espace qui sont notion de retard global. La passation du
plus particulièrement déficitaires. WISC est éloquente (Similitudes, NS = 3 ;
Évidemment, c'est l'administration d'un test IDC, NS = 2, Matrices, NS = 1).
psychométrique complet qui doit être ici proposé. Il s'avère donc que les difficultés praxiques
majeures de Nicolas ne sont pas dissociées
Il est impératif de choisir un test multitâche, de
de ses compétences générales. On est en
préférence les échelles de Wechsler adaptées à
présence d'un retard global homogène
l'âge de l'enfant, qui fera varier les tâches (entrées/ et d'une déficience intellectuelle légère.
sorties) et permettra de mettre en relief les apti- Laisser Nicolas refaire un CP « parce qu'il
tudes générales de l'enfant et troubles plus spéci- est immature et est de la fin de l'année »
fiques, s'il y en a. ne paraît pas la solution la plus à même
de l'aider. L'enfant a besoin d'un soutien
plus particulier et de stratégies différentes
de celles d'un enfant dyspraxique. En
particulier, l'usage des outils techniques
Exemples (typiquement informatisés) comportera
Exemple 1 trop de complexité pour pouvoir être
(d'emblée) mobilisé.
Nicolas, 7 ans 2 mois redouble son CP.
Les acquisitions sont difficiles dans la Exemple 2
plupart des domaines (lecture, calcul).
Virginie, 8 ans 5 mois, est scolarisée
Cependant, dès la maternelle, l'enfant
en CE2. Petite fille joyeuse, positive et
se montrait très pénalisé dans les tâches
« toujours partante », elle a connu un
demandées. Le dessin était très pauvre,
développement psychomoteur atypique :
immature (il faisait encore des bon­
marche à 20 mois, course pataude et
hommes « têtards »). Les travaux manuels
lente, elle ne fait toujours pas de vélo et
lui déplaisaient et l'enfant restait souvent
ne sait pas nager. Virginie est cependant
une bonne partie du temps scolaire à ne
très sociable, apprécie les activités avec les
rien faire, dans la lune. On s'est interrogés
autres enfants, même si depuis l'entrée
quant à un trouble de l'attention. Mais
en primaire, elle est un peu délaissée par
Nicolas ne dérange pas, n'est pas agité
les petites filles de son âge. Elle joue donc
ou instable. Au contraire, il est très res­
plus volontiers avec les amis de sa sœur
pectueux du cadre scolaire. L'acquisition
actuellement en CP. D'après ses parents,
de l'alphabet a été particulièrement ardue
le dessin de Virginie a toujours été cata­
et aujourd'hui, en CP, l'écriture est inac­
strophique, et sa cadette a des produc­
cessible : l'enfant effectue péniblement
tions aujourd'hui bien meilleures que les
quelques traits et boucles sans significa­
siennes. En revanche, l'entrée dans la
tion. L'écriture du prénom n'est pas auto­
lecture a été tout à fait rassurante, même
matisée (omissions de lettres), même en
si l'enfant ne comprend pas toujours ce
majuscules. On soupçonne une dyspraxie
qu'elle lit. Le calcul est accessible (addi­
sévère.
tions). L'écriture reste très difficile.
Dès les premières tâches de dessin proposé
Le bilan psychométrique classique révèle
en bilan, Nicolas se montre en grande
d'emblée des capacités intellectuelles
difficulté. Il est frappant de noter que la
situant Virginie dans la zone faible, et ce

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• Les Progressives Matrices, PMC et PM 47, très


de manière homogène. Toutes les notes la proches des subtests Matrices des WPPSI3 et
situent dans un intervalle compris entre 3 et WISC4, sont des épreuves très sensibles aux
6, excepté l'épreuve des Cubes qui n'est troubles d'analyse visuospatiale, car le maté-
pas accessible du tout (donc incotable). riel utilisé consiste en des dessins diversement
Virginie tourne les cubes en tous sens, réa­ orientés.
lise des assemblages informes, aberrants. Ces épreuves, prises isolément, ne conviennent
Elle ne peut anticiper la forme globale du donc pas pour évaluer les capacités de raisonne-
résultat et finit par aligner les cubes en ment, logique et conceptualisation (facteur G) des
vrac. En 2D2, la copie de dessins est un peu enfants pour lesquels un doute existe quant aux
meilleure, mais reste très déficitaire (Beery compétences visuo-practo-spatiales.
VMI3, Copie de figures, T = 50). L'enfant ne
voit pas toujours la différence entre sa pro­
duction et le modèle. Elle réessaie volon­ Langage
tiers, mais sans bénéfice. Ce sont les tâches Interprétation de la consigne
assez répétitives de transcodage qui sont
plutôt mieux préservées (Code, NS = 6),
Certaines épreuves praxiques sont proposées sous
plutôt pénalisées par la lenteur, mais sans forme « d'ordre oral ». C'est le cas typiquement des
erreurs. épreuves de mimes d'action, visant l'évaluation
Il existe donc une situation d'efficience des praxies idéomotrices (« Fais semblant de… »).
limite chez Virginie (au-dessous de l'inter­ Dans le cadre des troubles du langage (réceptif),
valle moyen, mais au-dessus de la zone certaines consignes seront donc difficiles d'inter-
de déficience légère). Dans ce cadre, le prétation pour l'enfant.
trouble visuoconstructif est nettement
plus sévère que ce que les compétences
générales auraient pu laisser attendre.
On peut parler donc d'un « versant dys­
praxique » chez elle.

Dans le contexte de l'évaluation des compé- Exemple


tences générales de l'enfant, l'interprétation de
« Fais semblant de jeter une pièce en l'air,
certaines épreuves de facteur G, très infiltrées de
comme pour jouer à pile ou face ».
dimensions visuo-practo-spatiaux sera à mener
avec beaucoup de circonspection. Outre la connaissance du geste, la
• Les Cubes des échelles de Wechsler (ou Cubes de complexité de la consigne peut gêner
l'enfant et biaiser l'interprétation (pas de
Kohs) sont des épreuves à la fois de stratégie (rai-
réponse, geste ébauché ou « au hasard »,
sonnement, facteur G et fonctions exécutives)
irreconnaissable).
et d'organisation visuo-practo-spatiale. Chez De plus, les enfants présentant des
Nicolas et Virginie, l'épreuve est très échouée, troubles du spectre autistique, et pour qui
voire impossible. C'est l'écart des perfor- précisément la notion de jeu symbolique,
mances avec les autres tâches de facteur G non « faire semblant » ou « faire comme si »
praxiques ou visuospatiales (par ex. Similitudes, est au cœur de la pathologie, peuvent
Catégorisation de l'UDN2 ou de la NEPSY2 ou donc donner des réponses inattendues ou
le Raisonnement catégoriel des EDEI-R) qui ren- décalées.
seigneront sur la spécificité de l'échec et donc de « Fais comme si tu coupais une feuille avec
son rapport avec les aptitudes praxiques. une paire de ciseaux ». Réponse : « Mais
il n'y a pas de ciseaux » ou cherche à
s'emparer de la paire de ciseau présente
2
2D pour « dimension 2 », dans le plan (bidimensionnel). sur la table.
3
Pearson, 2010.

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Chapitre 4. Diagnostic des troubles praxiques

Trouble du langage et des praxies


On fera un cas particulier du trouble du langage sein de l'échelle de Raisonnement percep­
associé à un trouble praxique qui pourra faire tif, l'épreuve des Cubes est faible (NS = 4),
suspecter une déficience intellectuelle lorsque les ainsi que l'épreuve de catégorisation per­
deux échelles du WISC sont déficitaires. ceptive (IDC, NS = 5), mais très en dents
C'est en général le trouble du langage qui, de scie. Plusieurs items complexes à trois
au premier plan de la pathologie, provoque la choix sont réussis. Le raisonnement par
consultation. Secondairement, le bilan peut analogie est dans la petite moyenne
(Matrices, NS = 8). Les deux échelles ICV
conduire à suspecter la présence d'une dyspraxie
et IRP sont donc globalement déficitaires
associée : en effet, les épreuves psychométriques
(notes d'échelle non valides du fait des dis­
ne mettent pas en évidence de dissociation entre cordances intraéchelles, elles sont certai­
indice de compréhension verbale et indice de nement nettement inférieures à l'intervalle
raisonnement perceptif au profit de ce dernier, moyen, mais il ne faut pas les calculer).
comme on pourrait s'y attendre. Il faut alors reve- On ne peut donc pas parler de déficience
nir soigneusement sur l'interprétation de chaque intellectuelle chez François, ce que le reste
subtest, en lien avec les observations cliniques : du bilan confirmera. Il existe un trouble
du langage authentique, mais accompa­
gné d'une dyspraxie mixte gestuelle et
visuoconstructive. On peut s'interroger
sur une dimension praxique des troubles
Exemples de l'articulation, qui entrave l'émission de
la parole et l'intelligibilité. L'orientation
Exemple 1 vers une Segpa sera donc la meilleure,
François, 11 ans 8 mois, termine son cur­ avec des adaptations (frappe au clavier en
sus en ULIS Primaire, qu'il devra quitter à particulier).
ses 12 ans passés. Les professionnels et
la famille s'interrogent quant à l'orienta­ Exemple 2
tion à prendre (Segpa ? Ulis-collège ? voire Il s'agit d'un jeune garçon de 8 ans et
IME ?). L'enfant semble avoir des compé­ demi, diagnostiqué d'abord « retard
tences, la lecture est à peu près acquise (la sévère de parole/langage » à 5 ans, puis
Segpa serait donc possible), mais l'accès « dysphasique » à 7 ans et enfin « défi­
au sens est encore fragile. François est cient mental » à 9 ans. On imagine sans
par ailleurs non scripteur, ce qui contraste peine le désarroi des parents… En effet,
avec l'accès à la technique de la lecture. un WISC est pratiqué à 8 ans 11 mois, à
Dans l'échange courant, il s'exprime mal, l'occasion d'une demande d'admission en
ce qui renforce une impression défici­ classe spécialisée, qui montre des résultats
taire. L'articulation n'est pas toujours « homogènes bas », avec un QI-V = 68
bien intelligible, et François a tendance et un QI-P = 72. De fait, tous les scores
à répondre « à côté » ou à s'exprimer de sont faibles (compris entre 3 et 6–7),
manière ambiguë. Le bilan révèle pour­ sauf le subtest Complètement d'images
tant des capacités de catégorisation ver­ ou l'enfant obtient la note de… 14 ! Cet
bale dans la norme (Similitudes, NS = 9), élément oblige à reprendre l'ensemble du
mais beaucoup de réponses sont hési­ bilan neuropsychologique, ce qui abou­
tantes, mal formulées. On doit beaucoup tira à la mise en évidence chez l'enfant
étayer l'enfant (sans l'aider, en insistant : de l'association d'une dysphasie et d'une
« Dis-m'en plus »). Du reste, très anxieux, dyspraxie : ce diagnostic va influer sur
François doit partir en urgence aux toi­ l'orientation de l'enfant (en ULIS « lan­
lettes après la 3e question. Les autres gage » et non en ULIS « troubles des fonc­
épreuves de l'échelle de Compréhension tions cognitives ») et sur les propositions
verbale sont échouées (Vocabulaire, thérapeutiques et les adaptations pédago­
NS = 3 ; Compréhension, NS = 4). Au giques mieux adaptées.

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Méconnaissance du geste souvent de tâches à choix multiples au cours des-


Le diagnostic de dyspraxie exclut que les incapacités quelles l'enfant doit pointer parmi une série de
constatées soient en lien avec une méconnaissance dessins, celui est identique à une cible. Au sein du
(du geste ou de l'outil). En effet, toutes les praxies WISC, on proposera la tâche de Symboles, pour
sont apprises : il s'agit de l'engrammation de sortes lesquels les items sont bien différenciés. Dans
de « cartes toutes prêtes », de « forfaits d'actions » qui d'autres épreuves, les alternatives sont proches et
gèrent l'ensemble des composantes motrices du geste ne diffèrent que par la taille, l'orientation ou des
(régulations posturales, mouvement balistique, pré- détails.
cision en amplitude, force et configuration manuelle, On mentionnera particulièrement ici l'épreuve
préforme de la main, etc.) et de coordinations com- de Discrimination visuelle du Beery-VMI, qui
plexes qui se construisent sous l'effet de l'observa- permet de contraster : perception, coordination
tion, de l'apprentissage et de l'expérimentation. visuomotrice et praxies visuoconstructive en 2D.
Certaines praxies sont obligatoirement Chaque subtest est appuyé sur les mêmes dessins,
acquises chez l'enfant tout-venant, à un âge ce qui permet une analyse des différentes dimen-
donné, dans une culture donnée, car tous les sions de la tâche de copie. À noter un étalonnage
enfants ont de fait été exposés à cet apprentis- assez sévère pour les adolescents, à moduler sur la
sage : ces gestes servent alors de repères dans le base des observations cliniques.
développement de l'enfant normal et sont utili- Notons que les procédures de choix multiple
sées dans les « baby-tests ». D'autres praxies au impliquent toujours des aspects visuoattention-
contraire sont « facultatives » : certains savent nels (tout explorer) et exécutifs (procédure de
jouer du piano, d'autres savent faire un nœud de choix, inhibition sélective) de la tâche.
cravate, etc. Faire ses lacets n'est plus vraiment
un critère, puisque sous les effets des modes de « Geste » oculomoteur
vie et des goûts, les chaussures à lacets se sont Le regard est un geste dont la finalité est d'aller
faites plus rares, et les enfants se sont retrouvés chercher de manière automatisée ou volontaire des
moins exposés et entraînés. informations dans l'espace. Issues de l'aire oculo-
Il faut savoir en tenir compte lors de l'évalua- motrice frontale (aire 8) du cortex prémoteur, avec
tion d'enfants de cultures différentes, récemment relais par les colliculi supérieurs, les projections
arrivés en France. corticales innervent les noyaux des nerfs III, IV et
VI, commandant les trois paires de muscles per-
La prise d'information visuelle mettant la motricité oculaire. Cette mécanique de
précision amène l'information dans le champ visuel
La plupart des gestes sont appris initialement (vision centrale et périphérique) pour y être traitée.
par observation, imitation et entraînement. Les Les troubles de la fonction oculomotrice se
patients malvoyants ou aveugles parviennent bien traduisent par des anomalies d'organisation, de
entendu à réaliser les gestes de la vie de tous les précision et de la qualité de l'exploration visuelle
jours, mais souvent avec un décalage temporel par (calibrage des saccades, poursuite…). Il peut s'agir
rapport aux enfants tout-venant. Certaines pro- de troubles à différents niveaux : troubles de l'ocu-
cédures de construction sur la base d'un modèle lomotricité, troubles de la programmation et du
sont même, par définition, initiées à partir des calibrage du geste oculaire, troubles de la plani-
afférences visuelles. C'est pourquoi l'analyse de fication de l'exploration d'une scène visuelle ou
la prise d'information visuelle est un prérequis encore troubles visuoattentionnels.
de l'analyse des élaborations gestuelles. Certains Ces troubles sont particulièrement prégnants
troubles praxiques peuvent en effet être confon- au cours de l'apprentissage de la lecture : l'enfant
dus avec des pathologies du traitement visuel et saute des mots, saute des lignes, son regard glisse
spatial ou être co-occurrents à ces troubles. d'une ligne à l'autre, à la faveur de la proximité
spatiale de certaines lettres qui conduisent le
Discrimination visuelle regard. Le diagnostic est suspecté plus précoce-
De nombreuses batteries proposent des tâches de ment devant un strabisme neurologique précoce
discrimination visuelle (chap. 5). Il s'agit le plus (le plus souvent alternant).

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Chapitre 4. Diagnostic des troubles praxiques

L'analyse de la qualité de l'exploration et des Traitement visuospatial


saccades se fera par la passation : Il s'agit du traitement des données spatiales :
• d'épreuves de barrage (adaptées à l'âge) qui lorsque nous regardons une scène visuelle, les rela-
montrent une exploration aléatoire, inefficace tions spatiales entre les divers éléments de la scène
et incomplète du matériel. L'épreuve de Barrage sont normalement traitées automatiquement, via
des cloches de l'Odédys est particulièrement bien la « voie dorsale » (voie occipitopariétale dite du
pensée, puisqu'elle permet à l'examinateur de « où et du comment ») dans laquelle les lobes parié-
« suivre » le regard de l'enfant, en numérotant taux, carrefours associatifs hétéromodaux (affé-
l'ordre de barrage, ce qui permet de retracer le rences somatosensorielles, auditives et visuelles)
parcours effectué par les saccades (recherche jouent un rôle fondamental (cf. figure 4.1).
organisée, de G à D, de D à G, Haut/Bas, de
proche en proche ou par grandes saccades tra-
versant toute la page, repassant souvent sur À noter
les mêmes cibles sans les repérer). Beaucoup « La représentation du corps comporte plusieurs
d'autres tâches de barrage sont moins perti- niveaux, et l'usage de la terminologie qui s'y rap-
nentes (en particulier, Barrage du WISC : une porte est parfois confus (…). L'image du corps
tâche où le matériel est ordonné précède une est une représentation consciente de l'expérience
tâche aléatoire, ce qui induit un appui straté- tactile, visuelle et sensorimotrice que nous avons
gique pour l'enfant ; de plus les cibles colorées de notre corps ; elle possède une composante
sont facilitatrices, etc.) ; émotionnelle. Le schéma corporel est un standard
• d'épreuves de dénombrement qui mettent en auquel sont rapportés les changements de pos-
évidence les oublis et doubles ou triples comp- ture, avant qu'ils ne rentrent dans le champ de
tages (Arithmétique du WISC pour les plus la conscience. » (Honoré, Richard, Mars, 2002).
jeunes, Tedi-Maths et Zareki pour les plus âgés, Le test de C. Meljac, J. Bergès et M. Stamback
ou proposé qualitativement par l'examinateur (Meljac et coll., 1966) explore le schéma corpo-
sur une série de jetons…) ; rel (visage et corps) sous plusieurs modalités
• de suivi de lignes, surtout lorsqu'elles sont (évocation, reproduction, puzzle). L'épreuve de
complexes, par ex. si elles comportent des la NEPSY1 (Dénomination des parties du corps)
intersections, lignes entremêlées (par ex., analyse la connaissance (verbale) du schéma cor-
porel par l'enfant jeune (avant 5 ans).
DTVP2) ;
• l'épreuve de Code des échelles de Wechsler
est particulièrement infiltrée d'éléments Aspects théoriques
oculomoteurs : jusqu'à ce que l'enfant ait pu D'une façon générale, la « spatialisation » n'est pas
mémoriser l'association (ce qui peut ne pas se une fonction unitaire. Il s'agit de fonctions mul-
produire du fait de la brièveté de cette tâche tifactorielles complexes, qui maturent lentement,
de 2mn), le sujet doit aller rechercher en haut à des rythmes différents et dont l'achèvement est
de la page les couples conventionnels chiffre/ tardif (vers 8 ans ?) (Mazeau, Pouhet, 2014) et
symbole pour les reporter dans une grille. réclament donc différents tests, complémentaires
La rapidité, l'endurance et la précision des pour leur évaluation :
saccades est ici déterminante. De discrètes • fonctions concernant l'espace extracorporel :
erreurs (d'association, d'omission, de déca- analyse automatique des orientations et des
lage), peuvent alerter quant à l'intégrité de ces positions relatives des divers éléments de la
mouvements oculaires. scène visuelle ;
Quand un soupçon se fait jour, un bilan orthop- • fonctions concernant l'espace corporel :
tique doit être demandé, à la fois pour préciser le connaissance des différentes parties du corps et
trouble du regard (qualité des poursuites, préci- leurs relations statiques et dynamiques ;
sion du calibrage des saccades, organisation de • fonctions concernant l'intersection et la coor-
l'exploration d'une scène visuelle…) et pour juger dination de l'espace corporel et de l'espace
de l'intérêt d'une thérapeutique (rééducation extracorporel : espace de préhension (manuel,
orthoptique). buccal…).

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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

Cette progressive construction est dépendante de l'analyse des relations dans l'espace en 2D
de nombreuses fonctions cognitives : senso- (choix multiples).
rielles (visuelles, labyrinthiques, proprioceptives • Au sein du KABC2, l'épreuve de Dénombrement
et kinesthésiques…), motrices, mnésiques et de cubes, dont le but est de traiter sur une
conceptuelles, etc. Il ne faut donc pas la réduire planche en 2D la représentation d'un empile-
aux seules fonctions verbales (compréhension et/ ment ordonné de cubes et à déterminer com-
ou expression) du langage afférent à l'espace, au bien de cubes sont présents (en tenant compte
corps, aux relations topologiques, aux orienta- des cubes cachés qui garantissent l'équilibre de
tions, ni aux seules fonctions graphopractospa- l'ensemble). Cette tâche demande une explo-
tiales (dessin du bonhomme, de l'arbre…). ration visuelle efficace, une représentation
Les troubles de ces traitements, ordinairement spatiale intègre, des compétences en termes
implicites, peuvent être accompagnés de difficul- d'imagerie mentale, un certain sens physique et
tés liées à la perception des obliques (confondues, l'efficacité du comptage.
selon les cas, avec des verticales ou des horizon- • Pour les plus grands (15–19 ans), notons des
tales) et d'un échec à toutes les épreuves de topolo- épreuves intéressantes de rotation mentale, éta-
gie et/ou repérage dans l'espace. Il est très difficile lonnée par J.M. Albaret (1996), ou de recons-
de dire s'il s'agit d'un trouble de bas niveau (per- titution d'un modèle cible à partir de divers
ceptif) ou d'un trouble cognitif (trouble de l'inter- patrons développés en 2D (DAT5, ECPA, à
prétation et de la signification du percept). partir de la 3e). Ces tâches permettent d'évaluer
la représentation mentale et la manipulation
Évaluation des compétences mentale d'orientations (ou de cartes spatiales).
visuospatiales
Avec exigence motrice
Sans exigence motrice
D'autres épreuves visuospatiales nécessitent une
On pourra juger de la préservation de ces compé- coordination visuomanuelle et des capacités gra-
tences à travers des épreuves ne réclamant aucune phiques (figures 4.4 à 4.6) :
réalisation manuelle (ni constructive, ni manipu- • les épreuves de barrage ne constituent une
latoire, ni graphique) de la part de l'enfant, mais épreuve visuospatiale que si le matériel à « bar-
seulement une analyse visuelle et spatiale : rer » ou à entourer est orienté, comme c'est le cas
• L'épreuve des Points et des barres (Benton et coll., dans le subtest Positions dans l'espace du Frostig
1975 ; Picard et coll., 1985). Elle comprend deux (Frostig, 1961), le test d'Appariement d'images
parties: l'une consiste à repérer la situation de
points les uns par rapport aux autres et par rap-
port aux bords de la feuille (épreuve de topologie),
l'autre juge des capacités de l'enfant à distinguer
et repérer des barres dont l'obliquité diffère entre
elles de 18° (orientations propres, obliques).
• Au sein de la NEPSY, le subtest des Flèches (il
faut anticiper du regard la trajectoire de flèches
diversement orientées et trouver lesquelles
passeraient par le centre d'une cible) et le
subtest Orientation (l'enfant doit localiser une
maison sur un plan schématique à partir d'un
trajet qui lui est fourni) sollicitent les compé-
tences visuospatiales.
Ces deux épreuves de la NEPSY, outre l'intégrité
des capacités d'exploration visuelle, demandent
une bonne maturité exécutive (stratégies, Figure 4.4. Jules, 7 ans 8 mois, en CE2
mémoire de travail spatiale, inhibition sélective). (modèles à gauche, reproduction de l'enfant
• La tâche de reconnaissance des rapports spa- à droite).
tiaux fins (TVPS3) permet de vérifier l'intégrité Extrait du Frostig.

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Chapitre 4. Diagnostic des troubles praxiques

explore la capacité de l'enfant à percevoir


l'orientation d'un dessin (« pseudo-lettre »)
comme un élément pertinent en soi ;
• la reproduction de dessins dans un repère de
points (par ex., le subtest Relations spatiales du
Frostig) permet d'apprécier différents éléments,
tels l'influence des obliques du repère de points
(aide ou, au contraire, informations supplé-
mentaires à prendre en compte qui perturbent
l'enfant).

À noter
Figure 4.5. Marine, 7 ans et demi, hémiplégie L'échec à ces épreuves doit conduire à s'assu-
droite congénitale, CE1. Repasser sur une rer des aptitudes oculomotrices (cf. supra) des
ligne complexe. enfants (strabisme précoce, troubles de l'organi-
sation et/ou du calibrage des saccades, anomalies
de la poursuite oculaire, etc.), éventuellement à
demander un bilan orthoptique.

Les troubles des traitements visuospatiaux


peuvent être isolés ou associés à une (des)
dyspraxie(s), mais aussi de dyscalculies spatiales
(dénombrement en particulier), d'échecs sévères
en géométrie et chaque fois que la tâche est très
infiltrée de facteurs spatiaux (géographie, inter-
prétation de schémas et tableaux, etc.).

Pathologie gnosique visuelle


Elle est liée à la reconnaissance du sens des
images (chap. 5), alors même que la perception
visuelle et le traitement des informations spa-
tiales sont intègres. Dans les cas d'agnosie (soit
plus ou moins globale, soit spécifique aux signes
conventionnels de la lecture), l'impact sur l'écri-
ture est massif, puisque l'enfant ne reconnaît pas
Figure 4.6. Reproduction de signes orientés en les lettres en tant que porteuses de signification.
copie différée. L'enfant ne déforme pas les lettres : il ne peut pas
À gauche : la production de l'enfant ; à droite : le modèle du tout les réaliser. On se trouve devant un enfant
proposé. véritablement a-graphique, ne réalisant que de
vagues gribouillages.
(Albaret et coll., ECPA) ou le d2 (test d'attention
concentrée, R. Brickenkamp, ECPA). Il faut en
Réponse motrice
effet percevoir, analyser et interpréter l'orien- De même que la prise d'information visuelle fait
tation des différents dessins pour choisir l'élé- partie intégrante de la construction du geste, la
ment-cible, ce qui n'est pas le cas des barrages réponse motrice en est la partie observable. On
des échelles de Wechsler ; évalue le geste à partir de l'analyse de sa réalisa-
• la reproduction de figures orientées, en copie tion effective dans l'espace. Il est donc très aisé
ou en copie différée (mémoire à court terme) de confondre un trouble moteur avec un trouble

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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

praxique, puisque le geste est en quelque sorte, ces enfants) peut rendre compte de nombreuses
par essence, superposé avec sa réalisation motrice maladresses gestuelles, de l'imprécision lors de
(les mouvements réalisés). Or ces deux dimen- la réalisation de gestes fins, de lenteur lorsque la
sions, l'une ayant partie liée au projet et sa pro- précision est réclamée. Enfin, les dysfonctionne-
grammation (versant cognitif du geste) et l'autre ments cérébelleux compromettent l'automatisa-
étant liée à sa réalisation concrète (versant moteur tion des apprentissages gestuels.
du geste) doivent être dissociées. Il en va de la per- Un examen neuromoteur complet et soigneux
tinence et de la qualité des prises en charge en cas doit donc normalement précéder toute demande
de troubles éventuels. de bilan visuo-practo-spatial, surtout s'il s'agit
d'un trouble du graphisme. En effet, le diagnostic
Latéralisation de dyspraxie ne peut être envisagé qu'après élimi-
nation des autres causes connues pour être res-
La maladresse de l'enfant, et en particulier les ponsables de gestes approximatifs, désorganisés,
troubles du graphisme, sont encore trop souvent mal coordonnés, lents et imprécis.
systématiquement associés à un trouble moteur ou À titre de simple indication de routine, on
praxique, alors que c'est la maturité ou l'ambiguïté pourra administrer de manière rapide et éclai-
de latéralisation qui est en cause. En effet, l'émer- rante l'épreuve de Tapping de la NEPSY2. Tâche
gence du côté dominant est un processus matura- nécessitant la réalisation rapide et répétée d'un
tionnel qui peut être lent (et, paradoxalement, la mouvement simple des doigts, on pourra mesu-
latéralisation précoce peut être signe d'hémiparé- rer (grossièrement) la vitesse de réalisation du
sie). La préférence manuelle est généralement défi- côté dominant et du côté non dominant. Outre
nitivement et clairement installée entre 4 et 6 ans. la capacité à joindre pouce et index pulpe contre
Quelques épreuves simples de mimes d'action pulpe (contrôle cérébelleux), on notera la régu-
permettent d'établir la latéralisation neuro­logique. larité du mouvement et surtout les syncinésies,
L'observation de la manualité fonctionnelle (poin- mouvements parasites involontaires déclenchés
tage spontané, manipulation des objets…) permet par le geste conscient : de l'autre main (syncinésies
de comparer la latéralisation neurologique avec d'imitation), de la mâchoire, des crispations (syn-
le choix fonctionnel de la main (tenue du stylo). cinésies toniques). Ces syncinésies marquent une
L'incohérence entre les deux peut se trouver à certaine immaturité de la commande motrice, le
la racine d'une maladresse, en particulier si le déclenchement d'un mouvement amorçant des
reste du bilan ne fait pas apparaître d'autres aty- mouvements (controlatéraux, ou d'autres parties
pies (dans le domaine moteur ou praxique). du corps) qui ne sont pas spontanément inhibés.
La deuxième partie de cette épreuve est plus com-
Examen neuromoteur (statique, plexe (réaliser une séquence digitale de chacun des
dynamique, boucle cérébelleuse) doigts contre le pouce). Le bon déliement des doigts
et une commande motrice intègre sont nécessaires,
Le diagnostic des dyspraxies exclut que les inca- mais l'aspect exécutif est aussi primordial.
pacités constatées puissent être en rapport direct Pour aller plus loin dans l'évaluation motrice
avec des troubles moteurs. précise et les gestes fins, on peut noter les épreuves
En effet, des troubles moteurs francs (paraly- de Laurence Vaivre-Douret : « Développement
sies, troubles du tonus, mouvements anormaux) fonctionnel moteur de 0 à 48 mois et l'évaluation
ou des troubles de la motricité fine (adiadocociné- gnosopraxique distale » (ECPA).
sie, anomalies ou incapacité de dissociations des De même, les épreuves variées et bien différen-
doigts, tremblements, fines dystonies, troubles de ciées par tranche d'âge du M-ABC sont un bon
la sensibilité profonde ou superficielle, troubles de inventaire des compétences motrices (fines et
l'équilibre, dysmétrie ou dyschronométrie, etc.) globales).
peuvent naturellement retentir sur la qualité de la
réalisation gestuelle.
En particulier la présence d'un syndrome céré- Adresse et habileté
belleux, même frustre (et qui fait souvent partie Plusieurs épreuves du M-ABC visent l'évaluation
des signes neurologiques « soft » retrouvés chez de l'adresse, dans des gestes de visée plus ou moins

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Chapitre 4. Diagnostic des troubles praxiques

fins (lancé de sac lesté, faire rouler une balle en de la fluidité du mouvement). Cependant, com-
direction de l'examinateur…). Noter un étalon- portant une forte dimension exécutive et straté-
nage de « dégradation » assez peu sensible, mais gique, la normalisation de la performance devra
des observations cliniques riches et instructives. impérativement dissocier vitesse et précision
Dans le domaine de la motricité fine, dès 5 ans, (ce que la NEPSY propose). En effet, les erreurs
les épreuves de Pegboard (Purdue4 ou Grooved5 (l'enfant déborde), peuvent être aussi bien impu-
Pegboard), sont pertinentes. Elles permettent tées à un trouble de la coordination visuomotrice
d'évaluer l'habileté de la main dominante, de la (vitesse dans la norme, voire plus lente que la
main non dominante et dans le cas du Purdue, moyenne et un nombre significatif d'erreurs) qu'à
l'habileté bimanuelle. Outre la mesure de la un défaut d'inhibition (vitesse rapide, beaucoup
vitesse, on pourra noter la qualité et la stabilité d'erreurs).
de la posture, l'orientation fine des doigts, l'indé- On appréciera particulièrement pour l'analyse
pendance des segments corporels (doigts, mains, des aptitudes oculomanuelles, l'épreuve dite de
poignet, avant-bras, bras…), le besoin d'aide de Motor Coordination du Beery-VMI. En effet,
l'autre main, la précision de la visée, le fait que en imitation ou réalisation libre, l'enfant devra
l'enfant force ou non, fait tomber des pièces… repasser des formes dans un cadre de plus en plus
étroit. Les formes sont identiques dans les trois
subtests (Perception visuelle, Copie de figures,
La coordination entre l'œil Coordination), et permettent donc de contraster
et la main la réussite dans chacun des sous-domaines, et de
faire l'inventaire des compétences nécessaires à la
Beaucoup de tâches praxiques impliquent tracés réussite de la tâche visuoconstructive.
et dessins. Le graphisme est bien entendu infiltré L'étalonnage de ces épreuves sera accompagné
de facteurs liés à la coordination oculomanuelle. d'une analyse qualitative des productions : tenue
Intégration des informations visuelles, sous la du stylo, tonicité (papier gravé au dos), embardées,
dépendance du guidage moteur, l'analyse doit tremblements, crispations, sorties de route, points
pouvoir être détachée du projet proprement ges- de rebroussement, cercles cabossés, difficulté de
tuel. Des tâches prévoyant le suivi d'un cadre freinage du geste…
pré-imprimé permettront d'isoler les aspects plus
spécifiquement liés à la coordination entre l'œil et
la main par rapport au tracé libre :
• pour les plus jeunes, les tâches du Frostig per-
La planification de l'action
mettent de juger de ces capacités le long de Sur le plan neuropsychologique, la dyspraxie
formes simples, d'anticiper le chemin reliant est un trouble de la programmation spatiale et
une suite limitée de points ; temporelle de l'action intentionnelle et finalisée
• des épreuves de tracé (de la bicyclette ou de la qui se traduit par une anomalie de la réalisation
fleur) sont prévues au M-ABC (de 4 à 12 ans). gestuelle. Il s'agit d'une pathologie touchant la
Quelques épreuves élicitent au surplus une transformation du projet en acte. Ce terme ren-
dimension de rapidité (subtests dits Précision voie donc au résultat de cette programmation, à
visuomotrice dans la NEPSY ou Rapidité visuo- la façon dont elle est mise (ou non) en œuvre, à
motrice dans le DTVP36). Elles permettent de l'organisation et la coordination effective d'un
juger de la qualité des mouvements plus amples et ensemble d'actions élémentaires.
moins contrôlés (noter l'étalonnage des levées de Cette notion pourrait paraître proche du
crayon au sein de la NEPSY2, permettant de juger concept de planification, ce qui n'est pas le cas. En
effet, la planification correspond à la conception
4
Purdue Pegboard, ECPA (1999). de l'organisation et la mise en œuvre d'une action
5
Grooved Pegboard, Lafayette Instruments (2002).
complexe, sous forme de la gestion temporelle
d'une succession d'étapes, selon un plan déter-
6
DTVP3, développement de la perception visuelle,
Donald D. Hamill, Pearson de Nils A., Judith K. Voress, miné, et renvoie donc aux fonctions exécutives.
(4–12 ans 11 mois). Il s'agit de la version refondue La nuance est essentielle : dans le cas des
(2014), revue et complétée du Frostig, très ancien (1961). troubles praxiques, l'enfant n'est, d'ordinaire, ni

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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

Tableau 4.2. Distinctions entre TDA/H ou syndrome dysexécutif et dyspraxie.


TDA/H ou syndrome dysexécutif Dyspraxie
Attitude Papillonne d'une idée à l'autre Concentré sur la tâche
générale Erreurs de type « n'importe quoi » Erreurs liées à l'organisation motrice et/ou
spatiale
Maladresse Gestes rapides et désordonnés Gestes lents et laborieux, recherche du « bon »
Abandonne rapidement geste, essais successifs
Organisation Défectueuse du fait d'oublis, négligences Défectueuse du fait de troubles moteurs et/ou
Difficultés à s'adapter au changement visuospatiaux
(d'exercice, de consigne, de stratégie) : rigidité (orientation des divers éléments entre eux, de
mentale l'outil…)
Jugement Mal adapté : pense avoir réussi ou Juge parfaitement de la qualité de son travail
complètement raté de façon inadaptée par Apprend de ses erreurs, qu'il essaie de corriger
rapport aux exigences de la tâche

impulsif 7, ni désorganisé. Il peut se montrer soi- • Le plan n'aide pas, les erreurs sont comparables
gneux et impliqué. Mais malgré tous ces efforts, le à celles observées lors de la copie autonome :
résultat de la programmation de la suite des gestes on confirmera la nature praxique du trouble.
est décevant, ne correspond pas au projet. L'aide à la planification n'a pas compensé les
Chez l'enfant dysexécutif, le travail est brouillon, erreurs de programmation de la suite de gestes
la réalisation chaotique, avec une initiation impul- nécessaires.
sive suivie de retouches plus ou moins pertinentes. La distinction est fondamentale, car les aides
Dans la pratique, il peut paraître difficile de faire seront de nature très différente. Dans le cas d'une
la différence entre les deux familles de troubles. dysgraphie dyspraxique, le passage à l'ordinateur
En effet, dans les deux cas, le résultat de l'action pourra être tout à fait pertinent. Dans le cas d'une
peut paraître perturbé, avec des erreurs dans le dysgraphie conséquence de troubles exécutifs,
traitement des rapports spatiaux, des autocorrec- on assistera à des productions très différentes : il
tions plus ou moins heureuses, des duplications/ ne s'agit pas tant d'une « maladresse » graphique
persévérations, un travail par essais et erreurs. Les que de persévérations (crayonnages répétitifs au
observations qualitatives permettront de faire la même endroit, loops), voire d'agraphie totale : les
différence (tableau 4.2). productions sont réduites à quelques traits désor-
On parviendra de plus à dissocier les troubles ganisés. Le passage à l'ordinateur pourra s'avérer
praxiques et des troubles exécutifs (ou affirmer nettement plus difficile (organisation, utilisation
leur co-occurrence !), en choisissant d'adminis- et coordination des logiciels…).
trer des tâches non praxiques et très exécutives
(Tour de Hanoï, Stroop, Petits hommes verts).
Certaines tâches visuoconstructives (en parti-
culier la copie de la Figure de Rey) proposent une Troubles du geste :les diagnostics
double passation. Dans un premier temps, la copie différentiels
est administrée de manière habituelle. Puis dans
• défaut d'apprentissage ou d'exposition au geste
une deuxième étape (après le rappel différé), un
correspondant ou d'entraînement ;
plan est proposé, distinguant pas à pas les diffé- • problème de motricité fine : dystonie, dysmé-
rentes étapes. Deux cas se présentent : trie, dyschronométrie, tremblement, syndrome
• Le plan aide significativement la réalisation : cérébelleux cinétique ;
le trouble est plutôt exécutif, et les praxies sont • déficience mentale et/ou problème de compré-
globalement préservées. hension de consigne ;
• trouble des stratégies et fonctions exécutives
7
Ne pas confondre dans les tâches visuomotrices avec (cf. « planification » du geste) ;
des sorties de route impulsives et embardées dues à un • problème praxique et/ou visuospatial.
trouble du contrôle moteur.

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Chapitre 4. Diagnostic des troubles praxiques

Affirmer le trouble des praxies Épreuve des Cubes


C'est en effet l'archétype d'une tâche visuo-
et sa nature practo-spatiale. Elle consiste à :
Lors de la passation des échelles de Wechsler • Analyser une planche 2D représentant un
(WPPSI, WISC ou WAIS), l'une des disso- damier (2 x 2 ou 3 x 3) diversement organisé,
ciations les plus connues et recherchées des impliquant ou non des effets d'oblique.
praticiens est l'écart significatif entre l'échelle • Manipuler des cubes aux faces diverses (2 faces
de Compréhension verbale (ICV) et l'échelle de rouges, 2 faces blanches, 2 faces coupées en
Raisonnement perceptif (IRP), en défaveur de deux dans le sens de la diagonale avec une moi-
cette dernière. Pour la plupart, elle signe automa- tié rouge et une moitié blanche).
tiquement l'existence d'un trouble praxique sous- • Reproduire le modèle du damier au moyen des
jacent, qu'ils laisseront au spécialiste du geste cubes (l'organisation des faces verticales n'im-
(psychomotricien ou ergothérapeute) le soin de porte pas, seule la surface horizontale supé-
spécifier et prendre en charge. rieure compte).
Disons-le d'emblée : ce « raisonnement » dua- • À partir de l'item 6 chez l'enfant de plus de 6 ans
liste est dangereux, car souvent erroné. Un écart (WISC), les lignes de construction disparaissent.
significatif peut apparaître pour de multiples rai- Cette tâche est donc saturée à toutes les étapes
sons, et son interprétation n'est certainement pas de sollicitations inscrites dans la filière VPS :
univoque. L'absence de dissociation peut être tout – analyse visuelle (contrastes, obliques) et
aussi trompeuse. visuospatiale (organisation des contrastes
Pour poser utilement l'hypothèse de dyspraxie entre eux) ;
et la confirmer, il est fondamental de : – extraction des éléments constructifs à par-
• revenir aux notes standards obtenues aux diffé- tir des éléments individuels disponibles (les
rents subtests des échelles de Wechsler ; 3 faces différentes des cubes) ;
• proposer des tâches spécifiquement praxiques – planification (exécutive) des étapes à réaliser ;
permettant d'étayer l'atteinte élective du geste, – programmation (praxique) de la
en précisant quels gestes sont plus particulière- suite des gestes à réaliser (dominante
ment touchés, et lesquels sont préservés. visuoconstructive) ;
– analyse du feedback visuel et comparaison
entre la cible et la réalisation, corrections
éventuelles.
La passation et l'analyse Selon l'item plusieurs stratégies sont possibles
des échelles du Wechsler (et plus ou moins efficaces) :
De très nombreuses circonstances peuvent • par extraction d'un motif constructif répété
(doivent) conduire à proposer une WPPSI ou un nécessitant une bonne synthèse visuelle ;
WISC aux enfants, en particulier des difficultés • par une démarche séquentielle et de proche
d'apprentissage se traduisant par un échec sco- en proche, tirant parti d'un processus plutôt
laire inexpliqué. Quelle que soit la motivation analytique ;
initiale de cet examen, la constatation d'une • par essais et erreurs.
dissociation significative entre les performances Il est certain que les enfants présentant des
aux épreuves « verbales » versus « non verbales » troubles visuoconstructifs (en 3D8) sont très
aux dépens de ces dernières, peut certes conduire gênés par cette tâche qui mobilise l'ensemble
légitimement à s'interroger sur la présence d'une des compétences qui chez eux sont défici-
éventuelle dyspraxie ou d'une pathologie des taires. Leurs erreurs sont généralement très
fonctions visuospatiales, mais pas toujours. évocatrices : perplexité, tâtonnements, défaut
Pourquoi ? d'anticipation de la forme globale (par ex.,
Chacune des tâches de l'échelle de raisonne- 2 x 4 cubes au lieu de 3 x 3), ils penchent les
ment perceptif implique en effet les fonctions de
la lignée des compétences visuo-practo-spatiales,
mais à des degrés très divers. 8
3D pour « dimension 3 », espace tridimensionnel.

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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

cubes pour réaliser une oblique, ou n'utilisent (reconnaître les images), exécutives (organisation
que les faces uniformes, obtiennent des résul- du traitement, inhibition sélective, stratégie de
tats aberrants dont ils sont conscients mais choix) et facteur G (extraction des dimensions
qu'ils ne peuvent corriger, peuvent commencer conceptuelles communes).
correctement puis sont très gênés par l'encom- Cette tâche nous intéresse moins du point de
brement visuel et ne parviennent plus à placer vue strictement praxique. Les éléments visuos-
les derniers cubes, etc. patiaux sont impliqués mais à un degré de com-
Cependant, d'autres facteurs peuvent aussi plexité faible.
entraîner un échec : À ce titre, c'est même généralement, chez les
• Le retard intellectuel : il s'agit d'une tâche de jeunes dyspraxiques, l'épreuve la mieux réussie
raisonnement spatial complexe impliquant dans le domaine « non verbal », avec des scores
l'intégrité de l'esprit d'analyse, le déploiement concordants avec ceux des épreuves verbales.
de stratégies variées et sophistiquées. On
constate en particulier que les enfants défici- Épreuve des Matrices
taires ont beaucoup de mal à traiter l'orienta-
Tâche de raisonnement par analogie, elle s'appuie
tion comme critère déterminant de la tâche. On
sur des inputs visuels, avec la nécessité de bonnes
observe alors des inversions D/G, des rotations
compétences d'exploration et d'analyse visuelle
même pour les items les plus simples. Quand
et visuospatiale (balayer l'ensemble du matériel),
on l'interroge, l'enfant répond que c'est « bien
bonne mémoire de travail visuelle (maintenir en
la même chose ».
tête les données du problème et les solutions pro-
• Le trouble de la planification : dans la dimen-
posées), mais aussi inhibition sélective (faire varier
sion exécutive des compétences, l'enfant est ici
le type de raisonnement, résister à des réponses
vite débordé par la mise en œuvre d'une stra-
calquées sur celles élaborées lors de la résolution
tégie complexe, et ne parvient pas à moduler
d'items précédents). Certes, quelques planches sont
son approche en fonction des items (approche
particulièrement chargées d'éléments complexes
analytique ou synthétique) ou au cours de la
visuellement (complétions de patterns), mais si
réalisation de l'item (ajustements, analyse des
l'échec électif à ces items engage l'évaluation des
erreurs, autocorrections…). On relève alors des
processus visuels (discriminations visuelles, traite-
piétinements dans des impasses, des persévéra-
ments de bas niveau tels les obliques) et visuospa-
tions, des inversions exactes de couleur (ce qui
tiaux, on ne peut s'appuyer sur un échec particulier
est blanc sur le modèle est répliqué en rouge et
à Matrices pour suspecter une dyspraxie.
inversement), des approches brouillonnes, inef-
Au sein des tâches optionnelles, on propose un
ficaces uniquement par essais et erreurs sans
exercice de repérage d'omissions au sein d'une scène
anticipation.
naturelle (Complètement d'images). Une bonne
• Des troubles de bas niveau, en particulier per-
exploration peut être requise en fin d'épreuve (repé-
ception et analyse visuelle, étape centrale dans
rer un détail), mais le traitement « en parallèle » de
cette tâche.
l'image est généralement le plus pertinent, du moins
En réalité c'est donc l'échec électif à cette tâche
pour la plupart des premiers items. L'effet d'alerte
qui sera le plus révélateur de troubles VPS, en
est plutôt lié à la connaissance (gnosie) de l'objet ou
contraste avec d'autres épreuves du même niveau
de la scène (une porte sans poignet, un doigt sans
de complexité mais non infiltrées de facteurs de
ongle) et à l'incongruité patente de l'omission.
cette nature.

Épreuve Identification de concepts Devant une dissociation ICV/IRP, le premier


Elle consiste à explorer une série de vignettes réflexe est donc la prudence. On doit impérative-
organisées en 2 ou 3 lignes afin de constituer des ment avoir accès aux notes standards des subtests
catégories pertinentes, graduellement de plus et pas seulement aux notes d'échelle ou d'indice.
en plus abstraites (végétal, qui vole, naissant…). Dans tous les cas, c'est l'échec électif à certains
subtests qui est significatif, réalisant un profil
Cette épreuve implique des compétences oculo-
particulier.
motrices (explorer tout le matériel), gnosiques

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Chapitre 4. Diagnostic des troubles praxiques

Exemple langage n'était détectable. Ce sont les


faibles compétences en dessin, et bien­
L'échec à une épreuve de l'échelle tôt en écriture qui alertent. La psycho­
de Raisonnement perceptif peut à lui logue scolaire est sollicitée : Les aptitudes
seul (ou amplifié par l'échec à d'autres générales de l'enfant sont bonnes, voire
subtests), minorer l'indice d'échelle dans très bonnes (Similitudes, NS = 10, IDC,
son ensemble. C'est donc uniquement NS = 14 ; Matrices, NS = 16). Les épreuves
l'analyse des ressorts de cet échec-là qui de Vocabulaire et de Compréhension
pourra éclairer sur la raison d'être d'une sont un peu décevantes (NS = 8 pour
éventuelle dissociation interéchelle : fac­ chacune d'entre elles). Mais Jean-Louis
teur G, traitements de bas niveau visuels, pose beaucoup de questions : « C'est
attention, fonctions exécutives, mais quoi un abattoir ? », « C'est quoi un lieu
aussi langage (en particulier pour les public ? ». Il semble que le lexique soit
tâches « verbalisables » comme IDC ou un peu étroit, et que les difficultés soient
Complètement d'images). plutôt liées à la méconnaissance des mots
et/ou à la difficulté de leur interprétation
en contexte. Seule la note aux Cubes est
faible (NS = 5). Mais, comme le profil est
Aussi, la dissociation traditionnelle verbal/
celui d'un enfant pertinent, on attribue
perceptif, même statistiquement significative n'est cet échec au fait que c'est la première
pas à elle seule un critère fiable pour établir un épreuve administrée et que l'enfant
diagnostic de trouble des praxies. On rappelle paraissait stressé. Les troubles de l'écriture
qu'une note d'échelle est la moyenne d'au moins sont donc attribués à l'anxiété de perfor­
trois tâches polyfactorielles, constituant donc un mance et à la difficulté de laisser une trace
amalgame cumulatif ou compensatoire de dimen- dans un contexte familial multi­culturel où
sions variées. l'enfant est le seul à écrire le français. Une
Remarquons du reste que la dissociation inverse prise en charge en psychothérapie est
est aussi tout à fait possible, ce qui pourra mas- engagée au sein du CMP de l'arrondisse­
quer une dyspraxie authentique : ICV < IRP, ment. Les parents et l'enfant se rendent
quand des tâches métalinguistiques (Vocabulaire, scrupuleusement aux rendez-vous, mais
Compréhension), très corrélées au milieu socio- sans bénéfice notable sur l'écriture. Or
culturel et à la culture générale de l'enfant, sont le complément d'un bilan neuropsycho­
logique approfondi confirme bien que
échouées et que seule l'épreuve des Cubes est
Jean-Louis présente une dyspraxie mixte
déficitaire mais largement compensée par une
visuoconstructive et gestuelle. Le calcul
réussite solide aux épreuves de raisonnement et de l'ICV aurait révélé un niveau juste à la
de conceptualisation (épreuves de facteur G) sur moyenne, alors que l'IRP aurait été légè­
matériel visuel. rement supérieur. IRP > ICV ne peut donc
écarter l'hypothèse d'une dyspraxie, et
seule l'analyse des notes standards indivi­
duelles et un bilan approfondi des praxies
permettront de poser le diagnostic.
Exemple
Jean-Louis, 6 ans 2 mois, est issu d'une
famille d'origine asiatique arrivée en
France juste avant sa naissance. Il n'a
parlé qu'un dialecte chinois jusqu'à Si cette première approche psychométrique ne
l'entrée à la maternelle, mais est rapi­ peut en aucun cas constituer à elle seule le dia-
dement entré dans le français une fois gnostic, elle permet néanmoins de faire des hypo-
scolarisé, au point qu'en fin de petite thèses qu'il faudra confirmer (ou infirmer) par la
section, aucun retard ni trouble du passation des tests étalonnés qui évaluent spécifi-
quement le secteur practospatial.

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Tester spécifiquement doigts, leur donner un nom simplifié : par ex.,


les compétences praxiques le « petit doigt » au lieu d'auriculaire). Ce type
d'épreuve peut éventuellement donner des indices
Dans le domaine gestuel quant à une agnosie digitale (associée à une indis-
Il s'agit de faire réaliser à l'enfant des gestes arbi- tinction droite/gauche, une dysgraphie et une
traires nouveaux pour lui. L'enfant doit observer dyscalculie spatiale, ce tableau réalise le syndrome
les configurations proposées et les reproduire en de Gerstmann.
présence du modèle proposé par l'examinateur, le
plus souvent d'abord du côté dominant, puis du Les praxies d'utilisation d'outil
côté non dominant. • Une épreuve du M-ABC propose une tâche éta-
• On pourra proposer plusieurs épreuves étalon- lonnée de découpage avec une paire de ciseaux
nées, et en particulier les épreuves de L. Vaivre- (Découpage de l'éléphant). Elle permet d'évaluer
Douret (1997) concernant la « motricité la précision, mais pas la vitesse. Normée à partir
gnosopraxique distale ». de 11 ans, elle peut être proposée qualitative-
• De même, au sein de la NEPSY, on trouve une ment auparavant. Du reste, pour les plus jeunes,
épreuve de configurations digitales (Imitation le découpage d'un rectangle et d'un cercle donne
de la position des mains) puisant dans les des informations précieuses (stratégie, embar-
compétences gestuelles. Noter les éléments dées, brusqueries, entailles, précision…).
qualitatifs : gestes en miroir (immaturité de • On peut aussi proposer à l'enfant de tracer un
l'inversion D/G lors de l'imitation), raideur, gui- segment de droite avec une règle (par ex. au
dage visuel, erreurs de doigts (gnosies digitales), cours d'une tâche numérique de représentation
aide avec l'autre main, lenteur. Du point de vue des nombres sur un axe orienté), de gommer, de
praxique, ce qui nous intéressera le plus, c'est coller avec un bâton de colle…
la cohérence de la configuration, les positions • L'observation de la prise de l'outil scripteur
aberrantes, très loin du modèle, les orientations (tridigitale, quadridigitale, idiosyncrasique, du
incorrectes, qui signale les difficultés de trans- bout des doigts comme un pinceau, trop près de
formation du projet (sur perception visuelle) en la mine, crispée, raide, orientation trop verticale
acte. Observer aussi le chemin qu'emploie l'en- ou horizontale…) donnera des informations
fant, tâtonnements, allers-retours visuels entre qualitatives intéressantes lors de l'exploration
le modèle et la réalisation. L'aspect hésitant et de l'écriture.
approximatif, convergeant graduellement vers
la cible renseigne sur la capacité de transforma-
tion rapide d'un geste vu en un geste réalisé. Dans le domaine idéomoteur
• Souvent mieux réussies, on pourra aussi analy­ • De nombreux gestes de la vie quotidienne
ser les configurations manuelles (qualité de sont bien connus et grossièrement maîtrisés
configuration, position par rapport au visage, dès 4 ans (se brosser les dents, manger, boire
orientation9). avec un verre ou un bol, mettre un manteau),
Lorsque le choix des doigts est souvent erroné, de même que des gestes empruntés au réper-
on pourra proposer une épreuve de reconnais- toire des adultes mais très utilisés dans les jeux
sance de la position des doigts. Supprimée dans la d'imitation des enfants (repasser, passer l'aspi-
seconde édition de la NEPSY, la tâche Distinction rateur, taper avec un marteau, se laver, se coif-
de doigts peut donner des informations qualita- fer, conduire la voiture) ou dans les chansons
tives sur les gnosies digitales. Noter que l'enfant mimées (scier du bois, tirer au fusil, dormir,
peut être gêné par la méconnaissance du nom « chut », sonner les cloches, « tourne petit mou-
des doigts, ce qui invite à modifier légèrement lin », ouvrir une porte avec une clé). D'autres
la consigne (rappeler et faire répéter le nom des ne sont vraiment acquis par la majorité de la
population enfantine que vers l'âge de 7 ans
(pour un échantillonnage des gestes et les âges
9
Par ex. Vaivre-Douret L., EMG. Évaluation de la correspondants, en reconnaissance, se reporter
motricité gnosopraxique distale. ECPA, 1997. à Gaillard, 2006).

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Chapitre 4. Diagnostic des troubles praxiques

Tr. du regard LECTURE

ARITHMÉTIQUE Répercussions
Tr. structuration spatiale
scolaires
GÉOMÉTRIE
Dyspraxie GRAPHISME
Figure 4.7. La dyspraxie visuospatiale : une cause d'échec global.

• De nombreuses épreuves non étalonnées per- • Dans l'espace 2D, typiquement l'espace feuille,
mettent de demander à l'enfant, avec ou sans l'enfant n'est pas en prise avec les données de
l'outil correspondant de : relief et la manipulation est réduite à l'usage de
– reconnaître un geste ou un mime (sur image l'outil scripteur. En revanche, il ne peut procé-
ou geste effectué devant lui), et de dire s'il der par essai et erreurs. La trace est immédiate-
est bien réalisé ou non, et pourquoi. On teste ment présente et indélébile.
alors la connaissance du geste par l'enfant et • On fera un cas à part pour les puzzles et assem-
sa capacité à se le représenter ; blages (voir plus bas).
– reproduire un geste (ou un mime). On teste
alors sa capacité d'attention, d'imitation et de Compétences visuoconstructives en 3D
réalisation practomotrice10 ; Les tâches proposées sont essentiellement des
– faire un geste (ou un mime) sur consigne orale. épreuves de constructions avec des cubes ou des
On teste alors sa connaissance du geste, sa capa- pièces géométriques (pièces triangulaires) sans
cité d'évocation et de réalisation practomotrice. encastrement. Il peut s'agir de tâches simples :
faire un pont avec trois cubes (vers 3 ans), un esca-
Dans le domaine idéatoire lier ou une porte (vers 4 ans), une pyramide (vers
On proposera la réalisation sur ordre oral de 4–5 ans). Il peut aussi s'agir de jeux de construc-
gestes symboliques signifiants : dire « au revoir » tion (Lego®, Mécano®, etc.).
de la main, faire le salut militaire, faire « chut », Outre les Cubes des épreuves de Wechsler et de
démontrer qu'on a le ventre plein, qu'on a froid… la NEPSY, il existe un test dit des Praxies construc-
tives tridimensionnelles (ECPA) qui utilise des
Dans le domaine visuoconstructif sticks et est utilisable pour des enfants au-delà de
Les compétences visuoconstructives (ou visuos- 9 ans. On évoquera aussi les Triangles du KABC2.
patiales) sont particulièrement importantes, car Les variations significatives de la réussite à ces
elles permettent l'élaboration d'un dispositif maté- tâches dans les cas de dyspraxie nous donneront
riel dans l'espace. Les troubles dans ces domaines l'occasion d'analyser finement les enjeux de cha-
peuvent infiltrer de nombreuses fonctions et cune d'entre elles du point de vue practospatial.
impliquer un échec scolaire global (figure 4.7). 1. Les Cubes des échelles de Wechsler (ou Cubes
On distinguera les dimensions 3D et 2D, car de Kohs) sont des épreuves à la fois de stratégie
réussites et échecs peuvent y être dissociés, avec (raisonnement, facteur G et fonctions exécu-
des effets facilitateurs ou perturbateurs selon le tives) et d'organisation visuo-practo-spatiale.
type de trouble : On l'a dit, l'échec sévère à cette épreuve est fré-
• Dans l'espace tridimensionnel, au sein de l'es- quent en cas de dyspraxie.
pace familier, l'enfant peut être aidé ou perturbé
par les éléments de perspective et de volume, de À noter
lignes de fuite et de traitement stéréoscopique. Les tout premiers items de la WPPSI sont consti-
De plus, il est amené à réaliser des manipula- tués de cubes monocolores (voir plus bas : Cubes
tions et peut fonctionner par essais et erreurs. de la NEPSY) et le modèle est construit devant
l'enfant. Ensuite, l'enfant dispose, comme les
enfants plus âgés (WISC au-delà de 6 ans) de cubes
10
Inspiré du CALE, A. Girolami-Boulinier, Delchaux dont certaines faces sont monocolores (rouges ou
et Nieslé, Neuchâtel, 1974.

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compétences cognitives sollicitées par la tâche :


blanches) et d'autres bicolores (chaque face car-
rée étant constituée d'un triangle rouge et d'un il faut savoir précisément en quoi consiste le
triangle blanc, la frontière entre les deux couleurs matériel, comment sont formulées les consignes,
étant donc une oblique), tandis que le modèle est quelles sont les contraintes (règles, temps…).
présenté sous forme d'un dessin géométrique glo- Ces diverses épreuves sont extrêmement pré-
bal, au sein duquel les frontières entre les différents cieuses, leur administration raisonnée et leur
cubes ne sont pas toujours représentées. confrontation permettant d'analyser, chez un
enfant donné, quels éléments précis le mettent (ou
non) en échec.
L'épreuve des Triangles du K-ABC nécessite
également l'organisation de différentes pièces Puzzles et encastrements
(triangles) les unes par rapport aux autres Dans la plupart des dyspraxies, l'échec est éga-
pour réaliser un modèle proposé en dessin. lement notable au subtest Assemblage d'objets
Cependant, il arrive assez fréquemment que les (WPPSI, WISC3, WAIS3), mais quelquefois, l'en-
notes obtenues par les enfants aux Cubes d'une fant a un score nettement moins mauvais qu'aux
part, aux Triangles d'autre part, ne soient pas Cubes : il semble qu'il s'agisse d'enfants aidés par
concordantes, souvent (mais pas toujours) dans
le sens d'une meilleure réussite aux Triangles.
Ces deux épreuves ne sollicitent donc pas exac- Tableau 4.3. Cubes de Kohs versus Triangles.
tement les mêmes aptitudes (tableau 4.3).
Qu'il s'agisse des Cubes du WISC ou des Triangles Cubes de Kohs, échelles Triangles,
du K-ABC, les consignes étant présentées sous la de Wechsler K-ABC
même forme (dessin à reproduire avec un maté- Objets tridimensionnés : l'enfant Objets
riel manipulable), c'est l'analyse du matériel lui- peut donc se tromper de face, soit bidimensionnés
en regardant la face qui est devant
même qui peut expliquer ces différences.
lui au lieu de celle figurant sur le
2. Les Cubes de la NEPSY sont une épreuve bien dessus du cube, soit lors de ses
différente (tableau 4.4) car les cubes, dans ce manipulations
cas-là, sont monocolores. Il s'agit donc d'une Une même face peut être bicolore : Une même face
épreuve très constructive, qui ne réclame pas les possibilités d'erreurs lors de la est d'une même
du tout les mêmes compétences visuospatiales manipulation, du positionnement couleur
que celle des échelles de Wechsler. et de l'assemblage des diverses
Cet exemple illustre le fait (très général) que le zones colorées sont beaucoup plus
titre, le nom d'une épreuve ne préjugent pas des importantes

Tableau 4.4. Les différentes épreuves de Cubes.


Cubes de Kohs, échelles de Wechsler Cubes de la NEPSY
Faces mono- ou bicolores : l'enfant peut donc se Cubes monocolores
tromper de face, soit en regardant la face qui est
devant lui au lieu de celle figurant sur le dessus du
cube, soit lors de ses manipulations.
Le modèle n'indique pas les limites de chaque cube, Chaque cube est dessiné individuellement, avec
mais seulement la forme globale : l'enfant doit représentation de la 3e dimension (élément que certains sujets
analyser le modèle en unités « face de cube » (mono- analysent difficilement).
ou bicolore) pour s'y retrouver. Cette difficulté est
manifeste lorsque l'enfant réclame « plus de cubes »
pour sa réalisation…
Difficultés visuospatiales de nature topologique et Difficultés visuospatiales uniquement topologiques :
d'orientation propre : placement et orientation des assemblages des cubes, non seulement à plat, mais également
zones frontières obliques entre les zones rouges et en hauteur ; positionnement relatif de chaque cube par
blanches rapport à ses voisins (topologie) ; respect de la forme globale
de la construction obtenue, en référence à un dessin

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Chapitre 4. Diagnostic des troubles praxiques

le recours à leurs représentations internes (l'en- • De manière semblable, les épreuves graphiques
fant peut, à partir d'un détail du puzzle, évoquer de la NEPSY (Copie de figures), dont la cotation,
l'ensemble) alors qu'ils sont plus gênés lorsqu'ils minutieuse, est intéressante et permet d'obtenir
ne peuvent faire appel qu'à leur analyse visuos- un niveau graphique et de le comparer à l'âge
patiale pour organiser le matériel — ce qui est réel de l'enfant.
le cas des Cubes de Kohs, dont les arrangements • On citera de même la reproduction de dessins
sont arbitraires et non signifiants (cf. Dorik et géométriques en copie (Bender11) ou en copie
Dassia). différée (Benton12).
Parmi les épreuves non étalonnées, qui permet- • La reproduction en copie de la Figure de Rey
tront d'observer les stratégies de l'enfant, on peut adaptée à l'âge est une tâche certes complexe
citer tous les jeux de puzzles et de tangrams. (facteur G), mais qui permet toute une série
Les puzzles diffèrent des encastrements ; ces d'observations qualitatives précieuses. Outre
derniers sont généralement beaucoup mieux la notation habituelle (type de reproduction,
réussis car ils ne réclament pas de procéder à des temps et réalisation), on sera particulièrement
assemblages de pièces entre elles. Par ailleurs, les attentif aux éléments suivants :
puzzles où l'enfant dispose les pièces par-dessus le – l'enfant dyspraxique tourne et retourne sou-
tracé du contour de chaque élément s'apparentent vent sa feuille en tous sens ;
plus à un encastrement (car chaque pièce peut être – les éléments (ou certains d'entre eux) sont
traitée séparément, et non dans sa relation aux reconnaissables mais ne sont pas reliés les
autres éléments). uns aux autres, ou leurs relations topolo-
giques sont aberrantes ;
Compétences visuoconstructives en 2D – l'enfant est particulièrement en difficulté
Il s'agit principalement d'épreuves de pro- avec les obliques, qu'il restitue comme des
duction ou reproduction de dessins. Dans ces horizontales ou des verticales, selon les cas ;
épreuves, l'évaluation est différente (et donc – on relève des duplications dénotant une diffi-
complémentaire) car les dessins se prêtent à culté à intégrer pour la même forme ses dif-
certaines déformations (rotations, anomalies férentes caractéristiques (par ex. une oblique
de jonction des traits, angles, croisements, rap- elle-même hachurée).
ports spatiaux fins, tailles et dispositions rela- • Enfin, lors de la Restitution secondaire en
tives d'éléments, etc.) qui peuvent traduire des mémoire (si elle est demandée), plusieurs cas
anomalies spatiales. peuvent se présenter : lorsque la copie est très
Proposer à l'enfant un dessin spontané ou sur déstructurée et très lacunaire, il est normal que
un thème particulier est souvent assez révéla- la reproduction de mémoire soit quasi impos-
teur (choix et maturité du sujet en fonction de sible et il est même peu pertinent de proposer
l'âge de l'enfant, organisation du dessin, soin, cette épreuve (et encore moins de la coter). Au
occupation de la page, rapports spatiaux entre contraire, si la Figure de Rey a pu être plus ou
les éléments, qualité de la production, réalisa- moins reproduite en copie, il est intéressant de
tion motrice…). noter si la restitution de mémoire est paradoxale-
De manière plus formelle, on peut ainsi utiliser : ment de meilleure qualité que la copie, ce qui est
• La 3e épreuve du Beery VMI : après avoir ana- fréquent au décours des troubles visuo-practo-
lysé discrimination visuelle et coordination spatiaux. C'est alors un indice important pour
œil-main, l'enfant doit reproduire les mêmes la rééducation ou les stratégies pédagogiques
figures. Outre les formes de base (segment, destinées à faciliter les apprentissages chez
rond, carré, triangle…), on trouvera des ces enfants : la copie, le modèle, les représen-
exercices impliquant des croisements, super- tations figuratives de tous ordres sont à éviter,
positions, effets de perspective. Outre des aber- car ils parasitent l'enfant et détériorent encore
rations éventuelles, on relèvera les hésitations,
persévérations. En cas d'échec, la proposition 11
Test moteur de structuration visuelle de Bender,
d'un nouvel essai permet d'évaluer si le feedback ECPA.
du premier essai est utilisable ou pas. 12
Test de rétention visuelle de Benton, ECPA.

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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

ses performances. Il faut au contraire valoriser Lisibilité


les stratégies verbales, mnésiques et formelles, La lisibilité doit être testée par l'enfant d'une part,
faire appel à ses représentations mentales plutôt par un tiers d'autre part, et bien sûr, sur la base de
qu'à des modèles visuels. tests étalonnés (cf. infra). Le fait que les produc-
tions graphiques de l'enfant, les déformations des
La praxie du graphisme manuel lettres ne soient pas stables et constantes consti-
tue en effet une difficulté supplémentaire, qui
À partir du CP, la plainte graphique (l'écriture)
gêne considérablement l'habituation au trouble
passe au premier plan des inquiétudes des parents
et donc la relecture. Ceci est un handicap majeur,
et des enseignants. L'écriture manuelle est bien
qui disqualifie totalement le geste graphique. Par
une praxie : geste intentionnel dirigé vers un
définition, écrire, c'est laisser des traces fiables
but, conditionné culturellement, nécessitant un
afin de pouvoir se référer (plus tard et/ou dans
entraînement et une automatisation, afin d'obte-
un autre lieu) au contenu linguistique. Lorsque le
nir une compétence mobilisable à volonté, avec
contenu n'est pas accessible à partir de la trace, le
une implication minimale du contrôle conscient.
graphisme perd alors tout son sens.
Omniprésent à l'école (copier au tableau ou sur un
modèle, laisser la trace de sa réponse par un mot,
une phrase ou un texte entier), le geste d'écriture Vitesse d'écriture
est donc un outil scolaire capital. Elle conditionne l'efficacité du geste graphique
Les troubles de l'écriture ne sont cependant pas en situation scolaire (dictées, prise de notes,
tous de nature praxique. L'inventaire et l'évalua- temps passé pour effectuer les exercices, etc.), et
tion de l'ensemble des facteurs présidant au geste les essais pour accélérer peuvent être une cause
graphique doivent donc être faits soigneusement d'aggravation de la dysgraphie, la rendant illisible
afin de déterminer la nature du trouble, ce qui lorsque l'enfant se presse. En outre, du fait de son
permettra d'articuler type de rééducation et retard, il est toujours en train d'écrire (en dictée
modes de remédiation. ou en copie) autre chose que ce dont parle l'ensei-
gnant… Les notes à ses contrôles ne reflètent ni
son travail, ni ses savoirs, mais seulement le fait
Si tous les enfants souffrants de TAC ou de qu'il n'a traité qu'une fraction des informations
troubles visuo-practo-spatiaux sont, à divers ou des exercices dans le temps imparti. Enfin, à
degrés, dysgraphiques, à l'inverse, toutes les dys- cause des devoirs à finir aux récréations, des exer-
graphies ne signent pas un trouble praxique ou cices à rattraper et des devoirs à la maison qui lui
visuospatial. prennent deux à trois fois plus de temps à rédiger
qu'aux autres, l'enfant passe un temps indu aux
Ces facteurs incluent naturellement toutes les activités scolaires, s'y épuise et s'y décourage.
dimensions développées ici concernant le geste : Aussi, si l'enfant est lent, la fonctionnalité de
latéralisation, prise d'information visuelle, traite­ l'écriture manuelle peut être légitimement remise
ments visuospatiaux et oculomoteurs, réponse en cause.
motrice, coordination œil/main… Cependant, Là aussi, l'utilisation de tests étalonnés permet
l'écriture est plus qu'un « simple » geste : elle d'objectiver le trouble (souvent minimisé, sous-
est déterminée par une dimension linguistique évalué) et de suivre l'évolution en fonction de
fonda­ mentale qu'il faudra aussi prendre en l'âge, des éventuelles rééducations, des exigences
compte. Les lettres ne sont pas des simples des- scolaires…
sins, ils sont porteurs de sens en rapport avec le
langage. Automatisation du geste
graphique
L'affirmation du trouble Elle est fondamentale et se met progressivement
de l'écriture en place, selon les enfants, à partir de la 3e année
Les critères sont au nombre de trois : lisibilité, d'école primaire (CE) ou, au plus tard, lors des
vitesse et automatisation. deux dernières années (CM). Le graphisme, à

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Chapitre 4. Diagnostic des troubles praxiques

partir du CE, devient en effet un outil à dispo- L'étalonnage est prévu sur les cinq premières
sition pour d'autres tâches telles la prise de note lignes, mais pourra être prolongé au-delà, en
ou l'expression écrite. C'est l'automatisation pro- fonction de la dégradation de la qualité de la
gressive du geste graphique qui permet qu'il soit copie. À noter un étalonnage récent de la 6e à
compatible avec d'autres tâches, qui doivent être la 3e (BHK ado13).
menées conjointement (écoute de l'enseignant, On proposera aussi à partir de la seconde moitié
réflexion et compréhension, mise en œuvre des du CP une épreuve de copie répétée, telle que
connaissances orthographiques, etc.). Lorsque celle de la phrase : « Je respire le doux parfum
l'enfant doit contrôler consciemment ses gestes des fleurs » (étalonnage Auzias M., 1973, 1977).
pour réaliser le dessin des lettres, c'est obligatoi- Cette épreuve, très rapide de passation (deux
rement aux dépens d'autres tâches qu'il devrait fois 1 min), présente deux qualités fondamen-
mener de front, tâches qui doivent être priori- tales et originales :
taires, car elles conditionnent les apprentissages – elle permet la comparaison entre une pas-
et la poursuite de la scolarité (problématique dite sation en vitesse « normale » et une autre en
« de la double-tâche »). vitesse accélérée, ce qui donne une idée des
Actuellement, il n'existe pas de test étalonné réserves d'accélération, mais aussi d'auto-
qui teste électivement cette dimension, pour- matisation du geste, avec l'évaluation de la
tant essentielle, du graphisme. C'est pour- dégradation de la lisibilité.
quoi on utilisera une épreuve d'accélération – elle fournit un étalonnage en âge, mais aussi
du graphisme (cf. plus bas) pour évaluer cette en niveau scolaire, et ce, trimestre par tri-
dimension. mestre (les exigences scolaires ne sont pas les
mêmes en début ou en fin de CE2…).
L'évaluation • À partir du CE1 et jusqu'à la 3e, une épreuve
de dictée telle que les Chronosdictées14, dont
Elle s'appuie sur l'administration de tâches éta-
l'objectif principal est une évaluation de
lonnées pour l'âge et la classe de l'enfant ainsi que
l'orthographe, mais qui combine utilement
l'analyse qualitative des productions. Afin d'éva-
écriture manuelle et exigence cognitive addi-
luer l'impact fonctionnel du trouble et sa réso-
tionnelle (du reste, l'écriture vise bien autre
nance dans les tâches cognitivement complexes,
chose que la simple transcription), mettant
on élaborera l'analyse en quatre étapes, selon l'âge
l'enfant en situation de double tâche. La
de l'enfant :
dégradation de la qualité de l'écriture sera
• Pour les plus jeunes, à partir du CP : on propo-
à analyser. Une version informatisée (assez
sera une épreuve de copie simple, par exemple
lente) est aussi proposée, ce qui homogénéise
le BHK (ECPA éd., 2004). Consistant en une
la vitesse de dictée, et permet des comparai-
copie d'un texte dactylographié pendant
sons contrôlées.
5 min, à la vitesse habituelle de l'enfant, elle
• À partir du collège, une épreuve d'écriture
permet une première analyse en termes de
libre (rédaction, par ex. Expression écrite de
vitesse et de qualité. Les normes proposent
la WIAT2), ce qui donne une évaluation de la
une grande richesse de critères d'observa-
qualité de l'écriture en situation quasi écolo-
tion (lettres méconnaissables, taille relative
gique. Dans le même ordre d'idée, on analysera
des lettres non respectée, écriture chaotique,
les productions de l'enfant dans son contexte
variation dans la hauteur des lettres…), avec
scolaire habituel (selon l'âge : qualité du gra-
un étalonnage pour chacun. Outre les données
phisme dans les réponses simples ou détaillées,
standardisées, les observations cliniques sont
copie du cours, prise de notes…)
très instructives : copie lettre à lettre, avec
retour au modèle (trouble de la lecture ? diffi-
culté de reproduction des lettres, mémoire de
travail ?), nombreuses levées de stylo, fatigue, 13
BHK Ado, échelle d'évaluation rapide de l'écriture
ralentissement, plainte, respect de la dispo- chez l'adolescent, Soppelsa R., Albaret J.-M., 2013.
sition du texte, des conventions de l'écrit… 14
Alberti, Baneath, Boutard, 2006.

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L'analyse des différents bisme précoce, de troubles de l'exploration du


mécanismes potentiellement regard avec trouble du calibrage des saccades
(Mazeau, Pouhet, 2014). C'est l'impossibilité de
responsables de la dysgraphie calibrer précisément les saccades qui compro-
Troubles de l'écriture et troubles met, lors de la lecture, l'accès à la forme globale
praxiques du mot, à son enveloppe visuelle, à sa forme
La dysgraphie peut être isolée (ambiguïté de orthographique.
latéralisation, trouble moteur fin, dyslexie, haut • Une dysorthographie conséquence de la dys-
potentiel…). Cependant, elle pourra aussi être graphie, du fait des effets de double tâche et
englobée dans un trouble praxique plus général de débordement attentionnel. L'épellation est
(gestuel, visuoconstructif, mixte). Les épreuves généralement bien préservée.
praxiques et/ou visuospatiales sont alors aussi Quel que soit le mécanisme causal, la dysgra-
échouées. Le dessin et le graphisme sont souvent phie, même modérée, peut avoir des conséquences
atteints de façon concomitante, d'intensité gros- sévères sur la qualité du contenu de l'expression
sièrement comparable. Cependant, en cas de dys- écrite. L'enfant écrit peu, le contenu est pauvre et
praxie ou de TAC, si l'un des deux est plus atteint, peu détaillé, la production est limitée, avec par-
c'est toujours le dessin qui est le plus massivement fois des erreurs de syntaxe, des mots manquants.
désorganisé. Épuisé par le geste graphique, l'enfant réduit au
L'observation du graphisme révèle aussi plu- maximum son effort. La dictée à l'adulte ou la
sieurs éléments : production au moyen d'un ordinateur montre un
• les lettres sont mal formées, le tracé est hésitant bénéfice très significatif (bien que cette prescrip-
et malhabile ; on note aussi une macrographie, tion, si elle est isolée, reste insuffisante en cas de
le non-respect de la taille relative des lettres dysgraphie liée à une dyslexie).
(hampes supérieures ou inférieures) et le fait
que l'enfant ne peut suivre une ligne ;
• lorsque coexistent des troubles visuospatiaux, de Au total
nombreuses lettres (ou chiffres) sont produites Les dysgraphies sont des troubles instrumentaux
en miroir ; par ailleurs, l'organisation du texte fréquents, dont les répercussions négatives dif-
sur la page est particulièrement défectueuse. fusent rapidement dans l'ensemble des activités
scolaires.
Ce sont des pathologies dont la gravité est très
Troubles de l'écriture et trouble largement sous-estimée. Lorsque le graphisme est
du langage écrit malhabile et les cahiers brouillons, l'enfant est
La production écrite est intimement liée à la souvent suspecté de mauvaise volonté et sommé
maîtrise du langage écrit. On prendra donc soin de « s'appliquer », du moins dans un premier
de bien mettre en correspondance compétences temps. Quoi qu'il en soit, deux écueils guettent
lexiques et capacités d'écriture. Le trouble de l'enfant, qui risque d'être pris à contre-pied dans
l'écriture peut alors être un symptôme du trouble toutes ses tentatives pour gérer son trouble ou en
de l'accès au code écrit. Dans ce cas, le trouble gra- minimiser les conséquences :
phique touche électivement l'écriture (le langage • « Quand il s'applique, il écrit bien (ou mieux) ».
écrit) et l'on observe a contrario une préserva- Cette petite phrase, qui accompagne normale­
tion des capacités de dessin, souvent d'excellente ment les efforts des jeunes enfants en cours
qualité et utilisé par l'enfant comme moyen d'apprentissage graphique, est souvent encore
d'expression. prononcée au sujet de grands enfants au-delà
On restera vigilant quant à la possible co-­ du CE2, c'est-à-dire à un âge où le graphisme
occurrence d'une dysorthographie : devrait normalement être en bonne voie d'au-
• L'association avec une dysorthographie lexicale tomatisation. Elle traduit le fait que l'enfant
(dysorthographie d'usage), sans dyslexie asso- est obligé de porter une attention particulière
ciée, doit faire évoquer la présence d'anomalies au tracé de ses lettres pendant qu'il écrit, faute
oculomotrices (souvent associées à un stra- de quoi il devient plus ou moins illisible : elle

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Chapitre 4. Diagnostic des troubles praxiques

souligne donc l'impossibilité d'automatiser


Les dysgraphies doivent faire l'objet d'un projet thé-
efficacement (ou suffisamment) le graphisme
rapeutique motivé, que seule permet une évaluation
manuel. Alors que pour la plupart des adultes à la fois quantitative et qualitative. La prescription
(parents, enseignants), cette phrase vient d'une rééducation du graphisme manuel doit être
signifier un espoir de progrès ou de réussite bien pesée et les espoirs d'obtenir à court terme une
(l'enfant « n'a qu'à » s'appliquer), elle marque écriture manuelle lisible, de vitesse acceptable et
au contraire le fait que l'écriture manuelle suffisamment automatisée doivent être bien étayés.
continue à avoir pour lui un important « coût Sinon, mieux vaut proposer rapidement une écri-
cognitif » dont il faudra bien évaluer les réper- ture clavier (ordinateur), à condition bien sûr de
cussions dans les autres domaines des appren- mettre en œuvre les moyens qui permettront d'ob-
tissages. Il serait donc illogique de privilégier tenir une frappe suffisamment rapide et automa-
le graphisme manuel « à tout prix » et surtout tisée (en général en une ou deux années scolaires,
aux dépens des autres apprentissages concep- selon l'âge et l'intensité du trouble).
tuels liés au langage écrit tels l'orthographe, la
grammaire, l'expression écrite ou aux dépens
des apprentissages dans les autres domaines de Conclusion
la scolarité (exercices, prises de notes, contrôles,
devoirs, etc.). Si le bilan psychométrique (échelles de Wechsler)
Spontanément, ou sous l'effet d'un entraîne- constitue bien la première étape du diagnostic, il
ment spécifique (voire d'une rééducation), doit obligatoirement être complété par une ana-
l'enfant « fait des progrès réguliers, il écrit de lyse quantitative et qualitative d'épreuves spéci-
mieux en mieux ». Là encore, il s'agit souvent fiques visuo-practo-spatiales, faute de quoi :
d'un constat vécu positivement par les adultes : • trop d'enfants sont actuellement étiquetés
d'une part, cela donne du sens aux efforts de dyspraxiques à tort, erreur diagnostique qui
l'enfant, d'autre part on lui laisse espérer que, aggrave considérablement le pronostic pour ces
de progrès en progrès, il finira plus ou moins jeunes mal pris en charge ;
par rattraper son « retard » (d'où l'importance • trop d'enfants authentiquement dyspraxiques
d'un diagnostic précis de la dysgraphie, qui sont méconnus et confondus avec des déficients
évite de faire appel à des notions floues telles mentaux, des « fainéants » ou des troubles du
que « retard graphique »). Or, l'expérience comportement, ce qui compromet souvent défi-
montre que, dans les dysgraphies dyspraxiques, nitivement leurs chances scolaires, leur estime
malgré une évolution régulièrement favorable de soi et leur avenir.
(en lisibilité, taille des lettres et vitesse d'écri- La minutie du bilan, dans le cadre d'une éva-
ture), l'écart entre les productions de l'enfant et luation neuropsychologique complète, permettra
les exigences scolaires ne cesse de s'étendre. En aussi d'éviter d'extrapoler les difficultés praxiques
effet, les exigences scolaires (et, parallèlement, et visuospatiales des enfants dans des domaines
les progrès des enfants « normaux ») croissent cognitifs qui paraissent voisins, mais ressortent
toujours beaucoup plus vite que les progrès que en fait, sur le plan de l'organisation cognitive,
peut réaliser l'enfant dyspraxique malgré tous de fonctions différentes. Par exemple, en dépit
ses efforts (Jolly et al., 2012). de leurs troubles visuospatiaux, certains de ces
L'enfant vit alors cette expérience doulou- enfants n'ont aucun déficit de mémoire visuelle,
reuse et insensée de se soumettre aux consignes qu'il s'agisse de mémoire à long terme ou du cale-
des adultes, d'être appliqué, de s'entraîner et de pin visuospatial de la mémoire de travail (chap. 6).
progresser objectivement, sans jamais retirer les
bénéfices de ses efforts : au contraire, au fil du
temps, les signaux que lui renvoie l'institution L'analyse qualitative des erreurs
scolaire et le monde des adultes sont de plus en et les stratégies d'aide
plus négatifs (échec scolaire, exclusion du circuit
standard), ce qu'il ressent souvent comme une Mettre à jour les conceptions de l'enfant, les straté-
trahison. gies qu'il tente de mettre en œuvre pour résoudre

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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

certaines tâches spatiales ou pour effectuer cer- • L'influence de la lenteur et de la fatigue sur les
tains gestes, quel type de gestes, d'afférence ou productions
efférence aggrave l'échec ou au contraire lui per- • L'espace dans lequel le geste doit être produit :
met de réussir, tous ces éléments donnent des ren- espace corporel (gestes dits « réflexifs »)15 ou
seignements irremplaçables pour comprendre de extracorporel, espace 3D (reproduction de
quels « outils », de quelles compétences, de quels gestes, maniement d'outils, constructions,
savoirs, l'enfant dispose ou non. Cette analyse mimes), espace 2D (graphisme, dessins).
qualitative complète de façon obligée les tests • La modalité afférente proposée : ordre verbal
quantifiés, normés, des phases précédentes. Ces (afférence auditivoverbale), imitation ou copie
nuances doivent être explorées méthodiquement (afférence visuelle ou visuospatiale) et sa présen-
si on souhaite construire pour chaque patient un tation (modèle construit séquentiellement, pas
projet thérapeutique réellement adapté. Un dia- à pas devant l'enfant ou, au contraire, présenta-
gnostic grossier, sans recherche minutieuse des tion globale et simultanée de tous les éléments).
stratégies et fonctionnements propres à chaque • Enfin, l'efférence sollicitée : regard (appariement
enfant, sans analyse qualitative des points faibles de photos, par ex.), practomotrice (exécuter
conduit souvent à des propositions imprécises, le geste), visuo-practo-motrice (graphisme),
stéréotypées, sans grande efficacité. verbale (description d'action ou d'utilisation
d'outil, dire si « pareil/pas pareil », etc.).
L'analyse qualitative Cette observation permet, devant un trouble du
geste, une analyse des conditions qui l'aggravent
En ce qui concerne l'organisation gestuelle, plu- ou au contraire constituent une aide, voire per-
sieurs éléments sont à observer et à prendre en met la mise en évidence de dissociations, cer-
compte : tains gestes étant très échoués ou impossibles
• La conscience, par l'enfant, de ses erreurs (en et d'autres étant préservés, certaines afférences
faveur d'une dyspraxie) : étant très « toxiques », d'autres pouvant constituer
– il perçoit qu'il y a une différence entre le une aide efficace. Cette analyse qualitative, très
modèle et sa production sans cependant descriptive, non seulement contribue à orienter
pouvoir apporter les corrections appropriées. le diagnostic différentiel au sein des différentes
Pourtant, certains enfants victimes de dyspraxies mais aussi permet de décider du type
troubles visuospatiaux ne critiquent pas leur d'aides à proposer.
réalisation et la trouvent conforme au modèle
(ou à la consigne), surtout s'ils ont produit un
miroir par rapport au modèle proposé ou si Les stratégies d'aides et analyse
c'est l'orientation d'obliques qui diffère du de leur efficacité
modèle proposé ;
Être dyspraxique, c'est donc être dans l'incapa-
– leurs réalisations successives diffèrent (pour
cité (totale ou partielle) d'inscrire cérébralement
un même modèle) : percevant leurs erreurs
certains « programmes gestuels », en dépit d'une
(sans toutefois qu'ils puissent les désigner ni
exposition et/ou d'un apprentissage normal des
les dire explicitement), ils tentent des correc-
gestes considérés.
tions et améliorations par essais et erreurs, ce
Il en découle donc, lorsque le diagnostic de dys-
qui rend leurs productions fluctuantes d'un
praxie est porté, qu'il est inutile de continuer à pro-
essai à l'autre. Insatisfaits de leurs produc-
poser sans fin les mêmes apprentissages à l'enfant
tions et de leurs efforts, les enfants finissent
par les techniques habituelles, puisque justement,
souvent par se décourager et renoncer ;
sa pathologie consiste dans le fait que, malgré la
– quand l'enfant est satisfait de sa production,
ne demande pas à refaire, l'hypothèse d'une
déficience est à approfondir.
• Les segments corporels sollicités : corps entier,
15
Gestes « réflexifs » : qui s'appliquent au corps même
du sujet (se coiffer, boire ou manger, faire le salut mili-
membres supérieurs (geste uni- ou bilatéral,
taire, etc.), par opposition aux gestes qui se déploient
gestes ipsilatéraux ou croisés), doigts, doigts/ dans l'espace extracorporel (monter une tour de
visage. cubes, gommer, plier un papier, scier du bois, etc.).

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Chapitre 4. Diagnostic des troubles praxiques

répétition et l'entraînement, il ne peut engrammer • influence de la nature du matériel : arran-


la ou les praxie(s) correspondante(s) (Mazeau et gements arbitraires (cubes) ou signifiants
coll., 2016). (puzzles), dessins ou lettres, matériel manipu-
Il faut expérimenter diverses stratégies et en lable (cubes, sticks, mosaïques) ou non (appa-
observer les répercussions sur la réalisation de riement de dessins, épreuves graphiques, etc.).
l'enfant :
• influence d'un modèle (copie) par rapport à la
réalisation sur ordre oral et technique de réfé- Conclusion
rence au modèle (figure 4.8 a) ; La complexité du geste rend compte de la multi-
• influence de la construction du modèle pas à plicité des pathologies que l'on peut rencontrer
pas devant l'enfant (étape par étape ou réalisa- au cours du développement des enfants : les
tion dite « analytique »), de la démonstration, cadres actuels (troubles sensorimoteurs, troubles
de l'apprentissage ; une amélioration notable des fonctions exécutives, TAC, dyspraxies…)
dans ces conditions peut être aussi le signe d'un devront très certainement être précisés et les
trouble de la planification exécutive (chap.7). classifications affinées dès qu'une élucidation
• influence de repères visuels (repères de points, globale des mécanismes intimes des gestes le
quadrillages, lignes, etc.) ou de repères logiques — permettra.
numérotation des repères — (figure 4.8 b) ; Il n'en reste pas moins que, cliniquement, cer-
• influence des données ou explications verbales ; tains enfants, d'intelligence verbale normale et ne

A B
Figure 4.8. Triangles sur consigne orale.
a : le modèle n'améliore pas la réalisation.
b : le repère de points améliore la réalisation.

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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

présentant aucune anomalie du comportement ni


de la relation, souffrent de troubles du geste qui
Cas de pratique clinique
ne rentrent dans aucun des cadres nosologiques
antérieurs ; ces troubles sont régulièrement asso-
De l'utilité de retourner aux notes
ciés à des désordres ou des insuffisances de la standards du WISC
structuration spatiale et s'accompagnent d'inca- Voici les résultats au WISC (tableau 4.7) de
pacités systématisées et prévisibles à acquérir trois garçons d'excellent niveau verbal, en très
certains apprentissages scolaires (qu'il s'agisse grande difficulté scolaire, qui présentent tous
des délais impartis à ces apprentissages et/ou une très importante dissociation ICV/IRP (supé-
du niveau de performance atteint) : ces enfants rieure à 45 points) et diagnostiqués tous trois
doivent être reconnus comme dyspraxiques et dyspraxiques.
aidés comme tels. Dorick semble aidé par la représentation men-
Pourtant, des écueils innombrables jalonnent tale (AO) et parasité par le modèle ou l'afférence
le parcours de l'enfant dyspraxique. Faire visuelle. À mettre en lien avec sa mauvaise per-
précoce­ment le diagnostic et l'analyse de ces formance à CI ? Il faudra investiguer les fonctions
troubles, trouver rapidement comment l'aider neurovisuelles…
à surmonter ses difficultés, constitue l'enjeu de Au contraire, Dassia est aidée par le modèle et
l'évaluation pour cet enfant. Selon que le trouble analyse finement les données perceptives visuelles
sera ou non repéré et pris en compte à temps, la comme le montre sa bonne performance à CI.
scolarité sera possible ou non, l'avenir barré ou Ces deux enfants ne seront certainement pas
non, car ces enfants dyspraxiques n'auront pas aidés par les mêmes stratégies thérapeutiques ni
le choix : ils ne pourront exercer que des pro- pédagogiques.
fessions d'intellectuels, des professions où les Enfin, en ce qui concerne Dimitri, l'absence
diplômes sont incontournables (tableaux 4.5 et de plaintes en mathématiques (qui constitue
4.6, p. 172 et 173). au contraire la seule matière scolaire où il n'est

Tableau 4.7. Résultats au WISC de trois garçons diagnostiqués dyspraxiques.


