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tion, de ses inspirations mystiques. de délivrer le peuple hébreu. Da- de la notion de causalité.

On sait
En ce qui concerne ses connais- vid, Romulus, étaient bergers. A la qu'il y a au contraire des fous, de
sances militaires, il faut considé- vérité. il est moins ordinaire de vrais fous qu'une aberration con-
rer d'abord que l'enclave champe- voir une bergère devenir une hé- traire conduit à se croire ~a cause
noise où se trouve Domrémy était, rdine, mais Jeanne, avec toutes les de toutes choses.
par sa situation géographique au- vertus et les délicatesses de la
femme, n'en avait ni les séductions A propos des visions de Jeanne
tant que par sa condition politique,
ni les infirmités. Quoique belle et d'Arc, je ferai seulement deux re-
un pays fréquenté par les troupes
bien faite, à ce qu'il paraît, elle marques : l'une, c'est que chez les
de passage des différents partis, et
inspirait la confiance, le respect, personnes d'une imagination vive,
où la connaissance des événements
l'enthousiasme, elle n'inspirait pas la méditation intime tend à pren-
militaires, de l'importance des vil-
l'amour. Les poètes qui ont fait dre la forme dialoguée. Cela fait
les de guerre, de leurs distances,
Jeanne amoureuse ne l'ont pas comprendre comment un e s p rit
était plus répandue que dans les
comprise. Dans ce cœur, tout grand sage et connaissant la faiblesse de
autres pays. Encore aujourd'hui, il
qu'il était, il n'y avait pas de place nos moyens d'investigation peut
n'y a pas d'invasion où le pays de
pour un sentiment personnel. être prédisposé, lorsque le sens
Neufchâteau ne s o i t inondé de
intime lui révèle quelque vérité
troupes. Le patriotisme est plus·
éclatante et féconde, à attribuer
fort dans une province frontière
cette révélation à une cause étran-
que dans l'intérieur d'un empire;

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aux apparitions des sain-
UAND gère.
à plus forte raison devait-il être tes patronnes de Jeanne, à ses
exalté dans un canton enclavé au voix, comme elle disait, je ne L'autre remarque est celle-ci :
milieu de possessions ennemies. puis pas non plus y voir un miracle, on trouve parfois chez les esprits
On sait aussi que Jeanne, dès ni aucune illusion surnaturelle. les plus élevés une tendance parti-
son enfance, avait coutume d'écou- Après le démon de Socrate, je suis culière à la superstition; non pas
ter les longs récits d'un vieux sol- disposé à admettre sans conteste et tant chez les esprits spéculatifs
dat retiré à Domrémy, et se plaisait sans étonnement toute sorte d'es- qui ont tout loisir de ressasser la
à entendre ce qu'il lui contait de la prit familier ... chez les autres. C'est vérité, que chez les hommes d'ac-
guerre. Sans doute il y a peu de un fait, voilà tout, c'est un fait tion qui se trouvent obligés de
vieux soldats dont la conversation inexpliqué, mais dûment constaté prendre à un certain moment une
soit propre à former des généraux ; et assez fréquent. On peut dire décision irrévocable, et de se con-
cependant, je suis tenté de croire qu'il y a hallucination, on peut duire, à partir de ce moment,
que celui-là était un homme sage, même dire qu'il y a folie, s'il peut comme si leur décision était la sa-
connaissant son métier, sachant y avoir folie sans que les aptitudes gesse et la vérité mêmes. Ils ont
raisonner sur les événements dont intellectuelles soient lésées et sans besoin de prêter à leurs détermi-
il avait été témoin et sur ceux que que leur application soit perver- nations l'appui de la nécessité. De
lui apprenait la renommée, aimant tie. Ii y a une aberration qui con- là vient que certains esprits pro-
son pays et souffrant de l'état siste à attribuer à un agent exté- fondément pratiques revêtent une
d'abjection où il le voyait réduit. rieur certaines des opérations de apparence soit fataliste, soit mys-
Nul doute que son influence ait notre esprit; c'est une perversion tique, que le vulgaire ne s'explique
contribué à la vocation de Jeanne pas et qui est chez eux l'expres-
d'Arc. sion de cette belle et sereine con-
Ainsi je suppose que Jeanne était "'"'UIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIUIUIDDIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIU'.;,
fiance qui ne les abandonne jamais.
une enfant intelligente et sensible, César parle de sa fortune ; Napo-
léon de son étoile ; il prétend mê-
pieuse, cela va sans dire, et qui
s'exaltait en même temps qu'elle
LA VERTU D'INSOLENtE me qu'il la voit.
s'instruisait, en écoutant le récit de « Dans un temps qui est un Au fond, Jeanne d'Arc n'est rien
nos guerres malheureuses. Lors- temps d'acceptation générale moins que mystique ; ses interro-
qu'elle arriva peu à peu à critiquer et de soumission, Jeanne nous gatoires montrent un tesprit pro-
sainement, à juger, à prévoir avec propose, avec le sourire, la fondément pratique, ferme, iné-
justesse le résultat des opérations magnifique vertu d'insolence. branlable. On cite encore d'elle
qui s'exécutaient, elle ne put attri- Une jeune insolence. Il n'est telles paroles qui prouvent qu'elle
buer qu'à une intervention miracu- pas de vertu dont nous ayons n'avait aucune prétention aux dons
leuse cette faculté acquise par la plus besoin aujourd'hui Elle surnaturels : les juges de Poitiers
méditation et une préoccupation est un bien précieux qu'il ne lui demandaient des miracles. « Je
constante. Elle ne distingua pas faut pas laisser perdre : le ne suis pas venue pour faire des
non plus cette faculté de sa mise faux respect des fausses vé- miracles, répondait-elle, mais bâil-
en œuvre, et ne put pas songer nérations est le pire mal. Par lez-moi une armée et je délivrerai
que ce don merveilleux dont son un détour en apparence é· Orléans ». Plus tard, comme, dans
esprit était obsédé pût demeurer trange, Jeanne nous apprend une église, on lui présentait des
stérile ; de là sa vocation. que l'insolence, est à la base enfants à toucher. " Touchez-les,
Un berger peut devenir astrono- de toute reconstitution ». dit-elle aux femmes dont elle avait
me, caîculateur, géomètre ; il y a soin de se faire toujours accompa-
aussi des bergers qui sont devenus Robert Brasillach. gner, touchez-les, cela fera le mê-
capitaines et fondateurs d'empires. Préface au « Procès de me effet ».
Moïse gardait les troupeaux dans Jeanne d'Arc », écrite à 21 ans.
le désert lorsqu'il reçut la vocation =
5nnrnnunnnurnmnnumnmnmnnnnnnnnmnuuumumr~ Louis Rossel.

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