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Cours supprimé en 2007 ("les étudiants en psycho n'ont pas besoin d'épistémologie !")
Voir sur ce site la rubrique "Cercle des chercheurs disparus"
Chaque année, nous allons nous retrouver autour de l’approche systémique en psychologie :
ce que nous allons travailler cette année n’est donc que le début d’un long cours qui va se
dérouler sur 4 années, jusqu’au Master 1.
Tout naturellement, nous allons donc commencer par les bases nécessaires à une bonne
compréhension de cet univers de pensée qu’on appelle univers des systèmes ou univers de la
complexité.
Quelques définitions.
Système :
dans le cadre de ce cours, seuls les systèmes vivants, c'est-à-dire les végétaux et les animaux,
ainsi que les systèmes sociaux créés par les animaux, nous intéressent. Résumons donc ce qui
les caractérise :
- un système vivant est un ensemble de parties composantes qui elles-mêmes sont composées
d’un ensemble d’éléments (un humain avec ses organes par exemple)
- ces parties composantes sont, par définition, couplées de façon stable (les organes du corps
entre eux ou les membres d’une famille, par exemple)
- chacune des parties composantes est donc elle-même concevable comme une organisation
(un organe ou un membre d’une famille par exemple)
- elles s’infligent donc des perturbations mutuelles redondantes (répétitives) qui déterminent
un fonctionnement stable du système à travers l’émergence d’habitudes de fonctionnement et
de rituels, tout en produisant son identité.
- Ces habitudes de fonctionnement et ces rituels, que nous appellerons coordinations d'actions,
déterminent l’homéostasie du système.
Mais il faut comprendre qu’un organisme vivant individuel est presque caricatural de ce
qu’est un système : les systèmes vivants individuels, un être particulier au sein d’une espèce,
montrent ce qu’on pourrait définir comme les caractéristiques maximales d’un système
vivant, en terme de stabilité et de synchronisation dans les interactions intra-systémiques.
Lorsque nous modéliserons les caractéristiques de l’organisme l’humain vers des systèmes
plus flous, comme un couple humain, une famille humaine, une équipe professionnelle, une
communauté, une société, nous avons à entreprendre une traduction (au sens de Bruno Latour)
de ces concepts, en ce que les processus en jeu dans ces systèmes peuvent se montrer
beaucoup moins stables.
Nous verrons cela plus en détail au cours des années prochaines.
Approche systémique :
- modélisation :
Modéliser, c’est produire des énoncés consacrés à l’élaboration et à la mise en œuvre de
méthodes de représentation des phénomènes perçus ou conçus complexes, afin d’anticiper
d’éventuelles interventions intentionnelles et leurs conséquences enchevêtrées. (Le Moigne)
La science des systèmes ne prétend jamais produire des modèles achevés, qu’il s’agisse de
modèles d’action ou de modèles de compréhension, à l’inverse des disciplines qui obéissent
au paradigme cartésien. La modélisation de la complexité (les méthodes de conception-
construction de modèles de phénomènes perçus complexes) se refuse à l’immobilisation de tel
ou tel modèle en tant qu’objet achevé. Les phénomènes perçus complexes sont en fait des
processus de type continu, c'est-à-dire pour lesquels il est le plus souvent impossible et inutile
de désigner un début et une fin. Un modèle de type achevé ne peut pas en rendre compte.
- simulation :
- action combinatoire :
Elle consiste à ne jamais intervenir massivement en un seul point d’un système complexe,
mais au contraire rétroagir avec lui en combinant dans le temps et dans l’espace une série
d’interventions fines dont le résultat des premières va définir et orienter les suivantes. (De
Rosnay)
Une action ponctuelle sur un seul élément d'un système complexe, produit ce qu'on appelle
des effets paradoxaux (ou effets pervers), à savoir que le système se mobilise tout aussi
massivement pour lutter contre les effets de cette action ponctuelle.
En psychologie par exemple, c'est souvent à partir d’actions ponctuelles massives,
renouvelées au même niveau que se fabriquent les différentes formes de la chronicité, telles
que la résistance au traitements, la répétition cyclique des mêmes symptômes, les
déplacements perpétuels de symptômes, etc.
