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L'Étoile • 123

Vous êtes un écran vide. Flottez dans la vie sans engagement et les gens voudront vous la pompe était en cours dans tout

saisir et vous consumer. De toutes les parties de votre corps qui attirent cette attention Chypre, et des génisses, leurs
cornes tordues dorées pour
fétichiste, la plus forte est le visage ; alors apprenez à accorder votre visage comme un
l'occasion, étaient tombées sur
instrument, en lui faisant rayonner un flou fascinant pour l'effet. l'autel tandis que la hache
Et comme vous devrez vous démarquer des autres Étoiles du ciel, vous devrez frappait leur cou enneigé. La
fumée montait
développer un style qui attire l’attention. Dietrich était le grand praticien de cet art ;
de l'encens, quand Pygmalion,
son style était assez chic pour éblouir, assez bizarre pour captiver. N'oubliez pas après avoir fait son offrande, se
que votre propre image et votre présence sont des éléments que vous pouvez tenait près de l'autel et priait
timidement, disant : « Si vous,
contrôler. Le sentiment que vous êtes engagé dans ce genre de jeu incitera les
dieux, pouvez tout donner, que
gens à vous considérer comme supérieur et digne d’être imité. je l'aie pour femme, je vous en prie,
» il n'osa pas dire : « la jeune fille

Elle avait un tel équilibre naturel. ture, . . une telle économie de gestion d'ivoire", mais il termina : "une

. . comme la jeune fille


qu'elle est devenue aussi absorbante qu'une Modigliani. .
d'ivoire". Cependant, Vénus
Elle avait la seule qualité essentielle d’une star : elle pouvait être magnifique dorée, présente en personne
sans rien faire. à sa fête, comprit ce que son

—L'ACTRICE BERLINIENNE LILI DARVAS EST MARLEN E DIETRIC H

les prières signifiaient, et comme


signe que les dieux étaient

L'étoile mythique bienveillants, les flammes brûlèrent


trois fois, projetant une langue
de feu dans l'air. Quand

L e 2 juillet 1960, quelques semaines avantHarry


le scrutin national démocrate de cette année­là, Pygmalion rentra chez lui, il se
Convention, l'ancien président Truman a déclaré publiquement que
dirigea droit vers la statue de la
John F. Kennedy, qui avait gagné suffisamment de délégués pour être choisi comme jeune fille qu'il aimait,
candidat de son parti à la présidence, était trop jeune et inexpérimenté pour ce se pencha sur le canapé et
l'embrassa. Elle semblait
poste. La réponse de Kennedy a été surprenante : il a convoqué une conférence de
chaud : il posa de nouveau ses
presse, qui devait être retransmise en direct à la télévision dans tout le pays, le 4
lèvres sur les siennes et la toucha
juillet. Le drame de la conférence a été renforcé par le fait qu'il était en vacances, poitrine avec ses mains ­ à

de sorte que personne ne l'a vu ou entendu parler de lui jusqu'à l'événement. lui­ au toucher, l'ivoire perdit sa dureté
et devint mou.
même. Puis, à l’heure dite, Kennedy entra dans la salle de conférence comme un
shérif entrant dans Dodge City. Il a commencé par déclarer qu'il s'était présenté à — Ô LARGE , MÉTAMORPHOSES ,

TRADUIRE DBY MAR YM . À L'INTÉRIEUR DE S


toutes les primaires de l'État, au prix d'argent et d'efforts considérables, et qu'il avait
battu ses adversaires de manière juste et directe. Qui était Truman pour contourner
le processus démocratique ? "C'est un pays jeune", a poursuivi Kennedy, sa voix
. . Le.
devenant plus forte, "fondé par de jeunes hommes... et encore jeunes de cœur. [John F.] Kennedy a
apporté au journal télévisé et au
monde change, les anciennes méthodes ne suffiront pas. . . Il est temps pour une nouvelle
photojournalisme les éléments
génération de dirigeants de faire face à de nouveaux problèmes et à de nouvelles opportunités. » les plus répandus dans le monde
Même les ennemis de Kennedy s'accordèrent à dire que son discours de ce jour­là était du cinéma : la qualité des stars
et l'histoire mythique.
émouvant. Il a renversé le défi lancé par Truman : le problème n'était pas son inexpérience
Avec son apparence télégénique,
mais le monopole du pouvoir de l'ancienne génération. Son style était aussi éloquent que ses ses capacités de présentation de
paroles, car sa performance évoquait les films de l'époque – Alan Ladd dans Shane affrontant soi, ses fantasmes

les vieux éleveurs corrompus, ou James Dean dans Rebel Without a Cause. Kennedy héroïques et son
intelligence créatrice, Kennedy
ressemblait même à Dean, notamment par son air de détachement et de sang­froid.
était brillamment préparé à projeter
un personnage majeur à

Quelques mois plus tard, Kennedy, désormais approuvé comme candidat démocrate à la l'écran. Il s'est approprié les
discours de la culture de masse,
présidentielle, affronta son adversaire républicain, Richard Nixon, lors de leur premier débat
notamment hollywoodienne,
télévisé à l'échelle nationale. Nixon était vif ; il savait et les a transférés au
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124 • L'art de la séduction

nouvelles. Par cette stratégie, les réponses aux questions et débattu avec aplomb, citant des statistiques sur
il a fait de l'actualité un rêve les réalisations de l'administration Eisenhower, dont il avait été vice­président.
et comme les films ­ un
Mais sous l'éclat des caméras, à la télévision en noir et blanc, il était une
domaine dans lequel les images
mettaient en scène des scénarios silhouette épouvantable : son ombre de cinq heures recouverte de poudre, des
conformes aux attentes du spectateur. traces de sueur sur son front et ses joues, son visage tombant de fatigue, ses

aspirations les plus profondes. . . .


yeux changeants et clignant des yeux, son corps rigide. De quoi était­il si inquiet ?
N'apparaissant jamais
dans un véritable film, Le contraste avec Kennedy était saisissant. Si Nixon ne regardait que son
mais faisant plutôt de adversaire, Kennedy regardait le public, établissant un contact visuel avec ses
l'appareil de télévision son téléspectateurs, s'adressant à eux dans leur salon comme aucun homme
écran, il devient la plus
grande star de cinéma du XXe siècle.
politique ne l'avait jamais fait auparavant. Si Nixon parlait de données et de
siècle. points de débat épineux, Kennedy parlait de liberté, de construction d'une nouvelle
—JOH N HELLMANN, LE société, de reconquête de l'esprit pionnier de l'Amérique. Son attitude était sincère
L'OBSESSION DE KENNEDY : LE
et emphatique. Ses paroles n’étaient pas précises, mais il faisait imaginer à ses auditeurs
MYTHE AMÉRICAIN DE JFK

Le lendemain du débat, les chiffres des sondages pour Kennedy ont grimpé en flèche et partout où il allait,

il était accueilli par des foules de jeunes filles, criant et sautant. Sa belle épouse Jackie à ses côtés, c'était une

sorte de prince démocrate. Désormais, ses apparitions à la télévision étaient des événements. Il fut finalement
Mais nous l'avons vu, élu président, et son discours inaugural, également diffusé à la télévision , l'histoire de Sion, fut émouvant. C'était
considéré comme un total
une journée froide et hivernale. En arrière­plan, Eisen ­ les étoiles répètent, à leur manière, blotties dans leur
manteau et leur écharpe, l'air
manteau pour s'adresser à lavieilles et battues. Mais Kennedy mesure l'histoire des dieux. Devant les dieux, ils se tenaient sans chapeau ni
une autre génération . le nation : « Je ne crois pas qu'aucun des États ­Unis (avant les étoiles) échangerait sa place avec un autre peuple ou
dévouement que nous
apportons à cette entreprise sera écran) était peuplé de spectres ou de fantômes éclairant notre pays et tous ceux qui le
servent ­ et la lueur de
Kennedy donna ce feu doté du mirage peut véritablement éclairer le monde. et magie du double. • Au cours des mois qui suivirent,

président précédentd'innombrables
n'avait conférences de presse en direct. Plusieurs de ces présences devant les caméras de télévision, ce qu'aucun
osé. ont progressivement
pris corps et substance, ont Face au peloton d'exécution des lentilles et des questions, il n'a pas eu peur, sa
parole a pris forme, amplifiée,
froidement et légèrement ironique.
Que se passait­il derrière ces
taquinaient ses déesses. Et yeux qui s'épanouissaient en dieux et en sourires ? Les gens voulaient en savoir plus sur lui. Les magazines

enfants des anciens panthéonsmême , si certains dieux majeurs des lecteurs informatifs – photographies de Kennedy avec sa femme et ses méta­
ou jouant au football sur la
pelouse de la Maison Blanche – les interviews se transforment en un sentiment de père de famille dévoué, mais celui
qui s'est mêlé en tant que héros
fondues : la course à égal aux dieux du salut, aux déesses des étoiles humanisées avec des étoiles glamour. Les images se sont toutes

de Cuba tout comme ill'espace,


avait les eux­mêmes et le nouveau Corps de la Paix, Kennedy affrontant les Soviétiques pendant la crise des missiles
affronté Truman.

médiateurs entre le monde


fantastique des rêves et la vie
quotidienne de l'homme
Après l'assassinat de Kennedy, Jackie a déclaré dans une interview qu'avant d'aller se coucher, il jouait
sur terre....• Les héros de . sont,
les films . De . dans un souvent les bandes sonores des comédies musicales de Broadway, et sa préférée parmi celles­ci était Camelot,

manière évidemment atténuée, avec ses répliques : « Ne laissez pas l'oublier / qu'une fois il y avait un endroit / Pour un bref moment brillant /
des héros mythologiques dans C'était connu sous le nom de Camelot. Il y aurait à nouveau de grands présidents, a déclaré Jackie, mais jamais
ce sens de devenir divins.
La star est l'acteur ou « un autre Camelot ». Le nom "Camelot" semblait rester, faisant résonner l'actrice qui absorbe une partie des

du héros ou de l'héroïne des mille jours de mandat de Kennedy comme un mythe. la substance héroïque, c'est­à­dire divinisée et mythique,

films, et qui à son tour enrichit cette substance en

La séduction du public américain par Kennedy était consciente et calculée.


C’était aussi plus Hollywood que Washington, ce qui n’était pas surprenant :
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L'Étoile • 125

Le père de Kennedy, Joseph, avait été producteur de films, et Kennedy lui­même sa propre contribution

solution. Quand nous parlons du


avait passé du temps à Hollywood, côtoyant des acteurs et essayant de comprendre
mythe de la star, nous entendons
ce qui faisait d'eux des stars. Il était particulièrement fasciné par Gary Cooper, d’abord le processus de divinisation
Montgomery Clift et Cary Grant ; il appelait souvent Grant pour obtenir des conseils. que subit l’acteur de cinéma,
processus qui fait de lui l’idole
des foules.
Hollywood avait trouvé le moyen d’unir le pays tout entier autour de certains
thèmes, ou mythes – souvent le grand mythe américain de l’Occident. Les grandes
—EDGAR MORIN, LES ÉTOILES,
stars incarnaient des types mythiques : John Wayne le patriarche, Clift le rebelle TRADUIT PAR RICHARD

prométhéen, Jimmy Stewart le noble héros, Marilyn Monroe la sirène. Ce n’étaient HOWARD

pas de simples mortels mais des dieux et des déesses dont il fallait rêver et
fantasmer. Toutes les actions de Kennedy ont été encadrées par les conventions
d’Hollywood. Il n’a pas discuté avec ses adversaires, il les a affrontés de manière Âge : 22 ans, Sexe : féminin,
dramatique. Il a posé, et de manière visuellement fascinante, que ce soit avec sa Nationalité: Britanique,

Profession : étudiant en médecine


femme, avec ses enfants ou seul sur scène. Il copiait les expressions faciales, la
"[Deanna Durbin] est devenue mon
présence, d'un Dean ou d'un Cooper. Il n’a pas discuté des détails politiques mais premier et unique écran
s’est montré éloquent sur les grands thèmes mythiques, ceux qui pourraient unir une idole. Je voulais être comme

nation divisée. Et tout cela était calculé pour la télévision, car Kennedy existait lui ressemblant le plus possible,
tant dans mes manières que dans
surtout sous forme d’image télévisée. Cette image hantait nos rêves. Bien avant son mes vêtements. Chaque fois que je devais
assassinat, Kennedy avait suscité des fantasmes sur l’innocence perdue de obtenir une nouvelle robe, je

l’Amérique avec son appel à une renaissance de l’esprit pionnier, une Nouvelle trouvais dans ma collection une

Frontière. photo particulièrement belle de


Deanna et je demandais une robe
De tous les types de personnages, l’Étoile Mythique est peut­être le plus puissant comme elle la portait. J'ai coiffé mes
de tous. Les gens sont divisés selon toutes sortes de catégories consciemment cheveux autant que je pouvais. Si
je me trouvais dans un
reconnues : race, sexe, classe sociale, religion, politique. Il est donc impossible
d’accéder au pouvoir à grande échelle ou de remporter une élection en s’appuyant situation gênante ou aggravante.
sur la conscience ; un appel à un groupe ne fera qu’en aliéner un autre. Cependant, . . Je me

inconsciemment, nous partageons beaucoup de choses. Nous sommes tous mortels, suis demandé ce que Deanna
ferait et j'ai modifié mes
nous connaissons tous la peur, nous avons tous été marqués de l’empreinte de propres réactions en conséquence. ...
"
figures parentales ; et rien n’évoque plus cette expérience partagée que le mythe. • Âge : 26, Sexe : féminin,

Les schémas du mythe, nés de sentiments conflictuels d’impuissance d’une part et Nationalité : Britannique « Je ne
suis tombé amoureux qu'une seule
de soif d’immortalité de l’autre, sont profondément gravés en nous tous. fois d'un film
Les étoiles mythiques sont des figures de mythes qui prennent vie. Pour vous acteur. C'était Conrad Veidt.

approprier leur pouvoir, vous devez d'abord étudier leur présence physique : Son magnétisme et sa
personnalité m'ont séduit. Sa
comment ils adoptent un style distinctif, sont cool et visuellement saisissants. Vous
voix et ses gestes m'ont fasciné.
devez alors prendre la pose d'une figure mythique : le rebelle, le sage patriarche, Je le détestais, je le craignais,

l'aventurier. (La pose d'une étoile qui a pris l'une de ces poses mythiques pourrait fairejel'affaire.)
l'aimais.
Quand il est mort, il semblait que
Rendez ces liens vagues ; ils ne devraient jamais être évidents pour l’esprit
moi qu'une partie vitale de mon
conscient. Vos paroles et vos actions doivent inviter à une interprétation au­delà de imagination est morte aussi et que
leur apparence superficielle ; vous devriez sembler ne pas traiter de questions et de mon monde de rêves était vide.
"
détails spécifiques et essentiels, mais de questions de vie et de mort, d'amour et de
haine, d'autorité et de chaos. De la même manière, votre adversaire ne doit pas être —J. P. MAYER, BRITANNIQUE
LES CINÉMAS ET LEURS
présenté simplement comme un ennemi pour des raisons d’idéologie ou de PUBLIC

compétition, mais comme un méchant, un démon. Les gens sont désespérément


sensibles aux mythes, alors faites de vous le héros d’un grand drame. Et gardez vos
distances : laissez les gens s'identifier à vous sans pouvoir vous toucher. Ils ne
peuvent que regarder et rêver.
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126 • L'art de la séduction

Le sauvage adore des idoles La vie de Jack avait plus à voir avec le mythe, la magie, la légende, la
de bois et de pierre ; saga et l'histoire qu'avec la théorie politique ou la science politique.
l'homme civilisé, idoles de chair
et de sang. —JACQUELINE KENNEDY, UNE SEMAINE APRÈS LA MORT DE JOHN KENNEDY

­GEORGE BERNARD SHAW

Clés du personnage
Lorsque les rayons de l'œil

S
L’éducation est une forme de persuasion qui cherche à contourner la conscience, à
rencontrent une lumière claire et bien

objet poli ­ qu'il s'agisse appelez plutôt l’inconscient. La raison en est simple : nous sommes tellement
d'acier bruni, de verre ou entourés de stimuli qui rivalisent pour attirer notre attention, nous bombardant de
d'eau, d'une pierre brillante
messages évidents, et de personnes ouvertement politiques et manipulatrices, que
ou de toute autre
substance polie et nous sommes rarement charmés ou trompés par eux. Nous sommes devenus de plus
brillante ayant du lustre, des en plus cyniques. Essayez de persuader une personne en faisant appel à sa conscience,
paillettes et. des éclats. . ces en disant clairement ce que vous voulez, en montrant toutes vos cartes, et quel espoir
rayons de l'œil sont réfléchis,
et l'observateur alors avez­vous ? Vous n’êtes qu’une irritation de plus à éliminer.
se contemple et obtient Pour éviter ce sort, vous devez apprendre l’art de l’insinuation, d’atteindre
une vision oculaire de sa l’inconscient. L’expression la plus éloquente de l’inconscient est le rêve, qui est
propre personne. C'est ce
intimement lié au mythe ; au réveil d'un rêve, nous sommes souvent hantés par ses
que vous voyez lorsque
vous vous regardez dans un images et ses messages ambigus. Les rêves nous obsèdent car ils mélangent le réel et
miroir ; dans cette situation, l’irréel. Ils sont remplis de personnages réels et traitent souvent de situations réelles,
vous vous regardez pour ainsi
mais ils sont délicieusement irrationnels, poussant les réalités aux extrêmes du délire.
dire à travers les yeux d’un autre.
Si tout dans un rêve était réaliste, il n’aurait aucun pouvoir sur nous ; si tout était irréel,
—IBN HAZM, L'ANNEAU DE
LA COLOMBE :UN TRAITÉ SUR LA nous nous sentirions moins impliqués dans ses plaisirs et ses peurs. C’est la fusion des
ART ET PRATIQUE DE L'ARABE deux qui le rend obsédant. C'est ce que Freud a appelé « l'étrangeté » : quelque chose
L'AMOUR, TRADUIT PAR AJ
qui semble à la fois étrange et familier.
ARBERIE

Nous vivons parfois l’étrangeté dans la vie éveillée – dans un déjà­vu, une
coïncidence miraculeuse, un événement étrange qui rappelle une expérience d’enfance.
Les seules Personnes
collectifs comme Kennedy importantes peuvent avoir un effet similaire. Les gestes, les mots, l'être même d' une constellation d'hommes
celle de l'irréel : on ne ou Andy Warhol, par exemple, évoquent à la fois le réel et la séduction produite par les temps modernes [est]
s'en rend peut­être pas
compte (et comment pourrait­on nous, vraiment), mais ce sont pour nous des stars de cinéma ou de cinéma comme
des personnages de
. . Ils étaient notrerêve. Ils ont des qualités qui les ancrent dans la réalité : des idoles. .
incapable de générer sincérité, notre enjouement, notre sensualité – mais en même temps leur distance, leur seul mythe à une époque
de la supériorité, leur
qualité presque surréaliste les fait ressembler à de grands mythes ou à des personnages sortis d'un film. séduction
comparable à Ces types ont
un effet obsédant et
obsessionnel sur les gens.
nous séduisent, nous donnent Que ce soit dans ceux de la mythologie ou de l'art. • Le pouvoir du cinéma vit dans le public ou dans le privé, ils
envie de les posséder tous
deux, son mythe. Ses pierres, c'est physiquement et psychologiquement. Mais comment pouvons­nous posséder
une personne à partir d'un
portrait psychologique, d'un rêve, ou d'une star de cinéma ou d'une star politique, ou même d'une de ces
fascinations de la vie
traverser notre chemin? Ne réelle, de son imagination ou de son réalisme, des impressions significatives , comme un Warhol, qui peuvent
pouvant les avoir, nous le quittons – ils en sont tous devenus obsédés – ils hantent nos pensées, nos rêves, nos secondaires. Seuls les mythes
fantasment. Nous les
imitons inconsciemment. Le psychologue Sandor Fer­ est puissant, et à l' enczi appelle cela "l'introjection" : une
autre personne devient une
séduction insidieux d'unepartie de notre ego, nous, au cœur du mythe cinématographique, intériorisons son caractère. C'est le pouvoir de
fameuse Étoile, une séduction, celle du pouvoir que l'on peut s'approprier en se faisant un chiffre, un mélange de la
figure de séduction, du réel
et de l'irréel. La plupart des gens sont désespérément banals ; c'est­à­dire beaucoup trop réel. un homme ou une
femme (mais
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L'Étoile • 127

Ce que vous devez faire, c’est vous éthériquer. Vos paroles et vos actions semblent avant tout une femme) liée
au pouvoir ravissant
provenir de votre inconscient – elles ont une certaine liberté. Vous vous retenez, révélant
mais spécieux de
parfois un trait de caractère qui amène les gens à se demander s'ils vous connaissent l'image cinématographique
vraiment. elle­même. ... • L'étoile n'est
en aucun cas un idéal ou
The Star est une création du cinéma moderne. Ce n’est pas une surprise : le
être sublime : elle est
cinéma recrée le monde des rêves. Nous regardons un film dans le noir, dans un état
artificielle. . . . Sa présence
de semi­sommeil. Les images sont assez réelles et représentent à des degrés divers sert à submerger toute
des situations réalistes, mais ce sont des projections, des lumières vacillantes, des sensibilité et toute expression
sous une fascination rituelle du
images – nous savons qu’elles ne sont pas réelles. C'est comme si nous regardions le
vide, sous l'extase de son
rêve de quelqu'un d'autre. C’est le cinéma, et non le théâtre, qui a créé la Star. regard et la nullité de son sourire.
Sur une scène de théâtre, les acteurs sont lointains, perdus dans la foule, trop réels C’est ainsi qu’elle accède au
statut mythique et devient
dans leur présence corporelle. Ce qui a permis au cinéma de fabriquer la Star, c'est le
soumise aux rites collectifs
gros plan, qui sépare soudain les acteurs de leur contexte, remplissant l'esprit de leur d’adulation sacrificielle.
image. Le gros plan semble révéler quelque chose non pas tant sur le personnage qu’ils • L'ascension des idoles du

incarnent que sur eux­mêmes. Nous apercevons quelque chose de Greta Garbo elle­ cinéma, divinités des masses,
était et reste une
même lorsque nous regardons son visage de si près. N’oubliez jamais cela lorsque vous histoire centrale de l'histoire
vous façonnez en star. Tout d'abord, vous devez avoir une présence si importante que moderne.
fois. . . .
vous puissiez remplir l'esprit de votre cible comme un gros plan remplit l'écran. Vous
Il est inutile de les considérer
devez avoir un style ou une présence qui vous distingue des autres. Soyez vague et
comme de simples rêves
onirique, mais ni distant ni absent : vous ne voulez pas que les gens soient incapables de masses mystifiées. C'est
de se concentrer sur vous ou de se souvenir de vous. un événement séduisant. . . . •
Certes, la séduction dans le
Ils doivent vous voir dans leur esprit lorsque vous n'êtes pas là.
L'âge des masses n'est plus
Deuxièmement, cultivez un visage vide et mystérieux, le centre qui rayonne l’étoile. celui des masses. . . Les

Cela permet aux gens de lire en vous ce qu'ils veulent, en imaginant qu'ils peuvent voir Liaisons Dangereuses ou Le
Journal du Séducteur, ni
votre personnage, voire votre âme. Au lieu de signaler des humeurs et des émotions, au
d'ailleurs, comme celle que l'on
lieu d’exprimer des émotions ou des émotions excessives, l’étoile suscite des trouve dans la
interprétations. C'est là le pouvoir obsessionnel face à Garbo ou Dietrich, ou même à mythologie antique,

Kennedy, qui ont calqué leurs expressions sur celles de James Dean. qui contient sans doute les
histoires les plus riches en séduction.
Un être vivant est dynamique et changeant tandis qu'un objet ou une image est Chez elles, la séduction est
passif, mais dans sa passivité, il stimule nos fantasmes. Une personne peut acquérir ce chaude, tandis que celle de
pouvoir en devenant une sorte d’objet. Le grand charla­tan du XVIIIe siècle, le comte nos idoles modernes est froide,
étant à l'intersection de
de Saint­Germain, fut à bien des égards un précurseur de l'Étoile. Il apparaissait
deux médiums froids, celui de
soudainement en ville, on ne savait d'où ; il parlait plusieurs langues, mais son accent l'image et celui de
n'appartenait à aucun pays. On ne savait pas non plus quel âge il avait – pas jeune, masses. ... l'image .

clairement, mais son visage avait un éclat sain. Le comte ne sortait que la nuit. Il portait
éblouir par leur talent ou leur
toujours du noir et aussi des bijoux spectaculaires. En arrivant à la cour de Louis XV, il intelligence, mais par leur
fait instantanément sensation ; il empestait la richesse, mais personne n'en connaissait absence.
Ils sont éblouissants par leur
la source. Il a fait croire au roi et à Madame de Pompadour qu'il possédait des pouvoirs
nullité et par leur froideur,
fantastiques, y compris même la capacité de transformer une matière grossière en or (le la froideur du maquillage et du
don de la pierre philosophale), mais il n'a jamais fait de grandes prétentions pour lui­ hiératisme rituel. . • Ces
. .
même ; tout n’était qu’insinuation. Il n'a jamais dit oui ou non, seulement peut­être. Il
de grandes effigies séduisantes
s'asseyait pour le dîner mais on ne l'a jamais vu en train de manger. Il offrit un jour à sont nos masques, nos
Madame de Pompadour des bonbons dans une boîte qui changeait de couleur et Statues insulaires.

d'aspect selon la façon dont elle la tenait ; cet objet ravissant, disait­elle, lui rappelait le —JEAN BAUDRILLARD,

comte lui­même. Saint­Germain a peint les tableaux les plus étranges que l'on ait SÉDUCTION, TRADUIT PAR

BRIAN CHANTEUR
jamais vu : les couleurs
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128 • L'art de la séduction

Si vous voulez tout savoir étaient si vibrants que lorsqu'il peignait des bijoux, les gens pensaient qu'ils étaient réels.
sur Andy Warhol, il suffit de
Les peintres voulaient désespérément connaître ses secrets mais il ne les a jamais révélés.
regarder la surface de mes
peintures et de mes films Il quitterait la ville comme il y était entré, soudainement et tranquillement. Son plus grand
et de moi, et me voilà. admirateur fut Casanova, qui le rencontra et ne l'oublia jamais. Quand il est mort, personne
Il n'y a rien derrière ça. n’y a cru ; des années, des décennies, un siècle plus tard, les gens étaient certains qu'il se
—ET Y WARHOL, CITÉS DANS cachait quelque part. Une personne dotée de pouvoirs comme les siens ne meurt jamais.
STEPHEN KOCH, STARGAZER :
Le comte avait toutes les qualités d'une star. Tout chez lui était ambigu et ouvert à
LA VIE, LE MONDE ET LES FILMS DE

ANDY WARHOL l'interprétation. Coloré et vibrant, il se démarquait du lot. On le croyait immortel, tout comme
une étoile ne semble ni vieillir ni disparaître. Ses paroles étaient comme sa présence :
fascinantes, diverses, étranges, leur sens flou. Tel est le pouvoir que vous pouvez acquérir
en vous transformant en un objet scintillant.

Andy Warhol obsédait également tous ceux qui le connaissaient. Il avait un style
distinctif – ces perruques argentées – et son visage était vide et mystérieux. Les gens ne
savaient jamais à quoi il pensait ; comme ses peintures, il était une pure surface.
Par la qualité de leur présence Warhol et Saint­Germain rappellent les grands trompe­l'oeil
du XVIIe siècle, ou les estampes de MC
Escher – des mélanges fascinants de réalisme et d’impossibilité, qui font se demander s’ils
sont réels ou imaginaires.
Une star doit se démarquer, et cela peut impliquer un certain talent dramatique, du genre
de celui que Dietrich révélait lors de ses apparitions dans les fêtes. Parfois, cependant, un
effet plus obsédant et onirique peut être créé par des touches subtiles : la façon dont vous
fumez une cigarette, une inflexion vocale, une façon de marcher. Ce sont souvent les petites
choses qui piquent la peau des gens et les poussent à vous imiter : la mèche de cheveux sur
l'œil droit de Veronica Lake, la voix de Cary Grant, le sourire ironique de Kennedy. Même si
ces nuances peuvent à peine être perçues par l’esprit conscient, elles peuvent être
subliminales aussi attrayantes qu’un objet ayant une forme frappante ou une couleur étrange.
Inconsciemment, nous sommes étrangement attirés par des choses qui n’ont de sens que
par leur apparence fascinante.
Les étoiles nous donnent envie d’en savoir plus sur elles. Il faut apprendre à attiser la
curiosité des gens en leur laissant entrevoir quelque chose dans votre vie privée, quelque
chose qui semble révéler un élément de votre personnalité. Laissez­les fantasmer et imaginer.
Un trait qui déclenche souvent cette réaction est un soupçon de spiritualité, qui peut être
diablement séduisant, comme l'intérêt de James Dean pour la philosophie orientale et
l'occulte. Des allusions à la bonté et au grand cœur peuvent avoir un effet similaire. Les
étoiles sont comme les dieux du mont Olympe, qui vivent pour l’amour et le jeu. Les choses
que vous aimez – les gens, les passe­temps, les animaux – révèlent le genre de beauté
morale que les gens aiment voir dans une étoile. Exploitez ce désir en montrant aux gens un
aperçu de votre vie privée, les causes pour lesquelles vous vous battez, la personne dont
vous êtes amoureux (pour le moment).
Une autre façon dont les stars séduisent est de nous faire identifier à elles, nous
procurant ainsi un frisson indirect. C’est ce qu’a fait Kennedy lors de sa conférence de presse
sur Truman : en se positionnant comme un jeune homme lésé par un homme plus âgé,
évoquant un conflit générationnel archétypal, il a amené les jeunes à s’identifier à lui. (La
popularité dans les films hollywoodiens de la figure de l’adolescent désaffecté et lésé l’a aidé
ici.) La clé est de représenter un
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L'Étoile • 129

type, car Jimmy Stewart représentait la quintessence du middle­américain, Cary Grant


l'aristocrate lisse. Les personnes de votre type graviteront autour de vous, s’identifieront
à vous, partageront votre joie ou votre douleur. L'attirance doit être inconsciente,
véhiculée non pas dans vos mots mais dans votre pose, votre attitude.
Aujourd’hui plus que jamais, les gens ne sont pas en sécurité et leurs identités sont en pleine mutation.
Aidez­les à déterminer un rôle à jouer dans la vie et ils afflueront pour s’identifier à vous.
Rendez simplement votre type dramatique, visible et facile à imiter. Le pouvoir que vous
avez d’influencer ainsi l’estime de soi des gens est insidieux et profond.

N'oubliez pas : tout le monde est un artiste public. Les gens ne savent jamais
exactement ce que vous pensez ou ressentez ; ils vous jugent sur votre apparence.
Vous êtes un acteur. Et les acteurs les plus efficaces ont une distance intérieure :
comme Dietrich, ils peuvent modeler leur présence physique comme s’ils la percevaient de l’extérieur.
Cette distance intérieure nous fascine. Les stars sont ludiques avec elles­mêmes,
ajustant toujours leur image, l'adaptant à leur époque. Rien n'est plus risible qu'une
image qui était à la mode il y a dix ans mais qui ne l'est plus aujourd'hui. Les étoiles
doivent toujours renouveler leur éclat sous peine d’affronter le pire sort possible : l’oubli.

Symbole : Le
Idole. Un morceau de pierre gravé dans le

forme d'un dieu, peut­être scintillant d'or

et des bijoux. Les yeux des fidèles remplissent la pierre

avec la vie, en l'imaginant dotée de véritables pouvoirs. Sa forme permet

eux de voir ce qu'ils veulent voir ­ un dieu ­ mais c'est en réalité

juste un morceau de pierre. Le dieu vit dans leur imagination.


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130 • L'art de la séduction

Risques

Les étoiles créent des illusions agréables à voir. Le danger est que les gens
lassez­vous d'eux ­ l'illusion ne fascine plus ­ et tournez­vous vers un autre
Étoile. Laissez cela se produire et il vous sera très difficile de retrouver votre place dans
la galaxie. Vous devez garder tous les yeux rivés sur vous à tout prix.
Ne vous souciez pas de votre notoriété, ni des atteintes à votre image ; nous
pardonnons remarquablement à nos étoiles. Après la mort du président Kennedy, toutes
sortes de vérités désagréables sont apparues à son sujet : ses aventures sans fin, sa
dépendance au risque et au danger. Rien de tout cela n’a diminué son attrait et, en fait, le
public le considère toujours comme l’un des plus grands présidents américains. Errol Flynn
a été confronté à de nombreux scandales, notamment une affaire de viol notoire ; ils n'ont
fait qu'améliorer son image libertine. Une fois que les gens ont reconnu une star, toute
publicité, même mauvaise, ne fait qu'alimenter l'obsession. Bien sûr, on peut aller trop
loin : les gens aiment une étoile pour avoir une beauté transcendante, et trop de fragilité
humaine finira par les désillusionner. Mais une mauvaise publicité est moins dangereuse
que de disparaître trop longtemps ou de s’éloigner trop. Vous ne pouvez pas hanter les
rêves des gens s’ils ne vous voient jamais. Dans le même temps, vous ne pouvez pas
laisser le public vous connaître trop ou laisser votre image devenir prévisible.
Les gens se retourneront contre vous en un instant si vous commencez à les ennuyer, car
l’ennui est le mal social ultime.

Le plus grand danger auquel les stars sont confrontées est peut­être l’attention sans fin qu’elles suscitent.

Une attention obsessionnelle peut devenir déconcertante et pire encore. Comme toute
femme séduisante peut en témoigner, il est fatiguant d'être regardée en permanence, et
l'effet peut être destructeur, comme le montre l'histoire de Marilyn Monroe. La solution est
de développer le genre de distance par rapport à soi­même qu'avait Dietrich : prendre
l'attention et l'idolâtrie avec un grain de sel et maintenir un certain détachement à leur
égard. Abordez votre propre image de manière ludique. Plus important encore, ne devenez
jamais obsédé par la qualité obsessionnelle de l’intérêt des gens pour vous.
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Se­

les duceurs dessinent

tu es par le fo­
une attention personnalisée et individualisée

tion qu'ils vous paient. Anti­séducteurs

sont à l’opposé : peu sûrs d’eux, égocentriques,

et incapable de saisir la psychologie d'un­

autre personne, ils se repoussent littéralement. Anti­

Les séducteurs n'ont aucune conscience d'eux­mêmes, et jamais

réalisent quand ils harcèlent, imposent,

parler trop. Il leur manque la subtilité

créer la promesse d'un plaisir qui séduit

tion exige. Extirper l'anti­séduisant

qualités en vous et reconnaissez­les

chez d'autres, il n'y a ni plaisir ni profit

face à l’Anti­Séducteur.
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Typologie des anti­séducteurs


Les anti­séducteurs se présentent sous de nombreuses formes et types, mais presque tous
UNpartagent un seul attribut, source de leur répulsion : l’insécurité. Nous ne sommes tous pas
en sécurité et nous en souffrons. Pourtant, nous sommes parfois capables de surmonter ces
sentiments ; un engagement séduisant peut nous faire sortir de notre égocentrisme habituel, et
dans la mesure où nous séduisons ou sommes séduits, nous nous sentons chargés et confiants.
Cependant, les anti­séducteurs manquent tellement d’assurance qu’ils ne peuvent pas être Le comte Lodovico alors
remarqua avec un sourire :
entraînés dans le processus de séduction. Leurs besoins, leurs angoisses, leur gêne les enferment.
"Je vous promets que notre
Ils interprètent la moindre ambiguïté de votre part comme une offense à leur ego ; ils considèrent courtisan sensé ne le fera jamais
le moindre signe de retrait comme une trahison et sont susceptibles de s’en plaindre amèrement. agir si bêtement pour gagner la
faveur d'une femme." • Cesare
Gonzaga répondit: "Ni aussi
Cela semble facile : les anti­séducteurs repoussent, alors soyez repoussé – évitez­les.
bêtement que je me souviens d'un
Malheureusement, de nombreux anti­séducteurs ne peuvent pas être détectés comme tels au gentleman, d'une certaine

premier coup d'œil. Ils sont plus subtils et, à moins que vous ne fassiez attention, ils vous piégeront réputation, que je ne
souhaite pas épargner aux hommes.
dans une relation des plus insatisfaisantes. Vous devez rechercher des indices sur leur implication " •
mentionner par son nom.
personnelle et leur insécurité : peut­être sont­ils peu généreux, ou argumentent­ils avec une "Eh bien, dis­nous au moins quoi
ténacité inhabituelle, ou portent­ils des jugements excessifs. Peut­être vous prodiguent­ils des il l'a fait, dit la duchesse. Puis
Cesare continua :
éloges immérités, vous déclarant leur amour avant de savoir quoi que ce soit sur vous. Ou, plus
"Il était aimé d'une personne très
important encore, ils ne prêtent aucune attention aux détails. Puisqu’ils ne peuvent pas voir ce qui
grande dame, et à sa
vous différencie, ils ne peuvent pas vous surprendre avec une attention nuancée. demande, il vint secrètement dans
la ville où elle se trouvait.

Après l'avoir vue et Il est essentiel


de reconnaître les qualités anti­séduisantes non seulement chez les autres, mais aussi chez nous­mêmes. Nous avons
presque tous un ou deux anti­séducteurs,
tant qu'elle le laisserait à temps, il soupira et pleura amèrement, pour montrer l'angoisse qu'il souffrait de devoir la quitter, et il la supplia de ne jamais l'oublier. ; puis il

qualités latentes dans notre caractère, et dans la mesure où nous pouvons les extirper ajouta qu'elle devrait payer son
logement à l'auberge, puisque
consciemment, nous devenons plus séduisants. Un manque de générosité, par exemple, ne doit
c'était elle qui l'avait envoyé chercher
pas nécessairement signaler un anti­séducteur si c'est la seule faute d'une personne, mais une et il pensait donc qu'il était normal
personne peu généreuse est rarement vraiment attirante. La séduction implique de s'ouvrir, ne qu'il ne soit pas impliqué dans

serait­ce que dans le but de tromper ; être incapable de donner en dépensant de l’argent signifie
généralement être incapable de donner en général.
Éliminons le manque de générosité. C'est un obstacle au pouvoir et un péché grossier en matière
de séduction.

Il est préférable de se désengager dès le début des anti­séducteurs, avant qu’ils ne vous
enfoncent leurs tentacules nécessiteux, alors apprenez à lire les signes. Ce sont les principaux aucune dépense pendant le

types. voyage." • À ce stade, tous les

133
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134 • L'art de la séduction

les dames se mirent à rire et à La Brute. Si la séduction est une sorte de cérémonie ou de rituel, une partie du plaisir réside
dire que l'intéressé ne
dans sa durée, le temps qu'elle prend, l'attente qui augmente l'anticipation. Les brutes n’ont
méritait guère le nom de
aucune patience pour de telles choses ; ils ne se soucient que de leur propre plaisir, jamais du
gentleman ; et beaucoup
d'hommes se sentaient vôtre. Être patient, c'est montrer que l'on pense à l'autre, ce qui ne manque jamais de
aussi honteux qu'il le devrait
l'impressionner. L'impatience a l'effet inverse : en supposant que vous êtes tellement intéressé
l'auraient été, s'il avait jamais eu
par eux que vous n'avez aucune raison d'attendre, les Brutes vous offensent par leur égoïsme.
le bon sens de reconnaître un
Derrière
comportement aussi honteux pour cet égoïsme se cache souvent aussi un sentiment d’infériorité tenace, et si vous les
Ce que c'était. rejetez ou les faites attendre, ils réagissent de manière excessive. Si vous pensez avoir affaire
—BALDASSARE CASTIGLIONE, à une brute, faites un test : faites­la attendre. Sa réponse vous dira tout ce que vous devez
LE LIVRE DU COURTISANT,
savoir.
TRADUIT PAR GEORGE BULL

Voyons maintenant comment est l'amour


L'étouffoir. Les étouffants tombent amoureux de vous avant même que vous soyez à moitié
diminué. Cela se produit
qu’ils vous ont en étant conscient de leur existence. Ce trait de caractère est trompeur – vous pourriez penser
accessibilité à trouvé accablant grâce à la facilité – mais le fait est qu’ils souffrent d’un vide intérieur, d’une
ses consolations, à travers un profond besoin qui ne peut être comblé. Ne vous impliquez jamais dans Suffoca – être
capable de voir et
s'accrochant à vous de tors; il est presque impossible de s’en libérer sans traumatisme. Ils discutent longuement en
vêtements et la jusqu'à ce que vous soyez obligé de vous retirer, après quoi ils étouffent votre amant, à travers les
démarche inadaptés d'un amant, de culpabilité. Nous avons tendance à idéaliser un être cher, mais l’amour prend du
temps à se développer. et
. . adorent.
par l'apparition soudaine de Reconnaître les Suffocateurs par la rapidité avec laquelle ils vous
pauvreté. .
la cause de la diminution de Être autant admiré • Un autre peut donner un coup de fouet momentané à votre ego, mais au
l'amour est la prise de plus profond de vous, vous sentez que ses émotions intenses ne sont liées à rien de ce que
conscience de la notoriété de son vous avez fait. Faites confiance à ces instincts.
amant et les récits de son avare,
de son mauvais caractère et de Une sous­variante du Suffocator est le Paillasson, une personne qui vous imite servilement.
sa méchanceté générale ; aussi Repérez ces types dès le début en voyant s’ils sont capables d’avoir leur propre idée.
toute liaison avec une autre
L’incapacité d’être en désaccord avec vous est un mauvais signe.
femme, même si elle n'implique
aucun sentiment amoureux. L'amour est aussi
diminué si une femme se
rend compte que son amant est
stupide et sans discernement, ou
The Moralizer. La séduction est un jeu, et doit être entreprise avec un cœur léger si elle le voit aller trop loin . Tout est juste en
amour et en séduction ; la moralité
est cependant rigide. Ce sont desn'entre jamais dans les exigences de l'amour, sans se soucier de la nature de son partenaire. Le caractère du Moraliseur
gens modestes et sans volonté qui suivent des idées fixes et tentent de vous faire plier à leurs normes. On lui pardonne ses rougeurs. Le désir de vous
changer, de faire de vous une
meilleure personne, alors ils critiquent et jugent sans cesse leur amant fidèle – tel est leur plaisir dans la vie. En vérité,
leurs idées morales
proviennent des douleurs les plus dures de l'amour plutôt que de leur propre malheur, et masquent leur désir de dominer les
exigences de leur partenaire
leur rigidité mentale peut aussi autour d'eux. Leur incapacité à s'adapter et à apprécier les rend faciles à ré­ embarrasser ou à prendre en considération ;
s'accompagner d'une raideur
physique – plaisir à mépriser sa modestie ; pour celui qui est. Difficile de ne pas prendre leurs critiques personnellement,
mieux vaut donc éviter de penser
être de son partenaire, devraituniquement au résultat de leur présence et de leurs commentaires empoisonnés. de son propre plaisir, et ignore le bien­
être traité de traître plutôt que d'amant. •

Le Tightwad. Le bas prix signale plus qu’un problème d’argent. C'est le signe de quelque
L'amour souffre également d'une
diminution si la femme se rend comptechose
que de restreint dans le caractère d'une personne, quelque chose qui l'empêche de lâcher
son amant a peur à la guerre, prise ou de prendre des risques. C'est le plus anti­séduisant
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L'Anti­Séducteur • 135

trait de caractère de tous, et vous ne pouvez pas vous permettre d'y céder. La plupart des ou voit qu'il n'a pas

idiots ne réalisent pas qu’ils ont un problème ; ils s'imaginent en fait que lorsqu'ils donnent patience, ou est taché par le vice
de l'orgueil. Il n’y a rien qui semble
à quelqu'un une miette dérisoire, ils sont généreux. Examinez­vous attentivement : vous
plus approprié au caractère
êtes probablement moins cher que vous ne le pensez. Essayez de donner plus librement de d’un amoureux que d’être vêtu

votre argent et de vous­même et vous verrez le potentiel séduisant d’une générosité de la parure de l’humilité, totalement
intouché par la nudité de l’orgueil. •
sélective. Bien sûr, vous devez garder votre générosité sous contrôle. Donner trop peut
Puis aussi la prolixité
être un signe de désespoir, comme si vous essayiez d’acheter quelqu’un. d'un imbécile ou d'un
fou diminue souvent l'amour.
Nombreux sont ceux qui ont
envie de prolonger leurs
folles paroles devant une femme,
Le Bumbler. Les maladroits sont gênés et leur conscience renforce la vôtre. Au début, vous pensant qu'ils lui plaisent s'ils
emploient un langage stupide et
pourriez penser qu’ils pensent à vous, à tel point que cela les rend mal à l’aise. En fait, ils
malavisé, mais en réalité ils sont
ne pensent qu'à eux­mêmes, s'inquiétant de leur apparence ou des conséquences pour eux
étrangement trompés.
de leur tentative de vous séduire. Leur inquiétude est généralement contagieuse : bientôt
vous vous inquiétez aussi pour vous­même. Les maladroits atteignent rarement les dernières
étapes d'une séduction, mais s'ils arrivent jusque­là, ils gâchent aussi. En matière de
En effet, celui qui pense que sa
séduction, l’arme clé est l’audace, refusant à la cible le temps de s’arrêter et de réfléchir. conduite insensée plaît à une
Les maladroits n’ont aucun sens du timing. Vous pourriez trouver amusant d’essayer de les femme sage souffre de la plus
grande pauvreté des
former ou de les éduquer, mais s’ils sont encore des Bumblers au­delà d’un certain âge,
sens.
l’affaire est probablement désespérée : ils sont incapables de sortir d’eux­ mêmes.
—ANDREAS CHAPELLANUS, "COMMENT

L'AMOUR EST DIMINUÉ,"

TRADUIT PAR PGWALSH

Le sac à vent. Les séductions les plus efficaces reposent sur les regards, les actions Les vrais hommes ne devraient pas

indirectes, les leurres physiques. Les mots ont leur place, mais trop de paroles rompent rehausser leur beauté. .
. . \ Restez
généralement le charme, accentuant les différences superficielles et alourdissant les choses.
agréablement propre, faites
Les personnes qui parlent beaucoup parlent le plus souvent d’elles­mêmes. Ils n’ont jamais
de l'exercice, travaillez en
acquis cette voix intérieure qui se demande : est­ce que je t’ennuie ? Être un Windbag, c’est plein air \ Bronzage ; assurez­vous

avoir un égoïsme profondément enraciné. N’interrompez jamais et ne discutez jamais avec que votre toge vous va \ Et
qu'elle ne montre pas de taches ;
ces types – cela ne fait qu’alimenter leur fanfaronnade. Apprenez à tout prix à contrôler
ne lacez pas vos chaussures
votre propre langue. trop serrées \ Ni ignorez les
boucles rouillées, ni ne
penchez \ Autour dans un
ajustement trop grand. Ne
Le Réacteur. Les réacteurs sont bien trop sensibles, non pas à vous mais à leur propre laissez pas un barbier incompétent
ego. Ils passent au peigne fin chacune de vos paroles et de vos actions à la recherche de \ Gâcher votre look : les cheveux
et la barbe exigent \ L'attention
signes d'offense à leur vanité. Si vous reculez stratégiquement, comme vous le devez
d'un expert. Gardez vos ongles
parfois en matière de séduction, ils rumineront et s'en prendront à vous. Ils ont tendance à
soignés et sans saleté ; \ Ne
pleurnicher et à se plaindre, deux traits très anti­séduisants. Testez­les en racontant une laissez pas pousser ces longs

blague douce ou une histoire à leurs dépens : nous devrions tous pouvoir rire un peu de poils \ Dans vos narines, assurez­
vous que votre haleine ne soit
nous­mêmes, mais le Reactor ne le peut pas. On peut lire le ressentiment dans leurs yeux.
jamais offensante, \ Évitez la
Effacez toutes les qualités réactives de votre propre caractère : elles repoussent inconsciemment les gens.
puanteur masculine \ Cela
rides du nez. . sur le . . \ J'étais

point de vous mettre en


garde [les femmes] contre
Le vulgaire. Les vulgaires sont inattentifs aux détails si importants en matière de séduction. les aisselles de chèvre \ Et
Vous pouvez le voir dans leur apparence personnelle – leur les poils hérissés sur vos jambes, \
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136 • L'art de la séduction

Mais je n'instruis pas des les vêtements sont insipides à tous points de vue – et dans leurs actions : ils ne
filles montagnardes du savent pas qu'il vaut parfois mieux se contrôler et refuser de céder à ses impulsions.
Caucase, \ ou des hoydens
de la rivière Myse ­ alors
Les vulgaires bavardent, disent n’importe quoi en public. Ils n’ont aucun sens du
pourquoi besoin \ De vous timing et sont rarement en harmonie avec vos goûts. L'indiscrétion est un signe
rappeler de ne pas laisser certain du vulgaire (parler à autrui de votre affaire, par exemple) ; cela peut sembler
vos dents se décolorer
impulsif, mais sa véritable source est leur égoïsme radical, leur incapacité à se
\ Par négligence, ou d'oublier
de vous laver \ Vos mains tous les voir
matinscomme
? les autres les voient. Plus que simplement éviter les vulgaires, vous
Vous savez illuminer votre teint devez vous faire leur contraire : le tact, le style et l'attention aux détails sont autant
\ Avec de la poudre, mettre
d'exigences de base d'un séducteur.
du rouge sur un visage
exsangue, \ Bloquer
habilement le contour brut
d'un sourcil, \ Coller un
patch sur une joue
Exemples d'anti­séducteur
impeccable. \ Tu ne rétrécis pas
en tapissant vos yeux avec du 1. Claude, le beau­petit­fils du grand empereur romain Auguste, était considéré
mascara foncé \ Ou une touche comme un imbécile dans sa jeunesse et était maltraité par presque tous les
de safran de Cilicie. . . .\
membres de sa famille. Son neveu Caligula, devenu empereur en 37, se faisait un
Mais ne laissez pas votre
amoureux retrouver tous sport de le torturer, le faisant courir à toute vitesse dans le palais en guise de
ces pots et bouteilles \ Sur pénitence pour sa bêtise, se faisant attacher des sandales sales aux mains au
votre coiffeuse : le meilleur \
souper, etc. À mesure que Claudius grandissait, il semblait devenir encore plus lent
Le maquillage reste discret. UN
visage si épais plâtré \ Avec
d'esprit et, alors que tous ses proches vivaient sous la menace constante
des crêpes, cela coule d'assassinat, il restait seul. Ce fut donc une grande surprise pour tout le monde, y
le long de votre cou en sueur \ compris Claude lui­même, que lorsque, en 41 après JC, une cabale de soldats
Est voué à créer de la répulsion.
Et cette glu de toisons
assassina Caligula, ils proclamèrent également Claudius empereur. N'ayant aucun
non lavées... \ Athénienne désir de gouverner, il délègue la plupart des pouvoirs à des confidents (un groupe
peut­être, mais ma chère, d'esclaves affranchis) et passe son temps à faire ce qu'il aime le plus : manger,
l'odeur !— \ Elle sert à faire de
boire, jouer et se prostituer.
la crème pour le visage :
tamponnez pas les
évitez la femme de Claude, Valeria Messaline, qui était l'une des plus belles . Quand vous avez de la compagnie, ne
femmes à Rome. Même s'il
semblait l'aimer, Claudius ne lui a pas prêté attention à tes boutons, ne fais pas attention, et elle a commencé à avoir
des liaisons. Au début elle était
discrète, mais au fur et à mesure du brossage des dents : \ Au fil des années, provoquée par la négligence de son
mari, elle est devenue de plus
où elle se rendit malade. . Elle en plus résultat peut­être attirant, mais le processus est débauché. Elle se fit construire une chambre dans le palais
regroupait des dizaines d'hommes, faisant de son mieux pour imiter la prostituée la plus célèbre de Rome, dont le nom était écrit
sur la porte. . .
Tout homme qui refusait ses avances était mis à mort. Presque tout le monde à Rome était au courant de ces ébats,
­OVIDE , L'ART DE L'AMOUR,
mais Claude ne disait rien ; il semblait inconscient.
TRADUIT PAR PETER GREEN

La passion de Messaline pour son amant préféré, Gaius Silius, était si grande
qu'elle décida de l'épouser, même si tous deux étaient déjà mariés.
Pendant que Claudius était absent, ils ont organisé une cérémonie de mariage,
autorisée par un contrat de mariage que Claudius lui­même avait été amené à
signer. Après la cérémonie, Gaius emménagea dans le palais. Le choc et le dégoût
de toute la ville forcèrent finalement Claude à agir et il ordonna l'exécution de Gaius
et des autres amants de Messaline, mais pas de Messaline.
se. Néanmoins, une bande de soldats, enflammée par le scandale, la traqua et la
poignarda à mort. Lorsque cela fut rapporté à l'empereur, il commanda simplement
du vin et continua son repas. Plusieurs nuits
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L'Anti­Séducteur • 137

plus tard, au grand étonnement de ses esclaves, il demanda pourquoi l'impératrice ne le Mais si, comme le chat d'hiver sur

rejoignait pas pour le dîner. le foyer, l'amant s'accroche lorsqu'il


est congédié et ne
supporte pas de partir, il faut prendre
Rien n’est plus exaspérant que de ne pas y prêter attention. Dans le processus de certains moyens pour le faire

séduction, vous devrez peut­être parfois reculer, soumettant votre cible à des moments
comprendre; et ceux­ci
de doute. Mais une inattention prolongée non seulement brisera le charme de la
devraient être progressivement
séduction, mais elle peut également créer de la haine. Claudius était un extrême de ce comportement.
de plus en plus grossiers, jusqu'à
Son insensibilité est née de la nécessité : en agissant comme un imbécile, il cache son ce qu'ils le touchent jusqu'au vif
de sa chair. • Elle devrait lui
ambition et se protège face à de dangereux concurrents. Mais l’insensibilité est devenue
refuser le lit, se moquer de lui
une seconde nature. Claudius devint négligent et ne remarqua plus ce qui se passait et le mettre en colère ; elle devrait
autour de lui. Son inattention a eu un effet profond sur sa femme : comment, se attiser l'inimitié de sa mère contre
lui ; elle devrait le traiter avec un
demandait­elle, un homme, en particulier un homme physiquement peu attrayant comme
manque évident de franchise et
Claudius, peut­il ne pas me remarquer ou ne pas se soucier de mes relations avec s'étendre à de longues
d'autres hommes ? Mais rien de ce qu’elle faisait ne semblait lui importer. considérations sur sa ruine ; il faut

Claudius marque l'extrême, mais le spectre de l'inattention est large. Beaucoup de anticiper ouvertement son
départ, contrarier ses
gens prêtent trop peu d’attention aux détails, aux signaux que donne une autre
goûts et ses désirs, outrager sa
personne. Leurs sens sont émoussés par le travail, par les difficultés, par l’égocentrisme. pauvreté ; elle devrait lui laisser

On voit souvent cela éteindre la charge de séduction entre deux personnes, notamment voir qu'elle

entre des couples qui sont ensemble depuis des années. Poussé plus loin, il suscitera
des sentiments de colère et d’amertume. Souvent, celui qui a été trompé par un est en sympathie avec un
partenaire a entamé la dynamique par des schémas d'inattention. autre homme, elle devrait le
blâmer avec des paroles

dures à chaque occasion ; elle


devrait mentir à son sujet à ses

2. En 1639, une armée française assiège et prend possession de la ville italienne de parasites, elle devrait interrompre
ses phrases et l'envoyer
Turin. Deux officiers français, le chevalier (plus tard comte) de Grammont et son ami
faire de fréquentes courses hors de
Matta, décidèrent de tourner leur attention vers les belles femmes de la ville. Les épouses
la maison. Elle devrait chercher
de certains des hommes les plus illustres de Turin étaient plus de
susceptibles : leurs maris étaient occupés et avaient leurs propres maîtresses. La seule des occasions de querelle, et en
font la victime de mille perfidies
exigence des épouses était que le prétendant respecte les règles de la galanterie. domestiques ; elle devrait
Le chevalier et Matta ne tardèrent pas à trouver des partenaires, le chevalier supporter

choisissant la belle Mademoiselle de Saint­Germain, qui allait bientôt être fiancée, et son cerveau pour le vexer ; elle
devrait jouer avec les
Matta offrant ses services à une femme plus âgée et plus expérimentée, Madame de
regards d'un autre en sa présence,
Senantes. Le chevalier se mit à porter du vert, du bleu Matta, couleurs préférées de et se livrer à une débauche
leurs dames. Le deuxième jour de leurs fréquentations, les couples visitèrent un palais répréhensible devant son
visage ; elle devrait quitter la
en dehors de la ville. Le chevalier était tout à fait charmant, faisant rire aux éclats
maison
Mademoiselle de Saint­Germain de ses plaisanteries, mais Matta ne s'en sortait pas si aussi souvent que possible, et qu'il
bien ; il n'avait aucune patience pour cette affaire de galanterie, et quand lui et madame soit visible qu'elle n'a pas
il y a vraiment besoin de le
de Sénantes se promenaient, il lui serrait la main et lui déclarait hardiment son affection.
faire. Tous ces moyens sont
La dame, bien sûr, était consternée et, lorsqu'ils revinrent à Turin, elle partit sans le
bons pour montrer la porte à un homme.
regarder. Ignorant qu'il l'avait offensée, Matta imaginait qu'elle était submergée par
—AMOUR ORIENTAL, VOLUME II :
l'émotion et se sentait plutôt contente de lui. Mais le chevalier de Grammont, se LE BRÉVIAIRE DE LA PROstituée DE

demandant pourquoi ils s'étaient séparés, rendit visite à Mme de Senantes et lui KSHEMENDRA, TRADUIT PAR

E. POWYS MATHERS
demanda comment cela s'était passé. Elle lui dit la vérité : Matta s'était dispensée des
formalités et était prête à la coucher. Le chevalier
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138 • L'art de la séduction

Tout comme les dames aiment les il rit et se dit à quel point il gérerait ses affaires différemment s'il était celui qui courtisait
hommes vaillants et audacieux
la charmante Madame.
sous les armes, ils aiment aussi
ceux qui sont de même espèce en
Au cours des jours suivants, Matta a continué à mal interpréter les panneaux. Il ne
amour ; et l'homme rendit pas visite au mari de Mme de Sénantes, comme l'exigeait la coutume. Il ne portait
ce qui est lâche et surtout
pas ses couleurs. Quand ils allaient à cheval ensemble, il courait après les lièvres,
respectueux envers eux, ne gagnera
jamais leur bonne faveur. Non pas
comme s'ils étaient les proies les plus intéressantes, et quand il prenait du tabac, il ne
qu'ils les auraient ainsi
lui en offrait pas. Pendant ce temps, il continuait à faire des avances excessives.
Finalement Madame en eut assez et se plaignit directement à lui. Matta s'est excusé ;
excessifs, audacieux et
il n'avait pas réalisé ses erreurs. Émue par ses excuses, la dame était plus que prête à
présomptueux, comme s'ils devaient
les poser par terre de force ; reprendre la cour, mais quelques jours plus tard, après quelques tentatives insignifiantes
mais ils désirent plutôt chez pour courtiser, Matta a de nouveau supposé qu'elle était prête à se coucher. À sa
eux une certaine modestie robuste,
grande consternation, elle l'a refusé comme avant. "Je ne pense pas que [les femmes]
ou peut­être mieux une certaine
hardiesse modeste. Pour
puissent être profondément offensées", a déclaré Matta au chevalier, "si l'on s'arrête
parfois aux bagatelles pour en venir au fait". Mais Madame de Sénantes ne voulut plus
alors qu'eux­mêmes ne le sont pas
rien avoir à faire avec lui, et le chevalier de Grammont, voyant une opportunité qu'il ne
exactement des dévergondés, et je le ferai
ni solliciter un homme ni pouvait laisser passer, profita de son mécontentement pour lui faire secrètement la
pourtant ils offrent réellement cour, et finalement gagner les faveurs que Matta avait tentées. forcer.
leurs faveurs, et pourtant savent­ils
bien comment susciter l'intérêt

appétits et passions, et joliment


attirance pour le Il n’y a rien de plus anti­séduisant que de sentir que quelqu’un a supposé que vous lui
escarmouche de telle manière que apparteniez et que vous ne pouvez pas lui résister. La moindre apparence de ce genre
celui qui ne prend pas
de vanité est mortelle pour la séduction ; vous devez faire vos preuves, prendre votre
occasion par le toupet et se joindre
à la rencontre, et que sans la
temps, gagner le cœur de votre cible. Peut­être craignez­vous qu'il soit offensé par un
moindre crainte du rang et de la rythme plus lent ou qu'il se désintéresse. Il est cependant plus probable que votre peur
grandeur, sans scrupule de
reflète votre propre insécurité, et l’insécurité est toujours anti­séduisante. En vérité, plus
conscience, sans peur ou aucune
sorte d'hésitation, il est
vous prenez du temps, plus vous montrez la profondeur de votre intérêt et plus le sort
en vérité un imbécile et un que vous créez est profond.
poltron sans esprit, et Dans un monde où les formalités et les cérémonies sont rares, la séduction est l'un
quelqu'un qui mérite d'être à
des rares vestiges du passé qui conserve les schémas anciens. C'est un rituel et ses
jamais abandonné de la bonne
fortune. J'ai entendu parler de deux rites doivent être observés. La hâte ne révèle pas la profondeur de vos sentiments mais
honorables messieurs et le degré de votre égocentrisme. Il est peut­être possible parfois de précipiter quelqu'un
camarades, pour lesquels deux
vers l'amour, mais vous ne serez récompensé que par le manque de plaisir que procure
dames très honorables, et d'une
qualité nullement humble, se sont ce genre d'amour. Si vous êtes naturellement impétueux, faites ce que vous pouvez
donné rendez­vous un jour à pour le dissimuler. Curieusement, les efforts que vous consacrez à vous retenir peuvent
Paris pour aller se promener dans
être interprétés par votre cible comme profondément séduisants.
un jardin. En arrivant là­bas, chaque
dame se sépara les unes des autres,
chacune seule avec les
siennes. 3. A Paris, dans les années 1730, vivait un jeune homme nommé Meilcour, qui était

cavalier, chacun dans plusieurs


juste en âge d'avoir sa première liaison. L'amie de sa mère, Madame de Lursay, veuve
allées du jardin, si étroitement d'une quarantaine d'années, était belle et charmante, mais avait la réputation d'être
couvertes de
intouchable ; Enfant, Meilcour était amoureux d'elle, mais ne s'attendait pas à ce que
un joli treillis de branches, car la
son amour lui soit rendu. C'est donc avec beaucoup de surprise et d'excitation qu'il se
lumière du jour ne pouvait guère
y pénétrer, et la fraîcheur de l'endroit rendit compte que, maintenant qu'il était en âge, les regards tendres de Mme de Lursay
était très reconnaissante. semblaient indiquer un intérêt plus que maternel pour lui.
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L'Anti­Séducteur • 139