Subtests Dorick Dimitri Dassia Observations
(WISC) (10 ans ; (10 ans (11 ans
5 mois, CM1) 8 mois, CM1) 2 mois, CM2)
Information 19 19 15
Similitudes 19 15 18
Arithmétique 10 18 9 Noter chez Dimitri l'étonnante préservation
des performances en Arithmétique
Vocabulaire 19 19 14
Compréhension 19 15 16
Complètement 7 12 14 Noter chez Dorick, la mauvaise performance
d'images (CI) à CI, ce qui est inhabituel
Code 7 6 3 Dassia présente une très grande lenteur
(Code = 3)
Arrangement 9 9 7
d'images
Cubes 2 6 9 Noter chez Dorick et Dassia les profils inverses
entre AO et Cubes
Assemblage 8 5 1
d'objets (AO)

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Chapitre 4. Diagnostic des troubles praxiques

pas en échec) doit faire douter d'une dyspraxie On propose alors de compléter l'évaluation du
« visuospatiale », peut-être même du diagnostic facteur G (Classifications et Analyse catégorielle
de dyspraxie et reprendre l'anamnèse, le détail des EDEI-R) : il y obtient des scores comparables
qualitatif des modalités de réponse aux subtests à Similitudes, le situant grossièrement dans la
échoués… médiane des 4 ans.
On réinterprète alors différemment les
Damien : une dissociation remarques faites par son enseignante, qui parle de
ICV (100)/IRP (50), un diagnostic « troubles de l'attention » (les épreuves attention-
nelles, auditives et visuelles de la NEPSY le situent
« évident » aussi à 4 ans environ), de fatigue, de désintérêt
Damien est un petit garçon de 5 ans, fils unique, et qui, a contrario, note son épanouissement lors
sans aucun antécédent particulier, signalé par d'un bref séjour où il retourne en moyenne sec-
l'école depuis l'année précédente car il pré- tion (avec toute une partie de sa classe, du fait de
sente un important retard graphique. Cette l'absence d'un enseignant).
année, en grande section de maternelle, on lui On conclut donc sur un diagnostic de défi-
propose donc la passation d'une WPPSI. Les cience mentale, les difficultés prédominant nette-
résultats montrent une franche dissociation ment dans le secteur visuo-practo-spatial. En ce
entre l'échelle de Compréhension verbale (ICV ; qui concerne les bonnes capacités langagières de
T = 100) et l'échelle de Raisonnement perceptif Damien, on suggère de les mettre en relation avec
(IRP, T = 50) et toutes les notes aux épreuves l'excellent niveau socioculturel des parents et la
visuo-practo-spatiales (Cubes, Matrices… sont qualité particulière de l'attention éducative dont
à 1 ou 2). Il est aussi très lent (Code, NS = 4, du il bénéficie (visites, musées, histoires, films…).
fait de la lenteur). Sur ces éléments, le diagnostic Elles seront bien sûr un atout important pour
de dyspraxie est annoncé aux parents et transmis favoriser son évolution et ses apprentissages, à
à la MDPH16. L'entrée en CP est conseillée, assor- son rythme.
tie de la prescription d'un ordinateur, de séances Cependant, le versant dyspraxique, probable,
d'ergothérapie et d'un auxiliaire de vie scolaire passe tout à fait au second plan devant l'ensemble
individuel à mi-temps. des difficultés raisonnementales de Damien, diffi-
Pourtant, quand on regarde le détail des notes cultés qui restent à explorer et à comprendre. On
obtenues par Damien, on est frappé par les faibles reconsidère alors la proposition de l'enseignante
scores aux épreuves de facteur G, surtout à celle d'un maintien en grande section pour la prochaine
des Similitudes qui est une épreuve « de facteur G » année scolaire, mais ce maintien est refusé par les
strictement verbale : on comprend mal pourquoi parents : l'entretien, pourtant précautionneux (on
ce petit garçon compétent sur le plan langagier parle de dyspraxie au sein d'un « retard global »)
(c'est même là ce qui lui permet d'obtenir un QIV est d'autant plus difficile que le diagnostic de
à 100 !) est tellement en difficulté avec l'épreuve dyspraxie isolée avait été précédemment évoqué
des Similitudes ? comme une évidence.
Détail des notes verbales : Information = 6 ;
Vocabulaire = 12 ; Raisonnement verbal = 12 ;
Compréhension de situations = 9 ; Compréhension Daramé ou la méconnaissance
de mots = 10. Mais Similitudes = 3… De ce fait, il du trouble
n'existe pas de réelle dissociation entre les subtests
Daramé est âgé de 9 ans 1 mois et en CE2 au
Similitudes (NS = 3) et Cubes (NS = 2).
moment du bilan. Mais il est en grande difficulté
scolaire « depuis toujours ». Déjà signalé à l'école
maternelle, il avait fait l'objet d'un bilan psycho-
métrique (WPPSI3), à l'âge de 5 ans 9 mois.
16
Maison départementale des personnes handicapées, Les résultats en étaient les suivants : verbal
établies par la loi du 11 février 2005. Un « enseignant
référent » participe (avec les parents et l'institution
T = 106 (Similitudes = 11), performance T = 66.
scolaire) à l'orientation et au suivi du projet de scola- Dans l'échelle performance, on note en particulier
risation du jeune. les scores suivants (en note standard) : Cubes = 2,

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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

mais Complètement d'images = 8. Le compte rendu Surtout, il est évident que son écriture fluctue
de l'époque parle de « retard psychomoteur ». Le selon les moments, pire en classe qu'à la maison
médecin scolaire adresse alors l'enfant pour avis où il effectue ses devoirs sous l'œil vigilant de son
à un neurologue. Celui-ci conclut : « Cet enfant père. L'enseignant fait parvenir des photocopies
présente effectivement un retard psychomo- des cahiers de Daramé (figure 4.10) selon qu'il
teur dont l'origine est actuellement inexpliquée. travaille « en classe, en autonomie » (à gauche) ou
L'examen neurologique est normal, l'électroencé- « lors des devoirs à la maison, en présence d'un
phalogramme est lui aussi normal pour l'âge. Au adulte », à droite. Ceci est interprété comme un
total, il semble s'agir d'un phénomène uniquement manque de motivation, un désintérêt pour les
d'origine psychologique ». Daramé est alors confié activités scolaires, voire une provocation.
au CMPP où il bénéficie d'une rééducation en psy- Bien sûr, en classe, Daramé tente de suivre le
chomotricité une fois par semaine. rythme imposé au groupe (sans y parvenir) et
Lors de la consultation, on note : doit écrire plusieurs heures par jour ; à la maison,
• un trouble du regard avec strabisme convergent « il s'applique », c'est-à-dire qu'il ralentit encore le
alternant d'angle variable, poursuite lente rythme de son écriture (déjà lente !) et fait por-
pathologique (la poursuite rapide est impos- ter l'intégralité de son attention sur le geste gra-
sible) et trouble de l'exploration (plus de phique afin de répondre au mieux aux exigences
15 oublis au test de barrage des H) ; de son père.
• les activités visuo-practo-spatiales sont toutes Le diagnostic de dyspraxie développementale
massivement échouées. Daramé ne peut effec- visuospatiale est porté, ce qui a pour conséquence :
tuer une pyramide avec cinq cubes, mais il est • de libérer Daramé du soupçon de « mauvaise
très aidé par la verbalisation. La copie de la volonté » qui pèse sur lui en classe ;
Figure de Rey (figure 4.9) est incotable (à com- • de mettre en place les aides techniques néces-
parer avec les possibilités de conceptualisation saires (en particulier l'ordinateur) ;
verbale : il obtient la note st = 9 aux Similitudes • de prescrire une rééducation de la dyscalculie
du WISC). Toutes les activités praxiques (imita- spatiale en cours d'installation.
tion de gestes, dessin de figures géométriques,
Frostig) le mettent sévèrement en échec.
C'est son graphisme qui constitue son problème Denis « progresse en graphisme
scolaire essentiel : il lit bien mais échoue dans manuel »
toutes les activités nécessitant une production
écrite : orthographe, expression écrite, calcul, tous Denis est un ancien prématuré qui présente une
exercices et devoirs, où il est illisible. dyspraxie visuospatiale diagnostiquée et prise en
charge précocement. Il utilise parfaitement son
ordinateur et les parents connaissent les aides
efficaces à lui apporter selon les circonstances.
Sur le plan scolaire, c'est un élève performant et
agréable.
Denis et sa famille déménagent en province (en
cours de CE1) et l'enfant ne revient en consul-
tation qu'à l'âge de 11 ans 7 mois. Il est alors en
grand retard scolaire (il a un niveau de CE2), en
conflit avec son enseignante (classe unique du CP
au CM2) et se pose la question de son orientation.
Son enseignante écrit : « L'écriture de Denis s'est
améliorée depuis son arrivée dans cette école. Il
écrit en script, mais c'est déjà une performance. Il
ne peut pas se relire actuellement, mais ce n'est pas
le but recherché. Je trouve important qu'il puisse
améliorer cette écriture car il n'aura pas toujours
Figure 4.9. Daramé. Figure de Rey, copie. avec lui un ordinateur et une imprimante. […].

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Chapitre 4. Diagnostic des troubles praxiques

Figure 4-10. Écriture en classe (à gauche) et à la maison (à droite).

Puisque rien ne l'empêche de tenir un crayon, c'est malhabile, mais qui a beaucoup surpris par un échec
une forme de rééducation que de continuer dans sévère aux épreuves de géométrie lors des évalua-
ce sens, d'autant qu'il en manifeste le désir. Faire tions nationales de CE2. Le bilan psychométrique
comme les autres, c'est tellement important ». proposé à cette occasion montre, au WISC3, une
On notera que le retard scolaire est concomi- dissociation nette avec QIV = 138 (Similitudes = 17)
tant du changement d'école et très probablement et QIP = 78 (Cubes = 4). La copie de la Figure de Rey
en grande partie lié aux exigences (ou aux encou- traduit également les difficultés de Delphine, en
ragements) permanents à utiliser le graphisme particulier avec les obliques (figure 4.12).
manuel ; on note surtout que, de fait, Denis « ne Le diagnostic de dyspraxie développementale
fait pas comme les autres » ; il devra payer cette avec troubles visuospatiaux est porté chez cette
illusion d'une orientation (par défaut) en SEGPA, petite fille, qui a déjà mis en place spontanément
et ce bien qu'aucune activité d'atelier ni orienta- des stratégies palliatives relativement efficaces (en
tion « pratique » ne lui convienne (figure 4.11). particulier langagières, raisonnementales et mné-
siques). Même s'il faut rester vigilant, il est impor-
tant de ne pas « médicaliser » abusivement cette
Delphine : une dyspraxie petite fille qui est une bonne élève et qui, jusqu'à
développementale de bon présent, ne souffre pas vraiment de sa particula-
pronostic rité développementale, d'autant qu'elle ne présente
aucun handicap scolaire.
Delphine consulte à l'âge de 8 ans 2 mois, sur les Des conseils sont donc simplement donnés pour
conseils de la psychologue scolaire : c'est une excel- tenter de limiter l'échec en mathématiques et
lente élève, en tête de classe, un peu brouillonne et géométrie. On peut supposer que les excellentes

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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

A B
Figure 4.11. Denis.
a : écriture manuelle.
b : écriture-clavier (texte libre).

A B
Figure 4.12. Delphine.
a : Figure de Rey, copie.
b : reproduction d'une figure dans un repère de points (inspiré du Frostig).

compétences verbales et conceptuelles de Doriane : l'association


Delphine lui permettront de trouver des com- dysphasie-dyspraxie
pensations efficaces et autoriseront une scola-
rité longue (avec orientation ultérieure vers les Doriane a 6 ans et demi. Elle présente une dys-
matières littéraires, l'histoire, l'art, le droit, les phasie développementale de type « production
langues étrangères, etc.). phonologique » diagnostiquée récemment et elle

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Chapitre 4. Diagnostic des troubles praxiques

est adressée en consultation pour avis sur la stra- Donatien : surdoué


tégie à adopter pour la poursuite de la scolarité, et/ou dyspraxique ?
car il apparaît qu'elle ne pourra pas passer en CP.
L'examen montre : Donatien, sans autre antécédent particulier que
• un strabisme convergent, qui a déjà été opéré d'être un jumeau (son jumeau, hétérozygote, n'a
à l'âge de 4 ans, mais est en train de récidi- aucune difficulté scolaire ni autre) consulte, à
ver malgré une prise en charge orthoptique 11 ans, en cours de 6e, « parce que je ne sais rien
adaptée ; faire, je suis un gros nul ! », dit-il. L'école est une
• une dysgraphie, pire en cursives (figure 4.13) ; épreuve pour lui depuis la maternelle, et, selon les
• un échec à toutes les épreuves praxiques et années, on parle de lui faire « sauter une classe »
visuospatiales. Par ailleurs, elle est globalement ou, au contraire, de le faire redoubler (dysgraphie,
« pataude », court mal, ne sait pas sauter ni faire dyscalculie (figure 4.14).
du vélo. En classe, elle a besoin d'aide s'il faut Les échelles de Wechsler, pratiquées à trois reprises
découper ou coller ; depuis l'âge de 5 ans (?), montrent en effet, de façon
• un niveau de développement facteur G dans la stable, des scores tout à fait extrêmes, tant dans un
norme comme en atteste son score honorable sens que dans l'autre : ICV = 145–150 vs IRP = 75–80
à la tâche de Catégorisation de la NEPSY2 (soit aux alentours de 70 points d'écart).
(test de catégorisation sur images) qui la On note en particulier les notes plafond
situe exactement dans sa classe d'âge, alors à Vocabulaire et Information (NS = 19), une
que l'examen de la motricité fine est sans NS = 17 aux Similitudes, de 15 à Compréhension
particularité. (et « seulement » de 11 à Arithmétique). Dans le
L'association des deux lignées de troubles, domaine non verbal, outre la lenteur (extrême),
langagier et gestuel, nécessite une prise en on remarque particulièrement le score très faible
charge assez complexe (orthophonie, ergothéra- aux Cubes (NS = 4) et, pire encore, la NS = 1 à
pie, psychomotricité) et des stratégies d'appren- Assemblage d'objet (WISC3).
tissage très adaptées : on conseille donc une Le bilan psychomoteur complète le tableau :
scolarité en classe spécialisée (ULIS « langage » « lors des activités dynamiques, il est très encom-
ou « troubles des apprentissages ») avec le sou- bré, ne sait quoi faire de ses mains, de son corps
tien d'un service de soins (SESSAD ou SESSD) (…). Il se montre très lent (…). La notation de
qui pourra organiser les rééducations en lien Goodenough au dessin du bonhomme lui octroie
avec les enseignants. un âge ~ 8 ans ».

A B
Figure 4.13. Doriane.
a : deux tentatives de copie de son nom de famille.
b : copie de figures dans des repères de points.

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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

Figure 4.14. Donatien, 11 ans, QIV = 145-150.


Noter l'aspect brouillon, les difficultés avec les nombres décimaux et les erreurs de placement des virgules.
Extrait de l'évaluation nationale de 6e en maths.

Ce qui étonne cependant, ce sont certaines Romain, 8 ans 7 mois, CE2


conclusions : la co-occurrence des troubles :
• « D. doit surtout apprendre à investir son corps
avec plaisir » (psychomotricien).
planification, programmation
• « On remarque que les très bons scores ou réalisation du geste ?
concernent uniquement les activités scolaires ; Romain est un garçon qui fonctionne bien à
à l'opposé, la mobilisation des activités intel- l'école, et obtient de bons résultats dans l'ensemble.
lectuelles générales et perceptives apparaît Cependant, il est désordonné et peu soigneux. Des
faible » (psychologue). petits troubles moteurs ont été détectés, et une
De fait, on peut considérer Donatien soit comme prise en charge en psychomotricité a été engagée.
un enfant « à haut potentiel » qui présente un trouble Une hypothèse de dyspraxie est désormais évoquée
du graphisme et de l'organisation spatiale, soit et le bilan vise à faire le tri dans les symptômes.
comme un jeune dyspraxique qui a compensé par La dynamique intellectuelle situe Romain
un surinvestissement verbal et une grande curiosité dans la bonne moyenne des enfants de son âge.
intellectuelle. Cette seconde version, quoiqu'hypo- Cependant, on note d'emblée qu'il existe une dis-
thétique, est cependant plus opérationnelle en sociation très significative des capacités intellec-
milieu scolaire : elle va contribuer à le laver du soup- tuelles selon le type de matériel proposé. L'ICV se
çon de « refuser de s'impliquer dans les activités sco- situe dans la bonne moyenne tandis que l'IRP est
laires » (aspect brouillon de toutes ses productions : déficitaire (écart de 40 points).
« il ne s'applique pas, il bâcle, il se fiche de tout… »), Dans le détail, la réussite aux Similitudes est
lui donner un outil qu'il réclame (l'ordinateur, la excellente (NS = 17), tandis que la catégorisa-
calculette) et permettre d'entreprendre un travail de tion visuelle est dans la norme (Identification de
restauration de son estime de soi, bien faible… concepts, NS = 11). On est en revanche surpris par
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Chapitre 4. Diagnostic des troubles praxiques

un échec inattendu dans un travail de raisonne- très rapidement en difficulté, en particulier quand
ment analogique (Matrices, NS = 3). Les erreurs on ne lui propose plus les traits de construction.
s'accumulent rapidement. La flexibilité mentale Dans le domaine visuoconstructif et en 2D, la
est faible. On confirme que cet échec est assez Copie de figures est aussi déficitaire (Beery-VMI,
anecdotique. En effet, si on propose une épreuve T = 74). Même pour les figures simples, Romain a
semblable sur un matériel légèrement différent, du mal à anticiper l'orientation, la taille et la place
Romain est moins en difficulté et se situe dans de sa production. L'attention au détail est faible. La
la moyenne des enfants de son âge (Séquences réalisation des angles est immature (« dog ears »,
logiques, KABC2, NS = 10). La qualité du traite- c'est-à-dire le traitement des angles comme des
ment reste néanmoins fluctuante. Des erreurs formes à part entière et non comme la résultante
apparaissent rapidement. Mais si l'enfant est étayé du croisement de deux lignes). Le traitement des
et relancé, il est capable de mobiliser les moyens effets de superposition n'est pas encore accessible.
nécessaires à la réussite de cette épreuve. Toujours en 2D, la copie de la Figure de Rey est
Sur matériel numérique, le raisonnement irréalisable (exhaustivité et précision, incotable).
est solide (Arithmétique, NS = 13). De même Romain se donne du mal, la réalisation est lente.
le Raisonnement verbal est lui aussi pertinent Cependant, l'enfant procède par l'addition de
(NS = 12). On note à nouveau une nette fluctua- détails sans lien. Il y a de nombreuses persévé-
tion de la qualité des réponses. rations. Malgré l'écart entre sa production et le
La relative instabilité des résultats incite à modèle, que l'enfant détecte bien, il ne s'arrête pas
explorer plus avant la maturité des fonctions exé- spontanément et poursuit un dessin d'imagina-
cutives. Chez l'enfant, les capacités de planifica- tion jusqu'à ce qu'on lui demande de stopper.
tion sont très faibles. Au cours de la réalisation de Les questions exécutives étant ici en jeu, on a
petits casse-tête, le raisonnement spatial est cor- proposé à Romain la réalisation de ce dessin à
rect (Tour de Hanoï, NS = 9). Cependant, Romain l'aide d'un programme structuré. Le résultat reste
a beaucoup de mal à optimiser ses déplacements lui aussi très désorganisé. L'enfant n'est donc pas
(Move Accuracy, Ratio NS = 2). De plus, quand il seulement pénalisé par les enjeux de planifica-
est bloqué, l'enfant a tendance à systématiquement tion, mais bien aussi par un trouble praxique.
transgresser les règles (Rules Violations, NS = 1). Ce trouble des praxies visuoconstructives
De même, les capacités d'inhibition sélec- exclut-il des troubles moteurs de bas niveau ? La
tive sont nettement déficitaires. Dans un travail réalisation de mouvements rapides et répétitifs
consistant à renoncer à un traitement automatisé des doigts situe Romain dans la norme (Tapping,
au bénéfice des exigences de la tâche, la Vitesse de NS = 11). Mais on note cependant l'apparition
traitement est dans la norme (NS = 10), mais le de syncinésies faciales et d'imitation du côté
nombre d'erreurs est très significatif (NEPSY 2, controlatéral. La réalisation de séquences digi-
Inhibition, NS = 4). L'enfant est particulièrement tales est en revanche impossible (séquences,
gêné par les exigences de flexibilité mentale. incotable). Le geste demandé est non mobilisable.
Cliniquement, on confirme l'immaturité des L'indépendance des doigts est très faible et l'en-
fonctions exécutives. On observe en effet, au fant a tendance à maintenir le pouce sur l'index et
cours de la passation de nombreuses tâches, de plier tous les autres doigts, alors qu'il lui était
des effets de précipitation et persévération. Par demandé de joindre indépendamment les doigts
exemple, la lecture à haute voix est nettement trop pulpe contre pulpe.
rapide (Alouette-R, + 3 ET !) et émaillée d'erreurs Dans un exercice d'habileté digitale consistant à
(Alouette-R, - 1,7 ET). Pourtant la compréhension glisser rapidement des clés dans des serrures orien-
est solide (Test de lecture de l'IREP, 74e centile). tées, Romain est en très grande difficulté aussi
Dans ce contexte, on s'interroge quant à la bien du côté dominant que du côté non dominant
nature de l'échec important lors de la passation de (Grooved Pegboard, < − 2 ET). L'enfant peut mettre
plusieurs épreuves praxiques : jusqu'à 23 s pour placer une clé. Il ne parvient pas à
En 3D, dans un travail très visuoconstructif, orienter finement les doigts. Il a tendance à beaucoup
la réussite est faible (Cubes, NS = 7). Dans un forcer. On observe simultanément des mouvements
exercice consistant à reproduire un patron 2D au des muscles du visage. Romain ne peut s'empêcher
moyen de cubes aux faces diverses, Romain est de s'aider avec l'autre main.
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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

Fonctionnellement, le dessin spontané est est par ailleurs peu sportif. Il ne s'intéresse pas
pauvre, réduit à sa plus simple expression, peu aux jeux de ballon, et a des difficultés de relation
investi chez ce garçon particulièrement pertinent. avec ses pairs. À l'orée de la 6e, où les exigences
De même, le graphisme est déficitaire : La vitesse vont s'intensifier, un bilan est réalisé afin d'éclai-
de copie chez Romain est lente (BHK, − 2 ET). rer la nature des troubles d'Éric.
Surtout, la qualité de la trace est faible. La pro- La dynamique intellectuelle situe en effet Éric
duction est très chaotique (− 1 ET). La hauteur dans la bonne moyenne des enfants de son âge, sans
relative des lettres n'est pas toujours respectée. dissociation significative des capacités intellectuelles
On observe de nombreuses distorsions de lettres selon le type de matériel proposé. Le profil cognitif
(− 2 ET) ainsi que des lettres ambiguës (< − 2 ET). est équilibré (Similitudes, NS = 14, Identification de
La copie répétée est paradoxalement nettement concepts, NS = 11, Matrices, NS = 17).
plus rapide, mais faiblement lisible. Il existe bien une On confirme en revanche rapidement d'impor-
réserve d'accélération, mais au prix d'un effondre- tants troubles du graphisme :
ment de la qualité (test d'écriture d'Ajuriaguerra). • En copie répétée, la vitesse d'écriture est faible
On peut donc dire qu'il existe chez Romain la (test d'écriture d'Ajuriaguerra, < 25e centile).
co-occurrence de troubles moteurs de bas niveau, Éric est très lent. La copie se fait lettre à lettre,
de troubles praxiques et exécutifs, chaque trouble avec beaucoup de levées de crayon. La trace est
ne pouvant expliquer à lui seul les autres. La dis- hésitante et cabossée. Il n'existe qu'une faible
sociation de ces différentes dimensions doit donc réserve d'accélération (< 25e centile). L'écriture
se faire soigneusement, au risque de s'engager sur est alors macrographique et la trace devient
des voies de rééducation ou de remédiation sans chaotique. En fin d'exercice (1 min), Éric dit
issue. La mise au clavier est probablement préma- avoir mal à la main.
turée. La conjonction de la faible indépendance • Lors d'une dictée (Chronosdictées, version
des doigts, des troubles visuoconstructifs (néces- informatisée), Éric est très vite perdu et décalé.
sitant un travail en clavier caché) et de l'imma- Le rythme est difficile, voire impossible à
turité exécutive risque de rendre l'apprentissage suivre. Le geste est douloureux, la trace est
laborieux chez ce garçon encore très jeune. On désorganisée et difficile à lire. Le geste est
s'assurera surtout à l'école que l'enfant dispose de crispé et le papier gravé.
supports pédagogiques adaptés, qu'il est interrogé • En écriture libre, la production spontanée est
à l'oral et/ou qu'il peut donner ses réponses de lente, avec beaucoup de retouches. La revue des
manière simplifiée évitant la copie ou une réponse cahiers révèle une présentation brouillonne,
écrite prolongée. Au vu de l'évolution de l'enfant à une lisibilité variable d'un jour à l'autre, d'un
l'horizon de 18 mois, on pourra revoir l'utilité de exercice à l'autre.
l'introduction du clavier. Pourtant, si le bilan sensorimoteur et praxique
met en évidence quelques fragilités dans la prise
Éric, 10 ans 10 mois, fin CM2, d'information visuelle, le reste des données situe
Éric dans la norme.
une dysgraphie non dyspraxique
En effet, l'enfant est latéralisé de manière homo-
Éric est un enfant curieux, cultivé et motivé, mais gène à droite, et la latéralisation fonctionnelle
ses parents constatent un écart important entre rejoint bien la latéralité neurologique. Il n'existe
son potentiel et ses réalisations à l'école. On s'est pas d'ambiguïté de latéralisation.
longtemps interrogé quant à un éventuel trouble L'exploration visuelle est de vitesse attendue
de l'attention. Cette difficulté est désormais moins (Odédys, Barrage des cloches, dans la norme),
au premier plan, mais restent un graphisme lent et mais la stratégie est assez désorganisée. De plus,
une écriture peu lisible. Alors qu'à l'oral, Éric est l'enfant peut être perturbé par l'encombrement
particulièrement à l'aise, les productions à l'écrit visuel du matériel sur l'espace-page. Quand on lui
sont limitées et le contenu, de manière surpre- demande de suivre du regard des lignes emmêlées,
nante, pauvre. De plus, la lecture est lente, rendue il y a peu d'erreurs, mais le traitement est ralenti
fatigable par des sauts de lignes. Souvent, l'enfant (lignes enchevêtrées de Rey, 10e centile).
se plaint de se perdre dans sa lecture. Certains La discrimination visuelle fine est assez lente, mais
enseignants suspectent une dyspraxie, car l'enfant il y a peu d'erreurs (Beery-VMI, T = 103). La discrimi-
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Chapitre 4. Diagnostic des troubles praxiques

nation visuelle rapide d'items bien contrastés est elle La dysgraphie d'Éric ne peut donc pas être mise
aussi dans la norme (Symboles, NS = 10). Cependant, sur le compte des troubles de nature praxique. Les
il est frappant de constater qu'Éric a besoin d'organi- petites fragilités d'organisation du regard ne peuvent
ser et d'isoler le matériel (il trace des colonnes pour expliquer la faible fonctionnalité du graphisme.
guider le regard) avant de le traiter. En revanche, C'est l'analyse de la lecture qui va permettre
dans l'exercice exigeant du point de vue oculomoteur, de lever les ambiguïtés. En effet, dès la lecture
Éric n'a pas de difficultés (Code, NS = 10). d'un texte à haute voix, on constate une grande
Du point de vue moteur, la réalisation de mou- lenteur (Alouette-R, - 2,5 ET). Le débit est labo-
vements rapides et répétitifs des doigts ne pose rieux, hésitant et haché. Le nombre d'erreurs
pas de difficultés (Tapping, NS = 11). La réalisa- est élevé (< - 2 ET), qu'il s'agisse de mobiliser
tion de Séquences digitales est un peu plus difficile la voie d'assemblage ou la voie d'adressage. Les
(NS = 7), mais reste dans la petite moyenne. Dans hésitations et autocorrections sont nombreuses.
un exercice d'habileté digitale, l'enfant ne force Le bilan de lecture met en évidence une grande
pas. La vitesse de réalisation est dans la norme lenteur et des erreurs dans la comparaison
(Grooved Pegboard, côté dominant, - 0,5 ET, côté des chaînes de caractères (Odédys2 < - 2 ET).
non dominant, - 0,2 ET). L'enfant a besoin de suivre la ligne avec son doigt
La coordination visuomotrice (sans exigence et il subvocalise.
de vitesse) situe Éric dans la petite moyenne pour Les qualités de dénomination rapide sont en
son âge (Beery-VMI, T = 94). Dans ce travail revanche correctes (RAN/RAS, quelle que soit
visant à repasser finement dans un cadre de plus la condition). La discrimination phonologique
en plus étroit, la précision est néanmoins bonne. et la conscience phonologique ne posent aucun
Le domaine des praxies est quant à lui bien pré- problème (Odédys, dans la norme). Le trouble de
servé, quelle que soit la dimension envisagée : la lecture semble donc plutôt ancré dans les pre-
Dans le domaine gestuel, la réalisation de mières étapes neurovisuelles, avec un impact sur
configurations digitales ne pose aucun problème les deux voies de lecture :
(Imitation de la position des mains, NS = 10). Le • la voie d'assemblage se révèle en revanche très
geste est fluide, il n'y a pas d'erreur dans le choix laborieuse (vitesse < -2 ET) avec des erreurs de
des doigts ni de positions aberrantes par rapport lettres (10e centile) ;
au modèle. La rapidité d'exécution est excellente. • quant à la voie d'adressage, la lecture de mots
Les praxies idéomotrices, c'est-à-dire la réalisa- irréguliers met en évidence de nombreuses
tion de mime d'actions sur ordre oral, ne posent erreurs de régularisation, des inversions et des
pas de difficultés. omissions de lettres.
Dans le domaine visuoconstructif, et en 2D, la Fonctionnellement, la vitesse de lecture à voix
Copie de figures est bonne (Beery-VMI, T = 114). basse est très faible (Test de lecture de l'IREP, 2e cen-
La prise en compte des formes globales est per- tile), mais la compréhension de ce qui est lu, en
tinente. Éric prend bien en compte toutes les revanche, est bonne (Test de lecture de l'IREP, dans
nuances (effet de superposition et de perspective). la moyenne). Outre de bonnes compétences intel-
La réalisation motrice ne pose pas de difficultés lectuelles, un excellent langage oral et une culture
particulières. générale solide, on comprend pourquoi le trouble
Toujours en 2D, la copie de la Figure de Rey est de la lecture est resté relativement inaperçu.
efficace (exhaustivité et précision, dans la bonne Les troubles sur le versant expressif à l'écrit, sont
moyenne pour son âge). La stratégie de copie est en revanche beaucoup plus frappants, ce qui a pu
structurée et dénote d'une bonne maturité. Éric induire une interrogation quant à la qualité du
commence bien par les éléments principaux, graphisme. En effet, la copie de phrases met Éric
poursuivant son travail par les éléments secon- en très grande difficulté (Chronosdictées < - 2 ET
daires ou périphériques. pour l'orthographe d'usage tout comme l'ortho-
En 3D, dans un travail très visuoconstruc- graphe grammaticale). Outre la faible maîtrise des
tif, le traitement chez Éric est très solide (Cubes, règles orthographiques, Éric se retrouve clairement
NS = 14). Dans un exercice consistant à reproduire en situation de double tâche (écrire tout en faisant
un patron 2D au moyen de cubes aux faces diverses, attention à l'orthographe). La faible automatisation
analyse et synthèse visuelles sont efficaces. du geste d'écriture le pénalise n ­ ette­ment au cours
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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

de la transcription. Cependant, si l'on soulage le Éric sera aidé par la mise en place de l'ordinateur.
geste moteur et qu'on passe l'enfant au clavier, La lisibilité pourra être améliorée par la frappe au
l'orthographe reste très déficitaire et quasiment clavier, mais les représentations orthographiques
strictement phonétique. resteront déficitaires. L'usage d'un correcteur
Il s'agit donc bien d'un trouble du graphisme, orthographique puissant (Antidote) pourra l'aider.
sans dimension motrice ou praxique sous- Cependant, au vu des excellentes compétences
jacente, conséquence d'une difficulté d'accès au verbales à l'oral, on pourra proposer dans un futur
code écrit, impliquant une faible automatisation proche la dictée vocale pour les tâches de rédac-
de la transcription. tion longue.

Tableau 4.5. Principales épreuves utilisées dans le bilan VPS et valeur pour un diagnostic
différentiel.
Épreuves Dyspraxies « pures » Dyspraxies Troubles visuospatiaux
« visuospatiales » prédominants
Cubes bicolores (Kohs, WISC) Échec +++ Échec+++ Échec variable ou OK
– aide par le modèle OUI NON NON
– par la verbalisation NON OUI Variable
Cubes monocolores (NEPSY) Échec+++ Échec +/– ou OK OK
Assemblage d'objets Échec Échec Variable
Figure de Rey Échec Échec Échec
Imitation de gestes Variable Échec Échec
Mimes d'utilisation d'objets Échec Variable Variable
Dessins ou puzzles Échec Échec Échec
– sans modèle (OO) Pire Mieux Mieux
– avec modèle Mieux Pire Pire
– avec repères (points, lignes, Mieux Pire Pire
quadrillages)
Labyrinthes OK Variable Échoués
Reversal OK Variable Échoué
Points et barres OK Échec Échec
Flèches (NEPSY) OK Échec Échec+++
Orientation (NEPSY) Échec Échec+++
Distinction D/G Échec Variable OK
Connaissance doigts
Barrage ou choix de cibles OK Échec Échec
orientées (d2, AI)
Frostig (ou DTVP3)
Coordination visuomotrice et Trouble graphique Trouble graphique OK
rapidité visuomotrice
Positions dans l'espace OK ou variable Échec Échec
Relations spatiales Échec Échec Échec
OO = ordre oral.

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Tableau 4.6. Analyse neuropsychologique des principales tâches impliquant des fonctions visuo-practo-spatiales.
Tâches Exemples de tests étalonnés Utilisation habituelle Autres domaines cognitifs sollicités Compétences requises,
par la tâche en fonction des
« Entrées » « Sorties »
Arrangements 1. Cubes de Kohs, WPPSI ou WISC, NEPSY 1. Facteur G – Stratégie, attention, fonctions exécutives Visuospatiales Practomotrices
de cubes ou (ECPA) 2. Diagnostic des – Fonctions visuospatiales : analyse relations
sticks 2. Praxies constructives troubles praxiques topologiques, obliques
tridimensionnelles, ECPA – Praxies constructives : assemblage éléments
Suites logiques – Progressives Matrices (PM) ou Matrices Facteur G − Stratégie, attention, fonctions exécutives − Visuospatiales − Désignation
(si dessins des échelles de Wechsler ou Matrices − Fonctions visuospatiales − Regard (stratégie,
orientés) analogiques du K–ABC exploration,
– D48 (ECPA) (> 12 ans) oculomotricité)
Numération et – UDN II (ECPA) – Facteur G – Fonctions exécutives – Visuospatiales Selon tâche
conservations – Toutes les tâches de dénombrement – « Stade » piagétien – Fonctions visuospatiales – Regard
(nombre, (Arithmétique des échelles de Wechsler – Fonctions mnésiques (stratégie,
matière, poids, ou des échelles Connaissances du K-ABC – Fonctions linguistiques exploration,
volume, etc.) (ECPA), etc. oculomotricité)
173

Reproduction de 1. Figure de Rey – copie – (ECPA) 1. Facteur G – Stratégie, raisonnement, fonctions exécutives Visuospatiales Graphisme
dessins 2. VMI 2. Fonctions – Fonctions visuospatiales : analyse relations

Chapitre 4. Diagnostic des troubles praxiques


3. Bender (ECPA) visuospatiales topologiques, obliques
4. Subtests issus de la NEPSY 3. Âge graphique – Praxies constructives : arrangement éléments
5. Benton (ECPA) 4. Mémoire 4. Mémoire visuospatiale (copie différée)
6. M. Frostig : relations spatiales (ECPA) 5. Fonctions 6. Mémoire à court terme (copie différée)
visuospatiales
6. Fonctions
visuospatiales
Reproduction de – Vaivre Douret : DEF–mot et motricité – « Schéma corporel » – Fonctions motrices et praxiques Visuospatiales Graphisme
gestes gnosopraxique distale (ECPA) – Latéralisation – Fonctions visuospatiales (relations
– subtest de la NEPSY (ECPA) – Motricité fine topologiques entre éléments, obliques)
Gestes sur OO Auditivoverbales Practomotrice
(réels ou mimés)
Schéma corporel – Subtest Dénomination des parties du Image du corps – Fonctions sensorimotrices et sensorignosiques 1. Visuelles 1. Parole
1. Dénomination corps de la NEPSY… – Fonctions visuospatiales et notions D/G 2. Auditivoverbales 3. Practomotrice
2. Désignation – Meljac et coll. (ECPA) 1. Langage : engrammation et accès lexical 3. Visuelles
3. Reconstitution 2. Langage : connaissances lexicales
puzzles 3. Praxies constructives : arrangement éléments
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Tableau 4.6. Suite.
Tâches Exemples de tests étalonnés Utilisation habituelle Autres domaines cognitifs sollicités Compétences requises,
par la tâche en fonction des
« Entrées » « Sorties »
Dessins sur OO 1. Figures géométriques 1 et 2. Niveau – Fonctions visuospatiales (relations Auditivoverbales Graphisme
2. Lettres ou mots graphique topologiques entre éléments, obliques)
3. Dessin du bonhomme 3. Représentation – Fonctions praxiques
4. Dessin de la famille, de l'arbre, etc. corps, schéma corporel 1. Connaissances formes, gnosies visuelles
4. Personnalité, 2. Connaissances LE, gnosies visuelles
aspects affectifs et 3. Fonctions sensorignosiques et practomotrices
psychodynamiques 4. Gnosies visuelles
Appariement A I, Albaret et coll., (ECPA) Attention visuelle – Attention et fonctions exécutives – Visuelles
d'images (Impulsivité) – Fonction visuospatiales : analyse relations – Regard
topologiques, obliques (stratégie,
exploration,
174

oculomotricité)
Barrages – d2 (ECPA) – Attention visuelle – Attention et fonctions exécutives – Visuelles Graphisme
(si matériel – Barrages – Attention concentrée – Fonctions visuospatiales : perception, analyse, – Regard
orienté) reconnaissances obliques (stratégie,
exploration,
oculomotricité)
Labyrinthes 1. Labyrinthes de Portéus (au sein WPPSI, – Stratégie (non 1, 2 et 3. Attention et fonctions exécutives, Regard (stratégie, 1 et
Suivi de trajets, WISC) verbale) stratégie exploration visuelle exploration, 2. Graphisme
de lignes, etc. 2. Frostig : coordination – Coordination 2. Développement perception visuelle, oculomotricité) 3. Regard
visuomotrice (ECPA) œil-main coordination visuomotrice, fonctions
3. Flèches et Orientation de la NEPSY visuospatiales (relations topologiques entre
4. Laby 5-12 (ECPA) éléments, obliques)
3. Représentation et manipulation mentale d'une
trajectoire
OO = ordre oral, LE = langage écrit.

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Chapitre 4. Diagnostic des troubles praxiques

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Évaluation des troubles Chapitre 5
gnosiques visuels

L'important, ce n'est donc pas la liste des capteurs mais les questions que le
cerveau curieux pose au monde à partir d'hypothèses qu'il élabore et de tâches
qu'il se propose d'accomplir. Les sens sont des vérificateurs d'hypothèses et non
seulement des sources d'hypothèses.
Alain Berthoz, Le sens du mouvement, 1997.

Introduction alors d'autant plus graves qu'ils sont méconnus


et que les symptômes qu'ils induisent donnent
Les troubles neurovisuels paraissent d'autant lieu à des réponses inadaptées de l'entourage.
plus rares qu'ils sont très souvent méconnus ou Sous le terme de « troubles neurovisuels », on
interprétés dans un autre cadre de la pathologie désigne un ensemble des pathologies distinctes
du développement de l'enfant (trouble psycho­ qui peuvent toucher les composantes cérébrales
dynamique, autisme). Leurs conséquences sont du système visuel. Cela concerne trois lignées de
troubles (figure 5.1) :

Œil Cerveau

Muscles oculomoteurs Commandes et coordination


motrices = oculomotricité Motivation

REGARDER Fonction visuo-


Rétine attentionnelles
Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

Traitements cérébraux de l'image Sélection stimuli


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rétinienne Stratégie visuelle


= AGNOSIES visuelles

VOIR ET RECONNAÎTRE

OPHTALMOLOGIE

NEURO-VISION
Figure 5.1. Le champ de la neuro-ophtalmologie (neurovision).

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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

• les anomalies sur les voies de commande et de Rappel schématique


régulation de l'oculomotricité (voies practomo­ des traitements cérébraux
trices, efférentes) qui contrôlent et régulent
les mouvements du regard (fixation, pour­
de l'information visuelle
suite, exploration/balayage, déclenchement, L'analyse cérébrale des informations visuelles fait
­organisation et calibrage des saccades) — qui intervenir différents mécanismes étroitement
ne seront pas traités ici car ils relèvent plus de imbriqués (cf. figure 4.1) :
la neuro-ophtalmologie et de l'orthoptie neu­ • certains concourent à la localisation du stimulus,
rologique que de l'évaluation psychologique. ce sont les voies occipitopariétales (dites « voies
Ces troubles, très fréquents chez l'ancien pré­ dorsales »). Ce sont elles qui sont essentiellement
maturé sont très souvent corrélés à des anoma- en jeu lors de l'action et lorsqu'il faut interpréter,
lies de la structuration spatiale. Ils coexistent construire, manipuler ou utiliser des notions
fréquemment avec des troubles praxiques et/ou spatiales ;
gnosiques visuels ; • d'autres permettent d'analyser et reconnaître
• les troubles de l'attention visuelle, spécifiques (identifier) l'image rétinienne ; mais, selon la
(négligence visuelle d'une partie de l'espace) ou nature du stimulus visuel traité, les traitements
non ; appliqués dépendent de réseaux et de sous-
• et enfin, les anomalies qui portent sur les voies modules distincts). Il s'agit, dans l'ensemble, de
afférentes, c'est-à-dire qui consistent en des processus pris en charge par les lobes occipitaux
troubles du décodage cérébral de la signification et par des voies associatives occipitotemporales
de l'image rétinienne (Mazeau, 1995, 2005), ou (dite « voie ventrale »).
agnosies visuelles. L'enfant voit (il ne s'agit pas Ce sont de ces derniers mécanismes dont
d'un trouble ophtalmologique), mais il interprète il est question lorsque l'on évoque les gnosies
mal ce qu'il voit. C'est de ces derniers dont il est visuelles (figure 5.2).
question dans ce chapitre.
Identification
Définition d'un stimulus visuel
On reprendra la définition princeps (Haecan, D'une façon schématique, on repère quatre
1972) : « Sous le terme d'agnosie visuelle, on grandes étapes cérébrales du traitement de
comprend toute une série de troubles des fonc­ l'information rétinienne (Boucart et coll., 1998 ;
tions perceptives concernant l'identification et la Farah, 2004) :
reconnaissance, par le canal visuel, des objets, des • l'analyse des caractéristiques physiques
visages ou de leurs représentations, des formes du stimulus : différenciation fond-forme,
significatives ou non, des données spatiales, etc., analyse des couleurs, brillances, ombres,
alors qu'il n'existe ni trouble élémentaire de la zones de recouvrement, orientation des
vision, ni déficit des fonctions mentales du moins traits, discontinuités (ruptures de lignes,
à un degré suffisant pour rendre compte du d'orientations, etc.) ;
désordre observé. » • la description structurale du stimulus : trai-
L'examen ophtalmologique est normal, ou ne tement des contours, qui permet l'accès à une
montre que des anomalies banales (troubles de la représentation prototypique du stimulus et
réfraction corrigés par le port de lunettes, par ex.), donc au niveau de la super-catégorie à laquelle
qui ne peuvent pas rendre compte de la nature appartient le stimulus (animal ou être vivant,
et/ou de l'intensité des troubles observés. objet manufacturé, etc.) ;
• l'accès sémantique : interprétation de la signifi­
cation précise du stimulus, par analyse et prise
L'enfant n'est ni aveugle ni malvoyant : c'est le en compte des détails, texture, etc., qui permet
traitement cérébral de l'information rétinienne une re-connaissance et donc, l'accès sémantique
qui est défectueux, responsable de troubles de la c'est-à-dire l'accès à l'ensemble des connais­
reconnaissance, de l'identification visuelle. sances liées au stimulus. À ce niveau, on peut,
par exemple, faire preuve d'un savoir pertinent

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Chapitre 5. Évaluation des troubles gnosiques visuels

Enfant de 9 ans
bon lecteur

Mots

Maisons

Visages

Cibles

Figure 5.2. Cartographie des aires cérébrales impliquées dans la reconnaissance des images,
selon leur type.
D'après Dehaene, 2013.

sur les aspects fonctionnels et conceptuels atta­ sième dimension, telles les ombres, des lignes
chés au stimulus ; de fuite) : on parle d'agnosie des images ;
• le niveau lexical : accès au mot précis désignant • des objets, c'est-à-dire n'importe quel stimulus tri­
le stimulus (dénomination). dimensionnel en 3D : on parle d'agnosie des objets ;
L'atteinte de l'un ou l'autre de ces sous-modules • des couleurs: l'agnosie des couleurs ;
détermine donc des agnosies différentes dans leurs • des signes conventionnels, en particulier les
mécanismes internes et dans les types d'erreurs lettres et signes mathématiques.
commises par les enfants (figure 5.3).
Ces cinq types d'agnosie visuelle sont indépen-
À noter dants les uns des autres, ce qui signifie :
• qu'un enfant pourra être atteint soit d'un type
Pour s'assurer de la reconnaissance d'un stimulus unique (les autres capacités neurovisuelles étant
visuel, la tâche la plus usitée est la dénomination. préservées et normales), soit d'agnosies multiples
La difficulté constante sera donc de différen­ diversement associées ;
cier méconnaissance éventuelle du stimulus • que la découverte d'une agnosie des images,
lui-même ou du mot le désignant et troubles de par ex., ne doit pas conduire à un pronostic a priori
l'identification visuelle. négatif concernant les capacités d'accès à la lecture.

Différentes sortes d'agnosies visuelles


Selon le type de stimulus visuel qui doit être traité,
Les signes d'appel
ce sont des réseaux (des modules) différents qui en Plusieurs situations cliniques doivent alerter et
assurent l'analyse et l'interprétation (figure 5.2). inciter à pratiquer un bilan à la recherche d'une
Ainsi, on distingue cinq types d'agnosies agnosie visuelle :
visuelles, selon qu'il s'agit de reconnaître : • L'enfant est un ancien prématuré, avec ou sans
• des visages : on parle d'agnosie des visages ou troubles neuromoteurs, mais porteur d'impor-
prosopagnosie ; tants troubles du regard.
• des images bidimensionnelle en 2D ou 2,5D • L'enfant a présenté des troubles neurologiques,
(images comportant des indications sur la troi­ focalisés ou non, mais susceptibles d'atteindre

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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

NIVEAU LEXICAL TROUBLES


DÉNOMINATION DU LANGAGE
AGNOSIES
ASSOCIATIVES NIVEAU SÉMANTIQUE
IDENTIFICATION – RECONNAISSANCE
(significations détails visuels spécifiques, texture, etc.)

IMAGE PROTOTYPIQUE TROUBLES


REPRÉSENTATION STRUCTURALE GNOSIQUES
AGNOSIES VISUELS
APERCEPTIVES CONFIGURATION GLOBALE

EXTRACTION TRAITEMENT
FOND/FORME CONTOURS

Figure 5.3. Les différents types d'agnosie visuelle.


Inspiré de Humphreys et Riddoch, 1987.

les lobes occipitaux et/ou les voies visuelles — • au subtest Identification de concepts (voire dans
en particulier syndrome de West ou spasmes une moindre mesure, Matrices) des échelles
en flexion, anoxie cérébrale, tumeur de la fosse de Wechsler, surtout lorsque les épreuves ver­
postérieure irradiée, etc. — (Kieffer et al., 2001). bales sont relativement bien réussies. Certains
• À un moment quelconque de son développement, items de Matrices sont des épreuves de simple
souvent dans la période néonatale, l'enfant a pré­ complétion d'images non sémantiques (des
senté une cécité corticale, une errance du regard pavages complexes, incluant des obliques,
ou bien les parents ont exprimé la crainte que nuances de couleur, etc.) qui peuvent gêner
leur bébé ne soit aveugle. Dans ce dernier cas, le l'enfant dans les premières étapes du traite­
comportement visuel de l'enfant au moment des ment visuel ;
inquiétudes parentales est très caractéristique : • aux épreuves visuelles du K-ABC (subtests
il ne fixe rien de précis, on a l'impression qu'il Reconnaissance de formes, Fenêtre magique,
regarde « dans le vide », « au-delà » ou « à travers » Reconnaissance de visages), surtout si elles contrastent
des visages et des objets qu'on lui présente, on ne avec une bonne réussite aux épreuves non visuelles ;
peut croiser son regard, il n'accroche pas le regard • au VOCIM, TVAP, EVIP ou toute épreuve de
de ses interlocuteurs. Ultérieurement les parents dénomination ou désignation d'images, en gar­
ont été tranquillisés par un examen ophtalmolo­ dant à l'esprit qu'une grande partie des épreuves
gique « normal » et/ou par l'évolution de l'enfant langagières (lexicales et/ou syntaxiques) sont
qui récupère plus ou moins un comportement constituées d'images ;
visuel rassurant (accrochage visuel, fixation). • aux épreuves de mémoire visuelle.
Mais se dévoilent secondairement des troubles du Un des premiers éléments qui viendra renfor­
comportement et de la relation, l'enfant évoluant cer ce soupçon, quelle qu'en soit l'origine, est issu
sur un mode de type « autistique ». de l'interrogatoire des parents : l'enfant ne s'inté­
• Enfin, plus rarement, le soupçon prend forme à resse pas aux émissions télévisuelles destinées aux
partir des dires des parents ou des enseignants enfants (dessins animés, films, séries, etc.) : c'est
qui signalent le « refus de regarder », ou bien un argument important, qui, en l'absence de
encore c'est au décours du bilan neuropsycho­ troubles ophtalmologiques avérés (amblyopie ou
logique entamé sur d'autres critères que l'on va malvoyance), doit conduire à proposer un examen
prendre conscience que l'enfant échoue spécifi­ neurovisuel complet.
quement toutes les épreuves en images. On peut résumer par la figure 5.4 les diverses
Il faut en particulier s'interroger devant un situations où il est justifié d'évoquer une éven­
échec spécifiquement marqué : tuelle pathologie gnosique visuelle.
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Chapitre 5. Évaluation des troubles gnosiques visuels

ANOMALIES DU REGARD
ANTÉCÉDENTS NEUROLOGIQUES ABSENCE D'INTÉRÊT VISUEL

DISSOCIATION COMPORTEMENT PSEUDO-AUTISTIQUE


PERFORMANCES ENTRE
LANGAGE ORAL (~ correct) ET
ÉPREUVES SUR IMAGES
DISSOCIATION ENTRE COMPORTEMENT
(très échouées)
DEVANT IMAGES (refus, troubles de
l'attention visuelle, discours incohérent) ET
ABSENCE D'INTÉRÊT COMPORTEMENT EN SITUATION
POUR LA TÉLÉVISION AUDITIVO-VERBALE (nettement plus adapté)

– BILAN OPHTALMOLOGIQUE, clinique et para-clinique (PEV)


– BILAN NEURO-VISUEL: oculo-motricité (bilan orthoptique) et gnosies visuelles
Figure 5.4. Quand suspecter une agnosie visuelle ?

On cherchera tout d'abord à éliminer les


À noter troubles neurovisuels de « bas niveau », traite­
Les bilans ophtalmologique et orthoptique ments essentiellement occipitaux, prenant en
doivent être effectués et interprétés par des pra­ compte globalement les deux premières étapes
ticiens (rares) expérimentés en neuro-ophtalmo­ de la typologie de Boucard (cf. supra). Nous
logie infantile. envisagerons ensuite successivement les dif­
Des PEV (potentiels évoqués visuels) altérés, férentes sortes d'agnosies visuelles et les éva­
voire « éteints », sont un élément très important
luations spécifiques qu'il convient de proposer
en faveur du diagnostic d'agnosie visuelle, quelle
dans chaque cas.
qu'en soit la forme clinique. A contrario, des PEV
« normaux » ne préjugent en rien de la présence
ou non de troubles gnosiques visuels. L'analyse des premières étapes
De très nombreuses épreuves, dans tous les sec­ du traitement cortical
teurs de la neuropsychologie (l'évaluation psy­
chologique ou psycho-intellectuelle, l'estimation des stimuli visuels
des performances et des apprentissages scolaires, Le neuropsychologue dispose de batteries
l'exploration de la personnalité, l'appréciation du assez complètes permettant l'analyse initiale
langage, etc.) utilisent des images. des caractéristiques physiques des stimuli,
Bien sûr, l'interprétation des résultats à chacune intervenant en amont des traitements plus pro­
de ces épreuves en images suppose que toute prement gnosiques (reconnaissance) et séman­
agnosie visuelle soit préalablement éliminée ou
tiques. On signalera en particulier certains
hautement improbable.
subtests du DTVP31 et l'ensemble de la batterie
TVPS32 (édition américaine).

Étayer le diagnostic
1
Developmental Test of Visual Perception, 3rd ed. par
Il s'agit bien ici d'étayer un diagnostic, car il D.D. Hammill, N.A. Pearson et J.K. Voress (2014),
n'existe pas actuellement, dans les domaines gno­ étalonné de 4 à 12 ans 11 mois.
siques visuels, de test spécifique, à la fois sensible 2
Test of Visual Perceptual Skills, 3rd ed., N.A. Martin
et sélectif, approprié aux enfants et étalonné. (2006) étalonné de 4 à 18 ans.

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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

On pourra ainsi juger des capacités de l'enfant Dénomination


dans plusieurs domaines : ou description d'images
• discrimination visuelle entre images sans signifi­
cation, mais proches en termes de détails visuels ; L'enfant donne des réponses qui semblent aber­
• jugement des relations spatiales fines ; rantes, ou bien il étonne par sa méconnaissance
• de la constance de forme, indépendamment d'objets usuels ou d'animaux familiers.
de l'orientation, de la taille et des éléments Diagnostic par élimination
d'environnement ; Dans la mesure où le trouble se manifeste lors
• de l'extraction de la figure du fond sur la base de d'épreuves de dénomination d'images, il convient
figures emmêlées (simultagnosies) ; tout d'abord d'éliminer :
• des capacités de « fermeture visuelle » (closure), • une méconnaissance du stimulus cible ;
c'est-à-dire de reconsitution automatique de • une méconnaissance du mot le désignant ;
contours interompus, convoquant les facteurs • un manque du mot.
de « gestalt » (reconnaître une figure incomplète La stratégie la plus simple consiste à demander à
telle un rectangle en pointillé). l'enfant l'évocation des mêmes mots, mais sur affé­
Notons que certaines épreuves de la DTVP rence auditivoverbale. Le subtest des Devinettes
nécessitent la production d'un dessin, ce qui du K-ABC convient particulièrement bien. Pour
transforme fondamentalement la tâche en épreuve certains items, on peut aussi demander une déno­
praxique visuoconstructive, ou a minima de coor­ mination sur afférence ­tactile (reconnaître une
dination œil-main. gomme, un trombone, une bague, etc. en les mani­
Le Beery VMI3 est structuré précisément pour pulant à l'abri du regard) ou sur afférence olfactive
pouvoir faire le tri entre les hypothèses : (savon, fromage, etc.). Attention : les enfants souf­
• épreuve de discrimination visuelle d'items fai­ frant d'agnosie des images ont souvent un faible
blement contrastés (taille, orientation, détails) ; niveau de vocabulaire.
• épreuve de tracé des mêmes dessins en sui­ Lorsqu'il y a non-réponse (« Je ne sais pas »), il
vant un guide (épreuve de coordination est important de faire préciser si c'est l'objet ou le
oculomanuelle) ; mot que l'enfant ignore, ce que l'on peut apprécier
• épreuve de copie de ces mêmes dessins (praxies en demandant s'il a déjà vu cette chose, s'il en a à la
visuoconstructives en 2D). maison, ou à l'école, s'il a un jouet qui la représente,
L'épreuve de Symbole du WISC est aussi une s'il sait quel usage on en fait, etc. (exploration des
tâche de discrimination visuelle fine, mais pour connaissances sémantiques corrélées à la cible)
des items géométriques bien contrastés et incluant afin d'apprécier s'il s'agit d'une méconnaissance,
une exigence de vitesse. d'un trouble de l'accès lexical ou d'une incapacité à
Remarquons que l'investigation des compé­ identifier le dessin.
tences (cognitives) visuelles d'entrée implique Dans tous les cas, il s'agit de faire la preuve que
le plus souvent une réponse demandée à choix le trouble de dénomination est en fait un trouble
multiples. Attention donc à l'infiltration des élé­ d'identification du stimulus strictement lié à
ments attentionnels, des stratégies d'exploration l'afférence visuelle : le choix d'une autre afférence
du matériel et des facteurs exécutifs (inhibition doit alors permettre une dénomination rapide et
sélective, impulsivité, persévérations). exacte des mêmes items.

Les agnosies des images


Attention !
Ce sont les plus fréquentes des agnosies visuelles,
• La désignation d'images dénommées par
en particulier lorsqu'il s'agit de séquelles de pré­
l'examinateur n'est pas une épreuve pertinente
maturité ou d'anoxie cérébrale précoce.
pour le diagnostic d'agnosie des images ; elle
peut induire en erreur et masquer le trouble, en
rassurant à tort. En effet, dans de nombreuses
3
Developmental Test of Visual-Motor Integration (VMI), agnosies des images, ce sont les traitements
6e ed., Beery K.E., Buktenica N.A., et al. (de 2 à 100 ans !) ascendants (bottom up), à partir de l'analyse
réétalonné en 2010 jusqu'à 18 ans, en 2006 au-delà.

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Chapitre 5. Évaluation des troubles gnosiques visuels

contours (ils disent alors voir des formes disjointes,


des données visuelles, qui sont défaillants. Les
traitements descendants (top-down), à partir sans lien et sans signification : « des traits », « des car­
des concepts, de la situation, de l'évocation rés », des « tâches noires »). Ces enfants reconnaissent
sémantique, du contexte, du mot, sont souvent parfaitement les mêmes items lorsque les contours
non seulement préservés mais spontanément sont nettement définis (images silhouettes, images
utilisés pour pallier les traitements ascendants contours ou images prototypiques telles celles des
déficitaires (figure 5.5). La désignation d'images imagiers pour enfants) (Meurant, 2002).
peut donc être réussie en dépit d'une agnosie des D'autres accèdent à l'enveloppe globale du
images réelle. contour (niveau structural, figure 5.3), mais
• L'appariement d'images identiques ou la per­ n'interprètent pas les détails qui donnent un sens
ception de détails différents entre deux images précis à l'image : ils font alors des erreurs dites
ne dit rien sur l'accès au niveau sémantique ou « morphologiques », c'est-à-dire qu'ils donnent
lexical, donc sur l'identification de l'image. une interprétation fausse mais respectant la forme
En effet, on peut dire si ces deux dessins sont iden­ des contours de l'image (par ex., une vache peut
tiques ou non, et en quoi ils diffèrent, sans pour être identifiée comme un chien).
autant avoir accédé à la signification du dessin
(son identification), sans savoir de quoi il s'agit ! Images de Blanche Ducarne
Ces images, initialement proposées pour le diag­
Choix des tests complémentaires nostic des agnosies visuelles secondaires chez
l'adulte (Ducarne, 1993), ont été présentées à
On dispose de plusieurs corpus étalonnés
100 enfants normaux de 3 à 8 ans et étalon­
d'images ou dessins qui peuvent être utilisés pour
nées (Dalens et coll., 2003).
tenter de comprendre quels sont les mécanismes
Il s'agit d'images choisies selon différents cri­
éventuellement défaillants.
tères qui mettent en jeu des processus d'iden­
Subtest Reconnaissance de formes du KABC2 tification différents : images fond-forme bien
Il s'agit d'identifier (tâche de dénomination) différencié versus peu différencié, images avec
des dessins aux contours fragmentés. L'épreuve beaucoup d'informations versus avec peu d'infor­
est étalonnée à partir de l'âge de 2 ans et demi. mations (peu de détails saillants), images prêtant
Elle teste la capacité automatique à reconstituer à la scotomisation, images présentant des ressem­
les contours et à interpréter l'ensemble ainsi blances morphologiques, images comportant un
reconstitué. détail spécifique, images dont la taille est insolite
C'est une épreuve particulièrement échouée par les (point de vue inhabituel, non prototypique).
enfants qui n'interprètent que partiellement l'image • 25 peuvent être proposées dès 3 ans (images
ou par ceux qui ne peuvent pas reconstituer les prototypiques) ;

(par autrui)
Traitements IDENTIFICATION DÉNOMINATION Traitements
ascendants descendants

ACCÈS SÉMANTIQUE
INDICES STRUCTURAUX
INDICES CONCEPTUELS
TRAITEMENT DE L'IMAGE
RÉTINIENNE

STIMULUS IDENTIFICATION
VISUEL STIMULUS VISUEL
Dénomination d'images Désignation d'images
Traitement dirigé par les données perceptives Traitement dirigé par les concepts
Figure 5.5. Processus de dénomination.

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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

• 10 autres dès 5 ans (images fond/forme mal dif­ C'est pourquoi on constate chez l'enfant agno­
férencié, points de vue inhabituels) ; sique soit un désintérêt total pour la télévision (ou
• et 14 de plus à partir de 7 ans (images possédant les vidéos), soit un intérêt tout à fait étrange pour
peu de détails saillants). certaines émissions inadaptées à son âge et aux
Il s'agit donc d'un panel d'images utilisable en goûts habituels des enfants. Ainsi, ces enfants s'inté­
situation de dépistage chez le jeune enfant. ressent aux débats, émissions de jeux, informations,
Analyse qualitative des erreurs matchs de football, variétés et chansons, c'est-à-dire
d'une façon générale à toute émission susceptible
Au-delà de la consigne et des réponses précises d'être écoutée, d'être traitée comme une émission
(exactes ou fausses), il est très utile, pour les de radio. A contrario, ils ne regardent pas les des­
dessins non reconnus, de chercher à détermi­ sins animés ni les films ou séries qui leur sont des­
ner quelle perception ou quelle représentation tinés. Au cinéma, ils font des quiproquos multiples
s'en fait l'enfant. Il faut alors s'interroger sur les qui leur interdisent de suivre le fil du scénario. Ils
caractéristiques graphiques, structurales, des s'ennuient ou manifestent une angoisse importante
images identifiées versus celles des images non qui se traduit par des troubles du comportement.
reconnues (figure 5.3). Les parents pensent rarement à signaler spon­
Certains enfants sont particulièrement mis en tanément ces faits. Il est donc particulièrement
difficulté par l'extraction de la forme par rapport important de les interroger explicitement sur ce
au fond (à mettre en rapport avec les épreuves point, très évocateur.
formelles du TVPS ou du DTVP), d'autres par la
présentation de points de vue inhabituels (ils ne
peuvent alors accéder à l'image prototypique), Dissociations
d'autres par l'impossibilité de reconstituer des Lorsqu'on suspecte une agnosie, deux types de dis-
contours (de nombreuses images de la vie quoti­ sociations doivent être recherchés pour conforter
dienne ont un contour interrompu, ne serait-ce que le diagnostic (tableau 5.1) :
parce qu'un autre élément opaque situé au premier • en fonction du type de matériel utilisé : les per­
plan masque partiellement l'objet du second plan, formances sont effondrées lorsqu'on utilise, au
à mettre en rapport avec les épreuves de ferme­ sein des afférences visuelles, des images versus
ture visuelle), d'autres encore par une incapacité à des réussites (ou une nette amélioration) si l'on
prendre en compte plusieurs éléments d'une scène, utilise des objets ;
d'autres enfin parce qu'ils ne font que des interpré­ • en fonction de la nature des afférences solli­
tations parcellaires du stimulus. Dans ce dernier citées par les tâches : on s'attend à des perfor­
cas, il est très important de s'assurer que l'enfant mances chutées sur afférence visuelle versus
a bien exploré du regard l'ensemble de la scène une réussite (ou une nette amélioration) lorsque
présentée visuellement, afin de ne pas confondre l'on change de modalité d'entrée.
certains troubles de l'exploration du regard avec Or, nous l'avons vu, il est très important de faire
des troubles gnosiques visuels. Enfin, certains sont la preuve que les difficultés que l'enfant manifeste
en difficulté devant tout type d'image. face aux images :
Lorsque la dénomination est erronée, il est donc • ne sont pas le reflet d'une déficience mentale : il
important de faire préciser à l'enfant ce qu'il voit faut donc disposer d'épreuves qui permettent
et de lui faire désigner précisément sur le dessin d'évaluer ses compétences raisonnementales
les éléments qu'il évoque. indépendamment de tout matériel imagé. On
pourra donc évaluer le niveau de développe­
Images cinéma, vidéos ou télévision ment (de raisonnement, de conceptualisation),
Ce sont des images qui défilent très rapidement à l'aide d'épreuves verbales (Similitudes des
(24 images/s). Or, il semble que les enfants souf­ échelles de Wechsler, définitions de mots, etc.),
frant d'agnosie visuelle aient besoin de plus de mais on pourra aussi utiliser les épreuves per­
temps pour analyser et interpréter (de façon formance ne nécessitant pas le décodage de
juste ou erronée !) tout stimulus visuel. Ils sont la signification d'une image, par exemple le
donc particulièrement en difficulté lorsqu'il s'agit subtest Analyse catégorielle des EDEI, les Cubes
d'images cinéma. de Kohs, les Labyrinthes de Portéus, etc. ;

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Chapitre 5. Évaluation des troubles gnosiques visuels

Tableau 5.1. Dissociations à rechercher en cas de suspicion d'agnosie des images.


Épreuves en images Usage habituel Tâche non imagée avec laquelle Attention ! Autres
rechercher une dissociation paramètres introduits
dans la tâche non
imagée
Complètement d'images Connaissances – Similitudes WISC Métalangage et
du WISC – Définition de mots : Vocabulaire compétences linguistiques :
Attention ! l'interprétation WPPSI ou WISC, TVAP actif, etc. évocation, phonologie,
du subtest Vocabulaire de – PM, suites logiques non imagées syntaxe,
la WPPSI4, les premiers (chiffres, EDEI, etc.) pragmatique
items sont présentés sous
forme de dessins
Arrangement d'images – Structuration temps – Récit ou histoire, – Métalangage et
– Chronologies en spontané (« Petit Chaperon compétences linguistiques :
Toutes les histoires en – Structuration récit rouge » ou autres contes) évocation, phonologie,
images (séquentielles, – Facteur G – Épreuve de rythme syntaxe, pragmatique
récits, etc.) de Mira Stamback – Mémoire de travail
– Mouvements de mains, épreuve
Histoires à compléter, de frappes de la BREV, etc.
KABC2
Appariement d'images Catégorisation – Similitudes (WPPSI, WISC), Langage
Classement catégoriel des Facteur G Analogies opposées (MSCA)
EDEI, PEGV, etc. – Classement, catégorisation,
appariements logiques d'objets,
animaux, etc.
Dénominations d'images Niveau lexical – Devinettes du K-ABC - Mémoire de travail
Évocation – Raisonnement verbal, WISC et WPPSI
– Dénomination d'objets, d'actions
Désignation d'images, Niveau de – Définition de mots : Vocabulaire – Métalangage et
VOCIM, TVAP, O52, NSST, compréhension WPPSI ou WISC, TVAP actif, etc. compétences linguistiques :
TGC, et tous tests de ou connaissances – Génération de phrases à partir de évocation, phonologie,
langage+++ lexicales ou mots donnés oralement syntaxe, pragmatique
syntaxiques – Jugement syntaxique de phrases – Mémoire de travail
entendues
– Désignation d'objets, d'actions
Métaphonologie Conscience – Épreuves orales (rimes, suppression Mémoire de travail
(dessins à apparier selon que phonologique ou ajout syllabe ou phonème, juger si
les mots qui les désignent plusieurs mots entendus partagent le
riment, ou partagent un son même son, etc.)
commun, rébus, etc.) – Objets dont le nom partage un
même son (rime, syllabe ou phonème
diversement situé dans le mot), etc.

• ne sont pas le reflet de troubles linguistiques : En outre, il est très utile de disposer d'objets
il faut donc pouvoir mener un bilan lexical et miniatures variés (concernant la vie quotidienne,
syntaxique indépendamment de tout matériel les animaux, les fruits et légumes, des petits per­
imagé. Pour évaluer le langage de l'enfant, le sonnages et poupées, des vêtements, des véhicules
subtest Le bain des poupées de la BEPL-A consti­ divers, etc.) et de se constituer un stock d'objets
tue, par ex., un excellent matériel. On peut aussi appareillés avec les images de tests qui, elles, sont
utiliser des devinettes (K-ABC, Raisonnement étalonnées en âge lexical ou syntaxique : cela
verbal des échelles de Wechsler), et des récits. permet de comparer, chez un même enfant, les

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p­ erformances (dénomination, désignation, struc­ la dysgraphie (figure 5.6). Il ne produit rien, ou seule­
tures syntaxiques, appariements logiques ou fonc­ ment des traits et gribouillage épars, sans porter inté­
tionnels, catégorisation) selon qu'on lui présente rêt au tracé (quelquefois, ses seules marques d'intérêt
des images ou des objets, puisqu'on sait que l'agno­ concernent la couleur). En cela, il se démarque des
sie des images est relativement fréquente alors que autres dysgraphies (en particulier dyspraxiques),
l'agnosie des objets est nettement plus rare. Toute qui consistent en une déformation plus ou moins
dissociation entre les deux épreuves, images versus importante des tracés : les troubles graphiques des
objets, au profit de ces derniers est extrêmement en agnosiques sont toujours beaucoup plus intenses,
faveur de la présence d'une agnosie des images. plus durables et très résistants aux rééducations ou
Mais il n'existe pas d'épreuves étalonnées utili­ divers entraînements habituellement proposés. Ces
sant des objets. C'est pourquoi, d'une façon géné­ enfants finissent cependant souvent par acquérir le
rale, lorsqu'on soupçonne un trouble perceptif tracé des lettres, au prix d'une dysgraphie sévère,
visuel on choisit de proposer des tâches dont la alors que le dessin demeure quasi-impossible.
modalité d'entrée est auditivoverbale. Connaissances générales, sémantiques
L'idéal serait bien sûr de disposer des mêmes et lexicales
tâches, dont seule la modalité d'entrée changerait :
• entrée visuelle (images)/processus cognitif On rappelle que la mémoire sémantique correspond
exploré/modalité de réponse ; à l'ensemble des connaissances générales que le sujet
• vs entrée auditivoverbale/même processus possède sur le monde en mémoire à long terme.
cognitif/même modalité de réponse. C'est une mémoire permanente, indépendante du
L'éventualité qu'il existe de tels couples de contexte. Tulving, cité par D. Hannequin (1996),
tâches étant faible, on est souvent obligé de procé­ propose de la définir comme « la mémoire nécessaire
der par approches successives. pour l'utilisation du langage […] ; elle concerne le
Nous nous limiterons ici aux tests déjà cités, soit corpus des connaissances d'un individu affranchies
en tant que tests psychométriques (chap. 1), soit de toutes références spatiotemporelles : elle définit le
dans l'évaluation du langage (chap. 3). savoir, la culture et les compétences d'un individu ».
Le lexique mental est organisé en mémoire
selon un ensemble de « réseaux sémantiques »
Conséquences des agnosies reliés entre eux ; il est composé du stock de mots
visuelles dans les autres secteurs et de l'ensemble des informations s'y rapportant
de la cognition (informations sémantiques, syntaxiques, phono­
logiques ou orthographiques).
En distordant de façon imprévisible (du point de
Les agnosies des images (isolées ou associées à
d'autres agnosies visuelles) ont, chez l'enfant,
vue du sujet) les informations visuelles, l'agnosie
des répercussions importantes sur ses apprentis­ (contrairement à la malvoyance ou la cécité) com­
sages, la constitution de ses réseaux sémantiques promet la cohérence des processus qui assurent
et de son lexique, son appréhension du monde l'intermodalité et président à la constitution pro­
environnant et l'ensemble de ses représentations. gressive chez l'enfant des réseaux sémantiques.
La confrontation entre les entrées visuelles, audi­
tives, tactiles et autres ne permet plus à l'enfant
Faire l'hypothèse que l'enfant souffre d'une de construire des représentations fiables. C'est
agnosie des images, c'est aussi faire l'hypothèse pourquoi l'ensemble de la construction de ses
que l'on va trouver les traces de ce dysfonctionne­ réseaux sémantiques (et par voie de conséquence,
ment cognitivoperceptif dans d'autres secteurs de son lexique) est atteint et subit des distorsions dif­
la cognition : les rechercher (et, éventuellement les ficiles à systématiser, mais souvent massives.
trouver) contribue à la construction du diagnostic. En règle générale, cela se traduit par un déficit
notable en connaissances générales et des scores
Graphisme faibles aux tests évaluant le niveau lexical, indé­
En cas d'agnosie visuelle notable, le jeune enfant ne pendamment du niveau socioculturel familial, du
s'intéresse pas à la trace graphique et sa production niveau scolaire, des capacités de conceptualisa­
est plus de l'ordre de l'a-graphie (« a » privatif) que de tion et du niveau de développement.

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Chapitre 5. Évaluation des troubles gnosiques visuels

A B
Figure 5.6. Dessins de Gratien.
Gratien, 9 ans. Ancien prématuré (30 SA), troubles oculomoteurs patents –Agnosie des images++, échelles de
Wechsler : Similitudes = 9, Information = 10, Mémoire des chiffres = 11, mais IDC = 1. Consigne : dessine un rond,
dessine un trait debout.

Comportement et relation labile, le tout alternant avec d'autres moments où


Ces anomalies, qui interviennent précocement (lors l'enfant est adapté, cohérent, de contact « normal ».
de la fondation des systèmes de représentation du Lorsque le diagnostic d'agnosie visuelle est
monde environnant, de ses codes et de la consistance porté et que des aménagements adaptés sont mis
de leur organisation), induisent des décalages entre en place (en famille, à l'école, etc.), on voit sou­
les représentations de l'enfant et celles de l'ensemble vent s'amender de façon spectaculaire le compor­
de ses interlocuteurs (Jambacqué et al., 1998). tement de l'enfant, même si persiste toujours un
Dès lors, les représentations du monde que certain degré d'étrangeté dans le contact.
l'enfant intériorise souffrent de distorsions dans Enfin, en ce qui concerne le contact oculaire,
certains domaines, rendant compte de l'étrangeté si important dans les échanges interpersonnels, il
angoissante vécue par l'enfant en de nombreuses faut (avant d'interpréter celui de l'enfant comme
circonstances et de l'impression de bizarrerie que « une fuite du regard », « un refus de contact », un
ressent l'adulte, à certains moments, face à son trouble de la relation) s'assurer que ne coexistent
discours et/ou son comportement. pas des troubles de l'oculomotricité (très fréquem­
Il ne s'agit pas là d'un manque, d'un déficit ni ment associés aux troubles gnosiques visuels), une
d'une insuffisance (comme en cas de malvoyance, agnosie des images et/ou des objets et surtout une
de cécité, de stimulations pauvres, etc.), mais bien agnosie des visages+++.
d'une construction qui, à l'insu de tous, est d'em- Au total, le diagnostic d'agnosie des images est
blée « autre », en permanence finement altérée et donc la résultante d'un faisceau d'arguments.
distordue par des informations visuelles présentes Le diagnostic, dans ces pathologies, est d'au­
(l'enfant voit bien), mais non fiables et dénaturées tant plus important qu'il a, en lui-même, une
par une interprétation trompeuse, erronée, par­ valeur thérapeutique : éclairant d'un jour nou­
cellaire ou, pire, à laquelle il est impossible d'assi­ veau les commentaires, les comportements et les
gner une signification cohérente ou en lien avec conceptions de l'enfant, les réponses de l'adulte
les informations fournies (et les représentations seront plus adaptées (ou moins inappropriées,
construites) par les autres modalités sensorielles. moins constamment discordantes d'avec les
Aussi, ces enfants présentent-ils souvent des perceptions de l'enfant), et l'on pourra proposer
symptômes pseudo-autistiques, avec, par moments, à l'enfant des apprentissages plus cohérents par
des manifestations d'angoisse diffuse, des stéroty­ des voies auditivoverbales, qui lui éviteront (ou
pies (gestuelles, verbales), un discours désadapté, limiteront) des expériences répétées d'étrangeté
un comportement social déroutant, un contact et de non-sens.

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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

Troubles du comportement
À noter
Ils sont souvent précoces et intenses, surtout s'il
Les enfants présentant des agnosies des images existe une difficulté à décoder la signification
(ou des agnosies visuelles, en général) ne
des mimiques et émotions faciales (en effet, la
peuvent pas bénéficier des stratégies éducatives
prosopagnosie limitée à une impossibilité ou une
et pédagogiques mises au point pour les enfants
aveugles ou amblyopes. En effet, une grande difficulté à identifier les visages, si elle est isolée,
partie des techniques palliatives proposées aux semble fréquente, y compris dans la population
enfants malvoyants pour des raisons ophtalmo­ tout venant, est peu gênante).
logiques repose sur des compétences spatiales Ils se manifestent par des difficultés majeures à
habituellement hors de portée des enfants agno­ la séparation d'avec la mère, crises d'angoisse en
siques (agnosie spatiale très souvent associée). Par présence d'étrangers, une incapacité à supporter le
ailleurs, si les enfants ne présentent pas d'agnosie moindre changement dans l'environnement, etc.
des objets associée, ils ne sont pas gênés dans la En effet, l'agnosie des visages, lorsqu'elle est pré­
vie courante (déplacements, jouets, objets de la coce, envahit l'ensemble des premières relations
vie quotidienne) et beaucoup, qui ne présentent de l'enfant et retentit sur sa capacité à se sentir (ou
pas d'agnosie des signes conventionnels, peuvent non) sécure parmi ses familiers.
apprendre à lire en noir et blanc. En outre, il ne faut pas oublier que l'interprétation
des mimiques du visage est une des premières « clés »
que les bébés utilisent normalement pour décrypter
Les agnosies des visages les événements de leur environnement, y inscrire des
constantes et y attacher des significations ; il s'agit
L'agnosie des visages (ou prosopagnosie) consiste aussi certainement d'une information majeure pour
en une incapacité élective à décoder les visages donner sens aux premiers mots, premières phrases,
(De Haan et Campbell, 1991 ; Mancini et coll., d'une façon générale pour entrer dans le monde des
1994 ; Ariel et Sadeh, 1996) : symboles signifiants puis du langage.
• qu'il s'agisse de la signification des mimiques ;
• et/ou de la reconnaissance des personnes, Interrogatoire des parents
Elles sont certainement assez fréquentes, mais Il est fondamental, mais l'interprétation de cer­
on ne peut les mettre en évidence que si on les tains comportements peut toujours s'inscrire
recherche, car les symptômes par lesquels elles dans différents contextes (neuropsychologique ou
se manifestent sont peu spécifiques et rarement psychiatrique).
interprétés comme relevant d'un trouble gnosique La reconnaissance des parents et de la fratrie
visuel : en fait, la plupart des symptômes sont ceux (comprenant les proches qui vivent au domicile ou
de la lignée psychotique, mais lorsque le diagnostic que l'enfant voit très souvent : grand-mère, nour­
d'agnosie visuelle en général ou de prosopagnosie rice, institutrice) ne pose généralement aucun
en particulier peut être porté de façon assurée, problème particulier, ce qui rend compte aussi de
il est habituel de réinterpréter la séméiologie de la difficulté à faire un diagnostic précoce. En effet,
l'enfant à la lumière de l'agnosie visuelle. l'enfant développe spontanément et implicitement
de nombreuses stratégies complémentaires et per­
Signes d'appel tinentes qui lui permettent, dans les circonstances
Il faut rechercher systématiquement une prosopa­ de la vie quotidienne, d'identifier chacun de façon
gnosie si l'enfant présente : sûre : la voix, la stature, la démarche, la gestuelle,
• une agnosie des images ; voire l'odeur pour le tout-petit, sont autant d'in­
• et/ou des antécédents neurologiques (préma­ dices infaillibles (d'ailleurs utilisés par chacun
turité, syndrome de West, lésion ou anoma­ d'entre nous : lorsque, dans la rue, nous recon­
lie cérébrales dans les régions postérieures, naissons qui marche de dos devant nous, nous ne
occipitales) ; voyons pas son visage et nous pouvons cependant
• et/ou des antécédents de cécité corticale, asso­ l'identifier de façon certaine).
ciés à des troubles du comportement et de la Bien sûr, les choses sont très différentes si les
relation. personnes ne sont pas des familiers de l'enfant :

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Chapitre 5. Évaluation des troubles gnosiques visuels

l'identification du visage devient alors très pré­ sies des visages) et demandant une réponse en
cieuse pour repérer qui est qui, et l'impossibilité choix multiple (attention visuelle, exploration
d'identifier chacun devient alors un handicap du regard de la scène visuelle, fonctions de
d'autant plus grave que l'on est plus jeune. Les choix, c'est-­à-dire fonctions exécutives, chap. 7).
parents décrivent l'impossibilité d'accepter les L'épreuve de la NEPSY2 est la plus valide car elle
inconnus (baby-sitter, par ex.), les angoisses a bien pris soin de masquer la jonction visage/
intenses de l'enfant lors des changements d'envi­ cheveux, très facilitatrice.
ronnement (vacances, séjour dans la famille ou L'échec sévère à cette épreuve est constant,
chez des amis, etc.), l'exacerbation des troubles contrastant avec des réussites dans d'autres sec­
lors de l'introduction dans un groupe (crèche, teurs de l'échelle « simultanée ».
classe, etc.), puis les demandes inlassablement réi­ Remarquons que les troubles de la recon­
térées de l'enfant pour qu'on lui décline le nom des naissance des visages (tout comme les troubles
gens (voisins, personnes de la famille que l'enfant oculomoteurs du fait des conséquences sur la
ne voit pas souvent, camarades de classe, etc.), qualité du contact oculaire) peuvent être aisé­
demandes quelquefois interprétées comme des ment confondus avec des troubles sociocognitifs
stéréotypies. du spectre autistique. La NEPSY2 propose une
Simultanément, les parents constatent des épreuve de Reconnaissance d'affects engageant le
confusions inexplicables de personnes (familiers, sujet à discriminer les émotions sur des visages
voisins, amis), ou des méconnaissances (l'enfant d'enfants (joie, peur, dégoût, colère, neutre…).
ne reconnaît pas un familier, le considère comme Du fait des confusions possibles (Reconnaissance
un étranger) tellement inconcevables du point de des visages vs. Reconnaissance des affects), il
vue des parents qu'ils l'interprètent généralement nous paraît utile de contraster les deux épreuves
comme un refus, une volonté délibérée de l'enfant avant de conclure.
de nier l'existence ou l'identité des personnes D'autres épreuves cliniques non étalonnées
concernées. sont très importantes pour le diagnostic. Il
Enfin, les parents signalent souvent leur per­ s'agit de proposer à l'enfant de reconnaître
plexité devant les questions réitérées de l'enfant des visages familiers dans deux conditions
face aux photos de famille (« Qui est-ce ? »), sur­ contrastées : visages, sans autre indice (photos,
tout s'il s'agit d'une photo récente de leurs parents personnes assises autour de la table, ne parlant
ou de leurs frères et sœurs : en effet, privés de pas) et, au contraire personnes en situation
leurs références habituelles (gestuelle, stature, « écologique » (debout, marchant, bougeant,
voix, etc.), les enfants sont dans l'impossibilité de parlant).
reconnaître les personnes, y compris les membres En ce qui concerne les photos, on peut
les plus proches de leur famille. demander l'album familial ou bien utiliser
Il est également fréquent que, spontanément, les un « trombinoscope » des différents profes­
enfants disent (en famille, en institution) recon­ sionnels avec lesquels l'enfant est en contact
naître les gens à partir de détails p­ articuliers (détail fréquent (son enseignant, son orthopho­
vestimentaire, coiffure, boucles d'oreilles, etc.), la niste, etc.), mélangé à des photos de personnes
modification ou la disparition de ces repères les moins familières (l'infirmière, la directrice de
plongeant dans un grand désarroi. l'école, etc.) ou tout à fait inconnues (par ex.
photos extraites des propres albums photos de
l'examinateur).
Étayer le diagnostic : Il faut, pour chaque photo proposée (visage, de
les épreuves spécifiques face) :
Il existe plusieurs épreuves étalonnées qui s'ap­ • s'assurer, par des questions verbales (nom ? pro­
puient sur le traitement des visages (KABC2, fession ? lieu habituel de son travail ? relations
CMS, et NEPSY2). Elles sont cependant toutes avec l'enfant ?, etc.) que l'enfant connaît la per­
conçues comme des épreuves de mémoire sonne et peut facilement évoquer son nom (son
visuelle immédiate (attention visuelle focalisée) prénom) ;
sollicitant la reconnaissance de visages (gno­ • demander à l'enfant de dénommer la personne ;

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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

• à défaut, l'inciter à dire si ce visage est fami- un mammifère est confondu avec un autre mam­
lier ou non (inconnu) et, s'il est familier, ten­ mifère, un oiseau avec un autre oiseau, etc.
ter de faire préciser quel est son métier, où et Cette agnosie se dévoile aussi bien s'il s'agit de
pourquoi il rencontre cette personne, afin dessins, de photos, d'animaux miniatures (jouets)
de distinguer un éventuel « manque du nom ou d'animaux véritables (visites à la ferme, au
propre », équivalent d'un manque du mot, d'une zoo, etc.).
non-reconnaissance. On peut être alerté par ce qui apparaît tout
Ce type d'examen ne peut donc pas être proposé d'abord comme une méconnaissance étonnante
de façon impromptue au décours d'une consulta­ des animaux les plus courants, alors que l'enfant
tion, puisqu'il doit être préparé de longue date, a, par ailleurs, de bonnes connaissances didac­
avec un matériel spécifique pour chaque enfant. tiques. Le diagnostic repose, comme pour toutes
Au contraire, la dénomination de personnes les agnosies visuelles, sur la mise en évidence
peut facilement s'organiser assez rapidement au d'une bonne capacité à évoquer le nom des ani-
sein de la structure qui prend en charge l'enfant maux sur description verbale, à l'évocation orale
(souvent un hôpital de jour, un SESSAD ou de détails particuliers (devinettes), et des traits
un EMP) : on demande à différentes personnes sémantiques associés au nom des divers animaux :
(des familiers de l'enfant et des inconnus) de s'as­ ceci, d'une part, exclut qu'il s'agisse d'une mécon­
seoir autour d'une table sans parler (« Les adultes naissance et, d'autre part, fait la preuve que le
vont jouer au jeu de la statue »), et l'on fait ren­ trouble de reconnaissance est électivement lié à
trer l'enfant, prévenu de la règle du « jeu » en lui l'afférence visuelle.
demandant de donner tel objet à telle personne, Pour certains, l'agnosie visuelle pour les ani­
tel autre à telle autre personne, etc. : maux pourrait être une forme particulière de
• soit l'enfant, perplexe, se trompe de personne prosopagnosie.
et/ou marque des hésitations importantes ; Quel que soit ce lien éventuel entre ces deux
• soit l'enfant marque dès l'entrée une anxiété sortes d'agnosies, il est très important d'en
massive ; les familiers doivent alors se manifes­ faire le diagnostic, afin d'éviter des réactions
ter (se lever, parler à l'enfant) afin que l'enfant ou jugements inadaptés face aux difficultés de
retrouve immédiatement ses repères et une l'enfant.
situation à laquelle il peut faire face.
C'est en effet la dissociation des perfor­ L'agnosie des signes
mances de l'enfant et le contraste de son
comportement en fonction des différentes
conventionnels
modalités de l'examen qui est un élément clé du Le contexte de suspicion (ou de découverte), est
diagnostic (tableau 5.2). celui d'une dyslexie sévère chez un enfant d'intel­
ligence normale, scolarisé dans les conditions
Reconnaissance des animaux habituelles, sans troubles graves du langage ni du
comportement.
Un certain nombre d'enfants ont une agnosie
visuelle touchant spécifiquement la reconnaissance
et l'identification des animaux. Généralement, Signes négatifs
l'enfant sait qu'il s'agit d'un animal (perception et Cette dyslexie étonne par ses caractères inhabituels :
interprétation des détails significatifs tels que les • l'absence de tout antécédent de trouble du lan­
yeux, la queue, etc.) et la forme globale est perçue : gage (ou retard de parole/langage) ;

Tableau 5.2. Dissociations évocatrices d'une prosopagnosie.


Photos ou personnes Personnes marchant, Personnes parlant
jouant à « la statue » bougeant normalement
Dénomination ou désignation Échec : hésitations, Variable, souvent Réussite
de personnes connues (ou erreurs, angoisse, troubles partiellement réussi (personnes
aller vers, ou donner à) du comportement les plus familières)

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Chapitre 5. Évaluation des troubles gnosiques visuels

• les bonnes compétences métaphonologiques


(conscience phonologique) pour l'âge et le
À noter
niveau scolaire ; S. Dehaene (2007) insiste particulièrement sur
• le principe des conversions graphophonolo­ le rôle central que joue une aire cérébrale (partie
giques et de l'assemblage phonologique est ventrale de la région occipitotemporale gauche),
compris et connu ; l'aire de la forme visuelle des mots : après trai­
tement des caractéristiques primaires visuelles
• les performances en mémoire de travail sont
dans le lobe occipital, les caractères écrits sont
normales pour l'âge.
canalisés vers cette région temporale gauche où
Il ne s'agit donc pas d'une dyslexie phonologique. ils sont reconnus en tant que caractères abstraits
Par ailleurs, il n'y a pas de trouble du regard, et invariants quelle que soit leur forme (majus­
ni de trouble visuoattentionnel : bonne réussite cule, minuscule, écriture maternelle), leur taille
aux épreuves de Barrage, d'Appariement d'images et leur position. C'est ensuite cette information
et en général bonne réussite aux épreuves d'atten­ visuelle qui est adressée, de façon parallèle, d'une
tion visuelle. part vers la région temporale supérieure (conver­
Il ne s'agit pas non plus d'une dyslexie visuoat­ sion en sons, voie indirecte, voie d'assemblage),
tentionnelle. d'autre part vers les réseaux (frontotemporaux)
qui vont effectuer les traitements sémantiques
(voie directe, adressage).
C'est la nature des erreurs commises par l'enfant
qui est très évocatrice : il s'agit d'erreurs mor­
phologiques, avec confusions de signes qui pré­ La lecture se fait alors lettre à lettre, avec des
sentent une ressemblance visuelle, et les troubles hésitations et des confusions morphologiques
sont dépendants de la typographie adoptée. presque à chaque lettre, mais lorsqu'il possède, par
voie auditive, l'ensemble ordonné des lettres qui
composent le mot, l'enfant peut alors reconstituer
le mot : il peut lire « par voie auditive » (c'est-à-dire
Signes positifs à partir de l'épellation) et non par voie visuelle.
Ainsi, les confusions ne concernent pas les
règles de conversion graphophonologiques, les
erreurs ne concernent pas les processus d'as­
semblage, ni les traits phonologiques proches.
Elles consistent en un trouble de l'identifica- Exemple
tion des lettres, chiffres et autres symboles Un jeune garçon de 11 ans, ancien pré-
graphiques. maturé, d'intelligence normale (note
Exemples de confusions : st. = 13 aux Similitudes du WISC), est très
• a/o/c/e H/K/R/B motivé pour les apprentissages scolaires.
• r/n/h C/O/Q/D Il consulte pour non-accès à la lecture,
• i/l L/T/F/E alors que les troubles du regard sont très
• ol/d/a N/H discrets et qu'il n'y a pas de trouble oph-
• lo/b talmologique. L'acuité visuelle de près est
• u/n/r S/3 excellente.
Mot proposé à la lecture lors de l'évalua-
• p/g/9
tion : « sucre » :
• f/t/7
— L'enfant : « Là, c'est un /s/ ou quoi ? oui,
Il ne s'agit donc pas des classiques (et normales c'est un /s/. Là c'est un /u/ ou… un /v/ ? Ben
jusqu'à 7/8 ans) confusions en miroir entre les p/q non, ça va pas, un /v/ après un /s/. Alors, y
et b/d. Il s'agit bien d'une difficulté élective à dis­ a /su/, c'est ça ? »
tinguer et à identifier visuellement des graphies — L'examinateur : (approbation).
(lettres et chiffres), dont la morphologie est — L'enfant : « Bon, là, c'est un /e/… oui ? »
proche ou qui partagent un trait distinctif com­ — L'examinateur : « Non, c'est un /c/ »
mun (barre horizontale du f, du t et du 7, par ex., — L'enfant : « Et après, un /n/? Un /r/ ? »
selon les typographies choisies). ▶

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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

▶ On pourra cependant l'évoquer devant une


— L'examinateur : « Oui, un /r/ » incapacité de l'enfant à dénommer/désigner les
— L'enfant : « À la fin, c'est un /e/. Alors, couleurs, incapacité persistante qui contraste
ça fait… su…/K/re… su-cre, du sucre ! » avec des apprentissages de plus haut niveau
On notera qu'il n'est pas gêné par les dans les autres domaines (formes, nombres)
processus de conversion et d'assemblage et un niveau de raisonnement verbal et de
qu'il maîtrise bien, y compris pour les di- conceptualisation supérieur ou au moins égal
consonnantiques qui ne lui posent pas de à 4 ans.
problème particulier. On remarque par ail- Le tri de couleurs vives et contrastées est sou­
leurs les excellentes capacités en mémoire vent réussi, avec des confusions possibles de type
de travail de ce garçon, qui répète bleu/vert ou marron/gris. Le classement de cou­
6 chiffres à l'envers, ce qui lui permet de leurs peut également être partiellement réussi, les
réussir ce difficile exercice de reconstitu- enfants se basant surtout sur la saturation lumi­
tion phonologique de mot.
neuse des différentes couleurs (clair ou brillant
Comme pour toutes les agnosies, le diag­
versus sombre ou terne). Mais une agnosie des
nostic, une fois évoqué et confirmé, est,
en lui-même, partiellement thérapeu­
couleurs sera souvent difficile à différencier de
tique : on cesse de faire des propositions certains types ou sous-types de daltonismes.
de remédiations inadaptées aux difficultés La présence d'une autre agnosie visuelle (agno­
spécifiques de l'enfant. sie des images, des visages ou des objets) ou de
On peut au contraire proposer un premier lésions cérébrales postérieures peut constituer un
apprentissage à l'aide de majuscules d'im- argument complémentaire.
primerie (confusions morphologiques beau-
coup moins nombreuses qu'en minuscules Agnosies des objets
ou en cursives), et une aide par les couleurs Leur mise en évidence est très difficile car il est
afin de fournir un indice fiable pour distin- rare, chez l'enfant, et dans notre expérience, qu'il
guer les signes que l'enfant confond. s'agisse d'agnosies isolées. Le plus souvent, le
Pour certains, cela suffira pour accéder aux contexte est celui d'agnosies visuelles multiples
premiers stades de l'apprentissage de l'écrit, survenant au décours d'une cécité corticale,
et, à partir de là, ils pourront construire (en d'une histoire clinique de lésions cérébrales pré­
partie) leur lexique orthographique.
coces diffuses (embryofœtopathies, méningo-­
Pour beaucoup cependant, le pronostic
encéphalites, etc.) : l'enfant présente alors souvent
de lecture reste assez sombre ; la lecture
« lettre à lettre » persiste (O'Hare et coll.,
des troubles graves de la structuration de la per­
1998) et ne permet que de lire quelques sonnalité, et/ou une arriération mentale, qui, s'ils
mots isolés : il faudra pallier l'incapacité de sont associés à des troubles neuromoteurs, feront
lire en proposant à la fois des systèmes de parler de polyhandicap.
lecture par ordinateur ou sur tablette (ora-
lisation du texte scanné, ou photographié) Cécité corticale
et des livres à écouter, sur support audio.
On désigne sous ce terme une agnosie complète à
tous les stimuli visuels.
L'enfant semble aveugle : errance du regard,
Les autres agnosies visuelles absence d'accrochage visuel, de fixation, de
poursuite visuelle, etc., mais l'ophtalmologiste
Elles sont à la fois beaucoup plus rares et de
confirme qu'il n'y a pas d'anomalie (de l'œil ni
­diagnostic plus incertain.
du nerf optique) susceptible de rendre compte
de cette cécité. Les ERG (électrorétinogrammes)
Agnosies des couleurs sont normaux tandis que les PEV sont variables :
Il est très difficile d'en faire la preuve chez le jeune éteints ou très altérés, ils affirmeront le diagnos­
enfant. Dans un premier temps, en effet, on pense tic, mais ils peuvent aussi être normaux ou sub­
que l'enfant se trompe par non-accès à l'invariant normaux. Habituellement, l'enfant perçoit les
« couleur » ou par défaut d'apprentissage. masses, les obstacles, les mouvements.

