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Droit des assurances

TITRE PREMIER /GENERALITES


Il faudra distinguer l’opération technique (l’opération d’assurance) et le régime juridique qui lui est
applicable (le droit des assurances). L’opération est la première car l’assurance est d’abord
technique.
 Chapitre 1 : Généralités sur l’opération d’assurance
 Chapitre 2 : Généralités sur le droit des assurances

Chapitre 1 : Généralités sur l’opération d’assurance


Section 1 : Eléments de l’opération de l’assurance
Définition de l’assurance de Lambert-Faivre et Leveneur, « L'assurance est l'opération par
laquelle « un assureur organise en une mutualité une multitude d'assurés exposés à la
réalisation de certains risques et indemnise ceux d'entre eux qui subissent un sinistre grâce à la
masse commune des primes collectées »
Il y a 4 éléments que nous étudierons dans cette section, le risque (§1), la prime (§2), le sinistre
(§3), la mutualité (§4).
§1- Le risque
Le risque est une notion difficile à appréhender. Elle ne peut se définir par référence au contrat
d’assurance (dont il serait l’objet). En effet, le risque préexiste au contrat et peut être couvert
autrement que par l’assurance.
 Le risque-événement (ex. incendie) : c’est un événement incertain, normalement futur (sauf
passé inconnu), le fait qu’il soit heureux ou malheureux est indifférent.
 Le risque-objet (ex. le risque « habitation », le risque « automobile ») : vise la personne ou la
chose exposée au risque-événement. Au contraire du risque-événement, le risque-objet n’est
pas aléatoire.
 Le risque-dommage (ex. risque « incapacité de travail », risque « pertes d’exploitation ») :
vise les pertes ou dommages consécutifs à la réalisation de l’événement.
Dans une conception plus moderne, le risque est une période de temps, une période d’exposition
au risque-événement. Cela explique que le risque continue alors même que l’événement s’est
réalisé une première fois. Exception : risques de réalisation unique (décès).

§2-La prime
A) L’aspect économique
La prime est un prix (contrepartie de l’obligation pour l’assureur de couvrir le risque).
La prime est un coût. Avec les sommes perçues, l’assureur va pourvoir payer les assurés victime
d’un sinistre. Mais il ne connaît pas le coût des sinistres à venir (inversion du cycle de production :
le prix est fixé dans l’ignorance du coût).
Importance des statistiques du passé (sans lesquelles l’assureur n’est qu’un parieur).
Importance de la loi des grands nombres : on fait l’hypothèse que, plus les assurés sont nombreux,
plus la probabilité de survenance des sinistres futurs se rapproche de la fréquence de survenance des
sinistres passés.
B) Aspects juridiques
Les aspects juridiques sont en lien avec le risque assuré (principe d’adéquation de la prime au
risque), à un triple point de vue :
 Si le risque disparaît, la prime cesse d’être due (ex. assurance contre le vol d’un objet
d’art qui est détruit à la suite d’un incendie).
 Si la garantie disparaît, la prime cesse d’être due (ex. résiliation du contrat en cours
d’année : restitution de la fraction de prime correspondant à la période pendant laquelle le
risque n’est pas couvert : règle de divisibilité de la prime).
 Si le risque est mal apprécié (car il s’est aggravé, ou mauvaise appréciation à la
souscription), il y a insuffisance de prime. Des sanctions sont encourues (nullité ou
résiliation du contrat, révision de la prime en cas d’aggravation du risque).

C) Aspects techniques
1° La prime pure
 Choix d’une assiette de prime (ex. chiffre d’affaires de l’assuré, effectif de son personnel).
 Détermination d’un taux de prime
2° Chargements
Les chargements s’ajoutent à la prime pure :
 Chargement fiscaux (taxe sur les conventions d’assurance)
 Chargement commerciaux (rémunération des intermédiaires)
 Frais généraux de la compagnie

§3- Le sinistre
A) Notion de sinistre
En première analyse, le sinistre est la réalisation du risque couvert par le contrat (si le risque n’est
pas couvert, en toute rigueur, il n’y a pas sinistre mais pertes ou dommages).
On insistera sur le caractère finaliste de la notion de sinistre : son contenu et sa date diffèrent selon
le problème posé (déclaration du sinistre, existence d’un aléa, étendue de la garantie dans le temps,
prescription…).
B) Preuve du sinistre
Elle doit être analysée selon deux aspects : la charge de la preuve, et les modes de preuve.
1° La charge de la preuve
Elle pèse en principe sur l’assuré (art 1353 C. civ).
Exception :
 Quand l’assureur soulève une exception (par exemple que le sinistre rentre dans les
conditions de fait d’une exclusion : ex., l’accident dont il s’agit était un accident de ski, non
couvert par le contrat) : la preuve doit être rapportée par l’assureur.
 Pour des raisons pratiques tenant à la plus ou moins grande aptitude à la preuve de l’une ou
l’autre partie (ex. du sinistre vol, qui est difficile à prouver pour l’assuré).
2° modes de preuve
Principe : la preuve libre, car le sinistre est un fait juridique. A distinguer de la preuve du contrat
qui est un acte juridique et qui est normalement réglementée (v. infra).
Exceptions :
 Certains textes réglementent la preuve (ex. catastrophes naturelles)
 Conventions sur la preuve (dans le contrat d’assurance : ex. le vol devra être établi par tel
moyen).
Condamnées par un arrêt pour cause d’atteinte à l’art. 6 de la Convention EDH (droit à un procès
équitable) : Cass. 2e civ, 10 mars 2004, n° 03-10154 : RGDA 2004, p. 644, et chron. p. 561, par J.
Kullmann). Mais l’arrêt est resté isolé.

§4- La mutualité
Absence de dimension juridique : La mutualité n’est pas une personne morale, ni même un
patrimoine d’affectation.
Application pratique : l’assurance collaboratrice (mécanisme de cagnotte) n’est pas de l’assurance,
au moins quand il n’y a pas d’assureur.
A) La notion de mutualisation
La mutualisation signifie que les prestations versées aux assurés ayant subi un sinistre
proviennent des primes payées par l’ensemble des assurés. Elle ne signifie pas que les assurés
qui sont faiblement exposés au risque (les « bons risques ») paient pour ceux qui sont
fortement exposés (les « mauvais risques »).
Autrement dit, la mutualisation de l’assurance n’est pas la solidarité. Elle repose sur l’équité
actuarielle, à savoir sur une analyse du risque au cas par cas .(le risque est couvert à son juste
prix).
Attention, on oppose les assurances gérées en répartition (les sommes versées par les assurés une
année n servent à régler les sinistres de la même année) aux assurances gérées en capitalisation
(les assurances sur la vie, les assurances « constructions », qui sont à déroulement long). Dans ces
dernières, la ou les primes versées par l’assuré sont capitalisées et servent à régler les sinistres de
cet assuré. Mais, même pour ces assurances, il y a bien une mutualisation, dès lors que l’excès de
prime pour un assuré compensera l’insuffisance de prime pour un autre.
B) Conditions de la mutualisation
 Dilution des risques (suppose un grand nombre d’assurés),
 Dispersion de risques (risques dispersés géographiquement)
 Homogénéité des risques (regroupement des risques par catégories de même nature).

