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LES SHIGELLOSES

Introduction
Les Shigelloses ou dysenteries bacillaires sont des recto-colites aiguës dues à des
entérobactéries, les Shigelles. Elles ont été responsables en temps de guerre de grandes
épidémies. Elles persistent actuellement sous forme endémique dans les pays tropicaux, où
elles sont fréquentes, en particulier pendant la période la plus chaude et la plus humide de
l’année. Lors de désastres (cataclysmes naturels, conflits, migrations ou regroupements de
populations réfugiées) surviennent des épidémies explosives avec une mortalité importante.

L’étude des shigelloses revêt plusieurs intérêts :


– Epidémiologique ; maladies liées au péril fécal avec une grande morbi-mortalité
qui posent un problème de santé publique
– Diagnostic : dominé par le syndrome dysentérique fébrile
– Pronostic : maladie aiguë, risque de complications mortelles avec l’isolement de
souches de shigelles résistantes aux antibiotiques
Objectifs
 Citer les agents infectieux responsables de dysenterie bacillaire
 Identifier les facteurs favorisants la survenue d’une dysenterie bacillaire
 Réunir les arguments cliniques et biologiques en faveur du diagnostic positif d’une
shigellose
 Proposer un traitement curatif de la forme grave d’une dysenterie bacillaire

I / EPIDEMIOLOGIE
A – Agents pathogènes et transmission
1- Taxonomie
Les shigelles sont des Bacilles Gram Négatifs du groupe des entérobactéries. On leur
distingue 4 sous-groupes :
- Sous-groupe A = Shigella dysenteriae dont le sérotype I est appelé bacille de
SHIGA, il sécrète une endotoxine enterotrope et une exotoxine neurotrope.
- Sous-groupe B = Shigella flexnerii
- Sous-groupe C = Shigella boydii
- Sous-groupe D = Shigella sonnei
Ces 3 derniers sous-groupes ne produisent pas de toxine, mais entraînent une dysenterie
bacillaire moins grave.
Suivant les pays, une espèce domine, comme par exemple S. flexneri au Rwanda (68%), en
Inde (58%) ou S. sonnei en Thaïlande (85%).
Il y a dans chaque espèce plusieurs sérotypes. Shigella dysenteriae type 1 (Sd1) ou bacille
de Shiga, est cause de la forme épidémique, S. flexneri 2a est responsable de la forme
endémique.
Les shigelles peuvent être isolés sur milieux sélectifs : gélose lactosée, tournesolée ; milieu
SS (Salmonelle-Shigelle) ; milieu de KLIGER-HAJNA.

2- Réservoir
L’homme est le seul réservoir de shigelles (sujets malades, convalescents, …) Les shigelles
sont des bactéries liées à l’homme : elles ne sont pas retrouvées dans la nature en dehors de
l’environnement humain.

Dr KASSI N’Douba A, MCA, Unité Pédagogique d’Infectiologie - Dermatologie - UFR SMA Université de
Cocody
3- Transmission
La contamination est féco-orale,
- Directe : par contact interhumain avec des malades ou des porteurs
asymptomatiques, en particulier par manuportage.
- Indirecte : par ingestion d’eau ou d’aliments contaminés par les selles. Les
mouches, sous les tropiques, constituent un facteur de contamination de
l’alimentation considéré comme secondaire.

B – Facteurs favorisants et modalités


1- Facteurs
Les conditions de survenue d’épidémies de shigelloses sont le surpeuplement, les
mauvaises conditions d’assainissement, le manque d’hygiène et l’insalubrité de l’eau.
– Hygiène défectueuse
– Utilisation agricole d’engrais humain
– Rareté d’eau potable
– Climat chaud et humide
– Surpopulation
– Paupérisation
– Malnutrition
– Fatigue
– Changement de climat ou de régime alimentaire

2- Modalités épidémiologiques
– Endémique sur toute l’année en zone tropicale avec des poussées épidémiques
saisonnières
– Epidémique en été dans les zones tempérées

Pathogénie
Les manifestations cliniques des shigelles sont liées à un phénomène invasif avec
envahissement des cellules intestinales, multiplication intracellulaire et destruction des
cellules. Il s’ensuit une importante inflammation de la muqueuse accompagnée d’une diarrhée
glairo-sanglante. A ce mécanisme invasif s’ajoute pour Sd1 la sécrétion d’une toxine (ou
shiga-toxine), cytotoxique, responsable de la composante hydrique de la diarrhée.