Pendant deux mois, Meilcour trembla en présence de de Lursay. Il avait peur d'elle Or, l’un des deux était un
et ne savait que faire. Un soir, ils discutaient d'une pièce récente. Comme un homme audacieux, et
sachant pertinemment que
personnage avait bien déclaré son amour à une femme, remarqua Madame. Notant le
la fête avait été
malaise évident de Meilcour, elle poursuivit : "Si je ne me trompe, une déclaration ne organisée pour autre chose que simplem
peut paraître que gênante parce que vous en avez vous­même une à faire." Madame marcher et prendre l'air, et
à en juger par le visage de
de Lursay savait bien qu'elle était la cause de la gêne du jeune homme, mais elle était
sa dame, qu'il voyait tout en feu,
taquine ; tu dois me dire, dit­elle, de qui tu es amoureux. Enfin Meilcour avoua : c'était qu'elle avait envie de
bien Madame qu'il désirait. goûter d'autres plats que les
muscatels qui
accroché au treillis, ainsi que
L'amie de sa mère lui conseilla de ne pas penser à elle de cette façon, mais elle soupira par son discours brûlant,
aussi et lui lança un regard long et langoureux. Ses mots disaient une chose, ses yeux dévergondé et

une autre – peut­être qu'elle n'était pas aussi intouchable qu'il l'avait pensé. sauvage, il a rapidement
saisi une si belle opportunité.
Cependant, à la fin de la soirée, Madame de Lursay dit qu'elle doutait que ses sentiments Alors, l'attrapant sans la
perdurent, et elle laissa le jeune Meilcour troublé de n'avoir rien dit sur la réciprocité de moindre cérémonie, il la
déposa sur un petit lit qui
son amour.
était là, fait de gazon et de
Au cours des jours suivants, Meilcour a demandé à plusieurs reprises à de Lursay
mottes de terre, et exerça très
de lui déclarer son amour, et elle a refusé à plusieurs reprises. Finalement, le jeune agréablement sa volonté sur
homme a décidé que sa cause était désespérée et a abandonné ; mais quelques nuits elle, sans qu'elle ne
prononce jamais un mot
plus tard, lors d'une soirée chez elle, sa robe parut plus séduisante que d'habitude, et
mais seulement : " Ciel !
ses regards sur lui lui firent remuer le sang. Il les lui rendit et la suivit partout, tandis Monsieur, que faites­vous ?
qu'elle prenait soin de garder un peu de distance, de peur que les autres ne sentent ce Vous êtes sûrement
l'homme le plus fou et le plus
qui se passait. Mais elle a également réussi à faire en sorte qu'il puisse rester sans
étrange qui ait jamais existé !
éveiller les soupçons lorsque les autres visiteurs sont partis. Si quelqu'un vient, que dira­
Lorsqu'ils furent enfin seuls, elle le fit asseoir à côté d'elle sur le canapé. t­il ? Grand Dieu ! sortez !"
Mais le monsieur, sans se
Il pouvait à peine parler ; le silence était inconfortable. Pour le faire parler, elle souleva le même vieux sujet : sa
déranger, a si bien continué ce
jeunesse ferait de son amour pour elle un amour qu'il avait commencé et qu'il avait imaginé passagèrement. Au lieu de le nier, il eut l'air abattu

et continua de finir, et elle, en plus, gardait une distance polie, de sorte qu'elle finit par s'exclamer, avec une ironie évidente : "Si avec un tel

contentement, après avoir pris trois ou quatre, on savait que vous étais ici avec mon consentement, que j'avais volontairement fait le tour de l'
arrangé avec vous... que ne
pourraient­ils pas dire les gens ? Et pourtant , à quel point ils se seraient trompés de voie à présent , car
personne ne pourrait être plus
.
respectueux que vous. ". Enthousiasmé de recommencer. Bientôt, sortant dans une autre, ouverte, en action, Meilcour lui saisit la main et la

regarda dans les yeux. Elle , ils l'ont vu rougir et lui ont dit qu'il devrait y aller, mais la façon dont elle s'est agencée sur l' autre partie du canapé
de jardin et l'a regardé a
suggéré qu'il devrait faire le contraire. Cependant Meil, l'autre couple, qui se promenait ensemble tout à l'heure,
hésitait encore : elle lui
avait dit de partir, et s'il désobéissait, elle le ferait, comme ils les avaient laissés pour causer une scène, et ne lui pardonnerait peut­être jamais ;

il se serait d'abord ridiculisé . Alors la dame, lui et tout le monde, y compris sa mère, en entendraient parler. Il fut bientôt très content, dit le
monsieur en question , en
s'excusant de son audace momentanée. Son état étonné et quelque peu étonné , "Je crois en vérité que son
regard froid signifiait qu'il était
en effet allé trop loin, imagina­t­il, et il dit qu'un tel a fait ses adieux et est parti. idiot prude, et n'a donné à sa dame aucun autre divertissement

que des mots. , beaux discours et promenade. • Par la suite, lorsque tous les quatre furent réunis, les deux dames se mirent à se demander

Meilcour et Madame de Lursay apparaissent dans le roman La tête et le cœur rebelles,


écrit en 1738 par Crébillon fils, qui fonda ses personnages sur des libertins qu'il connut
dans la France de l'époque. Pour Crébillon fils, la séduction est avant tout une question
de signes, de capacité à les envoyer et à les lire. Ce n'est pas
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140 • L'art de la séduction

comment cela s'était passé avec chacun. parce que la sexualité est réprimée et nécessite de parler en code. C’est plutôt parce que
Puis celui qui était
la communication sans paroles (à travers les vêtements, les gestes, les actions) est la
Bien contente, elle répondit qu'elle
allait extrêmement bien, en effet,
forme de langage la plus agréable, la plus excitante et la plus séduisante.
elle l'était ; en effet, pour le Dans le roman de Crébillon fils, Madame de Lursay est une séductrice ingénieuse qui
moment, elle pouvait à peine être
trouve passionnant d'initier les jeunes hommes. Mais même elle ne parvient pas à vaincre
mieux. L'autre, mécontente,
déclara de son côté qu'elle avait eu
la bêtise juvénile de Meilcour, incapable de lire ses signes car absorbé dans ses propres
affaire au plus grand imbécile et au pensées. Plus tard dans l’histoire, elle parvient à l’éduquer, mais dans la vraie vie,
plus lâche amant qu'elle ait jamais nombreux sont ceux qui ne peuvent pas être éduqués. Ils sont trop littéraux et insensibles
vu ; et tout le temps les deux
aux détails qui contiennent un pouvoir de séduction. Ils ne vous repoussent pas tant qu'ils
messieurs les voyaient rire
ensemble en marchant et crier : vous irritent et vous exaspèrent par leurs interprétations erronées constantes, regardant
« Oh ! l'idiot ! le poltron et le lâche toujours la vie derrière l'écran de leur ego et incapables de voir les choses telles qu'elles
honteux ! À ce moment­là, le
sont réellement. Meilcour est tellement absorbé par lui­même qu'il ne voit pas que Madame
attend de lui l'audace à laquelle elle devra succomber. Son hésitation

Un galant à succès dit à son


montre qu'il pense à lui­même, pas à elle ; qu'il s'inquiète de son apparence et ne se sent
compagnon : « Écoutez nos dames,
pas submergé par ses charmes. Rien de plus anti­séduisant. Reconnaissez ces types, et
qui vous crient dessus et se
moquent cruellement de vous. s’ils ont dépassé le jeune âge qui leur donnerait une excuse, ne vous embrouillez pas
Vous découvrirez que vous dans leur maladresse – ils vous contamineront de doute.
avez surjoué le prude et embêté
ce combat." Il l'a permis; mais
il n'avait plus le temps de
remédier à son erreur, car

l'occasion ne lui donnait


4. À la cour Heian du Japon de la fin du Xe siècle, le jeune noble Kaoru, prétendu fils du
pas d'autre poignée à saisir.
grand séducteur Genji lui­même, n'avait eu que des malheurs amoureux. Il s'était épris
elle par. d'une jeune princesse, Oigimi, qui vivait dans une maison délabrée à la campagne, son
—SEIGNEUR DE BRANTÔME,
père ayant connu des moments difficiles. Puis un jour, il a eu une rencontre avec la sœur
Des vies justes et galantes
d'Oigimi, Nakanokimi, qui l'a convaincu qu'elle était celle qu'il aimait réellement. Confus, il
DAMES, TRADUIT PAR AR.

ALLINSON
retourna au tribunal et ne rendit pas visite aux sœurs pendant un certain temps. Puis leur
père mourut, suivi peu après par Oigimi elle­même.

Maintenant, Kaoru réalisait son erreur : il avait toujours aimé Oigimi, et elle était morte
de désespoir parce qu'il ne se souciait pas d'elle. Il ne la reverrait plus jamais comme ça ;
elle était tout ce à quoi il pouvait penser. Lorsque Nakanokimi, son père et sa sœur
décédés, vinrent vivre à la cour, Kaoru fit transformer la maison où Oigimi et sa famille
vivaient en sanctuaire.
Un jour, Nakanokimi, voyant la mélancolie dans laquelle Kaoru était tombé, lui dit qu'il
y avait une troisième sœur, Ukifune, qui ressemblait à sa bien­aimée Oigimi et vivait
cachée dans la campagne. Kaoru est revenu à la vie – peut­être avait­il une chance de se
racheter, de changer le passé. Mais comment a­t­il pu rencontrer cette femme ? Il arriva
un moment où il visita le
sanctuaire pour rendre hommage au défunt Oigimi, et j'ai appris que le mystérieux
Ukifune était également là. Agité et excité, il réussit à l'apercevoir à travers la fente d'une
porte. Sa vue lui coupa le souffle : même si elle était une simple fille de la campagne, aux
yeux de Kaoru, elle était l'incarnation vivante d'Oigimi. Pendant ce temps, sa voix était
comme
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L'Anti­Séducteur • 141

la voix de Nakanokimi, qu'il avait aussi aimé. Les larmes lui montèrent aux yeux.

Quelques mois plus tard, Kaoru réussit à retrouver la maison dans les montagnes où
vivait Ukifune. Il lui a rendu visite là­bas et elle n'a pas déçu. « Une fois, je t'ai aperçu à
travers une fente dans une porte », lui dit­il, et « depuis, tu es très présente dans mon
esprit ». Puis il la prit dans ses bras et la porta jusqu'à une voiture qui l'attendait. Il la
ramenait au sanctuaire, et le voyage là­bas lui rapportait l'image d'Oigimi ; encore une fois,
ses yeux se remplirent de larmes. En regardant Ukifune, il la compara silencieusement à
Oigimi : ses vêtements étaient moins jolis mais elle avait de beaux cheveux.

Quand Oigimi était en vie, elle et Kaoru avaient joué du koto ensemble, alors une fois
au sanctuaire, il fit sortir des kotos. Ukifune ne jouait pas aussi bien qu'Oigimi et ses
manières étaient moins raffinées. Ne vous inquiétez pas, il lui donnerait des leçons, la
transformerait en dame. Mais ensuite, comme il l'avait fait avec Oigimi, Kaoru retourna à la
cour, laissant Ukifune languir au sanctuaire. Un certain temps s'écoula avant qu'il ne lui
rende visite à nouveau ; elle s'était améliorée, était plus belle qu'avant, mais il ne pouvait
s'empêcher de penser à Oigimi.
Une fois de plus, il la quitta, promettant de la traduire en justice, mais plusieurs semaines
passèrent, et finalement il reçut la nouvelle qu'Ukifune avait disparu, vu pour la dernière
fois se dirigeant vers une rivière. Elle s'était très probablement suicidée.
Lors de la cérémonie funéraire d'Ukifune, Kaoru était rongé par la culpabilité :
pourquoi n'était­il pas venu la chercher plus tôt ? Elle méritait un sort meilleur.

Kaoru et les autres apparaissent dans le roman japonais du XIe siècle Le Dit du Genji, de
la noble Murasaki Shikibu. Les personnages sont basés sur des personnes que l'auteur a
connues, mais le type de Kaoru apparaît dans toutes les cultures et toutes les époques :
ce sont des hommes et des femmes qui semblent à la recherche d'un partenaire idéal.
Celui qu’ils ont n’est jamais tout à fait juste ; au premier coup d'œil, une personne les
excite, mais ils voient vite des défauts, et lorsqu'une nouvelle personne croise leur chemin,
elle paraît meilleure et la première personne est oubliée. Ces types essaient souvent de
travailler sur le mortel imparfait qui les a excités, pour les améliorer culturellement et
moralement. Mais cela s’avère extrêmement insatisfaisant pour les deux parties.

La vérité à propos de ce type n’est pas qu’ils recherchent un idéal mais qu’ils sont
désespérément mécontents d’eux­mêmes. Vous pourriez confondre leur insatisfaction
avec l'exigence d'un perfectionniste, mais en réalité rien ne pourra vraiment les satisfaire,
car leur mécontentement est profondément enraciné. On les reconnaît à leur passé, qui
sera jonché d'idylles éphémères et orageuses. Aussi, ils auront tendance à vous comparer
aux autres, et à tenter de vous refaire. Vous ne réaliserez peut­être pas au début dans
quoi vous vous êtes embarqué, mais des personnes comme celle­ci finiront par se révéler
désespérément anti­séduisantes parce qu'elles ne peuvent pas voir vos qualités
individuelles. Mettez fin à la romance avant qu’elle n’arrive.
Ces types sont des sadiques cachés et vous tortureront avec leurs objectifs inaccessibles.
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142 • L'art de la séduction

5. En 1762, dans la ville de Turin, en Italie, Giovanni Giacomo Casanova fit la


connaissance d'un certain comte AB, un gentilhomme milanais qui semblait
l'apprécier énormément. Le comte traversait une période difficile et Casanova lui
prêta de l'argent. En remerciement, le comte invita Casanova à rester avec lui et
sa femme à Milan. Sa femme, dit­il, était originaire de Barcelone et était admirée
partout pour sa beauté. Il montra à Casanova ses lettres, qui avaient un esprit
intrigant ; Casanova l'imaginait comme un prix qui valait la peine d'être séduit. Il
est allé à Milan.
En arrivant chez le Comte AB, Casanova trouva que la dame espagnole était
certes belle, mais qu'elle était aussi calme et sérieuse. Quelque chose chez elle
le dérangeait. Alors qu'il déballait ses vêtements, la comtesse aperçut parmi ses
affaires une superbe robe rouge, bordée de zibeline. C'était un cadeau, a expliqué
Casanova, pour toute dame milanaise qui gagnait son cœur.
Le lendemain soir, au dîner, la comtesse se montra soudain plus amicale,
taquinant et plaisantant avec Casanova. Elle a décrit la robe comme un pot­de­
vin : il l'utilisait pour persuader une femme de céder à lui. Au contraire, dit
Casanova, il n'offrait des cadeaux qu'après coup, en témoignage de son
appréciation. Ce soir­là, dans une calèche au retour de l'opéra, elle lui demanda si
une de ses riches amies pouvait acheter la robe, et lorsqu'il répondit non, elle fut
visiblement vexée. Sentant son jeu, Casanova lui proposa de lui donner la robe en
zibeline si elle était gentille avec lui. Cela ne fit que la mettre en colère et ils se
disputèrent.
Finalement Casanova en eut assez des humeurs de la comtesse : il vendit la
robe pour 15 000 francs à sa riche amie, qui la lui offrit à son tour, comme elle
l'avait toujours prévu. Mais pour prouver son manque d'intérêt pour l'argent,
Casanova dit à la comtesse qu'il lui donnerait les 15 000 francs, sans aucune
condition. "Tu es un très mauvais homme", dit­elle, "mais tu peux rester, tu
m'amuses." Elle reprit son air coquet, mais Casanova ne fut pas dupe. « Ce n'est
pas ma faute, madame, si vos charmes ont si peu de pouvoir sur moi, lui dit­il.
"Voici 15 000 francs pour vous consoler." Il posa l'argent sur une table et sortit,
laissant la comtesse furieuse et jurant de se venger.

Lorsque Casanova rencontra pour la première fois la dame espagnole, deux


choses chez elle le rebutèrent. Sa fierté d’abord : plutôt que de se livrer à des
concessions mutuelles de séduction, elle exigeait l’assujettissement de l’homme.
La fierté peut refléter la confiance en soi, signalant que vous ne vous abaisserez
pas devant les autres. Mais tout aussi souvent, cela découle d’un complexe
d’infériorité qui exige que les autres s’abaissent devant vous. La séduction
nécessite une ouverture à l’autre, une volonté de se plier et de s’adapter. Une fierté
excessive, sans rien qui la justifie, est hautement anti­séduisante.
La deuxième qualité qui dégoûtait Casanova était l'avidité de la comtesse :
ses petits jeux coquets n'avaient pour but que d'obtenir la robe ; elle ne s'intéressait
pas à la romance. Pour Casanova, la séduction était un jeu léger auquel les gens
jouaient pour leur amusement mutuel. Dans son ordre des choses, c'était bien si
une femme voulait aussi de l'argent et des cadeaux ; il pouvait comprendre ce
désir et c'était un homme généreux. Mais il sentait aussi que c'était un désir
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L'Anti­Séducteur • 143

la femme doit se déguiser – elle doit créer l’impression que ce qu’elle recherche est
du plaisir. La personne qui cherche manifestement de l’argent ou une autre récompense
matérielle ne peut que repousser. Si telle est votre intention, si vous recherchez autre
chose que le plaisir – de l’argent, du pouvoir – ne le montrez jamais. Le soupçon d’une
arrière­pensée est anti­séduisant. Ne laissez rien briser l’illusion.

6. En 1868, la reine Victoria d'Angleterre a organisé sa première réunion privée avec


le nouveau premier ministre du pays, William Gladstone. Elle l'avait déjà rencontré et
connaissait sa réputation d'absolutiste moral, mais ce devait être une cérémonie, un
échange de plaisanteries. Gladstone, cependant, n’avait aucune patience pour de
telles choses. Lors de cette première réunion, il expliqua à la reine sa théorie de la
royauté : la reine, pensait­il, devait jouer un rôle exemplaire en Angleterre – un rôle
qu'elle n'avait pas été à la hauteur ces derniers temps, car elle était trop privée .

Cette conférence donna un mauvais ton pour l'avenir, et les choses ne firent
qu'empirer : bientôt Victoria reçut des lettres de Gladstone, abordant le sujet de
manière encore plus approfondie. Elle n'a jamais pris la peine de lire la moitié d'entre
eux, et bientôt elle a fait tout ce qu'elle pouvait pour éviter tout contact avec le chef de
son gouvernement ; si elle devait le voir, elle rendait la rencontre aussi brève que
possible. Pour ce faire, elle ne lui permettait jamais de s'asseoir en sa présence,
espérant qu'un homme de son âge se lasserait bientôt et partirait. Pour une fois qu'il
s'est lancé dans un sujet qui lui tenait à cœur, il n'a pas remarqué votre air de
désintérêt ni les larmes qui vous montaient aux yeux à force de bâiller. Ses
mémorandums sur les questions les plus simples devraient être traduits pour elle dans
un anglais simple par un membre de son personnel. Pire encore, Gladstone se
disputait avec elle, et ses arguments avaient tendance à la faire se sentir stupide. Elle
a vite appris à hocher la tête et à paraître être d'accord avec le point abstrait qu'il
essayait de faire valoir. Dans une lettre adressée à sa secrétaire, se référant à elle­
même à la troisième personne, elle écrit : « Elle a toujours ressenti à la manière [de
ousness. . Gladstone] une obstination et une impériosité autoritaires qu'elle n'a
jamais ressenties de la part de personne d'autre et qu'elle a trouvée très désagréable .
". Au fil des années, ces sentiments se sont transformés en une haine incessante.
En tant que chef du Parti libéral, Gladstone avait un ennemi juré, Benjamin
Disraeli, le chef du Parti conservateur. Il considérait Disraeli comme amoral, comme
un Juif diabolique. Au cours d'une session parlementaire, Gladstone a déchiré son
rival, marquant point après point en décrivant où mèneraient les politiques de son
adversaire. De plus en plus en colère à mesure qu'il parlait (comme cela arrivait
habituellement lorsqu'il parlait de Disraeli), il frappa la table de l'orateur avec une telle
force que stylos et papiers volèrent. Pendant tout cela, Disraeli semblait à moitié endormi.
Lorsque Gladstone eut fini, il ouvrit les yeux, se leva et se dirigea calmement vers la
table. "Le très honorable gentleman", a­t­il déclaré, "a parlé avec beaucoup de passion,
beaucoup d'éloquence et beaucoup… hum… de violence." Puis, après une longue
pause, il poursuivit : « Mais les dégâts peuvent être réparés » et il se mit à rassembler
tout ce qui était tombé.
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144 • L'art de la séduction

de la table et remettez­les en place. Le discours qui suivit fut d'autant plus magistral
qu'il contrastait calmement et ironiquement avec celui de Gladstone. Les députés
étaient fascinés et tous ont convenu qu'il avait gagné la journée.

Si Disraeli était un séducteur et un charmeur social accompli, Gladstone était l'anti­


séducteur. Bien sûr, il avait des partisans, principalement parmi les éléments les plus
puritains de la société : il a battu Disraeli à deux reprises aux élections générales. Mais
il a eu du mal à élargir son attrait au­delà du cercle des croyants. Les femmes en
particulier le trouvaient insupportable. Bien sûr, ils n’avaient pas de droit de vote à
l’époque, ils n’avaient donc qu’une faible responsabilité politique ; mais Gladstone
n'avait aucune patience pour un point de vue féminin. Selon lui, une femme devait
apprendre à voir les choses comme un homme, et son but dans la vie était d'éduquer
ceux qu'il considérait comme irrationnels ou abandonnés par Dieu.
Il n’a pas fallu longtemps pour que Gladstone s’énerve. C'est la nature des gens
qui sont convaincus d'une certaine vérité, mais qui n'ont aucune patience pour une
perspective différente ou pour affronter la psychologie de quelqu'un d'autre. Ces types
sont des intimidateurs et, à court terme, ils réussissent souvent, en particulier parmi les
moins agressifs. Mais ils suscitent beaucoup de ressentiment et d’antipathie tacite, ce
qui finit par les faire trébucher. Les gens voient au­delà de leur position morale juste,
qui est le plus souvent une couverture pour un jeu de pouvoir : la moralité est une
forme de pouvoir. Un séducteur ne cherche jamais à persuader directement, n’affiche
jamais sa moralité, ne donne jamais de leçons ni n’impose.
Tout est subtil, psychologique et indirect.

Symbole : Le
Crabe. Dans un monde hostile, le crabe sur­

vit par sa carapace durcie, par la menace de son

pinces, et en s'enfouissant dans le sable. Personne n'ose s'approcher

trop près. Mais le Crabe ne peut pas surprendre son ennemi et a peu de

mobilité. Sa force défensive est sa limite suprême.


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L'Anti­Séducteur • 145

Utilisations de l’anti­séduction

T La meilleure façon d'éviter les embrouilles avec les Anti­Séducteurs est de reconnaître
les éloigner tout de suite et les laisser à l'écart, mais ils nous trompent souvent. Les
implications avec ces types sont douloureuses et il est difficile de s'en désengager, car plus
vous montrez de réponse émotionnelle, plus vous semblez être engagé. Ne vous mettez
pas en colère, cela pourrait seulement les encourager ou exacerber leurs tendances anti­
séduction. Au lieu de cela, agissez avec distance et indifférence, ne leur prêtez aucune
attention, faites­leur sentir à quel point ils comptent peu pour vous. Le meilleur antidote à un
anti­séducteur est souvent d’être soi­même anti­séducteur.

Cléopâtre a eu un effet dévastateur sur tous les hommes qui croisaient son chemin.
Octavius, le futur empereur Auguste et l'homme qui allait vaincre et détruire l'amant de
Cléopâtre, Marc Antoine, était bien conscient de son pouvoir et se défendait contre lui en
étant toujours extrêmement aimable avec elle, courtois à l'extrême, mais ne montrant jamais
rien. la moindre émotion, qu'elle soit d'intérêt ou d'aversion. En d’autres termes, il la traitait
comme si elle était n’importe quelle autre femme. Face à ce front, elle ne pouvait pas lui
enfoncer ses crochets. Octave a fait de l'anti­séduction sa défense contre la femme la plus
irrésistible de l'histoire. N'oubliez pas : la séduction est un jeu d'attention, qui consiste à
remplir lentement l'esprit de l'autre personne de votre présence. La distance et l’inattention
créeront l’effet inverse et peuvent être utilisées comme tactique lorsque le besoin s’en fait
sentir.

Enfin, si vous voulez réellement « anti­séduire », feignez simplement les qualités


énumérées au début du chapitre. Harceler; parlez beaucoup, notamment de vous­même ;
s'habiller à l'encontre des goûts de l'autre personne ; ne prêtez aucune attention aux détails ;
étouffer, et ainsi de suite. Un mot d'avertissement : avec le type qui se dispute, le Wind­
bag, ne répondez jamais trop. Les mots ne feront qu’attiser les flammes. Adoptez la stratégie
de la reine Victoria : hochez la tête, semblez être d’accord, puis trouvez une excuse pour
couper court à la conversation. C'est la seule défense.
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Les dix­huit types

Les gens autour de vous sont tous des victimes potentielles d'un

séduction, mais il faut d'abord savoir quel type de victime

le moment auquel vous avez affaire. Les victimes sont catégorisées

par ce qu'ils estiment manquer dans la vie ­ ad­

aventure, attention, romance, une expérience coquine­

expérience, stimulation mentale ou physique, etc.

Une fois que vous avez identifié leur type, vous avez

les ingrédients nécessaires pour une séduction

tion : c'est vous qui donnerez

leur ce qui leur manque et ce qu'ils ne peuvent pas

se débrouiller seul. En étudiant

victimes potentielles, apprenez à voir

la réalité derrière l'ap­

apparence. Une personne timide

peut aspirer à jouer le

étoile; un prude peut

j'ai envie d'une trans­

progressif ravir.

N'essayez jamais de

séduire votre

propre type.

ooo

et

Ô
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Théorie de la victime

N Personne dans ce monde ne se sent entier et complet. Nous sentons tous un écart
dans notre caractère, quelque chose dont nous avons besoin ou que nous voulons mais que nous ne pouvons pas comprendre

propre. Quand on tombe amoureux, c'est souvent de quelqu'un qui semble combler ça
écart. Le processus est généralement inconscient et dépend de la chance : nous attendons
la bonne personne pour croiser notre chemin, et quand nous tombons amoureux d'elle, nous espérons qu'elle
rends notre amour. Mais le séducteur ne laisse pas ces choses au hasard.
Regardez les gens autour de vous. Oubliez leur extérieur social, leurs traits de caractère
évidents ; regarder derrière tout cela, en se concentrant sur les lacunes, les pièces manquantes
dans leur psychisme. C'est la matière première de toute séduction. Payer
une attention particulière à leurs vêtements, à leurs gestes, à leurs commentaires désinvoltes, aux
des choses dans leur maison, certains regards dans leurs yeux ; faites­les parler
leur passé, en particulier leurs romances passées. Et peu à peu, les contours de ces pièces
manquantes apparaîtront. Comprenez : les gens donnent constamment
émettent des signaux quant à ce qui leur manque. Ils aspirent à l'exhaustivité, que ce soit
illusion de celui­ci ou de la réalité, et si cela doit venir d'une autre personne, cela
la personne a un pouvoir énorme sur elle. Nous pouvons les qualifier de victimes d'un
séduction, mais ils sont presque toujours des victimes consentantes.

Ce chapitre présente les dix­huit types de victimes, dont chacun


a un manque dominant. Même si votre cible pourrait bien révéler les qualités de
plus d'un type, il existe généralement un besoin commun qui les lie ensemble. Peut­être voyez­vous
quelqu'un à la fois comme une nouvelle prude et une star écrasée,
mais ce qui est commun aux deux, c'est un sentiment de refoulement, et donc une envie d'être
méchant, ainsi que la peur de ne pas pouvoir ou oser assez. Dans
En identifiant le type de votre victime, veillez à ne pas vous laisser tromper par les apparences
extérieures. À la fois délibérément et inconsciemment, nous développons souvent un comportement social
extérieur conçu spécifiquement pour dissimuler nos faiblesses et nos manques. Par exemple, vous
pensez peut­être que vous avez affaire à quelqu'un de dur et de
cyniques, sans se rendre compte qu'au fond d'eux ils ont un noyau sentimental mou.
Ils aspirent secrètement à la romance. Et à moins que vous n'identifiiez leur type et le
émotions sous leur dureté, vous perdez la chance de vraiment séduire
eux. Le plus important : éliminez la mauvaise habitude de penser que les autres ont les mêmes
manques que vous. Vous avez peut­être envie de confort et de sécurité, mais en
donner du réconfort et de la sécurité à quelqu'un d'autre, en partant du principe qu'il doit
vous les voulez aussi, vous êtes plus susceptible de les étouffer et de les repousser.

N'essayez jamais de séduire quelqu'un qui est de votre type. Tu seras comme
deux puzzles manquant les mêmes pièces.

149
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150 • L'art de la séduction

Les dix­huit types


Le râteau réformé ou la sirène. Les personnes de ce type étaient autrefois des séducteurs
insouciants qui se débrouillaient avec le sexe opposé. Mais le jour est venu
lorsqu'ils ont été forcés d'y renoncer – quelqu'un les a enfermés dans une relation, ils se
sont heurtés à trop d'hostilité sociale, ils vieillissaient et ont décidé de s'installer. Quelle
que soit la raison, vous pouvez être
ils ressentent certainement du ressentiment et un sentiment de perte, comme s'il leur manquait
un membre. Nous essayons toujours de retrouver les plaisirs que nous avons connu dans le passé,
mais la tentation est particulièrement grande pour le Réformé Rake ou Siren car les
plaisirs qu'ils trouvaient dans la séduction étaient intenses. Ces types sont
mûr pour la cueillette : il suffit de croiser leur chemin et de leur offrir
leur l'occasion de reprendre leurs habitudes libertines ou sirènes. Leur sang sera
remuez et l’appel de leur jeunesse les submergera.
Il est cependant crucial de donner à ces types l’illusion qu’ils sont les
ceux qui séduisent. Avec le Rake réformé, vous devez susciter son intérêt indirectement,
puis le laisser brûler et rayonner de désir. Avec la Sirène Réformée, vous voulez lui
donner l'impression qu'elle a toujours le
pouvoir irrésistible d'attirer un homme et de lui faire tout abandonner pour
son. N'oubliez pas que ce que vous proposez à ces types n'est pas une autre relation,
une autre restriction, mais plutôt la chance d'échapper au corral.
et faites­en courir. Ne vous laissez pas décourager s’ils sont en couple ; un engagement
préexistant est souvent le repoussoir parfait. Si vous souhaitez les engager dans une
relation, cachez­le du mieux que vous pouvez et réalisez que ce n'est peut­être pas le cas.
possible. Le Râteau ou la Sirène est infidèle par nature ; votre capacité à déclencher le
les vieux sentiments vous donnent du pouvoir, mais vous devrez alors vivre avec les
conséquences de leurs actes irréfléchis.

Le rêveur déçu. Lorsqu'ils étaient enfants, ces types dépensaient probablement beaucoup
du temps seul. Pour se divertir, ils ont développé un puissant fantasme
vie, nourrie par les livres, les films et d’autres types de culture populaire. Et comme ils
vieillir, il devient de plus en plus difficile de concilier sa vie imaginaire
avec la réalité, et ils sont donc souvent déçus par ce qu'ils obtiennent. C'est
particulièrement vrai dans les relations. Ils ont rêvé de filles romantiques, de danger et
d'excitation, mais ce qu'ils ont, ce sont des amants avec des humains.
les fragilités, les petites faiblesses de la vie quotidienne. Au fil des années, ils pourraient
se forcer à faire des compromis, car sinon ils devraient
passer leur vie seuls; mais sous la surface, ils sont amers et toujours avides de quelque
chose de grand et de romantique.
Vous pouvez reconnaître ce type aux livres qu'ils lisent et aux films qu'ils vont,
la façon dont leurs oreilles se dressent lorsqu’on leur raconte les aventures réelles que
certaines personnes parviennent à vivre. Dans leurs vêtements et leur mobilier, un goût pour
une romance ou un drame exubérant apparaîtra. Ils sont souvent piégés dans
des relations ternes et des petits commentaires ici et là révéleront leur déception et leur
tension intérieure.
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Les victimes du séducteur : les dix­huit types • 151

Ces types font d’excellentes victimes satisfaisantes. Premièrement, ils ont généralement
beaucoup de passion et d’énergie refoulées, que vous pouvez libérer et vous concentrer sur vous­
même. Ils ont également une grande imagination et répondront à tout ce que vous leur proposerez
de vaguement mystérieux ou romantique. Tout ce que vous avez à faire est de dissimuler
certaines de vos qualités moins qu’exaltées et de leur donner une partie de leur rêve. Ce pourrait
être l'occasion de vivre leurs aventures ou d'être courtisé par une âme chevaleresque. Si vous

leur donnez une partie de ce qu’ils veulent, ils imagineront le reste. À tout prix, ne laissez pas la
réalité briser l’illusion que vous créez. Un instant de mesquinerie et ils s'en iront, plus amèrement
déçus que jamais.

Le Royal choyé. Ces gens étaient les enfants gâtés classiques. Tous leurs désirs et désirs étaient
satisfaits par un parent adorable : des divertissements sans fin, un défilé de jouets, tout ce qui
les rendait heureux pendant un jour ou deux.
Là où de nombreux enfants apprennent à se divertir, à inventer des jeux et à se faire des amis,
les Pampered Royals apprennent que d'autres se chargeront du divertissement à leur place.
Étant gâtés, ils deviennent paresseux et, à mesure qu'ils grandissent et que les parents ne sont
plus là pour les chouchouter, ils ont tendance à s'ennuyer et à s'agiter. Leur solution est de trouver
du plaisir dans la variété, de passer rapidement d’une personne à l’autre, d’un travail à l’autre ou
d’un endroit à un autre avant que l’ennui ne s’installe. Ils ne s’installent pas bien dans les relations
parce que l’habitude et la routine sont inévitables dans de telles affaires. Mais leur recherche
incessante de variété les fatigue et a un prix : des problèmes de travail, des séries de romances
insatisfaisantes, des amis dispersés à travers le monde. Ne confondez pas leur agitation et leur
infidélité avec la réalité : ce que le prince ou la princesse choyé recherche réellement, c'est une
personne, cette figure parentale, qui lui donnera le gâtage dont il rêve.

Pour séduire ce type, soyez prêt à lui offrir beaucoup de distractions : nouveaux lieux à
visiter, expériences inédites, couleurs, spectacle. Vous devrez conserver un air de mystère,
surprendre continuellement votre cible avec une nouvelle facette de votre personnage. La variété
est la clé. Une fois que les Pampered Royals sont devenus accros, les choses deviennent plus
faciles car ils deviendront rapidement dépendants de vous et vous pourrez déployer moins
d'efforts. À moins que les soins de leur enfance ne les aient rendus trop difficiles et paresseux,
ces types font d'excellentes victimes : ils vous seront aussi fidèles qu'ils l'étaient autrefois envers
maman ou papa. Mais vous devrez faire une grande partie du travail. Si vous recherchez une
longue relation, dissimulez­la. Offrez une sécurité à long terme à un Pampered Royal et vous
provoquerez une fuite paniquée. Reconnaissez ces types par les bouleversements de leur passé
(changements de travail, voyages, relations à court terme) et par l'air d'aristocratie, quelle que
soit leur classe sociale, qui vient du fait d'être traité comme un roi.

La nouvelle prude. La pruderie sexuelle existe toujours, mais elle est moins courante qu'elle ne
l'était. Cependant, la pruderie n’est jamais seulement une question de sexe ; un prude est
quelqu'un qui se soucie excessivement des apparences, de ce que la société considère comme approprié.
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152 • L'art de la séduction

comportement approprié et acceptable. Les prudes restent rigoureusement dans les limites
de la correction parce que plus que tout, ils craignent le jugement de la société. Vue sous cet
angle, la pruderie est toujours aussi répandue qu’elle l’a toujours été.
Le New Prude est excessivement préoccupé par les normes de bonté, d'équité, de
sensibilité politique, de bon goût, etc. Ce qui marque le New Prude, cependant, ainsi que
l'ancien, c'est qu'au fond, il est en réalité excité et intrigué par des plaisirs coupables et
transgressifs. . Effrayés par cette attirance, ils courent dans la direction opposée et deviennent
les plus corrects de tous.
Ils ont tendance à porter des couleurs ternes ; ils ne prennent certainement jamais de risques
en matière de mode. Ils peuvent être très critiques et critiques envers les personnes qui
prennent des risques et ont moins raison. Ils sont également accros à la routine, ce qui leur
permet d'apaiser leur tourment intérieur.

Les nouveaux prudes sont secrètement opprimés par leur justesse et aspirent à
transgresser. Tout comme les prudes sexuels constituent des cibles privilégiées pour un Rake
ou une Sirène, le New Prude sera souvent plus tenté par quelqu'un avec un côté dangereux
ou méchant. Si vous désirez un nouveau prude, ne vous laissez pas tromper par ses
jugements à votre égard ou par ses critiques. Ce n’est qu’un signe de la profondeur avec
laquelle vous les fascinez ; tu es dans leur esprit. En fait, vous pouvez souvent entraîner un
New Prude dans la séduction en lui donnant l'occasion de vous critiquer ou même d'essayer
de vous réformer. Bien sûr, ne prenez rien à cœur de ce qu’ils disent, mais vous avez
maintenant l’excuse parfaite pour passer du temps avec eux – et les New Prudes peuvent être
séduits simplement en étant en contact avec vous. Ces types font en réalité d’excellentes et
enrichissantes victimes. Une fois que vous les ouvrez et que vous les amenez à abandonner
leur exactitude, ils sont inondés de sentiments et d’énergies. Ils pourraient même vous
submerger. Peut­être qu’ils entretiennent une relation avec quelqu’un d’aussi terne qu’ils
semblent l’être eux­mêmes – ne vous laissez pas décourager.
Ils dorment simplement, attendant d'être réveillés.

L'étoile écrasée. Nous voulons tous de l’attention, nous voulons tous briller, mais pour la
plupart d’entre nous, ces désirs sont éphémères et faciles à apaiser. Le problème avec
Crushed Stars est qu'à un moment de leur vie, ils se sont retrouvés au centre de l'attention ­
peut­être étaient­ils beaux, charmants et effervescents, peut­être étaient­ils des athlètes ou
avaient­ils un autre talent ­ mais cette époque est révolue. Ils semblent peut­être l’avoir
accepté, mais le souvenir d’avoir brillé est difficile à oublier. En général, l’apparence de vouloir
attirer l’attention, d’essayer de se démarquer, n’est pas très bien perçue dans la société polie
ou sur le lieu de travail. Alors pour s'entendre, les Crushed Stars apprennent à calmer leurs
désirs ; mais à défaut d’obtenir l’attention qu’ils estiment mériter, ils éprouvent également du
ressentiment. Vous pouvez reconnaître les étoiles écrasées à certains moments d'inattention :
elles reçoivent soudainement une certaine attention dans un cadre social, et cela les fait
briller ; ils évoquent leurs jours de gloire, et il y a une petite lueur dans les yeux ; un peu de
vin dans le système, et ils deviennent effervescents.

Séduire ce type est simple : il suffit d’en faire le centre d’attention.


Lorsque vous êtes avec eux, agissez comme s’ils étaient des étoiles et que vous profitiez de
leur lueur. Faites­les parler, notamment d’eux­mêmes. Dans une situation sociale­
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Les victimes du séducteur : les dix­huit types • 153

tion, assourdissez vos propres couleurs et laissez­les paraître drôles et rayonnantes


par comparaison. En général, jouez au Charmeur. La récompense de séduire Crushed
Stars est que vous suscitez des émotions puissantes. Ils vous seront extrêmement
reconnaissants de les avoir laissés briller. Dans la mesure où ils se sont sentis écrasés
et refoulés, l'apaisement de cette douleur libère l'intensité et la passion, toutes dirigées
vers vous. Ils tomberont follement amoureux. Si vous avez vous­même des tendances
de star ou de dandy, il est sage d'éviter de telles victimes. Tôt ou tard, ces tendances
apparaîtront et la concurrence entre vous sera vilaine.

Le novice. Ce qui différencie les novices des jeunes innocents ordinaires, c’est qu’ils
sont mortellement curieux. Ils ont peu ou pas d’expérience du monde, mais y ont été
exposés indirectement – dans les journaux, les films, les livres. Trouvant leur innocence
comme un fardeau, ils aspirent à être initiés aux mœurs du monde. Tout le monde les
voit comme si doux et innocents, mais ils savent que ce n’est pas le cas : ils ne peuvent
pas être aussi angéliques qu’on le pense.
Séduire un novice est facile. Mais pour bien le faire, il faut un peu d’art.
Les novices s'intéressent aux personnes ayant de l'expérience, en particulier celles qui
ont une touche de corruption et de mal. Cependant, si ce contact est trop fort, cela les
intimidera et les effrayera. Ce qui fonctionne le mieux avec un Novice, c'est un mélange
de qualités. Vous êtes vous­même un peu enfantin, avec un esprit ludique. En même
temps, il est clair que vous avez des profondeurs cachées, même sinistres.
(C'était le secret du succès de Lord Byron auprès de tant de femmes innocentes.)
Vous initiez vos novices non seulement sexuellement mais aussi expérimentalement,
en les exposant à de nouvelles idées, en les emmenant vers de nouveaux endroits, de
nouveaux mondes à la fois littéraux et métaphoriques. Ne rendez pas votre séduction
laide ou minable : tout doit être romantique, y compris le côté maléfique et sombre de la vie.
Les jeunes ont leurs idéaux ; il est préférable de les initier par une touche esthétique.
Un langage séduisant fait des merveilles sur les novices, tout comme le souci du détail.
Spectacles et événements hauts en couleur font appel à leurs sens sensibles. Ils sont
facilement induits en erreur par ces tactiques, car ils n’ont pas l’expérience nécessaire
pour y voir clair.
Parfois, les novices sont un peu plus âgés et ont été au moins quelque peu
instruits des mœurs du monde. Pourtant, ils font semblant d’être innocents, car ils
voient le pouvoir qu’elle exerce sur les personnes âgées. Ce sont des novices timides,
conscients du jeu auquel ils jouent, mais ils restent novices. Ils se laissent peut­être
moins facilement tromper que les novices plus purs, mais la manière de les séduire est
à peu près la même : mélangez l'innocence et la corruption et vous les fascinerez.

Le Conquérant. Ces types ont une quantité d’énergie inhabituelle, qu’ils ont du mal à
contrôler. Ils sont toujours à la recherche de personnes à conquérir et d'obstacles à
surmonter. Vous ne reconnaîtrez pas toujours les Conquérants à leur extérieur : ils
peuvent paraître un peu timides dans les situations sociales et peuvent avoir une
certaine réserve. Ne regardez pas leurs paroles ou leur apparence mais leur
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154 • L'art de la séduction

actions, dans le travail et dans les relations. Ils aiment le pouvoir, et ils l’obtiennent par
gré ou par escroc.
Les conquérants ont tendance à être émotifs, mais leurs émotions ne se manifestent
que par des explosions lorsqu'ils sont poussés. En matière de romance, la pire chose
que vous puissiez faire avec eux est de vous allonger et de devenir une proie facile ;
ils peuvent profiter de votre faiblesse, mais ils vous rejetteront rapidement et vous
laisseront dans le pire des cas. Vous voulez donner aux conquérants une chance d'être
agressifs, de surmonter une résistance ou un obstacle, avant de leur laisser croire qu'ils
vous ont submergé. Vous voulez leur donner une bonne poursuite. Être un peu difficile
ou maussade, user de coquetterie, fera souvent l'affaire. Ne vous laissez pas intimider
par leur agressivité et leur énergie, c'est précisément ce que vous pouvez tourner à
votre avantage. Pour les briser, faites­les charger d'avant en arrière comme un taureau.
Finalement, ils deviendront faibles et dépendants, à mesure que Napoléon deviendra
l'esclave de Joséphine.
Le Conquérant est généralement un homme, mais il existe de nombreuses
Conquérantes féminines : Lou Andreas­Salomé et Natalie Barney sont célèbres. Les
conquérantes succomberont cependant à la coquetterie, tout comme les conquérantes
masculines.

Le fétichiste exotique. La plupart d’entre nous sont excités et intrigués par l’exotisme.
Ce qui différencie les fétichistes exotiques du reste d’entre nous, c’est le degré de cet
intérêt, qui semble régir tous leurs choix dans la vie. En vérité, ils se sentent vides
intérieurement et éprouvent une forte dose de dégoût d’eux­mêmes. Ils n’aiment pas
leur origine, leur classe sociale (généralement moyenne ou supérieure) et leur culture
parce qu’ils ne s’aiment pas eux­mêmes.
Ces types sont faciles à reconnaître. Ils aiment voyager ; leurs maisons sont
remplies d' objets venus de pays lointains ; ils fétichisent la musique ou l'art de telle ou
telle culture étrangère. Ils ont souvent un fort côté rebelle. De toute évidence, la façon
de les séduire est de vous positionner comme exotique : si vous ne semblez pas au
moins provenir d’une origine ou d’une race différente, ou si vous n’avez pas une aura
extraterrestre, vous ne devriez même pas vous en soucier. Mais il est toujours possible
de mettre en valeur ce qui vous rend exotique, d'en faire une sorte de théâtre pour leur amusement.
Vos vêtements, les choses dont vous parlez, les endroits où vous les emmenez,
montrent votre différence. Exagérez un peu et ils imagineront le reste, car ces types
ont tendance à se faire des illusions. Cependant, les fétichistes exotiques ne font pas
de très bonnes victimes. Quel que soit votre exotisme, ils leur sembleront vite banal et
ils voudront autre chose. Il sera difficile de conserver leur intérêt. Leur insécurité sous­
jacente vous tiendra également en haleine.

Une variante de ce type est l'homme ou la femme coincé dans une relation
abrutissante, une occupation banale, une ville sans issue. Ce sont les circonstances,
par opposition à la névrose personnelle, qui poussent ces personnes à fétichiser
l’exotisme ; et ces fétichistes exotiques sont de meilleures victimes que ceux qui se
détestent, car vous pouvez leur offrir une évasion temporaire de toute opportunité.
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Les victimes du séducteur : les dix­huit types • 155

les presse. Rien, cependant, n’offrira aux véritables fétichistes exotiques une évasion d’eux­
mêmes.

La reine du drame. Il y a des gens qui ne peuvent se passer d’un drame constant dans
leur vie – c’est leur façon de détourner l’ennui. La plus grande erreur que vous puissiez
commettre en séduisant ces Drama Queens est de leur offrir stabilité et sécurité. Cela ne
fera que les faire fuir vers les collines.
Le plus souvent, les Drama Queens (et il y a beaucoup d’hommes dans cette catégorie)
aiment jouer les victimes. Ils veulent quelque chose à se plaindre, ils veulent de la douleur.
La douleur est pour eux une source de plaisir. Avec ce type, vous devez être disposé et
capable de leur donner le traitement mental brutal qu’ils désirent.
C'est le seul moyen de les séduire en profondeur. Dès que vous deviendrez trop gentil, ils
trouveront une raison de se quereller ou de se débarrasser de vous.
Vous reconnaîtrez les Drama Queens au nombre de personnes qui leur ont fait du mal,
aux tragédies et aux traumatismes qui leur sont arrivés. À l'extrême, ils peuvent être
désespérément égoïstes et anti­séduisants, mais la plupart d'entre eux sont relativement
inoffensifs et feront d'excellentes victimes si vous pouvez vivre avec la tempête et le
désordre. Si, pour une raison quelconque, vous souhaitez quelque chose à long terme avec
ce type, vous devrez constamment injecter du drame dans votre relation.
Pour certains, cela peut être un défi passionnant et une source de renouvellement constant
de la relation. En général, cependant, vous devriez considérer une implication avec une
Drama Queen comme quelque chose de passager et comme un moyen d'apporter un peu
de drame dans votre propre vie.

Le professeur. Ces types ne peuvent pas sortir du piège de l’analyse et de la critique de


tout ce qui croise leur chemin. Leur esprit est surdéveloppé et surstimulé. Même lorsqu’ils
parlent d’amour ou de sexe, c’est avec beaucoup de réflexion et d’analyse. Ayant développé
leur esprit aux dépens de leur corps, beaucoup d’entre eux se sentent physiquement
inférieurs et compensent en dominant leur supériorité mentale sur les autres. Leur
conversation est souvent ironique ou ironique : on ne sait jamais vraiment ce qu’ils disent,
mais on sent qu’ils vous méprisent. Ils aimeraient échapper à leurs prisons mentales, ils
aimeraient la pure physicalité, sans aucune analyse, mais ils ne peuvent y arriver par eux­
mêmes. Les types de professeurs nouent parfois des relations avec d’autres types de
professeurs ou avec des personnes qu’ils peuvent traiter comme des inférieurs. Mais au
fond, ils aspirent à être submergés par quelqu’un ayant une présence physique – un râteau
ou une sirène, par exemple.

Les professeurs peuvent faire d’excellentes victimes, car sous leur force intellectuelle
se cachent des insécurités tenaces. Faites­leur se sentir comme des Don Juan ou des
Sirènes, même dans une moindre mesure, et ils seront vos esclaves. Beaucoup d’entre eux
ont une tendance masochiste qui ressortira une fois que vous aurez réveillé leurs sens endormis.
Vous proposez une évasion du mental, alors rendez­la aussi complète que possible : si
vous avez vous­même des tendances intellectuelles, cachez­les. Ils le feront seulement
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156 • L'art de la séduction

remuez le jus compétitif de votre cible et faites tourner ses esprits. Laissez vos
professeurs garder leur sentiment de supériorité mentale ; laissez­les vous juger.
Vous saurez ce qu’ils essaieront de cacher : que c’est vous qui contrôlez, car vous
leur donnez ce que personne d’autre ne peut leur donner : une stimulation physique.

La beauté. Dès le plus jeune âge, la Belle est regardée par les autres. Leur désir
de la regarder est la source de son pouvoir, mais aussi la source de bien des
malheurs : elle craint constamment que ses pouvoirs diminuent, qu'elle n'attire plus
l'attention. Si elle est honnête avec elle­même, elle sent également qu'être vénérée
uniquement pour son apparence est monotone et insatisfaisant – et solitaire.
Beaucoup d’hommes sont intimidés par la beauté et préfèrent l’adorer de loin ;
d'autres sont attirés, mais pas dans le but de converser. La Belle souffre d'isolement.

Parce qu'elle a tellement de manques, la Belle est relativement facile à séduire,


et si c'est bien fait, vous aurez non seulement gagné une prise très prisée, mais
aussi quelqu'un qui deviendra dépendant de ce que vous lui fournissez. Le plus
important dans cette séduction est de valider les aspects de la Beauté que personne
d'autre n'apprécie : son intelligence (généralement supérieure à ce que l'on
imagine), ses compétences, son caractère. Bien sûr, vous devez adorer son corps
– vous ne pouvez attiser aucune insécurité dans le seul domaine dans lequel elle
connaît sa force et la force dont elle dépend le plus – mais vous devez également
adorer son esprit et son âme. La stimulation intellectuelle fonctionnera bien sur la
Belle, la distrayant de ses doutes et de ses insécurités et donnant l'impression que
vous appréciez cet aspect de sa personnalité.
Parce que la Belle est toujours regardée, elle a tendance à être passive.
Mais derrière sa passivité se cache souvent de la frustration : la Belle aimerait être
plus active et courir elle­même. Un peu de coquetterie peut bien fonctionner ici : à
un moment donné de votre culte, vous pourriez devenir un peu froid en l'invitant à
vous poursuivre. Entraînez­la à être plus active et vous aurez une excellente
victime. Le seul inconvénient est que ses nombreuses insécurités nécessitent une
attention et des soins constants.

Le bébé vieillissant. Certaines personnes refusent de grandir. Peut­être ont­ils peur


de la mort ou de la vieillesse ; peut­être sont­ils passionnément attachés à la vie
qu’ils ont menée lorsqu’ils étaient enfants. N’aimant pas les responsabilités, ils ont
du mal à transformer tout en jeu et en récréation. Dans la vingtaine, ils peuvent
être charmants, dans la trentaine, intéressants, mais lorsqu'ils atteignent la
quarantaine, ils commencent à maigrir.
Contrairement à ce que l'on pourrait imaginer, un bébé vieillissant ne veut pas
être impliqué avec un autre bébé vieillissant, même si la combinaison peut sembler
augmenter les chances de jeu et de frivolité. Le bébé vieillissant ne veut pas de
compétition, mais une figure d'adulte. Si vous désirez séduire ce type, vous devez
être prêt à être responsable et posé. C'est peut­être un
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Les victimes du séducteur : les dix­huit types • 157

étrange façon de séduire, mais dans ce cas ça marche. Vous devriez avoir l'air d'aimer l'esprit
juvénile du bébé vieillissant (cela aide si vous l'aimez réellement), vous pouvez vous y
engager, mais vous restez un adulte indulgent. En étant responsable, vous libérez le bébé
pour qu'il puisse jouer. Agissez en adulte aimant jusqu’au bout, sans jamais juger ni critiquer
son comportement, et un fort attachement se formera. Les bébés vieillissants peuvent être
amusants pendant un certain temps, mais, comme tous les enfants, ils sont souvent
puissamment narcissiques. Cela limite le plaisir que vous pouvez avoir avec eux. Vous devriez
les considérer comme des divertissements à court terme ou des exutoires temporaires pour
vos instincts parentaux frustrés.

Le Sauveur. Nous sommes souvent attirés par les personnes qui semblent vulnérables ou
faibles : leur tristesse ou leur dépression peuvent en réalité être très séduisantes. Il y a
cependant des gens qui vont beaucoup plus loin et qui semblent attirés uniquement par les
personnes en difficulté. Cela peut paraître noble, mais les sauveteurs ont généralement des
motivations compliquées : ils ont souvent une nature sensible et veulent vraiment aider. En
même temps, résoudre les problèmes des gens leur donne une sorte de pouvoir qu’ils
apprécient : cela leur permet de se sentir supérieurs et en contrôle. C’est aussi le moyen idéal
pour les distraire de leurs propres problèmes. Vous reconnaîtrez ces types à leur empathie :
ils écoutent bien et essaient de vous amener à vous ouvrir et à parler. Vous remarquerez
également qu’ils ont des antécédents de relations avec des personnes dépendantes et en
difficulté.
Les sauveteurs peuvent faire d’excellentes victimes, surtout si vous appréciez une
attention chevaleresque ou maternelle. Si vous êtes une femme, jouez la demoiselle en
détresse, en donnant à un homme la chance que tant d'hommes désirent : jouer le chevalier.
Si vous êtes un homme, incarnez le garçon qui ne peut pas faire face à ce monde dur ; une
sauveuse vous enveloppera d’une attention maternelle, obtenant pour elle­même la satisfaction
supplémentaire de se sentir plus puissante et plus en contrôle qu’un homme. Un air de
tristesse attirera l'un ou l'autre sexe. Exagérez vos faiblesses, mais pas par des mots ou des
gestes explicites : laissez­les sentir que vous avez eu trop peu d'amour, que vous avez eu
une série de mauvaises relations, que vous avez eu dix ans. une mauvaise affaire dans la
vie. Après avoir attiré votre sauveur avec la chance de vous aider, vous pouvez alors attiser
les feux de la relation avec un approvisionnement constant en besoins et en vulnérabilités.
Vous pouvez également inviter un sauvetage moral : vous êtes mauvais.
Vous avez fait de mauvaises choses. Vous avez besoin d’une main sévère mais aimante.
Dans ce cas, le sauveteur se sent moralement supérieur, mais aussi le frisson indirect de
s'impliquer avec quelqu'un de méchant.

Le Roué. Ces types ont vécu la belle vie et connu de nombreux plaisirs. Ils ont probablement,
ou ont eu autrefois, beaucoup d’argent pour financer leur vie hédoniste. De l’extérieur, ils ont
tendance à paraître cyniques et blasés, mais leur mondanité cache souvent une sentimentalité
qu’ils ont eu du mal à réprimer. Les Roués sont des séducteurs accomplis, mais il existe un
type qui peut facilement les séduire : les jeunes et les innocents. Comme ils obtiennent
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158 • L'art de la séduction

plus âgés, ils aspirent à leur jeunesse perdue ; manquant de leur innocence perdue depuis longtemps,
ils commencent à la convoiter chez les autres.
Si vous voulez les séduire, il faudra probablement être un peu jeune et avoir conservé au moins
une apparence d'innocence. Il est facile de jouer sur ce sujet : montrer à quel point vous avez peu
d'expérience dans le monde, comment vous voyez encore les choses en tant qu'enfant. Il est également
bon de paraître résister à leurs avances : les Roués trouveront vivant et excitant de vous poursuivre.
Vous pouvez même sembler ne pas les aimer ou vous méfier d’eux – cela les stimulera vraiment. En
étant celui qui résiste, vous contrôlez la dynamique. Et puisque vous avez la jeunesse qui leur manque,
vous pouvez garder le dessus et les faire tomber profondément amoureux. Ils seront souvent susceptibles
d'une telle chute, parce qu'ils ont si longtemps atténué leurs propres tendances romantiques que
lorsqu'elles éclatent, ils en perdent le contrôle. Ne cédez jamais trop tôt et ne baissez jamais la garde :
de tels types peuvent être dangereux.

L'adorateur d'idoles. Tout le monde ressent un manque intérieur, mais les adorateurs d’idoles ont un vide
plus grand que la plupart des gens. Ils ne peuvent pas être satisfaits d’eux­mêmes, alors ils recherchent
dans le monde quelque chose à adorer, quelque chose pour combler leur vide intérieur. Cela prend
souvent la forme d’un grand intérêt pour les questions spirituelles ou pour une cause valable ; en se
concentrant sur quelque chose de soi­disant élevé, ils se détournent de leur propre vide, de ce qu'ils
n'aiment pas chez eux. Les adorateurs d’idoles sont faciles à repérer : ce sont eux qui consacrent leur
énergie à une cause ou à une religion. Ils se déplacent souvent au fil des années, quittant une secte pour
une autre.

La manière de séduire ces types est simplement de devenir leur objet de culte, de prendre la place
de la cause ou de la religion à laquelle ils sont tant dévoués. Au début, vous devrez peut­être paraître
partager leur intérêt spirituel, en les rejoignant dans leur culte, ou peut­être en les exposant à une nouvelle
cause ; vous finirez par le déplacer. Avec ce type, il faut cacher ses défauts, ou du moins leur donner un
éclat saint. Soyez banal et les adorateurs d’idoles vous passeront.

Mais reflètez les qualités qu’ils aspirent à avoir pour eux­mêmes et ils vous transféreront lentement leur
adoration. Gardez tout sur un plan élevé : laissez la romance et la religion ne faire qu’un.