C) Remèdes aux insuffisances de la mutualisation


1° Coassurance
Economiquement, il s'agit du partage du risque entre plusieurs assureurs. L’assureur « chef de
file » (pas nécessairement celui qui supporte la plus grande part du risque) est appelé apériteur.
Juridiquement, une seule police.
- Régime juridique
Notion de mandat : l’apériteur représente les autres coassureurs. Mais, pas de solidarité au sens
juridique du terme. Sauf clause contraire, chaque coassureur est tenu pour sa part seulement. Mais
certains effets secondaires de la solidarité (interruption de la prescription, renonciation à certaines
exceptions, recours subrogatoire exercé au nom de tous) : tout dépend de l’étendue du mandat.

- Distinction entre coassurance (le fromage) et assurances en lignes (le millefeuille)


Assurances en lignes : autant de contrats que d’assureurs. La franchise sur un contrat
correspond au plafond sur le contrat de la ligne inférieure. Principe d’indépendance entre les lignes
(si un assureur accepte sa garantie pour un sinistre, cela n’engage pas les autres assureurs).
2° Réassurance
Mécanisme par lequel l’assureur (le cédant) transmet une partie de la charge finale du risque
sur un tiers (le réassureur ou cessionnaire).
Nature juridique : hésitation entre contrat d’assurance et contrat sui generis de protection financière
Régime juridique : non-application du Code des assurances (v. art. L. 111-1). Application du droit
commun des contrats (C. civ., art. 1101 et s.)
o Réassurance proportionnelle (en quote-part) : le réassureur prend une part du risque et en
contrepartie se voit rétrocéder la même part de la prime.
o Réassurance en excédent de sinistre (excess loss) : le réassureur intervient quand le sinistre
dépasse un certain seuil).
o Réssurance en excédent de pertes annuelles (stop loss) : le réassureur intervient quand les
pertes annuelles dépassent un certain seuil.

Section 2 : Classification des assurances


§1- Assurance maritimes et assurances terrestres
Les assurances maritimes sont historiquement les plus anciennes avec une réglementation à part
(naguère Code de commerce).

Aujourd’hui, ces règles particulières sont regroupées au titre 7 du livre 1er du Code de assurances.
§2 Distinctions des assurances selon les branches
Idée : un assureur a besoin d’un agrément de l’Etat ou d’une autorité (en France l’ACPR) pour
exercer son activité. Il est agréé branche par branche.
D’où une nomenclature des branches (européenne, transposée en droit français) : art. R. 321-1, C.
assur.
Néanmoins, cette nomenclature est assez disparate (elle mêle « risque-événement » et « risque-objet
»). Elle est donc peu intéressante sur un plan théorique.

§3- Assurances de dommages et assurances de personnes


 Assurances de personnes : risque lié à la durée de la vie humaine (assurances sur la vie),
risque lié à la natalité et à la nuptialité, risque d’atteinte l’intégrité physique de la personne
(accident, maladie).
 Assurances de dommages : toutes les autres assurances (catégorie résiduelle).
On opère ensuite une sous-distinction entre les assurances de choses (dites aussi d’actif car
protège l’actif du patrimoine) et les assurances de responsabilité (dites aussi de passif ou de
dettes car protège le passif du patrimoine).
Attention : la référence au patrimoine est trompeuse car un possesseur, même de mauvaise foi (par
exemple un voleur), peut s’assurer contre les choses qu’il possède, alors qu’elles ne figurent pas
dans son patrimoine.
§4- Assurance forfaitaire et assurance indemnitaires
o Assurances forfaitaires : prestation d’assurance fixé par le contrat d’assurance et lui
seul.
o Assurances indemnitaires : prestation d’assurance doublement limité par le contrat et
par le montant du dommage (« principe indemnitaire »).
o Toutes les assurances de dommage sont indemnitaires, ce qui peut poser des problèmes
pour les assurances dites paramétriques (par exemple, l'assurance « récolte » : une somme
forfaitaire est versée si température dépasse un certain seuil). Il faudrait une évolution de la
notion d’assurance indemnitaire)
o Les assurances de personnes sont en principe forfaitaires (ex. assurance-vie), mais
peuvent être indemnitaires (ex. assurance maladie : remboursement des frais de soin).
Conséquences : il n’y a pas de subrogation de l’assureur dans les droits de l’assuré dans
les assurances forfaitaires car, quand il paie son assuré, l’assureur n’éteint pas la dette de
responsabilité d’un tiers.
§4- Assurance vie et assurance non vie
C’est la summa divisio selon certains (dont je suis). D’un côté, les assurances sur la vie (risque «
décès » et « vie » à une échéance fixée à l’avance) et de l’autre côté, toutes les autres assurances.
Il y a plusieurs raisons quant à la spécificité des assurances sur la vie :
o Particularisme du risque couvert (risque de date)
o Assurances de long terme gérées en capitalisation.
o Nécessité de préserver « l’épargne », versée par les assurés sous forme de prime, contre un
risque de forte sinistralité des sinistres « non-vie ».
Conséquence : en principe, un même assureur ne peut être agréé en vie et en non-vie.
Exception : un assureur « vie » peut proposer des garanties « accident-maladie » mais seulement si
accessoires à une garantie « vie ».

Chapitre 2 : Généralités sur le droit des assurances


Ce chapitre traitera des généralités du droit des assurances, et se divisera en deux sections :
Section 1 : Sources du droit des assurances
Section 2 : Caractères du droit des assurances

Section 1 : Source du droit des assurances


§1- Sources internes
A) Les sources législatives
Historiquement, on retrouve la loi du 13 juillet 1930 marquant la naissance du droit des assurances,
avant application du droit commun des contrats, sauf quelques règles spéciales.
Le Code des assurances apparait en 1976 pour les entreprises d’assurance (sociétés anonymes
d’assurance et mutuelles « Code des assurances »). Il se décompose en 5 livres (1er : le contrat, 2 :
les assurances obligatoires, 3 : les entreprises d’assurance, 4 : organisation et régimes particuliers,
5 : la distribution de l’assurance). En France, le parti pris retenu est de réunir dans un même code
les règles sur le contrat, les entreprises et la distribution, ce qui n'est pas toujours le cas à l’étranger.
On notera aussi l'existence des codes suivants :
Code de la mutualité (mutuelles « Code de la mutualité »)
Code de la sécurité sociale (institutions de prévoyance).
Les sources suivantes doivent également être prises en compte :
o Le Code de la consommation (interprétation du contrat en faveur du non-professionnel ou
du consommateur, clauses abusives, contrats d’assurance en garantie d’un crédit à la
consommation ou immobilier).
o Le Code monétaire et financier (contrôle des entreprises d’assurance par l’ACPR).
Le corpus législatif est donc très fourni et en perpétuelle évolution. Mais, pour le contrat
d’assurance, certaines règles issues de la loi de 1930 sont restées les mêmes
B) La jurisprudence
La jurisprudence est très abondante, et représente environ 10% du contentieux civil, même si
récemment on observe la concurrence de la médiation de la consommation.
Mais la jurisprudence ne fait que compléter la loi, même s’il y a des lignes directrices (protection de
l’assuré, des victimes en assurances RC). Le droit des assurances n’est pas réellement un droit
prétorien.
C) Le droit mou
Le "droit mou" joue un rôle important, avec une force normative sans doute supérieure au droit
dur :
 Usages du courtage (existent depuis les années 1930).
 Recommandations de l’ACPR.
 Avis du CCSF,
 Conventions inter-assureurs (même si normalement inopposables aux assurés).
 Convention AERAS (pour la couverture de risques aggravés de santé en assurances «
emprunteurs »).