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Chapitre 5. Évaluation des troubles gnosiques visuels

L'évolution peut se faire spontanément vers : • carotte → « des sortes de fleurs, rouges et vertes »
• une « normalisation » ; (désigne les fanes) ;
• une agnosie séquellaire (très fréquent) : agnosie • tortue → « du poulet » ;
des objets, des images, des visages ou des signes • savon → « une valise ? » ;
conventionnels ; • fraise → « une pomme… une pomme empoi­
• ou, plus rarement, une stabilisation au stade de sonnée ! » (interprétation liée à la couleur ?) ;
cécité corticale. • abeille → ne sait pas, puis propose « une sorte de
fleur ? ».
Le subtest Reconnaissance de formes du K-ABC
Conclusion est incotable (un seul dessin est correctement
Les agnosies visuelles (comme d'ailleurs les identifié), et, là encore, on note la fréquence des
agnosies auditives) ne sont certainement pas des réponses morphologiques.
pathologies aussi rares que l'on a pu le croire. Dans l'optique d'un CP qui va commencer dans
La pratique du bilan neuropsychologique chez quelques mois, on lui propose la reconnaissance
l'enfant, si elle devient moins exceptionnelle, de lettres (majuscules d'imprimerie et lettres
mettra plus souvent en évidence ces troubles bâton), de petits mots étiquettes appris en classe
gnosiques « développementaux » actuellement (son prénom, papa, maman, le prénom de deux
presque totalement méconnus et confondus avec de ses camarades de classe, etc.) : beaucoup plus
des troubles du comportement et de la relation ou à l'aise et détendue, Garance réussit avec aisance.
considérés, à tort, comme relevant d'une neuro­ Il faudrait bien sûr poursuivre ce premier bilan
logie anecdotique de l'insolite. (explorer en particulier la reconnaissance de
visages) et surtout évaluer plus précisément les
potentiels dont elle dispose sur le plan du lan­
gage, de la conceptualisation, de la mémoire, afin
Cas de pratique clinique de construire (tant avec les rééducateurs que les
pédagogues) un projet adapté, des aménagements
Garance, une enfant IMC pédagogiques pertinents qui lui permettront d'ac­
tualiser au mieux l'ensemble de ses compétences.
Garance est une petite fille de 6 ans, née prématu­
rément au terme de 30 semaines qui présente une Gaëtan, une agnosie des images
IMC sous la forme d'une diplégie spastique et de
troubles de l'oculomotricité (strabisme divergent
développementale
alternant, anomalies de la poursuite oculaire). Les Gaëtan consulte à 12 ans et demi, alors qu'il est en
capacités verbales sont intactes et l'intelligence fin de 6e et en grave échec scolaire de longue date.
(raisonnement, conceptualisation) préservée, ainsi Il n'a aucun antécédent médical particulier.
que l'objective la note st de 11 aux Similitudes de C'est un jeune garçon calme, appliqué, très dési­
la WPPSI. Elle est scolarisée dans une grande sec­ reux de faire plaisir mais au contact étrange et sur­
tion de maternelle spécialisée, de type CLIS et on tout fluctuant selon les moments et les situations.
envisage son passage en CP dans une structure du Gaëtan semble ne pas regarder son interlocuteur,
même type, à savoir un partenariat CLIS 4 (handi­ mais toujours « à côté ». Pourtant, lors de la dis­
cap moteur) et SESSD. cussion de prise de contact, on a l'impression d'un
On est alerté par une agraphie majeure : Garance jeune certes assez immature, mais bien dans la
ne reproduit ni un rond, ni un trait « debout » (ver­ réalité et partageant certaines des préoccupations
tical) ; elle produit un vague gribouillage pauvre, de son âge. À d'autres moments, au contraire, le
qu'elle effectue sans regarder ce qu'elle fait. En contact est rompu, les propos semblent « décalés »,
revanche, elle peut épeler sans erreur son prénom. laissant l'interlocuteur dérouté.
Lors de la consultation, on propose la Plusieurs bilans ophtalmologiques ont montré
Dénomination des images Ducarne : plus de 70 % des troubles considérés d'abord comme banals,
des réponses sont erronées et il s'agit presque à puis rapportés à un trouble neurovisuel : strabisme
chaque fois de réponses « morphologiques », c'est-à- précoce, convergent, d'angle variable, avec nystag­
dire qui respectent le contour global du stimulus : mus manifeste latent et amblyopie relative (de loin,

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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

5 à 6/10e à droite, 9/10e à gauche), mais surtout ano­ • artichaut → un arbre


malies de la poursuite oculaire, des saccades et • pelleteuse → une tondeuse à gazon
incoordination oculocéphalique avec difficulté à • cahier → pour s'essuyer les mains.
orienter son regard. Par ailleurs, le fond d'œil est
normal, de même que l'acuité visuelle de près. Images de magazines (publicités,
Gaëtan est un garçon d'intelligence normale
illustrations d'articles)
(WISC proposé à l'âge de 11 ans : Similitudes = 10,
tous les scores des subtests de l'échelle verbale • dunes au soleil couchant → des gants (désigne
sont entre 8 et 10). les ombres portées, allongées)
Il a appris à lire et à écrire sans difficultés notables, • même image, 20 min plus tard → une sorte de
mais les acquis scolaires sont très hétérogènes. Il est mannequin, avec un tee-shirt et un bermuda
particulièrement en difficulté sur le plan graphique • biscotte → une éponge ? non, un coussin !
(il est totalement illisible), en mathématiques, géomé­ • cigarette → un feutre ?… plutôt un parchemin
trie, sciences de la vie, etc. En fait, il ne peut partici­ • Zinédine Zidane → je regarde pas les films, je
per scolairement qu'oralement, en cours de français, connais pas les acteurs
d'anglais ou d'histoire. Ceci, associé à ce qui a été • un hérisson → un petit lion ? (en réponse à mes
interprété comme des troubles du comportement et questions, il désigne le corps du hérisson comme
de la relation (Gaëtan est en psychothérapie depuis étant une crinière, et il précise « une tête de lion »)
l'âge de 6 ans), fait poser la question de la poursuite • logo de la marque « Citroën » → un arbre ?… oui,
de l'intégration scolaire en milieu standard. un sapin
La présence des troubles oculomoteurs intenses, • avion (point de vue inhabituel, par en des­
précoces, très probablement d'origine neurolo­ sous) → c'est un homme qui fait du patin à rou­
gique, fait proposer une preuve de reconnaissance lettes (désigne le train d'atterrissage), etc.
d'images. On se propose de compléter le bilan ultérieu­
rement (en testant la reconnaissance des visages
et des animaux), mais on peut d'ores et déjà sur
Images Ducarne ces éléments faire le diagnostic d'une importante
• loupe → une cuillère agnosie visuelle développementale (qu'il convien­
• pomme de terre → un morceau de cake drait donc plutôt de dénommer « dysgnosie ») : ce
• serpent → un 3 jeune garçon n'a aucun antécédent neurologique
• sapin → du feu (montre les branches jaunâtres) particulier, et l'IRM demandée s'avérera normale.
• citron → une poire pas mûre Des explications sont données à Gaëtan et à ses
• pomme de terre → du poulet parents sur cette pathologie et une inscription
• beefsteak → une tartine, avec de la confiture en UPI4 (« handicap moteur ») est sollicitée afin
dessus qu'il puisse bénéficier d'un ordinateur (prothèse
• gland → un vase graphique), des services d'un SESSD connaissant
• sac (entr'ouvert) → un hippopotame qui ouvre bien ces pathologies et d'une information aux
sa gueule enseignants pour favoriser une présentation des
• goulot de bouteille → un bus dans un tunnel connaissances qui prenne en compte son trouble
• vigne → une forêt, avec des animaux que je perceptif. Cette prise en charge sera complétée par
connais pas (désigne les grappes). la psychothérapie qui est poursuivie en libéral.

Images du Père Castor Bernard, 7 ans 11 mois, CE1


• ski → un crayon
• pinceau → une sorte de couteau Une épilepsie grave
• savon → une gomme À l'âge de 4 ans, il a été dépisté chez Bernard une
• torchon → un bateau à voile épilepsie temporale mésiale qui a été traitée mais
• radiateur → des tranches de pain… non, un
accordéon 4
UPI : unité pédagogique d'intégration, section spécia­
• châtaigne → une abeille (en réponse à mes ques­ lisée dans certains collèges, faisant suite aux CLIS de
tions, il montre « des petites pattes et des poils ») l'enseignement primaire. Actuelles ULIS-Collège.

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Chapitre 5. Évaluation des troubles gnosiques visuels

s'est révélée pharmacorésistante. Le développe­ numériques est bonne pour son âge, comme le
ment cognitif de l'enfant devenant préoccupant, démontre l'épreuve correspondante de la WIAT2
avec une stagnation des compétences et l'émer­ (dans la norme) ; Raisonnement verbal (NS = 5),
gence de comportements de type autistique, une avec des difficultés d'accès au réseau sémantique,
intervention neurochirurgicale a été réalisée avec des réponses décalées, fonctionnant souvent par
exérèse des tissus sources du foyer épileptogène. association avec le dernier mot entendu :
Les crises d'épilepsie ont disparu et, rapidement, • Ça a un long manche : « Une girafe » (avec
le fonctionnement cognitif s'est vu grandement confusion sémantique manche/cou), et on l'uti­
amélioré, ce que plusieurs évaluations neuropsy­ lise avec de l'eau pour laver le sol : « poisson ».
chologiques ont pu confirmer. Cependant, les • C'est une pièce où l'on dort : « Un hôtel ».
parents restent préoccupés par certaines atypies • C'est un endroit où l'on fait du sport : « L'école ».
résiduelles dans les acquis de leur enfant, en par­ • Ça a beaucoup de pages et les mots y sont ran­
ticulier dans le domaine praxique et ils sollicitent gés par ordre alphabétique : « A, B, C, D… » :
une nouvelle évaluation approfondie. C'est un endroit où l'on apprend et dedans, il
Au cours du bilan, Bernard apparaît sou­ peut y avoir beaucoup de choses du passé :
riant et sympathique, bien impliqué et adapté. « L'imparfait »…
L'analyse de la dynamique intellectuelle s'avère en
effet tout à fait rassurante (Similitudes, NS = 10 ; Des inquiétudes infondées
Identification de concepts, NS = 10 ; Matrices, quant aux praxies…
NS = 13).
En revanche, le domaine des praxies et beaucoup
Des troubles intriqués moins inquiétant : la Copie de figures (Beery VMI)
Cependant, ce qui frappe d'emblée, c'est la for­ est dans la norme pour son âge, de même que la
mulation laborieuse et hésitante des réponses ver­ copie de la Figure de Rey. L'épreuve des Cubes est plus
bales. Le manque du mot est important, et l'enfant décevante (NS = 6), cependant, qualitativement,
utilise de ce fait beaucoup de mots bouche-trous si l'on ne tient pas compte des éléments de vitesse
(« truc »). Pour s'aider, Bernard a tendance à fonc­ d'exécution, Bernard réussit tout à fait correctement
tionner par associations phonologiques (En quoi les items attendus pour son âge. D'ailleurs, l'épreuve
un nid et un terrier se ressemblent : « Ce sont des Triangles du KABC2, certes moins exigeante du
tous les deux des trucs… Un terrier c'est la terre, point de vue visuoconstructif et surtout en termes
quand on enterre quand on est mort, et un nid, de planification, est bien réussie (NS = 9).
c'est quand le pigeon pond des œufs… »).
De plus, l'immaturité exécutive est patente, avec … Mais des atypies
des effets d'hyperamorçage importants (« En quoi
un papillon et une abeille se ressemblent » : « Ce
dans le traitement des informations
sont encore tous les deux des animaux, tu m'as visuelles
dit la même chose, tous les deux des animaux qui Cependant, c'est dans le domaine des traitements
volent, volant, comme un cerf-volant, cerf-volant visuels que des interrogations nouvelles se font
c'est drôle comme nom, on dirait un cerf qui vole, jour. La discrimination visuelle fine ne pose en
j'ai encore un truc plus rigolo. En fait, moi je dis elle-même pas de difficultés lorsqu'il s'agit de com­
qu'on dit juste menthe à l'eau et non menthe allô, parer des items visuels sans signification, ne dif­
parce que sinon on dirait que la menthe téléphone, férant que par la taille, l'orientation ou les détails,
c'est un peu n'importe quoi… »). (Beery VMI, T = 102). L'analyse plus approfondie
On relève des paraphasies sémantiques (« sau­ des traitements visuels complexes met en évi­
veur » pour « réparateur »), des paraphasies mixtes dence en revanche une certaine fragilité des capa­
(« tous les deux sont des habilles [pour habits] ») et cités à reconnaître la constance de forme (TVPS3,
des erreurs de syntaxe (« En quoi l'eau et le lait se NS = 7) et à extraire la figure du fond (NS = 7).
ressemblent » : « ça peut nous faire boire »). Remarquons au surplus que Bernard a tendance
Du reste, ce sont les tâches de raisonnement ver­ à privilégier l'hémichamp gauche au cours de son
bal qui sont le moins bien réussies : Arithmétique exploration de toutes les propositions, et à moins
(NS = 8), alors que la maîtrise des opérations balayer l'hémichamp droit.
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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

Mais c'est bien au sein du domaine des gnosies (EVIP, T = 90). Dans une tâche consistant à choi­
visuelles que l'on met en évidence des fragilités sir parmi quatre images celle qui correspond à un
importantes chez Bernard. En effet, la recon­ mot donné à l'oral, il reste encore de nombreuses
naissance d'items présentés sous forme d'ombres confusions (ustensile, cylindrique, groupe, peler,
partielles, mais interprétables, est très difficile écorce, crâne…), sans que celles-ci puissent être
(KABC2, Reconnaissance de formes, NS = 4). attribuées à des erreurs de reconnaissance de
L'enfant procède par simplification (dinosaure : l'image en soi, mais plutôt à une méconnaissance
« un autre chien », un poisson : « une tête de du vocabulaire.
chien » ; cochon : « un chien »…). On pourrait La compréhension active du vocabulaire est
penser que les persévérations seraient de nature aussi faible (Vocabulaire, NS = 8). Alors qu'il s'agit
à expliquer ces erreurs répétitives, mais d'autres de donner la définition de mots isolés (entrée ver­
réponses inattendues, inspirées clairement par bale, sortie verbale), Bernard cherche à retrouver
un effet de forme, sans accès au sens, se trouvent le sens des mots par associations phonologiques
aussi très éloignées de la cible (avion : « un ski », ou d'idées. De plus, on note des néologismes, des
cuisinière : « un robot », éléphant : « des pierres », erreurs de morphologie et de syntaxe :
frites : « un tronc d'arbre renversé », voilier : « des • « Qu'est-ce qu'une vache » : « un animal qui fait
pierres »…). le lait ».
Outre les objets, nous constatons au cours de ce • « Qu'est-ce qu'un cambrioleur ? » : « C'est
bilan que Bernard a beaucoup de mal à reconnaître quelqu'un qui fait des choses, il cambrie les
les lieux dans lesquels il se trouve. À la 3e séance choses, il cambriole des trucs ».
de tests, il ne parvient toujours pas à s'orienter • « Que veut dire hiberner ? » : « Hiberner, ça veut
dans les locaux où se situe le cabinet d'évaluation. dire on est hiberner, c'est comme hibernatus, ça
Même si on le guide, il hésite jusqu'au pas de la veut dire qu'on dormi pendant très longtemps
porte de la pièce, alors qu'il a fait le chemin à plu­ dans un glaçon ».
sieurs reprises. • « Transparent » : « Ca veut dire un truc où on
Si la reconnaissance des lieux et des objets peut porter dans nos mains [avec un appui pho­
présentés sous une forme inhabituelle est dif­ nologique sur transporter ?], c'est quelque chose
ficile, la reconnaissance des visages ne pose qui a un bruit très bizarre ».
en revanche pas de problèmes (Mémoire des • « Débrouillard » : « Quand on entend pas un
visages, dans la norme). Il en est de même de la brouillard » (là encore, on a bien l'impression
Reconnaissance d'affects (NEPSY2, NS = 10). d'un parasitage phonologique non inhibé).
La compréhension morphosyntaxique est en
revanche bonne (ECOSSE, dans la norme).
Gnosies ou langage ? La compréhension des situations de la vie quoti­
Il apparaît donc que Bernard est gêné par ce qui dienne est quant à elle très faible (Compréhension,
pourrait s'apparenter à un trouble de la reconnais­ NS = 6). Les confusions phonologiques sont nom­
sance des images. Mais les traitements sont aussi breuses : « Que dois-tu faire si tu vois une fumée
perturbés par une immaturité exécutive marquée épaisse sortir de la fenêtre de ton voisin ? » : « Je
par des persévérations, des effets d'hyperamor­ dois appuyer le plombier, [et si on insiste] j'appelle
çage. Il existe aussi des troubles du langage, avec un les plombiers ».
certain manque du mot, des paraphasies. Quelle La compréhension des mots en contexte est
part attribuer à chacune de ces dimensions, pour problématique : « Pourquoi est-il important de
donner du sens aux données ? Le trouble apparent porter sa ceinture en voiture ? » : « Parce que sinon
des gnosies pourrait-il aussi s'expliquer par des nos pantalons tombent ». Là encore, cela fait très
troubles de l'accès au vocabulaire, au moment de dysexécutif, avec accroche sur un mot et non prise
dénommer les images ? en compte de la totalité de la phrase…
Le plus souvent, Bernard se saisit d'un mot et
Trouble du langage invente une réponse :
Le bilan complet de langage révèle en effet que • « Quels sont les avantages de faire de l'exercice
la compréhension passive du vocabulaire situe physique ? » : « C'est des aventures où il faut faire
l'enfant dans la petite moyenne pour son âge du travail qui est vraiment physique »
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Chapitre 5. Évaluation des troubles gnosiques visuels

• « Quels sont les avantages des bibliothèques mais ne peut expliquer des confusions franches de
publiques ? » : « C'est des avantages qui sont dénomination d'images proches, du type cheminée
publics ». vs arc de triomphe ou frites/ski, qui se réfère bien
Ces deux exemples sont encore très infiltrés à un défaut de reconnaissance du sens de l'image
d'une sorte d'aimantation phonologique. Tout (avec respect de l'enveloppe morphologique globale
cela évoque des problèmes liés aux fonctions exé­ du dessin), et non à un simple trouble d'accès au
cutives et qui diffusent dans le langage (problème mot pour dénommer la cible. Il semble bien qu'on
d'inhibition de la forme de surface) puisse parler chez cet enfant, à la fois d'un trouble
Très gêné par le sens précis des mots, l'esprit d'ana­ des gnosies visuelles et du langage.
lyse est donc limité. L'expression est souvent fautive. Rappelons que, du point de vue anatomocli­
Sur le versant expressif à l'oral et dans un exer­ nique, Bernard a été opéré d'une épilepsie tempo­
cice de dénomination, la capacité à aller chercher rale gauche, et que les troubles semblent infiltrer
un mot précis est très problématique (Expressive les traitements classiquement temporaux (langage
One Word, T = 80) : et gnosies).
• En dénomination d'images, on remarque plu­ Il s'agit donc là d'un véritable multi-« dys ». Le
sieurs fois des difficultés gnosiques à recon­ trouble gnosique visuel, modéré et limité à cer­
naître des images, avec des réponses décalées taines images aurait facilement pu passer ina­
(pour une cheminée : « arc de triomphe », perçu derrière le manque du mot et le trouble
pour selle de cheval : « un sac », pour une exécutif. Or il est très important de reconnaître
boussole : « l'heure, une horloge », règle pour et de prendre en compte simultanément ces trois
thermomètre…). troubles (syndrome dysexécutif, dysphasie et
• Quand les images sont reconnues, l'accès au agnosie partielle aux images) pour faire des
mot appropriée est laborieux (pour nourriture : recommandations thérapeutiques adaptées. En
« trucs à manger, féculents [pour aliments ?] », particulier, pour éviter le recours aux images, aux
pour corne : « une chèvre, un petit truc on avait vidéos, aux dessins, etc.
vu… », tigre pour léopard.
• Le manque du mot est souvent important, avec
des mots bouche-trous (« trucs », « choses »), Gary, une agnosie
des circonlocutions (brouette : « un truc où on
des signes conventionnels ?
met les trucs sales », un besoin d'approximations
successives (pour des statues : « la guerre, des Gary est un jeune garçon agréable, sympathique,
gares, des gardes… », pour lumières : « magasin attachant, d'excellent contact, sans antécédent
de Darty, dans les marchés Darty… »). médical particulier. C'est un enfant qui est décrit
comme vif et joueur, très sociable, ayant déve­
loppé tôt un langage oral sans particularité.
Trouble des gnosies Il a 8 ans lorsqu'il consulte, en avril, pour non-
et du langage ? acquisition du langage écrit alors qu'il redouble
La maîtrise du langage oral est donc globale­ son CP.
ment très fragile. L'accès au réseau sémantique L'examen est d'abord difficile car il est réticent,
est difficile, avec un manque du mot important, refusant les épreuves où il craint (souvent à juste
compensé par l'usage de mots-valises, des associa­ titre) l'échec. Rassuré sur l'opinion qu'on a de lui et
tions phonologiques, impliquant des paraphasies sur les objectifs de cette nouvelle évaluation, il se
nombreuses, d'où une allure très dysexécutive… met au travail avec une ardeur et une application
Mais Bernard cherche surtout à compenser ses touchantes, désespérément soucieux de « réussir ».
difficultés par des manœuvres d'approche, des Au décours de l'examen, à plusieurs reprises au
circonlocutions. bord des larmes, il dit l'intensité de sa souffrance,
Il existe donc une authentique dysphasie de son sentiment d'humiliation.
expressive de type phonologicosyntaxique, poten­ Les échelles de Wechsler pratiquées par la psy­
tialisée par des troubles exécutifs. chologue scolaire l'année précédente montrent une
Certes, une certaine méconnaissance du vocabu­ intelligence normale, comme en témoigne la
laire peut gêner la désignation de certaines images, bonne réussite à deux épreuves de facteur G, l'une
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dans l'échelle verbale (Similitudes, note st. = 11),


l'autre dans l'échelle performance (Cubes, note
st. = 10) — un contraste d'autant plus frappant
avec les résultats effondrés, dans le secteur non
verbal, en particulier à IDC (note st. = 4)
Le bilan est complété l'année suivante par la
passation d'un K-ABC où l'on note surtout les
très mauvais scores aux subtests Reconnaissance
de formes où il obtient une note st de 4, Série
de photos NS = 1 et Mémoire spatiale NS = 1,
scores qui, là encore, contrastent fortement avec
sa performance normale aux Triangles (note
st = 9) et aux Matrices analogiques (note st = 9).
L'UDN 80 montre que « Gary possède les outils
opératoires conformes à son âge ».
Des difficultés sont signalées pour la première
fois en fin de grande section de maternelle, mais
considérées comme une banale immaturité : il
a toujours besoin d'un modèle pour écrire son A
prénom, il ne reconnaît pas les mots étiquettes
proposés en classe (prénom de ses camarades,
jours de la semaine). Il passe en CP où les troubles
prennent alors une ampleur inquiétante : actuel­
lement, alors qu'il a effectué les 2/3 de son
second CP, il ne peut toujours ni lire ni écrire des
mots aussi fréquents que « papa » ou « maman »
(figure 5.7 a). Mais, contrastant avec l'inten­
sité du trouble, les épreuves de métaphonologie
sont bien réussies et la mémoire de travail est de
bonne qualité, éliminant une dyslexie phonolo­
gique « habituelle ».
On est en particulier intrigué par :
• la méconnaissance du nom des lettres, avec
beaucoup d'erreurs et d'hésitations, s'aggravant
encore pour les minuscules d'imprimerie et les
cursives. Ainsi, alors que je trace un /a/ isolé, en
cursive, et lui demande de le dénommer il com­
mente ainsi : « C'est un 8 ?… Non, ça ferait deux
ronds… Ah ! un /d/ alors ? ! ». De même, alors
que je trace le chiffre 1, Gary explique : « C'est
pour les maths… ça veut dire égal ! » ;
• le contraste entre la subvocalisation, excellente,
et la production des lettres lorsqu'il est en situa­
tion d'encodage (figure 5.7 b). Pour écrire sous
dictée la syllabe /mi/, il subvocalise correcte­ B
ment chaque phonème « mmmm… i, i », mais Figure 5.7. Gary, agnosie des lettres.
produit avec hésitations /la/, puis /an/ et on a a : lecture.
l'impression qu'il produit au hasard une suite b : production d'écrits.

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Chapitre 5. Évaluation des troubles gnosiques visuels

de deux signes graphiques, signes qu'il ne peut De Haan EHF, Campbell R. A fifteen year follow-up of
d'ailleurs pas reconnaître dans un second temps. a case of developpemental prosopagnosia. Cortex
1991 ; 27 : 489–509.
En effet, interrogé quelques secondes plus tard
Dehaene S. Inside the Letterbox : How Literacy Transforms
sur sa seconde production, /la/ , il propose : the Human Brain. Cerebrum : the Dana Forum on
« Un te ?, un ke ? un le ? un be, je crois… et un Brain Science 2013 ; 2013 : 7.
/a/ ». Si je demande oralement « ce que font /be/ Dehaene S. Les Neurones de la lecture. Paris : Odile Jacob ;
et /a/ », il répond sans hésiter « ba, comme pour 2007.
bassine », et pour « faire /mi/? », il répond : « il Ducarne de Ribaucourt B, Barbeau M. Neuropsychologie
visuelle : évaluation et rééducation. Paris : De Bœck
faut /me/ et /i/, mais je sais pas l'écrire ». Université ; 1993.
Au terme de la consultation, le diagnostic Farah MJ. Visual Agnosia. 2nd ed Cambridge : MIT Press/
d'alexie-agraphie agnosique est donc suspecté, à la Bradford Books ; 2004.
fois du fait de dissociations évocatrices aux tests Hannequin D. Modèles de la mémoire sémantique. In :
psychométriques et du fait des caractéristiques Eustache F, Lechevalier B, Viader F, editors. La
qualitatives de cette dyslexie sévère. mémoire, neuropsychologie clinique et modèles
cognitifs. Paris : De Bœck Université ; 1996.
Malheureusement, l'enfant ne revient pas en Hécaen H. Introduction à la neuropsychologie. Paris :
consultation et les nouvelles que nous aurons, par Larousse ; 1972.
hasard, l'année suivante, sont assez désolantes en ce Humphreys GW, Riddoch MJ. The fractionnal for visual
qui concerne son évolution : le diagnostic d'agnosie agnosia. In : Visual Object processing, a neuro­
des signes conventionnels a été récusé par l'école et psychological approach. Hillsdale N.J : Lawrence
Erlbaum Ass ; 1987.
l'orthophoniste (par méconnaissance ?). Cette der­
Jambacqué I., Mottron L., Ponsot G. et al. Autism and visual
nière écrit au pédopsychiatre : « malgré des progrès, agnosia in a child with right occipital lobectomy. In : J.
notamment en conscience phonologique, Gary Neurol. Neurosurg. Psychiatry, 65 : 555–560.
continue à égrener des noms de lettres sans rapport Kieffer V, Bulteau C, Grill I, et al. Visual agnosia after
avec ce qu'il a sous les yeux […] ; il manifeste un treatement of a posterior fossa ependymoma in a
blocage persistant devant tout écrit ; ainsi, /le petit 16-month-old girl. Journal of Child Neurology 2001 ;
16(9) : 698–703.
âne/ est lu « le be-le – ke ?… fff… i… a-e… a-mm ? », Mancini J. et coll. Face recognition in children with early
tandis qu'il s'enferme dans un refus scolaire passif ». right or left brain damage. Developmental medicine
and child neurology 1994 ; 36 : 156–66.
Bibliographie Mazeau M. Neuropsychologie et troubles des apprentis­
sages. Paris : Elsevier Masson ; 2014.
Ariel R, Sadeh M. Congenital visual agnosia and prosopa­ Meurant A. Essai de repérage d'agnosie visuelle chez des
gnosia in a child, a case report. Cortex 1996 ; 32 : 221–40. enfants cérébro-lésés, lors de tâches de dénomina­
Boucart M, Henaff M-A, Belin C. Vision, aspects percep­ tion. Tours : Mémoire pour l'obtention du certificat
tifs et cognitifs. Marseille : Solal ; 1998. de capacité d'orthophoniste ; 2002.
Bruyer R. Le cerveau qui voit. Paris : Odile Jacob ; 2000. O'Hare AE. and coll. : Evolution of a form of pure
Collectif : Perception et intermodalité ; approche de la alexia in a child sustaining occipital lobe infac­
question de Molyneux. Paris : PUF ; 1997. tion at 2,5 years. Developmental medicine and
Dalens H, et al. La reconnaissance d'images chez child neurology 1998 ; 40 : 417–20. Quelques
l'enfant normal de 3 à 8 ans (100 cas). Revue de livres de référence
Neuropsychologie. 2003.

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Évaluation des troubles Chapitre 6
mnésiques

Le changement culturel est un processus potentiellement lamarkien.


Tout savoir acquis par une génération est susceptible d'être directement transmis à la
génération suivante grâce à ce que nous appelons du très noble mot d'éducation (…)
Cette transmission du patrimoine culturel confère à l'histoire de la technologie
un caractère cumulatif et directif étranger à l'évolution naturelle.
Stephen Jay Gould, L'éventail du vivant, 1997.

sévères, dans tout ou partie des apprentissages.


Les caractéristiques générales L'enjeu du diagnostic de troubles dans ces secteurs
des fonctions mnésiques est d'autant plus important que leur méconnais-
sance peut faire errer longuement le diagnostic de
Ce sont les extraordinaires capacités d'apprentis- certains échecs scolaires.
sage de l'enfant qui permettent cette spectaculaire Il nous paraît donc important, dans tout
accumulation des savoirs et savoir-faire, apanage bilan neuropsychologique, de prévoir systéma-
des communautés humaines. Ces énormes poten- tiquement un temps significatif pour l'explora-
tialités d'apprentissage, support de la culture, sont tion des processus mnésiques. Peu repérés en
systématiquement exploitées par toutes les socié- tant que tels ou évoqués à tort par l'entourage
tés, et de façon particulièrement organisée et systé- de l'enfant (parents, enseignants, profession-
matisée dans les civilisations modernes qui en ont nels…), ils demandent une approche initiale de
rationalisé l'exploitation en instituant la scolarité ; « screening » systématique, suivi d'un approfon-
cette dernière occupe fréquemment près du quart dissement, si l'hypothèse de fragilités dans ce
de la vie humaine dans les pays occidentaux… secteur devaient s'avérer justifiée.
Or la mémoire, chez l'enfant (contrairement à ce
qui se passe chez l'adulte), fait encore l'objet de peu
d'explorations : on connaît encore assez mal certains Les principes généraux
aspects du développement de la mémoire et de ses
Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

des processus mnésiques


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différents secteurs chez le tout-petit. Simultanément,


il est rare que la mémoire de l'enfant soit investi- Les processus mnésiques embrassent un ensemble
guée car la plupart des cliniciens croient, à tort, de compétences qui s'appliquent à différents types
qu'il n'existe pas de troubles ou de déficits mné- d'informations et à des horizons variés. En effet,
siques « développementaux », c'est-à-dire en dehors on distingue classiquement :
d'une pathologie cérébrale patente bien répertoriée • Les types de processus :
(séquelles de traumatismes crâniens ou certaines – l'encodage d'une information nouvelle ;
formes d'épilepsies). – la consolidation de la trace encodée ;
Pourtant, ces amnésies développementales – la récupération de la trace en mémoire.
existent (Issacs et coll., 2003 ; Mazeau et Pouhet, • Les horizons et les types de mémoire :
2014). Les déficits ou les pathologies de la mémoire – horizon à court terme (ou immédiat) et
peuvent avoir des conséquences diffuses, et donc mémoires transitoires ;

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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

– horizon à long terme (ou différé) et mémoires Récupération


permanentes. Ce sont les mécanismes et les stratégies mises
• Les modalités : en place par le sujet pour retrouver les informa-
– visuelle ; tions stockées en mémoire, afin de les activer et
– auditivoverbale. les rendre à nouveau disponibles. Il semble que
les capacités d'encodage d'informations nouvelles
Différents processus chez le sujet sain soient très vastes. Cependant,
Encodage la récupération des informations en mémoire est
directement dépendante de la qualité de l'organi-
Il s'agit d'un processus par lequel le cerveau va
sation de ces informations (les liens créés entre
« engrammer » une information nouvelle, c'est-­ à-
informations) et partant, de leur indiçage. En
dire créer une nouvelle trace en mémoire. On sait
effet, la récupération de l'information dépend de
que ce processus est sous la dépendance du sys-
l'existence de « chemins » créés implicitement ou
tème limbique et des hippocampes en particulier
explicitement pour retrouver l'information.
(Eichenbam, 2000). Le patient H.M., ayant subi
une ablation bilatérale des hippocampes, dans le
cadre d'une chirurgie de l'épilepsie, a perdu presque Horizons et types de mémoire
toute faculté à se créer de nouveaux souvenirs (épi- La mémoire est un domaine où il faut d'em-
sodiques). Les patients souffrant d'un syndrôme de blée distinguer deux compartiments très dif-
Korsakoff, impliquant la destruction par intoxication férents qui doivent faire l'objet d'évaluations
alcoolique des corps mamillaires, se trouvent égale- indépendantes (tableau 6.1) :
ment dans la situation de ne pouvoir encoder une • d'un côté, les mémoires dites permanentes ou
information nouvelle. Dans le cadre des pathologies « à long terme » ou MLT (de quelques minutes à
dégénératives, la maladie d'Alzheimer déclenche la toute une vie) qui permettent de stocker, emma-
destruction graduelle des capacités fonctionnelles gasiner et récupérer informations, expériences,
des hippocampes par l'accumulation de protéine tau savoirs et ressentis ; ce secteur mnésique corres-
et plaques amyloïdes au sein des hippocampes (Prul pond à l'acception habituelle, dans le public non
et al., 2000). Anatomiquement, la densité en neu- spécialisé, du terme « mémoire ». Elles consti-
rones diminue par apoptose1. L'incapacité à se créer tuent des fonctions cognitives en soi, supports
des souvenirs nouveaux englobe donc les amnésies de la mémoire biographique et du sentiment de
dites « antérogrades » : difficultés, voire impossibilité continuité de l'individu à travers le temps, sup-
de se créer des savoirs nouveaux. ports aussi des savoirs, des connaissances et des
apprentissages ;
Consolidation Notons que chez l'enfant, les outils d'évaluation
Il s'agit d'un phénomène crucial de renforce- disponibles ne sont pas étalonnés au-delà d'un
ment de la trace. Phénomène spontané, il s'agit horizon « long terme » d'environ 30 min ;
d'un processus biochimique, initialement décrit
par Kandel, de boucle de potentialisation à long
terme de la synapse. Il s'agit d'un mécanisme de Tableau 6.1. Structure théorique
renforcement de certaines connexions interneu- d'un bilan mnésique.
ronales, tant en force qu'en durée. C'est un des Mémoire à long terme Mémoire de travail
phénomènes à la base de plasticité cérébrale, per- Entrées visuospatiales : Entrées visuospatiales :
mettant le modelage et remodelage des réseaux – matériel séquentiel/ – matériel séquentiel/
synaptiques au contact des expériences de l'indi- simultané (simultané)
vidu2. La consolidation de la trace en mémoire est – réponse : évocation/ – réponse : évocation/
nettement favorisée par les phases de sommeil. reconnaissance reconnaissance
Entrées auditivoverbales : Entrées auditivoverbales :
– matériel séquentiel/ – matériel séquentiel/
simultané (simultané)
1
Mort neuronale. – réponse : évocation/ – réponse : évocation/
2
Bliss et al., 2004. reconnaissance reconnaissance

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Chapitre 6. Évaluation des troubles mnésiques

• de l'autre coté, les mémoires transitoires (aussi pas être en mesure de transmettre le produit du rap-
dénommées mémoires à court terme et mémoires pel libre dans toute sa richesse du fait d'un trouble
de travail), dont la fonction n'est pas de « stocker », expressif. Il ne s'agira donc pas forcément d'une
mais de garder momentanément actif, un petit trace superficielle ou non accessible, mais d'un effet
nombre d'informations, le temps qu'un « travail » collatéral du trouble du langage sans rapport avec
(un traitement) soit effectué sur ces bases, d'où le les processus mnésiques. Inversement, chez certains
terme habituel de « mémoire de travail » (MT). Ce enfants dyspraxiques, un travail s'appuyant sur la
« travail » peut concerner tous les secteurs cogni- trace mnésique peut être paradoxalement facilita-
tifs (langage, calcul, raisonnement, etc.). Le terme teur, les afférences visuelles étant « toxiques ».
de « mémoire » peut ici être trompeur : il s'agit
plutôt d'une capacité à sélectionner et maintenir Biais, contraintes et spécificités
ponctuellement actifs les éléments nécessaires à
de la mémoire humaine
tel ou tel processus cognitif en cours (« mémoire
vive »). Elles sont le terreau commun à toutes les Lorsque l'on teste ces processus, on doit rester
autres fonctions cognitives, très liées aux fonc- vigilant quant à certains phénomènes normaux
tions attentionnelles et exécutives. s'appliquant à tous les sujets, qu'ils présentent
ou non des pathologies mnésiques. À défaut, on
Modalité pourra prendre pour un trouble ce qui relève
en réalité des caractéristiques normales de la
Le mode d'entrée de l'information ainsi que le
mémoire humaine.
type de « sorties » attendu est un élément impor-
tant à prendre en compte. En effet, les processus
mnésiques s'appuient nécessairement sur un
Effet de primauté et de récence
certain type d'information à encoder et stocker. Lors d'une tâche d'apprentissage, il est général
L'interaction entre la modalité mobilisée et les que les informations les mieux rappelées sont
tâches de mémorisation demandées doit donc être celles présentées au sujet en début de tâche (effet
finement contrôlée. de primauté) et en fin de tâche (effet de récence).
On distinguera donc les tâches mnésiques pre- Leur influence respective dépend des stratégies
nant en compte des données visuospatiales et du sujet (par ex., se répéter le matériel entendu en
auditivoverbales. Non seulement la fiabilité des début de tâche, ou bien rappeler immédiatement
processus mnésiques peut être dissociée en fonc- ce qui a été entendu en fin de tâche). Certaines
tion de la nature de l'information proposée, mais un batteries proposent un étalonnage de cet effet3.
trouble dans le traitement d'une information sous-
jacente peut influencer la qualité de l'encodage, de Effets d'interférence
la consolidation et de la récupération en mémoire. Il s'agit d'un effet de masquage ou d'effacement
Par exemple, un trouble de l'exploration visuelle d'apprentissages semblables entre eux. Il existe
pourra avoir un impact sur la qualité et de l'exhaus- deux types d'effets d'interférence :
tivité de l'encodage d'informations présentées sur
l'espace feuille. De même, la complexité (phono- Effet d'interférence antérograde
logique, morphosyntaxique…) d'une information L'approfondissement d'un apprentissage rend
langagière peut perturber son encodage, sa conso- plus difficile un nouvel apprentissage compa-
lidation ou sa récupération (songez aux faibles rable. Que l'on songe à l'apprentissage de langues
capacités mnésiques du sujet tout-venant dans une étrangères proches : pour un locuteur natif du
langue autre que sa langue native), en particulier français, l'apprentissage initial de l'italien pourra
chez l'enfant présentant un trouble spécifique du empêcher ou rendre plus difficile l'apprentissage
langage oral sur son versant réceptif. ultérieur de l'espagnol. Les deux langues sont en
Notons de même que la modalité de production
de la réponse peut aussi interférer de manière signi- 3
Notamment le California Verbal Learning Test (CVLT,
ficative lors de l'analyse des réponses de l'enfant. Tel
test d'apprentissage et de mémoire verbale (2007),
enfant dysphasique pourra fort bien avoir encodé Poitrenaud J. (adaptation Française), B. Deweer,
une information auditivoverbale complexe mais ne M. Kalafat, M. Van Der Linden.

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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

interférence, car partageant des caractéristiques Dans les tâches mnésiques en particulier, la pré-
communes proches entraînant des confusions pro- sence ou non d'intrusions, la nature même de ces
venant ici de l'italien vers l'espagnol. intrusions donnera des informations précieuses
quant à la sensibilité du sujet aux effets d'amorçage, la
Effet d'interférence rétrograde maturité des capacités d'inhibition sélective (chap. 7),
Il s'agit de l'effet inverse, c'est-à-dire de l'effacement ainsi que les facultés liées à la métamémoire.
partiel ou complet d'un apprentissage initial par un
nouvel apprentissage. Le nouvel ­apprentissage joue Métamémoire
le rôle d'écran et réduit l'accès au premier. Hors Faisant partie des compétences métacognitives au
situation de pathologie, ce masquage est souvent sens large, on parle ici des capacités du sujet à juger du
temporaire et peut être levé après un délai, excepté contenu de sa propre mémoire. Ainsi, une déclara-
si l'apprentissage nouveau est fortement approfondi. tion de l'enfant s'écriant lors d'une tâche : « Mais c'est
Dans notre exemple précédent d'apprentissage de trop long, je me rappelle de rien… » ne doit pas être
langues étrangères proches, un apprentissage inten- prise au pied de la lettre. En effet, les aptitudes méta-
sif de l'espagnol peut empêcher partiellement l'accès cognitives ont une maturation lente et si le patient a
à l'italien précédemment bien maîtrisé. l'impression de ne se souvenir de rien en rappel libre,
certaines épreuves pourront démontrer qu'un enco-
Effet d'amorçage dage a eu lieu. De même, l'acceptation de certaines
C'est un principe général d'organisation fonction- intrusions ou les répétitions du même matériel peut
nelle du cerveau. Un stimulus a la faculté d'acti- aussi être reliée au défaut de jugement du sujet quant
ver d'autres informations afin de les rendre plus au contenu de sa propre mémoire et pas uniquement
immédiatement disponibles. Cette activation en à la maturité des fonctions exécutives.
réseau est généralement organisée et associe entre Rappelons enfin qu'il est toujours important de
elles des informations congruentes4. qualifier le type de stratégie mnésique qui est élicité.
Par exemple, l'annonce d'un nom de fruit acti- En particulier, on différenciera les apprentissages
vera en cascade les noms d'autres fruits : incidents des apprentissages volontaires. En effet,
• « pomme » amorcera « cerise » (associé sémantique certaines épreuves seront proposées sans que le sujet
prototypique) ou « poire » (associé sémantique soit prévenu qu'une tâche mnésique sera ensuite
moins prototypique mais associé phonologique) ; proposée. Il s'agit d'un apprentissage incident, et
• « goyave » amorcera plus efficacement « mangue » on mesure les capacités d'apprentissage implicite.
que « fraise » (association de fruits exotiques) ; En revanche, si la consigne implique explicitement
• « banane » pourra amorcer « carotte » (se mangent qu'un rappel sera demandé, on parle d'apprentissage
et provient de plantes), mais nettement moins volontaire. Dans ce cas, le sujet va ou pourra mobi-
« fromage » (se mange mais produit animal), etc. liser intentionnellement des stratégies d'encodage
Ces effets d'amorçage sont précieux pour accélé- plus ou moins efficaces. Notons qu'il n'est pas tou-
rer la vitesse de traitement de l'information en ren- jours certain qu'un apprentissage explicite soit plus
dant plus disponibles les éléments associés que ce efficace qu'un apprentissage incident, du fait d'effets
soit sémantiquement, fonctionnellement, contex- liés à l'anticipation anxieuse, la mise en œuvre de
tuellement… Cependant, le sujet devra parvenir stratégies inefficaces, voire contre-productives, la
à inhiber sélectivement les informations activées focalisation sur des éléments non pertinents…
de manière automatique et irrépressible, afin de
ne pas perturber l'accès à l'information pertinente.
Les préalables
4
C'est ainsi du reste que l'on confirme expérimentale- au bilan mnésique
ment cette association entre stimuli selon des critères
variés et de la propagation de l'activation au sein de
réseaux organisés. En effet, on met en évidence des Niveau de développement
temps de réactions plus faibles lors de protocoles dits intellectuel et mémoires
d'amorçage lorsque les stimuli sont associés et/ou
congruents, en comparaison de stimuli plus éloignés Les performances mnésiques, dans chacun des sec-
ou non congruents. teurs de la mémoire, évoluent en fonction de l'âge

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Chapitre 6. Évaluation des troubles mnésiques

d'une part, du niveau de conceptualisation et de Ceci implique donc obligatoirement trois temps
raisonnement de l'enfant d'autre part (ces deux élé- diagnostiques (figure 6.1) :
ments, qui sont par définition liés chez l'enfant « nor- • l'interprétation des épreuves mnésiques ne
mal », peuvent bien sûr être disjoints en pathologie). peut se faire indépendamment de l'évaluation
Cette évolution génétique des capacités mné- du niveau de facteur G de l'enfant : tout bilan
siques peut être due : mnésique doit commencer par apprécier les
• à une maturation intrinsèque des réseaux mné- capacités de logique, raisonnement et concep-
siques (extension des réseaux, richesse des inter- tualisation de l'enfant ;
connexions, etc.) et une meilleure efficacité des • l'examen doit se poursuivre par des épreuves
mécanismes de consolidation de la trace — et/ mnésiques étalonnées qui permettront de juger
ou à une plus grande vitesse de traitement des de la présence ou non d'un trouble électif dans
informations (sensorielles, logiques, concep- le domaine de la mémoire ;
tuelles, etc.) avec l'âge et le degré d'expertise ; • enfin, il faudra procéder à une analyse quali-
• et/ou à la mise en place de stratégies plus effi- tative des erreurs, oublis, confusions ou autres
caces (sélection des items, regroupements, anomalies, de façon à faire un diagnostic du type
liens, etc.), de trouble mnésique dont souffre l'enfant.
• ou encore plus probablement, à une combinai- Par ailleurs, il est très important, selon la teneur
son de tous ces mécanismes. des épreuves, de considérer le niveau scolaire de
l'enfant : en effet, pour certaines tâches très dépen-
dantes des apprentissages scolaires, ce dernier peut
Le développement progressif de la mémoire,
être plus pertinent que l'âge réel ou le niveau de
le fait que les performances soient très dépen-
dantes de l'âge et du niveau de développement
développement pour déterminer si le décalage
de l'enfant, n'autorisent à parler de troubles, constaté traduit ou non un réel trouble mnésique.
pathologie ou déficit dans le domaine mné- Car beaucoup des enfants chez lesquels il est jus-
sique que si les performances de l'enfant dans tifié de proposer un bilan mnésique présentent
le domaine considéré le situent à plus de 1,6 ou justement un retard scolaire important.
mieux 2 ET en dessous de ce qui serait attendu
au vu de son niveau de raisonnement et de
conceptualisation (cf. « facteur G »).
Langage et mémoires
À l'inverse, un faible niveau mnésique, s'il est Les différentes mémoires infiltrent et nourrissent
concordant avec le niveau de développement le secteur linguistique, en plein développement
de l'enfant (quel que soit son âge réel) n'autorise chez l'enfant.
pas à parler de troubles mnésiques spécifiques. Si la diffusion des pathologies linguistiques
Les faibles capacités, dans tous les domaines, (dysphasies) dans le secteur de la mémoire auditi-
y compris mnésique, doivent plutôt être com- voverbale est habituelle, inversement, des troubles
prises comme étant, dans une relation circu- intrinsèques de tel ou tel secteur mnésique peuvent
laire, à la fois la cause et le reflet de la déficience
avoir des répercussions sur les capacités langa-
intellectuelle.
gières de l'enfant (Mazeau, Pouhet, 2014).

Niveau de développement
[+ Niveau scolaire]

BILAN MNÉSIQUE
1 - Quantitatif (tests étalonnés → objectiver un déficit électif)
2 - Qualitatif (analyser les modalités de réussite ou d'échec → tests diagnostiques)

Figure 6.1. Principes du bilan mnésique.

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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

Troubles des processus Dysphasies, troubles des Troubles des mémoires


séquentiels compétences linguistiques auditivo-verbales

Problème Problème Troubles des Troubles du langage


de langage de mémoire mémoires verbales oral et/ou écrit
Figure 6.2. Troubles mnésiques/troubles du langage.
a, b et c : interrelations possibles.

Il faudra donc savoir recouper les informa- possible d'évaluer la mémoire indépendamment
tions venues d'évaluations linguistiques et des capacités attentionnelles et exécutives. Ces
mnésiques, tenter d'élucider les liens entre les dernières sont en effet une entrée obligée pour les
divers troubles que présente l'enfant, essayer de différents secteurs mnésiques.
­comprendre s'il s'agit de l'association de diffé- Aussi, toute évaluation de la mémoire, ou de
rentes pathologies partageant une même anoma- certains de ses secteurs qui sembleraient défi-
lie fonctionnelle (figure 6.2) : citaires ou pathologiques, doit obligatoirement
• en amont ; conduire à une évaluation concomitante de l'at-
• de corrélations fortuites ou au contraire tention et des fonctions exécutives — sélection,
des conséquences de l'une dans l'autre : les inhibition, stratégies (figure 6.3).
démarches thérapeutiques utiles seraient en effet
alors fort différentes.
S'il existe des troubles mnésiques sans troubles
Attention, fonctions exécutives de l'attention, a contrario, tout trouble de l'atten-
tion et des fonctions exécutives peuvent s'accom-
et mémoires pagner d'une symptomatologie mnésique.
S'il est important de repérer et de comprendre les
liens qui unissent mémoires et langage, en parti-
culier lorsque le développement du langage de l'en- Il est donc très important, lorsqu'on évoque
fant pose question, ceux qui unissent mémoires et l'hypothèse d'un déficit mnésique, de conduire
attention sont encore plus incontournables. strictement l'examen selon le schéma sui-
Il n'y a aucune sorte de mémoire possible sans vant. Toute entorse à cette méthodologie peut
sélection (des stimuli) et sans inhibition (des conduire à des erreurs d'interprétation très
distracteurs, des interférences). Il n'est donc pas dommageables.

Niveau de développement
[+ Niveau scolaire]
Fonctions attentionnelles Fonctions linguistiques
et exécutives

BILAN MNÉSIQUE
1- Quantitatif (tests étalonnés → objectiver un déficit électif)
2- Qualitatif (analyser les modalités de réussite ou d'échec → tests diagnostiques)

Figure 6.3. Place de l'évaluation mnésique au sein du bilan neuropsychologique.

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Chapitre 6. Évaluation des troubles mnésiques

Les principes du bilan une épreuve de reconnaissance de visages (après


élimination éventuelle d'une agnosie des visages)
de mémoire en présentation sérielle ; cette épreuve est une des
rares épreuves étalonnées qui soit, avec certitude,
Les principaux tests mnésiques visuelle et non verbalisable.
existants L'étalonnage de la CMS est dans son ensemble
assez sensible et propose pour certaines épreuves des
Il existe des batteries spécifiquement dédiées à normes pour la pente d'apprentissage, ce qui est pré-
l'analyse des processus mnésiques (CMS, BEM). cieux qualitativement et dans une visée de prise en
Il s'agit de batteries visant l'exploration de la charge (premiers essais déficitaires, avec rattrapage
mémoire à long terme (MLT). ultérieur, ou inversement mémoire immédiate pré-
Certains outils précieux sont focalisés sur cer- servée mais stagnation de la pente d'apprentissage).
taines modalités (California Verbal Learning Test,
CVLT) ou type de mémoire (batterie mémoire de La BEM 144
travail, D'Alboy). Enfin, la plupart des batteries com-
La BEM 144 (Signoret, 1991), étalonnée dès l'âge de
posites proposent des subtests visant les processus
6 ans (4 ans pour certaines épreuves [Jambacqué et
mnésiques, mais sont généralement très parcellaires.
coll., 1991 et 1993]), est une batterie ancienne et non
Dans tous les cas, un bon outil d'analyse des
rééditée, ayant pour avantage d'avoir été construite
processus de mémoire (à CT et LT, les processus
selon une démarche neuropsychologique, c'est-à-
de mémoire de travail étant fort différents) doit
dire exploitant systématiquement les dissociations
comporter, a minima, pour le même matériel et la
entre différentes épreuves ne différant que par un
même modalité :
seul critère. Les épreuves verbales sont reliées à des
• une étape d'apprentissage (encodage d'une
épreuves non verbales qui sollicitent les mêmes
information nouvelle) ;
processus (par ex. : l'apprentissage d'une liste de
• une épreuve de rappel libre immédiat (mémoire
mots vs l'apprentissage d'une liste de dessins non
à CT) ;
dénommables, des épreuves d'évocation vs des
• une épreuve de rappel libre différé (mémoire
épreuves de reconnaissance, etc).
à LT) ;
On note avec intérêt l'originalité de deux
• une épreuve de reconnaissance (évaluation de
épreuves non verbales : l'une est une épreuve de
la qualité de l'encodage) ;
reconnaissance de dessins non dénommables à
• une épreuve de rappel indicé (évaluation des
retrouver (après présentation séquentielle) parmi
bénéfices de l'indiçage).
quatre propositions (réponse en choix mul-
tiple), l'autre est une épreuve d'apprentissage de
La Children Memory Scale (CMS, 12 autres dessins non dénommables (trois pré-
échelle de mémoire pour enfants) sentations et trois essais successifs), que l'enfant
Cette échelle (Cohen, 2001 existe en deux versions doit reproduire immédiatement après chaque
en fonction de l'âge (5–8 ans et 9–16 ans). C'est à présentation.
ce jour la batterie spécialisée la plus complète et
la plus à jour en termes d'étalonnage. Elle com-
porte une échelle verbale (composée d'épreuves À noter
classiques : rappel d'histoires, en immédiat et en Bien que ces dessins ne représentent rien, on
différé, apprentissage sériel d'une liste de mots, de ne peut pas formellement éliminer le fait que
mots couplés…), et une échelle non verbale. Cette certains enfants (et adultes !) verbalisent et les
dernière comporte des épreuves originales, en dénomment malgré tout (« là, on dirait une sorte
particulier une épreuve de Mémorisation de loca- d'araignée ; ici, on dirait un soleil ; là, un res-
lisation de points (mémoire spatiale). Pour le plus sort, etc. ») : le fait d'utiliser des dessins a priori
jeune, il s'agit d'une épreuve de reconnaissance « non dénommables » ne permet donc pas de pré-
juger avec certitude des mécanismes de mémori-
d'éléments tirés d'un scénario imagé. Notons que,
sation mis en œuvre par le sujet.
comme plusieurs autres batteries, elle propose

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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

Bien que construite sur des prémisses théo- ­ 'interférence antérograde). Suit une épreuve de
d
riques solides, cette batterie, extension de la ver- rappel immédiat de la liste initiale (effet d'inter-
sion adulte, pâtit d'un étalonnage ancien et peu férence rétrograde). La batterie propose une tâche
sensible. Certaines épreuves sont trop pauvres de rappel indicé (induit par le label des trois caté-
pour permettre une investigation approfondie, gories). Après une pause, on trouve une tâche de
de phénomènes pourtant clés dans les appren- rappel différé, sans et avec indices. Elle est clôturée
tissages dits écologiques (par ex. mémorisation par une tâche de reconnaissance différée. Outre
d'histoires)5. ses qualités de construction, cette batterie bénéfi-
cie d'un étalonnage étendu (de 5 ans à l'âge adulte)
Les épreuves de mémoire et et d'une grande richesse de données normatives :
outre les notes d'étalonnage des processus de
apprentissage de la NEPSY (1 et 2)
base, on peut évaluer la pente d'apprentissage, les
Parmi les cinq subtests proposés, on note en par- intrusions, répétitions, effets de primauté et de
ticulier la présence d'une épreuve de mémoire récence, les effets de catégorisation, etc.
visuelle (visages), une épreuve d'apprentissage La Figure de Rey quant à elle propose une tâche
(liste de 15 mots, cinq essais successifs) qui pré- d'apprentissage incident au cours de la copie.
voit l'étude de l'influence des interférences, une Après un délai (court et long), elle permet d'ana-
épreuve de mémoire de récit et une de répétition lyser la récupération du matériel visuospatial
de phrases. Cette dernière est très précieuse pour (structure et détails).
l'analyse des dissociations mémoire verbale vs Enfin, certaines épreuves du MSCA (Répétition
encodage d'une information langagière de com- de mots, Mémoire des images, Mémoire des
plexité croissante. La 2e édition de la NEPSY pro- chiffres, Tapping, Récit entendu) et de la NEEL
pose une nouvelle épreuve de mémoire spatiale (Reproduction de rythmes, seule épreuve à notre
(encodage et récupération de la nature et de la connaissance proposant un apprentissage auditif
localisation de dessins sans signification) non verbal au plus jeunes, tâche très infiltrée d'ef-
fets attentionnels et exécutifs) peuvent compléter
Autres épreuves ce court inventaire (non exhaustif).
Nous disposons également d'épreuves, parfois En ce qui concerne les mémoires transitoires
anciennes mais régulièrement mises à jour, pour (mémoire à court terme = MCT et/ou mémoire
explorer tel ou tel secteur de la mémoire. On de travail = MT), on utilise essentiellement la
retiendra surtout le CVLT, directement inspiré répétition de phrases calibrées en longueur pour
de l'épreuve dite des « 15 mots de Rey » (1970), les plus jeunes, puis (à partir de 6 ans environ)
en apprentissage verbal sériel et, comme épreuve la répétition de chiffres à l'endroit et à rebours
visuospatiale, la Figure de Rey-mémoire6. (épreuve proposée dans de très nombreuses
Le CVLT est donc une épreuve de mémoire batteries composites) et/ou l'épreuve Séquence
auditivoverbale systématique. Elle propose l'ap- Lettres-Chiffres de la WISC. Noter que les
prentissage d'une liste de mots courants répartis échelles de Wechsler proposent systématique-
aléatoirement et appartenant à trois catégories ment de calculer une note composite de mémoire
différentes. Après un premier essai permettant de chiffres endroit et mémoire de chiffres envers.
de juger de la mémoire immédiate, quatre essais Nous engageons les praticiens à ne pas le faire.
successifs supplémentaires sont administrés, S'agissant de processus tout à fait différents, on
permettant de mesurer la pente d'apprentissage. évaluera indépendamment les deux épreuves. Les
Cette étape est suivie de l'apprentissage d'une liste étalonnages supplémentaires sont disponibles
interférente partageant une catégorie commune ainsi que l'analyse des dissociations.
avec la première liste, avec rappel immédiat (effet Dans le domaine visuel, le TVPS37 propose plu-
sieurs épreuves de mémoire immédiate visuelle,
y compris un « empan visuel ». On remarquera
5
Cette batterie n'est par ailleurs plus diffusée.
6
Test de Rey de la figure complexe de Rey, Rey A. 7
Test of Visual-Perceptual Skills, 3rd ed. (TVPS-3),
(1960) ; P. Wallon C. Mesmin (ECPA, 2009). Nancy A. Martin (2006).

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Chapitre 6. Évaluation des troubles mnésiques

enfin que seule la WAIS4 destinée aux plus âgés Une épreuve d'empan mixte (visuel et verbal)
propose, sur la base de la tâche de Code, une tâche consiste à faire construire à l'enfant un empan
de rappel immédiat et différé d'un apprentissage de chiffres endroit sur la base de stimuli visuels
associatif incident entre deux stimuli visuels. (Counting Span). On présente des planches sur
Pour ce qui est de la mémoire de travail en lesquelles sont répartis des carrés noirs mélangés
tant que telle, l'administration d'une épreuve à des carrés blancs. À chaque planche, l'enfant
de Mémoire de chiffres envers ne peut à elle doit compter les carrés noirs à haute voix. Après
seule sanctionner sa fiabilité. Épreuve par la présentation de la dernière planche, l'enfant
définition basée sur un matériel arithmétique doit rappeler la suite des nombres retenus dans
et demandant un travail de recombinaison, l'ordre. Le comptage à haute voix à chaque
elle n'est bien entendu pas représentative de planche est supposé fonctionner comme une
l'ensemble des facultés liées à la MT. L'addition suppression articulatoire et on explore ainsi
de la tâche de Séquences Lettres-Chiffres peut l'administrateur central.
approfondir quelque peu l'analyse, mais ces Malheureusement, ces épreuves riches et
deux épreuves sont finalement de nature assez valides n'ont pu être étalonnées que sur un petit
semblable. échantillon d'enfants et sur trois tranches d'âge (7,
La batterie mémoire de travail, D'A lboy (non 9 et 11 ans).
publiée8) permet une bonne recension des sous-
modules de la mémoire de travail dans les diffé- Les stratégies d'investigation
rentes modalités, en s'appuyant sur le modèle de
des processus de mémoire
Baddeley. Elle propose de manière rigoureuse et
hiérarchisée. Pour donner des informations pertinentes et
• Dans la modalité auditivoverbale : utiles, l'ensemble des compétences mnésiques se
– pour l'analyse de la boucle phonologique, doit d'être évalué par l'analyse des performances
des tâches d'empan de mots contrôlant l'ef- des trois processus principaux (encodage, conso-
fet de longueur (mono- ou trisyllabiques) lidation et récupération), dans les deux modali-
avec ou sans suppression de la boucle tés clés (verbale, visuelle) et aux deux horizons
articulatoire ; possibles (CT, LT). Cette partie du bilan est
– un empan de mots avec tâche d'inhibition consommatrice de temps, en particulier dans le
articulatoire originale, à travers un travail de balancement entre les épreuves à court et long
jugement syntaxique9 ; terme, qui nécessite une anticipation du temps
– pour l'analyse de l'administrateur central, et du moment de passation (voire des possibles
les empans de chiffres ne proposent plus de effets d'interférence).
recombinaison envers mais ordonnée ou par
l'application d'opération arithmétique (+ 1 Évaluation des capacités
ou + 2)10 ; d'encodage
– une épreuve de mémoire à CT d'empan de syl-
labes basée sur des pseudo-mots (Répétition On peut juger et mesurer de la qualité de l'enco-
de non-mots). dage au moyen de tâches de reconnaissance.
• Dans la modalité visuelle : Après avoir proposé un matériel à l'appren-
– une épreuve classique d'empan visuel (Cubes tissage, on administrera une tâche consistant
de Corsi) ; pour le patient à décider si tel ou tel stimulus
– pour l'analyse du calepin visuospatial, un tra- était bien présent dans le matériel initial. Les
vail de repérage de lacune sur patterns visuels. réponses peuvent se faire par pointage, réponse
oui/non, choix multiples, etc. En effet, si les
8
Cette batterie est disponible sur demande au capacités d'encodage sont intègres, le sujet
CERENE : www.cerene-education.fr reconnaîtra les items proposés à l'apprentis-
9
Attention à l'interaction des compétences sage. Un trouble de la fiabilité de l'encodage
morphosyntaxiques. sera repéré dans la mesure des faux négatifs
10
Attention à l'interaction avec les compétences (éléments présents au cours de l'apprentissage,
numériques. non reconnus en tant que tels).

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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

Pour rejeter les items qui n'étaient pas pré- les mots de fruits qui étaient présents dans la
sents dans le matériel, il faut aussi mobiliser liste… », « Où est allée Alice ? »…). Il s'agit de
une capacité de jugement métacognitif et une questions ouvertes (à la différence des tests
bonne capacité d'inhibition. En effet, si l'enfant d'encodage en oui/non), permettant d'induire
est sensible aux effets d'amorçage, ne parvient un chemin vers la récupération de l'informa-
pas inhiber sélectivement les éléments proches tion. Les bénéfices ou non de l'aide apportée
associés, ou fait preuve d'impulsivité, on mettra par les indices peuvent être évocateurs de
en évidence des faux positifs (éléments non pré- l'existence ou non d'un trouble de la récupéra-
sents dans le matériel d'apprentissage, pourtant tion libre. Si la nette facilitation du rappel libre
accepté en tant que tels). Par exemple, l'enfant grâce aux indices est un argument en faveur
qui aura entendu ballon, acceptera ce mot mais d'un trouble de la récupération libre de l'infor-
aussi « balle » ou « jouet »… De même, les per- mation en mémoire, le manque d'améliora-
sévérations pourront sérieusement biaiser les tion (voire dans certains cas la dégradation)
données recueillies avec des séries de réponses des performances avec l'apport d'indices ne
non pertinentes ou répétitives (toujours oui ou signifie pas nécessairement une pathologie. En
toujours non, choix systématique d'une image effet, si l'enfant n'a pas implicitement ou expli-
située à la même place dans la page, etc.) sans citement labélisé ou organisé le matériel selon
rapport avec la question. les catégories ou les indices fournis par le psy-
chologue, le remaniement des données pourra
Évaluation de la récupération induire une sous-performance du sujet.
Les tâches d'apprentissage apparié peuvent
Elle s'exercera à travers des tâches de récu-
parfois apporter de précieuses informations
pération libre. En effet, c'est en proposant des
quant à la fiabilité des capacités de récupération
épreuves de rappel spontané que l'on pourra
libre. En effet, quelques batteries proposent des
juger de la préservation de la capacité à aller
tâches d'apprentissage associatif : une image et
rechercher et retrouver une ou des informations
un mot (NEPSY2, Mémoire des prénoms), une
en mémoire. Ces compétences sont fortement
image et un pseudo-mot, deux images (KABC
influencées par :
2), deux mots (CMS)… Il s'agit d'apprendre des
• Les compétences générales de l'enfant : en effet,
couples d'informations dans la même moda-
les bonnes capacités de catégorisation du sujet
lité ou dans des modalités différentes. L'apport
lui permettront implicitement ou explicitement
d'indices ou d'amorces, même très éloignés
d'indicer le matériel à encoder et donc de facili-
de la cible (par ex. amorce : riz, cible : chaise),
ter la récupération.
se révèle généralement nettement facilitateur
• Les stratégies d'encodage initial du matériel
après deux essais. Les progrès ou non dans ce
plus ou moins efficaces : par catégorisation
type d'épreuves permettent de contraster le
comme il vient d'être dit, mais aussi par reco-
rappel libre et le rappel indicé, et donc les éven-
dage (des images avec des mots ou inversement)
tuels troubles de la récupération libre d'une
enrichissant la trace en mémoire, en manipu-
trace en mémoire.
lant l'ordre de présentation, etc.
• Les stratégies d'indiçage et d'organisation du
matériel : par associations, création de liens, Évaluation de la consolidation
d'images mentales, de labellisation, etc. Elle est réalisée par l'intermédiaire de tâche de
rappel différé, libre ou indicé. Après un délai, avec
ou sans tâche interférente, on pourra déterminer
Stratégies de recherche les capacités d'inscription à long terme de l'infor-
en mémoire : volontaires mation en mémoire
ou implicites Choix du matériel : comme à chaque fois en
Les troubles de la récupération et leur intensité neuropsychologie, on cherchera à dissocier autant
peuvent être confirmés par l'administration de que possible les éléments intervenants dans les
tâches jugées facilitatrices. On proposera en tâches proposées, afin d'éviter de confondre les
effet des indices au patient (« Donne-moi tous diverses dimensions analysées.

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Chapitre 6. Évaluation des troubles mnésiques

antérograde) et les confusions (intrusions en par-


ticulier). On proposera dans un second temps un
Exemple rappel du matériel initial pour évaluer l'existence
Dans le domaine langagier, il sera préfé- possible d'un effet d'interférence rétrograde.
rable de s'appuyer sur un matériel audi- L'existence d'effets d'interférence possibles entre
tivoverbal le plus familier possible (mots, apprentissages de même nature oblige le neuro-
catégories) organisé de manière aléatoire, psychologue à choisir soigneusement les épreuves
afin de juger spécifiquement la dimension intercalaires entre l'administration d'une épreuve
mnésique visée sans risquer l'interférence de mémoire immédiate et de rappel différé. En
avec un trouble du langage (trouble de
effet, s'il s'agit de mémoriser des stimuli visuels
la discrimination phonologique, étendue
avec rappel immédiat, on évitera pendant le délai
du vocabulaire passif ou actif déficitaire,
trouble de la morphosyntaxe). En pre-
prévu de 30 mn environ avant l'administration de
mière intention, on préférera donc l'ap- la tâche de rappel différé, de proposer des tâches
prentissage d'une liste de mots plutôt que de nature visuelle. En effet, la présentation de
celui d'un texte. En effet, lors de la mémo- nouveaux stimuli dans la même modalité risque
risation d'un texte entendu, de multiples de créer une interférence avec le matériel initial,
compétences sont mobilisées (compré- empêchant de conclure en cas de performance
hension des mots, des phrases, traite- déficitaire au moment du rappel différé. Le même
ment des marqueurs morphosyntaxiques, raisonnement est bien entendu valable pour les
scripts, connaissances sur le monde…), tâches mnésiques dans le domaine auditivoverbal.
qui peuvent faciliter la mémorisation en On appliquera donc le schéma explicité ci-dessous.
tant qu'indices lorsqu'elles sont intègres,
ou au contraire la perturber s'il existe une Effets d'interactions entre types
fragilité ou un trouble. Les dissociations
selon le matériel à mémoriser seront du
d'informations et phénomènes
reste très instructives aussi bien pour juger mnésiques
de la mémoire que du langage. Comme le plus souvent en neuropsychologie,
les tâches proposées ne sont pas pures. Elles
s'appuient a minima sur un certain format de
l'information, ce qui peut biaiser l'analyse de
Évaluation de la sensibilité tâches cognitives appuyées sur ledit format. Cela
aux effets d'interférence peut ainsi donner l'impression de co-occurrence
Les interférences en mémoire peuvent avoir deux de troubles. Il advient donc couramment que des
types de conséquences, en particulier dans le troubles de la mémoire soient interrogés dans
cadre scolaire : le cadre d'autres troubles (par ex. dyslexie, dys-
• risquer de fragiliser des traces déjà encodées praxie, dyscalculie…). Deux phénomènes doivent
par l'apport de nouvelles informations, ou la alors être pris en compte et peuvent renforcer ou
difficulté à déclencher un apprentissage nou- infirmer les hypothèses diagnostiques :
veau du fait des traces déjà inscrites ; 1. Un trouble du traitement sous-jacent de l'infor-
• affecter la capacité à autonomiser les apprentis- mation gêne les processus de mémorisation
sages, sans risques d'intrusion des uns sur les de cette information, mais sans qu'il y ait un
autres. trouble de la mémoire. Prenons l'exemple d'un
Quelques tâches existent qui permettent de trouble dysphasique touchant les éléments mor-
l'évaluer, en particulier dans le domaine auditivo- phosyntaxiques du langage. Cliniquement, la
verbal (listes de mots, histoires). Elles consistent, restitution des connaissances paraîtra limitée,
après un premier apprentissage approfondi, de pauvre, peu détaillée. Les performances sco-
perturber les systèmes de mémoire en proposant laires en seront affectées, alors que, comme les
un matériel de même nature ou de nature proche, parents le disent : « Il savait tout parfaitement la
pouvant provoquer des phénomènes d'interfé- veille du devoir, mais n'a restitué qu'une petite
rence. Il s'agira de relever et mesurer les difficultés partie de ce qu'il savait ». Ici, bien sûr, trois
d'apprentissage du nouveau matériel (interférence hypothèses se font jour :

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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

• soit l'enfant savait et sait encore, et c'est l'outil


langagier qui a fait défaut pour mettre en La mémorisation d'une histoire complète
forme les idées, d'où une réduction en « sor- est correcte en rappel immédiat, même
tie » des connaissances ; si l'expression verbale est fautive, mar-
• soit le format verbal de l'information à quée par des erreurs de morphologie de
mémoriser a été perturbateur de l'encodage la langue, des agrammatismes. Le rappel
en mémoire et effectivement, la trace s'est différé est plus laborieux et situe l'enfant
avérée superficielle ; dans la petite moyenne pour son âge. Le fil
• soit enfin il existe un trouble de la mémoire thématique est en revanche bien rappelé.
auditivoverbale autonome, indépendant de La tâche de reconnaissance d'informa-
l'outil langage tions présentes dans l'histoire est saturée
Pour en juger, il faudra dissocier soigneusement et il n'y a aucune erreur. L'encodage a
donc été bon.
les processus. Par l'administration de trois
Chez Gratien, il existe donc une dysphasie
épreuves de mémorisation auditivoverbale, on
expressive d'intensité élevée, mais sans
pourra faire apparaître les dissociations : trouble de la mémoire auditivoverbale.
Une épreuve de mémorisation d'une liste de Le déficit lié à la répétition de phrase est
mots (par ex. : 15 mots de Rey ou CVLT), une directement lié au trouble de l'encodage
épreuve de répétition immédiate de phrases morphosyntaxique de la langue et non
de plus en plus longues et de plus en plus pas un trouble de l'encodage mnésique
complexes (NEPSY2, Répétition de phrases) en soi : l'enfant a tendance à répéter « en
et une épreuve de mémorisation d'une his- gros », sans pouvoir simultanément utili-
toire (CMS, rappel immédiat et différé des ser et convoquer les marqueurs morpho-
Histoires). syntaxiques.

2. Le travail de mémoire améliore paradoxalement


Exemple le traitement sous-jacent perturbé. Prenons
l'exemple d'un enfant présentant une dyspraxie
Gratien, 9 ans, CE2, consulte
visuospatiale. La copie de figures sur l'espace
pour échec scolaire global de la feuille est déficitaire, la prise en compte
Il apparaît que la mémorisation d'une de la forme globale est perturbée, les rapports
liste de mots, s'avère initialement un peu spatiaux fins sont erronés, le traitement des
laborieuse, mais au bout de cinq essais, diagonales, obliques, croisements de lignes est
l'enfant atteint le niveau attendu pour très évocateur, avec des fragmentations, dupli-
son âge. On relève quelques erreurs pho-
cations, erreurs d'orientation… Il est alors
nologiques, par ailleurs assez courantes,
mais ici résistantes (« casquette » pour
frappant de constater qu'en rappel libre immé-
« casse-tête »). diat ou différé, la production est nettement
La Répétition de phrases est massivement meilleure. La forme globale est mieux repré-
échouée, avec une rupture claire au-delà sentée, l'approche plus efficace et le résultat
de huit mots, et lorsque les structures plus pertinent et proche du modèle. Pourquoi ?
mophosyntaxiques deviennent complexes, Comme il a été évoqué (cf. « Troubles visuo-
l'appui du sens est alors plus difficile (« La practo-spatiaux » page 141), les afférences
femme près de l'homme à la veste verte visuelles chez l'enfant dyspraxiques peuvent
est ma tante » devient « L'homme après être perturbatrices, voire « toxiques ». Le retour
monsieur vers la tante… je sais plus »). au modèle n'est pas facilitateur, au contraire,
Les réponses deviennent dyssyntaxiques, puisque le lien entre « ce que l'enfant fait à
dénuées de sens, incomplètes, pénalisées partir de ce que l'enfant voit » est gêné par son
par les ambiguïtés phonologiques (veste, trouble. Le paradoxe n'est donc qu'apparent :
verte, vers). chez l'enfant dyspraxique, la représentation de
ce qu'il faut faire est intègre (l'enfant de 4e peut

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Chapitre 6. Évaluation des troubles mnésiques

décrire correctement comment il faudrait faire informations, etc., puis de se rappeler, c'est-à-dire
pour tracer la médiatrice de deux points). En d'évoquer consciemment tel ou tel aspect des sou-
revanche, la transformation du projet en acte venirs emmagasinés.
dans certaines conditions est perturbée. Pourtant, il ne s'agit pas d'une notion homogène
Dans le cas du travail en mémoire, la repré- ni d'un secteur unifié. La mémoire est un puzzle
sentation du dessin initialement copié est constitué de multiples facettes et le déficit ou le
intègre. En l'absence des afférences visuelles dysfonctionnement de certains de ses éléments
« toxiques », le sujet peut s'appuyer sur sa donne lieu à des troubles fonctionnellement très
représentation interne qui est correcte et gênants, qui compromettent souvent gravement la
mieux la dessiner de tête qu'avec le modèle scolarité et l'avenir des enfants qui en sont atteints.
disponible. Un tel effet renforce l'hypothèse Le diagnostic précis des troubles et la compréhen-
du trouble visuospatial. sion des mécanismes défaillants peuvent seuls
Au total, la structure générale d'un bilan permettre de proposer des démarches thérapeu-
mnésique pourrait donc se décliner comme le tiques adaptées.
montrent les tableaux 6.1 et 6.2). Parmi les mémoires permanentes, il faut
distinguer plusieurs secteurs différenciés
(figure 6.4).

Les mémoires permanentes Mémoire dite procédurale


Mémoires procédurale, Elle stocke des « procédures », des règles de fonc-
sémantique, épisodique, tionnement, les traitements et processus propres à
chaque secteur cognitif, les différents savoir-faire,
déclarative ce qui correspond, grossièrement, à chacune des
Chacun sait ce que c'est que d'avoir une « bonne » grandes fonctions cognitives : praxies, gnosies,
ou une « mauvaise » mémoire, de stocker (emma- compétences linguistiques, etc. Ces procédures ne
gasiner et conserver) des savoirs, des souvenirs, sont pas conscientes ni verbalisables (apprentis-
des sensations, des événements, des émotions, des sages implicites).

Tableau 6.2. Exemples d'épreuves étalonnées de mémoire.


Épreuves Observations
Matériel – Figure de Rey-mémoire – D'une façon générale, ce qui est pertinent, sur le plan mnésique,
visuospatial, – Localisation de points (CMS) c'est le différentiel entre les scores obtenus à la copie et à la mémoire.
simultané et d'images – L'interprétation des résultats en termes de performance
– Mémoire spatiale (K-ABC) mnésique dépend bien évidemment des capacités de l'enfant
dans les épreuves visuospatiales non mnésiques.
Matériel visuel, – Dessins non dénommables – Bien que choisis pour être « non dénommables », il est difficile
séquentiel de la BEM (Reconnaissance d'affirmer que les processus employés par l'enfant ne sont pas
et Évocation) verbaux, ou sont strictement visuels.
– Mémoire des visages de la CMS – Seule la tâche de Reconnaissance de visages est, à coup sûr
(Reconnaissance), de la NEPSY purement visuelle et non verbalisable.
Matériel Récit entendu (extrait du MSCA, Cette épreuve requiert également une bonne mémoire de travail
auditivoverbal de la BEM144, de la NEPSY, auditivoverbale, un minimum de connaissances lexicales et
CMS etc.) expérientielles pour la compréhension de l'histoire.
Matériel verbal, – CVLT (Évocation/ Il s'agit d'épreuves proposées en apprentissage.
séquentiel Reconnaissance) Ce sont des épreuves très sensibles aux troubles attentionnels,
– Liste de mots de la CMS, de aux redites non inhibées et associations d'idées mal contrôlées :
la NEPSY, etc. ce sont donc des épreuves utiles, sur le plan qualitatif, pour
distinguer troubles mnésiques et troubles des fonctions exécutives.

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L.O. = Langage oral – L.E. = Langage écrit


MÉMOIRES PERMANENTES RECONNAISSANCE
MLT

Sélectif
DÉCLARATIVE PROCÉDURALE ou
Attention RAPPEL
Verbalisable / Explicite Automatique / Implicite
Séquentiel
− Libre
SÉMANTIQUE ÉPISODIQUE ou
Administrateur Concepts généraux Contexte
central schémas Indicé:
MÉMOIRE Affects, vécu
DE TRAVAIL Scripts Mémoire associative − Indices explicites
Scénarios Connaiss. Mémoire incidente
Schémas narratifs didactiques − Indices incidents
Compréhension verbale Compréhension de textes
Biographie
(mots et phrases. L.O. / L.E.) et de récits

LANGAGE
Figure 6.4. Les différents secteurs de la mémoire.

Mémoire dite déclarative la mémoire indispensable pour l'apprentissage et


C'est la partie consciente et explicite de la l'utilisation du langage (liée au lexique mental12).
mémoire, récupérable intentionnellement, qui
peut s'exprimer verbalement. C'est souvent cette
mémoire-là qui se trouve atteinte lors de trauma-
tismes crâniens et lors de certaines lésions céré- Exemples de savoirs
brales qui atteignent le lobe limbique. généraux
Au sein de la mémoire déclarative, on isole la
mémoire sémantique d'une part, la mémoire épi- Le soleil se lève à l'est, la Seine passe à
sodique d'autre part. Paris, les marteaux sont des outils qui
servent à enfoncer des clous, etc.

Mémoire « sémantique »
Constituée en réseaux distribués qui engramment
la signification des divers signifiants, quelle que Mémoire « épisodique »
soit leur forme de surface11, elle correspond à l'en-
semble des connaissances générales que le sujet C'est un réseau de concepts, connaissances, évé-
possède sur le monde. Elle concerne le corpus des nements, sensations, etc., richement intercon-
connaissances d'un individu, indépendamment nectés : il s'agit de l'ensemble des apprentissages
de toute référence spatiotemporelle. C'est une et souvenirs propres à chaque individu, de la
mémoire permanente décontextualisée. C'est aussi mémoire sur laquelle reposent nos savoirs, nos
connaissances et l'ensemble unique des événe-
ments (assortis de leur connotation subjective),
11
La nature des informations qui activent la représenta- qui constituent l'histoire, les connaissances et
tion des images ou des objets par rapport à celle des
mots est au centre d'un débat entre une conception
amodale de la mémoire sémantique (le système 12
Le lexique mental est composé du stock de mots et de
sémantique serait unique et indépendant de la moda- l'ensemble des informations s'y rapportant (informa-
lité d'entrée) et une mémoire sémantique multiple, tions sémantiques, syntaxiques, phonologiques ou
organisée en sous-systèmes, l'un verbal, l'autre visuel. orthographiques).

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Chapitre 6. Évaluation des troubles mnésiques

la biographie propres à chacun. Cette mémoire Enfin, il faut bien distinguer :


épisodique est essentiellement contextuelle : on • Les mémorisations spontanées, qui se font
peut dire où, quand et comment ce souvenir a sans intervention consciente du sujet : c'est
été acquis. C'est généralement à cette mémoire- le cas des souvenirs incidents et tout ce qui a
là qu'on se réfère si l'on parle de « la » mémoire, trait à la biographie personnelle de chacun ;
sans précision supplémentaire. la mémorisation ou l'oubli de ces souvenirs
sont sous la dépendance des états émotion-
nels et affectifs. Les souvenirs biographiques
(dont les premiers, conscients et accessibles,
Exemples de savoirs datent habituellement de l'âge de 2,5–3 ans)
généraux de souvenirs sont particulièrement robustes en regard des
uniques, personnels pathologies organiques, neurologiques ou
neurodéveloppementales.
Ce que l'on a mangé la veille, le mariage de • Les mémorisations volontaires, ou apprentis-
la cousine Alice, la recette des bugnes de
sages : ces derniers dépendent d'une décision
grand-mère, telle réflexion d'un ami, etc.
intentionnelle du sujet et nécessitent un effort
mental particulier, conscient, généralement
répété, itératif (révisions), que ce soit pour l'ac-
En ce qui concerne les apprentissages sco- quisition des informations ou pour éviter leur
laires (ou acquisitions didactiques), certains oubli. C'est le cas pratiquement de l'ensemble
sont des savoir-faire dépendant de mémoires des apprentissages scolaires. Ces mémorisa-
procédurales spécifiques (par ex., la lecture ou tions volontaires sont, au contraire des précé-
le graphisme manuel), d'autres sont des savoirs dentes, particulièrement vulnérables en cas de
académiques, de nature « déclarative » (verba- pathologie organique.
lisables), sémantiques (« le soleil se couche à
l'ouest ») ou épisodiques (« ma maîtresse de CE2
nous a emmenés voir un coucher de soleil lors
d'un voyage en Bretagne »). Les savoirs
Certains deviendront des savoirs sémantiques, académiques (scolaires,
sortes d'universaux (la Terre tourne autour du
Soleil, les vaches ont des cornes, 6 x 3 = 18, etc.),
encyclopédiques)
partagés par toute une communauté et décontex- � sont particulièrement dépendants
tualisés, c'est-à-dire qu'il n'est plus possible de des capacités de mémoire épiso-
dire où, quand ou comment ces notions ont été dique et déclarative de l'enfant, ce
qui n'est pas le cas des savoir-faire
acquises.
qui, eux, dépendent des mémoires
D'autres resteront plus ou moins contex-
procédurales ;
tualisés et associés à des souvenirs incidents, � sont subordonnés à des stratégies de
propres au sujet, mémorisés en même temps mémorisation volontaire qui sont fra-
que la notion apprise. Il s'agit d'indices acces- giles, ce qui n'est pas le cas des souve-
soires, mémorisés automatiquement en même nirs biographiques.
temps que l'information principale (la cible), Ces dissociations entre les différents
tels la tonalité affective et émotionnelle, secteurs au sein même des mémoires
l'odeur, etc. permanentes et en particulier l'épargne
Ces souvenirs incidents, attachés à l'appren- des souvenirs biographiques et tout ce
tissage-cible lui-même, sont très robustes et qui concerne l'histoire personnelle du
donc très importants pour le rappel des infor- sujet, sont assez caractéristiques d'une
mations, car l'évocation du contexte incident pathologie, d'un déficit ou d'un dysfonc-
(indice) peut permettre le rappel de l'informa- tionnement mnésique intrinsèque, orga-
tion ou même de tout un ensemble d'éléments nique (non psychogène).
qui lui sont liés.

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À noter En fonction des symptômes


Pour des raisons de clarté de l'exposé, nous On pourra quelquefois s'interroger (tableaux 6.3
considérerons dans la suite de ce chapitre que et 6.4) sur la présence d'une pathologie de la
les fonctions attentionnelles et exécutives sont mémoire devant un score étonnamment faible aux
intactes et que les troubles mnésiques sont isolés. épreuves verbales du WISC, surtout si les contre-
performances (relatives ou absolues) de l'enfant
concernent les subtests Information et Vocabulaire.
Les signes d'appel Le subtest Information des échelles de Wechsler
En fonction de l'étiologie évalue les connaissances générales, les savoirs
sémantiques du sujet.
Certaines pathologies cérébrales s'accompagnent
fréquemment et spécifiquement de déficits
­mnésiques. Ces derniers doivent donc être systé-
À noter
matiquement recherchés et évalués lors : Le subtest Information (comme le subtest
• d'antécédent de traumatisme crânien notable Vocabulaire) est aussi très dépendant des capa-
(avec perte de connaissance ou coma) ; cités de mémoire de travail et/ou du niveau
• d'encéphalite, surtout s'il s'agit d'une encéphalite socioculturel ou scolaire de l'enfant. De plus,
beaucoup d'items sont reliés à des compétences et
herpétique : les troubles mnésiques sont sou-
savoirs numériques qui peuvent être électivement
vent sévères, avec oubli à mesure (difficultés ou
perturbés en cas de dyscalculie.
impossibilité de fixer les données nouvelles), y
compris dans le domaine autobiographique ;
• de maladie épileptique (et de certains traitements Ceci est d'autant plus significatif que la passa-
antiépileptiques [Billard et coll., 1996 ; Lespinet- tion du WISC était motivée initialement par l'ex-
Najib et coll., 2004]) ; ploration d'un échec scolaire et que le faible niveau
• d'anomalies (Gadian et coll., 2000 ; Nichols et verbal ne s'explique pas de façon évidente :
coll., 2004) ou lésions cérébrales précoces (AVC, • l'enfant ne présente pas a priori de trouble du
IMC, hémiplégies congénitales, etc. : Lansing langage ;
et coll., 2004) : ces enfants peuvent quelquefois • le niveau de conceptualisation (Similitudes) est
présenter des troubles mnésiques, d'autant plus satisfaisant ;
qu'ils présentent des signes de la série cérébel- • il n'existe pas de trouble patent du comporte-
leuse (ataxie, troubles de l'équilibre, tremble- ment ni de la personnalité ;
ments, etc.), en lien avec des malformations du • le milieu socioculturel dans lequel grandit l'en-
cervelet13 ou anomalies sur les voies cérébelleuses. fant ne peut pas fournir, à lui seul, d'explication
Par ailleurs, il est souhaitable d'évaluer systé- satisfaisante.
matiquement les capacités de mémoire verbale Mais, le plus souvent, ce sont des symptômes
des enfants dyspraxiques (chap. 4) ou agnosiques liés à la scolarité (aux apprentissages) qui vont
(chap. 5), puisque les remédiations devront utiliser alerter et constituer le motif de consultation. Les
ces fonctions mnésiques comme palliatifs à leurs plaintes vont alors être le reflet de l'implication des
difficultés. mémoires permanentes dans les apprentissages.
Enfin, certains enfants, sans aucun antécédent
neurologique, présentent des troubles mnésiques « Retard » global et inexpliqué
« développementaux » (Baddeley et coll., 2001), des acquisitions scolaires
c'est-à-dire des déficits électifs de certains secteurs
Celui-ci est d'autant plus évocateur qu'il est
mnésiques, avec des performances inférieures d'au
signalé en CE14 ou CM, alors qu'aucune difficulté
moins deux écarts types par rapport à la norme
attendue en fonction du niveau de développement
de l'enfant. 14
CP : cours préparatoire, soit la 1re année d'école primaire.
CE1 et CE2 : cours élémentaires, soit les 2e et 3e années
13
Le cervelet et les voies d'association qui relient le cer- d'école primaire.
velet et les structures hémisphériques ont un rôle CM1 et CM2 : cours moyens, soit les 4e et 5e années
important dans les processus mnésiques. d'école primaire.

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Chapitre 6. Évaluation des troubles mnésiques

Tableau 6.3. Les différents symptômes susceptibles d'évoquer un déficit mnésique en MLT.

Symptômes Observations
Mémoire Déficit en connaissances Si traumatisme crânien : une amnésie post-traumatique peut être
déclarative académiques associée (biographie : période précédant et incluant l'accident).
Non-compréhension des Ce trouble de la compréhension (scripts et schémas narratifs)
histoires et textes contraste (dissociation) avec :
– les capacités normales en lecture de phrases ;
– les capacités normales de raisonnement et
conceptualisation (facteur G).
Non-acquisition des La méconnaissance du résultat des petites opérations mentales
faits numériques courantes contraste (dissociation) avec :
– le respect des compétences en géométrie ;
– la compréhension de la signification des opérations ;
– de bonnes capacités en logique.
Réseaux Déficit lexical Il est isolé, c'est-à-dire sans dysphasie associée, ni « retard de
sémantiques parole/langage », ni déficit syntaxique. En outre, le niveau de
connaissance (vocabulaire « passif ») est égal au niveau d'expression
(vocabulaire « actif ») : pas de dissociation intralexicale au profit de la
compréhension.
– Manque du mot Ces troubles sont plutôt, a priori, des troubles linguistiques ou exécutifs.
– Dysphasie mnésique On considère qu'ils sont associés à un trouble mnésique si ce dernier ne
concerne pas uniquement les afférences auditivoverbales, c'est-à-dire
si les épreuves mnésiques visuospatiales sont également déficitaires.
Lexique Dysorthographie Cette dysorthographie, souvent sévère, contraste (dissociation) avec :
orthographique lexicale – l'absence d'antécédent de dyslexie et de toute difficulté en lecture
de phrases (ou textes courts) ;
– le respect parfait de la phonologie et de la segmentation des mots
– une bonne (ou une meilleure) orthographe grammaticale.
Temps Déficit structuration Ce trouble est d'autant plus évocateur d'un trouble mnésique qu'il
temporelle est isolé, c'est-à-dire qu'il ne s'accompagne pas d'un trouble de la
structuration spatiale, ni de dysphasie.

Tableau 6.4. Les principales dissociations évocatrices d'un trouble mnésique.

Dissociations Déficitaire Préservé


Au sein des épreuves de Weschler Information, Vocabulaire – Similitudes, Compréhension
+/– Arithmétique (calcul mental) – Cubes ou carrés, Labyrinthes, etc.
+/– Code (lenteur, car retour au
modèle obligé)
Au sein du bilan Lexique Phonologie, syntaxe, pragmatique
de langage (niveau afférent = niveau efférent)
Dans les apprentissages, en français – Compréhension de textes – Déchiffrage et lecture de phrases
– Orthographe d'usage ou textes courts
– Phonologie, orthographe
grammaticale
Dans les apprentissages, en calcul Faits numériques Logique, signification des opérations,
stratégies de comptage, géométrie

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p­ articulière n'avait été signalée antérieurement, ni à • La richesse lexicale, la capacité à mémoriser un


l'école maternelle ni durant le CP, c'est-à-dire lors de vocabulaire varié (synonymes, mots pluriséman-
l'apprentissage initial de la lecture : en effet, l'accès tiques, etc.) et précis (termes spécifiques), semble
au langage écrit (lecture) nécessite des compétences bien liée aux capacités en MLT (voire aussi en MT).
en mémoire de travail et débouche sur l'acquisition Ainsi, lorsque la mémoire à long terme auditivo-
d'un savoir-faire, en mémoire procédurale. verbale est déficitaire, on note, dans les épreuves
Les apprentissages académiques, didactiques langagières, une dissociation inverse de celle qui
débutent essentiellement à partir du CE1 et signe les dysphasies, à savoir que les performances
s'accumulent progressivement tout au long de lexicales (en désignation comme en production)
la scolarité. Le déficit est alors patent dans les sont significativement plus faibles que les perfor-
connaissances générales, dans des matières telles mances syntaxiques, normales ou subnormales.
que l'éveil, l'histoire, la géographie, les sciences → Évaluation : tests de vocabulaire (connais-
de la vie et de la Terre, les connaissances cultu- sances lexicales) : VOCIM, partie « passive » du
relles, etc., mais aussi en mathématiques (faits TVAP, EVIP, etc.
numériques, tables de multiplications), réalisant • Le manque du mot d'une part (c'est-à-dire une
souvent un tableau particulier, d'échec scolaire impossibilité de trouver le signifiant exact, ou sa
global épargnant l'apprentissage de la lecture. forme phonologique, alors qu'on possède les indi-
→ Évaluation : tests concernant les connais- cations conceptuelles correspondantes au signifié),
sances académiques correspondant au niveau sco- ou, d'autre part, la dysphasie mnésique (le mot
laire de l'enfant ; questions sur les matières d'éveil, « manque » non seulement en expression, mais
poésies, tables de multiplications, etc. aussi en compréhension : impossibilité ponctuelle
de retrouver la signification du mot entendu, de lui
Langage et mémoire à long terme apparier un référent sémantique) peuvent être com-
pris comme une difficulté d'accès à certains nœuds
Les recouvrements entre mémoires permanentes
des réseaux sémantiques. Leur relation avec les MLT
et langage (figure 6.5) concernent particulière-
auditivoverbale et les réseaux sémantiques est encore
ment trois grands secteurs de la cognition (ces
floue. Plus que d'un déficit de stockage lexical, il s'agi-
secteurs sont bien sûr interdépendants et donc
rait plutôt d'une organisation défectueuse des liens et
se recouvrent partiellement pour de nombreuses
connexions en certains points des réseaux séman-
activités).
tiques, rendus de ce fait plus difficilement accessibles.
Réseaux sémantiques On trouve aussi dans ces troubles des atypies dans le
domaine exécutif ayant un impact sur les stratégies
La notion de réseaux sémantiques date des
d'accès et de choix, des intrusions, des diffluences.
années 1960–1970 : il s'agit de réseaux de concepts
→ Évaluation : tests d'évocation lexicale :
(« les nœuds », chaque nœud représentant un objet,
dénominations d'images (ou d'objets), Devinettes
un mot ou une idée) reliés entre eux par de très
(K-ABC, Raisonnement verbal du WISC4…)
nombreux liens (« les arcs »), qui permettent d'asso-
et épreuves de fluence thématiques, tests de
cier à chaque nœud de nombreuses informations.
Dénomination rapide (NEPSY).
• La constitution initiale des réseaux séman-
tiques, de même que l'acquisition progressive du Schémas narratifs
vocabulaire « de base », semble plutôt dépendre Les schémas narratifs (Cordier, 1993), la compré-
des capacités sensorignosiques et des capacités hension de récits (oraux) et de textes (écrits), sont
de mémoire de travail. des structures qui s'acquièrent progressivement

Réseaux sémantiques
MÉMOIRES
LANGAGE Schémas narratifs
PERMANENTES
Lexique orthographique

Figure 6.5. Langage et mémoire à long terme.


