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Department of Economics, Universite Catholique de Louvain

Théorie des jeux et genèse des institutions


Author(s): Bernard WALLISER
Source: Recherches Économiques de Louvain / Louvain Economic Review, Vol. 55, No. 4, La
notion d'équilibre en économie / On the Equilibrium Concept in Economic Theory (1989),
pp. 339-364
Published by: Department of Economics, Universite Catholique de Louvain
Stable URL: https://www.jstor.org/stable/40723901
Accessed: 07-09-2022 21:07 UTC

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Théorie des jeux et genèse des institutions
Bernard WALLISER
Ecole Nationale des Ponts et Chaussées, Pans

La théorie économique étudie la production, l'échange et la con-


sommation des biens dans un cadre d'analyse mettant en présence
un environnement physique, des agents souvent optimisateurs et un
contexte institutionnel. Les institutions ont pour fonction d'assurer
à court terme la coordination entre les comportements spontanés des
agents, mais leur nature profonde demeure ambiguë et leur origine
est laissée dans l'ombre. D'abord traitées comme exogènes, à l'instar
de l'environnement physique et des préférences des agents, elles sont
l'objet de travaux récents visant à les endogénéiser à partir des ac-
tions à long terme des agents. Ces travaux s'appuient sur le cadre
plus large de la théorie des jeux, plus précisément sur les nouvelles
notions d'équilibre non coopératif définies dans un cadre dynamique, à
information imparfaite et à rationalité parfois limitée.
En fait, l'analyse plus ou moins formalisée des institutions a une
longue histoire, dans les sciences sociales en général, en économie plus
spécifiquement, au sein de la théorie des jeux enfin (section 1). Les
institutions y ont pour rôle de résoudre des problèmes précis de coor-
dination, plus spécialement ceux qui découlent de l'absence, de la mul-
tiplicité ou de la non optimalité des équilibres spontanés (section 2).
Pour ce faire, elles peuvent d'abord multiplier le nombre d'équilibres
possibles avant de sélectionner l'un d'entre eux, ces équilibres étant
autant que possible auto-validés par les agents et non imposés de
l'extérieur (section 3). Cependant, même si l'on a montré qu'une in-
stitution peut soutenir un équilibre spécifique, il faut encore rendre
compte de sa genèse concrète, sinon par le pur raisonnement des ac-
teurs, du moins par un processus d'apprentissage ou d'évolution (sec-
tion 4).

1 Modes d'approche des institutions


Les sociologues, à la suite d'E. Durkheim, ont tôt mis l'accent
sur l'existence d'un système structuré d'institutions, qui assurent un
rôle primordial dans la régulation d'un système social et se soutien-
nent mutuellement. Les économistes, après s'être longtemps cantonnés

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dans l'étude du seul marché à


décrire une gamme plus large
raisons d'être. Reprenant cert
tout en les généralisant, la th
non coopératifs et évolutifs, s
des processus mêmes qui les f
I'« économie expérimentale» e
rôles en laboratoire, de simule
de reproduire leur émergence.

1.1 Institutions et sciences sociales

La notion d'institution s'avère difficile à cerner et sert souvent


de fourre-tout pour qualifier toutes les entités collectives relativement
autonomes qui favorisent la coordination des comportements des ac-
teurs sociaux. Une définition plus opérationnelle en fait une règle
du jeu social, qui est intériorisée par les agents et contribue à guider
leurs comportements, afin d'assurer leur compatibilité dans un con-
texte déterminé. Les institutions revêtent des formes variées, des lois
juridiques (droit des contrats) aux normes morales (norme d'honnê-
teté), des conventions sociales (règle d'étiquette) aux traditions cul-
turelles (attitude civique) et peuvent aussi bien rester abstraites (code
de conduite) que s'incarner dans des agents spécifiques (institution
financière). Elles forment des édifices complexes où des institutions
de même niveau peuvent s'avérer complémentaires ou concurrentes et
surtout des institutions de niveaux différents se renforcer ou se con-
trarier.

Quant à leurs modes d'action, les sociologues considèrent que les


institutions exercent une influence relativement directe et rigide sur les
actions des agents, Yhomo sociologicus étant gouverné par un système
de rôles, de normes et de contraintes. En revanche, les économistes
estiment que les institutions sont prises en compte comme les autres
facteurs à travers les croyances et les préférences des agents, Yhomo
œconomicus se déterminant par un arbitrage entre coûts et avantages
de ses actes. Une position intermédiaire postule que les institutions
induisent un comportement «normal» et «régulier», les agents ayant
cependant une certaine marge de manœuvre dans leur interprétation
et leur traduction en actes. Ces institutions sont soutenues par des
systèmes d'incitations ou de sanctions, financières (primes ou pénali-
tés) ou psychologiques (promotions ou réprobations), dont la mise en
œuvre requiert l'existence d'une institution d'ordre supérieur.
Quant à leur genèse, les sociologues admettent que les institu-
tions se constituent ou plutôt se transforment directement au niveau

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social, le «h
réductibles
dent à les f
des acteurs
les agents
Une position
duels largem
insistant s
tions huma
des agents
mais peuve
deviennent conscientes.

Les considérations précédentes ont été précisées à travers diverses


typologies par des économistes se situant à la marge de la philosophie
ou d'autres sciences sociales. Quant à leur nature, on peut distinguer
des «institutions procédurales» qui se résument en un mécanisme ab-
strait susceptible de faciliter un problème de coordination, et des «ins-
titutions organiques» qui forment des entités concrètes chargées de
mettre en œuvre plusieurs mécanismes. Quant à leur mode d'action,
Rawls (1955) distingue entre les «institutions regulatives» qui orien-
tent un comportement déjà existant et les «institutions constitutives»
qui fondent un nouveau type de comportement. Quant à leur origine,
Hayek (1973) sépare les «institutions programmées», qui résultent
d'un accord explicite entre les acteurs, des «institutions spontanées»,
qui résultent de leurs actions sans avoir été consciemment voulues.