§2- Sources européennes


le droit européen est essentiel car il comporte une série de directives « assurance » (« vie » et «
non-vie »).
o Ex.1 Directive Solvabilité 2, n° 2009/138/CE, 25 nov. 2009 (nouvelles règles prudentielles
et reprise de tout l’acquis communautaire).
o Ex. 2 Directive distribution de l’assurance (DDA) n° 2016/97, 20 janvier 2016 (pour tout ce
qui concerne la distribution : unifie les règles applicables à la distribution avec intermédiaire
et sans intermédiaire).
Deux grands principes :
o La libre prestation de services (passeport unique). Une entreprise d’assurance agréée dans
un Etat membre peut exercer son activité dans tous les autres Etats de l’Union. La LPS est
en crise (scandale de l’assurance construction : des entreprises situées à Gibraltar font
défaut).
o La liberté d’établissement : une entreprise ayant son siège dans un Etat membre peut ouvrir
des succursales dans tous les autres Etats de l’Union.

Section 2 : Caractère du droit des assurances


Nous étudierons 3 caractères du droit des assurances :

 Le droit impératif
 Le droit protecteur

 Le droit autonome

§1- Droit impératif


Les trois premiers titres du livre premier du Code sont impératifs, sauf une liste d’articles (assez
réduite) figurant à l’article L. 111-1 et à condition qu’ils ne confèrent à l’assuré qu’une simple
faculté. Donc pour les règles sur le contrat, a priori pas de marge de manœuvre.
En réalité, la liberté contractuelle demeure pour la prime et pour l’objet de la garantie (sauf
assurances obligatoires) dès lors, pour les exclusions, qu’elles sont formelles et limitées (v. infra).
C’est l’essentiel.
§2- Droit protecteur
A) Protection de l’assuré

1° Protection de tous les assurés


Exemples en législation : Information précontractuelle, déclaration des risques (adoption par la
loi n° 89-1014 du 31 déc. 1989 du système du questionnaire fermé), résiliation à tout moment passé
un an pour certaines assurances (automobile, complémentaires santé…).
Accentuation de la protection par la JP
Exemples : éradication pure et simple des clauses d’exclusion ambiguës et non simple
interprétation en faveur de l’assuré, jurisprudence très favorable en matière d’étendue de la
garantie dans le temps en assurances de responsabilité (au moins avant la loi du 1er août 2003
de sécurité financière).

2° Protection de l’assuré
a) Risques de masse et grands risques
Définition des grands risques : en première analyse, risques des grandes entreprises, mais seuils
assez bas. Voir C. assur., art. L. 111-6 et R. 111-1. Les autres risques sont les risques de masse.

Intérêt : en législation, enjeu réduit. Mais, dans l’avenir, certains souhaiteraient qu’il y ait une
liberté contractuelle totale pour les grands risques.
Voir projet de droit européen du contrat d’assurance (PDECA/PEICL), 2015.
b) Droit de la consommation
Pour l'application du présent code, on entend par :
 Consommateur : toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le
cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole ;
 Non-professionnel : toute personne morale qui n'agit pas à des fins professionnelles ;
 Professionnel : toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui agit à des
fins entrant dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale
ou agricole, y compris lorsqu'elle agit au nom ou pour le compte d'un autre
professionnel. »

Jurisprudence (pour le droit des clauses abusives) : un contrat conclu par une société
commerciale, n’est pas conclu par un non-professionnel : Cass. 2e civ., 22 nov. 2018, n° 17-
27730 : RGDA févr. 2019, p. 31, n° 116f9, note A. Pélissier.

 Domaine : clauses abusives, interprétation du contrat (nécessairement en faveur du


consommateur, sous le contrôle de la Cour de cassation), contrats « emprunteurs » (si crédit
à la consommation ou crédit immobilier).

 Notion de clause abusive : clause ayant pour objet ou pour effet de créer un déséquilibre
significatif (C. consom., art. L. 212-1).
Mais la clause ne doit pas porter sur la définition de l’objet principal du contrat sauf si elle
n’est pas rédigée de manière claire et compréhensible.
Ex. a priori la clause stipulant une exclusion ne peut pas être déclarée abusive (car relative à
la délimitation de la garantie et donc à l’objet principal du contrat).
Existence de deux listes : clauses irréfragablement abusives (C. consom., art. R. 212-1) et clauses
réputées abusives sauf preuve contraire (C. consom., art. R. 212-2).
JP : des arrêts régulièrement même s’il est rare qu’une clause soit déclarée abusive.

B) Protection d’autres personnes


1° Protection de l’assureur
Le droit des assurances protège à l’occasion l’assureur :
 Quand l’assuré ne paie pas la prime (suspension automatique de la garanti, 30 jours
après une mise en demeure par lettre recommandée : C. assur., art. L. 113-3).
 En matière de fausse déclaration de risque : pas besoin de prouver l’erreur ou le dol.
Et l’assureur conserve les primes (C. assur., art. L. 113-8).
2° Protection de certains tiers
Surtout la victime en assurances de responsabilité qui dispose d’une action directe depuis les
années 1930 en JP (consacré à l’art. L. 124-3, C. assur.) et à qui certaines exceptions sont
inopposables (ex. art. R. 124-1).
- Mais aussi créanciers hypothécaires et privilégiés : droit de se faire attribuer l’indemnité
d’assurance (C. assur., art. L. 121-13).
§3- Droit autonome

A) Le droit des assurances et droit des contrats


Le droit commun des contrats s’applique, sauf loi spéciale contraire (C. civ., art. 1105 : « les règles
générales s’appliquent sous réserve de ces règles particulières »).
Ex. en cas de fausse déclaration des risques, si fausse déclaration non intentionnelle de la part de
l’assuré, pas de nullité du contrat, quand bien même l’assureur aurait été victime d’une erreur (C.
assur., art. L. 113-9).