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Chapitre 6. Évaluation des troubles mnésiques

(principalement entre 6 et 12 ans environ) et sont


stockées en MLT. On appelle ainsi la mémorisation longueur, l'effort mnésique est trop impor-
de la trame générale de tout récit (oral ou écrit), de tant, dépassant les possibilités de l'enfant
« squelettes » d'histoires qui permettent, lorsque qui ne peut plus coordonner, relier, organi-
les énoncés sont nombreux, longs et interdépen- ser la suite des informations délivrées.
dants (récits, histoires, textes, livres, scénarios de
films, etc.) de classer et organiser les informations
nouvelles qui arrivent linéairement, successive-
Les scripts, qui sont une notion proche de celle
ment, sur un long laps de temps, de les inscrire
de schéma, sont un cadre, également inscrit en
dans un canevas préexistant (le schéma narratif).
mémoire à long terme, qui décrit les traits essen-
tiels relatifs à une situation de la vie courante ou
un objet de la vie quotidienne. Il s'agit habituelle-
Exemple ment de séquences d'actions typiques, systémati-
Pour des contes, le schéma narratif mémo- quement activées par un seul mot ou syntagme.
risé serait une trame de ce type : Certains ont parlé de Memory Organisation
� présentation du héros positif (ou héros Packet (MOP) : ces représentations mémorisées
principal + héros secondaire) ; sont stables et robustes ; elles constituent des
� présentation de l'anti-héros, ou héros patrons de référence, économiques en mémoire,
négatif (+/– personnages gravitant qui permettent d'organiser les informations
autour du « méchant ») ; autour de schémas simples et familiers.
� exposition du conflit ; C'est l'expérience qui permet de construire
� confrontation des héros positif et négatif, ces scripts, de les inscrire progressivement en
et résolution du conflit ; mémoire ; ils sont donc particulièrement dépen-
� morale, ou conclusion. dants du vécu et de l'environnement social et
Le titre, de même que les marqueurs culturel. Ensuite, l'évocation d'un seul élément
spécifiques (« il était une fois », « en ce
spécifique de la situation permet d'accéder à tout
temps-là », etc.) et les connecteurs de récit
un groupe d'informations contextuelles, liées,
(« pendant ce temps-là », « alors », etc.) sont
des marqueurs efficaces, spécifiant de quel
cohérentes, qui donnent du sens à l'ensemble de la
type de récit il s'agit et dans quel « tiroir » situation évoquée.
du schéma activé il faut placer l'information
ou le paquet d'informations qui suit.
Bien sûr, ces trames se complexifient avec
le temps et sont progressivement diversi-
fiées pour s'adapter à de nombreux types et Exemple
thèmes (tragédie grecque, film policier, récit de La phrase : « Je voulais prendre rendez-
voyage, biographie ou discours politique, etc.). vous chez le dentiste, mais il était en
Les schémas narratifs permettent un « gain » vacances » active normalement chez l'au-
mnésique important lors de l'écoute ou la diteur (ou le lecteur) la référence à toute
lecture de l'histoire et surtout autorisent une une série d'actions qui ont été stockées en
compréhension globale du récit ou du texte mémoire en même temps que la notion de
en assurant une cohésion d'ensemble, une « prendre rendez-vous » : téléphoner, par-
organisation globale de la suite des infor- ler avec une secrétaire, se mettre d'accord
mations partielles qui se succèdent linéaire- sur une date future, puis raccrocher ; mais
ment pour l'auditeur ou le lecteur. cette phrase doit aussi activer deux autres
Lorsque ces schémas ne sont pas inscrits scripts « aller chez le dentiste » et « partir
en MLT (ou seulement partiellement), qu'il en vacances », à savoir, arrêter ponctuelle-
s'agisse d'un enfant encore trop jeune ou ment de travailler, être absent de son lieu
d'un enfant atteint d'un trouble mnésique, de travail durant un temps donné, etc.
seuls des récits, textes ou films très courts Faute de quoi, la phrase précitée n'aurait
sont accessibles : au-delà d'une certaine aucun sens !

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Ces scripts sont donc très importants pour com- L'inscription en MLT des formes orthographiques
prendre un texte, en particulier pour accéder à l'en- correspondant aux différents mots et concepts est
semble des informations qui ne sont pas détaillées indispensable pour produire, de façon automatique,
in extenso, informations souvent dites implicites. des écrits « sans faute ».
→ Évaluation : il n'existe pas d'épreuve ni de Si les systèmes de mémoires permanentes sont
subtest qui évalue la mémorisation des scripts déficitaires et que le lexique orthographique ne peut
ou schémas narratifs. Cependant, le clinicien pas s'inscrire (ou très incomplètement), l'enfant
averti sera sensibilisé à cet aspect, surtout si n'aura aucun moyen de retrouver l'orthographe
l'enfant présente par ailleurs des signes objectifs correcte d'un mot (ou seulement pour les mots très
de déficit mnésique et que les plaintes scolaires fréquents). Il ne pourra alors se fier qu'à ses connais-
concernent la compréhension de textes et de sances générales de la langue, ce qu'il croit être des
scénarios. Le fait que l'enfant lors d'une narra- règles de fréquence ou ce qu'il pense être des règles
tion spontanée, au cours de la restitution d'un motivées (par ex. : on met un /e/ muet pour les noms
conte supposé bien connu (en France : « Le Petit féminins, des mots de la même famille sémantique
Chaperon rouge » ou « Les Trois Petits Cochons »), s'écrivent de la même façon, etc.).
ou lors du rappel libre d'une histoire entendue, ne Mais dans tous les cas :
parvienne à restituer que des éléments de détails
dans le désordre sans tenir compte de la l'arma-
ture narrative ne peut être considéré que comme Exemple
un indice. Les enfants jeunes ont couramment
/copain/ est écrit « copin » parce que « on
tendance à rappeler un événement par le menu dit copine », /cahier/ et /crayon/ sont écrits
sans esprit de synthèse donnant la structure glo- « caillé » et « craillon », parce que « ça va
bale essentielle de l'épisode. Certains tests (CMS, ensemble ».
Histoires), proposent une évaluation normée de la
restitution thématique (et non des détails) de la nar-
ration. Malheureusement, s'il s'agit d'un indicateur,
• les productions erronées de l'enfant respectent
la sensibilité des données normées est ici faible.
la segmentation et la phonologie du mot oral (ce
Acquisition de l'orthographe lexicale qui différencie formellement ce type de dysor-
Il s'agit là d'une mémoire liée au langage écrit, thographie de celles qui sont secondaires à une
qui permet la constitution en MLT d'un lexique dyslexie phonologique ;
orthographique, c'est-à-dire la mémorisation de • on note l'absence (ou l'insuffisance) de progrès
l'orthographe dite « d'usage » en grande partie d'une année sur l'autre, alors que les exigences
arbitraire (alors que l'orthographe grammaticale, croissent d'une classe à l'autre, donnant l'im-
elle, répond à des règles15). pression, en termes de score de performance,
La constitution de ce lexique est sous la dépen- d'une aggravation progressive au fil des ans ;
dance des stratégies de lecture de l'enfant : c'est • cette dysorthographie est isolée, « pure », c'est-
essentiellement la lecture par adressage, qui prend à-dire qu'elle ne succède pas à une dyslexie.
en compte l'ensemble de l'enveloppe visuelle du mot L'enfant ne présente aucune difficulté de lecture
(ce qui suppose également, sur le plan instrumental, (du moins pour les phrases et les textes courts).
que les saccades oculaires soient parfaitement cali- → Évaluation : tous les tests étalonnés évaluant
brées, qui permet la constitution progressive d'un les compétences en orthographe, en fonction du
lexique orthographique, fonction de la fréquence niveau scolaire de l'enfant. Certains tests visent
des mots dans la langue écrite. L'entraînement spécifiquement l'orthographe (par ex. : test de
systématique (apprentissage de listes de mots, dic- niveau d'orthographe, Chronosdictées), d'autres
tées, etc.) contribue également à l'accroissement du constituent des subtests au sein d'épreuves qui éva-
lexique orthographique, tout au long de la scolarité. luent les compétences cognitives dans le domaine
du langage écrit (Odédys-R) ou l'ensemble des
apprentissages scolaires (TAS, ECS III, etc.).
15
Il en est de même pour les mots dérivés d'une base ou
pour les mots construits à partir d'autres : ces dériva- L'apprentissage de l'orthographe commence
tions et ces constructions dépendent de règles et ne en CE1 et se poursuit jusqu'en 3e (ou au-delà !) :
sont pas arbitraires. il est donc important de disposer de tests ortho-
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Chapitre 6. Évaluation des troubles mnésiques

graphiques étalonnés (dictées étalonnées, échelles pour la compréhension, la réflexion et le raison-


de Dubois-Buyse [Pothier, 2003]) pour juger de nement liés au problème lui-même.
l'orthographe d'un enfant et en interpréter les → Évaluation : on trouvera des épreuves éta-
résultats en fonction du niveau scolaire de l'enfant lonnées au sein des batteries spécialisées dans
(et non de son âge réel). l'évaluation du sens des nombres (Tedi-Maths et
Tedi-Maths Grands, Zareki), y compris des normes
Arithmétique et MLT : en termes d'exactitude et de temps de réponse.
Qualitativement, le subtest Arithmétique des
les faits numériques
échelles de Wechsler suppose une connaissance
En numération, certains résultats d'opérations minimale des faits numériques de base, qui pourra
simples et fréquentes doivent être mémorisés tel donner des pistes quant à la qualité des compétences
que, de façon à pouvoir être rappelés rapidement et dans ce domaine. De même, lors de la passation de
directement (sans calculs, comptages ni raisonne- l'UDN-II, des ECPN (groupe CIMETE, 1995)16 ou
ment) : ils pourront alors être utilisés efficacement des tests spécifiques de niveau scolaire en mathéma-
comme résultats intermédiaires dans des calculs, tiques (Numérical, Tédimath), on peut facilement
sans surcharger la mémoire de travail. Ces résul- se rendre compte des stratégies de l'enfant pour les
tats mémorisés sont appelés « faits numériques ». petites opérations : comptage (digital, avec souvent
Il s'agit aussi bien des doubles (2 et 2, 6 et 6, etc., une latence de réponse proportionnelle au temps de
mémorisés précocement, dès le CP) que de savoir comptage ou de surcomptage) ou savoir mémorisé
compter de 2 en 2 ou de 5 en 5, ou des tables d'ad- (généralement, réponse immédiate).
dition ou des compléments à 10 (CE1-CE2), que
des astuces de calcul mental (« pour ajouter 9, on
ajoute 10 et on retire 1 ») que des tables de multiplica- Remarque
tions (dont l'apprentissage s'étale du CE1 au CM2). Aussi bien dans le domaine de l'orthographe d'usage
que de la connaissance des faits numériques, les
signes d'appel sont assez répandus et non spécifiques.
Il s'agit d'un savoir déclaratif (« huit et quatre,
Beaucoup de parents, d'enseignants se plaignent
douze », ce qui implique qu'il s'agit de mots-nombres
de la difficulté des enfants lors d'apprentissage des
directement associés à d'autres mots-nombres),
tables et de l'orthographe déficitaire. Si ces signes ne
savoir qui a alors le même statut en mémoire que
doivent pas être banalisés, ils ne sauraient constituer
l'assertion verbale « les vaches ont des cornes » (il ne
un marqueur en soi de trouble mnésique. Outre la
s'agit pas de logique, ni de calcul ; on n'effectue pas
qualité, l'intensité et la régularité de l'entraînement,
et on ne vérifie pas l'opération « 8 + 4 = 12 »).
d'autres facteurs peuvent être en jeu (fonctions exé-
cutives pour les tables, apprises initialement dans
Mais, malgré des efforts attestés et répétés l'ordre, dysorthographie isolée ou pas…).
(particulièrement repérables par les parents ou
les enseignants lors de l'apprentissage des tables
de multiplication), certains enfants se trouvent en Notions de temps
grande difficulté pour mémoriser les faits numé- Les enfants dont la mémoire à long terme est défi-
riques : les apprentissages antérieurs sont régu- citaire sont dans l'impossibilité de construire les
lièrement oubliés malgré les révisions, ou bien notions de temps, en particulier les plus difficiles
les apprentissages ultérieurs donnent lieu à des (acquises le plus tardivement), comme le calendrier.
confusions et amalgames avec les précédents qui En effet, la notion de temps est indissociable de
se délitent ainsi au fil des nouvelles acquisitions. la capacité de mémoriser :
Cette méconnaissance persistante des faits • des événements successifs ;
numériques est une gêne importante pour tous • les intervalles entre ces événements (qui repré-
les enfants lorsqu'ils doivent effectuer des calculs, sentent des durées) ;
mais aussi lors de la résolution de problèmes : en • et les mots qui désignent ces durées (temps sub-
effet, ces enfants doivent alors investir un coût jectif ou temps social).
cognitif démesuré dans la mise en œuvre des
petits calculs intermédiaires (comptage, stratégies 16
ECPN: épreuve conceptuelle de résolution de pro-
complexes), ce qui leur laisse peu de disponibilité blèmes numériques.
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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

Cet apprentissage est long (débutant vers l'âge Épreuves de mémoire


de 5 ans) et fragile : on voit les repères temporels auditivoverbale
se déliter, ou ne pas se construire, dans un très
grand nombre de pathologies cérébrales (et en Dans les épreuves de MLT où sont présentées
particulier lors des dysphasies). des listes (de mots, de phrases, de dessins, de
L'interrogatoire des parents et des enseignants visages, etc.), longues (plus de 5–7 items, c'est-
montre combien ces enfants peuvent être gênés dans à-dire débordant les capacités de la mémoire de
leur vie quotidienne. En outre, la désorientation travail), l'ordre de restitution des items n'est pas
temporelle peut être source d'une angoisse diffuse. une donnée pertinente : le rappel par le sujet se
Quelques tests permettent d'orienter lors de fait librement (tableau 6.5).
la suspicion de troubles de la cognition tempo- Cependant, on peut noter :
relle. Le subtest Information du WISC propose • l'éventuel regroupement systématique de cer-
plusieurs questions sur les faits temporels. Un tains items, restitués toujours ensemble, dans
­questionnaire publié dans l'ANAE (V. Quartier, un même souffle, sans interruption, comme
2009), normé, peut aussi confirmer l'alerte. Enfin, si l'enfant avait constitué des sous-ensembles
les tests de cognition numérique proposent aussi insécables. Il est alors intéressant de repérer
des tâches temporelles (connaissances tempo- ce qui préside à ces regroupements, car cela
relles, calcul de durée, par ex.). renseigne sur les stratégies mises en œuvre
par l'enfant : liens fonctionnels ou expérien-
tiels, des catégorisations, des assonances
Bilan de mémoire phonologiques ;
Le bilan comprendra deux parties : • si les éléments des deux extrémités de la liste
• un bilan quantitatif, à partir de tests étalon- sont mieux rappelés que les éléments médians
nés, qui permettra d'affirmer une patholo- (ce qui est normalement le cas) : les premiers
gie mnésique et de quantifier l'intensité du éléments (« effet de primauté ») parce qu'ils
déficit (tableau 6.5) ; sont déjà traités en MLT, et les derniers (« effet
• un bilan qualitatif, qui permettra de repérer les de récence ») car ils sont encore en mémoire
stratégies efficaces et les stratégies défaillantes, immédiate (MCT).
de comprendre quels processus sont atteints ou En outre, les réponses peuvent être demandées
préservés et de conduire ainsi un projet théra- en rappel immédiat et/ou en différé, après un
peutique adapté. délai précisé selon chaque test.

Tableau 6.5. Évaluation de la mémoire auditivoverbale.

Tâches Observations
Le rappel d'éléments d'un récit (généralement, un L'effet de longueur est très caractéristique : au-delà
récit lu à l'enfant), soit libre, soit indicé (des questions d'une certaine charge (constante pour un même
orientent le rappel) : MSCA, CMS, NEPSY… enfant), l'enfant perd, confond, transforme ou oublie les
informations données.
La répétition (et/ou la reconnaissance) de phrases
de longueur contrôlée (MSCA, WPPSI, NEPSY…).
L'apprentissage d'une liste de mots isolés (BEM, Il faut noter toutes les réponses de l'enfant car sont
CMS, CVLT, 15 mots de Rey, K-ABC, NEPSY…). signifiants :
L'apprentissage de mots couplés (CMS) : l'enfant doit – le nombre de restitutions à chaque essai et leur
apprendre des mots présentés par paires, les éléments évolution d'un essai à l'autre ;
de la paire étant liés (couples réputés « faciles ») ou non – l'ordre dans lesquels ils sont évoqués : effet de
liés sémantiquement (couples réputés « difficiles », car primauté ? de récence ?
plus arbitraires). Dans un second temps, l'examinateur – les regroupements (sur des bases sémantiques,
produit le premier membre de la paire et l'enfant doit fonctionnelles, phonologiques ?) éventuellement réalisés
évoquer le second membre. par l'enfant ;
– les redites et les intrus éventuels.

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Chapitre 6. Évaluation des troubles mnésiques

Dans ce dernier cas, le délai peut être un plutôt d'une mémoire domaine-dépendante, dont
intervalle libre occupé par une activité à visée les mécanismes ne sont pas nécessairement géné-
distractive (compter à rebours, ou compter de 2 ralisés aux autres types de mémoire. Du reste, il
en 2, etc.) ou au contraire par une activité dite peut aussi exister des pathologies spécifiques et
« interférente » (CMS). Une tâche est dite interfé- parfaitement dissociées de la reconnaissance des
rente si elle mobilise les mêmes processus men- visages (prosopagnosie), à l'exclusion d'un trouble
taux que ceux de la tâche principale, donc si elle mnésique plus général.
entre en concurrence directe avec la tâche initiale.
Ceci permet d'étudier la résistance à l'oubli en
fonction du temps (rappel immédiat vs différé) et À noter
la résistance aux interférences. Toutes ces épreuves requièrent, par construc-
tion, une attention et des compétences visuelles
ou visuospatiales (chap. 4 et chap. 5). Beaucoup
À noter nécessitent également des compétences gra-
Toutes ces épreuves sollicitent obligatoirement et phiques et practospatiales (chap. 4).
simultanément l'ensemble des compétences linguis-
tiques : elles n'ont donc de sens que si l'enfant est
indemne de toute pathologie dysphasique et maî- À la recherche des dissociations
trise bien (ou suffisamment) la langue française. Il s'agit de comprendre quels secteurs mnésiques
sont déficitaires ou préservés, comment l'enfant
les utilise, quelles sont ses éventuelles stratégies
Épreuves de mémoire spontanées de suppléance. La prise en compte des
visuospatiale dissociations dans les performances de l'enfant en
Il peut s'agir des tâches suivantes (tableau 6.6) : fonction des différentes tâches proposées est alors
On restera cependant prudent quant à l'inter- fondamentale, ce qui oblige à proposer un bilan
prétation d'une tâche de Reconnaissance des qui déborde largement les plaintes exprimées (par
visages, quand celle-ci est préservée alors que l'enfant, la famille ou l'enseignant), puisqu'il faut
d'autres épreuves mnésiques sont échouées. En faire aussi la preuve des compétences de l'enfant
effet, la Reconnaissance des visages fait partie dans les domaines apparentés, tant au sein du
d'une expertise spécifique et encapsulée (gyrus secteur mnésique, que linguistique, raisonne-
­
fusiforme) de l'être humain. Il semble qu'il s'agisse mental ou attentionnel.

Tableau 6.6. Évaluation de la mémoire visuospatiale.

Tâches Observations
Reproduction de mémoire L'interprétation de la performance doit tenir compte de la suspicion éventuelle
d'une figure géométrique d'une pathologie dysgraphique, dyspraxie et/ou visuospatiale qui peuvent
complexe (Rey) interférer avec les résultats
Listes de dessins « non – L'épreuve en reconnaissance (24 dessins présentés) nécessite une attention
dénommables » (BEM) soutenue ; la réponse se fait en choix multiple parmi quatre propositions ;
(fonctions exécutives).
– L'épreuve en évocation (rappel de 12 dessins non dénommables) est une
épreuve d'apprentissage, avec trois présentations successives, et rappel
immédiat après chaque présentation ; la présence d'une dysgraphie, si elle est
sévère et quelle qu'en soit la cause peut rendre cette épreuve ininterprétable.
Dispositions de points Il s'agit de mémoire spatiale : l'interprétation de l'épreuve n'a de sens que si
(CMS, K-ABC), d'images sans l'enfant est indemne de troubles visuospatiaux.
signification (NEPSY2), d'éléments
dans une image (CMS)
Liste de visages (CMS, NEPSY) Cette épreuve de mémoire visuelle ne sollicite aucune compétence graphique ni
praxique ni visuospatiale.

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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

Il est également intéressant de savoir : Conclusion


• s'il s'agit de la non-inscription en mémoire de
certains items → dans ce cas, les épreuves seront La plainte mnésique n'est pas souvent le fait de la
échouées de la même façon aussi bien en évo- famille, ni même des enseignants, ou alors dans
cation qu'en reconnaissance ou plutôt d'une des domaines très ponctuels (tables de multipli-
inscription défaillante n'en permettant pas (ou cation, orthographe d'usage) : la conviction est
difficilement) le rappel → on notera alors une dis- forte, dans le public, que l'enfant, en dehors de
sociation entre les épreuves proposées en rappel cas limités aux antécédents de traumatisme crâ-
ou évocation (échouées, déficitaires) et les mêmes nien, ne peut pas souffrir de déficits mnésiques,
éléments proposés en reconnaissance (réussite ou en particulier parce que la mémoire autobio-
score significativement amélioré) (tableau 6.7) ; graphique est préservée, voire très efficace.
• ou bien d'un trouble de la sélection de l'item C'est probablement en rapport avec plusieurs
pertinent → il faut alors envisager qu'il s'agisse croyances apparemment « de bon sens » et très
de la diffusion, dans tous les secteurs mais sur- fortement ancrées :
tout celui de la mémoire, d'une pathologie des • d'une part, l'idée que « puisque l'enfant a
fonctions exécutives (figure 5.3) : trouble de l'at- appris énormément depuis sa naissance, c'est
tention (chap. 7) et de la fixation des éléments, donc qu'il n'a pas de troubles de mémoire » ;
trouble de l'organisation des informations en cette croyance reflète la méconnaissance
mémoire, trouble de la sélectivité du rappel, etc. ; de la modularité du développement et du
• enfin, il faudra rechercher si l'existence des fonctionnement mnésique ; lorsqu'on évoque
troubles, ou leur intensité est fonction d'un type l'éventualité de troubles mnésiques chez l'en-
de matériel (simultané vs séquentiel) ou d'une fant, on ne met absolument pas en doute qu'il
modalité de présentation (auditivoverbale vs n'a cessé de faire des apprentissages (le plus
visuelle), en particulier pour conduire au mieux souvent, en mémoire procédurale) depuis sa
les actions de remédiation. naissance ;

Tableau 6.7. Intérêt diagnostique des dissociations au sein de MLT.

Comparaison 2 à 2 des épreuves MLT Signification diagnostique


Visuospatial OK/auditivoverbal → vérifier mémoire de travail
et compétences linguistiques
→ Dysphasie ?
(→ mauvaise maîtrise de la langue française ?)
→ Déficit mémoire auditivoverbale ?
Visuospatial vs auditivoverbal Visuospatial / auditivoverbal OK
→ Déficit mémoire visuospatiale ?
→ Dyspraxie, troubles visuospatiaux ?
Visuospatial / auditivoverbal
→ Pathologie globale MLT ?
→ Déficience intellectuelle ?
Évocation / reconnaissance
→ Trouble de l'attention ?
→ Pathologie globale MLT ?

Évocation – rappel vs reconnaissance Évocation / reconnaissance OK


(Inscription mnésique correcte, donc attention a priori satisfaisante)
→ Trouble du rappel ou de l'évocation ?
→ Fonctions exécutives ? stratégie d'organisation des données
et de l'indiçage, sélectivité du rappel, etc. ?

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Chapitre 6. Évaluation des troubles mnésiques

• d'autre part, l'idée que la mémorisation n'est que durant un temps limité, afin de permettre leur
le reflet des efforts réalisés ou non par l'enfant ; manipulation mentale et leur traitement, c'est-à-
la constatation que l'enfant, par ailleurs, mémo- dire l'accomplissement de la tâche cognitive en
rise parfaitement bien les événements person- cours : compréhension, planification d'actions, rai-
nels motivants (son anniversaire, telle sortie…) sonnement, résolution de problèmes, etc.
ou des trajets, des histoires, des chansons, etc.,
renforce l'impression que « quand il est motivé,
il retient très bien », et qu'il s'agit donc unique-
ment d'un problème d'implication. Ceci est Exemple
bien sûr partiellement vrai, y compris en ce qui L'écoute et la compréhension d'une
concerne les apprentissages didactiques, mais il phrase, telle que « C'est le père de l'en-
n'en reste pas moins qu'en dépit d'efforts répétés fant qui… », nécessitent (mémoire de tra-
et adaptés, certains enfants souffrent de déficits vail auditivoverbale) :
qu'ils ne peuvent compenser et qui ne touchent � la conservation provisoire d'une partie
du flux phonologique correspondant
pas du tout l'ensemble des processus mnésiques.
aux paroles afférentes, afin d'effectuer
Le bilan mnésique est donc le plus souvent
les opérations de segmentation du
motivé par l'exploration d'un échec scolaire inex- continuum parlé, l'isolement et l'iden-
pliqué, ce qui nécessite une démarche rigoureuse tification des unités-mots, ainsi que la
et sans a priori. récupération de leur signification déjà
Car l'échec scolaire chez un enfant norma- stockée en MLT (réseaux sémantiques,
lement intelligent, sans souci psychoaffectif lexique oral) ;
majeur17, indemne de troubles envahissants du � la conservation provisoire d'une suite
développement, doit être exploré : tenter de com- de quelques mots et des informations
prendre où l'enfant échoue et où il réussit (disso- qui leur sont attachées dans les réseaux
ciations) est la seule voie pour lui proposer des sémantiques (liens sémantiques, élé-
rééducations et des adaptations pédagogiques ments appartenant à des scripts ou
susceptibles de l'aider réellement. schémas à récupérer en MLT, mais
aussi classe grammaticale, construc-
tion grammaticale obligée ou la plus
fréquente) de façon à construire les
Les mémoires transitoires attentes (sémantiques et grammati-
cales) qui permettront de traiter les
Définitions marques morphosyntaxiques au fur et
à mesure de leur arrivée ;
La finalité des mémoires de travail (auditivoverbale � la conservation provisoire des signi-
et visuelle ou visuospatiale) n'est pas la mémorisa- fications au fur et à mesure de leur
tion en elle-même mais la réalisation de l'ensemble constitution ;
des opérations mentales : plus que d'une « mémoire » � et la reprise du cycle précédent (en
au sens propre du terme, il s'agit de maintenir actifs cascade) pour la suite des sons, mots
un nombre déterminé d'éléments sélectionnés, et significations suivants, etc., jusqu'à
la fin du traitement, à savoir l'accès au
sens de la phrase.
17
La naissance d'un puîné, la mort d'un grand-parent,
le divorce des parents, un déménagement, etc., font
partie des épreuves malheureusement banales aux-
quelles tout enfant (tout être humain) doit et sait faire Dans l'exemple ci-dessus, où la signification
face : si ces événements peuvent, bien sûr, rendre est ambiguë, la mémoire de travail doit conserver
compte d'une médiocre disponibilité momentanée suffisamment d'informations pour permettre,
par rapport aux apprentissages, ils ne sauraient, en lors de l'arrivée d'informations ultérieures, une
dehors de troubles psychodynamiques sévères ou
d'un environnement affectif très particulier, être
modification des premières significations anté-
considérés comme « expliquant » a priori un échec rieurement construites, par exemple : « C'est le
scolaire global, intense et prolongé. père de l'enfant qui est dans la poussette ».

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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

Dans la conversation courante, ou dans un


Mémoire de travail et fonctions attentionnelles
discours, les mots et phrases se succèdent et sont et exécutives sont donc étroitement intriquées.
ainsi traités par « paquets d'informations » et cycles
successifs, en commençant par l'analyse senso-
rielle dite aussi « traitements de bas niveaux » (les La mémoire de travail comporte certaines
aspects phonologiques), jusqu'aux traitements de particularités :
plus haut niveau (significations, concepts). • elle ne contient, à un instant donné, qu'un
Seule l'information conceptuelle résultant nombre limité d'items, à savoir 7 +/− 2 éléments
de ces traitements pourra (ou non) être ensuite (chez l'adulte). Mais certains auteurs pensent
conservée dans une mémoire permanente. que, plus qu'une question de nombre, la capacité
Les mêmes processus sont en œuvre lors de de la mémoire de travail dépend de la vitesse de
tâches de compréhension en lecture. traitement des informations et correspondrait à
Depuis Baddeley (1986), on considère classique- ce qui peut être traité en environ 2 s (d'où de
ment que la mémoire de travail est composée de meilleures performances dans les domaines
plusieurs sous-systèmes : où le sujet est expert) ; être expert dans un
• deux systèmes esclaves, dépendants des moda- domaine, c'est disposer en MLT de routines et
lités sensorielles sous lesquelles parviennent les sous-routines adaptées à la tâche, facilement
éléments à traiter, à savoir : accessibles ou déclenchables : leur sélection
• une boucle phonologique, pour stocker les élé- adéquate et leur mise en route sont alors peu
ments langagiers ; les éléments stockés le sont coûteuses, ne requérant que peu de contrôle,
sous leur forme phonologique (codage phoné- c'est-à-dire peu (ou pas) d'intervention de
tique, automatique si le matériel est oral, ou l'administrateur central. Les traitements se font
recodage phonétique si le matériel est visuel alors de façon automatique ou quasi automa-
mais verbalisable, par ex. lors de la lecture). La tiques, et sont beaucoup plus rapides, dégageant
répétition mentale (ou « boucle articulatoire »), ainsi des ressources pour d'autres tâches.
effective ou implicite, serait le processus per- • elle traite la forme de surface des éléments
mettant le maintien temporaire en mémoire (par ex., la forme phonologique pour le langage
des informations. Toutes les tâches qui gênent oral) ;
cette répétition mentale altèrent la mémoire de • les informations sont inscrites et récupérées
travail phonologique : cette dernière est donc en MT sous forme séquentielle : ainsi, l'ordre
particulièrement sensible à toute interférence ; sériel dans lequel les informations sont délivrées
• un calepin visuospatial, pour stocker les élé- est, en mémoire de travail, un élément indisso-
ments non verbalisables ; ciable de la nature même de ces informations.
• un système de gestion et de contrôle des opérations En fait, MLT et mémoire à court terme (dont la
de traitement, dit « administrateur central » (ou, mémoire de travail n'est qu'une particularité) dif-
pour d'autres auteurs, avec une connotation très fèrent sur de nombreux points (tableau 6.8).
proche, « superviseur attentionnel » (chap. 7), qui Pour certains, la mémoire de travail constitue
sélectionne les éléments à garder actifs, répartit bien un « module » cognitif en soi, alimenté à la
les tâches, planifie les stratégies et alloue les res- fois par les éléments de la tâche en cours et par
sources cognitives nécessaires à la conduite de des éléments pertinents extraits de la mémoire à
telle(s) ou telle(s) tâche(s) cognitive(s) (figure 6.6). long terme.

Administrateur central Contrôle des traitements

Stockage
Boucle phonologique Calepin visuo-spatial

Figure 6.6. La structure de la mémoire de travail.

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Tableau 6.8. Différences entre MLT et MCT/MT.

MLT MCT – MT
Nombre des informations Illimité Limité et faible : 7 +/– 2
Durée de stockage Illimitée Environ 2 s
Traitement des informations Sur le fond (sens, concept) Sur la forme de surface
Modalité de maintien des Utilisations, réactivations, mises en Répétition
informations relations (liens)
Récupération des informations Sélective (en fonction de l'indiçage) Séquentielle (ordre+++)
Rôle par rapport aux fonctions – Construction et récupération du Compréhension discours et textes
linguistiques lexique (réseaux sémantiques) en temps réel
– Construction et récupération des
récits scripts et schémas

Pour d'autres, il ne s'agit que de la partie actuel- La répétition d'une série de chiffres à l'endroit,
lement activée de la mémoire à long terme, partie immédiatement après qu'ils ont été énoncés par
en lien avec les traitements nécessités par la tâche l'examinateur, reflète surtout les capacités atten-
en cours. tionnelles de l'enfant ; la répétition des chiffres à
Quoi qu'il en soit, dans toute tâche de mémoire l'envers, qui réclame un « travail » sur le maté-
de travail, il est nécessaire de récupérer des élé- riel fourni, est plus un reflet de la capacité de la
ments en MLT, ne serait-ce que pour identifier les mémoire de travail.
items de la tâche en cours (par ex., signification
des mots lors de l'écoute de la parole) et en récu-
pérer le sens. À noter
Certains enfants qui souffrent de troubles
Le développement visuospatiaux peuvent être en difficulté dans
cette épreuve pour des raisons visuospatiales (et
de la mémoire de travail non en raison d'un déficit en mémoire de tra-
Le développement des capacités en mémoire de vail) : en effet, la plupart des sujets, pour effectuer
travail, l'évolution génétique des performances le travail demandé (dire les chiffres à rebours)
des enfants peut donc se comprendre : visualisent mentalement les chiffres et les relisent
• soit comme la maturation d'un « module » « à l'envers », ce qui suppose une bonne auto-
(réseau) spécifique dédié à la mémoire de matisation des orientations droite → gauche et
travail ; gauche → droite. C'est pourquoi d'autres épreuves
(en particulier le subtest Séquence Lettres-
• soit comme le reflet d'un accroissement de la
Chiffres du WISC4) peuvent être très utiles.
vitesse de traitement des informations (sen-
sorielles, langagières, etc.), conséquence d'un
meilleur niveau d'expertise de l'enfant dans de Les symptômes qui motivent
nombreux domaine au fil du temps.
l'examen de MT
Quoi qu'il en soit, les performances évo-
luent en fonction de l'âge de l'enfant, ce qui Les mémoires de travail interviennent dans
implique d'utiliser des tests étalonnés pour toutes les tâches cognitives : certains en font
pouvoir juger de la normalité ou non de la même (avec la vitesse de traitement des infor-
mémoire de travail de l'enfant. Pratiquement mations) le véritable marqueur de l'efficience
toutes les batteries composites d'évaluation intellectuelle.
intellectuelle (échelles de Wechsler, K-ABC, Pourtant, c'est essentiellement dans les tâches
CMS, MSCA, etc.) proposent une épreuve de linguistiques qu'ont été individualisées des patho-
répétition de chiffres (dite empan de chiffres logies directement corrélées avec un déficit en
ou digit span). mémoire de travail auditivoverbale.

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dans la langue (« naison » construit comme « maison »


Doivent systématiquement conduire à évaluer la
mémoire de travail : ou « raison ») et on appelle logatomes des mots sans
• les retards de langage, la suspicion ou le dia- relation avec un mot de la langue (« sirvalu », « glado »).
gnostic de dysphasie, les troubles de compréhen- Doivent être contrôlés trois sortes de variables :
sion orale ; la longueur des mots, le degré de familiarité et
• les difficultés d'accès à la lecture, les troubles d'éventuels effets de similarité phonologique.
de compréhension du langage écrit
• l'incapacité à réaliser du calcul mental. Longueur des mots
Plus les mots sont longs (en nombre de syllabes), plus
leur maintien en mémoire transitoire est difficile.
Les épreuves évaluant Les capacités en mémoire de travail étant limitées
la mémoire de travail (tableau 6.8), la taille des listes ou la longueur des
éléments ont un rôle déterminant dans les perfor-
Épreuves « mémoire à court mances de l'enfant, qu'il s'agisse de la répétition de
terme » vs « mémoire de travail » phrases (phrases étalonnées en longueur dans toutes
Les épreuves MCT sont toutes celles où il faut les batteries de langage), de répétition de logatomes
répéter (ou reproduire) telle quelle une liste courte, (qui doivent donc être contrôlés en nombre de syl-
de 1 à 9 éléments (mots, phrases, chiffres, dessins, labes), de répétition ou de compréhension d'énoncés.
emplacements ou patterns, sons ou rythmes, etc.), C'est pourquoi, lorsque l'enfant ne comprend
en respectant l'ordre de présentation. Le résultat pas (la consigne, la phrase, etc.), ce peut quel-
obtenu, en nombre d'éléments restitués constitue quefois être la longueur de la phrase qui en rend
l'empan mnésique (ou span). son traitement difficile pour des enfants dont la
Les épreuves de MT sont également constituées boucle phonologique associée à la MT est très défi-
de listes (de chiffres, de mots, de dessins, etc.), pré- citaire. Lors de certaines épreuves de compréhen-
sentées séquentiellement, mais le sujet doit effectuer sion de phrases (par ex., O52, l'ECOSSE, subtest
un travail (une transformation) avant restitution. Compréhension de consignes de la NEPSY, etc.), il
Le plus souvent, la tâche à effectuer est de resti- est important de pouvoir différencier ce qui, dans
tuer le matériel à rebours : la répétition de chiffres à les difficultés de l'enfant, relève d'un traitement
l'envers est le prototype de cette épreuve et fait partie défaillant de la syntaxe proprement dite, ou d'une
de presque toutes les batteries de tests composites. mémoire de travail qui n'autorise pas la conserva-
Notons l'intérêt de l'épreuve Séquence Lettres- tion et le traitement d'un nombre suffisant d'élé-
Chiffres du WISC4, très originale : une suite de ment pour analyser l'ensemble de la phrase.
lettres et de chiffres mêlés est donnée oralement L'épreuve d'empan de mots de la batterie
à l'enfant, qui doit restituer les divers éléments mémoire de travail, D'Alboy est bien contrôlé en
après les avoir triés (les chiffres d'un côté, les longueur de mots et permet de contraster la per-
lettres de l'autre) et classés dans l'ordre alpha- formance lorsque la boucle articulatoire est inhi-
bétique pour les lettres, dans l'ordre numérique bée (par la répétition simultanée à mi-voix par
pour les nombres. Il faut donc bien effectuer un l'enfant d'une série de chiffres (1-2-3-1-2-3-…).
travail (de tri et de classement) sur un matériel Degré de familiarité
sériel. Par ailleurs, cette épreuve (contrairement à Les mots dont le sens est inconnu de l'enfant (ou
la répétition de chiffres à rebours) n'a pas de com- difficile à récupérer en MLT) fonctionnent pour
posante spatiale. lui comme des pseudo-mots ou des suites pho-
nologiques : chaque syllabe nécessite alors un
Explorer la boucle phonologique stockage propre et compte donc pour un élément
Il s'agit habituellement d'épreuves de répétition en MT (par ex. l'épreuve de répétition de mots
de mots, pseudo-mots ou logatomes (par ex. : peu fréquents de la NEEL).
Répétition de pseudo-mots de la NEPSY), mais Au contraire, quand le mot est connu de l'en-
aussi de suite de mots. fant, le stockage en MT ne réclame qu'un seul
On appelle généralement pseudo-mots des non- élément par mot (sa signification), quelle que soit
mots construits par analogie avec des mots existant sa longueur.

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Chapitre 6. Évaluation des troubles mnésiques

La fréquence des mots dans la langue ainsi que retrouver sur une grille vierge les cases noircies,
leur connaissance ou non de la part de l'enfant ou repérer les omissions.
doivent donc être contrôlées préalablement. • Mémorisation de suite de mouvements de mains
(K-ABC). Cependant, il est possible de s'aider
Effets de similarité phonologique de repères verbaux décrivant la position de la
Les rimes ou assonances entre items de la liste main, et certains enfants y ont manifestement
provoquent normalement des confusions phonolo- recours. Cette suite séquentielle sollicite beau-
giques (en raison de la répétition mentale nécessaire coup les fonctions exécutives.
au maintien en mémoire). On les observe en particu-
lier dans les tâches de mémoire immédiate (CVLT,
mémoire immédiate liste A : casse-tête/casquette ; À noter
ou dans l'épreuve Séquence Lettres-Chiffres (1-A)). Toutes ces épreuves, par construction, néces-
Il n'est donc pas indifférent de proposer une sitent attention visuelle (chap. 7) et compétences
liste de mots proches phonologiquement (par ex. : visuospatiales : des troubles dans ces domaines
« poule, moule, roule, boule, etc. ») ou non, afin (chap. 4 et 5) interfèrent avec ces épreuves dans
de contraster la sensibilité de l'enfant à cet effet. leur signification mnésique.
On peut utiliser les listes étalonnées par de
Agostini et coll. (1996) (mots familiers et non fami-
liers). D'autres épreuves, auditives et non verbales, Explorer l'administrateur central
telles les reproductions de rythmes (Épreuves de Running tasks
rythme de Mira Stamback), permettent de compa-
rer les performances en MT selon que le matériel Il s'agit de tâches nécessitant la réactualisation
est phonologique ou non. permanente de la liste en cours : pour ce faire,
on propose des listes (de chiffres, de syllabes, de
lettres, de mots), dont la taille n'est pas précisée à
Explorer le calepin visuospatial l'avance et on demande la restitution d'un nombre
On utilise un matériel visuel, qui doit idéalement déterminé des derniers items.
être séquentiel et non dénommable (pour écar- Ces épreuves ne sont pas étalonnées chez l'en-
ter toute possibilité de traitement via la boucle fant. Il peut cependant être intéressant de compa-
phonologique). rer le nombre d'items que l'enfant peut restituer
• Les Cubes de Corsi (Orsini) ou les Carrés de la dans ces conditions (qui évaluent les capacités de
BEM144 : on désigne successivement à l'enfant 2 gestion de la liste en cours) à l'empan qu'il obtient
à 9 cubes (ou carrés), et l'enfant doit montrer les avec le même matériel mais dans des conditions
mêmes éléments, dans le même ordre. « classiques » — stockage — (tableau 6.9).

À noter
Certains enfants (et adultes !) s'aident de la ver- Exemple
balisation pour mémoriser l'ordre des cubes à (matériel = chiffres) :
désigner : « près du bord, au milieu un peu vers
le bas, etc. », il ne s'agit plus alors d'une épreuve � empan classique : on lit à l'enfant une
visuelle. D'autres mémorisent le point de départ liste de 2, 3, 4, 5 ou 6 chiffres et l'en-
fant doit restituer l'entièreté de la liste,
puis l'allure générale du trajet : il n'est alors plus
en respectant l'ordre de présentation :
certain qu'il s'agisse d'une épreuve séquentielle.
6 – 2 – 5 – 1 – 4 → « 6, 2, 5, 1, 4 » ;
� Running task : on lit à l'enfant une liste,
• Mémorisation de points, de patterns ou de sans l'informer de la taille de la liste et
positions de dessins (Della Sala et coll., 1997 ; en lui demandant de répéter les 3 (les
localisation de points de la CMS ; Mémoire spa- 2, les 4, etc.) derniers chiffres pronon-
tiale du K-ABC, Patterns visuels, D'Alboy) : on cés : 5 – 3 – 8 – 2 – 6 – 1 – 9 – 2 –
présente quelques secondes à l'enfant une grille 4 → « 9, 2, 4 ».
dont certaines cases sont noircies. Il faut soit

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Tableau 6.9. Épreuves pour l'exploration des mémoires transitoires.

Épreuves mémoires transitoires MCT MT


MT auditivoverbale : Listes Restitution – Restitution en ordre inverse
– Chiffres Longueur et fréquence immédiate, – Ajout ou retrait d'un élément
– Mots et non-mots contrôlées (WISC4) idem à chaque élément de la liste, ou à
– Syllabes présentation (ordre) intercaler entre chaque élément
(Mira Stamback)
– Lettres – Remise en ordre de chiffres et
– Séquence lettres-chiffres de lettres.
– Suites de sons, rythmes + toutes les épreuves de
métaphonologie
MT visuospatiale Restitution – Restitution, emplacements ou
– Emplacements ou trajets entre cubes, cases, etc. (BEM, immédiate, trajets à l'envers
Corsi) idem – Rotation mentale ou translation
– Listes de dessins non dénommables (BEM) présentation (ordre) de chacun des éléments initiaux
– Grilles dont certaines cases comportent des points ou
sont grisées, colorées, marquées de points ou
dessins, etc. (K-ABC, CMS…)
– Suites de mouvements de mains (K-ABC)
Administrateur central – Running Tasks : suites de chiffres (de lettres, de mots, de phrases, etc.
lus ou entendus) dont la taille n'est pas précisée à l'avance : le sujet doit donc garder en
mémoire un nombre convenu d'items en faisant en permanence « glisser » (réactualiser)
la liste qu'il conserve en MT
– Doubles tâches : performances à comparer avec celles obtenues en tâche unique
+ toutes les épreuves utilisées pour explorer les fonctions attentionnelles et exécutives

On peut en rapprocher les empans dits Reading routinières, nécessitant peu de contrôle (faible
Span Test (Desmett et coll., 1995) : l'enfant doit écou- « charge mentale ») requièrent peu de ressources
ter (ou lire) et comprendre des phrases courtes (on cognitives. À l'inverse, lorsqu'un apprentissage est
s'assure de cet aspect en demandant à l'enfant de dire en cours, que le sujet est novice par rapport à la
si l'assertion proposée est vraie ou fausse), puis il doit tâche proposée, il doit alors mobiliser l'ensemble
restituer le dernier mot de 2, 3 ou 4 phrases. Cette de ses ressources cognitives sur les éléments
épreuve est présente au sein de la batterie mémoire propres à permettre la réalisation de la tâche, la
de travail, D'Alboy18, avec suppression (éventuelle- résolution du problème, etc.
ment) partielle de la boucle phonologique du fait de Lorsque plusieurs tâches doivent être accom-
l'existence d'une contrainte de décision syntaxique. plies simultanément, ce qui est très fréquent dans
la vie courante (par ex. : écrire sous la dictée et
Doubles tâches contrôler l'orthographe) :
Lorsque plusieurs tâches cognitives doivent être • soit les deux tâches sont automatisées et elles
menées simultanément, le rôle de l'administra- sont facilement menées de front, car chacune
teur central consiste à répartir des ressources mobilise très peu de ressources cognitives et
attentionnelles entre les différentes tâches pour il reste encore des ressources disponibles pour
en permettre la réalisation simultanée (gestion ou conduire d'autres tâches (réflexion, compré-
allocation de ressources). hension, inférences, etc.) ;
En effet, les ressources cognitives d'un sujet ne • soit l'une des tâches (par ex., écoute des explica-
sont pas extensibles : elles sont souvent comparées tions de l'enseignant) nécessite la mobilisation
à un « réservoir » de taille fixe pour un sujet donné de fortes ressources cognitives et, pour que
(et à un âge donné). Les tâches automatisées, les deux tâches soient exécutées correctement,
l'autre tâche (le graphisme manuel) doit alors
18
Cf. note n° 8. être automatisée ;

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Chapitre 6. Évaluation des troubles mnésiques

• soit aucune des deux tâches n'est automatisée, de la MCT est moins pertinente, on penchera en
et soit l'une, soit l'autre, soit les deux tâches se effet plutôt pour un trouble attentionnel.
détérioreront. Le sujet peut décider (adminis- • De même, lors de la passation de l'épreuve d'em-
trateur central) d'en mener une à bien (par ex. : pan envers, les erreurs guident le diagnostic :
l'enfant « s'applique » au dessin des lettres), qui, – aucune réussite, incompréhension de la tâche
mobilisant alors la quasi-totalité des ressources (facteur G ? entraîner l'enfant au-delà du pla-
cognitives de l'enfant, ne lui laissera que peu (ou fond pour confirmer que rien n'y fait),
pas du tout) de disponibilité pour la seconde – poursuite des réponses à l'endroit (persévéra-
tâche (écoute de l'enseignant). tions, trouble exécutif),
Il peut aussi chercher à répartir ses ressources – réponses à l'envers mais désordonnées (diffi-
cognitives sur les deux tâches (tâches concurrentes culté exécutive?).
ou interférentes), qui seront alors toutes deux • L'échec concordant dans les deux épreuves,
affectées par le partage attentionnel, c'est-à-dire MCT et MT, peut faire poser la question
que les performances de l'enfant seront moindres des mémoires de travail ou des systèmes
que lorsque chacune des tâches est effectuée sépa- ­attentionnels. On n'en restera bien sûr pas là,
rément (l'enfant écrit plus mal quand il cherche en et on explorera alors de manière plus approfon-
même temps à écouter l'instituteur ; il comprend die les compétences attentionnelles, avec des
moins bien ce qui est dit que lorsqu'il n'a pas à épreuves élaborées dans ce sens.
écrire en même temps qu'il écoute). Enfin, il faut comparer les performances
de l'enfant selon qu'il s'agit de matériel audi-
tivoverbal ou visuospatial, à la recherche de
Quand les traitements de bas niveaux (par ex.,
graphisme manuel chez le scripteur débutant
dissociations (tableau 6.10).
ou l'enfant dyspraxique, conversion graphopho-
nologique chez le lecteur débutant ou l'enfant Mémoire de travail
dyslexique, etc.) accaparent des ressources trop et le langage oral
importantes (c'est-à-dire qu'elles ne sont pas
suffisamment ou totalement automatisées), La mémoire de travail auditivoverbale joue un
cela conduit à des difficultés pour mener à bien rôle primordial dans les acquisitions lexicales, la
d'autres traitements : l'enfant ne dispose plus constitution initiale des réseaux sémantiques et la
des ressources suffisantes pour traiter les infor- compréhension de phrases.
mations et coordonner les différentes tâches
cognitives.
Acquisitions lexicales
Les travaux de Gathercole (1990) et Baddeley
À la recherche des dissociations (1998) ont montré une corrélation entre la capa-
Le seul matériel pour lequel on dispose chez l'en- cité de répétition de non-mots (reflet des capacités
fant d'un étalonnage à la fois en MCT et en MT, ce de la mémoire de travail phonologique) et le score
sont les chiffres (répétition de chiffres à l'endroit obtenu à des épreuves de vocabulaire : une estima-
et à l'envers : épreuves canoniques). Or il est très tion de la MCT d'enfants âgés de 4 ans (épreuve de
important de comparer les performances de l'enfant Répétition de pseudo-mots) est un excellent pré-
dans chacune de ces conditions : dicteur du niveau de vocabulaire entre 4 et 5 ans.
• En particulier, la réussite (absolue ou relative) Depuis, de nombreux auteurs ont confirmé cette
aux épreuves de MCT, contrastant avec un échec relation entre mémoire de travail phonologique et
sévère aux épreuves de MT, atteste de bonnes niveau de performance lexicale, qu'il s'agisse de la
capacités attentionnelles de l'enfant et d'un défi- langue maternelle ou des capacités d'apprentis-
cit « spécifique » en MT ; l'observation des types sage d'une langue étrangère.
d'erreurs est très instructive : en épreuve d'em- La capacité à apprendre des mots nouveaux
pan endroit, si l'enfant échoue systématiquement (mots à la signification inconnue ou incertaine
à partir d'un nombre donné d'items, le plafond pour l'enfant) est en effet très liée à la capa-
est clairement atteint. Cependant, si les succès cité à constituer en mémoire de travail des
alternent avec les échecs, l'hypothèse d'un trouble ­représentations phonologiques correctes.

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Tableau 6.10. Signification des dissociations MCT/MT.

MCT MT Signification diagnostique


Auditivoverbal OK Attention potentiellement préservée
Visuospatial OK OK Problème spécifique MT verbale :
→ dysphasie ?
→ dyslexie ?
Auditivoverbal Attention Auditivoverbale ? facteur G ?
Visuospatial OK OK Problème spécifique MT verbale :
→ dysphasie ?
→ dyslexie ?
Auditivoverbal variable Trouble attentionnel ?
Visuospatial variable Fonctions exécutives ?

Auditivoverbal OK OK – Trouble attention visuelle ?


Visuospatial variable – DVS ?

Certains « retards de parole/langage » pour- un déficit marqué de la MT phonologique


raient ainsi résulter d'une mémoire de travail pho- (auditivoverbale). Il est difficile de savoir s'il
nologique déficitaire, ce qui rendrait bien compte : s'agit d'une cause, d'une conséquence ou d'une
• de l'association habituelle d'un faible niveau de corrélation19 (figure 6-2).
vocabulaire avec des simplifications et élisions Ce déficit en MT auditivoverbale rend bien
phonologiques, l'impossibilité de répéter des compte des difficultés constantes de ces enfants
mots ou des phrases en fonction de leur longueur ; pour accéder à la lecture par les voies de conver-
• des difficultés ultérieures de ces enfants lors de sion graphophonologique, très coûteuses en MT.
l'apprentissage de la lecture.
Mémoire de travail et langage écrit
Compréhension de phrases
Le rôle de la mémoire de travail est de stocker les Apprentissage de la lecture
informations entrantes (phonologiques) au fur et Dans les langues alphabétiques, l'écrit repose
à mesure qu'elles sont délivrées, afin de permettre essentiellement sur un codage des éléments pho-
la construction de significations locales, la résolu- nologiques de la langue. Apprendre à lire et à
tion des problèmes de référence (pronoms, etc.), le écrire suppose donc de pouvoir repérer et iden-
traitement des liens entre les mots (morphosyn- tifier les segments sonores pertinents, connaître
taxe), les relations d'ordre et d'emboîtement des et appliquer les règles de conversion graphèmes-
propositions, etc. phonèmes, bref appliquer aux sons de la langue
Les difficultés de compréhension orale peuvent des traitements adéquats, habituellement désignés
être secondaires à des difficultés de stockage et/ sous le terme « d'habiletés métaphonologiques »
ou de gestion en MT (longueur, complexité syn- (ou « conscience phonologique »). Ces habiletés
taxique). Ainsi, le subtest Compréhension de sont explorées dans quasiment toutes les batteries
consignes de la NEPSY, qui réclame de prendre qui explorent le langage écrit (L2MA, Odédys),
en compte un nombre croissant d'éléments arbi- mais aussi, quoique de manière moins pertinente,
traires, sollicite essentiellement la MT. dans la NEPSY (Processus phonologiques).
Ces traitements requièrent tous de grandes
Mémoire de travail et dysphasies capacités en MT auditivoverbale.
Il est constant de constater, au décours de
toutes les formes cliniques de dysphasies (sauf 19
En effet, c'est souvent l'ensemble des traitements
peut-être le manque du mot isolé ou anomie) séquentiels qui sont défaillants.

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• Décider si deux mots entendus riment suppose chaque syllabe qui doit être conservée en MT
de stocker les deux mots en MT le temps néces- pour permettre la récapitulation (subvocalisation,
saire pour : accès au lexique auditif).
– segmenter les mots entendus, afin de repérer Au contraire, il s'agit d'activités peu coûteuses
la finale ; (car automatisées) pour un lecteur/scripteur
– garder en MT les finales (et seulement les expert, l'essentiel des ressources cognitives pou-
finales) des deux mots ; vant alors être consacrées à la compréhension,
– les comparer et juger de leur similarité. au raisonnement, à l'établissement de liens
• Les exercices de suppression du premier pho- sémantiques, etc.
nème impliquent :
– de segmenter le mot entendu au niveau du Compréhension de textes
phonème (ou au moins isoler la première syl-
La compréhension d'un texte nécessite la coor-
labe du mot, puis la segmenter en phonèmes)
dination de traitements simultanés à deux
et identifier le premier phonème ;
niveaux :
– de maintenir en MT ce premier phonème et le
• celui de la « microstructure », où il s'agit de
mot prononcé par l'examinateur ;
construire la cohérence locale (lexicale, mor-
– d'évoquer les phonèmes restants.
phosyntaxique, sémantique), au niveau de la
• Repérer le son commun à plusieurs mots pluri-
phrase. La longueur et la construction syn-
syllabiques demande :
taxique de la phrase conditionnent l'impor-
– de conserver en MT les mots durant toute la
tance de la charge en MT ;
durée des traitements nécessaires. Certains
• celui de la « macrostructure », où il s'agit de
mots peu fréquents peuvent être traités par
construire les représentations globales de la
l'enfant comme des logatomes ; ils ne per-
signification du texte. La MT doit à la fois stoc-
mettent pas de récupération du sens en MLT
ker les résultats intermédiaires des significa-
et obligent alors à un stockage phonologique
tions en cours d'élaboration (pour en permettre
en MT, ce qui alourdit encore les traitements
ensuite l'intégration sémantique, conceptuelle)
en MT nécessités par la tâche elle-même ;
et rechercher en MLT les connaissances déjà
– de segmenter chaque mot en syllabes (règles
stockées en relation avec le texte, les scripts ou
de segmentation à récupérer en MLT) ;
schémas adéquats.
– de conserver en MT chaque syllabe isolée ;
Ces éléments peuvent être contrastés indirec-
– de les comparer une à une à chacune des
tement et de manière prudente en demandant
autres, ce qui réclame une stratégie de com-
à l'enfant de lire et interpréter des phrases indé-
paraison terme à terme. C'est souvent à ce
pendantes (plus faiblement coûteux en mémoire
stade que des éléments sont perdus et que
de travail) et de lire et interpréter des textes longs,
la MT de l'enfant se trouve débordée par le
de plusieurs phrases (par ex. par l'intermédiaire de
nombre d'éléments qu'il faut conserver et
la tâche Compréhension de lecture de la WIAT220
manipuler.
(Pearson, 2005). Une meilleure réussite à la com-
Évidemment, on allège beaucoup la tâche en
préhension de phrase peut engager à faire l'hypo-
mémoire de travail en proposant de ne compa-
thèse d'un facteur en mémoire de travail.
rer que deux mots, ou en ne proposant que des
Bien entendu, cependant, le lien de cause à effet
mots fréquents (plus faciles à mémoriser, car leur
peut être inverse : la mauvaise automatisation de
signification est aisément récupérable au sein des
la lecture chez l'enfant peut impliquer un débor-
réseaux sémantiques), etc.
dement en mémoire de travail (par ailleurs pré-
Lors de la lecture par voie indirecte (décodage)
servée), du fait d'un effet de double tâche (lire et
et lors de la production d'écrits (encodage), le coût
comprendre).
cognitif, pour les débutants, est très important,
nécessitant souvent l'allocation de la totalité des
ressources disponibles : récupération en MLT des 20
Test de rendement individuel de Wechsler (2e éd.),
règles de segmentation, des règles de conversion version pour francophones (WIAT-II CDN-F), 2005,
graphophonologiques, puis subvocalisation de D. Wechsler.

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Mémoire de travail et calcul, mesure de l'apport par l'examinateur des don-


résolution de problèmes nées. Le coût en MT en est alors sérieusement
allégé. Pour l'enfant jeune, un bon score peut donc
Nous avons déjà évoqué les liens entre connais- être trompeur et ne pas représenter l'ensemble des
sance des faits numériques en mémoire décla- compétences en mémoire de travail.
rative et la possibilité de dégager des ressources Si elle est échouée, les hypothèses sont multiples.
suffisantes pour la compréhension et la résolution Outre un trouble de la compréhension orale ou des
du problème. La mémoire de travail, par l'inter- manipulations numériques, un trouble attention-
médiaire de la boucle phonologique, intervient nel ou en MT est à rechercher. C'est particulière-
dans la constitution initiale de ces savoirs en ment le cas si l'enfant fait répéter une fois (admis
calcul mental (savoirs ensuite stockés en MLT). par le protocole, et permettant donc d'observer si
Par ailleurs, la MT doit permettre la ges- une telle répétition apporte une aide) ou plusieurs
tion des informations nouvelles et des calculs fois, pour un item ou pour la plupart, etc.
intermédiaires.
En ce qui concerne la résolution de problèmes,
l'intrication MT et stratégie/inhibition (fonctions
Les liens entre MT et MLT
exécutives) est complète. Le rôle spécifique de la La MT est sans cesse alimentée à la fois par les
mémoire de travail consisterait à gérer la succes- informations séquentielles entrantes et par des
sion des étapes raisonnementales (Barrouillet, éléments qui leur sont liés et sont extraits de
1996) : plus il y a d'étapes (inférences, déductions, la MLT. L'expertise, dans un domaine donné, faci-
calculs intermédiaires), plus la charge en MT est lite la récupération des informations adéquates
importante. en MLT (épisodiques et/ou procédurales), et ce,
D'une façon générale, lors de la résolution de pour un coût cognitif minimal. Ainsi, la MLT ali-
problèmes, il est très important que les opéra- mente en partie la MT.
tions mentales de bas niveaux (calculs mentaux, Mais, inversement, la MT contribue aussi aux
récupération en MLT de règles, prémisses ou acquisitions en MLT : c'est le cas pour la construc-
faits numériques) n'occupent pas toute la place tion des réseaux sémantiques, du lexique, des
en MT. faits numériques, mais aussi pour l'ensemble des
Il nous paraît donc important, même si les édi- connaissances sémantiques et encyclopédiques.
teurs l'ont classée « épreuve facultative » dans la C'est pourquoi certains en ont fait la fonction
4e édition des échelles de Wechsler, d'administrer centrale, déterminante, en ce qui concerne les
systématiquement l'épreuve dite Arithmétique du apprentissages, voire même le « marqueur » des
WISC. En effet, tâche multifactorielle, elle permet, capacités intellectuelles du sujet. En fait, s'il est
lorsqu'elle est contrastée avec d'autres épreuves patent que performances en MT, capacités d'ap-
cognitives d'analyser, non seulement les capacités prentissage et réussite scolaires sont corrélées, on
de raisonnement numérique, mais aussi : peut se demander si les capacités en MT en sont la
• la mémoire de travail dans une tâche nettement cause ou la conséquence.
plus écologique que toutes les tâches d'analyse Quoi qu'il en soit, capacités en MLT et capacités
de la boucle phonologique et de l'administra- en MT sont étroitement liées dans le fonctionne-
teur central ; ment mnésique normal, et constituent un élément
• la compréhension d'énoncés de plus en plus déterminant des potentialités d'apprentissage de
longs et complexes, et l'interprétation du voca- l'enfant.
bulaire numérique (double, moitié…) ; En pathologie cependant, on peut observer
• les stratégies de calcul (automatisées, digitales, des déficits sélectifs de tel ou tel secteur mné-
par subvocalisation…). sique : au-delà des épreuves canoniques de
On pourrait dire que si la tâche est réussie, mémoire MCT et MT, il faudra donc pouvoir
les traitements sous-jacents sont bien préservés. conduire un bilan différentiel, en proposant
Cependant, certains enfants mettant en place des des épreuves bien ciblées et opposées deux à
stratégies particulièrement adaptées et, anticipant deux, au minimum MLT versus MT, matériel
correctement l'intention des petits problèmes auditivoverbal versus matériel visuospatial
proposés, parviennent à les résoudre au fur et à (tableau 6.11) ; il ne faut pas, lors de ce bilan,
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Chapitre 6. Évaluation des troubles mnésiques

Tableau 6.11. Tâches mnésiques : tableau récapitulatif.

Type d'épreuve Test Secteur mnésique Autres domaines cognitifs


(suggestions) exploré sollicités

Rappel de récit – BEM144 – MLT auditivoverbale – Attention auditive


– MSCA – MT auditivoverbale – Bonne maîtrise
– CMS de la langue
– BEPL, – Compétences linguistiques
– NEPSY (mémoire – Fonctions exécutives
narrative), etc. (fonctions du récit)
Répétition de phrases – BEPL – MLT auditivoverbale – Attention auditive
– NEEL – MT auditivoverbale – Bonne maîtrise
– MSCA de la langue
– WPPSI – Compétences linguistiques
– NEPSY et importance de la
compréhension
de phrases
Liste de mots – BEM144 – MLT auditivoverbale, – Attention auditive
– CMS apprentissage – Bonne maîtrise
– CVLT – MT auditivoverbale de la langue
– NEPSY – Compétences linguistiques
et importance de la
familiarité, ou non, des mots
à rappeler : importance du
niveau lexical
– Fonctions exécutives
Liste de chiffres WISC, MSCA, K-ABC, MT auditivoverbale – Attention auditive
CMS, etc. – Fonctions exécutives
Suites de rythmes – Mira Stamback (ECPA) MT auditive, non – Attention auditive
– NEEL verbale – Fonctions exécutives

Liste de dessins BEM144 MLT visuospatiale, Attention visuelle


apprentissage
Liste de visages – CMS MLT visuospatiale (non – Attention visuelle
– NEPSY verbalisable) – Gnosies des visages
Suites de mouvements de – K-ABC MT visuelle (non spatiale) – Attention visuelle
mains – NEPSY (séquences – Praxies manuelles
motrices manuelles) et motricité fine
(diadococinésies, etc.)
Dessin complexe – Figure de Rey, Benton MLT visuospatiale – Attention visuelle
mémoire (ECPA) – Compétences visuospatiales
– BEM 144 et praxiques
Localisation de points, de – CMS – MT visuospatiale – Attention visuelle
cases, de cubes, de dessins – K-ABC (simultanée ou – Compétences
– BEM144 séquentielle, selon les visuospatiales
– Cubes de Corsi épreuves)
– MLT visuospatiale

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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

oublier qu'aucune tâche n'est « pure », c'est-à- Cette dissociation notable aux dépens de la
dire qu'aucune épreuve ne permet, à elle seule, MLT visuospatiale incite à poursuivre les investi-
de conclure, car de nombreux autres domaines gations dans le domaine mnésique.
cognitifs sont obligatoirement sollicités.
MLT auditivoverbale
Les 15 mots de Rey sont très échoués (3 restitu-
tions au 1er essai, puis 5, 7, 6 et 7 restitutions aux
Cas de pratique clinique essais suivants), avec une courbe d'évolution du
nombre des rappels « en plateau » (pas de progres-
Morgan : un déficit sion entre le 3e et le 5e essai) ; les 4–5 derniers mots
mnésique global de la liste sont notablement mieux rappelés (effet
de récence) et restitués d'une traite, alors qu'il y a
Morgan est un grand jeune homme de 15 ans, très
peu d'apprentissage du début de la liste.
sympathique, qui consulte alors qu'il est en 4e de
On effectue quelques sondages concernant ses
SEGPA21. Il n'a aucun antécédent neurologique ni
connaissances académiques et encyclopédiques :
autre, ni personnel, ni familial. En échec scolaire
les méconnaissances sont consternantes. Morgan
depuis l'âge de 8–9 ans, il a été orienté à l'issue du CM2.
ne peut citer le nom du président de la République,
Morgan signale qu'il n'a jamais réussi à
ignore quelle est la capitale de la France, quel fleuve
apprendre ses tables de multiplication, qu'il est
passe à Paris et même quel fleuve passe à Angers (où
en grande difficulté pour les poésies, les matières
il habite depuis toujours) ; il ne connaît aucun résul-
d'éveil mais aussi l'orthographe, le calcul et les
tat d'opération courante hormis les doubles, ni de
problèmes et il déclare « Je suis nul en tout… ».
tables de multiplication. Il connaît la date du jour,
Morgan a été suivi par le CMPP entre 9 et 12 ans
son âge, sa date de naissance, mais se perd dans
mais il n'a jamais bénéficié d'aucune évaluation
le calendrier : il ne peut dire la date de Noël (« un
psycho-intellectuelle. Le langage conversationnel
dimanche ? »), ni le mois de l'anniversaire de sa sœur,
est normal, le contact agréable.
de son père ni de sa mère, pense que le 14 juillet est
Ne disposant d'aucun examen préalable ni d'au-
férié « parce que ça doit être le jour des vacances ? »,
cune hypothèse particulière pour rendre compte
ignore quel jour on offre du muguet, etc.
de cet échec global, on commence par proposer les
En revanche, il connaît bien sa biographie (ce
Similitudes du WISC, utilisées ici comme épreuve
qui est confirmé par ses parents : vacances, dernier
« sondage » pour avoir une idée de son niveau de
Noël, etc.) et a une connaissance approfondie des
facteur G : il y obtient la note standard de 11, ce
voitures (marques, caractéristiques techniques) pour
qui permet d'éliminer un déficit intellectuel et
lesquelles il se passionne. Une fluence verbale sur ce
nous donne une référence pour juger d'un éven-
thème lui permet d'évoquer 16 noms de voitures en
tuel déficit dans d'autres fonctions cognitives. On
1 min. En revanche, il ne peut évoquer le résultat du
propose ensuite une Figure de Rey, dans l'idée de
match de football qu'il a vu la veille à la télévision.
« sonder » également les fonctions non verbales : la
copie est satisfaisante, tant en ce qui concerne la
structure (il commence par le cadre, qu'il remplit MCT et MT auditivoverbale
et complète avec méthode), le temps de réalisation Morgan répète quatre chiffres à l'endroit et trois
que la qualité de la reproduction et globalement chiffres à l'envers, ce qui lui confère, au regard de
concordante avec son score aux Similitudes du l'étalonnage du WISC, une NS de 3. On ne pra-
WISC. Au contraire, la réalisation de la Figure tique pas d'épreuve de MT visuospatiale au cours
de Rey-mémoire (figure 6.7) est très déficitaire, le de cette consultation.
situant dans la médiane des 8 ans. Il conviendrait de poursuivre plus avant l'explo-
ration de ce déficit mnésique, qui semble respec-
ter la biographie de ce jeune garçon et qui touche
apparemment tous les secteurs, MLT et MCT,
21
SEGPA: classes permettant de scolariser les enfants de
12 à 16 ans ayant un niveau scolaire ~ CE2 en fin de
auditivoverbal et visuospatial.
primaire, ne leur permettant pas de suivre une scola- En ce qui concerne l'orientation, vu l'impor-
rité au niveau du collège. tance du déficit en connaissances académiques et

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Chapitre 6. Évaluation des troubles mnésiques

A B
Figure 6.7. Figure de Rey.
a : Figure de Rey, copie, b : Figure de Rey, mémoire.

l'âge de Morgan, on conseille un métier manuel, glais a été dominant pendant les premières années
en particulier l'ébénisterie car Morgan aime tra- de vie du fait du séjour de la famille en Angleterre.
vailler le bois et s'y montre créatif. S'il ne peut Dans les deux langues, la compréhension n'a pas
prétendre accéder à des acquisitions scolaires et posé de problèmes. L'articulation était bonne. Il
encore moins à des diplômes, ses bonnes compé- n'y a pas eu de retard de la parole ou du langage.
tences sociales et relationnelles, son bon niveau La syntaxe était bonne. Aujourd'hui, l'enfant
de raisonnement, ses capacités à prendre des ini- parle préférentiellement le français, même si sa
tiatives adaptées, une habileté manuelle certaine mère s'adresse à lui en anglais.
seront des atouts positifs. La socialisation a été bonne, et la motricité fine
sans particularité, si ce n'est un dessin au contenu
Maurice, 11 ans, CM2 souvent méconnaissable. Pourtant Maurice est
très doué pour les travaux manuels et très adroit
Les parents de Maurice consultent car leur fils au tennis. Arrivé en France au CP, l'enfant a pu
de 10 ans 10 mois, en CM2 au moment du bilan, être aidé par une AVS qui, d'après les parents,
est en grande difficulté. Ses parents s'interrogent devait le seconder dans tous les domaines, et en
quant à son avenir scolaire et aux moyens de particulier la mise en œuvre des consignes.
l'aider à trouver une filière qui lui convienne. Les L'apprentissage de la lecture a été laborieux.
conditions de la naissance ont été très éprouvantes Exposé initialement à la méthode globale, l'enfant
pour la famille : deuxième d'une fratrie de quatre avait beaucoup de difficultés. Le déchiffrage a
enfants, il est issu d'une grossesse gémellaire très été possible à partir de la fin de CP. L'écriture a
difficile, son jumeau ayant été perdu à 3 mois de été difficile à mettre en place. L'apprentissage du
gestation, après quoi la maman est restée allon- calcul a été compliqué (comptine des nombres,
gée. Malgré tout, Maurice est né grand prématuré petits calculs mentaux, sens et estimation des
à 28 semaines d'aménorrhée, pesant 1,600 kg. grandeurs, algorithmes d'opération…). L'enfant
L'accouchement a eu lieu par le siège. L'enfant est avait des problèmes de repérage dans le temps.
resté en réanimation pédiatrique pendant 3 mois. Le CP a été redoublé avec profit. La lecture, tou-
Il n'a cependant pas eu besoin d'oxygène à la nais- jours difficile, s'est néanmoins nettement amélio-
sance. Au cours de son séjour à l'hôpital, Maurice rée. Aujourd'hui la lecture à haute voix est fluide,
a été atteint d'une infection nosocomiale avec une mais l'enfant ne comprend pas toujours ce qu'il lit.
atteinte des intestins et de la rate, ayant nécessité L'enseignante de CM2 note surtout des difficultés
des interventions chirurgicales. Il a quitté l'hôpital avec les notions abstraites contenues dans le texte,
6 mois après la naissance, à 3 mois d'âge matura- les comparaisons, l'utilisation du contexte pour la
tionnel. L'EEG était normal. Il n'y a pas eu d'IRM. compréhension et l'accès au sens figuré. Il bénéfi-
Par la suite, le développement de la motricité cie actuellement d'une prise en charge orthopho-
globale a été bon. Issu d'une famille bilingue, l'an- nique à raison de deux fois 30 min par semaine.

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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

La suite de la scolarité est néanmoins restée dif- La fragilité de la mémoire est bien mentionnée.
ficile, avec une certaine radicalisation des troubles Mais dans le cadre d'une difficulté dans la plupart
depuis un an. Au premier plan, les parents notent des domaines, on peut s'interroger sur une éven-
des problèmes de mémoire d'intensité élevée tuelle concordance entre les compétences géné-
(« Maurice n'enregistre pas », « Il est comme sa rales de l'enfant et ses capacités mnésiques, ou à
grand-mère, on dirait qu'il a la maladie d'Alzhei- tout le moins, un poids important des troubles
mer »). Il peut faire répéter plusieurs fois les mêmes instrumentaux sur les capacités d'encodage
informations à intervalles rapprochés. La prise en (doubles tâches) majoré par un trouble de l'atten-
compte de simples consignes est problématique. Il tion infiltrant tous les domaines.
a beaucoup de mal à apprendre ses poésies, mais Or le bilan écarte rapidement un retard
est aidé par des images. La mémoire autobiogra- global (WISC) :
phique est en revanche bien préservée. Maurice a Plusieurs épreuves de facteur G sont réussies
du mal avec la mémorisation des événements géné- dans la norme, en particulier dans le domaine
raux sur le monde qui ne l'impliquent pas directe- non verbal (Identification de concepts, NS = 9 ;
ment (mémoire sémantique). Il n'y a cependant pas Matrices, NS = 9, Cubes, NS = 9). Malgré une écri-
de manque du mot. L'enfant ne semble pas avoir ture fatigable, l'hypothèse praxique s'efface aussi.
de troubles d'accès au lexique. La mémoire spatiale Outre la réussite aux Cubes, en 2D, la copie de la
est faible. Maurice se perd dans les rues. Figure de Rey est aussi réussie. Le temps de réa-
La mise en œuvre de procédures séquentielles lisation est bon, l'exhaustivité dans la moyenne.
pose également des problèmes. L'enfant a encore La stratégie est mature, l'enfant commençant par
beaucoup de mal à poser et calculer une multi- les éléments structurants et poursuivant sa réali-
plication. C'est d'ailleurs en mathématiques que sation avec les éléments secondaires ou périphé-
l'enseignante de CM2 note les plus gros écarts riques. Enfin, il n'existe pas troubles de l'attention
avec le niveau demandé. Elle estime les acquis de chez Maurice : cliniquement, il reste vigilant pen-
Maurice au niveau CE1. Ce qui semble installé est dant les séances et les tâches formelles d'attention
en réalité souvent instable. La résolution de pro- soutenue sont réussies (CPT Conners).
blèmes n'est pas accessible. Pour l'enseignante, Maurice est en revanche nettement plus en
l'enfant n'a « pas accès à la complexité ». Un panne dans les tâches catégorisation et de rai-
bilan logicomathématique réalisé en mars 2010 sonnement verbal (Similitudes, NS = 5 aidé dans
met en évidence des lacunes dans l'émergence une deuxième étape par l'apport d'une amorce ;
des structures logiques (sériation, classement, Arithmétique, NS = 4). Pourtant dans le domaine
conservations). numérique, le sens des nombres est bien préservé,
Malgré ses difficultés, Maurice est un jeune gar- ce qui, malgré les observations de l'enseignante, ne
çon volontaire, courageux. Il est bien intégré à sa peut expliquer l'échec massif en mathématiques.
classe, le comportement est bon. Cependant, l'en- En revanche, au contraire des données de
seignante relève une certaine usure de l'enfant, qui l'anamnèse, les compétences linguistiques sont
rentre très fatigué de l'école. Bien que nécessaire, loin d'être performantes. Si dans l'échange à l'oral,
l'aide prodiguée par l'AVS lui pèse. Les parents Maurice est fluide et informatif, on relève néan-
estiment ses capacités attentionnelles à environ moins parfois une faible intelligibilité. L'enfant
20 mn pour les devoirs. C'est un enfant sensible, parle bas, articulant peu, on est alors obligé de lui
empathique, serviable. Il aime jouer avec des demander de répéter. Le stock lexical est dans la
enfants plus jeunes que lui. Il a le sens de l'humour. norme, mais l'expression est entachée de troubles
Sur la base de cette anamnèse, on aurait pu de la morphologie de la langue (« une terre qui
faire l'hypothèse d'un retard de développement est recouvert », « les lapins sont dans leur terrier
assez général, ou l'accumulation de troubles dys et s'endort »…). Pour les mots plus complexes, il a
de nature et d'intensité variée : tendance à travailler par assonances (« migrer » :
• trouble de l'attention ; quand on a la migraine ; « rivalité » : quand on se
• trouble du sens du nombre ; rivale, on se rivalite). Dans ce contexte, l'échec
• trouble du langage écrit ; important à l'épreuve de compréhension des
• trouble de l'attention ; situations sociales de la vie quotidienne est frap-
• voire même trouble des praxies. pant (Compréhension, NS = 2). Les réponses sont
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Chapitre 6. Évaluation des troubles mnésiques

souvent superficielles, avec une grande difficulté immédiate des visages, NS = 11). De même,
à aller directement au fond des choses. l'encodage de figures géométriques et leur
De plus, certaines réponses sont très déca- reconnaissance immédiate sont bons (TVPS,
lées, manquant singulièrement de pertinence : Memory, NS = 10). L'empan visuel est solide
« Pourquoi devons-nous manger des légumes » : (nombre d'items retenus en 5 s égal à 7, soit
« Parce que sinon, on est plein de petits points » ; NS = 11).
« Pourquoi est-il important qu'il y ait des contrôles La consolidation de la trace après un délai de
de la viande dans les abattoirs » : « C'est pour 30 mn est efficace (Reconnaissance différée des
la peau, comme la viande, c'était la peau, c'est visages, NS = 10).
important de manger de la viande pour fabri- La récupération libre différée de la Figure de
quer de la peau » ; « Quels sont les avantages des Rey, bien que copiée de manière structurée et
bibliothèques publiques ? » : « Ne pas courir, ne efficace, au cours de ce bilan et déjà récemment
pas hurler… si on court, on se cogne contre une lors d'un bilan orthophonique précédent, est en
bibliothèque, si elle tombe, on est mal… »….). Il revanche très pauvre (exhaustivité < 10e cen-
semble que la compréhension même de la ques- tile). Il ne reste plus que le rectangle central
tion soit difficile. Par exemple, pour le mot « avan- déformé et quelques éléments intérieurs.
tage », Maurice donne comme définition : « Petit • Dans la modalité auditivoverbale, les difficultés
signe de chance. Je me suis avancé sur un devoir, sont nombreuses : la mémoire immédiate est
je suis avantagé… ». Il y a des contresens (« Elles ne de qualité variable et dépendante du matériel
voyaient pas le temps passer » : « elles s'ennuyaient (empan de chiffres de 5, soit NS = 10 ; mais
un petit peu »). empan de mots, CVLT, liste A, essai 1, 4 mots
Il semble pourtant que ces difficultés de com- sur 15 rappelés, soit - 1,5 ET). La mémoire
préhension ne soient pas seulement dues à des immédiate de phrases de plus en plus longues
questions de langage, de formulation, mais d'ac- est quant à elle fragile (maximum phrases de 10
cès aux idées sous-jacentes, par rappel d'éléments à 12 mots, soit NS = 6). On note des intrusions et
contextuels. Car la compréhension morphosyn- une certaine difficulté de jugement par Maurice
taxique en elle-même est préservée, malgré le coût du contenu de sa propre mémoire (donne un
en mémoire de travail (NEPSY, Compréhension mot effectivement contenu dans la liste pour le
de consigne, NS = 12). reprendre aussitôt, en disant qu'il n'y était pas).
Dans le domaine du langage écrit, la lec- La mémoire de travail est elle aussi de fiabi-
ture à haute voix est un peu lente chez Maurice lité variable (empan de chiffres envers de 4, soit
(Alouette-R, - 1 ET), mais avec peu d'erreurs. NS = 11). En revanche, quand l­'information
De plus, la lecture est bien fonctionnelle. La vitesse ­verbale devient complexe (des chiffres et des
de lecture à voix basse est dans la norme (IREP, lettres), Maurice a nettement plus de mal
41e centile). La compréhension de ce qui est lu est (Séquences Lettres-Chiffres, NS = 3).
bonne (IREP, 63e centile). En définitive, on peut La pente d'apprentissage est très faible, pla-
donc dire que la lecture est fiable chez Maurice. fonne dès le 2e essai, avec au 5e essai, le rappel libre
Il s'avère donc que rien jusque-là ne permet de de seulement 7 mots sur 15 (- 2 ET). Au total, les
justifier les difficultés diffuses, mais massives, qui capacités d'apprentissage en mémoire sont très
obèrent l'avenir scolaire de Maurice. faibles (CVLT, T = 31, soit - 2 ET).
Seule la compréhension en contexte, ou l'utili- S'il n'y a pas de sensibilité aux interférences
sation d'informations ordinairement provenant antérogrades, il y a chez Maurice un effet d'inter-
de la vie quotidienne sont en droit nous alerter. férence massif d'un apprentissage nouveau sur
C'est bien le bilan mnésique qui va finalement un plus ancien. Après l'administration de la liste
donner du sens aux symptômes décrits. Dans la interférente, le rappel de la liste initiale est impos-
modalité auditivoverbale surtout, mais aussi dans sible. Maurice ne retrouve aucun élément, et on
une moindre mesure, dans le domaine visuel, met en évidence des intrusions (< -3 ET). Le rap-
Maurice est en effet très gêné. pel indicé reste difficile (- 3 ET), mais quelques
• Certes, dans la modalité visuelle, l'encodage éléments sont récupérables.
rapide d'images ne portant pas de signification Dans le domaine verbal, l'encodage d'une infor-
(des visages) est bon (NEPSY, Reconnaissance mation nouvelle est donc très faible. La r­ écupération
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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

libre est très difficile, aidée marginalement par des peu plus rassurante. Malgré ses grosses difficul-
indices. tés mnésiques, Maurice a les moyens de créer des
Après un délai, le rappel libre est impossible. La nouveaux souvenirs à long terme (Informations,
consolidation de ce qui restait de la trace a donc NS = 9). Il lui est difficile de répondre à quelques
été peu efficace. Le rappel indicé est à nouveau questions simples (citer le nom de deux monnaies,
un peu meilleur, preuve que quelques éléments ne retrouvant pas l'euro, mais citant le franc), mais
ont été encodés. Cela reste cependant très limité quand les questions ressortent plutôt du domaine
(- 3,5 ET), avec des intrusions. sémantique, il parvient à les conserver (définir
La reconnaissance différée met en évidence de « hiéroglyphes », « fossiles »…). L'explication de
grandes difficultés (exactitude, -2 ET) et de nom- certains faits scientifiques est assez difficile (« D'où
breux faux positifs (éléments reconnus à tort comme vient l'oxygène de l'air ? » : « Du ciel »).
appartenant à la liste, -2 ET). Il y a aussi beaucoup En définitive, il existe donc un trouble mné-
de faux négatifs. Pourtant, ces difficultés ne peuvent sique sévère chez Maurice dans la modalité ver-
être attribuées à de l'impulsivité ou à l'immaturité bale. L'encodage est de très faible efficacité. La
des fonctions exécutives. Il n'y a pas de trouble de consolidation de ce qui a été encodé est fragile. Le
l'inhibition sélective ou de persévérations. rappel libre est très inefficace. La création d'asso-
On confirme donc un trouble sévère de l'en- ciation est très perturbée, et n'aide pas l'enfant
codage verbal de nouvelles informations chez dans son rappel. Notons que les jugements sur sa
Maurice. De plus, ce qui a été encodé est très dif- propre mémoire (métamémoire) sont peu fiables.
ficile à récupérer spontanément. Maurice est parfaitement conscient de ses difficul-
La mémorisation de narrations est elle aussi très tés. C'est un enfant très anxieux. L'estime de soi est
faible (CMS, Histoires, 3e centile). L'encodage ayant fragilisée. Il est épuisé par tous les efforts qu'il doit
été peu efficace (reconnaissance différée, 5e cen- réaliser. Son regard vers l'avenir est très pessimiste.
tile), le rappel différé est aussi très difficile (2e cen- Maurice évoque l'agressivité que cela déclenche
tile). Dans son rappel libre différé, Maurice invente en lui. Il existe ainsi chez Maurice un authentique
ou modifie beaucoup d'informations du texte. syndrome anxiodépressif à bas bruit.
Afin de compléter le bilan, des tâches de Il faudra donc réduire au minimum les tâches de
mémoire associative visuelle et verbale, censées mémorisation et préférer les informations visuelles
être facilitatrices, sont proposées. On confirme et visuo-spatiales, moins déficitaires pour Maurice,
que Maurice a beaucoup de mal à créer un lien et le juger essentiellement sur les qualités d'élabo-
entre deux informations. Quand on lui demande ration de sa pensée, et non sur la mobilisation de
d'associer un prénom avec un visage, il ne connaissances cristallisées. On préférera une pré-
­parvient pas à établir de relations stables et ne sentation visuelle et visuospatiale des informations
progresse pas d'un essai à un autre, plafonnant (par ex. des cartes mentales). On pourra lui fournir
à 2–3 couples maximum (Mémoire des prénoms, des aide-mémoire, lui laisser l'accès aux cahiers.
NS = 2). Après un délai, il ne reste plus qu'un La mise en place de stratégies d'indiçage pourra
couple accessible (Mémoire des prénoms, rap- être d'un certain secours. On s'appuiera autant que
pel différé, NS = 2). Malgré la présentation de faire se peut sur la mémoire visuelle. Si Maurice
l'amorce (le visage), Maurice ne retrouve pas la peut faire des apprentissages, dans certaines condi-
cible (le prénom). tions et avec des aides, sa scolarité sera cependant
Il en est de même de l'Apprentissage de couples difficile et il sera prudent de prévoir une scolarité
de mots (CMS, NS = 1). Au bout de trois essais, courte.
seuls deux couples sont appris, l'amorce permet-
tant d'évoquer la cible (10 attendus à son âge). Le Charlotte, 14 ans, 4e
rappel libre est curieusement plus aisé (4 couples
rappelés, au lieu des 6 attendus). Il semble que, au Charlotte est adressée en consultation par la psy-
lieu d'être aidé par l'amorce, Maurice soit plutôt chologue qui la suit depuis des années. Les plaintes
gêné. Après un délai de 30 mn, le rappel libre est à sont diffuses, non spécifiques. On ne comprend
nouveau effondré (1 couple rappelé, NS = 1). pas les difficultés assez générales de cette jeune
L'analyse du stockage d'informations non adolescente de 13 ans 10 mois, scolarisée dans
contextualisées à long terme est néanmoins un une classe à petits effectifs et pédagogie adaptée.
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Chapitre 6. Évaluation des troubles mnésiques

Pourtant Charlotte se donne du mal, travaille et ment, le stock lexical est dans la moyenne pour
est étayée par ses parents. Malgré toutes les adap- son âge (Vocabulaire, NS = 10). La compréhension
tations, les résultats restent décevants. Des prises morphosyntaxique est correcte (ECOSSE, dans
en charge en orthophonie et psychomotricité ont la moyenne). Charlotte a néanmoins du mal à
été interrompues, car les bénéfices semblaient peu interpréter les expressions proverbiales ou méta-
probants. Il n'y a pas d'antécédents personnels ou phoriques avec de nombreuses réponses du type :
familiaux. « Je ne sais pas ». L'interprétation est parfois assez
Au cours du bilan (WISC4), Charlotte se décalée, ainsi que la compréhension de certains
montre posée, disponible, attentive et très impli- énoncés en contexte.
quée. L'expression de son visage est cependant Dans un exercice de dénomination, la capacité
triste, peu expressive. à aller chercher un mot précis est de plus assez
Le bilan révèle rapidement que la dynamique fragile (Expressive One Word, T = 78). On note
intellectuelle situe Charlotte dans la moyenne des des paraphasies phonémiques (microsophe pour
enfants de son âge, sans dissociations selon le type microscope) et de nombreuses paraphasies séman-
de matériel proposé. Dans un travail de catégo- tiques (statues pour sculptures, bricolage pour
risation visuelle, la réussite est bonne, régulière pince, télescope pour jumelles, flûte pour trom-
(Identification de concepts, NS = 10). Le raisonne- pette…). Il y a des éléments de manque du mot,
ment par analogie situe l'enfant dans la moyenne avec l'utilisation de mots bouche-trous (« truc »,
pour son âge (Matrices, NS = 11). « machin »…), des manœuvres d'approche. Quand
L'analyse des compétences sensorimotrices et elle ne connaît pas le mot, Charlotte a tendance à
praxique ne met en évidence aucune difficulté. En utiliser le mot de la catégorie surordonnée, plus
particulier, la copie de la Figure de Rey est bonne générale.
(exhaustivité et précision, 55e centile). La stratégie De même, la narration libre est difficile. Quand
de copie est structurée. L'enfant commence par les on demande à l'enfant de raconter une histoire
éléments principaux et poursuit son travail par les bien connue (« Le Petit Chaperon rouge »), l'initia-
éléments secondaires ou périphériques. Charlotte tion est certes correcte, mais Charlotte a ensuite
fait bien attention aux détails pertinents. Sur beaucoup de mal à récupérer la structure de l'his-
matériel verbal, les capacités de catégorisations toire, malgré deux essais. La structure du discours
sont un peu moins bonnes (Similitudes, NS = 8), est pauvre et peu cohérente. L'accès au schéma
mais on note que la jeune fille est encore gênée narratif est donc fragile, empêchant par la même
par la compréhension d'un vocabulaire courant occasion l'accès aux détails.
(« électricien ») et qu'elle a tendance à chercher Les épreuves « instrumentales » de lecture
à s'appuyer sur des connaissances scolaires au mettent en évidence que « l'outil » lecture est
lieu de puiser dans ses connaissances générales fiable, avec une vitesse et une précision de lecture
sur le monde (« En quoi la glace et la vapeur se à voix haute dans la norme. Il n'en est pas de même
ressemblent ? », « C'est de la physique/chimie… des aspects fonctionnels de la lecture. Toutes les
heu… », avant de donner la bonne réponse). épreuves de compréhension sont échouées, situant
Sur matériel numérique, le raisonnement est en Charlotte au-dessous du 7e centile pour son âge et
revanche nettement plus décevant (Arithmétique, sa classe. L'expression écrite est nettement meil-
NS = 5). Et on confirme que la mémoire de tra- leure, avec une bonne fluidité de phrases, et mal-
vail est fragile (IMT, T = 85 ; Séquences Lettres- gré un contenu un peu pauvre et peu développé.
Chiffres, NS = 6). Du reste, l'enfant fait répéter les Le bilan jusque-là pouvait donc rapporter les
énoncés presque systématiquement. Souvent peu difficultés de Charlotte à un faible accès au sens
sûre d'elle, elle hésite à donner sa réponse. On doit des textes lus, ce qui bien entendu est très péna-
l'engager à s'exprimer, car elle a sinon tendance à lisant lors d'une scolarité traditionnelle basée
renoncer à dire ce qu'elle sait. sur l'écrit. Cependant, ce trouble de la compré-
Du point de vue langagier, et dans l'échange hension contrastait avec une bonne lecture ins-
courant, la jeune fille est fluide, informative et trumentale, et un langage oral de bonne qualité,
pertinente. L'élocution est bonne. La syntaxe est ce qui donnait peu de piste quant à la source des
correcte. Pendant la passation du bilan, la compré- difficultés de cette élève de collège appliquée et
hension des consignes a été bonne. Plus formelle- attentive.
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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

On mettait bien en évidence un manque du Histoires, NS = 4). L'encodage est très difficile. La
mot, des stratégies d'approche dans l'expression ligne thématique et le sens n'aident pas du tout l'en-
et des difficultés lors d'une narration basée sur un fant. Le rappel libre des détails est très pauvre. Après
conte « surappris », fragilités dont l'intensité était un délai, le rappel libre différé révèle une consoli-
néanmoins insuffisante pour rendre compte de dation cohérente avec l'encodage initial (NS = 4).
l'ensemble des difficultés scolaires. La reconnaissance d'informations présentes dans
C'est bien le bilan mnésique qui allait pouvoir les narrations entendues confirme la fragilité très
synthétiser ces observations, avec au surplus une importante des facultés d'encodage d'un matériel
dissociation importante visuel/auditivoverbal. nouveau (Reconnaissance différée, NS = 2).
En effet, la reconnaissance des figures « sans De même, la mémoire associative dans la moda-
signification » de la BEM était parfaitement réussie lité auditivoverbale est très peu efficace (Couples
(aucune erreur). De plus, après un délai, la conso- de mots, NS = 4). Quand on demande à l'enfant
lidation d'une trace précédemment encodée était d'apprendre des couples de mots, la proposition
bonne (Figure de Rey, exhaustivité et précision, d'une amorce ne permet pas à Charlotte de récu-
95e centile), avec une bonne représentation interne. pérer la cible. La pente d'apprentissage est faible et
En revanche, c'est déjà une épreuve de le Rappel différé est effondré (NS = 2).
mémoire associative image/mot qui laissait En définitive, c'est bien la grande fragilité des
entrevoir une difficulté (NEPSY, Mémoire des processus fondamentaux de mémorisation dans la
prénoms, NS = 4), avec beaucoup de confusions, modalité auditivoverbale qui sont à même d'orien-
de « Je ne sais pas ». ter quant aux difficultés scolaires générales de la
Le bilan mnésique dans la modalité auditivo- jeune fille. Outre un sévère trouble de l'encodage,
verbale ne laissait en revanche plus de doutes. on mettait en évidence un impact plus discret
La mémoire immédiate situait Charlotte dans la dans le domaine du vocabulaire, mais surtout de
petite moyenne pour son âge (empan de chiffres la compréhension de la lecture. On pouvait d'au-
endroit à 5). L'empan de mots est quant à lui très tant moins anticiper l'intensité des difficultés que
déficitaire, limité à 2 (CVLT, empan de mots, les capacités attentionnelles étaient dans la norme
liste A, essai 1, - 2,5 ET). La mémorisation de (Teach, Coups de fusils, dans la moyenne). Aucun
phrases complètes est très difficile (Répétition de trouble exécutif n'était mis en évidence.
phrases, NS = 6), avec des omissions, des hésita- Au total, c'est bien les troubles des proces-
tions importantes et beaucoup d'erreurs. sus mnésiques dans la modalité auditivoverbale
Au cours d'un exercice d'apprentissage d'une qui sont en cause dans la scolarité laborieuse de
liste de mots, la pente d'apprentissage est limitée Charlotte. Après coup, on découvre lors de la res-
(CVLT, liste A, essai 5, - 2,5 ET), avec au surplus titution du bilan que, même dans le cadre de la
des intrusions résistantes. mémoire autobiographique, des éléments fami-
S'il n'existe pas d'effet d'interaction antérograde liaux saillants ne sont pas connus. De ce fait, la
d'un apprentissage sur un autre de même nature jeune fille s'épuise, est pessimiste. L'anxiété, cou-
(liste B, - 1,5 ET), il existe en revanche un puis- rante chez les enfants présentant des troubles mné-
sant effet d'interaction rétrograde (rappel immé- siques, est manifeste chez elle. La psychothérapie,
diat, liste A, - 2,5 ET), avec la perte de la moitié du dont la poursuite sera précieuse, ne pourra seule
matériel initialement récupéré. l'aider, non plus que la scolarisation simple en
On note des intrusions et lors du rappel, les petits effectifs, avec un encadrement bienveillant.
indices n'aident pas Charlotte (rappel immédiat et La mise en place de stratégies de contourne-
différé indicé, - 2 ET). ment des troubles est nécessaire (mise en place
Après un délai, la consolidation de la trace d'aide-mémoire, de fiches avec indiçage imagé de
permet de retrouver le niveau de récupération la structure du matériel, disponibles y compris
ayant précédé la liste interférente (rappel différé, pendant les épreuves sur table à l'école, etc.). Afin
liste A, - 2 ET). C'est donc la qualité de l'enco- que Charlotte puisse s'appuyer sur ses bonnes
dage qui s'avère déficitaire (reconnaissance capacités mnésiques dans la modalité visuelle,
différée, - 2 ET). on pourra lui proposer la mise en forme de ses
La mémorisation d'une narration révèle aussi leçons sous la forme d'arborescence du type Mind
d'importantes difficultés chez Charlotte (CMS, Mapping. Cela lui donnera des indices visuels de
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Chapitre 6. Évaluation des troubles mnésiques

l'organisation des données. De plus, cela l'enga- – Vache → « Ça, heu… c'est quoi ? » (mais il
gera à bien structurer l'information avec un indi- désigne sans hésitation, en choix multiple
çage systématique (couleur, police, indice visuel « l'animal qui donne du lait ») ;
permettant l'amorçage du rappel). Ces aides pré- – Chocolat → « Ça ? heu… c'est ça, tu veux que
cieuses pourront aider la jeune fille, même si le je dise ?… pour le quatre-heures… » ;
trouble principal touche l'encodage, c'est-à-dire – Lion → « Je sais pas… je vais pas au zoo… un
la création de nouvelles traces en mémoire, et pas lion ! » (a dénommé « la crinière » quelques
seulement l'accès et la récupération. secondes plus tôt).
Lorsque le mot est trouvé, après une grande latence,
Marius : un manque il surgit brusquement (« Heu… je sais pas ça… heu…
les cornes ! », à propos d'un escargot), d'emblée cor-
du mot mnésique ? rect (sans approche sémantique, ni phonologique), et
Marius, 5,5 ans, droitier, sans aucun antécé- Marius, souriant, manifeste un grand soulagement.
dent notable (hormis un ictère néonatal intense Les épreuves de fluence sémantique (animaux,
ayant justifié alors 15 jours d'hospitalisation), est « des choses qui se mangent ») sont massivement
adressé par son orthophoniste pour des troubles échouées (évoque trois animaux en 1 min, quatre
du langage mal identifiés et des difficultés de aliments en 1 min).
compréhension avec un score le situant aux Enfin, l'orthophoniste ayant joint le détail du
environs de 4 ans et demi en compréhension protocole du O52, on constate que les difficultés
morphosyntaxique (O52) et de 3 ans et demi en de compréhension ne sont pas liées aux aspects
définition de mots à la partie active du TVAP. conceptuels, lexicaux ni syntaxiques des phrases
Le contact est excellent chez ce petit garçon très proposées, mais à leur longueur.
participant, confiant et jovial. On entame donc un bilan de mémoire.
Les examens antérieurs, pratiqués dans le
service de neurologie pédiatrique de l'hôpital, Mémoire auditivoverbale
ont montré un audiogramme normal, un QIP
• MCT : Marius répète 3 chiffres à l'endroit (on
normal à 108 à la WPPSI (dont le détail n'est pas
ne propose pas de répétition à l'envers) ; il ne
communiqué), un bilan psychomoteur normal
­
répète une phrase que de 8 syllabes.
avec absence de toute difficulté intéressant le
• MLT : l'apprentissage des 15 mots de Rey est
schéma corporel, la latéralisation spatiale, l'imita-
très déficitaire (aucune restitution au 1er essai,
tion de gestes et les gnosies digitales.
puis respectivement 3, 5, 7 et 7 restitutions aux
L'attention, la concentration et la coopération
quatre essais suivants).
de l'enfant sont d'excellente qualité.
Sur le plan langagier :
• l'expression spontanée, le récit (spontané et Mémoire visuospatiale
description d'image), le débit, le contenu du dis- MLT : Marius réussit parfaitement (90 % de réus-
cours, sont normaux. Il n'y a ni agrammatisme site) l'épreuve de reconnaissance des 24 dessins
ni trouble de production phonologique ; non dénommables (extraits de la BEM144)22.
• en dénomination d'images, au contraire, on Il est difficile de poursuivre les investigations au
est d'emblée frappé par l'intensité des diffi- cours d'une même consultation. Cependant, chez
cultés de dénomination, les temps de latence ce petit garçon intelligent, sociable, vif et joueur, en
importants, les stratégies dilatoires (répète la grande section de maternelle, sans retard de parole
question, demande à boire, etc.). Ainsi, alors ni trouble graphique, il est licite de suspecter un
qu'il peut aisément dénommer certaines par- manque du mot mnésique, dans le contexte d'un
ties spécifiques des animaux (« bec », « mous- trouble global de la mémoire auditivoverbale (aussi
taches », et même « museau » et « crinière ») ou bien dans le secteur MT que MLT). Au contraire, la
d'une voiture (« roues », « portières », « rétro- mémoire visuelle semble préservée, et il ne semble
viseur », « phares ») — ce qui témoigne d'une pas y avoir d'autre trouble cognitif associé.
bonne connaissance lexicale pour son âge —,
il échoue à dénommer des animaux ou objets 22
MCT : épreuve non proposée au cours de cette
courants : consultation.

