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CHAPITRE III

LA CHUTE DES ANGES


ET LE CONTINENT ENGLOUTI

Nous venons de le dire : l'illusion intellectuelle imposée à nos


contemporains, l'occultation de la réalité et le renversement métho­
dique de l'ordre normal des choses présupposent un plan, et donc
une organisation capable de le mettre en œuvre. 11 s'agit moins pour
celle-ci - quelles que soient ses prétentions à cet égard - de faire
triompher sa volonté de puissance, que de répondre à une sorte de
nécessité cosmologique, de faire droit à la revendication de possibi­
lités d'existence qui sont en fait les plus inférieures de toutes, et dont
la manifestation revêt inévitablement un masque grotesque.
Déjà discernable derrière les aberrations matérialiste et néo-spiri­
tualiste, et présente d'une façon générale à toutes les étapes du pro­
cessus subversif visant à instaurer un « ordre » nouveau qui sera en
réalité le comble du désordre, cette organisation détient avec les
soucoupes volantes et les extra-terrestres (ou les entités « angé­
liques » ou « transdimensionnelles ») son arme suprême. Là encore,
pourtant, nous sommes sans illusion sur la portée de notre démons­
tration : un lecteur pressé et soucieux de préserver son confort intel­
lectuel rangera sans attendre la contre-initiation - puisque c'est d'el­
le qu'il s'agit - dans la vaste rubrique de la « causalité diabolique »,
modèle de ces thématiques simplificatrices assimilées parfois à de
véritables pathologies mentales. Certaines interprétations quasi
paranoïaques érigeant le Complot (des Juifs, des Francs-Maçons, des
Jésuites, etc.) en véritable moteur de l'Histoire, leur créent il est vrai
quelques excuses. Mais justement, il s'agit de brouiller les pistes et
de décourager les chercheurs les moins obtus de poursuivre des
investigations jugées importunes en bas-lieu.
234 Veilleur, où en est la nuit ?

Un des exemples les mieux attestés, de ces contre-feux, nous est


fourni par l'antimaçonnisme, désignant à la vindicte du public tradi­
tionaliste « la Secte » par excellence (puisque sans épithète), dont la
ténébreuse alliance avec le Judaïsme donna naissance à une hydre
bicéphale, la « Judéo-Maçonnerie ». Et l'entêtement desdits traditio­
nalistes à dénoncer, aujourd'hui encore, le « F. : René Guénon » ou le
« 33e Guénon » (référence au plus haut grade maçonnique) prouve
que le piège n'a pas mal fonctionné ! À tous ces pauvres gens,
Guénon offre pourtant une dernière chance de ne pas devenir les
misérables dupes, les lamentables instruments de cet Adversaire qui
a beau jeu de se faire chercher où il n'est pas. Même si la Franc-
Maçonnerie spéculative, devenue in globo une « société de pensée »,
un groupe de pression « politico-humanitaire », n'est évidemment
plus une organisation recommandable aux aspirants à l'initiation !
Mais être victime de la Subversion (et l'Église romaine ne l'est-elle
pas tout autant ?) n'est pas la même chose qu'en être l'instigateur ou
le complice.
Dans le même ordre d'idée, faut-il ignorer saint Jean et les pro­
phètes qui, dans toutes les traditions, ont évoqué la fin d'un cycle
d'humanité, sous prétexte que des cohortes de déséquilibrés se
livrent aux actes les plus déraisonnables ou même les plus criminels
dans l'attente de « leur » fin du monde ?... De même que les néo-spi-
ritualistes discréditent en les défigurant les quelques notions tradi­
tionnelles qu'ils se sont appropriées, une des fonctions incons­
cientes de ces « millénaristes » est de ridiculiser toute préoccupation
eschatologique. Cela dit, passons aux choses sérieuses.
La contre-initiation, écrit Guénon1, « ne peut pas être assimilée à
une invention purement humaine [...]; à la vérité, elle est bien plus
que cela, et pour l'être effectivement, il faut nécessairement que,
d'une certaine façon, et quant à son origine même, elle procède de la
source unique à laquelle se rattache toute initiation, et aussi plus
généralement, tout ce qui manifeste dans notre monde un élément
“non humain”, mais elle en procède par une dégénérescence allant
jusqu'à son degré le plus extrême, c'est-à-dire jusqu'à ce “renverse­
ment” qui constitue le “satanisme” proprement dit [...]. »