B) Droit des assurances et droit de la famille


Ces deux droits entretiennent des rapports très conflictuels, et spécialement entre droit des régimes
matrimoniaux et des successions et droit de l’assurance-vie. Quelques exemples :

 C. assur., art. L. 132-13 : exclusion des règles sur le rapport et la réduction.


 C. assur., art. L. 132-16 : assurance-vie au profit du conjoint commun en bien, est un bien
propre sans récompense, sauf quand la prime est manifestement exagérée.

En revanche, le droit des incapacités s'applique sans trop de difficultés, ce qui est important pour
l’assurance-vie.

Titre II : Droit substantiel

Chapitre 1 : Nature du contrat d’assurance

Section 1 : Nature contractuelle

§1- Assurance obligatoire et assurance facultative


En principe, l’assurance est facultative (c’est la figure du contrat à l’état pur), mais elle peut être
aussi obligatoire.
Remarquons toutefois que les assureurs n’aiment pas trop les assurances obligatoires, car elles
brident leur liberté.
A) Contrat obligatoire
Nature juridique : demeure un contrat dès lors qu’il subsiste pour l’assuré la liberté de choisir
son assureur. Il y a encore un accord de volontés.
Typologie :
o Principe : assurances obligatoires pour le seul assuré.
o Exceptions : assurances obligatoires pour l’assuré et l’assureur (assurances régies par le
livre 2 du Code des assurances : automobile, construction, chasse, santé). Intervention du
bureau central de tarification pour fixer la prime et les garanties.
Domaine : très étendu.
o Plus de 130 assurances obligatoires en France, la plupart dans le domaine de la
responsabilité civile professionnelle, mais pas toutes.
o S’étend à certaines assurances de choses, voire de personnes.
o Existence de garanties minimales en assurances facultatives (ex. catastrophes naturelles)

Ediction :
o Principe : par la loi (car atteinte à la liberté contractuelle).
o Exception : par décret ou arrêté, si l’autorité administrative a reçu compétence pour
organiser les conditions d’exercice d’une profession et si la nature de l’activité
professionnelle requiert l’édiction d’une obligation d’assurance.
o Par contrat (ex. contrat de prêt imposant la souscription d’une assurance). Mais, pas
véritablement une assurance obligatoire au sens strict du terme.

Régime :
Problème quand lacunes dans les textes relatifs à telle assurance obligatoire. Doit-on appliquer par
analogie d’autres textes, ou revenir à la liberté contractuelle (droit commun) ? La jurisprudence
penche plutôt pour la deuxième hypothèse.
Il n’y a pas de droit commun des assurances obligatoires.

B) Contenu obligatoire : clause types et garanties minimales

Il existe des garanties minimales, imposées par la loi ou le règlement.


Cela est nécessaire quand l’assurance est obligatoire, pour que l’obligation d’assurance
présente une réelle utilité.
On note l'utilisation fréquente de la technique des clauses types (même si peuvent exister aussi
en assurances facultatives : ex. clause de bonus-malus en assurance automobile, y compris pour
les garanties facultatives).
Support textuel : art. L. 111-4, C. assur. : possibilité par arrêté ministériel d’imposer des clauses
types (existe depuis 1945).
Contrôle des clauses types par le juge administratif : a longtemps été inexistant. Est devenu une
réalité depuis le scandale de la transfusion sanguine (où clause type relative à l’étendue de la
garantie dans le temps qui était défavorable aux assurés et aux victimes). CE, 29 déc. 2000, Beule,
D. 2001, p. 1265, note Y. Lambert-Faivre ; RGDA 2001, p. 97, note F. Vincent.
Effets des clauses types : la clause type doit être intégrée dans le contrat (pas nécessairement au mot
près, mais c’est préférable). Et si ce n’est pas le cas, on fait comme si la clause était présente (clause
réputée écrite).
§2- Partie du contrat d’assurance

A) Schéma simple
Il s'agit d'un schéma avec deux personnes : le souscripteur (également assuré) et l’assureur.
Pour chacun d'eux, nous allons étudier :
Leurs capacités (1°)
Leurs pouvoirs (2°)

1° Capacité

a) Capacité de l’assureur (personne morale)


Plutôt un problème de spécialité.
Si l’assureur exerce une activité qui n’est pas d’assurance, au mépris du principe de spécialité, les
contrats qu’il a conclus ne sont pas nuls : Cass. com., 7 avr. 2009, n° 07-18907 : RGDA 2009, p.
1382, note J. Kullmann ; D. 2009, AJ 138, obs. X. Delpech, jurispr., p. 2731, note P.-G. Marly ;
RTD civ. 2009, p. 321, obs. B. Fages.
Si l’assureur conclut un contrat dans une branche pour laquelle il n’est pas agréé, le contrat
est nul, mais cette nullité n’est pas opposable aux souscripteurs et bénéficiaires de bonne foi :
C. assur., art. L. 310-2, III.
b. capacité du souscripteur (supposé personne physique)
Principe : le contrat d’assurance est un acte d’administration, donc en cas d’incapacité, pas
d’autorisation à requérir du juge des tutelles ou du conseil de famille.
Exception : assurance-vie, pour certains actes graves, autorisations nécessaires (C. assur., art. L.
132-4-1).

2° Pouvoir
Rappel : le pouvoir est l’aptitude à exercer les droits d’autrui (ou à agir dans l’intérêt
d’autrui).
__Pouvoirs de l’assureur : possibilité de pouvoirs de souscription conférés à un agent général ou
même à un courtier.
__Pouvoirs du souscripteur :
o Mandat : suppose que le représentant (ex. un courtier) ait un mandat pour souscrire le
contrat (et non un simple mandat pour s’entremettre dans la négociation). Au moins si
représentation parfaite (quand le mandataire déclare agir au nom du mandant), le mandataire
n’est pas tenu au paiement de la prime.
o Régimes matrimoniaux (surtout communauté)
Le contrat d’assurance n’est pas une donation, donc pas besoin du consentement du conjoint
(art. 1422 du Code civil inapplicable). Attention : le fait que la communauté ait deux
administrateurs ne justifie pas que le conjoint du souscripteur puisse demander l’exécution
du contrat à son profit, car l’action en exécution est liée à la qualité de souscripteur qu’il n’a
pas.
Ex. Cass. 1re civ., 6 oct. 1993, n° 91-13291 : Bull. civ. I, n° 271 ; RGAT 1994, p. 75, note
L. Mayaux (action de la femme pour obtenir le paiement d’une indemnité pour le vol de
bijoux qui étaient vraisemblablement des biens propres à elle).
B) Schéma complexe
Dans cette partie, nous allons aborder 3 cas de schémas complexes :
La gestion d’affaire (1°)
L’assurance pour compte (2°)
Les autres hypothèses (3°)
1° La gestion d’affaires
Hypothèse où une personne (le gérant) prendrait l’initiative de souscrire un contrat d’assurance au
profit d’une autre (le maître de l’affaire). Cette hypothèse reste peu pratiquée.
Différence avec l’assurance pour compte : en principe la gestion d’affaire est temporaire (le
temps que l’assuré maître de l’affaire soit en l’état de gérer ses biens). L’assurance pour compte a
vocation à durer.
Effets :
o Si ratification par le maître de l’affaire (qui peut intervenir après sinistre : C. assur., art. L.
112-1), tous les effets d’un mandat.
o Si pas de ratification, indemnisation du gérant par le maître de l’affaire pour toute les
dépenses utiles (remboursement de la prime).
2° Assurance pour compte
a) Notion