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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

On conseille alors de segmenter les consignes et young children learning new names. British journal
explications orales : cela permettra d'éviter ce qui est of psycholoy 1990 ; 81 : 439–54.
Groupe CIMETE. Compétences et incompétences en arith-
actuellement interprété, à tort, comme un trouble
métique ; une aide au diagnostic et à l'action pédago-
de compréhension (et qui est en fait le débordement gique particulièrement destinée aux enfants affectés de
des capacités de l'enfant en MT). Lorsqu'il ne trouve troubles sévères d'apprentissage. ANAE 1995 ; 58–63.
pas un mot, il faut le rassurer et l'assurer « qu'on sait Isaacs EB, Varga-Khaden F, Watkins KE, et al.
qu'il sait », ne pas l'inciter à poursuivre sa recherche Developmental amnesia and its relationship to
si le mot ne surgit pas (« Je suis sûre que tu trouveras degree of hippocampal atrophy. Proceedings of the
National Academy of Sciences 2003 ; 100 : 13060–3.
ce mot tout à l'heure, il va revenir tout seul »), ou Jambacqué I, et al. Reconnaissance et rappel de figures
bien lui donner le mot qu'il ne trouve pas (mais qu'il chez le jeune enfant. ANAE 1993 ; 5 : 13–20.
connaît). En rééducation, il faut favoriser la création Jambacqué I, et al. Validation de la batterie d'efficience
de liens entre concepts, en proposant des associa- mnésique 144 chez l'enfant d'âge scolaire. ANAE
tions de mots en fonction de l'expérience de l'enfant 1991 ; 3 : 125–35.
(réseaux « écologiques »). Un entraînement systé- Lespinet-Najib V, Rougier A, Claverie B, et al. Déficits
mnésiques et épilepsie temporale unilatérale : effets
matique pourrait aussi être bénéfique : travail sur du mode de traitement et de la nature de l'informa-
l'autorépétition, sur l'augmentation de l'empan et tion. Revue de neuropsychologie 2004 ; 14(3) : 259–83.
surtout sur la conscience phonologique, car un défi- Mazeau M, Pouhet A. Les dysmnésies, in Neuropsychologie
cit en MT auditivoverbale pourrait compromettre, et troubles des apprentissages. In : 2e éd Masson ;
l'an prochain, l'accès au langage écrit. 2014a. p. 192–4.
Orsini A, et al. Verbal and spatial immediate memory
span. In : Italian journal of neurological sciences.
Bibliographie 1987. p. 1–54.
Baddeley AD, Gathercole SE, Papagno C. The phonologi- Pothier B. P. Échelle d'acquisition en orthographe lexicale.
cal loop as a language learning device. Psychological Du CP au CM2. Paris : Retz ; 2003.
review 1998 ; 105 : 158–73. Prull MW, Gabrieli JDE, Bunge SA. Ch 2. Age-related
Baddeley A, Vargha-Khadem F, Mishkin M. Preserved changes in memory : A cognitive neuroscience pers-
recongition in a case of developmental amnesia. pective. In : Craik FIM, Salthouse TA, editors. The
Journal of cognitive neuroscience 2001 ; 13 : 357–9. handbook of aging and cognition. Erlbaum ; 2000.
Baddeley AD. Working memory. Oxford : University Quartier V. Le développement de la temporalité : théorie
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Billard C, et al. Médicaments antiépileptiques et fonctions Stamback M. Trois épreuves de rythme. In : Manuel de
cognitives. Neuropsychologie et enfants épileptiques l'examen psychologique de l'enfant. Delachaux et
(n° spécial). In : ANAE ; 1996. p. 29–36. Nieslé, Neufchatel ; 1977 Fasc. 3.
Cordier F. Les représentations cognitives privilégiées.
Lille : Presses Universitaires de Lille ; 1993. Quelques livres de référence
de Agostini M, Kremin H, Curt F, et al. Immediate
memory in children aged 3 to 8 ; Digits, familiar Lansing AE, Max JE, Delis DC, et al. Verbal learning
words, unfamiliar words, pictures and Corsi. ANAE and memory after childhood stroke. Journal of the
1996 ; 36 : 4–10. International Neuropsychological Society 2004 ;
Della Sala, et al. Visual pattern test. Feltham, Suffolk, 10(05) : 742–52.
Thames Valley Test compagny. In : 1997. Mazeau M, Pouhet À. Memory function in childhood
Desmette D, et al. Adaptation en français du « reading epilepsy syndromes. In : 2e éd 2014. .Nolan MA,
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rative memory. Nature Reviews Neuroscience 2000 ; verbal memory impairment in four neurodevelop-
1 : 41–50. mental disorders. Brain and Language 2004 ; 88(2) :
Gadian D, et al. Developpemental amnesia associated 180–9.
with early hypoxic-ischaemic injury. Brain 2000 ; Soprano AM, Narbona J. La mémoire de l'enfant : déve-
123 : 499–507. loppement normal et pathologique. traduction et
Gathercole SE, Baddeley AD. The role of phonological adaptation de l'espagnol Léonard Vannetzel. Paris :
memory in vocabulary acquisition : a new studyof Masson ; 2009.

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Évaluation des fonctions Chapitre 7
attentionnelles
et exécutives

Le cerveau de l'homme, outre ses mécanismes innés, ses capacités puissantes


d'apprentissage, de raisonnement, d'abstraction, etc., est une sorte de jungle où
les multiples compétences du bébé, de l'enfant et de l'adulte sont à tout moment
susceptibles de se télescoper, d'entrer en compétition (en même temps qu'elles se
construisent) : d'où les erreurs, les biais et les décalages inattendus. Il en ressort
la nécessité — pour être intelligent — d'un mécanisme de blocage tout aussi
puissant : l'inhibition.
« Je pense, donc j'inhibe ! »
Olivier Houdé, « Le développement de l'intelligence chez l'enfant »,
25e conférence de l'Université de Tous les Savoirs, 25 janvier 2000.

Les caractéristiques infiltrent, commandent et déterminent toutes les


autres fonctions cognitives : schématiquement, les
générales des fonctions fonctions attentionnelles sélectionnent les informa-
attentionnelles et exécutives tions à traiter (c'est à ce niveau qu'interviennent la
motivation du sujet, son histoire, ses goûts, ses pro-
Définitions et rôles jets) et les fonctions exécutives pilotent l'exécution
des traitements appropriés (en fait, gèrent l'exécution
Nous avons jusqu'ici (pour des raisons de clarté) des différents « programmes » pris en charge par tel
traité indépendamment chacun des grands modules ou tel module cognitif). Le terme « exécutif/ve » est
cognitifs ; bien sûr, nous avons pris en compte un anglicisme se référant à la qualité de supervision,
certaines de leurs interrelations qui nécessitent de direction d'un dirigeant dans une organisation :
des développements transversaux. Mais il s'agit là en bref, c'est le patron, celui qui décide, commande,
d'un artefact : en effet, aucun de ces « modules » ne fait des choix, en écarte d'autres…
pourrait exister, fonctionner et interagir de façon
Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant
© 2017, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

adéquate avec tous les autres, sans qu'il n'existe un


« chef d'orchestre » qui organise, contrôle et harmo- Il s'agit donc de fonctions complexes et très
nise les traitements de chacun d'entre eux et régule sophistiquées qui exercent un rôle « hiérar-
les interconnexions constantes de l'ensemble. chique » de contrôle sur toutes les autres : ce
Ces fonctions, les plus élaborées, sont aussi sou- contrôle prend essentiellement la forme de méca-
vent considérées comme essentielles dans la consti- nismes inhibiteurs. Tous les modules cognitifs
sont subordonnés aux fonctions attentionnelles et
tution des aspects psychologiques de notre être :
exécutives.
désir, motivation, intérêt, affectivité et sentiments,
style de personnalité et conscience de soi (figure 7.1).
Sur le plan strictement neuropsychologique, les Beaucoup de travaux, en neuropsychologie,
fonctions attentionnelles et exécutives sont donc montrent que ces fonctions sont corrélées à
des fonctions de haut niveau, tentaculaires, qui ­l 'activité de la partie antérieure des lobes frontaux

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Raisonnement

Compétences
Fonctions mnésiques
attentionnelles Apprentissages
Compétences
et exécutives practognosiques

Compétences
linguistiques

Figure 7.1. Champ d'action des fonctions attentionnelles et exécutives.

(dites « préfrontales »), d'où le nom de syndrome tance aux interférences et stimuli indésirables,
frontal donné, lors de lésions cérébrales secon- l'inhibition et le contrôle de l'impulsivité sont des
daires, aux atteintes et dysfonctionnements de ce fonctions qui évoluent beaucoup avec l'âge : dès
secteur. quelques mois, le bébé est capable de contrôler
Cependant : son impulsivité et de faire un détour (préhen-
• on peut constater des troubles de la maturation sion) pour attraper l'objet convoité (Diamond,
de ces fonctions sans lésion cérébrale patente 1988) ; après 1 an, on peut montrer que l'enfant,
(troubles dits « développementaux ») (Houdé, progressivement, commence à inhiber certaines
2000 ; Mazeau, 2005, Shaw et coll., 2007) ; persévérations et peut déterminer une stratégie
• de nombreuses autres régions du cerveau inter- efficace dans les épreuves piagétiennes classiques
viennent, en lien avec les régions préfrontales, de permanence de l'objet (Houdé, 1995) ; dès
dans le contrôle et la gestion de l'ensemble des 2 ans, les enfants sont capables, sur consigne,
fonctions psycho-intellectuelles (Collette, 2004) ; d'attendre et d'inhiber la préhension d'un jouet
• en outre, les aires préfrontales elles-mêmes attractif (Lee et coll., 1983 ; Diamond et Doar,
ne constituent pas une entité homogène : par 1989) ; d'autres auteurs enfin ont étudié les apti-
exemple, la convexité dorsolatérale serait plutôt tudes attentionnelles et exécutives de l'enfant
dévolue à la mémoire de travail, les zones orbito- d'âge scolaire — 6 ans et au-delà — (Tipper et
médianes seraient en charge de certains aspects McLaren, 1990 ; Houdé, 1989) et les liens entre
comportementaux, tandis que les lésions droites raisonnement, classifications et fonctions exécu-
seraient plutôt responsables de signes prédomi- tives (Pennequin et coll., 2003).
nants dans les domaines de l'attention et du rai- Enfin, tous les tests (voir plus loin) montrent
sonnement visuospatial, alors que les atteintes une évolution des performances, certes liée à
préfrontales gauches se manifesteraient davan- l'âge, mais qui dépend aussi énormément du type
tage dans les tâches linguistiques. de tâche proposée.
C'est pourquoi il est préférable de parler
de « troubles des fonctions exécutives » (ou « syn- Les conditions étiologiques
drome dysexécutif ») et de réserver le terme de « syn-
drome frontal » aux cas résultant effectivement Certaines étiologies doivent alerter le clinicien,
d'une lésion cérébrale antérieure (préfrontale). car la fréquence des troubles de l'attention et des
fonctions exécutives y est particulièrement élevée :
• les traumatismes crâniens graves ; très précoces
La maturation
(avant 12–18 mois), ils miment parfaitement les
La maturation de ces fonctions est particulière- troubles développementaux ;
ment lente, hétérogène et se poursuivent jusqu'au • certaines épilepsies (troubles des fonctions
jeune âge adulte. De nombreux travaux montrent exécutives, déficits attentionnels, troubles de
que l'attention (sous toutes ses formes), la résis- l'attention, TDAH) ;

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Chapitre 7. Évaluation des fonctions attentionnelles et exécutives

« Dans une population d'enfants épileptiques, plutôt de la sphère pédopsychiatrique, incluant les
Stores (1978) avait noté que 40 % étaient déclarés troubles des conduites1.
inattentifs sur la base de questionnaires remis De plus, la co-occurrence des troubles n'est
à l'entourage. La distractibilité et l'impulsivité pas rare (TDAH accompagné d'un trouble exé-
s'associaient, chez les garçons, à des troubles des cutif, d'un trouble du comportement, etc., voire
conduites. » la superposition d'aspects relevant des trois
« Les troubles évocateurs d'un syndrome TDAH catégories.
seraient particulièrement importants dans les Au cours de l'anamnèse, l'entourage de l'enfant
épilepsies généralisées symptomatiques… » parlera d'un enfant turbulent, toujours en mouve-
« Les troubles des fonctions exécutives sont ment, impulsif, fatigant. L'enfant pose des ques-
parfois évoqués pour expliquer les faibles QI non tions à répétition et n'attend pas les réponses. C'est
verbaux obtenus au WISC par les enfants épilep- un moulin à paroles. Il y a des mises en danger, un
tiques, en particulier aux sous-tests Labyrinthes certain mépris des règles. S'il n'est pas nécessaire
et Cubes qui sollicitent la planification et la réso- de reformuler les consignes, en revanche, il faut
lution de problème. » (extraits de Gillet et coll., répéter en permanence les mêmes choses. Il s'agit
Les épilepsies. In : Neuropsychologie de l'enfant. ici de signes positifs.
2000 ). On pourra aussi entendre en creux la descrip-
• toute lésion cérébrale prédominant dans les ter- tion d'un enfant rêveur, flottant, sensible aux cap-
ritoires cérébraux antérieurs (régions frontales tures attentionnelles. Le rendement scolaire est
ou préfrontales) : accidents vasculaires céré- faible : on passe des heures à faire les devoirs, avec
braux, tumeurs, etc. peu de réalisation. Il faut constamment ramener
• la prématurité et le petit poids à la naissance l'enfant dans la tâche.
(Hall et coll., 2008 ; Aarnoudse-Moens et coll., Du point de vue de la vie quotidienne, les
2009) ; parents et/ou les enseignants finissent par inter-
« Les troubles attentionnels sont réputés appa- préter les signes comme relevant d'une certaine
raître avec une plus grande fréquence chez les opposition : l'enfant est indiscipliné, rétif, agressif
enfants nés prématurément que chez les enfants ou irrespectueux, spontanément ou en réponse à
à terme », dit Mellier (1994), citant l'étude de des contraintes. Parfois, l'entourage ou les profes-
Szatmari et coll. (1993) qui recense plus de 18 % sionnels parlent d'un enfant « mal élevé ».
d'enfants avec troubles de l'attention dans une Faire la part des choses est donc malaisé, avec
population de 126 enfants prématurés (de moins des biais simplificateurs, d'autant que l'ensemble
de 1 800 g de poids de naissance), contre moins de des acteurs autour de l'enfant s'épuise, n'en peut
6 % dans la population des enfants nés à terme. mais, attend une solution tout de suite.
Tous ces signes peuvent être interprétés comme
relevant préférentiellement d'une catégorie ou
Les conditions générales du bilan d'une autre mais peuvent déborder de leur caté-
Ambiguïtés diagnostiques gorie principale.
Le but du bilan sera donc :
Si l'hypothèse d'un trouble dans la sphère atten- • d'éliminer un trouble instrumental sous-jacent
tionnelle et/ou exécutive est cliniquement relati- saturant les capacités attentionnelles ou exécu-
vement aisée pour le professionnel régulièrement tives par ailleurs intactes (doubles tâches) ;
exposé à une population de patients pédiatriques,
l'élaboration de la démarche diagnostique est en
revanche assez subtile, car nécessitant de faire le 1
Rapporter un trouble du développement de l'enfant à
tri entre différents symptômes et d'interpréter les une catégorie « pédopsychiatrique » ne signifie pas
données issues du bilan de manière fine. Or l'enjeu qu'on exclut les dimensions de « traitement de l'infor-
est de taille, puisque les modes de prise en charge mation ». En effet, dans les troubles oppositionnels
avec provocation, on décrit des troubles du traitement
médicales, paramédicales, éducatives, environne-
et de l'interprétation du regard d'autrui ou des expres-
mentales, scolaires pourront s'avérer assez diffé- sions du visage par le sujet, ce qui est clairement du
rents (figure 7.2). D'autant que viennent se greffer domaine cognitif : Hudley, 1996 ; Schonenberg,
aux hypothèses cognitives, des catégories relevant Jusyte, 2014 ; Dodge, 1982.

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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

Troubles de
Troubles
l’attention
exécutifs
avec ou sans
HA

Troubles du
comportement

Figure 7.2. Des symptômes qui appartiennent à plusieurs champs diagnostiques.

• d'affirmer l'existence d'un ou plusieurs troubles où l'on s'assure de la compréhension de la


dans le domaine attentionnel et/ou exécutif et/ consigne et de l'intégrité des systèmes sen-
ou comportemental ; sorimoteurs, practospatiaux et linguistiques
• au sein de chaque dimension, de mettre au jour sollicités par la tâche, et une condition
ce qui est préservé et ce qui se trouve au premier « test » où l'attention et les fonctions exécu-
plan des déficits ayant un impact fonctionnel tives sont sollicitées en outre, ou de façon
significatif. nettement plus intense, ou plus prégnante.
On ne parlera de troubles de l'attention et/
Précautions dans l'évaluation ou de trouble des fonctions exécutives que
si l'enfant réussit la condition « contrôle » et
des troubles de l'attention
échoue la condition test ;
et des fonctions exécutives • qu'un déficit ou une anomalie dans un secteur
L'attention et les fonctions exécutives s'appliquent déterminé de la cognition ne permet pas de
obligatoirement à « quelque chose » et seule est proposer (et encore moins d'interpréter) des
évaluable l'efficience, la performance dans ce épreuves attentionnelles ou exécutives utilisant
« quelque chose ». ce secteur comme support.
C'est aussi la raison pour laquelle, bien que
L'attention n'est pas observable directement, mais l'attention et les fonctions exécutives (tout
au travers d'une tâche particulière à laquelle elle comme la mémoire de travail) irriguent toutes
s'applique et qui met en jeu des capacités senso- les fonctions cognitives, il est souvent préfé-
rielles, motrices et cognitives. rable d'évaluer d'abord les différentes fonctions
instrumentales et les divers modules cognitifs,
Ceci implique : et de ne procéder aux évaluations attention-
• qu'une épreuve destinée à explorer l'attention nelles ou exécutives qu'ultérieurement (c'est-
ou les fonctions exécutives doit comporter à-dire, dans un troisième temps, figure 7.3),
deux volets : une condition dite « contrôle » même dans le cas où la plainte initiale concerne

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Chapitre 7. Évaluation des fonctions attentionnelles et exécutives

Niveau de facteur G ?
• la fatigue ;
( 244). • une pathologie cognitive dans un secteur
spécifique : lorsque, dans un domaine
donné, l'enfant présente un trouble, un
déficit ou un dysfonctionnement, toutes les
performances sollicitant ce secteur sont à la
Fonctions sensori-motrices et
cognitives sollicitées par
fois faibles (en termes de niveau de perfor-
la tâche ? mance) et épuisantes pour l'enfant ; para-
doxalement, il s'épuise pour un résultat très
médiocre, au contraire de « l'expert » qui va
réussir avec un faible coût cognitif et donc
Fonctions attentionnelles et peu de fatigue.
exécutives ?

Figure 7.3. Les trois étapes du diagnostic C'est donc dans les domaines où l'enfant est
des troubles des fonctions attentionnelles indemne, à l'aise et motivé que l'on pourra le
et exécutives. mieux juger cliniquement de la présence d'éven-
tuels troubles de l'attention.
l'attention ou l'hyperactivité. C'est d'ailleurs
habituellement au décours de ces premiers
bilans qu'apparaîtront les anomalies qui incite-
ront à explorer les fonctions attentionnelles et En effet, on retrouvera très souvent dans les
exécutives. remarques de l'entourage d'un enfant « dys »
Ce n'est que lorsque l'enfant présente d'emblée des plaintes associées aux capacités atten-
et de façon persistante, dans toutes les activités tionnelles réduites de l'enfant. Or, le plus
proposées, des signes pathognomoniques d'at- souvent, cette impression n'est qu'un artefact :
teinte des fonctions attentionnelles et exécutives lorsqu'une tâche n'est pas automatisée, elle
que l'on pourra alléger ce dispositif. Sinon, le requiert une forte réserve attentionnelle et un
risque est grand de faire beaucoup d'erreurs dia- bon contrôle exécutif. Si la tâche implique plu-
gnostiques par excès. sieurs traitements simultanés, comme c'est le
En effet, l'enfant qui souffre de trouble instru- plus souvent le cas (par ex. lire et comprendre ;
mental et/ou cognitif ou bien l'enfant qui, pour écrire et faire attention à l'orthographe…), les
quelque raison que ce soit, se trouve en grand capacités attentionnelles seront rapidement
décalage par rapport aux exigences scolaires, débordées. De plus, s'épuisant, l'enfant peut
manifestera des symptômes de fatigue, de lassi- devenir moins impliqué, fuyant, lâcher prise,
tude, de démotivation qui pourront facilement voire devenir rétif ou opposant. Il ne s'agit
être pris pour des troubles neurodéveloppe- donc pas nécessairement d'un trouble atten-
mentaux de l'attention si le clinicien n'est pas tionnel, exécutif ou comportemental, mais
rigoureux. d'un effet collatéral, conséquence directe du
trouble des apprentissages sous-jacent. On
peut le vérifier en administrant des tâches
Troubles de l'attention coûteuses du point de vue attentionnel mais ne
vs troubles des apprentissages mettant pas en cause le compartiment cognitif
Lorsque les parents, l'enseignant, ou le psy- déficitaire.
chologue au décours d'un bilan, évoquent des Cela ne veut pas dire en revanche qu'un trouble
« troubles de l'attention », il faut se garder de les attentionnel ne peut pas être co-occurrent à un
confondre avec : trouble dys. En effet, une atypie du développement
• le désintérêt pour la tâche proposée (banal, cognitif de l'enfant touche rarement électivement
voire légitime, mais certainement pas patho- une seule fonction (Butterworth et Kovas, 2013),
logique !), la réticence ou l'opposition de et l'immaturité attentionnelle et/ou exécutive peut
l'enfant ; tout à fait coexister avec un trouble dys.

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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

parfois être sous-estimées ou banalisées. Parfois


Il faudra toujours se demander si l'on n'a pas
involontairement proposé à l'enfant la réalisation elles sont mises en exergue pour tout expliquer,
d'une double tâche : avant d'évoquer des troubles alors que sous ce comportement se dissimulent
de l'attention, il faut répertorier l'ensemble des des troubles cognitifs indépendants et pénalisants.
compétences requises par la tâche proposée, Inversement, les troubles de l'attention chez
repérer les composants qui sont (ou devraient les filles sont souvent moins bruyants et partant,
être) automatisés et quels autres, au vu du niveau moins apparents que chez les garçons. Ils peuvent
d'expertise de l'enfant, requièrent certainement donc n'être jamais évoqués comme source pos-
l'allocation d'importantes ressources cognitives. sible des difficultés constatées fonctionnellement
Sinon, le diagnostic de trouble attentionnel peut chez l'enfant.
être porté par excès et aboutir à des propositions C'est pourquoi on prendra garde, comme le
thérapeutiques tout à fait inappropriées. plus souvent en neuropsychologie infantile, de
proposer systématiquement aux patients des
deux sexes des tâches attentionnelles étalonnées.
En revanche, c'est par l'administration de tâches Ce screening est nécessaire pour éviter de passer
attentionnelles dans les domaines préservés que complètement à côté d'un diagnostic inattendu,
l'on pourra le déterminer. De plus, les fonctions au vu des données de l'anamnèse, voire même des
attentionnelles et exécutives incluant un éventail observations cliniques du spécialiste.
varié de compétences, la clarification de la ou des
fonctions touchées sera un préalable à des prises
en charges ciblées et efficaces.
L'attention
Spécificités filles/garçons L'attention n'est
Il est évident, y compris pour les non-spécialistes, pas une fonction unitaire
que si les comportements peuvent varier entre les
filles et les garçons, c'est bien dans le domaine Bien que tout le monde sache, de fait, ce que
de l'attention et de l'impulsivité que les diffé- signifie « faire attention », il s'agit une fonction
rences sont les plus anticipées. Quelle est la part difficile à cerner (Camus, 1996 ; Couillet 2002 ;
de l'environnement culturel d'un côté (place des Hirsbrunner, 2000).
filles et des garçons dans le regard des parents, Il s'agit d'un état de vigilance, soit global et
des enseignants, niveau de tolérance, poids cultu- non spécifique (état d'éveil), soit orienté vers
rel des injonctions différentiées selon le sexe…) et un stimulus ou un événement précis qui va (ou
celle des authentiques différences cognitives au peut) se produire (état d'alerte, effet d'attente),
cours du développement et en fonction des âges ? ou encore vers un stimulus précédemment sélec-
Il s'agit d'un vaste débat que ce chapitre n'a pas tionné (attention sélective, brève ou maintenue).
l'objectif de trancher. Concrètement cependant,
au-delà des origines de ces écarts observés, les « L'attention regroupe un ensemble de phé-
données recueillies sont en faveur d'écarts signifi- nomènes régulateurs permettant d'optimiser
catifs filles/garçons dans les tâches attentionnelles l'efficience (la rapidité et/ou la précision) cogni-
en particulier. On l'aura anticipé, les scores aux tive » (Godefroy et coll., 2001).
épreuves étalonnées sont en moyenne meilleurs
chez les filles que chez les garçons. On restera
donc vigilant à utiliser les normes différenciées en Deux qualités d'attention
fonction du sexe, quand celles-ci sont disponibles. En fonction de l'origine de la « source » attention-
Cela ne veut pas dire que les troubles de l'atten- nelle, on distingue :
tion sont moins fréquents chez les filles que chez • l'attention exogène, déclenchée par un signal
les garçons. Deux types d'observations sont ici (visuel, auditif, etc.) saillant dans l'environ-
en tension : l'agitation et les plus faibles capaci- nement (donc indépendant du sujet), signal
tés attentionnelles sont plus attendues (tolérées ?) qui happe l'attention du sujet. Elle est brève et
chez le garçon que chez la fille, et peuvent donc automatique ;

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Chapitre 7. Évaluation des fonctions attentionnelles et exécutives

• l'attention endogène, dont l'origine est inten- Ces diverses attentions constituent donc diffé-
tionnelle, issue du sujet, liée à son projet (son rents sous-secteurs attentionnels qui, en pathologie,
désir, son intérêt, etc.). Cette attention (qui peut peuvent être atteints dans leur ensemble ou réaliser
aussi prendre le relais d'une attention exogène), des associations propres à chaque enfant, d'où l'inté-
est donc volontaire et contrôlée par le sujet, tant rêt de tenter, en clinique, des évaluations différen-
dans son orientation que dans sa durée. ciées de chacun de ces secteurs attentionnels.
L'attention exogène est très précoce : elle
correspond aux réactions d'orientation et à La démarche diagnostique
l'intérêt « spontané » du jeune enfant pour tout
mouvement, tout bruit, toute nouveauté (qui des troubles de l'attention
attire automatiquement le regard, l'audition, ou On peut affirmer ces troubles sur la base de trois
la préhension de l'enfant) ; elle constitue initia- critères combinés :
lement un puissant mécanisme qui permet de • les données de l'anamnèse et l'utilisation d'ou-
renseigner les différents modules cognitifs encore tils étalonnés d'observation des comportements
immatures et « d'alimenter » les différents réseaux par l'entourage (parents, enseignants) ;
(en afférences, en stimuli, en expériences, etc.). • les observations cliniques ;
Progressivement, l'attention endogène apparaît • l'administration de tests étalonnés.
et se développe graduellement ; elle contribue à
l'essor, l'évolution et la complexification progres- Données de l'anamnèse
sive des projets du sujet et permet, lorsque c'est et observations de l'entourage
nécessaire, de négliger des stimuli saillants de
l'environnement. On a déjà mentionné les signes récurrents rappor-
tés par les familles, les enseignants et l'entourage
de l'enfant en général. Alertes parfois non spéci-
Plusieurs types d'attention, fiques, ou résultant de l'intrication de troubles
selon leur objet et leur durée multiples, ils n'en gardent pas moins une perti-
• Attention sélective ou focalisée : elle consiste nente écologique évidente.
à choisir le(s) stimulus (stimuli) sur lesquels le Le clinicien ne rencontre l'enfant qu'un nombre
sujet va se focaliser, et donc, à négliger les autres : limité de sessions, en situation le plus souvent
on compare souvent cette fonction, dans la lit- duelle, dans un cadre non familier à l'enfant. Tous
térature, à un filtre ou encore à un phare dont le ces éléments peuvent moduler les observations
halo lumineux plus ou moins large rehausse la comportementales. Ainsi, un syndrome dysexécutif
prégnance des stimuli sélectionnés et laisse les impliquant l'absence de « filtre » chez l'enfant pourra
autres dans l'ombre. se montrer nettement moins bruyant en situation
• Attention soutenue : elle vise à maintenir l'at- de face-à-face qu'au sein du groupe classe ou de la
tention, de façon continue, durant un intervalle famille. En effet, dans le contexte de l'évaluation,
de temps donné. on cherche précisément à éviter les distracteurs, les
• Attention partagée (ou divisée) : elle doit être nuisances, la multiplicité des sollicitations qui pour-
répartie entre deux ou plusieurs stimuli (ou rait la perturber. De ce fait, on pourrait minimiser
tâches) qui doivent être traités simultanément. l'impact des troubles sur la réalisation des tâches.
Dans la vie quotidienne, rien de tel : l'enfant
est assailli par une foule de stimulations para-
Attention auditive ou visuelle sites qui se multiplient de manière véritablement
Les attentions visuelle et auditive sont des exponentielle en fonction du nombre d'acteurs
« modules » cognitifs isolables, qui peuvent être présents (autres élèves, enseignant(s), etc.).
affectées sélectivement en pathologie (Pritchard De même, en situation d'examen, l'examina-
et Hendrickson, 1985) : en effet, l'attention teur est entièrement disponible pour le patient.
visuospatiale (qui repose surtout sur des réseaux Intentionnellement ou pas, il sollicite, stimule,
fronto-pariéto-occipitaux) est indépendante rappelle, relance l'enfant. Cela diminue l'espace
de l'attention auditivoverbale (dépendante de d'autonomie de l'enfant et peut réduire les chances
réseaux frontotemporaux). d'observer un trouble discret.

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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

Si les observations de l'entourage de l'enfant sont ACE3 et la CADDRA4, par ex. Le praticien peut
donc précieuses, la variabilité des données recueil- aussi, à titre de check-list, se rapporter aux critères
lie peut être importante. En effet, la tolérance établis par le DSM5, qu'il remplira avec la famille.
vis-à-vis de certains comportements peut être très
différente en fonction du parent interrogé, de la Observations cliniques
culture familiale, éducative plus ou moins flexible,
On l'a dit, le cadre d'une évaluation neuropsycho-
de l'enseignant plus ou moins cadrant, libéral ou
logique pourra avoir tendance à réduire l'impact de
rigide. De même, certains enseignants peuvent
troubles attentionnels, exécutifs ou comportementaux
être réticents quant à laisser une trace (fut-ce par
habituellement observés par la famille ou les ensei-
l'intermédiaire d'un questionnaire « objectif »)
gnants. Pourtant, le clinicien observateur et les stra-
concernant le comportement d'un enfant (dont par
tégies d'évaluation seront à même de mettre au jour
ailleurs, paradoxalement, ils peuvent se plaindre,
l'impact fonctionnel des fragilités quand elles existent.
ce qui est souvent le motif de la consultation), de
Dès la salle d'attente, le comportement de l'enfant
crainte de « stigmatiser » l'élève.
peut être tout à fait révélateur : enfant agité, qui ne
Il nous paraît aussi très important au cours
peut s'asseoir et attendre ; enfant tyrannique, agressif
de l'anamnèse d'interroger la famille quant à
avec l'accompagnant adulte ; qui touche à tout, parle
l'existence ou non des comportements et/ou des
sans cesse à tort et à travers, selon l'âge s'adresse et
troubles dans le cadre non familial et non acadé-
tutoie tout le monde… Il est toujours intéressant de
mique. En effet, si l'enfant, dans un cadre moins
partager ces observations avec les personnels, spé-
contraignant, plus ludique et en particulier ne fai-
cialistes ou non, qui ont eu affaire avec l'enfant et la
sant pas appel aux compétences scolaires, garde
famille. Les atypies de comportements, la familiarité
des comportements inappropriés ou gênants,
inhabituelle, le rapport aux parents, les déborde-
l'hypothèse de l'existence d'un trouble dans une
ments, etc. Tous ces éléments comptent pour établir
des sphères évoquées (attentionnelle, exécutive ou
un diagnostic fiable. Certains services hospitaliers
comportementale) s'en trouve renforcée.
mettent en place des dispositifs d'observation prolon-
Plusieurs outils peuvent guider les observations
gée des enfants, avec hospitalisation de quelques jours
des parents et de l'entourage académique ou non
à 1 ou 2 semaines : cela permet un recueil de données
académique de l'enfant, ce qui permet d'objectiver
très précieuses. Quand on ne bénéficie pas d'un tel
les données et de les étalonner.
cadre, l'observation en classe par le professionnel
Les échelles de Conners (Conners et Ulrich,
peut apporter des arguments complémentaires.
1978) sont l'outil le plus répandu. Deux échelles
Au cours de l'évaluation elle-même, le glissement
autonomes sont proposées : une pour les parents,
progressif ou les variabilités du comportement
une pour les enseignants. On engage à utiliser
doivent être observés ; les demandes de pause, les
la version longue, plus complète et approfondie.
plaintes, les bâillements ; l'agitation, l'apathie, les
Chaque personne interrogée remplit l'échelle de
rêveries et captures attentionnelles (tourne la tête
manière indépendante et sans intervention des
au claquement d'une porte ou au passage d'une voi-
autres. Traduites et étalonnées en français, elles
ture…) peuvent être aussi très révélatrices, même
apportent une certaine richesse d'information,
si elles ne peuvent constituer en soi un diagnostic.
faisant le tri entre éléments relevant des phéno-
Le contraste entre des tâches à réaliser en auto-
mènes attentionnels, des conduites, des critères
nomie ou en interaction duelle avec l'examinateur
relevant de l'humeur et des interactions sociales.
apporte des informations intéressantes : étayé,
Chaque critère peut être étalonné séparément ;
l'enfant s'applique et se montre disponible ; laissé
un indice d'hyperactivité est isolé. Une note glo-
à lui-même (même pour un dessin libre, par ex.),
bale est produite, donnée mixte à prendre avec
il baye aux corneilles, procrastine, ou inversement
prudence, étant donné la multiplicité des dimen-
se relâche et ne se maîtrise plus.
sions sous-jacentes mesurées.
D'autres échelles comparables existent, tel le
questionnaire d'Achenbach2, le questionnaire 3
Questionnaire ACE, https://www.associationtdah-
impulse.ch/wp-ontent/uploads/ACE
4
CADDRA : http://www.caddra.ca/pdfs/ChildAssessment
2
Child Behavior Check List, Achenbach, 1991. Package_FR.pdf

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Chapitre 7. Évaluation des fonctions attentionnelles et exécutives

Au cours des tâches elles-mêmes, le besoin des items difficiles (pour lesquels la réponse
d'étayage et de guidance de l'enfant peut être un n'est pas apparemment évidente) alors que
argument déterminant. Les réponses impulsives, des items nettement plus faciles sont échoués,
de type « n'importe quoi », le défaut d'observation témoigne parfois du fait que la mobilisation des
de toutes les données, le choix de la première pro- ressources attentionnelles est fluctuante et très
position présentée, le besoin de ramener l'enfant sensible au contexte, à la nature de la tâche, à la
dans la tâche nourrissent non seulement l'interpré- motivation et au jugement métacognitif.
tation des données recueillies, voire du jugement Tous ces éléments sont précieux et très infor-
de leur validité, mais aussi le diagnostic lui-même. matifs, mais ne permettent bien entendu pas de
De nombreuses tâches sont très sensibles aux se passer des données objectives issues de tests
troubles de l'attention. Un trouble attentionnel massif étalonnés.
peut aisément entraîner un diagnostic de déficience
intellectuelle, quand en fait il perturbe l'ensemble des Tests disponibles
fonctions cognitives et affecte les performances de
Au cours de la dernière décennie, des tests atten-
l'ensemble (ou la de majorité) des épreuves.
tionnels spécialement dédiés aux enfants ont été
développés et étalonnés. Comme le plus souvent,
Si l'hypothèse de trouble de l'attention se ren- ils proposent des tâches de validité variée, voire
force du fait de ces biais comportementaux, il pour certaines discutables. Mais ces tâches sont
est essentiel d'en tenir rapidement compte lors généralement informatives.
de la passation des tâches dont la visée n'est pas On l'a dit, les travaux de recherche différencient
directement attentionnelle. En effet, un étayage plusieurs types de phénomènes attentionnels :
supplémentaire (sans aide transformant la tâche) • attention sélective ou focalisée ;
devra être proposé, afin de ne pas risquer d'inva- • attention soutenue ;
lider tout ou partie des données. • attention divisée, etc.
Il est parfois difficile d'associer une tâche par-
• Les épreuves sur matériel perceptif demandent ticulière proposée par les tests à un type bien
souvent une décision dans le cadre d'un choix déterminé de compétence attentionnelle. D'autant
multiple par observation de planches et une que les catégories des cliniciens diffèrent parfois
réponse par pointage. En cas de trouble de de celles des chercheurs… Cependant, comme
l'attention, l'opportunité laissée à l'enfant d'habitude, nous analyserons les attendus neuro-
d'observer librement le matériel peut entraîner psychologiques de chacune des tâches afin d'en
un traitement superficiel, voire incomplet des déterminer la nature, les bénéfices, les ambiguïtés
données. De même, les réponses trop rapides, et les limites.
sans se donner le temps de la réflexion, peuvent En français, la batterie de référence est celle
être très révélatrices. En ce sens, on sera par- de la Tea-Ch (Test of Everyday Attention-
ticulièrement vigilant au cours de la passation Children), étalonnée à partir de 6 ans et jusqu'à
des épreuves de catégorisation (IDC du WISC) 12 ans 11 mois. Elle s'appuie sur la version
ou de raisonnement (Matrices du WISC et anglosaxonne, étalonnée jusqu'à 16 ans5. Elle se
Séquences logiques et Arrangement d'images du
K-ABC, etc.).
• Dans le domaine auditivoverbal aussi, les don-
5
L'écart des normes entre les versions anglo-saxonne
(australienne) et française est très frappante, les
nées cliniques sont informatives. L'enfant qui normes françaises étant nettement plus laxistes (taille
fait répéter les consignes, ou au contraire donne de l'échantillon ? Diffusion de ce type de tâches dans
ses réponses avant la fin de celles-ci, ou anticipe le grand public, effets d'entraînement). De plus, les
ce qu'il faut faire avant même qu'on le lui ait dit, normes anglo-saxonnes allant jusqu'à 16 ans différen-
sont des alertes. Les fluctuations observées au cient bien les filles des garçons, avec des écarts signi-
ficatifs, ce qui n'est pas le cas pour la version française
cours de la passation d'une même épreuve sont
qui mélange les deux cohortes. On engage vivement
aussi révélatrices (on pense par ex. à l'alternance les praticiens à se procurer les normes anglo-saxonnes
des échecs et des réussites à Mémoire des chiffres nettement plus fiables. Une 2e édition de cette version
ou Séquences Lettres-Chiffres). La réussite à est du reste en cours de publication.

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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

compose d'une dizaine d'épreuves, balayant les qualitatifs précieux en termes de diagnostic
différentes dimensions attentionnelles (mais et de prise en charge.
aussi exécutives), et ce dans les deux modalités, – Une épreuve d'attention soutenue : l'épreuve
visuelle et auditivoverbale. de Transmission de codes répond approxi-
mativement aux critères standards d'une
• Dans la modalité auditivoverbale : tâche d'attention soutenue (plus de 15 min,
– Une épreuve d'attention focalisée nous paraît détection de stimuli raisonnablement fré-
devoir être l'un des socles du bilan : l'épreuve quents parmi une série continue de stimuli
des Coups de fusil a en effet l'avantage d'être peu contrastés exigeant un certain niveau
une épreuve auditive non verbale consistant à de vigilance). Elle consiste pour le sujet à
compter dans sa tête des bruits sans significa- repérer un signal (deux 5 qui se suivent) au
tion. Demandant un minimum de compétences sein d'une longue série de chiffres énoncés
numériques (compter à voix basse jusqu'à 15, de manière monocorde. L'enfant doit alors
dénombrement par association stimulus-mot dire quel était le chiffre prononcé avant
nombre), elle demande de maintenir un certain le premier 5. Outre un score global, cette
niveau de vigilance, et une focalisation sur les épreuve permet des observations cliniques
stimuli qui sont organisés de manière aléatoire. intéressantes : l'enfant décroche complè-
Il n'y a pas de distracteur, donc pas de risque de tement, abandonne la tâche, se plaint,
fausses alertes. L'épreuve est bien sensible. demande « quand c'est fini », fluctue dans la
– Complémentaire de cette épreuve, une double qualité de ses réponses, répond alors qu'un
tâche est proposée (Écouter deux choses à la seul 5 était présent (défaut d'inhibition
fois), mobilisant l'attention divisée. Au cours sélective). Les compétences numériques
de ce travail, l'enfant doit à nouveau compter sollicitées sont très limitées (maîtrisées
les coups de fusil dans sa tête, mais, simulta- dès le CP), et la charge en mémoire de tra-
nément, doit traiter une petite histoire au sein vail peu significative. Notons des normes
de laquelle il doit repérer le nom d'un animal. françaises très tolérantes et peu sensibles
Double tâche typique, saturant le canal audi- pour les plus jeunes (ils sont dans la norme
tivoverbal, elle permet de juger des capacités même s'ils perdent plus de 30 % des cibles),
de partage attentionnel entre deux stimuli ce qui est gênant pour étayer le diagnostic
dans la même modalité. Malheureusement, quand la question d'un TDAH précoce est
dans les faits, l'attractivité des deux types de posée et que cliniquement, les éléments
stimuli est assez déséquilibrée, avec habituel- diagnostiques sont assez clairs…
lement une nette préférence des sujets pour
les stimuli verbaux. Cela permet néanmoins, • Dans la modalité visuelle. Les épreuves propo-
pour les enfants les plus âgés en particulier, sées sont nettement moins valides et sensibles
de mesurer les capacités d'attention lorsque que dans le domaine auditivoverbal :
les exigences sont élevées. La réussite est – Une épreuve d'attention focalisée : dans
parfois modulée par la motivation, avec para- l'épreuve Recherche dans le ciel, l'enfant
doxalement une meilleure réussite à cette doit repérer des paires de stimuli identiques
épreuve comparée à la précédente, pourtant répartis aléatoirement parmi des paires
plus facile6. Cela donne alors des éléments de stimuli différents. Tous les stimuli sont
organisés de manière linéaire. Les auteurs
ont pris soin de proposer dans un deuxième
6
Une dissociation très précieuse est celle qui fait appa- temps et en complément une tâche non
raître chez l'enfant une préférence pour les stimuli attentionnelle : sur un support de même
non verbaux. L'enfant décompte alors bien les coups dimension que précédemment, seules les
de fusils, mais ne repère pas le nom de l'animal. Cette
dissociation paradoxale doit alerter quant à la pos-
paires de stimuli identiques sont présentées,
sible existence d'un trouble de la compréhension orale sans la présence des distracteurs. L'enfant
(dysphasie réceptive), l'enfant réorientant son atten- doit entourer des paires de stimuli iden-
tion vers les stimuli les plus accessibles pour lui. tiques, disposées de la même manière que

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Chapitre 7. Évaluation des fonctions attentionnelles et exécutives

précédemment, ce qui permettra de « sous- administrées. De plus, à la différence de


traire » l'effet purement lié à l'exploration l'épreuve Coups de fusil, les stimuli auditifs
visuelle dans cette tâche. En effet, répartis sont ici présentés à intervalle constant, ce qui
sur une grande page A3, les exigences en permet une automatisation implicite rapide
termes d'exploration et de discrimination du comptage. En définitive, cette épreuve se
visuelles sont élevées. Cependant, l'effet révèle peu informative (excepté bien sûr des
principal nuisant à la bonne validité de observations qualitatives éventuellement inté-
la tâche en ce qui concerne les processus ressantes dans le domaine exécutif : l'enfant ne
attentionnels est la dimension proprement traite que l'un des deux stimuli, il se perd, est
stratégique de la tâche : l'enfant doit enga- perturbé et ne met pas ou plus une stratégie
ger une procédure systématique en ligne efficace de recherche des stimuli visuels…). Il
ou colonne afin d'être efficace. À défaut, le est intéressant de constater que, paradoxale-
long temps de passation ne sera pas dû à un ment, cette épreuve est souvent mieux réussie
trouble de l'attention focalisée, mais à une que les deux épreuves proposées séparément
tactique de recherche inefficace. Dans ces (motivation ? effet d'entraînement ? rythme de
conditions, la tâche ne pourra pas être ana- présentation des stimuli ?….).
lysée en termes attentionnels, mais plutôt
essentiellement exécutive. Remarquons que plusieurs tâches proposées par
– Une épreuve de barrage : à nouveau sur l'es- la Tea-Ch relèvent bien plutôt des dimensions exé-
pace d'un support A3, l'enfant doit repérer cutives du traitement, avec une dimension atten-
des cibles parmi des distracteurs sur un fac- tionnelle secondaire :
similé de Carte de géographie. La dimension • Les Petits hommes verts : intéressante épreuve de
attentionnelle est certes présente (comme flexibilité mentale, l'afférence est visuelle (des sti-
dans toute tâche), mais les éléments d'effica- muli visuels présentés en lignes entrecoupés de
cité oculomotrices sont néanmoins les plus signaux de changement d'ordre de traitement)
déterminants. et la réponse verbale, n'entraînant donc pas de
– Une double tâche auditivoverbale : combinant conflit cognitif entre les deux modalités. L'enfant
les épreuves de Recherche dans le ciel et de doit compter les stimuli visuels pointés par l'exa-
Coups de fusil, elle demande une division de minateur alternativement à l'endroit et à l'envers
l'attention entre les deux modalités. On sait en fonction du signal de changement. Outre
cependant que, dans le domaine attentionnel, l'automatisation des séquences numériques, à
les deux voies ne sont pas en compétition, l'endroit et à l'envers, cette tâche demande une
et que le coût lié à l'allocation de ressources bonne flexibilité mentale. L'impossibilité d'alter-
attentionnelles dans chacune des voies et ner, le fait de repartir systématiquement à 1,
faible. C'est en revanche dans le cas du trai- les sauts dans la séquence, la perte de la règle
tement de deux informations en même temps en cours d'épreuve, la non prise en compte des
dans la même modalité (par ex. : Écouter réponses absurdes (l'enfant décompte jusqu'à 0
deux choses à la fois), ou en cas de double et reste bloqué), etc., sont des paramètres inté-
tâche (une des tâches, ou a fortiori les deux, ressants quant au contrôle exécutif.
est coûteuse dans sa modalité avec une faible • Marche/arrête est une épreuve d'inhibition
automatisation : par ex., conduire tout en simple. L'enfant doit cesser son action (pointer
écoutant la radio pour un conducteur débu- au feutre des stimuli visuels) à l'arrivée d'un
tant, écouter l'enseignant tout en prenant des stimulus auditif d'arrêt. Elle est peu sensible
notes pour le scripteur non expert ou l'enfant cliniquement et en étalonnage.
dysgraphique). La validité de l'épreuve Faire • Mondes contraires est une épreuve d'inhibition
deux choses à la fois est donc sujette à cau- sélective de type go-no go classique. Dans la
tion, car chacune des tâches sous-jacentes tâche standard (go), l'enfant doit lire une série
est assez simple, probablement partiellement de chiffres (en fait seulement des 1 et des 2)
automatisées par l'entraînement procuré selon l'ordre de présentation. Dans la tâche
par les épreuves monotâches précédemment d'inhibition (no go), le sujet dit 2 quand il voit 1

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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

et inversement. La tâche est le plus souvent trop Peu de tâches existent pour ce qui est de l'at-
courte pour permettre de mettre au jour un tention visuelle focalisée7. Le d2 (révision 2015,
défaut d'inhibition sélective. étalonné à partir de 9 ans) répond bien à la ques-
Remarquons enfin que la Tea-Ch a bien prévu tion posée (repérer la lettre « d » entourée de deux
deux versions (A et B) permettant une seconde traits verticaux, parmi des distracteurs : lettre « p »
passation (par ex. pour évaluer l'impact de l'effet ou plus ou moins deux traits). Outre de bonnes
d'une médication psychostimulante), en évitant capacités de discrimination visuelle, des qualités
un éventuel effet test-retest. de traitement séquentiel, la tâche demande une
Outre la Tea-Ch, plusieurs batteries multitâches bonne reconnaissance des lettres. On appréciera
et des outils monotâches permettent de compléter particulièrement l'analyse des commissions.
et approfondir les dimensions attentionnelles du Dans le domaine de l'attention soutenue, l'ap-
traitement : parition des tests informatisés (la famille des CPT
• Au sein de la NEPSY2 en particulier, des pro- ou Continuous Performance Test) a permis la pro-
grès ont été réalisés dans la proposition de position de tâches beaucoup plus valides que par
tâches attentionnelles, surtout en supprimant le passé et délivrant des indices plus variés et fins
ou modifiant des tâches non valides. En effet, lors de l'analyse des réponses du sujet.
l'épreuve d'origine dite Attention auditive et On retiendra en particulier le test de l'IVA
réponses associées a été profondément rema- (Integrated Visual & Auditory Continuous
niée. Il s'agit toujours de focaliser son atten- Performance Test8), qui associe plusieurs bénéfices,
tion sur un flux auditivoverbal représenté en particulier :
par une série de mots incluant des noms de • l'analyse des performances aussi bien dans la
couleur (noir, rouge, jaune, bleu). Cependant, modalité visuelle que dans la modalité auditi-
initialement, l'enfant devait en réponse pla- voverbale. On peut aisément dissocier les deux
cer un morceau de mousse dans une boîte dimensions par passations séparées ;
lorsqu'il repérait la cible (le mot « rouge »). • l'analyse fine des données dans leurs dimen-
Dans la 2e édition, la procédure de réponse a sions attentionnelles et exécutives ;
été refondue, et l'enfant doit simplement tou- • une large base d'étalonnage à partir de 6 ans.
cher rapidement un rond rouge sur un plan L'IVA2 est un outil informatisé dont la passa-
devant lui, parmi quatre propositions (rouge, tion, encadrée par une période « d'échauffement »
bleu, jaune, noir). Beaucoup plus facile à expli-
quer et administrer, cette épreuve est tout à 7
On mentionnera pour mémoire les troubles dits de
fait convaincante, permettant de mesurer les « négligence » de l'hémi-espace gauche qui se ren-
omissions et les commissions. contrent au décours de certaines atteintes de l'hémis-
phère droit (le sujet ignore complètement tous les
• En complément est proposée une épreuve stimuli visuels présents dans la partie gauche de son
d'inhibition sélective (pointer « jaune » pour champ visuel), ou encore certaines agnosies visuelles
« rouge » et inversement, toucher la tache bleu (en particulier la simultagnosie : impossibilité de
pour « bleu », ne rien faire pour les autres sti- « voir » et décoder simultanément différents éléments
muli), intéressante et fine en termes d'étalon- d'une scène visuelle, chaque élément de la scène pou-
nage (omissions, commissions, sensibilité aux vant être vu et décodé s'il est isolé) sont souvent com-
prises comme des troubles de l'attention spatiale,
fausses alertes). relevant d'une lésion ou d'un dysfonctionnement de
• L'épreuve d'Attention visuelle a été supprimée. l'hémisphère droit, particulièrement impliqué dans
En effet, test de barrage assez grossier pour les les tâches d'attention spatiale. Les tâches de barrage
plus jeunes, et de repérage de visages identiques ou de dessin pourront être révélatrices de ces hémi-
à deux cibles, parmi une série de visages stylisés négligences rares chez l'enfant et à notre connais-
aux caractéristiques variées pour les plus âgés, la sance, toujours consécutives à une lésion cérébrale
acquise. Nous ne connaissons pas de cas d'héminégli-
construction du test ne répondait pas à une ques- gence qui serait développementale. Pour les simulta-
tion suffisamment précise (traitement séquentiel, gnosies, on pourra proposer des tâches dites de
discrimination visuelle fine, oculomotricité), figures emmêlées (par ex. Frostig) et de discrimina-
avec une charge attentionnelle limitée, ce qui ne tion figure/fond (DTVP).
permettait pas de tirer de conclusions. 8
IVA2, BrainTrain, 2016.

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Chapitre 7. Évaluation des fonctions attentionnelles et exécutives

(warm-up) et une conclusion (cool-down), prend – une mesure intersujets de TR absolue (Speed)
17 min. Elle convoque les deux modalités, visuelle dans chacune des deux modalités, pour les
et auditivoverbale. La tâche est très simple : l'en- essais réussis, qui est étalonnée dans chacun
fant voit sur l'écran, projeté de manière séquen- des groupes de référence (en âge et sexe) ;
tielle au centre de l'écran, une série de « 1 » et de – une mesure intrasujet du ralentissement
« 2 ». De même, il entend, intercalés, des alter- attendu (ou paradoxalement d'une accéléra-
nances de « 1 » et de « 2 ». L'enfant doit cliquer sur tion, stratégique ? apprentissage ?) de la vitesse
la souris aussi vite que possible et sans se tromper, de réaction (Stamina) qui compare la vitesse
lorsqu'il entend ou voit des « 1 » ; pour les « 2 », il moyenne de réaction pour les 200 derniers
ne fait rien. essais par rapport aux 200 premiers. Un ralen-
L'intérêt de cette tâche, outre sa longueur, et tissement significatif est signe d'habituation et/
donc sa bonne validité en termes d'attention sou- ou relâchement attentionnel sur le long terme.
tenue, est le soin qui a été mis à l'organisation du S'y ajoutent deux mesures de variabilité intra-
matériel et à la finesse des analyses qui peuvent sujet tous blocs confondus :
en être tirées. – focus : une mesure d'écart-type de la distribu-
En effet, la tâche qui contient 500 essais, alterne tion des temps de réaction, comparée à celle
des blocs dits « fréquents » (où les cibles [les 1] sont des pairs ;
fréquentes et les fausses alertes [les 2], rares) avec – consistency : une mesure basée sur les quartiles,
des blocs dits « rares » (où les cibles sont rares et estimateur plus pertinent quand la distribution
les fausses alertes fréquentes). Les exigences atten- n'est pas gaussienne (beaucoup plus de temps
tionnelles et exécutives sont donc variables d'un longs que de temps courts ou inversement).
bloc à l'autre. C'est cette double analyse qui est Enfin, la batterie apporte un raffinement sup-
possible, dans les deux modalités. Elle est basée plémentaire en produisant une analyse des
classiquement sur trois critères : les omissions, les temps de réactions pour les blocs rares, plus exi-
temps de réaction et les commissions : geants du point de vue attentionnel (Swiftness
• Omissions : elles mesurent la vigilance, la capa- pour le TR, Dependability pour la variabilité
cité à détecter un stimulus pertinent dans un mesurée par l'écart-type des mesures).
environnement. Du point de vue attentionnel, • Commissions : la sensibilité aux fausses alertes est
les auteurs distinguent un premier facteur d'at- plutôt à ranger dans les capacités exécutives d'in-
tention dénommé Acuity qui évalue et norme hibition sélective et de flexibilité mentale. L'IVA +
par âge et par sexe le nombre d'omissions des distingue de ce fait de manière assez subtile :
cibles au sein des blocs rares, c'est-à-dire la – une mesure dite de « Prudence », plus particuliè-
difficulté de l'enfant à maintenir sa vigilance rement exécutive. Elle prévoit le dénombrement
stable même quand la demande est faible. On des commissions (répondre quand c'est un 2,
y joint une mesure des omissions au sein des alors qu'il fallait s'abstenir), mais en distinguant
blocs fréquents dénommée Steadiness, en pre- les erreurs apparaissant : au cours des blocs fré-
nant soin de retirer les omissions intervenant quents ; au cours des blocs rares, mais résultant
juste après l'intervention d'une fausse alerte. Ce de la transition d'un bloc fréquent à un bloc rare
dernier type d'erreurs, appelé Elasticity est plu- (Propensity Error) ou du passage d'une modalité à
tôt à analyser comme une faculté dépendante une autre (Mode Shift Error) au sein du bloc rare ;
du domaine des fonctions exécutives, car, elle – une mesure supplémentaire de commissions
se rapporte plutôt à une question de flexibilité dites idiopathiques, c'est-à-dire toutes les
mentale. autres (la sensibilité aux fausses alertes, alors
• Temps de réaction (TR) : ils sont analysés inter- qu'il n'y avait pas de transition nécessitant
sujets et intrasujet, en mesure absolue ou varia- flexibilité mentale ou inhibition sélective).
bilité. Une augmentation du temps de réaction Cette mesure est plutôt à rapporter aux
et une dispersion élevée de ces temps de réac- ­compétences attentionnelles.
tion sont analysées comme une fragilité atten- Notons que les auteurs sont attentifs à mesurer
tionnelle, une instabilité et des fluctuations de de manière indépendante (au cours des périodes
la vigilance. De fait, on distingue : d'échauffement et de conclusion), les facteurs

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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

p­ urement moteurs ou de biais liés à la vitesse de d'un trouble de l'attention. Cependant, un peu
réaction propre au sujet, lorsque les exigences atten- trop couramment, les praticiens ont l'habitude de
tionnelles sont minimes (une seule modalité, tâche rapporter certaines épreuves, en particulier des
courte), ainsi que d'éventuelles stratégies invalidant échelles de Wechsler à une dimension élective-
le protocole (par ex. : cliquer de manière répétitive ment attentionnelle. De notre point de vue, il faut
sur la souris, y compris entre les stimuli…). rester prudent. Nous prendrons deux exemples,
L'analyse des données issues de cette tâche un dans la modalité auditivoverbale, l'autre dans
permet de toucher du doigt l'infiltration des la modalité visuelle.
éléments exécutifs au sein de tâches dites atten-
tionnelles, où la vigilance doit être secondée par
des mécanismes d'allocation de ces ressources
attentionnelles.
La richesse de cette batterie implique une ana- Exemples
lyse soigneuse de l'ensemble des données. Encore Exemple 1
une fois, le nom des agrégats mesurés peut être
Pour la Répétition de chiffres à l'en-
trompeur, et il faut revenir à la nature des para- droit, épreuve étalonnée incluse dans
mètres mesurés et comprendre les éléments dont la plupart des tests composites d'intelli-
il est tenu compte, afin d'éviter les erreurs d'inter- gence (tableau 7.1), il faut distinguer plu-
prétation. Par exemple, cette batterie propose une sieurs situations :
mesure dite de Vigilance mais qui est en fait un � soit l'enfant échoue la répétition de
agrégat de la mesure dite Acuity (omissions au chiffres à l'endroit et à l'envers, de
cours des blocs rares) et de la mesure d'Elasticity façon grossièrement concordante : il
(omission de cibles suite à une série de fausses est alors difficile de différencier troubles
alertes dans au sein de blocs fréquents). Cette de l'attention et déficit en mémoire de
mesure composite, incluant des éléments atten- travail, les deux étant d'ailleurs, nous
tionnels et exécutifs nous paraît moins pure que l'avons vu, étroitement imbriqués ;
celle des données analysées séparément. � soit l'enfant réussit bien l'épreuve à
À noter que les normes sont plus contraignantes — l'endroit et échoue la répétition à l'en-
vers : cette dissociation est en faveur
dans la plupart des domaines mesurés (en parti-
de la préservation des capacités atten-
culier les temps de réaction) — dans la modalité
tionnelles et d'un déficit électif sur la
auditive que dans la modalité visuelle. mémoire de travail ;
Dans la famille des tests CPT, le CPT Conners, � soit l'enfant échoue la répétition à
largement employé aux États-Unis dans le dépis- l'endroit et réussit normalement ou
tage des TDAH, a le désavantage de ne proposer nettement mieux à l'envers : cette
qu'une condition visuelle. Il est moins riche en configuration, plus paradoxale, doit
paramètres d'analyse. être vérifiée (reproduction de cette
Notons qu'il existe en français une batterie même dissociation à plusieurs reprises
informatisée assez complète, mêlant tâches atten- et différents moments) et ne peut,
tionnelles et exécutives dédiées aux enfants, la actuellement, engager qu'à des hypo-
KiTAP9. Elle n'est malheureusement étalonnée thèses. Il se pourrait que ces enfants
que sur un échantillon assez étroit (6–10 ans). présentent des troubles attentionnels
On l'a dit, toutes les tâches cognitives d'une en situation habituelle, lors de tâches
certaine complexité engagent des ressources routinières ne réclamant pas l'inter-
attentionnelles significatives. On sera toujours vention des fonctions exécutives ou de
l'administrateur central (d'où l'échec
sensible à cette dimension qui pourra invalider
à la Répétition de chiffres à l'endroit),
les résultats obtenus à d'autres épreuves non spé- mais soient capables de mobiliser
cifiquement attentionnelles, si l'enfant souffre certaines ressources attentionnelles
lorsque la tâche engage le contrôle de
l'administrateur central.
9
PsyTest. Zimmermann P., Gondan M., Fimm B.
Adaptation française par Michel Leclercq.

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Chapitre 7. Évaluation des fonctions attentionnelles et exécutives

Tableau 7.1. Répétition de chiffres, endroit/envers.


Chiffres à l'endroit Échec Échec concordant Exemple 2
Chiffres à l'envers Échec Troubles ← → MT Dans la modalité visuelle (tableau 7.2), les
mauvaises performances aux épreuves dites
Chiffres à l'endroit Échec concordant de vitesse de traitement (Code et Symboles)
Chiffres à l'envers Troubles attentionnels ← → MT sont souvent rapportées à troubles de
Chiffres à l'endroit OK Attention : OK l'attention. L'épreuve de Code consiste à
reporter rapidement dans une grille des
Chiffres à l'envers Échec Déficit MT ↘
symboles simples associés à des chiffres.
Chiffres à l'endroit Échec ? Pour les Symboles, il s'agit de discriminer
Chiffres à l'envers OK des figures de complexité variable, ne se
différenciant parfois que par de simples
détails. Épreuves limitées à 2 min de passa-
En résumé (tableau 7.2) : tion, il ne saurait être question, dans aucun
• Évaluer l'attention focalisée ou sélective : sur le des deux cas, d'attention soutenue. Il est
plan clinique, un trouble de l'attention sélective certes vrai que la focalisation attentionnelle
se manifeste par la distractibilité, l'impossi- sur ce qui fait sens pour la tâche est impor-
bilité de se centrer sur la consigne et parfois tante, mais pour quelle exigence cognitive
par l'impulsivité. Les épreuves pertinentes n'en est-il pas de même ? Cependant, il
nous semble que les dimensions visuelles
requièrent une focalisation du sujet sur un item
(oculomotrices ou traitement visuel de bas
ou une consigne.
niveau), voire mnésiques (associer le chiffre
• Évaluer l'attention soutenue : il s'agit d'admi- et son symbole) sont ici plus prégnantes
nistrer des épreuves mesurant l'aptitude à que la dimension attentionnelle. Une per-
maintenir un niveau d'efficience dans la durée, formance décevante peut aussi tout à fait
au cours d'une tâche donnée. Le plus souvent, être motivationnelle, ces tâches étant parti-
c'est une tâche de détection de cibles parmi des culièrement répétitives (voire ennuyeuses !).
distracteurs et on étudie donc l'évolution de la
performance de l'enfant au cours du temps.
• Évaluer l'attention divisée : le principe de l'éva- Hyperactivité
luation de l'attention divisée est de proposer à Dans l'esprit du grand public, les troubles de
l'enfant d'effectuer simultanément deux tâches l'attention et l'hyperactivité ne font qu'un.
simples après (condition « contrôle ») s'être L'instabilité motrice, l'agitation serait la partie
assuré de ses performances séparément dans émergée de troubles de l'attention sous-jacents.
chacune des deux tâches : on mesure alors le Or, il n'en est rien. Les troubles de l'attention sont
déficit de performance imputable au fait que d'autant plus redoutables qu'ils sont peu visibles,
les deux tâches doivent être conduites en même peu « bruyants », car non détectés ; ils infiltrent
temps. L'attention partagée proprement dite, la tous les traitements et perturbent tout ou partie
plus coûteuse du point de vue attentionnel est des fonctions cognitives. Il faut donc distin-
sollicitée lorsque les deux tâches sont proposées guer au sein des comportements, d'une part les
dans la même modalité. ­éléments proprement attentionnels, d'autre part

Tableau 7.2. Choix des épreuves en fonction de la modalité et de la dimension attentionnelle.


Dimension Modalité Modalité Mixte
attentionnelle visuelle Auditivoverbale
Focalisée d2, dans une moindre Tea-Ch, Coups de fusil,
mesure tests de barrage NEPSY2, Attention auditive
(Carte de géographie) et réponses associées (1re partie)
Divisée Écouter deux choses à la fois Faire deux choses à la fois
Soutenue CPT Conners Transmission de codes IVA 2

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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

les symptômes d'instabilité motrice qui peuvent tivité +/– troubles attentionnels) a été noté par la
les accompagner, ou pas10. famille très précocement, dès la petite enfance (bébé
Ce terme d'instabilité motrice caractérise un agité, dormant peu, avec des problèmes d'endormis-
enfant qui ne peut pas cesser de remuer, manipu- sement, sans cesse « sur la brèche »), mais c'est à la
ler, tripoter, se lever, grimper, s'agiter, etc., et ce, période scolaire que cette pathologie se révèle avec
continûment, malgré les remarques des adultes le plus d'acuité, compromettant les apprentissages
et les efforts souvent visibles qu'il déploie ponc- scolaires et la tolérance de l'enfant dans un groupe
tuellement pour tenter de se maîtriser. Cette (classe, équipe sportive, colonie de vacances, etc.).
agitation motrice permanente s'accompagne
d'impulsivité : l'enfant fait et dit tout ce qui lui La prise en charge des troubles
passe par la tête, ne peut écouter une consigne, de l'attention avec ou sans
construire un raisonnement, suivre son idée ni hyperactivité
celle de son interlocuteur. Son activité, intense,
est peu productive, dispersée, anarchique et La prise en charge des troubles attentionnels,
brouillonne. Il épuise et excède son entourage, qu'ils soient ou non accompagnés d'hyperacti-
sa présence dans une classe désorganise la vie du vité, se déploie sur deux dimensions principales :
groupe, il est lui-même épuisé et découragé par la dimension comportementale et la dimension
cette activité désordonnée qu'il ne contrôle pas médicale.
(ou mal) et ne lui laisse aucun répit, qu'il s'agisse
d'activités scolaires ou de loisirs. Dimension comportementale
On comprend bien que ces manifestations Des prises en charge dédiées aux enfants et
peuvent tout aussi bien ressortir d'un TDAH aux parents ont été mises au point. Issues des
proprement dit que de troubles issus de la thérapies cognitives et comportementales, elles
sphère exécutive ou d'éléments relevant de sont basées sur le renforcement positif des
troubles du comportement et des conduites. comportements attendus et des renforcements
Faire la part des choses est essentiel, car les négatifs pour obtenir l'extinction des compor-
prises en charges, en particulier médicales, tements perturbants. Il faut citer en particulier,
seront très différentes. pour les plus jeunes, le programme « Réflecto »
L'association à des signes neurologiques a (Gagné11), et le programme PIFAM (Lussier12)
minima est fréquente : enfant maladroit et Pour l'entourage familial, on propose un ren-
« pataud », difficultés de coordination, de motri- forcement des habiletés parentales13, avec
cité fine et de graphomotricité en particulier. un suivi individuel ou en groupe. De même,
Certains auteurs considèrent que des troubles l'adaptation de l'environnement à la maison
structurels du développement des fonc- comme à l'école est à même d'apporter des
tions attentionnelles et exécutives jouent un compensations14.
rôle important dans le TDAH (Pennington,
Ozoneff, 1996 ; Mazeau, Pouhet, 2014 ; Lussier,
ANAE, 2016). 11
« Apprendre avec Réflecto » : programme d'entraîne-
L'épreuve de la Statue, au sein de la NEPSY per- ment et de développement des compétences cognitives,
met, dès 3 ans, d'évaluer la capacité de l'enfant à ne 2004, P.P. Gagné, en collaboration avec
L.P. Longpré.« Apprendre… une question de stratégie :
pas bouger sur consigne et sa résistance aux dis- développer les habiletés liées aux fonctions exécu-
tracteurs. C'est là l'un des seuls tests permettant tives », 2008, P.P. Gagné en collaboration avec
de rapporter les capacités d'inhibition motrice de N. Leblanc, A. Rousseau.
l'enfant à une norme en fonction de son âge. 12
Lussier, 2009 in : Adam, et al.
Généralement, le trouble de l'enfant (hyperac- 13
On citera la méthode Barkley, l'une des plus répandues.
14
Moret A., Mazeau M., 2013. On pourra aussi se rap-
porter aux brochures publiées par les associations de
10
Au vu des données issues de la clinique, on peut même parents, en lien avec les centres hospitaliers tels que
parfois s'interroger sur l'existence chez certains enfants l'hôpital Robert-Debré à Paris. Voir aussi Moret A.,
d'une instabilité sans troubles de l'attention, une hype- Mazeau M., Le syndrome dys-exécutif chez l'enfant et
ractivité sans perturbation attentionnelle. l'adolescent, Masson, 2014.

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Chapitre 7. Évaluation des fonctions attentionnelles et exécutives

Dimension médicale • élaboration d'un programme organisant et


Les troubles de l'attention sont plutôt compris coordonnant les différentes activités néces-
aujourd'hui comme un retard ou une atypie de saires à la réalisation de la tâche : stratégie,
maturation de certains cortex, en particulier pré- planification de l'action, inhibition des routines
frontaux (Berger et coll., 2013). Après diagnostic, non adéquates ;
prescription et suivi en milieu spécialisé (dans un • exécution et coordination des programmes
service hospitalier de psychopathologie de l'enfant correspondants : déclenchement des procédures
ou en neuropédiatrie), un traitement médicamen- adéquates ;
teux (méthylphénidate sous diverses présenta- • confrontation du résultat avec les données ini-
tions15) peut sérieusement, quand l'indication est tiales, ou avec le but attendu : fonction d'arrêt ou
soigneuse et appropriée, améliorer le comporte- mise en route d'ajustements.
ment, les apprentissages et plus généralement la Toutes ces étapes sont bien sûr interdépen-
vie (scolaire, familiale, sociale) de ces enfants et de dantes, et, en pathologie, les symptômes observés
leur famille (ANAE, 1996). Ce traitement est tou- sont le plus souvent la résultante de dysfonc-
jours considéré, en France, comme un traitement tionnements multiples et imbriqués à différents
adjuvant, qui complète et facilite la prise en charge niveaux de ces quatre phases.
psychologique et rééducative du trouble.
Bien que les troubles puissent être plus ou moins
intenses selon les domaines considérés, ces fonc-
tions (ou leur déficit) diffusent donc à toutes les
Les fonctions exécutives activités cognitives du sujet. On parle alors de
trouble (ou de syndrome) « dysexécutif ».
Définition et rôles
Le terme de « fonctions exécutives » est un angli- Cependant, au sein de ces fonctions complexes,
cisme emprunté au langage de l'intelligence il est pratique, cliniquement, de distinguer deux
artificielle : il désignait initialement les proces- grands types de manifestations des fonctions exé-
sus qui permettent qu'un programme soit « exé- cutives, les fonctions d'inhibition et les fonctions
cuté ». Or, la manière dont sont accomplies les de planification (stratégie).
différentes tâches cognitives dépend étroitement
du projet et des buts du sujet (intentionnalité),
et ce, en fonction de l'environnement et de ses
Fonctions d'inhibition
contraintes (adaptabilité). Rôle de « filtre »
C'est pourquoi il s'agit de fonctions véritable- Il s'agit d'extraire et de sélectionner les stimuli
ment intégratives, celles qui permettent d'établir pertinents parmi le « bruit de fond » constitué par
des liens entre les connaissances, les savoirs, les l'ensemble des stimuli auxquels le sujet est sou-
savoir-faire, celles qui permettent de suivre la pen- mis. Les diverses stimulations (exogènes ou endo-
sée de l'autre et de construire la sienne (Meulemans gènes) qui nous assaillent ne doivent pas et ne
et coll., 2004). peuvent pas être traitées ; il faut impérativement
En fait, il s'agit du contrôle et de la régulation du qu'elles soient filtrées : on reconnaît là l'attention
fonctionnement de toutes les opérations cognitives sélective. Mais ce filtrage n'est ni aléatoire ni pré-
« spécialisées » (fonctions linguistiques, mnésiques, établi : il est modulé à chaque instant en fonction
praxiques, visuospatiales, gnosiques et raisonne- du projet du sujet, ce qui rend compte de la per-
mentales). Chaque comportement complexe sup- tinence des stimuli pris en compte (et de ceux qui
pose une élaboration au sein de laquelle on peut seront négligés). Cette fonction « filtre », indisso-
isoler quatre phases (Séron et Jeannerod, 1994) : ciable des fonctions attentionnelles, est celle qui
• analyse des données initiales : rôle du choix des oriente et régule l'attention en fonction de choix,
données et de l'attention sélective ; de projets ou d'attentes propres au sujet.
L'atteinte de cette fonction se traduit par :
15
Ritaline®, Concerta® ou Quazym®. Ces traitements • une grande distractibilité (impossibilité d'écar-
sont uniquement du ressort de services hospitaliers. ter ou de négliger certains stimuli : difficultés

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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

à répondre à une consigne précise, à inhiber les L'atteinte de ces fonctions est particulièrement
distracteurs, à répondre par une technique de sensible dans les tâches nécessitant la gestion de
choix multiple) ; nombreuses données (résolution de problèmes,
• et/ou une aimantation incontrôlable vers n'im- réponses en choix multiple, etc.) ou nécessitant
porte quel (ou tous les) stimuli présents, éventuel- l'organisation de plusieurs étapes (récits, suites
lement avec écholalie ou échopraxie (adhérence, logiques, algorithmes, etc.) ou encore impliquant
imitation non pertinente, non-inhibition des une orientation particulière de l'activité cognitive
stimuli entrants déclenchés par le vis-à-vis). au sein d'un vaste domaine cognitif, sélection que
le sujet doit maintenir et contrôler (réponses à des
Fonction d'arrêt questions fermées, fluence sémantique, etc.).
Après évaluation des critères de fin de tâche (com- D'une façon générale, les troubles de cette série
paraison du résultat avec la représentation du but sont habituellement beaucoup plus marqués en
à atteindre), il faut stopper la tâche en cours, ce qui situation dirigée, lorsqu'il faut répondre à une exi-
est aussi une condition pour mettre en route une gence précise, à des questions fermées, et moins
autre tâche (ou une autre étape de la même tâche). intenses en situation libre, « spontanée ».
L'atteinte de cette fonction se traduit par des
persévérations, qui peuvent être motrices, langa- Symptômes
gières, gestuelles, graphiques, idéiques, etc.
Deux éléments caractérisent cliniquement les
atteintes des fonctions exécutives (et attentionnelles) :
Ces fonctions d'inhibition sont au centre de • les échecs ont, qualitativement, une « allure »
toutes les activités cognitives. Elles en constituent clinique particulière, et ce, indépendamment du
le noyau, « la substantifique moelle ». L'essentiel niveau de performance de l'enfant : persévéra-
de la maturation cognitive des enfants consiste tions, irruptions d'automatismes, etc. ;
probablement, entre 18 mois et 7–9 ans (et jusqu'à • ces troubles diffusent dans plusieurs sec-
16–20 ans), en la maturation progressive de ces
teurs cognitifs, mais pas forcément tous car
fonctions d'inhibition.
ils peuvent prédominer nettement dans le
domaine visuospatial ou au contraire dans le
Fonctions de planification, domaine linguistique.
de stratégie
Caractéristiques
Contrairement aux fonctions d'inhibition, les
fonctions de planification et de stratégie, elles, du fonctionnement cognitif
ne sont mises à contribution que si et seulement si lors d'un syndrome dysexécutif
une tâche n'est pas routinière : en effet, les tâches Certains symptômes sont très spécifiques de
automatisées (et donc celles pour lequel le sujet l'atteinte de ces fonctions, du moins lorsqu'ils sur-
est expert) ne requièrent pas (ou peu) de contrôle viennent au-delà de 6 ans (grande section de mater-
attentionnel ou exécutif. nelle) et qu'ils infiltrent la quasi-totalité des épreuves.
Les tâches non automatisées (et/ou complexes
et/ou inhabituelles), les situations-problèmes, Persévérations
les prises de décision (choix), les doubles tâches, Qu'elles soient idéiques, verbales, gestuelles ou
nécessitent impérativement l'intervention des graphiques, les persévérations sont des signes
fonctions de planification et de stratégie. quasi pathognomoniques d'une atteinte des fonc-
Ces fonctions concernent en effet la gestion, tions exécutives.
l'intégration et l'organisation de données diverses Les écholalies (répétition non pertinente par
(sensorielles, symboliques, connaissances anté- l'enfant de la dernière phrase ou du dernier mot
rieures stockées, données nouvelles à traiter), ou de la dernière syllabe prononcée devant lui, « en
mais aussi la planification de tâches complexes écho », c'est-à-dire sans aucune modification, ni
(résolution de problèmes, au sens large du terme) prosodique, ni lexicale, ni aucun ajustement syn-
qui comportent plusieurs étapes successives ou taxique) et les échopraxies (imitation ­irrépressible
plus ou moins emboîtées. des gestes de son vis-à-vis, « en écho », sans aucune

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Chapitre 7. Évaluation des fonctions attentionnelles et exécutives

adaptation ni introduction de sens ou d'intention)


ont la même signification. la vache, le mouton… le cheval… la
Les persévérations sont des réitérations non vache… le mouton… et c'est tout ! ».
maîtrisées d'un geste ou d'un mot, initialement � François, 8 ans :
motivé, mais qui ensuite parasite les réponses ou Répéter les séries de chiffres :
les productions ultérieures de l'enfant : on peut 6 3 7 5 → « 6, 3, 3, 3, etc. » -
les interpréter comme un trouble de la fonction 7 1 5 2 → « 7, 7, 7, 7, 2 ».
d'arrêt, la poursuite d'une action en cours par Fluence verbale sur le thème des ani-
non-inhibition d'un automatisme. maux (en 1 min) :
Les persévérations peuvent être : – 1er essai : « chien, chien, cheval,
• spontanées : tripotage irrépressible de tout ce chat, tracteur (diffluence ou coq à
l'âne) » ;
qui est à portée de main (sans exploration du
– 2e essai (relance de la consigne) :
matériel, ni curiosité, ni utilisation, ni jeu),
« éléphant, cheval, tracteur… chat,
gestes ou actions simples, itératifs, sans but et éléphant, cochon, éléphant… élé-
sans fin (empilement de cubes sans construction phant ».
ni intention repérable), gribouillages répétitifs
et insignifiants (souvent même sans regarder Persévérations graphiques
la trace), etc. Ce qui frappe dans le comporte- On peut aussi noter, chez des enfants
ment de l'enfant, c'est que le geste est répété à dont la pathologie est moins sévère, des
l'identique, sans adaptation, modification ni réitérations de jambages ou de lettres
ajustement, et très difficile à contrôler (à inhi- (figure 7.4).
ber), même lorsqu'on en fait prendre conscience
Persévérations gestuelles
à l'enfant ;
• provoquées par des épreuves « sensibles » qui les Elles peuvent apparaître lors du
favorisent : il s'agit de toutes les épreuves « go-no go » subtest Mouvement de mains du K-ABC
(par ex., l'enfant répète sans cesse une
et de toutes les épreuves dites « à conflit » ou néces-
alternance automatique paume/poing)
sitant des alternances (graphiques, gestuelles, etc.),
ou lors d'une épreuve de reproduction
épreuves dans lesquelles il faudra gérer des interfé- de rythmes (production de « trains » de
rences et contrôler l'action pour éviter de produire frappes itératifs et non contrôlés). Par
l'automatisme induit par la tâche initiale. exemple (les points représentent les
frappes et les traits les intervalles entre les
frappes) :
••–•–• ••••••••

Exemples
Persévérations verbales
� Faouzia, 11 ans :
Dire les jours de la semaine : « jeudi, ven-
dredi, jeudi, mercredi, jeudi, mercredi,
septembre, jeudi, mercredi, vendredi,
jeudi, septembre, novembre, jeudi… »
(c'est l'examinateur qui l'interrompt !).
Tâche de fluence sémantique sur le
thème des animaux : « le cheval, la
vache, le mouton… la vache, le mou-
ton… la vache… la petite vache… Figure 7.4. Persévérations graphiques de
Michèle.
Michèle, 6 ans et demi, copie de son prénom.

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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

Irruption d'automatismes
La non-inhibition d'automatismes activés par la � comment s'appelle cette lettre (je
situation, ou irruption d'automatismes, est du montre le /A/) ? : « a » ;
même ordre. � montre-moi encore le /A/ : désigne le /I/ ;
� comment s'appelle cette lettre (je
montre le /i/) ? : dénomme « o » ;
� montre-moi le /o/ : désigne d'abord
Exemples le chiffre 2, puis la lettre A ;
d'automatismes verbaux � dis-moi le nom de ces lettres :
A → «i»; I → «o»; O → «o»;
� Faouzia, 11 ans F → « b », etc.
� Lors d'une épreuve de Répétition de Petite épreuve de calcul. Donner
chiffres à l'endroit : 5 cubes : elle donne tous les cubes
6, 2, 8, 5 → « 6, 2, 3, 4, 5, 6 » (ne s'arrête pas). La litanie des mots-
4, 1, 8, 3 → « 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10 ». nombres est bien connue jusque 20 et
� Compter à l'envers à partir de 12 : « 12… elle la déroule automatiquement, sans
11… 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16 ». contrôle ni coordination avec l'activité
de comptage.

Réponses de type « n'importe quoi »


C'est surtout lorsque la tâche demande une stra-
tégie particulière que l'on observe ce type de
Chez certains enfants, cette réponse impulsive
réponse. L'enfant ne peut mettre en place aucune
« au hasard » est régulièrement suivie, dans un
stratégie, aucun raisonnement et aucune inhibi-
second temps, de la bonne réponse : la réponse
tion des distracteurs. La réponse est alors sans
impulsive ne peut pas être inhibée mais ne fait pas
relation avec la consigne, « au hasard », ce qui la
écran à la poursuite d'une réflexion, d'une stra-
distingue d'une erreur « motivée ».
tégie adéquate qui aboutit, mais avec retard par
C'est souvent particulièrement visible :
rapport à la première réponse.
• au décours des tâches de barrage : l'enfant ne
Il est important de repérer cette façon de faire,
peut se limiter à la consigne et finit par bar-
en particulier lors des épreuves où l'on sollicite
rer « tous » les items ou n'importe quel item ;
une réponse en choix multiple : la performance de
• dans toutes les épreuves prévoyant une réponse
l'enfant n'a pas la même signification s'il fait une
en choix multiple, car l'enfant ne peut étudier et
erreur par ignorance (réponse « au hasard » moti-
comparer les diverses propositions et répond au
vée par la méconnaissance), par confusion ou
hasard ;
amalgame (l'erreur doit alors être analysée sur le
• lorsqu'il faut répondre verbalement à une ques-
plan qualitatif, car elle est révélatrice du fonction-
tion fermée.
nement mental de l'enfant ou de la structuration
de ses connaissances), ou s'il produit des réponses
impulsives (troubles de l'inhibition, signe d'appel
pour un bilan des fonctions attentionnelles et
Exemple exécutives).
� Francine, 7 ans 9 mois Enfin, le pronostic de ces troubles est très diffé-
Désignation de lettres et chiffres écrits rent selon que l'enfant est totalement inconscient
(choix multiple) : 5 lettres et 5 chiffres de son erreur, ou, au contraire, s'il manifeste qu'il
sont répartis en deux lignes distinctes (une effectue une vérification d'après-coup et peut
ligne de lettres, une ligne de chiffres). alors opérer une correction ou un ajustement
� montre-moi le /A/ : elle désigne (très par rapport à la réponse initiale (capacités de
rapidement) le chiffre 4 ; contrôle imparfaites mais cependant partielle-
ment fonctionnelles).

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Chapitre 7. Évaluation des fonctions attentionnelles et exécutives

Diffluences, coq-à-l'âne ce type de réponse, s'il est isolé ou exception-


Ce sont des errements de la pensée par asso- nel, n'a pas de signification particulière (surtout
ciations d'idées non contrôlées et non inhibées. si l'enfant a moins de 6–7 ans, qu'il est fatigué
Le discours conversationnel peut en être gra- et en fin d'examen). C'est la répétition et la
vement altéré car il est sans suite et l'enfant ne constance de ce type d'erreurs tout au long de
peut suivre le cours de sa pensée. Ce trouble est l'examen et dans différentes épreuves qui sont
souvent aggravé en situation dirigée, et particu- significatives.
lièrement évident lors d'épreuves de récits. Les
incohérences, les ruptures, les interruptions
inadéquates, les irruptions d'autres histoires
Diffusion des symptômes
ou d'associations d'idées surgissent en per-
manence et brouillent la trame du récit dont dans plusieurs secteurs cognitifs
l'enfant perd le fil. On voit donc qu'en dehors même d'épreuves spé-
La communication peut en être sévère- cifiquement conçues pour évaluer ces fonctions, il
ment perturbée et certains parlent de dyspha- y a, dans l'échec de ces enfants, une tonalité par-
sie sémantique-pragmatique ou « Cocktail Party ticulière qui infiltre l'ensemble du bilan et signe
Syndrome » (tableau 2.8). l'impulsivité, l'absence de stratégie et l'insuffisance
des capacités d'inhibition (tableau 7.3).
La présence de certains de ces signes lors de
l'examen psychométrique ou au décours du bilan
Exemples d'un autre module cognitif constitue des signes
d'appel qui doivent orienter vers les fonctions
� Récit du « Petit Chaperon rouge » exécutives.
(Francine, 7 ans 9 mois) : Par ailleurs, les épreuves de Cubes ou de
– « C'est un chaperon rouge avec sa Labyrinthes sollicitent particulièrement la plani-
mère. Heu… sa grand-mère. Il était fication et la mise en œuvre d'une stratégie pour
une fois, avec sa grand-mère… dans organiser l'assemblage des cubes ou les différents
le fauteuil… l'oiseau, il sifflote…
détours à faire dans les labyrinthes.
elle a mal… je sais plus… »
Pour confirmer le diagnostic (surtout lorsque
– (Relance de l'examinateur) : « Le Petit
Chaperon rouge va voir sa grand- le trouble est d'intensité modérée), il peut être
mère avec un petit panier… ». utile d'utiliser une contre-épreuve, qui, outre
– « Ah oui, le Petit Chaperon rouge, elle sa pertinence diagnostique, présente aussi
met du beurre, de la pommade et un intérêt pour envisager les orientations
après… i lui dit, i part, c'est fini. » thérapeutiques.
� Fins de phrases (Frédéric, 5 ans 8 mois). Ainsi, l'aide à la focalisation de l'attention, les
Les réponses fusent, très vite : techniques d'aide à l'inhibition, le contrôle de
– « Tu bois du coca et tu bois l'impulsivité et la présentation de la tâche étape
aussi… » → « Dans les bois ! » (noter la par étape améliorent spectaculairement la per-
prégnance de l'assonance de la rime). formance (ce qui bien sûr ne saurait en aucun cas
– « Dans ta trousse, tu as des crayons influencer la cotation d'un test), mais montre que
et tu as aussi… » → (en tripotant le les connaissances sont présentes et utilisables dans
matériel qui est sur la table) « Des certaines conditions de contrôle et d'inhibition.
cubes ! ».
Il s'agit à la fois de faire prendre conscience à
l'enfant de ces (dys)fonctionnements automa-
tiques, incontrôlés, et de l'aider en introduisant
une rupture (dans le dessin, dans le récit, dans la
Au total, la caractéristique essentielle de ces réponse), un temps d'arrêt ou une consigne qui
symptômes consiste dans la nature des erreurs inhibe et stoppe la réponse impulsive ou les persé-
et le comportement de l'enfant : cependant, vérations qui surviennent. La réussite qui s'ensuit

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Tableau 7.3. Diffusion des symptômes à l'ensemble des secteurs cognitifs.


