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ANALYSE INSTITUTIONNELLE

L'analyse institutionnelle est née dans les années 68-70, et elle s'est prolongée jusqu'en 1980.

I. LES GRANDS PRINCIPES

Qu'est-ce que l'analyse institutionnelle ?

On travail sur des établissements, des organisations ou des collectifs sociaux, déjà constitués
dans le champ social de par leur activité propre.

On est dans le champ social ou avec des groupes à visée professionnelle ou sociale.

L'intervention est une démarche clinique appliquée à des ensembles pratiques qui, en fonction
du regard qui se portera sur eux, mais aussi d'après leur spécificité fonctionnelle et
symbolique, se différencient en groupe, en organisation et en institution.

Ce qui est visé c'est la connaissance des situations étudiées, mais plus encore la dynamique de
l'évolution et du changement qui peut en découler.

Cf. LEWIN qui introduit la notion de recherche/action ou d'action/recherche.

C'est une tentative de réunir recherche et pratique. Cette démarche récuse le mythe de
l'objectivité. L'analyse institutionnelle ne prétend en aucune manière à l'objectivité.

Ce qui est visé c'est donc la connaissance concernant des situations vécues, dans le cadre d'un
groupe.

A partir de cette connaissance quelle dynamique d'évolution et de changement peut en


découler?

L'implication de l'intervenant a un rôle central, en devenant elle-même objet d'étude.

Il s'agit de passer de connaissances subjectives à une subjectivité critique (= à une tentative


d'objectivation) ; c'est essayer de prendre conscience de ce qui est refoulé, latent, dans le
fonctionnement des institutions, des groupes et des organisations, pour appréhender tout ce
qui bloque l'évolution, tout ce qui freine le changement.

Quand pratique-t-on une analyse institutionnelle ?

S'il y a trop d'absentéisme, donc manque de productivité, il faut restaurer cette productivité.
Mais l'analyse institutionnelle refuse ce genre d'intervention : l'intervention vise moins la
réhabilitation des organismes sociaux ou le traitement des dysfonctionnements, que
l'interrogation sur le sens. L'élucidation de ce qui restait jusque là occulte dans les
phénomènes institutionnels se fait par le jeu des intérêts et par l'opacité qui en résulte (il ne
s'agit pas d'agir sur des organisme sociaux que l'on considère comme malade, mais de
comprendre ce qui fait que ces organismes éprouvent des difficultés et donnent à entendre des
conflits internes ou externe ; ce n'est pas le traitement, mais la tentation est grande e devenir
les thérapeutes).
Il ya mise en place d'outils de connaissance, pour permettre à l'équipe de se les approprier,
pour comprendre et proposer quelque chose.

Qu'est-ce que cela signifie lorsqu'il y a un symptôme (une grève - un conflit - un passage à
l'acte violent) ? Il faut étudier ce qui est caché ; quitte à procéder à une crise analyse.

II. LES CONCEPTS

Cf. CASTORIADIS, qui a travaillé sur l'imaginaire des institutions : "communisme et


barbarie"

INSTITUTION : Il analyse l'institution à partir de trois aspects de cette dernière :

- L'Institué ;

- L'Instituant ;

- L'Institutionnalisation

L'institution devient un système dynamique, que l'on peut analyser de la sorte :

- L'INSTITUE : C'est l'ensemble des valeurs et des normes dominantes. C'est les statuts, les
rôles et les lois qui fondent l'ordre institutionnel. C'est la dimension idéologique de
l'institution ; c'est quelque chose qui a avoir avec l'ordre établi de l'institution.

=> C'est la manière dont l'institution se donne à voir à l'extérieur, à travers une culture, une
idéologie dominante.

Le personnel fait alors partie d'une illusion collective (c'est plus que de l'adhésion, c'est le
consensus).

C'est quelque chose qui a avoir avec l'universalité. On pense que notre représentation du
monde est universelle.

- L'INSTITUANT : C'est la force de contestation de l'ordre institué, qui se manifeste en


faisant tomber les masques d'universalité, de pérennité et de vérité, dont celui-ci s'est paré.
Les forces instituantes vont nécessairement être la négative de l'ordre institué. C'est l'ère du
doute et du soupçon. Finalement nous ne sommes pas tous d'accord.