Schéma où les qualités de souscripteur (contractant) et d’assuré (personne exposée au risque


et couverte par l’assurance) sont dissociées. Application de la stipulation pour autrui.
b) Domaine
Très étendu : assurance « habitation » (pour la garantie RC), assurance des détenteurs (preneur à
bail), assurances de l’entreprise (souscrite par une société pour le compte de toutes les sociétés
membres du même groupe), assurances maritimes (marchandises transportées : assurance pour le
compte de qui il appartiendra).
c) Critère
Double condition pour avoir la qualité d’assuré pour compte :
1- Justifier d’un intérêt d’assurance
o Notion d’intérêt d’assurance : lien entre une personne et une chose ou une autre personne.
Notion plus économique que juridique. Entendue largement en droit français : C. assur., art.
L. 121-6 : intérêt direct ou indirect.
o Existence de l’intérêt : au jour du sinistre
2- Être désigné comme assuré dans la police
o Forme : en principe, existence d’une clause (C. assur., art. L. 112-1), mais assurance pour
compte tacite admise en JP, si pas équivoque.
o Identification : au cas par cas. En principe, quand un tiers a la qualité d’assuré, le
souscripteur l’a également (C. assur., art. L. 112-1). Mais le contraire est possible.

d) Régime
Droit direct de l’assuré pour compte contre l’assureur (mais pas d’obligation, donc sauf
consentement de l’assuré pour compte, celui-ci n’est pas tenu de la prime).
Opposabilité des exceptions :
Très générale.
Mais des aménagements :
* Prescription (si action du souscripteur contre l’assureur est prescrite, cette prescription est
inopposable à l’assuré pour compte, car il est titulaire d’une action qui lui est propre).
* Faute intentionnelle : pour être exclusive de garantie, doit émaner de l’assuré et non du
souscripteur.

3° Autres hypothèses
Assurances collectives : un souscripteur, un assureur, des adhérents
o Si à adhésion obligatoire : se rapproche d’une assurance pour compte commun.
o Si à adhésion facultative : existence d’un contrat cadre (entre le souscripteur et l’assureur) et
de contrats individuels d’assurance (entre chaque adhérent et l’assureur).
Actions directes : certains tiers (victime en assurance RC, créanciers hypothécaires ou privilégiés),
sans être titulaires d’un droit contractuel, sont « associés » au contrat par le biais d’une action
directe, d’origine légale.
§3- Caractère du contrat d’assurance
1° Contrat synallagmatique
Obligations de part et d’autre (couvrir le risque pour l’assureur et payer la prime pour le
souscripteur), et obligations réciproques.

2° Contrat onéreux
- Il y a toujours une prime
- Exceptions (apparentes) : certaines opérations promotionnelles.

3° Contrat successif
Contrat d’assurance toujours inscrit dans la durée.

4° Contrat consensuel
Ecrit requis (art. L. 112-3), mais pas à peine de nullité.
5° Contrat d’adhésion
Notion de contrat d’adhésion : C. civ., art. 1110
Deux rédactions successives : ordonnance 10 févr. 2016 et loi de ratification du 20 avril 2018
Application au contrat d’assurance
- Distinction entre risques du particulier et risques d’entreprise ?
- Distinction entre contrats individuels et contrats collectifs ?

Section 2 : Nature de contrat aléatoire ?

§1- Aléa et qualification du contrat d’assurance

A) Législation
Droit ancien : C. civ., art. 1104 et 1964 (textes contradictoires). L’art. 1964 mentionne
expressément le contrat d’assurance parmi les contrats aléatoires.
Droit actuel (issu de la réforme du droit des contrats). Art. 1964 abrogé. Art. 1104 remplacé par art.
1108 (définition différente).
B) Doctrine
Il existe un important débat en doctrine dont les arguments sont :
- Psychologique : l’assuré n’est pas dans l’état d’esprit d’un parieur.
- Economique : le contrat d’assurance ne fait pas naître l’aléa qui lui préexiste (différence
avec les autres contrats aléatoires). Il tend à garantir contre les effets de cet aléa (est anti-
aléatoire).
- Juridique : il n’y a pas d’assurance à fonds perdus. Et, au moins en ce qui concerne les
assurances indemnitaires, il n’y a pas d’enrichissement de l’assuré par l’assurance.
Conclusion : oui le contrat d’assurance n’est pas un contrat aléatoire ou, à tout le moins, il a
une forte spécificité parmi les autres contrats aléatoires.
C) Jurisprudence
Débat surtout en assurance-vie pour des contrats d’épargne-assurance, pour lesquels il n’y aurait pas
d’aléa patrimonial mais seulement un aléa événementiel.
- Cass. ch. mixte, 23 nov. 2004, n° 02-17507 : RGDA 2005, p. 110, note L. Mayaux.
- CJUE, 1er mars 2012, C-166/11 : RGDA 2013, p. 187, note G. Parleani (affaire Alonso).
Dans ces deux arrêts, le juge estime qu’on a affaire à un contrat d’assurance.

§2- Nécessité de l’aléa


La nécessité de l'aléa doit être vue sous l'angle du risque
A) Le risque putatif
Notion : sinistre antérieur à la souscription du contrat, mais ignoré des parties.
Assurabilité : admise en assurances maritimes (C. assur., art. L. 172-4) et même en assurances
terrestres, malgré l’art. L. 121-15.
Garantie : pour les assurances de choses, il faudrait une clause spéciale (Cass. 2e civ., 11 juin
2009, n° 08-162335 : RGDA 2009, p. 735, note J. Bigot), mais l’arrêt est isolé.
Conditions

• De fond : notion de passé inconnu (ignorance du fait générateur ou de son caractère causal),
identité de l’ignorant (quand assurance pour compte : le souscripteur et l’assuré).
• De preuve : charge pour l’assuré (mais quand risque composite, plutôt pour l’assureur : v. art. L.
124-5, al. 4 en assurances de responsabilité).

Sanctions
• Nullité du contrat si le sinistre met fin au risque couvert (ex. destruction du bien). Nullité
relative.
• Non-garantie pour le sinistre considéré dans le cas contraire.
B) Le risque composite
Notion : risque composé au moins deux éléments, pareillement aléatoires.
Problème : premier événement antérieur à la souscription, les suivants postérieurs. L’assureur doit-il
sa garantie quand bien même le premier événement serait connu ?
Solutions
 En assurances « responsabilité civile », seul le passé inconnu est repris (art. L. 124-5).
 En assurances de personnes, soumises à la loi Evin, garantie pour les états pathologiques
antérieurs, mêmes connus (loi n° 89-1009, 31 déc. 1989, art. 2 et 3.