Gardez deux choses à l’esprit lorsque vous séduisez ce type. Premièrement, ils ont tendance à
avoir un esprit hyperactif, ce qui peut les rendre très méfiants. Parce qu'ils manquent souvent de
stimulation physique, et parce que la stimulation physique va les distraire, donnez­leur­en : une randonnée
en montagne, une excursion en bateau ou du sexe feront l'affaire. Mais cela demande beaucoup de
travail, car leur esprit est toujours en ébullition.
Deuxièmement, ils souffrent souvent d’une faible estime d’eux­mêmes. N'essayez pas de le relever ; ils
verront à travers vous et vos efforts pour les féliciter entreront en conflit avec leur propre image d’eux­
mêmes. Ils doivent vous adorer ; vous ne devez pas les adorer. Les adorateurs d'idoles font des victimes
tout à fait adéquates à court terme, mais leur besoin incessant de recherche les amènera éventuellement
à chercher quelque chose de nouveau à adorer.
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Les victimes du séducteur : les dix­huit types • 159

Le Sensualiste. Ce qui marque ces types, ce n'est pas leur amour du plaisir
mais leurs sens hyperactifs. Parfois, ils montrent cette qualité dans leur
apparence : leur intérêt pour la mode, la couleur, le style. Mais parfois c'est
plus subtil : parce qu'ils sont très sensibles, ils sont souvent assez timides, et
ils hésiteront à se démarquer ou à être flamboyants. Vous les reconnaîtrez à leur réactivité à
leur environnement, à leur
ne supporte pas une pièce sans soleil, est déprimé par certaines couleurs ou
excité par certaines odeurs. Il se trouve qu’ils vivent dans une culture qui minimise l’expérience
sensuelle (sauf peut­être le sens de la vue). Et ainsi
ce qui manque au Sensualiste, c'est précisément suffisamment d'expériences sensuelles à
apprécier et à savourer.

La clé pour les séduire est de viser leurs sens, de les emmener
beaux endroits, faites attention aux détails, enveloppez­les de spectacle, et bien
bien sûr, utilisez beaucoup de leurres physiques. Les sensualistes, comme les animaux, peuvent être appâtés
avec des couleurs et des odeurs. Faites appel à autant de sens que possible, en gardant votre
des cibles distraites et faibles. Les séductions des sensualistes sont souvent faciles et
rapide, et vous pouvez utiliser les mêmes tactiques encore et encore pour les garder intéressés,
bien qu'il soit sage de varier quelque peu vos attraits sensuels, en nature si
pas en qualité. C'est ainsi que Cléopâtre a travaillé sur Marc Antoine, un sensualiste invétéré.
Ces types font de superbes victimes car ils sont relativement
docile si vous leur donnez ce qu'ils veulent.

Le leader solitaire. Les gens puissants ne sont pas nécessairement différents des
tout le monde, mais ils sont traités différemment, et cela a un grand effet sur
leurs personnalités. Tout le monde autour d'eux a tendance à être flatteur et
comme un courtisan, avoir un angle, vouloir quelque chose d'eux. Cela fait
ils sont méfiants et méfiants, et un peu durs sur les bords, mais ne le faites pas.
ne pas confondre l'apparence avec la réalité : les leaders solitaires aspirent à être séduits, à ce
que quelqu'un brise leur isolement et les submerge.
eux. Le problème est que la plupart des gens sont trop intimidés pour essayer ou utiliser
le genre de tactiques – flatterie, charme – qu’ils voient à travers et qu’ils méprisent. À
séduire de tels types, il vaut mieux se comporter comme leur égal ou même leur supérieur—
le genre de traitement qu’ils ne reçoivent jamais. Si vous êtes franc avec eux, vous le ferez
semblent authentiques, et ils seront touchés ­ vous vous en souciez suffisamment pour être honnête,
même peut­être avec un certain risque. (Être franc avec les puissants peut être dangereux.)
Les dirigeants solitaires peuvent devenir émotifs en leur infligeant une certaine douleur, suivie
de tendresse.

C'est l'un des types les plus difficiles à séduire, non seulement parce qu'ils sont
suspects, mais parce que leur esprit est chargé de soucis et de responsabilités. Ils ont moins
d’espace mental pour une séduction. Vous devrez être patient et intelligent, remplissant
lentement leur esprit de pensées à votre sujet. Réussir,
cependant, et vous pouvez acquérir un grand pouvoir à votre tour, car dans leur solitude, ils
cela dépendra de vous.
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160 • L'art de la séduction

Le genre flottant. Nous avons tous un mélange de masculin et de


féminin dans nos personnages, mais la plupart d'entre nous apprennent à développer et à exhiber le
côté socialement acceptable tout en réprimant l’autre. Les gens du flottant
Le type de genre estime que la séparation des sexes en genres si distincts
est un fardeau. On les considère parfois comme des homosexuels refoulés ou latents, mais
c'est un malentendu : ils sont peut­être hétérosexuels mais
leurs côtés masculin et féminin sont en évolution, et parce que cela peut déconcerter les
autres s'ils le montrent, ils apprennent à le réprimer, peut­être en allant à
un extrême. En fait, ils adoreraient pouvoir jouer avec leur sexe,
pour donner pleine expression aux deux côtés. Beaucoup de gens tombent dans ce type sans
C'est une évidence : une femme peut avoir une énergie masculine, un homme un côté
esthétique développé. Ne cherchez pas de signes évidents, car ces types
vont souvent dans la clandestinité, en le gardant secret. Cela les rend vulnérables à une
puissante séduction.
Ce que les types de genre flottant recherchent réellement, c'est une autre personne de
sexe incertain, leur homologue du sexe opposé. Montre­leur que
en votre présence et ils pourront se détendre, exprimer le côté refoulé de leur caractère. Si
vous avez de telles tendances, c'est le seul cas où il serait
Il serait préférable de séduire le même type du sexe opposé. Chaque personne remuera
des désirs refoulés chez l'autre et aura soudain le droit d'explorer
toutes sortes de combinaisons de genre, sans crainte de jugement. Si tu n'es pas
du Genre Flottant, laissez ce type tranquille. Vous ne ferez que les inhiber
et créer plus d'inconfort.
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d'entre nous comprennent que certaines actions de notre part auront un effet
La plupart
agréable et séduisant sur la personne que nous aimerions séduire.
Le problème est que nous sommes généralement trop égocentriques : nous pensons
davantage à ce que nous attendons des autres qu’à ce qu’ils pourraient attendre de nous.
Nous pouvons parfois faire quelque chose de séduisant, mais souvent nous enchaînons
cela avec une action égoïste ou agressive (nous sommes pressés d'obtenir ce que nous
voulons) ; ou, ignorant ce que nous faisons, nous montrons un côté de nous­mêmes qui est
mesquin et banal, dégonflant les illusions ou les fantasmes qu'une personne pourrait avoir
à notre sujet. Nos tentatives de séduction ne durent généralement pas assez longtemps
pour créer un grand effet.

Vous ne séduirez personne simplement en vous basant sur votre personnalité


attachante ou en faisant occasionnellement quelque chose de noble ou de séduisant. La
séduction est un processus qui se produit au fil du temps : plus vous prenez du temps et
plus vous avancez lentement, plus vous pénétrerez profondément dans l'esprit de votre
victime. C'est un art qui demande de la patience, de la concentration et une réflexion
stratégique. Vous devez toujours avoir une longueur d'avance sur votre victime, lui jeter de
la poussière dans les yeux, lui lancer un sort, la déséquilibrer.
Les vingt­quatre chapitres de cette section vous armeront d'une série de tactiques qui
vous aideront à sortir de vous­même et à entrer dans l'esprit de votre victime, afin que
vous puissiez en jouer comme un instrument. Les chapitres sont classés dans un ordre
lâche, allant du premier contact avec votre victime jusqu'à la conclusion réussie. Cet ordre
est basé sur certaines lois intemporelles de la psychologie humaine. Parce que les pensées
des gens ont tendance à tourner autour de leurs préoccupations et de leurs insécurités
quotidiennes, vous ne pouvez pas procéder à une séduction tant que vous n'avez pas
lentement endormi leurs anxiétés et rempli leur esprit distrait de pensées à votre sujet. Les
premiers chapitres vous aideront à y parvenir.
Il existe une tendance naturelle dans les relations entre les gens à devenir si familiers les
uns avec les autres que l'ennui et la stagnation s'installent. Le mystère est l'élément vital de
la séduction et pour l'entretenir, vous devez constamment surprendre vos victimes, faire
bouger les choses, voire les choquer. . Une séduction ne doit jamais s’installer dans une
routine confortable. Les chapitres du milieu et des derniers vous apprendront l'art d'alterner
espoir et désespoir, plaisir et douleur, jusqu'à ce que vos victimes s'affaiblissent et
succombent. Dans chaque cas, une tactique consiste à mettre en place la suivante, vous
permettant de la pousser plus loin avec quelque chose de plus audacieux et de plus violent.
Un séducteur ne peut pas être timide ou miséricordieux.

Pour vous aider à faire avancer la séduction, les chapitres sont disposés en

163
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164 • L'art de la séduction

quatre phases, chaque phase ayant un objectif particulier à atteindre : amener la victime
penser à toi; accéder à leurs émotions en créant des moments de
plaisir et confusion; aller plus loin en travaillant sur leur inconscient,
attiser les désirs refoulés; et enfin, induire l'abandon physique. (Le
les phases sont clairement marquées et expliquées avec une brève introduction.) En suivant
ces phases, vous travaillerez plus efficacement sur l'esprit de votre victime.
et créer le rythme lent et hypnotique d'un rituel. En fait, le séduisant
Le processus peut être considéré comme une sorte de rituel d'initiation, dans lequel vous êtes
déraciner les gens de leurs habitudes, leur offrir des expériences inédites, les mettre
à travers des tests, avant de les initier à une nouvelle vie.
Il est préférable de lire tous les chapitres et d'acquérir autant de connaissances que
possible. Quand viendra le temps d’appliquer ces tactiques, vous souhaiterez choisir et
choisissez ceux qui conviennent à votre victime particulière ; parfois
quelques­uns seulement suffisent, selon le niveau de résistance que vous rencontrez et
la complexité des problèmes de votre victime. Ces tactiques sont également applicables aux
séductions sociales et politiques, moins la composante sexuelle dans Phase
Quatre.

À tout prix, résistez à la tentation de vous précipiter jusqu'au point culminant de votre
séduction, ou d'improviser. Vous n’êtes pas séduisant mais égoïste. Tout en
le quotidien est précipité et improvisé, et il faut proposer quelque chose de différent. En
prenant votre temps et en respectant le processus de séduction vous ne
brisez simplement la résistance de votre victime, vous la ferez tomber amoureuse.
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Première phase

Séparation­
Susciter l’intérêt et le désir

Vos victimes vivent dans leur propre monde, l'esprit occupé par

angoisses et préoccupations quotidiennes. Votre objectif dans cette phase initiale est de

séparez­les lentement de ce monde fermé et remplissez leur esprit

avec des pensées pour toi. Une fois que vous avez décidé qui séduire

(1 : Choisissez la bonne victime), votre première tâche est de faire en sorte que votre victime soit

l'attention du moment, pour susciter l'intérêt pour vous. Pour ceux qui pourraient l'être

plus résistant ou difficile, vous devriez essayer un mouvement plus lent et plus in­

approche sidieuse, gagnant d’abord leur amitié (2 : Créer une

faux sentiment de sécurité – approche indirecte) ; pour ceux qui sont

ennuyé et moins difficile à atteindre, une approche plus dramatique permettra

œuvre, soit les fasciner par une présence mystérieuse (3 :

Envoyer des signaux mitigés) ou avoir l'air d'être quelqu'un de convoité

et combattu par les autres (4 : apparaître comme un objet de désir).

Une fois que la victime est réellement intriguée, vous devez la transformer

leur intérêt pour quelque chose de plus fort : le désir. Le désir est généralement

précédé par des sentiments de vide, de quelque chose qui manque à l'intérieur

cela doit être accompli. Vous devez délibérément susciter de tels sentiments,

faites prendre conscience à vos victimes de l'aventure et de la romance qui sont

manquent dans leur vie (5 : Créer un besoin – susciter l’anxiété et le désespoir)

contenu). S'ils vous voient comme celui qui comblera leur vide, inter­

l'est s'épanouira en désir. Le désir doit être attisé par

plantant subtilement des idées dans leur esprit, des allusions au plaisir séduisant­

sures qui les attendent (6 : Maîtriser l’art de l’insinuation). Mir­

écouter les valeurs de vos victimes, les livrer à leurs désirs et

les humeurs les charmeront et les raviront (7 : Entrez dans leur esprit).

Sans réaliser comment cela s'est produit, de plus en plus de leurs

les pensées tournent désormais autour de vous. Le moment est venu pour certains­

chose de plus fort. Attirez­les avec un plaisir ou une aventure irrésistible.

ture (8 : Créez la tentation) et ils suivront votre exemple.


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Choisissez la bonne victime

Tout dé­

dépend de la cible de votre séduction.

tion. Étudiez attentivement votre proie et choisissez

seulement ceux qui se montreront sensibles à votre

charmes. Les bonnes victimes sont celles pour qui vous pouvez combler

un vide, qui voient en toi quelque chose d'exotique. Ils sont souvent

isolé ou du moins quelque peu malheureux (peut­être à cause de re­

circonstances défavorables), ou peut facilement l'être ­ pour le

Une personne complètement satisfaite est presque impossible à séduire.

La victime parfaite a une qualité naturelle qui attire

toi. Les émotions fortes que cette qualité inspire

aider à rendre vos manœuvres séduisantes plus visibles

naturel et dynamique. La victime parfaite

permet une poursuite parfaite.


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Préparation de la chasse

T Le jeune vicomte de Valmont était un libertin notoire dans le Paris de


les années 1770, ruine de nombreuses jeunes filles et ingénieux séducteur des
épouses d'illustres aristocrates. Mais au bout d’un moment, la répétitivité de tout cela
commença à l’ennuyer ; ses succès sont venus trop facilement. Ainsi, une année, pendant
le mois d'août étouffant et lent, il décide de faire une pause loin de Paris et de rendre
visite à sa tante dans son château en province. La vie là­bas n'était pas celle à laquelle il Le neuvième • Ai­je
devenir aveugle ? A la
était habitué : il y avait des promenades à la campagne, des discussions avec le vicaire
L'œil intérieur de l'âme a perdu son
local, des parties de cartes. Ses amis de la ville, notamment sa compagne libertine et
pouvoir ? Je l'ai vue, mais c'est
confidente la marquise de Merteuil, s'attendaient à ce qu'il revienne en toute hâte. comme si j'avais vu une

Il y avait cependant d'autres invités au château, dont le président­dente de Tourvel, révélation céleste, tant son
image a complètement disparu
une femme de vingt­deux ans dont le mari était temporairement absent, ayant du travail
pour moi. En vain j'invoque tous
ailleurs. La Présidente languissait au château, attendant qu'il la rejoigne. Valmont l'avait les

déjà rencontrée ; elle était certes belle, mais avait une réputation de prude et extrêmement puissances de mon âme afin
d'évoquer cette image. Si jamais je
dévouée à son mari. Elle n'était pas une dame de la cour ; son goût vestimentaire était
la revois, je pourrai la reconnaître
atroce (elle se couvrait toujours le cou d'affreux volants) et sa conversation manquait instantanément, même si elle
d'esprit. Cependant, pour une raison quelconque, loin de Paris, Valmont commença à voir est parmi cent autres. Maintenant,
elle s'est enfuie, et l'œil de mon
ces traits sous un nouveau jour. Il la suivit jusqu'à la chapelle où elle se rendait chaque
âme essaie en vain de la rattraper
matin pour prier. Il l'a aperçue au dîner ou en train de jouer aux cartes. Contrairement aux de son désir. Je marchais le long de
dames de Paris, elle semblait ignorer ses charmes ; cela l'excitait. En raison de la chaleur, Langelinie, apparemment

elle portait une simple robe en lin qui révélait sa silhouette. Un morceau de mousseline nonchalamment et sans prêter
attention à mon
recouvrait ses seins, lui permettant plus que de les imaginer. Ses cheveux, démodés dans
leur léger désordre, évoquaient la chambre à coucher. Et son visage – il n'avait jamais
remarqué à quel point il était expressif. Ses traits s'éclairaient lorsqu'elle faisait l'aumône
les environs, même si mon regard
à un mendiant ; elle rougit au moindre éloge. Elle était si naturelle et si inconsciente. Et
de reconnaissance ne laissait
quand elle parlait de son mari ou de questions religieuses, il pouvait sentir la profondeur rien inaperçu – et puis mes yeux
de ses sentiments. Si une nature aussi passionnée était jamais détournée vers une histoire tombèrent sur elle.
Mes yeux étaient
d'amour. .
fixés sur elle, inébranlables.
Ils n'obéissaient plus à la
.. volonté de leur maître ; il m'était
impossible de déplacer mon
Valmont prolonge son séjour au château, pour le plus grand plaisir de sa tante, qui
regard et ainsi de négliger l'objet
n'en devinait pas la raison. Et il écrit à la marquise de Merteuil pour lui expliquer sa que je voulais voir : je ne
nouvelle ambition : séduire Madame de Tourvel. La marquise était incrédule. Il voulait regardais pas, je fixais.
Comme un escrimeur se fige dans
séduire ce prude ?
sa fente, ainsi mes yeux étaient
S'il réussissait, comme elle lui ferait peu de plaisir, et s'il échouait, quelle honte : le grand
fixes, pétrifiés dans la direction
libertin incapable de séduire une femme dont le mari était loin ! Elle écrivit une lettre initialement prise. C'était impossible

sarcastique qui ne fit qu'enflammer Valmont. de regarder

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170 • L'art de la séduction

vers le bas, impossible là. La conquête de cette femme notoirement vertueuse serait sa plus grande
de retirer mon regard, séduction. Sa réputation n’en serait que renforcée.
impossible de voir, car j'en
Il y avait cependant un obstacle qui semblait rendre le succès presque
voyais beaucoup trop. La
seule chose que j'ai retenue, impossible : tout le monde connaissait la réputation de Valmont, y compris la Présidente.
c'est qu'elle portait un manteau Elle savait à quel point il était dangereux d'être seule avec lui, et comment les
vert, c'est tout — on pourrait
gens parleraient de la moindre association avec lui. Valmont a tout fait pour
appeler cela capturer le nuage
au lieu de Junon ; elle m'a démentir sa réputation, allant même jusqu'à assister aux services religieux et à
échappé. . .et n'a laissé que paraître repentant de ses habitudes. La Présidente le remarqua, mais garda
son manteau. La fille toujours ses distances. Le défi qu'elle présentait à Valmont était irrésistible, mais
derrière. . . . m'a fait une
parviendrait­il à le relever ?
impression. • Le seizième •
Je n'éprouve aucune. .impatience,
. Valmont a décidé de tâter le terrain. Un jour, il organisa une petite promenade
car elle doit vivre ici en ville, et en avec la Présidente et sa tante. Il choisit un chemin charmant qu'ils n'avaient jamais
ce moment cela me suffit. Cette
emprunté auparavant, mais à un certain moment ils arrivèrent à un petit fossé,
possibilité est la condition de la
bonne apparition de son image. impropre à une dame qui puisse la traverser seule. Et pourtant, dit Valmont, le
reste de la promenade était trop beau pour qu'ils puissent faire demi­tour, et il prit
vaillamment sa tante dans ses bras et la porta à travers le fossé, faisant rire aux
tout sera
apprécié dans des brouillons éclats la Présidente. Mais ensuite ce fut son tour, et Valmont la souleva
lents. . • Le. XIXème
. • volontairement un peu maladroitement, de sorte qu'elle la saisit par les bras, et
Cordélia,
pendant qu'il la tenait contre lui, il sentit son cœur battre plus vite et la vit rougir.
alors, c'est son nom !
Sa tante le vit aussi et s'écria : « L'enfant a peur !
Cordélia ! C'est un beau nom,
et ça aussi Mais Valmont sentait le contraire. Il savait désormais que le défi pouvait être
important, car il peut relevé, que la Présidente pouvait être remportée. La séduction pourrait continuer.
souvent être très perturbant de
devoir citer un nom laid
avec les adjectifs les plus
tendres. Interprétation. Valmont, la présidente de Tourvel et la marquise de Merteuil sont
—SØREN KIERKEGAARD, LE tous des personnages du roman français du XVIIIe siècle Liaisons dangereuses,
JOURNAL DU SÉDUCTEUR, TRADUIT
de Choderlos de Laclos. (Le personnage de Valmont a été inspiré par plusieurs
PAR HOWARD V. HONG ET

EDNA H.HONG libertins de l'époque, le plus important étant le duc de Richelieu.) Dans l'histoire,
Valmont craint que ses séductions ne soient devenues mécaniques ; il fait un
geste et la femme répond presque toujours de la même manière. Mais il n’y a pas
deux séductions identiques : une cible différente devrait changer toute la
L'amour tel que l'entend
Don Juan est un sentiment qui dynamique. Le problème de Valmont, c'est qu'il séduit toujours le même type, le
s'apparente au goût de la mauvais type. Il s'en rend compte lorsqu'il rencontre Madame de Tourvel.
chasse. C'est une envie
d'une activité qui nécessite un effort incessant
diversité de stimuli pour mettre à
Ce n'est pas parce que son mari est comte qu'il décide de la séduire, ni parce
l’épreuve les compétences. qu'elle est élégamment habillée, ou parce qu'elle est désirée par d'autres hommes,
—STENDHAL, AMOUR, raisons habituelles. Il la choisit parce que, à sa manière inconsciente, elle l'a déjà
TRADUIT PAR GILBERT ET
séduit. Un bras nu, un rire inattendu, une attitude enjouée : tout cela a retenu son
SUZANNE SALE
attention, car aucun d’eux n’est artificiel. Une fois qu'il tombe sous son charme, la
force de son désir rendra ses manœuvres ultérieures moins calculées ; il est
apparemment incapable de s'en empêcher.
Ce n'est pas la qualité de l'objet Et ses émotions fortes vont peu à peu l’infecter.
désiré qui nous procure du
Au­delà de l'effet que la Présidente a sur Valmont, elle possède d'autres traits
plaisir, mais plutôt l'énergie
de nos appétits. qui font d'elle la victime idéale. Elle s'ennuie, ce qui la pousse vers l'aventure. Elle
—CHARLES BAUDELAIRE, LE
est naïve et incapable de voir à travers ses astuces. Enfin, talon d'Achille : elle se
FIN DE DON JUAN croit immunisée contre la séduction. Nous sommes presque tous
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Choisissez la bonne victime • 171

sont vulnérables aux attractions des autres et nous prenons des précautions contre les La fille du désir devrait s'efforcer
d'avoir le
défaillances indésirables. Madame de Tourvel n'en prend pas. Une fois que Valmont l'a
suivre les amants à leur tour,
testée au fossé et a vu qu'elle est physiquement vulnérable, il sait qu'elle finira par tomber.
comme lui étant mutuellement
reposants : un garçon qui a été
relâché trop tôt
La vie est courte et il ne faut pas la perdre à poursuivre et à séduire les mauvaises
de l'autorité et des conseils de
personnes. Le choix de la cible est crucial ; c'est la mise en place de la séduction et elle
son père, un auteur jouissant de
déterminera tout le reste qui suivra. La victime parfaite n’a pas certains traits du visage, ni les fonctions auprès d'un prince plutôt
mêmes goûts musicaux, ni d’objectifs similaires dans la vie. C'est ainsi qu'un banal séducteur simple d'esprit, un fils de
marchand dont la fierté est de
choisit ses cibles. La victime parfaite est la personne qui vous émeut d'une manière qui ne
rivaliser avec d'autres amants, un
peut être expliquée par des mots et dont l'effet sur vous n'a rien à voir avec des superficialités. ascète qui est l'esclave de l'amour
Il a souvent une qualité qui vous manque, et que vous enviez même secrètement : la en secret, un fils de roi dont
les folies sont sans limites et
Présidente, par exemple, a une innocence que Valmont a perdue depuis longtemps ou n'a
jamais eue. Il devrait y avoir un peu de tension : la victime peut vous craindre un peu, voire
qui a le goût des coquins, le fils
même vous détester légèrement. Une telle tension est pleine de potentiel érotique et rendra campagnard de quelque brahmane

la séduction bien plus vivante. Soyez plus créatif dans le choix de votre proie et vous serez du village, l'amant d'une
femme mariée, un chanteur qui
récompensé par une séduction plus excitante. Bien entendu, cela ne signifie rien si la victime
vient d'empocher une très
potentielle n’est pas ouverte à votre influence. Testez d'abord la personne. Une fois que vous grosse somme d'argent, le maître

sentez qu’il ou elle est également vulnérable à votre égard, la chasse peut commencer. d'une caravane récemment arrivé....

. Ces brèves
instructions se prêtent à des
interprétations
infiniment variées, chère enfant,
C'est une chance de trouver quelqu'un qui mérite d'être séduit. .
selon les
. . La plupart des gens se précipitent, se fiancent ou font
circonstances ; et cela
d'autres bêtises, et en un tour de main tout est fini, et ils ne savent ni ce qu'ils nécessite de l'intelligence, de la
ont gagné ni ce qu'ils ont perdu. perspicacité et de la réflexion pour
tirer le meilleur parti de chaque cas particulier.

— PÂQUES ET AMOUR, VOLUME II :


­SOREN KIERKEGAARD
LE BRÉVIAIRE DE LA PROstituée DE

KSHEMENDRA, TRADUIT PAR


E. POWYS MATHERS

Les clés de la séduction

T
Tout au long de notre vie, nous devons persuader les gens, les convaincre. Les femmes qui peuvent
les duce. Certains seront relativement ouverts à notre influence, ne serait­ce que de être facilement conquis
congrès : . . . une femme
manière subtile, tandis que d’autres sembleront insensibles à nos charmes. Peut­être
qui regarde de côté. une
trouvons­nous cela comme un mystère indépendant de notre volonté, mais c’est une manière . femme qui
toi; .
inefficace de gérer la vie. Les séducteurs, qu’ils soient sexuels ou sociaux, préfèrent tenter déteste son mari, ou qui
. . un
leur chance. Le plus souvent possible, ils se dirigent vers les personnes qui leur trahissent est détesté par lui; .
une femme qui n'a pas eu
une certaine vulnérabilité et évitent celles qui ne peuvent pas être déplacées. Laisser . . un
d'enfants ; . femme
tranquilles les personnes qui vous sont inaccessibles est une voie sage ; on ne peut pas qui aime beaucoup la société ; une

séduire tout le monde. D’un autre côté, vous devez chasser activement les proies qui réagissentfemme
de laapparemment
bonne manière.
très
affectueuse envers son
Cela rendra vos séductions encore plus agréables et satisfaisantes.
mari ; l'épouse d'un acteur; une
Comment reconnaissez­vous vos victimes? Par la façon dont ils vous répondent. veuve; . femme friande de
Vous ne devriez pas accorder autant d'attention à leurs réponses conscientes : une personne jouissances ; . femme; . . un

une femme dont le


qui essaie manifestement de vous plaire ou de vous charmer joue probablement avec votre
mari est inférieur . . et seulement
vanité et attend quelque chose de vous. Au lieu de cela, accordez une plus grande attention à elle
aux réponses échappant à votre contrôle conscient : une rougeur, un miroir involontaire.
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172 • L'art de la séduction

en rang ou en capacité; le bruit d'un de vos gestes, une timidité inhabituelle, voire peut­être un éclair de colère ou
une femme fière de ses compétences de ressentiment. Tout cela montre que vous avez un effet sur une personne ouverte à
artistiques; . femme . . un
votre influence.
qui est méprisée par son mari sans
aucun. une femme dont le mari Comme Valmont, vous pouvez également reconnaître les bonnes cibles par l'effet
. est dévoué à
cause; . qu'elles ont sur vous. Peut­être qu'ils vous mettent mal à l'aise, peut­être qu'ils
correspondent à un idéal d'enfance profondément enraciné, ou représentent une sorte
en voyageant; la femme d'un
bijoutier ; une femme jalouse ; de tabou personnel qui vous passionne, ou suggèrent la personne que vous imaginez
une femme cupide. être si vous étiez du sexe opposé. Lorsqu’une personne a un effet aussi profond sur
—L'HINDI : L'ART DE L'AMOUR, vous, cela transforme toutes vos manœuvres ultérieures. Votre visage et vos gestes
EDITÉ PAR EDWARD WINDSOR
deviennent plus animés. Vous avez plus d'énergie ; Lorsque les victimes vous résistent
(comme devrait le faire une bonne victime), vous serez à votre tour plus créatif, plus
motivé pour vaincre leur résistance. La séduction avancera comme une bonne pièce.
Les loisirs stimulent l'amour, Votre fort désir infectera la cible et lui donnera la dangereuse sensation qu’elle a un
les loisirs regardent le
pouvoir sur vous. Bien sûr, c'est vous qui avez le contrôle en fin de compte puisque
lovelorn, \ Les loisirs sont la
cause et le soutien de vous rendez vos victimes émotives au bon moment, en les faisant aller et venir. Les bons
ce doux \ Mal. séducteurs choisissent des cibles qui les inspirent mais ils savent comment et quand se
Éliminez les loisirs, et l'arc de
retenir.
Cupidon est brisé, \ Ses torches
restent sans lumière, méprisées. Ne vous précipitez jamais dans les bras de la première personne qui semble vous
\ Comme un platane se réjouit apprécier. Ce n'est pas de la séduction mais de l'insécurité. Le besoin qui vous attire
dans le vin, comme un peuplier dans
entraînera un attachement de faible niveau et l’intérêt des deux côtés s’affaissera.
l'eau, \ Comme un roseau dans un
terrain marécageux, ainsi
Regardez les types que vous n’avez pas envisagés auparavant : c’est là que vous
Vénus aime les loisirs. . . . trouverez le défi et l’aventure. Les chasseurs expérimentés ne choisissent pas leurs
\ Pourquoi pensez­vous proies en fonction de la facilité avec laquelle elles sont capturées ; ils veulent le frisson
qu'Égisthe \ Est devenu
de la chasse, une lutte à mort – plus elle est féroce, mieux c'est.
adultère ? Facile : il était
inactif et ennuyé. \ Même si la victime qui vous convient dépend de vous, certains types se prêtent à
Tous les autres étaient partis à Troie une séduction plus satisfaisante. Casanova aimait les jeunes femmes malheureuses ou
pour une longue
ayant subi un malheur récent. Ces femmes faisaient appel à son désir de jouer au
campagne : toute la Grèce avait
expédié son contingent à travers sauveur, mais cela répondait aussi à une nécessité : les gens heureux sont beaucoup
elle. Et si il avait envie plus difficiles à séduire. Leur contentement les rend inaccessibles. Il est toujours plus
de faire la guerre ?
facile de pêcher en eaux troubles. De plus, un air de tristesse est en soi assez séduisant :
Argos \ N'avait aucune guerre à
offrir. Et si il aimait les tribunaux ?
Genji, le héros du roman japonais Le Dit de Genji, n'a pas pu résister à une femme à l'air
\ Argos manquait de litige. Mieux mélancolique. Dans le livre de Kierkegaard, The Seducer's Diary, le narrateur Johannes
vaut aimer que ne rien faire. \ C'est
a une exigence principale chez sa victime : elle doit avoir de l'imagination. C'est pourquoi
ainsi que Cupidon s'introduit ;
il choisit une femme qui vit dans un monde fantastique, une femme qui enveloppera
c'est comme ça qu'il reste.
chacun de ses gestes de poésie, imaginant bien plus que ce qui existe. Tout comme il
­OVIDE , REMÈDES POUR L'AMOUR ,
est difficile de séduire une personne heureuse, il est difficile de séduire une personne qui
TRADUIT PAR PETER GREEN
n’a pas d’imagination.

Pour les femmes, l’homme viril est souvent la victime idéale. Mark Antony était de ce type : il aimait le plaisir, était très
Les Chinois ont un
émotif et, lorsqu'il s'agissait de femmes, il avait du mal à penser clairement. Il était facile à manipuler pour Cléopâtre. Une fois
proverbe : « Quand le Yang est
qu'elle avait maîtrisé ses émotions, elle le tenait en permanence sous tension. Une femme ne devrait jamais être rebutée par un
ascendant, le Yin naît », ce
qui signifie : homme qui parle, même si un homme semble trop agressif. Il est souvent la victime idéale. Il est facile, avec quelques astuces
traduit dans notre
coquettes, de renverser cette agressivité et d’en faire votre esclave. sa vie à l'ordinaire. De tels hommes aiment en fait être obligés
de courir après une femme. affaire
de vie, le Yin,
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Choisissez la bonne victime • 173

Soyez prudent avec les apparences. La personne qui semble volcaniquement ou côté émotionnel de sa

passionnée cache souvent son insécurité et son implication personnelle. C’est ce que la nature, remonte à la surface et
revendique ses droits.
plupart des hommes n’ont pas compris chez la courtisane Lola Montez du XIXe siècle.
Lorsqu’une telle période survient,
Elle semblait si dramatique, si excitante. En fait, c'était une femme troublée et obsédée tout ce qui semblait autrefois
par elle­même, mais lorsque les hommes l'ont découvert, il était trop tard : ils s'étaient important perd sa signification.

liés d'elle et ne pouvaient pas s'en sortir sans des mois de drame et de torture. Les Le feu follet de l'illusion conduit
l'homme ici et là, l'entraînant
personnes extérieurement distantes ou timides sont souvent de meilleures cibles que les dans des déviations étranges et
extravertis. Ils meurent d’envie d’être retirés, et les eaux calmes sont profondes. compliquées par rapport à son
ancien chemin de vie.

Les personnes qui ont beaucoup de temps libre sont extrêmement susceptibles à la Ming Huang, le « brillant empereur
séduction. Ils ont un espace mental à remplir. Tullia d'Aragona, la tristement célèbre » de la dynastie Tang, était

courtisane italienne du XVIe siècle, préférait les jeunes hommes comme victimes ; outre un exemple de la profonde
vérité de cette théorie. À partir
la raison physique d'une telle préférence, ils étaient plus oisifs que les ouvriers ayant une du moment où il a vu
carrière, et donc plus sans défense contre une ingénieuse séductrice. D'un autre côté, Yang Kuei­fei se baigner

vous devriez généralement éviter les personnes préoccupées par les affaires ou le dans le lac près de son palais
au
travail : la séduction exige de l'attention, et les personnes occupées ont trop peu d'espace
Montagnes Li, il était
dans leur esprit pour que vous puissiez y réfléchir. destiné à s'asseoir à ses pieds,
occuper. apprenant d'elle les
mystères émotionnels de ce
Selon Freud, la séduction commence tôt dans la vie, dans notre relation avec nos que les Chinois appellent Yin.
parents. Ils nous séduisent physiquement, à la fois par des contacts corporels et par la
—ÉLOISE TALCOTT HIBBERT,
satisfaction de désirs tels que la faim, et nous essayons à notre tour de les séduire pour BRODÉ GAZE:

qu'ils nous prêtent attention. Nous sommes des créatures par nature vulnérables à la PORTRAITS DE CÉLÈBRES

DAMES CHINOIS
séduction tout au long de notre vie. Nous voulons tous être séduits ; nous aspirons à être
tirés hors de nous­mêmes, hors de nos routines et dans le drame de l'éros. Et ce qui
nous attire plus que tout, c'est le sentiment que quelqu'un possède quelque chose que
nous n'avons pas, une qualité que nous désirons. Vos victimes parfaites sont souvent
des gens qui pensent que vous avez quelque chose qu'ils n'ont pas et qui seront
enchantés de se voir offrir cela. Ces victimes peuvent avoir un tempérament tout à fait
opposé au vôtre, et cette différence créera une tension passionnante.
Lorsque Jiang Qing, plus tard connue sous le nom de Madame Mao, rencontra Mao
Tsé­toung pour la première fois en 1937 dans sa retraite dans les montagnes de l'ouest
de la Chine, elle sentit à quel point il cherchait désespérément un peu de couleur et de
piquant dans sa vie : toutes les femmes du camp étaient habillées comme des hommes.
les hommes, et abjura toute parure féminine. Jiang avait été actrice à Shanghai et était
tout sauf austère. Elle a fourni ce qui lui manquait, et elle lui a également donné le plaisir
supplémentaire de pouvoir l'éduquer au communisme, en faisant appel à son complexe
de Pygmalion – le désir de dominer, de contrôler et de refaire une personne. En fait,
c'était Jiang Qing qui contrôlait son futur mari.
Le plus grand manque, c'est l'excitation et l'aventure, qui sont précisément ce qu'offre
la séduction. En 1964, l'acteur chinois Shi Pei Pu, célèbre pour son rôle d'imitateur
féminin, rencontre Bernard Bouriscout, un jeune diplomate affecté à l'ambassade de
France en Chine. Bouriscout était venu en Chine en quête d'aventure et était déçu d'avoir
peu de contacts avec les Chinois. Se faisant passer pour une femme qui, lorsqu'elle était
encore enfant, avait été forcée de vivre comme un garçon – la famille aurait déjà trop de
filles – Shi Pei Pu a utilisé l'ennui du jeune Français et
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174 • L'art de la séduction

mécontentement de le manipuler. Inventant le récit des tromperies qu'il avait dû subir, il entraîna
peu à peu Bouriscout dans une liaison qui durerait de nombreuses années. (Bouriscout avait déjà
eu des relations homosexuelles, mais se considérait comme hétérosexuel.) Finalement, le
diplomate fut amené à espionner pour le compte des Chinois. Pendant tout ce temps, il croyait que
Shi Pei Pu était une femme – son désir d’aventure l’avait rendu si vulnérable. Les types refoulés
sont des victimes parfaites pour une séduction profonde.

Les personnes qui répriment l’appétit du plaisir font des victimes mûres, particulièrement
plus tard dans leur vie. L'empereur chinois Ming Huang, au VIIIe siècle, a passé une grande partie
de son règne à essayer de débarrasser sa cour de sa coûteuse dépendance au luxe et était lui­
même un modèle d'austérité et de vertu. Mais au moment où il a vu la concubine Yang Kuei­fei se
baigner dans un lac du palais, tout a changé. Femme la plus charmante du royaume, elle était la
maîtresse de son fils. En exerçant son pouvoir, l'empereur l'a conquise, pour ensuite devenir son
esclave abjecte.

Le choix de la bonne victime est tout aussi important en politique. Les séducteurs de masse
comme Napoléon ou John F. Kennedy offrent à leur public ce qui lui manque. Lorsque Napoléon
est arrivé au pouvoir, le sentiment de fierté du peuple français a été anéanti par les conséquences
sanglantes de la Révolution française. Il leur a offert gloire et conquête. Kennedy reconnaissait
que les Américains s'ennuyaient du confort abrutissant des années Eisenhower ; il leur a donné
l'aventure et le risque. Plus important encore, il a adapté son attrait au groupe le plus vulnérable :
la jeune génération. Les politiciens qui réussissent savent que tout le monde ne sera pas sensible
à leur charme, mais s’ils parviennent à trouver un groupe de croyants ayant un besoin à combler,
ils auront des partisans qui les soutiendront quoi qu’il arrive.

Symbole:
Grand jeu. Les lions sont dangereux pour chasser

pour eux, c'est connaître le frisson du risque. Les léopards sont intelligents

et rapide, offrant l'excitation d'une poursuite difficile. Jamais

se précipiter dans la chasse. Connaissez votre proie et choisissez­la avec soin. Faire

ne perdez pas de temps avec le petit gibier, les lapins qui retournent dans les pièges,

le vison qui entre dans un piège parfumé. Le défi est un plaisir.


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Choisissez la bonne victime • 175

Renversement

T
ici, aucun renversement n’est possible. Il n'y a rien à gagner à essayer
séduire la personne qui vous est fermée, ou qui ne peut pas vous fournir le
le plaisir et la poursuite dont vous avez besoin.
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Créer un faux sentiment de sécurité­


Approche indirecte

Si tu l'es aussi

direct dès le début, vous risquez de susciter des inquiétudes.

susciter une résistance qui ne sera jamais

abaissé. Au début, il ne doit y avoir rien de tout cela.

séducteur à votre manière. La séduction devrait commencer

sous un angle, indirectement, de sorte que la cible ne soit que progressivement

prend conscience de vous. Hantez la périphérie de votre cible

vie ­ approchez­vous par l'intermédiaire d'un tiers, ou semblez cultiver une

relation relativement neutre, passant progressivement d'ami à

amoureux. Organisez une rencontre « fortuite » occasionnelle, comme si vous et votre

la cible était destinée à faire connaissance – rien n’est plus séduisant

qu'un sentiment de destin. Endormez la cible pour qu'elle se sente en sécurité, puis frappez.
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Ami à amant

A nne Marie Louis d'Orléans, the Duchess de Montpensier, known in


la France du XVIIe siècle comme La Grande Mademoiselle, n'avait jamais
connu l'amour dans sa vie. Sa mère était morte quand elle était jeune ; son père s'est
remarié et l'a ignorée. Elle venait d'une des familles les plus illustres d'Europe : son
grand­père avait été le roi Henri IV ; le futur roi Louis XIV était son cousin. Lorsqu'elle
était jeune, des mariages avaient été proposés entre elle et le roi d'Espagne, veuf, le Beaucoup de femmes adorent

fils de l'empereur du Saint­Empire romain germanique, et même son cousin Louis lui­ l'insaisissable, \
Détestent l'empressement
même, entre autres. Mais tous ces mariages étaient conçus à des fins politiques ou en
excessif. Alors, jouez dur pour
raison de l'énorme richesse de sa famille. Personne n’a pris la peine de la courtiser ; obtenir, \ Arrêtez de développer
elle rencontrait rarement ses prétendants. Pour ne rien arranger, la Grande l'ennui. Et ne laissez pas vos
supplications paraître trop sûres de votre posse
Mademoiselle était une idéaliste qui croyait aux valeurs démodées de la chevalerie :
Insinuer le sexe \
courage, honnêteté, vertu. Elle détestait les intrigants dont les motivations pour la Camouflé en amitié.
courtiser étaient pour le moins douteuses. À qui pouvait­elle faire confiance ? Un à un, J'ai vu des créatures
ultratêtues \ Trompé par ce
elle trouva une raison de les rejeter. La célibat semblait être son destin.
pari, le passage de compagnon
à étalon.
En avril 1669, la Grande Mademoiselle, alors âgée de quarante­deux ans, —OVID, THÉART DE L'AMOUR,

rencontre l'un des hommes les plus étranges de la cour : le marquis Antonin Peguilin, TRADUIT PAR PETER GREEN

plus tard connu sous le nom de duc de Lauzun. Favoris de Louis XIV, le marquis, âgé
de trente­six ans, était un brave soldat à l'esprit acide. C'était aussi un Don Juan
incurable. Même s'il était petit et certainement pas beau, ses manières impudentes et
ses exploits militaires le rendaient irrésistible pour Dans la rue, je n'arrête pas les femmes. La Grande
Mademoiselle l'avait remarqué quelques années auparavant, ad­ elle, ou j'échange un salut avec elle sans
jamais m'émerveiller de
son élégance et de son audace. Mais ce n'est que cette fois­ci, en 1669, qu'elle s'en
est rapprochée, mais
elle a toujours eu une vraie conversation avec lui, même si elle a été courte, et bien qu'elle ait su
rechercher la distance. de sa réputation de tueur à gages, elle le trouvait charmant. Quelques jours plus tard,
répétées se sont probablement à nouveau croisés ; cette fois, la conversation fut plus nos rencontres
longue et
perceptible pour elle ; Lauzun s'est montrée plus intelligente qu'elle ne l'avait imaginé : on a parlé du
dramaturge Corneille (son préféré), de l'héroïsme et d'autres choses élevées que l'on perçoit sur ses
cartes. Désormais, leurs rencontres devenaient plus fréquentes. Ils étaient devenus à l'horizon une nouvelle
planète qui se profilait,
qui dans son cours amis. Anne Marie note dans son journal que ses conversations avec Lauzun, qui ont empiété
de façon inquiétante lorsqu'elles ont eu lieu, étaient le point culminant de sa journée ; quand il n'était pas près
d'elle dans une curieuse cour, elle sentait son absence. Certes, ses rencontres avec lui se produisaient
souvent de manière
tranquille, mais elle n'avait aucune idée qu'elles ne pouvaient pas être accidentelles
de sa part, mais il
semblait toujours en droit sous­jacent à sa surprise de la voir. En même temps, elle a enregistré
mouvement.un
. sentiment
.
de malaise… . Avant que d' étranges émotions ne l'envahissent, elle ne savait pas pourquoi. commencer mon attaque, je

179
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180 • L'art de la séduction

faire d'abord connaissance Le temps passa, et la Grande Mademoiselle devait quitter Paris pour une
avec elle et avec tout son semaine ou deux. Maintenant, Lauzun l'a approchée sans avertissement et lui a
état mental.
lancé un appel émouvant pour qu'elle soit considérée comme sa confidente, la
—SØREN KIERKEGAARD, LE
grande amie qui exécuterait toutes les commandes dont elle aurait besoin
JOURNAL DU SÉDUCTEUR, TRADUIT

PAR HOWARD V. HONG ET pendant son absence. Il était poétique et chevaleresque, mais que voulait­il
EDNA H. HONG
vraiment dire ? Dans son journal, Anne Marie se confronte enfin aux émotions
qui l'habitaient depuis leur première conversation : "Je me suis dit, ce ne sont
pas de vagues réflexions ; il doit y avoir un objet à tous ces sentiments, et je
était. . n'imaginais pas qui c'était. ... Finalement, après m'en être préoccupé
A peine avait­il parlé que les
bœufs, chassés de leurs pendant plusieurs jours, je compris que c'était M. de Lauzun que j'aimais, c'était
pâturages, se dirigeaient lui qui s'était en quelque sorte glissé dans mon cœur et l'avait capturé.
vers la plage, comme Jupiter
Consciente de la source de ses sentiments, la Grande Mademoiselle devient
l'avait ordonné ; ils se
dirigeaient vers les sables où plus directe. Si Lauzun devait être son confident, elle pourrait lui parler de
la fille [Europa] du grand roi mariage, des mariages qu'on lui proposait encore. Le sujet pourrait lui donner
jouait avec les jeunes filles
l'occasion d'exprimer ses sentiments ; peut­être qu'il pourrait faire preuve de
de
jalousie. Malheureusement, Lauzun ne parut pas comprendre. Au lieu de cela,
Tyr, qui étaient ses il lui a demandé pourquoi elle pensait au mariage : elle semblait si heureuse.
compagnons.. • . . D’ailleurs, qui pourrait bien être digne d’elle ? Cela a duré des semaines. Elle ne
Abandonner la dignité de
son sceptre, le père et
pouvait rien lui soutirer de personnel. D'une certaine manière, elle comprenait
souverain des dieux, dont qu'il y avait des différences de rang (elle était bien au­dessus de lui) et d'âge (elle
la main brandit le boulon avait six ans de plus). Puis, quelques mois plus tard, la femme du frère du roi
flamboyant à trois fourches, dont le signe de tête
secoue l'univers,
mourut et le roi Louis proposa à la Grande Mademoiselle de remplacer sa
a adopté l'apparence d'un défunte belle­sœur, c'est­à­dire d'épouser son frère.
taureau; et, mêlés aux Anne Marie était dégoûtée ; il était clair que le frère essayait de mettre la main
autres bœufs, se joignirent aux
sur sa fortune. Elle demande son avis à Lauzun. En tant que fidèles serviteurs
meuglements et se promenèrent
dans l'herbe tendre, un beau du roi, répondit­il, ils doivent obéir au souhait royal. Sa réponse ne lui plut pas
et, comme
spectacle à voir. Sa peau était blanche pour aggraver les choses, il cessa de lui rendre visite, comme s'il ne convenait
neige inexplorée, neige pas
plus qu'ils soient amis. C’était la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. La
encore fondue par le vent
pluvieux du sud. Les muscles Grande Made­moiselle dit au roi qu'elle n'épouserait pas son frère, et c'était tout.
de son cou ressortaient et de Anne Marie rencontra alors Lauzun et lui dit qu'elle écrirait sur un morceau
profonds plis de peau de papier le nom de l'homme qu'elle avait toujours voulu épouser. Il devait mettre
pendaient le long de ses flancs.
Ses cornes étaient petites, il le journal sous son oreiller et le lire le lendemain matin. Ce faisant, il trouva les
est vrai, mais si joliment mots « C'est vous » : c'est vous. En voyant la Grande Mademoiselle le lendemain
travaillées qu'on jurerait qu'elles soir, Lauzun dit qu'elle devait plaisanter ; elle ferait de lui la risée de la cour. Elle
étaient l'œuvre d'un artiste,
a insisté sur le fait qu'elle était sérieuse. Il parut choqué, surpris – mais pas
plus polies et plus brillantes
qu'un bijou. Il n’y avait autant que le reste de la cour l'était quelques semaines plus tard, lorsque des
aucune menace dans sa fiançailles furent annoncées entre ce Don Juan de rang relativement bas et la
tête ni dans ses yeux ; il
deuxième dame la plus haute de France, une femme. connue à la fois pour sa
avait l'air complètement
placide. • La fille vertu et son habileté à le défendre.
d'Agénor [Europa] était
remplie d'admiration
pour celui qui était si beau et si amical.
Mais, si doux qu'il
paraisse, elle eut d'abord Interprétation. Le duc de Lauzun fut l'un des plus grands séducteurs de l'histoire,
peur de le toucher ; puis elle et sa lente et régulière séduction de la Grande Mademoiselle fut son chef­
s'approcha et tendit des
d'œuvre. Sa méthode était simple : l’indirection. Sentant son intérêt pour lui dès
fleurs à ses lèvres luisantes.
L'amant était ravi cette première conversation, il décida de la séduire par l'amitié.
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Créer un faux sentiment de sécurité – Approche indirecte • 181

Il deviendra son ami le plus dévoué. Au début, c'était charmant ; un homme prenait le et, jusqu'à ce qu'il puisse

temps de lui parler de poésie, d'histoire, de faits de guerre, ses sujets de prédilection. atteindre le plaisir espéré,
il lui baisa les mains. Il pourrait
Petit à petit, elle commença à se confier à lui. Puis, presque sans qu'elle s'en rende n'attendant guère la suite,
compte, ses sentiments ont changé : l'homme à femmes accompli ne s'intéressait qu'à il se retint seulement avec
l'amitié ? Il n'était pas attiré par elle en tant que femme ? De telles pensées lui faisaient beaucoup de difficulté. •
Maintenant il gambadait
prendre conscience qu’elle était tombée amoureuse de lui. C'est en partie ce qui l'a
et jouait sur le gazon vert
finalement amenée à refuser le mariage avec le frère du roi, décision intelligemment et maintenant s'allongeait, tout
indirectement provoquée par Lauzun lui­même, lorsqu'il a cessé de lui rendre visite. Et blanc comme neige sur le sable jaune.
Peu à peu, la princesse perdit
comment pouvait­il rechercher de l'argent, une position sociale ou du sexe, alors qu'il
sa peur, et de ses mains
n'avait jamais fait le moindre geste ? innocentes elle lui caressa la
Non, le génie de la séduction de Lauzun était que la Grande Mademoiselle croyait que poitrine quand il l'offrait à sa
caresse, et accrocha de
c'était elle qui faisait tous les mouvements.
nouvelles guirlandes à ses
Une fois que vous avez choisi la bonne victime, vous devez attirer son attention cornes : jusqu'à ce
et attiser son désir. Passer de l’amitié à l’amour peut réussir sans attirer l’attention qu'elle osa même monter sur

sur lui­même comme une manœuvre. Tout d'abord, vos conversations amicales le taureau, sans savoir sur
quel dos elle reposait. . Alors
avec vos cibles vous apporteront de précieuses informations sur leurs caractères, le dieu s'éloigna du rivage
leurs goûts, leurs faiblesses, les désirs d'enfance qui régissent leur comportement par étapes faciles, plantant
d'adulte. (Lauzun, par exemple, pourrait s'adapter intelligemment aux goûts d'Anne d'abord les sabots qui
faisaient partie de son
Marie une fois qu'il l'aurait étudiée de près.) Deuxièmement, en passant du temps
déguisement dans les vagues
avec vos cibles, vous pouvez les mettre à l'aise avec vous. Croyant que vous ne au bord de l'eau, puis
vous intéressez qu'à leurs pensées, en leur compagnie, ils diminueront leur s'éloignant plus loin vers la
mer, jusqu'à ce qu'il emportât
résistance, dissipant ainsi la tension habituelle entre les sexes. Ils sont désormais
son butin sur les
vulnérables, car votre amitié avec eux a ouvert la porte dorée de leur corps : leur vastes étendues du milieu. océan.
esprit. À ce stade, tout commentaire désinvolte, tout léger contact physique ­OVIDE , MÉTAMORPHOSES,

suscitera une pensée différente, qui les surprendra : peut­être qu’il pourrait y avoir TRADUIT PAR MARY M. INNES

autre chose entre vous. Une fois ce sentiment réveillé, ils se demanderont pourquoi
vous n’avez pas bougé et prendront eux­mêmes l’initiative, profitant de l’illusion
qu’ils ont le contrôle.
Ces quelques réflexions
Il n’y a rien de plus efficace en séduction que de faire croire aux séduits que c’est eux nous amènent à comprendre
qui séduisent. que, puisque dans une
tentative de séduction c'est
à l'homme de faire les premiers
Je ne m'approche pas d'elle, je contourne simplement la périphérie de pas, pour le séducteur, séduire
son existence. . . C'est la première toile dans laquelle elle doit être n'est rien d'autre que réduire la
filé. distance, en l'occurrence
celle de la différence
­SOREN KIERKEGAARD entre les sexes et que, pour y
parvenir, il faut se féminiser
ou du moins s'identifier à
l'objet de sa séduction. .
La clé de la séduction
. . Comme

Alain Roger écrit : « S'il y a


séduction, c'est le séducteur
direction
Ce que vous dans
recherchez laquelle
en tant vous voulez
que séducteur, c'est laqu'ils s'en
capacité aillent. Mais
de déplacer le dans
les gens jeu est périlleux
le sens inverse.;
qui est le premier égaré, dans
Dès qu’ils soupçonnent qu’ils agissent sous votre influence, ils éprouveront du le sens où il abdique son
ressentiment. Nous sommes des créatures qui ne supportent pas le sentiment d’obéir propre sexe. . .
La séduction vise sans
à la volonté de quelqu’un d’autre. Si vos cibles s’en rendent compte, tôt ou tard, elles
doute le sexuel
se retourneront contre vous. Et si vous pouviez leur faire faire ce que vous voulez sans la consommation, mais elle
qu’ils s’en rendent compte ? Et s’ils pensent avoir le contrôle ? C'est n'y parvient qu'en créant une sorte
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182 • L'art de la séduction

d'images de Gomorrhe le pouvoir de l’indirection et aucun séducteur ne peut opérer sa magie sans lui.
La séductrice n'est rien
d'autre qu'une lesbienne. »
Le premier geste pour maîtriser est simple : une fois que vous avez choisi la
—FRÉDÉRIC MONNEYRON,
SÉDUIRE: L'IMAGINAIRE DE LA
bonne personne, vous devez faire venir la cible à vous. Si, dès les premiers stades,
SÉDUCTION DE DON GIOVANNI vous parvenez à faire croire à vos cibles que ce sont elles qui font la première
À MICK JAGGER
approche, vous avez gagné la partie. Il n’y aura ni ressentiment, ni contre­réaction
perverse, ni paranoïa.
Alors qu'il [Jupiter] se Pour les faire venir à vous, il faut leur laisser de l'espace. Cela peut être réalisé de
dépêchait d'aller et venir, il plusieurs manières. Vous pouvez hanter la périphérie de leur existence, les laisser
s'arrêta net à la vue d'une vous remarquer à différents endroits mais sans jamais vous approcher d'eux. Vous
jeune fille arcadienne.
Le feu de la passion
attirerez leur attention de cette façon, et s’ils veulent combler le fossé, ils devront venir
enflamma jusqu'à la moelle vers vous. Vous pouvez vous lier d'amitié avec eux, comme Lauzun l'a fait avec la
de ses os. Cette fille n’était Grande Mademoiselle, en vous rapprochant progressivement tout en gardant toujours
pas du genre à passer son
la distance appropriée aux amis du sexe opposé. Vous pouvez également jouer au
temps à filer de douces
fibres de laine ou à chat et à la souris avec eux, en semblant d'abord intéressé, puis en prenant du recul,
arranger ses cheveux en les incitant activement à vous suivre sur votre site Web. Quoi que vous fassiez et
dans différents styles.
quel que soit le type de séduction que vous pratiquez, vous devez à tout prix éviter la
C'était une des guerrières
de Diane, portant sa tunique tendance naturelle à encombrer vos cibles. Ne commettez pas l’erreur de penser qu’ils
épinglée par une broche, ses perdront tout intérêt si vous ne faites pas pression ou qu’ils bénéficieront d’un flot
tresses négligemment d’attention. Trop d’attention dès le début ne fera en réalité que suggérer une insécurité
retenues par un ruban
blanc, et portant à la main un
et susciter des doutes quant à vos motivations. Pire encore, cela ne laisse aucune
léger javelot ou elle. place à l’imagination de vos cibles. Prendre du recul; laissez les pensées que vous
arc. . . . Le soleil d'en
provoquez leur venir comme si elles étaient les leurs. Ceci est doublement important si
haut avait dépassé son zénith,
vous avez affaire à quelqu’un qui a un effet profond sur vous.
lorsqu'elle entra dans un
bosquet dont les arbres Nous ne pouvons jamais vraiment comprendre le sexe opposé. Ils sont toujours
n'avaient jamais senti la hache. mystérieux pour nous, et c'est ce mystère qui donne la tension si délicieuse dans la
Ici, elle prit son carquois de
séduction ; mais c'est aussi une source de malaise. Freud s'est demandé ce que
ses épaules, détacha son
arc souple et s'allongea voulaient réellement les femmes ; même pour ce penseur psychologique le plus
sur le gazon, posant sa perspicace, le sexe opposé était un pays étranger. Tant chez les hommes que chez les
tête sur son carquois peint.
femmes, il existe des sentiments de peur et d’anxiété profondément enracinés à
Lorsque Jupiter la vit ainsi,
fatiguée et sans
l’égard du sexe opposé. Dans les premières étapes d’une séduction, il faut donc trouver
protection, il dit : « Voici un des moyens de calmer tout sentiment de méfiance que l’autre pourrait ressentir. (Un
secret dont ma femme ne sentiment de danger et de peur peut accroître la séduction par la suite, mais si vous
saura rien ; ou si elle l'apprend,
suscitez de telles émotions dès les premiers stades, vous aurez plus de chances de
cela lui vaudra des
reproches ! • Sans perdre faire fuir la cible.) Établissez une distance neutre, paraissez inoffensif et vous vous
de temps, il prit l'apparence donnez de la place. bouger. Casanova cultivait une légère féminité dans son personnage
et la tenue vestimentaire
– un intérêt pour les vêtements, le théâtre, les affaires domestiques – que les jeunes filles trouvaie
de Diane et parla à la jeune
fille. La courtisane de la Renaissance Tullia d'Aragona, développant des amitiés avec les
« Bien­aimé de tous grands penseurs et poètes de son temps, parlait de littérature et de philosophie – tout
mes compagnons, dit­il,
sauf le boudoir (et tout sauf l'argent qui était aussi son objectif). Johannes, le narrateur
où chassiez­vous ? Sur
quelles crêtes de
du Journal du séducteur de Søren Kierkegaard , suit à distance sa cible, Cordelia ;
montagne ? » Elle se lorsque leurs chemins se croisent, il est poli et apparemment timide. Au fur et à mesure
releva de l'herbe : « que Cordélia apprend à le connaître, il ne lui fait pas peur. En fait, il est si inoffensif
Salut, divine maîtresse,
s'écria­t­elle, plus
qu’elle commence à souhaiter qu’il le soit moins.
grande à mes yeux que Duke Ellington, grand artiste de jazz et séducteur accompli,
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Créer un faux sentiment de sécurité – Approche indirecte • 183

éblouissez d'abord les dames avec sa beauté, ses vêtements élégants et son charisme. Jupiter lui­même, je m'en

Mais une fois seul avec une femme, il prenait un peu de recul, devenait excessivement fiche s'il m'entend ! »
Jove rit en entendant ses paroles.
poli, ne discutant que de petites choses. Une conversation banale peut être une
Ravi d'être préféré à lui­même,
tactique brillante ; il hypnotise la cible. La matité de votre façade donne au mot suggestif il l'embrassa, non avec la
le plus subtil, au moindre regard, une puissance amplifiée. Ne mentionnez jamais retenue qui convient aux baisers
d'une jeune fille : et
l'amour et vous ferez en sorte que son absence en dise long. Vos victimes se
Alors qu'elle commençait à
demanderont pourquoi vous ne discutez jamais de vos émotions, et comme elles ont de raconter ses exploits de
telles pensées, elles iront plus loin, imaginant ce qui se passe d'autre dans votre esprit. chasse dans la forêt, il l'en
empêcha par son étreinte et
Ce seront eux qui aborderont le sujet de l’amour ou de l’affection. L’ennui délibéré a de
se trahit par un acte honteux.
nombreuses applications. En psychothérapie, le médecin émet des réponses Loin de s’y conformer,
monosyllabiques pour attirer les patients, les amener à se détendre et à s'ouvrir. Dans elle lui résista autant

les négociations internationales, Henry Kissinger endormissait les diplomates avec des qu’une femme le pouvait. .
.
mais comment un
détails ennuyeux, puis frappait avec des exigences audacieuses. Au début d'une une fille a vaincu un homme,
séduction, les mots moins colorés sont souvent plus efficaces que les mots vifs : la cible et qui pourrait vaincre Jupiter ?
les ignore, vous regarde, commence à imaginer, à fantasmer, à tomber sous votre Il a réussi et est retourné
dans les airs.
charme.
­OVIDE MÉTAMORPHOSES ,
Atteindre vos objectifs par l’intermédiaire d’autres personnes est extrêmement ,

TRADUIT PAR MARY M. INNES

efficace ; infiltrez leur cercle et vous n’êtes plus un étranger. Avant que le comte de
Grammont, séducteur du XVIIe siècle, n'agisse, il se liait d'amitié avec la femme de
chambre de sa cible, son valet de chambre, un ami, voire un amant. De cette façon, il
Je préfère entendre mon chien aboyer
pouvait recueillir des informations et trouver un moyen de l'approcher d'une manière contre un corbeau plutôt que contre un homme

non menaçante. Il pouvait aussi semer des idées, dire des choses que le tiers était jure qu'il m'aime.

susceptible de répéter, des choses qui intrigueraient la dame, surtout lorsqu'elles —BÉATRICE, DANS GUILLAUME

venaient de quelqu'un qu'elle connaissait. SHAKESPEARE, BEAUCOUP DE BRUIT

À PROPOS DE RIEN
Ninon de l'Enclos, courtisane et stratège de la séduction du XVIIe siècle, pensait
que dissimuler ses intentions n'était pas seulement une nécessité, cela ajoutait au plaisir
du jeu. Un homme ne devrait jamais déclarer ses sentiments, pensa­t­elle, surtout au
Je connais un homme dont
début. C’est irritant et suscite la méfiance. « Une femme est bien mieux persuadée la bien­aimée était tout à
qu'elle est aimée par ce qu'elle devine que par ce qu'on lui dit », disait un jour Ninon. fait amicale et à l'aise avec
lui ; mais s'il avait
Souvent, la hâte d'une personne à déclarer ses sentiments vient d'un faux désir de
révélé par le moindre
plaire, pensant que cela flattera l'autre. Mais le désir de plaire peut agacer et offenser. geste qu'il était amoureux, l'aimé
Les enfants, les chats et les coquettes nous attirent vers eux en ne semblant pas aurait

essayer, voire en semblant indifférents. Apprenez à dissimuler vos sentiments et laissez devenir aussi éloigné de
lui que les Pléiades, dont les
les gens comprendre par eux­mêmes ce qui se passe. étoiles sont si hautes
dans le ciel. C’est une

Dans tous les domaines de la vie, vous ne devriez jamais donner l’impression que sorte de sens politique
qui est requis dans de tels
vous visez quelque chose qui soulèverait une résistance que vous ne diminuerez jamais.
cas ; l'intéressé jouissait
Apprenez à aborder les gens de côté. Coupez vos couleurs, fondez­vous dans la masse, intensément et jusqu'au dernier
paraissez inoffensif et vous aurez plus de marge de manœuvre plus tard. Il en va de degré du plaisir de la
compagnie de son proche,
même en politique, où l’ambition manifeste effraie souvent les gens.
mais s'il avait seulement
Vladimir Ilitch Lénine ressemblait à première vue à un Russe ordinaire ; il s'habillait fait allusion à son intérieur
comme un ouvrier, parlait avec un accent paysan, n'avait aucun air de grandeur. sentiments qu'il aurait
atteint mais un misérable
Cela a permis au public de se sentir à l'aise et de s'identifier à lui. Pourtant, sous cette
fraction de la faveur de la
apparence apparemment fade, se cachait bien sûr un homme profondément intelligent bien­aimée, et a enduré en plus
et toujours à la manœuvre. Lorsque les gens s’en sont rendu compte, il était trop tard. toute l'arrogance
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184 • L'art de la séduction

et des caprices dont l'amour est Symbole : La toile d'araignée. L'araignée trouve un coin inoffensif dans
capable.
lequel tisser sa toile. Plus le Web prend du temps, plus c'est fabuleux
—IBN HAZM ; L'ANNEAU DE

LA COLOMBE : UN TRAITÉ SUR LA


sa construction, mais peu de gens le remarquent vraiment : ses fils arachnéens sont
ART ET PRATIQUE DE L'ARABE

L'AMOUR, TRADUIT PAR AJ presque invisible. L'araignée n'a pas besoin de courir après pour se nourrir, ou
ARBERIE

même pour bouger. Il est tranquillement assis dans un coin, attendant son

les victimes d'y parvenir d'elles­mêmes et de piéger

eux­mêmes sur le Web.

