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Quelle antibiothérapie

et pour quelle durée


en cas d’ostéite du pied
chez le diabétique

Hervé Dutronc
Service de Maladies Infectieuses
Hôpital Pellegrin – Bordeaux
17 Mars 2017
Introduction
• L’ostéite compliquant l’infection du pied chez le diabétique
(IPD) survient chez 10-20% des patients ambulatoires et 50-60%
des patients hospitalisés
• Elle fait suite à une infection des parties molles qui se propage à
l’os (cortical puis médullaire) par contiguïté
• L’infection peut être monomicrobienne mais est plus souvent
polymicrobienne
• Staphylococcus aureus représente la bactérie la plus
fréquemment en cause (50%) suivie par les entérobactéries
(40%), les streptocoques (30%) et les staphylocoques à
coagulase négative (25%) Lipsky Clin Infect Dis 1997
Peut-on repérer cliniquement
une ostéite en cas d’IPD ?

• Plaie chronique malgré une prise en charge correcte


• Exposition osseuse
• Contact osseux

• Aspect érythémateux, œdémateux,


« en saucisse » de l’orteil
• Mobilité anormale de l’orteil
• Diamètre de la plaie > 20 mm
• Profondeur de la plaie > 3 mm

Lipsky et al. Clin Infect Dis 2004 2007


Faut-il faire une biopsie osseuse en cas de
suspicion d’ostéite lors d’IPD ?

2006
Corrélation entre prélèvements
superficiels et profonds
Biopsie osseuse transcutanée
Choix de l’antibiothérapie

Berendt et al. Diabetes Metab Res Rev 2008


Senneville et al. Diabetes care 2008
Faut-il débuter une antibiothérapie
probabiliste après les prélèvements ?
• S’il n’existe pas d’infection des parties molles, il est possible
d’attendre les résultats des prélèvements osseux pour
instaurer une antibiothérapie documentée

• En cas d’infection des parties molles en regard du foyer


d’ostéite, on débute dès la réalisation des prélèvements une
antibiothérapie parentérale probabiliste « couvrant » au
minimum Staphylococcus aureus
– amoxicilline/acide clavulanique IV
– pipéracilline/tazobactam en cas de forme + sévère ou récemment
traitée ou à risque de Pseudomonas aeruginosa
– +/- glycopeptide ou linézolide ou daptomycine si risque de SARM
Antibiothérapie documentée
d’après

2006
Staphylococcus sensible à la méticilline (1)
Molécule Posologie par 24h Voie Périodicité
d’administration
cloxacilline ou 8 à 12 g/j IV 4 ou 6 h
céfazoline 2 g (charge) puis 100 IV 24 h
mg/kg/j
+/- gentamicine (48h) 5 à 6 mg/kg/j IV 24 h
puis FQ ou rif. ou clin. ou
ac. fus. ou trim/sulf
Relais
ofloxacine ou 600 mg/j IV/PO 8h
lévofloxacine 1000 mg/j IV/PO 12 h
+ rifampicine 10 à 20 mg/kg/j IV/PO 12 h
OU
ofloxacine ou 600 mg/j IV/PO 8h
lévofloxacine 1000 mg/j IV/PO 12 h
+ acide fusidique 1 500 mg/j IV/P1000 O 8h
Staphylococcus sensible à la méticilline (2)
Molécule Posologie/24h Voie Périodicité
d’administration
rifampicine 10 à 20 mg/kg/j IV/PO 12 h
+ acide fusidique 1 500 mg/j IV/PO 8h
OU
clindamycine 1 800 à 2400mg/j IV/PO 6à8h
+ ofoxacine ou 600 mg/j IV/PO 8h
lévofloxacine 1000 mg/j IV/PO 12 h
OU
triméthoprime + 640/3 200 mg IV/PO 12h
sulfaméthoxazole (équivalent 2cp/12h
de triméthoprime +
Sulfaméthoxazole =
BACTRIM
FORTE)
+ rifampicine 10 à 20 mg/kg/j IV/PO 12 h
Staphylococcus résistant à la méticilline (1)

Molécule Posologie/24h Voie Périodicité


d’administration

vancomycine 1 g (dose de IV Dose de charge


charge) IVC (1h)
puis 30 mg/kg IVC ou / 12 h

+/- gentamicine (48h) 5 à 6 mg/kg/j IV 24 h


ou + rifampicine (en 10 à 20 mg/kg/j IV/PO 12 h
différé de 24h-48h)
OU
rifampicine 10 à 20 mg/kg/j IV/PO 12 h
1500 mg/j IV/PO 8h
+ acide fusidique
Staphylococcus résistant à la méticilline (2)
Molécule Posologie/24h Voie Périodicité
d’administration
triméthoprime + 640/ 3 200 mg IV/PO 12 h
sulfaméthoxazole (équivalent 2cp/12h
de triméthoprime +
Sulfaméthoxazole =
BACTRIM FORTE)

+ rifampicine 10 à 20 mg/kg/j IV/PO 12 h


OU
teicoplanine 10-12 mg/kg x 2/j IV/IM 3 j (dose de charge)
10-12 mg/kg/j IV/sous-cutané 24 h