C) Risque potestatif
Notion : aléa pour partie au pouvoir des parties, mais pas entièrement
Domaine : notamment assurances de protection juridique, contrat d’assistance.
Remède à l’insuffisance de l’aléa : instauration de délais de carence.

Chapitre 2 : Formation du contrat d’assurance


Ce chapitre comporte trois sections :
 Section 1 : Préparation du contrat
 Section 2 : Consentement au contrat
 Section 3 : Documents contractuels
Section 1 : Préparation du contrat
§1- Documents informatifs
Dans cette partie, nous évoquerons seulement l'information documentaire. Pour le devoir général
d’information et de conseil, voir infra, chapitre 4.
Nous verrons notamment les documents traditionnels, leur nature, leur domaine etc. (A), ainsi que
les autres documents informatifs pour des types précis d'assurance (B).
A) Documents traditionnels

a) Nature
Fiche d’information sur le prix et les garanties (C. assur., art. L. 112-2, al. 1er). Fournie à toute
personne qui en fait la demande : objectif de comparabilité des produits.
Projet de contrat ou notice d’information (C. assur, art. L. 112-2, al. 2) : décrit précisément les
garanties et les exclusions, ainsi que les obligations de l’assuré. Remis en amont du processus de
souscription. Mais pas d’indication du tarif (car l’assureur doit pouvoir étudier le risque pour
communiquer un tarif précis).
b) Domaine
Principe : toute assurance, y compris assurances sur la vie ou assurances de groupe
Exceptions
• Assurance des grands risques (au sens de l’art. L. 111-6) : art. R. 112-2, al. 1er.
• Assurance couvrant les risques liés à la villégiature, au camping, aux sports d’hiver, aux
voyages, souscrits pour trois mois au plus et non renouvelables, contrats d’assurance de
bagages pour un seul voyage : art. R. 112-2, al. 2.
c) Sanctions
Non-remise de la fiche d’information : a priori aucune sanction contractuelle, mais sanction
possible de la part de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR).
Non-remise du projet de contrat ou de la notice d’information : sanction possible de la part de
l’ACPR ; l'inopposabilité à l’assuré des exclusions non mentionnées ou des sanctions de
l’inexécution des obligations non mentionnées se discute.

B) Autres documents
1° Assurances-vie

• Note d’information sur les conditions d’exercice de la faculté de renonciation et sur les
dispositions essentielles du contrat (C. assur., art. L. 132-5-2).
• Pour les assurances de type « épargne » (ainsi que pour tous les produits d’investissement «
packagés ») : document d’information clé (DIC). V. règlement Prip’s, 25 nov. 2014.

2° Assurances "non-vies"
Document d’information normalisé sur le produit d’assurance (IPID), remis par le distributeur et
élaboré par le concepteur du produit : C. assur., art. L. 112-2, nouv. (rédaction, ord. n° 2018-361,
sur la distribution de l’assurance).
3° Assurance responsabilité
Fiche d’information sur le fonctionnement de la garantie dans le temps (C. assur., art. L. 112-2 et A.
112) : réforme issue de la loi de sécurité financière du 1er août 2003.

4° Assurances de groupe

Notice d’information (C. assur., art. L. 141-1). Mais, c’est plus qu’un document informatif : c'est un
véritable document contractuel (seules les mentions figurant dans la notice sont opposables à
l’adhérent).
Conclusion : l’image du millefeuille est de plus en plus fondée.
§2- Proposition d’assurance

1° Notion
Document rempli par l’assuré et remis à l’assureur, par lequel l’assuré demande à être
couvert pour tel risque.

2° Nature juridique
Offre de contrat, émanant de l’assuré (même si la proposition consiste dans un formulaire
fourni par l’assureur ou son représentant : v. Le dessin d’Hergé, supra)

3° Effet : C. assur., art. L. 112-2


La proposition n’engage ni l’assureur (ce qui est normal) ni l’assuré (ce qui est dérogatoire au droit
commun). L’assuré peut donc retirer son offre à tout moment, sans encourir de dommages et
intérêts.
En cas de conclusion du contrat, celui-ci produit effet du jour de l’acceptation.
Depuis la réforme du droit des contrats : contrat formé dès que l’acceptation parvient à l’offrant (C.
civ, art. 1121). Système inadapté à l’assurance (problème du sinistre qui survient avant que
l’assureur ait transmis son acceptation à l’assuré). Douteux qu’il s’applique.
§3- Note de couverture

1° Notion
Document provisoire délivré par l’assureur et tendant à établir une garantie (surtout en risques
d’entreprise).

2° Nature juridique
Parfois mode de preuve du contrat définitif (C. art. L. 112-2)., parfois contrat autonome par rapport
au contrat définitif.
Il faut se livrer à une analyse d’intentions. Enjeu : contenu des garanties, durée des garanties

3° Note de couverture et attestation d'assurance


Notion d’attestation d’assurance : document remis à un tiers tendant à l’établir qu’une obligation
d’assurance a été satisfaite (concerne donc les assurances obligatoires).
Quand l’attestation d’assurance est détaillée, elle vaut parfois note de couverture. V. Cass. 2e civ.,
13 déc. 2018, n° 17-22532 : RGDA mars 2019, p. 22, n° 116h4, note L. Mayaux. Mais d’autres
arrêts sont hostiles à une requalification. V. Cass. com., 14 nov. 2000, n° 97-22699 : Resp. civ. et
assur. 2001, chron. 7, par H. Groutel, pour qui l’attestation d’assurance est « remise à sa place ».

Section 2 : Consentement au contrat


Dans cette partie, nous étudierons :

 Le consentement nécessaire
 Le consentement suffisant

§1- Le consentement nécessaire

A) L’existence du consentement
Problème propre à l’assurance : la multiplicité des documents. Il faut déterminer lesquels ont une
nature contractuelle.

Principe : un document est contractuel s’il a été remis à l’assuré et si ce dernier y a consenti.
Problème de preuve : est facilité par la présence d’une clause de remise et d’une clause de renvoi
(d’un document signé à un document non signé). Attention, une simple clause de remise ne vaut pas
clause de renvoi (et réciproquement, une simple clause de renvoi ne vaut pas clause de remise).
B) Vices du consentement
1° Consentement du souscripteur
Surtout en assurance-vie (erreur, dol par réticence).
2° Consentement de l’assureur
Problème de l’articulation avec les sanctions des fausses déclarations de risque (surtout quand
fausse déclaration non intentionnelle : la sanction est la réduction proportionnelle de la prestation et
non la nullité du contrat comme, en droit commun, en présence d’une erreur spontanée).

§2- Consentement suffisant

Principe : le contrat d’assurance est un contrat consensuel.