1.2 Institutions et théorie économique

Depuis les origines, les économistes ont tenté de rendre compte,


au moins sous forme qualitative, de la logique des institutions, en se
plaçant délibérément dans un cadre d'individualisme méthodologique
faible. Smith (1776) voit dans le «marché» une «main invisible» ca-
pable de coordonner, dans leur intérêt collectif, les comportements des
agents; Marx (1859) considère une pluralité de formes sociales que
ceux-ci contribuent à créer, bien qu'elles soient indépendantes de leur
volonté consciente; Keynes (1937) observe l'apparition, par appren-
tissage mimétique plus ou moins conscient, de «conventions» sur les
anticipations à long terme du fait de leur indétermination. Hayek
(1973) affirme plus précisément que les institutions résultent des ac-
tions des agents, mais non de leurs desseins, au travers de processus
de «sélection naturelle»; Buchanan (1974) rend compte des droits de
propriété ou Nozick (1974) de l'«État minimal» par un processus de
négociation entre agents qui est largement implicite.

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La pensée économique s'est p


quasi exclusive sur les proprié
par un « commissaire-priseur »
libre, en fonction desquels les
currentiel. Le marché est d'ab
par un ensemble de règles fictiv
le commissaire-priseur se tro
Bourse. Il fonctionne ensuite c
mesure où le commissaire-pris
les prix, qui s'imposent aux age
ou une fonction de profit. Il a
spontanée en ce qui concerne l
devient une institution progra
toutes pièces pour les nouveaux

L'économie s'est ensuite attel


tionnement, sinon de la genès
de suppléer aux défaillances du
hors marché. Elles concernent aussi bien l'allocation des ressources
(procédures d'enchères, organes de planification), le partage des risques
(assurances), la régulation macro-économique (monnaie, institutions fi-
nancières), la justice sociale (droits de propriété, justice fiscale), voire
la décision collective en général (procédures de vote). Dans les vingt
dernières années, le courant institutionnaliste américain ou l'école ré-
gulationniste ont, pour leur part, proposé des descriptions minutieuses
de la structure ou de l'évolution historique de nombre d'institutions.
Elles traitent divers problèmes ou remplissent diverses fonctions : for-
mes de concurrence, rapports salariaux, modes d'accumulation.

Plus récemment sont apparus, sur les marges de la théorie néo-


classique, des travaux formels, montrant la nécessité de mettre en
place des institutions originales pour suppléer aux défaillances du mar-
ché (Arrow, 1974). Un courant allant de Coase à Williamson montre
que les coûts de transaction, qui apparaissent dans les négociations
et les échanges entre agents, expliquent diverses caractéristiques ins-
titutionnelles relevant de 1'« organisation hiérarchique». Une école
allant d'Akerlof à Stiglitz montre que les coûts d'information, et les
asymétries d'information entre agents qui en découlent, justifient di-
verses institutions «locales» comme des «garanties de qualité» ou le
«bonus-malus». Ces travaux concernent à présent surtout l'organisa-
tion industrielle, les mécanismes financiers ou les contrats de travail,
ces derniers à l'origine d'institutions originales (rigidité des salaires,
hiérarchie salariale, salaire à l'ancienneté).

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1.3 Institutions et théorie des jeux

Pour rendre compte de la genèse des institutions tout en se dé-


marquant de la référence économique directe ou indirecte au marché,
il est tentant de se placer dans le cadre plus général de la théorie
des jeux, d'autant que von Neumann et Morgenstern (1944) évoquent
eux-mêmes la possibilité qu'elle puisse justifier l'apparition d'« ordres
sociaux» ou de «standards de comportement» stables. La théorie des
jeux, qui s'efforce de rester fidèle à l'individualisme méthodologique
comme à la rationalité optimisatrice des joueurs (sans toujours s'y
tenir), adopte une approche conséquentialiste des institutions, celles-ci
étant jugées en fonction de leurs conséquences pour les agents et non de
leurs caractères propres. La tentative d'explication la plus immédiate,
de type fonctionnaliste (à laquelle le courant néo-institutionnaliste en
économie n'échappe pas toujours) postule alors qu'une institution émer-
ge parce qu'elle est collectivement souhaitable au vu des effets indivi-
duels qu'elle provoque. Pour échapper à cette vision qui ne décrit pas
une véritable dynamique d'apparition de l'institution, il est nécessaire
de proposer un processus «causal» permettant de la mettre en place,
quatre approches distinctes pouvant être distinguées pour la circons-
tance.

Dans un jeu planifié, un planificateur calcule, par maximisation


d'une fonction-objectif collective définie sur un système social donné,
non seulement l'état social optimal, mais directement une institution
optimale susceptible de l'atteindre ou s'en approcher. Dans un jeu
coopératif, les joueurs déterminent, suivant un processus de négocia-
tion souvent non précisé, mais obéissant à des axiomes de rationalité
collective (en particulier la Pareto-optimalité), un équilibre concrétisé
par des institutions sous forme de contrats fermes. Dans un jeu non
coopératif, les joueurs sont conduits, par conjonction de leurs comporte-
ments mus uniquement par leurs intérêts propres, à un équilibre de
Nash, lui-même susceptible d'être matérialisé par une institution, qui
est alors auto-renforçante. Dans un jeu évolutif, les joueurs adoptent
des comportements mécaniques, qui peuvent néanmoins, à travers un
processus d'apprentissage ou de sélection naturelle, conduire à des
équilibres soutenus par des institutions ou faire émerger directement
ces institutions.