Renversement

En plus
tempsvous
de guerre, vousd’espace,
disposez avez besoinplus
d'espace
votrepour alignerpeut
stratégie vos troupes, d'une marge
être complexe. Maisdeparfois,
manœuvre.il Le
est préférable de submerger l’ennemi, sans lui laisser le temps de réfléchir ou de réagir.
Même si Casanova adaptait ses stratégies à la femme en question, il essayait souvent de
faire une impression immédiate, attisant son désir dès la première rencontre. Peut­être
ferait­il preuve de bravoure en sauvant une femme en danger ; peut­être qu'il s'habillerait
de manière à ce que sa cible le remarque dans la foule. Dans les deux cas, une fois qu'il
aurait attiré l'attention de la femme, il se déplacerait à une vitesse fulgurante. Une sirène
comme Cléopâtre tente d'avoir un effet physique immédiat sur les hommes, ne laissant à
ses victimes ni le temps ni l'espace pour se retirer. Elle utilise l'élément de surprise. La
première période de votre contact avec quelqu’un peut impliquer un niveau de désir qui ne
se répétera jamais ; l'audace l'emportera.

Mais ce sont de courtes séductions. Les Sirènes et les Casanova ne se réjouissent


que du nombre de leurs victimes, passant rapidement de conquête en conquête, ce qui peut
être fatiguant. Casanova s'est épuisé; Les sirènes, insatiables, ne sont jamais satisfaites.
La séduction indirecte, soigneusement construite, peut réduire le nombre de vos conquêtes,
mais compense largement par leur qualité.
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Envoyer des signaux mixtes

Une fois que les gens sont conscients de votre présence, et

peut­être vaguement intrigué, vous devez remuer leur

intérêts avant qu’ils ne reviennent à quelqu’un d’autre. Qu'est­ce qui est ob­

évident et frappant peut attirer leur attention au début, mais

cette attention est souvent de courte durée ; à long terme, l'ambi­

La culpabilité est bien plus puissante. La plupart d'entre nous sont beaucoup trop évidents.

ous – au lieu de cela, être difficile à comprendre. Envoyez des signaux mitigés :

à la fois dur et tendre, à la fois spirituel et terrestre, à la fois inno­

cent et rusé. Un mélange de qualités suggère une profondeur qui

fascine tout en déroutant. Une aura insaisissable et énigmatique

donnera envie aux gens d'en savoir plus, en les attirant

dans votre cercle. Créez un tel pouvoir en faisant allusion

à quelque chose de contradictoire en vous.


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Bon et mauvais

E n 1806, alors que la Prusse et la France étaient en guerre, Auguste, le beau


prince de Prusse, vingt­quatre ans et neveu de Frédéric le
Grand, fut capturé par Napoléon. Au lieu de l'enfermer, Napoléon l'autorisa à errer sur
le territoire français, le surveillant de près grâce à des espions. Le prince était voué au
plaisir et passait son temps à se déplacer de ville en ville, séduisant les jeunes filles. En Reichardt avait vu Juliette à un
1807, il décide de visiter le Château de Coppet, en Suisse, où vécut la grande écrivaine autre bal, protestant timidement
française Madame de Staël. qu'elle ne danserait pas, puis,
au bout d'un moment, se
débarrassant de sa lourde
Auguste fut accueilli par son hôtesse avec autant de cérémonie qu'elle put en robe de soirée pour révéler
rassembler. Après qu'elle l'eut présenté à ses autres invités, ils se retirèrent tous dans un une robe légère en
dessous. De tous côtés, il y
salon, où ils parlèrent de la guerre de Napoléon en Espagne, des modes parisiennes avait des murmures et
actuelles, etc. Soudain, la porte s'ouvrit et une autre invitée entra, une femme qui était des chuchotements sur sa
restée dans sa chambre pendant le brouhaha de l'entrée du prince. Il s'agissait de coquetterie et son affectation.
Comme toujours, elle
Madame Récamier, trente ans, la plus proche amie de Madame de Staël. Elle se présenta
portait du satin blanc,
au prince, puis se retira rapidement dans sa chambre. coupé très bas
dans le dos, dévoilant
ses charmantes épaules.
Les hommes la suppliaient de danser. Auguste savait que Mme Récamier était au
château. En fait pour
eux. .. . Pour adoucir, il avait entendu de nombreuses histoires sur cette femme infâme qui, dans les années où
elle flottait dans la musique après la Révolution française, était considérée comme la plus belle de France.
chambre dans sa robe
grecque diaphane. Les hommes étaient devenus fous d'elle, particulièrement lors des
relié par un fichu de mousseline.
bals, lorsqu'elle enlevait sa robe de soirée, révélant les robes blanches diaphanes qu'elle Elle s'inclina timidement devant
avait rendues célèbres, et dansait avec tant d'abandon. Les peintres Gérard et David le public, puis, se

avaient immortalisé son visage et ses modes, et même ses pieds, considérés comme les retournant légèrement, elle
secoua du bout des doigts un
plus beaux qu'on ait jamais vu ; et elle avait brisé le cœur de Lucien Bonaparte, le frère foulard transparent qui, tour à
de l'empereur Napoléon. Auguste aimait ses filles plus jeunes que Madame Récamier, et tour, s'envola dans le ciel.

il était venu se reposer au château. semblant de draperie, de voile,


de nuage. Tout cela avec un
Mais ces quelques instants où elle avait volé la scène avec son soudain
étrange mélange de précision et
L'entrée le surprit : elle était aussi belle qu'on le disait, mais plus frappante que sa beauté de langueur. Elle utilisait ses
était son regard qui semblait si doux, voire paradisiaque, avec une pointe de tristesse yeux d'une manière subtile et
fascinante : « elle dansait
dans les yeux. Les autres convives continuaient leurs conversations, mais Auguste ne
avec ses yeux ». Les
pensait qu'à Mme Récamier. femmes trouvaient
sensuelles toutes ces
ondulations
Ce soir­là, pendant le dîner, il l'observa. Elle ne parlait pas beaucoup et gardait les serpentines du corps,
yeux baissés, mais une ou deux fois elle leva les yeux, directement vers le prince. Après tous ces hochements de tête
nonchalants et rythmés ; les
le dîner, les convives se rassemblèrent dans la galerie, et une harpe fut apportée. Pour
hommes furent emportés dans un royaume
le plus grand plaisir du prince, Madame Récamier se mit à jouer :

187
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188 • L'art de la séduction

un bonheur surnaturel. Juliette était chanter une chanson d'amour. Et maintenant, tout à coup, elle changea : il y avait un
un ange fatal, et bien plus
regard espiègle dans ses yeux tandis qu'elle le regardait. La voix angélique, les regards,
dangereux parce qu'elle ressemblait
à un ange ! La musique s'est
l'énergie animant son visage lui faisaient chavirer l'esprit. Il était confu. La même chose
atténuée. Soudain, par un habile se reproduisant la nuit suivante, le prince décide de prolonger son séjour au château.
tour, les cheveux châtains
de Juliette furent dénoués

et tomba en nuages autour d'elle.


Dans les jours qui suivirent, le prince et Madame Récamier se promenèrent
Un peu essoufflée, elle disparut ensemble, ramèrent sur le lac et assistèrent à des bals où il la prit enfin dans ses bras.
dans son boudoir faiblement Ils parlaient jusque tard dans la nuit. Mais rien ne lui devenait clair : elle lui paraissait si
éclairé. Et là, la foule la suivit
spirituelle, si noble, et puis il y avait un contact de la main, une soudaine remarque
et la vit allongée sur son lit de
repos, vêtue d'une ample robe de coquette. Après deux semaines au château, le célibataire le plus convoité d'Europe
thé, pâle à la mode, comme la oublie toutes ses habitudes libertines et propose en mariage à Madame Récamier. Il se
Psyché de Gérard,
convertirait au catholicisme, sa religion, et elle divorcerait de son mari beaucoup plus
tandis que ses servantes lui
rafraîchissaient le front avec âgé. (Elle lui avait dit que son mariage n'avait jamais été consommé et que l'Église
catholique pouvait donc l'annuler.) Elle viendrait ensuite vivre avec lui en Prusse. Madame
eau de toilette.
promit de faire ce qu'il voudrait. Le prince se précipita en Prusse pour demander
— MARGARET TROUNCEUR,
l'approbation de sa famille, et Madame revint à Paris pour obtenir l'annulation requise.
MADAME RÉCAMIER
Auguste l'inonde de lettres d'amour et attend. Le temps passait; il avait l'impression de
devenir fou. Puis, enfin, une lettre : elle avait changé d'avis.
L'idée selon laquelle deux éléments
distincts sont combinés dans
Le sourire de Mona Lisa en est un
Quelques mois plus tard, Madame Récamier envoie un cadeau à Auguste : le
qui a frappé plusieurs
célèbre tableau de Gérard la représentant allongée sur un canapé. Le prince passait des
critiques. Ils trouvent donc dans
l'expression de la belle heures devant elle, essayant de percer le mystère qui se cachait derrière son regard. Il
florentine la représentation la plus avait rejoint la compagnie de ses conquêtes, d'hommes comme l'écrivain Benjamin
parfaite des contrastes qui dominent
Constant, qui disait d'elle : « Elle fut mon dernier amour. Pour le reste de ma vie, j'étais
la vie érotique des
femmes ; le contraste entre réserve
comme un arbre frappé par la foudre.
et

séduction, et entre la tendresse la


plus dévouée
Interprétation. Le palmarès de Madame Récamier n'en devient que plus impressionnant
et une sensualité impitoyablementà mesure qu'elle grandit : il y a le prince Metternich, le duc de Wellington, les écrivains
exigeante – dévorant les Constant et Chateaubriand. Pour tous ces hommes, elle était une obsession, qui ne
hommes comme s’ils étaient des
faisait que s'intensifier lorsqu'ils étaient loin d'elle. La source de son pouvoir était double.
êtres extraterrestres.
D’abord, elle avait un visage angélique qui attirait les hommes vers elle. Il faisait appel
—SIGMUN D FREUD, LEONARDO

DA VINCI ET UN MÉMOIRE DE
aux instincts paternels, charmait par son innocence. Mais ensuite, une seconde qualité
SON ENFANCE, TRADUIT transparaissait, dans les regards coquettes, les danses sauvages, la gaieté soudaine,
PAR ALAN TYSON
tous ces hommes pris au dépourvu. De toute évidence, il y avait plus en elle qu'ils ne
l'avaient pensé, une complexité intrigante. Lorsqu'ils étaient seuls, ils se retrouvaient à
méditer sur ces contradictions, comme si un poison coulait dans leur sang. Madame
Les mains [d'Oscar Wilde]
étaient grosses et flasques ; sa Récamier était une énigme, un problème qu'il fallait résoudre. Quoi que vous souhaitiez,
poignée de main manquait de prise, qu'il s'agisse d'une diablesse coquette ou d'une déesse inaccessible, elle peut sembler
et lors d'une première
l'être. Elle a sûrement encouragé cette illusion en gardant ses hommes à une certaine
rencontre, on reculait devant
sa mollesse pelucheuse, mais cette
distance, afin qu'ils ne puissent jamais la repérer. Et elle était la reine de l'effet calculé, à
l'image
aversion fut bientôt surmontée lorsque de son entrée surprise au Château de Coppet, qui la mettait au centre de toutes
il se mit à parler, car sa les attentions, ne serait­ce que pour quelques secondes.
gentillesse sincère et son désir
de plaire faisaient oublier ce qui
était désagréable
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Envoyer des signaux mixtes • 189

Le processus de séduction consiste à remplir l'esprit de quelqu'un de votre image. dans son apparence physique
et son contact, il donnait du
Votre innocence, ou votre beauté, ou votre flirt peuvent attirer leur attention mais pas leur
charme à ses manières et de la
obsession ; ils passeront bientôt à l’image frappante suivante. Pour approfondir leur intérêt, grâce à la précision de son
vous devez faire allusion à une complexité qui ne peut être appréhendée en une semaine discours. Sa première vue a

ou deux. Vous êtes un mystère insaisissable, un leurre irrésistible, promettant un grand affecté les gens de diverses manières.
Certains pouvaient à peine retenir
plaisir si seulement il peut être possédé. Une fois qu’ils commencent à fantasmer sur vous,
leur rire, d'autres se sentaient
ils sont au bord de la pente glissante de la séduction et ne pourront s’empêcher de glisser hostiles, quelques­uns étaient

vers le bas. affligés de « frissons »,


beaucoup étaient conscients
de leur inquiétude, mais à
l'exception d'une petite minorité
Artificiel et naturel qui ne pouvait jamais se remettre
de la première sensation de dégoût
et se tenait donc à l'écart de

T Le grand succès de Broadway en 1881 fut l'opérette Pa­


tience, une satire du monde bohème des esthètes et des dandys devenu si à la mode
à Londres. Pour profiter de cette vogue, les promoteurs de l'opérette ont décidé d'inviter l'un
son chemin. , les deux sexes le
trouvaient irrésistible, et pour
les jeunes hommes de son temps,
dit WB Yeats, il était comme
des esthètes les plus infâmes d'Angleterre en Amérique pour une tournée de conférences : une figure triomphante et
Oscar Wilde. À seulement vingt­sept ans à l'époque, Wilde était plus célèbre pour sa audacieuse d'un autre âge.

personnalité publique que pour son petit corpus d'œuvre. Les promoteurs américains étaient —HESKETH PEARSON, OSCAR

persuadés que leur public serait fasciné par cet homme, qu'ils imaginaient se promenant WILDE : SA VIE ET SA ESPRIT

toujours avec une fleur à la main, mais ils ne s'attendaient pas à ce que cela dure ; il ferait
quelques conférences, puis la nouveauté disparaîtrait et ils le renverraient chez lui.

Il était une fois un aimant et,


L’argent était bon et Wilde accepta. A son arrivée à New York, un douanier lui demande s'il à proximité immédiate, de la
limaille d’acier. Un jour, deux
a quelque chose à déclarer : « Je n'ai rien à déclarer, répondit­il, sauf mon génie ».
ou trois petits serviteurs éprouvèrent
une envie soudaine d'aller visiter
Les invitations affluèrent : la société new­yorkaise était curieuse de rencontrer cette l'aimant, et ils se mirent à parler

bizarrerie. Les femmes trouvaient Wilde enchanteur, mais les journaux étaient moins de ce que ce serait agréable de
faire. D'autres dépôts à
aimables ; Le New York Times l'a qualifié de « imposture esthétique ». Puis, une semaine
proximité ont entendu leur
après son arrivée, il donna sa première conférence. La salle était pleine à craquer ; plus
d'un millier de personnes sont venues, la plupart juste pour voir à quoi il ressemblait. Ils
conversation, et eux aussi furent
n'ont pas été déçus. Wilde ne portait pas de fleur et était plus grand que prévu, mais il avait
infectés par le même désir.
de longs cheveux flottants et portait un costume et une cravate en velours vert, ainsi qu'une D'autres encore

culotte jusqu'aux genoux et des bas de soie. Beaucoup de personnes dans l’auditoire les rejoignit, jusqu'à ce qu'enfin
tous les dossiers commencèrent
étaient découragées ; Alors qu'ils le regardaient depuis leur siège, la combinaison de sa
à discuter de la question, et de
grande taille et de sa jolie tenue était plutôt repoussante. Certains riaient ouvertement, plus en plus leur vague désir
d’autres ne pouvaient cacher leur malaise. Ils s’attendaient à détester cet homme. Puis il se transforma en une impulsion.
"Pourquoi ne pas y aller
commença à parler.
aujourd'hui ?" dit l'un d'eux ;
Le sujet était la « Renaissance anglaise », le mouvement de « l’art pour l’art » dans mais d'autres pensaient qu'il
l’Angleterre de la fin du XIXe siècle. La voix de Wilde se révéla hypnotique ; il parlait avec valait mieux attendre
jusqu'à demain.
une sorte de rythme, maniéré et artificiel, et peu de gens comprenaient vraiment ce qu'il
Pendant ce temps, sans qu'ils
disait, mais le discours était si spirituel et coulant.
s'en aperçoivent, ils s'étaient
Son apparence était certes étrange, mais dans l’ensemble, aucun New­Yorkais n’avait involontairement rapprochés de
jamais vu ou entendu un homme aussi intrigant, et la conférence fut un énorme succès. l'aimant, qui restait là
immobile, ne semblant pas faire
Même les journaux s’y sont montrés sensibles. A Boston, quelques semaines plus tard, une
attention à eux. Et alors ils
soixantaine de garçons d'Harvard avaient préparé une embuscade : ils se moquaient de ce continuaient à discuter, tout le
poète efféminé en s'habillant en culottes courtes, en portant des fleurs et en apparaissant. temps
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190 • L'art de la séduction

se rapprochant applaudissant beaucoup trop fort à son entrée. Wilde n’était pas du tout troublé.
insensiblement de son Le public a ri de façon hystérique à ses commentaires improvisés, et lorsque les garçons
voisin ; et plus ils parlaient,
plus ils sentaient
l'ont chahuté, il a gardé sa dignité, ne trahissant aucune colère. Une fois de plus, le
l'impulsion se renforcer, contraste entre ses manières et son apparence physique le faisait paraître plutôt
jusqu'à ce que les extraordinaire. Beaucoup ont été profondément impressionnés et Wilde était en passe de
plus impatients déclarent
devenir une sensation.
qu'ils partiraient ce jour­là,
La courte
quoi que fassent les autres. Certains ont été tournée
entendusde conférences s’est transformée en une affaire à travers le pays.
disent que c'était leur A San Francisco, ce conférencier invité en art et esthétique s'est montré capable de boire
devoir de visiter l'aimant
tout le monde sous la table et de jouer au poker, ce qui a fait de lui le hit de la saison.
et qu'ils auraient dû y
aller depuis longtemps. Et, Sur le chemin du retour de la côte ouest, Wilde devait faire escale au Colorado et fut averti
tout en parlant, ils se que si le joli garçon poète osait se présenter dans la ville minière de Leadville, il serait
rapprochaient toujours plus,
pendu au plus haut arbre. C’était une invitation que Wilde ne pouvait refuser. En arrivant à
sans se rendre compte
qu'ils avaient bougé. Puis, Leadville, il ignora les chahuteurs et les regards méchants ; il visitait les mines, buvait et
enfin, les impatients jouait aux cartes, puis donnait des conférences sur Botticelli et Cellini dans les saloons.
l'emportèrent et, d'un seul Comme tout le monde, les mineurs tombèrent sous son charme, donnant même son nom à
coup irrésistible, tout le
une mine. On a entendu un cowboy dire : « Ce type est un homme d'art, mais il peut boire
corps s'écria : « Cela ne sert
à rien d'attendre. Nous y allonsn'importe lequel d'entre nous sous la table et ensuite nous ramener à la maison deux à la
aujourd'hui.
Nous allons y aller fois. »
maintenant. Nous partirons
tout de suite.

Interprétation. Dans une fable qu'il a improvisée lors d'un dîner, Oscar Wilde parlait de
s'accrochant fermement
à l'aimant à propos de limaille d'acier qui avait soudainement envie de visiter un aimant
proche. de tous côtés.
rapprocher de l'aimant Alors qu'ils se parlaient de cela, ils se retrouvèrent à bouger l'aimant et sourirent – pour se
d'acier n'avait aucun sans se rendre compte comment ni pourquoi. Finalement, ils ont été balayés. La limaille
doute sur le fait qu'ils étaient en une seule masse du côté de l'aimant. "Puis l'aimant a souri ­ car l'acier qui effectuait
cette visite de ses
dépôts n'avait aucun doute qu'il effectuait cette visite de son plein gré. de son plein gré." Tel était
l’effet que
Wilde lui­même produisait sur tout le monde autour de lui.
—OSCA R WILDE, CITÉ PAR

RICHARD LE GALLIENNE IN

HESKETH PEARSON, OSCAR L’attractivité de Wilde était plus qu’un simple sous­produit de son caractère, elle était tout à fait
WILDE : SA VIE ET SA ESPRIT
calculée. Adorateur du paradoxe, il a consciemment mis en valeur sa propre bizarrerie et son
ambiguïté, le contraste entre son apparence maniérée et sa performance pleine d'esprit et sans
effort. Naturellement
chevaliers se dispersaient etchaleureux et spontané , il se construit une image qui va à l’encontre de sa nature. Les gens et les
vers un endroit chacun était repoussé, confus, intrigué, et finalement attiré par cet homme qui semblait être son chemin
impossible à comprendre. Ses pensées l'inclinaient, il se trouvait que Rivalin se dirigeait vers l'endroit où était assise la belle
Blancheflor.

Le paradoxe séduit car il joue sur le sens. Nous sommes secrètement opprimés par
la rationalité de nos vies, où tout est censé signifier quelque chose ; la séduction, en
revanche, se nourrit de l’ambiguïté, des signaux contradictoires, de tout ce qui échappe à
Voyant cela, il galopa vers
elle et la regardant dans l’interprétation. La plupart des gens sont douloureusement évidents.
les yeux la salua très Si leur caractère est voyant, nous pouvons être momentanément attirés, mais l'attraction
agréablement. • "Dieu te s'estompe ; il n’y a pas de profondeur, pas de mouvement contraire pour nous attirer. La
garde, charmante
femme !" • "Merci", dit
clé pour attirer et retenir l’attention est de rayonner de mystère. Et personne n’est
la jeune fille et elle naturellement mystérieux, du moins pas pour longtemps ; Le mystère est quelque chose
continua très sur lequel vous devez travailler, un stratagème de votre part et quelque chose qui doit être
timidement, "que Dieu Tout­
utilisé dès le début de la séduction. Laissez apparaître une partie de votre personnage
Puissant, qui réjouit tous
pour
les cœurs, réjouisse votre cœur que tout
et votre le!monde
esprit Et mon ne s'en aperçoive pas. (Dans l’exemple de Wilde, il s’agissait de l’affectation ma
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Envoyer des signaux mixtes • 191

véhiculé par ses vêtements et ses poses.) Mais envoie également un signal mitigé – un signe que vous merci à vous ! — mais sans oublier

n'êtes pas ce que vous semblez, un paradoxe. Ne vous inquiétez pas si cette qualité inférieure est un os que je dois cueillir avec
vous. » • « Ah, douce femme, quoi
négative, comme le danger, la cruauté ou l'amoralité ; Les gens seront de toute façon attirés par l’énigme,
et la bonté pure est rarement séduisante. ai­je fait?" était

réponse courtoise de Rivalin. •


"Vous m'avez ennuyé par
Le paradoxe chez lui n'était que la vérité renversée pour attirer l'attention.
l'intermédiaire d'un de mes

amis, le meilleur que j'ai jamais eu. "

—RICHARD LE GALLIENNE, ON HIS FRIEND OSCAR WILDE « Bon Dieu, pensa­t­il, qu'est­ce
que cela signifie ?
Qu'ai­je fait pour

lui déplair ? Que dit­elle que j'ai


Les clés de la séduction fait ?" et il imaginait que, sans le
savoir, il avait dû
blesser un de ses parents à un

N
Rien ne peut se dérouler en matière de séduction à moins que vous puissiez attirer et retenir votre
moment donné lors de leurs sports
l'attention de la victime, votre présence physique devenant un homme obsédant. chevaleresques et c'était pourquoi

présence réelle. Il est en fait assez facile de créer ce premier émoi : un style vestimentaire séduisant, un elle était en colère contre lui.

regard suggestif, quelque chose d'extrême chez vous. Mais que se passe­t­il ensuite ? Nos esprits sont
Mais non, l'ami dont elle
inondés d’images, provenant non seulement des médias mais aussi du désordre de la vie quotidienne. Et parlait, c'était son cœur, dans lequel
nombre de ces images sont assez frappantes. il la faisait souffrir : c'était de cet
ami dont elle parlait. Mais il
Vous devenez juste une chose de plus qui réclame de l’attention ; votre attrait disparaîtra à moins que
n'en savait rien. • "Belle
vous ne déclenchiez le type de sortilège plus durable qui fait penser aux gens à vous en votre absence. femme", dit­il avec tout son charme
Cela signifie engager leur imagination, leur faire croire que vous avez plus à voir que ce qu’ils voient. Une habituel, "je ne veux pas que tu
sois en colère contre moi ou que
fois qu’ils commencent à embellir votre image avec leurs fantasmes, ils deviennent accros.
tu m'en veuilles. Alors, si ce
que tu me dis est vrai,
Cela doit toutefois être fait dès le début, avant que vos cibles n’en sachent trop et que leurs
impressions sur vous ne soient définies. Cela devrait se produire au moment où ils posent les yeux sur
prononce­moi toi­même ta sentence :
vous. En envoyant des signaux mitigés lors de cette première rencontre, vous créez une petite surprise,
je ferai tout ce que tu commanderas."
un peu de tension : vous semblez être une chose (innocent, impétueux, intellectuel, plein d'esprit), mais • "Je ne te déteste pas trop pour

vous leur laissez aussi entrevoir autre chose (diabolique, timide, spontané, triste). Gardez les choses ce qui est arrivé", fut la réponse de
la douce jeune fille, "et je ne t'aime
subtiles : si la deuxième qualité est trop forte, vous aurez l’air schizophrène. Mais faites­les se demander
pas non plus pour cela.
pourquoi vous pourriez être timide ou triste sous votre esprit intellectuel impétueux, et vous aurez leur
attention. Donnez­leur une ambiguïté qui leur permet de voir ce qu'ils veulent voir, capturez leur imagination Mais pour voir quelle réparation
tu feras pour le tort que tu
avec de petits aperçus voyeuristes de votre âme sombre.
m'as fait, je te testerai une autre fois."
• Et ainsi il s'inclina comme
pour partir, et elle, charmante fille,

soupira très secrètement et dit


Le philosophe grec Socrate fut l'un des plus grands séducteurs de l'histoire ; les jeunes gens qui le
avec tendresse : • "Ah, chérie
suivirent comme étudiants n'étaient pas seulement fascinés par ses idées, ils tombèrent également
amoureux de lui. L'un de ces jeunes était Alcibiade, l' ami, que Dieu vous bénisse!" Playboy notoire qui est
devenu une figure politique
puissante vers la fin du Ve siècle avant JC. Dans le Banquet de Platon, Alcibiade décrit les pensées de
Socrate sur chacun d'entre
eux qui exploitaient les pouvoirs de séduction . en le comparant aux petites figures de Silène qui étaient autres. • Rivalin se détourna,
réfléchissant à beaucoup de choses faites à l'époque. Dans le mythe grec, Silène était assez laid, mais aussi une chose sage. Il
réfléchit du prophète. En
conséquence, les statues de Silène étaient creux, et quand vous les démontriez de plusieurs côtés , vous
trouveriez de petites figures de
dieux à l'intérieur d'eux ­ l'in­ Blancheflor devrait être plus vérité et beauté sous l'extérieur peu attrayant. Et ainsi, pour Alci­
vexé, et ce qu'il y avait derrière lui " Il en était de même avec Socrate, qui était si laid qu'il était repoussant mais considérait son salut,
celle dont le visage rayonnait de beauté intérieure et de contentement. L'effet était confus ­
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192 • L'art de la séduction

minutieusement, soupirant, ing et attrayant. L'autre grande séductrice de l'Antiquité, Cléopâtre, envoyait également des paroles ; il l'examina
ses adieux, signaux mitigés :
de toute évidence physiquement séduisante, dans la voix, le visage, le corps et tout son comportement.
. .
la faisait paraître quelque Mais
peu elle avait aussi un esprit brillamment actif, ce qui, pour de nombreux écrivains, car il n'était pas sûr de l'époque,
donné de la complexité, et la masculine d'esprit. Ces éléments contraires à ses motivations – qu'elle ait agi par inimitié ou par qualités – lui ont
complexité lui a donné du
pouvoir. l'amour ­ il a hésité
Pour capter et retenir l’attention, vous devez montrer des attributs qui vont à l’encontre
perplexité. Ses pensées
de votre apparence physique, créant ainsi de la profondeur et du mystère. Si vous avez
hésitaient tantôt ici, tantôt là.
A un instant un visage doux et un air innocent, laissez échapper des indices de quelque chose de
il s'en alla dans une direction, puis sombre, voire de vaguement cruel, dans votre personnage. Ce n’est pas annoncé dans
tout à coup dans une autre,
jusqu'à ce qu'il se soit
vos mots, mais dans votre manière. L'acteur Errol Flynn avait un visage angélique et un
léger
tellement pris au piège dans les labeurs air
de son de tristesse. Mais derrière cette apparence extérieure, les femmes pouvaient
propre désir auquel il était sentir une cruauté sous­jacente, une tendance criminelle, une sorte de dangerosité
impuissant à échapper . . . •
passionnante. Ce jeu de qualités contraires suscitait un intérêt obsessionnel. L'équivalent
Son enchevêtrement l'avait
placé dans un dilemme, car il féminin est le type incarné par Marilyn Monroe ; elle avait le visage et la voix d'une petite
ne savait pas si elle fille, mais quelque chose de sexuel et de méchant émanait aussi d'elle. Madame
souhaitait qu'il
Récamier faisait tout cela avec ses yeux, un regard d'ange, soudain interrompu par
bien ou mal; il ne pouvait
pas savoir si elle quelque chose de sensuel et de coquette.
on l'aimait ou on le détestait. Non

l'espoir ou le désespoir a­t­il


considéré ce qui ne l'était pas Jouer avec les rôles de genre est une sorte de paradoxe intrigant qui a une longue histoire en matière de

lui interdire d'avancer ou de séduction. Les plus grands Don Juan ont eu une touche de joliesse et de féminité, et les courtisanes les plus
reculer : l'espoir et le attirantes ont eu une touche masculine. Cependant, la stratégie n’est efficace que lorsque la sous­qualité est
désespoir le menaient dans
des dissensions irrésolues. simplement évoquée ; si le mélange est trop évident ou saisissant il paraîtra bizarre ou Hope lui parle d'amour,

cette discorde, de l'Enclos avait voire de menace. Ninon, la grande courtisane française du XVIIe siècle, désespère de la haine. En raison de

n'était pas frappée par une une apparence résolument féminine, mais tous ceux qui la rencontraient lui cédaient sa ferme conviction qu'elle
touche d'agressivité et
d'indépendance en elle, mais par la haine ni par l'amour. juste une touche. Le romancier italien de la fin du XIXe siècle,
Gabriele d'An­ Ainsi, ses
sentiments dérivaient dans un refuge incertain – j'espère que le nonne était certainement masculin dans ses approches,
mais il y avait une douceur
n'a trouvé aucune constance – l'ennuyait, le désespoir s'éloignait. ness, une considération, un mélange et un intérêt pour la parure féminine. Il
dans les combinaisons qui
peuvent être jonglées dans tous les sens : Oscar Wilde était tout à fait non plus ; ils n’étaient d’accord ni dans un
sens ni dans l’autre. D'
apparence et de manière féminines, mais la suggestion sous­jacente selon laquelle le désespoir est venu et lui a dit qu'elle
était en fait plutôt masculine a
attiré les hommes et les femmes vers lui. que son Blancheflor était Une variation puissante sur ce thème est le
mélange de la chaleur physique
et de son ennemi il a faibli et de la froideur émotionnelle. Des dandys comme Beau Brummel et Andy Warhol ont cherché à s'échapper : mais
aussitôt est venu l'espoir,
apportant à leurs apparences physiques frappantes une sorte de froideur de manières, un dis­ lui son
amour et une affection pour
leur vie à courir après de tels tout et pour tous. Ils sont à la fois séduisants et insaisissables, des aspirations, et c'est pourquoi les gens passent
de personnes apparemmenthommes, essayant de briser ce qu'ils sont restés. Face à une telle discorde, il n’était pas inaccessible. (Le pouvoir
inaccessibles est diablement
séduisant ; nous voulons être ceux qui les briseront.) Ils s'enveloppent également d'ambiguïté et de mystère, soit
en parlant très peu, soit en
ne parlant que de sujets superficiels, faisant allusion à la profondeur de leur caractère. ne pourra jamais atteindre.

savoir vers qui se tourner : non­

où pourrait­il aller de l'avant.


Plus il s'efforçait de fuir, plus
l'amour le repoussait fermement.
Plus il
Lorsque Marlene Dietrich entrait dans une pièce ou arrivait à une fête, tous les regards
a eu du mal à s'échapper,
se tournaient inévitablement vers elle. Il y avait d’abord ses vêtements surprenants,
l'amour l'a retenu plus fermement.
choisis pour faire tourner les têtes. Puis il y avait son air d’indifférence nonchalante. Les
— Godefroy de Strasbourg,

TRISTAN, TRADUIT PAR AT . hommes, et les femmes aussi, devinrent obsédés par elle, pensant à elle longtemps après
MÊME
que les autres souvenirs de la soirée se soient effacés. Rappelez­vous : cette première impression,
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Envoyer des signaux mixtes • 193

l'entrée, est critique. Montrer trop de désir d’attention est un signe d’insécurité et fait souvent
fuir les gens ; Par contre, jouez­le de manière trop froide et désintéressée, et personne ne
prendra la peine de s'approcher. L’astuce consiste à combiner les deux attitudes au même
moment. C'est l'essence de
coquetterie.
Peut­être avez­vous la réputation d'une qualité particulière, qui vous vient immédiatement
à l'esprit lorsque les gens vous voient. Vous retiendrez mieux leur attention en leur suggérant
que derrière cette réputation se cache une autre qualité. Personne n’avait une réputation plus
sombre et plus pécheresse que Lord Byron.
Ce qui rendait les femmes folles, c'était que derrière son attitude un peu froide et dédaigneuse
À l’extérieur, on sentait qu’il était en fait assez romantique, voire spirituel. Byron a joué cela
avec ses airs mélancoliques et ses bonnes actions occasionnelles. Transpercées et confuses,
de nombreuses femmes pensaient qu'elles pourraient être celles qui le ramèneraient au bien,
qui feraient de lui un amant fidèle. Une fois qu’une femme avait une telle pensée, elle était
complètement sous son charme. Il n’est pas difficile de créer un tel effet séduisant. Si vous
êtes connu comme éminemment rationnel, par exemple, faites allusion à quelque chose
d'irrationnel. Johannes, le narrateur du Journal du séducteur de Kierkegaard, traite d'abord la
jeune Cordélia avec une politesse professionnelle, comme sa réputation la laisserait s'y
attendre. Pourtant, elle l'entend très vite faire des remarques qui font allusion à un côté
sauvage et poétique de son caractère ; et elle est excitée et intriguée.

Ces principes ont des applications bien au­delà de la séduction sexuelle. Pour retenir
l’attention d’un large public, pour l’inciter à penser à vous, vous devez mélanger vos signaux.
Affichez trop d’une qualité – même si elle est noble, comme la connaissance ou l’efficacité –
et les gens auront l’impression que vous manquez d’humanité. Nous sommes tous complexes
et ambigus, pleins d'impulsions contradictoires ; si vous ne montrez qu'un seul côté, même si
c'est votre bon côté, vous énerverez les gens. Ils soupçonneront que vous êtes un hypocrite.
Mahatma Gandhi, une figure sainte, a ouvertement avoué ses sentiments de colère et de
vengeance. John F. Kennedy, la personnalité publique américaine la plus séduisante des
temps modernes, était un paradoxe ambulant : un aristocrate de la côte Est amoureux de
l'homme ordinaire, un homme manifestement masculin – un héros de guerre – avec une
vulnérabilité que l'on pouvait sentir en dessous, un intellectuel qui aimait la culture populaire.
Les gens étaient attirés par Kennedy comme la limaille d'acier de la fable de Wilde. Une
surface lumineuse a peut­être un charme décoratif, mais ce qui attire le regard dans un
tableau, c'est une profondeur de champ, une ambiguïté indicible, une complexité surréaliste.
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194 • L'art de la séduction

Symbole : Le Rideau du Théâtre. Sur scène, le rideau est d'un rouge profond

les plis attirent le regard par leur surface hypnotique. Mais qu'est­ce qui est vraiment

vous fascine et vous attire, c'est ce que vous pensez qui pourrait arriver­

derrière le rideau ­ la lumière qui passe à travers, le

suggestion d'un secret, quelque chose sur le point de se produire.

Vous ressentez le frisson d'un voyeur sur le point de

regarder un spectacle.

Renversement

T La complexité que vous signalez aux autres ne les affectera que prop­
heureusement s’ils ont la capacité de profiter d’un mystère. Certaines personnes aiment
les choses simples et n’ont pas la patience de poursuivre une personne qui les confond.
Ils préfèrent être éblouis et dépassés. La grande courtisane de la Belle Époque connue sous
le nom de La Belle Otero opérait une magie complexe sur les artistes et les personnalités
politiques qui tombaient amoureux d'elle, mais face à l'homme plus simple et sensuel, elle les
émerveillait par son spectacle et sa beauté.
Lorsqu'il rencontre une femme pour la première fois, Casanova peut s'habiller de la tenue la
plus fantastique, avec des bijoux et des couleurs brillantes pour éblouir les yeux ; il utilisait la
réaction de la cible pour évaluer si elle exigerait ou non une séduction plus compliquée.
Certaines de ses victimes, notamment les jeunes filles, n'avaient besoin que d'une apparence
scintillante et envoûtante, ce qui était vraiment ce qu'elles voulaient, et la séduction resterait à
ce niveau.

Tout dépend de votre cible : ne vous embêtez pas à créer de la profondeur pour les
personnes qui y sont insensibles, voire qui peuvent même en être rebutées ou perturbées. Vous
pouvez reconnaître ces types à leur préférence pour les plaisirs les plus simples de la vie, à
leur manque de patience pour une histoire plus nuancée. Avec eux, restez simple.
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Sembler être un objet de désir


—Créer des triangles

Rares sont ceux qui sont attirés par la personne que les autres évitent ou dont ils ont besoin.

négliger; les gens se rassemblent autour de ceux qui sont déjà arrivés­

intérêt attiré. Nous voulons ce que veulent les autres. Dessiner

rapprochez vos victimes et donnez­leur faim de vous posséder, vous

doit créer une aura de désirabilité – d’ être désiré et

courtisé par beaucoup. Cela deviendra pour eux une vanité de

être l'objet privilégié de votre attention, pour vous éloigner de

une foule d'admirateurs. Fabriquer l’illusion de la popularité

en s'entourant de membres du contraire

sexe – amis, anciens amants, prétendants actuels. Créer un tri­

des angles qui stimulent la rivalité et augmentent votre valeur.

Construisez­vous une réputation qui vous précède : si beaucoup

J'ai succombé à tes charmes,

il doit y avoir une raison.


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Créer des triangles

Un soir de 1882, le philosophe prussien de trente­deux ans


Paul Rée, qui vivait alors à Rome, visitait la maison d'une femme âgée qui
tenait un salon pour écrivains et artistes. Rée y remarqua une nouvelle venue, une
jeune Russe de vingt et un ans nommée Lou von Salomé, venue à Rome en
vacances avec sa mère. Rée se présenta et ils entamèrent une conversation qui
dura jusque tard dans la nuit. Ses idées sur Dieu et la moralité étaient comme les Laissez­moi vous parler
siennes ; elle parlait avec une telle intensité, mais en même temps ses yeux d'un monsieur que j'ai
connu autrefois et qui, bien
semblaient flirter avec lui. Au cours des jours suivants, Rée et Salomé firent de
qu'il soit d'apparence agréable et
longues promenades à travers la ville. Intrigué par son esprit mais confus par les son comportement modeste, et
émotions qu'elle suscitait, il souhaitait passer plus de temps avec elle. Puis, un jour, aussi un guerrier très
capable, n'était pas si
elle l'a surpris avec une proposition : elle savait qu'il était un ami proche du
remarquable en ce
philosophe Friedrich Nietzsche, alors également en visite en Italie. Tous les trois, qui concerne aucune de
disait­elle, devraient voyager ensemble – non, vivre ensemble, dans une sorte de ces qualités qu'il n'y en avait
ménage à trois de philosophes. Fervent critique de la morale chrétienne, Rée pas beaucoup qui étaient
ses égaux et même
trouvait cette idée délicieuse. Il a écrit à son ami à propos de Salomé, décrivant à meilleurs. Cependant, par
quel point elle était désespérée de le rencontrer. Après quelques lettres de ce type, hasard, une certaine dame
Nietzsche se précipita à Rome. tomba très profondément amoureuse de
ressenti la même chose, et
comme Rée avait fait cette invitation pour faire plaisir à Salomé, et pour l'impressionner ; Son amour
grandissait de jour en jour, il
voulait aussi voir si Nietzsche partageait son enthousiasme pour la jeune fille faute d' idées. Mais dès que Nietzsche est arrivé, quelque chose
de désagréable s'est produit : pour qu'ils se parlent, elle lui a révélé que le grand philosophe, qui avait toujours été solitaire, était
visiblement épris d'une
autre dame, avec Salomé. Au lieu de partager tous les trois des conversations intellectuelles – dont elle
espérait qu’elles seraient ensemble –
Nietzsche semblait conspirer pour garder la jeune fille seule. service à elle dans cette affaire.

Or cette dame ni en
Quand Rée aperçut Nietzsche et Salomé causant sans rang et sans que la beauté
ne l'excluât, il éprouva des
frissons de jalousie. Oubliez certains philosophes inférieurs aux premiers ; et il menage à trois : Salomé
était à lui, il l'avait découverte, et il n'arriverait pas à cela quand elle la partagerait, même avec son bon ami.
entendit parler avec tant
D'une manière ou d'une autre, il devait la laisser seule.
d'affection du jeune homme
Ce n’est qu’alors qu’il pourrait la courtiser et la gagner.
(qu'elle n'avait jamais vu) et
Madame Salomé avait prévu de reconduire sa fille en Russie, mais Salomé comprit que
l'autre femme, qu'elle savait
souhaitait rester en Europe. Rée intervient et propose de voyager avec les Salomé
extrêmement discrète et
en Allemagne et de les présenter à sa propre mère qui, promet­il, s'occupera de la intelligente, l'aimait au­
jeune fille et lui servira de chaperon. (Rée savait que sa mère serait au mieux une delà des mots, elle s'imagina
tutrice laxiste.) Madame Salomé accepta cette proposition, mais Nietzsche fut plus tout de suite qu'il devait être
le plus beau, le plus sage,
difficile à ébranler : il décida de les rejoindre dans leur voyage vers le nord jusqu'à
le plus discret des hommes,
la maison de Rée en Prusse. À un moment donné du voyage, Nietzsche et Salomé et enfin le plus sage.
se promenèrent seuls et

197
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198 • L'art de la séduction

l'homme le plus digne de à leur retour, Rée eut le sentiment qu'il s'était passé quelque chose de physique
son amour au monde. Alors,
entre eux. Son sang bouillonnait ; Salomé lui échappait .
ne l'ayant jamais vu, elle
tomba si passionnément
amoureuse de lui qu'elle Finalement, le groupe se sépare, la mère retournant en Russie, Nietzsche dans
entreprit de le conquérir non pas.
son lieu d'été à Tautenburg, Rée et Salomé restant chez Rée. Mais Salomé ne reste
pour son amie mais pour
pas longtemps : elle accepte une invitation de Nietz­sche à lui rendre visite, sans
elle­même. Et elle y parvint
sans grand effort, car en effet chaperon, à Tautenburg. En son absence, Rée était rongée par les doutes et la
elle était une colère. Il la désirait plus que jamais et était prêt à redoubler d'efforts. Lorsqu'elle
femme plus à courtiser
revint finalement, Rée exprima son amertume, s'en prenant à Nietzsche, critiquant
que de faire la cour.
Et maintenant écoutez le sa philosophie et remettant en question ses motivations envers la jeune fille. Mais
suite splendide : peu de Salomé prit le parti de Nietzsche. Rée était désespérée ; il avait l'impression de
temps après, il arriva qu'une
l'avoir perdue pour de bon. Pourtant, quelques jours plus tard, elle le surprit à
lettre qu'elle avait écrite à
son amant tomba entre les nouveau : elle avait décidé qu'elle voulait vivre avec lui, et avec lui seul.
mains d'une autre
femme de rang, de Rée avait enfin ce qu'il voulait, du moins le pensait­il. Le couple s'installe à
charme et de beauté comparables ;
et comme elle, comme la
Berlin, où ils louent ensemble un appartement. Mais maintenant, au grand désarroi
plupart des femmes, était de Rée, le vieux schéma se répétait. Ils vivaient ensemble mais Salomé était
curieuse et avide d'apprendre courtisée de toutes parts par des jeunes hommes. Chouchou des intellectuels
des secrets, elle ouvrit la lettre
berlinois, qui admiraient son esprit indépendant, son refus du compromis, elle était
et la lut. Comprenant qu'elle
était écrite avec la plus profonde constamment entourée d'un harem d'hommes, qui l'appelaient « Son Excellence ».
passion, dans les termes les Une fois de plus, Rée se retrouva en compétition pour attirer son attention.
plus affectueux et les plus
Poussé au désespoir, il la quitta quelques années plus tard et finit par se suicider.
ardents, elle fut
d'abord émue de compassion,
car elle savait très bien de En 1911, Sigmund Freud rencontre Salomé (aujourd'hui connue sous le nom
qui venait cette lettre et à qui elle était adressée.
de Lou Andreas­Salomé) lors d'une conférence en Allemagne. Elle voulait se
a été abordé ; Mais
alors, telle était la consacrer au mouvement psychanalytique, disait­elle, et Freud la trouvait
puissance des mots qu'elle enchanteresse, même si, comme tout le monde, il connaissait l'histoire de sa
lisait, les retournant dans son fameuse liaison avec Nietzsche (voir page 46, « Le Dandy »). Salomé n'avait
esprit et se demandant quel
aucune formation en psychanalyse ou en thérapie d'aucune sorte, mais Freud l'a
genre d'homme il devait s'agir
admise
de celui qui avait été capable de dans le cercle restreint des adeptes qui assistaient à ses conférences
susciter un si grand amour, privées. Peu de temps après avoir rejoint le cercle, l'un des étudiants les plus prometteurs et les
qu'elle commença aussitôt à
Victor Tausk, seize ans plus jeune que Salomé, tombe amoureux d'elle. La relation
tomber elle­même amoureuse
de lui ; et la lettre était sans de Salomé avec Freud avait été platonique, mais il était devenu extrêmement
doute bien plus efficace que attaché à elle. Il était déprimé lorsqu'elle manquait une conférence et lui envoyait
si le jeune homme la lui avait des notes et des fleurs. Son implication dans une histoire d'amour avec Tausk le
écrite lui­même. Et comme il
arrive parfois que le poison
rendit extrêmement jaloux et il commença à rivaliser pour attirer son attention.
préparé pour un prince tue celui Tausk avait été comme un fils pour lui, mais le fils menaçait de voler l'amante
qui goûte sa nourriture, de platonique de son père. Bientôt, cependant, Salomé quitta Tausk. Désormais, son
même cette pauvre femme,
amitié avec Freud était plus forte que jamais, et elle dura jusqu'à sa mort, en 1937.
dans sa gourmandise, but le
philtre d'amour préparé
pour un autre. Que dire de plus?
L'affaire n'était pas un secret,
et les choses évoluèrent
tellement que bien d'autres Interprétation. Les hommes ne sont pas seulement tombés amoureux de Lou
femmes, en partie pour contrarier Andreas­Salomé ; ils étaient submergés par le désir de la posséder, de l'arracher
les autres et en partie pour
aux autres, d'être les fiers propriétaires de son corps et de son esprit. Ils la voyaient
suivre leurs propres idées,
rarement seule ; elle s'entourait toujours, d'une manière ou d'une autre, d'autres hommes.
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Semblez être un objet de désir : créez des triangles • 199

Lorsqu'elle voit que Rée s'intéresse à elle, elle évoque son désir de rencontrer Nietzsche. Par exemple, consacrez tous vos

soins et tous vos efforts à gagner l'amour


Cela enflamma Rée, lui donna envie de l'épouser et de le garder pour lui, mais elle insista
de cet homme, en vous chamaillant
pour rencontrer son ami. Ses lettres à Nietzsche trahissaient son désir pour cette femme, pendant un moment comme le font les garçons.

ce qui à son tour attisait le propre désir de Nietzsche pour elle, avant même qu'il ne la pour les cerises.

rencontre. Chaque fois que l'un des deux hommes était seul avec elle, l'autre restait en —BALDASSARE CASTIGLIONE,

retrait. LE LIVRE DU COURTISTIER,

TRADUIT PAR GEORGE BULL


Puis, plus tard, la plupart des hommes qui la rencontrèrent furent au courant de la
tristement célèbre affaire Nietzsche, ce qui ne fit qu'accroître leur désir de la posséder,
de rivaliser avec la mémoire de Nietzsche. De la même manière, l’affection de Freud pour
elle s’est transformée en un puissant désir lorsqu’il a dû rivaliser avec Tausk pour attirer La plupart du temps, nous préférons
une chose à une autre
son attention. Salomé était assez intelligente et attirante pour elle­même ; mais sa stratégie parce que c'est ce que notre
constante consistant à imposer un triangle de relations à ses prétendants rendait sa les amis le préfèrent déjà ou

désirabilité intense. Et pendant qu’ils se disputaient pour elle, elle avait le pouvoir, étant parce que cet objet a une
signification sociale marquée.
désirée par tous et soumise à personne.
Les adultes, lorsqu’ils ont faim,
Notre désir pour une autre personne implique presque toujours des considérations sont comme les enfants

sociales : nous sommes attirés par ceux qui attirent les autres. Nous voulons les posséder dans la mesure où ils recherchent
les aliments que les autres
et les voler. Vous pouvez croire toutes les absurdités sentimentales que vous voulez sur
consomment. Dans leurs relations
le désir, mais en fin de compte, cela a en grande partie à voir avec la vanité et la cupidité. amoureuses, ils recherchent
Ne vous plaignez pas et ne moralisez pas l'égoïsme des gens, mais utilisez­le simplement l'homme ou la femme que les
autres trouvent attirants et abandonnent.
à votre avantage. L’illusion que vous êtes désiré par les autres vous rendra plus attirant
ceux qui ne sont pas recherchés.
aux yeux de vos victimes que votre beau visage ou votre corps parfait. Et le moyen le plus Quand nous disons d'un homme
efficace de créer cette illusion est de créer un triangle : imposer une autre personne entre ou d'une femme qu'il ou
elle est désirable, ce que nous
vous et votre victime, et faire prendre subtilement conscience à votre victime à quel point
voulons dire en réalité, c'est que
cette autre personne vous veut. Le troisième point du triangle ne doit pas nécessairement les autres la désirent. Ce n'est pas que
être qu'une seule personne : entourez­vous d'admirateurs, révélez vos conquêtes passées, ils ont une qualité particulière, mais

autrement dit, enveloppez­vous d'une aura de désirabilité. Faites en sorte que vos cibles parce qu'ils sont conformes à un
modèle actuellement à la mode.
rivalisent avec votre passé et votre présent. Ils aspireront à vous posséder pour eux
seuls, vous donnant un grand pouvoir aussi longtemps que vous échapperez à leur
—SERGE MOSCOVICI, L'ÂGE
emprise. Si vous ne parvenez pas à devenir un objet de désir dès le départ, vous finirez DE LA FOULE : UN HISTORIQUE

par devenir l'esclave désolé des caprices de vos amants : ils vous abandonneront dès TRAITÉ SUR LA PSYCHOLOGIE DE MASSE­

OGY, TRADUIT PAR JC


qu'ils se désintéresseront.
MAISON BLANCHE

[Une personne] désirera n’importe quel objet tant qu’elle sera convaincue
Il sera grandement à votre
qu’il est désiré par une autre personne qu’elle admire.
avantage de divertir la dame que

—RENÉ GIRARD vous désirez conquérir en lui


racontant le nombre de femmes
qui sont amoureuses de vous et
les avances décidées
Les clés de la séduction qu'elles vous ont faites ; car

cela prouvera non seulement que


vous êtes un grand favori des
dames et un homme véritablement
Nous sommes
désirsdes
descréatures socialesun
autres. Imaginez et grand
sommes immensémentsocial.
rassemblement influencés
Vous par les un
voyez goûts et honorable, mais cela la convaincra

l'homme seul, à qui personne ne parle longtemps et qui erre sans compagnie ; n'y a­t­il qu'elle peut avoir l'honneur d'être
inscrite sur la même liste et d'être
pas chez lui une sorte d'isolement auto­réalisateur ? Pourquoi est­il seul, pourquoi est­il
louée dans la même liste.
évité ? Il doit y avoir une raison. Jusqu'à ce que quelqu'un ait pitié de cet homme et
entame une conversation
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200 • L'art de la séduction

votre autre coin féminin, il avec lui, il aura l'air indésirable et indésirable. Mais là­bas, de la même manière, en présence de
y a une femme
entourée de gens. Ils rient de ses remarques, les amis. Cela va grandement et pendant qu'ils rient,
d'autres rejoignent le
groupe,
visage brille d'attention. Il attirés par sa gaieté. Quand elle lui fait plaisir et qu'il faut se déplacer, les gens la suivent. Son
en jetant Dans les n'y a pas lieu de s'étonner si elle témoigne de son admiration pour être une raison. votre personnage
deux cas, bien sûr, il n'y a pas nécessairement
de raison à ses bras autour
de votre cou . L'homme négligé peut avoir des qualités tout à fait charmantes, à supposer que vous
soyez sur place. ne lui parle
vient moins jamais ; mais ce ne sera probablement pas le cas. La désirabilité est une illusion sociale. Sa source

—MDR A MONTEZ, LES ARTS


de ce que vous dites ou faites, ou de toute sorte de vantardise ou d’auto­publicité, que du sentiment
ET SECRETS DE BEAUTÉ, AVEC que les autres vous désirent. Pour transformer l'intérêt de vos cibles en quelque chose de plus
CONSEILS AUX MESSIEURS SUR LE
profond, en désir, vous devez leur faire voir en vous une personne que les autres chérissent et
L'ART DE FASCINER
convoitent. Le désir est à la fois imitatif (nous aimons ce que les autres aiment) et compétitif (nous
voulons enlever aux autres ce qu’ils ont). En tant qu'enfants, nous voulions monopoliser l'attention
d'un parent, pour l'éloigner des autres frères et sœurs. Ce sentiment de rivalité imprègne le désir
[René] Le mimétique de Girard
le désir survient lorsqu'un humain et se répète tout au long de notre vie. Faites en sorte que les gens rivalisent pour attirer
le sujet individuel désire un votre attention, faites­leur vous voir comme recherché par tout le monde. L’aura de désirabilité
objet parce qu'il est désiré
vous enveloppera.
par un autre sujet, ici désigné
comme le rival : le désir se
modèle sur
les souhaits ou les actions de Vos admirateurs peuvent être des amis ou même des prétendants. Appelez cela l'effet harem.
un autre. Philippe Lacoue­
Pauline Bonaparte, sœur de Napoléon, a rehaussé sa valeur aux yeux des hommes en s'entourant
Labarthe dit que « l'hypothèse
de base sur laquelle repose toujours d'un groupe d'hommes fidèles lors des bals et des fêtes. Si elle se promenait, ce n'était
la célèbre analyse de Girard [est jamais avec un seul homme, toujours à deux ou trois.
que] tout désir est désir de
Peut­être que ces hommes étaient simplement des amis, ou même simplement des accessoires et
l'autre (et non immédiatement
désir d'un objet), toute structure des parasites ; leur vue suffisait à suggérer qu'elle était appréciée et désirée, une femme pour
du désir est triangulaire (y laquelle il valait la peine de se battre. Andy Warhol s'entourait également des personnes les plus
compris l' autre –
glamour et les plus intéressantes qu'il pouvait trouver. Faire partie de son cercle intime signifiait
médiateur ou modèle – dont
le désir désir que vous étiez également désirable. En se plaçant au milieu tout en se gardant à l'écart de tout, il
a fait rivaliser tout le monde pour attirer son attention. Il a attisé le désir des gens de le posséder
imite), tout désir est ainsi dès en se retenant.
son origine exploité par la
De telles pratiques stimulent non seulement les désirs de compétition, mais elles visent la
haine et la rivalité ; bref,
l'origine du désir est la mimesis... principale faiblesse des gens : leur vanité et leur estime de soi. Nous pouvons supporter le
sentiment qu’une autre personne a plus de talent ou plus d’argent, mais le sentiment qu’un rival
mimétisme ­ et non
est plus désirable que nous est insupportable. Au début du XVIIIe siècle, le duc de Richelieu, grand
se forge toujours un désir qui
ne désire pas immédiatement débauché, parvient à séduire une jeune femme plutôt religieuse mais dont le mari, un imbécile,
la mort ou la disparition du est souvent absent. Il a ensuite séduit sa voisine du dessus, une jeune veuve. Lorsque les deux
modèle ou du personnage
femmes découvrirent qu'il allait de l'un à l'autre dans la même nuit, elles le confrontèrent. Un
exemplaire qui lui a donné naissance.
à cela. homme moindre aurait fui, mais pas le duc ; il a compris la dynamique de la vanité et du désir.
Aucune des deux femmes ne voulait sentir qu’il préférait l’autre. Il réussit ainsi à organiser un petit
—JAMES MANDRELL,
DON JUAN ET LE POINT DE ménage à trois, sachant que désormais ils allaient lutter entre eux pour être le favori. Lorsque la
C'EST R
vanité des gens est en danger, vous pouvez leur faire faire ce que vous voulez. Selon Stendhal,
s’il y a une femme qui vous intéresse, faites attention à sa sœur. Cela suscitera un désir triangulaire.

