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P l a n t e s m é d i c i n a l e s e t a r o m a t i q u e s

Evaluation agronomique et phytochimique


de Stevia rebaudiana pour la culture en Suisse
José F. VOUILLAMOZ1, Evelyn WOLFRAM-SCHILLING2, Claude-Alain CARRON1 et Catherine A. BAROFFIO1
1
Agroscope, 1964 Conthey, Suisse
2
Zürcher Hochschule für angewandte Wissenschaften ZHAW, 8820 Wädenswil, Suisse
Renseignements: José Vouillamoz, e-mail: jose.vouillamoz@agroscope.admin.ch, tél. +41 58 481 35 36, www.agroscope.ch

Figure 1 | Culture de Stevia rebaudiana (Bertoni) Bertoni, une plante édulcorante sans calories, qui montre une belle vigueur à Bruson (1050 m),
le 29 septembre 2015, après 89 jours de culture.

Introduction du Paraguay, du Brésil, d’Argentine et de Bolivie, ont


utilisé cette plante (appelée ka’a he’ê, «herbe sucrée»)
Originaire du Paraguay et des régions limitrophes du dès l’époque précolombienne comme édulcorant, sous
Brésil, Stevia rebaudiana (Bertoni) Bertoni (fig. 1) est forme de feuilles fraîches ou d’infusion. Son nom géné-
une plante riche en molécules édulcorantes sans calo- rique Stevia lui vient du médecin espagnol Petrus Jaco-
ries, 50 à 400 fois plus sucrées à poids égal que le sac- bus Stevus (1500–1556), qui en a fait la première étude,
charose (Goyal et al. 2011). Les Guarani, un groupe de tandis que l’épithète spécifique rebaudiana lui a été
populations amérindiennes des régions amazoniennes donnée en 1899 par le botaniste suisse Moises Santiago

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Bertoni, en l’honneur du chimiste paraguayen Rebaudi, Stevia rebaudiana est une plante édulcorante
qui fut le premier à en extraire les composés sucrants. originaire du Paraguay et du Brésil.