En économie, ces différentes approches ont été tour à tour mises


en œuvre pour «endogénéiser» le marché concurrentiel, qu'il s'agisse
directement du commissaire-priseur ou indirectement des comporte-
ments concurrentiels qu'il induit :

• Dans la première approche, c'est le planificateur qui joue con-


crètement le rôle du commissaire-priseur pour imposer l'équili-

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bre concurrentiel, après avoir


wicz, 1973).
• Dans la deuxième approche, les allocations concurrentielles,
matérialisées par des coalitions d'agents, font partie du «cœur»
de l'économie, et coïncident même avec lui pour un nombre in-
fini d'agents (Shubik, 1975).
• Dans la troisième approche, les productions concurrentielles
apparaissent comme la limite d'un équilibre de Cournot entre
producteurs en situation de concurrence imparfaite, quand leur
nombre augmente (Novshek et Sonnenschein, 1978).
• Dans la quatrième approche, l'équilibre concurrentiel s'obtient
par convergence d'un processus de prospection des consomma-
teurs sur les prix pratiqués par les producteurs (Lesourne, 1985)
ou d'un processus de sélection naturelle ne laissant survivre
que les agents qui adoptent un comportement concurrentiel
(Alchian, 1950).
Dans les deux premières approches, l'institution fait l'objet d'une
genèse consciente des acteurs alors que, dans les deux dernières, elle
peut résulter d'une genèse aussi bien consciente qu'inconsciente. Dans
les deux premières approches, l'institution est collectivement optimale
(mais non forcément individuellement) alors que dans les deux der-
nières, elle est individuellement optimale (mais non forcément collec-
tivement). Dans les deux premières approches, l'institution doit donc
souvent être imposée, ce qui exige une institution d'ordre supérieur, le
planificateur lui-même ou l'autorité faisant respecter les contrats; on
amorce ainsi une régression à l'infini qui ne peut être stoppée qu'en se
donnant a priori les institutions à un niveau donné ou en recourant aux
deux dernières approches à un niveau donné. Dans les deux dernières
approches, qui seront donc privilégiées, on s'astreint à rendre compte
des institutions «ultimes» à partir d'une «table rase»; mais sauf à con-
sidérer une situation complètement amorphe au départ («état de na-
ture» ou «monde primitif»), l'institution va néanmoins émerger d'un
jeu dont les règles sont fixées a priori, et si certaines sont de nature
matérielle, d'autres sont souvent de nature déjà institutionnelle.

2 Rôle des institutions

Une institution a pour rôle de faciliter la coordinatio


teurs, et, plus spécialement, compte tenu de l'équilibre d
sultant de la conjonction de leurs actions, de suppléer à
lance de coordination » qui peut prendre trois formes pr
première correspond à une multiplicité d'équilibres, ce q
qu'une entité polarise simultanément les acteurs sur l'un

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La deuxièm
mécanisme
La troisièm
collectivem
à un état p
ment sur l
complexes
bles à des

2.1 Jeux 2x2

Les jeux 2x2 constituent l'exemple le plus simple de j


frontent deux joueurs, chacun doté de deux actions possible
préférences ordinales sur les quatre issues réalisables. C
vent être classés commodément en huit configurations
trois critères simples : nombre d'équilibres de Nash, coïncid
des équilibres de Stackelberg, Pareto-optimalité ou non
précédents (Walliser, 1988). Chaque configuration est re
un jeu prototypique où apparaissent les équilibres de N
lisés par un astérisque) et les équilibres de Stackelberg
par un soulignement unique ou double selon le joueur l
lution du jeu n'apparaît incontestable que s'il existe un
Nash unique Pareto-optimal ou encore deux équilibres d
l'un Pareto-domine l'autre (encore que le critère de prud
puisse conduire à mettre en cause une telle solution).
La multiplicité des équilibres de Nash s'avère véritab
ciale lorsqu'il existe deux équilibres, chacun favorisant
joueurs (problème de l'alternance), situation caractérisé
du croisement» (chicken game) (figure 1). Elle est aussi
tale dans la situation limite où les deux équilibres sont
pour les deux joueurs (problème de la synchronisation), situ
sentée par le «problème du rendez-vous» (ou sa varian
téléphone») (figure 2).

2
1 accélère s'arrête 1 parc cafetería
acelere I (0,0) I (3,1)* | cafeteria 1 (0,0) I (1,1)*
s'arrête (1,3)* (2,2) parc (1,1)* (0,0)

Figure 1 Jeu du croisement Figure 2 Problème du rendez-vous

L'absence d'équilibre de Nash s'observe fréquemment (problème


de la compatibilité) et peut être illustrée par le «jeu du débarquement»
(figure 3) ou le «jeu de la taxation » (figure 4).

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Défenseur Investisseur

Attaquant en A en B Etat n'Investit pas investit


êíTÃ 1 (o,i) ' (1,0)1 taxe I (o,l) I (3,0)
en B (1,0) (Q, iji ne taxe pas (1,2) (2,3)
I I

Figure 3 Jeu du débarquement Figure 4 Jeu de la taxation

L'équilibre de Nash (unique) s'avère Pareto-dominé par une autre


issue (problème de la coopération) dans le «dilemme du prisonnier» (fi-
gure 5). Un équilibre de Nash (unique ou dominant) peut aussi s'avérer
insuffisamment prudent au regard d'une autre issue (d'équilibre ou
non) comme dans la «chasse au cerf» (figure 6). Un équilibre de Nash
(unique ou dominant) peut même être jugé trop «dissymétrique» par
rapport à une autre issue, comme dans le «jeu du désarmement» (figu-
re 7).