II / DIAGNOSTIC
A – Diagnostic positif TDD : Forme dysentérique aiguë de l’adulte
1- Signes Cliniques
- Incubation brève de quelques heures à quelques jours ; un inoculum de 100 shigelles
suffisent pour déclencher une dysentérie bacillaire
- Début (invasion) brutal atteignant rapidement la phase d’état.
- La phase d’état caractérisée par le syndrome dysentérique associé à des signes généraux
(dysenterie fébrile glairo-sanglante)
• Le syndrome dysentérique
- Douleurs coliques à type d’épreintes (douleurs parcourant le cadre colique et se
terminant par une envie impérieuse d’aller à la selle
- Ténesme (tension douloureuse de l’anus à type de cuisson qui se termine par de faux
besoins)

Dr KASSI N’Douba A, MCA, Unité Pédagogique d’Infectiologie - Dermatologie - UFR SMA Université de
Cocody
- Faux besoins ; émission de selles nombreuses (10-10 selles par jour), afécales, faites
de mucus, de pus et de sang. Les crachats dysentériques alternent souvent avec des
selles diarrhéiques.
• Les vomissements fréquents
• Les signes généraux
- Fièvre à 39-40°c,
-Altération de l’état général (faciès terreux, adynamie, déshydratation, arthralgies, myalgies,
tachycardie, polypnée)

2- Signes Biologiques
Le diagnostic de certitude est basé sur l’isolement et l’identification des shigelles par la
coproculture : ensemencement des selles sur milieux sélectifs (milieu de Hektoen, milieu
Shigelle-Salmonelle), identification sur milieux urée-indol, Kligler-Hajna, identification
biochimique sur galeries, sérogroupage (sérums Pasteur), antibiogramme.
L’analyse bactériologique des prélèvements doit être effectuée dans les 2 à 4 heures
suivant leur recueil. Si les échantillons doivent être conservés, ils seront placés dans un milieu
de transport à 4°C (glycérol tamponné en soluté salin ou milieu de Carry-Bair).
Il faut toujours associer à la coproculture des examens parasitologiques de selles qui va
vérifier l’absence d’amibes hématophages.
Les hémocultures sont systématiques chez le malade fébrile, d’autant qu’il est
immunodéprimé.
Les biopsies de muqueuse colique faites sous recto-sigmoïdoscopie à la pince à
coloscopie montrent un infiltrat de la muqueuse colique au sein de laquelle on peut identifier
une cryptite aiguë, un infiltrat de la lamina propria, des abcès détruisant l’épithélium et le
tissu muqueux sous-jacent. La sous-muqueuse n’est pas concernée par le processus
inflammatoire. Ces images ne sont pas spécifiques. Mais, l’intérêt des biopsies coliques est
aussi leur étude bactériologique et parasitologique.
Des tests de diagnostic rapide ont été mis au point à l'Institut Pasteur de Paris et à
l'Institut Pasteur d'Ho-Chi-Minh Ville pour le diagnostic des shigelloses à S. flexneri 2a sur
des prélèvements de selles : résultats en 5 à 15 minutes. Ils sont en évaluation sur le terrain
pour S. dysenteriae.
La PCR détecte toutes les souches virulentes des quatre groupes de shigelles.
NB : l’hémogramme couplé à la numération de la formule sanguine met en évidence une
hyperleucocytose à PNN associée ou non à une anémie.

3- Evolution
Non traité, la guérison spontanée est possible ; mais les complications sont fréquentes
(évolution prolongée, décès…)

* Formes Cliniques
1- Formes symptomatiques
1a. Formes graves
Elles sont surtout observées en zone tropicale et en rapport avec Sd1 et S. flexneri 2a.
Elles sont caractérisées par :
 des complications locales : perforation (diagnostic par clichés de l’abdomen sans
préparation), péritonite, atonie colique, hémorragies intestinales, mégacôlon toxique,
choc septique.
 des complications générales :
– immédiates : déshydratation avec pertes hydroélectrolytiques (hyponatrémie < 120
mEq/L, hypokaliémie < 2 mEq/L); septicémie (2 à 4%) surtout chez les sujets

Dr KASSI N’Douba A, MCA, Unité Pédagogique d’Infectiologie - Dermatologie - UFR SMA Université de
Cocody
immunodéficients, les enfants drépanocytaires ou malnutris ; hypoglycémie < 2
mmol/L chez l’enfant ; atteintes neurologiques (convulsions, troubles de la
conscience) chez l’enfant; réaction leucémoïde; syndrome hémolytique et
urémique (SHU) avec insuffisance rénale aiguë; purpura thrombotique
thrombocytémique.
– à distance : malnutrition avec retard staturo-pondéral sévère chez les jeunes
enfants, syndrome de Fissenger-Leroy-Reiter.
Les facteurs prédictifs de mortalité sont : âge inférieur à 5 ans, tachycardie, mégacôlon
toxique, polynucléose à polynucléaires neutrophiles, myélémie.

1b. Des formes subaiguës


Elles durent plusieurs semaines. Il a aussi été décrit des rechutes en cas d'échec
thérapeutique.