+ rifampicine (en 10 à 20 mg/kg/j IV/PO 12 h


différé de 72h)
Staphylococcus résistant à la méticilline (3)
• Si la CMI du Staphylococcus vis-à-vis des glycopeptides est
≥ 1,5 mg/l, il faut prescrire soit la daptomycine soit le linézolide
• Ces 2 molécules sont à utiliser si possible en association avec la
rifampicine si la souche de Staphylococcus y est sensible
• Pour le linézolide :
– avantage : prescription orale d’emblée
– inconvénient : durée de prescription souvent limitée à 4 semaines en
raison des ESI hématologiques et neurologiques
Rao et al. Clin Orthop Rela Res 2004; Senneville et al. Clin Ther 2006; Falgalas et
al. Int J Antimicrob Agents 2007; Soriano et al. Eur J Clin Microbiol Infect Dis 2007
• Pour la daptomycine :
– la prescrire à la posologie de 8 à 12 mg/kg/j
– inconvénient : modalités pratiques d’administration (hospitalisation ou
HAD) John et al. Antimicrob Agents Chemother 2009; Antony et al. Scand J Infect
Dis 2006; Lamp et al. Am J Med 2007; Burns et al. Scand J Infect Dis 2006
Streptococcus spp
Molécule Posologie/24h Voie d’administration Périodicité

amoxicilline 150-200 mg/kg/j IV 4à6h

+/- rifampicine 10 à 20 mg/kg/j IV/PO 12 h

Si allergie à la
pénicilline
clindamycine 1 800 à 2400 mg/j IV/PO 6à8h
+/- rifampicine 10 à 20 mg/kg/j IV/PO 12 h
OU
vancomycine 1 g (dose de charge) IV Dose de charge (1h)
puis 30 mg/kg/j IVC IVC ou /12h
+/- rifampicine 10 à 20 mg/kg/j IV/PO 12 h
OU
teicoplanine 10-12 mg/kg x 2/j IV/sous-cutané 3 j (dose de charge)
puis 10-12 mg/kg/j IV/sous-cutané 24 h
+/- rifampicine 10 à 20 mg/kg/j IV/PO 12 h
Entérobactéries
Molécule Posologie/24h Voie Périodicité
d’administration
céfotaxime ou 200 mg/kg/j IV 4à6h
ceftriaxone ou 2 g/j IV 24 h
pipéracilline/tazobactam 12 à 16 g/j IV 6 à 8 h ou
continue
+ gentamicine (48h) ou 5 à 6 mg/kg/j IV 24 h
ofloxacine ou 600 mg/j IV/PO 8h
lévofloxacine ou 1000 mg /j IV/PO 12 h
ciprofloxacine 800 à 1 200 mg/j IV 8h
1 000 à 1 500 mg/j PO 12 h
Relais
ofloxacine ou 600 mg/j PO 8h
lévofloxacine ou 1000 mg/j PO 12 h
ciprofloxacine 1 000 à 1 500 mg/j PO 12 h
Peut-on traiter l’ostéite du pied diabétique
sans recourir à la chirurgie ?
Peut-on traiter l’ostéite du pied diabétique
sans recourir à la chirurgie ?
• Plusieurs études rétrospectives ont montré qu’un traitement
médical seul ou associé à une chirurgie conservatrice permettait
la guérison de l’ostéite en cas d’IPD dans 2/3 des cas même si
ces études ne précisent pas toujours la sévérité de l’IPD
Senneville et al. J Antimicrob Chemother 2001; Senneville et al. Diabetes Care 2008;
Ulçay et al. Pack J Med Sci 2014; Acharya et al. Diabetes Res Clin Prac 2013
• 1ère étude prospective randomisée comparant 2 groupes de
patients traités soit par une antibiothérapie exclusive de 3 mois
soit par chirurgie + antibiothérapie de 10 jours : pas de
différence significative
Lazaro-Martinez et al. Diabetes Care 2014
• La durée de l’antibiothérapie varie entre 6 et 12 semaines (pas
de différence significative entre 6 et 12 semaines)
Rod-Fleury et al. Int Orthop 2011; Tone et al. Diabetes Care 2014
Durée de l’antibiothérapie
• Elle n’est pas codifiée
• En cas de résection osseuse complète sans infection des parties
molles :
– 48 à 72h
• En cas de résection osseuse complète avec infection des parties
molles :
– 2 à 4 semaines
• En cas de résection osseuse partielle :
– 4 à 6 semaines
• En l’absence de résection osseuse ou os nécrotique :
– 3 mois
• La durée de la voie parentérale varie entre 7 et 14 jours en
fonction de la biodisponibilité orale de la molécule
Lipsky et al. Clin Infect Dis IDSA 2012
Conclusion

• La documentation bactériologique de l’ostéite lors de l’IPD


repose sur la biopsie osseuse
• L’antibiothérapie est ainsi documentée et débutée après les
résultats microbiologiques (sauf en cas d’infection des parties
molles)
• Initiée par voie parentérale, elle peut être relayée par voie
orale d’autant plus rapidement que la molécule a une bonne
biodisponibilité
• Elle repose sur des molécules ayant une bonne pénétration
dans l’os infecté
• Sa durée varie entre 2 et 12 semaines en fonction d’une
chirurgie associée et de l’état des parties molles en regard
Merci pour votre attention

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