Défaut d'inhibition Excès d'inhibition
Raisonnement Troubles du choix, de la sélectivité, des stratégies se manifestant dans des épreuves de :
→ sériations, classements, résolution de problèmes : persévérations, incohérences, prégnance
de schèmes automatiques+++
→ échec à toute tâche nécessitant des réponses en choix multiple : erreurs de choix, impulsivité,
persévérations
Comportement → distractibilité, impulsivité → apathie, absence générale
→ rires immotivés, défaut d'inhibition sociale d'intérêt, absence d'initiative
→ persévérations (tripotage, aimantation, etc.) → indifférence affective
Échec à toutes les tâches d'alternance : algorithmes, suites Apragmatisme/adynamisme
logiques, etc.
Graphisme Persévérations +++ → pas de productions, ou grande
→ loops, gribouillages, échec aux figures alternées pauvreté
→ closing-in1 → agraphie totale (gribouillages,
traits ou loops isolés)
Langage → écholalies, persévérations (phonologiques, lexicales, idéïques) → réduction majeure,
→ logorrhée, fuite des idées, parenthétisations successives, avec pseudomutisme (sans
diffluences, coq-à-l'âne agrammatisme ni déviance, ni
trouble phonologique) ou phrases
→ trouble de la pragmatique, incohérences du discours minimales
(Cocktail Party Syndrome)
→ réduction moindre en
→ épreuves de fluence très pauvres (trouble du choix, spontané, nettement aggravée en
de la stratégie) infiltrées de redites et diffluences langage dirigé ou sur questions
→ échec aux épreuves de récits (problèmes d'organisation fermées.
des différentes étapes du scénario, diffluences)
Mémoire → troubles de l'attention-motivation : fixation déficitaire → oublis, rappel très pauvre
→ troubles de la sélectivité du rappel : rappel libre très
déficitaire, avec oublis, confusions, amalgames, ajouts d'intrus,
persévérations (phonologiques, lexicales), diffluences
1
On appelle closing in le fait de reproduire ou de copier (le dessin, la construction avec des cubes ou des bûchettes, etc.) par-dessus
le modèle fourni. Même lorsqu'on fait remarquer à l'enfant qu'il faut qu'il déplace et décale sa propre production pour respecter et
conserver le modèle, on constate qu'irrésistiblement, il est comme attiré par le modèle sur lequel il revient peu à peu se « coller ». Ce
phénomène est à rapprocher de celui d'aimantation.

doit également être pointée et valorisée à hauteur raissent comme fluctuantes, sans raison déce-
des efforts que l'enfant a déployés. lable pour un examinateur non informé de ces
troubles.
En effet, l'enfant est dépendant des aides exté-
Inhiber, pour ces enfants, réclame un effort cogni-
rieures qui lui sont apportées (pour contrôler,
tif intense qui ne doit pas être sous-estimé : il
pour inhiber, pour planifier), aides que l'adulte
engendre une fatigue facilement méconnue et
confondue avec de la mauvaise volonté, un désin-
fournit souvent assez spontanément de façon
térêt ou une opposition. implicite, sans en prendre lui-même conscience.
C'est par exemple ce qui se passe lorsque l'ensei-
gnant signale que l'enfant ne peut travailler au
Ces interprétations erronées sont d'autant plus sein du groupe alors que les performances s'amé-
fréquentes que les réussites et les erreurs appa- liorent énormément (voire se normalisent) lorsque

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Chapitre 7. Évaluation des fonctions attentionnelles et exécutives

la consigne lui est délivrée individuellement, ou On retiendra pour le public français les épreuves
encore lorsque l'enseignant se tient auprès de non verbales, bien étalonnées et riches en indices
l'enfant (aide à la focalisation de l'attention, aide à détaillés, permettant une analyse différenciée
la planification de l'action par quelques mots qui pertinente des observations (nombre de réus-
précisent la chronologie des actions à accomplir, sites, temps de réalisation, erreurs, répétitions,
ou qui permettent un réajustement des choix dans bris de règles…). Un tel outil se verra bien sûr
les données, etc.). complété par des tests monotâches et certains
Ceci n'est bien sûr vrai que si le syndrome subtests des batteries ­multitâches, en particulier
dysexécutif n'est pas massif. Mais cela montre la NEPSY2.
qu'il constitue un écran, un brouillage parasite ;
il réalise un véritable « masquage » des possibili- Évaluer la planification
tés de l'enfant — capacités, savoirs et savoir-faire (initiation, stratégies, fluences,
qu'il est possible de mettre en évidence avec une automatisation des séquences)
aide appropriée.
Planifier son action, c'est programmer la suite
des étapes qu'il est nécessaire de mettre en œuvre
Certains savoirs et savoir-faire peuvent être afin d'atteindre le but qu'on s'est fixé ou qui nous
construits et engrammés, mais l'enfant est empê- a été fixé. Cela nécessite donc une anticipation et
ché de les convoquer à la demande, de les relier, un contrôle, avant (choisir et initier sa stratégie),
de les utiliser de façon pertinente. pendant (mettre en œuvre cette stratégie rigou-
reusement, efficacement, sans accroc, détours et
divergences) et en fin de tâche (contrôler l'atteinte
Les épreuves spécifiques du but, corrections).
Dans le domaine de la planification, on
Outre les observations cliniques des symp- retiendra les tâches de résolutions de casse-tête,
tômes, fondamentales à la formation d'hypo- telles la Tour de Hanoï (DKefs) et la Tour de
thèses diagnostiques et à la compréhension des Londres (NEPSY1).
conséquences fonctionnelles d'un éventuel syn- Il s'agit de problèmes originaux, qui ne néces-
drome dysexécutif chez le patient, existe désor- sitent pas de lire, comprendre ou interpréter un
mais une grande variété d'épreuves permettant énoncé (autre que la consigne) et qui ne mettent
d'objectiver la nature et l'intensité du trouble. en jeu aucun calcul numérique. En outre, la
Elles permettent l'articulation d'un diagnostic situation est ludique et attrayante, loin d'une
différentiel, sur la base de symptômes compa- présentation scolaire, elle ne provoque pas de
rables (troubles de l'attention, exécutifs ou des blocage anticipé ; enfin, il est peu probable
conduites). Enfin, heureusement, ces syndromes que l'enfant connaisse cet exercice ou s'y soit
enveloppent rarement l'ensemble des compé- entraîné16 : l'effet de nouveauté est ici recherché,
tences exécutives. En effet, on constatera que il fait partie intégrante de ce qui est testé et
certains secteurs se verront préservés, tandis doit donc éviter le recours à des routines déjà
que d'autres sont nettement plus en panne. Cette constituées.
cartographie des aptitudes préservées et de celles
qui ne le sont pas permettra d'envisager les voies
d'action et de remédiation pour aider l'enfant et
sa famille. 16
Malheureusement, dès la sortie de ce test, de nombreux
On dispose aujourd'hui d'une batterie visant « jeux » (souvent très attrayants, sur ordinateur) se sont
un certain niveau d'exhaustivité dans l'ana- inspirés des différentes épreuves. Ceci est très domma-
geable, puisque cela contribue à la constitution de rou-
lyse des fonctions exécutives : La Delis-Kaplan
tines dont on comprend mal l'intérêt écologique ou
Executive Functions (DKefs) est une batterie spé- pratique pour les enfants (!), et dont le seul effet est donc
cialisée américaine mise au point et étalonnée de fausser l'étalonnage de ces tests pourtant précieux
pour les adultes et les enfants à partir de 8 ans. pour approcher le fonctionnement mental de ces enfants.

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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

Dans les deux cas, il s'agit d'un dispositif • le temps d'initiation, à prendre en compte en
matériel constitué d'une planche sur laquelle fonction des observations cliniques : la préco-
sont fixées trois tiges où l'on peut disposer cité de l'engagement dans la situation-problème
trois disques (grand, moyen, petit) ou trois peut sanctionner une difficulté à réfléchir avant
boules (jaune, bleue, rouge) : à partir d'une d'agir ; la lenteur, au contraire, peut être la
configuration de départ des trois éléments sur marque d'un certain excès d'inhibition cogni-
les picots, il faut arriver à une configuration tive (ou… d'une bonne anticipation de la diffi-
donnée (le modèle) le plus rapidement pos- culté de la tâche) ;
sible, en tenant compte de règles très précises • l'optimisation du nombre de déplacements (cal-
qui contraignent la façon dont chaque élément culé par rapport au nombre de déplacements
peut être (ou non) déplacé (par ex., on ne peut minimum nécessaire pour résoudre la situation),
déplacer qu'un élément à la fois et, pour la permettant de déterminer la faculté d'anticipa-
Tour de Hanoï, un disque ne peut pas être posé tion plusieurs coups à l'avance du résultat de son
sur un plus petit). Réaliser le modèle à partir action par le sujet et sa capacité à mettre en place
d'une position initiale réclame donc toute une des routines locales dans le cadre d'une straté-
succession d'étapes qui doivent être program- gie globale de résolution de problème, l'évite-
mées en fonction des contraintes imposées et ment des approches par tâtonnement, essais et
du résultat à atteindre. Pour les plus jeunes, la erreurs…
consigne est aménagée de façon très ludique : • le temps par déplacement, reflétant la tendance
il s'agit de singes (ou d'écureuils…) sautant à la précipitation ;
d'arbre en arbre. La formulation des consignes • les bris de règles, indice très précieux pour nor-
en fonction de l'âge, la description précise du mer le défaut d'inhibition sélective et le respect
matériel et les résultats sont fournis dans dif- des consignes.
férentes publications (Welch et coll., 1991 ; Pour ce qui est de la Tour de Londres, la formule
Lussier et coll., 1998). proposée dans la 1re édition de la NEPSY a été
supprimée dans la 2e édition. En effet, elle pré-
voyait l'énonciation d'un objectif explicite pour
À noter le sujet en termes de nombre de déplacements,
Ces tâches réclament réflexion, anticipation ce qui modifiait radicalement la tâche, en révé-
et planification d'une stratégie permettant de lant la contrainte principale de la situation pro-
répondre à la consigne tout en respectant les blème (optimiser le nombre de déplacements).
règles édictées. Elles réclament donc raisonne- Même si l'examinateur renonçait à imposer
ment et logique. Il s'agit alors très probablement une telle formulation de la consigne, seule une
d'épreuves de facteur G. Ceci souligne le lien, en analyse en termes de nombres d'items réussis
spirale, entre fonctions exécutives, raisonnement était disponible, ce qui est largement insuffisant
et facteur G (figure 7.2). puisque les déterminants de la stratégie et de
Pourtant, certains enfants qui se caractérisent par sa mise en œuvre (anticipation, optimisation)
de faibles performances à toutes les épreuves de fac- devraient être les éléments d'analyse principaux,
teur G, réussissent bien, paradoxalement, l'épreuve réduisant sinon l'interprétation à un « simple »
de la tour de la NEPSY. On peut alors se demander
problème de raisonnement.
si certains des items ne peuvent pas être réussis
Élaborée pour les enfants à partir de 5 ans, elle
grâce à un apprentissage purement procédural…
peut néanmoins être proposée qualitativement,
quand l'enfant est encore trop jeune pour être
exposé à la Tour de Hanoï. De plus, on peut aussi
Pour la Tour de Hanoï (DKefs), outre la réussite normer séparément le nombre de transgressions
globale à la tâche (nombre de casse-tête résolus), de règles, objectivant ainsi d'éventuels troubles de
plusieurs indices sont à analyser : l'inhibition sélective.

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Chapitre 7. Évaluation des fonctions attentionnelles et exécutives

Une édition en test monotâche existe aux États- ici cruciales : l'enfant se précipite, ne réfléchit pas
Unis17. Elle a comme principal avantage de présenter avant d'agir, etc. Mais il peut aussi se montrer hype-
la cible à l'enfant sur un portique identique à celui rinhibé, hésitant à se lancer, ne pouvant démarrer la
sur lequel il travaille, évitant le transfert de la situa- tâche. On pourra plus formellement l'analyser par
tion problème d'un support papier en 2D à la situa- l'intermédiaire de sous-indices d'épreuves variées
tion réelle en 3D. Cependant, malheureusement, (résolution de problèmes, fluences…).
l'étalonnage manque singulièrement de sensibilité. Outre l'initiation et la planification, les phé-
Toujours dans le domaine de la planifica- nomènes de fluidité de l'action seront évalués.
tion, on citera la tâche de Raisonnement spatial La fluence se rapporte en effet à la capacité de
du KABC2. On en trouvera une analyse critique dérouler un processus (le plus souvent automa-
dans le chapitre 1. tisé, ou automatisable) de manière fiable, rapide et
Notons que le test Appariement d'images18, sans erreurs ou intrusions. Plusieurs tâches sont à
explicitement prévu comme un test « d'évaluation même de la prendre en compte :
de l'impulsivité cognitive », permet de calculer un • Dans le domaine verbal, les fluences verbales,
index d'impulsivité. épreuves classiques, consistent à exprimer à
Enfin les épreuves de Labyrinthes sont révéla- l'oral le plus de mots possible, selon certaines
trices des bonnes capacités d'anticipation chez règles et contraintes, et sans erreurs. On dis-
l'enfant : elles exigent de faire des détours pour tingue généralement :
parvenir au but ; en ce sens, elles nécessitent un – la fluence sémantique, testable dès 5 ans
bon contrôle de l'impulsivité (sans lequel l'enfant (NEPSY2), correspond à la capacité de pro-
va « droit au but », figures 7.5) et la mise au point duire le plus de mots possible appartenant à la
d'une stratégie où l'anticipation est importante même catégorie sémantique. Outre le nombre
pour éviter l'exploration des diverses impasses. de mots évoqués, caractéristique de l'accès
Il est à noter que cette stratégie anticipatoire global au réseau sémantique (sur la base du
s'appuie essentiellement sur les données de l'explo- sens), les latences, répétitions, erreurs, varia-
ration oculomotrice qui permet de suivre des yeux bilité dans le temps (en particulier, extinction
les couloirs et de percevoir les obstacles. La qualité précoce dès le début de la production) ren-
de la coordination visuomotrice est donc en jeu. seignent sur les capacités de régulation exé-
Malheureusement, les épreuves de Labyrinthes cutive dans le domaine langagier ;
ont souvent été supprimées des éditions les plus – la fluence phonémique, elle, s'intéresse à la
récentes des batteries auxquelles elles appartenaient capacité à aller chercher des mots à partir
(WISC3), ou sont épuisées (Elithorn Mazes…). de la sonde d'un son initial. Sa réussite est
Reste disponible une épreuve récente (Laby 5–12).19 également dépendante des bonnes capacités
Au cours des tâches de planification, on por- métaphonologiques (conscience phonolo-
tera à chaque fois une attention particulière aux gique) de l'enfant, voire de ses représentations
modes d'initiation de son action par le sujet, en orthographiques.
particulier dans le cadre de la mise en place d'une Les fluences verbales se trouvent bien entendu à
stratégie nouvelle dans un domaine inconnu. Les la confluence du champ exécutif et de celui des
observations cliniques et données objectives seront compétences langagières (structure, organisa-
tion et accessibilité du réseau).
• Dans le domaine moteur, les fluences seront
17
Tower of London, DX, 2nd ed., MHS.
testées par l'intermédiaire des capacités de
18
AI, test d'Appariement d'images, Albaret J.M,
Benesteau J., Marquet-Doleac J. ECPA, 1999.
l'enfant à produire des dessins selon des règles
précises. La NEPSY et la DKefs proposent
19
LABY 5-12 : test des labyrinthes pour les enfants de 5 à
12 ans. Auteurs et adaptateurs : Marquet-Doléac J.,
toutes deux des tâches comparables, mais avec
Soppelsa R., Albaret J.-M. Éditions Hogrefe France, l'avantage d'une consigne plus précise pour
2010. cette dernière.

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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

L'automatisation des séquences fait partie des La simplicité et la reproductibilité de ce type


compétences exécutives, en ce sens que la possibilité d'épreuve permettent d'utiliser valablement les
graduelle de se créer, déclencher et maintenir la pro- résultats obtenus par différents auteurs (Diamond
duction d'une séquence fiable, va pouvoir soulager et coll., 2002).
la mémoire de travail et l'espace de travail contrôlé Des tâches plus sophistiquées et informatives sont
et conscient. Certaines épreuves permettent de ce celles pour lesquelles le sujet ne doit pas simplement
s'en assurer (Séquences de la CMS en particulier), s'abstenir de répondre, mais produire une réponse
avec la production de séquences surapprises (alpha- en conflit avec la réponse spontanée ou surapprise.
bet, comptine des nombres, jours de la semaine et
mois de l'année) ou à créer (compter de 6 en 6, alter-
ner lettres de l'alphabet et nombres, réciter les mois
de l'année à rebours…). On peut là aussi capturer les
Exemple20
défauts d'inhibition des automatismes (reprendre la Travail portant sur 96 enfants
séquence dans l'ordre alors qu'on a demandé de la scolarisés en école maternelle,
réciter à l'envers). 32 enfants par tranche d'âge
L'enfant doit taper lorsqu'on lui présente
Évaluer l'inhibition une carte bleue (condition « go ») et ne
(inhibition sélective, résistance pas taper lorsqu'on lui présente une carte
aux interférences, persévérations, rose (condition « no go ») : il y a 16 essais,
8 en condition « go » et 8 en condition
flexibilité mentale)
« no go », essais dont la succession est
L'inhibition sélective et la résistance aux inter- répartie au hasard.
férences sont sans doute parmi les critères prin- Les performances des enfants sont les
cipaux de maturation exécutive chez l'enfant. De suivantes :
nombreuses tâches dans ce domaine permettent � de 3,5 ans à 4,5 ans (petite section),
de croiser type et modalité d'entrée vs mode de les enfants produisent en moyenne
sortie. Toutes ces épreuves sont basées sur le 12 réussites sur 16 essais ;
même principe : renoncer à un traitement auto- � de 4,5 ans à 5,5 ans (moyenne sec-
matisé au profit des exigences de la tâche. tion), 15 réussites sur 16 essais ;
Quelle que soit la tâche proposée, il faut donc � de 5,5 ans à 6,5 ans (grande section) le
d'abord disposer d'une condition « contrôle » qui taux de réussite est de 100 % (16/16).
consiste à vérifier que l'enfant possède bien l'auto- On peut aussi en rapprocher l'épreuve
d'Attention auditive de la NEPSY2.
matisme en cause et qu'il peut l'exprimer ou le
manifester sans difficulté (on teste alors aussi les
capacités neuromotrices, neurosensorielles, linguis-
tiques et neurocognitives propres à cette tâche-là). Il peut s'agir de produire la réponse directement
L'analyse de base des aptitudes dans ce domaine contraposée : lors de la tâche proprement dite (dite
fait appel à la vaste famille des épreuves dites de aussi condition « à conflit », ou « interférente »), on
« go-no go ». utilisera les mêmes compétences, mais on demande
Il s'agit d'épreuves dans lesquelles l'enfant doit à l'enfant de faire l'inverse ou le contraire de ce qui a
maintenir son attention sur une cible présentée été demandé précédemment : on estime alors que la
de façon intermittente, en alternance avec un dis- différence de performance (% de réussite, augmen-
tracteur. On choisit en général des tâches simples : tation des latences ou du temps de réalisation, etc.)
en condition « go » l'enfant doit appuyer sur un entre les deux conditions de l'épreuve (« contrôle »
bouton (ou lever la main, ou dire un mot) à l'appa- vs « à conflit ») réside dans l'attention de l'enfant et,
rition d'un signal convenu ; en condition « no go » simultanément, dans sa capacité à inhiber l'automa-
l'enfant a pour consigne de ne pas appuyer sur le tisme précédemment mis en œuvre.
bouton (lever la main, dire un mot) lors de l'ap-
parition d'un autre item que la cible. On peut en 20
Tiré du mémoire de DEA de psychologie cognitive de
rapprocher certains jeux, tels que « Pigeon vole » O. Schirlin : Fonctions exécutives et conservation chez
ou « Jacques a dit ». les enfants de 3 à 6 ans. 2001.

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Chapitre 7. Évaluation des fonctions attentionnelles et exécutives

Exemples sinon, il n'y a pas d'automatisme à


inhiber et la tâche de dénomination de
couleurs est alors facilitée, puisqu'elle
« Night and day »
ne correspond qu'à une tâche simple
Condition contrôle : l'enfant doit dire de dénomination de couleurs telle
« jour » chaque fois qu'on lui présente une qu'on peut en proposer aux enfants de
image de Soleil et dire « nuit » lorsqu'on lui maternelle ;
montre une image où figurent la Lune et les � qu'il puisse voir, reconnaître et dénom-
étoiles. On dispose d'une série de cartons mer les couleurs.
où sont dessinés soit la lune, soit le soleil,
et leur présentation à l'enfant est aléatoire.
Condition « à conflit » : on prévient l'enfant
que la consigne est désormais modifiée, de Pour les tâches d'inhibition sélective les plus
telle sorte qu'il doit dire « jour » lorsqu'on élaborées, on attendra dans la condition expé-
lui présente le dessin de la Lune et dire rimentale une réponse originale, nouvelle,
« nuit » en présence de l'image du Soleil. conventionnelle, non automatisée, en conflit avec
On peut trouver des références sur les per- l'automatisme initial.
formances des jeunes enfants en fonction Par exemple, dans les tâches de type Stroop,
de l'âge dans des publications récentes : on engage le sujet à maintenir l'attention sur
pré-étalonnage sur 160 enfants de 3,5 ans une cible (la couleur de l'encre des mots écrits),
à 7 ans (Gerstadt et coll., 1994), résultats en dépit d'un automatisme irrépressible qu'il faut
auprès de 96 enfants de 3 à 6 ans dans un inhiber (ici lire).
travail plus récent (Schirlin, 2001). Dans un même ordre d'idée, la 2e édition de la
Test de Stroop NEPSY propose une excellente épreuve corrigeant
La consigne est de dire le nom de la cou- certains biais des épreuves de Stroop tout en com-
leur de l'encre dans laquelle est écrit un plétant l'analyse. En effet, l'épreuve d'Inhibition
mot désignant une couleur : par ex., le mot propose non pas une, mais deux sous-épreuves,
« jaune » écrit en encre bleue. Pour l'enfant renforçant les conclusions du fait, notamment,
dès 7 ans, quand il est normolecteur, le fait de l'intensité de la tâche. En prolongeant l'effort
de lire « jaune » est déjà automatisé (il ne demandé à l'enfant, on pourra en effet voir appa-
peut pas s'empêcher de lire) ; dire « bleu » raître des effets de fatigabilité et de levée de l'inhi-
pour répondre à la consigne demande bition. De plus, en évitant les stimuli écrits et les
d'inhiber la réponse la plus spontanée issue effets de couleurs, on pourra proposer les tâches à
de la lecture irrépressible du mot « jaune ». des enfants non lecteurs ou mauvais lecteurs, et à
Les conditions contrôle prévoient de faire des enfants présentant un trouble de la perception
lire les noms de couleurs (en noir et blanc) des couleurs. Elles permettent d'analyser le temps
et de faire dénommer les couleurs (rec- de passation et surtout, les erreurs corrigées ou
tangles colorés, sans mots écrits). Dans
non. On évitera bien entendu de noyer les données
la condition test, dite « à conflit » (ou
dans une note standard composite unique.
« interférente ») l'enfant, normalement,
doit observer des latences de réponse plus
Toujours dans le domaine exécutif de l'inhibi-
importantes que dans les deux conditions tion sélective, mais combinant cette fois-ci affé-
« contrôles », latences qui reflètent la mise rence et efférence verbale, on pourra citer l'épreuve
en œuvre de procédures d'inhibition. de Hayling (Burgess et Shallice, 1997, adapté par
Les préalables pour que ce test soit valide Rouleau, 1998)21. On propose initialement à l'en-
sont : fant des phrases simples qu'il faudra compléter
� que l'enfant soit assez compétent en de manière rapide et spontanée (« Le matin, je me
lecture (l'étalonnage débute à 7 ans) — brosse les… »). Dans une deuxième étape, le sujet
du moins suffisamment pour lire les entend à nouveau des phrases courtes, mais doit les
noms des couleurs de façon fluide —,
21
http://www.criugm.qc.ca/images/stories/outils_cli-
niques/CRIUGM_42.pdf

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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

terminer avec un mot improbable (non congruent d'impulsivité (l'enfant, frappe, ou pose, ou…
par le sens, le son, la catégorie, tout en maintenant avant même que l'examinateur ait réalisé le
la cohérence grammaticale de la phrase). On peut mouvement suivant) ou de difficultés à inhiber
alors analyser les latences (coût cognitif) et les le schéma antérieurement appris (il continue à
erreurs (capacités d'inhibition). cogner quand l'examinateur frappe, alors que la
Remarquons que dans beaucoup d'épreuves consigne est désormais de ne rien faire dans ce
cognitives, on pourra repérer ces défauts d'in- cas de figure).
hibition sélective. C'est particulièrement le cas Enfin, il faut y ajouter l'épreuve d'Attention
dans les tâches de récupération libre ou indicé auditive de la NEPSY2 qui comporte également
en mémoire. Lors des épreuves d'apprentissages une partie « à conflit ». Après avoir été entraîné à
de liste de mots (CVLT, NEPSY), on verra ainsi pointer de manière congruente une tâche rouge
apparaître des intrusions caractéristiques, un lorsqu'il entend le mot « rouge » au sein d'une
mot ou un type de mots entraînant l'appa- série de mots (épreuve d'attention focalisée),
rition de mots associés (phonologiques ou l'enfant doit ensuite inhiber la réponse spontanée
sémantiques), des enchaînements successifs, et toucher la tâche jaune à l'écoute de « rouge » (et
voire des mots sans rapport qui n'auront pas inversement).
été inhibés. Les persévérations. Quand les persévérations
L'évaluation des capacités d'inhibition sélective sont perturbantes du point de vue fonctionnel,
avec réponse motrice passe par des épreuves de elles sont généralement flagrantes au cours de
frappes : outre l'épreuve de Frappes de l'EDA (Billard la passation du bilan. On repère des réponses
C., Touzin, M. ; Evaluation Des fonctions cognitives verbales répétitives indépendamment des exi-
et des Apprentissages de 4 à 11 ans. Ortho-Editions, gences de la tâche, une tendance à choisir des
2012), il est pratique (entre 5 et 12 ans) d'utiliser le stimuli visuels, non pas du fait de leur perti-
subtest Cogner/frapper de la NEPSY, conçu sur le nence par rapport à la tâche, mais à cause de
même principe : l'examinateur exécute deux ou trois leur place dans la page etc. Mais on peut aussi
gestes simples (frapper, cogner, poser sa main) ; dans les mettre en évidence formellement dans des
un premier temps, l'enfant doit effectuer l'action tâches exécutives, en particulier par l'intermé-
inverse de celle proposée par l'examinateur (par ex. : diaire du Wisconsin et des tâches de fluence
frapper → cogner ; cogner → frapper) ; dans un verbale ou motrice.
second temps, les consignes changent (lorsque Le WCST (Wisconsin cards sorting test
l'examinateur frappe, l'enfant doit maintenant [Chelune and Baer, 1986], ECPA) nécessite que
répondre en ne faisant rien : il s'agit donc d'inhiber l'enfant découvre la règle qui préside au classe-
l'apprentissage antérieur où il lui était demandé ment de cartes par l'examinateur (analyser les
de faire un « cogné ») et s'ajoute un troisième geste points communs à différentes cartes, faire des
(poser) auquel l'enfant doit répondre « cogner » hypothèses et les tester en fonction des feed-back
(il s'agit d'un nouvel apprentissage qui entre en donnés par l'examinateur), puis qu'il perçoive
concurrence et interfère avec le précédent, qu'il faut la modification de cette règle (modification qui
inhiber). ne lui est pas signifiée explicitement, mais uni-
Cette épreuve, très ludique, plaît beaucoup quement par les réponses produites par l'exami-
aux enfants et est très instructive non seulement nateur : il doit percevoir la non-congruence du
en termes de rapport à la norme (note stan- nouveau classement avec la règle antérieurement
dard), mais également en ce qui concerne l'ana- découverte), éviter les persévérations et faire
lyse qualitative des erreurs. En cas d'échec, il est preuve d'une certaine souplesse raisonnementale
en effet très important de noter si les erreurs puisqu'il doit envisager différentes règles avec le
sont liées à des persévérations (l'enfant frappe même matériel.
toujours et à plusieurs reprises, de façon répé- Il s'agit donc d'une épreuve de raisonnement
titive sans tenir compte de ce que fait l'exami- logique (catégorisation) où les déductions se font
nateur), des irruptions d'automatismes (l'enfant au fur et à mesure que les indices (concordants
fait comme l'examinateur lors de chaque essai), renforçant les premières hypothèses, ou dis-

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Chapitre 7. Évaluation des fonctions attentionnelles et exécutives

cordants, permettant d'éliminer les hypothèses


concurrentes) sont fournis par l'examinateur.
Le changement de règles, non explicite, explore
la capacité du sujet à ne pas persévérer dans une
même démarche, à réorienter son raisonnement en
fonction des nouveaux éléments fournis (Shifting,
souplesse mentale).
Lorsque cette tendance aux persévérations
existe, on pourra l'authentifier assez habituelle-
ment par le biais des tâches de fluences (motrices
ou verbales), au décours desquelles on pourra voir
apparaître et mesurer les répétitions (du même
mot, du même dessin).
De même, des épreuves telles que celle de
Catégorisation de la NEPSY2 permettent de
mettre en évidence la sensibilité aux persévéra-
tions. Dans cette tâche consistant à regrouper
une série de cartes en deux catégories, selon des
critères variés que l'enfant devra découvrir, on
pourra analyser les éventuelles catégories répétées
(persévérations) ou non pertinentes. Figure 7.5. Florian 9 ans et demi, Figure de Luria.
La flexibilité mentale est une aptitude corol-
laire à celle d'inhibition sélective et de résistance
aux interférences et aux persévérations, mais d'un En condition « à conflit » : on demande à l'enfant
champ d'application plus vaste. Elle consiste, de dessiner en alternance chacun des deux motifs :
en effet, pour le sujet, à se montrer capable de
passer d'un traitement à un autre sans coût
cognitif exorbitant (augmentation du temps de
réaction) et sans erreurs. Les épreuves de fluence
Cette épreuve est normalement bien réussie
et d'inhibition sélective proposent généralement
vers 6 ans ou le second semestre de grande section
des épreuves de flexibilité mentale, à analyser
de maternelle. En cas de difficulté, l'enfant va,
séparément.
après quelques essais, produire une suite unique
Après un entraînement « de base », on demande au
de zig-zags (automatisme, figure 7.5).
sujet de pouvoir modifier son traitement et d'y intro-
Le Trail Making Test22 est une épreuve classique
duire une dose de flexibilité en passant d'un traite-
de flexibilité mentale. Ce test requiert également
ment à un autre (compter à l'endroit puis à rebours
de bonnes capacités à résister à des automatismes
et inversement, passer d'une catégorie verbale à une
induits par la nécessité d'une alternance : en
autre, alterner des gestes ou actions, basculer d'une
condition contrôle, l'enfant doit relier dans l'ordre
exigence à une autre dans les tâches d'inhibition
une série de chiffres disposés sur une page ; puis
sélective, c'est-à-dire successivement inhiber ou non,
il doit faire de même avec une série de lettres qu'il
ce qui revient à inhiber l'inhibition !).
doit relier dans l'ordre alphabétique. La condition
Dans le domaine moteur, la Figure de Luria
test consiste à demander de relier en alternance
est une tâche rapide d'administration et révé-
chiffres et lettres.
latrice du contrôle inhibiteur et de la flexibilité
L'épreuve de Fluence verbale de la Dkefs prévoit
mentale.
quant à elle une épreuve de flexibilité (Switching).
En condition contrôle, on demande à l'enfant
de dessiner une série de « ponts » reliés les uns
aux autres, puis une série de zig-zag ; ou bien on
lui demande de dessiner un carré et un triangle 22
Reitan Neuropsychology Laboratory, 1338 East
(figure 7.6). Edison Street, Tucson, Arizona, 85719, États-Unis.

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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

tions tentaculaires et centrales dans tout le


fonctionnement cognitif, très sophistiquées,
sont très vulnérables. Leur maturation est par-
ticulièrement longue (jusque vers 16 ans et plus
pour certaines d'entre elles) et elles sont souvent
impliquées dans les difficultés d'apprentissage
des enfants.
Or, il est fort possible, avec les outils dont
nous disposons actuellement, de suspecter puis
de confirmer un tel diagnostic. Nous avons
recherché et tenté de recenser les épreuves spé-
cifiques à ce domaine (tableau 7.4) : en fait, toute
Figure 7.6. Persévérations graphiques de Freddy. évaluation dans n'importe lequel des secteurs
Freddy, 7 ans et demi, figure de Luria (on notera la
de la cognition, toute tâche (d'évaluation, de
réalisation correcte, en isolé, d'un carré et d'un triangle :
c'est l'alternance des deux figures qui le met en échec). remédiation), toute situation d'apprentissage,
peut être l'occasion de suspecter ce diagnostic
(tableau 7.3). Par ailleurs, le succès de la mise
en œuvre de techniques spécifiquement conçues
En effet, après avoir entraîné la production de
pour faciliter l'inhibition, focaliser l'attention
mots sur la base d'une amorce sémantique ou
ou pallier les troubles stratégiques, confortera ce
phonologique, on attend du sujet la capacité à
diagnostic.
alterner ses productions entre deux catégories
différentes. On mesurera ainsi le coût associé
(nombre d'alternance produite), les erreurs d'al- Des confusions fréquentes
ternance, les erreurs de catégorie…
Certains diagnostics de troubles cognitifs (chap. 2
De manière comparable dans le domaine
à 6) ou de troubles spécifiques des apprentissages
moteur, l'épreuve de Fluidité de dessins de la
(chap. 8) correspondent, en fait, à des syndromes
DKefs propose une épreuve de flexibilité, compre-
dysexécutifs complets ou partiels, dont certains
nant la production de dessins semblables à ceux
s'expriment préférentiellement dans le secteur
demandés dans les conditions précédentes, mais
langagier (faisant alors, à tort, parler de « dys-
en ajoutant une contrainte d'alternance (couleur
phasie ») ou dans le secteur non langagier (faisant
des points).
alors, à tort, parler de dyspraxie, ou de troubles
Les épreuves de Stroop ou assimilées (NEPSY2,
visuospatiaux).
Inhibition), permettent d'analyser au-delà de
La confusion n'est pas rare et ce d'autant plus
l'inhibition sélective simple, une condition d'in-
que :
hibition avec alternance.
• Certaines pathologies cognitives, telles les
Enfin, l'épreuve des Petits hommes verts
dysphasies, sont actuellement beaucoup
(Tea-Ch) est une excellente épreuve de flexibilité
mieux connues que les troubles dysexécutifs
mentale appuyée sur l'automatisation de la comp-
ou font l'objet d'une très grande diffusion ;
tine des nombres à l'endroit et à l'envers.
ainsi, le diagnostic de dysphasie « sémantique-
pragmatique » pose problème, en raison du
Conclusion trouble prédominant de la pragmatique. C'est
pourquoi, si d'autres signes de la lignée exécu-
Un diagnostic encore trop peu tive (dans des domaines non langagiers) sont
évoqué associés aux troubles langagiers, il est plus
Les fonctions exécutives étaient rarement explo- logique (et beaucoup plus efficace pour l'en-
rées chez l'enfant, et le diagnostic de syndrome fant, en termes de prise en charge) de consi-
dysexécutif rarement posé. Pourtant, ces fonc- dérer qu'il s'agit d'un syndrome dysexécutif

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Chapitre 7. Évaluation des fonctions attentionnelles et exécutives

Tableau 7.4. Choix des épreuves pour l'évaluation des fonctions exécutives.
Fonction Entrée visuelle/réponse Entrée visuelle/ Entrée verbale/ Entrée verbale/
motrice réponse verbale réponse verbale réponse motrice
Initiation Tour de Hanoï, Fluences
motrices
Planification Tour de Hanoï, Tour de
Londres, Raisonnement
spatial KABC2, Labyrinthes
Fluence Design Fluency Verbal Fluency
Séquences Séquences CMS
Inhibition sélective Go-no go, Cogner/frapper Day and Épreuve d'Hayling, Attention auditive
NEPSY, Frappes de l'EDA night, Stroop, CVLT et réponses
Inhibition NEPSY2 associées NEPSY2
Persévération Wisconsin, Fluences verbales,
Catégorisation NEPSY2 CVLT
Flexibilité mentale Figure de Luria, TMT, Fluidité Petits hommes Fluences verbales
de dessins verts de la Tea-Ch,
Stroop

dont la diffusion intéresse principalement le Diagnostics différentiels


domaine langagier. On a bien compris que les fonctions attention-
• L'examen neuropsychologique est rapide, ou nelles et les fonctions exécutives étaient intrin-
tronqué, ou partiel (par ex. centré sur le seul sèquement liées. Les troubles dans ces deux
symptôme d'appel), ne permettant pas alors compartiments peuvent aisément être confon-
l'indispensable confrontation des données dans dus : par exemple, un défaut d'attention focalisée
plusieurs secteurs de la cognition. peut tout à fait évoquer une forme d'impulsi-
vité dans l'initiation d'une tâche, éliciter des
réponses décalées, provoquer des erreurs dans les
À noter réponses impliquant un choix multiple. Pourtant
Les conséquences thérapeutiques, les orientations
leurs ressorts sont fort différents. L'analyse fine
scolaires, l'évolution et le pronostic seront radica- des tâches proposées permet de trier les diffé-
lement différents selon qu'il s'agit d'une dysphasie rents leviers des comportements observés.
ou de la diffusion d'un trouble dysexécutif dans Ces diagnostics différentiels sont d'autant plus
le secteur langagier, d'un trouble mnésique ou de importants que les prises en charge pourront diffé-
la contamination des processus mnésiques par des rer. Si du point de vue comportemental, les stratégies
troubles de l'attention, de troubles praxiques ou de visant l'aménagement de l'environnement familial
troubles de la stratégie. ou scolaire, les renforcements positifs ou négatifs,
l'accompagnement des familles, etc. pourront être
comparables, les prises en charge médicales pourront
différer sur un point particulièrement important. En
Certaines de ces confusions diagnostiques sont effet, si les traitements médicamenteux (méthylphéni-
certainement à l'origine d'évolutions particuliè- date) sont ­pertinents et généralement efficaces quand
rement péjoratives qui surprennent les différents il s'agit d'une indication attentionnelle, ils n'apportent
professionnels. généralement pas les mêmes bénéfices en cas de
troubles exécutifs.

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Au-delà des troubles attentionnels et exécutifs,


on a aussi évoqué les troubles liés aux troubles des
Cas de pratique clinique
conduites. Ils peuvent aussi être source de confu-
sions. Souvent évocateurs en première intention
Félix : un enfant dysphasique ?
de troubles attentionnels avec hyperactivité Félix est un jeune garçon de 8 ans, en grand échec
(instabilité et agitation), ou de troubles dysexé- scolaire, qui est adressé pour suspicion de dyspha-
cutifs (défaut d'inhibition sélective, de flexibilité sie. Il n'a pas d'antécédent neurologique notable,
mentale…), les mécanismes liés aux troubles de ne présente pas de trouble de la relation ni de
comportements sont pourtant très différents. En troubles envahissants du développement, vit dans
particulier les troubles oppositionnels avec pro- un environnement familial chaleureux a priori
vocation (TOP), souvent très pénalisants pour sans histoire.
l'enfant et son entourage, révèlent une grande En fin de grande section de maternelle, un bilan
difficulté de l'enfant à coexister en bonne intel- orthophonique n'avait pas montré de pathologie :
ligence avec ses pairs ou les adultes. Magnifiés l'articulation, la parole et la production phonolo-
par la vie groupe, en famille, à l'école, en colonie gique sont normales.
de vacances (mais c'est aussi le cas des troubles Félix, en échec scolaire global, doit passer en
exécutifs ou attentionnels), et plus inaperçus ou commission pour envisager une orientation :
discrets en situation duelle (ce qui trompe le cli- une ULIS-école pour jeunes dysphasiques a été
nicien), il existe dans le cas des TOP une inten- contacté. En effet, ses difficultés scolaires ont été
tionnalité agressive ou disruptive qui n'existe pas rapportées à une « dysphasie syntaxique et séman-
dans les autres troubles. Chez l'enfant souffrant tique » en raison :
d'un trouble de l'attention avec ou sans hype- • de la présence, au WISC4, d'une dissociation
ractivité ou de troubles dysexécutifs, peuvent de 30 points entre l'Indice de Raisonnement
apparaître éventuellement certaines postures Verbal (score de 65) et l'Indice de Raisonne-
de prestance visant à éviter une trop grande ment Perceptif, aux dépens du verbal (score
dissonance cognitive (l'enfant est constamment de 90).
rabroué…). En revanche, il est souvent pris au • de ses faibles performances à de nombreuses
dépourvu par ses troubles et n'a pas les moyens épreuves de langage :
de les contrôler, ce qui est une source de souf- – le niveau de vocabulaire, évalué avec le TVAP,
france. Dans le cas des troubles des conduites est très faible, tant dans la partie dite passive
(hétéroagressivité, prédélinquance, attitudes non (désignation d'images) qu'active (définitions
coopératives, mises en danger de soi-même et des de mots),
autres), ces comportements sont sinon maîtrisés – les erreurs et échecs au NSST font conclure à
du moins manipulés comme des stratégies de une dyssyntaxie,
rupture, parfois assumées. – le non-accès au langage écrit est alors com-
Le dépistage des troubles des conduites, comme pris comme secondaire à cette dysphasie.
une catégorie autonome relevant de la pédopsy- Mais, dans cette observation, on est interpellé
chiatrie passera par l'élimination des autres dia- par certaines atypies :
gnostics, même si, bien sûr des co-occurrences • aucune notion de « retard » de langage (ni de
entre les troubles peuvent exister. parole) dans la première enfance ;
Enfin, il faut bien distinguer les symp- • Félix est très fluent. Spontanément, son dis-
tômes constitutifs de réelles co-morbidités (ou cours est décousu, mais lors de situations
multi-« dys »), assez fréquents, des conséquences conversationnelles, il est possible de le canali-
multiformes d'un syndrome dysexécutif qui dif- ser. Les épreuves de récit sont impossibles, de
fuse naturellement dans de nombreux domaines même que les épreuves de fluence, très pauvres
des apprentissages. Là encore, l'enjeu diagnostique (trois animaux en 30 s), ce qui contraste
est important ; les préconisations thérapeutiques ­fortement avec sa fluence spontanée en langage
seront bien différentes, de même que le pronostic, conversationnel ;
le diagnostic engageant souvent des orientations • enfin, le langage conversationnel ne laisse
scolaires déterminantes pour l'avenir du jeune. paraître aucune anomalie spécifiquement lin-

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Chapitre 7. Évaluation des fonctions attentionnelles et exécutives

guistique (ni phonologique, ni lexicale, ni syn- au CMP d'une séance d'aide psychologique par
taxique) : les troubles s'extériorisent uniquement quinzaine), puis une dyslexie, c'est maintenant
dans le bilan de langage. la suspicion d'une dyspraxie qui le conduit en
La question est alors celle d'un diagnostic dif- consultation.
férentiel entre dysphasie de type « sémantique- En effet, un récent WISC (9 ans 4 mois) montre
pragmatique » et trouble des fonctions exécutives une dissociation de près de 40 points entre un
diffusant dans le langage. score de Raisonnement verbal dans la norme et
On entreprend donc un bilan des fonctions une note performance très faible.
exécutives non verbales (mouvements de mains,
reproductions de rythmes, Figure de Luria, etc.), Scores de Florian au WISC3.
qui sont toutes échouées avec persévérations, Subtests Verbal Performance
impulsivité. WISC3
Cependant, Félix est manifestement aidé par Très – Complètement
la présence d'un matériel (modèle) qui contribue échoués d'images, NS = 2
à focaliser son attention et le canalise mieux. – Code, NS = 1
Au contraire, son attention auditivoverbale et
– Assemblage
sa capacité à suivre le discours de l'interlocuteur d'objets, NS = 1
semblent beaucoup plus déficitaires. Enfin, les
– Symboles,
épreuves où la réponse est proposée en choix NS = 1
multiple sont très échouées, avec des réponses
de type « n'importe quoi » sur lesquelles il peut Scores – Similitudes, NS = 7 – Assemblage
faibles – Compréhension, d'images, NS = 5
cependant revenir ensuite avec l'étayage de
l'adulte. NS = 6 – Cubes, NS = 7
On conclut donc plutôt à un trouble des fonc- Scores – Information, NS = 12
tions exécutives prédominant dans le secteur normaux – Arithmétique, NS = 12
verbal, d'où les échecs plus marqués aux tests – Vocabulaire, NS = 12
langagiers, échecs d'ailleurs signalés comme très
fluctuants.
Mais, d'emblée, plusieurs éléments intriguent :
• la multiplicité des diagnostics évoqués, qui ne
Florian : comportent pas de liens clairs entre eux ;
• l'intensité des difficultés en lecture : sauf
une dyspraxie improbable troubles visuospatiaux majeurs (oculomo-
Florian est un jeune garçon de 9 ans et demi, qui a teurs ou visuoattentionnels), les enfants dys-
été orienté en CLIS. praxiques ne rencontrent pas d'obstacle aussi
Dès l'école maternelle, il a été considéré comme massif lors de l'apprentissage de la lecture
un enfant immature, inattentif et peu investi dans (même s'il est vrai qu'ils restent souvent de
les apprentissages scolaires. Au CP, il ne peut accé- médiocres lecteurs) ;
der à la lecture. C'est pourtant un enfant ouvert, • surtout, au sein même du WISC, on s'étonne, du
sympathique, séducteur, qui, avec sa mère, a su moins si l'on évoque une dyspraxie :
mobiliser autour de lui toute l'équipe éducative de – du score faible aux Similitudes (NS = 7) et en
l'école ; il bénéficie de l'aide du RASED et passe Mémoire de travail (NS = 6),
en CE1 pour « poursuivre ses apprentissages », – du bon score aux Cubes (NS = 9), qui est
mais il y a peu d'acquis objectifs en fin d'année. l'épreuve la mieux réussie de l'échelle non
Enfin, l'échec en arithmétique est également verbale, alors qu'au contraire l'échec à IDC
sévère, Florian n'accédant à aucune opération est sévère (NS = 5).
simple sur le nombre. Lors de la consultation, on note d'emblée une
L'équipe est déconcertée par l'intensité de importante logorrhée avec des coq-à-l'âne gênant
l'échec scolaire et par la symptomatologie : après la conversation qui contraste avec :
avoir évoqué une immaturité, puis un «­blo- • l'échec à l'épreuve de fluence sémantique, très
cage » d'origine psychoaffectif (Florian bénéficie pauvre (quatre animaux en 1 min) ;

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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

la tonalité de l'échec à l'épreuve de récit (« Robin Édouard, 12 ans :


des bois », dont il possède la cassette vidéo) : un jeune déficient ?
« Robin des bois était… il était méchant… et
puis avec son épée, il a dit à Petit Jean… il a À l'orée de son entrée au collège, les parents
dit… parce que sa grande sœur était malade… d'Édouard consultent en urgence pour leur fils
quand il rentrait dans la maison, les enfants, de 11 ans 8 mois, scolarisé en CM2. Confrontés
ils étaient réveillés… y avait aussi un crocodile aux intenses difficultés scolaires d'Édouard qui
dans l'eau, et ils étaient dans le petit bateau, a déjà un an de retard, et sa grande difficulté à
et puis, il(ils ?) cognait(ent ?) avec une pierre, rentrer dans la lecture, ils ont réalisé une série de
alors le crocodile… le capitaine Crochet, il l'a bilans, dont un bilan psychométrique à l'hôpital.
mangé. Voilà. » Les résultats sont catastrophiques (QIT de 45,
(Noter la désorganisation du récit, très décousu, aucune note standard au-dessus de 3). Affolés,
comparable à ce que l'on observe dans le lan- ne reconnaissant pas leur fils dans ce diagnos-
gage conversationnel, et le glissement de Robin tic de retard mental présumé, ils souhaitent un
des bois à Peter Pan) ; second avis.
• l'échec à la répétition de chiffres : quatre chiffres
à l'endroit, mais seulement deux à l'envers. De Anamnèse
façon concomitante, toutes les épreuves de Dernier d'une fratrie de quatre garçons, Édouard
métaphonologie sont échouées, ce qui certai- n'a pas présenté de troubles du développement
nement contribué à faire évoquer une dyslexie précoce évidents. La marche était acquise dans la
phonologique. moyenne basse (18 mois). Il n'y a pas eu de retard
Alertés par la tonalité de ces difficultés, dans le de parole, mais le langage était marqué par des
cadre d'une brève consultation, on propose : petites difficultés d'articulation (qui persistent),
• l'épreuve de Frappes extraite de la BREV : ce qui pouvait parfois réduire l'intelligibilité. La
l'échec est complet, avec des persévérations construction syntaxique a pu rester un temps
qui infiltrent déjà l'épreuve contrôle, et lacunaire. Par la suite, et pendant quelques
l'impossibilité de réaliser l'épreuve test, « à années, Édouard a gardé « un langage à lui » avec
conflit » ; ses frères. À la date du bilan, les parents rap-
• la reproduction de la Figure de Luria (figure 7.5), portent un vocabulaire jugé limité, des conjugai-
qui montre aussi des persévérations. On notera, sons fautives, un certain manque du mot, mais
lors du second essai, l'aide apportée par la ver- surtout lorsqu'il s'agit d'exprimer des sentiments.
balisation (il énonce « carré, pointu, carré, L'enfant a du reste du mal à les interpréter chez
pointu ») ; les autres.
• l'épreuve d'Égalisation de trois collections (extraite Pourtant, à l'école maternelle, Édouard s'en-
de l'ECPN [Van Hout, 1995]) est très échouée. tendait bien avec les autres enfants. Il est fidèle
En particulier, Florian ne peut coordonner une en amitié. En revanche, les tâches demandées
stratégie qui tienne compte simultanément des impliquant la motricité fine lui posaient beau-
trois animaux ; il cherche à égaliser les collections coup de problèmes. L'enfant ne voulait pas des-
des animaux deux par deux, sans jamais pouvoir siner, n'aimait pas les petits travaux manuels.
considérer les trois termes du problème. Convoqués au cours de la grande section, les
On conclut que le jeune Florian est victime parents sont informés que leur enfant n'a pas le
d'un déficit des fonctions exécutives avec troubles niveau requis. Un test d'efficience intellectuelle
attentionnels, ce qui rend compte à la fois de son globale est réalisé et met en évidence une disso-
échec en lecture (échec en mémoire de travail, en ciation importante selon le type d'information
métaphonologie) et en calcul (troubles de la straté- proposée, au détriment des tâches appuyées
gie du raisonnement), avec logorrhée, coq-à-l'âne sur un matériel perceptif. Une prise en charge
et persévérations. Ceci éclaire bien ses difficultés en psychomotricité est décidée et va se prolon-
dans l'ensemble des apprentissages, la fluctuation ger pendant 2 ans et demi. Gaucher, Édouard
de ses résultats et la multiplicité des diagnostics est raide, tient mal son crayon. Un appoint
tour à tour évoqués. de relaxation est inclus au cours des séances

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Chapitre 7. Évaluation des fonctions attentionnelles et exécutives

de ­rééducation. Au terme de celle-ci, l'enfant Au fond, l'anamnèse semble indiquer chez


va plus volontiers vers les jeux de construc- Édouard des difficultés multiples, impliquant la
tion (Lego®, puzzles…). plupart des secteurs cognitifs : motricité, (geste ?),
Dès cette période, Édouard est considéré comme a minima quelques atypies du langage, une dys-
un enfant agité. Il se trémousse beaucoup sur sa lexie sévère très probable, voire des troubles de
chaise, ne tient pas en place. Il a du mal à rester la cognition sociale. Dans ce tableau, les troubles
attentif devant la télévision sans bouger. Ses frères comportementaux interrogent : immaturité
le trouvent fatigant, épuisant. La relation avec ses comparable à celle des autres secteurs cognitifs ?
trois aînés (22, 17 et 15 ans) est aujourd'hui assez Réactionnels à la situation scolaire (mais alors
conflictuelle. Édouard peut de son côté être dans pourquoi aussi en famille, qui propose un cadre
la provocation. Il peut se montrer violent, tré- apparemment attentif et chaleureux) ? Trouble
pigne, frappe, jette, est souvent impulsif. attentionnels et/ou exécutifs et/ou du comporte-
À l'entrée au CP, les premiers apprentissages ment endogènes venant compléter ou aggraver les
formels posent des difficultés. L'apprentissage de difficultés scolaires massives ?
la lecture est particulièrement laborieux. En fin
de CP, Édouard ne parvient pas à assembler les
syllabes. De plus, l'enfant se perdait encore dans la Consultation
page. L'écriture est difficile, lente, fatigable. Après La rencontre avec Édouard lors du bilan révèle
une copie trop longue, l'enfant a mal au poignet. Le un enfant joyeux, aimable, dans la relation.
calcul a été compliqué à aborder, mais les mathé- Cependant, il se montre d'emblée très agité. Il parle
matiques sembleraient aujourd'hui meilleures beaucoup, pose beaucoup de questions. Les cap-
que le français. La résolution de problèmes reste tures attentionnelles sont incessantes. On a besoin
difficile. de ramener en permanence l'enfant dans la tâche.
Le redoublement de CP est demandé. Il n'est pas Souvent, entre les épreuves, Édouard demande à
profitable, ni en lecture, ni en écriture. Une prise dessiner. Il est néanmoins, le plus souvent, coopé-
en charge en orthophonie est alors mise en place. ratif et prêt à s'investir dans les exercices proposés.
À partir du CE2, une équipe éducative est réu- Grâce à un étayage solide, on peut s'assurer que,
nie autour d'Édouard. Aujourd'hui, il bénéficie dans l'ensemble, les données sont valides.
d'un soutien individualisé deux fois par semaine. Un bilan psychométrique ayant été réalisé très
Malgré des progrès, la lecture reste hachée. récemment au sein de Centre de Référence pour les
L'enfant comprend aujourd'hui mieux ce qu'il lit. Troubles du Langage d'un CHU, il n'a donc pas été
Édouard est un enfant nerveux, angoissé, qui question de re-proposer les mêmes épreuves. On l'a
a peur d'aller se coucher, fait des cauchemars. Il dit, l'ensemble des échelles du WISC4 était effondré,
connaît des crises d'eczéma. Il peut se montrer situant l'enfant dans la zone très faible. Cependant,
assez rigide dans ses idées. Il peut s'exclure du l'examinateur modulait ces résultats quantitatifs
groupe par son comportement, refusant parfois en intégrant l'attitude difficile d'Édouard qui avait
de suivre les activités générales. Il est très souvent beaucoup de mal à s'impliquer durablement dans
puni à l'école, a développé selon les parents une les épreuves proposées. On interprétait ces échecs
« haine » de l'école. Il est néanmoins curieux, a plutôt sur la base du stress et de l'anxiété. On rele-
des centres d'intérêt, aime à comprendre. S'il n'a vait pourtant aussi des éléments d'opposition, voire
pas selon ses parents le niveau d'une entrée en 6e, de l'agressivité. Certaines épreuves de conceptua-
il peut apprendre rapidement dans les conditions lisation (Similitudes) n'avaient même pas pu être
adéquates. Il bénéficie de soutiens scolaires deux menées à leur terme, alors que l'enfant semblait
fois par semaine à la maison. avoir les ressources requises.
Il existe des antécédents de troubles des appren- Afin d'éviter d'éventuels effets de familiarité
tissages dans la famille. Tous les frères ont connu ou de test-retest, on a donc proposé une nouvelle
des difficultés de lecture, et le troisième frère a été épreuve de raisonnement non sémantique, les SPM
dépisté dyslexique et dysorthographique sévère. (Standard Progressive Matrices de Raven), sans
Deux cousins du côté de la maman sont aussi temps limité et en passation indépendante, sans
dyslexiques. intervention de l'adulte.

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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

Dans ce travail, consistant à compléter une Les tests attentionnels confirment le trouble
matrice en fonction de sa logique de construc- d'attention massif et handicapant.
tion, les résultats globaux sont certes décevants • Dans la modalité visuelle, l'attention foca-
(SPM < 5e centile). Cependant, la revue de détail lisée est faible (Tea-Ch23, Recherche dans le
met en évidence des atypies très inhabituelles. ciel, NS = 2). La capacité à détecter des cibles
Dès l'exercice d'exemple à l'oral, très facile, parmi des distracteurs est faible, avec beaucoup
Édouard peut donner une réponse contre-intui- d'omissions. De plus, le temps de recherche
tive, et surtout insister, avec une certaine diffi- est élevé (temps par cible, 5e centile). D'abord
culté à prendre en considération les remarques et organisée, la recherche d'Édouard devient, en
commentaires de l'examinateur. Puis le rythme milieu d'épreuve, beaucoup plus désordonnée.
de traitement est correct. La série A est bien réus- • L'attention soutenue est aussi nettement en
sie. Cependant, dans les deux séries suivantes, panne (CPT Conners, très significativement
qui consistent surtout en complétion de patrons dans la zone pathologique). L'enfant abandonne
visuels, la réussite est très faible (moins de 30 % une partie de cette épreuve de plus de 15 min,
de bonnes réponses). Édouard revient sur des certes peu motivante, mais justement destinée
réponses justes, se rend compte à la fin de la à juger la capacité de l'enfant à rester dans la
série C qu'il a fait beaucoup d'erreurs puisqu'il se tâche malgré tout. Il y a donc beaucoup d'omis-
contentait de choisir un élément déjà présent dans sions. L'enfant est lent, inattentif, a beaucoup de
la matrice pour donner sa réponse. Au lieu de mal à ajuster ses ressources attentionnelles aux
revenir sur ses réponses et corriger, il ne revient exigences de la tâche.
que sur le dernier item. • Dans la modalité auditivoverbale, la perfor-
Alors que deux séries faciles sur trois étaient mance est aussi très nettement déficitaire
échouées, la série D, nettement plus difficile, et (Coups de fusil, NS = 1). Seuls deux exercices
consistant en un vrai travail d'inférence logique, sur 10 sont réussis. Quand les exigences aug-
est presque entièrement réussie (10 bonnes mentent dans la modalité auditivoverbale,
réponses sur 12), ce qui est très atypique (écart Édouard a beaucoup de mal à diviser ses res-
de + 5 bonnes réponses par rapport à ce qui était sources attentionnelles (Tea-Ch, Écouter deux
attendu compte tenu de la réussite globale). choses à la fois, NS = 1). Il n'arrive à traiter qu'un
Qualitativement, pendant toute la passation, des deux stimuli à la fois, avec des effets de per-
pourtant réalisée en début de séance, Édouard fait sévérations d'un item au suivant, donnant ainsi
du bruit, émet des onomatopées, tape du pied, est la même réponse pour les deux.
très agité, se plaint que c'est trop long à plusieurs • L'attention divisée est impossible à mobiliser
reprises, baille copieusement, se frotte les yeux. À entre un stimulus auditif et un stimulus visuel
partir du milieu de ce travail, il se met à jouer avec (Tea-Ch, NS = 2). Édouard ne traite que les élé-
les pages du cahier, est très sensible aux captures ments visuels, sans pouvoir traiter l'autre. Il y a
attentionnelles, baye aux corneilles. Souvent, il malgré tout de nombreuses omissions. En bout
s'apprête à donner sa réponse sur la feuille prévue, d'épreuve, étant donné la difficulté pour lui,
avant même d'avoir tourné la page. La réflexion Édouard devient opposant.
est globalement très peu approfondie. À la fin de Ce trouble attentionnel sévère va infiltrer l'en-
ce travail autonome qui a duré 35 min, Édouard semble des tâches réalisées.
va s'affaler de tout son long sur la banquette… Par exemple, dans le domaine sensorimo-
On peut donc conclure que les capacités de teur, la prise d'information visuelle est de faible
raisonnement de l'enfant sont nettement plus efficacité. L'exploration visuelle est lente. Dans
solides que ce que pourrait laisser penser les une épreuve de barrage, consistant à détecter
résultats bruts des tests effectués. L'agitation, le des cibles parmi des distracteurs, Édouard n'en
manque de concentration sont tels qu'Édouard a détecte que la moitié (Odédys < - 2 ET). De même,
beaucoup de mal à rester focalisé sur la tâche, et quand on lui demande de chercher des symboles
ne donne à voir qu'une faible partie de ce qu'il est au sein d'une page A3 (Tea-Ch, Carte de géogra-
capable de faire. On peut cependant écarter un
retard global. 23
Normes anglo-saxonnes.

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Chapitre 7. Évaluation des fonctions attentionnelles et exécutives

phie), l'enfant passe plus de 30 s à chercher sans en caractères, métaphonologie, voies d'assemblage
trouver aucun. Ensuite, la recherche s'accélère et et d'adressage). Mais les phénomènes de lenteur
devient plus efficace (performance globale dans la et le type d'erreurs engagent bien à confirmer
norme), mais en fin d'épreuve, l'enfant commence un trouble de la lecture autonome, et non déter-
à entourer n'importe quoi. miné (mais sans doute aggravés) par les troubles
La discrimination visuelle est lente (Beery attentionnels.
VMI, T = 75). Quand on lui demande de compa- On pourrait s'interroger quant à la co-occur-
rer une forme cible avec d'autres formes ne diffé- rence d'un trouble des fonctions exécutives.
rant que par la taille, l'orientation ou les détails, Certes, Édouard est désorganisé, impulsif. Il parle
Édouard commence par prendre des décisions à tort et à travers, se lève au milieu des épreuves,
précipitées, quitte à se corriger immédiatement. finit par être opposant quand il n'en peut plus.
Il peut faire des confusions importantes haut/bas. Mais les données issues des épreuves étalonnées
Il chantonne, tripote ses affaires, hésite, saute des sont plus nuancées : la planification de l'action
items, change plusieurs fois d'avis. Au total, il y a peut être bonne (Tour de Hanoï, NS = 10). Il y a
peu d'erreurs. Mais le nombre d'items traités est peu de bris de règles. Édouard a besoin d'étayage,
faible. mais surtout pour éteindre les commentaires
Une épreuve d'habileté digitale est aussi déce- incessants qui parasitent la passation. Édouard
vante. Outre le fait qu'Édouard a du mal à accep- peut se tromper sur le but à atteindre, et pourtant
ter et suivre la règle, le travail est lent, laborieux, s'applaudir à tout rompre sans voir son erreur. En
difficile à automatiser (Grooved Pegboard, - 1 ET conséquence, quand on le lui fait remarquer, il est
à D et - 2 ET à G). déstabilisé, négocie, veut arrêter.
La coordination œil-main est déficitaire (Beery Les séquences verbales sont un peu difficiles à
VMI, Motor Coordination, T = 75). Même sans automatiser (CMS, Séquences, NS = 6). Édouard
exigence de vitesse, l'enfant a du mal à repasser ne connaît pas encore la séquence des mois de
dans un cadre de plus en plus étroit. On note des l'année. Le comptage de 2 en 2 et de 3 en 3 est
oublis, des embardées. Quand on rajoute une émaillé d'erreurs. On ne peut parler cependant
consigne de vitesse, Édouard se met à louvoyer de sensibilité aux persévérations et la flexibilité
volontairement, en dépit de ce qui est demandé. mentale quand la réponse est motrice est plutôt
Il va nettement trop vite (précision visuomotrice, préservée (Figure de Luria correcte).
vitesse + 1 ET), avec de nombreuses sorties de L'initiation d'une stratégie nouvelle dans un
route (erreurs - 2 ET). problème inconnu est correcte (Design Fluency,
Dans le domaine visuoconstructif, la qualité de NS = 10), mais Édouard bénéficie peu de l'effet
la copie de figures est faible (Beery VMI, T = 75). d'entraînement (Empty dots, NS = 6).
Il y a beaucoup d'erreurs quant aux rapports spa-
tiaux fins, certaines figures sont impossibles à
réaliser. L'attention à certains détails est aussi en Conclusions
cause. Édouard se rend compte souvent que ce Les données sont donc claires : outre les éléments
qu'il fait est différent du modèle. Cependant, il d'anamnèse ainsi que les observations cliniques,
préfère passer en disant : « C'est pas grave ! ». on confirme chez Édouard un important trouble
Est-ce à dire que les troubles de la lecture sont de l'attention avec hyperactivité. Ces difficultés
aussi liés aux troubles attentionnels ? On confirme gênent considérablement l'enfant qui ne peut se
que la vitesse de lecture à haute voix très lente focaliser durablement sur une tâche, aussi bien
(Alouette-R - 1,2 ET), avec des erreurs très nom- quand l'information est présentée visuellement
breuses (erreurs <<-2ET dans l'absolu, - < <-2ET que de manière auditive.
en proportion des mots lus). Qualitativement, par Peut-on parler de troubles visuels, moteurs
deux fois, et dès les trois premières lignes, l'enfant ou praxiques chez Édouard ? Certes, les traite-
se perd ou décroche du milieu d'une ligne à la ments sont laborieux, mais très perturbés par
suivante. Édouard d'ailleurs utilise spontanément les fragilités attentionnelles. On aura compris
le doigt curseur. L'ensemble des prérequis de la que les troubles de l'attention avec hyperactivité
lecture est déficitaire (comparaison de chaînes de infiltrent l'ensemble des compétences cognitives,

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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

qui paraissent de ce fait globalement limitées. La des tâches proposées en disant « Je m'en doutais »,
suite du bilan le confirmera (cognition numé- « Je connais déjà », même s'il n'a jamais été exposé à
rique, processus mnésiques, etc.). En revanche, le de telles tâches. En difficulté avec le prolongement
trouble de la lecture est bien autonome. des séances, il interpelle très souvent l'adulte et
Il semble que les fonctions exécutives chez demande à s'arrêter. Grâce à un bon étayage néan-
Édouard soient mieux préservées que ce que l'on moins, on a pu s'assurer de la validité des données.
aurait pu attendre, étant donné le comportement
de l'enfant. S'il existe des traces d'immaturité
frontale, c'est bien le TDAH qui prédomine. Échelles de Wechsler
Du reste, la mise sous Ritaline® (qui avait été évo- La passation du WISC4 révèle chez Pierre une
quée par le passé, mais repoussée du fait des inquié- dynamique intellectuelle le situant la petite
tudes parentales et d'autres problèmes de santé moyenne des enfants de son âge. Il n'existe pas
de l'enfant) confirmera le diagnostic : les effets à proprement parler de dissociation significative
spectaculaires de la médication vont permettre un des capacités intellectuelles selon le type de maté-
meilleur accès d'Édouard aux apprentissages. La riel proposé.
vie de famille et à l'école va s'apaiser. Cependant, • Sur matériel verbal, les Similitudes sont dans la
un trouble de la lecture sévère et résistant demeure. zone limite (NS = 6). L'enfant a du mal à com-
prendre les enjeux de la tâche. Les réponses
Pierre, 7 ans : un TED ? manquent souvent de précision et il tâtonne
(« En quoi le rouge et le bleu se ressemblent ? » :
À la date du bilan, Pierre a 7 ans et termine « Le violet… Le rouge ça fait plus sombre et le
son CP au sein de l'école publique de son quartier. bleu ça fait un peu violet, ça fait marron, vert
Les parents évoquent des difficultés anciennes, et rouge, des mélanges… des couleurs. »). Outre
depuis la crèche. Issu d'une famille bilingue (père des diffluences, on relève des persévérations
espagnol, mère française), le CMP24 a pu évoquer d'un item à l'autre sans rapport (« En quoi un
l'existence d'un trouble envahissant du dévelop- stylo et un crayon se ressemblent ? » : « C'est
pement (TED). L'accès aux apprentissages est pour les couleurs. »). Qualitativement, l'expres-
limité, même en situation duelle. Garçon qui se sion est généralement correcte.
situe dans la communication, mais volubile et • Sur matériel perceptif, les capacités de catégo-
utilisant des phrases toutes faites, Pierre bénéficie risation visuelle sont dans la petite moyenne
de multiples séances de prise en charge (ortho- (Identification de concepts, NS = 7), mais avec
phonie, pédopsychiatrie, psychomotricité, psy- une qualité du traitement variable d'un item à
chologue spécialisé dans les habilités sociales…). l'autre. On relève des erreurs pour des exercices
Les parents souhaitent approfondir les aptitudes simples. Pierre peut souvent être piégé par des
et les fragilités de leur fils dans le but de clarifier le associations en apparence évidentes et ne peut
diagnostic et surtout de mettre en place les amé- inhiber sa première intuition quand celle-ci
nagements adaptés lui permettant de progresser. n'est pas pertinente.
• Dans un travail de conceptualisation visant à
Comportement trier un groupe de cartes selon des dimensions
variées, Pierre est en grande difficulté. Restant
Le bilan proprement dit est mené sur trois séances
fixé sur les premiers exemples proposés, les per-
de 2 à 3 h chacune. Pierre s'est rapidement mon-
sévérations sont systématiques. L'enfant a ten-
tré impulsif, désorganisé, voire même assez décalé
dance à réaliser des alignements, révélant une
dans ses réponses. Il pose constamment des ques-
qualité de traitement très immature. Par ailleurs,
tions répétitives du type « Ça veut dire quoi ? »,
il répète ce qui lui est dit et commente en perma-
« C'est quoi ? », etc. avant de répondre (parfois cor-
nence les incitations qui lui sont faites (NEPSY2,
rectement) sans avoir attendu confirmation de la
Catégorisation, aucune réussite, incotable).
consigne. L'enfant anticipe très souvent les enjeux
• Sur matériel non sémantique, le raisonnement
par analogie situe Pierre dans la norme des
24
Centre médicopsychologique. enfants de son âge (Matrices, NS = 11). L'enfant

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Chapitre 7. Évaluation des fonctions attentionnelles et exécutives

doit être guidé afin d'éviter les réponses trop Cependant, les observations qualitatives alertent
impulsives. On note malgré tout des persévéra- immédiatement. En effet, sa réussite semble nette-
tions. Le raisonnement arithmétique est lui dans ment minimisée par des troubles exécutifs (adhé-
la petite moyenne pour son âge (Arithmétique, rences, amorçage, persévérations, diffluences…).
NS = 7). Pierre fait systématiquement répéter
les consignes. Il est vrai que la mémoire de tra-
vail est un peu fragile (IMT, T = 80).
Évaluation dans les différents
• De même, le Raisonnement verbal est aussi assez secteurs cognitifs
difficile (NS = 7). Dans ce travail consistant à Du reste, la suite de l'évaluation dans les dif-
résoudre des devinettes au moyen d'indices de férents secteurs instrumentaux confirme ces
plus en plus précis, l'enfant ne parvient le plus sou- impressions. Les traitements sensorimoteurs,
vent à ne tenir compte que d'une partie des don- même de relatif « bas niveau25 sont perturbés : la
nées. Il a besoin de répéter systématiquement les discrimination visuelle rapide manque d'effica-
consignes. Enfin, Pierre fait des erreurs très aty- cité (Symboles, NS = 5). L'enfant se montre lent.
piques dans la segmentation du discours, comme Malgré tout, le nombre d'erreurs est élevé, avec
aimanté par la forme de surface, phonologique : des difficultés dans la procédure de choix. Dans
– « C'est une pièce où l'on dort » : « De l'or » (en un exercice exigeant du point de vue oculomo-
rapport avec le mot « pièce » et le mot « or » ?) ; teur, Pierre cette fois-ci est extrêmement lent
– « C'est ce que les gens font pour rendre les choses (Code, NS = 1). Il a besoin d'être encouragé, voire
comme neuves, et les gens le font lorsque ces relancé, dénotant des problèmes d'initiation et de
choses sont cassées » : « Des chaussons cassés ? ». maintien de l'action. Or, sans exigence de vitesse
La compréhension des situations de la vie quo- et accompagné par l'adulte qui pointe la cible et les
tidienne situe Pierre dans la petite moyenne pour choix possibles, la discrimination visuelle fine se
son âge (Compréhension, NS = 8). Beaucoup de révèle bonne (Beery VMI, dans la moyenne). Il ne
réponses sont décalées, voire hors sujet. L'enfant s'agit donc pas d'un trouble lié à la réalisation de la
se perd dans ses idées et demande constamment : tâche elle-même, mais à l'organisation de l'action
« Ça veut dire quoi ? ». lorsque l'enfant est sans étayage.
• Que dois-tu faire si tu trouves le portefeuille La copie de la Figure de Rey est très difficile
de quelqu'un dans un magasin ? : « C'est quoi (Exhaustivité et précision, - 1,3 ET). Ajoutant des
un portefeuille ?… « Ben, c'est pour acheter des détails épars, il n'y a aucune intégration visuospa-
choses…Un porte-monnaie, un portefeuille [il tiale. De nombreux éléments sont dupliqués. Pierre
répète ces mots tout en faisant des gestes qui passe plus de 10 min dans cette copie, sans s'arrê-
miment quelque chose sur la table]… Il y a ter et rajoutant des détails jusqu'à ce qu'on l'inter-
quatre ronds… Je veux savoir pourquoi il y en rompe (procédure d'arrêt). Quand on lui propose
a quatre alors qu'il doit y en avoir un [il met ses de réaliser la tâche sur la base d'un programme,
poings l'un contre l'autre et se met à jouer, indif- renforçant la planification, le résultat est nettement
férent à la présence de l'adulte] ». meilleur (dans la norme). Il ne s'agit donc pas d'un
• Que dois-tu faire si tu vois une fumée épaisse sor- trouble visuospatial. Du reste, fonctionnellement,
tir de la fenêtre de la maison de ton voisin ?. « Tu chez ce jeune garçon qui termine sa première année
veux dire qu'il y a une cheminée ? … "Épaisse", ça
veut dire quoi ? Ça veut dire qu'il y a une chemi- 25
On distingue communément les traitements de « bas
née, il y a du feu, ça fait de la fumée. » niveau », non pas en fonction leur simplicité supposée
• Pourquoi encourage-t-on la récupération des (ils peuvent être en réalité très complexes, cf. la
bouteilles vides ? : « C'est pour boire et gran- construction hiérarchisée de l'image visuelle décrite
dir… [il devient flottant, absent]. Ça veut dire par Hubel et Wiesel), mais de leur proximité avec les
quoi "encourage-t-on" ?… On court acheter ? Ça fonctions sensorielles et motrices « à la base » de
l'équipement humain. La dénomination « de haut
veut dire on les a toutes bues ».
niveau » est plutôt réservée aux processus cognitifs
En définitive, il semble que les qualités d'abstrac- élaborés s'appuyant sur les fonctions de base : distinc-
tion et de raisonnement situent Pierre dans la limite tion mouvement vs geste ; discrimination phonolo-
inférieure de la norme des enfants de son âge. gique vs conscience phonologique, etc.

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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

­ 'apprentissage formelle, l'écriture est déjà bonne en


d de faire des acquisitions scolaires. L'acquisition de
lisibilité (test d'écriture d'Ajuriaguerra). Cependant la lecture est en bonne voie en vitesse et précision
on ne peut estimer la vitesse de réalisation de la (Alouette-R, dans la norme). Fonctionnellement,
tâche, car l'enfant s'interrompt en permanence, la compréhension de ce qui est lu est un peu
digresse, part dans ses idées, interpelle l'adulte et a variable. Lorsqu'il s'agit de phrases isolées, l'inter-
constamment besoin d'être ramené dans la tâche. prétation est automatisée. En revanche, lorsqu'il
Dans le domaine langagier, les observations cli- s'agit d'un texte suivi, Pierre est nettement plus
niques sont transparentes : dans l'échange courant, en difficulté et se laisse entraîner dans son
Pierre se montre très fluide et spontané. Cependant, il interprétation par des réponses d'imagination.
n'est pas toujours pertinent et dit tout ce qui lui passe Globalement, l'accès au sens le situe dans la petite
par la tête. L'enfant est très sensible aux effets d'amor- moyenne des enfants de son âge (WIAT 2, T = 85).
çage. La structure du langage est généralement cor- Les tâches mnésiques sont réussies dans la
recte, mais dans son discours, Pierre est surtout gêné modalité auditivoverbale, mais les traitements
par les diffluences, les coq-à-l'âne, les réponses irré- sont perturbés par un nombre très important
fléchies et décousues ou du type « n'importe quoi ». d'intrusions, le rappel d'une catégorie entraînant
Sur le versant réceptif à l'oral, Pierre fait l'amorçage de toutes sortes d'éléments de cette
constamment répéter les consignes et demande catégorie, même s'ils n'étaient pas présents dans le
de manière systématique : « Ça veut dire quoi ? », matériel à mémoriser, y compris des mots inven-
même s'il a compris. Comme on l'a dit, on est enfin tés (CVLT, intrusions, - 1,5 ET).
frappé par une difficulté liée à la segmentation de
la parole (ou à un traitement en surface du flux Bilan attentionnel et exécutif
de la parole entendue, s'arrêtant aux aspects pho-
nologiques, sans atteindre le sens). Cela entraîne On est donc bien convaincu que Pierre est en défi-
l'enfant dans des confusions et amalgames. nitive un jeune garçon qui fonctionne intellec-
De manière absolue, la compréhension active du tuellement probablement au-dessus de ce que les
vocabulaire est correcte (Vocabulaire, NS = 10). tâches formelles laissent à voir, du fait de troubles
En revanche, lorsqu'il donne ses définitions, l'ex- exécutifs massifs.
pression est désorganisée, avec parfois des erreurs • En effet, on confirme que chez Pierre, les capa-
de morphologie de la langue : cités d'inhibition sélective sont très limitées.
• Qu'est-ce qu'un parapluie ? : « Ça sert pour ne Dans un travail consistant à renoncer à un trai-
pas se mouiller de la pluie… Celui-là, il est trop tement automatisé au bénéfice des exigences de
fac' [pour facile]. » la tâche, le nombre d'erreurs autocorrigées ou
• Qu'est-ce qu'une horloge ? : « Pour l'heure… non est très significatif (NEPSY2, Inhibition,
C'est pour voir… Où les aiguilles sont dans quel NS = 1, toutes conditions confondues). De plus,
numéro, pour savoir quelle heure il est. » la flexibilité mentale est très faible et le nombre
• Qu'est-ce qu'un gant ? : « Pour ne pas avoir d'erreurs devient alors très élevé (< 2e centile).
froid… Pour être protégé des mains… De • Lorsque l'efférence est verbale, certaines épreuves
quoi ?… Le gant ?… Ne pas avoir froid ». faisant appel à la flexibilité mentale sont du
Toujours dans le domaine de la compréhen- reste encore inaccessibles (Petits hommes verts,
sion, l'interprétation d'énoncés imageables est incotable).
faible et situe l'enfant dans la moyenne basse Dans le domaine moteur, Pierre réussit un peu
(ELO, compréhension, - 1 ET). Pierre a tendance mieux à réaliser des alternances (figures de Luria).
à faire souvent répéter. Quand des inférences sont Cependant, lorsque la complexité augmente, l'en-
nécessaires, l'interprétation des énoncés non ima- fant est graduellement de plus en plus en difficulté.
geables est encore plus faible (ELO, - 2 ET). Mais il Les conclusions auraient pu en rester là, si des
s'agit dans les deux cas de tâches à choix multiples. tâches de routine dans le domaine attentionnel
n'avaient été proposées. En effet, c'est surtout le
défaut d'organisation des traitements qui ont pu
Apprentissages scolaires frapper au cours du bilan. Il y a peu d'alertes pure-
Tout comme pour l'écriture, les troubles observés ment attentionnelles. Les ruptures semblent plu-
dans la sphère exécutive n'empêchent pas l'enfant tôt la résultante d'une perturbation permanente

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Chapitre 7. Évaluation des fonctions attentionnelles et exécutives

des traitements due à l'irruption d'intrusions Afin d'aider l'enfant, une prise en charge médi-
endogènes ou exogènes. Or, au cours des tâches camenteuse est à évaluer par un pédopsychiatre.
étalonnées, Pierre se montre aussi très en panne : La mise en place d'un cadre soutenant et organisé,
• Dans la modalité auditivoverbale, l'attention probablement en petits groupes, permettra de
focalisée est fluctuante (Tea-Ch, Coups de fusil, compenser partiellement les troubles exécutifs de
NS = 5). Dans une tâche consistant à compter l'enfant. De manière encourageante, l'entrée dans
silencieusement dans sa tête des stimuli ne por- les apprentissages formels semble en bonne voie.
tant pas de signification, la vigilance s'effrite
très rapidement. Si les premiers items sont
réussis, les erreurs s'accumulent ensuite très Bibliographie
rapidement.
ANAE. Qu'en est-il du TDAH en 2016 ? Le trouble défi-
• Quand les exigences deviennent plus impor- citaire de l'attention avec ou sans hyperactivité
tantes, les capacités d'attention sont elles aussi (TDA/H), Lussier, F. (coord.). no 140, 2016.
limitées En effet, lorsqu'il faut traiter deux sti- Berger I, Slobodin O, Aboud M, et al. Maturational delay
muli auditifs simultanément, Pierre ne parvient in ADHD : evidence from CPT. Frontiers in Human
à traiter que ceux qui sont les plus saillants26. Si Neuroscience 2013a ; .
Billard C, BREV, Billard C, et al. Batterie rapide d'évalua-
le résultat est dans la norme (Tea-Ch, Écouter
tion neuropsychologique. Paris : SIGNE éditions ;
deux choses à la fois, NS = 10), la situation de 2003.
double tâche le pénalise nettement. Butterworth B, Kovas Y. Understanding Neurodevelopmental
• L'attention soutenue, quant à elle, est très fra- Disorders Can Improve Education for All. Science
gile (IVA +, très déficitaire). Les capacités de 2013a ; 340 : 300.
Pierre à traiter des informations peu saillantes Chelune GJ, Baer RA. Developmental norms for the
Wisconsin cards sorting test. Journal of clinical and
pendant plus de 15 min sont très limitées. Les experimental neuropsychology 1986 ; 8–3 : 219–28.
omissions s'accumulent très rapidement. Au Collette F. Exploration des fonctions exécutives par
bout de quelques minutes, Pierre renonce tout imagerie cérébrale, in Meulemans, Collette. In :
bonnement à poursuivre la tâche. der Linden Van, editor. Marseille : Solal ; 2004.
p. 25–51.
Diamond A. Differences between adult and infant cogni-
Conclusions tion : is the crucial variable presence or absence
Aggravant les troubles exécutifs, mais plus mas- of language ? Thought without language. Oxford :
qués, des troubles de l'attention sans hyperactivité Clarendon Press ; 1988.
Diamond A, Doar B. The performance of human infants
pénalisent donc nettement l'enfant. on a mesure of frontal cortex function, the delayed
On peut comprendre que les praticiens jusqu'ici response task. Developmental psychobiology 1989 ;
aient pu évoquer un TED. Cependant cette 22 : 271–94.
dimension « autistique » résulte clairement ici des Diamond A, Kirkham N, Amso D. Conditions under
troubles comportementaux issus de la dysrégu- which young children can hold two rules in mind
lation exécutive et attentionnelle. En effet, outre and inhibit a prepotent response. Developmental
neuropsychology 2002 ; 38–3 : 352–62.
une anamnèse non congruente avec une his- Dodge KA, Frame CL. Social cognitive biases and deficits
toire développementale autistique (Pierre n'a pas in aggressive boys. Child Dev 1982a ; 53 : 620–35.
d'amis, il « use » son environnement, camarades Gagné P-P, Noreau D, Ainslay L. Être attentif, une question
compris et paraît toujours « décalé »), la qualité de gestion. Chenelière/McGraw-Hill : Montréal ; 2001.
de l'interaction en séance et les tests de cognition Gerstadt CL, Hong YJ, Diamond A. The relationship
between cognition and action : performance of
sociale (Théorie de l'esprit, NEPSY2) lèvent les
children 3,5-7 years old on a Stroop-like day-night
derniers doutes. test. Cognition 1994 ; 53 : 129–53.
Godefroy O, et al. Attention et pathologie frontale. La neu-
ropsychologie de l'attention. Marseille : Solal ; 2001.
26
Les données étalonnées ressortent dans la norme Goyette CH, Conners CK, Ulrich RF. Normative data for
(NS = 10). Outre le fait que la tâche est peu sensible revised Conners parent and teacher rating scales.
aux jeunes âges, le fait que la réussite aux cibles ver- Journal of abnormal child psychology 1978 ; 6 :
bales et non verbales n'ait pas été dissociées par les 221–36.
auteurs empêche de faire une analyse objective plus Hall RW, Huitt TW, Thapa R, et al. Long-term deficits of
fine. Ici, Pierre n'a réussi aucun item non verbal. preterm birth : Evidence for arousal and attentional

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Troubles spécifiques Chapitre 8
des apprentissages

L'école n'est pas un jeu, chacun est obligé de jouer, et je n'y connais pas l'équivalent
de l'esprit sportif qui préserve la dignité du vaincu.
François Dubet, « Les différences à l'école : entre l'égalité et la performance ».
Colloque de Cerisy, La différence culturelle, Balland, 2001.

Une minorité (8 % des professeurs des écoles, 11 %


Neuropsychologie et troubles des professeurs de collège) attribue les difficultés à
spécifiques d'apprentissage l'élève en tant qu'individu (…). Dans leur ensemble,
les enseignants désignent comme principal facteur
Nous avons décrit, tout au long de ce livre, les d'environnement l'absence d'intérêt des familles. »
troubles du développement (Dehaene-Lambertz et En outre, malgré des efforts souvent considérables
Spelke, 2008) qui, dans un secteur ou l'autre de la consentis, sur le terrain, par certains enseignants, le
cognition, sont susceptibles de donner lieu à des travail en équipe pluridisciplinaire reste très difficile,
« dys- »fonctionnements : dysphasies, dyspraxies, faute de moyens, et ce, même lorsqu'il est explici-
dysgnosies, syndrome dysexécutif. tement prévu par les textes. Par exemple, même
Mais le terme « troubles spécifiques d'appren- lorsque l'enfant est reconnu porteur d'un handicap et
tissage » fait aussi référence à la série des « dys- », fait l'objet d'un projet personnalisé de scolarisation,
dont le diagnostic est en lien direct avec les aucun temps n'est prévu pour que l'enseignant puisse
exigences du calendrier scolaire : dyslexie(s), participer aux synthèses, réunions et concertations
dysorthographie(s), dyscalculie(s). organisées entre le secteur soins et le secteur scolaire ;
Dans ces cas, en effet, les symptômes, les signes l'enseignant ne bénéficie généralement pas d'une
d'appel qui conduisent à proposer une évalua- formation suffisante en ce qui concerne les réper-
tion, sont des symptômes scolaires (Dépistage des cussions prévisibles ou éventuelles du handicap de
troubles de l'apprentissage scolaire, ANAE, 2002). l'enfant dans le champ des apprentissages scolaires.
« Les troubles spécifiques des apprentissages
rendent compte d'environ la moitié de l'échec sco-
laire. […] Bien que reconnus comme un handicap Attention
Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant
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dans le DSM41 et la CIM10, ils sont insuffisam- Les termes en dys- désignent soit une patho­logie élec-
ment dépistés, mal diagnostiqués et très rarement tive dans un domaine cognitif spécifique (dysphasie,
pris en charge de façon adéquate. »2. dyspraxie, syndrome dysexécutif), soit un symptôme
Or, la représentation que les enseignants se font des (dyslexie, dysorthographie, dyscalculie), dont les
causes de l'échec scolaire est bien différente : « l'ori- causes peuvent être multiples (cognitives, pédago-
gine de la grande difficulté scolaire est attribuée par giques et/ou médicales). La confusion qui résulte de
les deux tiers des enseignants3 à l'environnement (…). cette terminologie est à l'origine de nombreux qui-
proquos, aussi bien entre professionnels qu'avec les
1
Et toujours dans le DSM5. parents ou les enfants eux-mêmes : il vaudrait mieux
2
Billard C., Zorman M., Note sur le dépistage des dire « retard ou difficultés d'accès à la lecture » lorsqu'il
troubles d'apprentissage, 2000. ne s'agit pas d'un trouble cognitif spécifique et conser-
3
Enquête auprès de 385 enseignants du primaire et ver le terme « dys- » lorsqu'un diagnostic neuropsy-
1 038 enseignants du collège, année scolaire 2005-2006. chologique a été établi (Mazeau et Pouhet, 2014,
Réf.: ministère de l'Éducation nationale, Direction de l'éva- pp 41–47). Malheureusement, l'usage a figé ces termes.
luation, de la prospective et de la performance (DEPP).
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pour chacun des troubles cognitifs spécifiques


s'actualise lors de l'exploration d'une anomalie
Exemple d'accès à la lecture, d'une incompétence en calcul,
La fièvre est un symptôme qui peut être voire d'un échec scolaire global inexpliqué.
rapporté à de nombreuses pathologies ou Nous supposerons ici que les causes « évidentes »
maladies. L'identification du phénomène (troubles sensoriels ou moteurs patents, troubles
pathologique responsable de la fièvre (la graves de la relation ou des conduites, perturbations
grippe, un abcès dentaire ou le paludisme) émotionnelles ou psychologiques intenses, dyspha-
constitue le diagnostic. On peut avoir sie sévère) ont été écartées, ou, tout au moins, qu'elles
deux attitudes différentes : traiter la fièvre sont considérées comme ne pouvant pas, à elles
pour elle-même, avec pour objectif que le
seules, rendre compte du tableau clinique observé.
patient ait une température normale ou
au moins acceptable du point de vue du
Nous n'avons pas la prétention d'être exhaus-
confort (traitement dit « symptomatique ») tifs et nous savons combien ces difficultés, chez
ou bien rechercher la cause de la fièvre (dia- l'enfant, sont habituellement multifactorielles.
gnostic) et proposer un traitement adapté Cependant, la mise en évidence de dysfonction-
au diagnostic (évidemment, le traitement nements électifs dans tel ou tel sous-secteur de la
sera très différent selon que l'on traite une cognition peut constituer une aide irremplaçable
grippe, un abcès ou un paludisme). (et complémentaire des autres approches) pour
Il en est de même en ce qui concerne ces comprendre les compétences/incompétences d'un
troubles « scolaires » que sont dyslexies enfant donné et lui proposer des aides thérapeu-
et dyscalculies : des performances très tiques véritablement ciblées et adaptées.
faibles en ces domaines, eu égard aux exi- Plusieurs batteries de tests (par ex. l'EDA4,
gences scolaires, peuvent ressortir de très étalonnée de la moyenne section de maternelle
nombreuses causes, bien souvent imbri- au CM2) se proposent de répondre, de façon
quées, et faire l'objet d'un « traitement » à la fois rapide, ludique et précise, à la question
symptomatique. Par exemple, pour la
du repérage et du dépistage de ces troubles spé-
lecture, reprendre l'apprentissage plus
cifiques des apprentissages (en particulier la dys-
longuement, prévoir des entraînements
supplémentaires à l'enfant, lui proposer
lexie) et de leur diagnostic.
un soutien psychologique, etc. • La notion de dépistage vise à la mise en évidence
de signes prédictifs de telle ou telle pathologie
qui ne s'est pas encore dévoilée : on parle ainsi
du dépistage de signes qui, en grande section de
maternelle, paraissent annoncer une possible
Lorsque le mécanisme initial ou principal dyslexie. Cette démarche implique que soient
du symptôme peut être rapporté à une patho- repérées puis testées certaines compétences
logie neurodéveloppementale, alors ces termes ou performances spécifiques qui apparaissent
désignent un diagnostic et orientent les choix comme des préalables indispensables liés à tel
thérapeutiques (généralement en termes de réédu- ou tel apprentissage ; l'examen doit alors être
cation et/ou réadaptation). Ainsi, pour reprendre proposé systématiquement au sein d'une popu-
l'exemple de la lecture, en fonction du diagnostic lation tout-venant afin d'y repérer des enfants
neuropsychologique mis à jour, les « traitements » susceptibles de développer des troubles. Le pro-
proposés pourront consister (entre autres et selon jet est essentiellement préventif : mise en place
les cas), en une rééducation orthoptique, un de structures, de rééducations, de pédagogies,
entraînement de la mémoire de travail auditivo- d'adaptations, etc., spécifiquement pensées
verbale, un travail de l'attention visuelle ou l'achat pour éviter un trouble à venir.
d'un scanner-lecteur. Ce qui d'ailleurs n'empêche
en rien (au contraire), si cela est justifié, de propo-
ser simultanément une aide psychologique ou un 4
Évaluation des fonctions cognitives et apprentissages
accroissement des entraînements. de l'enfant, Billard C., Touzin M., Ortho Editions,
C'est pourquoi il nous semble important de 2012. Elle remplace les deux éditions précédentes de
montrer comment la démarche proposée jusqu'ici la BREV.