Précisons, toujours grâce à Guénon2, la nature de cette contre-ini­


tiation : « Il apparaît donc qu'il s'agit là, en fait, d'une initiation déviée
et dénaturée, et qui, par là même, n'a plus droit à être qualifiée véri­
La chute des anges et le continent englouti 235

tablement d'initiation, puisqu'elle ne conduit plus au but essentiel de


celle-ci, et que même elle en éloigne l’être au lieu de l'en rapprocher.
Ce n'est donc pas assez de parler ici d'une initiation tronquée et rédui­
te à sa partie inférieure, comme il peut arriver aussi dans certains
cas ; l'altération est beaucoup plus profonde ; mais il y a là, d'ailleurs,
comme deux stades différents dans un même processus de dégéné­
rescence. Le point de départ est toujours une révolte contre l'autori­
té légitime, et la prétention à une indépendance qui ne saurait exister
[...] ; de là résulte immédiatement la perte de tout contact effectif
avec un centre spirituel véritable, donc l'impossibilité d'atteindre aux
états supra-humains ; et, dans ce qui subsiste encore, la déviation ne
peut ensuite qu'aller en s'aggravant, passant par des degrés divers
pour en arriver dans les cas extrêmes, jusqu'à ce “renversement”
dont nous venons de parler. »

Certes, si la rupture du lien avec le centre entraîne la perte de l'in­


fluence spirituelle, dont la transmission « illuminatrice » définit pré­
cisément l'initiation, « il y a pourtant encore quelque chose qui se
transmet, sans quoi on se trouverait ramené au cas de la “pseudo-ini­
tiation”, dépourvue de toute efficacité ; mais ce n'est plus qu'une
influence d’ordre inférieur, “psychique” et non plus “spirituelle”, et
qui, abandonnée ainsi à elle-même, sans contrôle d'un élément trans­
cendant, prend en quelque sorte inévitablement un caractère “dia­
bolique” [...]. »

Cette influence psychique est d'autant plus dangereuse quelle


peut imiter extérieurement l'influence spirituelle (« Satan est le singe
de Dieu »...) ; « mais elle l'imite, pourrait-on dire, comme les éléments
du même ordre évoqués par les nécromanciens imitent l'être
conscient auquel ils ont appartenu ». Enfin, les contre-initiés qui ont
l'illusion de s'opposer à l'autorité spirituelle suprême en sont en réa­
lité les instruments, à leur insu. « Ils sont donc utilisés, quoique
contre leur gré, à la réalisation du plan divin dans le monde humain »,
puisque les désordres partiels doivent nécessairement concourir à
l'ordre total.

Guénon, dans une de ces nombreuses notes3 qui jalonnent son


œuvre comme autant de repères aussi discrets qu'essentiels, discer­
nait dans le chapitre VI de la Genèse (si cher aux soucoupistes
dévots des « Anciens Astronautes ») quelques indications relatives
aux origines lointaines de la contre-initiation. Ainsi prévenus, nous
236 Veilleur, où en est la nuit ?