Résumé
En 1931, deux chimistes français isolent et baptisent Le potentiel agronomique et la variabilité
deux glycosides de stéviol responsables du goût sucré phytochimique de 21 génotypes ont été
de la plante: stévioside et rebaudioside A, auxquels se étudiés en Suisse afin d’identifier les mieux
sont ajoutés depuis les rebaudiosides B, C, D, E, F, le dul- adaptés à la culture locale. Sur une période
coside A, le rubusoside et le stéviolbioside. de trois ans, les rendements annuels en
Dès les années 1970, Stevia rebaudiana est cultivé au feuilles sèches ont varié de 10 à 183 g/m2,
Japon pour ses glycosides de stéviol, extraits par un pro- avec 53 à 75 % de feuilles. A une densité
cédé industriel mis au point en 1969, comme ersatz de de 10 plantes/m2, le rendement potentiel
l’aspartame, du cyclamate ou de la saccharine, édulco- en feuilles sèches atteint donc 100 à 200 g/m2
rants artificiels soupçonnés d’être cancérogènes et in- en une à trois récoltes annuelles. Les analyses
terdits au Japon. Ce pays, où des tests de sécurité ont UPLC ont montré une grande variabilité dans
conclu que les glycosides de stéviol sont sans danger la composition phytochimique des glycosides
pour la santé, consomme aujourd’hui encore 40 % de la de stéviol, les molécules responsables
production mondiale. En 2008, les glycosides de stéviol du pouvoir édulcorant, avec une teneur en
sont autorisés aux Etats-Unis par la FDA (Food and Drug stévioside de 0,3 à 7,9 % et en rebaudioside A
Administration), puis en France en 2010 et dans l’Union de 0,3 à 6,5 %. Après trois ans d’essais,
européenne en 2011. En Suisse, selon l’Office fédéral le génotype F (multiplication végétative) est
de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires recommandé pour son haut pouvoir sucrant
(OSAV), les glycosides de stéviol ont été admis sans res- et sa faible amertume, par exemple pour
triction comme additifs alimentaires en 2014, ce qui la fabrication de tisanes, de même que les
­signifie que des produits contenant un tel édulcorant génotypes GAWI (multiplication végétative)
peuvent être mis sur le marché sans autorisation. En et Pharmasaat (multiplication générative)
outre, la Suisse autorise l’utilisation de 1 à 2 % de feuilles pour leur haut pouvoir sucrant, associé à un
de stévia pour la fabrication de tisanes, ce qui n’est pas arrière-goût de réglisse. La culture de stévia
le cas dans la législation de l’Union européenne et lui est possible en Suisse, mais sous forme
confère donc un avantage dans le marché des tisanes. annuelle, alors qu’elle est pérenne dans son
Après ces différentes autorisations, les grands lieu d’origine. Par rapport aux rendements
groupes de l’agroalimentaire ont mis le grappin sur les nettement supérieurs obtenus en culture
extraits de stévia, en vertu de son puissant pouvoir édul- pérenne dans les régions tempérées
corant et de son innocuité pour le diabète et les caries. (> 700 g/m2), la culture en Suisse doit
Cet engouement récent a conduit à la fabrication de impérativement générer une plus-value
quantités de produits, dont des sodas à base de glyco- en misant sur l’agriculture biologique.
sides de stéviol. Aujourd’hui, la Chine produit 80 % des
plantes utilisées pour fournir les extraits de stévia à
­l’industrie agroalimentaire, tandis que ses pays d’origine sources génétiques et le partage équitable des avan-
(Paraguay et Brésil) n’en écoulent que 8 %, principale- tages découlant de leur utilisation.
ment pour la consommation locale en feuilles entières. En Suisse, la filière agroalimentaire s’intéresse de-
La presse internationale a récemment pointé du puis plusieurs années à la faisabilité de la culture de
doigt le cas de la stévia comme exemple typique de stévia et à l’obtention de variétés adaptées notamment
biopiraterie (Hall 2015), dérogeant à la Convention de à la fabrication de tisanes ou de bonbons. Du fait de
l’ONU (1993) qui prévoit que les populations auto­ la teneur élevée en stévioside dans certaines plantes, la
chtones doivent donner leur accord avant toute utilisa- stévia possède une amertume marquée et un arrière-
tion commerciale de leurs connaissances ethnobota- goût de réglisse indésirables pour certains fabricants.
niques et participer équitablement aux bénéfices qui Ce travail avait pour but d’évaluer le potentiel agrono-
en découlent. Aujourd’hui, les Guarani poursuivent mique et la variabilité phytochimique de 21 génotypes
leur combat pour obtenir des compensations finan- en Suisse sur trois ans (2013–2015), afin d’identifier les
cières des multinationales de l’agroalimentaire qui ont plus intéressants pour la culture locale. Les génotypes
déposé des brevets, pour la plupart des producteurs de les mieux adaptés aux attentes de la filière agro-ali-
sodas basés aux Etats-Unis, un des seuls pays à n’avoir mentaire suisse ont été soumis à une évaluation orga-
pas ratifié le Protocole de Nagoya sur l’accès aux res- noleptique (non publiée). 

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Matériel et méthodes Bruson avec quatre répétitions en blocs randomisés et


évalués sur une seule récolte (29 septembre). Le rende-
Matériel végétal ment en feuilles sèches et le pourcentage de feuilles
Entre 2013 et 2015, 21 génotypes ont été plantés au ont été mesurés.
printemps à Conthey (480 m d’altitude, alluvions d’ori- Les différences de rendement entre les génotypes
gine glaciaire) et Bruson (1050 m d’altitude, plateau ont été soumises à une analyse de variance (Tukey-Test)
morainique) à une densité de 10 plantes/m2 (tabl. 1). dans XLSTAT sur les moyennes des récoltes des quatre
En 2013, 18 génotypes ont été plantés le 3 juin à répétitions pour les données de 2014 et 2015 (pas
Conthey sans répétition (seules 30 plantes par géno- d’analyse statistique possible en 2013).
type ont été installées par manque de matériel) et éva-
lués sur deux récoltes (26 août et 18 octobre). En 2014, Analyse phytochimique
cinq génotypes ont été plantés le 13 juin à Conthey La teneur en glycosides de stéviol (stévioside et rebau-
avec quatre répétitions en blocs randomisés et évalués dioside A) a été estimée dans les laboratoires de la
sur trois récoltes (7 août, 12 septembre et 23 octobre). ZHAW par UPLC (Ultra Performance Liquid Chromato-
En 2015, trois génotypes ont été plantés le 2 juillet à graphy) basée sur Waters Application Notes WA60128