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Chapitre 8. Troubles spécifiques des apprentissages

Certaines de ces batteries prédictives sont • Une étape qualitative, véritablement diagnos-
plus orientées vers les fonctions linguistiques tique, que nous détaillerons et qui s'appuie sur :
(ERTL4, ERTL65), d'autres sont plus centrées – l'inventaire, pour chacune des activités sco-
sur l'apprentissage du langage écrit (batterie laires concernées, de l'ensemble des compé-
Zorman6, BP/BL, batterie prédictive de l'ap- tences requises pour qu'un enfant y accède, et
prentissage de la lecture d'Inizan). l'analyse systématique en termes d'afférences/
• La notion de diagnostic s'applique à la recherche nature de la tâche/efférences ;
des mécanismes qui produisent un ou des – l'analyse de la nature des erreurs et des échecs
symptômes manifestes : l'enfant est signalé des enfants, comme reflétant leurs conceptions,
(par ses parents, l'enseignant, un psychologue) leurs stratégies, leurs acquis et leurs lacunes,
comme souffrant ou présentant tels ou tels leurs compétences et leurs incompétences.
signes (en général un retard d'acquisition) qui Nous construirons ainsi une évaluation, dont
inquiètent. L'évaluation a alors comme objectif l'objectif sera d'essayer de repérer quels sont les
d'élucider la cause, le mécanisme à l'origine du mécanismes dysfonctionnants responsables du
ou des symptômes, puis de prescrire les théra- trouble d'apprentissage.
peutiques susceptibles de conduire à une amé-
lioration, dans une démarche thérapeutique.
Le repérage peut être établi au moyen de quelques
épreuves, même simplement scolaires (il suffit de
L'évaluation lors
faire lire un enfant pour « entendre » s'il lit correc- de difficultés en lecture
tement, de manière fluide pour son âge ou si, au
contraire, il bute, hésite, ânonne, ne peut répondre Les difficultés, anomalies, lenteurs ou impossi-
à quelques questions simples sur le contenu du bilités d'accès au langage écrit sont certainement,
texte). En revanche, le diagnostic ne pourra faire parmi les troubles spécifiques des apprentissages,
l'économie du bilan neuropsychologique. L'aspect les plus connues, les plus étudiées, celles qui ont
multifactoriel des causes possibles et l'intrication donné lieu à la littérature la plus abondante,
des mécanismes impliqués dans les apprentissages mais aussi la plus contradictoire, qu'il s'agisse des
scolaires n'autorisent pas d'en rester à une évalua- causes, descriptions, pronostics ou stratégies thé-
tion fonctionnelle superficielle pour mettre au jour rapeutiques à mettre en œuvre (INSERM, 2007).
les leviers sous-jacents au trouble éventuel. D'une façon générale, il existe un consensus
Explorer un trouble spécifique des apprentis- pour évoquer une dyslexie si l'enfant présente un
sages, dans la démarche neuropsychologique, décalage de 2 années scolaires (ou plus) dans ses
imposera une démarche en deux étapes : apprentissages en lecture/écriture.
• Une étape quantitative, à l'aide de tests étalon- Cette « définition » de la dyslexie (après élimina-
nés. Il s'agit : tion d'une déficience mentale, d'un trouble spéci-
– d'objectiver la réalité d'une pathologie (l'enfant fique du langage (dysphasie), d'un TSA ou d'une
se situe à plus de 1,5 ou 2 ET en dessous de la insuffisance d'apprentissage) a l'avantage d'être
norme, ou son décalage scolaire dans la matière rapide, facile et finalement assez opérationnelle sur
considérée est égal ou supérieur à 2 années) ; le terrain. Pourtant, elle recèle plusieurs pièges :
– d'évaluer son intensité (en écart à la norme) ; • La dyslexie n'est ici considérée qu'en tant que
– de s'assurer que ce trouble est électif (perfor- symptôme ; il ne s'agit pas d'un diagnostic, mais
mances intactes ou nettement supérieures de la constatation d'un signe, d'une anomalie.
dans les autres secteurs des apprentissages et On spécifie simplement l'intensité minimale du
les épreuves de facteur G). symptôme (2 années de décalage par rapport à
la norme), sans rien en dire quant à sa genèse,
sans rien préciser des mécanismes qui gênent
5
ERTL : B. Broy, Comm-Médic, Les nations, Vandœuvre.
l'enfant (diagnostic) pour atteindre au niveau
L'ERTL4 est centré sur l'enfant de 4 ans (3 ans et demi à de lecture habituel à son âge.
4 ans et demi) et l'ERTL6 sur l'enfant de 6 ans. Or, si l'on confond la dyslexie-symptôme (l'en-
6
Michel Zorman, Laboratoire cogni-sciences et fant ne lit pas comme il le devrait à son âge) et
apprentissage, IUFM, Grenoble. la dyslexie-diagnostic (dyslexie ­phonologique,

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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

visuoattentionnelle, dysphasique, etc.), on Les aspects développementaux


risque de ne pas entreprendre l'évaluation à
visée diagnostique, qui seule permet de préciser Habiletés métaphonologiques
les déficits sous-jacents au symptôme et d'adap- On sait que, dans un premier temps, l'enfant n'a
ter réellement les propositions thérapeutiques. conscience (et ne peut concevoir) que les aspects
• L'enfant ne peut pas être « dyslexique » avant le sémantiques de la langue. Il attribue d'abord du sens
début du CE2 ! Auparavant, il n'a pas encore les aux aspects extralinguistiques et suprasegmentaux
2 ans de retard requis, et pour cause, puisque de la langue. Situation, ressenti (sensoriel, émo-
cela ne fait pas 2 ans qu'il est en apprentissage… tionnel), mimiques du vis-à-vis et intonations de
Il arrive assez souvent que des parents soient l'interlocuteur s'ils sont congruents, lui permettent
confrontés à ce problème : en fin de CP, un pro- d'inférer la signification de « ce qui se passe et ce
fessionnel diagnostique une dyslexie tandis qu'un qui se dit ». Peu à peu, au sein même du discours,
autre professionnel déclare aux parents qu'on ne l'enfant va extraire, repérer et identifier la signifi-
peut absolument pas parler de dyslexie : le premier cation d'unités spécifiquement linguistiques, les
évoque un diagnostic à partir de signes d'examen mots, puis les phrases. Le mot (voire le syntagme
(absence de conscience phonologique, aucun acquis ou l'expression stéréotypée) est alors perçu et com-
en lecture en fin de CP, déficit de la mémoire de tra- pris comme un tout, une unité de sens insécable.
vail…), tandis que le second s'offusque que l'on se Ce n'est qu'aux alentours de 4 ans et demi que
permette de parler de dyslexie tant que l'enfant n'a l'enfant montrera une connaissance implicite du
pas 2 années scolaires de décalage avec ses pairs ! fait que les mots sont constitués de séquences
De nombreuses épreuves étalonnées de lecture sonores : il commence alors à jouer spontanément
existent (par ex., aux ECPA, l'Alouette-R, dernière avec les sons de la langue, produisant allitérations
version révisée en 2005, avec une série d'indices pré- ou rimes, et ce, de façon indépendante de toute
cis amplifiée, « Jeannot et Georges », « LMC-R », etc.) référence au sens (« am-stram-gram, pic et pic et
qui peuvent permettre d'objectiver le trouble. colégram », etc.). Cependant, cette connaissance
Pour rester pragmatique, nous considérerons : est encore parcellaire, inachevée et surtout non
• sur le plan développemental, l'évolution des mobilisable intentionnellement.
capacités liées à la lecture chez le jeune enfant ; Or, dans les langues alphabétiques, ce sont
• sur le plan des processus concernés, nous nous essentiellement les sons de la langue (les pho-
centrerons sur la nécessaire mise en œuvre de nèmes) qui sont traduits par des signes gra-
deux types de traitements, indépendants mais phiques arbitraires (les graphèmes), les lettres
complémentaires : (ou groupes de lettres). La connaissance claire,
– la reconnaissance et l'identification des mots, consciente et facilement accessible des sons qui
c'est là l'apanage de l'écrit, composent la langue orale devient alors un élé-
– la compréhension, l'accès à la signification de ment déterminant de l'accès à l'écrit. C'est sur
la phrase ou du texte. cette connaissance, dite aussi conscience phono-
En effet, les procédures pour accéder au sens à logique, que vont pouvoir se déployer les appren-
partir d'une suite de mots (lexique) reliés par des tissages liés à l'écrit : segmentation du mot oral
règles (morphosyntaxe) sont communes à toutes en ses diverses composantes sonores (initiale-
les formes de surface du langage, qu'il s'agisse ment les syllabes, puis graduellement par entraî-
de langage oral ou de langage écrit. Cependant, nement spécifique et explicite, les phonèmes),
les caractéristiques propres à la langue écrite correspondances entre les sons de la langue et
(absence d'intonation, règles spécifiques de nota- les graphèmes s'y rapportant, reconstruction
tion des référents par l'intermédiaire de marques d'un mot du lexique et de sa ­signification (accès
d'orthographe grammaticale, etc.) impriment sémantique) à partir de la suite de sons évo-
à cette activité de compréhension de l'écrit cer- qués par la séquence de graphèmes (lecture par
taines contraintes spécifiques, quelque peu diffé- assemblage, étape de la subvocalisation).
rentes de celles liées à l'oral. Ainsi, les compétences de l'enfant en métapho-
C'est en tenant compte simultanément de ces nologie (c'est-à-dire sa capacité croissante, entre
éléments que sera proposée ici une démarche 5 et 7–8 ans, à manipuler intentionnellement les
d'évaluation d'une dyslexie. différents segments sonores des mots), sont-elles
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Chapitre 8. Troubles spécifiques des apprentissages

prédictives de ses capacités lexiques ultérieures. De On retiendra en particulier quelques étapes


très nombreux travaux, désormais classiques, ont clés, de difficulté croissante :
montré, non seulement un lien entre capacités • production et/ou reconnaissance de rimes,
métaphonologiques à 4–5 ans et acquisition de la par ex. : « lapin »/« malin » ;
lecture en CP puis appartenance à un groupe de • repérage et/ou production d'un son voyellique
bons ou de mauvais lecteurs ultérieurement, mais ou d'une syllabe en début ou fin de mot, par ex. :
encore l'intérêt à entraîner les enfants (en grande /a/ dans « abricot », /ba/ dans « balançoire » ;
section de maternelle et début de CP) à ces acti- • repérage et/ou production d'un son voyellique
vités métaphonologiques pour faciliter leur entrée ou d'une syllabe en milieu de mot, par ex. : /ou/
dans l'écrit (Ramus et coll., 2003). dans « rouge », /ba/ dans « embarras » ;
En effet, s'il existe une progression génétique, • repérage et/ou production d'un phonème
naturelle, de ces compétences en fonction de (consonne) en début ou fin de mot, d'abord avec
l'âge, on a également constaté que ces capacités les sons qu'on peut artificiellement prolonger
spontanées restent grossières et insuffisantes si (/v/, /f/, /ch/, /r/) ou amplifier (/p/, /b/), par ex. :
elles ne font pas l'objet d'un entraînement spé- /v/ dans « vache » ;
cifique. C'est l'apprentissage explicite du système
phonologique et des conversions graphophono­
logiques propres à la langue qui accélère très Attention
nettement les connaissances métaphonologiques Le phonème, isolément, n'a pas de réelle exis-
et leur donne une autre dimension, celles d'habi- tence, en particulier en français où c'est la syllabe
letés métaphonologiques permettant à l'enfant de qui est l'unité de base de la langue orale. Il est
manipuler consciemment les différents segments d'ailleurs impossible de produire un phonème
sonores de la langue. isolé, sans ajout de voyelle (comment prononcer
Il y a donc influence réciproque, en spirale, le son /t/ sans ajouter un /e/ ?). Aussi, la plupart
avec effet amplificateur mutuel, de l'évolution des épreuves qui proposent de travailler ou d'éva-
spontanée et de l'apprentissage volontariste, for- luer le niveau de conscience phonémique chez
malisé et systématisé, tel qu'il peut être conduit l'enfant sont-elles des jeux de suppression, d'ajout
dans le cadre scolaire. ou de transposition de phonèmes.

À noter
Ces capacités métaphonologiques (conscience
phonologique) ne doivent pas être confondues Exemple
avec les capacités de discrimination phonologique Suppression du premier phonème : « pan-
présentes d'emblée chez le bébé. Ces dernières talon » → « antalon », « abricot » → « bri-
permettent au nourrisson de distinguer les sons de cot », etc. ou transposition de phonèmes
sa langue ne différant que par un trait phonétique (contrepèteries) : « l'ami des veaux → la
mais supportant des différences de sens (cri/gris, vie des mots » (Martineau et Le Goistre,
classe/glace, gâteau/cadeau, etc.). Tout trouble de 1994).
la discrimination phonologique retentit sur les � idem, avec phonème en milieu de mot,
capacités (surtout sur l'exactitude, la finesse) de par ex. : extraire /v/ dans « avancer » ;
l'analyse métaphonologique de l'enfant. � enfin, idem avec tout phonème cor-
respondant à un son bref, impossible
à prolonger (k, t, l, etc.), ou inclus dans
Mais, à l'inverse, de nombreux enfants en diffi- les sons di- ou triconsonnantiques,
culté pour accéder à la métaphonologie ne présentent par ex. : /l/ dans « glisser ».
aucun déficit de discrimination phonologique. Cette dernière étape, qui permettra de
La plupart des batteries destinées aux enfants reconnaître et d'isoler les phonèmes /k/ et
de grande section de maternelle, CP et CE pro- /l/ au sein du vocable « clou » permettra
posent d'évaluer le niveau d'habileté métaphono- l'encodage phonologique lors des pre-
logique de l'enfant, en fonction de son âge et la mières productions d'écrits.
classe qu'il fréquente.
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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

Ces activités sollicitent énormément la mémoire (Denckla, 2005)]7 de dénomination rapide nous
de travail auditivoverbale. paraissent cependant plus valides encore, car
plus longues et proposant plusieurs étapes per-
À noter mettant de différencier les différents processus
sous-jacents (dénomination rapide d'images, de
Les méthodes qui segmentent le mot jusqu'au
tâches de couleur, de lettres, de chiffres ou de
niveau de la syllabe (et non du phonème) sont
mélanges lettre/chiffres/couleurs).
beaucoup moins exigeantes en mémoire de tra-
vail et peuvent donc être utilisées si celle-ci est Les résultats à ces épreuves doivent être rappro-
déficitaire (Garnier-Lasek, 2002). Il faut alors chés de ceux obtenus aux épreuves de discrimina-
éliciter une méthode d'apprentissage de l'écrit tion phonologique, de répétition de syllabes, mots,
syllabique. non-mots et phrases et de toutes les épreuves de
mémoire de travail.

Ces habiletés sont fondamentales, car elles


Habiletés visuo-practo-spatiales
reflètent le noyau conceptuel de construction
des langues écrites alphabétiques et sont corré- Si les habiletés métaphonologiques constituent
lées avec les facilités ou difficultés ultérieures de le socle sur lequel vont se construire les savoirs
l'enfant à devenir un bon lecteur. et les apprentissages liés à l'écrit, il n'en demeure
Cependant, elles ne concernent que les mots pas moins que les informations devront être saisies
dits « réguliers », c'est-à-dire qui respectent les visuellement (Club d'oculomotricité cognitive,
règles de correspondance graphophonologiques 2002), que lire consiste en l'établissement de corres-
de la langue. pondances entre des signes écrits qu'il faudra saisir
Au contraire, les mots irréguliers doivent être du regard (attention visuospatiale, organisation des
reconnus visuellement : leur décomposition saccades, calibrage des saccades), reconnaître (iden-
en unités phonologiques n'est pas pertinente tification, invariance) et des significations qu'il
pour ­accéder à leur signification, puisqu'ils ne faut construire (MT, compétences linguistiques) et
respectent pas les règles de conversion pho- retrouver en MLT (réseaux sémantiques).
nèmes/graphèmes (par ex. : « poêle », « femme », Nous voudrions insister sur l'importance de
« doigt », etc.). ces facteurs, souvent négligés. L'acuité visuelle de
l'enfant, en particulier sa vision de près (sponta-
Exploration née ou après correction) est en effet souvent la
seule variable prise en compte dans l'évaluation
Les batteries d'exploration des troubles d'accès
des afférences.
au langage écrit (L2MA, Odédys2, NEEL…)
Or, lire suppose aussi (ou d'abord ?) de nom-
proposent toutes des épreuves de métaphonolo-
breuses capacités instrumentales :
gie de difficulté croissante, la lecture de mots et
• des capacités d'attention visuospatiale, atten-
non-mots réguliers versus les mots irréguliers, en
tion soutenue en particulier ;
contrôlant les variables suivantes : longueur, com-
• une organisation des mouvements du regard,
plexité (/glou/ est une syllabe régulière plus com-
en particulier une organisation linéaire, de
plexe que /li/, également régulière) et familiarité
gauche à droite, des saccades (mouvements
(en ce qui concerne les mots signifiants).
oculaires très rapides qui permettent d'orienter
Signalons, dans la NEPSY, le subtest Processus
les yeux et durant lesquels il n'y pas de vision)
phonologiques mais surtout l'épreuve de
(Rayner, 1998). Cette organisation saccadique
Dénomination rapide, dont l'échec est étroite-
est longue à se mettre en place chez l'enfant
ment corrélé aux difficultés lexiques et serait
normal, qui compense d'abord cette insuffi-
même hautement prédictif. Cette dernière
sance en suivant du doigt la ligne qu'il ne peut
épreuve semble refléter la facilité (la rapidité,
encore suivre avec ses yeux et en faisant avec
l'automatisation ?) d'accès phonologique du sujet
à son lexique, facilité qui serait liée (?) aux capa-
cités de manipuler les sons de la langue (méta- 7
DRA enfants - Test de dénomination rapide, Plaza M.,
phonologie). Des tests monotâches [informatisé Robert-Jahier A.-M. ADEPORIO, 2006. Rapid
DRA (Plaza, 2006) ou support papier RAN/RAS Automatized Naming, Denckla, Pro-Ed, 2005.

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Chapitre 8. Troubles spécifiques des apprentissages

sa tête les saccades, qu'il maîtrise encore mal entre rétine périphérique et rétine centrale
au niveau oculaire. On considère que cette (fovéa) et de régulations très complexes entre
organisation du regard est fiable et quasi auto- perceptions et actions au niveau oculomoteur.
matisée aux alentours de la fin du CE1 ou dans Là encore, tout trouble dans ces délicats sys-
le courant du CE2 (période où l'enfant accède tèmes de régulation très sophistiqués pourra
à la lecture dite « courante »). Simultanément, constituer une gêne invisible, insoupçonnée et
l'enfant apprend à gérer des saccades dites « de pourtant parfois considérable pour l'enfant en
régression » (de droite à gauche, si une ambi- début d'apprentissage.
guïté ou une anomalie de sens se révèle au • Enfin, qu'il s'agisse de l'organisation des saccades
cours de la lecture), ainsi que les grandes sac- ou de leur calibrage, c'est bien aussi de stratégie
cades de retour à la ligne (de droite à gauche du regard dont il est question ici, ce qui suppose
et orientées obliquement vers le bas). Cette une bonne efficience des systèmes exécutifs.
longue évolution est, normalement, entière- Car apprendre à lire, ce n'est pas seulement asso-
ment sous l'influence de l'apprentissage sco- cier des lettres aux sons ; c'est également organiser la
laire de la lecture et de l'entraînement qui lui perception de ces lettres dans l'espace, dans le bon
est lié. ordre, avec l'orientation adéquate. « Dans le cerveau
On imagine les difficultés de l'enfant qui ne du jeune lecteur, un dialogue doit s'instaurer entre
possède pas, au plan oculomoteur, les habiletés la voie visuelle ventrale qui reconnaît l'identité des
normales (c'est souvent le cas des jeunes dys- lettres et des mots et la voie dorsale qui programme
praxiques). Or, ces troubles optomoteurs peuvent les mouvements des yeux et de l'attention. Que l'un
facilement passer inaperçus s'ils ne sont pas de ces protagonistes trébuche, et c'est toute la lecture
recherchés systématiquement, en particulier chez qui chancelle. » (Dehaene, 2007).
les enfants anciens prématurés : seul un bilan Plusieurs hypothèses mettent en cause le rôle
orthoptique pratiqué par un professionnel expé- de difficultés visuelles dans certains troubles
rimenté en neurologie infantile en permettra le d'apprentissage de la lecture : défaut de percep-
diagnostic, puis la rééducation. tion des contrastes, difficultés de traitement des
• Le calibrage des saccades, c'est-à-dire la direc- stimuli rapides et de brève durée (cas des fixations
tion et l'amplitude du saut oculaire entre deux visuelles lors de la lecture) et anomalies du sys-
fixations8, détermine la position précise de tème visuel magnocellullaire, persistance visuelle
chaque fixation par rapport aux mots écrits. trop importante qui entraînerait un « brouillage »
C'est une habileté fondamentale pour : d'images lors de la succession des fixations, déficit
– éviter la fatigue visuelle liée à la recherche des fonctions visuoattentionnelles, etc. (Valdois et
permanente de la ligne, du mot, du fragment Launay, 1999 ; Bosse et coll., 2007 ; Valdois, 2014).
de mot qui a échappé ; Des recherches récentes (Friedmann et Rahamim,
– que la lenteur de lecture ne représente pas 2007 ; Friedmann et al., 2015) ont mis l'accent
un problème ingérable en mémoire de tra- sur les facteurs cognitifs liés à l'identification des
vail, avec impossibilité de traiter l'ensemble lettres et à l'encodage spatial des lettres dans le
des différents segments perçus et donc, de mot. En effet, certaines erreurs de migration de
reconstituer du sens ; lettres au cours de la lecture ne seraient pas dues
– qu'il soit possible de « photographier » à des troubles liés aux saccades oculaires, mais à la
l'enveloppe orthographique du mot, seule reconnaissance de la place de la lettre dans le mot
possibilité pour construire un lexique ortho- ou entre les mots. Même chez le normolecteur, la
graphique et acquérir l'orthographe lexicale présentation trop rapide de mots proches (côte à
(ou orthographe « d'usage »). côte ou l'un au-dessus de l'autre) tels que MARIE et
Ce calibrage des saccades, lentement appris MANIE peut provoquer des phénomènes d'erreurs
égale­ment à l'école durant les premières années dans l'identification des lettres ou de migration de
de primaire, est le fruit d'une coordination lettres (à quel mot appartient le R ?). Chez l'enfant
dyslexique, ces erreurs peuvent être fréquentes et
8
C'est seulement durant les fixations que sont saisies handicapantes. Elles seront relevées cliniquement,
les informations visuelles (lettres, mots) et que sont aucun test en français ne proposant aujourd'hui de
effectués les traitements linguistiques. données étalonnées portant sur ces effets.
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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

Au total, ce sont donc les systèmes phono­ • L'utilisation de procédures phonologiques


logiques et les systèmes neurovisuels qui doivent (« indirectes » ou d'assemblage), dans lesquelles
simultanément évoluer tout au long de cette l'enfant, après avoir segmenté le mot écrit en
période (4–5 à 7–8 ans), sous peine de compro- unités pertinentes, applique à chaque segment
mettre durablement l'accès au langage écrit. les règles de correspondances graphophono-
logiques propres à sa langue, puis « assemble »
Évolution des stratégies de lecture les segments phoniques ainsi obtenus pour
reconstituer, par subvocalisation, un mot de
Dans un premier temps, vers 4 ans, la lecture de
son lexique auditif, mot auquel l'enfant assigne
l'enfant repose sur des stratégies (Frith, 1985) de
une signification. Tous les non-mots, mots
type « logographiques » : tous les éléments sont
réguliers ou quasi réguliers peuvent être lus
pris en compte pour reconnaître la signification,
(« déchiffrés ») par cette voie, même si le sujet
graphisme, couleurs, dessins, etc. Cependant, il
les rencontre pour la première fois, mais non
n'y a pas de relation clairement démontrée entre ce
les mots irréguliers qui ne respectent pas les
stade logographique (qui ne traduit peut-être que
règles de conversion graphèmes/phonèmes. Par
l'exposition précoce à l'écrit, dans nos cultures) et
ailleurs, les homophones peuvent, en dehors de
l'acquisition de la lecture.
tout contexte, être difficiles à différencier.
Puis l'enfant comprend que ce sont les lettres
• L'utilisation de procédures « directes », dites aussi
et seulement les lettres qui doivent être prises en
d'adressage, dans lesquelles c'est la suite précise
considération. L'enfant applique alors des règles
des lettres du mot, sa structure orthographique,
de correspondance simples : on parle alors d'un
qui est directement appariée à une signification,
stade alphabétique.
un concept, au sein des réseaux sémantiques.
Enfin, entre 5 et 7 ans, il réalise que l'ordre
Cet appariement ne peut avoir lieu que pour les
séquentiel des lettres est important et la recon-
mots déjà inscrits dans le lexique orthographique
naissance des mots est fondée sur un lexique
(visuel) du sujet, c'est dire que cette voie ne per-
orthographique simple, que l'enfant commence à
met pas d'assigner une signification à un mot
construire à partir des mots qu'il rencontre fré-
écrit rencontré pour la première fois (or, le lecteur
quemment : on parle alors de stade orthographique.
rencontre d'autant plus de mots visuellement
nouveaux, de son point de vue, qu'il est débutant).
À noter Cette voie permet la lecture des mots irréguliers.
Il est très important de distinguer le stade ortho- Elle permet aussi une lecture plus rapide. Mais
graphique (en lien avec la lecture par adressage elle ne permet pas la lecture de non-mots (noms
et la constitution d'un lexique orthographique) propres, etc.) rencontrés pour la première fois.
qui permet de distinguer des mots visuellement Les lecteurs débutants utilisent essentiellement
proches, tels /adapté/adopté/, du stade logogra- la voie d'assemblage (nombreux mots « nou-
phique, qui lui, ne se fonde que sur des approxima- veaux »), alors que les lecteurs experts utilisent
tions visuelles non exclusivement littérales. D'où préférentiellement la voie d'adressage (du moins
des confusions visuelles quelquefois grossières, pour tous les mots fréquents ou familiers), com-
fondées sur la longueur du mot (/maison/maman/) plétée de la voie d'assemblage pour quelques mots
ou sur la présence d'un signe diacritique, etc. rares ou inconnus (tableau 8.1).
Exploration
Le processus en jeu Il faut donc comparer les performances de l'enfant
Identification des mots en lecture de non-mots (procédure d'assemblage
obligée) et en lecture de mots irréguliers (qui
C'est la phase la plus spécifique de l'activité réclament des procédures d'adressage).
lexique. D'abord visuelle, elle doit ensuite aboutir
sur le plan sémantique.
Cette identification des mots écrits suppose Compréhension
(selon le modèle désormais classique de la lecture Bien que, fondamentalement, les processus de
dite « à deux voies ») : compréhension de l'écrit (phrase, texte) soient

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Chapitre 8. Troubles spécifiques des apprentissages

Tableau 8.1. Les compétences requises pour accéder à l'identification d'un mot écrit.
Procédure Entrées Tâches Sorties
Assemblage – Attention visuelle – Habiletés métaphonologiques – Néant si lecture
– Regard et oculomotricité – Segmentation du mot écrit (repérage silencieuse
– Vision : gnosies des des di- et trigraphes) : connaissance des – Parole si lecture à haute
signes conventionnels règles, (stockées en MLT) et convocation voix : → programmation
de celles qui sont appropriées en MT phonologique, praxies et
– Conversion graphophonologique : motricité buccophonatoire.
– connaissance des règles stockées
en MLT et convocation de celles qui sont
appropriées en MT
– Maintien actif de la suite des segments
phonologiques produits (MT) en vue
de leur assemblage
– Récupération de la signification
du produit issu de l'assemblage
(subvocalisation) : accès au lexique
auditif (MLT, réseaux sémantiques)
Adressage – Attention visuelle Récupération de la signification de – Néant si lecture silencieuse
– Regard → organisation l'enveloppe orthographique du mot : – Parole si lecture à haute
linéaire des saccades et accès au lexique orthographique (MLT, voix : programmation
calibrage parfait des saccades réseaux sémantiques) phonologique, praxies et
→ stratégie spécifique motricité buccophonatoire
d'exploration du regard

comparables à ceux utilisés pour comprendre mots ou phrases à apparier avec des images (selon
l'oral (discours, récit), il est certain que la compré- l'âge, L2MA, LMCR, ECOSSE9, Le vol du PC10,
hension de l'écrit requiert cependant des habiletés tests de vitesse et compréhension de la lecture à
qui lui sont propres. voix basse de l'IREP11, subtest de la WIAT212, ou,
Ainsi, il y a moins (voire pas du tout) de redon- pour les plus grands le BV50, le BV1613, etc.).
dances à l'écrit et l'on est privé des signes supra-
segmentaires (intonations) ou extralinguistiques
9
Éditions du Septentrion (diffusé par la librairie Mot
à Mot).
(mimiques, gestes, désignation du doigt ou du
regard, etc.) si précieux pour la compréhension de
10
Ortho Édition.
l'oral. De ce fait, l'accès aux éléments syntaxiques 11
Batterie étalonnée au Québec (2000), comprenant : un
et textuels est plus prégnant et plus exigeant à subtest précieux de « vitesse de lecture à voix basse »,
visant le repérage par l'enfant d'un mot absurde ou
l'écrit. contradictoire au sein d'un court texte et un subtest
Ces éléments sollicitent énormément : de compréhension de lecture de textes comportant
• l'attention soutenue et les fonctions exécutives environ 10 lignes chacun (réponse par QCM).
(chap. 7) ; 12
Wechsler Individual Achievement Test (2e éd.), étalon-
• la mémoire de travail (analyse syntaxique pré- née sur une population d'enfants du Québec franco-
cise de phrases complexes) ; phones en 2009. (Les normes précédentes issues des
• la mémoire à long terme (recours aux connais- enfants francophones de l'Ontario étaient très nette-
ment insuffisantes). C'est une échelle d'acquis scolaires,
sances générales évoquées par le texte, mémoire pensée en tant que pendant aux échelles du WISC.
épisodique et/ou mémoire sémantique et sché- 13
Bonnardel (à partir de la classe de seconde, étalonnage
mas narratifs). ancien par classe), mais interprétation de phrases com-
La compréhension est évaluée soit à partir de plexes pour les plus âgés (inférences, second degré,
questions sur le texte lu, soit par des épreuves de implicite, cohérence de l'interprétation…).

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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

La compréhension de l'enfant peut, parado- étant le levier central de l'accès à la lecture et à


xalement, être de bien meilleure qualité que son ses troubles (Ramus et al., 2003) peut être telle
« déchiffrage ». En effet, certains enfants, qui que certaines prises en charge orthophoniques
ont une appréhension vague et globale du mot envisagent la rééducation essentiellement sous la
(et font donc beaucoup d'erreur de déchiffrage), forme d'exercices métaphonologiques. Deux biais
sont largement aidés par le contexte. Ceci peut sont de ce fait à éviter :
être mis en évidence lors de la passation des deux • la méconnaissance ou la minoration des autres
épreuves de lecture de l'échelle Connaissances mécanismes de la lecture et de ses troubles
du K-ABC, Lecture et déchiffrement et Lecture (aspects gnosiques, visuospatiaux, phonologiques,
et compréhension. Cette dernière épreuve éva- exécutifs, de mémoire de travail, de langage oral) ;
lue la compréhension de l'enfant à partir de la • le surentraînement des enfants dans ces apti-
réalisation (effective ou mimée) de consignes tudes : force est de constater que ces patients
écrites. peuvent devenir des experts es conscience pho-
nologique, sans parvenir à mieux lire.
Bilan de lecture Les troubles de la métaphonologie sont donc
probablement un révélateur de dysfonctionne-
Il inclura donc : ments sous-jacents à certaines formes de dyslexie
• Une épreuve initiale de lecture à voix haute, per- sans les résumer.
mettant d'analyser, en fonction de l'âge, la qualité
de la lecture en termes de vitesse (nombre de mots L'analyse des deux voies de la lecture se fait de
lus) et de précision (nombre d'erreurs) de la lecture. manière systématique :
Si la lecture du texte prévue pour un âge donné • voie d'assemblage : lecture de pseudo-mots (qui
n'est pas complète, on analysera les erreurs en n'appartiennent pas à la langue mais peuvent
proportion du nombre de mots lus, et non pas en être lus) ;
absolu, ce qui pourrait évidemment biaiser l'ana- • voie d'adressage : lecture de mots irréguliers
lyse de la précision de la lecture. C'est sur la base de pour lesquels les règles de conversions grapho-
cette première observation que l'on pourra envi- phonologiques ne s'appliquent pas.
sager (ou non) un trouble de la lecture. Une telle On étalonnera aussi bien la vitesse que la préci-
tâche apportera non seule­ment des éléments quan- sion, en observant d'éventuels facteurs confondants
titatifs, mais aussi les premiers éléments qualitatifs ou aggravants (impulsivité, défaut d'inhibition,
qui orienteront la suite du bilan : types d'erreurs, engagement d'une stratégie inappropriée : lexica-
fatigabilité de la lecture, éléments exécutifs, sauts lisation de non-mots, mobilisation de la voie d'as-
de mots ou de lignes (éléments oculomoteurs). semblage pour les mots irréguliers).
• Sur la base de ces premières observations, on La plupart des batteries proposent la lecture de
analysera les prérequis de la lecture : mots réguliers supposés fréquents et qui peuvent
– oculomotricité et stratégie du regard (par des être lus indifféremment par assemblage ou adres-
épreuves de barrage, par ex.), organisée ou sage. La maîtrise de ce stock et le type de stratégie
chaotique, fatigable… ; mise en œuvre permettent de mesurer le degré
– reconnaissance des lettres présentées iso- d'automatisation de la lecture.
lément (facteurs gnosiques) ou au sein de
chaînes de caractères (encodage spatial des Les outils les plus à jour visant l'analyse des pré-
lettres) et types de confusions ; requis et des mécanismes de la lecture proposent
– accès rapide aux mots sur la base d'indices généralement une série d'épreuves couvrant tous
visuels (Rapid Naming) ; ces différents aspects. On citera en particulier la
– phonologie : discrimination et conscience BELEC (batterie d'évaluation du langage écrit et de
phonologique. ses troubles, Mousty et coll., 1994) et Odédys2 (outil
Cette analyse permettra d'orienter le diagnostic sur de dépistage des dyslexies, Jacquier-Roux, Valdois
des éléments sous-jacents aux processus de lecture. et Zorman, 2002 révisée 2008)14.
Les troubles de la conscience phonologique dans
les dyslexies sont les plus connus des profession- 14
La batterie est en libre accès, téléchargeable à partir
nels. Cette focalisation sur ce processus comme du site du laboratoire Cognisciences.

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Chapitre 8. Troubles spécifiques des apprentissages

Quand la qualité de la lecture est trop faible, L'analyse des prérequis de la lecture, de ses
que l'accès au mot n'est pas encore possible et mécanismes sous-jacents, du type d'erreurs et des
qu'on assiste à un ânonnement laborieux et inef- stratégies mises en place par l'enfant avec plus ou
ficace, on pourra revenir sur les mécanismes moins de bonheur est indispensable pour tenter
basiques d'assemblage en proposant la lecture de de comprendre ses difficultés. En proposant non
digrammes consonne-voyelle, et sur la reconnais- seulement la lecture de mots réguliers vs mots
sance ou non des graphèmes complexes (ou, on, irréguliers, de mots vs non-mots, mais aussi des
au, eau, oin, aille…). mots longs vs mots courts, des mots familiers et
Jointe à l'évaluation des prérequis de la lec- fréquents vs mots rares, des phrases simples ou
ture, la lecture de listes de mots permettra donc ambiguës, longues ou courtes, chargées de syn-
de mettre au jour les mécanismes préservés et les taxe ou non, etc., on tentera de cerner quels sont
mécanismes déficitaires, ainsi que l'intensité du les étapes, les processus, les mécanismes mettant
trouble. l'enfant en difficulté.
Une évaluation de la lecture ne sera jamais Il faudra ensuite essayer de relier ces éléments,
complète si l'on ne propose pas d'épreuves de en amont, au fonctionnement cognitif de l'en-
compréhension de lecture, en situation le plus fant, interroger les différents modules ou sous-
écologique possible. En effet, au-delà de l'effi- modules susceptibles d'être en cause. Retenons
cacité des mécanismes instrumentaux de la l'importance fondamentale et déterminante
lecture, il est essentiel de savoir où l'enfant en de certains systèmes : organisation et stratégie
est fonctionnellement dans sa capacité à prendre du regard, habiletés métaphonologiques, elles-
de l'information à l'écrit. En effet, c'est le para- mêmes très liées aux capacités de l'enfant en
mètre déterminant de la situation de handicap mémoire de travail, compétences linguistiques et
scolaire, puisque l'essentiel de la scolarité en mémoire à long terme, qualité et facilité d'accès
France passe par l'écrit. Il est important que le aux réseaux sémantiques.
ou les textes qui seront proposés soient cohé-
rents avec l'âge et la classe de l'enfant, en termes
de niveau d'exigence. En effet, même si certains Rappel
textes ou groupes de textes sont étalonnés pour Si les éléments « de bas niveau » (organisation et
tous les âges, leur longueur et/ou leur complexité stratégie du regard, déchiffrage et identification
ne peut préjuger de la capacité d'accès au sens des mots) nécessitent beaucoup d'attention et
en situation scolaire, car trop courts (réduisent d'efforts, requérant que la quasi-totalité des res-
les effets de la fatigabilité de la lecture) ou trop sources cognitives du sujet leur soit dévolue, ou
simples (effet plafond). Leur sensibilité sera de s'ils sont trop lents, alors l'enfant ne disposera pas
ce fait insuffisante et les données non informa- de ressources suffisantes pour effectuer les traite-
tives (faux négatifs). ments de plus « haut niveau », c'est-à-dire accéder
Cette analyse est d'autant plus importante qu'il à la signification.
n'y a pas exacte correspondance entre trouble ins-
trumental de la lecture et trouble fonctionnel. Tel
enfant pourra présenter d'importantes difficultés Tenter, avec l'enfant, de démêler l'écheveau
dans la maîtrise et l'automatisation des méca- de ses difficultés revient à interroger chaque
nismes de la lecture, avec un trouble fonctionnel système ou sous-système cognitif potentielle-
plus modéré, et inversement. ment en cause. Le type d'erreurs que produit
Remarquons enfin qu'un trouble de la com- l'enfant lors de ses tentatives de lecture, d'éven-
préhension à l'écrit devra toujours être contrasté tuels troubles associés et certaines circonstances
avec un éventuel trouble de la compréhension à étiologiques peuvent orienter ce bilan de façon
l'oral. Les deux mécanismes étant convergents, pertinente.
une évaluation du langage oral est le plus souvent C'est le sens du schéma récapitulatif (figure 8.1).
nécessaire à l'intelligence complète d'un trouble En effet, même si les dyslexies « phonologiques »
éventuel du langage écrit. sont, de loin, les plus fréquentes dans la population

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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

Conditions psycho-affectives et
environnementales sans particularité
Apprentissage: conditions et
NON-ACCÈS AU LANGAGE ÉCRIT durée habituelles ?
ANALYSE DES ERREURS
BILAN PSYCHOMÉTRIQUE
cf. chap. 1
− Intelligence normale ou sub-normale
? − Profil compétences / incompétences ?
– Lecture lettre à lettre ?
Reconnaissance-identification
DYSLEXIES AGNOSIQUES – Confusions signes
signes conventionnels ?
visuellement proches ?

ATTENTION
– Sauts de lettres,
Fonctions VISUELLE ?
syllabes, mots, lignes ?
EXÉCUTIVES ? DYSLEXIES « VISUELLES »
Stratégie
– Inversions ?
REGARD ?

– Identification non-mots vs mots


MÉMOIRE
MÉTAPHONOLOGIE ? DYSLEXIES PHONOLOGIQUES – Influence régularité / fréquence /
DE
longueur etc. ?
TRAVAIL ?
– Accès signification mots pleins ?
LANGAGE ORAL ? mots-fonctions ? flexions ?
phrases ?
MLT Phonologie / lexique / syntaxe DYSLEXIES DYSPHASIQUES
– Textes ?

Figure 8.1. Éléments à prendre en compte lors du bilan d'une dyslexie.

tout-venant, cela n'autorise nullement à négli- nologique, lexique, syntaxe, pragmatique = RAS),
ger les autres éventualités : lorsqu'un diagnostic hormis le faible score à la répétition de logatomes
erroné est porté, les conséquences peuvent être de plus de deux syllabes et la répétition de phrases
très préjudiciables pour l'enfant, aggravant ses longues (net effet de longueur).
difficultés et ajoutant encore à son désarroi. La lecture est difficilement cotable. La voie
d'assemblage semble impossible à mobiliser. On
Exemples de cas cliniques note, dans les efforts faits par Ludovic pour lire
quelques non-mots ou quelques syllabes iso-
Ludovic, 11 ans et demi : lées, des confusions de tous ordres (b/d, n/m,
une dyslexie familiale ? j/ch, gu/j, ca/sa, etc.) et surtout une incapacité
Ludovic est un jeune garçon timide et réservé, à procéder à l'assemblage des sons laborieuse-
actuellement en CM1, en très grande difficulté ment produits : cabane → « sa… k… ka… cala…
de langage écrit. L'intensité de ses difficultés ma (désigne du doigt la syllabe /ne/), cama ?
le signale dès la fin du CP. Depuis, il est pris en sama ? ». Les di et tri-graphes sont impossibles
charge au CMP en orthophonie, à raison d'une à déchiffrer. Au contraire, on note qu'il utilise
séance par semaine, et en psychothérapie. la voie d'adressage pour quelques mots fréquents
Les échelles de Wechsler pratiquées l'année (« lapin », « soleil », etc.), quelquefois avec des
précédente montre un excellent niveau de déve- approximations : par ex., dans le contexte d'une
loppement (ICV = 125, Indice de Raisonnement petite phrase (« La fille joue avec le chat »), il
Perceptif = 115) avec, en particulier, une note de 15 propose chatte pour « chat ». Il explique qu'il
aux Similitudes et de 12 aux Cubes. Mais l'IMT est « reconnaît » ces mots, que d'ailleurs il ne
faible avec une bonne capacité à répéter des chiffres déchiffre pas.
à l'endroit (6 items), alors que l'échec est important La production d'écrits en dictée montre les
tant en Répétition de chiffres à rebours (3 items) mêmes difficultés :
qu'en Séquences Lettres-Chiffres (SLC, NS = 5). • syllabes et logatomes : « ma » → + ;
Le bilan orthophonique écarte toute difficulté « on » → « tion » ; « po » → « pe » ;
linguistique (discrimination et production pho- « pla » → « pala » ; « chu » → « ch…, chat » ;

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Chapitre 8. Troubles spécifiques des apprentissages

• mots : « fille » → « firre » ; « jupe » → « jupine » ; En fin de consultation, la mère évoque les
« rose » → « robe » ; « maison » → « mésané » ; grandes difficultés en lecture de son mari (patron
« jeudi » → + ; « mardi » → « nandi », d'une petite entreprise de peinture), de deux des
« lapin » → + ; « une poire » → « une pain ». frères du père qui n'ont jamais pu suivre une sco-
On essaye alors de proposer une aide phonolo- larité, mais aussi d'une de ses propres sœurs (elle-
gique, en donnant l'écriture d'un mot ayant la même même a un frère et deux sœurs) et de sa mère à
amorce phonologique (« poireau » pour /poire/) : laquelle, dit-elle, elle sert de secrétaire.
Ludovic ne sait pas en bénéficier (Figure 8.2). Ludovic doit être orienté vers une Ulis « troubles
La Mémoire de chiffres est médiocre à l'endroit des apprentissages » et, sur le plan de la lecture, on
(Ludovic répète 4 chiffres à l'endroit) mais très conseille à la fois :
déficitaire à l'envers, où il faut 4 essais pour qu'il • de tenter une méthode syllabique (moins coû-
parvienne à répéter 3 chiffres à l'envers. La note teuse en mémoire de travail qu'une méthode
st. obtenue au WISC-III est de 3. phonémique), avec soutien de la couleur pour
Toutes les tâches de métaphonologie sont faciliter le repérage des syllabes ;
échouées : retrouver la syllabe commune à deux • de l'entraîner à la reconnaissance « globale » de
mots énoncés par l'examinateur, suppression de nombreux mots fréquents dans la vie quotidienne
la première syllabe, fluence phonologique, etc. (il est possible qu'on n'entraîne en fait qu'une recon-
Il ne réussit que les tâches d'identification d'une naissance logographique et non une lecture ortho-
syllabe en début de mot (reconnaître qu'on entend graphique). Mais vu son âge et les piètres résultats
/ba/ dans « balance » ou /di/ dans « dimanche »). obtenus en lecture jusqu'ici, il semble plus raison-
Le K-ABC montre une supériorité marquée nable de commencer un apprentissage, a minima
des processus simultanés; au contraire, les pro- mais « utilitaire », qui pourra favoriser son autono-
cessus séquentiels sont globalement déficitaires: mie sociale ultérieure ;
mouvements de mains (note st. = 3), mémoire de • et surtout d'utiliser un oralisateur de textes.
chiffres, suite de mots (note st. = 3). En revanche, En effet, au-delà de l'entraînement, sans doute
il réussit bien l'épreuve des triangles (note st. = précieux mais probablement insuffisant, on
13), les matrices analogiques (note st. = 12). Dans proposera des aménagements scolaires : tra-
l'échelle des connaissances, on note l'échec aux vail à l'oral aussi bien pour la transmission des
« devinettes », (note st. = 6) sub-test qui réclame consignes par l'enseignant que pour celle des
aussi des capacités en mémoire de travail. réponses par l'enfant ; mise en place de l'ordi-
On conclut à une dyslexie sévère de type « pho- nateur avec retour et dictée vocale, proposi-
nologique », où prédominent les troubles de tion de supports pédagogiques informatisés.
mémoire de travail auditivoverbale, de métapho- À partir du collège, on encouragera l'appren-
nologie et d'assemblage (figure 8.2). tissage de l'usage de la souris-­scanner par l'en-
fant lui-même, afin qu'il puisse graduellement
parvenir à transformer lui-même les supports
de cours (livres, supports de contrôle…) en
supports électroniques, couplés à une syn-
thèse vocale. À noter que depuis 2015, les
éditeurs de manuels scolaires sont tenus d'en
fournir une copie électronique à tout enfant
présentant une situation de handicap reconnu
par le MDPH, quelles que soient la nature et
l'intensité de son trouble. La dyslexie en fait
partie.
En fait, son avenir est surtout conditionné par
Figure 8.2. Amorce pour faciliter la production la reconnaissance de ses excellentes capacités de
d'un mot écrit. conceptualisation, de jugement, d'abstraction :

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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

il faut l'encourager à se cultiver (il est cinéphile, mots réguliers sont satisfaisantes et surtout
il pourra utiliser la version audio des livres du bien meilleures que la lecture des mêmes
­patrimoine littéraire auquel il a aujourd'hui diffi- mots, ce qui est très instructif.
cilement accès), à fabriquer des Lego® techniques
dont il est féru, etc. On ne peut faire de pronos- Résultats de Loïs en lecture et dictée.
tic quant aux progrès de la lecture chez Ludovic, Lecture Écriture sous
encore moins sur l'éventuelle fonctionnalité de dictée orale
cette lecture à terme. L'orientation s'affinera à Domino don… mi… on… ? (non proposé)
mesure que les goûts et centres d'intérêt de l'enfant Dé din… c'est une dinde ? De
s'affirmeront. Si les études académiques formelles
Cube ch… chu… chute ? cube
longues devaient s'avérer difficilement accessibles,
il pourrait reprendre l'affaire de son père… ce qu'il Cabane cha… neu…/ ca… cadan
a déjà envisagé. canard ?
Tapis Ka./te… ? tapi
Loïs, une dyslexie visuelle ? Pirate Pa… pi. pitre ! pirat
Loïs est un enfant de 8 ans, ouvert et sym- Lune ru, une rue ? lune
pathique, sans antécédent particulier, qui
est adressé pour exploration de ses difficul- • La lecture de syllabes simples, type consonne-
tés d'accès au langage écrit et orientation : il voyelle (C-V) est possible (mais souvent
redouble son CP (après un maintien en mater- laborieuse) et les syllabes V-C et les di-conson-
nelle pour un retard graphique important), et nantiques posent de gros problèmes. On note
n'est toujours pas lecteur. aussi de nombreuses inversions (/un/ déchiffré
Son excellent niveau intellectuel et verbal est « nu », /il/ est lu « li », etc.). Seuls quelques rares
attesté par ses résultats au WISC (notes st = 12 mots réguliers bisyllabiques peuvent être lus
aux Similitudes, 13 en Compréhension, 14 en (« bébé »), par une stratégie de déchiffrement et
Vocabulaire). Le langage conversationnel est par assemblage.
adapté et mature : Loïs explique ses difficultés, • Les habiletés visuelles : une épreuve de Barrage
ses efforts et ses déboires scolaires avec réalisme est très échouée, incotable. Simultanément,
et émotion. on note que la mémoire de travail visuelle (ou
• La mémoire de travail et la métaphonolo- visuospatiale) est très déficitaire : après une pré-
gie : la mémoire de travail auditivoverbale sentation visuelle séquentielle, à l'ordinateur, de
est normale, avec rétention de cinq chiffres séries de différentes couleurs, il ne peut en res-
à l'endroit et quatre chiffres à l'envers (ce qui tituer que trois dans l'ordre.
lui confère une note st de 12). Les épreuves • La reconnaissance des lettres, après 2 CP, est
de métaphonologie proposées sont celles de encore très lacunaire et on note encore de nom-
la NEEL et sont bien réussies, qu'il s'agisse breuses erreurs : /h/ est dénommé « n » ou « m »,
de reconnaître si deux mots riment ou non, /D/ est dénommé « R », etc. Enfin, on en rapproche
d'identifier le phonème initial, d'inverser des un échec marqué au subtest Reconnaissance de
syllabes ou des phonèmes, etc. Par ailleurs, formes du K-ABC (note st = 5).
Loïs est aidé par l'ébauche écrite phono- Loïs, enfant intelligent et beau parleur, sans diffi-
logique : lorsqu'on lui propose le mot écrit culté phonologique ni métaphonologique, compé-
« baguette », il en déduit immédiatement tent en mémoire de travail auditivoverbale, présente
comment écrire « bague » ; à partir du mot au contraire des difficultés dans tous les secteurs
écrit « poireau », il en déduit comment écrire qui réclament des compétences neurovisuelles (et/
« poire » (il propose « poir ») (figure 8-2). Il ou visuoattentionnelles) : cela rend compte de son
montre ainsi qu'il a bien compris le principe échec scolaire global, intense, avec troubles sévères
de correspondance phonographémique de du graphisme (qui avaient déjà motivé le retard du
l'écriture alphabétique. Enfin, les dictées de passage en CP) et d'une dyscalculie spatiale associée

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Chapitre 8. Troubles spécifiques des apprentissages

à sa dyslexie. C'est certainement cette piste qu'il On confirme d'emblée que la dynamique intel-
faudra explorer plus avant si l'on veut aider Loïs à lectuelle situe Bertrand dans la bonne moyenne
faire les acquisitions scolaires de base. des enfants de son âge. Il existe une nette prédi-
Une orientation en ULIS primaire de type 4 a lection pour les épreuves appuyées sur le format
été proposée, permettant d'associer travail en petit verbal de l'information (Similitudes, NS = 15 ;
groupe avec un enseignant spécialisé et rééducations Raisonnement verbal, NS = 13), avec une bonne
(orthophonie, aides visuelles, écriture à l'ordinateur), flexibilité mentale. Quand les tâches sont pro-
au sein d'un projet cohérent où l'ensemble des diffi- posées sous forme visuelle, et surtout quand la
cultés de ce petit garçon pourra être pris en compte. réponse demandée consiste en un simple poin-
tage sur le bon choix, les résultats sont beaucoup
plus décevants (Identification de concepts, NS = 6 ;
À noter Matrices, NS = 9). Il faut dire que Bertrand va
L'ULIS primaire (ex CLIS 4) = classe d'intégra- beaucoup trop vite et se trompe pour des items
tion scolaire, à petits effectifs, pour enfants han- simples. Irrégulier, il n'arrive pas à ajuster son
dicapés moteurs(!). traitement et les erreurs s'accumulent rapidement.
En fait, aucune structure ne convient parfaitement Quand on lui demande de ralentir, le traitement
pour Loïs (une CLIS 1, pour enfants déficients est meilleur. Sur matériel numérique, le raisonne-
mentaux, ne convient évidemment pas non plus). ment est correct (Arithmétique, NS = 10).
Ce choix a été dicté par la possibilité, dans le cadre
d'une CLIS 4, d'offrir à Loïs à la fois des interve- Une dyslexie sévère
nants expérimentés en ce qui concerne les troubles Après presque 3 ans d'apprentissage, les troubles
« visuels », oculomoteurs et visuoattentionnels de la lecture sont quant à eux, en effet, sévères.
(instituteur informé de ce type de troubles, réédu- La lecture à haute voix n'est pas encore possible
cateurs rompus à ce genre de pathologies, etc.) et la
(Alouette-R, < -2 ET). Bertrand est non lecteur. Il
possibilité d'utiliser un ordinateur en classe.
arrive seulement à lire 26 mots en 3 min alors que
la moyenne attendue à son âge est de 208 mots. Le
Bertrand, une dyslexie isolée ? nombre d'erreurs est par ailleurs très significatif
Contexte (< -2 ET). Seulement 10 mots sont corrects alors que
la moyenne attendue est de 195 (ou 94 % des mots
À la date du bilan, Bertrand, 8 ans 9 mois, termine lus). C'est la voie d'assemblage qui est privilégiée
sa classe de CE2 dans l'école primaire de son par l'enfant qui annone, avançant laborieusement
quartier. Il a des difficultés, notamment en fran- par conversion graphème-phonème systématique.
çais et plus particulièrement en ce qui concerne la
lecture. Le trouble de l'accès au langage écrit était Traitements visuels
et reste tellement intense que le redoublement de L'exploration visuelle peut paraître un peu fragile
la classe de CP, puis de celle de CE1 a été proposé. (page A4, Barrage de cloches de l'Odédys, - 1 ET).
Constatant qu'il est très performant en mathé­ Bertrand adopte une stratégie organisée, mais est
matiques, les parents s'y sont opposés. Une prise pénalisé par un ralentissement de sa vitesse en fin
en charge orthophonique vigoureuse a été mise d'épreuve.
en œuvre, mais aucun progrès n'étant perceptible, La comparaison des chaînes de caractère est
parents, enfant et professionnel se sont découragés très lente (Odédys, < - 2 ET), avec malgré tout
et une pause thérapeutique a été ménagée depuis des hésitations et des erreurs (- 1 ET) pour des
quelques mois. Une prise en charge de l'écriture lettres proches présentées en majuscule d'impri-
avec un psychomotricien a été entreprise, car merie (C/G ; O/Q ; B/D).
dans ce domaine aussi, l'enfant est en difficulté. Hors des signes de la lecture, l'analyse de la dis-
Bertrand s'y rend volontiers car les séances « lui crimination visuelle fine ne révèle pourtant pas de
font du bien ». Les parents se demandent si un difficultés particulières, quand les exigences de rapi-
« blocage » supplémentaire ne pourrait pas expli- dité sont limitées (Beery VMI, Visual Perception,
quer le trouble, et cherchent les moyens de le lever. T = 103). Quand on lui demande de comparer des

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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

items visuels ne différant que par la taille, l'orienta- pur, l'enfant annone en subvocalisant à mi-voix.
tion ou les détails, il y a peu de confusions. L'efficacité de mémoire de travail en elle-même
Quand on ajoute une exigence de vitesse, en n'est pas à incriminer (indice de MT, T = 106).
revanche, la discrimination visuelle rapide d'items C'est la charge en mémoire de travail qui au cours
bien contrastés est plus décevante (Symboles, de la lecture devient insoutenable.
NS = 6). Bertrand est lent et fait quelques erreurs. Un examen complet du langage oral, sur ses
Dans un exercice exigeant du point de vue ocu- deux versants, confirme que trouble de la com-
lomoteur, le traitement est également peu effi- préhension à l'écrit est bien une conséquence du
cient (Code, NS = 5). Au cours de ce travail de manque d'accès au code, et non pas un trouble
transcodage consistant à reporter rapidement des sous-jacent plus large de la compréhension du
symboles simples dans une grille, on relève des langage.
hésitations et des erreurs corrigées par l'enfant. On peut donc parler de dyslexie mixte sévère
Bien que la vitesse de traitement soit faible, la pré- chez Bertrand. Elle touche l'essentiel du circuit de
cision est un peu limitée. la lecture : reconnaissance des signes convention-
nels de la lecture, phonologie et métaphonologie
Traitements phonologiques
ainsi que les deux voies de lecture.
La discrimination phonologique est faible, qu'il
s'agisse de mots ou de non-mots (10e centile) avec
des inversions de sons à la répétition des non-mots. Troubles de l'écriture
Quant à la conscience phonologique, l'élision d'un Dans ce contexte, on s'intéresse à la co-occurrence
phonème initial est très difficile et laborieuse pour du trouble de l'écriture. Praxie par excellence,
l'enfant (< - 2 ET). La fusion de phonèmes est égale- l'écriture s'inscrit dans l'élaboration d'un appren-
ment coûteuse et peu accessible (< - 2 ET). On constate tissage complexe, incluant des éléments moteurs
que le codage des mots est plutôt orthographique (motricité fine) et visuomoteur (coordination
que phonologique. En effet, bien que très en panne œil-mail). L'analyse de l'élaboration du geste chez
en lecture, Bertrand se représente le mot « Ouvert » Bertrand révèle que l'enfant est bien latéralisé
comme commençant par un O (qu'il parvient à sup- (à D), que la réalisation de mouvements simples
primer, répondant « Uvert »). Malgré plusieurs essais et rapides ne pose pas de difficultés (Tapping,
et clarification de la consigne, il a en revanche du NS = 11) et que la coordination visuomotrice est
mal à extraire le son « ou » (phonème /u/). intègre (Beery-VMI, T = 95). Les petites erreurs
constatées sont plutôt du registre de l'impulsivité
Voies de la lecture et du défaut d'anticipation. On ne relève pas d'em-
• L'analyse de la voie d'assemblage révèle de bardées, de tremblements, de maladresse.
très grandes difficultés. La lecture de mots Le champ des praxies est lui aussi bien préservé,
sans signification est complètement effondrée aussi bien dans le domaine gestuel qu'idéomoteur.
(Odédys, lecture de non-mots, < - 2 ET). La dis- Il n'y a aucun trouble visuoconstructif (Cubes,
tinction s/c n'est pas encore acquise, même en NS = 10 ; Figure de Rey, dans la norme).
début de mot. Alors comment comprendre le déficit sévère de
• En ce qui concerne la voie d'adressage, la lecture l'écriture ? Elle est très lente (test d'écriture d'Aju-
de mots irréguliers est aussi difficile et très lente riaguerra), sans réserve d'accélération. Elle est à
(< - 2 ET). On relève de nombreuses erreurs de peu près lisible, mais absolument non fonction-
lexicalisation, l'enfant ayant tendance à trans- nelle. Les mots sont transcrits lettre à lettre, avec
former des mots qu'il ne connaît pas en mots de retour systématique vers le modèle.
son lexique (« poule » pour « poêle »). Il faut bien sûr comprendre le trouble de l'écri-
ture, non pas comme un trouble du geste, mais
Compréhension de la lecture comme une victime collatérale du trouble de la
L'accès au sens reste très limité (WIAT 2, T = 72, lecture. L'accès au code de l'écrit est tellement
< - 2 ET). Bertrand parvient à interpréter des difficile (sur le versant réceptif) que Bertrand
toutes petites phrases de trois à cinq mots. ne peut automatiser (sur le versant expressif) la
Au-delà, il invente. La lecture de texte est inac- transcription de ces signes qui font peu de sens
cessible. Focalisé sur un travail de déchiffrage pour lui.

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Chapitre 8. Troubles spécifiques des apprentissages

Et dans les autres Conclusion


domaines cognitifs ? Les difficultés d'accès au langage écrit sont un
L'exploration des capacités attentionnelles de l'en- symptôme. Le diagnostic de dyslexie (et de la
fant met en évidence une certaine labilité de l'atten- nature, du type de dyslexie dont souffre l'enfant),
tion focalisée, variable d'une épreuve à une autre : doit être établi avec soin car il s'avère déterminant
Attention auditive, NEPSY2, NS = 2, avec beau- pour l'avenir scolaire de l'enfant. En effet, ce dia-
coup d'omissions ; Tea-Ch, Coups de fusil, NS = 8, gnostic, s'il est bien étayé, va permettre :
marquant des ruptures de vigilance. Mais quand • de déculpabiliser l'enfant (et l'enseignant).
l'épreuve est plus motivante, les résultats sont Chacun va pouvoir reconnaître une difficulté
meilleurs (Tea-Ch, Écouter deux choses à la fois, spécifique, qui n'est ni une insuffisance de tra-
NS = 11). L'attention soutenue est quant à elle très vail, ni un manque de motivation, ni une inca-
fragile (IVA, Vigilance, T = 57) et instable (T = 35). pacité « globale » à apprendre. Le trouble est
On peut donc parler d'un trouble attention- nommé, et donc circonscrit ;
nel chez Bertrand. Aucune hypothèse dans ce • de proposer des rééducations adaptées aux dif-
domaine n'émergeait à l'anamnèse, tant le trouble ficultés de cet enfant, donc mieux ciblées et plus
de la lecture était au premier plan des inquié- efficaces ;
tudes. Pourtant, on a bien constaté cliniquement • de mettre en place les suppléances indispen-
au cours du bilan une fragilité de la qualité des sables, en fonction de l'âge et du niveau scolaire
réponses lorsque le matériel était visuel (explora- de l'enfant, pour éviter la diffusion du trouble à
tion ? attention ? impulsivité ?). l'ensemble des matières scolaires — lecture par
un tiers du texte des problèmes ou propositions
Prises en charge de problèmes en images, lecture de récits, his-
Dès la rentrée de CM1, Bertrand a été pris en toires et textes par des tiers (parents ou autres),
charge de manière intensive en orthophonie écoute d'histoires longues et adaptées à l'âge,
(trois fois par semaine). Même si les précédentes recours aux vidéos pour les connaissances géné-
prises en charge ont été décourageantes, il est rales, recours à un système de scanner-lecteur qui
encore temps de stimuler l'enfant, mobiliser les permet à l'enfant, muni d'un ordinateur et d'un
mécanismes sous-jacents à la lecture en profitant casque, d'utiliser en classe les mêmes supports
d'éventuels processus maturationnels endogènes à que ses camarades et de « se faire lire les textes »
l'œuvre pendant tout le développement de l'enfant. par la machine, etc. Faute de quoi, le risque est
De plus, le professionnel va pouvoir cibler le seg- grand de voir proposer à l'enfant un corpus de
ment de lecture le plus pertinent. Si le phonème connaissances limité à ses (très faibles) capacités
n'est pas la porte d'entrée efficace chez cet enfant, en lecture, ce qui reviendrait à le priver de toute
il faudra essayer d'autres unités (la syllabe, le mor- possibilité d'alimenter et de développer ses com-
phème, voire le mot entier, par adressage, dans le pétences, pourtant intactes, dans les autres sec-
but de se constituer un stock minimal de mots). teurs de la cognition. Les conséquences, tant sur
À l'école, au CM1, on engage la mise en place le plan de l'image de soi que sur le plan cognitif
d'aménagements radicaux : interrogations à l'oral, puis social, seraient alors dramatiques.
proscription de l'écriture manuelle. Dans le même
temps, on met en place l'utilisation de l'ordinateur
et l'usage de supports pédagogiques adaptés. La Sens du nombre et dyscalculies
proposition du retour vocal (Text-to-Speech) a un développementales
bénéfice déterminant et immédiat chez Bertrand :
libéré de la lecture, il accède sans aucune peine Une grande confusion règne autour de la notion
aux contenus des apprentissages. Les réponses du de dyscalculie. Beaucoup d'enfants dans le système
type QCM lui sont d'une grande aide. Il enregistre scolaire sont en difficulté en mathématiques. De
aussi les réponses plus détaillées. manière stable selon les statistiques de l'Éducation
Concrètement, les progrès sont tellement fulgu- nationale, 15 % des élèves de fin de CM2 ont des
rants chez cet enfant très pertinent qu'un saut de acquis insuffisants dans cette discipline, auxquels
classe est désormais envisagé… s'ajoutent 20 % d'élèves ayant des acquis fragiles.

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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

Au-delà des frontières de la France, l'étude PISA la suite, s'étoffe et s'approfondit, à mesure que
menée dans les pays de l'OCDE met en évidence l'enfant développe d'autres compétences cognitives
que 23% des élèves de 15 ans ont un niveau qualifié (langage, mémoire, fonctions exécutives, visuospa-
de « faible » en mathématiques (sur les mêmes cri- tiales…) (Jordan et Baker, 2011).
tères, même proportion en France). Cela veut donc En effet, dès 4 mois, le bébé montre des capa-
dire qu'un enfant sur trois ou quatre dans le sys- cités de discrimination des quantités numériques.
tème éducatif français ne parvient qu'avec peine Sa sensibilité aux magnitudes s'établit alors sur
à faire face aux exigences de l'école en mathéma- la base de la détection d'effets de ratio et non pas
tiques. Est-ce à dire que tous ces enfants sont « dys- la prise en compte d'écarts absolus. À cet âge, on
calculiques » ? Certes non. Être dyscalculique n'est peut établir, à travers les paradigmes d'habituation
pas synonyme d'être « mauvais en maths ». appliqués à des nuages de points (une fois contrôlés
Les définitions du trouble variant grandement tous les autres facteurs de densité, luminance…)
d'une étude à une autre, on parle d'une prévalence (Kobayashi et coll., 2005), que le nourrisson par-
allant de 1 à 12% des enfants. Nous retiendrons pour vient à faire la différence entre des quantités entre-
notre part une définition restrictive et précise de la tenant entre elle un facteur de 1 à 3 (fraction de
notion de dyscalculie, en tant que trouble spécifique du Weber 3/1, Dehaene-Lambertz et Spelke, 2015) Ce
sens des nombres. Dans ces conditions, Fischer (2009) ratio va rapidement diminuer, signalant des capaci-
retient plutôt la fourchette basse de prévalence (1,5 %). tés de discrimination de plus en plus fines (rapport
Les causes de l'échec en mathématiques peuvent du simple au double à 6 mois, 2 pour 3 à 8 mois),
donc être multiples. Elles peuvent être liées à la pour atteindre vers 10 ans le plancher attendu à de 7
première approche pédagogique du nombre que pour 8 (au seuil de 75 % de réponses correctes).
ces élèves ne comprennent pas ou qui induit des Outre les compétences d'évaluation approxima-
quiproquos durables et délétères pour la suite de tive des grandes quantités et de leur comparaison,
leurs apprentissages (Brissiaud, 2007 ; Baruk, 2004 ; l'être humain vient au monde équipé d'un module
Fischler, 2009 ; Vannetzel, 2012). Mais l'échec en plus précis, mais limité à des quantités très réduites
mathématique (symptôme) ne signe pas nécessai- (jusqu'à 3 ou 4 items environ). Sans comptage, le sujet
rement une dyscalculie (trouble). Inversement, un est capable de déterminer le nombre exact contenu
trouble du sens des nombres n'imposera pas néces- dans une très petite collection. Il s'agit du subitizing,
sairement la fatalité d'un échec dans cette disci- émergence spontanée et non contrôlée de l'accès à la
pline. Seul un bilan étalonné soigneux et prenant numérosité précise, probablement liés à des facteurs
en compte l'ensemble des compétences liées au sens visuels de bas niveau. Au-delà de 4, la performance
des nombres sera à même de mettre en évidence : diminue rapidement, avec un taux d'erreurs élevé. Le
• s'il s'agit bien d'une dyscalculie, avec une subitizing est présent très tôt (dès la première année
dimension élective du trouble et l'élimination de vie) chez le jeune enfant (Chi et Klahr, 2006).
de diagnostics concurrents (déficience intellec- On appellera donc les « compétences numé-
tuelle, maladresse pédagogique…) ; riques de base » ces deux habiletés :
• à quel type de dyscalculie on doit faire référence ; • évaluation précise d'une très faible quantité,
• quelles sont les dimensions cognitives périphé- sans comptage (subitizing) (Arp, 2000) ;
riques au sens des nombres qui amplifient ou • estimation approximative des collections plus
compensent ce trouble. larges.
Ainsi pourront être articulées des propositions Cela signifie donc que l'enfant très jeune pos-
de prise en charge les plus spécifiques possibles. sède des compétences numériques précoces qui
seront la base du développement ultérieur de
savoirs et savoir-faire arithmétiques et mathé­
Le développement du sens matiques complexes, impliquant graduellement
du nombre chez l'enfant de nombreux autres facteurs.

Compétences numériques de base Rôle du langage


Le développement du sens du nombre, des gran- En particulier, l'émergence du langage va être un
deurs et des magnitudes est, chez l'enfant, un facteur déterminant dans l'affinement des compé-
phénomène précoce et spontané, qui s'affine par tences numériques. On a pu montrer (Pica et al.,
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Chapitre 8. Troubles spécifiques des apprentissages

2004) que les peuples dont les langues possèdent restent longtemps gênés par les ambiguïtés dans
un stock limité de mots désignant les quantités, la dénomination de certaines quantités, en par-
ont des compétences numériques « de base » iden- ticulier soixante/soixante-dix ; quatre-vingts/
tiques à celles du reste de l'humanité. Cependant, quatre-vingt-dix.
il sera difficile de « penser la précision du nombre
‘57', sans les mots-nombres qui s'y associent. À
défaut de vocabulaire numérique, on reste limité À noter
à des dénominations en termes de « peu » ou Contrairement au secteur linguistique « général »
« beaucoup », sans guère plus d'exactitude. Pour (qui permet la communication), ce sous-­système
des auteurs comme E. Spelke (Lipton et Spelke, linguistique numérique (Deloche et al., 1989) ne
2005), la capacité à généraliser un dénombrement tolère aucune approximation, aucun flou, aucune
précis aux grandes quantités serait permise par la interprétation, aucune ambiguïté.
maîtrise du vocabulaire numérique. Comme pour l'ensemble du secteur linguistique,
Dans les langues disposant d'un vocabulaire il s'agit de connaissances implicites, que l'enfant
numérique détaillé, on décrit (Séron, 1993) (ou l'adulte) peut utiliser alors même qu'il n'en a
pas conscience.
(tableau 8.2) :
Ces règles sont différentes à l'oral et à l'écrit, d'où
• un lexique fermé, de 28 mots en français oral
de nombreux problèmes de transcodage.
(nombres de 0 à 16, noms des dizaines, puis les Évidemment, la logique de la numération à l'oral
mots « cent », « mille », « million », « milliard », etc.) est régie par la notion d'ordre, préalable à tout
et de 10 signes écrits (chiffres arabes de 0 à 9) ; algorithme de comptage formel. Initialement, la
• une syntaxe qui régit les règles de construc- connaissance de la séquence des mots-nombres
tion de l'ensemble infini des nombres à partir émerge comme une comptine (sur-)apprise
du lexique : par ex., les règles de combinatoire entre 2 et 6 ans (jusqu'à 20 environ) par imitation
prescrivent que, lorsque deux nombres se et stimulation de l'entourage. Sans en comprendre
suivent, si le plus grand nombre est en premier clairement le sens, l'enfant va automatiser la suite
alors on applique une règle additive (mille des mots -nombres (comme il le fera à peu près au
deux = 1 000 + 2), sinon on applique une règle même moment pour « la chanson » de l'alphabet).
multiplicative (deux mille = 2 x 1 000). La précision de l'ordre est fondamentale pour,
Les caractéristiques propres à chaque langue ultérieurement, permettre un dénombrement
(plus ou moins régulières, plus ou moins fiable et efficace. C'est plus tard, et en lien avec les
« transparentes » en ce qui concerne la suite des apprentissages scolaires que l'enfant va graduelle-
mots-nombres) influencent nettement les pre- ment élargir sa maîtrise de la comptine, et surtout
miers apprentissages numériques chez l'enfant généraliser sa construction (phénomène d'incré-
(Lubin, 2006). En français, beaucoup d'enfants mentation, passage aux dizaines, centaines…).

Tableau 8.2. Comparaison des systèmes numériques verbal vs indo-arabe.

Oral Écrit (arabe)


Lexique – Nombre de mots ≠ taille du nombre (quatre-vingt- – Nombre de chiffres taille du nombre
douze = 3 mots, cent = 1 mot)
– Règles complexes de segmentation – Règles positionnelles strictes
(quatre-vingt-douze ne doit pas être segmenté
en 4/20/12)
– Taille – 28 mots – 10 signes
– Base – 10, 12 ou 20 – 10
– Irréguliers – 11 à 16 – Pas d'irrégularités
– Mot « zéro » – « aucun, rien » – 0 = aucun, mais aussi multiplié par 10, place
vide, etc.
Syntaxe Additive et multiplicative selon règles d'usage Règles positionnelles strictes
complexes

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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

Longtemps, jusqu'à la fin de la maternelle envi- 2 girafes et 4 zèbres) est une étape de généralisa-
ron, l'enfant aura besoin de réamorcer la comptine tion essentielle pour la compréhension du « sens
depuis le début. Elle constitue en effet encore un du nombre ». Cette compétence, tout comme la
tout « insécable » dont les éléments ne sont pas indi- cardinalisation, est directement liée à la dyna-
vidualisables. Cependant vers 6 ans, les capacités de mique intellectuelle15.
surcomptage deviennent possibles (« compte à par- On restera vigilant au cours du bilan quant
tir de N »), indiquant une meilleure compréhension aux aspects langagiers des consignes, non appa-
de l'aspect dissociable et incrémental de la séquence. remment simplement numériques (les mots-
nombres ou cardinaux), mais directement liés au
Dénombrement vocabulaire de la sphère des ensembles, quantités
L'appui de la comptine sera évidemment essentiel et grandeurs (en tout, tout, la moitié, le double,
lors de la réalisation des premiers dénombrements. parmi…) avec leurs ambiguïtés prépositionnelles
Au-delà des limites du subitizing, c'est-à-dire très (en plus/le plus/plus que, en moins/le moins…),
vite, la détermination précise d'une quantité néces- les synonymes, (additionner, ajouter, soustraire,
sitera une procédure de comptage appuyée sur trois retrancher, enlever, retirer…), articles définis ou
règles principales (parmi les règles de Gelman) indéfinis (« Donne-moi les cartes » vs « Donne-
(Gelman, 1978, 1983 ; Gelman et Gallistel, 1978) : moi des cartes »), polysémies, et au-delà des car-
• association (bijective) d'un mot-nombre avec un dinaux, l'accès aux ordinaux (premier, second,
et un seul item de la collection et aucun oubli ; deuxième, etc., dernier). C'est là que les aspects
• indifférence de l'ordre (on peut commencer et linguistiques du nombre interviennent.
poursuivre son comptage par de multiples che-
mins équivalents) ; Symboles indo-arabes, aspects
• cardinalisation (le dernier mot-nombre pro- positionnels du nombre et base 10
noncé représente la quantité). La manipulation des mots-nombres, en par-
On comprendra que cette compétence numé- ticulier lors des opérations, sera grandement
rique est rendue possible par la convergence de facilitée par l'accès aux symboles indo-arabes.
nombreuses facultés : Certes, des civilisations entières se sont déve-
• visuospatiales : explorer l'environnement, car il loppées sur la base de représentations spatiales
semble bien que ce soit l'œil qui compte (les sac- du nombre (par ex. les configurations du boulier
cades oculaires) et que le pointage digital n'est en Asie ou les cordelettes à nœuds des Incas),
qu'un appui aux mouvements oculaires, stra- mais il est probable que de telles représentations
tégies oculaires pour éviter les omissions ou les permettent elles aussi l'accès à une représenta-
comptages multiples, mémoire de travail visuelle ; tion abstraite et symbolique émancipée de ses
• verbales : connaissance rigoureuse de la suite aspects les plus perceptifs. L'apprentissage du
des mots nombres ; code numérique écrit commence généralement
• exécutives : déclenchement et maintien d'une dès la maternelle pour les chiffres (de 0 à 9),
procédure, approche systématique et séquentielle, mais s'intensifie à partir de la première année
critère d'arrêt, mémoire de travail verbale (en fin de primaire. Comme pour la lecture, il va allier
de comptage au moment de la cardinalisation). des compétences gnosiques (reconnaître les
Le dénombrement fiable progresse à partir de la symboles numériques en tant que tels), et être
dernière année de maternelle. renforcés par l'apprentissage conjoint de leur
Ces compétences de dénombrement néces- tracé par l'enfant (engramme moteur, compé-
siteront bientôt une faculté de généralisation. tence praxique) tout en intégrant des compé-
En effet, l'enfant va bientôt comprendre que le tences spatiales du fait de l'aspect positionnel de
nombre est une caractéristique (abstraite) d'une la numération.
collection, indépendante de la nature des items
contenus dans la collection. C'est pourquoi le
passage du comptage d'une collection homo- 15
On s'inquiétera de l'enfant qui, lorsque son dénom-
gène (« Compte tous les lions » pour 9 lions iden- brement est terminé ne peut répondre à la question :
tiques) à une collection d'objets quelconques « Eh bien alors, combien il y en a ? », mais recommence
(« Combien y a-t-il d'animaux ? » pour 3 lions, à compter.
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Chapitre 8. Troubles spécifiques des apprentissages

« Depuis le XIIe siècle, on n'avait pas cessé de tion est à la racine de certains biais qu'il faudra
traduire les œuvres d'al-Kharirimi […]. La analyser (sont-ils le signe d'un trouble ?), l'enfant
numération écrite romaine était totalement devant, lors d'une dictée de nombres, réorgani-
inapte au calcul, la moindre opération ne ser le matériel verbal afin de traduire les valeurs
pouvait s'effectuer qu'à l'aide d'abaques,
en termes de position, en évitant de simplement
l'équivalent des bouliers chinois […]. « Poser
une opération », cet acte si évident revenant à concaténer les mots-nombres.
écrire des nombres, et par des manipulations De manière symétrique, les tâches de lecture de
d'écriture à produire le résultat, était, pour nombres deviennent alors possibles.
la plupart des hommes de ces temps — pour
l'infime minorité qui savait calculer —, Opérations
proprement inimaginable […]. Le grand
bouleversement consista à opérer non plus L'ensemble de ces compétences numériques per-
avec des objets matériels (des cailloux, d'où met graduellement la mise en œuvre d'opérations
vient le mot calculus, des boules ou des jetons), plus ou moins sophistiquées sur les quantités
mais avec des mots. On se mit à calculer avec (Groupe CIMETE, 1995).
les noms des nombres eux-mêmes […]. Les mots
devenaient opérationnels. » (Guedj, 1998). Opérations de comparaisons et classement
Du point de vue conceptuel, la compréhension Très précoces, puisque dès 3 mois, l'enfant est
et la maîtrise de la notion de base en mathé­ capable de comparer des quantités numériques
matique vont ouvrir de nombreuses perspectives. par l'observation de nuages de points. Plus tard,
La base 10, conventionnelle (que l'on songe à la à partir de 3 ans, l'enfant se montre capable de
base 2 pour le code informatique digital en 0 et 1, prendre des décisions basées sur les caractéris-
la base sexagésimale 60 pour l'heure, les reliquats tiques numériques de collections (choisir « là
de base 20 dans le mots-nombres quatre-vingts où il en a le plus »). Les classements dans l'ordre
et quatre-vingt-dix…), économise le nombre de croissant puis dans l'ordre décroissant suivent le
symboles (10) nécessaires à l'encodage de tous les chemin de la représentation et de la symbolisation
nombres et va nécessiter : de plus en plus abstraite du nombre (collections
• Un saut représentationnel en termes d'ensembles concrètes d'objets familiers, collections concrètes
et sous-ensembles imbriqués (un groupe de d'éléments eux-mêmes symboliques — des dessins
10 items compte pour une dizaine, un groupe de sans signification, des mots-nombres, des sym-
10 dizaines compte pour une centaine, etc.). boles). À l'épreuve de la clinique, cette compétence
• Une compréhension des enjeux de valeur posi- de mise en ordre et de comparaison est assez résis-
tionnelle du chiffre au sein du nombre (le 1 de 120 tante, même dans les cas de dyscalculie.
n'a pas la même valeur, le même sens que le 1
Opérations arithmétiques
de 201).
C'est là qu'intervient pour l'enfant le besoin de La maîtrise des quatre opérations d'arithmétique
détacher la valeur de la quantité apparente (une est le fruit à la fois de la maturation conceptuelle de
pièce de 1 € vaut moins qu'une hypothétique pièce l'enfant et de la sophistication de l'encodage cognitif
de 10 €, y compris si cette dernière était percepti- du nombre qui permet les généralisations. Certains
vement plus petite). Il est complexe jusqu'à la fin auteurs affirment, par le biais du paradigme des
de la maternelle et le début du primaire (6 ans) « situations impossibles », que le résultat des opéra-
pour l'enfant de comprendre que le nombre de tions d'addition et de soustraction est anticipé dès
pièces de monnaie ne préjuge pas de la valeur de 5 mois (Wynn, Nature, 1992)16 pour des très petites
cette quantité de monnaie. De même, la valeur quantités. Fonctionnellement, il est clair que dès le CP,
d'un chiffre au sein d'un nombre est dépendante les opérateurs additifs et s­oustractifs sont rapide-
d'une convention spatiale établie culturellement, ment maîtrisés. La multiplication (généralisation de
qu'il faudra accepter, comprendre et généraliser.
La base 10 et les conventions spatiales d'orga- 16
Les bébés de 5 mois reconnaîtraient que l'ajout d'un
nisation du nombre permettront bien entendu item ne peut pas se solder finalement par moins
d'élargir la transcription des quantités numé- d'items et inversement, retrancher un item ne peut
riques au-delà de 10. Cette notion de transcrip- pas conduire à avoir « plus» en fin d'observation.

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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

l­'addition) émerge à partir du CE2 (7-8 ans). La divi- Faits numériques


sion est tardive (CM2) avec ­souvent des confusions On soulagera donc aussi la mémoire de travail en
partage / groupement17. faisant appel à des données stockées en mémoire à
Notons que l'application des algorithmes long terme : les faits numériques.
d'opérations dépasse nettement la maîtrise de On peut classer les faits numériques en deux
leur contenu numérique. Il s'agit de procédures, sous-ensembles :
apprises et stockées en MLT, qui consistent à • Les connaissances à proprement parler de
routiniser et simplifier « techniquement » l'ap- certaines caractéristiques ou données numé-
plication des concepts d'opération à toutes les riques : les tables de multiplication en font par-
situations. Très infiltrés d'éléments visuo-practo- tie, qui stockent en mémoire à long terme des
spatiaux et exécutifs, ils ont peu à faire avec le sens savoirs (qui peuvent être retrouvés ou recons-
des nombres en lui-même. truits). En les mémorisant, l'enfant pourra en
tirer directement parti, sans avoir besoin de
revenir à des calculs intermédiaires coûteux.
Exemple On trouvera aussi parmi cette « culture géné-
rale » du nombre la notion de parité, le fait de
Pour l'addition, il faut aligner en colonnes savoir que la suite des nombres est infinie (et
de la droite vers la gauche, les unités, puis non pas limitée à celle que l'on peut réciter), etc.
les dizaines, les centaines, etc. Ensuite, • Les connaissances plus conventionnelles
il faut travailler sur la colonne la plus à
appuyées sur des nombres, mais sans valeur pro-
droite, inscrire le résultat en dessous de
prement numérique (on peut par ex. utiliser des
cette colonne et la retenue au-dessus de
la colonne immédiatement à gauche de
chiffres pour donner un numéro de téléphone ;
celle sur laquelle on travaille, puis recom- mais on peut, et on a par le passé encodé des
mencer successivement en incrémentant à numéros de téléphone avec des lettres, ou une
chaque fois d'une colonne vers la gauche. mixité de lettres et de chiffres) : on citera l'enco-
dage de la date avec des nombres (on pourra sim-
plement demander à l'enfant de donner sa date
de naissance ou la date courante, afin de vérifier
Du reste, le calcul mental est tout à fait possible la connaissance de la correspondance mois/
sans la maîtrise (très culturellement dépendante) chiffre associé) ; l'encodage de l'adresse, code
des algorithmes conventionnels de résolution postal compris ; du code de l'interphone ; mais
d'opérations. Coûteux en mémoire de travail, en aussi du nombre de jours dans une semaine, un
particulier au-delà de 10, l'enfant peut mobiliser mois ou une année ; le nombre de minutes dans
deux stratégies facilitatrices : le comptage digital 1 heure, d'heures dans la journée…
et l'appel à sa connaissance des faits numériques.
Le comptage digital, souvent décrié, n'est pas en Espace et nombre
soi une marque de trouble, mais au contraire une
Pour revenir aux aspects plus fondamentaux du
tactique astucieuse pour maintenir en tête les
nombre, on fera référence au lien fort entre notions
arguments de l'opération à réaliser ou les calculs
de nombre et notions d'espace. En effet, il a pu être
intermédiaires. Très proche anatomiquement du
démontré (Dehaene et al, 1993, 1999, 2008) que le
sillon intrapariétal (siège de la représentation du
sujet organisait (spontanément ? par apprentissage ?
nombre), l'aire de reconnaissance de la position des
En tout cas de manière culturellement modulée,
doigts (gnosies digitales) est spontanément sollici-
en fonction du sens de l'écriture en particulier)
tée lorsque les opérations ne sont pas automatisées.
la séquence des nombres selon une organisation
spatiale congruente avec sa représentation interne
du rapport entre les nombres. En effet, de manière
17
Partage : « J'ai 28 poissons à partager entre 4 bocaux: cohérente avec les représentations initiales du jeune
combien de poissons par bocal ? » (nombre de groupes
connu). Groupement : « J'ai 28 poissons, je veux les
enfant, la projection de l'organisation des nombres
regrouper par 7, Combien de bocaux me faut-il ? » le long d'une ligne numérique virtuelle orientée est
(nombre d'éléments par groupe connu). tout d'abord inscrite dans un espacement relatif des

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Chapitre 8. Troubles spécifiques des apprentissages

nombres (et non pas absolu), rapprochant ainsi les Dominantes pendant des décennies et ayant
grands nombres et écartant les plus petits. encore une place de choix dans les bilans dits de
En effet, l'enfant conçoit initialement les quantités calcul chez l'enfant, les conceptions piagétiennes
comme entretenant des rapports de proximité éva- du nombre ont été pourtant profondément
lués en ratio et non en écart absolu (10 est 10 fois plus remises en cause (Mazeau, 2017).
grand que 1, de même que 100 est 10 fois plus grand Tout d'abord, l'existence de compétences numé-
que 10, etc., soit un ratio identique de 10). De ce fait riques de base vient contredire l'hypothèse de
et de manière caractéristique, la représentation pré- prérequis sensorimoteurs ou langagiers dans la
coce des nombres par l'enfant dans l'espace est loga- construction du nombre. De plus, on a pu montrer
rithmique (1, 10, 100 étant régulièrement espacés que les paradigmes expérimentaux de conservation
(Dehaene et coll., 2008). En revanche, avec l'appro- présentaient des biais liés à des facteurs de pragma-
fondissement de ses connaissances sur le nombre, tique du langage ou de la situation (ambiguïtés dans
l'enfant va graduellement, de 6 à 10 ans, tendre l'interprétation de l'intention et du contenu de la
vers la représentation adulte, analogique et linéaire, question — Mehler et Bever, 1967) sans rapport avec
espaçant les nombres de manière équitable (l'espace la notion de nombre ou de quantité. On a ainsi pro-
entre 1 et 10 étant comparable à l'écart entre 990 posé à l'enfant une approche expérimentale proche
et 1 000), en écart absolu et non plus en écart relatif. de ses expériences quotidienne et plus « motivante »
en remplaçant les lignes de jetons par des lignes de
Et le modèle piagétien ? bonbons. Si on demande alors à l'enfant : Quelle
ligne de bonbons préfères-tu ? », il n'y a pas de préfé-
Ce lien entre nombre et espace est d'ailleurs ce qui
rence particulière pour la ligne la plus longue, mais
a pu engager l'élaboration de certaines concep-
bien pour celle qui comprend le plus d'éléments. La
tions piagétiennes de la construction du nombre
confusion nombre/espace occupé a disparu.
chez l'enfant. En effet, on rappelle que pour
Il en est de même des épreuves d'inclusion. En
Piaget, les compétences numériques s'élaborent,
effet, dans les questions du type « Dans ce bouquet
au contact de l'expérience de l'enfant, avec initia-
(de marguerites et de violettes), y a-t-il plus de vio-
lement plusieurs biais caractéristiques qui vont
lettes ou plus de fleurs ? », il s'agit plutôt de résoudre
aller s'estompant par étapes (les stades). En effet,
une charade que d'une véritable tâche de reconnais-
quatre critères fondent selon lui l'accès au sens
sance de la notion d'ensemble et sous-ensemble, de
du nombre : la catégorisation, la conservation, la
tout ou partie… Houdé (1995) a pu montrer que
sériation et l'inclusion.
cette formulation induisait le déclenchement d'au-
Pour montrer l'immaturité du sens des
tomatismes (du type : « plus » → il faut ajouter) : les
nombres chez l'enfant, les expériences les plus
fonctions exécutives, immatures chez l'enfant jeune,
spectaculaires de Piaget ont rapport à la notion
sont nécessaires pour inhiber ces automatismes.
de conservation (Praget, 1941). En effet, le para-
Les recherches les plus récentes ont donc
digme fondamental consiste à présenter le même
bien montré le lien fort entre espace, étendue et
matériel à l'enfant, mais sous des configurations
nombre. Il semble cependant que cette correspon-
spatiales distinctes. Plusieurs variantes existent :
dance ait moins à faire avec le sens fondamental
écarter une ligne de jetons initialement appariés
du nombre qu'à une représentation intuitive et
terme à terme avec une ligne de référence, trans-
renforcée par les apprentissages, de l'espace et du
former une boule de pâte à modeler en boudin
nombre. Les biais perceptifs ainsi induits sont dif-
allongé, transvaser une même quantité d'eau entre
ficiles à inhiber chez le jeune enfant.
deux récipients de forme différente… À chaque
fois, la question est : « Où y en a-t-il le plus ? ».
L'enfant dit « non conservant » ne reconnaît pas Estimation de grandeurs
l'égalité des quantités lorsqu'elles sont présentées La mobilisation du sens des nombres est parti-
selon des dispositions spatiales différentes. Pour culièrement nécessaire, lorsqu'il s'agit de faire
Piaget, il s'agit de la révélation d'une immaturité appel aux capacités d'intuition numérique lors
(normale) au stade préopératoire (avant 7/8 ans), de l'estimation de grandeurs. En effet, l'aptitude
mais signe d'un trouble spécifique de la construc- à convoquer les nombres pour décrire certaines
tion du nombre aux stades plus avancés, formels. caractéristiques de l'environnement s'ancre

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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

p­ rofondément dans les compétences numériques L'utilisation du nombre est donc finalement
de base, et les révèle. Elle s'appuie néanmoins aussi déterminante, mais en fin de parcours. Pour
sur les acquis culturels (unités de mesure, par ex.). beaucoup d'autres raisons, la réalisation de la
Ainsi, la capacité à jauger approximativement le tâche peut aussi échouer (Houdé, 2005) : attention
poids, la taille, le volume, la hauteur ou la vitesse labile, trouble de la compréhension du langage,
puise à la fois dans les compétences du sujet dans pragmatique de la situation problème, capaci-
le domaine de la mesure et de son expression tés de raisonnement, fragilité de la mémoire de
par le biais de grandeurs numériques, mais aussi travail, réalisation des opérations numériques
dans ses connaissances générales sur le monde, sa nécessaires. Si, de plus, la tâche est proposée à
culture générale, son expérience et sa maturité. l'écrit (lecture, réponse écrite), il sera difficile
de conclure, en cas de trouble dyslexique ou
Résolution de problèmes dysgraphique.
C'est pourquoi la résolution de problème,
Bien entendu, ce qui engage et motive le plus souvent
« sommet » de la maîtrise mathématique, ne sera
une consultation, avec en sous-main une suspicion
pas considérée comme centrale dans l'analyse du
de dyscalculie, c'est que « l'enfant est nul en maths »,
sens des nombres.
c'est-à-dire, le plus souvent, qu'il présente des diffi-
cultés importantes et résistantes dans le domaine
de la résolution de problèmes. La résolution de pro- Conclusion
blèmes arithmétiques, l'apanage de l'école primaire, Le sens de nombres est une compétence cognitive
peut bien entendu être un révélateur de certains profondément inscrite dans l'équipement de l'être
troubles du sens du nombre, mais inclut en réa- humain. Partageant cette aptitude avec de nom-
lité une foule de compétences parmi lesquelles le breuses espèces, dénotant une fonction adaptative
nombre ne joue souvent qu'un rôle de comparse. essentielle au monde animal, elle se prolonge chez
En effet, la situation de résolution de problème l'homme de manière protéiforme, en convoquant
s'appuie d'abord et avant tout sur l'exposition de nombreuses fonctions auxiliaires : langage, sym-
d'une consigne suivie d'une série de questions, boles, conceptualisation et raisonnement, espace,
qui, partant des données premières, doivent outils de mesure, accumulation de faits et connais-
mener l'élève à mettre au jour (le plus souvent par sances numériques sur le monde. C'est pourquoi
déduction logique) des éléments nouveaux qui l'exploration des fonctions numériques est une
n'étaient pas présents dans les données. démarche en soi, autonome et indépendante pour
leurs aspects les plus fondamentaux, rapidement
insérées dans les autres dimensions cognitives,
Exemple ce qui demandera de faire le tri entre trouble du
sens du nombre en soi et trouble conséquence d'un
« J'ai dix morceaux de chocolat et j'en déficit dans d'autres compétences, ou encore intri-
mange trois. Combien m'en reste-t-il ? ». cation des deux hypothèses (figure 8.3).
Il est bien clair que ce type de problèmes
engage de nombreux processus cognitifs,
et pas simplement numériques. Quand la L'exploration du sens des nombres
consigne est donnée à l'oral, l'enfant doit :
Comme on l'a vu, il est contre-indiqué de l'isoler
� mobiliser son attention ;
� traiter une information langagière ;
de l'évaluation neuropsychologique globale de
� tirer parti de ses connaissances sur l'enfant, du fait de l'intrication du sens des nombres
le monde pour se représenter la avec beaucoup d'autres fonctions. Pendant long-
situation-problème ; temps, on a dû se contenter de tâches « mathéma-
� maintenir l'information en tête (mémoire tiques », proches des compétences scolaires (par ex.
de travail) ; Arithmétique du WISC). Puis sont graduellement
� raisonner ; apparues les batteries d'évaluation inspirées des
� choisir un opérateur ; modèles piagétiens, l'une des plus complètes étant
� manipuler mentalement des nombres. l'UDN2 (Meljac, 2007). Cependant, méconnaissant
le plus souvent les résultats issus des sciences cogni-

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Chapitre 8. Troubles spécifiques des apprentissages

FONCTIONS LOGIQUE,
EXÉCUTIVES FACTEUR G.
– Sériations
– INHIBITION – Classifications
schèmes non
pertinents
– Stratégie
– Invariance
– Résolution
de problèmes du nombre
– Magnitude/sens
du nombre
– Opérations
sur le nombre
M de T. LANGAGE
Fonctions VISUO-SPATIALES
Calculs
mentaux – Lexique / syntaxe
– Codage / transcodage – Dénombrement
oral ↔ écrit
MLT – Algorithmes de pose et de
Faits – Comptine des résolution des opérations
numériques mots-nombres

Figure 8.3. Évolution des différentes compétences dans le domaine du nombre et du calcul.

tives contemporaines, la réussite ou l'échec aux Outre le NUMERICAL, un peu ancien18 (2000)
épreuves proposées (conservation, catégorisation, et pour une tranche d'âges très réduite (7 ; 6 à
sériation et inclusion) ne donnaient que des pistes 9 ans 6 mois), on trouve surtout le Tedi-Maths
fort incomplètes et réductrices en termes de méca- publié en deux batteries séparées (une pour les
nismes préservés et de mécanismes déficitaires. Les plus jeunes de la moyenne section de maternelle
longues prises en charge « logico­mathématiques » au CE2, l'autre dans le prolongement du CE2 à
de type GEPALM qui s'ensuivaient laissaient les la 5e, dit Tedi-Maths Grands). On s'intéressera
patients dans des difficultés handicapantes, ne aussi au Zareki, étalonné pour tout le primaire et
parvenant pas pour certains, malgré la répétition jusqu'au début du collège (6 ans à 11 ans 6 mois).
des stratégies de sériation ou d'inclusion, à maî- Par ailleurs, on pourra trouver des épreuves
triser les rudiments du nombre et des opérations numériques ou mathé­matiques dans différentes
associées (Mazeau, 2017). batteries généralistes (en particulier le WISC et
Une nouvelle génération d'outils de dépistage a sa contrepartie scolaire, la WIAT2).
néanmoins vu le jour, qui propose désormais une Notons que toutes les tâches pertinentes ne sont
grande richesse d'épreuves au clinicien, dans de pas disponibles pour tous les âges possibles, en
nombreuses dimensions de la cognition numé- fonction de l'âge de développement et des acquis
rique et pour un éventail d'âge acceptable. À jour scolaires supposés. Cependant, lorsqu'il y a un
des connaissances récentes en sciences cognitives, doute sur une fragilité ou un trouble du sens des
ces batteries permettent par analyse, recoupe- nombres, rien n'empêche d'utiliser des épreuves
ments et confirmation, de donner une image étalonnées pour d'autres tranches d'âges (plus
assez fine des déficits de l'enfant mais aussi des jeune), afin d'obtenir des éléments d'investigation
dimensions bien préservées. qualitatifs (qui se révèlent d'ailleurs parfois en tout
ou rien : réussite complète ou échec complet).
Le tableau 8.3 donne une classification des
18
NUMERICAL, test neurocognitif pour l‘apprentis- tâches proposées par ces trois batteries en fonc-
sage du nombre et du calcul, Gaillard F., 2000. tion du compartiment numérique analysé.