Votre réputation – votre illustre passé de séducteur – est un moyen efficace


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Semblez être un objet de désir : créez des triangles • 201

de créer une aura de désirabilité. Les femmes se sont jetées aux pieds d'Errol Flynn, C'est ennuyeux que notre

non pas à cause de son beau visage, et certainement pas à cause de ses talents nouvelle connaissance aime le garçon.
Mais les meilleures choses de la
d'acteur, mais à cause de sa réputation. Elles savaient que d'autres femmes l'avaient
vie ne sont­elles pas gratuites pour
trouvé irrésistible. Une fois cette réputation établie, il n’avait plus besoin de courir tous ? Le soleil brille sur tout le

après les femmes ; ils sont venus vers lui. Les hommes qui croient qu'une réputation monde. La lune, accompagnée
d'innombrables étoiles, mène même
libertine incitera les femmes à les craindre ou à se méfier d'eux, et devraient faire
paître les bêtes. Ce qui est
minimisé est tout à fait faux. Au contraire, cela les rend plus attirants . La vertueuse duchesse de Montpensier,
la Grande Mademoiselle de l'eau ? Mais cela circule dans le monde entier. C'est l'amour en France au XVIIe
siècle, qui a commencé
par entretenir une amitié avec le débauché seul puis quelque chose de Lauzun, mais
une pensée troublante
lui vint bientôt à l'esprit : si un homme au passé furtif plutôt que celui de Lauzun ne la voyait pas comme
une amante possible, il fallait que quelque chose vous avez tort, quelque chose dont vous pouvez vous glorifier ?
Exactement, c'est juste ça, moi
avec elle. Cette anxiété finit par la pousser dans ses bras. Faire partie du club de conquêtes d'un bon grand séducteur
peut être une question de vanité et de
fierté. Nous sommes des choses de la vie, à moins que les gens ne soient heureux d'être en telle compagnie, de voir
notre nom diffusé en tant que cet
homme ou ne les envient. l'amant de la femme. Votre propre réputation n’est peut­être pas si séduisante, mais vous devez trouver un moyen de

suggérer à votre victime que d’autres, beaucoup d’autres, vous ont trouvé désirable. C'est rassurant. Rien de tel qu’un ­ PETRONIUS, LE SATYRICON,

restaurant rempli de tables vides pour vous dissuader d’y entrer. TRADUIT PAR JP SULLIVAN

Une variante de la stratégie du triangle est l'utilisation des contrastes : une


exploitation prudente des personnes ennuyeuses ou peu attrayantes peut améliorer
votre désirabilité par comparaison. Lors d'une activité sociale, par exemple, assurez­
vous que votre cible doit discuter avec la personne la plus ennuyeuse disponible.
Venez à la rescousse et votre cible sera ravie de vous voir. Dans The Seducer's Diary,
de Søren Kierkegaard, Johannes a des visées sur la jeune innocente Cordelia.
Sachant que son ami Edward est désespérément timide et ennuyeux, il encourage cet
homme à lui faire la cour ; quelques semaines d'attentions d'Edward feront errer ses
yeux à la recherche de quelqu'un d'autre, de n'importe qui d'autre, et Johannes veillera
à ce qu'ils se fixent sur lui. Johannes a choisi d'élaborer des stratégies et de
manœuvrer, mais presque tous les environnements sociaux contiennent des contrastes
que vous pouvez exploiter presque naturellement. L'actrice anglaise du XVIIe siècle
Nell Gwyn est devenue la maîtresse principale du roi Charles II parce que son
humour et son naturel la rendaient d'autant plus désirable parmi les nombreuses
dames raides et prétentieuses de la cour de Charles. Lorsque l'actrice de Shanghai
Jiang Qing rencontra Mao Zedong, en 1937, elle n'eut pas grand­chose à faire pour le
séduire ; les autres femmes de son camp de montagne à Yenan s'habillaient comme
des hommes et n'étaient décidément pas féminines. La seule vue de Jiang suffisait à
séduire Mao, qui quitta bientôt sa femme pour elle. Pour utiliser les contrastes, soit
développez et affichez les attributs attractifs (humour, vivacité, etc.) qui sont les plus
rares dans votre propre groupe social, soit choisissez un groupe dans lequel vos
qualités naturelles sont rares et brilleront.
Le recours aux contrastes a de vastes ramifications politiques, car une personnalité
politique doit aussi séduire et paraître désirable. Apprenez à mettre en valeur les
qualités qui manquent à vos rivaux. Pierre II, tsar de la Russie du XVIIIe siècle, était
arrogant et irresponsable. Son épouse, Catherine la Grande, faisait tout ce qu'elle
pouvait pour paraître modeste et fiable. Lorsque Vladimir Lénine revint en Russie en
1917 après la destitution du tsar Nicolas II, il fit preuve de détermination.
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202 • L'art de la séduction

et la discipline – précisément ce qu’aucun autre dirigeant n’avait à l’époque. Lors de la


campagne présidentielle américaine de 1980, l’irrésolution de Jimmy Carter a rendu
désirable la détermination de Ronald Reagan. Les contrastes sont éminemment séduisants
car ils ne dépendent pas de vos propres mots ou de votre auto­publicité. Le public les lit
inconsciemment et voit ce qu’il veut voir.

Enfin, paraître désiré par les autres augmentera votre valeur, mais souvent la façon
dont vous vous comportez peut également influencer cela. Ne laissez pas vos cibles vous
voir si souvent ; gardez vos distances, semblez inaccessible, hors de leur portée.
Un objet rare et difficile à obtenir est généralement plus prisé.

Symbole : Le Trophée.

Qu'est­ce qui vous donne envie de remporter le trophée et de le considérer comme

quelque chose qui vaut la peine d'être vu, c'est la vue des autres concurrents.

Certains, par bienveillance, voudront peut­être récompenser chacun pour ses efforts,

mais le Trophée perd alors de sa valeur. Il doit représenter non seulement

votre victoire mais la défaite de tous les autres.

Renversement

Il n’y aautres.
pas de renversement. Il est essentiel de paraître désirable aux yeux de
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Créer un besoin—

Remuer l’anxiété et le mécontentement

Un parfaitement satisfait

personne ne peut être séduite. Des tensions et

la discorde doit être instillée dans l’esprit de vos cibles. Remuer

en eux des sentiments de mécontentement, un mécontentement à l'égard de leur

circonstances et avec eux­mêmes : leur vie manque d'aventure, ils

se sont éloignés des idéaux de leur jeunesse, ils sont devenus ennuyeux.

Les sentiments d’inadéquation que vous créez vous donneront de l’espace pour réfléchir.

insinuez­vous, pour qu'ils vous voient comme la réponse à leurs

problèmes. La douleur et l’anxiété sont les précurseurs appropriés

plaisir. Apprendre à fabriquer le besoin

que vous pouvez remplir.


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Ouvrir une plaie

Dans la ville minière d'Eastwood, au centre de l'Angleterre, David Herbert


Lawrence était considéré comme un garçon étrange. Pâle et délicat, il n'avait pas
de temps pour les jeux ou les activités enfantines, mais s'intéressait à la littérature ;
et il préférait la compagnie des filles, qui constituaient la plupart de ses amis.
Lawrence rendait souvent visite à la famille Chambers, qui avait été ses voisins
jusqu'à ce qu'ils quittent Eastwood pour s'installer dans une ferme non loin de là. Il
Personne ne peut tomber
aimait étudier avec les sœurs Chambers, en particulier Jessie ; elle était timide et
amoureux s'il est même
sérieuse, et la convaincre de s'ouvrir et de se confier à lui était un défi agréable. partiellement satisfait de ce qu'il a ou de qu
Jessie est devenue très attachée à Lawrence au fil des années, et il l'est toujours. L’expérience de tomber
amoureux vient du fait
de devenir de bons
amis. une dépression extrême, un Un jour de 1906, Lawrence, alors âgé de vingt et un
ans, ne se montra pas incapable de trouver quelque chose à l'heure habituelle pour sa séance d'étude
avec Jessie. Il est enfin arrivé à beaucoup de choses qui ont de la valeur dans la vie de tous les jours. Le «
symptôme » de plus
tard, dans une humeur qu'elle n'avait jamais vue auparavant : préoccupée et calme.
Maintenant, c'était à son
tour de le faire s'ouvrir. Finalement il parla : il sentait qu'elle recevait l'amour n'est pas le conscient trop
proche de lui. Et son avenir ? Avec qui épouserait­elle ? Certainement pas lui, dit­ le désir de le faire, le désir

il, car ils n'étaient que amis. Mais c'était injuste de sa part de l'empêcher de voir les intense d’enrichir nos vies ; c'est
le sentiment profond de ne
autres. Ils devraient bien sûr rester amis et discuter, mais peut­être moins souvent.
rien valoir et de n'avoir rien
Quand il eut fini et partit, elle ressentit un étrange vide. Elle n’avait pas encore de précieux et la honte de
beaucoup réfléchi à l’amour ou au mariage. Soudain, elle eut des doutes. Quel ne pas l'avoir.
. . . C'est pour
serait son avenir ? Pourquoi n'y pensait­elle pas ? Elle se sentait anxieuse et
cette raison que tomber
bouleversée, sans comprendre pourquoi. amoureux est plus fréquent
Lawrence a continué à lui rendre visite, mais tout avait changé. Il lui reprochait chez les jeunes, car ils sont
profondément incertains,
ceci et cela. Elle n'était pas très physique. Quel genre d'épouse ferait­elle de toute
incertains de leur valeur et ont
façon ? Un homme avait besoin de plus d’une femme que de simples paroles. Il la souvent honte d'eux­mêmes.
comparait à une religieuse. Ils ont commencé à se voir moins souvent. Lorsque, La même chose s’applique

quelque temps plus tard, Lawrence accepta un poste d'enseignant dans une école aux personnes d’autres âges
lorsqu’elles perdent quelque
à l'extérieur de Londres, elle se sentit en partie soulagée de se débarrasser de lui
chose dans leur vie – lorsque
pendant un moment. Mais quand il lui a dit au revoir et lui a laissé entendre que leur jeunesse prend fin ou
c'était peut­être pour la dernière fois, elle s'est effondrée et a pleuré. Puis il a lorsqu’elles commencent à
vieillir.
commencé à lui envoyer des lettres hebdomadaires. Il écrivait sur les filles qu'il
—FRANCESCO ALBERONI,
voyait ; peut­être que l'une d'elles serait sa femme. Finalement, à sa demande, elle
TOMBER AMOUREUX, TRADUIT
lui rendit visite à Londres. Ils s'entendaient bien, comme autrefois, mais il continuait PAR LAWRENCE VENUTI

à la harceler sur son avenir, à gratter cette vieille blessure. À Noël, il était de retour
à Eastwood et, lorsqu'il lui rendit visite, il parut exultant. Il avait décidé que c'était
Jessie qu'il devait épouser, qu'il avait en fait été attiré par elle depuis le début. Ils
devraient garder le silence pendant un moment ; même si sa carrière d'écrivain décollait (son premier

205
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206 • L'art de la séduction

"Que peut être l'Amour roman était sur le point d'être publié), il avait besoin de gagner plus d'argent. Prise de
alors ?" dis­je. "UN
court par cette annonce soudaine et comblée de bonheur, Jessie accepta tout et ils
mortel ?" "Loin de là."
"Eh bien, quoi ?" "Comme dans devinrent amants.
mes exemples précédents, il Bientôt, cependant, le schéma familier se répéta : critiques, ruptures, annonces
est à mi­chemin entre mortel et
selon lesquelles il était fiancé à une autre fille. Cela ne fit qu'approfondir son emprise sur
immortel." Quel type
est­il donc, Diotime ? —
elle. Ce n'est qu'en 1912 qu'elle décide finalement de ne plus jamais le revoir, perturbée
C'est un grand esprit, Socrate ; par le portrait qu'il en fait dans le roman autobiographique Sons and Lovers. Mais Lawrence
tout ce qui est de la nature d'un est resté pour elle une obsession toute sa vie.
esprit est mi­dieu et mi­dieu.
En 1913, une jeune Anglaise nommée Ivy Low, qui avait lu les romans de Lawrence,
homme." . . . "Qui est à lui commença à correspondre avec lui, ses lettres jaillissant d'admiration. Lawrence était
parents ? » ai­je demandé. « C'est désormais marié à une Allemande, la baronne Frieda von Richthofen. À la grande surprise
une assez longue histoire, »
de Low, cependant, il l'a invitée à lui rendre visite, lui et sa femme, en Italie. Elle savait
répondit­elle, « mais je vais vous
la raconter. Le jour de la qu'il était probablement une sorte de Don Juan, mais elle avait hâte de le rencontrer et
naissance d'Aphrodite, les accepta son invitation.
dieux se régalaient, parmi lesquels
Lawrence n'était pas ce à quoi elle s'était attendue : sa voix était aiguë, ses yeux étaient
Contrivance, le fils
d'invention ; et après le dîner,
perçants et il y avait quelque chose de vaguement féminin en lui.
voyant qu'on faisait une fête, la Bientôt, ils se promenèrent ensemble, Lawrence se confiant à Low.
Pauvreté vint mendier et se
Elle sentait qu'ils devenaient amis, ce qui la ravissait. Puis soudain, juste avant qu'elle parte, il se lança dans une série
tint à la porte. Maintenant
de critiques à son encontre – elle était si spontanée, si prévisible, moins humaine qu'elle était ivre de nectar – le vin, puis­

et ce qu'il avait dit était vrai. je dire, n'avait pas botté . . Dévastée par cette attaque inattendue, elle dut néanmoins accepter – pourtant découverte –
Qu'aurait­il pu voir en elle lors de la première sortie dans le jardin du lieu ? Qui était­elle, de toute façon ? Low a quitté l'Italie avec un sentiment de vide, mais
Zeus, submergé par Lawrence,
a continué à lui écrire, comme si de rien n'était. Elle dort bientôt. Alors Pauvreté, pensant soulager ses misérables, se rendit
compte qu'elle était tombée
dit, mais à cause de cela ? à désespérément amoureuse de lui, malgré toute la condition d'avoir un enfant qu'il lui avait dit. Ou n'était­ce pas malgré ce qu'il avait

Contrivance, couché avec En 1914, l'écrivain John Middleton­Murry reçut une lettre de lui et conçut Love.

Depuis que l'Amour est né


Lawrence, un de ses bons amis. Dans la lettre, sortie de nulle part, Lawrence reprochait à Middleton­Murry d'être sans
L'anniversaire d'Aphrodite, et
puisqu'il a aussi un passion et pas assez galant avec sa femme, la romancière Katherine Mansfield. Middleton­Murry écrivit plus tard sa

me faisait ressentir pour passion pour le beau, et donc pour la beauté : « Je n'avais jamais ressenti pour un homme auparavant ce que sa lettre
Aphrodite elle­même, lui. C'était une chose nouvelle, une chose unique, dans mon expérience ; et c'était pour redevenir son disciple et son principal
unique. Il sentait que
derrière les critiques de Lawrence se cachait un étrange serviteur. Encore une fois, avoir une sorte d’affection. Chaque fois qu'il
revoyait Lawrence à partir de
expliquer. mère, il porte le ce moment­là, il ressentait une intrigue pour son père et une pauvreté pour son étrange attirance physique qu'il ne pouvait
battu par les intempéries, sans
personnage suivant. Il est toujours pauvre et, loin d'être sensible et beau, comme la plupart des gens l'imaginent, il est dur et
chaussures et sans abri,
dormant toujours dehors faute de lit, par terre, sur le pas de la porte et dans la rue .
rue.

Interprétation. Le nombre de femmes et d'hommes qui sont tombés sous le charme de


Lawrence est étonnant étant donné à quel point il pouvait être désagréable. Dans presque
tous les cas, la relation a commencé par une amitié : des discussions franches, des
échanges de confidences, un lien spirituel. Puis, invariablement, il se retournait
soudainement contre eux, exprimant de sévères critiques personnelles. Il les connaîtrait
bien à ce moment­là, et les critiques étaient souvent très précises et touchaient une corde sensible.
Jusqu'à présent, il prend soin Cela déclencherait inévitablement une confusion chez ses victimes, ainsi qu’un sentiment
de sa mère et vit dans le besoin.
d’anxiété, le sentiment que quelque chose n’allait pas chez elles. Sortis de leur sentiment
Mais étant aussi celui de son père
habituel de normalité, ils se sentiraient divisés intérieurement. Avec la moitié de leur esprit
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Créer un besoin – susciter l'anxiété et le mécontentement • 207

ils se demandaient pourquoi il faisait cela et estimaient qu'il était injuste ; avec l’autre moitié, ils mon fils, il projette de s'approprier

croyaient que tout était vrai. Puis, dans ces moments de doute, ils recevaient de lui une lettre ou tout ce qui est beau et
bon ; il est audacieux, avant­
une visite dans laquelle il était son ancien moi charmant.
gardiste et acharné, inventant
toujours des tours comme un

Maintenant, ils le voyaient différemment. Maintenant, ils étaient faibles et vulnérables, ayant chasseur rusé.

besoin de quelque chose ; et il aurait l'air si fort. Maintenant, il les attirait vers lui, les sentiments
d'amitié se transformant en affection et en désir. Une fois qu’ils ne se sentaient pas sûrs d’eux­ ­ PLATON, SYMPOSIUM,

TRADUIT PAR WALTER


mêmes, ils étaient susceptibles de tomber amoureux. HAMILTON

La plupart d’entre nous se protègent des rigueurs de la vie en succombant aux routines et
aux schémas, en nous fermant aux autres. Mais derrière ces habitudes se cache un énorme
sentiment d’insécurité et de défensive. Nous avons l'impression de ne pas vraiment vivre. Le Nous sommes tous comme des morceaux
de pièces de monnaie que les enfants cassent
séducteur doit panser cette blessure et amener ces pensées semi­conscientes à leur pleine
la moitié pour les souvenirs
conscience. C’est ce qu’a fait Lawrence : ses coups soudains et brutalement inattendus frappaient – faisant deux d'un, comme le
les gens à leur point faible. poisson plat – et chacun de nous
cherche toujours la moitié qui lui
correspondra.
Bien que Lawrence ait eu beaucoup de succès avec son approche frontale, il est souvent . . Et donc tout

préférable d'attiser indirectement les pensées d'inadéquation et d'incertitude, en faisant allusion à cela est une relique de cet état
originel dans lequel nous étions
des comparaisons avec vous­même ou avec les autres, et en insinuant d'une manière ou d'une
entiers, et maintenant, alors que
autre que la vie de vos victimes est moins belle qu'elle ne l'avait été. imaginé. Vous voulez qu’ils
nous aspirons et suivons cette
se sentent en guerre contre eux­mêmes, déchirés dans deux directions et anxieux à ce sujet. intégralité primitive, nous disons

L'anxiété, sentiment de manque et de besoin, est le précurseur de tout désir. Ces secousses que nous sommes amoureux.

dans l'esprit de la victime créent un espace pour que vous puissiez insinuer votre poison, l'appel
— DISCOURS D'ARISTOPHANE DANS
des sirènes de l'aventure ou de l'épanouissement qui les fera vous suivre dans votre toile. Sans
LE SYMPOSIUM DE PLATON , CITÉ DANS
anxiété et sans sentiment de manque, il ne peut y avoir de séduction. JAMES MANDRELL, DON JUAN

ET LE POINT D'HONNEUR

Le désir et l'amour ont pour objet des choses ou des qualités qu'un homme ne
Don John : Bien rencontré,
possède pas actuellement mais qui lui manque.
jolie jeune fille ! Quoi! Y a­t­il
d'aussi belles créatures que

—SOCRATE vous parmi ces champs, ces arbres


et ces rochers ? • Charlotte : je

je suis comme vous le voyez, monsieur. •

Les clés de la séduction Don John : Êtes­vous de ce groupe

Village? • Charlotte : Oui,


monsieur. • Don John : qu'est­ce que

votre nom? • Charlotte : Charlotta,


Tout lenous­mêmes
monde porteque
un masque dans
nous. Nous nelavoulons
sociétépas
; nous
quefaisons semblant
les autres d'êtrece
perçoivent plus sûrsqui
doute de notre­ Monsieur, à votre service. •
Don John : Ah, quelle belle
sommeille en nous. En vérité, nos egos et nos personnalités sont beaucoup plus fragiles qu’il n’y
personne c'est !
paraît ; ils dissimulent des sentiments de confusion et de vide. En tant que séducteur, vous ne
Quels yeux perçants ! •
devez jamais confondre l’apparence d’une personne avec la réalité. Les gens sont toujours Charlotte : Monsieur, vous faites
susceptibles d'être séduits, car en fait chacun manque d'un sentiment d'intégralité, ressent quelque j'ai honte. . . . • Don

John : Jolie Charlotte, tu n'es


chose qui manque au plus profond de lui­même. Faites remonter leurs doutes et leurs angoisses
pas mariée, n'est­ce pas ? •
à la surface et ils pourront être amenés et attirés à vous suivre. Charlotte : Non, Monsieur, mais je
le serai bientôt, avec Pierrot, fils
de Goody Simonetta. • Don
Personne ne peut vous voir comme quelqu'un à suivre ou à aimer à moins de réfléchir d'abord
Jean :
sur lui­même et sur ce qui lui manque. Avant que la séduction ne commence, vous devez placer Quoi! Il faudrait un tel
un miroir devant eux. comme tu es l'épouse d'un
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208 • L'art de la séduction

Paysan! Non non; c'est une dont ils aperçoivent ce vide intérieur. Conscients d’un manque, ils peuvent désormais se concentrer
profanation de tant de sur vous en tant que personne capable de combler cet espace vide. N'oubliez pas : la plupart d'entre
Beauté. Vous n'êtes pas né
nous sont paresseux. Soulager nous­mêmes nos sentiments d’ennui ou d’incapacité demande trop
pour vivre dans un village.
Vous méritez certainement d’efforts ; laisser quelqu'un d'autre faire le travail est à la fois plus facile et plus excitant. Le désir que
une meilleure fortune, et le quelqu’un comble notre vide est la faiblesse dont se nourrissent tous les séducteurs. Rendre les gens
Ciel, qui le sait bien, m'a
anxieux face à l'avenir, les rendre déprimés, les faire remettre en question leur identité, leur faire
amené ici exprès pour
empêcher ce mariage et ressentir l'ennui qui ronge leur vie. Le terrain est préparé.
rendre justice à vos charmes ;
car enfin, belle Charlotte, je vous Les graines de la séduction peuvent être semées.
aime de tout mon cœur, et si
vous y consentez, je vous
Dans le Banquet de dialogue de Platon – le plus ancien traité occidental sur l'amour et un texte
délivrerai de ce misérable qui a eu une influence déterminante sur nos idées sur le désir – la cour Thésane Diotime explique à
endroit et vous mettrai dans Socrate la filiation d'Éros, le dieu de l'amour.
l'état que vous méritez.
Le père d'Eros était l'Intrusion, ou la Cunning, et sa mère était la Pauvreté, ou le Besoin. Eros tient de
Cet Amour est sans aucun doute ses parents : il est constamment dans un besoin, qu'il ressent soudainement , mais c'est un effet qu'il
cherche constamment à combler. En tant que dieu de l’amour, il sait que l’amour ne peut pas être votre grande Beauté. J'aime induit
chez une autre personne
à moins qu'elle n'en ressente elle aussi le besoin. Et c'est ce que font ses semblables dans un quart de
flèches : transperçant la chair
de votre tâche de des gens, ils leur font ressentir un manque, une douleur, une heure comme j'aurais faim. C'est l'essence
un autre dans six mois. séducteur. Comme Eros, vous devez créer une blessure chez votre victime, en visant son point faible, la

—MOLIÈRE, DON JEAN; OU, faille de son estime de soi. S'ils sont coincés dans une ornière, faites­leur le ressentir plus
LE LIBERTINE, TRADUIT PAR
profondément, en en parlant « innocemment ». Ce que vous voulez, c'est une blessure, une
JOHN OZELL, DANS OSCAR

MANDEL, ED., LE THÉÂTRE DE


insécurité que vous pouvez élargir un peu, une anxiété qui peut être mieux soulagée en vous
DON JUAN
impliquant avec une autre personne, à savoir vous. Ils doivent ressentir la blessure avant de tomber
amoureux. Remarquez comment Lawrence suscitait l'anxiété, frappant toujours le point faible de ses
victimes : pour Jessie Chambers, sa froideur physique ; pour Ivy Low, son manque de spontanéité ;
Car je me tiens ce soir face à
pour Middleton­Murry, son manque de bravoure.
l'ouest sur ce qui était autrefois
la dernière frontière. Des
terres qui s'étendent sur trois Cléopâtre a amené Jules César à coucher avec elle la première nuit où il l'a rencontrée, mais la
à des milliers de kilomètres
véritable séduction, celle qui a fait de lui son esclave, a commencé plus tard. Dans les conversations
derrière moi, les pionniers
d'antan ont abandonné leur qui suivirent, elle parla à plusieurs reprises d'Alexandre le Grand, le héros dont elle était censée
sécurité, leur confort et parfois descendre. Personne ne pouvait se comparer à lui. Implicitement, César s’est senti inférieur.
leur vie pour construire un nouveau monde ici, à
Comprenant que derrière sa bravade César n'était pas sûr de lui, Cléopâtre éveilla en lui une anxiété,
le Ouest. Ils n’étaient pas
une soif de prouver sa grandeur. Une fois qu'il ressentait cela, il était facilement davantage séduit. Les
captifs de leurs propres
doutes, prisonniers de leurs doutes sur sa masculinité étaient son point sensible.
propres prix. Leur devise n'était
pas « chacun pour soi, mais «
Lorsque César fut assassiné, Cléopâtre se tourna vers Marc Antoine, l'un des successeurs de
tous pour la cause commune ».
Ils étaient déterminés à faire en César à la tête de Rome. Antoine aimait le plaisir et le spectacle, et ses goûts étaient bruts. Elle lui
sorte que
apparut d'abord sur sa barque royale, puis lui offrit du vin, du dîner et un banquet. Tout était fait pour
ce nouveau monde fort et libre,
lui suggérer la supériorité du mode de vie égyptien sur le mode de vie romain, du moins en matière
pour surmonter ses aléas
et ses difficultés, pour vaincre de plaisir. En comparaison, les Romains étaient ennuyeux et peu sophistiqués. Et une fois qu'Antoine
les ennemis qui menaçaient de a compris à quel point il lui manquait de passer son temps avec ses soldats ennuyeux et sa matrone
l'extérieur et de l'intérieur. •
épouse romaine, il a pu lui faire voir Cléopâtre comme l'incarnation de tout ce qui était passionnant. Il
Aujourd'hui, certains
. . . diraient
que ces luttes sont terminées,
est devenu son esclave.
que tous les horizons ont été
explorés, que toutes les batailles
ont été gagnées, qu'il n'y
a plus de C'est l'attrait de l'exotisme. Dans votre rôle de séducteur, essayez de vous positionner comme
venant de l'extérieur, comme un étranger en quelque sorte. Vous représentez
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Créer un besoin – susciter l'anxiété et le mécontentement • 209

changement, différence, rupture des routines. Faites sentir à vos victimes qu'en Frontière américaine. • Mais
j'espère que personne ici
comparaison, leur vie est ennuyeuse et leurs amis moins intéressants qu'elles ne le
une vaste assemblée sera
pensaient. Lawrence a fait en sorte que ses cibles se sentent personnellement d’accord avec ces sentiments. .. .
inadéquates ; si vous avez du mal à être aussi brutal, concentrez­vous sur leurs amis, • . . .
Je vous le dis, la
leurs circonstances, les aspects extérieurs de leur vie. Il existe de nombreuses légendes Nouvelle Frontière est là, que
. .. Il
nous la cherchions ou non.
sur Don Juan, mais elles le décrivent souvent en train de séduire une fille du village en lui
serait plus facile de reculer
faisant sentir que sa vie est horriblement provinciale. Lui, quant à lui, porte des vêtements devant cette frontière, de se
scintillants et a une allure noble. Étrange et exotique, il vient toujours d'ailleurs. tourner vers la médiocrité sûre

Elle ressent d’abord l’ennui de sa vie, puis elle le considère comme son salut. du passé, de se laisser bercer
par les bonnes intentions et la
Rappelez­vous : les gens préfèrent penser que si leur vie est inintéressante, ce n'est pas rhétorique noble – et ceux qui
à cause d'eux­mêmes mais à cause de leur situation, des gens ennuyeux qu'ils préfèrent que bien sûr, ils ne

connaissent, de la ville dans laquelle ils sont nés. Une fois qu’on leur a fait ressentir votent pas pour moi, quel que
soit le parti. • Mais je crois que
l’attrait de l’exotisme, la séduction est facile. les temps
Un autre domaine diablement séduisant à cibler est le passé de la victime. Vieillir, exiger une invention,

c’est renoncer ou compromettre ses idéaux de jeunesse, c’est devenir moins spontané, innovation, imagination, décision.
Je demande à chacun d'entre vous
moins vivant en quelque sorte. Cette connaissance sommeille en chacun de nous. En
d'être de nouveaux pionniers sur
tant que séducteur, vous devez le faire remonter à la surface, montrer clairement à quel cette Nouvelle Frontière. Mon appel
point les gens se sont éloignés de leurs objectifs et idéaux passés. À votre tour, vous s’adresse aux jeunes de
cœur, quel que soit leur âge.
vous présentez comme représentant cet idéal, comme offrant une chance de retrouver la
jeunesse perdue par l’aventure – par la séduction. Dans ses dernières années, la reine ­JOHN F. KENNEDY,

DISCOURS D'ACCEPTATION COMME LE


Elizabeth I d'Angleterre était connue comme une dirigeante plutôt sévère et exigeante. CANDIDATURE PRÉSIDENTIELLE DE LA

Elle se faisait un devoir de ne pas laisser ses courtisans voir quoi que ce soit de doux ou PARTI DÉMOCRATIQUE, CITÉ DANS

JOHN HELLMANN, LE
de faible en elle. Mais ensuite Robert Devereux, le deuxième comte d'Essex, est venu au
L'OBSESSION DE KENNEDY : LE

tribunal. Beaucoup plus jeune que la reine, la fringante Essex la réprimandait souvent pour son
MYTHEaigreur.
AMÉRICAIN DE JFK

La reine lui pardonnerait : il était si exubérant et spontané qu'il ne pouvait pas se contrôler.
Mais ses commentaires lui ont mis sous la peau ; en présence d'Essex, elle se souvint
de tous les idéaux de jeunesse – fougue, charme féminin – qui avaient depuis disparu de
sa vie. Elle sentait également un peu de cet esprit de jeune fille revenir lorsqu'elle était Le rythme normal de la vie oscille
en général entre une légère
avec lui. Il est rapidement devenu son préféré et elle est vite tombée amoureuse de lui. satisfaction de soi et un léger
La vieillesse est constamment séduite par la jeunesse, mais les jeunes doivent d'abord inconfort, provenant de

faire comprendre ce qui manque aux plus âgés, comment ils ont perdu leurs idéaux. C’est la connaissance de ses défauts
personnels. Nous aimerions
alors seulement qu’ils sentiront que la présence des jeunes leur permettra de retrouver
être comme
cette étincelle, cet esprit rebelle que l’âge et la société ont conspiré pour réprimer.
beau, jeune, fort ou intelligent
comme les autres personnes de
Ce concept a des applications infinies. Les entreprises et les politiciens savent qu’ils
notre connaissance. Nous
ne peuvent pas inciter leur public à acheter ce qu’ils veulent qu’ils achètent ou à faire ce souhaitons pouvoir réaliser autant que

qu’ils veulent qu’ils fassent, à moins d’éveiller au préalable un sentiment de besoin et de ils aspirent à des avantages

mécontentement. Rendez les masses incertaines quant à leur identité et vous pouvez les et des positions similaires, à un
succès identique ou supérieur.
aider à la définir. Cela est aussi vrai des groupes ou des nations que des individus : on Se réjouir de soi est l'exception
ne peut les séduire sans leur faire éprouver un certain manque. Une partie de la stratégie et, bien souvent, un écran de
fumée que nous produisons
électorale de John F. Kennedy en 1960 consistait à rendre les Américains mécontents
pour nous­mêmes et bien
des années 1950 et de l'ampleur avec laquelle le pays s'était éloigné de ses idéaux. En sûr pour les autres. Quelque
parlant des années 1950, il n’a pas mentionné la stabilité économique du pays ni son part, il y a un sentiment persistant
d’inconfort envers nous­
émergence en tant que superpuissance. Il a plutôt laissé entendre que cette période était
mêmes et une légère aversion
marquée par le conformisme, l’absence de risque et d’aventure, la perte de nos valeurs pour nous­mêmes. J'affirme
frontalières. Voter pour Kennedy, c'était embarquer qu'une augmentation de
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210 • L'art de la séduction

cet esprit de mécontentement dans une aventure collective, pour revenir aux idéaux auxquels nous avions renoncé. Mais avant que quiconque ne rejoigne sa
rend une personne particulièrement
croisade, il fallait qu’il soit conscient de tout ce qu’il avait perdu, de ce qui manquait. Un groupe, comme un individu, peut
susceptible de « tomber
amoureuse. ».. .Dans la plupart des cas s’enliser dans la routine et perdre la trace de ses objectifs initiaux. Trop de prospérité l'enlève de cette attitude d'inquiétude qui

ce sentiment latent que tout n’est est inconsciente, mais chez certains elle fait force. Vous pouvez séduire une nation entière en visant son insécurité collective ,
pas ce qu’il semble être. Susciter
une conscience d'insatisfaction sous la forme d'une faction à l'égard du présent et rappeler aux gens un passé glorieux peut
provoquer un léger malaise,
une insatisfaction stagnante ou perturber leur sentiment d'identité. Ensuite, vous pourrez être celui qui le redéfinira – une prise de
conscience de la grande séduction
bouleversée . sans savoir pourquoi.

—THÉODOR REIK,

D'AMOUR ET DE LUXE Symbole : Flèche de Cupidon. Ce qui éveille le désir chez le séduit, c'est

pas un toucher doux ou une sensation agréable ; c'est une blessure. L'ar­

la dispute crée une douleur, un mal, un besoin de soulagement Avant le désir

il doit y avoir de la douleur. Dirigez la flèche vers la victime

point le plus faible, créant une blessure que vous

peut ouvrir et rouvrir.

Renversement

Si vous allez trop loin en réduisant l'estime de soi des cibles, elles risquent de se sentir trop intégrées.
je
sécurisé pour entrer dans votre séduction. Ne soyez pas autoritaire ; comme Lawrence,
faites toujours suivre l’attaque blessante d’un geste apaisant.
Sinon, vous les aliénerez simplement.
Le charme est souvent une voie de séduction plus subtile et plus efficace. Le
Le Premier ministre victorien Benjamin Disraeli a toujours aidé les gens à se sentir mieux dans
leur peau. Il s'en remettait à eux, les plaçait au centre de l'attention, les faisait se sentir pleins
d'esprit et dynamiques. Il était une aubaine pour leur vanité et ils devinrent dépendants de lui.
C'est une sorte de séduction diffuse, dépourvue de tension et des émotions profondes que
suscite la variété sexuelle ; il contourne la faim des gens, leur besoin d'une sorte
d'épanouissement. Mais si vous êtes subtil et intelligent, cela peut être un moyen d’abaisser
leurs défenses et de créer une amitié non menaçante. Une fois qu'ils sont ainsi sous votre
charme, vous pouvez alors ouvrir la plaie. En effet, après que Disraeli eut charmé la reine
Victoria et noué une amitié avec elle, il lui fit se sentir vaguement incompétente dans
l'établissement d'un empire et la réalisation de ses idéaux. Tout dépend de la cible. Les
personnes en proie à des insécurités peuvent avoir besoin d’une variété plus douce. Une fois
qu'ils se sentent à l'aise avec vous, dirigez votre

flèches.
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Maîtrisez l’art de l’insinuation

Faire en sorte que vos cibles se sentent déçues

satisfait et ayant besoin de votre attention.

tion est essentielle, mais si vous êtes trop évident,

ils verront à travers vous et deviendront sur la défensive.

Il n'existe cependant aucune défense connue.

contre l'insinuation ­ l' art de la plante ­

idées dans l'esprit des gens en

laissant tomber des allusions insaisissables selon lesquelles

prendre racine quelques jours plus tard, même

leur apparaissant comme

leur propre idée. Insinua­

tion est le moyen suprême

d'influencer les gens. Cré­

mangé un sous­langage – état gras –

ments suivis d’une rétractation et

excuses, commentaires ambigus, propos banals

combiné avec des regards séduisants ­ qui entre

l'inconscient de la cible pour transmettre votre réalité

signification. Rendez tout suggestif.


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Désir insinuant
Un soir des années 1770, un jeune homme se rend à l'Opéra de Paris pour
rencontrer son amante, la comtesse de . Le couple s'était disputé et il
avait hâte de la revoir. La comtesse n'était pas encore arrivée à sa loge, mais
d'une loge voisine, une de ses amies, Madame de T. appela le jeune ,
homme à la rejoindre, lui faisant remarquer que c'était une excellente chance
qu'ils s'étaient rencontrés ce soir­là : il doit lui tenir compagnie lors d'un voyage Alors que nous étions sur le point

qu'elle devait faire. Le jeune homme voulait de toute urgence voir la comtesse, d'entrer dans la chambre, elle
m'a arrêté. "Rappelez­vous", dit­elle
mais Madame était charmante et insistante et il accepta de l'accompagner.
gravement, "vous êtes censé
Avant qu'il puisse demander pourquoi ou où, elle l'escorta rapidement jusqu'à n'avoir jamais vu, ni même
sa voiture à l'extérieur, qui partit ensuite à toute vitesse. soupçonné, le sanctuaire
que vous vous apprêtez à
Le jeune homme ordonna alors à son hôtesse de lui dire où elle l'emmenait. Au début, elle s'est contentée de rire,
entrer. . visiter...".• Tout
. . ça
mais finalement elle lui a dit : au château de son mari. Le couple s'était séparé, mais avait décidé de se réconcilier. Elle c'était comme un rite d'initiation.

me conduisit par la main à travers un petit cile sombre ; cependant, son mari était ennuyeux et elle se sentait dans le couloir un charmant jeune homme. Mon
cœur était comme si lui­
même allait animer les choses. Le jeune homme était intrigué : Madame martelant comme si j'étais une femme plus âgée,
avec une réputation d'être plutôt
formelle, bien que lui un jeune prosélyte mis à l'épreuve avant de savoir aussi qu'elle avait un amant, un marquis. Pourquoi l'avait­elle choisi pour cette ex­

célébration de la grande cursion ? Son histoire n'était pas tout à fait crédible. Puis, tandis qu'ils voyageaient, elle suggéra ... " Mais les mystères... lui suggéra de
regarder par la fenêtre le
paysage qui défilait, comme elle le faisait. votre Comtesse ... " elle Il dut se pencher vers elle pour ce faire, et exactement
comme il l'a fait, dit la voiture en
s'arrêtant. J'étais sur le point de répondre quand les portes claquèrent. Elle lui saisit la main et tomba dans ses bras. Elle y resta pendant une journée
. .
ouverte ; ma
réponse fut momentanée, puis je m'éloignai de lui assez brusquement. Après un si gênant, interrompu par l'admiration. Alors, dit­elle, "Voulez­vous me

convaincre de mon imprudence dans votre démarche. J'étais étonnée, ravie, je ne la considère plus ?" Il a protesté que l'incident était un accident et m'a rassuré
de savoir ce que j'étais
devenu, qu'il se comporterait bien. En vérité, cependant, l'avoir dans ses bras et j'ai commencé en toute bonne foi l'avait fait
penser autrement. croire à la
magie. .

. . En

Ils arrivèrent au château. Le mari vient à leur rencontre et le jeune homme vérité, je me trouvais dans une
vaste cage de miroirs sur
leur exprime son admiration pour l'immeuble : « Ce que vous voyez n'est rien,
lesquels des images étaient
interrompit Madame, il faut que je vous conduise chez Monsieur. si artistiquement peintes
Avant qu'il puisse lui demander ce qu'elle voulait dire, le sujet fut rapidement qu'elles produisaient l'illusion de
tous les objets qu'elles
changé. Le mari était effectivement ennuyeux, mais il s'excusa après le souper.
représentaient.
Maintenant Madame et le jeune homme étaient seuls. Elle l'invita à se promener
­ ILS VIVENT DENON, NON
avec elle dans les jardins ; c'était une soirée splendide, et tandis qu'ils DEMAIN", DANS MICHEL FEHER,

marchaient, elle glissa son bras dans le sien. Elle ne craignait pas qu'il profite ED., LE LECTEUR LIBERTIN

d'elle, dit­elle, car elle savait à quel point il était attaché à sa bonne amie la
comtesse. Ils parlèrent d'autre chose, puis elle revint au sujet de

213
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214 • L'art de la séduction

quelques années à peine, son amant : "Est­ce qu'elle te rend tout à fait heureux ? Oh, je crains le contraire, et cela Il y a
dans notre ville natale, où la fraude me tourmente...
. . N'êtes­vous pas souvent victime de ses étranges caprices ? » Pour faire prospérer
davantage la surprise du
jeune homme, Madame se mit à parler de la comtesse d'une manière plutôt que d'amour ou de loyauté, là qui
faisait croire qu'elle lui avait
Madame soupira ­ elle été infidèle. qui était quelque­ était une noble d'une beauté saisissante et chose qu'il avait soupçonnée).
regretta d'avoir dit de telles choses, d' une éducation impeccable, qui à propos de son ami, et lui demanda de lui pardonner; puis,
comme si une nouvelle
pensée était dotée par La nature lui était venue à l'esprit, elle parlait d'un pavillon voisin, un endroit charmant, au
tempérament aussi élevé
clé. pourtant ilset astucieux, plein de souvenirs agréables. Mais le malheur était qu'il était fermé à clé et qu'elle n'avait pas de
trouvèrent le chemin du pavillon, et voilà que dans n'importe quelle autre cale pour femmes, la porte était restée ouverte. Il faisait sombre à
l'intérieur, mais le jeune
homme de son temps. . • Cela pouvait sentir que c'était un Ils entrèrent et se laissèrent tomber sur un canapé,
madame, étant de naissance
. .
Madame parut le repousser, douce et se trouvant mariée et avant qu'il sache ce qui lui arrivait, il la prit dans ses bras. chez un maître lainier­
Était­il allé trop loin ? Il devait mais ensuite céda. Finalement elle revint au drapier car il reprit ses esprits : ils devaient rentrer à la maison.
être très riche, il était incapable
d'étouffer sa sincère tentative de se contrôler. mépris, car elle l'était. Tandis qu'ils rentraient à la maison,
Madame dit : « Quel délice
aucun homme de condition d'opinion cette nuit merveilleuse que nous venons de passer. Faisait­elle référence à ce qui n'était arrivé à
une épouse noble. poursuivit, inférieure, aussi riche soit­il, le pavillon ? "Il y a une pièce encore plus charmante dans le château", mérite­t­elle
"mais je ne peux rien
vous montrer", ce qui sous­entend
qu'il avait été trop
avant...
reprises malgré qu'il en soit Et en découvrant tout cela . Elle avait évoqué cette pièce (« l'appartement de Monsieur ») à plusieurs

richesse massive, il capable auparavant ; il ne pouvait pas imaginer ce qu'il pouvait y avoir de si intéressant à cela, mais par sa
distinguait désormais la laine, il mourait d'envie de la voir et a insisté pour qu'elle la lui montre. "Si vous promettez du coton, supervisez­
le , ce sera bien", répondit­
elle, les yeux écarquillés. A travers l'obscurité de l' installation d'un métier à tisser ou d'une maison, elle le
conduisit dans la pièce qui,
pour son plus grand plaisir, était une sorte de débat tempéré sur les vertus d'un fil particulier avec beaucoup de
plaisir : il y avait des miroirs
et une statue d'Eros sur le sol. murs, peintures en trompe l'œil , fileuse, elle évoquant une scène forestière, voire une grotte sombre,
enguirlandée. résolu qu'en
ce qui concerne Accablé par l'ambiance des lieux, le jeune homme reprit vite en son pouvoir elle n'aurait rien de
ce qu'il avait commencé
dans le pavillon, et aurait perdu toute notion du temps quoi que ce soit à voir avec le sien si un Le domestique
ne s'était pas précipité pour
les avertir qu'il commençait à faire jour dehors : Monsieur allait bientôt se lever.

caresses bestiales. De plus,


elle était déterminée à chercher
son plaisir ailleurs, en Ils se séparèrent rapidement. Plus tard dans la journée, alors que le jeune
compagnie de quelqu'un
homme s'apprêtait à partir, son hôtesse lui dit : " Au revoir, Monsieur ; je vous dois
qui semblait plus digne de son
affection, et c'est ainsi qu'elle tant de plaisirs ; mais je vous ai payé d'un beau rêve. Maintenant votre amour vous
tomba profondément rendre. . . appelle. Ne donnez pas à la Comtesse raison de me disputer. » En
amoureuse d'un homme réfléchissant à son expérience sur le chemin du retour, il ne parvenait pas à
extrêmement éligible d'une trentaine d'années. Et
chaque fois qu'un jour se
comprendre ce que cela signifiait. Il avait la vague sensation d'avoir été utilisé, mais
passait sans qu'elle l'ait vu, les plaisirs dont il se souvenait l'emportaient sur ses doutes.
elle était agitée toute la nuit
suivante. Cependant ,
monsieur ne se
doutait de rien de tout cela Interprétation. Madame de T est un personnage de la nouvelle libertine du XVIIIe
et n'y prêtait aucune siècle « Sans lendemain » de Vivant Denon. Le jeune homme est le narrateur de
attention ; et de son côté, très
l'histoire. Bien que fictives, les techniques de Madame s'inspiraient clairement de
prudente, elle n'oserait pas lui
déclarer sa flamme en lui
celles de plusieurs libertins bien connus de l'époque, maîtres du jeu de la séduction.
envoyant une servante ou Et la plus dangereuse de leurs armes était l'insinuation, le moyen par lequel Madame
en lui écrivant. envoûtait le jeune homme, le faisait passer pour l'agresseur, lui donnait la nuit de
plaisir qu'elle désirait,
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Maîtriser l'art de l'insinuation • 215

et sauvegarder sa réputation d’innocente, d’un seul coup. Après tout, c’est lui qui a une lettre, par crainte des

initié le contact physique, du moins semble­t­il. En vérité, c'était elle qui contrôlait, dangers que cela pourrait
entraîner. Mais après
plantant précisément dans son esprit les idées qu'elle voulait. Cette première
s'être aperçue qu'il entretenait
rencontre physique dans la calèche, par exemple, qu'elle avait organisée en l'invitant des relations très amicales avec
à se rapprocher : elle lui reprochait plus tard d'être en avant, mais ce qui restait un certain prêtre, un individu
gros et grossier, qui passait
dans son esprit, c'était l'excitation du moment. Son discours sur la comtesse le rendit
pourtant pour un frère
confus et coupable ; mais ensuite elle a laissé entendre que son amant était infidèle, remarquablement compétent
semant une graine différente dans son esprit : la colère et le désir de vengeance. en raison de sa manière de vivre
très sainte, elle calcula que
Puis elle lui a demandé d'oublier ce qu'elle avait dit et de lui pardonner de l'avoir dit,
cet homme servirait de modèle
une tactique insinuante clé : "Je vous demande d'oublier ce que j'ai dit, mais je sais idéal. intermédiaire entre elle et
que vous ne pouvez pas ; cette pensée restera dans votre esprit." Provoqué de l' homme qu'elle aimait. Ainsi,
après avoir réfléchi à la
cette façon, il était inévitable qu'il l'attrape dans le pavillon. Elle évoqua à plusieurs
stratégie qu'elle adopterait,
reprises la chambre du château. Bien sûr, il insista.
elle se rendit, à une heure
y aller. Elle a enveloppé la soirée dans un air d'ambiguïté. Même ses mots « Si tu convenable de la journée,

promets d’être bon » pourraient être interprétés de plusieurs manières. La tête et le à l'église où il se trouvait, et
l'ayant recherché, elle lui demanda
cœur du jeune homme étaient enflammés par tous les sentiments – mécontentement,
s'il accepterait de se
confusion, désir – qu'elle lui avait indirectement inculqués. confesser. son. • Puisqu'il pouvait
le dire à un moment donné
Surtout dans les premières phases d'une séduction, apprenez à faire de tout ce
que vous dites une sorte d'insinuation. Insinuer le doute en faisant un commentaire
ici et là sur d'autres personnes dans la vie de la victime, la faisant se sentir vulnérable. voyant qu'elle était une dame de
Un léger contact physique insinue le désir, tout comme un regard éphémère mais qualité, le frère entendit avec
joie sa confession, et lorsqu'elle
mémorable, ou un ton de voix inhabituellement chaleureux, tous deux pour un instant
fut arrivée au bout, elle
très bref. Un commentaire passager suggère que quelque chose chez la victime continua ainsi : • « Père , comme
vous intéresse ; mais restez subtil, vos mots révélant une possibilité, créant un doute. je vais vous l'expliquer tout à

Vous plantez des graines qui prendront racine dans les semaines à venir. l'heure, il y a une certaine
affaire à propos de ce que je suis
Lorsque vous n’êtes pas là, vos cibles fantasmeront sur les idées que vous avez
suscitées et rumineront leurs doutes. Ils sont lentement dirigés vers votre site Web, obligé de solliciter vos
conseils et votre aide.
ignorant que vous en avez le contrôle. Comment peuvent­ils résister ou devenir sur
Vous ayant déjà dit mon nom,
la défensive s’ils ne peuvent même pas voir ce qui se passe ?
je suis sûr que vous connaîtrez
ma famille et mon mari. Il
Ce qui distingue une suggestion d'autres types d'influence psychique, m'aime plus que la vie elle­
même, et comme il est
comme un ordre ou le fait de donner une information ou une instruction,
extrêmement riche, il n'a jamais
c'est que dans le cas d'une suggestion, une idée est éveillée dans le la moindre difficulté ni la
cerveau d'une autre personne qui n'est pas examinée. quant à son moindre hésitation à me
origine, mais il est accepté comme s'il était apparu spontanément dans fournir chaque objet pour lequel

ce cerveau. j'éprouve une nostalgie.

­SIGMUND FREUD Par conséquent, mon amour


pour lui est sans limites, et si
mes simples pensées, sans
parler de mon comportement réel,
Les clés de la séduction devaient aller à l'encontre
de ses souhaits et de son
honneur, je serais plus
méritant le feu de l'enfer que
Vous ne pouvez les
persuader pasgens
traverser la vie sans
de quelque essayer
chose. d'une
Prenez manière
la route ou d'une
directe, autre de
en disant la femme la plus méchante qui

exactement ce que vous voulez, et votre honnêteté peut vous faire du bien, mais ait jamais vécu. • "Maintenant, il y
a une certaine personne,
vous n’allez probablement nulle part. Les gens ont leurs propres idées, qui sont
d'apparence respectable
gravées dans le marbre par l’habitude ; vos mots, entrant dans leur esprit, com­
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216 • L'art de la séduction

est proche ne mène nulle Pete avec les milliers d'idées préconçues qui sont déjà là, et l'apparence, qui, sauf erreur de ma part,
part. En outre, les gens
n'apprécient pas que vous tentiez de les persuader, comme s'ils vous connaissaient. Ils étaient
incapables de décider
plutôt comme le pouvoir par eux­mêmes, comme si vous le saviez mieux. Je ne pouvais vraiment pas dire ce qu'il considérait
patience et de l'art, maisd'insinuation et de suggestion. Il faut un certain nom, mais il est grand et beau, ses vêtements sont de la
les résultats en valent
largement la peine. brun et élégamment coupé, et, peut­être parce qu'il ignore
ma nature résolue, il
semble m'avoir assiégé. Il Le fonctionnement de l'insinuation est simple : déguisé en une remarque ou une
apparaît infailliblement rencontre banale, un indice est laissé tomber. Il s'agit d'un problème émotionnel – d'un plaisir
chaque fois que je regarde possible non encore atteint, d'un manque d'excitation dans la vie d'une personne. L'allusion
par la fenêtre, que je me
s'enregistre au fond de l'esprit de la cible, un coup subtil sur ses insécurités ; sa source est
tiens devant la porte
d'entrée ou que je vite oubliée. C'est trop subtil pour être mémorable sur le moment, et plus tard, quand il prend
quitte la maison, et je racine et grandit, il semble avoir émergé naturellement de l'esprit de la cible, comme s'il était
suis en fait surpris qu'il
là depuis le début. L'insinuation permet de contourner la résistance naturelle des gens, car ils
ne soit pas là maintenant.
Inutile de dire que tout cela semblent n'écouter que ce qui est né en eux­mêmes. C'est un langage à part entière,
me dérange beaucoup, car communiquant directement avec l'inconscient. Aucun séducteur, aucun persuasif ne peut
sa conduite donne
espérer réussir sans maîtriser le langage et l’art de l’insinuation.
souvent une mauvaise
réputation à une femme
honnête, même si elle est Un homme étrange arriva un jour à la cour de Louis XV. Personne ne savait rien de lui, et son
tout à fait innocente. accent et son âge étaient indétectables. Il se faisait appeler Comte Saint­Germain. Il était visiblement
• Pour le " . . .
riche ; toutes sortes de pierres précieuses amour de Dieu, donc moi et des diamants brillaient sur sa
veste, ses manches, ses
du violon à la perfection,chaussures, ses doigts. Il vous implore de lui parler sévèrement et de vous persuader de pouvoir jouer
peindre magnifiquement. Mais ce qui le poussait le plus à s'abstenir de ses propos toxiques, c'était sa conversation. importunités.
Il y a bien d'autres
femmes qui trouvent sans doute ce genre de choses amusantes et qui
apprécieront d'être
lorgnées et espionnées par En vérité, le comte était le plus grand charlatan du XVIIIe siècle, un homme qui maîtrisait
lui, mais personnellement, l'art de l'insinuation. À mesure qu'il parlait, un mot s'échappait ici et là, une vague allusion à la
je n'ai aucune inclination
pierre philosophale, qui transformait le vil métal en or, ou à l'élixir de vie. Il n'a pas dit qu'il
pour cela et je trouve son
comportement extrêmement possédait ces choses, mais il vous a fait l'associer à leurs pouvoirs. S'il avait simplement
désagréable. " • Et affirmé les détenir, personne ne l'aurait cru et les gens se seraient détournés. Le comte
ayant atteint A la pourrait faire référence à un homme décédé quarante ans plus tôt comme s'il l'avait connu
fin de son discours, la
personnellement ; s'il en était ainsi, le comte aurait dû avoir environ quatre­vingts ans, même
dame baissa la tête
comme si elle allait s'il paraissait avoir une quarantaine d'années. Il a évoqué l'élixir de vie. .. . il en a l'air
fondre en larmes. • Le
révérend frère comprit
aussitôt de qui elle
parlait, et après avoir jeune. . . .
chaleureusement loué sa La clé des paroles du comte était le flou. Il laissait toujours ses allusions dans une
pureté d'esprit... il promit
conversation animée, des notes d'agrément dans une mélodie continue. Ce n’est que plus
de prendre toutes les
mesures nécessaires tard que les gens réfléchiront à ce qu’il avait dit. Au bout d'un moment, les gens ont commencé
pour que le garçon cesse à venir le voir, s'enquérant de la pierre philosophale et de l'élixir de vie, sans se rendre compte
de l'ennuyer. • Peu. de
que c'était lui qui avait implanté ces idées dans leur esprit.
temps après, le
monsieur en question N'oubliez pas : pour semer une idée séduisante, vous devez faire appel à l'imagination des
rendit une de ses visites gens, à leurs fantasmes, à leurs aspirations les plus profondes. Ce qui fait tourner les roues,
régulières au. révérend
. .
c'est de suggérer des choses que les gens veulent déjà entendre : la possibilité de plaisir, de
frère, et après avoir discuté
richesse, de santé, d'aventure. En fin de compte, ces bonnes choses s’avèrent être
ensemble pendant un
moment sur des précisément ce que vous semblez leur offrir. Ils viendront vers vous comme s’ils étaient seuls,
questions générales ignorant que vous leur avez insinué l’idée dans la tête.
En 1807, Napoléon Bonaparte décida qu’il était essentiel pour lui de gagner à ses côtés
le tsar russe Alexandre Ier. Il voulait deux choses du
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Maîtriser l'art de l'insinuation • 217

tsar : un traité de paix dans lequel ils acceptaient de diviser l'Europe et le Moyen­Orient ; Sur certains sujets, le frère
et une alliance matrimoniale, dans laquelle il divorcerait de sa femme Joséphine et se l'attira à part et lui
reprocha d'une manière très
marierait avec la famille du tsar. Au lieu de proposer ces choses directement, Napoléon
aimable les regards
décide de séduire le tsar. Utilisant les rencontres sociales polies et les conversations amoureux que, comme la
amicales comme champs de bataille, il se mit au travail. dame lui avait fait
comprendre, il croyait
Un lapsus apparent révéla que Joséphine ne pouvait pas avoir d'enfants ; Napoléon
qu'il jetait sur elle. • Non
changea rapidement de sujet. Un commentaire ici et là semblait suggérer un lien entre
les destins de la France et de la Russie. Un soir, juste avant de se séparer, il parla de contre nature, le monsieur
était étonné, car il n'avait
son désir d'avoir des enfants, soupira tristement, puis s'excusa pour se coucher, laissant
jamais même regardé la
le tsar dormir là­dessus. Il escorta le tsar à une pièce de théâtre sur les thèmes de la dame et il était très rare
gloire, de l'honneur et de l'empire ; désormais, dans des conversations ultérieures, il qu'il passait devant sa
maison. • Le. . .
pouvait dissimuler ses insinuations sous le couvert de discussions sur la pièce. En
Monsieur, étant un peu
quelques semaines, le tsar parlait à ses ministres d'une alliance de mariage et d'un traité
plus perspicace que le
avec la France comme s'il s'agissait de ses propres idées. révérend frère, ne tarda
pas à apprécier l'intelligence
de la dame, et prenant
Les lapsus de langue, les commentaires apparemment involontaires du genre «
une expression un peu
dormir là­dessus », les références alléchantes, les déclarations pour lesquelles vous penaude, il promit de ne
vous excusez rapidement – tout cela a un immense pouvoir d'insinuation. Ils s'insèrent plus la déranger. Mais après
avoir quitté le frère, il se
dans la peau des gens comme des fils empoisonnés et mènent leur propre vie. La clé
dirigea vers la maison de
pour réussir vos insinuations est de les faire lorsque vos cibles sont les plus détendues la dame, qui veillait
ou distraites, afin qu'elles ne soient pas conscientes de ce qui se passe. Les plaisanteries continuellement à une
petite fenêtre pour qu'elle
polies sont souvent la façade parfaite pour cela ; les gens réfléchissent à ce qu’ils vont
dire ensuite ou sont absorbés par leurs propres pensées. Vos insinuations seront à peine je le verrais s'il
enregistrées, c'est comme ça que vous le souhaitez. passait par là. . . .
Et à partir de ce jour­
là , lors d'une de ses premières campagnes, John F. Kennedy s'adressa à un groupe d'
attaquants, en commençant par des
vétérans. Les exploits courageux de Kennedy pendant la Seconde Guerre mondiale – l'incident du PT­109 – la prudence
maximale avait fait de lui un héros de guerre – étaient connus de tous ; mais dans son discours, il donnait l'impression qu'il
hommes sur le bateau, sans jamais mentionner lui­même. Il savait, cependant qu'il était engagé dans parlait des autres
d'autres activités , que ce
qu'il avait fait était dans l'esprit de tout le monde, car en fait, c'était son affaire entièrement, il l'avait
mis là. Non seulement son silence
sur le sujet leur faisait penser à un visiteur régulier du quartier, mais il faisait paraître Kennedy humble et modeste,
caractéristiques de ce quartier. va bien avec l'héroïsme. En séduction, comme le conseillait la courtisane française
Ninon de l'Enclos, il vaut mieux ne pas parler de son amour pour une personne. Laissez votre cible —GIOVANNI BOCCACCIO, LE

DÉCAMERON, TRADUIT PAR


le lire à votre manière. Votre silence sur le sujet aura plus de pouvoir insinuant que si vous l’aviez
G . H. MCWILLIA marie
abordé directement.