1 avo
avoue
n'avou
Figure 5 Figure 6 Figure 7
Dilemme du prisonnier Chasse au cerf Jeu du désarmement

2.2 Jeux 2x2 obtenus à partir de jeux plus complexes

Certains exemples économiques peuvent être stylisés très simple-


ment sous la forme de jeux 2 x 2 afin d'entrer dans les configurations
décrites. Ainsi, si deux agents sont susceptibles de financer ou non

1 ne finance pas finance


ne finance pas ¡ (0, 0) (v, v - 2c)
finance j (v - 2c, v) (t> - c, v - c)
Figure 8 Bien collectif

un «bien collectif» (Sugden, 1986) de valeur individuelle v et de coût


global 2c, le jeu est du type «dilemme du prisonnier» si v < 2c et du

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type «jeu d
du "free ri
sur un mar
la chaîne d
désireuse d
la dissuader
du croiseme
conduit la firme à entrer.

2 entre n'entre
A pas
1 agressif pacifique / '
entre I (0,0) I (2,1)* 1 Q) <1-2>
n'entre pas (1,2)* (1,2) agressif pacifique
L=^J
(0,0) 2,1

Figure 9 Paradoxe de la

Même lorsque deux agents


encore se ramener aux jeux 2
ceci peut souvent se faire d
produisent à coût nul face
type «dilemme du prisonnie
de collusion a/46, ou du typ
de monopole a/26 et d'inact

2 2 Agents
1 ^ ^ 1 Th ° EteV n t 0 t
f-b |(16,16)*|(20,15)| f-b l (0,0) [(36^)*] ° (°>°) t (
f-b (15,20) (18,18) 0 (0,36)* (0,0) II (1,3)* (3,0)
Figure 10 Figure 11 Figure 12
Modèle de
Duopole (unité : a2/144)
politique économique

de politique économique (Barro-Gordon, 1983), si l'État peut fixer (à


travers la politique monétaire) deux niveaux d'inflation 0 et II et les
agents anticiper correctement ou non cette inflation, le jeu est voisin
du «dilemme du prisonnier» (figure 12).

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Cependant, nombre de situat


recours à des classes de jeux pl
à multiplier le nombre d'équilibr
Ainsi, on peut considérer des jeu
qui généralisent les configurat
prisonnier; en particulier, ent
tion universelle, on peut obser
de joueurs, qui profite aux au
même, on peut considérer des
joueur où se superposent diffé
exemple, deux équilibres asym
troisième équilibre, mais qui
s'intéresse aussi à des modèles
une structure dynamique ou d
lusion plus loin à ces développ

2.3 Modèles économiques

Le système économique apparaît spontanément comme une con-


frontation entre des producteurs et des consommateurs adoptant un
comportement optimisateur, mais il revêt des situations plus ou moins
réductibles formellement à des jeux. Ainsi, le modèle oligopolistique
met en scène des producteurs qui, face à une demande connue, déter-
minent entre eux un équilibre de Nash symétrique (en quantités ou
en prix) ou un équilibre de Stackelberg asymétrique. De même, le
modèle principal-agent oppose deux types d'acteurs (patron-salariés,
État-entreprises publiques), qui ont à la fois des informations et des
pouvoirs de décision asymétriques, ce qui conduit à un équilibre de
Stackelberg. En revanche, le modèle concurrentiel ne se laisse pas sim-
plement assimiler à un jeu car il introduit une institution a priori en la
personne du commissaire-priseur qui coordonne les agents par des prix.
Le modélisateur peut, certes, considérer le commissaire-priseur
comme un acteur passif qui fixe les prix en fonction des offres-deman-
des selon une relation rigide, ce qui permet de franchir l'écran institu-
tionnel et de définir l'utilité de chaque agent en fonction directement
de leurs actions respectives. Cependant, dans le modèle avec marchés
complets, chaque agent considère les prix comme exogènes, c'est-à-dire
non seulement ne tient pas compte de l'influence des autres sur les prix,
mais de sa propre influence sur les prix. De même, dans le modèle avec
marchés incomplets et anticipations rationnelles, chaque agent simule
le comportement du commissaire-priseur, mais il adopte néanmoins
une fonction de comportement automatique (provenant ou non d'une
optimisation préalable) en fonction des prix anticipés.

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Les défaut
cependant
que dans c
sent typiq
du fait de
ticipations
prototype
L'absence d
asymétriqu
des «caract
les échang
s'observent
effets exte
pure et par

3 Modes d'action des institutions

Pour pallier les défaillances de coordination, les institutio


sent sur la structure du jeu (règles du jeu, déterminants des
selon deux modalités complémentaires. D'une part, elles cor
les deux derniers défauts en multipliant le nombre des équi
faisant surgir des équilibres quand il n'en existe pas ou faisa
paraître comme équilibres des états jugés collectivement préf
l'équilibre «spontané». D'autre part, les deux derniers défauts
ant au premier lorsque les équilibres nouvellement introduits son
tiples, elles corrigent ce premier défaut en sélectionnant un
spécifique dans l'ensemble des équilibres. Dans une perspect
coopérative, les institutions viennent ainsi sélectionner un équ
Nash préalablement élargi et se trouvent de facto auto-validée
sont spontanément reconnues et internalisées par les acteurs