Tableau 1 | Génotypes de Stevia rebaudiana évalués à Conthey (Suisse)

Génotype Provenance Multiplication Années


Pharmasaat Pharmasaat (D) Générative 2013-2014-2015
Hem Zaden Hem Zaden (NL) Générative 2013
Stepa Stepa (B) c Générative 2013
Mediplant 1, 2, 3, 4, 5, 6, 8, 9, 10, 12, 13, 14, 15, 16 Clones Mediplant b Végétative 2013
Mediplant 11 Clone Mediplant b
Végétative 2013-2014
GAWI EUSTASa (D) Végétative 2014-2015
F EUSTASa (D) Végétative 2014-2015
Jelitto Jelitto (D) Générative 2014

a
EUSTAS = European Stevia Association, Bonn (D).
b
Clones Mediplant: en 2001, l’institut de recherche suisse sur les plantes aromatiques et médicinales Mediplant a obtenu des semences de Stevia rebaudiana
du Jardin botanique d’Ascunción (Paraguay). De cet essai, il subsiste aujourd’hui 15 descendants d’un polycross, que nous avons intégrés à la présente étude.
c
Stepa a été développé par l’Université de Louvain, en Belgique, qui en fabrique une poudre enregistrée sous la marque STEPA®. Les semences sont beaucoup
plus onéreuses que pour les autres génotypes.

180,0 Figure 2 | Rendement


en feuilles sèches (g/m2 )
160,0 des 18 génotypes en 2013
sur deux récoltes
140,0 (cf. tabl. 1).

120,0

100,0

80,0

60,0

40,0

20,0

0,0
t

10

11

12

13

14

15

16
aa

ep
de

ed

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St
Za

M
m

M
m
ar

He
Ph

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et WA60129, avec une détection à UV 200 nm. Les trois meilleurs rendements (par ordre décroissant) sur les
années (2013–2015), chaque échantillon a été analysé deux récoltes. La teneur en glycosides de stéviol s’est
deux fois pour s’assurer de la fiabilité des mesures. révélée très diverse, avec des taux de stévioside de 0,3 à
Pour 2015, une analyse de variance (Tukey-Test) a été 7,9 % w/w (weight/weight, soit poids/poids), tandis que
effectuée dans XLSTAT sur les teneurs en glycosides de le rebaudioside A variait de 0,3 à 6,5 % w/w (fig. 3). Des
stéviol avec quatre répétitions par génotype. différences importantes ont été observées chez la plu-
part des génotypes, certains ayant une teneur quasi-
Résultats ment nulle (Médiplant 8 et Médiplant 10). Les géno-
types Médiplant 1, Médiplant 3, Pharmasaat et Stepa
Essai 2013 ont présenté, par ordre décroissant, la teneur la plus
Le rendement en feuilles sèches de tous les génotypes élevée en stévioside et les génotypes Hem Zaden, Stepa,
sur le total des deux récoltes allait de 15 à 170 g/m2 Médiplant 11 et Pharmasaat la teneur la plus élevée en
(fig. 2), avec un pourcentage de feuilles de 53 à 74 %. Les rebaudioside A. La teneur totale en glycosides de stéviol
génotypes Médiplant 11, Médiplant 15, Médiplant 1, était la plus élevée chez Pharmasaat, Hem Zaden, Stepa,
Médiplant 3, Hem Zaden et Pharmasaat ont fourni les Médiplant 3 et Médiplant 11. Le ratio stévioside/rebau- 

9,00 Figure 3 | Teneur (% w/w,


Stévioside (% w/w)
notation pour weight/
Rebaudioside A (% w/w)
8,00 weight, soit «poids/
poids») en stévioside
7,00 et rebaudioside A
des 18 génotypes en 2013,
6,00
moyenne des deux
récoltes (cf. tabl. 1).
5,00

4,00

3,00

2,00

1,00

0,00
11

12

13

14

15

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at

10
ep
de

ed

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ed
a

ed

ed

ed

ed

ed

ed

ed
as

St
Za

M
m

M
m
ar
He
Ph

2,50 Figure 4 | Ratio de


stévioside/rebaudioside A
des 18 génotypes en 2013
sur la moyenne des deux
2,00
récoltes (cf. tabl. 1).