Cas particulier de l’avenant : doit être signé des parties (art. L. 112-3). Mais, dans son dernier état,
la JP considère que la sanction n’est pas l’inopposabilité à l’assuré ; V. Cass. 2e civ., 14 juin
2018, no 17-10097 : RGDA sept. 2018, n° 115w, p. 398, note J. Kullmann.
Cas particulier des clauses instaurant des nullités, des déchéances ou des exclusions : doivent
être en caractères très apparents, à peine de nullité. Donc un certain formalisme.
Cas particulier du formalisme volontaire : possibilité de stipuler que le contrat soit rédigé par écrit,
à peine de nullité (même si curieux sur un plan théorique, ou alors, la clause de solennisation doit
figurer dans un avant-contrat distinct du contrat définitif).

Section 3 : Documents contractuels


§1- Formalisme des polices
Le formalisme des polices obéit à 3 règles :
o La langue de police (A)
o La lisibilité de la police (B)
o Les mentions obligatoires (C).
A) Langue des polices
Principe : langue française (C. assur., art. L. 112-3, al. 1er).

Exception : élément d’extranéité faisant qu’il est possible d’appliquer une autre loi que la loi
française : v. art. L. 112-3, al. 2).

B) Lisibilité des polices


Principe : caractères apparents.
Exception : pour certaines clauses (nullités, déchéances, exclusions), caractères très apparents
à peine de nullité : C. assur., art. L. 112-4).
• Notion de caractères très apparents : appréciation par rapport au reste de la police.
• Sanction : nullité ne pouvant être invoquée que par les parties et non par les tiers (Cass. 3e
civ., 28 oct. 2003, n° 01-13490 : RGDA 2004, p. 358, note J. Kullmann).

C) Mention obligatoire

Contenu : v. C. assur., art. L. 112-4 et R 112-1.


Sanction : inopposabilité à l’assuré pour les règles relatives à la prescription (ex. Cass. 2e civ., 18
avr. 2013, n° 12-19519 : Bull. civ. II, n° 83 ; RGDA 2013, p. 884, note J. Kullmann ; Resp. civ. et
assur. 2013, comm. 242, note H. Groutel). Mais douteux que transposition de cette solution à
d’autres mentions.
§2- Fonction probatoire des polices
Est en cause la preuve du contrat, à distinguer de la preuve du sinistre (sur laquelle, v. supra, titre 1,
chap. 1).
A) Charge de la preuve
1° position du problème
Clause contestée ou clause non contestée.
Charge de la preuve ou risque de la preuve
2° distinction selon l’objet de la preuve de l’objet de la preuve
Preuve de l’existence du contrat : risque de la preuve supporté par celui qui invoque le contrat.
Preuve du contenu du contrat :

 Entre les parties : risque de la preuve supporté par celui qui invoque la clause litigieuse
(l’assuré ou l’assureur s’il invoque une clause limitative de garantie).
 A l’égard de la victime (en assurance RC) : risque de la preuve supporté par l’assureur.

B) Modes de preuve
1° A l’égard des tiers
Ex. A l’égard de la victime exerçant l’action directe.
Preuve libre (y compris pour la preuve par l’une des parties contre un tiers : ex. Cass. 1re civ., 9
mai 1996, n° 93-19807.

2° Entre les parties


Principe : preuve littérale (C. assur., art. L. 112-3, al. 1er), y compris en matière commerciale
et, en toute matière, sans que la signature ne soit exigée et sans seuil inférieur (explication :
l’art. L. 112-3, C. assur., en tant que règle spéciale, déroge à l’art. 1359, C. civ.).
Tempéraments :
• Admission des commencements de preuve par écrit, des copies et naturellement de l’aveu.
• Seuls modes de preuve totalement exclus (sauf à titre de complément de preuve) : les
témoignages et les présomptions de fait (indices).
• Place importante faite à la volonté tacite (notamment de l’assureur).
• Place possible pour un aménagement par la volonté des parties. Les règles sur la preuve ne sont
pas d’ordre public.

§3- interprétation des polices


Délimitation du problème : concerne la clause obscure et pas la clause incomplète, pour laquelle,
c’est l’art. 1194, C. civ. qui trouve à s’appliquer (rôle de l’équité, de l’usage et de la loi) plutôt que
l’article 1188 (commune intention des parties).
Importance du problème
Cause : complexité de la matière (et obscurité corrélative des polices), pluralité des documents à
interpréter « en combinaison ».
A) Pouvoirs du juge
En principe, pouvoir souverain des juges du fond.

Intervention de la Cour de cassation :


 Pour sanctionner des dénaturations de clauses claires et précises.
 Pour sanctionner des interprétations en faveur de l’assureur quand le contrat est « proposé »
à un consommateur ou à un non-professionnel (C. consom., art. L. 211-1, al. 2), ce qui vise
aussi l’assu dès lors que le contrat-groupe est proposé à l’adhésion à un consommateur ou à
un non-professionnel.
 Pour sanctionner l’interprétation d’une clause d’exclusion ambiguë . L’exclusion
ambiguë doit être purement est simplement réputée non écrite. Solution acquise depuis
Cass. 1re civ., 22 mai 2001 : D. 2001, p. 2776, note B. Beignier ; RGDA 2001, p. 944, note
J. Kullmann
 (Peut-être) pour sanctionner l’interprétation d’un contrat d’adhésion contre l’adhérent (par
application de l’art. 1190 nouv. C. civ., depuis la réforme du droit des contrats).

B) Principes d’interprétations
o Place importante à la recherche de l’intention commune des parties (C. civ., art. 1188).
o Place importante à l’effet utile et logique du contrat (C. civ., art. 1191).
o Interprétation d’ensemble du contrat (conditions générales, conventions spéciales,
conditions particulières) : principe de cohérence.
o Prééminence du document spécial (conditions particulières ou conventions spéciales) sur le
document général (conditions générales) seulement en cas de contradiction. Sinon, les deux
documents s’appliquent.
o Attention : sauf en cas de contrat d’adhésion ou si l’assuré est un consommateur ou un non-
professionnel, l’interprétation en faveur de l’assuré n’est pas un principe absolu (voir par ex.
Cass. 1re civ., 9 juill. 1996, n° 94-19876 : RGDA 1996, p. 919, note P. Rémy : problème des
plafonds « par sinistre et par année »).

Chapitre 3 : La vie du contrat d’assurance


Dans ce chapitre, nous verrons deux aspects de la vie du contrat d'assurance :
Section 1 : La modification du contrat d'assurance
Section 2 : L'extinction du contrat d'assurance
Introduction :
La prise d’effet : Normalement, la prise d’effet du contrat est immédiate, mais il est possible de
programmer une prise d’effet retardée :
Ex. 1 Prise d’effet retardée au paiement de la première prime : problème de la date du paiement,
notamment quand paiement par chèque (en principe, jour de la remise du chèque à l’assureur sous
réserve qu’au moment de l’encaissement, il existe une provision suffisante) .
Ex 2 Prise d’effet retardée à la naissance du risque (ex. à l’acquisition du véhicule automobile que
l’on souhaite assurer).
Il est également envisageable de faire une prise d’effet avancée, mais seulement si passé inconnu.