verrons dans les « fils de Dieu » déchus métamorphosés en extra-ter­


restres civilisateurs par les doctrinaires de l'ufologie, de hauts initiés
appartenant à la caste sacerdotale, dont l'union toute symbolique
avec les « filles des hommes » traduit la déviation - manifestée entre
autres selon le Livre d'Hénoch, par la divulgation illégitime de cer­
tains secrets touchant le monde intermédiaire. Filles et femmes sym­
bolisent en effet communément dans le langage biblique (et jusque
chez Dante) des traditions ou des organisations initiatiques que
cette « féminité » même, et donc cette « passivité », cette « réceptivi­
té » relatives associent à la caste chevaleresque, normalement
subordonnée à l'autorité spirituelle « masculine ». Ananda
K. Coomaraswamy a définitivement prouvé en effet que la fonction
royale - distincte du sacerdoce - est essentiellement féminine4. En
Inde, dans YAnguttara Nikâya (III, 363), où sont énumérées les pas­
sions dominant les êtres humains, et les fonctions qui leur sont asso­
ciées, « la Seigneurie (issariya) est assignée aux Kshatriyas et aux
femmes. Dans le gouvernement comme dans le mariage, le pouvoir
revient à la femme, et l'autorité à l’homme. Le tyran ou la virago abu­
sent du “pouvoir” féminin ; avec un roi légitime ou une femme véri­
table, il est exercé en accord avec la justice5. »
Cela dit, les fruits de l’union morganatique des fils de Dieu et des
filles des hommes ne sont autres que les « géants » bibliques et
mythologiques, en qui l'on peut reconnaître le type du pouvoir tem­
porel révolté contre l'autorité spirituelle. Cette dernière était en
somme victime de la justice immanente qui lui faisait expier son
« péché originel », ou tout au moins celui de ses représentants éga­
rés. Et ainsi que l'exprime le glissement irréversible du luciférianis-
me au satanisme, cette double prévarication du spirituel puis du
temporel, qui avait tout d'abord revêtu un aspect « prométhéen »,
donna finalement naissance à la contre-initiation, qui ne fait qu'in­
carner la force cosmique déifuge - l'aspect maléfique du « côté
gauche » de l'Arbre de la Science - creusant un maëlstrom dans tous
les états d'existence qu'elle traverse, tel un entonnoir abyssal où
viennent s'engloutir leurs possibilités négatives. Elle « éloigne »
toutes choses de la Synthèse originelle, jusqu'à cette « atomisation »
ultime prophétisée par la liturgie catholique avec la majesté terrible
du Dies Irae : « Solvet saeclum in favilla. »
Par là même, redisons-le après Guénon, cette force satanique
accomplit involontairement le Plan divin, auquel rien ne saurait se
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soustraire, puisqu'elle accompagne en quelque sorte l'Expir cosmique


jusqu'à la dissolution finale, concomitante de la transmutation des
possibilités positives, et de l'annihilation des possibilités négatives.
Car « celui qui a, on lui donnera, et celui qui n'a pas, même ce qu'il a
lui sera enlevé ». (Saint Marc, IV, 25.)
L'individualisation, la « personnification » maléfique de cette force
cosmique, qui permet justement de lui attribuer ces visées
conscientes que l’on refuserait par exemple à l'attraction universelle,
résulte, à un certain stade de sa descente, de la rencontre d'un plan
de réfraction psychique - cette « ambiance cosmique », ce monde
intermédiaire, ou subtil, souvent évoqués dans les pages qui précè­
dent - qui l'amène à s'objectiver et à s’« incarner » dans une organi­
sation humaine dont l'aveuglement ontologique limitera l'horizon à
ce bas-monde, devenu à la fois son royaume et sa prison. Et l'abou­
tissement ultime de cette perversion sera le règne antéchristique, ce
Sanctum Regnum à rebours déjà jugé par la parole évangélique sous
le double rapport de la nécessité providentielle - les désordres par­
tiels concourant à l'Ordre universel - et d'une non moins providen­
tielle condamnation : « Il faut qu'il y ait du scandale, mais malheur à
celui par qui le scandale arrive. » (Saint Matthieu, XVIII, 7.) C'est aussi
pourquoi l'Antéchrist, qui unifiera sous son règne éphémère toutes
les forces de la contre-initiation, sera le plus illusionné de tous les
êtres - c'est la « sottise du diable » - en même temps que le trompeur
« par excellence », le dajjâl, comme disent les musulmans.
Tout « retour de l'Esprit » doit donc être passé au crible de la
Tradition, et l'Évangile ne nous met pas pour rien en garde contre les
faux christs qui surgiront à la fin des temps, et feront de grands pro­
diges, jusqu'à séduire les élus eux-mêmes, s'il se pouvait.
Après avoir identifié l'origine ontologique de la contre-initiation,
nous serait-il possible de déterminer son point de départ « géogra-
phico-historique » ? La cause première du renversement dont elle
naquit, doit être recherchée, nous dit Guénon, dans la perversion de
« quelqu'une des anciennes civilisations ayant appartenu à l'un ou
l'autre des continents disparus dans les cataclysmes qui se sont
produits au cours du présent Manvantara [ou cycle d'humanité]6 ».
Ce continent n'est autre que l'Atlantide.

Nous puiserons les principaux éléments de notre démonstration


dans la revue La Gnose - dirigée par Guénon (sous le pseudonyme de

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