1,50

1,00

0,50

0,00
11

12

13

14

15

16
t

10
aa

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de

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dioside indique le degré d’amertume du génotype. Le possèdent environ la moitié. La teneur en rebaudioside
stévioside est plus amer que le rebaudioside A, qui pos- A (valeurs moyennes Pharmasaat 1,75 % et F 4,79 %)
sède un pouvoir sucrant plus élevé. Un ratio inférieur à 1 (fig. 6) est similaire chez GAWI, Jelitto, Pharmasaat et
est donc souhaitable pour éviter l’amertume dans l’ex- Médiplant 11, tandis que F en a plus du double. La com-
trait ou les feuilles de stévia (Goyal et al. 2011). En 2013, position des glycosides de stéviol de F est donc inversée
le ratio était inférieur à 1 pour Hem Zaden, Stepa, Médi- par rapport à celle de GAWI, Jelitto et Pharmasaat.
plant 6, Médiplant 9, Médiplant 11, Médiplant 14 et Médiplant 11, quant à lui, est disqualifié par sa faible
Médiplant 16 (fig. 4). Sur la base de ces données, les gé- teneur comparative en glycosides de stéviol total, car
notypes recommandés sont Hem Zaden et Médiplant 11 son pouvoir sucrant doit être moindre.
(les semences de Stepa sont difficiles à obtenir, chères, Le ratio stévioside/rebaudioside de F est nettement
et leur taux de germination est très faible). inférieur à 1, un peu plus élevé chez Médiplant 11, tan-
dis que celui de GAWI, Jelitto et Pharmasaat dépasse
Essai 2014 nettement 1 (fig. 7). En conclusion, les différences de
Les génotypes peu productifs, trop hétérogènes ou rendement n’étant pas significatives pour 2014, ce sont
trop chers ayant été écartés, seuls Pharmasaat et Médi- les génotypes les plus riches en glycosides de stéviol,
plant 11 ont été conservés pour être comparée avec de GAWI, Pharmasaat, Jelitto et F, qui sont recommandés.
nouveaux génotypes obtenus in vitro chez Eustas (Eu-
ropean Stevia Association, Bonn, D), nommés GAWI et Essai 2015
F, ainsi qu’avec des semences de Jelitto (D). Les géno- Les génotypes GAWI, F et Pharmasaat (Jelitto serait
types GAWI et F ont été sélectionnés (Dr. Christa Lankes, également un bon candidat), les plus prometteurs les
Universität Bonn) pour leur bon potentiel agronomique deux années précédentes, ont été plantés sur des par-
dans les zones tempérées d’Europe et sont réservés aux celles expérimentales en altitude (1050 m à Bruson).
membres d’Eustas.
Le rendement en feuilles sèches de tous les géno- 6,00

types sur le total des trois récoltes va de 126 g/m2 pour 5,00
Pharmasaat à 183 g/m2 pour Médiplant 11 (fig. 5), avec
un pourcentage de feuilles de 67 à 73 %. Toutefois, ces 4,00

différences sont non significatives, ce qui montre l’hé- 3,00


térogénéité des rendements des quatre répétitions.
La teneur en glycosides de stéviol est nettement 2,00

plus homogène qu’en 2013. La teneur en stévioside, 1,00


avec des valeurs moyennes de 2,26 % pour F et 4,75 %
pour Pharmasaat (fig. 6), est similaire chez GAWI, Je- 0,00
GAWI F Jelitto Pharmasaat Med 11
litto et Pharmasaat, tandis que F et Médiplant 11 en
Stévioside (% w/w) Rebaudioside A (% w/w)

200 Figure 6 | Teneur (% w/w) en stévioside et rebaudioside A des cinq


a génotypes cultivés en 2014, moyenne des trois récoltes (cf. tabl. 1).
180 a a
a
160
140 3,00
a
120
2,50
100
80 2,00

60 1,50
40
1,00
20
0 0,50
GAWI F Jelitto Pharmasaat Med 11
0,00
Figure 5 | Rendement en feuilles sèches (g/m2 ) des cinq génotypes GAWI F Jelitto Pharmasaat Med 11
en 2014 sur trois récoltes (cf. tabl. 1), avec analyse de variance sur
quatre répétitions. Les lettres différentes indiquent des différences Figure 7 | Ratio de stévioside/rebaudioside A des cinq génotypes
significatives (P > 0,05 test de Tukey). en 2014 sur la moyenne des trois récoltes (cf. tabl. 1).