Les mots ne sont pas les seuls à insinuer ; faites attention aux gestes et aux regards.
Les regards sont
La technique préférée de Madame Récamier était de garder ses propos banals et son l'artillerie lourde du
regard aguicheur. Le flux de la conversation empêcherait les hommes de réfléchir trop flirt : tout peut être rendu
profondément à ces regards occasionnels, mais ils en seraient hantés. Lord Byron avait dans un regard, mais ce
regard peut toujours être
son fameux "underlook" : pendant que tout le monde discutait d'un sujet sans intérêt, il
nié, car il ne peut être cité
semblait baisser la tête, mais alors une jeune femme (la cible) le voyait la regarder vers mot pour mot.
le haut, la tête toujours inclinée. C'était un regard qui semblait dangereux, provocateur, —STENDHAL, CITÉ DANS

mais aussi ambigu ; beaucoup de femmes en sont devenues accros. Le visage parle sa RICHARD DAVENPORT­HINES,

ED., VICE : UNE ANTHOLOGIE


propre langue. Nous avons l'habitude d'essayer de lire les visages des gens, qui sont
souvent de meilleurs indicateurs de leurs sentiments que ce qu'ils disent, si facile à
contrôler.
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218 • L'art de la séduction

Puisque les gens lisent toujours votre apparence, utilisez­les pour transmettre les signaux
insinuants que vous choisissez.
Enfin, la raison pour laquelle l’insinuation fonctionne si bien n’est pas seulement qu’elle
contourne la résistance naturelle des gens. C'est aussi le langage du plaisir. Il y a trop peu
de mystère dans le monde ; trop de gens disent exactement ce qu’ils ressentent ou ce qu’ils
veulent. Nous aspirons à quelque chose d’énigmatique, à quelque chose qui nourrisse nos
fantasmes. En raison du manque de suggestion et d’ambiguïté dans la vie quotidienne, celui
qui les utilise semble soudain détenir quelque chose de séduisant et de plein de promesses.
C’est une sorte de jeu passionnant : que fait cette personne ? Que veut­il dire ? Les indices,
suggestions et insinuations créent une atmosphère séduisante, signalant que leur victime
n'est plus impliquée dans les routines de la vie quotidienne mais est entrée dans un autre
domaine.

Symbole : La Graine.

Le sol est soigneusement préparé. Les graines sont plantées

des mois à l'avance. Une fois en terre, personne

sait quelle main les a jetés là. Ils font partie du

Terre. Déguisez vos manipulations en plantant des graines

qui s'enracinent d'elles­mêmes.

Renversement

T Le danger de l'insinuation est que lorsque vous laissez les choses ambiguës, votre
la cible peut mal les interpréter. Il y a des moments, surtout plus tard dans une
séduction, où il est préférable de communiquer directement son idée, surtout quand on sait
que la cible l'acceptera, Casanova a souvent joué de cette façon. Lorsqu'il sentait qu'une
femme le désirait et nécessitait peu de préparation, il utilisait un commentaire direct, sincère
et jaillissant pour lui monter à la tête comme une drogue et la faire tomber sous son charme.
Lorsque le débauché et écrivain Gabriele D'Annunzio rencontrait une femme qu'il désirait, il
tardait rarement. La flatterie coulait de sa bouche et de sa plume. Il charmerait par sa «
sincérité » (la sincérité peut être feinte et n'est qu'un stratagème parmi d'autres). Cependant,
cela ne fonctionne que lorsque vous sentez que la cible est facilement la vôtre. Dans le cas
contraire, les défenses et les soupçons que vous susciterez par une attaque directe rendront
votre séduction impossible. En cas de doute, l’indirection est la meilleure voie.
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Entrez dans leur esprit

La plupart

les gens sont enfermés dans leur

propres mondes, les rendant têtus

et difficile à convaincre. La façon d'attirer

sortez­les de leur coquille et mettez en place votre séduction.

pour entrer dans leur esprit. Jouez selon leurs règles, profitez de ce qu'ils

profitez­en, adaptez­vous à leurs humeurs. Ce faisant, vous

caresser leur narcissisme profondément enraciné et abaisser leurs défenses.

Hypnotisés par l'image miroir que vous présentez, ils s'ouvriront,

devenir vulnérable à votre influence subtile. Bientôt tu pourras

changer la dynamique : une fois que vous êtes entré dans leur esprit, vous

peut les faire entrer dans le vôtre, à un moment où il est

trop tard pour faire demi­tour. Faites plaisir à vos cibles

chaque humeur et chaque caprice, leur donnant

rien contre quoi réagir ou

résister.
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La stratégie indulgente

E une
n octobre 1961, la journaliste américaine Cindy Adams obtient
interview exclusive avec le président Sukarno d'Indonésie. C'était une re­
coup d’État remarquable, car Adams était un journaliste peu connu à l’époque, tandis que
Sukarno était une figure mondiale en pleine crise. Leader de la lutte pour l'indépendance
de l'Indonésie, il était président du pays depuis 1949, date à laquelle les Néerlandais
abandonnèrent finalement la colonie. Au début des années 1960, sa politique étrangère
Vous avez hâte de garder
audacieuse l’avait valu la haine aux États­Unis, certains l’appelant le Hitler de l’Asie.
votre maîtresse ? \
Convainquez­la qu'elle vous a
Adams a décidé que dans l'intérêt d'une interview animée, elle ne se laisserait pas tous renversé \ Avec son look
époustouflant. Si c'est du
intimider ou intimidée par Sukarno, et elle a commencé la conversation en plaisantant
violet qu'elle porte, félicitez
avec lui. À sa agréable surprise, sa tactique pour briser la glace a semblé fonctionner : le violet ; \ Quand elle porte
Sukarno s’est réchauffée avec elle. Il a laissé l'entretien durer plus d'une heure et, une fois une robe en soie, dites soie \
Cela lui .va le mieux. .
Admirez­la
terminé, il l'a comblée de cadeaux. Son succès était sa voix répétée, ses gestes assez
remarquables, mais plus
encore les lettres amicales qu'elle commençait en dansant, \ Pleurer à recevoir de Sukarno après qu'elle et son
mari soient revenus à New "Encore!" quand elle s'arrête.
York. Quelques années plus tard, il lui propose de collaborer avec lui sur son On peut même louer\ Sa performance
au lit, son
autobiographie.
talent pour faire l'amour... \ Adams, qui avait l'habitude de faire des reportages sur des célébrités de
troisième ordre, était Épelez ce qui vous a rendu confus. Elle savait que Sukarno avait la réputation d’être un Don
Juan diabolique – continuez . \ Bien qu'elle puisse se montrer plus féroce dans ses actions que grand séducteur,
les Français l'appelaient.
Il avait eu quatre femmes et des centaines de Méduse, son amant des conquêtes. Il était
beau, et évidemment il était
attiré par elle, mais la décrira toujours comme suit : pourquoi la choisir pour cette tâche prestigieuse ? Peut­être que
sa libido était trop puissante et douce. Mais prenez garde à ne pas abandonner pour qu'il se soucie de telles
choses. Néanmoins,
c'était une offre qu'elle pouvait refuser sans la refuser.

En faisant de tels
En janvier 1964, Adams retourna en Indonésie. Sa stratégie, avait­elle décidé, resterait compliments ironiques, ne
la même : elle serait la femme audacieuse et franche qui avait semblé charmer Sukarno laissez pas votre expression
gâcher le message. L'art
trois ans plus tôt. Lors de son premier entretien avec lui pour le livre, elle s'est plainte en
est le plus efficace \
termes assez virulents des chambres qui lui avaient été données comme logement. Comme Lorsqu'il est dissimulé.

s'il était son secrétaire, elle lui dicta une lettre qu'il devait signer, détaillant le traitement La détection vous discrédite pour de bo

spécial qui lui serait réservé par tous. À sa grande surprise, il a consciencieusement copié ­OVIDE , L'ART DE L'AMOUR,
TRADUIT PAR PETER GREEN
la lettre et l'a signée.

Le prochain programme d'Adams était une tournée en Indonésie pour interviewer des
Le petit garçon (ou la petite
personnes qui avaient connu Sukarno dans sa jeunesse. Elle s'est donc plainte auprès de
fille) cherche à fasciner
lui de l'avion dans lequel elle devait voler, qui, selon elle, n'était pas sûr. "Je te dis quoi, ses parents. Dans la
chérie," lui dit­elle, "je pense que tu devrais me donner mon propre avion." "D'accord," dit­il­ littérature orientale, l'imitation est

221
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222 • L'art de la séduction

estimait que c'était un » répondit­il, apparemment quelque peu gêné. Mais une seule ne suffisait pas, elle
des moyens d'attirer.
Cela a continué; elle avait besoin de plusieurs avions, d'un hélicoptère et de ses
propres textes
exemple, semble être sanscrits, pour son seul pilote, un bon. Il a accepté tout. Le leader indonésien , par
de la femme copiant
non seulement intimidé par Adams, mais totalement sous son charme. Il s'est référé au truc
la robe, a loué son intelligence et son esprit. À un moment donné, il a confié : « Connaissez­vous les expressions
et les discours expliquant
pourquoi je fais cette biographie ? . . C'est seulement à cause de toi que c'est pour ça." Il est
son bien­aimé. Ce genre d'
qui, "étant en eux un attention portée à ses vêtements, complimentant ses tenues, remarquant tout drame mimétique est incité à la femme
changement. Il ressemblait plus à un prétendant complaisant qu'à « un Hitler incapable de s'unir à son Asie ».

bien­aimé, l'imite pour


distraire ses pensées. » • Inévitablement, bien sûr, il lui faisait des avances. C'était une femme séduisante.
L'enfant aussi, en utilisant Il y eut d'abord la main sur la sienne, puis un baiser volé. Elle le rejetait à chaque fois,
des procédés d'imitation
montrant clairement qu'elle était mariée et heureuse, mais elle était inquiète : si tout ce
d'attitudes, de vêtements, etc.,
cherche à fasciner, jusqu'à qu'il avait voulu était une liaison, toute l'affaire du livre pourrait s'effondrer. Mais une
une intention magique, le fois de plus, sa stratégie simple semblait la bonne. Étonnamment, il a reculé sans
père ou la mère et ainsi à «
colère ni ressentiment. Il lui a promis que son affection pour elle resterait platonique.
distraire ses pensées ».
L'identification signifie qu'on
Elle devait admettre qu'il n'était pas du tout ce à quoi elle s'attendait, ni ce qu'on lui
abandonne et on n'abandonne avait décrit. Peut­être aimait­il être dominé par une femme.
pas les désirs amoureux.
C'est un leurre dont l'enfant
Les entretiens se sont poursuivis pendant plusieurs mois et elle a remarqué de
se sert pour capturer ses parents
et dans lequel, il faut l'avouer, ils légers changements chez lui. Elle s'adressait toujours à lui familièrement, pimentant la
tombent. conversation de commentaires effrontés, mais maintenant il les lui rendait, se délectant
Il en va de même pour les
de ce genre de plaisanterie impertinente. Il adopta la même humeur vive qu'elle s'était
masses, qui imitent leurs
chef, porte son nom et répète stratégiquement imposée. Au début, il était vêtu d'un uniforme militaire ou de ses
ses gestes. Ils s'inclinent costumes italiens. Maintenant, il s'habillait de façon décontractée, allant même pieds
devant lui, mais en même
nus, se conformant au style décontracté de leur relation. Un soir, il remarqua qu'il
temps, ils tendent
inconsciemment un piège pour
aimait la couleur de ses cheveux. C'était du Clairol, bleu­noir, expliqua­t­elle. Il voulait
le retenir. Super avoir la même couleur ; elle a dû lui apporter une bouteille. Elle fit ce qu'il lui demandait,
les cérémonies et
imaginant qu'il plaisantait, mais quelques jours plus tard, il demanda sa présence au
les manifestations sont tout
autant des occasions où les palais pour se teindre les cheveux pour lui. Elle l’a fait, et maintenant ils avaient
multitudes charment les exactement la même couleur de cheveux.
leader et vice versa.
Le livre, Sukarno : Une autobiographie racontée à Cindy Adams, a été publié
—SERGE MOSCOVICI, L'ÂGE en 1965. À la surprise des lecteurs américains, Sukarno est apparu comme
DE LA FOULE, TRADUIT PAR
remarquablement charmant et adorable, et c'est en effet ainsi que Adams l'a décrit
JCWHITEHOUSE

à tous. Si quelqu’un contestait, elle disait qu’il ne le connaissait pas comme elle.
Sukarno était très content et fit distribuer le livre partout. Cela lui a permis de
gagner de la sympathie en Indonésie, où il était désormais menacé d'un coup d'État
Mon sixième frère, celui qui
militaire. Et Sukarno n'était pas surpris : il savait depuis le début qu'Adams ferait un
avait les deux lèvres coupées,
Prince des Fidèles, s'appelle
bien meilleur travail avec ses mémoires que n'importe quel journaliste « sérieux ».
Shakashik. • Dans son
jeunesse, il était très pauvre.
Un jour, alors qu'il
mendiait dans les rues de
une séquence classique. l'Interprétation. Qui séduisait qui ? C'était Sukarno qui faisait Bagdad, il passait par là et sa séduction d'Adams suivait

aurait résisté à l'attrait d'une


splendide demeure, aux portes de laquelle se dressait un Premier, il choisit la bonne victime. Un journaliste expérimenté
relation personnelle avec le
sujet, et un homme aurait résisté à l'attrait d'une relation personnelle avec le sujet. Après enquête, ils se sont
montrés moins
sensibles à son charme. Et donc il a choisi une femme, et mon frère a été informé
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Entrez dans leur esprit • 223

celui dont l’expérience journalistique était ailleurs. Lors de sa première rencontre que la maison appartenait à
avec Adams, il a envoyé des signaux mitigés : il était amical avec elle, mais a un membre de la riche et
puissante famille Barmecide.
également fait allusion à un autre type d'intérêt. Puis, après avoir insinué un doute
Shakashik
dans son esprit (Peut­être veut­il juste une liaison ?), il a commencé à la refléter. Il s'approcha des portiers
s'adonnait à toutes ses humeurs, se retirant à chaque fois qu'elle se plaignait. Faire et demanda l'aumône. • «
Entrez, dirent­ils, et notre
plaisir à une personne est une forme d’entrée dans son esprit, la laissant dominer pour le moment.
maître vous donnera tout ce
Peut­être que les passes de Sukarno chez Adams montraient sa libido que vous désirez. • Mon frère
incontrôlable au travail, ou peut­être étaient­elles plus rusées. Il avait une réputation entra dans le haut vestibule
et se dirigea vers
de Don Juan ; ne pas lui faire des avances aurait blessé ses sentiments. (Les femmes
une salle spacieuse, pavée
sont souvent moins offensées d'être trouvées attirantes qu'on ne l'imagine, et Sukarno de marbre, tapissée et
était assez intelligent pour donner à chacune de ses quatre épouses l'impression donnant sur un beau
jardin. Il resta un moment
qu'elle était sa préférée.) Le passage écarté, il s'éloigna plus loin. dans son esprit,
perplexe, ne sachant
prenant son air décontracté, se féminisant même légèrement en adoptant sa couleur où donner de la tête, puis
de cheveux. Le résultat fut qu’elle décida qu’il n’était pas ce qu’elle attendait ou ce s'avança jusqu'au fond du
qu’elle craignait. Il n’était pas du tout menaçant, et après tout, c’était elle qui contrôlait couloir. Là, parmi les

la situation. Ce qu'Adams n'a pas réalisé, c'est qu'une fois ses défenses abaissées,
elle était inconsciente de la profondeur avec laquelle il avait engagé ses émotions. coussins, était allongé
Ce n'était pas elle qui l'avait charmé, c'était lui qui l'avait charmée. un beau vieillard avec un
longue barbe, que mon
Ce qu'il voulait depuis le début, c'est ce qu'il a obtenu : un mémoire personnel écrit
frère reconnut aussitôt pour
par un étranger sympathique, qui a donné au monde un portrait plutôt engageant le maître de la maison. • "Que
d'un homme dont beaucoup se méfiaient. puis­je faire pour toi, mon
ami ?" demanda le vieillard en
De toutes les tactiques de séduction, entrer dans l’esprit de quelqu’un est peut­
se levant pour accueillir mon
être la plus diabolique de toutes. Cela donne à vos victimes le sentiment qu’elles vous frère. • Lorsque
séduisent. Le fait que vous leur faites plaisir, que vous les imitez, que vous entrez Shakashik répondit qu'il était

dans leur esprit suggère que vous êtes sous leur charme. Vous n’êtes pas un un mendiant affamé, le
vieil homme exprima la plus
séducteur dangereux dont il faut se méfier, mais quelqu’un de docile et peu profonde compassion et
menaçant. L’attention que vous leur portez est enivrante : puisque vous les reflètez, déchira ses belles robes en
tout ce qu’ils voient et entendent de vous reflète leur propre ego et leurs goûts. criant : « Est­il possible
qu'il y ait un homme aussi
Quel coup de pouce à leur vanité. Tout cela met en place la séduction, la série de
affamé que vous dans la ville
ma­neufs qui vont renverser la dynamique. Une fois leurs défenses abaissées, ils où je vis ? , en effet, une honte
sont ouverts à votre influence subtile. Bientôt, vous commencerez à prendre le que je ne peux
supporter ! » Puis il
contrôle de la danse, et sans même vous en rendre compte, ils se retrouveront à
» a réconforté mon frère
entrer dans votre esprit. C'est la fin du jeu. en ajoutant : « J'insiste pour
que tu restes avec moi et que
Les femmes ne sont à l'aise qu'avec ceux qui prennent des risques tu participes à mon dîner. • Sur
ce, le maître de maison
avec elles et entrent dans leur esprit.
frappa dans ses mains et
—NINO NDE L'ENCLO S cria à l'un des esclaves :
« Apportez la bassine et
l'aiguière. Puis il a dit à
mon frère : « Avance ,
Les clés de la séduction mon ami, et lave­toi les
mains. • Shakashik se
leva pour le faire, mais ne
vit ni aiguière ni bassin. Il
L' une entêtement.
des grandes Comme
sources ilde
estfrustration
difficile dedans nos vies est
les atteindre, de celle des autres.
leur faire voir les choses était déconcerté
à notre façon. Nous avons souvent l'impression que lorsqu'ils semblent nous écouter voir son hôte faire
des gestes comme s'il versait
et être apparemment d'accord avec nous, tout cela est superficiel : dès notre départ,
de l'eau sur ses mains
ils reviennent à leurs propres idées. Nous passons notre vie à nous cogner
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224 • L'art de la séduction

d'un récipient invisible, puis séchez­ contre les gens, comme s'il s'agissait de murs de pierre. Mais au lieu de vous plaindre du
les avec une serviette invisible.
fait que vous êtes incompris ou ignoré, pourquoi ne pas essayer quelque chose de
Quand il
terminé, l'hôte cria à ses serviteurs :
différent : au lieu de considérer les autres comme méchants ou indifférents, au lieu
« Apportez la table ! • De d'essayer de comprendre pourquoi ils agissent comme ils le font, regardez­les à travers
nombreux domestiques entraient
les yeux. du séducteur. La façon d’attirer les gens hors de leur intransigeance naturelle
et sortaient en toute hâte
et de leur obsession de soi est d’entrer dans leur esprit.
de la salle, comme s'ils
préparaient un repas.
Nous sommes tous narcissiques. Quand nous étions enfants, notre narcissisme était
Mon frère ne voyait toujours physique : nous nous intéressions à notre propre image, à notre propre corps, comme s'il
rien. Pourtant son hôte
l'invita à s'asseoir au
s'agissait d'un être à part. À mesure que nous vieillissons, notre narcissisme devient plus
table imaginaire, disant : « psychologique : nous sommes absorbés par nos propres goûts, opinions, expériences.
Honorez­moi en mangeant de Une coquille dure se forme autour de nous. Paradoxalement, la manière d’attirer les gens
cette viande ». • Le vieil homme
hors de cette coquille est de devenir davantage comme eux, en fait une sorte de reflet d’eux.
il bougeait ses mains comme
s'il touchait des plats invisibles,
Vous n’êtes pas obligé de passer des journées à étudier leur esprit ; conformez­vous
et il bougeait également ses simplement à leurs humeurs, adaptez­vous à leurs goûts, jouez avec tout ce qu’ils vous
mâchoires et ses lèvres comme envoient. Ce faisant, vous réduirez leur attitude défensive naturelle. Leur estime de soi ne
s'il mâchait.
Puis il a dit de se sent pas menacée par votre étrangeté ou vos différentes habitudes.
Shakashik : "Mangez à votre Les gens s’aiment vraiment, mais ce qu’ils aiment par­dessus tout, c’est voir leurs idées
faim, mon ami, car vous devez et leurs goûts se refléter chez une autre personne. Cela les valide. Leur insécurité
être affamé." • Mon frère a
habituelle disparaît. Hypnotisés par leur image miroir, ils se détendent.
commencé à remuer ses
mâchoires, à mâcher et à Maintenant que leur paroi intérieure s’est effondrée, vous pouvez les faire sortir lentement
avaler, comme s'il mangeait, et éventuellement inverser la dynamique. Une fois qu’ils vous sont ouverts, il devient
tandis que le vieil homme continuait à
facile de les infecter avec vos propres humeurs et chaleur. Entrer dans l’esprit de l’autre
l'amadoua en disant : « Mange,
mon ami, et remarque
est une sorte d’hypnose ; c’est la forme de persuasion la plus insidieuse et la plus efficace
l'excellence de ce pain. » « Cet connue de l’homme.
sa blancheur. " homme,
Dans le roman chinois du XVIIIe siècle Le Rêve de la Chambre Rouge, toutes les
pensa Shakashik, doit être friand
de plaisanteries. " Alors il dit :
jeunes filles de la prospère maison de Chia sont amoureuses du libertin Pao Yu. Il est
" C'est, monsieur, le pain le plus certainement beau, mais ce qui le rend irrésistible, c'est son étrange capacité à entrer
blanc que j'ai
dans l'esprit d'une jeune fille. Pao Yu a passé sa jeunesse auprès des filles, dont il a
jamais vu, et je n'ai jamais goûté
toujours préféré la compagnie. En conséquence, il ne se montre jamais aussi menaçant
pareil de toute ma vie. » • «
Ce pain, dit l'hôte, a été cuit par et agressif. Il a accès aux chambres des filles, elles le voient partout, et plus elles le
une esclave que j'ai achetée voient, plus elles tombent sous son charme. Ce n’est pas que Pao Yu soit féminin ; il reste
pour cinq cents dinars.
un homme, mais qui peut être plus ou moins masculin selon les circonstances. Sa
Puis il a appelé un familiarité avec les jeunes filles lui permet d'entrer dans leur esprit.
de ses esclaves : « Apportez le
pouding à la viande et qu'il y ait
C'est un grand avantage. La différence entre les sexes est ce qui rend possible
beaucoup de graisse dedans ! »

.. . Là­dessus, l'hôte bougea
l’amour et la séduction, mais elle implique aussi une part de peur et de méfiance. Une
ses doigts comme pour prendre femme peut craindre l'agression et la violence des hommes ; un homme est souvent
un morceau dans un plat incapable d'entrer dans l'esprit d'une femme et reste donc étrange et menaçant. Les plus
imaginaire et mit la
grands séducteurs de l'histoire, de Casanova à John F.
délicatesse invisible dans
la bouche de mon frère. • Le Kennedy, a grandi entouré de femmes et avait elle­même une touche de féminité. Le
vieil homme
philosophe Søren Kierkegaard, dans son roman Le journal du séducteur, recommande de
continuait à développer les
passer plus de temps avec le sexe opposé, d'apprendre à connaître « l'ennemi » et ses
excellences des divers
plats, tandis que mon frère faiblesses, afin de pouvoir mettre cette connaissance à votre avantage.
devenait si
voracement affamé, il serait
Ninon de l'Enclos, l'une des plus grandes séductrices de tous les temps, possédait
mort volontairement
des qualités masculines certaines. Elle pourrait impressionner un homme avec son intense
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Entrez dans leur esprit • 225

son sens philosophique et le charme en semblant partager son intérêt pour la politique et pour une croûte de pain d'orge.
la guerre. De nombreux hommes ont d’abord noué de profondes amitiés avec elle, pour • "Avez­vous déjà goûté
quelque chose de plus
ensuite tomber follement amoureux. Le masculin chez une femme est aussi apaisant pour délicieux", reprit le vieil homme,
les hommes que le féminin chez un homme l’est pour les femmes. Pour un homme, "que les épices qu'ils contiennent

l’étrangeté d’une femme peut créer de la frustration, voire de l’hostilité. Il peut être attiré plats?" • "Jamais, en
effet", répondit
par une relation sexuelle, mais un sort de plus longue durée ne peut être créé sans une Shakashik. • "Manger
séduction mentale qui l'accompagne. La clé est d'entrer dans son esprit. Les hommes sont Alors de bon cœur, dit son
souvent séduits par l'élément masculin présent dans le comportement ou le caractère d'une femme.
hôte, et n'ayez pas
honte ! » • « Je remercie
Dans le roman Clarissa (1748) de Samuel Richardson, la jeune et fervente Clarissa
vous, monsieur,
Harlowe est courtisée par le célèbre débauché Lovelace. répondit Shakashik, mais

Clarissa connaît la réputation de Lovelace, mais pour l'essentiel, il n'a pas agi comme elle s'y attendait : il est poli, j'ai déjà mangé à ma faim. "
Mais bientôt le vieil homme
semble un peu triste et confus. À un moment donné, elle découvre qu'il a accompli un acte des plus nobles et
frappa de nouveau dans
charitables envers une famille en détresse, en donnant de l'argent au père, en aidant la fille de l'homme à se ses mains et cria : « Apportez
marier, en leur donnant des conseils judicieux. Lovelace avoue enfin à Clarissa ce qu'elle soupçonnait : il veut se . .
le vin ! • . "Monsieur", dit
Shakashik, "votre générosité
repentir, changer ses habitudes. Ses lettres sont émouvantes, presque religieuses dans leur passion. Peut­être
me submerge!" Il porta la
sera­t­elle celle qui le mènera à la justice ? Mais bien sûr, Lovelace l'a piégée : il utilise la tactique du séducteur
coupe invisible à ses lèvres et fit
consistant à refléter ses goûts, en l'occurrence sa spiritualité. Une fois qu'elle baisse sa garde, une fois qu'elle croit mine de la vider d'un seul
pouvoir le réformer, elle est condamnée : il peut désormais insinuer lentement son propre esprit dans ses lettres et coup. • "Santé et joie à vous !"
s'écria le vieillard en
ses rencontres avec elle. Rappelez­vous : le mot clé est « esprit », et c’est souvent exactement là où viser. En
faisant mine de se verser du
semblant refléter les valeurs spirituelles de quelqu'un, vous pouvez sembler établir une mode d'harmonie vin et de le boire. Il tendit
profondément enracinée jusqu'à Shakashik, entre vous deux, qui peut ensuite être transférée sur le plan physique une autre tasse à son invité,
et ils continuèrent tous
en faisant semblant d'être ivre .
deux à agir ainsi.

commença à rouler la tête d'un


Lorsque Joséphine Baker s'installe à Paris, en 1925, dans le cadre d'une revue côté à l'autre. Puis, emmenant
son généreux hôte
entièrement noire, son exotisme fait d'elle une sensation du jour au lendemain. Mais les
sans s'en rendre compte,
Français sont notoirement inconstants, et Baker sentit que leur intérêt pour elle serait
il leva soudain son bras si haut
rapidement transféré à quelqu'un d'autre. Pour les séduire définitivement, elle est entrée que le blanc de son aisselle
dans leur esprit. Elle a appris le français et a commencé à y chanter. Elle a commencé à pouvait être vu, et administra
lui un coup dans le cou
s'habiller et à se comporter comme une Française élégante, comme pour dire qu'elle
qui a fait écho dans la salle
préférait le mode de vie français à celui américain. Les pays sont comme les gens : ils avec le son. Et ça

connaissent de grandes insécurités et se sentent menacés par d’autres coutumes. Il est il a suivi d'un deuxième
coup. • Le vieil homme s'est levé
souvent très séduisant pour un peuple de voir un étranger adopter ses habitudes. Benjamin
en colère et cria : « Que fais­tu,
Disraeli est né et a vécu toute sa vie en Angleterre, mais il était juif de naissance et avait vile créature ? •
des traits exotiques ; les Anglais de province le considéraient comme un étranger. Pourtant, "Monsieur" répondit mon frère,
ses manières et ses goûts étaient plus anglais que bien d'autres Anglais, et cela faisait "vous avez reçu votre
humble esclave dans votre
partie de son charme, dont il prouva qu'il devenait chef du parti conservateur. Si vous êtes
maison et l'avez comblé de votre
un étranger (comme la plupart d’entre nous le sont en fin de compte), exploitez­le : jouez générosité; vous l'avez nourri
sur votre nature étrangère de manière à montrer au groupe à quel point vous préférez ses de la meilleure nourriture et
avez étancher sa soif avec le
goûts et ses coutumes aux vôtres. plus de
En 1752, le célèbre débauché Saltykov décida d'être le premier homme de la cour des vins puissants. Hélas,
russe à séduire la grande­duchesse de vingt­trois ans, la future impératrice Catherine la il s'est enivré et a oublié ses
manières ! Mais vous êtes si
Grande. Il savait qu'elle était seule ; son mari Peter l'ignora, tout comme la plupart des
noble, monsieur, que vous
autres courtisans. Et pourtant l'ob­
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226 • L'art de la séduction

pardonne sûrement son offense. les stacles étaient immenses : elle était épiée jour et nuit. Pourtant, Saltykov a réussi
" • Quand il a entendu ces
à se lier d'amitié avec la jeune femme et à entrer dans son cercle trop restreint.
Après ces mots, le vieillard
éclata de rire et dit : « J'ai Il finit par la mettre seule et lui fit comprendre à quel point il comprenait sa solitude, à
longtemps plaisanté avec quel point il détestait profondément son mari et à quel point il partageait son intérêt
toutes sortes d'hommes,
pour les idées nouvelles qui balayaient l'Europe. Bientôt, il fut en mesure d'organiser
mais personne n'a jamais eu
la patience ni l'esprit d'entrer
d'autres rencontres, au cours desquelles il lui donna l'impression que lorsqu'il était
dans mes humeurs comme vous avec elle, rien d'autre au monde n'avait d'importance.
l'avez fait. Je te pardonne, Catherine tomba profondément amoureuse de lui et il devint en fait son premier
et te demande en vérité de
amant. Saltykov était entré dans son esprit.
chater et de boire avec moi, et
d'être mon compagnon tant que Lorsque vous reflètez les gens, vous concentrez sur eux une attention intense.
je vivrai. " • Alors le vieux Ils sentiront l’effort que vous faites et le trouveront flatteur. Évidemment, vous les avez

l'homme a ordonné à ses serviteurs


choisis, en les séparant des autres. Il semble n’y avoir rien d’autre dans votre vie
de servir tous les plats qu’eux : leurs humeurs, leurs goûts, leur esprit.
qu'ils avaient consommés en Plus vous vous concentrez sur eux, plus le sort que vous produisez est profond et
fantaisie, et quand lui et mon
plus l'effet enivrant que vous avez sur leur vanité.
frère eurent mangé à leur faim,
ils se rendirent à la buvette,
Beaucoup d’entre nous ont du mal à réconcilier la personne que nous sommes
où de belles jeunes femmes actuellement avec la personne que nous souhaitons être. Nous sommes déçus
chantaient et faisaient de la d’avoir compromis nos idéaux de jeunesse et nous nous imaginons toujours comme
musique. Le vieux Barmécide
cette personne qui avait tant de promesses, mais que les circonstances ont empêché
donna à Shakashik une
robe d'honneur et en fit son fidèle de réaliser. Lorsque vous reflètez quelqu’un, ne vous arrêtez pas à la personne qu’il
est devenu ; entrez dans l’esprit de la personne idéale qu’ils voulaient être. C'est ainsi
compagnon.
que l'écrivain français Chateaubriand a réussi à devenir un grand séducteur, malgré
— "LE CONTE DE SHAKASHIK,
sa laideur physique. Lorsqu'il grandissait, à la fin du XVIIIe siècle, le romantisme était
LE SIXIÈME FRÈRE DU BARBIER,"

CONTES DES MILLE à la mode et de nombreuses jeunes femmes se sentaient profondément opprimées
ET UNE NUITS, TRADUIT par le manque de romantisme dans leur vie.
PAR NJ DAWOOD
Chateaubriand réveillerait le fantasme qu'elles avaient eu en tant que jeunes filles
d'être emportées, de réaliser des idéaux romantiques. Cette forme d'entrée dans
l'esprit d'autrui est peut­être la plus efficace, car elle permet aux gens de se sentir
mieux dans leur peau. En votre présence, ils vivent la vie de la personne qu’ils
voulaient être : un grand amant, un héros romantique, peu importe. Découvrez ces
idéaux écrasés et reflètez­les, en leur redonnant vie en les reflétant à votre cible.
Rares sont ceux qui peuvent résister à un tel leurre.

Symbole : Le
Miroir du chasseur. L'alouette est une sa­

oiseau vory, mais difficile à attraper. Sur le terrain, le

Le chasseur place un miroir sur un support. L'alouette atterrit dans

devant le verre, va et vient, fasciné par son propre

image en mouvement et par la danse nuptiale imitative qu'il voit per­

formé sous ses yeux. Hypnotisé, l'oiseau perd tout sens de son

alentours, jusqu'à ce que le filet du chasseur le coince contre le miroir.


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Entrez dans leur esprit • 227

Renversement Ce désir d'un double de


l'autre sexe qui ressemble
nous absolument tout en
E n 1897 à Berlin, le poète Rainer Maria Rilke, dont la réputation allait étant autre, pour une
plus tard, il fit le tour du monde et rencontra Lou Andreas­Salomé, l'écrivain et créature magique qui est
beauté d'origine russe connu pour avoir brisé le cœur de Nietzsche. Elle était la chérie nous­même tout en
possédant l'avantage, sur
des intellectuels berlinois et, bien que Rilke ait vingt­deux ans et elle trente­six, il
toutes nos imaginations, d'un
tomba éperdument amoureux d'elle. Il l'a inondée de lettres d'amour, qui montraient existence autonome. . . .
qu'il avait lu tous ses livres et connaissait intimement ses goûts. Les deux sont On en retrouve des traces même
dans les plus banales
devenus amis. Bientôt, elle éditait sa poésie et il s'accrochait à chacun de ses mots.
circonstances de l'amour :
dans l'attrait lié à tout
Salomé était flattée par le reflet de son esprit par Rilke, enchantée par l'intense changement, à tout
attention qu'il lui portait et par la communion spirituelle qu'ils commençaient à déguisement, comme dans
l'importance de l'unisson et de
développer. Elle est devenue son amante. Mais elle s'inquiétait pour son avenir ; il la répétition de. soi chez l'autre. .
. Les
était difficile de gagner sa vie en tant que poète et elle l'encouragea à apprendre sa grandes, les implacables
langue maternelle, le russe, et à devenir traducteur. Il suivit ses conseils avec une passions amoureuses sont
toutes liées au fait
telle avidité qu'au bout de quelques mois, il parla russe. Ils visitèrent la Russie
qu'un être s'imagine voir son
ensemble et Rilke fut bouleversé par ce qu'il vit : les paysans, les coutumes moi le plus secret l'épier
populaires, l'art, l'architecture. De retour à Berlin, il transforma ses appartements en derrière le rideau des
yeux d'un autre.
une sorte de sanctuaire de la Russie, et commença à porter des blouses paysannes
russes et à parsemer sa conversation de phrases russes. Maintenant, le charme de —ROBERT MUSIL, CITÉ DANS

DENIS DE ROUGEMONT, LOVE


son miroir s'est vite dissipé. Au début, Salomé avait été flattée qu'il partagee si DÉCLARÉ, TRADUIT PAR

intensément ses intérêts, mais maintenant elle y voyait autre chose : il semblait n'avoir RICHARD HOWARD

aucune véritable identité. Il était devenu dépendant d'elle pour sa propre estime de
soi. Tout cela était tellement servile. En 1899, à sa grande horreur, elle rompit la
relation.
La leçon est simple : votre entrée dans l'esprit d'une personne doit être une
tactique, une manière de la mettre sous votre charme. Vous ne pouvez pas être
simplement une éponge absorbant les humeurs de l’autre. Mettez­les en miroir trop
longtemps et ils verront à travers vous et seront repoussés par vous. Derrière la
similitude que vous leur faites voir, vous devez avoir un fort sentiment sous­jacent de
votre propre identité. Le moment venu, vous voudrez les conduire dans votre esprit ;
vous ne pouvez pas vivre sur leur territoire. Alors, n’allez jamais trop loin dans la mise
en miroir. Elle n'est utile que dans la première phase d'une séduction ; à un moment
donné, la dynamique doit être inversée.
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Créer la tentation

Attirez la cible au plus profond de votre séduction en créant le

véritable tentation : un aperçu des plaisirs à venir. Comme

le serpent a tenté Eve avec la promesse d'interdit

connaissance, vous devez éveiller un désir dans votre tar­

obtient qu'ils ne peuvent pas contrôler. Trouvez cette faiblesse

de leur, ce fantasme qui n'a pas encore été réalisé­

et suggérez que vous pouvez les conduire vers

il. Cela pourrait être de la richesse, cela pourrait être une aventure, cela

pourraient être des plaisirs interdits et coupables; le

la clé est de rester vague. Dangle le prix avant

leurs yeux, reportant la satisfaction, et laissent leur

les esprits font le reste. L’avenir semble plein de possibilités.

capacité. Stimuler une curiosité plus forte que les doutes

et les angoisses qui vont avec, et elles vous suivront.


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L'objet alléchant

Dans les années 1880, un monsieur nommé Don Juan de Todellas fut
errant dans un parc de Madrid quand il a vu une femme en elle tôt
une vingtaine d'années descendant d'un car, suivi d'un enfant de deux ans et d'une
nourrice. La jeune femme était élégamment vêtue, mais ce qui coupa le souffle de Don
Juan fut sa ressemblance avec une femme qu'il avait connue près de trois ans auparavant.
Elle ne pouvait sûrement pas être la même personne. La femme qu'il avait connue, Cristeta
Pour ces deux crimes
Moreruela, était showgirl dans un théâtre de second ordre.
Tantale fut puni de la
Elle était orpheline et très pauvre : sa situation n'aurait pas pu changer beaucoup. Il se ruine de son
rapprocha : le même beau visage. Et puis il entendit sa voix. Il fut tellement choqué qu'il royaume et, après sa
dut s'asseoir : c'était bien la même femme. mort par Zeus lui­même,
de tourments éternels en
compagnie
d'Ixion, Don Juan fut un séducteur incorrigible, dont les conquêtes furent innues . . Mais il se souvenait de sa
liaison avec Cristeta Danaids et d'autres. Maintenant, il est suspendu, de façon permanente et très clairement, parce
qu'elle était si jeune
– la fille la plus charmante qu'il ait dévorée par la soif et qu'il ait jamais rencontrée. Il l'avait
vue au théâtre, l'avait
courtisée assidûment, affamée, depuis la branche de et avait réussi à la persuader de faire un voyage avec lui dans
une ville balnéaire. un arbre fruitier qui se penche sur un lac marécageux. Ses vagues Même s'ils avaient des chambres
séparées, rien ne
pouvait arrêter Don Juan: il se tournait contre la taille et lui racontait des histoires de
problèmes d'affaires, gagnait sa
sympathie et, dans un tendre parfois atteignant son menton, profitait d'un moment de sa faiblesse. Quelques jours
plus tard, il la quitta, mais chaque fois qu'il se penche pour boire, on lui glisse le prétexte qu'il devait s'occuper de
ses affaires. Il croyait
qu'il ne partirait jamais et qu'il ne restait plus rien à la revoir. Se sentant un peu coupable,
ce qui était rare chez lui, il
ne lui envoya que la boue noire, 5 000 pesetas, prétendant qu'il finirait par la rejoindre. Au lieu de cela, il marche ;
ou, s'il réussit jamais, il se rend à Paris. Il venait tout juste de rentrer à Madrid.
en ramassant une poignée d'eau,
celle­ci lui glisse entre les doigts
Alors qu'il était assis et se souvenait de tout cela, une idée le troublait : l'enfant.
avant qu'il ne puisse faire
Le garçon pourrait­il être le sien ? Sinon, elle a dû se marier presque immédiatement autre chose que mouiller ses fissures.

après leur liaison. Comment a­t­elle pu faire une chose pareille ? Elle était visiblement lèvres, le laissant plus assoiffé
que jamais. L'arbre est chargé
riche maintenant. Qui pourrait être son mari ? Connaissait­il son passé ? Mélangé à des
poires, des pommes brillantes,
à sa confusion se trouvait un désir intense. Elle était si jeune et belle. Pourquoi des figues sucrées, des olives mûres
et l'avait­il abandonné si facilement ? D'une manière ou d'une autre, même si elle était mariée, il lui fallait des
grenades qui
pendent contre
la sienne pour la récupérer. épaules; mais à chaque fois, Don Juan commençait à fréquenter le parc
tous les jours. Il la vit encore quelques années pour les moments succulents ; Leurs regards se croisèrent,
mais elle fit semblant de ne pas le remarquer. En traçant les fruits, une rafale de vent les fait tourbillonner hors de sa
portée. nourrice,
lors d'une de ses courses, il engagea la conversation avec elle et l'interrogea sur le mari
de sa maîtresse. Elle lui a dit que cet homme s'appelait Señor Martínez et qu'il était en —ROBERT GRAVES, LE GREC

MYTHES, TOME 2
voyage d'affaires prolongé ; elle lui a également dit où Cristeta vivait désormais. Don Juan
lui donna un mot à remettre à

231
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232 • L'art de la séduction

Don Juan : Arminta, écoute la sa maîtresse. Puis il se promena devant la maison de Cristeta, un magnifique palais.
vérité, car les femmes ne sont­ Ses pires soupçons se sont confirmés : elle s'était mariée pour de l'argent.
elles pas amies de la vérité ?
scène, elle a accepté de le Cristeta a refusé de le voir. Il a persisté, envoyant d'autres notes. Finalement, je suis un noble, héritier du pour éviter une

séduire à nouveau rencontrer,


serait une seule fois, dans le parc. La famille pré­ancienne des Tenorios, les conquérants de la rencontre avec soin: la
une opération délicate­ Séville.
Après le roi, mon ération. Mais quand il la vit venir vers lui, dans ses beaux vêtements, son père fut le plus puissant de
ses émotions, et sa convoitise
prit le dessus sur lui. Elle ne pouvait appartenir qu'à lui et être considérée comme un homme , jamais à un autre homme, lui
dit­il. Cristeta s'en offusqua ; de
ressentir de fortes émotions.
toute évidence, sa situation actuelle l’empêchait de se réunir encore une fois. Pourtant, sous son sang­froid, il pouvait
tribunal. . . . Par hasard, je
Il a supplié de la revoir, mais elle est partie sans rien promettre. Il lui envoya d'autres lettres, tout en se creusant la
suis arrivé sur cette route et je t'ai
cervelle pour essayer de tout reconstituer : qui était ce Señor Martínez ? Pourquoi épouserait­il une showgirl ? Comment
vu. L'amour se comporte parfois
d'une manière qui lui arracher Cristeta ?
se surprend lui­même. . • . .
Arminta : Je ne sais pas si ce que
vous dites est vrai ou s'il s'agit
d'une rhétorique
mensongère. Je suis
marié à Batricio, tout le monde Finalement, Cristeta accepta de rencontrer Don Juan une nouvelle fois, au théâtre,
le sait. Comment le
où il n'osait pas risquer un scandale. Ils ont pris une boîte où ils pouvaient parler.
mariage peut­il être
Elle
annulé, même s’il m’abandonne ? • Don l'a: rassuré
Juan que l'enfant n'était pas le sien. Elle disait qu'il ne la voulait maintenant
Lorsque le mariage n'est pas que parce qu'elle appartenait à un autre, parce qu'il ne pouvait pas l'avoir. Non, dit­il, il
consommé, que ce soit par
avait changé ; il ferait n'importe quoi pour la récupérer. De manière déconcertante, par
malveillance ou par tromperie, il
annulé. . . moments,
. peut l'être. • Arminta : ses yeux semblaient flirter avec lui. Mais ensuite, elle sembla sur le point de
Tu as raison. Mais, Dieu me pleurer et posa sa tête sur son épaule – pour ensuite se relever immédiatement, comme
vienne en aide, ne si elle réalisait que c'était une erreur. C'était leur dernière rencontre, dit­elle, et elle
m'abandonneras­tu pas dès
s'enfuit rapidement. Don Juan était hors de lui. Elle jouait avec lui ; c'était une coquette.
que tu m'auras séparée de
. . Juan :
mon mari ? . • Don Il avait seulement prétendu avoir changé, mais c'était peut­être vrai : aucune femme ne
Arminta, lumière de mes yeux, l'avait jamais traité de cette façon auparavant. Il ne l'aurait jamais permis.
demain tes beaux pieds
se glisseront dans des pantoufles
d'argent poli avec des boutons d'or Les nuits suivantes, Don Juan dormit mal. Il ne pensait qu'à Cristeta. Il faisait des
le plus pur. cauchemars où il tuait son mari, vieillissait et se retrouvait seul. C'était trop. Il a dû
Et ta gorge d'albâtre sera
quitter la ville. Il lui a envoyé un mot d'adieu et, à son grand étonnement, elle a répondu :
emprisonnée dans de
beaux colliers ; à vos doigts,
elle voulait le voir, elle avait quelque chose à lui dire. Il était désormais trop faible pour
des bagues serties d'améthystes résister. Comme elle l'avait demandé, il la rencontra sur un pont, la nuit. Cette fois, elle
brilleront comme des étoiles, ne fit aucun effort pour se contrôler : oui, elle aimait toujours Don Juan et était prête à
et à vos oreilles pendent des
s'enfuir avec lui. Mais il devrait venir chez elle demain, en plein jour, et l'emmener. Il ne
perles orientales. • Arminta : Je
suis à toi. pouvait y avoir de secret.
—TIRSO DE MOLINA,

LE PLAYBOY DE SÉVILLE,
Hors de joie, Don Juan accepta ses demandes. Le lendemain, il se présenta à son
TRADUIT PAR ADRIENNE M.

ILS SQUIRT ET OSCAR


palais à l'heure dite et demanda Señora Martinez. Il n’y avait personne de ce nom, dit
MANDLL, DANS MANDEL, ÉD., la femme à la porte. Don Juan insista : elle s'appelle Cristeta. Ah, Cristeta, la femme a
LE THÉÂTRE DE DON JUAN
dit : elle habite à l'arrière, avec les autres locataires. Confus, Don Juan se dirigea vers
l'arrière du palais. Là, il crut voir son fils jouer dans la rue avec des vêtements sales.
Mais non, se dit­il, ce doit être un autre enfant. Il se présenta à la porte de Cristeta et,

Or, le serpent était plus subtil que


au lieu de sa servante, c'est Cristeta elle­même qui l'ouvrit. Il est entré. C'était la
toute autre créature sauvage que chambre d'un pauvre. Cependant, accrochés à des portants improvisés, se trouvaient
l'Éternel Dieu avait créée. Il a
les vêtements élégants de Cristeta. Comme dans un rêve, il s'assit, stupéfait, et écouta
dit
Cristeta révéler la vérité.
à la femme: "Dieu a­t­il dit: 'Tu
ne dois pas chat de
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Créer la tentation • 233

Elle n'était pas mariée, elle n'avait pas d'enfant. Des mois après qu'il l'ait quittée, n'importe quel arbre du jardin'?"
Et la femme dit au
elle avait réalisé qu'elle avait été victime d'un séducteur accompli. Elle aimait toujours
serpent : « Nous pouvons
Don Juan, mais elle était déterminée à renverser la situation. Apprenant par un ami manger des fruits des arbres du
commun qu'il était revenu à Madrid, elle prit les cinq mille pesetas qu'il lui avait jardin ; mais Dieu dit :

envoyées et acheta des vêtements coûteux. Elle a emprunté l'enfant d'un voisin, a "Tu ne mangeras pas du fruit
de l'arbre qui est au milieu du
demandé au cousin du voisin de jouer le rôle de la nourrice de l'enfant et a loué un
jardin, et tu n'y toucheras pas,
carrosse, tout cela pour créer un fantasme élaboré qui n'existait que dans son esprit. de peur de mourir." "
Mais le
Cristeta n’a même pas eu besoin de mentir : elle n’a jamais dit qu’elle était mariée ou
serpent dit à la femme : « Tu ne
qu’elle avait un enfant. Elle savait que ne pas pouvoir l'avoir lui donnerait plus que mourras pas. Car
jamais envie d'elle. C'était le seul moyen de séduire un homme comme lui. Dieu sait que lorsque vous en
mangerez, vos yeux s'ouvriront
et vous serez comme Dieu,
Accablé par tout ce qu'elle avait fait et par les émotions qu'elle avait si habilement
connaissant le bien et le mal. "
suscitées en lui, Don Juan pardonna à Cristeta et lui proposa de l'épouser. À sa Alors, quand le

grande surprise, et peut­être à son soulagement, elle refusa poliment. La femme vit que l'arbre était
bon à manger, qu'il était un délice
Dès qu’ils se marieraient, dit­elle, ses yeux s’égareraient ailleurs.
pour les yeux et que l'arbre devait
Ce n’est que s’ils restaient tels qu’ils étaient qu’elle pourrait garder le dessus. Don être
Juan n'avait d'autre choix que d'accepter. Je voulais rendre quelqu'un sage,
elle en prit le fruit et en
mangea ; et elle en donna aussi à
son mari, et il mangea.
Interprétation. Cristeta et Don Juan sont des personnages du roman Dulce y Sabrosa
—GENÈSE 3:1 , L'ANCIEN TESTAMENT
(Sucré et Salé, 1891), de l'écrivain espagnol Jacinto Octavio Picon. La majeure partie
du travail de Picon porte sur les séducteurs masculins et leurs
victimes, un sujet qu'il étudiait et qu'il connaissait bien. Abandonnée par Don Juan et
réfléchissant à sa nature, Cristeta décide de faire d'une pierre deux coups : elle se Toi, puissant séducteur,
Opportunité.
vengera et le récupérera. Mais comment pouvait­elle attirer un tel homme ? Le fruit
—­JOHN DRYDEN
une fois goûté, il n'en voulait plus. Ce qui lui venait facilement ou lui tombait dans les
bras ne lui attirait aucun attrait. Ce qui inciterait Don Juan à désirer à nouveau Cristeta,
à la poursuivre, c'était le sentiment qu'elle était déjà prise, qu'elle était un fruit défendu.
C’était sa faiblesse – c’est pourquoi il recherchait les vierges et les femmes mariées, Pendant qu'il écoutait, Masetto

des femmes qu’il n’était pas censé avoir. Pour un homme, pensa­t­elle, l’herbe semble éprouvait une telle envie d'aller et
de rester avec ces religieuses
toujours plus verte ailleurs. Elle deviendrait cet objet lointain et séduisant, juste hors
que tout son corps frissonnait
de portée, le tentant, suscitant des émotions qu'il ne pouvait pas contrôler. Il savait à d'excitation, car il ressortait
quel point elle avait été charmante et désirable pour lui. L'idée de la posséder à clairement de ce qu'il avait
entendu qu'il serait capable de
nouveau, et le plaisir qu'il imaginait que cela lui procurerait, étaient trop pour lui : il
réaliser ce qu'il voulait.
mordit à l'hameçon. avait en tête. Réalisant
cependant qu'il n'aboutirait à rien
s'il révélait ses intentions à
La tentation est un double processus. D’abord vous êtes coquette, coquette ;
Nuto, il répondit : • « Comme
vous stimulez un désir en promettant du plaisir et en vous distrayant de la vie quotidienne.tu as eu raison de quitter le
En même temps, vous faites comprendre à vos cibles qu’elles ne peuvent pas vous [couvent] ! Quel genre de vie

avoir, du moins pas tout de suite. Vous établissez une barrière, une sorte de tension. un homme peut­il mener quand
il est entouré de beaucoup de
gens ? " Des femmes ? Il pourrait
Autrefois, de telles barrières étaient faciles à créer, en tirant parti des obstacles tout aussi bien vivre avec une

sociaux préexistants – de classe, de race, de mariage, de religion. Aujourd’hui, les meute de démons. Pourquoi, six
fois sur sept, ils ne connaissent
barrières doivent être plus psychologiques : votre cœur est pris par quelqu’un d’autre ;
même pas leur propre esprit.
la cible ne vous intéresse vraiment pas ; un secret vous retient ; le timing est mauvais ; " • Mais quand ils

vous n’êtes pas assez bien pour l’autre personne ; L'autre


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234 • L'art de la séduction

Ayant fini de parler, la personne n'est pas assez bien pour vous ; et ainsi de suite. A l’inverse, vous pouvez choisir
Masetto commença à réfléchir quelqu’un qui a une barrière intégrée : il est pris, il n’est pas censé vouloir de vous. Ces barrières
aux mesures qu'il devrait prendre
sont plus subtiles que la variété sociale ou religieuse, mais ce sont néanmoins des barrières et la
pour pouvoir aller rester avec
eux. Se sachant parfaitement psychologie reste la même.
capable d'accomplir les Les gens sont perversement excités par ce qu’ils ne peuvent pas ou ne devraient pas avoir.
tâches mentionnées par Nuto, il
Créez ce conflit intérieur – il y a de l’excitation et de l’intérêt, mais vous n’êtes pas disponible – et
ne craignait pas de perdre son
emploi sur ce point particulier, vous les ferez avides d’eau comme Tantale. Et comme pour Don Juan et Cristeta, plus vous faites en
mais il craignait d'être sorte que vos cibles vous poursuivent, plus elles s'imaginent que ce sont elles qui sont les agresseurs.
refusé en raison de sa jeunesse Votre séduction est parfaitement déguisée.
et de son apparence
inhabituellement attrayante. Alors,
après avoir repoussé bien
d'autres expédients possibles, il La seule façon de se débarrasser de la tentation est d’y céder.
finit par penser : « Le
couvent est loin, et il n'y a —OSCAR WILDE.

personne là­bas qui me


connaisse. Si je peux faire
semblant d'être bête, ils me
prendront pour un an. bien
Les clés de la séduction
sûr."

M
la plupart du temps, les gens ont du mal à maintenir leur sécurité et un sentiment de sécurité.
équilibre dans leur vie. S’ils se déracinaient toujours à la recherche de chaque nouvelle
S'accrochant fermement à
personne ou de chaque fantasme qui leur passait, ils ne pourraient pas survivre au train­train
cette conjecture, il s'habilla
donc avec des haillons de pauvre quotidien. Ils gagnent généralement la bataille, mais cela n’est pas facile. Le monde est plein de
et jeta une hache sur son épaule, tentations. Ils lisent des histoires sur des gens qui ont plus qu'eux, sur les aventures que vivent
et sans dire à personne où il
d'autres, sur des gens qui ont trouvé la richesse et le bonheur. La sécurité à laquelle ils aspirent et
allait, il partit pour le couvent.
Sur son qu’ils semblent avoir dans leur vie est en réalité une illusion. Il masque une tension constante.

À son arrivée, il s'est promené


dans la cour, où, par hasard,
il a croisé l'intendant et, à l'aide En tant que séducteur, vous ne pouvez jamais confondre l’apparence des gens avec la réalité.
de gestes semblables à ceux Vous savez que leur combat pour maintenir l’ordre dans leur vie est épuisant, et qu’ils sont rongés
des imbéciles, il a donné par les doutes et les regrets. Il est difficile d’être bon et vertueux, en devant toujours réprimer les
l'impression qu'il mendiait
désirs les plus forts. Avec cette connaissance à l’esprit, la séduction est plus facile. Ce que veulent
quelque chose à manger, en
échange de quoi il les gens, ce n’est pas la tentation ; la tentation arrive tous les jours. Ce que les gens veulent, c’est
s'occuperait de toute coupe de céder à la tentation, céder. C’est la seule façon de se débarrasser des tensions dans leur vie. Il en
bois qui devait être effectuée. • Le
coûte bien plus cher de résister à la tentation que de se rendre.