=> C'est la particularité. C'est le fait qu'on prenne conscience progressivement, que dans les
organismes sociaux les gens n'ont pas les mêmes valeurs, la même histoire, les mêmes désirs.

Finalement cette institution qui se présente comme unitaire est contradictoire.

La particularité s'oppose à l'universalité.

- L'INSTITUTIONNALISATION : Les forces instituantes ont contesté l'ordre institué ; elles


vont proposer un nouvel ordre institutionnel (de nouveaux rapports et de nouvelles règles).
Pour que l'institution continue à exister il faut reconstituer un nouvel ordre, qui sera de
nouveau un ordre institué. C'est un mouvement permanent.
Exemple : Initialement il y a une révolte. Il y a des leaders parmi les contestataires ; ils vont
énoncer de nouveaux principes politiques, qui vont constituer, à travers une légitimité
juridique, un nouvel ordre : la république.

Ce nouvel ordre va utiliser ces forces pour constituer un ordre nouveau et renier cette
particularité, cette dimension contestataire.

L'analyse institutionnelle s'attache à la fois aux caractères formels, établis et normatifs et


également au refoulé, aux particularités, aux manifestations des désirs (des désirs la plupart du
temps refoulés), qui mettent en cause l'ordre institué. Elle s'intéresse au caractère dialectique
de ses rapports entre l'institué et sa négation que représente les forces instituantes.

LE CONCEPT D'ANALYSEUR : C'est tout ce qui fait surgir la vérité de ce qui est caché ;
c'est-à-dire tout événement, toute situation, tout comportement, tout conflit, révélant des
tensions qui ne sont jamais exprimées symboliquement, mais qui sont agit.

Qu'est-ce qui peut faire office d'analyseur ? Une grève, la mort d'un salarié, le fait que l'on se
rend compte qu'il y a de plus en plus d'absentéisme, un passage à l'acte ; comme autant de
symptômes qui expriment des tensions, qui n'ont jamais été évoquées, régulées, que par des
passages à l'acte. L'analyseur va exprimer des choses qui ne sont jamais abordées.

Un bouc-émissaire peut être un analyseur. On peut construire les analyseurs : mise en place
d'une assemblée générale, ou les réunions de synthèse. Le fait que le bureau des éducateurs
soit mit dans un placard est un excellent analyseur ; ainsi que le fait que le bureau du directeur
soit vue de toute l'institution.

Ce qui est souvent caché dans les institutions c'est la racine des rapports sociaux ; c'est aussi
les difficultés psychiques des sujets, la difficulté d'accéder à son désir propre, la difficulté à se
positionner, donc à accepter la confrontation.

III. LES GRANDS COURANTS

1. L'analyse institutionnelle d'obédience psychosociologique

Les psychosociologues intervenants en institution avaient pour commande de soigner


l'institution, le groupe, ou l'organisation. On leur demandait de trouver un remède, permettant
à l'institution d'optimiser ses résultats. Ils n'essayaient pas de porter du sens, mais de soigner.

2. L'analyse institutionnelle d'obédience psychanalytique

Elle se réfère à la démarche psychanalytique ; elle vise à permettre la prise de conscience de


ce qui jusque là était refoulé. Elle s'intéresse d'avantage aux phénomènes inconscients, à
l'imaginaire, aux fantasmes, aux liens libidinaux, dans l'organisation, dans l'institution.

3. L'analyse institutionnelle d'obédience sociologique

Au-delà des aspects informels, elle vise à dévoiler les conflits d'intérêt, les rapports de
pouvoir et les enjeux idéologiques, socio-politiques, socio-économiques, dans tout organisme
social.
IV. METHODOLOGIE

1. Comment se noue l'intervention ?

2. Comment se déroule l'intervention ?

3. La fin de l'intervention

1. Comment se noue l'intervention ? : On part de l'acte fondateur de l'intervention, qui est


l'expression d'une demande ; cette demande devra être étudiée, élucidée, élaborée et
explicitée. La plupart du temps lorsqu'un groupe fait appel à un analyste il va exprimer une
demande. L'analyste va lui demander de l'expliciter (décoder la demande).