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Le rendement en feuilles sèches de GAWI et F issus Discussion


de plants in vitro est similaire (env. 120 g/m2) et légère-
ment supérieur sans significativité à celui de Pharma- Essai 2013
saat, issu de semences (fig. 8). Ces valeurs sont toutefois Le développement général des stévias a été satisfai-
nettement inférieures à celles de 2014, principalement sant, en dépit d’une plantation relativement tardive.
en raison de la plantation tardive, qui n’a permis qu’une Les rendements en feuilles sèches des génotypes végé-
seule récolte, en zone de montagne. Dans les condi- tatifs (Médiplant) étaient nettement plus irréguliers
tions climatiques du Valais, deux ou trois récoltes an- que ceux des génotypes issus de semences, et leur te-
nuelles sont sans doute préférables à une seule récolte neur en glycosides de stéviol nettement plus basse,
en automne. sauf chez Médiplant 11.
Pour les trois génotypes, la teneur en glycosides
de stéviol a été la même qu’en 2014. Les différences Essai 2014
n’étaient significatives qu’entre F et les deux autres Globalement, les rendements ont été nettement meil-
génotypes Pharmasaat et GAWI, qui ont fourni un peu leurs qu’en 2013, ce qui suggère que trois récoltes an-
plus de 4 % de stévioside, tandis que F affichait ~5 % de nuelles valent mieux que deux, dans les conditions
rebaudioside (fig. 9) et, en 2015 également, un ratio ­climatiques du Valais.
stévioside/rebaudioside nettement inférieur à 1, lui con­
férant un plus haut pouvoir édulcorant et une moindre Essai 2015
amertume. Malgré leur rendement inférieur dû à l’altitude, à la
plantation tardive et à l’unique récolte, le bon dévelop-
140 pement végétatif et les teneurs en glycosides de stéviol
a
a
120 permettent de recommander le génotype F (multiplica-
a tion végétative) pour une utilisation où l’amertume est
100
indésirable (par exemple dans les tisanes), ou les géno-
80 types GAWI (multiplication végétative) et Pharmasaat
60 (multiplication générative) si l’amertume n’est pas un
obstacle (utilisation des extraits de plantes).
40

20 Essai 2013–2015
0 Les rendements obtenus tous génotypes confondus
GAWI F Pharmasaat sont bien inférieurs à ceux obtenus par Andolfi et al.
Figure 8 | Rendement en feuilles sèches (g/m2 ) des trois génotypes (2006) à Pise (I), en première année de culture: 270 à
en 2015 sur une seule récolte (cf. tabl. 1), avec analyse de variance 360 g/m2 (60 et 80 g de feuilles sèches par plante, à une
sur quatre répétitions. Les lettres différentes indiquent densité de 4,5 plantes/m2). Les conditions climatiques
des différences significatives (P > 0,05 test de Tukey).
du Valais imposent une culture de stévia annuelle mais,
lorsqu’elle est cultivée comme plante pérenne dans les
6,00 climats semi-arides d’Amérique du Sud ou de Chine, les
5,00
a rendements peuvent dépasser 700 g/m2 (Zabala 2011).
A A Le climat plus doux de la région de Pise et une fertilisa-
4,00 tion plus importante ont permis à Andolfi et al. (2006)
3,00 de la cultiver de manière pérenne sur huit ans, avec un
pic de production en 5e et 6e années de 146 g/plante,
b B b
2,00 soit 657 g/m2. Dans les conditions climatiques du nord
1,00
des Alpes, les rendements en culture annuelle sont
donc sensiblement plus faibles et moins compétitifs.
0,00 Cependant, les fabricants de tisane peuvent certaine-
Pharmasaat F GAWI
ment compenser cette perte par la plus-value liée à
Mean Steviosid Mean Rebaudiosid A une production indigène biologique.
La teneur en rebaudioside A des plantes les plus
Figure 9 | Teneur (% w/w) en stévioside (bleu) et rebaudioside A
(rouge) des trois génotypes en 2015, sur une seule récolte (cf. tabl. 1),
productives a été légèrement inférieure à celles obte-
avec analyse de variance sur quatre répétitions. Les lettres différentes nues par Lankes et Zabala (2011) en Allemagne en 2009
indiquent des différences significatives (P > 0,05 test de Tukey). (première année de culture), dans des cultures en pot 

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abritées sous tunnel PE au printemps, qui s’élevaient à Conclusions