L'intendant lui a volontiers Votre tâche est donc de créer une tentation plus forte que la variété quotidienne. Il doit être centré sur eux, sur
fourni à manger, après quoi il lui
eux en tant qu'individus, sur leur faiblesse. Comprenez : chacun a une faiblesse principale, dont découlent les autres.
a présenté un tas de bûches
que Nuto n'avait pas pu couper. . Trouvez cette insécurité infantile, ce manque dans leur vie, et vous détenez la clé pour les tenter. Leur faiblesse peut

être l’avidité, la vanité, l’ennui, un désir profondément refoulé, une faim de fruits défendus. Ils le signalent par de petits
. . Tondre, quand
détails qui échappent à leur contrôle conscient : leur style vestimentaire, un commentaire désinvolte. Leur passé, et
l'intendant eut découvert
quel excellent jardinier il était, il particulièrement leurs idylles passées, seront semés d'indices. Donnez­leur une tentation puissante, adaptée à leur

fit signe à faiblesse ­ restez là, et cette dernière , et vous pourrez faire en sorte que l'espoir de plaisir que vous suscitez en eux
Masetto, lui demandant
soit fait de signes pour indiquer qu'il était prêt à faire plus en évidence que les doutes et les angoisses. qui l'accompagne.
s'il aimerait
quel que soit l'intendant

En 1621, le roi Philippe III d’Espagne souhaitait désespérément forger une alliance
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Créer une tentation • 235

liaison avec l'Angleterre en mariant sa fille au fils du roi d'Angleterre, James I. James . .• Or,
recherché. . un jour,
semblait ouvert à l'idée, mais il gagna du temps. alors que Masetto
L'ambassadeur d'Espagne à la cour d'Angleterre, un homme du nom de Gondomar, se reposait après un
travail intense, il fut
fut chargé de faire avancer le plan de Philippe. Il jette son dévolu sur le favori du roi, approché par deux très
le duc (ancien comte) de Buckingham. jeunes religieuses qui se
Gondomar connaissait la principale faiblesse du duc : la vanité. Buckingham promenaient dans le jardin.

avait soif de gloire et d'aventures qui ajouteraient à sa renommée ; il s'ennuyait de Comme il leur donnait
ses tâches limitées, et il faisait la moue et se plaignait à ce sujet. L'ambassadeur le l'impression qu'il dormait,
ils se mirent à le dévisager, et
flatta d'abord abondamment : le duc était l'homme le plus compétent du pays et
les plus audacieux d'entre eux
c'était dommage qu'on lui donne si peu de choses à faire. Puis, il commença à lui les deux lui dirent
murmurer une grande aventure. Le duc, comme Gondomar le savait, était favorable compagnon : • « Si j'étais sûr
au mariage avec la princesse espagnole, mais ces foutues négociations de mariage que vous garderiez cela
secret, je vous parlerais
avec le roi Jacques prenaient tellement de temps et n'aboutissaient à rien.
d'une idée qui m'a souvent
Et si le duc accompagnait le fils du roi, son bon ami le prince Charles, en Espagne ? traversé l'esprit et qui pourrait
Bien entendu, cela devrait se faire en secret, sans gardes ni escortes, car le bien fonctionner pour notre
bénéfice mutuel. » • "Dis­le­
gouvernement anglais et ses ministres n'autoriseraient jamais un tel voyage. Mais
moi", répondit l'autre. "Vous
cela rendrait la chose encore plus dangereuse et romantique. Une fois à Madrid, le pouvez être sûr que je n'en
prince pourrait se jeter aux pieds de la princesse Maria, lui déclarer son amour parlerai pas à

éternel et la ramener en Angleterre en triomphe. Quel acte chevaleresque ce serait " • Le plus audacieux
n'importe
et tout cela par amour. Le duc obtiendrait tout le mérite et rendrait son nom célèbre qui. commença à parler
pendant des siècles. plus clairement. • « Je me
demande, dit­elle, si vous
Le duc tomba sous le charme et convainquit Charles de l'accepter. après de
avez déjà réfléchi à ce qu'est un
nombreuses discussions, ils convainquirent également un roi Jacques réticent. Le la vie stricte que nous devons
voyage fut un quasi­désastre (Charles aurait dû se convertir au catholicisme pour mener, et que les seuls hommes

gagner Maria), et le mariage n'eut jamais lieu, mais Gondomar avait fait son travail. qui osent jamais mettre les
pieds dans cet endroit sont
Il n'a pas soudoyé le duc avec des offres d'argent ou de pouvoir : il visait la partie
l'intendant, qui est âgé, et
enfantine de lui qui n'a jamais grandi. Un enfant a peu de pouvoir pour résister. Il notre stupide jardinier. Pourtant
veut tout, maintenant, et pense rarement aux conséquences. Un enfant se cache en j'ai souvent entendu dire,
par plusieurs des dames qui
chacun, un plaisir qui leur a été refusé, un désir qui a été refoulé. Frappez­le à ce
sont venues nous rendre visite,
moment­là, tentez­le avec le jouet approprié (aventure, argent, plaisir), et il se que tous les autres plaisirs
débarrassera de sa raison normale d'adulte. Reconnaître leur faiblesse par le du monde ne sont que des
bagatelles en comparaison
comportement enfantin qu’ils manifestent dans la vie quotidienne n’est que la pointe
de celui qu'éprouve une
de l’iceberg. femme lorsqu'elle va avec un homme.
Napoléon Bonaparte fut nommé général suprême de l'armée française en 1796. J'ai donc pensé, n'ayant
personne d'autre sous la main,
Sa mission était de vaincre les forces autrichiennes qui s'étaient emparées du nord
que j'aimerais découvrir avec
de l'Italie. Les obstacles étaient immenses : Napoléon n'avait alors que vingt­six ans ; l'aide de cet imbécile s'ils disent
les généraux en dessous de lui étaient envieux de sa position et doutaient de ses la vérité. Il se trouve qu'il ne

capacités. Ses soldats étaient fatigués, sous­alimentés, sous­payés et grincheux. pouvait pas y avoir de meilleur
homme pour cela, car même
Comment pouvait­il motiver ce groupe à combattre l’armée autrichienne très
s'il voulait sortir le chat
expérimentée ? Alors qu'il se préparait à traverser les Alpes pour rejoindre l'Italie, du sac, il ne le pourrait pas. Il ne
Napoléon prononça devant ses troupes un discours qui fut peut­être un tournant saurait même pas comment
l'expliquer, car vous pouvez
dans sa carrière et dans sa vie : « Soldats, vous êtes à moitié affamés et à moitié constater par vous­même à
nus. Le gouvernement vous doit beaucoup, mais ne peut rien pour vous. Votre quel point un jeune débile
patience, votre courage, vous font honneur, mais ne vous donnent
Je te conduirai
aucunedans
gloire.
les.. . mental et stupide

plaines les plus fertiles du monde. Vous y trouverez des villes florissantes, des
provinces foisonnantes. Là, vous récolterez honneur, gloire et richesse. »
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236 • L'art de la séduction

le gars est. Je serais la parole a eu un effet puissant. Quelques jours plus tard, ces mêmes soldats, après une difficile
heureux de savoir ce
ascension des montagnes, contemplèrent la vallée du Piémont. Les paroles de Napoléon résonnèrent
que vous pensez de
à leurs oreilles, et une bande en lambeaux et grincheux devint une armée inspirée qui déferlerait sur
cette idée." • "Cher moi!" dit l'autre.
Autrichiens… préserver le nord de l'Italie à la poursuite du « Ne réalisez­vous pas que nous avons promis Dieu aux
notre virginité ? • « Pah ! » dit­elle.
"Nous sommes
Le recours à la tentation par Napoléon comportait deux éléments : derrière vous se
me suivez. Le fait de cache un sombre passé ; devant vous se trouve un avenir de richesse et de gloire, si vous
lui faire constamment des promesses de ne jamais recourir à la stratégie de tentation est une démonstration claire
que la cible n'a rien à
tenir ! Qu’importe de perdre et de tout gagner. Le présent offre peu d’espoir, l’avenir si nous ne
parvenons pas à le
un ? Il peut respecter peut être plein de plaisir et d’excitation. N'oubliez pas de conserver les gains futurs
d’autres filles pourcependant
Lui toujours être vague et quelque peu hors de portée. Soyez trop précis et vous trouverez
préserver leur " •
virginité. décevoir; faites la promesse trop près, et vous n’y arriverez pas . Avant que le moment ne soit
. . venu, reportez la
satisfaction suffisamment longtemps pour obtenir ce que vous voulez. pour
qu'ils partent, il leur fallait
ont fait des essais répétésLes barrières et les tensions dans la tentation sont là pour empêcher les gens de chacun d'eux
de la circonscription du stupide cédant trop facilement et trop superficiellement. Vous voulez qu’ils luttent, qu’ils
réussissent, et plus tard,
son premier ministre, ils lorsqu’ils résistent, qu’ils soient anxieux. La reine Victoria est sûrement tombée amoureuse de
religion (il était un étaient occupés à échanger leur ministre, Benjamin Disraeli, mais il y avait des barrières de
connaisseur de tout cela, ils étaient d'accord sur le fait que c'était un juif à la peau foncée), de classe (elle, bien sûr, elle
était une reine), le goût
social (elle était une expérience aussi agréable qu'un modèle de vertu, lui un dandy notoire). La
relation n'a jamais été
leur croyance telle qu'ils avaient été amenés à être consommés, mais quel délice ces barrières donnaient à
Et dès lors,quotidienne
chaque , voire plus encore. comptoirs, qui étaient pleins de flirt constant.
fois que l'occasion se
Beaucoup de ces barrières sociales ont disparu aujourd’hui, il faut donc les fabriquer –
présentait, ils passaient
bien des heures agréables c’est le seul moyen de pimenter la séduction. Les tabous, quels qu’ils soient, sont une source
dans les bras du muet. • de tension, et ils sont désormais psychologiques et non plus religieux. Vous recherchez un
Un jour, cependant, refoulement, un désir secret qui fera se tortiller votre victime si vous le rencontrez, mais qui
une de leurs
la tentera d'autant plus. Rechercher dans leur passé ; tout ce qu’ils semblent craindre ou fuir
compagnes a regardé par
la fenêtre de sa cellule, a vu pourrait détenir la clé. Il peut s’agir d’un désir ardent d’une figure maternelle ou paternelle,
ce qui se passait et a ou d’un désir homosexuel latent. Peut­être pouvez­vous satisfaire ce désir en vous
attiré l'attention de deux
présentant comme une femme masculine ou un homme féminin. Pour d'autres, vous incarnez
autres personnes sur ce qui
la Lolita,
se passait. Après avoir discuté ouquestion
de la le papa, quelqu'un qu'ils ne sont pas censés avoir, le côté obscur de leur
entre eux, ils décidèrent personnalité. Gardez le lien vague : vous voulez qu’ils atteignent quelque chose
d'abord de signaler le
d’insaisissable, quelque chose qui leur sort de l’esprit.
couple à l'abbesse. Mais
ensuite ils changèrent
d'avis, et d'un commun
accord avec les deux
autres, ils A Londres en 1769, Casanova rencontra une jeune femme nommée Charpillon. a pris des parts
dans Masetto. Elle était
réputation de détruirebeaucoup
les plus jeune que lui, la plus belle femme qu'il ait jamais eue. Et parce qu'il est connu et qu'il a la
compteurs, elle lui dit sans hommes. Dans une de leurs premières indiscrétions diverses, ces cinq­là furent par la suite des
détour qu'il tomberait
amoureux d'elle et qu'elle se joindrait aux autres pour le ruiner. À la grande incrédulité de tous, Casanova
la poursuivit. Dans chaque
fois, s'il était gentil avec elle. rencontre, trois, l'un après l'autre. • Elle a laissé entendre qu'elle pourrait céder – peut­être la prochaine
Enfin l'abbesse, qui
ignorait encore tout ce qu'elle excitait sa curiosité, quel plaisir elle lui procurerait ; il serait celui­ci, se promenait le premier, il
l'apprivoiserait. « Le venin du
désir a pénétré toute ma journée très chaude dans le jardin, étant si complètement, écrira­t­il plus tard,
que si elle l'avait voulu, elle
tomber sur Masetto le pourrait toute seule après m'avoir dépouillé de tout ce que je possédais. " Je me suis supplié de
d'amande Charpillon
étendu et endormi pour un petit baiser. " Cette « affaire » prouva en effet sa ruine ; elle l'a humilié. la nuance
avait justement pressenti
que la principale faiblesse de Casanova était son
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Créer une tentation • 237

besoin de conquête, de surmonter les défis, de goûter à ce qu'aucun autre homme arbre. Trop de chevauchée
n'avait goûté. Derrière tout cela se cachait une sorte de masochisme, un plaisir la nuit lui avait laissé
très peu de force pour les
dans la douleur qu'une femme pouvait lui infliger. Jouant la femme impossible, le
travaux de la journée, et il
séduisant puis le frustrant, elle offrait la tentation ultime. Ce qui est souvent efficace, resta donc là, avec ses
c'est de donner à la cible le sentiment que vous êtes un défi, un prix à gagner. En vêtements ébouriffés
vous possédant, ils obtiendront ce qu’aucun autre n’a eu. Ils peuvent même ressentir devant par le vent, le
laissant tout exposé. Se
de la douleur ; mais la douleur est proche du plaisir et offre ses propres tentations. trouvant seule, la dame
Dans l'Ancien Testament, nous lisons que « David se leva de son lit et se resta les yeux rivés sur
promenait sur le toit de la maison du roi... [et] il vit du toit une femme se baignant ; ce spectacle, et elle fut
saisie du même désir auquel
et cette femme était très belle. » Cette femme s'appelait Bethsabée. David l'a
avaient déjà succombé ses
convoquée, l'a séduite (soi­disant), puis a entrepris de se débarrasser de son mari, jeunes protégés.
Urie, au combat. Mais en fait, c’était Bethsabée qui avait séduit David. Elle se Ainsi, après avoir réveillé
baignait sur son toit à une heure Masetto, elle l'emmena
dans sa chambre, où elle
le gardait lorsqu'elle savait qu'il se tiendrait sur son balcon. Après avoir tenté pendant plusieurs jours un homme , dont elle
savait qu'elle avait un faible pour les femmes, elle joua la coquette, le forçant à provoquer d'amères plaintes de la part des religieuses
sur le fait de s'en prendre à
elle. C'est la stratégie de l'opportunité : donner à quelqu'un de faible la chance que le bricoleur a eu
d'obtenir ce qu'il désire en
se mettant simplement à portée de main de son travail suspendu , comme par accident. La tentation est souvent une question
de timing, de traversée de jardin. Avant de le renvoyer dans ses quartiers, le chemin des faibles au bon moment, leur donnant
l'occasion de savourer à
plusieurs reprises la reddition. un plaisir pour lequel elle avait toujours réservé sa plus vive
désapprobation, et dès lors elle exigeait
des
allocations supplémentaires régulières, s'élevant bien au­delà de sa juste part.
Bethsabée utilisait tout son corps comme leurre, mais il est souvent plus efficace
de n'utiliser qu'une partie du corps, créant un effet fétichiste. Madame Ré­camier
laissait entrevoir son corps sous les robes transparentes qu'elle portait, mais
seulement brièvement, lorsqu'elle enlevait son survêtement pour danser. Les
hommes partaient ce soir­là en rêvant du peu qu'ils avaient vu. L'impératrice
Joséphine mettait un point d'honneur à dévoiler ses beaux bras en public. Donnez
à la cible seulement une partie de vous sur laquelle fantasmer, créant ainsi une —GIOVANNI BOCCACCIO,

LE DÉCAMERON, TRADUIT
tentation constante dans son esprit. CONSTRUIRE. H. MCWILLIA marie

Symbole:
La pomme dans le jardin

d'Eden. Le fruit semble profondément

invitant, et vous n'êtes pas censé

mange­en; c'est interdit. Mais c'est avant

précisément pourquoi vous y pensez jour et nuit.


Vous le voyez mais vous ne pouvez pas l'avoir. Et le

seul moyen de se débarrasser de cette tentation­

tion est de donner et de goûter

le fruit.
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238 • L'art de la séduction

Renversement

L' inverse de la tentation est la sécurité ou la satisfaction, et les deux sont fatales à l'homme.
séduction. Si vous ne pouvez pas tenter quelqu’un hors de son confort habituel,
vous ne pouvez pas le séduire. Si vous satisfaites le désir que vous avez éveillé, la
séduction est terminée. Il n’y a pas de renversement de la tentation. Même si certaines
étapes peuvent être franchies, aucune séduction ne peut se faire sans une certaine
forme de tentation. Il est donc toujours préférable de la planifier soigneusement, en
l'adaptant à la faiblesse et à l'enfantillage de votre cible particulière.
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Phase deux

Induire en erreur—
Créer du plaisir et de la confusion
Vos victimes sont suffisamment intriguées et leur désir pour vous est

grandissent, mais leur attachement est faible et à tout moment ils pourraient

décider de faire demi­tour. Le but de cette phase est de guider vos victimes afin

égarés ­ les gardant émotifs et confus, leur donnant du plaisir

bien sûr, mais en leur donnant envie de plus, cette retraite n'est plus possible.

En leur faisant une agréable surprise, ils vous considéreront comme un dé­

légèrement imprévisibles, mais les déséquilibrera également (9 : Gardez

ils sont en suspens – que se passe­t­il ensuite ?). L'utilisation astucieuse de doux et

des mots agréables les enivreront et stimuleront les fantasmes (10 : Utiliser

le pouvoir démoniaque des mots pour semer la confusion). Touches esthétiques et

de petits rituels agréables titilleront leurs sens, distraireont leur esprit

(11 : Faites attention aux détails).

Votre plus grand danger dans cette phase est le simple soupçon de routine ou de famille.

iarité. Il faut garder un peu de mystère, garder un peu de distance donc

qu'en votre absence vos victimes deviennent obsédées par vous (12 : Poéti­

apprécier votre présence). Ils réalisent peut­être qu'ils tombent amoureux de vous, mais

ils ne doivent jamais soupçonner à quel point tout cela vient de votre manipulation.

lations. Une démonstration au bon moment de votre faiblesse, de votre émotion

êtes devenus sous leur influence vous aidera à brouiller vos traces (13 : Dis­

armer en raison de la faiblesse stratégique et de la vulnérabilité). Pour exciter votre victime

moments et les rendre très émotifs, vous devez leur donner le sentiment

qu'ils vivent réellement certains des fantasmes que vous avez suscités

leur imagination (14 : Confondre désir et réalité). En leur donnant

seulement une partie du fantasme, vous les inciterez à revenir pour en savoir plus.

Concentrez votre attention sur eux pour que le reste du monde s'efface

même en les emmenant en voyage, les égarera très loin (15 : Isoler

votre victime). Il n'y a pas de retour en arrière.


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Gardez­les en suspens­
Que ce passe t­il après?

Le moment où les gens sentent qu'ils savent à quoi s'attendre

toi, ton charme sur eux est rompu. Plus : vous avez cédé

leur pouvoir. La seule façon d'entraîner les séduits et

garder le dessus, c'est créer du suspense, un sur­

prix. Les gens aiment le mystère, et c'est la clé pour attirer

les plus loin dans votre site Web. Se comporter d'une manière qui laisse

ils se demandent : Qu'est­ce que tu fais ? Faire quelque chose

ils n'attendent pas de toi, tu leur donneras un délicieux

sentiment de spontanéité – ils ne seront pas en mesure de prévoir

voir ce qui vient ensuite. Tu es toujours un pas

en avance et en contrôle. Donnez à la victime un

frisson avec un changement soudain de

direction.
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La surprise calculée

E n 1753, Giovanni Casanova, vingt­huit ans, rencontra une jeune fille


nommé Caterina dont il est tombé amoureux. Son père savait de quel genre
L'homme qu'était Casanova, et pour éviter quelque incident avant de pouvoir la marier, il
l'envoya dans un couvent de l'île vénitienne de Murano, où elle devait rester quatre ans.

Casanova, cependant, n’était pas du genre à se laisser intimider. Il a envoyé Je compte bien surprendre [les
Français] .
clandestinement des lettres à Caterina. Il commença à assister à la messe au couvent
Un acte audacieux bouleverse la
plusieurs fois par semaine, l'apercevant. Les religieuses commencèrent à parler entre sérénité des gens et ils sont
elles : qui était ce beau jeune homme qui apparaissait si souvent ? Un matin, alors que abasourdis devant une grande
nouveauté.
Casanova, sortant de la messe, s'apprêtait à monter dans une gondole, une servante du
couvent passa et lui laissa tomber une lettre à ses pieds. Pensant que cela pourrait provenir ­NAPOLÉON BONAPARTE,

CITÉ DANS EMIL LUDWIG,


de Caterina, il l'a récupéré. C'était bien à lui qu'il était destiné, mais ce n'était pas de
NAPOLÉON, TRADUIT PAR

Caterina ; son auteur était une religieuse du couvent, qui l'avait remarqué lors de ses EDEN ET CÈDRE PAUL

nombreuses visites et souhaitait faire sa connaissance. Était­il intéressé ? Dans ce cas, il


devait venir au parloir du couvent à une heure précise, lorsque la religieuse recevrait une
visite du monde extérieur, une de ses amies qui était comtesse. Il pouvait se tenir à Le premier souci de tout dandy
est de ne jamais faire ce qu'on
distance, l'observer et décider si elle lui plaisait.
attend d'eux qu'ils fassent,
qu'ils se dépassent toujours. .. .
Casanova était très intrigué par la lettre : son style était digne, mais l'inattendu peut être qu'elle avait aussi quelque chose de méchant, en

particulier de la part d'une religieuse. Il n'était rien de plus qu'un geste, mais un geste qu'il fallait découvrir davantage. Au jour et à l'heure fixés, il se
tenait à l'écart, ce qui est tout à
fait rare. dans le salon du couvent et j'aperçus une femme élégamment vêtue qui parlait avec un Alcibiade qui coupa la
queue d' une religieuse assise
derrière une grille. Il entendait prononcer le nom de la religieuse et était son chien pour surprendre les gens. Quand il le vit étonné : c'était Mathilde M., une

Vénitienne bien connue d'une jeune vingtaine d'années, regardant ses amis en train de se lier, dont la décision d'entrer dans un couvent avait surpris toute
la ville. Mais en regardant la
mutilée, ce qui l'étonnait le plus, c'était que sous son habit de religieuse, il pouvait voir un animal, il dit : "Ah, que c'était
une belle jeune femme, surtout à ses
yeux, qui étaient précisément ce que je voulais qu'il se passe." : tant que le bleu était brillant. Peut­être avait­elle besoin d'une faveur et voulait­elle que les

ragots des Athéniens lui servent de patte de chat. Ceci, on ne le dira pas, sa curiosité l'a emporté. Quelques jours plus tard, il je suis revenu à ce qui était pire

chez moi. » • Attirer l'attention est couvent et a demandé à la voir. Tandis qu'il l'attendait, son cœur ne battait pas à un rythme record : il ne savait pas à
quoi s'attendre. Elle est enfin
apparue et dandy, il veut la tenir, s'est assis derrière la grille. Ils étaient seuls dans la pièce, et elle dit par des moyens
inattendus, voire ridicules. Après
cela, elle pourrait organiser un dîner ensemble dans une petite villa Alcibiade, combien à proximité. Casanova était ravi, mais se demandait avec quel

genre de nonne il était un apprenti dandy avec lequel il n'avait pas de relations. "Et... tu n'as pas d'autre amant que moi ?" Il a demandé. "J'ai la queue
de leurs chiens ! Le

243
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244 • L'art de la séduction

le baron de Saint­Cricq, par ami, qui est aussi absolument mon maître, répondit­elle. C'est à lui que je dois ma
exemple, avec ses bottes de
richesse. Elle lui demanda s'il avait un amant. Oui, répondit­il. Elle dit alors d'un ton
glace : par une journée très
chaude, il commanda chez Tortonis mystérieux
deux glaces : Je vous préviens. que si tu me permets une fois de prendre sa place
crèmes, la vanille servie dans dans ton cœur, aucune puissance sur terre ne pourra m'en arracher." Elle lui donna
sa botte droite, la fraise alors la clé de la villa et lui dit de la retrouver là­bas dans deux nuits. Il l'embrassa à
dans sa botte gauche. .
. . Le décompte travers le grinçant et partit hébété. « J'ai passé les deux jours suivants dans un état
Saint­Germain aimait amener d'impatience fiévreuse, écrit­il, qui m'empêchait de dormir et de manger. Au­delà de
ses amis au théâtre, dans la naissance, de la beauté et de l'esprit, ma nouvelle conquête possédait un charme
son voluptueux carrosse doublé supplémentaire : elle était un fruit défendu. J'étais sur le point de devenir une rivale
de satin rose et tiré par deux
chevaux noirs aux queues de l'Église. » Il l'imaginait dans son habit et avec le crâne rasé.
énormes ; il demanda à ses amis Il arriva à la villa à l'heure dite. Mathilde l'attendait. À sa grande surprise, elle
de son ton inimitable : « Quel
portait une robe élégante et, d'une manière ou d'une autre, elle avait évité de se faire
divertissement souhaitiez­
vous voir ? Le raser la tête, car ses cheveux étaient en un magnifique chignon.
Vaudeville, le Casanova commença à l'embrasser. Elle résista, mais légèrement, puis se retira en
disant qu'un repas était prêt pour eux. Au cours du dîner, elle combla encore quelques
Spectacle de variétés, théâtre
du Palais­Royal ? J'ai pris la
lacunes : son argent lui permettait de soudoyer certaines personnes, afin de pouvoir
liberté d'acheter une boîte pour s'échapper de temps en temps du couvent. Elle avait parlé de Casanova à son ami
eux trois." et maître, et celui­ci avait approuvé leur liaison. Il doit être vieux ? » demanda
Une fois le choix fait, avec un air
Casanova. Non, répondit­elle, une lueur dans les yeux, il a la quarantaine et est plutôt
de grand dédain, il
prenait les billets inutilisés, les beau. Après le dîner, une cloche sonna, son signal de retourner au couvent en toute
enroulait et s'en servait pour hâte, sinon elle serait rattrapée. Elle reprit ses habitudes et partit.
allumer son cigare.

Une belle vue semblait maintenant s'étendre devant Casanova, des mois passés
—MAU D DE BELLEROCHE,

VOUS DANDY AU PLAY BOY


dans la villa avec cette charmante créature, tout cela grâce au mystérieux maître
qui a tout payé. Il revint bientôt au couvent pour organiser la prochaine rencontre. Ils
se retrouveraient sur une place de Venise, puis se retireraient dans la villa. A l'heure
et au lieu fixés, Casanova vit un homme s'approcher de lui. Craignant qu'il s'agisse
Alors que Shahzaman était
de son mystérieux ami ou d'un autre homme envoyé pour le tuer, il recula. L'homme
assis à l'une des fenêtres
donnant sur le jardin du roi, tourne derrière lui, puis s'approche : c'est Mathilde, portant un masque et des
il aperçut une porte ouverte dans vêtements d'homme. Elle rit de la frayeur qu'elle lui avait fait. Quelle religieuse
le palais, par laquelle
diabolique. Il devait admettre qu'habillée en homme, elle l'excitait encore plus.
entraient vingt esclaves et vingt
nègres.
Au milieu d'eux se trouvait son Casanova commença à soupçonner que tout n’était pas ce qu’il semblait être.
la reine de son
D'une part, il a trouvé une collection de romans et de pamphlets libertins chez Mathilde.
frère [le roi Shahriyar] , une
femme d'une beauté
Puis elle a tenu des propos blasphématoires, par exemple sur la joie qu'ils auraient
incomparable. Ils se dirigèrent ensemble pendant le Carême, "mortifiant leur chair". Maintenant, elle considérait
vers la fontaine, où ils se son mystérieux ami comme son amant. Un plan élabora dans son esprit pour
déshabillèrent tous et s'assirent
sur l'herbe. L'épouse du roi
l'éloigner de cet homme et du couvent, s'enfuir avec elle et la posséder lui­même.
crie alors : « Venez
Mass'ood ! et
Quelques jours plus tard, il reçut une lettre d'elle dans laquelle elle lui faisait une
aussitôt vint à elle un esclave noir,
confession : lors d'un de leurs rendez­vous les plus passionnés à la villa, son amant
qui la monta après l'avoir étouffée
d'embrasses et de baisers. s'était caché dans un placard et surveillait tout. L'amant, lui dit­elle, était l'ambassadeur
de France à Venise et Casanova l'avait impressionné.
Il en était de même pour les
Casanova n'était pas du genre à se laisser tromper ainsi, et pourtant le lendemain, il
nègres et les esclaves, qui se
réjouissaient ensemble jusqu'à était de retour au couvent, organisant docilement un autre rendez­vous. Cette fois,
• ...
l'approche de la nuit. ... Et ainsi elle arriva à l'heure qu'ils avaient fixée, et il l'embrassa – seulement pour
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Gardez­les en suspens : que se passe­t­il ensuite ? • 245

découvre qu'il étreignait Caterina, habillée avec les vêtements de Mathilde. Shahzaman raconta à [son
frère le roi Shahriyar] tout ce
Mathilde s'était liée d'amitié avec Caterina et avait appris son histoire. Prenant apparemment
qu'il avait vu dans le jardin
pitié d'elle, elle avait fait en sorte que Caterina puisse quitter le couvent pour la soirée et du roi ce jour­là. . • Sur ce, . .
retrouver Casanova. Quelques mois auparavant, Casanova était amoureux de cette fille, Shahriyar a annoncé son
intention de
mais il l'avait oubliée.
partit pour une autre
Comparée à l'ingénieuse Mathilde, Caterina était ennuyeuse. Il ne pouvait cacher sa
expédition. Les troupes
déception. Il brûlait de voir Mathilde. sortirent de la ville avec les
Casanova était en colère contre le tour joué par Mathilde. Mais quelques jours plus tard, tentes et le roi
Shahriyar les suivit.
lorsqu'il la revit, tout lui fut pardonné. Comme elle l'avait prédit lors de leur premier entretien,
Et après être resté quelque
son pouvoir sur lui était total. Il était devenu son esclave, accro à ses caprices et aux plaisirs temps dans le camp, il donna
dangereux qu'elle lui offrait. l'ordre à ses esclaves de ne pas
on devait être admis dans la
Qui sait quel acte téméraire il aurait pu commettre en son nom si leur liaison n'avait pas été
tente du roi. Il s'est ensuite
interrompue par les circonstances. déguisé et est revenu
inaperçu au
palais, où son frère l'attendait.
Ils étaient tous deux assis à
Interprétation. Casanova contrôlait presque toujours ses séductions.
l'une des fenêtres
C'est lui qui a emmené sa victime dans un voyage vers une destination inconnue, l'attirant donnant sur le jardin ; et
dans sa toile. Dans tous ses mémoires, l'histoire de Mathilde est la seule séduction où les après y être restés peu de
temps, la reine et ses femmes
rôles s'inversent heureusement : il est la victime séduite, la victime abasourdie.
apparurent avec les
esclaves noirs et se
Ce qui a fait de Casanova l'esclave de Mathilde, c'est la même tactique qu'il avait utilisée comportèrent comme
Shahzaman avait
sur d'innombrables filles : l'attrait irrésistible d'être dirigée par une autre personne, le frisson
décrit. . • Dès . .
d'être surpris, le pouvoir du mystère. Chaque fois qu'il quittait Mathilde, sa tête tournait sous en entrant dans le palais,
des questions. Sa capacité à continuer à le surprendre la gardait toujours dans son esprit, Le roi Shahriyar a mis à
mort sa femme, ses femmes et
approfondissant son charme et effaçant Caterina.
les Noirs.
Chaque surprise était soigneusement calculée en fonction de l'effet qu'elle produirait. La des esclaves. Dès lors, il
première lettre inattendue piqua sa curiosité, tout comme cette première vue d'elle dans la prit l'habitude de prendre

salle d'attente ; la voir soudain habillée en femme élégante suscita un désir intense ; puis la une vierge en mariage dans
son lit chaque nuit, et tu la
voir habillée en homme a intensifié la nature passionnante et transgressive de leur liaison.
tueras le lendemain matin. Il
Les surprises le déséquilibraient, mais le laissaient frémir d'anticipation de la suivante. Même continua à le faire pendant
une mauvaise surprise, comme la rencontre avec Caterina que Mathilde avait organisée, le trois ans, jusqu'à ce qu'une
clameur s'élève parmi la
maintenait émotif et faible. Rencontrer à ce moment­là Caterina, un peu fade, ne faisait que
population, dont certains
lui donner encore plus envie de Mathilde. fuyaient le pays avec leurs
filles. • Or le vizir avait deux filles.
L'aîné s'appelait
En séduction, vous avez besoin de créer une tension et un suspense constants, le
Shahrazad et le jeune
sentiment que chez vous rien n'est prévisible. Ne considérez pas cela comme un défi Dunyazad.
douloureux. Vous créez un drame dans la vraie vie, alors consacrez­y votre énergie créative Shahrazad possédait de
nombreuses réalisations et
et amusez­vous. Il existe toutes sortes de surprises calculées que vous pouvez réserver à
connaissait la sagesse des
vos victimes : envoyer une lettre à l'improviste, se présenter à l'improviste, les emmener dans poètes et les légendes des
un endroit où elles ne sont jamais allées. Mais le meilleur de tout, ce sont les surprises qui anciens rois. • Ce jour­là,
Shahrazad l'a remarquée
révèlent quelque chose de nouveau sur votre personnage. Cela doit être mis en place. Au
l'anxiété de son père et lui a
cours de ces premières semaines, vos cibles auront tendance à porter des jugements demandé ce qui le
instantanés sur vous, basés sur les apparences. Peut­être qu’ils vous voient comme un peu troublait. Quand le

timide, pratique et puritain. Vous savez que ce n’est pas votre vrai vous, mais c’est la façon Le vizir lui a parlé de sa
situation difficile, elle a déclaré :
dont vous agissez dans les situations sociales. Qu'ils aient cependant ces impressions, et
" Donne­moi en mariage à
même qu'ils les accentuent un peu, sans exagération : par exemple,
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246 • L'art de la séduction

ce roi ; soit je mourrai et serai semblent un peu plus réservés que d'habitude. Vous avez désormais la possibilité de les
une rançon pour les filles surprendre soudainement avec une action audacieuse, poétique ou coquine. Une fois qu'ils
des musulmans, soit je vivrai
ont changé d'avis à votre sujet, surprenez­les à nouveau, comme Mathilde l'a fait avec
et serai la cause de leur
délivrance. » Il Casanova, d'abord une religieuse qui veut une liaison, puis une libertine, puis une séductrice
la supplia sincèrement contre à tendance sadique. En s’efforçant de vous comprendre, ils penseront tout le temps à vous
un tel danger ; mais Shahrazad
et voudront en savoir plus sur vous.
était résolue et ne voulait
pas céder aux supplications
Leur curiosité les mènera plus loin dans votre site Web, jusqu'à ce qu'il soit trop tard pour
de son père. . . . • qu'ils reviennent en arrière.
Alors le vizir revêtit sa fille
de vêtements de mariée, la . . Si l’on sait
C'est toujours la loi de l'intéressant. .
para de bijoux et se prépara à
annoncer le décès surprendre, on gagne toujours la partie. L'énergie de la personne impliquée
de Shahrazad. est temporairement suspendue ; on lui rend impossible d'agir.
mariage avec le roi. •
Avant de dire adieu à sa
sœur, Shahrazad lui a donné ­SOREN KIERKEGAARD
ces instructions :
"Quand je serai reçu par le
roi, je t'enverrai chercher.
Puis, quand le roi aura fini Les clés de la séduction
son acte avec moi, tu
devras dire : 'Raconte­moi, l'enfant est généralement une créature volontaire et têtue qui fera délibérément
ma sœur, quelque histoire
merveilleuse pour
UNle contraire de ce que nous demandons. Mais il existe un scénario dans lequel les
tromper la nuit.' Alors je vous enfants abandonnent volontiers leur entêtement habituel : lorsqu’on leur promet une surprise.
raconterai une histoire qui, si Peut­être s'agit­il d'un cadeau caché dans une boîte, d'un jeu avec une fin imprévisible, d'un
Allah le veut, sera le moyen
voyage avec une destination inconnue, d'une histoire pleine de suspense avec une fin
de notre délivrance. " • Le
vizir se rendit avec sa fille surprise. Dans ces moments où les enfants attendent une surprise, leur volonté est suspendue.
chez le roi. Et quand le roi Ils sont sous votre emprise aussi longtemps que vous leur offrez une possibilité. Cette
eut emmené la jeune fille
habitude enfantine est enfouie au plus profond de nous et est la source d'un plaisir humain
Shahrazad dans sa chambre
et ayant couché avec elle, elle élémentaire : être conduit par quelqu'un qui sait où il va et qui nous fait voyager.
pleura et dit : « J'ai une
jeune sœur à qui je veux (Peut­être que notre joie d’être porté implique un souvenir enfoui d’avoir été littéralement
dire adieu. • Le roi fit venir
porté par un parent, lorsque nous étions petits.)
Dunyazad.
Lorsqu'elle arriva, elle Nous ressentons le même frisson lorsque nous regardons un film ou lisons un
passa ses bras autour du cou thriller : nous sommes entre les mains d'un réalisateur ou d'un auteur qui nous
de sa sœur et s'assit à ses
guide et nous fait traverser des rebondissements. On reste assis, on tourne les
côtés. • Alors Dunyazad dit
à Shahrazad : « Dis pages, joyeusement esclaves du suspense. C'est le plaisir qu'une femme éprouve
à être dirigée par un danseur confiant, à abandonner toute attitude défensive
nous, ma sœur, un conte
qu'elle peut ressentir et à laisser une autre personne faire le travail. Tomber
merveilleux, pour que la nuit
se passe agréablement. » amoureux implique de l’anticipation ; nous allons prendre une nouvelle direction,
• « Avec plaisir, répondit­ entrer dans une nouvelle vie, où tout sera étrange. Le séduit veut se laisser
"
elle, si le roi le permet. • conduire, se laisser entraîner comme un enfant. Si vous êtes prévisible, le charme
Et le roi, qui souffrait
d'insomnie, écouta avec
disparaît ; la vie quotidienne est prévisible . Dans les Contes arabes des Mille et
impatience le récit de une nuits, chaque nuit, le roi Shahriyar prend une vierge pour épouse, puis la tue
Shahrazad : Il était une fois, le lendemain matin. L'une de ces vierges, Shahrazad, parvient à échapper à ce
dans la ville de Bassora,
un tailleur prospère qui
sort en racontant au roi une histoire qui ne pourra être achevée que le lendemain.
aimait le sport et le sport . Elle le fait nuit après nuit, gardant le roi en haleine constante. Lorsqu’une histoire
se termine, elle en commence rapidement une autre. Elle le fait pendant près de
gaieté. . . .
trois ans, jusqu'à ce que le roi décide finalement de lui épargner la vie. Vous êtes comme S
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Gardez­les en suspens : que se passe­t­il ensuite ? • 247

Si vous découvrez de nouvelles histoires, sans un sentiment d'anticipation, votre séduction mourra. trois ans passent.] Or,
pendant ce temps,
Continuez à attiser les incendies nuit après nuit. Vos cibles ne doivent jamais savoir ce qui va
Shahrazad avait supporté trois
suivre, quelles surprises vous leur réservez. Comme pour le roi Shahriyar, ils seront sous votre sous au roi Shahriyar. La mille
contrôle aussi longtemps que vous pourrez les laisser deviner. et unième nuit, lorsqu'elle
eut terminé l'histoire de Ma'aruf,
elle se leva et embrassa le
En 1765, Casanova rencontre une jeune comtesse italienne nommée Clementina qui vit avec
sol devant lui en disant : « Grand
ses deux sœurs dans un château. Clémentine adorait lire et ne s'intéressait guère aux hommes qui Roi, depuis mille et une nuits je
grouillaient autour d'elle. Casanova s'ajouta à eux, lui achetant des livres, l'engageant dans des te raconte les fables des âges
passés et les légendes des
discussions littéraires, mais elle ne lui était pas moins indifférente qu'elle ne l'avait été à eux.
anciens rois.

Puis un jour, il a invité toute la famille à un petit voyage. Il ne leur dirait pas où ils allaient. Ils
Puis­je avoir l'audace de
s'entassèrent dans la voiture, essayant tout le temps de deviner leur destination. Quelques heures
solliciter une faveur de
plus tard, elles entrèrent à Milan. Quelle joie, les sœurs n'y étaient jamais allées. Casanova les Votre Majesté ? » • Le roi
conduisit à son appartement, où étaient disposées trois robes, les robes les plus magnifiques que répondit : « Demandez, et elle
vous sera accordée. " •
les filles aient jamais vues. Il y en avait une pour chacune des sœurs, leur dit­il, et la verte était pour
Shahrazad a appelé les
Clémentine. Abasourdie, elle l'enfila et son visage s'éclaira. Les surprises ne se sont pas arrêtées : infirmières en leur disant : "
il y a eu un délicieux repas, du champagne, des jeux. À leur retour au château, tard dans la soirée, Amenez­moi mes• . enfants.
. . "Voir "

Clémentine était tombée désespérément amoureuse de Casanova. ces trois [petits garçons]
qu'Allah nous a accordés. Pour
leur bien, je vous implore
d'épargner ma vie. Car si vous

La raison était simple : la surprise crée un moment où les défenses des gens s'effondrent et détruisez la mère de ces enfants,
ils ne trouveront aucune femme
où de nouvelles émotions peuvent surgir. Si la surprise est agréable, le poison séduisant pénètre
parmi les femmes pour les aimer
dans leurs veines sans qu'ils s'en rendent compte. Tout événement soudain a un effet similaire, comme je le ferais . »

frappant directement nos émotions avant que nous ne soyons sur la défensive. Les râteaux Le roi embrassa ses trois
sous, et ses yeux s'emplirent
connaissent bien ce pouvoir.
de larmes en répondant :
Une jeune femme mariée de la cour de Louis XV, en France au XVIIIe siècle, remarqua un "Je jure par Allah,
beau jeune courtisan qui l'observait, d'abord à l'opéra, puis à l'église. En s'enquérant, elle découvrit Shahrazad, que tu as déjà été
gracié avant l'arrivée de ces
qu'il s'agissait du duc de Richelieu, le débauché le plus notoire de France. Aucune femme n'était à
enfants.
l'abri de cet homme, était­elle prévenue ; il était impossible de lui résister, et elle devait l'éviter à
Je t'ai aimé parce que je
tout prix. C’est absurde, répondit­elle, elle était mariée et heureuse. Il ne pouvait pas la séduire. En t'ai trouvé chaste et tendre,

le revoyant, elle se moqua de son insistance. sage et éloquent.


Qu'Allah vous bénisse et
bénisse votre père et votre
Il se déguisait en mendiant et s'approchait d'elle dans le parc, ou bien son carrosse arrivait soudain mère, vos ancêtres et tous

à côté du sien. Il n'a jamais été agressif et semblait plutôt inoffensif. Elle le laissa lui parler à la vos descendants.
Ô Shahrazad, cette mille
cour ; il était charmant et plein d'esprit et demanda même à rencontrer son mari.
et unième nuit est pour nous
plus lumineuse que le
Les semaines passèrent et la femme comprit qu'elle s'était trompée : elle attendait avec jour !"

impatience de voir le marquis. Elle avait baissé sa garde. Cela devait cesser. Maintenant, elle —CONTES DES MILLE

ET UNE NUITS, TRADUIT


commençait à l'éviter, et il semblait respecter ses sentiments : il cessa de la déranger. Puis un jour,
PAR NJ DAWOOD
des semaines plus tard, elle se trouvait au manoir d'un ami lorsque le marquis apparut soudainement.
Elle rougit, trembla, s'éloigna, mais son apparition inattendue l'avait prise au dépourvu, l'avait
poussée à bout. Quelques jours plus tard, elle devint une autre victime de Richelieu. Bien sûr, il
avait tout organisé, y compris la prétendue rencontre surprise.

Non seulement la soudaineté crée une secousse séduisante, mais elle dissimule des manipulations.
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248 • L'art de la séduction

tion. Apparaissez quelque part de manière inattendue, dites ou faites quelque chose de soudain, et
les gens n'auront pas le temps de comprendre que votre déménagement a été calculé. Emmenez­les
dans un nouvel endroit comme si cela venait juste de vous venir à l'esprit, révélant soudainement un
secret. Rendus émotionnellement vulnérables, ils seront trop désorientés pour voir à travers vous.
Tout ce qui arrive semble soudainement naturel, et tout ce qui semble naturel a un charme séduisant.

Quelques mois seulement après son arrivée à Paris en 1926, Joséphine Baker avait
complètement charmé et séduit le public français avec ses danses endiablées. Mais moins d’un an
plus tard, elle sentait leur intérêt diminuer. Depuis son enfance, elle détestait se sentir hors de contrôle
de sa vie. Pourquoi être à la merci d’un public inconstant ? Elle quitta Paris et revint un an plus tard,
ses manières complètement modifiées : elle jouait désormais le rôle d'une élégante Française, qui
se trouvait être une ingénieuse danseuse et interprète. Les Français sont retombés amoureux ; le
pouvoir était de retour de son côté. Si vous êtes aux yeux du public, vous devez tirer les leçons de
cette astuce de surprise. Les gens s’ennuient, non seulement de leur propre vie, mais aussi des
personnes qui sont censées les empêcher de s’ennuyer.

Dès qu’ils sentiront qu’ils peuvent prédire votre prochaine étape, ils vous mangeront vivant. L’artiste
Andy Warhol ne cessait d’évoluer d’incarnation en incarnation, et personne ne pouvait prédire la
suivante : artiste, cinéaste, homme du monde. Gardez toujours une surprise dans votre manche. Pour
garder l’attention du public, laissez­le deviner. Que les moralistes vous accusent de manque de
sincérité, de manque de noyau ou de centre. Ils sont en fait jaloux de la liberté et du caractère ludique
que vous révélez dans votre personnalité publique.

Enfin, vous pourriez penser qu'il est plus sage de vous présenter comme quelqu'un de fiable,
peu enclin aux caprices. Si tel est le cas, vous êtes en fait simplement timide. Il faut du courage et des
efforts pour monter une séduction. La fiabilité est une bonne chose pour attirer les gens, mais restez
fiable et vous restez ennuyeux. Les chiens sont fiables, pas un séducteur. Si, au contraire, vous
préférez improviser, en imaginant que toute forme de planification ou de calcul est antithétique à l’esprit
de surprise, vous commettez une grave erreur. L'improvisation constante signifie simplement que
vous êtes paresseux et que vous ne pensez qu'à vous­même. Ce qui séduit souvent une personne,
c’est le sentiment que vous avez déployé des efforts en sa faveur. Vous n'avez pas besoin de le crier
trop fort, mais faites­le clairement savoir dans les cadeaux que vous faites, les petits voyages que
vous planifiez, les petites taquineries avec lesquelles vous attirez les gens. De petits efforts comme
ceux­là seront largement récompensés par la conquête du cœur et de la volonté des séduits.

Symbole : Les montagnes russes.

La voiture monte lentement vers le sommet, puis vous fonce soudainement vers le sommet.

l'espace, vous fouette sur le côté, vous jette la tête en bas, dans toutes les directions possibles.

Les cavaliers rient et crient. Ce qui les excite, c'est de lâcher prise, de donner le contrôle à quelqu'un d'autre, qui les propulse

dans des directions inattendues. Quelle nouvelle sensation les attend au prochain virage ?
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Gardez­les en suspens : que se passe­t­il ensuite ? • 249

Renversement

S
La surprise peut ne pas être surprenante si vous continuez à refaire la même chose et
encore. Jiang Qing essayait de surprendre son mari Mao Zedong avec des
changements d'humeur soudains, de la dureté à la gentillesse et inversement. Au début,
il fut captivé ; il aimait le sentiment de ne jamais savoir ce qui allait arriver.
Mais cela a duré des années et c’était toujours pareil. Bientôt, les sautes d'humeur soi­
disant imprévisibles de Madame Mao l'ennuyèrent. Il faut varier la méthode de vos
surprises. Lorsque Madame de Pompadour était l'amante du roi Louis XV, qui s'ennuyait
invétéré, elle rendait chaque surprise différente : un nouvel amusement, un nouveau jeu,
une nouvelle mode, une nouvelle humeur. Il ne pouvait jamais prédire ce qui allait suivre,
et pendant qu'il attendait la prochaine surprise, sa volonté était temporairement
suspendue. Aucun homme n'a jamais été plus esclave d'une femme que Louis ne l'était de
Madame de Pompadour. Lorsque vous changez de direction, faites en sorte que la
nouvelle direction soit vraiment nouvelle.
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Utilisez le pouvoir démoniaque des mots

semer la confusion

Il

c'est difficile à faire

les gens écoutent ; ils sont consommés

avec leurs propres pensées et désirs, et

j'ai peu de temps pour le vôtre. L'astuce pour les réaliser

écouter, c'est dire ce qu'ils veulent entendre, se remplir les oreilles

avec tout ce qui leur plaît. C'est l'essence de la séduction.

langue maternelle. Enflammez les émotions des gens avec des phrases chargées,

les flatter, réconforter leurs insécurités, les envelopper de fantasmes,

des paroles douces et des promesses, et non seulement ils écouteront

vous, ils perdront leur volonté de vous résister. Gardez votre terrain­

langage vague, leur permettant d'y lire ce que

Ils veulent. Utiliser l’écriture pour attiser les fantasmes

et de créer un idéalisé

portrait de votre­

soi.
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Oratoire séduisant

Le 13 mai 1958, les Français de droite et leurs sympathisants du mouvement


L'armée prend le contrôle de l'Algérie, qui est alors une colonie française.
Ils craignaient que le gouvernement socialiste français accorde à l'Algérie son
indépendance. Désormais, avec l’Algérie sous leur contrôle, ils menacent de s’emparer
de la France entière. La guerre civile semblait imminente.
En ce moment désastreux, tous les regards se tournèrent vers le général Charles
Après l'Opération Sédition, nous avons
de Gaulle, le héros de la Seconde Guerre mondiale qui avait joué un rôle crucial dans
droit à l'Opération Séduction.
la libération de la France des nazis. Au cours des dix dernières années, de Gaulle
s'est tenu à l'écart de la politique, dégoûté par les luttes intestines entre les différents —MAURIC E KRIEGEL­

partis. Il restait très populaire et était généralement considéré comme le seul homme VALRIMONT ON CHARLES DE

capable d’unifier le pays, mais il était aussi un conservateur et la droite était certaine GAULLE, PEU APRÈS LE

PUISSANCE GÉNÉRALE ASSUMÉE


que s’il arrivait au pouvoir, il soutiendrait leur cause. Quelques jours après le coup
d’État du 13 mai, le gouvernement français – la Quatrième République – s’est effondré
et le Parlement a appelé de Gaulle à l’aider à former un nouveau gouvernement, la
Ma maîtresse a mis en scène une
Cinquième République. Il demanda et obtint les pleins pouvoirs pour quatre mois. Le 4 dehors. . . . serrure­\ Je suis

juin, quelques jours après être devenu chef du gouvernement, de Gaulle s'envole pour l'Algérie.
revenu aux vers et aux compliments,

Les colons français étaient ravis. C’était leur coup d’État qui avait indirectement \ Mes armes naturelles. Mots doux \
Supprimer les mots durs
amené de Gaulle au pouvoir ; sûrement, s'imaginaient­ils, il venait les remercier, et les
chaînes de porte. Il y a de la magie
rassurer sur le fait que l'Algérie resterait française. A son arrivée à Alger, des milliers dans la poésie, son pouvoir \ Peut

de personnes remplissaient la place principale de la ville. L'ambiance était extrêmement abattre la lune sanglante, \
Renverser le soleil, faire éclater
festive : il y avait des banderoles, de la musique et des chants sans fin de « Algérie
les serpents \ Ou faire couler les
française », le slogan colonial français. Soudain, de Gaulle apparaît sur un balcon rivières en amont. \ Les portes ne

donnant sur la place. La foule s'est déchaînée. Le général, un homme extrêmement sont pas à la hauteur d'un tel
envoûtement, les
grand, leva les bras au­dessus de sa tête et le chant redoubla de volume. La foule le
plus résistantes \ Les serrures peuvent
suppliait de se joindre à nous. Au lieu de cela, il baissa les bras jusqu'au silence, puis être ouvertes par leurs charmes. \ Mais
les ouvrit grand et entonna lentement, de sa voix grave : « Je vous ai compris », je l'épopée est une perte sèche pour moi.
Je n'arriverai à rien avec Achille au
vous ai compris . Il y eut un moment de calme, puis, tandis que ses paroles pénétraient,
pied rapide, ni avec aucun des fils
un rugissement assourdissant : il les comprit. C'était tout ce qu'ils avaient besoin d'Atreus. \ Vieux quoi c'est­
d'entendre.
De Gaulle commença à parler de la grandeur de la France. Plus de bravo. son nom a perdu vingt ans en guerre
et en voyages, \ Pauvre Hector traîné
Il a promis qu'il y aurait de nouvelles élections et "avec ces représentants
dans la poussière... \ Pas bon. Mais
élus, nous verrons comment faire le reste". Oui, un nouveau gouvernement, prodiguez de belles paroles sur le
exactement ce que la foule voulait : plus de bravos. Il « trouverait la place profil d'une jeune fille \ Et tôt ou tard
elle sera tendre
de l'Algérie » dans « l'ensemble » français. Il doit y avoir « une discipline
totale, sans réserve et sans conditions » – qui pourrait contester cela ? Il elle­même comme honoraire, \

termine par un cri fort : "Vive la République ! Vive la France !" le slogan émotionnel
Une ample qui
récompense pour votre

253
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254 • L'art de la séduction

travaux. Alors adieu, héroïques \ était le cri de ralliement de la lutte contre les nazis. Tout le monde l’a crié. Dans les
Figures de légende, la jours suivants, de Gaulle prononça des discours similaires partout en Algérie, devant
contrepartie \ Pro quo que
des foules tout aussi en délire.
vous proposez ne me tentera pas.
Une ribambelle de beautés \ Ce n’est qu’après le retour de De Gaulle en France que les paroles de ses
Toutes pâmées sur mes chansons discours ont fait leur chemin : pas une seule fois il n’a promis de garder l’Algérie
d'amour, c'est ce que je veux.
française. En fait, il avait laissé entendre qu'il pourrait donner le droit de vote aux
­OVIDE, LES AMOURS,
Arabes et accorder une amnistie aux rebelles algériens qui luttaient pour chasser les
TRADUIT PAR PETER GREEN
Français du pays. D’une manière ou d’une autre, dans l’enthousiasme suscité par ses
paroles, les colons n’avaient pas réussi à se concentrer sur ce qu’ils voulaient
réellement dire. De Gaulle les avait trompés. Et en effet, dans les mois qui suivirent,
Quand elle a reçu une lettre,
quand son doux venin est
il s’efforça d’accorder à l’Algérie son indépendance – une tâche qu’il accomplit finalement en 1
entré dans son sang, alors
un mot suffit pour réveiller
son amour éclaté. .
Interprétation. De Gaulle se souciait peu d’une ancienne colonie française et de ce
. . Ma
présence personnelle qu’elle symbolisait pour certains Français. Il n’avait pas non plus de sympathie pour
empêchera l'extase. Si je ne quiconque fomentait la guerre civile. Son seul souci était de faire de la France une
suis présent que dans une
puissance moderne. Ainsi, lorsqu'il s'est rendu à Alger, il avait un plan à long terme :
lettre, alors elle peut facilement
me gérer ; dans une certaine mesure,
affaiblir la droite en les amenant à se battre entre eux et œuvrer pour l'indépendance
elle me prend pour une créature de l'Algérie. Son objectif à court terme devait être de désamorcer la tension et de
plus universelle qui
gagner du temps. Il ne mentirait pas aux colons en disant qu’il soutenait leur cause –
demeure dans son amour. Puis
cela causerait des problèmes dans son pays. Au lieu de cela, il les séduisait avec un
aussi, dans une lettre, on
peut plus facilement avoir carte discours séduisant, les enivrait de mots. Son fameux « Je t'ai compris » aurait
blanche ; dans une lettre, je facilement pu signifier : « Je comprends quel danger tu représentes ». Mais une foule
peux me jeter à ses pieds d'une
en liesse, attendant son soutien, l'a lu comme elle le souhaitait. Pour les maintenir
manière superbe, etc., ce qui
semblerait facilement absurde si en fièvre, de Gaulle a fait des références émotionnelles – à la Résistance française
je le faisais en personne, et pendant la Seconde Guerre mondiale, par exemple, et à la nécessité de « discipline
l'illusion serait perdue. . • Activé
», un mot qui séduit beaucoup les gens de droite. Il leur a rempli les oreilles de
. .
le tout, les lettres sont et
promesses : un nouveau gouvernement, un avenir glorieux. Il les a fait chanter, créant
continuera d'être un ainsi un lien émotionnel. Il parlait avec une tonalité dramatique et une émotion
un moyen inestimable de faire frémissante. Ses paroles créèrent une sorte de délire.
impression sur une jeune fille ; la
lettre morte de De Gaulle ne
à produire un effet. C’est la cherchait pas à exprimer ses sentiments ou à dire la vérité ; L' écriture a souvent bien plus d'influence que ce qu'elle cherchait
clé d’un discours séduisant. parole vivante. Une lettre est un message Que vous parliez à un seul individu ou à une foule, essayez une petite communication
secrète ; expérience : maîtrisez
votre désir de dire ce que vous pensez. Avant d’ouvrir la bouche, posez­vous une question : que puis­je dire qui fera le plus
agréable effet à mes auditeurs ?
on est maître de la Souvent, cela implique de flatter leur ego, d’apaiser leurs insécurités, de leur donner de vagues espoirs pour l’avenir, de
situation, on ne ressent aucune sympathiser avec leurs difficultés (« Je t’ai compris »). Commencez par quelque chose d'agréable et tout ce qui suivra sera
pression de la présence
facile : les défenses des gens diminueront. Ils deviendront réceptifs, ouverts à la suggestion. Considérez vos paroles
réelle de qui que ce soit, et je crois
qu'une jeune fille préférerait être comme une drogue enivrante qui rendra les gens émotifs et confus. Gardez votre langage vague et ambigu, en laissant
seule avec son idéal. vos auditeurs combler les lacunes avec leurs fantasmes et leurs imaginations. Au lieu de vous ignorer, de s'énerver ou

— SØRE N KIERKEGAARD, de se mettre sur la défensive, d'être impatients que vous vous taisiez, ils seront souples, heureux de vos paroles douces.
LE JOURNAL DU SÉDUCTEUR,

TRADUIT PAR HOWARD V.