1c. formes atténuées fréquentes


Elles réalisent une diarrhée aqueuse, souvent non fébrile. Elles sont dues, en particulier, à
S. sonnei, espèce prévalente dans les pays industrialisés (Israël, USA).
Diarrhée banale, douleur abdominale, fièvre
Diagnostic affirmé par la coproculture

2- Formes évolutives
Il s’agit de forme prolongée compliquée d’anémie, troubles hydro-électrolytiques, cachexie
3- Forme selon le terrain
Forme du nourrisson, grave avec déshydratation rapide et décès
4- Formes associées : Les infections par E. coli producteurs de Shiga-toxine
(STEC)
Les E. coli producteurs de Shiga-toxine sont des E. coli entérohémorragiques (EHEC). Le
sérogroupe EHEC 0157 est dominant (2/3 des cas) parmi les STEC. L'épidémie qui a sévi en
Allemagne en 2011 était due à EHEC 0.104:H4. La principale complication est le Syndrome
Hémolytique et Urémique (SHU) post diarrhéique. Les lésions de l'endothélium rénal sont
dues à la Shiga-toxine. Trois critères biologiques sont retenus pour le diagnostic :
– l'anémie hémolytique avec schizocytose (schizocytes >2%)
– la thrombopénie
– l’insuffisance rénale (créatininémie > 60 μmol L avant l'âge de 2 ans, > 70 μmol/L au-
delà de 2 ans).
Des manifestations neurologiques allant de la confusion à l'état de mal épileptique sont
notées dans près d'un tiers des cas.
Des séquelles rénales sont notées à long terme chez plus d'un tiers des malades : HTA,
protéinurie, insuffisance rénale chronique.
La contamination se fait par voie alimentaire, par contact interhumain ou par contact avec
des ruminants contaminés.
La prévalence du SHU du aux STEC n'est pas connue dans les PED, alors qu'elle est de
0,91/100 000 enfants de moins de 15 ans en France métropolitaine.

B – Diagnostic Différentiel
Il se fait devant un e diarhée dysentériforme
- Amibiase intestinale aiguë
- Bilharziose à Schistosoma mansoni
- Salmonellose
- Ballantidiose

Dr KASSI N’Douba A, MCA, Unité Pédagogique d’Infectiologie - Dermatologie - UFR SMA Université de
Cocody
- Toxi-infection alimentaire
- Choléra
- Diarrhée à enterovirus
III / TRAITEMENT
A – Curatif
1- Buts
– Détruire le germe
– Lutter contre les complications
2- Moyens
a. Spécifiques
Les Fluoroquinolones
Elles sont le traitement de première intention pour tous les malades atteints de shigellose.
Elles comportent de nombreux avantages : activité plus élevée, moindre résistance, doses et
durée du traitement inférieur.
La ciprofloxacine est prescrite dans les formes classiques à la dose de 500 mg, 2 fois par
jour per os chez l’adulte pendant 3 jours, et à la dose de 20 mg/kg/j en 2 prises chez l’enfant.
Un traitement minute (prise unique) donne, chez l’adulte, les mêmes résultats, avec un taux de
guérison de 90%.
Durée du traitement = 5 jours
les Céphalosporine de 3ième génération (C3G)
La Ceftriaxone, 35 mg/Kg/j en une seule injection IVD
b. Non spécifiques
- Rééquilibration Hydro-électrolytique (hydratation 3-5l/j…)
- Equilibre nutritionnel (alimentation semi-liquide, riche et équilibrée
- Repos au lit
NB : Contre-indication formelle des antidiarrhéique de type Lopéramide

3- Indications
Forme grave Remplissage, antibiothérapie, Repos
Forme atténuée  antibiothérapie
Forme de l’enfant  Remplissage prudent et urgent, antibiothérapie

B – Préventif
Mesures individuelles :
– Hygiène alimentaire
– Hygiène corporelle
– Hygiène du milieu
Mesures collectives
– Lutte contre le péril fécal selon le schéma de Wagner-Lacroix
– Assainissement
– Approvisionnement en eau potable
– Traitement correcte des malades
Les candidats vaccins sont des vaccins anti-Shigella vivants oraux atténués (vaccins anti-
Shigella monvalents [S.flexneri, S.dysenteriae 1, S. sonnei] ou multivalents [S. ffexneri + Sd1
+ S. sonnei]) et des vaccins anti-Shigella conjugués polysaccharidiques 0 (S. flexneri, S.
sonnei). Des essais cliniques sont en cours. L’idéal serait la mise au point d’un vaccin unique
à utiliser aussi bien pour les populations des pays industrialisés que pour celles des pays
d’endémie.

Dr KASSI N’Douba A, MCA, Unité Pédagogique d’Infectiologie - Dermatologie - UFR SMA Université de
Cocody
Conclusion
La shigellose est une maladie grave du péril fécal qui peut être prévenue par la promotion
des bonnes conditions d’hygiène.

Dr KASSI N’Douba A, MCA, Unité Pédagogique d’Infectiologie - Dermatologie - UFR SMA Université de
Cocody

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