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Tableau 8.3. Classification des tâches proposées par ces trois batteries en fonction du compartiment numérique analysé.

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Tableau 8.3. Suite.
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Tableau 8.3. Suite.
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Chapitre 8. Troubles spécifiques des apprentissages

Compétences numériques Le Tedi-maths propose aussi une tâche de juge-


de base, estimation de grandeurs ment de grammaticalité des expressions numé-
riques, permettant de juger de la maîtrise de la
C'est le socle du bilan des compétences numé- syntaxe numérique.
riques : confirmer ou non que l'enfant maîtrise
les deux voies principales de l'estimation de gran-
deurs : subitizing (estimation précise sans dénom- Dénombrement
brement jusqu'à 4) et estimation approximative Il teste la bonne maîtrise des règles de Gelman
de plus grandes collections. Dans ce domaine, on (un mot nombre/un objet, indifférence de l'ordre
trouvera des tâches dès 4 ans (Tedi-Maths). De et cardinalisation). Outre les bonnes compétences
manière intéressante, une épreuve informatisée de visuo-practo-spatiales (exploration, pointage),
subitizing est désormais disponible (Tedi-Maths le dénombrement correct nécessite une straté-
grands), avec une présentation brève des stimuli, gie efficace (systématique, avec critère d'arrêt)
plus fiable que ce que permet une présentation et des compétences exécutives de déploiement
« manuelle ». Remarquons que les auteurs ont choisi des séquences et d'appariement correctes. Du
de proposer des stimuli allant jusqu'à 6 points, ce point de vue numérique, le passage au cardinal
qui déborde pour la plupart des sujets (y compris les est le critère clé : l'enfant recompte-il quand on
adultes) le champ du subitizing. En cas de doute, on lui demande « Combien il y en a », ou parvient-
peut retourner aux données brutes et à l'étalonnage il à se détacher de la procédure proprement dite
papier pour faire le tri entre les authentiques erreurs pour passer au nombre ? Accepte-t-il de refaire
de subitizing et les autres. son comptage en commençant par un autre
Toujours dans le domaine des compétences item ?, etc.
numériques fondamentales, mais pour des enfants Ces épreuves pourront être complétées par
plus âgés, car impliquant des connaissances sur le l'analyse de l'usage plus conceptuel du dénombre-
monde et des apprentissages scolaires, on propo- ment : une épreuve intéressante du Tedi-Maths
sera des tâches d'estimations de grandeurs et/ou (Utilisation fonctionnelle du dénombrement),
d'unités de mesure. Les tâches disponibles (Tedi- semblable à celle de l'UDN2 (Poupées), consiste à
maths grands, Zareki) sont peu nombreuses. On coiffer initialement des « bonhommes de neige »
peut les prolonger qualitativement par des ques- avec des chapeaux, puis, à retirer et soustraire les
tions ouvertes du type : « À ton avis, combien chapeaux du regard de l'enfant et à lui demander
mesure ton lit ? » et « Combien mesures-tu ? », ce enfin : « Combien y avait-il de chapeaux ? ». Si
qui, outre une évaluation des compétences recher- l'enfant a généralisé la notion de nombre aux deux
chées, permet de mettre en relation ces estima- collections initialement appariées, il comptera
tions, et d'analyser la capacité de l'enfant à mettre les bonhommes de neige pour donner la bonne
en cohérence ses réponses. réponse.
De même, le dénombrement de collections
hétéro­gènes met en évidence la capacité de l'en-
Aspects linguistiques fant à détacher son comptage et la notion de car-
du nombre dinal de la nature des éléments de la collection,
pour en faire un attribut « abstrait ». Attention
La plupart des batteries proposent à présent des tâches
néanmoins aux aspects langagiers (notion de
de comptine des nombres (à l'endroit et à l'envers),
« en tout »).
afin d'en juger l'automatisation, mais le Tedi-maths
s'emploie aussi à compléter cette analyse en imposant
ensuite des bornes (surcomptage en particulier), ce Transcodages
qui permet de s'assurer que l'enfant a dépassé la simple Le passage au symbole, sera analysé surtout à
répétition de la séquence verbale, que l'itération pro- partir du CP (6 ans). Dès la moyenne section de
prement numérique (incrément de 1) a bien été com- maternelle, l'enfant peut se montrer capable de
prise à partir de n'importe quel point de départ et que discriminer les symboles numériques des autres
l'enfant est en position d'utiliser la séquence en tant (épreuve du Tedi-Math). Cependant, les véritables
que code numérique. Cette compétence est liée au compétences de transcodage (nombre présenté
facteur G et à la maturité exécutive. à l'oral transcrit en symboles indo-arabes) et de
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l­ecture de nombres ne s'installeront qu'au cours tales. On a vu qu'elles étaient très précoces et se
des apprentissages formels et intensifs du début de passaient d'une représentation élaborée (symbo-
primaire. Au-delà des simples chiffres, l'encodage lique) du nombre.
symbolique des nombres demande la maîtrise de La généralisation de la notion de comparaison 2
la base 10 et de l'organisation, en termes de valeur à 2, lors des tâches de classement de plus deux
positionnelle, des chiffres au sein des nombres. grandeurs, passe par la notion d'ordre et de clas-
On sera particulièrement sensible aux types sification. Elle est entraînée à l'école et demande
de transcription consistant à concaténer partiel- la mobilisation de stratégies systématiques effi-
lement ou systématiquement les mots-nombres caces (fonctions exécutives).
entendus, sans tenir compte de l'imbrication
nécessaire des classes (unités, dizaines, cen- Représentation analogique
taine…). Par exemple, la transcription de « deux
des nombres dans l'espace
mille trois cent quatre » sous forme « 2 000 3 004 »
(voire 2 1 000 300 4) est pathognomonique d'un C'est indirectement une manière élégante d'éva-
déficit avéré dans le domaine de l'utilisation des luer la représentation fondamentale des rapports
symboles indo-arabes, voire la compréhension qu'entretiennent les nombres entre eux chez l'en-
du principe positionnel ou dans une moindre fant. En effet, initialement spontanément logarith-
mesure, de la base 10. mique (espace entre les nombres proportionnels
Toutes les batteries ne sont pas attentives à pro- à leur écart relatif (n2-n1)/n1), la conception de
poser la transcription de nombres comportant des l'enfant va évoluer, sous l'effet de l'instruction, et
zéros (l'examinateur pourra en suggérer de son graduellement converger vers une représentation
cru). Elle nous paraît pourtant très importante car analogique et linéaire (en n2-n1), de telle sorte que
les zéros n'étant pas prononcés, il s'agit pour l'en- les écarts entre les nombres ne seront plus compris
fant de convoquer une représentation pertinente en fonction du point d'ancrage, mais dans l'absolu.
du nombre écrit, et de les intercaler correctement à Le Zareki propose une épreuve étalonnée dans
l'écrit. Leur omission signe un transcodage verbal ce domaine, dans diverses conditions, consistant
non numérique. à placer des nombres sur des lignes verticales19
Remarquons que les tâches (scolairement très vierges (permettant d'éviter l'accumulation par
investies) de transcodage des nombres (proposés l'enfant de points de repères, qu'ils soient erronés
à l'oral ou sous forme écrite indo-arabe) en lettres, ou exacts). Cependant, ces tâches restent canton-
nous paraissent un exercice dénué de toute per- nées à des échelles allant de 0 à 100, ce qui est rapi-
tinence proprement numérique. Pouvoir écrire dement insuffisant pour juger de la représentation
1 245 032 en toutes lettres nécessite certes un spontanée de l'enfant. En effet, la représentation
recodage verbal (cf. lecture de nombres), mais les spatiale entre 0 et 100 est souvent proposée et
étapes additionnelles, orthographique et de gra- entraînée à l'école. À partir du CE2, on proposera
phisme, nous paraissent dépourvues d'intérêt, du une échelle de 0 à 1 000, permettant de juger de la
moins quand il s'agit d'analyser les compétences qualité de la généralisation.
numériques de l'enfant. Noter l'interférence possible des troubles
visuo-practo-spatiaux, qui invalident la tâche
(figures 8.4, 8.5).
Comparaisons, ordre et classement
Il s'agit de comparer des nuages de points, des
collections concrètes ou abstraites, ou de classer Opérations
dans l'ordre croissant ou décroissant des maté- Ces tâches (de calcul mental, de résolution d'opé-
riels divers. De nombreuses tâches sont dispo- rations posées ou à poser), sont le plus souvent
nibles, y compris informatisées (Tedi-Maths perçues comme révélatrices de la bonne maturité
grands), dans la même modalité, ou par transfert fonctionnelle du sens du nombre. Il n'en est rien. Le
intermodalités. sens des nombres se rapporte à la capacité représen-
Très résistantes, les capacités de comparaison
de collections sont généralement bien préservées, 19
On évite ainsi l'effet spontané facilitateur de gauche à
même dans le cas des dyscalculies développemen- droite (effet SNARC).

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Chapitre 8. Troubles spécifiques des apprentissages

Figure 8.4. Représentation analogique correcte des nombres le long de droite numérique :
âge 15 ans 1 mois, classe de 3ème.

B
Figure 8.5. Représentations analogiques des nombres.
a : Représentation correcte entre 0 et 100, immature de nature logarithmique entre 0 et 1 000 : 13 ans, classe de 5ème.
b : Représentation désorganisée avec erreurs d'ordre : troubles visuo-spatiaux : 13 ans, redoublement de 6ème.

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tationnelle des quantités, grandeurs, magnitudes les facteurs de mémoire de travail, la connaissance
(cf. lignes analogiques, ci-dessus), et non à la capacité ou méconnaissance des scénarios sous-jacents…
de manipuler formellement les nombres et symboles. Il est intéressant d'en proposer lors d'examens de
Le calcul mental, très consommateur en débrouillage. En effet, une épreuve réussie dans ce
mémoire de travail, s'appuie sur certains auto­ domaine, peut, le plus souvent, écarter un trouble
matismes (connaissances en mémoire à long dyscalculique. L'échec ne signe pas en revanche
terme), des techniques (comptage digital), des nécessairement un trouble du sens des nombres.
stratégies (représentations mentales, visualisation
interne de l'opération posée, etc.). Facteurs conceptuels, facteur G
C'est sans doute les jugements métacognitifs ex Les compétences numériques ne dépendent pas
post de la pertinence des réponses produites qui toutes de la dynamique intellectuelle. Les compé-
permettent d'analyser indirectement les compé- tences de base peuvent se trouver être (partielle-
tences proprement numériques (8 + 7 = 35, c'est ment) préservées chez l'enfant déficient. Cependant,
vrai ou c'est faux ? 15 + 5 = 20, idem, etc.). comme c'est le cas de toute fonction cognitive à partir
Il en est de même lors des épreuves de résolution d'un certain niveau de complexité du traitement, les
de problèmes de tête (par ex. WISC4, Arithmétique). éléments de facteur G vont s'avérer graduellement
Il est toujours intéressant quand l'enfant répond : déterminants dans la maîtrise du sens des nombres :
« Je ne sais pas », de lui demander une estimation du capacités de généralisation du nombre à tout type
résultat attendu. Ainsi on pourra faire la part, dans de collection ; dissociation des éléments de surface,
cette tâche multifactorielle, de la pertinence ou non apparents, des caractéristiques conceptuelles des
des estimations implicites du résultat. collections ; dissociation de la notion de valeur et de
Le déploiement des algorithmes d'opération, nombre (par ex. lors de l'usage de la monnaie, ou de
dépendant de la classe et de l'entraînement aux l'interprétation des effets positionnels des chiffres au
techniques de calcul est peu informatif car saturé sein des nombres). Toutes ces compétences néces-
d'éléments visuospatiaux 20 et exécutifs. On obser- sitent des aptitudes générales (facteur G) indemnes.
vera en particulier dans le déclenchement de la
procédure si l'enfant parvient à bien inhiber le Connaissances scolaires
réflexe de travailler de gauche à droite (sens de la
lecture), et de « commencer par les unités », qui se Longtemps limités à la numération et l'arithmétique,
trouvent du côté droit de la page… en particulier au primaire, les acquis scolaires s'en
détachent graduellement à partir du CM. En effet, la
Raisonnement mathématique numération se complexifie, avec l'introduction des
Toutes les batteries proposent des séries progressives nombres décimaux, puis des fractions, des nombres
et étalonnées de problèmes d'arithmétique à une ou relatifs, etc. Ces compétences sophistiquées ne sont
plus étapes, mobilisant une ou plusieurs opérations. pas directement liées au sens des nombres. Tout au
Certaines de ces épreuves engagent à demander à moins, un échec dans ces domaines ne peut signer
l'enfant, après-coup, « comment il s'y est pris ». La à lui seul un trouble cognitif lié à la numérosité.
fiabilité de ces données métacognitives est souvent En cas de doute, il faut revenir au niveau fonda-
sujette à caution, avec de multiples dissociations mental des compétences numériques de base, afin
possibles : résultat exact/justification fausse ; résultat de déterminer si les difficultés à partir du collège
faux/justification fausse cohérente ou non avec le peuvent être liées, ou non, à des troubles plus géné-
résultat ; résultat faux/justification et raisonnement raux d'accès au sens des nombres. Remarquons
correct – calcul mental ?). On l'a dit, la résolution que, paradoxalement, l'introduction de l'écriture
de problèmes n'est pas le juge suprême des compé- littérale (utilisant des lettres : 2a + b) peut, pour cer-
tences numériques. Il faut y intégrer trop d'éléments tains enfants, soulager l'accès aux mathématiques.
incluant l'interprétation du langage (oral ou écrit), En effet, quand les compétences conceptuelles sont
intègres, la généralisation des calculs algébriques
à des entités non directement numériques (x, y…),
20
À ce titre, demander à l'enfant dyspraxique de poser
et résoudre des opérations donne des indices intéres- pourra aider l'enfant, en appuyant l'application des
sants quant à l'impact fonctionnel en mathématique règles de transformation sur des données qui ne
de ses troubles. sont pas des grandeurs.

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Chapitre 8. Troubles spécifiques des apprentissages

Les types de dyscalculies On aidera plutôt l'enfant en l'engageant à auto-


matiser les procédures nécessaires à la réso-
En réalité, sur la base de ce qui vient d'être dit, on lution des opérations arithmétiques ou des
peut dissocier deux types de dyscalculie, en tant situations-problèmes proposées. L'enfant restera
que trouble spécifique du sens des nombres : gêné par le jugement de validité de ses résultats,
• Les dyscalculies dites « fondamentales » ou mais devrait pouvoir (quitte à s'appuyer sur des
trouble du sens des nombres : elles touchent aide-mémoire) suivre les étapes lui permet-
la racine du sens des nombres : subitizing, tant, le plus souvent de résoudre les questions
estimation approximative des grandes quanti- de base qui lui sont proposées. Certains jeux
tés, comparaisons, représentation ana­logique (jeux de l'oie, « La course aux nombres »21…),
des nombres dans l'espace, estimation des seront néanmoins un appui ludique permet-
grandeurs, unités, connaissances des faits tant de renforcer certains automatismes dans
numériques, en particuliers personnelles… la manipulation des nombres par l'enfant, et
Ces dyscalculies révèlent une difficulté chez le lien entre le nombre et la « grandeur » qu'il
l'enfant à se représenter et utiliser les nombres représente.
en tant que mesure, indice de magnitude ou • Pour ce qui est des dyscalculies dites « asso-
comme outil d'encodage ou représentation de ciatives », les prises en charge orthophoniques
l'information. sont les plus indiquées. Ciblées, sur la maîtrise
• Les dyscalculies que nous appellerons « asso- du code symbolique numérique, on s'atta-
ciatives » au sens large : elles touchent les liens chera à entraîner la transcription et la lecture
entre acquis « symboliques » (c'est-à-dire en des nombres. On explicitera les règles syn-
rapport avec l'encodage verbal ou indo-arabe) taxiques de formulation verbale des nombres.
et sens du nombre lui-même. Elles gênent Nécessairement le praticien sera amené à entrer
l'enfant dans l'encodage verbal des mots- graduellement dans la logique plus fondamen-
nombres et leur manipulation, le transcodage talement numérique du transcodage et de la
ou la lecture des nombres. Ces dyscalculies base 10 (aspects positionnels).
sont pénalisantes (au même titre qu'une dys- On l'a vu, certains troubles « périphériques »
lexie), car elles limitent la possibilité à l'enfant pourront gêner l'enfant dans la maîtrise et la mani-
d'utiliser efficacement la trace (transcription pulation des nombres, voire amplifier les effets
de nombres, algorithmes d'opérations, résolu- d'une dyscalculie co-occurrente avec ces troubles :
tion de problèmes). • Dans le cas des dysphasies, les difficultés lin-
Ces deux types de dyscalculies peuvent être disso- guistiques peuvent compromettre la maîtrise
ciés. Cependant, on rencontre des cas de dyscalcu- du code verbal, l'automatisation de la comptine
lies mixtes qui touchent de manière co-occurrente des nombres, alourdir en mémoire de travail
l'ensemble des facteurs contribuant au développe- le traitement verbal des nombres longs, etc.,
ment du sens des nombres. soit au contraire servir de support à certaines
suppléances (en cas de troubles visuospatiaux,
Les prises en charge par ex.). Le sens du nombre peut être intact, c'est
des troubles dyscalculiques sa formulation qui fait défaut. On s'appuiera alors
sur le code écrit, lorsque celui-ci est préservé.
Selon le type de dyscalculies, les prises en charge • Les troubles de la mémoire fragilisent l'enco-
pourront être très différentes : dage, la consolidation ou la récupération des
• Lorsqu'il s'agit d'une dyscalculie fondamen- traces, et peuvent donc limiter le stock d'infor-
tale, touchant la racine de la numérosité, il mations numériques disponibles (tables de
n'est pas question de « reconstruire » un sens multiplication, connaissances numériques sur
des nombres. De même, les prises en charge le monde…). On proposera des aide-mémoire
centrées sur les opérations logiques au sens et la calculatrice.
piagétien (type GEPALM) ne semblent pas,
dans les faits de la pratique clinique, appor-
ter de bénéfices radicaux quand le trouble est 21
http://www.lacourseauxnombres.com/nr/nr_bgnd.
avéré. php?lang=fr

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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

• Les troubles du regard ou un déficit des fonc- Enfin, les indications thérapeutiques pourront
tions visuospatiales peuvent perturber l'activité être motivées et précisées. Car tous les enfants
de comptage : les enfants désignent à plusieurs en difficulté en arithmétique ne sont pas dys-
reprises le même élément et en oublient d'autres ; calculiques, et tous les enfants dyscalculiques ne
aussi, à chaque comptage de la même collection, relèvent pas systématiquement du même type de
ils obtiennent un résultat différent. Le comptage, prises en charge. Certains enfants ont besoin de
chez ces enfants, est alors toxique car il détruit rééducations, d'adaptations ou d'aménagements
leur confiance en la fiabilité du nombre, anéan- pédagogiques spécifiquement liés aux aspects
tissant leur intuition de l'invariance du nombre. linguistiques ou visuospatiaux du nombre. Enfin,
On peut, pour asseoir la notion de nombre chez pour ceux dont les fonctions d'inhibition peuvent
ces enfants : être incriminées (syndrome dysexécutif), il fau-
• les aider dans leurs comptages (en procédant à dra, d'abord ou simultanément, prévoir la prise
leur place aux désignations des différents élé- en charge du déficit de leurs fonctions exécutives.
ments de la collection) ;
• les aider à développer des suppléances, essen- Cas de pratique clinique
tiellement verbales et formelles (Mazeau, 2014).
De plus, les enfants qui souffrent de troubles Alain, 10 ans et demi, CM2
du regard et de déficits visuospatiaux sont en Contexte de la demande d'évaluation
grande difficulté pour réaliser des arrangements
spatiaux complexes, tels que poser les opéra- Alain âgé de 10 ans et 7 mois est scolarisé en classe
tions. Selon l'intensité des troubles, on peut : de CM2 à l'école du CERENE (Paris 17e), école
• aider l'enfant à réaliser ces arrangements spa- dédiée aux enfants présentant des troubles spéci-
tiaux (systèmes de couleurs par colonne, logi- fiques des apprentissages. Ses parents l'ont inscrit
ciels de pose et de résolution des opérations) ; dans cette structure du fait d'une dyslexie sévère.
• favoriser les suppléances verbales et mnésiques, Après 6 mois d'intégration dans cette école, et
de façon à ce que l'enfant utilise les faits numé- malgré l'aide personnalisée qui lui est apportée,
riques et le calcul mental chaque fois que possible ; l'aspect complexe des difficultés de l'enfant au
• proposer un palliatif, à savoir une calculette. sein de sa classe engage à approfondir la réflexion
quant aux moyens à mobiliser pour le faire pro-
gresser. De ce fait, un bilan neuropsychologique
Conclusion complet est proposé et accepté par la famille. Il
C'est souvent assez tardivement dans le cursus sco- vise à clarifier à la fois les points forts et les fragi-
laire que se pose la question d'une éventuelle dyscal- lités cognitives rémanentes de l'enfant, ainsi que
culie, surtout si cette dernière est totalement isolée. ses progrès depuis les débuts des prises en charge
En effet, au début de la scolarité, il est habituel que paramédicales.
toute l'attention soit portée sur les compétences en
langage écrit qui représentent alors l'enjeu premier. L'efficience intellectuelle
Par ailleurs, le fait que certains enfants soient est bien préservée…
« nuls en maths » est quelquefois considéré comme La dynamique intellectuelle situe Alain dans
une sorte de caractéristique familiale, une fatalité la moyenne pour son âge (Similitudes, NS = 8 ;
avec laquelle il faudra, bon gré mal gré, composer. Identification de concepts, NS = 9). L'attention est
Au contraire, pour d'autres, l'échec en arithmé- un peu labile, et après un bon début, l'enfant peut
tique (malheureusement confondu avec un déficit soudainement demander : « Il fallait faire quoi ? »
en logique, une inaptitude à manipuler l'abstrac- En revanche, la flexibilité mentale est bonne
tion ou une incapacité à conduire un raisonne- (NEPSY 2, Catégorisation, NS = 13 avec l'iden-
ment) est implicitement perçu comme reflétant tification de huit catégories différentes). On note
une sorte d'incapacité intellectuelle, ce qui peut néanmoins des répétitions (25e centile).
être extrêmement dévalorisant pour l'enfant. Le raisonnement par analogie est correct
Dans un cas comme dans l'autre, le diagnostic (Matrices, NS = 9). Pourtant, Alain dit souvent
permettra à la fois de resituer les difficultés de « J'ai pas compris », tout en trouvant finalement la
l'enfant et d'objectiver ses compétences. bonne réponse.

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Chapitre 8. Troubles spécifiques des apprentissages

… Mais le raisonnement numérique • Dans le domaine langagier, la comptine


est en panne des nombres est correcte dans l'ordre. En
Dans ce contexte, on remarque l'échec important à revanche, le comptage à rebours est très difficile
l'épreuve d'Arithmétique (NS = 5). Dans cette tâche (- 2,5 ET). Alain hésite ou repart plusieurs fois
consistant à résoudre de tête des petits problèmes du début. Ses difficultés dans l'automatisation
mathématiques, les erreurs de calcul sont nom- de cette procédure sont renforcées par les fra-
breuses même pour des items simples. Alain a oublié gilités en mémoire de travail (et des fonctions
le début de la consigne alors même que l'on n'a pas exécutives ?).
encore fini de l'énoncer complètement. De ce fait, • Dans le domaine des transcodages la trans-
il fait souvent répéter les énoncés. Il est vrai que la cription de nombres est également difficile
mémoire de travail est très fragile (IMT, T = 73, (dictée de nombres, - 1,3 ET). Curieusement,
Séquences Lettres-Chiffres, NS = 1). Les problèmes à pour écrire 1 200, Alain commence par le 2
plusieurs étapes ne sont généralement pas réalisables. puis place le 1 et ensuite les 0 à la bonne place
Notons que dans le domaine des acquis scolaires de part et d'autre. Pour 4 658, il répète 4 668
en mathématiques, quand on propose à Alain de (mémoire immédiate) et écrit 4 608 (MT).
résoudre des opérations numériques posées, il est Pour 756, il écrit 766. La lecture de nombres est
aussi en difficulté (WIAT, T = 79). L'addition et la entachée d'erreurs (trois erreurs corrigées ou
soustraction sont maîtrisées. En revanche, Alain non, - 1,8 ET).
peut uniquement faire des multiplications avec • Du fait des troubles de la mémoire de travail,
une calculatrice et ne sait faire ni multiplication, on s'attendait à des difficultés massives dans
ni division posée. les épreuves de calcul mental. Or, quand on se
On s'interroge donc rapidement quant aux limite à des petites quantités (< 10), il est tout
aptitudes d'A lain dans le domaine numérique. à fait correct et situe l'enfant dans la bonne
Cependant, à première vue, il semble surtout moyenne (calcul mental oral, + 0,8 ET). Les
gêné par la labilité de la mémoire de travail, des tables de multiplication ne sont néanmoins pas
petites fragilités attentionnelles, voire exécu- totalement automatisées.
tives. Ce qui alerte néanmoins, c'est que, même • Quant à l'organisation analogique des nombres
lorsque la mémoire de travail est moins solli- dans l'espace, le positionnement de nombres
citée et que l'enfant bénéficie d'un support où sur une règle graduée est fragile (- 1,7 ET), qu'il
les opérations sont déjà posées22, les difficultés y ait des repères ou non.
semblent persister. • L'estimation qualitative de quantités en contexte
est correcte en choix forcé (dire si telle quantité
Bilan du sens des nombres est faible, moyenne ou élevée en contexte, dans
Le bilan est éclairant : la moyenne pour son âge). En revanche l'esti-
• L'analyse de l'ensemble des fonctions impli- mation spontanée des grandeurs est parfois
quées, confirme que le subitizing est acquis : plus difficile (longueur d'un billet de banque :
l'évaluation précise d'une petite quantité sans 20 cm, poids d'un poste de télévision : 200 kg,
dénombrement est bonne. 1 h pour faire 50 km en marchant, 1 journée
• L'estimation approximative de quantités plus (48 h, sic) pour conduire de Marseille à Paris,
larges ne pose pas non plus de difficultés (Zareki, vitesse du train le plus rapide : 2 000 km/h, etc.).
estimation visuelle de quantités, + 1 ET). On notera cependant que les unités sont correc-
• En revanche, les stratégies de dénombrement tement choisies.
manquent de fiabilité. En particulier, Alain • Du point de vue des faits numériques, Alain
peut compter deux fois les mêmes items (Zareki, est en grande difficulté (il ne connaît pas sa
dénombrement de points, - 2 ET). date de naissance). Les notions temporelles ne
sont pas acquises. Or, on ne peut imputer ces
décalages importants à d'éventuels troubles
22
Pour Alain, le bilan élimine d'éventuelles inter­ des processus mnésiques puisque le bilan
férences practospatiales. révèle qu'ils sont fiables.

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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

On peut donc conclure chez Alain à un trouble repart à 1, sans parvenir à alterner comptage à l'en-
du sens des nombres, ce qui affecte toutes les droit et comptage à l'envers, à partir de n'importe
dimensions du nombre (transcodages, estimation quel point de la comptine. De même, si l'auto­
des grandeurs, analogie spatiale du nombre…). matisation des séquences simples et surapprises
Beaucoup de faits numériques, y compris dans le est correcte (les lettres, et les jours de la semaine),
domaine autobiographique, ne sont pas connus. en revanche, les séquences plus complexes sont
La maîtrise du code numérique est donc déficitaire difficiles à mobiliser : quand il s'agit de compter
chez Alain, ce qui infiltre la plupart des processus de 2 en 2, 3 en 3 ou 6 en 6, Alain piétine et fait des
cognitifs lorsqu'il faut le mobiliser. Dans ce cadre, erreurs. Réciter alternativement et dans l'ordre les
on est peu surpris que les algorithmes d'opérations lettres et les chiffres est également presque impos-
ne soient pas maîtrisés ou que le raisonnement sible pour l'enfant (Séquences, NS = 5).
arithmétique soit laborieux. Les difficultés d'Alain Les troubles de la mémoire de travail sont, il
sont renforcées par les fragilités de la mémoire de est vrai, assez significatifs, mais rappelons que les
travail, mais pas suffisamment pour gêner le calcul tâches proposées (mémoire de chiffres endroit et
mental sur des petites quantités ni rendre compte envers, SLC), proposent précisément un travail
de l'ensemble de ses contre-performances. manipulant le code numérique. Avec des mots, les
difficultés sont nettement moins importantes (bat-
Dyscalculie discrète terie mémoire de travail, D'Alboy). La répétition
dans le contexte d'une dyslexie sévère immédiate est bonne quand on autorise l'utilisa-
La dyscalculie mise au jour chez Alain a sans doute tion de la boucle articulatoire ; quand on contraint
été longtemps masquée par les troubles sévères du la suppression articulatoire, Alain est plus en diffi-
langage écrit. En effet, la lecture à haute voix est culté (- 1 ET), mais moins qu'avec des chiffres.
encore très lente (Alouette-R, - 2 ET) avec malgré tout
un nombre élevé d'erreurs (Alouette-R, - 1,5 ET). On Orientation scolaire
relève des erreurs d'assemblage (haires/haies, féries/ et prises en charge
féeries, pielle/paille…), ainsi que des erreurs d'adres- En définitive, Alain disposerait tout à fait des
sage (bruit/buis, bois/bout, vive/vif, gai/geai, essai/ moyens intellectuels nécessaires pour poursuivre,
écaille…). De plus, Alain saute deux lignes entières en principe, une scolarité satisfaisante. Mais
bien qu'il utilise son doigt comme guide. du point de vue instrumental, il est encore très
Les saccades oculaires semblent ne pas être bien gêné par sa difficulté d'accès à l'écrit. De plus, la
calibrées (dénombrement peu efficace, sauts de superposition du trouble du sens des nombres et
lignes), ce qui nécessitera un bilan orthoptique de la labilité de la mémoire de travail rendront les
complément. perspectives académiques problématiques, si les
Fonctionnellement, la rapidité de lecture à voix adaptations et prises en charge ne sont pas encore
basse est très fragile (Test de lecture de l'IREP, plus énergiquement renforcées :
1er centile). Coûteuse, la compréhension de textes • Dans le domaine du langage écrit, la poursuite
complets est très lente mais correcte (Test de lecture de la rééducation orthophonique intensive est
de l'IREP, 3e centile). Alain traite très peu d'items. essentielle. Elle doit rester couplée aux straté-
Ces différents troubles ne peuvent être expliqués gies de contournement mises en place : soulager
par un facteur commun attentionnel car, en dépit la quantité de lecture, passer par l'oral, proposer
des observations cliniques, l'attention focalisée ou un oralisateur de textes, s'assurer de la compré-
soutenue restent dans la petite moyenne pour son hension de ce qui est lu.
âge (Tea-Ch, Coups de fusil et Écouter deux choses à • Dans le domaine du sens des nombres, on se
la fois), concordantes avec son niveau de facteur G. focalisera sur l'automatisation des procédures
Les fonctions exécutives, elles aussi, sont bien pré- opératoires. Lors des exercices de résolution
servées (Tour de Hanoï et Stroop, dans la norme). de problèmes, on proposera systématiquement
De manière significative, seules les tâches exécutives la calculatrice. En orthophonie, on pourra tra-
appuyées sur un matériel numérique sont déficitaires. vailler spécifiquement l'encodage verbal et sous
En effet, les Petits hommes verts sont échoués la forme de symboles indo-arabes (lecture et
(NS = 5). À chaque changement de sens, Alain transcription) des nombres.

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Chapitre 8. Troubles spécifiques des apprentissages

Corentin :

[addition posée]

Figure 8.6. Corentin : pose et résolution d'additions.

Corentin, 8 ans, CE1 Il souhaite alors (au milieu) « commencer par ce


Corentin23 a presque 8 ans lorsqu'une évaluation que je rate toujours, les retenues, comme ça, je vais
est demandée car il est sous la menace d'un redou- m'en débarrasser » : il note ainsi une retenue (entou-
blement du CE1 : il lit correctement, mais ses dif- rée d'un cercle !), énonce « 1 et 1, 2… », hésite, s'ar-
ficultés en calcul sont intenses (il ne peut toujours rête, puis dit : « Non, on peut pas faire comme ça ».
pas faire une addition de deux nombres avec une Je lui propose alors d'écrire moi-même les termes
retenue) et surtout n'ont pas évolué du tout au de cette addition (à droite = addition posée) :
cours de l'année scolaire. Simultanément, c'est manifestement soulagé, il énonce avec assurance :
un enfant décrit comme brouillon, peu motivé, « 9 et 4, 13, je pose le 3 et je retiens 1 » et il inscrit la
qui bâcle tout son travail, opposant et agressif retenue, mais dans la mauvaise colonne !
tant physiquement que verbalement, gênant le La suite est tout à fait éclairante pour le
groupe par ses interventions verbales inoppor- diagnostic (chap. 4).
tunes (« Il amuse la galerie ») et son agitation. Lors • Lorsque les opérations sont dégagées des
de la consultation, il faut en effet commencer par aspects spatiaux, il réussit (figure 8.7). Pour
de longues négociations avant qu'il n'accepte de effectuer l'addition à trou, présentée en ligne,
travailler. « 17 + ••• = 24 », il procède d'abord à un sur-
La pose d'une addition dictée (9 + 124) (figure 8.6) comptage dans lequel il se trompe d'une unité
s'avère d'emblée impossible (à gauche), mais Corentin (il a commencé son surcomptage à 17, et non
accepte de réessayer, tout en disant « J'aimerais à 18). Au moment où il écrit son résultat (8), il
mieux les écrire dans l'autre sens, tes chiffres » en dit : « Oh, j'aurais pu faire plus simple et dire :
précisant qu'il préfère écrire 124 + 9. Je lui demande de 17 à 20, il m'en faut 3 ; puis de 20 à 24, il
s'il a le droit, si ça donnera le même résultat, ce à quoi m'en faut 4 ; 4 et 3, c'est 7 qu'il fallait écrire ».
il répond avec le ton de l'évidence : « Ben oui, ça fera • Toute tâche nécessitant des compétences d'orga-
pareil, puisque c'est des plus » (ce que je traduis par nisation visuospatiale, même non numérique, est
« Il a compris la commutativité de l'addition »). échouée : une épreuve de Barrage montre de très
nombreux oublis ; une Figure de Rey en copie est
très échouée (et non cotée), avec à la fois des oublis,
23
Ce cas clinique a déjà fait l'objet d'une publication par- des erreurs de raccordement, des erreurs d'orien-
tielle : M. Mazeau: Aspects cliniques des dyscalculies de tation des obliques, etc. Il est manifestement
l'enfant. Rééducation orthophonique, 1999, p. 113–129. conscient de ses difficultés et finit par renoncer.

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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

Figure 8.7. Corentin : opérations dégagées des aspects « spatiaux ».

• Corentin est un enfant intelligent, dont les compé- ses excellentes capacités de conceptualisation et
tences au WISC sont très hétérogènes et très évo- d'abstraction et la prise en compte, en rééduca-
catrices : les épreuves verbales, ­raisonnementales tion, de la dyscalculie spatiale vont permettre
et conceptuelles sont réussies avec brio, alors d'éviter le redoublement et de poursuivre la sco-
qu'il peine beaucoup dans les tâches perfor- larité, tandis que le comportement s'amende en
mance (plus de 30 points d'écart entre les deux classe, même si les réactions de Corentin face à
échelles) : l'échec restent quelquefois difficiles à canaliser.
– épreuves verbales : Information = 17,
Similitudes = 15, Vocabulaire = 14,
Compréhension = 16, mais Arithmétique = 6 ;
– épreuves non verbales : Complètement
L'échec scolaire « global »
d'images = 15, mais toutes les autres
épreuves = 5 ou 6.
Définition
Le reste du bilan montre aussi une dysgraphie L'échec scolaire dont il est ici question est celui,
dyspraxique modérée mais patente, qui a toujours inattendu car a priori sans cause évidente, surve-
été interprétée comme le reflet de son désintérêt et nant chez un enfant intelligent, sans particularité
de son opposition aux tâches scolaires. Intrigués, psychologique ni familiale susceptible d'expliquer
nous interrogeons la maman et nous apprenons l'intensité de ses difficultés scolaires.
que Corentin est un enfant ancien prématuré Il est important, dans ce domaine, de ne pas
(31 SA, poids de naissance de 1 850 g). confondre causes et conséquences.
La proposition d'une écriture-ordinateur, Le découragement, la dépression plus ou
l'achat d'une calculette, la mise en évidence de moins larvée, les attitudes de prestance ou de

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Chapitre 8. Troubles spécifiques des apprentissages

provo­ c ation, le refus scolaire, la démotiva- Conduire l'examen


tion, la faible estime de soi, etc., sont souvent
la conséquence d'un échec vécu, au quotidien, La stratégie d'évaluation diffère selon que l'on
des années durant, sans aucune échappatoire dispose (ou non) d'indices susceptibles d'orienter
possible. Ces attitudes traduisent la souffrance le début de l'examen.
de l'enfant et constituent son mode de réaction
à cette situation douloureuse sur laquelle il n'a L'enfant présente un trouble
aucune prise et qu'il subit sans en comprendre ou une pathologie connue
les causes.
Une étiologie connue oriente l'examen
Par échec « global », il faut entendre que,
contrairement aux chapitres précédents, l'enfant La connaissance de certaines étiologies peut
ne souffre pas d'une incapacité isolée en langage orienter les recherches dans un secteur particu-
écrit ou en calcul, mais bien de l'association de lier de la cognition : des antécédents d'épilepsie ou
difficultés dans tous les secteurs de la scolarité. En de traumatisme crânien conduiront à rechercher
effet, certains dysfonctionnements neuropsycho- des troubles mnésiques ou un déficit des fonc-
logiques, développementaux ou secondaires à des tions attentionnelles et exécutives ; la présence
lésions cérébrales, peuvent infiltrer de nombreux d'une IMC ou une naissance prématurée incitent
apprentissages. à examiner les fonctions visuo-practo-spatiales et
C'est particulièrement le cas : attentionnelles….
• de troubles mnésiques en MLT, en particulier
lorsqu'il y a déficit de mémorisation des don- Un trouble spécifique est évident
nées nouvelles ; ou déjà diagnostiqué
• de déficits spécifiques en MT, qui peuvent La question se pose alors très différemment. C'est
être responsables de dyslexies associées à des le cas lorsque l'enfant présente une dysphasie, une
dyscalculies ; dyslexie reconnue ou s'il existe une pathologie
• de certaines dyslexies qui, si elles ne sont pas familiale particulièrement évocatrice dans l'un de
identifiées, diffusent peu à peu dans tous les ces secteurs.
secteurs des apprentissages (l'enfant ne pouvant Il faudra s'interroger :
accéder aux textes des problèmes, aux connais- • sur l'éventuelle diffusion du trouble connu dans
sances générales, etc.) si des mesures adaptées d'autres secteurs des apprentissages : c'est assez fré-
ne sont pas mises en place à temps ; quemment le cas des troubles d'accès au langage
• de dyspraxies visuospatiales, où, malgré de écrit, quelle que soit leur origine, et des dyspraxies
bonnes compétences verbales, mnésiques, rai- visuospatiales ; il faudra en ce cas veiller à ne pas
sonnementales et conceptuelles des enfants, parler de multi-« dys » mais bien rechercher, en
l'association dysgraphie, dysorthographie et amont, la source de l'ensemble des difficultés ;
dyscalculie peut donner l'impression d'un • sur l'association de plusieurs troubles, l'un ayant
échec scolaire global ; (momentanément) masqué les autres : en effet,
• de certaines dysphasies, si elles compro- lors de la première exploration, l'attention de
mettent la compréhension du langage élaboré l'examinateur s'est naturellement focalisée sur le
utilisé en classe ou si le trouble de mémoire de symptôme désigné, celui qui motive la consul-
travail est intense compromettant et l'accès au tation. C'est le cas de l'association, fréquente, de
langage écrit et l'accès à la facette verbale des troubles d'accès à la lecture et d'une dyscalculie,
nombres ; mais aussi de troubles mnésiques et d'une dys-
• de certaines agnosies visuelles (chap. 5) ; praxie visuospatiale, ou d'un trouble praxique et
• de troubles des fonctions attentionnelles et d'un déficit en MT, etc. Il s'agit alors de comor-
exécutives (chap. 7). bidités. Toutes les associations peuvent se voir, et
Dans ces situations d'échec apparemment dif- c'est dans ces cas qu'il faut être très vigilant quant
fus, il convient d'être extrêmement rigoureux car à l'interprétation des tests psychométriques ;
les pièges sont nombreux. • sur l'existence d'un retard mental, le cas échéant.

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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

L'enfant montre des signes « plafond », dont la réussite éventuelle permet-


évocateurs du dysfonctionnement tra, en première intention, d'éliminer un trouble
grave ou la responsabilité première des modules
d'un module spécifique ainsi sollicités.
L'évaluation commence obligatoirement par
la passation des échelles de Wechsler, WPPSI
ou WISC, adaptées à l'âge de l'enfant. Certains
profils de réussites et échecs peuvent alors être Exemples
évocateurs et orienter l'évaluation vers tel ou tel
domaine cognitif. � Dans le domaine verbal, il est facile
Indépendamment des classiques dissociations de demander un récit à l'enfant : on
verbal/performance, il faut prêter soigneusement pourra alors juger aussi bien des capa-
attention à tout score insolite (étonnamment réussi cités langagières (vocabulaire, syntaxe,
pragmatique), que de la compréhen-
ou raté), soit intrinsèquement, l'enfant obtenant
sion du scénario, du schéma narratif,
des notes extrêmes, soit par contraste avec les
de la chronologie des faits, les fonc-
notes obtenues aux autres subtests. tions exécutives, etc.
Enfin, ce peut être le comportement de l'enfant � Dans le domaine mnésique, les 15 mots
(hyperactivité, attention labile) ou la nature de de Rey permettent assez rapidement
l'échec aux échelles de Wechsler (persévérations, de tester la rétention, l'apprentis-
impulsivité, etc.), qui incitent à explorer les fonc- sage et l'oubli, de mettre en évidence
tions attentionnelles et exécutives. d'éventuelles redites ou intrus.
� Dans le domaine non verbal, on peut
demander la copie de la Figure de Rey
Quoi qu'il en soit, il ne s'agit que d'indices, d'hypo- puis sa restitution de mémoire.
thèses qui doivent être ensuite mises à l'épreuve et Au contraire, en cas d'échec, il faudra
confirmées par le recours à une évaluation réglée reprendre l'ensemble des hypothèses
et complète dans le ou les domaines suspects. générées par cet échec, fonction de l'in-
Il est très important de ne pas se laisser enfermer ventaire des compétences requises par la
dans des a priori ou des schémas trop rigides : tâche. Ainsi est-il possible de commencer
beaucoup d'enfants anciens prématurés ne sont à repérer des dissociations grossières, qui,
pas dyspraxiques ; de nombreux enfants épilep- au sein de difficultés apparemment glo-
tiques ne présentent ni troubles mnésiques ni bales, permettront d'orienter l'évaluation
troubles des fonctions exécutives ; d'autres, dont neuropsychologique. Ensuite, c'est au
toute la famille est dyslexique, ne le sont pas. décours de la passation méthodique des
épreuves et lors de l'observation clinique
(des performances, des modes opératoires
des enfants et des aides efficaces) que se
Il faut donc être très vigilant, toujours en alerte, construira progressivement l'arbre logique
à la recherche des particularités de chaque enfant, qui conduira au diagnostic (figure 8.8).
à l'affût de toute anomalie ou de tout élément
insolite qui ne cadrerait pas avec l'hypothèse ini-
tiale, toujours prêt à reprendre l'ensemble de la
démarche diagnostique. La question
des troubles multi-« dys »
Aucun indice initial : Le neuropsychologue est le plus souvent interrogé
quelle stratégie ? alors que, déjà, beaucoup d'autres praticiens ont
Après s'être assuré du niveau de développement été sollicités. Les parents consultent, chargés des
(facteur G) de l'enfant par la passation des échelles conclusions de multiples bilans (psychométriques,
de Wechsler, on proposera, dans chaque domaine orthophoniques, psychomoteurs, graphomoteurs,
cognitif, des épreuves complexes et exigeantes médicaux, pédopsychiatriques…). Chaque spécia-
à hauteur de l'âge réel de l'enfant, des épreuves liste a, dans son domaine d'expertise, détecté des

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Chapitre 8. Troubles spécifiques des apprentissages

Facteur G
Niveau de développement WPPSI ou WISC ~ homogène
concordant avec âge réel

HÉTÉROGÈNÉITÉ WPPSI OU WISC Niveau de développement


< 2 DS
– Trouble évident
(dysphasie, etc.)
– Trouble spécifique RETARD
déjà connu BILAN MENTAL
(dysléxie, etc.) SPÉCIFIQUE

DIAGNOSTIC
Allure écocatrice
des erreurs

Épreuves « plafond »
– Langage, mémoire
?????
– Praxies, visuo-spatial
– Attention et fonctions
exécutives
Figure 8.8. La démarche devant un échec scolaire global.

fragilités ou des troubles. À recouper l'information, praticien. Il s'agit alors de mettre en perspective les
l'enfant serait « dys » dans la plupart des secteurs. résultats aux épreuves et de les hiérarchiser. Cette
S'en sont suivies des prises en charge multiples, pondération des différentes données sera essen-
simultanées ou décalées dans le temps, engagées et tielle à plusieurs titres :
interrompues au gré de l'urgence, du décourage- • Elle permettra de moduler les conclusions et de
ment de l'enfant (ou du praticien). L'échec scolaire mettre en exergue ce qui peut être le plus péna-
reste néanmoins massif. Faut-il en conclure qu'on a lisant fonctionnellement pour l'enfant. L'utilité,
affaire à une authentique situation de multi-« dys », l'importance et l'urgence des adaptations sco-
ou n'est-ce qu'un artefact dû, soit à une déficience laires en dépendront. À trop en faire dans trop
intellectuelle dont on se refuse à dire le nom, soit à de domaines, on peut en venir à décrédibiliser
l'infiltration d'un trouble principal dans la plupart les ajustements demandés à l'institution sco-
des secteurs cognitifs ou disciplines scolaires ? laire qui ne peut « tout faire », et à déborder les
Seul un bilan neuropsychologique complet per- capacités d'adaptation de l'enfant.
mettra d'y voir clair, en reprenant soigneusement • Elle engagera à recommander des prises en
chaque dimension cognitive et en s'assurant dans charge dans les secteurs où l'enfant est le plus
son analyse qu'on a levé, pour chaque épreuve, les gêné, quitte à suspendre (ne serait-ce que pour
ambiguïtés qui pourraient engager sur une fausse un temps) les rééducations moins essentielles,
piste. Aucune tâche cognitive n'étant pure, ce tri ne voire superfétatoires. Il vaut nettement mieux
peut être parfois que qualitatif. Même si les batte- intensifier les prises en charges clés dans les
ries de tests les plus récentes prennent le plus sou- domaines qui perturbent le plus l'enfant au quo-
vent bien soin de proposer des épreuves mettant tidien, en famille ou à l'école, plutôt que de sau-
en contraste les différentes dimensions cognitives poudrer des interventions dans tous les secteurs.
de la tâche et des sous-indices permettant d'ana- Ce principe de hiérarchie et de parcimonie est
lyser quantitativement certains comportements, important pour le bien-être au quotidien de l'en-
l'interprétation des observations et des résultats fant et de sa famille, ainsi que pour l'efficacité
reste in fine de la responsabilité et de l'expertise du des aides proposées.

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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

Est-ce à dire que les enfants multi-« dys » thérapeutiques pertinentes ont été correctement
n'existent pas ? Certes non. Il arrive en effet que menées, il faut savoir reconnaître que les appren-
certains enfants compétents (on aura écarté le tissages scolaires sont compromis.
retard mental) présentent simultanément des Ce peut être en raison :
troubles cognitifs de sévérité comparable dans • de l'intensité des troubles qui ne permettent
différentes dimensions indépendantes. Si l'asso- pas la scolarité (dysphasies réceptives, troubles
ciation de troubles (comorbidités) d'intensité mnésiques diffus ou majeurs, troubles sévères
variable est assez banale dans les atypies du déve- des fonctions exécutives, etc.) ;
loppement de l'enfant (Butterworth, Kovas, 2013), • de l'importance du décalage entre l'âge réel et le
on parle plutôt ici de la superposition équilibrée niveau scolaire. Ce dernier peut résulter :
de troubles d'un certain degré de sévérité dont – d'un diagnostic tardif ; c'est malheureuse-
l'impact mutuel se potentialise et qui gênent la ment très souvent le cas si l'enfant est issu
mise en œuvre des adaptations et des stratégies de des milieux de l'immigration, si le français
contournement. Ces situations épineuses doivent n'est pas la langue maternelle ou si le milieu
être soigneusement évaluées pour être affirmées. ­familial est jugé « fruste » par les différents
Surtout, la mise au jour des compétences préser- professionnels, car ces circonstances sont
vées se révèle alors particulièrement importante, encore trop souvent interprétées a priori
car la question essentielle restera : s'appuyer sur comme responsables, à elles seules, de toutes
quels points forts pour aider l'enfant ? les difficultés que rencontre l'enfant, sem-
blant rendre sans objet toute exploration, et
Conclusion font écran au diagnostic ;
– d'un retard mental modéré ou d'un niveau
Lorsque le diagnostic du trouble est assez pré- limite24, plus ou moins masqué jusque-là.
coce et son intensité relativement modérée, Lorsque les aptitudes dans les tâches de rai-
il est possible d'aider efficacement l'enfant à sonnement, de jugement, de conceptualisation
poursuivre une scolarité en milieu ordinaire, de l'enfant sont faibles, de 2 ET inférieurs à la
avec des aménagements minimes et le soutien norme, avec des capacités grossièrement homo-
de rééducations motivées dont les résultats gènes dans tous les secteurs, il faut évoquer un
doivent être évalués en fonction des objectifs déficit intellectuel (sans préjuger de sa cause).
et sous-objectifs définis conjointement avec Refuser ce diagnostic, dont la connotation
l'enseignant et l'enfant. est abusivement perçue comme très négative,
conduit à des situations très difficiles pour les
enfants. Ils se voient proposer des activités tou-
Au contraire, l'absence de diagnostic conduit, jours hors de leur portée, se sentent en perpé-
dans nombre de ces cas, à la diffusion progres- tuel décalage, ne sont jamais gratifiés par leurs
sive du trouble dans l'ensemble de la scolarité : productions.
l'enfant, ses parents et l'enseignant assistent
impuissants et démunis à la détérioration pro-
gressive de la situation scolaire, malgré la mise
en place apparente de soutiens, aides et remé- Un retard mental ne peut pas être compris
diations (RASED, CMP, rééducations en libéral, comme une accumulation de troubles spéci-
classes à petits effectifs, intervention d'un maître fiques. Cela conduirait à épuiser l'enfant par
spécialisé, soutien psychologique, etc.). une succession de rééducations (orthophonie,
En effet, sans diagnostic précis, sans éclairage sur ergothérapie, psychomotricité, rééducation du
les mécanismes sous-jacents aux symptômes, les calcul, soutien psychologique, etc.), dont il ne
différents intervenants seront impuissants à faire pourrait ni faire la synthèse ni comprendre la
à l'enfant des propositions pertinentes, ciblées et cohérence.
efficaces.

Mais dans certains cas, même alors que l'on dis- 24


NS aux épreuves de facteur G homogènes, infé-
pose d'un diagnostic bien étayé et que des actions rieures à 7.

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Chapitre 8. Troubles spécifiques des apprentissages

Cas de pratique clinique Du point qualitatif, le contact est pourtant


approprié et adapté. Les réponses dans le domaine
Romain : multi-« dys » ? verbal révèlent néanmoins quelques atypies du
Romain, 6 ans 6 mois, est scolarisé en classe de CP langage : articulation très appuyée, quelques
au sein d'une école privée Montessori. Les parents erreurs de morphologie de la langue (« Les deux se
constatent de nombreuses difficultés chez leur boit », « C'est les animals qui le font »).
enfant. Des bilans psychomoteurs, orthopho-
niques et psychologiques ont indépendamment Dans le domaine sensorimoteur
mis en évidence des fragilités, sans qu'une cohé- La latéralité est plutôt à droite et pourtant fonc-
rence puisse être tirée de ces données. Le but du tionnellement, l'enfant peut encore saisir spon-
bilan actuel est de donner du sens à l'ensemble de tanément de la main gauche. Sur une page A4,
ces observations. l'exploration visuelle est encore très lente (Barrage
des cloches, - 2 ET). La stratégie n'est pas organisée,
Des parents trop inquiets ? et consiste en de grandes saccades qui traversent
Romain est né dans des conditions assez particu- la page de part en part, sans approche locale de
lières et fait l'objet avec ses sœurs de toutes les sol- proche en proche. La discrimination visuelle fine
licitudes. En effet, les trois enfants sont nés suite est correcte (Beery VMI, T = 111). La perception de
à une grossesse multiple assez tardive permise par figures emmêlées est un peu plus difficile (Frostig).
un dispositif de PMA. On relève d'emblée que les Dans le domaine moteur, on remarque qualita-
deux filles, du point de vue des parents, ne pré- tivement que la marche est peu harmonieuse, que
sentent pas d'atypie de développement et ne béné- l'enfant ne peut marcher en tandem, et a tendance
ficient d'aucun suivi. à tomber. Il n'arrive pas à sauter à cloche-pied.
L'anamnèse met en évidence chez Romain de Dans le domaine de la motricité fine et distale, la
nombreux signes diffus dans la plupart des sec- réalisation de mouvements répétitifs des doigts
teurs cognitifs. Si le langage semble bien préservé, est assez lente, avec une certaine difficulté à
l'enfant a des problèmes d'équilibre, d'orientation régulariser le rythme (NEPSY, Tapping, - 1 ET).
dans l'espace. Les praxies semblent déficitaires La réalisation de séquences digitales est presque
(dessin, habillage, activités de la vie quotidienne). impossible à droite, avec des erreurs de doigts, des
La socialisation est assez pauvre, la communi- syncinésies toniques de la bouche. À gauche, le
cation un peu atypique. Depuis l'entrée au CP, mouvement est abandonné presque tout de suite
les apprentissages formels sont tous difficiles et Romain dit : « J'y arrive pas ». Dans un exercice
(lecture, écriture). L'accès à l'arithmétique est en d'habileté digitale consistant à glisser rapidement
revanche aisé. des clés dans des serrures orientées, Romain est
Les interrogations sont de fait aussi variées que en grande difficulté (Grooved Pegboard, côté
la multiplicité des signes : retard global (léger) ? dominant et non dominant, < - 1 ET).
trouble du spectre autistique ? trouble(s) spéci- La coordination oculomanuelle est aussi mar-
fiques co-occurrents ? quée par des fragilités : sans exigence de vitesse, la
réussite situe Romain dans la moyenne pour son
Bilan âge (Beery-VMI, T = 104). Quand on ajoute une
Les tâches révélatrices des compétences géné- exigence de rapidité, les difficultés deviennent
rales de l'enfant et de sa dynamique intellectuelle très importantes (NEPSY, Précision visuomotrice,
globale permettent d'écarter sans ambiguïté un NS = 2). Dans un travail consistant à suivre un
éventuel retard homogène, global (Similitudes, chemin du stylo aussi rapidement que possible
NS = 16 ; Identification de concepts, NS = 12 ; sans lever le crayon et sans sortir de la route, les
Arithmétique, NS = 13). Le raisonnement par levées de crayon sont permanentes, marquant une
analogie est nettement plus décevant (Matrices, faible fluidité du geste. La tenue de stylo est tridi-
NS = 8), avec une certaine difficulté à comprendre gitale, mais très près de la pointe. La réalisation
les enjeux pragmatiques de la tâche. est très lente et laborieuse.

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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

Dans le domaine praxique les praxies buccophonatoires ne soulèvent pas


Il existe aussi des déficits. La réalisation de confi- d'inquiétudes. Concernant la structure du langage,
gurations digitales est difficile (Imitation de la on relève des erreurs de syntaxe systématiques :
position des mains, NS = 5). La réversibilité est « C'est tout ce que je m'en rappelle » ; « Je sais pas
instable, Romain ayant tendance à réaliser les quoi c'est ». La compréhension des consignes a été
gestes en miroir. Beaucoup de positions sont ini- parfois gênée par une difficulté d'interprétation de
tialement aberrantes par rapport au modèle, puis la pragmatique de la situation. Romain peut être
convergent graduellement, lentement et approxi- assez décalé dans ses réactions.
mativement vers la position attendue. Romain Dans des épreuves plus formelles, la compré-
tâtonne le plus souvent et a besoin de s'aider de hension active du vocabulaire est un peu fragile
l'autre main. (Vocabulaire, NS = 8). Dans une épreuve consistant
La réalisation de mimes d'action sur ordre oral à donner la définition de mots isolés, les réponses
(praxies idéomotrices) est difficile, avec des réac- sont assez superficielles et quelques fois décalées
tions surprenantes (« Fais semblant de te peigner (« Qu'est-ce qu'une île ? » : « Pour que les canards
avec un peigne » : « J'ai pas vu depuis 2 heures, je viennent se baigner »).
sais pas »). Beaucoup de mouvements sont vagues La compréhension morphosyntaxique, quant
et ébauchés (couper un papier avec une paire de à elle, est bonne (NEPSY, Compréhension de
ciseaux ; couper un bout de bois avec une scie). consignes, NS = 13).
Pour le geste « éplucher une banane », Romain La compréhension des situations de la vie quoti-
a besoin de décrire verbalement ce qu'il faudrait dienne est néanmoins très limitée (Compréhension,
faire. La réalisation de gestes conventionnels NS = 7). La compréhension de certains mots gêne
(praxies idéatoires) est généralement correcte. Les l'enfant. L'esprit d'analyse est superficiel, la repré-
praxies d'utilisation d'outils sont en revanche très sentation pragmatique de ­certaines situations est
difficiles à mobiliser : le découpage d'un cercle difficile :
ou d'un rectangle est très laborieux. Le papier est • « Que dois-tu faire si tu vois une fumée épaisse
déchiqueté. sortir de la fenêtre de la maison de ton voisin » :
Dans le domaine visuoconstructif, la copie « Je ne sais pas ce qu'il faut faire, mais tu peux
de la Figure de Rey est très déficitaire et le résul- me le dire ».
tat méconnaissable (exhaustivité et précision, • « Pourquoi encourage-t-on la récupération des
< 10e centile). Notons que le dessin spontané est bouteilles vides ? » : « Parce qu'ils ont un long
simplifié (arbre, bonhomme), mais pertinent. La chemin, les gens qui récupèrent les bouteilles
copie de figures plus élémentaires (rond, carré…) vides »…
est correctement réussie (Berry VMI, T = 100). Sur le versant expressif à l'oral, la narration libre
En 3D, Romain s'en sort bien, avec de bonnes est difficile. Quand on lui demande de raconter
qualités de synthèse visuelle (Cubes, NS = 12). On une histoire bien connue (« Le Petit Chaperon
relève des stratégies astucieuses. rouge »), l'enfant dit ne plus s'en rappeler. Si on lui
Pour ce qui est de l'écriture, l'entraînement est demande de raconter une histoire à lui, l'expres-
récent (6 mois). Mais la vitesse de copie reste très sion est peu structurée, et consiste en fragments
faible (BHK). La trace est macrographique. Les de phrases mis bout à bout.
retouches sont très nombreuses. On remarque
que le geste est faiblement automatisé. L'écriture À l'écrit
spontanée du nom et du prénom est possible, mais Après 6 mois d'apprentissage formel, Romain est
très macrographique. encore non lecteur. Du point de vue des prére-
quis de la lecture, beaucoup de lettres ne sont pas
Dans le domaine du langage
encore reconnues (D, d, p, c, k, z). L'assemblage
À l'oral consonne-voyelle est encore lent et difficile
Les fragilités sont aussi diffuses, inconstantes. Le (jusqu'à 7 s par paire, avec des confusions b/d,
discours peut être marqué par des répétitions un p/q…). Il y a aussi beaucoup d'erreurs (/lo/ pour
peu hors sujet et hors contexte (« J'avais oublié »). /fo/, /qi/ pour /pi/, /vu/ pour /ve/, /é/ pour /
L'articulation est atypique et très appuyée. Pourtant te/…). S'il n'est pas question de parler de dys-

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Chapitre 8. Troubles spécifiques des apprentissages

lexie après quelques mois d'exposition formelle à Dans le domaine exécutif


lecture, la situation est cependant préoccupante Chez Romain, les capacités de planification
et les risques d'un trouble de l'accès au langage sont fragiles. Au cours de la réalisation de petits
écrit sont élevés. casse-tête, le raisonnement spatial est bon (Tour
de Londres, NS = 9), mais l'enfant a tendance
Dans le domaine mnésique à transgresser les règles dès qu'il lui semble
L'encodage rapide d'informations visuelles non être bloqué. Lorsque l'efférence est verbale, la
verbalisables est correct (Mémoire des visages, flexibilité mentale est faible (Petits hommes
dans la moyenne). La récupération libre d'une verts, 20 e centile). Dans le domaine moteur, les
information précédemment encodée a été rendue capacités d'inhibition sélective sont aussi fra-
impossible par les difficultés de l'encodage (Figure giles (go-no go).
de Rey, exhaustivité et précision, < 10e centile). Toujours dans le domaine exécutif, les capacités
La mémoire immédiate est dans la norme en mémoire de travail sont en revanche bonnes
attendue (empan de chiffres endroit à 5, soit la (Indice de mémoire de travail, T = 110).
bonne moyenne pour son âge). L'empan de mots
est quant à lui un peu plus faible (CVLT, empan Dans le domaine
de mots, liste A, essai 1, - 0,5 ET). La mémorisa- de la cognition sociale
tion de phrases complètes est solide (Répétition Au vu de l'histoire développementale de Romain
de phrases, NS = 14). On note des petites erreurs et des fragilités constatées dans le domaine de
d'articulation (« li » pour « lait », « jabon » pour la pragmatique de certaines situations, les com-
« jambon »). Les exercices d'apprentissage de liste pétences de l'enfant dans le domaine du traite-
de mots sont réussis (CVLT), mais Romain est ment de l'information sociale et de son accès à
ensuite pénalisé par un puissant effet d'interac- la théorie de l'esprit. Il en ressort que (épreuves
tion rétrograde (rappel immédiat intervenant d'Happé) :
juste après la liste interférente, liste A, - 2,5 ET) • Romain n'a pas de difficulté à comprendre les
d'un apprentissage sur un autre de même nature. pensées au 1er ordre et en particulier les fausses
Après la liste interférente, Romain ne rappelle croyances ;
plus que deux mots de la liste d'apprentissage • les pensées au 2e ordre sont aussi accessibles
initiale répétée cinq fois. Après un délai, la con­ spontanément ;
solidation de la trace est correcte, par rapport • l'enfant a accès aux notions de faire-semblant,
à ce qui a été rappelé initialement librement de plaisanterie, de mensonge et de pieux
(rappel différé, liste A, - 0,5 ET). La qualité de mensonge ;
l'encodage s'avère bonne (Reconnaissance diffé- • si les métaphores ne sont pas comprises, il faut
rée, + 0,5 ET). rappeler que ce sont des notions acquises à par-
Lorsque le matériel est plus étoffé, le rappel tir de 7/8 ans ;
libre d'une narration est assez difficile (NEPSY, • les dilemmes sociaux sont bien résolus ;
Mémoire narrative, NS = 5). La ligne thématique • le mime des émotions du visage est faisable
n'est pas retrouvée. Le rappel libre des détails est (content, triste, surprise), mais échouées pour
faible. Les indices aident peu Romain. deux d'entre elles (dégoût et peur). La recon-
naissance sur autrui mène cependant à des
Dans le domaine attentionnel confusions (content/surpris).
Dans la modalité auditivoverbale, l'attention foca- Si Romain présente donc des fragilités dans
lisée est un peu fragile (Tea-Ch, Coups de fusil, l'anticipation des réactions et affects, et en parti-
16e centile), mais pas particulièrement déficitaire. culier, les mimiques, on ne peut parler chez lui de
Du point de vue comportemental, l'épreuve Statue troubles de la cognition sociale.
de la NEPSY est très difficile à réaliser. Au bout de Que penser de ce tableau complexe, où les apti-
30 s, Romain ne tient plus la position demandée. tudes indéniables de l'enfant le disputent à de
Les observations de l'entourage au travers des nombreuses fragilités, voire troubles au moins
échelles de Conners ne mettent cependant pas en dans le domaine moteur, praxique, langagier et
évidence d'hyperactivité. mnésique ?

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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

Dans chacun de ces secteurs, les atypies n'en- Baruk S. Si 7 = 0, Quelles mathématiques pour l'école ?
vahissent pas tout le domaine. Certains aspects Paris : Odile Jacob ; 2004.
Bosse ML, Tainturier MJ, Valdois S. Developmental dys-
sont préservés, d'autres mettent sérieusement
lexia : the visual attention span deficit hypothesis.
l'enfant en difficulté. Les ressorts habituels de ces Cognition 2007 ; 104 : 198–230.
troubles infiltrants (à savoir l'attention, les fonc- Brissiaud R. Premiers pas vers les maths. Paris : Retz ;
tions exécutives, les processus mnésiques) ne sont 2007.
pas si déficitaires qu'ils puissent à eux seuls les Butterworth 1. B, Kovas Y. Understanding neurocognitive
expliquer. developmental disorders can improve education for
all. Science 2013 Apr 19 ; 340(6130) : 300–5.
Force est donc d'accepter que l'enfant est Chi MTH, Klahr D. Span and rate of apprehension in child-
pénalisé par la somme de troubles multiples. ren and adults. J Exp Child Psychol 1975 ; 19 : 434–9.
Certains pourraient s'avérer à terme assez Kobayashi et al. (2005) ; Jordan et Brannon (2006).
sévères (la lecture, par ex., et/ou l'écriture), Club d'oculomotricité cognitive (actes de la « journée didac-
d'autres sont plus légers. Chacun pris isolément tique »). Dyslexie, troubles d'apprentissage et d'attention,
aurait pu avoir fonctionnellement peu d'impact, et problèmes oculomoteurs. Réseau des Sciences cogni-
tives d'Ile-de-France, 27 et 28 septembre 2002, Paris.
mais ici les uns potentialisent les autres, créant Dehaene S, Bossini S, Giraux P. The mental representation of
un tableau multi-« dys » gênant la plupart des parity and number magnitude. Journal of Experimental
apprentissages. Psychology : General 1993b ; 122(3) : 371–96.
Notons que devant un tableau complexe comme Dehaene S, Izard V, Spelke E, et al. Log or linear ? Distinct
celui-ci, des consultations en neuropédiatrie ont Intuitions of the Number Scale in Western and
Amazonian Indigene Cultures. Science 2008a.
été réalisées. Des explorations complémentaires
Dehaene S, Izard V, Spelke E, et al. Log or linear ? Distinct
sont diligentées (IRM et EEG) qui reviennent Intuitions of the Number Scale in Western and
« normales » (c'est-à-dire qu'à leur niveau de dis- Amazonian Indigene Cultures. Science 2008b ;
crimination, elles sont insuffisantes à dévoiler les 320(5880) : 1217–20.
éventuelles anomalies structurelles ou fonction- Dehaene S. La bosse des maths. Paris : Odile Jacob ; 1999.
nelles du cerveau de l'enfant). Le tableau n'est pas Dehaene S. Les Neurones de la lecture. Paris : Odile Jacob ;
2007.
évocateur d'un syndrome neurologique particu- Dehaene-Lambertz G, Spelke E. The Infancy of the
lier. Sans hypothèse de cible, on renoncera à la Human Brain. Neuron 2015.
réalisation d'un caryotype. Deloche G, Seron X, Bergego C. Traitement des nombres et
Si la prise en charge en orthophonie est indis- calcul : données théoriques et perspectives thérapeu-
pensable (langage écrit prioritairement, mais tiques. Ann Réadapt. et méd Phys, 32. 1989. p. 627–37.
aussi oral, y compris sur certains éléments de Denckla, M.B., Wolf, M. Rapid automatized naming and
rapid alternating stimulus test, pro-ed inc., 2005.
pragmatique du langage), ainsi que des séances Dépistage des troubles de l'apprentissage scolaire : tests,
en psychomotricité, il n'est pas question d'écraser bilans, batteries ; intérêt et limites. In : ANAE ; 2002.
l'enfant (et son entourage) de prises en charge tous p. 14. n° 66, 1.
azimuts. Les aménagements en classe seront dès Fischer J.P. La dyscalculie développementale. ANAE
lors primordiaux (soulager le langage écrit, s'as- 2009 ; 102.
Friedmann N, Gvion A, Nisim R. Insights from develop-
surer de la bonne compréhension des consignes,
mental and acquired letter position dyslexia on mor-
placer l'enfant près de l'enseignant, rappeler régu- phological decomposition in reading. Front Hum
lièrement son attention, rester vigilant quant à sa Neurosci 2015 ; 9.
bonne intégration avec ses pairs…), même s'il faut Frith U. Beneath the surface of developmental dyslexia. In :
probablement rester modeste quant aux ambi- Patterson KE, Marshall JC, Coltheart M, editors. Surface
tions scolaires à terme. dyslexia. Neuropsychological and cognitive studies of
phonological reading. London : Erlbaum ; 1985. p. 301–30.
Bibliographie Garnier-Lasek D. La lecture par imprégnation syllabique.
Paris : Ortho-édition ; 2002.
Arp S. Rôle du handicap visuomanuel dans l'évaluation Gelman R, Gallistel C. The child's understanding of num-
des petites quantités chez l'enfant IMC ; recherche des ber. Cambridge MA : Harvard University Press ; 1978.
stratégies de compensation. DEA de psychologie cogni- Gelman R. Counting in the preschooler : what does ans does
tive de l'enfant et de l'adulte, Institut de Psychologie, not develop. In : Siegler RS, editor. Children thinking ;
Laboratoire cognition et développement, Laboratoire what develops. Hillsdale NJ : Erlbaum ; 1978.
associé au CNRS, UMR-8605, université René- Gelman R. Les bébés et le calcul. In : La recherche ; 1983.
Descartes, Paris-V. 2000. p. 1382–90. 149-14.

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Chapitre 8. Troubles spécifiques des apprentissages

Groupe CIMETE. Compétences et incompétences en Mazeau M. « du logico-mathématique » aux dyscalculies,


arithmétique. Une aide au diagnostic et à l'action in : la cognition mathématique, Rééducation ortho-
pédagogique particulièrement destinée aux enfants phonique ; 2017.
affectés de troubles sévères d'apprentissages. ANAE ; Mazeau M. Aspects cliniques des dyscalculies chez l'en-
1995. p. 58–63. fant. Rééducation orthophonique 1999 ; 113–29.
Guedj A. Le théorème du perroquet. Paris : Seuil ; 1998. Mehler J, Bever TG. Cognitive Capacity of Very Young
p. 278. Children. Science. Vol. 158. 1967a. p. 141–2. No. 3797.
Houdé O. Cerebral basis of human errors. In : Changeux, Meljac C, Lemmel G. Observer et comprendre la pensée de
Singer, Damasio, Christen, editors. Neurobiology of l'enfant avec l'UDN II. Paris : Dunod ; 2007.
Human Values. Berlin/New-York : Springer Verlag ; Mousty P, et al. Batterie d'évaluation du langage écrit et de
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Houdé O. Rationalité, développement et inhibition : un tale, université libre de Bruxelles ; 1994.
nouveau cadre d'analyse. Paris : PUF ; 1995. Piaget J. La genèse du nombre chez l'enfant. Neuchatel,
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Conclusion

Quand un enfant d'ouvrier échoue, c'est à cause de la domination culturelle et


sociale qui s'exerce sur sa famille ; quand un élève de la classe moyenne échoue,
c'est à cause des problèmes psychologiques de sa famille ; quand il s'agit d'enfants
de migrants, c'est à cause de problèmes culturels et ethniques. […] Ainsi, la
sensibilité positive aux différences se retourne inévitablement en stigmate car si
les succès des élèves tiennent aux vertus de l'école, leurs échecs tiennent à leurs
spécificités culturelles et sociales.
François Dubet, « Les différences à l'école : entre l'égalité et la performance ».
Colloque de Cerisy, La différence culturelle, Balland, 2001.

Les moyens à disposition du clinicien, en neuropsy- Ce long processus, qui conduit du symptôme
chologie infantile, sont issus d'un savoir relativement au diagnostic, nécessite méthode, rigueur et esprit
récent et en permanent remaniement ; ils ne peuvent d'analyse. Il requiert également beaucoup de
pas être considérés comme des acquis définitifs. temps et des cliniciens formés à ces techniques car
Cependant, ce qui va évoluer (notre corpus de il n'y a pas de bilan type. Si les symptômes, eux,
connaissances, les modèles auxquels nous nous sont visibles et patents, le diagnostic, les racines du
référerons, notre compréhension et notre abord trouble, sont cachés et difficiles à débusquer.
des troubles) pourra remettre en cause le choix ou Ce caractère invisible des pathologies neuropsy-
la pertinence de telle ou telle épreuve, mais non la chologiques sous-jacentes peut être un important
démarche générale qui constitue la colonne verté- surhandicap pour les jeunes qui en sont les vic-
brale de l'évaluation neuropsychologique. times : par ignorance le plus souvent, leurs symp-
tômes donnent lieu à des a priori, à des jugements
qui peuvent être lourds de conséquence (« Il est
Il faudra toujours se plier à ses règles exigeantes :
idiot, opposant, fainéant, inéducable… »).
• partir de tests étalonnés, qui nous servent de
référence, afin d'objectiver la pathologie et d'en
« Depuis peu, je marche avec une canne et,
chiffrer l'intensité ; depuis, j'ai constaté le changement subtil du regard
• faire l'inventaire des compétences requises pour des autres, plus respectueux, plus patient. Moralité,
effectuer chaque tâche proposée et en conduire il faut avoir un emblème qui montre le handicap
l'analyse en fonction des modalités sollicitées pour pour que les valides comprennent les choses » (une
prendre les informations afférentes (entrées), celles adulte, à propos de son trouble du langage oral)1.
exigées par la nature de la tâche et celles réclamées Enfin, ce bilan ne peut être conduit sans la par-
par les modalités de réponse (sorties) ; ticipation et surtout la confiance de l'enfant.
• construire alors le bilan, pas à pas, en fonction Nous ne pouvons rien faire sans son implica-
des modèles développementaux dont nous dispo- tion : nous avons besoin, tout au long du bilan,
sons, des réussites ou échecs de l'enfant, la nature qu'il accepte de se livrer, qu'il nous expose ses
de ses erreurs et les stratégies qu'il met en œuvre ; conceptions, qu'il nous confie ses stratégies, et ce,
• enfin, vérifier soigneusement chaque hypo- le plus souvent, dans des domaines où il se sait en
thèse, en recoupant les épreuves, en recherchant difficulté, voire en échec sévère. Cela demande de
systématiquement les dissociations, en éva- sa part une bonne dose de courage, soutenu par
luant l'impact de telle ou telle aide, en reliant
clairement le trouble cognitif supposé et le(s)
symptôme(s) présenté(s) par l'enfant.
1
Témoignage, actes des 20e Journées d'études, APF for-
mation, Paris, janvier 2007, p. 102.
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Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant

l'espoir d'une aide, d'une amélioration de sa situa- symptômes de l'enfant, prévoir des rééducations
tion souvent vécue comme une humiliation et une pour limiter ou réduire les déficits et les déviances,
souffrance sans issue. mais aussi, simultanément, entraîner les fonctions
préservées, utiliser suppléances et palliatifs, obte-
Donner sens aux différentes tâches que nous pro- nir des aménagements pédagogiques adaptés. Ce
posons à l'enfant, lui restituer une information en projet sera évolutif, en fonction de l'âge de l'en-
retour sur sa performance et l'informer avec tact fant, du projet familial et des possibilités locales,
et clarté de nos conclusions est indispensable. et les objectifs devront sans cesse en être réajustés,
selon les résultats et l'évolution.
La neuropsychologie n'a pas vocation à expli-
Ainsi, conduite dans le respect de l'enfant, quer l'ensemble ou l'entièreté du fonctionnement
menée au décours d'un entretien et d'une authen- psychique ni intellectuel humain. Elle ne peut être
tique rencontre avec le jeune et ses parents, l'éva- comprise que comme une tentative r­ aisonnée d'en
luation neuropsychologique prend tout son sens approcher certains aspects. L'enjeu, c'est d'essayer
et peut permettre d'engager un véritable projet de comprendre le fonctionnement mental d'un
thérapeutique : ce dernier ne sera pas directement enfant dans sa spécificité, de percevoir les méca-
issu des résultats aux différentes épreuves (on nismes qui ont conduit au symptôme, de mettre
ne va certainement pas rééduquer ou chercher à à jour aussi bien les processus déficitaires ou
améliorer tous les points négatifs de l'évaluation, déviants que ceux qui sont préservés ou déjà utili-
les échecs ou les contre-performances à telle ou sés par l'enfant pour pallier ses difficultés.
telle tâche !), mais le projet découle directement Alors, le clinicien dispose d'un outil qui lui
du diagnostic neuropsychologique. Il faudra éva- permet de construire, avec l'enfant, un réel projet
luer en quoi ce diagnostic, précisément, éclaire les thérapeutique, réaliste, mesuré, motivé et positif.

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Index des tests

15 mots de Rey, 51, 60, 208, 212, 222, 236, 322 Catégorisation, 25, 48, 57, 72, 76, 100, 140, 167, 253,
ACE, 255 273, 275, 282, 320
ADI-R, (Autism Diagnosis Inventory) 104 Child Behavior Check List : voir Questionnaire
ADOS, 104 d’Achenbach
Alouette-R, 121, 124, 169, 171, 239, 281, 290, 301, 322 Children Memory Scale : voir CMS
Analyse catégorielle, 22, 33, 38, 76, 83, 86, 100, 101, Chronosdictées, 157, 170, 171, 175, 220
110, 163, 184 Chute dans la boue, 94, 95, 112
APM, 23 Classifications, 22, 25, 33, 74, 76, 83, 99, 100, 101, 163
Appariement d'images, 76, 174, 183, 185, 191, 269 CMS 21, 50, 52, 56, 60, 189, 207, 210, 212, 213, 220,
Apprentissage de couples de mots, 240 222, 223, 227, 229, 230, 235, 240, 242, 270, 275, 281
Arithmétique, 26, 29, 33, 40, 77, 79, 80, 84, 85, 86, 126, Code, 38, 41, 42, 79, 85, 99, 128, 140, 143, 162, 163, 209,
128, 143, 162, 169, 173, 195, 217, 221, 234, 238, 241, 277, 217, 259, 277, 283, 302
283, 301, 310, 318, 321, 324, 329 Cogner-frapper, 46, 272, 275
Arrangement d'images, 29, 33, 35, 38, 66, 77, 85, 99, Complètement d'images, 37, 84, 85, 86, 98, 99, 128,
128, 162, 185, 253 141, 150, 162, 164, 185, 277, 324
Assemblage d'images, 277 Compréhension, 27, 84, 85, 86, 98, 112, 113, 115, 116,
Assemblage d'objets, 29, 37, 84, 85, 86, 99, 128, 154, 120, 124, 127, 128, 141, 151, 162, 167, 196, 217, 238, 277,
172, 277 283, 300, 324, 330
Attention auditive, 57, 60, 95, 235, 251, 270, 272, 275, 303 Compréhension de consignes, 25, 49, 58, 112, 120, 228,
Attention auditive et réponses associées, 47, 57, 256, 232, 330
259, 275 Compréhension de lecture, 233, 295, 297
Attention visuelle, 256 Compréhension de mots, 31, 112, 163
Bain des poupées, 94, 112, 185 Compréhension de questions, 95, 112
Balances, 35, 40, 78 Compréhension de situations, 32, 163
Barrage, 43, 143, 144, 164, 172, 174, 191, 280, 296, 300, 323 Compréhension sociale, 83
Barrage des cloches, 43, 143, 170, 301, 329 Connaissances, 83, 163
Batterie mémoire de travail, d’Alboy, 25, 112, 207, 209, Connaissances culturelles, 62, 67
228, 230, 322 Continuous Performance Test : voir CPT
BECS, 104 Copie de figures, 22, 25, 55, 59, 129, 140, 147, 155, 171,
BELEC, 296 195, 281, 330
BEM : voir BEM144 Cubes de Corsi, 209, 229, 230, 235
BEM144, 207, 213, 223, 229, 235, 243, 244 Counting Span, 209
Bender, 155, 173 Coups de fusil, 242, 254, 255, 259, 280, 285, 303, 322, 331
Benton, 155, 173, 235 CPT Conners, 238, 258, 259, 280, 331
BEPL, 95, 112, 235 Cubes 33, 36, 37, 39, 43, 54, 59, 64, 65, 72, 80, 85, 95, 98,
BEPL-A, 92, 94, 123, 185 99, 119, 124, 128, 140, 149, 150, 151, 153, 154, 162, 163,
BEPL-B, 92, 94, 112 165, 171, 172, 195, 198, 217, 238, 247, 265, 277, 302, 330
Beery-VMI, 21, 25, 55, 142, 147, 169, 170, 171, 302, 329 Cubes de Kohs, 23, 24, 59, 100, 101, 140, 153, 154, 155,
BHK, 157, 170, 330 172, 173, 184
BIMM, 115, 116 CVLT, 21, 51, 203, 207, 208, 212, 213, 222, 229, 235,
BREV, 278 239, 242, 272, 275, 284, 331
BV16, BV50, 295 d2, 145, 172, 174, 256
CADDRA, 252 Damier des animaux, 86
California Verbal Learning Test : voir CVLT DAT5, 144
Carrés, 84, 86, 217, 229 Delis Kaplan Executive functions : voir DKefs
CARS, 104 Découpage de l'éléphant, 152
Carte de géographie, 255, 259 Dénombrement de cubes, 62, 64, 144

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Index des tests

Dénomination d'images, 7, 31, 65, 93, 95, 115, 116, 122, Fluence sémantique, 93, 115
182, 183, 197, 243 Fluences verbales, 269, 275
Dénomination des parties du corps, 143, 173 Fluidité de dessins, 47, 274, 275
Dénomination rapide, 22, 50, 57, 218, 292 Frappes, 185, 263, 272, 275, 278
Design Fluency, 47, 275, 281 Frostig, 144, 145, 147, 164, 169, 172, 329
Désignation d'images, 82 Grooved Pegboard, 147, 169, 171, 281, 329
Developmental Test of Visual-Motor Integration : voir Happé, 121, 331
Beery-VMI Histoires, 212, 220, 240, 242
Développement fonctionnel moteur, Vaivre-Douret, 146 Histoires à compléter, 35, 62, 66, 77, 185
Devinettes, 7, 31, 62, 66, 109, 112, 113, 115, 122, 123, Horloges, 48, 59
182, 185, 299 IDC, 25, 33, 34, 35, 40, 43, 44, 57, 72, 76, 80, 98, 99,
Discrimination visuelle, 41, 142, 301, 329 119, 125, 139, 141, 151, 168, 170, 180, 187, 195, 198, 238,
Distinction de doigts, 54, 152 241, 253, 282, 301, 320, 329
DKefs, 47, 56, 100, 112, 115, 267, 268, 273, 274 Identification de concepts : voir IDC
DRA, 50, 292 Images de Blanche Ducarne, 65, 183, 194
DTVP, 21, 143, 147, 172, 181, 182, 184 Images du Père Castor, 194
Échelles de Wechsler, 22, 28, 29, 36, 38, 43, 44, 55, 62, Imitation de la position des mains, 54, 152,
72, 73, 77, 78, 82, 86, 95, 96, 98, 100, 115, 124, 139, 143, 171, 330
145, 149, 154, 159, 167, 173, 185, 187, 197, 216, 221, 227, Information, 33, 84, 85, 86, 128, 162, 163, 167, 187, 216,
234, 258, 282, 298, 326 217, 277, 324
Écouter deux choses à la fois, 254, 255, 259, 280, 285, Inhibition, 48, 57, 169, 271, 275, 284
303, 322 Inhibition selective, 274
ECOSSE, 32, 112, 113, 116, 120, 196, 228, 241, 295 Integrated Visual & Auditory Continuous Performance
ECPN, 221, 278 Test : voir IVA
ECS, 220 Interférence de listes de mots, 51
EDA, 272, 275, 288 IREP, 121, 169, 171, 239, 295, 322
EDEI, 21, 22, 25, 33, 38, 74, 75, 76, 83, 84, 86, 96, 99, IVA, 256, 257, 259, 285, 303
100, 101, 110, 140 Jeannot et Georges, 290
EDP 4–8, 111, 112, 113, 116 KABC, 7, 18, 21, 22, 28, 31, 35, 54, 61, 62, 63, 66, 67, 72,
Égalisation de trois collections, 278 76, 77, 112, 115, 122, 123, 144, 153, 154, 169, 173, 180,
Elithorn Mazes, 37, 269 182, 183, 185, 189, 193, 195, 196, 198, 210, 213, 218, 222,
ELO, 56, 92, 93, 112, 120, 285 223, 227, 229, 230, 235, 253, 255, 263, 269, 275, 296,
Empan de chiffres endroit, 63, 209, 227, 242, 331 299, 300
Épreuve conceptuelle de résolution de problèmes Khomsi, 82, 94
numériques : voir ECPN KiTAP, 258
Épreuve de Hayling, 271, 275 L2MA, 56, 92, 95, 112, 232, 292, 295
Épreuves de rythme, 185, 229 Labyrinthes, 37, 38, 84, 86, 172, 174, 217, 247,
ERTL, 289 265, 269, 275
EVAC, 23, 24, 112 Labyrinthes de Portéus, 174, 184
Évaluation de la motricité gnosopraxique distale, 146, Laby 5–12, 37, 174, 269
152, 173 Lecture et compréhension, 296
Évaluation des fonctions cognitives et apprentissages Lecture et déchiffrement, 296
de l'enfant : voir EDA Leiter, 98, 110
EVIP, 21, 32, 111, 112, 113, 115, 120, 196, 218 Liste de mots, 51, 60, 207, 208, 211, 212, 213, 222, 229,
Expression écrite, 157 235, 242, 272, 331
Expressive One Word, 21, 32, 116, 120, 197, 241 LMCR, 295
Faire deux choses à la fois, 255, 259 M-ABC, 146, 147, 152
Faux-pas, Baron-Cohen, 121 Manque du mot : voir BIMM
Figure de Luria, 273, 274, 275, 277, 278, 281 Marche/arrête, 255
Figure de Rey, 21, 23, 24, 128, 148, 155, 164, 165, 169, Matrices, 25, 29, 35, 40, 43, 72, 77, 80, 95, 98, 99, 100,
172, 173, 195, 208, 213, 235, 236, 238, 239, 240, 241, 119, 124, 126, 139, 140, 141, 150, 151, 163, 169, 170, 173,
242, 283, 302, 323, 326, 330, 331 180, 195, 238, 241, 253, 282, 301, 320, 329
Figures géométriques, 84, 86, 97, 174 Matrices analogiques, 173, 198, 299
Finger Tappers, 53 Mémoire associative, 52, 62, 65, 214, 240, 242
Flèches, 25, 55, 59, 144, 172, 174 Mémoire de chiffres inverse, 39, 63, 208, 209
Fluence, 58, 93, 109, 112, 274 Mémoire de liste de mots, 50

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Index des tests

Mémoire de travail, 38, 209, 213, 214, 216, 224, 226, Raisonnement catégoriel, 140
227, 228, 231, 234, 258, 277, 293 Raisonnement conceptuel, 62, 64, 76
Mémoire de visages, 22, 52, 60, 196, 213, 331 Raisonnement spatial, 269, 275
Mémoire des chiffres, 38, 40, 62, 99, 123, 187, 208, 253 Raisonnement verbal, 31, 66, 77, 126, 163, 169, 185,
Mémoire des figures, 52, 60 195, 218, 283, 301
Mémoire des images, 40, 208 RAN/RAS, 171, 292
Mémoire des prénoms, 52, 59, 210, 240, 242 Rapidité visuomotrice, 147
Mémoire narrative, 52, 60, 235, 331 Recherche dans le ciel, 254, 255, 280
Mémoire spatiale, 39, 198, 213, 229 Récit entendu, 208, 213
Mémoire visuospatiale, 39, 52, 173, 223, 243 Reconnaissance d'affects, 52, 56, 60, 189
Mémorisation de localisation de points, 207, 213 Reconnaissance de formes, 62, 65, 193, 196, 198, 300
Mémorisation de suite de mouvements de mains, 229, Reconnaissance des visages, 62, 64, 189, 194, 223
230, 235 Reconnaissance immédiate des visages, 239
Memory, 239 Reconnaissance différée des visages, 239
Mondes contraires, 255 Relations spatiales, 145, 172, 173
Motor Coordination, 147, 281 Répétition de chiffres à l'endroit, 38, 123, 231, 258, 264
Mouvements des mains, 54, 62, 63, 123, 185 Répétition de chiffres à rebours, 298
MSCA, 21, 22, 30, 39, 112, 185, 208, 213, Répétition de non-mots, 209
222, 227, 235 Répétition de phrases, 52, 60, 61, 212, 235, 242, 331
NEEL, 49, 92, 94, 95, 112, 116, 120, 208, 228, Répétition de pseudo-mots, 49, 228, 231
235, 292, 300 Reproduction de rythmes, 208
NEMI, 21, 22, 72 Séquences, 270, 275, 281, 322
NEPSY, 21, 22, 25, 28, 36, 39, 43, 46, 47, 48, 49, 51, 52, Séquence Lettres-Chiffres, 44, 60, 98, 99, 208, 227,
54, 55, 56, 57, 61, 64, 72, 76, 78, 100, 112, 113, 115, 116, 228, 229, 230, 241, 253, 298, 321, 322
120, 140, 143, 144, 146, 147, 152, 153, 154, 155, 163, 167, Séquences logiques, 62, 66, 77, 169, 253
169, 172, 173, 174, 189, 196, 208, 210, 212, 213, 218, 222, Séquences motrices, 53
223, 228, 232, 235, 239, 242, 256, 259, 260, 267, 268, Séquences motrices et manuelles, 54
269, 270, 271, 272, 273, 274, 275, 282, 284, 285, 292, Séquences oromotrices, 49, 61
303, 320, 329, 330, 331 Série de photos, 198
Night and day, 271, 275 Similitudes, 25, 26, 27, 30, 33, 34, 72, 75, 76, 84, 85, 86,
NSST, 112, 116, 122, 185, 276 98, 99, 111, 119, 125, 128, 139, 140, 141, 151, 162, 163,
NUMERICAL, 221, 311 164, 165, 167, 168, 170, 184, 185, 187, 191, 193, 194, 195,
O52, 82, 113, 116, 122, 123, 128, 185, 228, 243 198, 216, 217, 236, 238, 241, 277, 279, 282, 298, 300,
Odédys, 14, 21, 143, 170, 171, 220, 232, 280, 292, 296, 301, 320, 324, 329
301, 302, 304 SLC : voir Séquence Lettres-Chiffres
Orientation, 56, 59, 144, 172, 174 Snijders-Oomen, 110
Patterns visuels, 229 SPM, 21, 23, 72, 279, 280
PELEA, 112, 115, 116 Statue, 47, 57, 61
Perception visuelle, 147 Stroop, 48, 57, 148, 271, 274, 275, 322
Petits hommes verts, 148, 255, 274, 275, 284, 322, 331 Suite de mots, 62, 63, 299
Phrases mémorisées, 86, 124 Suites de mouvements de mains, 230, 235
Planification spatiale, 62, 64 Symboles, 42, 128, 142, 171, 259, 277, 283, 302
PM, 22, 23, 24, 77, 99, 101, 122, 163 Tapping, 53, 58, 146, 169, 171, 208, 302, 329
PMC, 100, 140 TAS, 220
Points et barres, 172 TCG, 112, 113, 116
Positions dans l'espace, 144 Tea-Ch, 21, 43, 242, 253, 255, 256, 259, 274, 275, 280,
Poupées, 315 285, 303, 322, 331
Précision visuomotrice, 53, 147, 329 Tedi-Maths, 143, 221, 311, 315, 316
Processus phonologiques, 22, 50, 232, 292 Tedi-Maths Grands, 221, 311, 315, 316
Production d'énoncés, 112, 116 Test d'écriture d'Ajuriaguerra, 170, 284, 302
Production de mots, 50 Test de lecture de l’IREP : voir IREP
Progressives Matrices : voir PM, SPM, APM, PMC Test de rétention visuelle de Benton : voir Benton
Purdue Pegboard, 147 Test des lignes de Bender, 25
Puzzles d'images, 56, 59 Test moteur de structuration visuelle
Puzzles géométriques, 56, 59 de Bender : voir Bender
Questionnaire d'Achenbach, 252 Théorie de l'esprit, 56, 60, 285

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Index des tests

TMT, 275 Vol du PC, 295


Token test, 25, 49 WAIS, 21, 22, 28, 29, 35, 39, 66, 73, 77, 78, 99, 149, 154,
Tour de Hanoï, 15, 46, 77, 100, 101, 148, 169, 267, 268, 209
275, 281, 322 WCST, 272
Tour de Londres, 46, 78, 267, 268, 275, 331 Wechsler non verbal : voir WNV
Transmission de codes, 254, 259 WIAT, 157, 195, 233, 284, 295, 302, 311, 321
Triangles, 65, 153, 154, 195, 198 WISC, 13, 15, 16, 18, 21, 22, 23, 25, 26, 27,
Triangles supplémentaires, 62 28, 29, 32, 33, 35, 36, 37, 38, 39, 41, 54, 66,
TVAP, 32, 111, 112, 113, 115, 180, 185, 218, 243, 276, 277 67, 72, 73, 74, 76, 77, 78, 80, 98, 99, 115, 119,
TVPS, 144, 181, 184, 195, 208, 239 125, 127, 128, 139, 140, 142, 148, 153, 154, 161,
UDN, 25, 57, 76, 100, 101, 140, 173, 198, 221, 310, 315 162, 164, 192, 194, 208, 216, 218, 222, 227, 228,
Utilisation fonctionnelle du dénombrement, 315 234, 235, 236, 238, 241, 247, 253, 269, 272, 275,
Vineland, 122 276, 277, 279, 282, 295, 299, 300, 310, 311, 318,
Verbal Fluency, 275 324, 326, 327
Visual Perception, 301 Wisconsin cards sorting test : voir WCST
Vitesse de traitement, 29, 41, 226, 259 WNV, 29, 35, 37, 39, 77, 98, 110
VOCIM, 23, 24, 32, 82, 111, 112, 113, 115, 122, 123, WPPSI, 18, 21, 22, 28, 29, 31, 32, 35, 37, 39, 44, 55, 73,
180, 185, 218 76, 80, 83, 84, 85, 86, 95, 98, 112, 117, 122, 136, 137,
Vocabulaire, 27, 29, 32, 83, 84, 85, 86, 98, 115, 119, 124, 140, 149, 153, 154, 163, 173, 174, 185, 193, 222, 235,
127, 128, 141, 151, 162, 163, 167, 185, 196, 216, 217, 241, 243, 244, 326, 327
277, 284, 300, 324, 330 Zareki, 143, 221, 311, 315, 316, 321

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