Dans un premier temps il faut identifier le client ; celui qui a le pouvoir de susciter
l'intervention et d'en permettre le déroulement. Il faut repérer qui commande et qui paye, et à
qui les intervenants auront à rendre des comptes. La demande doit être distinguée de la
commande. La demande déjà explicitée, mais souvent ambiguë, reprend les besoins et les
attentes de certains individus, groupes ou catégories, auxquels l'intervention est censée
répondre. La commande c'est la formulation contractuelle de la demande juridique et
administrative, précisant les conditions objectives (le cahier des charges - les indemnisations -
...).

* Le premier postulat : La demande doit être réputée recevable ou respectable par les
intervenants.

Cela suppose un temps de négociation, qui peut durer longtemps, car les premières
formulation de la demande mettent en jeu des pulsions sous-jacentes, des manifestations
transférentielles, qui seront remaniées au fur et à mesure de leur élucidation, tout au long de
l'intervention. Suite à l'élucidation de la demande on va formaliser un contrat méthodologique
de règles pratiques et, ce qui est fondamental c'est que les outils utilisés par les intervenants
doivent pouvoir faire l'objet d'un usage commun. La confiance réciproque suppose et exige
une instruction quant au maniement des outils. Cette phase débouche sur la médiation d'un
contrat, dans le courant d'obédience sociologique. La règle générale tendra vers l'autogestion
de l'analyse (-> se doter d'outils pour procéder soi-même à l'analyse). Dans cette phase
d'élucidation de la demande il arrive fréquemment que lorsque l'on creuse cette dernière le
collectif qui la faite finisse par renoncer, car les défenses mises en place risquent d'être
remises en cause ; l'intervenant est alors éjecté (comme un corps étranger, qui risquerait de
menacer l'équilibre homéostatique du groupe).

2. Le déroulement de l'intervention : Dans un premier temps l'intervenant va observer et se


familiariser avec le milieu. Il va essayer de repérer le type d'organisation, les différentes
instances de pouvoir et quels sont les différents problèmes, tels que les intéressés se les
représentent. Il peut procéder par enquête ou par interview. Cette analyse de la situation peut
faire objet d'un rapport écrit ; mais cette information doit être restituée et redistribuée sans
restriction, à tous les échelons.

La durée de l'intervention est variable, puisque les prises de ces attendus s'effectuent à des
rythmes différents ; car la démarche est caractérisée par des réactions, tour à tour positives et
négatives [(négatives : on va se rendre compte que la demande est ambivalente -> "j'ai envie
que ça change, mais surtout que ça ne change pas". On assiste à des réactions de fuite et de
rejet lors du travail d'explicitation. L'intervenant peut être perçu comme suspect d'ingérence
ou d'intrusion. Le collectif client tendra souvent à le manipuler, ce qui risque de faire avorter
l'intervention) ; (positives : la finalité de l'intervention reste le développement de l'autonomie
du client ; or, ce qu'ilm faut constater c'est que la conquête de l'autonomie passe toujours par
la découverte de la transgression, c'est-à-dire qu'il est difficile d'éviter les passages à l'acte,
qui peuvent être légitimes et utiles dans le cadre de l'intervention. L'intervention va avoir pour
objet et pour effet de mettre en lumière des processus informels, agissant en marge des
structures formelles ; les dysfonctionnements de la communication, l'entropie de l'information
(comment circule l'information ; comment elle peut être écartée et polarisée), les zones de
pouvoir et de contre-pouvoir, les territoires revendiqués ou convoités (il y a des institutions où
c'est le chef de service qui fait fonctionner l'établissement).]

L'intervention se caractérise par la mise en place de dispositifs analyseurs, construits, ou, par
l'utilisation d'analyseurs naturels (une grève - une restructuration - des congés maladies - un
passage à l'acte). L'intervention est censée provoquer un effet de dévoilement et une prise de
conscience collective, dont on peut attendre, après coup, le surgissement de capacités
réinstituantes.

3. La fin de l'intervention : Elle se dénoue par convention mutuelle des parties, ou par
décision unilatérale de l'une des partie. Une intervention doit être limitée dans le temps, sinon
elle devient un parasitage, ou "un symptôme de soutient".