3.1 Multiplication des équilibres


Une première manière d'augmenter le nombre des équilibres con-
siste à introduire une incertitude (de type volontariste) sur les ac-
tions des acteurs. On introduit d'abord les équilibres en stratégies
mixtes, chaque agent optant pour une distribution de probabilités sur
ses stratégies pures. On introduit ensuite les équilibres córreles (qui
contiennent les précédents), où une loterie tire au sort, selon une dis-
tribution de probabilités donnée, une issue du jeu et indique à chaque
joueur l'action correspondante, ceux-ci ayant alors intérêt à la mettre
en œuvre. Dans le jeu du croisement, il existe une famille d'équilibres
córreles, en particulier celui donnant le passage à l'un des deux con-

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ducteurs avec èqui probabili t


corrélé unique conduit État et
équiprobabilité ; mais dans le d
corrélé nouveau n'apparaît en
le modèle à générations d'agen
de taches solaires» où les agen
prix (et donc leurs actions) su
publiquement observé, qui app
précédente.
Une deuxième manière de multiplier les équilibres consiste à pas-
ser d'un jeu statique à un jeu dynamique (répété) en horizon infini
(ou en horizon fini avec une définition aléatoire de la fin du jeu), jeu
dans lequel les actions sont observées après chaque étape. Le «folk
theorem » affirme alors que l'on peut obtenir comme équilibre de Nash
toute issue du jeu réalisable et individuellement rationnelle (donnant
à chaque joueur son utilité minimax), pour un taux d'actualisation suf-
fisamment élevé. Dans le jeu du croisement, le passage alterné des
conducteurs est conforté par la règle symétrique «je passe si tu as
passé la fois précédente» (mais le passage continuel de l'un est aussi
un équilibre); dans le paradoxe de la chaîne de magasins, l'équilibre
favorable au monopoleur est conforté par sa menace envers la firme :
«si tu entres, je serai toujours agressif». Dans le dilemme du prison-
nier, l'issue coopérative est atteinte grâce à la menace réciproque : « si
tu avoues, j'avouerai toujours après», applicable après une coopération
en première période; dans le jeu du désarmement, la paix armée est
obtenue sitôt que le pays arme toujours (mais la paix désarmée ne peut
être obtenue comme équilibre); dans le jeu de la taxation, l'investis-
sement non taxé est soutenu par la menace de l'investisseur à l'État :
« si tu taxes, je n'investirai jamais plus » ; dans le jeu du débarquement,
aucun équilibre nouveau n'est possible. Cependant, ces nouveaux équi-
libres peuvent se dissoudre quand on passe en horizon fini, les menaces
cessant d'être crédibles en dernière période, tout comme aux précéden-
tes par un raisonnement de régression à partir de l'horizon (backward
induction).

Une troisième manière d'augmenter le nombre des équilibres con-


siste à postuler une incertitude d'un agent sur les déterminants d'au-
trui, en particulier ses préférences. Celle-ci est généralement traduite
en incertitude sur le «type» de l'adversaire, traité comme variable
exogène; profitant de l'ambiguïté à son égard, ce dernier peut alors
se bâtir progressivement une «réputation », qui fonctionne comme nou-
velle variable d'action. En s'appuyant sur la notion d'équilibre bayésien
parfait (qui étend celle de Nash à un jeu développé avec incertitude),
de nouveaux équilibres apparaissent, même pour une incertitude très

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Bernard Walliser

faible, en v
en particuli
vent en ho
doxe de la
rences du m
«agressive»
dans le dile
joueur peu
multanée
le modèle
préférences
rendant cr
1985). En r
être suppl
réputation
tégie prud

Une quatr
poser, dans
des acteur
à e près, c
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savoir croi
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le dilemme
peut être o
1980-86) ou
savoir infér
un automa
son, 1986;
parfois res
plus réalisa
le dilemme
l'équilibre p
Sorin, 1989).

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3.2 Sélection d'un équilibre

Une première manière de sélectionner un équilibre revient à le


conditionner sur diverses variables de référence, observables par tous,
cette procédure faisant l'objet de «conventions» entre les acteurs. Il
peut s'agir d'une variable exogène générale, faisant partie du contexte
culturel des acteurs (background knowledge) ou artificiellement intro-
duite dans leur environnement; dans le problème du rendez-vous, les
deux personnes égarées peuvent se retrouver en un endroit ayant une
prégnance (salience) particulière; dans le jeu du croisement, des feux
tricolores indiquent quel conducteur est autorisé à passer; dans le
modèle économique à générations d'agents, un équilibre est privilégié à
travers une théorie autoréalisatrice postulant que les prix sont córreles
avec les taches solaires. Il peut s'agit aussi d'une variable exogène in-
dividuelle, affectée à chaque joueur dans une situation donnée; dans
le jeu du croisement, passe l'automobiliste venant de droite (Sugden,
1986) ; dans le problème d'attribution d'un bien, le reçoit celui qui l'a
trouvé le premier (Elster, 1988) ou possède une certaine caractéristique
exogène («à chacun selon son A'»); dans le problème du téléphone,
rappelle en cas de coupure l'aîné par exemple. Il peut s'agir enfin
d'une variable endogène passée, une fonction de comportement parti-
culière étant de fait privilégiée; dans le jeu du croisement, la fonction
«tit for tat» (j'agis aujourd'hui comme tu agissais hier) provoque la
coopération; dans le dilemme du prisonnier, la même fonction permet
l'équilibre de Nash alterné; dans le jeu du téléphone, rappelle en cas
de coupure celui qui avait appelé le premier.
Une deuxième manière de privilégier un équilibre (valable même
pour privilégier d'autres issues) consiste à modifier directement les
contraintes des agents (restriction du champ des possibles) ou leurs
préférences (transformation des utilités). Le but est de restructurer
le jeu afin qu'une issue sélectionnée (parce qu'elle est collectivement
optimale ou même favorable à un agent dominant) apparaisse comme
une issue naturelle du nouveau jeu. Cette modification ne peut être
supposée «spontanée», sinon la structure du jeu aurait été mal définie
au départ, mais doit être imposée par une institution. Dans le dilemme
du prisonnier (Watkins, 1985), l'issue coopérative devient naturelle si
l'on postule de façon ad hoc que chaque agent est altruiste (en in-
ternalisant partiellement l'utilité de l'autre) ou valorise a priori la
coopération; dans une variante du dilemme du prisonnier où deux ar-
tilleurs servant un canon peuvent déserter ou non (Ullmann et Mar-
galit, 1977), la désertion peut être empêchée en les enchaînant au
canon ou dissuadée en la sanctionnant fortement, ce qui ne laisse sub-
sister que l'issue coopérative. Dans la bataille des sexes, un équilibre
asymétrique, cherchant cette fois à préserver une inégalité originelle,