3,3 % pour GAWI et 7 % pour F. Ces meilleurs résultats
sont sans doute dus au stade phénologique, ou éven- • La culture annuelle de Stevia rebaudiana est possible
tuellement à des différences liées aux laboratoires en Suisse, en plaine comme en région de montagne
d’analyse. Cependant, nos ratios stévioside/rebaudio- (environ 1000 m d’altitude).
side rejoignent ceux de Lankes et al. (2012), avec GAWI • A une densité de plantation de 10 plantes/m2,
>1 et F <1. Dans les conditions suisses en annuelle, Ste- le potentiel de rendement en feuilles sèches est
via rebaudiana peut donc fournir un rendement théo- de 100 à 200 g/m2 sur une à trois récoltes annuelles.
rique très hétérogène selon les génotypes, variant de En avançant la plantation de 15 jours (15–20 mai),
3 à 158 kg/ha de stévioside et de 3 à 130 kg/ha de rebau- la production pourrait théoriquement être
dioside A. augmentée. Avec des rendements toutefois
Nos essais permettent de proposer aux industries nettement inférieurs à ceux des zones plus
intéressées par la culture de stévia en Suisse le géno- tempérées, la culture en Suisse doit impérativement
type F (multiplication végétative), pour son haut pou- apporter une plus-value en misant sur l’agriculture
voir édulcorant et sa faible amertume, et les génotypes biologique.
GAWI (multiplication végétative) ou Pharmasaat (mul- • Les génotypes les plus productifs en glycosides
tiplication générative) lorsque l’amertume n’est pas li- de stéviol sont GAWI, Pharmasaat et F. Le génotype F
mitante. Ces recommandations ont donné lieu à des a montré le plus faible ratio stévioside/rebaudioside,
tests organoleptiques par la filière agroalimentaire, qui se traduit par un pouvoir sucrant plus élevé
dont les résultats ne sont pas publics. et un arrière-goût moins amer.
• Avant toute utilisation industrielle de Stevia
rebaudiana en Suisse, les acteurs de la filière
devraient s’informer et respecter le Protocole de
Nagoya adopté par la 10e réunion de la Conférence
des parties à la convention sur la diversité
biologique des Nations unies, qui statue sur l’accès
aux ressources génétiques et le partage équitable
des avantages découlant de leur utilisation. 

Remerciements b Hall R. (Ed.) 2015. The bitter sweet taste of Stevia. Bern Declaration/Public Eye,
Les auteurs remercient Mediplant pour la mise à disposition des plantes CEIRAD, Misereor, Pro Stevia Switzerland, SUNU, University of Hohenheim,
descendant des semences provenant du Jardin botanique d’Ascunción https://www.publiceye.ch/fileadmin/files/documents/Biodiversitaet/BD_
(Paraguay). STEVIA_REPORT_EN.pdf [9.10.2016]
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Bibliographie In: ‘Stevia: Break-Through in Europe’. Geuns J. M. C. (ed.). Proceedings of the
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a bio-sweetener: a review. Int. J. Food Sci. Nutri. 61 (1),1–10. INRES. PhD Thesis, 144 p.

354 Revue suisse Viticulture, Arboriculture, Horticulture | Vol. 48 (6): 348–355, 2016
Evaluation agronomique et phytochimique de Stevia rebaudiana pour la culture en Suisse | Plantes médicinales et aromatiques

Agronomical and phytochemical Agronomische und phyto­ Valutazione agronomica


evaluation of Stevia rebaudiana chemische Beurteilung von Stevia e fitochimica di Stevia
Summary