Une question fondamentale se pose alors, à laquelle une psychopathologie clinique digne de
ce nom se doit d’apporter des réponses concrètes et efficaces, c'est-à-dire autrement qu’en
excusant par avance l’incompétence du psychologue à travers l’invocation de « résistances »
chez les patients :
- Comment se fait-il qu’un système humain (individu, couple, famille, équipe) en vienne à se
mobiliser pour lutter contre l'aide que le psychologue lui apporte ?
N'oubliez pas que les systèmes vivants, individuels et collectifs, montrent tous une même
caractéristique : ils sont organisés en fonction d’un but qui est d’assurer leur survie.
Lorsque un système humain (famille, couple, équipe, société) se trouve confronté à un
problème complexe et urgent qui dépasse ses compétences logiques actuelles en matière de
résolution de problème, il met malgré tout en place une solution ; cette solution même si elle
se montre très boiteuse, même si elle génère un symptôme dans une partie du système, cette
solution est la moins mauvaise solution que ce système (une famille, par exemple) a pu
produire... et si quelqu'un prétend le guérir de sa solution, ce système résistera vaillamment à
l’effort de ce quelqu'un.
Tous les praticiens chevronnés savent que les « bons conseils » ne servent à rien, qu’ils
n’aboutissent que très rarement au résultats espérés par le praticien.
Nous verrons que cette résistance des systèmes vivants, individuels et collectifs, à nos
tentatives d’instruction, relève d’une caractéristique fondamentale des systèmes vivants :
l’auto-organisation. Les systèmes vivants sont des systèmes auto-organisants, c'est-à-dire
aussi auto-informants.
Mais nous le développerons plus tard : le modèle auto-organisationnel est à un peu trop
complexe pour une première année, et il n’a été développé qu’à partir de 1970, alors que
d’autres caractéristiques des systèmes vivants avaient déjà été conceptualisées.
Pour mieux comprendre tout ça, opérons un petit détour par ce qu’on appelle symptôme.
Symptôme :
Quelle est la définition classique du symptôme ? J’ai bien dit « définition classique » pour
vous signaler que l’approche systémique propose une définition très différente du symptôme.
Classiquement, donc, un symptôme est défini comme une souffrance exprimée par un
individu. Nous remarquons donc que, classiquement, un symptôme s’observe dans un
individu ; la psychopathologie classique considère qu’une maladie est par définition
individuelle et que, donc, le lieu du symptôme et le lieu de la maladie sont confondus dans un
seul et même organisme.
Cette logique est évidemment correcte pour la plupart des maladies organiques que la
médecine répertorie et soigne ; mais en psychopathologie cette logique est malheureusement
très souvent nuisible à la compréhension des troubles dits psychiques, ainsi qu’à une action
efficace sur eux.
Nous verrons bientôt que ce qui nous conduit, comme naturellement, à confondre le lieu du
symptôme et le lieu de la maladie est un modèle logique qu’on appelle modèle mécaniste ou
modèle cartésien.
La théorie générale des système rappelle au psychologue ce que les sociologues savent depuis
que la sociologie existe, à savoir que les êtres humains font toujours partie de systèmes plus
vastes qu’eux-mêmes, tels que couple, famille, équipe, institution, communauté, société… On
dit qu’ils en sont les parties composantes.
Le modèle systémique a donc permis d’observer ce que le modèle cartésien ne permettait pas
d’observer : que le lieu d’un symptôme (un membre de la famille) n’est pas toujours le lieu de
la maladie, qui peut être un mode d’interactions particulier dans cette famille.
Je vous propose donc la définition minimale suivante, qui sera enrichie au fil des années :
Un symptôme est un des résultats de la moins mauvaise solution qu'un système humain (une
famille, par exemple) produit, pour faire face à un problème complexe qu'il ne peut réguler
par ses moyens habituels et qui lui permet, néanmoins, de restaurer une homéostasie
suffisante.