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Bernard Walliser

peut être
femme do
la guerre
une politiq
Une troisi
poser à l'e
verses, aux
les supportent. Dans les jeux statiques, on peut déjà s'en tenir à
des équilibres dotés de propriétés remarquables qui peuvent d'ailleurs
s'avérer parfois contradictoires entre elles : symétrie, Pareto-optima-
lité, utilité-dominance, risque-dominance (Harsanyi et Selten, 1988);
dans le dilemme du prisonnier, on a suggéré de ne considérer que les
issues symétriques afin de faire apparaître Tissue coopérative comme
équilibre naturel, mais on postule alors abusivement une corrélation
entre les actions des joueurs; dans le jeu du croisement, le critère
de risque-dominance permet de privilégier l'un des deux équilibres de
Nash, mais à condition qu'il existe une certaine dissymétrie entre les
joueurs. Dans les jeux statiques ou dynamiques, on peut également
se limiter aux équilibres stables par rapport à divers types de per-
turbations (stabilité asymptotique ou structurelle); dans le modèle à
générations d'agents, on retient assez arbitrairement la solution pro-
longeant le plus naturellement le passé (solution «retardée») ou celle
asymptotiquement la plus stable. Dans les jeux dynamiques, on peut
enfin ne considérer comme acceptables que certaines classes de croy-
ances des agents quant au comportement des autres, en particulier
hors de la trajectoire d'équilibre.

3.3 Équilibres et institutions


La démultiplication des équilibres s'obtient toujours en augmen-
tant le nombre d'actions possibles des joueurs (stratégies mixtes, fonc-
tions de comportement dynamiques, variable «réputation») et/ou en
introduisant une incertitude ou une irrationalité dans le système (ac-
tions incertaines, déterminants incertains, rationalité limitée). Elle
n'est pas trop arbitraire dans la première méthode, dans la mesure où
l'introduction de stratégies mixtes ou corrélées ne modifie pas la struc-
ture des préférences et des croyances; il faut cependant modifier le
critère de choix (espérance d'utilité) et rendre compte d'une éventuelle
corrélation des actions des joueurs (par un mécanisme quelconque).
Elle est plus contraignante dans les méthodes suivantes car elle sup-
pose, par rapport au jeu statique, une modification plus profonde de la
structure du jeu; elle reste cependant acceptable dans le cas fréquent
où le jeu se présente spontanément avec les caractéristiques voulues :

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situation réellement récurrent


déterminants d'autrui, rationa
La sélection des équilibres, s
obéit à des principes divers, qui
tant d'institutions qui agissen
déterminants des acteurs. La
car elle consiste à agir sur les
travers des conventions qui sont
intérêt à les respecter une foi
possibles (correspondant à d'a
est plus artificielle car elle su
toritaire sur les contraintes et
sortir du cadre méthodologiqu
d'institution imposée. La trois
car les critères limitant les éq
modélisateur et ne sont intéri
sont capables de se placer à un
bres selon ces critères, qui pre
En pratique, on suppose qu'à
multiplié au préalable et surt
méthode, on peut associer une in
de l'établir. Quant à sa forme, l'
ment conceptuelle (rappel au t
droite) ou être dûment matéri
officiel, feux tricolores). Qua
tion qui peut démultiplier les
feux tricolores génèrent des é
le même temps qu'ils en privil
vent néanmoins nécessiter d'êt
tions externes, lorsque les con
ment satisfaites; ainsi, dans de
routes), ce sont des acteurs an
tiques d'une fois à l'autre, ce qui
(feux tricolores ou règles de pri

4 Émergence des inst


Puisqu'on interprète une instit
libre de Nash spécifique, la ge
elle-même assimilée à la genès
libre de Nash est actuellement
more, 1987), par un «savoir co

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du jeu et
tribuer au
les atténue
agents révi
portement
vers un éq
vue évoluti
ne laisse su
les plus pe

4.1 Équil
Lewis (196
tion», just
agent n'a i
mon know
régularité
placés dans
satisfaites :

1. chacun se conforme à /?;

2. chacun croit que les autres se conforment à R;

3. chacun préfère une conformité générale à R ä une conformité


moins que générale ;

4. il existe une autre régularité satisfaisant aux quatre conditions


précédentes ;

5. les conditions précédentes sont un savoir commun (X est un


savoir commun si chacun sait X, sait que chacun sait X, ...).