HONG ET EDNA H. HONG


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Utiliser le pouvoir démoniaque des mots pour semer la confusion • 255

Écriture séduisante Que la cire vous ouvre la voie,


étalée sur des tablettes lisses, \
Que la cire passe devant,
Un après­midi de printemps, à la fin des années 1830, dans une rue de Copenhague, un comme témoin de votre esprit, \
Un homme nommé Johannes a aperçu une belle jeune fille. Absorbée mais Apportez ­lui vos paroles

délicieusement innocente, elle le fascinait, et il la suivit de loin et découvrit où elle flatteuses, paroles qui singent
l'amant : \ Et n'oubliez pas,
habitait. Au cours des semaines suivantes, il s'est renseigné et en a appris
qui que vous soyez, d'y jeter
davantage sur elle. Son nom était Cordelia Wahl et elle vivait avec sa tante. Les bon \ Supplications.
Les supplications sont ce qui a fait
deux menaient une existence tranquille ; Cordélia aimait lire et être seule. Séduire
Achille rend le corps
les jeunes filles était la spécialité de Johannes, mais Cordélia serait un piège : elle
d'Hector à Priam ; même un
avait déjà refusé plusieurs prétendants éligibles. dieu en colère \ Est ému
par la voix de la prière.
Faites des promesses, quel
Johannes imaginait que Cordélia pourrait avoir faim de quelque chose de plus est le mal à \
dans la vie, quelque chose de grandiose, quelque chose qui ressemble aux livres Prometteur? C'est ici que
qu'elle avait lus et aux rêveries qui remplissaient vraisemblablement sa solitude. Il n'importe qui peut jouer riche....
\ Une lettre persuasive \ La chose
organisa une introduction et commença à fréquenter sa maison, accompagné d'un
avec laquelle commencer,
de ses amis nommé Edward. Ce jeune homme avait ses propres idées de courtiser explorer son esprit, \
Cordélia, mais il était maladroit et s'efforçait de lui plaire. Johannes, de son côté, l'a Reconnaître le paysage.

pratiquement ignorée et s'est plutôt lié d'amitié avec sa tante. Un message gravé sur une
pomme \ Cydippe trahie : elle
Ils parlaient des choses les plus banales : de la vie à la ferme, de tout ce qui faisait
s'est laissée prendre au piège
l'actualité. De temps en temps, Johannes s'engageait dans une discussion plus par ses propres mots. \ Mon
philosophique, car il avait remarqué, du coin de l'œil, qu'à ces occasions Cordélia conseil donc, jeunes hommes
de Rome, est d'apprendre les
l'écoutait attentivement, tout en faisant semblant d'écouter Edward.
nobles \ Arts de l'avocat ­ non
seulement pour vous
Cela a duré plusieurs semaines. Johannes et Cordélia parlaient à peine, mais permettre de défendre \ Un
client tremblant : une femme,
il pouvait dire qu'il l'intriguait et qu'Edward l'irritait énormément. Un matin, sachant
pas moins que la population,
que sa tante était absente, il s'est rendu chez eux. C'était la première fois que lui et \ Sénateur d'élite ou juge grave, \ Will se r
Cordélia étaient seuls ensemble. Aussi sèchement et poliment que possible, il lui fit éloquence. Néanmoins,
dissimulez \ Vos pouvoirs,
sa proposition. Inutile de dire qu’elle était choquée et troublée. Un homme qui ne lui
évitez les longs mots, \ N'ayez
portait pas le moindre intérêt avait soudain envie de l'épouser ? Elle fut si surprise pas l'air trop intellectuel. Qui
qu'elle en parla à sa tante qui, comme Johannes s'y attendait, lui donna son accord. d'autre qu'un nigaud
insensé \ Déclame à sa maîtresse ?
Un style surlettré \
Si Cordélia avait résisté, sa tante aurait respecté ses souhaits ; mais elle ne l'a pas
Repousse les filles le plus souvent.
fait. Utilisez un langage ordinaire,
À l’extérieur, tout avait changé. Le couple était fiancé. Jo­hannes venait des mots familiers mais
câlins, comme si vous étiez
maintenant seul à la maison, s'asseyait avec Cordélia, lui tenait la main, lui parlait.
là, en sa présence.
Mais intérieurement, il s’assurait que les choses étaient les mêmes. Il est resté Si elle refuse votre lettre, \ La
distant et poli. Il s'échauffait parfois, notamment lorsqu'il parlait de littérature (le renvoie non lue, persistez.

sujet préféré de Cordelia), mais à un moment donné, il revenait toujours à des


sujets plus banals. Il connaissait cette Cordélia frustrée, qui s'était attendue à ce ­OVIDE , L'ART DE L'AMOUR.,
TRADUIT PAR PETER GREEN
que maintenant il soit différent. Pourtant, même lorsqu'ils sortaient ensemble, il
l'emmenait à des soirées formelles organisées pour les fiancés. Comme c’est
conventionnel ! Était­ce là l’essence même de l’amour et du mariage, ces personnes
prématurément âgées parlant de maisons et de leur propre avenir morne ? Cordélia,
qui était timide dans le meilleur des cas, a demandé à Johannes d'arrêter de
l'entraîner dans ces affaires.
Le champ de bataille était préparé. Cordélia était confuse et anxieuse.
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256 • L'art de la séduction

Par conséquent, la personne qui Puis, quelques semaines après leurs fiançailles, Johannes lui envoya une lettre. Il
est incapable d'écrire des
décrivait ici l'état de son âme et sa certitude de l'aimer. Il parlait en métaphore,
lettres et des notes ne devient jamais un

dangereux séducteur. suggérant qu'il attendait depuis des années, lanterne à la main, l'apparition de
Cordélia ; la métaphore s'est fondue dans la réalité, d'avant en arrière. Le style était
­SOREN KIERKEGAARD,
SOIT/OU, TRADUIT PAR poétique, les mots brillaient de désir, mais le tout était délicieusement ambigu –
HOWARD V. HONG
Cordélia pouvait relire la lettre dix fois sans être sûre de ce qu'elle disait. Le
ET EDNA H. HONG
lendemain, Johannes reçut une réponse.
L'écriture était simple et directe, mais pleine de sentiment : sa lettre l'avait rendue si
heureuse, écrivait Cordélia, et elle n'avait pas imaginé cet aspect de son personnage.
Debout sur un rocher de Il a répondu en écrivant qu'il avait changé. Il n’a pas dit comment ni pourquoi, mais
Olympe \ Trône d'or
cela sous­entendait que c’était à cause d’elle.
Héra a vu son frère, \
Qui appartenait à son mari Désormais, ses lettres arrivaient presque quotidiennement. Ils étaient pour la plupart de la même longueur,

gloire humaine, \ empoisonné dans un style poétique qui avait un brin de folie, comme s'il était aussi un frère, \ Occupé sur les champs de la
d'amour. Il parlait du mythe
grec, comparant Cordélia à une Et son cœur chantait. Puis une nymphe et lui­même vers une rivière qui tomba
amoureux d'une jeune fille. Son
sommet le plus élevé d'Ida \ âme, il a vu Zeus assis dessus , a simplement réfléchi son image; elle était tout ce qu'il pouvait voir ou penser. le

ressentiment. Une éthique Et était rempli de Pendant ce temps, il détecta des changements chez Cordélia : ses lettres devinrent plus por­
aux yeux de vache , moins sobre. Sans s'en rendre compte, elle répéta ses idées, imitant pendant un moment son style Hera\Mused et
ses images comme si elles
étaient les siennes. De plus, quand ils ont vu chacun comment tromper l'esprit de l'autre en personne, elle était
nerveuse. Il mettait un point
profondeurs qu'elle ne pouvait d'honneur à rester le même, distant et royal, mais il pouvait dire qu'elle le voyait différemment, sentant en lui des
de Zeus Aegis­holder, \ pas comprendre. En public, elle s'accrochait à chacun de ses mots. Elle devait avoir mémorisé ses lettres, car elle y
Et le plan qui lui semblait le
faisait constamment référence dans leurs conversations. C'était une vie secrète qu'ils partageaient. Lorsqu'elle
meilleur était de faire
elle se lève et va vers Ida, \ Le lui tenait la main, elle le faisait plus fort qu'auparavant. Ses yeux exprimaient une impatience, comme si elle
séduit, puis verse sur ses espérait qu'à tout moment il ferait quelque chose d'audacieux.
paupières \ Et l'esprit
rusé un sommeil doux et
. .
chaleureux. . \ Quand tout
fut parfait, elle sortit \ de
sa chambre et appela Aphrodite
\ Et lui dit un mot en privé :
Johannes rendait ses lettres plus courtes mais plus nombreuses, en envoyant
\ "Ma chère enfant, vas­tu
faire quelque chose pour moi, parfois plusieurs en une journée. Les images sont devenues plus physiques et plus
\ je me demande, ou vas­tu suggestives, le style plus décousu, comme s'il pouvait à peine organiser ses pensées.
refuser, en colère parce que
Parfois, il envoyait une note d’une phrase ou deux seulement. Un jour, lors d'une
\ Je préfère les Grecs et vous
les Troyens ? \ Et Aphrodite, fête chez Cordélia, il a laissé tomber une telle note dans son panier à tricoter et l'a
la fille de Zeus, regardée s'enfuir pour la lire, le visage rouge. Dans ses lettres, il voyait des signes
répondit : \ "Déesse vénérée
d’émotion et de trouble. Faisant écho à un sentiment auquel il avait fait allusion dans
comme la fille de
Cronos, \ Dites ce que vous
une lettre précédente, elle a écrit qu'elle détestait toute cette histoire de fiançailles –
pensez. Dites­moi ce que c'était tellement indigne de leur amour.
vous voulez \ Et je vous Tout était prêt. Bientôt, elle serait à lui, comme il le voulait.
obligerai si je peux." \Et Héra,
Elle romprait les fiançailles. Un rendez­vous à la campagne serait simple à organiser,
avec
c'est d'ailleurs elle qui le proposerait. Ce serait sa séduction la plus habile.
toute intention de tromper : \
"Donnez­moi maintenant le sexe et

le désir que vous aviez l'habitude de

soumettre les immortels et


humains. ... " \Et Interprétation. Johannes et Cordelia sont des personnages du roman vaguement
Aphrodite, qui aimait sourire :
autobiographique Le journal du séducteur (1843), du philosophe danois Søren
\"Comment pourrais­je, ou
devrais­je, refuser quelqu'un\
Kierkegaard. Johannes est un séducteur très expérimenté, spécialisé dans le travail
Qui dort dans l'anus de sur l'esprit de sa victime. C'est précisément là que le précédent discours de Cordélia
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Utiliser le pouvoir démoniaque des mots pour semer la confusion • 257

les prétendants ont échoué : ils ont commencé par s’imposer, erreur courante. Nous pensons qu’en Zeus tout­puissant ?" Et sur
ce, elle délia
étant persévérants, en accablant nos cibles d’une attention romantique, nous les convainquons de
de sa poitrine \ Une ceinture
notre affection. Au lieu de cela, nous les convainquons de notre impatience et de notre insécurité. Une
ornée incrustée de charmes
attention agressive n’est pas flatteuse car elle n’est pas personnalisée. C’est une libido débridée au magiques. \ Le sexe est dedans,

travail ; la cible voit à travers. Johannes est trop intelligent pour commencer de manière aussi évidente. le désir et la séduction \
Sweet Talk, qui trompe même les
Au lieu de cela, il prend du recul, intriguant Cordélia en agissant un peu froidement et en créant
sages. . . . \ Héra était
soigneusement l'impression d'un homme formel et quelque peu secret. C'est alors seulement qu'il la approchant à grands pas de
surprend avec sa première lettre. De toute évidence, il y a plus en lui qu'elle ne le pensait, et une fois Gargarus, le plus haut sommet
d'Ida, lorsque Zeus la vit. \ Et
qu'elle en est venue à le croire, son imagination se déchaîne. Il peut désormais l'enivrer de ses lettres,
quand il la vit, le désir
créant une présence qui la hante comme un fantôme. Ses mots, avec leurs images et leurs références l'enveloppa, \ Tout comme il l'avait fait
poétiques, sont constamment présents dans son esprit. Et c’est là la séduction ultime : posséder son première fois qu'ils faisaient
l'amour, \ Se glissant dans le lit
esprit avant de partir à la conquête de son corps.
dans le dos de leurs parents. \
Il se tenait près d'elle et dit :
\ "Héra, pourquoi as­tu quitté

L'histoire de Johannes montre à quel point une lettre peut être une arme dans l'arsenal d'un l'Olympe ? \ Et où sont tes
chevaux et ton char ?" \ Et Héra,
séducteur. Mais il est important d’apprendre à intégrer les lettres dans la séduction. Il est préférable
avec la ferme intention de
de ne pas commencer votre correspondance avant au moins plusieurs semaines après votre premier tromper : \ "Je pars visiter les

contact. Laissez vos victimes se faire une idée de vous : vous semblez intrigant, mais vous ne leur extrémités de la terre \ Et le
Père Océan et la Mère Téthys \
portez aucun intérêt particulier. Lorsque vous sentez qu’ils pensent à vous, c’est le moment de leur
Qui m'ont soigné et adoré dans
envoyer votre première lettre. Tout désir que vous exprimerez à leur égard sera une surprise ; leur leur maison. .

vanité sera chatouillée et ils en voudront plus. Maintenant, rendez vos lettres fréquentes, en fait plus . . " \ Et
Zeus, les nuages couraient
fréquentes que vos apparitions personnelles. Cela leur donnera le temps et l’espace nécessaires pour
autour de lui : \ "Tu peux aussi
vous idéaliser, ce qui serait plus difficile si vous étiez toujours en face d’eux. Une fois qu'ils sont y aller plus tard. \ Allons au lit
tombés sous votre charme, vous pouvez toujours prendre du recul et réduire le nombre de lettres : maintenant et faisons l'amour.
\ Aucune déesse ou femme n'a
laissez­les penser que vous perdez tout intérêt et ils en redemanderont.
jamais \ Fait
je me sens tellement
. . .\ Je n'ai jamais
submergé de désir.
j'ai aimé n'importe qui comme je
Concevez vos lettres comme des hommages à vos cibles. Faites en sorte que tout ce que vous
t'aime maintenant, \ Je n'ai jamais
écrivez leur revienne, comme si c'était tout ce à quoi vous pouviez penser : un effet délirant. Si vous "\
été en proie à un désir aussi doux.
racontez une anecdote, faites en sorte qu'elle se rapporte d'une manière ou d'une autre à cette anecdote.Et Héra, avec la ferme
intention de tromper : \
Votre correspondance est une sorte de miroir que vous leur tendez : ils se voient reflétés à travers
"Quelle chose à dire, mon
votre désir. Si, pour une raison quelconque, ils ne vous aiment pas, écrivez­leur comme si c'était le formidable seigneur. \ Le
cas. N'oubliez pas : c'est le ton de vos lettres qui les mettra sous la peau. Si votre langage est élevé, j'ai pensé à nous allongés ici
poétique, créatif dans son éloge, il les contaminera malgré eux. Ne discutez jamais, ne vous défendez sur Ida\Ami faisant l'amour
dehors en plein jour ! \ Et
jamais, ne les accusez jamais d’être sans cœur. Cela ruinerait le sort.
si l'un des Immortels nous voyait
\
Endormi, et allé vers tous les
autres dieux \Aud leur a­t­
Une lettre peut suggérer une émotion en paraissant désordonnée, en passant d'un sujet à un
il dit ? Je ne pourrais jamais me
autre. De toute évidence, il vous est difficile de réfléchir ; votre amour vous a désarticulé. Les pensées lever \ Et rentrer chez moi.
désordonnées sont des pensées excitantes. Ne perdez pas de temps sur des informations réelles ; Ce serait honteux. \ Mais si tu veux

concentrez­vous sur les sentiments et les sensations, en utilisant des expressions pleines de vraiment faire cela, \ Il y a la
chambre de ton cher fils
connotation. Plantez des idées en laissant tomber des indices, en écrivant de manière suggestive
Héphaïstos \ Construite pour toi,
sans vous expliquer. Ne faites jamais de leçons, ne paraissez jamais intellectuel ou supérieur – vous avec de bonnes portes solides.
ne ferez que vous rendre pompeux, ce qui est mortel. Il est bien préférable de parler familièrement, Allons­y \ Là­bas et
allongeons­nous, puisque vous
mais avec une touche poétique pour élever le langage au­dessus du lieu commun. Ne devenez pas
êtes d'humeur. "\
sentimental, c'est fatiguant, et aussi
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258 • L'art de la séduction

"Héra, à propos de ce que tu direct. Mieux vaut suggérer l'effet que votre cible a sur vous que de jaillir. Et Zeus, qui masse les nuages, répondit : \
ressens. Reste vague et
ambigu, permettant au lecteur de ne s'inquiéter d'aucun dieu . imaginez et fantasmez. Le but de votre écriture n'est pas d'ex­
ou d'homme \ Nous voir. Je vais
dense \ Et doré pas de désir.vous presser mais de créer de l'émotion chez le lecteur, semant la confusion et vous envelopper dans un nuage si
lumière est que les cibles même Hélios pourrait espionner. Vous saurez que vos lettres produisent l'effet approprié lorsque vous nous, \ Et sa
viennent refléter vos pensées, répétant
les mots que vous avez écrits,
quelle que soit la vision la plus nette qui soit. dans leurs propres lettres ou en personne. C'est le moment de passer au
plus physique et à l'érotisme.
lettres plus courtes, plus Utilisez un langage qui frémit avec une connotation sexuelle ou, mieux encore, suggérez la sexualité en rendant vos

­HOMÈRE
fréquentes et encore plus désordonnées qu'auparavant. Il n’y a rien de plus érotique qu’une courte note abrupte. Vos pensées
, L'ILIADE,

TRADUIT PAR STANLEY sont inachevées ; ils ne peuvent être complétés que par l'autre personne.
LOMBARD

ANTONY : Mes amis,


Romains, compatriotes, prêtez­
moi vos oreilles ; \ Je viens . .
Sganarelle à Don Juan : Eh bien, ce que j'ai à dire, c'est...
enterrer César, non pour le
louer. \ Le mal que les hommes Je ne sais pas quoi dire ; car vous tournez les choses de telle manière avec vos
faire des vies après eux ; \ Les paroles, qu'il semble que vous ayez raison ; et pourtant, la vérité est que vous
bons sont souvent enterrés ne l’êtes pas. J'ai eu les plus belles pensées du monde, et vos paroles les ont
avec leurs os. \ Qu'il en soit ainsi
complètement brouillées.
avec César. . . . \ Je ne
parle pas pour réfuter ce
que Brutus a dit, \ Mais ici je dois —MOLIÈRE
dire ce que je sais. \ Vous
avez tous aimé
lui une fois, non sans
raison. \ Quelle cause
Les clés de la séduction
vous refuse­t­il donc de le
pleurer ? \ Ô jugement,
tu as fui vers des bêtes brutales,
\ Et les hommes ont perdu la Nous réfléchissons rarement
qui nous vient avant
à l'esprit ­ etde parler. C'est ce
généralement la nature humaine
qui vient de dire
en premier est la première
quelque chose
chose ­
raison ! Ours
chose à propos de nous­mêmes. Nous utilisons principalement des mots pour exprimer nos
avec moi. \ Mon cœur est là
dans le cercueil avec César, \ Et propres sentiments, idées et opinions. (Aussi pour se plaindre et argumenter.) C’est parce que
je dois m'arrêter jusqu'à ce qu'il nous sommes généralement égocentriques : la personne qui nous intéresse le plus est nous­mêmes.
me revienne. . \ PLÉBÉIEN . .:
Dans une certaine mesure, cela est inévitable et, dans une grande partie de notre vie, il n’y a
Pauvre âme ! son
rien de mal à cela ; nous pouvons très bien fonctionner de cette façon. En séduction, cependant,
les yeux sont rouges comme du
feu à cause des pleurs. \ cela limite notre potentiel.
PLÉBÉIEN : Il n'y a pas d'homme plus noble
Vous ne pouvez pas séduire sans avoir la capacité de sortir de votre propre peau et de pénétrer dans celle d'une
à Rome qu'Antoine. \
PLÉBÉIEN : Maintenant, marquez
autre personne, en perçant sa psychologie. La clé d’un langage séduisant ne réside pas dans les mots que vous

lui. Il recommence à prononcez ou dans le ton séduisant de votre voix ; c'est un changement radical de perspective et d'habitude. Il faut

votre envie de bavarder et de arrêter de dire la première chose, parler. \ ANTONY : Mais hier, le mot vous est venu à l'esprit : vous devez contrôler
vous défouler. César aurait
pu rester fidèle à vos opinions. La clé est de considérer les mots comme un outil et non comme un outil de
communication contre le monde.
Maintenant, de vraies pensées et sentiments, mais déroutants, ravissants et enivrants. il est là, \ Et aucun d'entre eux

pauvre pour lui faire du respect. \


La différence entre le langage normal et le langage séduisant est comme Ô maîtres ! Si j'étais la différence entre le bruit
et la musique. Le bruit
pouvons. Notre langage est une constante dans la vie moderne, disposé à remuer \ Votre quelque chose d'irritant, nous l'éliminons si nous le
peuvent nous écouter à
normal est comme les cœurs et les esprits qui se révoltent et se mettent en colère, je devrais faire du bruit : les gens
moitié tandis que nous parlons de
nous­mêmes, mais tout comme Brutus se trompe, et souvent leurs pensées sont à des millions de kilomètres. De temps
en temps, leurs oreilles se
trompent Cassius, \ Qui se dresse quand quelque chose que nous disons les touche, mais cela ne dure que jusqu'à ce
que vous le sachiez tous,
sont
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Utiliser le pouvoir démoniaque des mots pour semer la confusion • 259

nous revenons à une autre histoire sur nous­mêmes. Dès l'enfance, nous des hommes honorables. \ Je ne vais pas

faites­leur du mal. . . . \ Mais


apprendre à ignorer ce genre de bruit (surtout lorsqu'il vient de notre
voici un parchemin avec le
parents). sceau de César. \ Je l'ai trouvé
La musique, en revanche, est séduisante et nous met sous la peau. C'est destiné au plaisir. dans son placard ; c'est sa volonté. \
Que les communs entendent
Une mélodie ou un rythme reste dans notre sang pendant des jours après
ce testament, \ Qui
l'avons entendu, modifiant nos humeurs et nos émotions, nous relaxant ou nous excitant. À
(pardonnez­moi) je ne veux pas dire
faites de la musique au lieu du bruit, il faut dire des choses qui plaisent, des choses qui touchent lire, \Et ils le feraient
à la vie des gens, qui touchent leur vanité. S'ils ont beaucoup de problèmes, va embrasser César mort
blessures \ Et tremper leurs
vous pouvez produire le même effet en les distrayant et en concentrant leur attention
serviettes dans son sacré
s'éloigner d'eux­mêmes en disant des choses pleines d'esprit et divertissantes, ou sang. . . . \ PLÉBÉIEN:

qui rendent l’avenir brillant et plein d’espoir. Les promesses et les flatteries sont de la musique Nous entendrons la volonté ! Lire

ça, Marc Antoine. \ TOUS:


pour les oreilles de chacun. C'est un langage conçu pour émouvoir les gens et abaisser
La volonté, la volonté ! Nous allons
leur résistance. C’est un langage conçu pour eux et non destiné à eux. écoutez la volonté de César ! \

L'écrivain italien Gabriele D'Annunzio était physiquement peu attrayant, mais ANTONY : Aie de la patience,
les femmes ne pouvaient pas lui résister. Même ceux qui connaissaient sa réputation de Don doux amis; Je ne dois pas
lis le. \ Ce n'est pas pour te rencontrer
Juan et ne l'aimaient pas pour cela (l'actrice Eleanora Duse et la danseuse je sais combien César aimait
Isadora Duncan, par exemple) tomba sous son charme. Le secret était le flux de toi. \ Tu n'es pas du bois,
mots dans lesquels il enveloppait une femme. Sa voix était musicale, son langage vous n'êtes pas des pierres, mais
Hommes; \ Et étant des hommes,
poétique, et le plus dévastateur de tous, il savait flatter. Sa flatterie était
entendre la volonté de César,
visant précisément les faiblesses d'une femme, les domaines où elle avait besoin d'être validée. \ Ça va t'enflammer, ça
Une femme était belle, mais manquait de confiance en son esprit et va vous rendre fou. \ 'C'est
bien tu ne sais pas ça
intelligence? Il s'est assuré de dire qu'il n'était pas envoûté par sa beauté
vous êtes ses héritiers ; \ Pour si
mais par son esprit. Il pourrait la comparer à une héroïne de littérature, ou à une tu devrais, oh, quoi
figure mythologique soigneusement choisie. En lui parlant, son ego doublerait de taille. en sortirait­il ? . . . \ Si

tu as des larmes, prépare­toi à


jetez­les maintenant. \ Vous tous
La flatterie est un langage séduisant dans sa forme la plus pure. Son but n'est pas de je connais ce manteau. je
exprimer une vérité ou un sentiment réel, mais uniquement pour créer un effet sur le destinataire. souviens­toi \ La première fois
jamais César ne l'a mis. . . .
Comme D'Annunzio, apprenez à diriger vos flatteries directement vers les insécurités d'une
\ Regardez, dans cet endroit a couru
personne. Par exemple, si un homme est un bon acteur et a confiance en ses compétences
Le poignard de Cassius à travers. \
professionnelles, le flatter sur son jeu n’aura que peu d’effet et pourrait Voyez quel loyer le
fit Casca envieuse. \
même accomplir le contraire ­ il pourrait se sentir au­dessus du besoin de
C'est ainsi que le bien­aimé
faites caresser son ego, et votre flatterie semblera dire le contraire. Mais laissez­nous
Brutus a poignardé ; \
disons que cet acteur est un musicien ou un peintre amateur. Il fait ce travail sur Et tandis qu'il arrachait son
le sien, sans soutien professionnel ni publicité, et il est bien conscient que l'acier maudit loin, \ Mark
comment le sang de César
d'autres en vivent. La flatterie de ses prétentions artistiques ira
l'a suivi. . . . \ Pour
directement à sa tête et vous fera gagner le double de points. Apprenez à renifler les pièces Brutus, comme vous le savez, était
de l'ego d'une personne qui a besoin d'être validé. Faites­en une surprise, quelque chose que personne L'ange de César. \ Juge, ô

d'autre a déjà pensé à flatter ­ quelque chose que vous pouvez décrire comme un talent ou Dieux, comme c'est chéri
César l'aimait ! \ Ce
qualité positive que d’autres n’ont pas remarquée. Parlez avec un petit tremblement, comme si C'était la coupure la plus méchante
les charmes de votre cible vous avaient submergé et rendu émotif. de tout; \ Car quand le noble
César l'a vu poignarder, \
La flatterie peut être une sorte de préliminaires verbaux. Les pouvoirs de séduction
L'ingratitude, plus forte
d'Aphrodite, qui proviendraient de la magnifique ceinture qu'elle portait, impliquaient une douceur
que les armes des traîtres, \ Tout à fait
de langage, une habileté avec les mots doux et flatteurs qui l'a vaincu. . maintenant . . \ Ô,

préparez le terrain aux pensées érotiques. Insécurités et doutes persistants tu pleures, et moi
perçois que tu ressens \ La force
avoir un effet modérateur sur la libido. Faites en sorte que vos cibles se sentent en sécurité et
de pitié. Ce sont gracieux
séduisantes grâce à vos paroles flatteuses et leur résistance fondra.
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260 • L'art de la séduction

gouttes. \ Bonnes âmes, que Parfois, la chose la plus agréable à entendre est la promesse de quelque chose
pleurez­vous quand vous
de merveilleux, d’un avenir vague mais rose qui approche à grands pas. Le président
voyez \ Notre César
vêtement blessé ? Regarder Franklin Delano Roosevelt, dans ses discours publics, a peu parlé des programmes
vous réveiller ici ! \ Voici spécifiques destinés à faire face à la dépression ; au lieu de cela, il avait l'habitude de
lui­même, gâché comme vous le voyez jusqu'à ce que la rhétorique dresse un tableau de l'avenir glorieux
des traîtres.
de l'Amérique. Dans les différentes légendes de Don Juan, le grand séducteur
­WILLIAM SHAKESPEARE,
focalise immédiatement l'attention des femmes sur l'avenir, un monde fantastique
JULES CÉSAR
vers lequel il promet de les emmener. Adaptez vos mots doux aux problèmes et
fantasmes particuliers de vos cibles. Promettez quelque chose de réalisable, quelque
chose de possible, mais ne le rendez pas trop précis ; vous les invitez à rêver. S'ils
sont embourbés dans une routine ennuyeuse, parlez d'aventure, de préférence avec
vous. Ne discutez pas de la manière dont cela sera accompli ; parlez comme si cela
existait déjà par magie, quelque part dans le futur. Élevez les pensées des gens dans
les nuages et ils se détendront, leurs défenses s'effondreront et il sera d'autant plus
facile de manœuvrer et de les égarer. Vos mots deviennent une sorte de drogue élévatrice.
La forme de langage la plus anti­séduisante est l’argumentation. Combien
d’ennemis silencieux créons­nous en discutant ? Il existe un moyen efficace d'amener
les gens à écouter et à se laisser convaincre : l'humour et la légèreté. L’homme
politique anglais du XIXe siècle Benjamin Disraeli était passé maître dans ce jeu. Au
Parlement, ne pas répondre à une accusation ou à un commentaire calomnieux était
une erreur mortelle : le silence signifiait que l'accusateur avait raison. Pourtant,
répondre avec colère, entrer dans une dispute, c'était avoir l'air laid et sur la défensive.
Disraeli a utilisé une tactique différente : il est resté calme. Lorsque venait le temps
de répondre à une attaque, il se dirigeait lentement vers la table de l'orateur, faisait
une pause, puis poussait une réplique humoristique ou sarcastique. Tout le monde
rirait. Maintenant qu'il avait échauffé les gens, il allait réfuter son ennemi, mêlant
toujours des commentaires amusants ; ou peut­être passerait­il simplement à un
autre sujet, comme s'il était au­dessus de tout. Son humour éloignait toute attaque
contre lui. Le rire et les applaudissements ont un effet domino : une fois que vos
auditeurs ont ri, ils sont plus susceptibles de rire à nouveau. Dans cette ambiance
légère, ils sont également plus enclins à écouter. Une touche subtile et un peu d'ironie
vous donnent la possibilité de les persuader, de les mettre à vos côtés, de vous
moquer de vos ennemis. C’est la forme séduisante de l’argumentation.
Peu de temps après le meurtre de Jules César, le chef de la bande de
conspirateurs qui l'avait tué, Brutus, s'adressa à une foule en colère. Il tente de
raisonner la foule en expliquant qu'il a voulu sauver la République romaine de la
dictature. Les gens furent momentanément convaincus : oui, Brutus semblait un
homme honnête. Puis Marc Antoine monta sur scène et fit à son tour un éloge funèbre
pour César. Il semblait submergé par l'émotion. Il parlait de son amour pour César et
de l'amour de César pour le peuple romain. Il mentionna le testament de César ; la
foule criait pour l'entendre, mais Antoine dit non, car s'il le lisait, ils sauraient à quel
point César les avait aimés et à quel point ce meurtre était ignoble. La foule insista
encore une fois pour qu'il lise le testament ; au lieu de cela, il brandit le manteau
taché de sang de César, sans déceler ses déchirures et ses déchirures. C'était là
que Brutus avait poignardé le grand général, disait­il ; Cassius l'avait poignardé ici.
Puis finalement il lut le testament, qui
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Utiliser le pouvoir démoniaque des mots pour semer la confusion • 261

Il raconta combien de richesses César avait laissé au peuple romain. Ce fut le coup de
grâce : la foule se retourna contre les conspirateurs et partit les lyncher.

Antoine était un homme intelligent, qui savait remuer les foules. Selon l'historien grec
Plutarque, « Lorsqu'il vit que son discours avait envoûté le peuple et que celui­ci était
profondément ému par ses paroles, il commença à introduire dans ses louanges [de
César] une note de pitié et d'indignation à l'égard de César. Le sort de César. » Un
langage séduisant vise les émotions des gens, car les personnes émotives sont plus
faciles à tromper. Antoine a utilisé divers procédés pour remuer la foule : un tremblement
dans la voix, un ton désemparé puis colérique. Une voix émotionnelle a un effet immédiat
et contagieux sur celui qui l’écoute. Antoine a également taquiné la foule avec son
testament, retardant la lecture jusqu'à la fin, sachant que cela pousserait les gens à bout.
En brandissant la cape, il rendit son imagerie viscérale.

Peut­être n’essayez­vous pas de provoquer une frénésie parmi la foule ; vous voulez
juste amener les gens à vos côtés. Choisissez soigneusement votre stratégie et vos mots.
Vous pensez peut­être qu’il vaut mieux raisonner les gens, expliquer vos idées. Mais il est
difficile pour un auditoire de décider si un argument est raisonnable lorsqu’il vous écoute
parler. Ils doivent se concentrer et écouter attentivement, ce qui demande de gros efforts.
Les gens sont facilement distraits par d’autres stimuli, et s’ils manquent une partie de votre
argument, ils se sentiront confus, intellectuellement inférieurs et vaguement en insécurité.
Il est plus convaincant de faire appel au cœur des gens qu'à leur tête. Tout le monde
partage ses émotions et personne ne se sent inférieur à un orateur qui attise ses
sentiments. La foule se rassemble, chacun ressentant de manière contagieuse les
mêmes émotions. Antoine parlait de César comme si lui et les auditeurs vivaient le
meurtre du point de vue de César. Quoi de plus provocateur ? Utilisez de tels changements
de perspective pour que vos auditeurs ressentent ce que vous dites. Orchestrez vos
effets. Il est plus efficace de passer d’une émotion à une autre que de simplement frapper
une note. Le contraste entre l'affection d'Antoine pour César et son indignation contre les
meurtriers était bien plus puissant que s'il était resté fidèle à l'un ou l'autre sentiment.

Les émotions que vous essayez de susciter doivent être fortes. Ne parlez pas d’amitié
et de désaccord ; parler d'amour et de haine. Et il est crucial d’essayer de ressentir
quelque chose des émotions que vous essayez de susciter. Vous serez ainsi plus crédible.
Cela ne devrait pas être difficile : imaginez les raisons d’aimer ou de haïr avant de parler.
Si nécessaire, pensez à quelque chose de votre passé qui vous met en colère. Les
émotions sont contagieuses ; il est plus facile de faire pleurer quelqu'un si vous pleurez
vous­même. Faites de votre voix un instrument et entraînez­la à communiquer des
émotions. Apprenez à paraître sincère.
Napoléon étudiait les plus grands acteurs de son temps et, lorsqu'il était seul, il s'entraînait
à mettre de l'émotion dans sa voix.
Le but du discours séducteur est souvent de créer une sorte d’hypnose : vous
distrayez les gens, diminuez leurs défenses, les rendant plus vulnérables à la suggestion.
Apprenez les leçons de répétition et d'affirmation de l'hypnotiseur, éléments clés pour
endormir un sujet. La répétition consiste à utiliser
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262 • L'art de la séduction

les mêmes mots encore et encore, de préférence un mot à contenu émotionnel : «


impôts », « libéraux », « fanatiques ». L'effet est fascinant : des idées peuvent être
implantées de manière permanente dans l'inconscient des gens simplement en les
répétant suffisamment souvent. L'affirmation consiste simplement à formuler des
déclarations positives et fortes, comme les ordres de l'hypnotiseur. Le langage
séduisant doit avoir une sorte d’audace qui couvrira une multitude de péchés. Votre
public sera tellement captivé par votre langage audacieux qu’il n’aura pas le temps
de se demander si c’est vrai ou non. Ne dites jamais « Je ne pense pas que l’autre
partie ait pris une sage décision » ; dites « Nous méritons mieux » ou « Ils ont tout
gâché ». Le langage affirmatif est un langage actif, plein de verbes, d’impératifs et
de phrases courtes. Découpez « Je crois », « Peut­être », « À mon avis ». Allez
droit au cœur.
Vous apprenez à parler un autre type de langue. La plupart des gens emploient
un langage symbolique : leurs mots représentent quelque chose de réel, les
sentiments, les idées et les croyances qu’ils ont réellement. Ou bien ils représentent
des choses concrètes dans le monde réel. (L'origine du mot « symbolique » réside
dans un mot grec signifiant « rassembler les choses » – dans ce cas, un mot et
quelque chose de réel.) En tant que séducteur, vous utilisez le contraire : un
langage diabolique . Vos paroles ne représentent rien de réel ; leur son et les
sentiments qu'ils évoquent sont plus importants que ce qu'ils sont censés
représenter. (Le mot « diabolique » signifie en fin de compte séparer, jeter les
choses – ici, les mots et la réalité.) Plus vous incitez les gens à se concentrer sur
votre langage aux sonorités douces, et sur les illusions et les fantasmes qu’il
évoque, plus plus vous diminuez leur contact avec la réalité. Vous les conduisez
dans les nuages, où il est difficile de distinguer la vérité du mensonge, le réel de
l’irréel. Gardez vos mots vagues et ambigus, afin que les gens ne sachent jamais
vraiment ce que vous voulez dire. Enveloppez­les d’un langage démoniaque,
diabolique et ils ne pourront pas se concentrer sur vos manœuvres, sur les
conséquences possibles de votre séduction. Et plus ils se perdront dans l’illusion,
plus il leur sera facile de les égarer et de les séduire.

Symbole : Les Nuages. Dans les nuages, c'est difficile à voir

les formes exactes des choses. Tout semble vague ;

l'imagination se déchaîne, voyant des choses qui sont

pas ici. Vos paroles doivent amener les gens à

les nuages, où c'est facile pour eux

se perdre.
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Utiliser le pouvoir démoniaque des mots pour semer la confusion • 263

Renversement

Ne confondez pas langage fleuri et séduction : en utilisant un langage fleuri,


votre langage risque d'énerver les gens, de paraître prétentieux. Un verbiage
excessif est un signe d’égoïsme, de votre incapacité à maîtriser vos tendances
naturelles. Souvent, avec le langage, moins c'est plus ; la phrase insaisissable, vague
et ambiguë laisse à l’auditeur plus de place à l’imagination qu’une phrase pleine
d’emphase et d’auto­indulgence.
Vous devez toujours penser d’abord à vos cibles, et à ce qui plaira à leurs oreilles.
Il y aura bien des moments où le silence sera préférable. Ce que vous ne dites pas peut
être suggestif et éloquent, vous faisant paraître mystérieux. Dans le journal de la cour
japonaise du XIe siècle , The Pillow Book of Sei Shonagon, le conseiller Yoshichika est
intrigué par une dame qu'il voit dans une calèche, silencieuse et belle. Il lui envoie une
note et elle en renvoie une ; il est le seul à le lire, mais à sa réaction tout le monde peut
constater que c'est de mauvais goût, ou mal écrit. Cela gâche l'effet de sa beauté.
Shonagon écrit : « J'ai entendu des gens suggérer qu'il vaut mieux ne pas répondre du
tout qu'une mauvaise réponse. » Si vous n’êtes pas éloquent, si vous ne parvenez pas
à maîtriser un langage séduisant, apprenez au moins à maîtriser votre langue – utilisez
le silence pour cultiver une présence énigmatique.
Enfin, la séduction a une allure et un rythme. Dans la première phase, vous êtes
prudent et indirect. Il est souvent préférable de dissimuler ses intentions, de mettre sa
cible à l’aise avec des propos volontairement neutres. Votre conversation doit être
inoffensive, voire un peu fade. Dans cette deuxième phase, vous vous tournez davantage
vers l'attaque ; c'est le moment d'adopter un langage séduisant. Maintenant, lorsque
vous les enveloppez dans vos mots et lettres séduisants, cela devient une agréable
surprise. Cela leur donne le sentiment extrêmement agréable que ce sont eux qui vous
inspirent soudainement une telle poésie et des mots enivrants.
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Faites attention aux détails

Élevé

mots et grand

les gestes peuvent être suspects.

cious : pourquoi essaies­tu

si difficile de plaire ? Les détails

d'une séduction ­ le geste subtil ­

tures, les choses désinvoltes que vous faites—

sont souvent plus charmants et

révélateur. Vous devez apprendre à distraire

vos victimes avec une myriade d'agréables

petits rituels : cadeaux attentionnés sur mesure

juste pour eux, des vêtements et des parures

conçus pour leur plaire, des gestes qui

montrez le temps et l'attention que vous portez

les payer. Tous leurs sens sont

engagé dans les détails que vous orchestrez.

Créer des lunettes pour les éblouir

yeux; fasciné par ce qu'ils

tu vois, ils ne remarqueront pas ce

tu es vraiment à la hauteur. Apprendre à

suggérer les bons sentiments

et les humeurs à travers

détails.
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L'effet fascinant
E n décembre 1898, les épouses des sept principaux ambassadeurs occidentaux en
La Chine a reçu une étrange invitation : l'impératrice douairière Tzu Hsi, soixante­trois ans,
organisait un banquet en leur honneur dans la Cité interdite de Pékin. Les ambassadeurs eux­
mêmes avaient été assez mécontents de l'impératrice douairière, pour plusieurs raisons. Elle
était une Mandchoue, une race de gens du Nord qui avaient conquis la Chine au début du XVIIe
siècle, établissant la dynastie Ching et dirigeant le pays pendant près de trois cents ans. Dans La barge dans laquelle elle était

les années 1890, les puissances occidentales avaient commencé à diviser certaines parties de assise, comme un trône poli, brûlait
sur l'eau : la poupe était en or battu ;
la Chine, un pays qu’elles considéraient comme arriéré. Ils voulaient que la Chine se modernise,
\ Violet les voiles, et si parfumées
mais les Mandchous étaient conservateurs et résistaient à toute réforme. que
\ Les vents étaient malades d'amour
avec eux; les rames étaient
Plus tôt en 1898, l'empereur chinois Kuang Hsu, neveu de vingt­sept ans de l'impératrice
d'argent, \ qui au rythme des flûtes
douairière, avait effectivement entamé une série de réformes, avec la bénédiction de l'Occident. maintenaient le coup, et faisaient
Puis, cent jours après le début de cette période de réforme, la nouvelle parvint aux diplomates \ l'eau qu'ils battaient suivre plus

occidentaux de la Cité Interdite que l'empereur était très malade et que l'impératrice douairière vite, \ comme amoureuses de leurs
coups. Pour la sienne
avait pris le pouvoir.
Ils soupçonnaient un acte criminel ; l'impératrice avait probablement agi pour arrêter les personne, \ Cela dépassait toute

réformes. L'empereur était maltraité, probablement empoisonné ; peut­être était­il déjà mort. description : elle gisait effectivement
\ Dans son pavillon ­ drap d'or ou
Alors que les épouses des sept ambassadeurs se préparaient pour leur visite insolite, leurs
tissu ­ \ O'er, imaginez cette Vénus
maris les prévinrent : Ne faites pas confiance à l'impératrice douairière. Femme rusée avec un où nous voyons \

côté cruel, elle était sortie de l'obscurité pour devenir la concubine d'un précédent empereur et La nature fantaisiste du travail : de
chaque côté ses jolis garçons à
avait vieilli au fil des années pour accumuler un grand pouvoir. Bien plus que l’empereur, elle
fossettes, comme des Amours
était la personne la plus redoutée de Chine. souriants, Avec des éventails de
diverses couleurs, dont le vent
semblait faire briller les joues
Le jour fixé, les femmes furent transportées dans la Cité Interdite dans un cortège de
délicates qui
chaises à porteurs portées par des eunuques de la cour vêtus d'uniformes éblouissants. Les ils l'ont fait cool, \ Et ce
femmes elles­mêmes, pour ne pas être en reste, portaient les dernières modes occidentales : qu'ils ont défait l'a fait. . . . \

Ses dames, comme les Néréides, \


corsets serrés, longues robes de velours à manches gigot, jupons billows, hauts chapeaux à
Tant de sirènes, la
plumes. Les habitants de la Cité Interdite regardaient leurs vêtements avec étonnement, et soignaient dans les yeux, \ Et faisaient
particulièrement la façon dont leurs robes mettaient en valeur leurs seins proéminents. Les leurs courbes parures : au

épouses étaient sûres d’avoir impressionné leurs hôtes. Dans la salle d'audience, ils ont été gouvernail \ Une sirène
apparente dirige : le palan de soie \
accueillis par des princes et des princesses, ainsi que par des membres de la royauté inférieure.
Les femmes chinoises portaient de magnifiques costumes mandchous avec les hautes coiffes Gonflez­vous au contact de ces

noires traditionnelles incrustées de bijoux ; ils étaient disposés dans un ordre hiérarchique reflété mains douces et fleuries qui
encadrent désormais le
dans la couleur de leurs robes, un étonnant arc­en­ciel de couleurs.
bureau. Depuis la péniche \ Un
étrange parfum invisible frappe
Les épouses se voyaient servir du thé dans les tasses de porcelaine les plus délicates, puis les sens \ Du

267
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268 • L'art de la séduction

quais adjacents. La ville a jeté furent escortés en présence de l'impératrice douairière. Cette vue leur coupa le souffle.
sur elle son peuple ; et Antoine, \
L'impératrice était assise sur le trône du dragon, parsemé de bijoux. Elle portait des robes
Enthron'd i' le marché­
en brocard épais, une magnifique coiffe ornée de diamants, de perles et de jade, et un
endroit, je me suis assis énorme collier de perles parfaitement assorties. C'était une petite femme, mais sur le trône,
seul, \ Sifflant dans l'air ;
dans cette robe, elle semblait une géante. Elle sourit aux dames avec beaucoup de chaleur
qui, s'il n'y avait pas de place
libre, \ Était allé aussi
et de sincérité. À leur grand soulagement, assis en dessous d'elle sur un trône plus petit
contempler Cléopâtre \ Et avait se trouvait son neveu l'empereur. Il avait l'air pâle, mais il les salua avec enthousiasme et
fait une brèche dans lasemblait
nature. de bonne humeur. Peut­être était­il simplement malade.
­WILLIAM SHAKESPEARE,

ANTONY ET CLÉOPÂTRE
L'impératrice serra la main de chacune des femmes. Ce faisant, un eunuque lui tendit une grande bague en or

sertie d'une grosse perle, qu'elle glissa sur la main de chaque femme. Après cette introduction, les épouses des beaux

jours de l'époque furent escortées dans une autre pièce, où elles prirent à nouveau le thé, puis furent conduites dans
des quartiers gais à Edo dans
une salle de banquet, où l'impératrice était maintenant assise sur une chaise jaune. connaisseur de satin, le jaune étant la
couleur impériale. Elle leur parla
voix pouvait littéralement pendant un moment ; elle s'appelle Sakakura qui est devenue intime avec elle et avait une belle voix. (On disait que sa
chacun. Cette femme était à charmer les oiseaux de la grande courtisane Chitose. hors des arbres.) À la fin de la conversation, elle prit la main de
nouveau beaucoup femme, et avec
beaucoup d'émotion, leur dit : "Une famille, une seule famille. » Les femmes assistèrent ensuite à une représentation au
théâtre impérial. Ce sont les
Mogami qu'ils venaient de soi­disant crabes­fleurs, pour être finalement l'impératrice les reçut une dernière fois. Elle s'excusa pour la performance des
donné à boire du saké; en voir, qui était certainement inférieure à celle qu'ils connaissaient à l'Est et à laquelle ils étaient habitués à l'Ouest. Il y eut
accompagnement, elle a savouré le
encore une tournée de thé, et cette fois, elle les avait marinés dans du sel pour son plus grand plaisir. Comme l'a
rapporté l'épouse de l'ambassadeur
américain, l'impératrice « s'est avancée. Sachant cela, Sakakura s'est avancée et a porté chaque tasse de thé à ses
propres lèvres et en a bu
une gorgée, puis a chargé un peintre de soulever la tasse de l'autre côté, jusqu'à nos lèvres. , et a répété : « Une famille, toute
l'école de Kano pour exécuter

hors de la Cité Interdite. une famille. » Les femmes ont reçu plus de cadeaux, puis ont été reconduites vers leurs chaises à porteurs et emmenées

sa crête de bambou
de l'or en poudre sur les
minuscules carapaces de ces
crabes ; il fixait le prix de Les femmes ont fait part à leurs maris de leur conviction sincère qu'elles s'étaient
chaque coquille peinte à toutes trompées au sujet de l'impératrice. L'épouse de l'ambassadeur américain a déclaré :
une pièce d'or rectangulaire et
« Elle était brillante et heureuse et son visage brillait de bonne volonté.
les présentait à Chitose tout
Aucune trace de cruauté n’était visible. . . . Ses actions étaient pleines de
au long de l'année, afin
qu'elle n'en manque jamais. liberté et de chaleur. . . . [Nous sommes partis] pleins d'admiration pour sa majesté et
d'espoirs pour la Chine. » Les maris rendirent compte à leurs gouvernements : l'empereur
—IHARA SAIKAKU, LA VIE DE
allait bien et on pouvait faire confiance à l'impératrice.
UNE FEMME AMOURANTE, ET

AUTRES ÉCRITS, TRADUITS

PAR IVAN MORRIS

Interprétation. Le contingent étranger en Chine n’avait aucune idée de ce qui se passait


réellement dans la Cité Interdite. En vérité, l’empereur avait conspiré pour arrêter et
Car les hommes qui ont éventuellement assassiner sa tante. Découvrant le complot, un crime terrible selon les
pratiqué l’amour ont toujours termes confucianistes, elle le força à signer sa propre abdication, le fit enfermer et annonça
considéré cela comme une saine maxime.
au monde extérieur qu'il était malade. Dans le cadre de sa punition, il devait se présenter à
qu'il n'y a rien de comparable à
une femme dans ses vêtements. des réceptions officielles et agir comme si de rien n'était.
Encore une fois, lorsque vous
réfléchissez à la façon dont un
L'impératrice douairière détestait les Occidentaux, qu'elle considérait comme des
homme brave, froisse, serre et se
moque des parures de sa
barbares. Elle n'aimait pas les femmes des ambassadeurs, avec leurs modes laides et
dame, et comment il le fait leurs manières minaudières. Le banquet était un spectacle, une séduction, pour apaiser l'Occident.
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Faites attention aux détails • 269

puissances modernes, qui menaçaient d’invasion si l’empereur était tué. Le but de la ruine du travail et perte pour le

séduction était simple : éblouir les épouses par la couleur, le spectacle, le théâtre. grand drap d'or et toile d'argent,
aux guirlandes et
L'impératrice appliquait toute son expertise à cette tâche et elle était un génie du aux étoffes de soie, aux perles et
détail. Elle avait conçu les lunettes par ordre croissant : les eunuques en uniforme aux pierres précieuses, il est
clair à quel point son ardeur et
d'abord, puis les dames mandchoues coiffées de leur coiffe et enfin l'impératrice elle­
la satisfaction soit multipliée,
même. C’était du pur théâtre et c’était bouleversant. Puis l'impératrice descendit
bien plus qu'avec une simple
d'un cran le spectacle, l'humanisant par des cadeaux, des salutations chaleureuses, bergère ou une autre
la présence rassurante de l'empereur, des thés et des divertissements qui n'avaient femme de même qualité, aussi
belle soit­elle. • Et pourquoi
rien à envier à tout ce qui se passait en Occident.
autrefois Vénus était­elle si belle et
Elle a terminé le banquet sur une autre note positive : le petit drame avec le partage si désirable, sinon
des tasses de thé, suivi de cadeaux encore plus magnifiques. La tête des femmes
que malgré toute sa beauté, elle
tournait en partant. En vérité, ils n’avaient jamais vu une splendeur aussi exotique –
était toujours habillée
et ils n’avaient jamais compris avec quel soin ses détails avaient été orchestrés par avec grâce, et
l’impératrice. Charmés par le spectacle, ils transférèrent leurs sentiments de bonheur généralement parfumée, qu'elle
sentait toujours bon et doux
à l'impératrice et lui donnèrent leur approbation, tout ce dont elle avait besoin.
à cent pas ? Car on a toujours cru
que les parfums étaient une
La clé pour distraire les gens (la séduction est la distraction) est de remplir leurs grande incitation à l’amour.

yeux et leurs oreilles de détails, de petits rituels, d'objets colorés. Le détail est ce qui C'est pourquoi les impératrices
et les grandes dames de Rome
rend les choses réelles et substantielles. Un cadeau attentionné ne semblera pas
faisaient beaucoup usage de ces
avoir d’arrière­pensée. Un rituel plein de petites actions charmantes est tellement parfums, ainsi que nos grandes
agréable à regarder. Bijoux, beaux meubles, touches de couleurs dans les vêtements, dames de France, et surtout
celles d'Espagne et d'Italie, qui
éblouissent le regard. C’est une de nos faiblesses enfantines : nous préférons nous
depuis les temps les plus
concentrer sur les petits détails agréables plutôt que sur une vision plus large. Plus anciens ont été plus curieuses
vous sollicitez vos sens, plus l’effet est fascinant. Les objets que vous utilisez pour et plus curieuses. exquis dans le
luxe que les Françaises, aussi
votre séduction (cadeaux, vêtements, etc.) parlent leur propre langage, et il est
puissant. Ne négligez jamais un détail et ne le laissez jamais au hasard. Organisez­
les dans un spectacle et personne ne remarquera à quel point vous êtes manipulateur. en parfums comme en costumes
et en costumes magnifiques,
dont les belles de France
ont depuis emprunté les modèles
L'effet sensuel et copié les détails délicats.

D'ailleurs les autres, italiens et


espagnols, avaient appris la
Un jour, un messager
compagnon dit au prince
séducteur Genji,
à la cour le vieux
Heian mais de
du Japon toujours consumé­
la fin du Xe siècle ­ ce même chose d'anciens modèles
une de ses jeunes conquêtes était décédée subitement, laissant derrière elle une et d'anciennes statues de
dames romaines, que l'on peut
orpheline, une jeune femme nommée Tamakazura. Genji n'était pas le père de
voir parmi diverses autres
Tamakazura, mais il a décidé de la traduire en justice et d'être quand même son protecteur.
antiquités encore existantes en
Peu après son arrivée, des hommes du plus haut rang commencèrent à la courtiser. Espagne et en Italie ; qui, si
quelqu'un les examine
Genji avait dit à tout le monde qu'elle était une de ses filles perdues ; en conséquence,
attentivement, seront trouvés
ils pensaient qu'elle était belle, car Genji était le plus bel homme de la cour. (À très parfaits en termes de
l’époque, les hommes voyaient rarement le visage d’une jeune fille avant le mariage ; coiffure et de mode de robes, et
très propres à inciter à l'amour.
en théorie, ils n’étaient autorisés à lui parler que si elle se trouvait de l’autre côté d’un écran.)
Genji la combla d'attention, l'aidant à trier toutes les lettres d'amour qu'elle recevait
et la conseillant sur le bon partenaire. —SEIGNEUR DE BRANTÔME,

Des vies justes et galantes


En tant que protecteur de Tamakazura, Genji était capable de voir son visage et DAMES, TRADUIT PAR AR

elle était vraiment belle. Il est tombé amoureux d'elle. Quelle honte, pensa­t­il, de ALLINSON

confier cette charmante créature à un autre homme. Une nuit, bouleversé par
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270 • L'art de la séduction

Pendant des années après ses charmes, il lui prit la main et lui dit combien elle ressemblait à sa mère, qu'il avait
son entrée au palais, un autrefois aimée. Elle tremblait, non pas d'excitation cependant, mais de peur, car même s'il
grand nombre de jeunes filles
n'était pas son père, il était censé être son protecteur et non son prétendant. Ses serviteurs
de la cour étaient spécialement
réservées à la étaient absents et c'était une belle nuit. Genji ôta silencieusement sa robe parfumée et
préparation des robes de Kuei­ l'attira à côté de lui. Elle se mit à pleurer et à résister. Toujours gentleman, Genji lui a dit
fei, qui étaient choisies et
qu'il respecterait ses souhaits, qu'il prendrait toujours soin d'elle et qu'elle n'avait rien à
confectionnées selon les fleurs de la saison.
Par exemple, pour le Nouvel An
craindre. Il s'est ensuite excusé poliment.
(printemps), elle avait des
fleurs d'abricot, de
prunier et quelques jours plus tard, Genji aidait Tamakazura avec son narcisse correspondant ; pour l'été, elle a adopté
le lotus lorsqu'il a lu une lettre
réprimandait Tama­ d'amour de son jeune frère, le prince Hotaru ; car qui comptait parmi ses prétendants. Dans la lettre, Hotaru

suffisamment pour lui automne, elle les modelait d'après la pivoine ; Pour que Kazura ne l'ait pas laissé s'approcher physiquement
parler et lui parler de Winter,
elle a utilisé ses sentiments. Tamakazura n'avait pas répondu ; inhabitué aux manières du chrysanthème. Bien sûr,
elle s'était sentie timide et
serviteurs pour écrireintimidée.
à Comme pour l'aider, Genji obtint l'un des bijoux qu'elle aimait le plus, les perles, et le plus raffiné de ses

rendre visite. leur chemin dansHotaru en son nom. La lettre, écrite sur du papier parfumé du monde entier , invitait chaleureusement le prince à lui
son boudoir et étaient fréquemment brodés sur elle

Hotaru est apparu à l'heure dite. Il sentit un encens séduisant, mystérieux et séduisant. (Les nombreuses

robes de Genji étaient mélangées à ce parfum . • Kuei­ parfum.) Le prince ressentit une vague d'excitation. En
s'approchant de l'écran, Fei
était l'incarnation derrière lequel Tamakazura était assis, il lui a avoué son amour. Sans faire de bruit ni faire de bruit,
elle se retira vers un autre
écran, plus loin. Du coup, il y a de l'extravagance. Pas étonnant qu'aucun roi, prince, n'ait eu un éclair de lumière,
comme si une torche s'était
imaginé. Deux choses allumée, et Hotaru voyait son profil courtisan ou humble derrière le paravent : elle était plus belle qu'il ne l'avait
ravirent le prince : l'éclat
soudain et mystérieux de la lumière et l'éclat de ses charmes. D'ailleurs, elle a un bref aperçu de son bien­aimé.
Maintenant, il était
le préposé qui l'a déjà rencontrée vraiment amoureux. était la femme la plus astucieuse et savait utiliser ses dons naturels au mieux. .
pouvait résister à l'attrait

Hotaru commença à lui faire la cour assidûment. Pendant ce temps, rassurée sur le
fait que Genji ne la poursuivait plus, Tamakazura voyait son protecteur plus souvent.
. . Et maintenant, elle ne pouvait s'empêcher de remarquer de petits détails : les robes de
L'empereur Ming Huang,
Genji semblaient briller, dans des couleurs agréables et vibrantes, comme si elles avaient
suprême du pays et avec
des milliers de jeunes filles
été teintes par des mains surnaturelles. Les robes de Hotaru semblaient ternes en
comparaison.
parmi les plus belles à sa tête. Et les parfums brûlaient dans les vêtements de Genji, comme ils étaient
choisir, est devenue une enivrants. Personne d’autre ne portait une telle odeur. Les lettres de Ho­taru étaient polies
esclave complète de
. .
et bien écrites, mais celles que Genji lui envoyait étaient sur du papier magnifique, parfumé
ses pouvoirs
magnétiques. passer jour et et teint, et elles citaient des vers de poésie, toujours surprenants mais toujours appropriés
nuit en sa compagnie et à l'occasion. Genji cultivait et cueillait également des fleurs – des œillets sauvages, par
abandonner tout son
exemple – qu'il offrait en cadeau et qui semblaient symboliser son charme unique.
royaume pour elle.
Un soir, Genji proposa d'apprendre à Tamakazura à jouer du koto. Elle était ravie. Elle
—SHU­CHIUNG , LE GÂTEAU­

FEI : LE PLUS CÉLÈBRE adorait lire des romans d'amour, et chaque fois que Genji jouait du koto, elle avait
BEAUTÉ DE LA CHINE
l'impression d'être transportée dans l'un de ses livres. Personne ne jouait mieux de cet
instrument que Genji ; elle serait honorée d'apprendre de lui. Maintenant, il la voyait
souvent et la méthode de ses leçons était simple : elle lui choisissait une chanson à jouer,
puis essayait de l'imiter. Après avoir joué, ils s'allongeaient côte à côte, la tête posée sur le
Puis [Pao­yu] a appelé
Bright Design et lui a dit : « Va koto, regardant la lune. Genji faisait installer des torches dans le jardin, donnant à la vue la
voir ce que fait [Black Jade] . lueur la plus douce.

Si elle pose des questions sur moi, dis

simplement que je suis tout à fait tout Plus Tamakazura voyait la cour, le prince Hotaru, plus l'autre
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Faites attention aux détails • 271

" • "Vous aurez


prétendants, l'empereur lui­même, plus elle réalisait qu'aucun ne pouvait se tout de

comparer à Genji. Il était censé être son protecteur, oui, c'était toujours vrai, mais suite. "Il ne faut pas penser à
une meilleure excuse que celle­
était­ce un tel péché de tomber amoureux de lui ? Confuse, elle se retrouva à céder
là", a déclaré Bright Design. "N'y
aux caresses et aux baisers avec lesquels il commençait à la surprendre, maintenant a­t­il rien que vous puissiez
qu'elle était trop faible pour résister. envoyer ou que vous souhaitiez
emprunter ? Je ne veux pas y
" •
aller et me sentir idiot sans rien dire.
Pao­yu réfléchit un instant
Interprétation. Genji est le protagoniste du roman du XIe siècle Le Dit de Genji, écrit puis sortit deux mouchoirs de
sous son oreiller et les donna
par Murasaki Shikibu, une femme de la cour de Heian.
à la servante en disant : "Eh
Le personnage a très probablement été inspiré par le vrai séducteur Fujiwara no bien, dis­lui que je t'ai envoyé
Korechika. avec ceux­ci." • "Quel étrange

Dans sa séduction de Tamakazura, la stratégie de Genji était simple : il lui ferait cadeau à envoyer" la servante .
sourit. "Quoi
réaliser indirectement à quel point il était charmant et irrésistible en l'entourant de
détails tacites. Il l'a également mise en contact avec son frère ; une comparaison est­ce qu'elle veut deux

avec cette silhouette terne et raide montrerait clairement la supériorité de Genji. La vieux mouchoirs ? Elle sera à
nouveau en colère et dira
nuit où Hotaru lui a rendu visite pour la première fois, Genji a tout mis en place,
que vous essayez de vous
comme pour soutenir la séduction de Hotaru : le parfum mystérieux, puis l'éclair de moquer d'elle. » • « Ne
lumière près de l'écran. (La lumière provenait d'un effet nouveau : plus tôt dans la vous inquiétez pas » lui assura Pao­yu.
"Elle comprendra." •
soirée, Genji avait rassemblé des centaines de lucioles dans un sac en tissu. Au
Black Jade avait déjà pris
moment opportun, il les laissa toutes partir en même temps.) Mais quand sa retraite lorsque Bright Design
Tamakazura vit Genji encourager la poursuite de Hotaru d'elle, ses défenses contre est arrivé au Bamboo

son protecteur se relâchèrent, permettant à ses sens d'être comblés par ce maître des Retraite.
effets de "Qu'est­ce qui t'a
séduction.
amené à cette heure ?" »
Genji a orchestré tous les détails possibles : le papier parfumé, les robes colorées, Demanda Black Jade. • "[Pao­
les lumières du jardin, les œillets sauvages, la poésie juste, les cours de koto qui yu] m'a demandé d'apporter

induisaient un irrésistible sentiment d'harmonie. Tamakazura se retrouva entraînée ces mouchoirs pour [Black
Jade]." • Pendant un instant
dans un tourbillon sensuel. Dépassant la timidité et la méfiance selon laquelle les Black Jade était perdu face à
paroles ou les actions n'auraient fait qu'empirer, Genji a entouré sa pupille d'objets, voyez pourquoi Pao­yu
d'images, de sons et de parfums qui symbolisaient le plaisir de sa compagnie bien devrait lui envoyer un tel cadeau
à ce moment précis.
plus que ne l'aurait fait sa présence physique réelle ­ en fait, sa présence ne pouvait
Elle a dit : "Je suppose qu'il doit
que ont été menaçants. Il savait que les sens d'une jeune fille sont son point le plus s'agir de quelque chose
vulnérable. d'inhabituel que quelqu'un lui a donné.
Dites­lui de les garder lui­
La clé de l’orchestration magistrale des détails de Genji était son attention
même ou de les donner à
portée à la cible de sa séduction. Comme Genji, vous devez adapter vos sens à vos quelqu'un qui le voudra.
cibles, les observer attentivement et vous adapter à leurs humeurs. Vous sentez les apprécier. Je n'en ai pas
besoin." • "Ils n'ont rien
quand ils sont sur la défensive et battent en retraite. Vous sentez également quand
d'inhabituel",
ils cèdent et avancez. Entre les deux, les détails que vous configurez (cadeaux, » dit Bright Design. "Juste deux
divertissements, vêtements que vous portez, fleurs que vous choisissez) visent mouchoirs ordinaires qu'il avait

précisément leurs goûts et leurs prédilections. Genji savait qu'il avait affaire à une avec lui. " Black Jade était

jeune fille qui aimait les romans romantiques ; ses fleurs sauvages, ses jeux de koto encore plus perplexe, puis
et sa poésie ont donné vie à leur monde. Soyez attentif à chaque mouvement et elle comprit soudain : Pao­yu
désir de vos cibles et révélez votre attention aux détails et aux objets avec lesquels savait qu'elle pleurerait pour

vous les entourez, remplissant ainsi leurs sens de l'ambiance que vous devez lui et donc en a envoyé deux
inspirer. Ils peuvent contester vos paroles, mais pas l’effet que vous avez sur leurs sens.
ses propres mouchoirs. • « Vous
pouvez les laisser,
alors », dit­elle à Bright
Design, qui à son tour fut
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272 • L'art de la séduction

surprise que Black Jade ne C'est pourquoi, à mon avis, lorsque le courtisan souhaite déclarer
s'offusque pas de ce qui lui son amour, il devrait le faire par ses actes plutôt que par ses
semble être une grossière
paroles, car les sentiments d'un homme sont parfois plus
plaisanterie. • Pendant que
Black Jade réfléchissait à la
clairement révélés par ... un geste de respect ou une certaine
signification des mouchoirs, elle timidité que par des volumes de mots.
était tour à tour heureuse et triste :
—BALDASSARE CASTIGLIONE
heureuse parce que Pao­
Vous avez lu ses pensées
les plus intimes et vous êtes
triste parce qu'elle se demandait
Les clés de la séduction
si ce qui était au premier plan
dans ses pensées se réaliserait un jour.
En pensant ainsi à l'avenir et au
passé, elle ne parvenait pas à Quand nous
l'achatétions enfants,jouet
d'un nouveau nosou
sens
d'unétaient beaucoup
spectacle tel qu'un plus actifs.
cirque nous Le col­
tenait en
s'endormir.
haleine ; une odeur ou un son pourrait nous fasciner. Dans les jeux que nous avons
Malgré les remontrances de
Purple Cuckoo, elle fit rallumer sa créés, dont beaucoup reproduisent à plus petite échelle quelque chose du monde adulte,
lampe et commença à quel plaisir nous avons pris à orchestrer chaque détail. Nous avons tout remarqué.
composer une série de
À mesure que nous vieillissons, nos sens s’émoussent. Nous ne nous en
quatrains, les écrivant
directement sur
rendons plus compte, car nous sommes constamment pressés de faire avancer les
les mouchoirs que Pao­ choses, de passer à la tâche suivante. En séduction, vous cherchez toujours à
yu lui avait envoyés. ramener la cible aux moments dorés de l'enfance. Un enfant est moins rationnel,
—TSA O HSUEH MENTON, plus facilement trompé. Un enfant est également plus sensible aux plaisirs des
RÊVE DE LA CHAMBRE ROUGE,
sens. Ainsi, lorsque vos cibles sont avec vous, vous ne devez jamais leur donner
TRADUIT PAR CHI­CHE N
WANG le sentiment qu’elles éprouvent normalement dans le monde réel, où nous sommes
tous précipités, impitoyables, seuls. Vous devez délibérément ralentir les choses et
les ramener aux moments les plus simples de leur jeunesse. Les détails que vous
orchestrez – couleurs, cadeaux, petites cérémonies – s'adressent à leurs sens, au
plaisir enfantin que nous ressentons les charmes immédiats du monde naturel.
Leurs sens remplis de choses délicieuses, ils deviennent moins capables de raison
et de rationalité. Faites attention aux détails et vous vous retrouverez à adopter un
rythme plus lent ; vos cibles ne se concentreront pas sur ce que vous pourriez
rechercher (faveurs sexuelles, pouvoir, etc.) parce que vous semblez si prévenant,
si attentif. Dans le royaume enfantin des sens dans lequel vous les enveloppez, ils
ont le sentiment clair que vous les impliquez dans quelque chose de distinct du
monde réel – un ingrédient essentiel de la séduction. N’oubliez pas : plus vous
incitez les gens à se concentrer sur les petites choses, moins ils remarqueront votre
orientation plus large. La séduction prendra le rythme lent et hypnotique d'un rituel,
dans lequel les détails ont une importance accrue et les moments sont pleins de cérémonie
Dans la Chine du VIIIe siècle, l’empereur Ming Huang a aperçu une
belle jeune femme se coiffant au bord d’un bassin impérial. Son nom était
Yang Kuei­fei, et même si elle était la concubine du fils de l'empereur, il
devait l'avoir pour lui. Depuis qu’il était empereur, personne ne pouvait
l’arrêter. L'empereur était un homme pratique : il avait de nombreuses
concubines, et elles avaient toutes leur charme, mais il n'avait jamais
perdu la tête pour une femme. Yang Kuei­fei, cependant, était différent.
Son corps dégageait le parfum le plus merveilleux. Elle portait des robes
faites de gaze de soie la plus pure, chacune brodée de fleurs différentes,
selon la saison. En marchant, elle semblait flotter, ses petits pas invisibles sous s

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