Zusammenfassung

Riassunto
for cultivation in Switzerland rebaudiana für Anbau rebaudiana per la coltivazione
Stevia rebaudiana is a sweetening in der Schweiz in Svizzera
plant native to Paraguay and Stevia rebaudiana ist eine süssen- Stevia rebaudiana è una pianta
Brazil. The agronomic potential de Pflanze aus Paraguay und Bra- dolcificante originaria del Para-
and phytochemical variability of silien. Die agronomische Potenzial guay e del Brasile. Il potenziale
21 genotypes were studied in und die phytochemische Variabili- agronomico e la variabilità fito-
Switzerland in order to identify tät von 21 Genotypen wurden in chimica di 21 genotipi sono sta-
the best genotypes for local culti- der Schweiz untersucht, um die ti studiati in Svizzera, al fine di
vation. Over a period of three besten Genotypen für den lokalen individuare i migliori per la col-
years, annual yields in dry leaves Anbau zu identifizieren. Während tivazione locale. Nell’arco di tre
varied between 10 and 183 g/m2, drei Jahren variierten die Jahres- anni, la resa annuale in foglie
with a percentage of leaves rang- erträge an getrockneten Blättern secche variava tra 10 e 183 g/m2,
ing from 53 to 75 %. At a density zwischen 10 und 183 g/m2, mit con una percentuale di foglie
of 10 plants/m2, the potential einem Blattanteil zwischen 53 tra 53 e 75 %. Con una densità
yield of dry leaves is approxi- und 75 %. Mit einer Dichte von di 10 piante/m2, la resa poten-
mately 100 to 200 g/m2 with one 10 Pflanzen/m2 ist das Ertragspo- ziale di foglie secche è di circa
to three annual harvests. The tential an getrockneten Blätter 100 a 200 g/m2 con una a tre
UPLC analyzes showed a notable etwa 100 bis 200 g/m2 mit ein bis raccolti annuali. L’analisi UPLC
variability in the phytochemical drei Ernten pro Jahr. Die UPLC- ha mostrato una grande varia-
composition of steviol glycosides, Analysen zeigten eine deutliche bilità nella composizione fito-
the molecules responsible for its Variabilität bei der phytochemi- chimica dei glicosidi steviolici,
sweetening properties, with a sche Zusammensetzung von Stevi- le molecole responsabili per le
content of stevioside ranging ol-Glykoside, die Moleküle verant- sue proprietà dolcificanti, con
from 0.3 to 7.9 % and of rebaudio- wortlich für seine Süssungsmittel, un contenuto di stevioside dal
side A ranging from 0.3 to 6.5 %. mit einem Steviosid-Gehalt 0,3 al 7,9 % e di rebaudioside A
After three years of trials, the zwischen 0,3 und 7,9 % und einem dal 0,3 al 6,5 %. Dopo tre anni
genotype F (vegetative propaga- Rebiosid A-Gehalt zwischen 0,3 di test, il genotipo F (moltipli-
tion) is recommended for its high und 6,5 %. Nach drei Jahren der cazione vegetativa) si racco-
sweetness and low bitterness, eg Versuche wird der Genotyp F manda per la sua alta dolcezza
suitable for herbal tea manufac- (vegetative Vermehrung) für seine e bassa amarezza, ad esempio
turers, while the genotypes GAWI hohe Süsse und geringe Bitterkeit per la produzione di tisane,
(vegetative propagation) and empfohlen, zum Beispiel für Kräu- mentre i genotipi Gawi
Pharmasaat (generative propaga- tertee-Hersteller, während die (moltiplicazione vegetativa)
tion) are also recommended for Genotypen GAWI (vegetative Ver- e Pharmasaat (moltiplicazione
their high sweetening power, mehrung) und Pharmasaat (gene- generativa) sono anche consi-
while having an aftertaste of rative Vermehrung) auch für ihre gliati per il loro elevato potere
licorice. The cultivation of stevia hohe Süsskraft empfohlen sind, dolcificante, pur avendo
is possible in Switzerland, but as trotz einen Nachgeschmack von un retrogusto di liquirizia.
an annual plant, while it is a per- Lakritze. Der Anbau von Stevia in La coltivazione della stevia
ennial plant in its place of origin. der Schweiz ist möglich, aber nur in Svizzera è possibile, ma
Compared to significantly higher als einjährige Pflanze, während es in forma annuale, mentre
yields of perennial crops in tem- eine mehrjährige Pflanze in è perenne nel suo luogo
perate regions (> 700 g/m2), culti- seinem Ursprungsort ist. Im Ver- di origine. Rispetto alle rese
vation in Switzerland must imper- gleich zu deutlich höhere Aus­ significativamente più alte nel-
atively generate added value by beuten von Dauerkulturen in ge- le colture perenni delle regioni
emphasizing organic farming. mässigten Regionen (> 700 g/m2), temperate (> 700 g/m2),
Anbau in der Schweiz muss unbe- la coltivazione in Svizzera deve
Key word: stevioside, rebaudio- dingt einen Mehrwert erzeugen, imperativamente generare
side A, sweetener plant, indem sie den ökologischen Land- valore aggiunto, sottolineando
Switzerland bau zu betonen. l’agricoltura biologica.

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