Cette définition implique que les joueurs sont capables d'avoir un


savoir commun à la fois sur la structure générale du jeu (contexte
initial), sur la rationalité des joueurs (conditions 3 et 4) et sur les ac-
tions mises en œuvre (conditions 1 et 2). Mais les agents ne peuvent
l'acquérir, par récurrence sur les niveaux de savoir croisés, que si le jeu
est suffisamment simple (lieu de rendez-vous saillant) ou si l'institution
est mutuellement manifeste (feux de croisement). Lewis concentre en
fait son attention sur T« équilibre de coordination», concept plus fort
que l'équilibre de Nash où chaque agent non seulement préfère main-
tenir son action si les autres la maintiennent, mais préfère que les
autres maintiennent leur action si lui la maintient :

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Vt' U* {?,*>) > Ui(x'xi) Vx¿

Coïncidant avec l'équilibre de coordination pour le problème du rendez-


vous ou le jeu du croisement, l'équilibre de Nash est alors incontourna-
ble lorsqu'il est soutenu par un savoir commun ; mais il n'en est pas de
même a priori pour d'autres configurations de jeux statiques ou pour
des jeux dynamiques.
Cependant, dans un jeu sous forme normale, l'équilibre de Nash
peut recevoir une justification bayésienne, chaque acteur adoptant un
comportement optimisateur et bayésien face à des états du monde in-
cluant leurs actions respectives (dans le cas le plus simple, ceci revient
à interpréter la stratégie mixte d'un joueur comme l'incertitude que
possèdent les autres sur son action). Des hypothèses supplémentaires
postulent d'abord un savoir commun sur cette rationalité bayésienne
(R), puis un savoir commun que les probabilités^ priori des acteurs
sur les états peuvent être identiques (P) ou non (P), et un savoir com-
mun que les joueurs jouent de façon quelconque (Q) ou indépendante
(Q). On obtient alors les équilibres emboîtés suivants (Aumann, 1987;
Bernheim, 1986; Tan et Werlang, 1988) :

R + P + Q : équilibre corrélé subjectif;


R + P + Q : équilibre corrélé objectif;
R+ P + Q : équilibre rationalisable ;
R + P + Q : équilibre de Nash.

L'équilibre de Nash ne peut donc se passer d'une coordination externe


par un commissaire-priseur nashien qu'au prix d'une coordination in-
terne des acteurs à travers leurs croyances initiales.
Pour soutenir un équilibre, les savoirs croisés des agents sur diffé-
rentes caractéristiques du jeu (rationalité bayésienne, structure du jeu,
conventions) doivent se poursuivre de niveau en niveau jusqu'à l'infini
sans erreur; en effet, un savoir croisé tronqué vers le haut ou un savoir
commun à e près peut suffire à créer un doute qui empêche l'équilibre
de se produire. En revanche, les savoirs croisés sur les caractéristiques
du jeu peuvent souvent ne pas partir des niveaux les plus bas, pourvu
qu'ils montent à l'infini, une fois amorcés; en effet, pour justifier son
comportement, un agent peut ne pas croire qu'un phénomène existe,
mais se contenter de croire que les autres y croient, voire croire que les
autres croient que les tiers y croient. Enfin, dans un cadre dynamique
(Binmore, 1987), le savoir commun des acteurs peut paradoxalement
rendre un équilibre auto-réfutant; en effet, la résolution du jeu par
régression à partir de l'horizon exige d'examiner l'action des joueurs en

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tout ensem
sur la rati
atteints.

4.2 Processus d'apprentissage

Plutôt que de procéder à des raisonnements croisés complexes,


les agents peuvent être engagés dans un processus d'apprentissage,
qui mobilise plus ou moins leurs capacités cognitives. D'une part,
les agents ont des croyances partielles et réduites de leur environ-
nement, qu'ils révisent en fonction des observations passées (ratio-
nalité cognitive); d'autre part, les agents adoptent des procédures de
choix non optimisatrices qu'ils ajustent progressivement en fonction
des résultats obtenus (rationalité instrumentale). Les agents retien-
nent parfois directement une fonction de comportement a priori, qu'ils
adaptent ensuite en fonction des observations et résultats passés; on
peut cependant remarquer qu'une telle procédure équivaut finalement
à l'usage d'une fonction de comportement plus sophistiquée. Un proces-
sus d'apprentissage, s'il est suffisamment améliorant et se déroule dans
un contexte suffisamment stable, peut converger vers un équilibre de
Nash particulier (le déroulement du temps se substituant à la remontée
dans les niveaux de raisonnement), et constitue ainsi une quatrième
méthode de sélection d'équilibre.
Dans les jeux répétés en stratégies mixtes, en s'inspirant de la
"tracing procedure" (Harsanyi, 1975), Schotter (1981) décrit un pro-
cessus d'apprentissage markovien, où les agents optimisent leur com-
portement en fonction de croyances sur les actions d'autrui progressive-
ment révisées de façon bayésienne, l'équilibre final dépendant forte-
ment des croyances a priori. De façon plus pragmatique, Skyrms (1989)
considère un processus d'apprentissage simulé mentalement par les
agents, où chacun ajuste ses stratégies en fonction des actions passées
des autres, selon des règles simples qui sont de connaissance commune,
l'équilibre final dépendant tant des stratégies initiales que des règles
choisies. De façon encore plus mécanique, on peut étudier un pro-
cessus d'apprentissage où les stratégies retenues par les agents sont
révisées de façon ad hoc en fonction des actions passées d'autrui, pro-
cessus étudié en particulier sur le dilemme du prisonnier (Kraines et
Kraines, 1989).
Ce processus d'apprentissage permet en particulier de sélection-
ner un équilibre en le conditionnant sur une variable extérieure, qui est
déjà présente dans le jeu s'il s'agit d'une variable endogène, mais doit
être considérée a priori par les agents s'il s'agit d'une variable exogène.
Ainsi, une fonction de comportement «adaptative» peut converger na-