Mais, est-ce qu'on peut considérer qu'une intervention de ce type est terminée ?

Exemples de situations :

Dans une institution psychiatrique une patiente a accouché seule pendant la nuit. L'équipe du
matin a coupé le cordon. La femme est morte. Par la suite un autre patient de l'établissement a
éventré une infirmière, qui était enceinte. Ensuite une patiente s'est fait écraser. Pour finir un
patient a tué un autre patient.

L'explication de cette situation démarre lorsque le directeur de l'institution n'a pas reçu la
nomination qu'il attendait. Il était très mal et reportait sa colère sur son chef de service ; ce
dernier se retournait sur les médecins, qui se retournaient sur les infirmières. Et en final ce
sont les patients qui étaient mals.

Un enfant est mort de faim chez lui ; la mère avait des suivis psychologiques et sociologiques.
Les intervenants venaient chez la mère et n'allaient pas dans la chambre de l'enfant.

Dans une institution des enfants sont maltraités par les éducateurs ; tout le monde se tait. C'est
un stagiaire qui va parler.

-> ça fait tellement longtemps que l'équipe se tait, qu'elle ne peut plus dénoncer. Qui va
s'autoriser à en parler ? Ce n'est pas le problème d'une ou de deux personne, mais le problème
d'un collectif.

B. LES NOTIONS DE CRISE ET DE CONFLIT

Quelles différences entre crise et conflit :


* Crise -> Crisis -> Expression d'un état de tension. La crise donne à voir un état de tension et
ça on peut encore le réguler.

* Conflit -> Confluence -> front contre front. Il n'y a plus d'espace intermédiaire : à l'amour, à
la haine - à la vie et à la mort (de la fusion jusqu'à la mise à mort).

La sociologie institutionnelle a beaucoup empreinté à la socioanalyse. Elle se propose de


décomposer ce qui est manifeste et de le déchiffrer, pour les mettre en relation les avec les
autres.

LA CRISE INSTITUTIONNELLE

L'analyse institutionnelle décompose ce qui est manifeste dans la crise. L'institution est
l'inconscient politique de la société. Cet inconscient est le produit de refoulement de la racine
des rapports sociaux et de leur reproduction. L'institution censure la parole sociale,
l'expression de l'aliénation et la volonté de changement.

Toute institution cherche à maintenir un équilibre institutionnel, qui nie la dimension


individuelle, nie les différences, les désirs de changement, ..., pour se maintenir à l'identique.

LA SOCIOANALYSE

C'est l'intervention réalisée à partir d'un dispositif analyseur, qui est généralement construit. Il
y a mise en situation, qui est censée faire apparaître ce que jusque là l'institution masquait ou
cachait.

Le déviant peut être un analyseur.

* Le transfert institutionnel : on désigne l'attirance consciente et inconsciente, qui pousse les


acteurs sociaux à adhérer aux finalités des institutions qui les traversent, à les reconnaître
comme légitimes et rationnelles, à s'identifier à leurs contraintes et à leurs contradictions.

* Le contre-transfert institutionnel : C'est la situation où les savoirs de l'analyste et sa pratique


subissent l'influence de l'institué. L'analyste va s'identifier à toute ou à une partie de l'institué.

CRITIQUES

* points positifs :

- Nécessité d'analyser la demande ; apprendre à la décoder ;

- Nécessité d'analyser et d'approfondir la commande ;

- Analyse de l'implication du consultant et de tous les acteurs concernés dans le cadre de


l'intervention ;

- L'accent est mis sur le non-dit, le latent et l'inconscient, présent dans l'institution;

L'accent est mis sur les analyseurs naturels ou les analyseurs construits, qui révèlent certains
aspects latents du fonctionnement de l'institution.
* points négatifs (ambiguïtés et limites) :

- Action professionnelle ou politique -> militantisme, voir activisme (prendre parti contre
l'ordre institué) ;

- Dichotomie -> les bons et les méchants

- Manque de distanciation -> Le groupe qui prend parti n'a plus de distance suffisante et, de ce
fait intervient auprès du groupe client en s'identifiant à lui.

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