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turellement vers la fonction «ti


ratif dans le dilemme du priso
terné dans le jeu du croiseme
orité à l'automobiliste venu de
caractéristique de celui qui ra
téléphone, ne peut conduire à
tous les agents. De même, dan
d'agents, une révision progre
recherchant les variables explic
vers un équilibre de taches sola
comme pouvant être pertinent

4.3 Processus d'évolution

Dans un exercice de simulation portant sur un jeu répét


zon fini, on peut considérer des agents adoptant chacun une
de comportement rigide, et se rencontrant systématiqueme
deux pour obtenir une certaine utilité moyenne. Axelrod (1
ganisé un tel tournoi pour le dilemme du prisonnier répété un
de fois non défini à l'avance, à partir de fonctions de comp
fournies par des experts de théorie des jeux. S'il n'existe gén
pas de fonction qui s'avère toujours la meilleure indépendam
l'ensemble des fonction en compétition, « tit for tat» s'est néanm
posée à deux reprises, bien qu'elle ne puisse gagner strictem
aucun duel. Cette performance peut être attribuée aux quali
ulières qu'elle possède, à savoir sa gentillesse (elle coopère au
sa punitivité (elle fait défection dès que l'autre fait défecti
indulgence (elle coopère dès que l'autre coopère à nouveau).

Dans un véritable processus d'évolution, les agents adopt


core une fonction de comportement rigide (même si elle dérive
férences et de croyances) et peuvent souvent être modélisés sou
d'automates à états (leur action présente dépend de leur éta
présent, lui-même dépendant de l'état passé et des actions
Ces agents subissent une «sélection naturelle», en ceci qu'il
contrent de façon généralement aléatoire et se reproduisent en
de l'utilité obtenue dans chaque duel, avec les cas polaires d'u
duction proportionnelle à l'utilité ou d'un dédoublement du
queur. De fait, la « sélection naturelle», qu'elle soit de nature
ou culturelle, constitue à nouveau une entité coordinatrice
supposée naturelle; elle n'agit pas directement sur les comp
des agents, mais trie les agents en fonction des résultats de leu
portements.

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Maynard
population
proportion
u(a¿, a,-). L
une utilité :
w(ai ) - m u(a¡ , a i ) + Pj u( a,- , a,- ) ;

si la reproduction est proportionnelle à l'utilité, les proportions se modi-


fient selon la règle :

Pi = ^

On dit alors que a,- envahit individuellement c'j par paquets si w(a,) >
w(aj) pour pi quelconque. Une fonction de comportement a¿ est dite
«évolutionnairement stable» si elle ne peut être envahie individuelle-
ment par aucune autre, c'est à dire si elle vérifie :

Les deux premières relations indiquent que la fonction de comporte-


ment (pure) a, est en équilibre de Nash avec elle-même, la troisième
relation introduisant une restriction sur cet équilibre.
Dans le dilemme du prisonnier, «tit for tat» est évolutionnaire-
ment stable comme la stratégie «faire défection toujours»; cependant,
«tit for tat» peut envahir par paquets «faire défection toujours» (pour
un taux d'actualisation suffisamment élevé), alors que l'inverse n'est
pas vrai (Axelrod, 1984). Ont également été étudiés le jeu du croise-
ment (Maynard Smith, 1982) ou un jeu proche du dilemme du pri-
sonnier (Me Kelvey, 1988), le processus de sélection faisant émerger
en général les équilibres de Nash dynamiques. On peut aussi étudier,
mais sous forme plus qualitative (Hayek, 1973 ; Nelson et Winter, 1982),
un processus d'évolution direct des institutions; il comprend un pro-
cessus de variation (innovation initiale plus ou moins consciente) et de
sélection (survie des seuls agents adhérant à l'institution), l'institution
retenue dépendant des conditions initiales et étant souvent non opti-
male.

5 Conclusion

Malgré l'utilisation parfois considérable de résulta


la théorie des jeux et l'effort d'interprétation des ins
mode de coordination des agents par leurs croyances, l'ex

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genèse des institutions reste f


à de petites institutions (feux
(marchés, État). Elle adopte un
à tout équilibre dynamique (c
portement des agents), associe
risant et le matérialisant, tout
tionnel, une institution était
timum parétien. Elle se situe d
nel, en s'aflfranchissant autan
préalable, et dans un temps im
de l'institution avec son princip
Une explication plus réaliste
ment des institutions qui se s
conduit à renoncer à un princ
une approche en termes de jeu
sont garantis par des institut
considérer l'enchaînement des institutions dans un contexte évolutif,
ce qui conduit à introduire des temporalités emboîtées, une institution
finissant par s'autonomiser au point que les raisons qui l'ont fait naître
ne sont plus forcément les mêmes que celles qui la font durer, se trans-
former ou disparaître. Enfin, elle peut être supplée par une approche
qui renoncerait à une genèse purement rationnelle et individualiste des
institutions, comme y engage déjà la vision evolutionniste, et comme
y incite une vision sociologique qui insiste sur la dimension «morale»
ou «idéologique» originale des «normes» (Elster, 1988).

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