La renonciation : l existe parfois une faculté de renonciation (droit de repentir), pour un délai
assez court car il y a atteinte à l’irrévocabilité des contrats : art. 1193, C. civ., qui ne peut être que
de courte durée.
Exemples : 14 jours (vente à distance : C. assur., art. L. 112-2-1), 30 jours (assurance-vie : C.
assur., art. L. 132-5-1).
Information sur le délai de renonciation : quand la loi prévoit une information, la sanction est
généralement la prorogation du délai
Exemples : assurances à distance : art. L.112-2-1, II, 1°, b) ; assurance-vie : C. assur., art. L. 132-5-
2, mais prorogation réservée aux souscripteurs de bonne foi.
Problème de l’exécution du contrat pendant le délai. Cas de la vente à distance : perte du droit
de renonciation quand le contrat est intégralement exécuté à la demande de l’assuré : C. assur., art.
L. 112-2-1, II, 3°, c).
Section 1 : Modification du contrat d’assurance
Il convient en introduction de faire la distinction entre modification, évolution prévue à l’avance
(cas des assurances à risques et à primes variable : ex. assurance « flotte automobile »), et évolution
automatique (cas où indexation).
Notre domaine d'étude s'intéressera aux seules modifications par l’effet de la volonté. La loi peut
aussi modifier le contrat, au moins quand elle est applicable aux contrats en cours.
Nous verrons donc la modification de droit commun (I) et la modification par le silence de
l'assureur (II).
§1- Droit commun
C. civ., art. 1193 : modification par le consentement mutuel des parties.
Principe : consentement exprès, la modification prend la forme d’un avenant.
o Notion d’avenant : un contrat qui en modifie un autre
o Information préalable à la conclusion de l’avenant : devoir d’information et de conseil
pesant sur le distributeur, comme à la souscription du contrat d’origine.
o Forme de l’avenant : normalement signé des parties (v. supra, chap. 2).
o Effet de l’avenant : pour l’avenir seulement, mais possibilité de prise d’effet anticipée si
passé inconnu.
Exception : acceptation tacite (ex. paiement par l’assuré d’une prime majorée).

§2- Modification par le silence de l’assureur


Il s'agit d'une procédure particulière prévue à l’art. L. 112-2, al. 5, C. assur.
A) Domaine
Le domaine est très étendu :
o Quant à aux assurances : toutes les assurances, sauf l’assurance-vie.
o Quant à l’objet de la procédure : prolonger un contrat, remettre en vigueur un contrat
suspendu, modifier le contrat.
Pour les modifications :
o Toutes espèces de modification : v. par ex. Cass. 1re civ., 15 juin 1999, n° 97-17426 et 97-
20049 : RGDA 2000, p. 71, note J. Kullmann.
o Restriction : la procédure ne concernerait que les garanties accordées (Cass. 2e civ., 3 oct.
2013, n° 12-21127 : RGDA 2014, p. 16, note J. Kullmann ; Resp. civ. et assur. 2014, comm.
33, note H. Groutel), et donc pas une modification portant sur les modalités du paiement de
la prime. Mais la solution de l’arrêt demande à être confirmée

B) Régime

1°Conditions de fond
Précision de la proposition de modification : problème quand aucun montant de prime n’est
mentionné. On peut penser que le souscripteur fait alors est alors tacitement référence au tarif de
l’assureur.
2° Conditions de forme
Principe : lettre recommandée, mais formalisme probatoire et non substantiel.

3° Effets
Principe : le silence de l’assureur passé 10 jours vaut acceptation.
Point de départ du délai : la réception de la proposition par l’assureur ou par un de ses représentants
(donc très court, car le représentant a pu tarder à transmettre la proposition à l’assureur).
Prise d’effet : en principe au jour de l’envoi de la proposition : Cass. 1re civ., 22 mai 1991, n° 89-
21042 : RGAT 1991, p. 545, note R. Maurice.

Section 2 : extinction du contrat d’assurance


Trois aspects seront étudié dans cette section :
o L’extinction par arrivée du terme (I),
o L’extinction par anticipation, la partie la plus volumineuse (II),
o Et l'extinction suivie d'une reconduction (III).

§1- Extinction par l’arrivée du terme

Problème de l’existence d’un terme et donc de la durée du contrat. Gros contentieux avant la loi n°
89-1014 du 31 déc. 1989 instaurant une résiliation tous les ans (C. assur., art. L. 113-12, nouv.).
Depuis, le contentieux s’est pratiquement tari.
Problème préalable :
la durée doit-elle être déterminée et le contrat d’assurance est-il donc à durée déterminée ?
o Argument : art. L. 113-12, al. 1er : « la durée du contrat et les conditions de résiliation…
sont fixées par la police ».
o Contra : on pourrait envisager une clause stipulant que la durée est indéterminée, mais tout
de même très artificiel.
Modalités : indication d’une durée en jour, mois ou année… ou par référence à la durée de la
société d’assurance. Hypothèse des contrats de certaines mutuelles (dont les assurés sont en même
temps sociétaires). Admis en jurisprudence même si hypothèse limite car la durée d’une société
peut être prolongée (donc n’est pas réellement déterminée ». Mais la clause « durée de la société »
doit être claire.
Conditions de forme :
Caractères très apparents (C. assur., art. L. 113-15).
Pour certains contrats (durée supérieure à trois ans, assurance-vie et assistance exclues) :
clause juste au-dessus de la signature de l’assuré : C. assur., art. A 113-1.
Sanction : quand la clause est annulée, le contrat reste valable mais pourra être résilié par l’assuré
tous les ans (argument : art. A. 113-1, étendu à toutes les hypothèses de nullité).

§2- Extinction par anticipation


Typologie :
Extinction légale : cas où l’objet de l’assurance a été aliéné (C assur., art. L. 121-11, pour les seuls
véhicules terrestres à moteur et bateaux de plaisance), réquisitionné (art. L. 160-6) ou détruit (art. L.
121-9). Dans le dernier cas, le « risque-objet » a disparu. Il est logique que le contrat disparaisse
également.
Extinction volontaire
Droit commun : consentement mutuel (C. civ., art. 1193).
Exception : nombreuses hypothèses de résiliation par la volonté unilatérale de l’une ou l’autre des
parties ou des deux.
Intro :
Conditions de forme :
Sauf conditions de forme propres à tel ou tel cas de résiliation, le principe est que seules les formes
prévues à l’art. L. 113-14, C. assur., doivent être utilisées (déclaration contre récépissé au siège
social de l’assureur ou chez son représentant, acte extra-judiciaire, lettre recommandée ou tout autre
moyen indiqué dans la police). A défaut, la résiliation dégénère en offre de résiliation.
Ex. si la police ne prévoit pas une résiliation par lettre simple, celle-ci est inefficace.
Rem. : à compter du 1er déc. 2020, la lettre simple figurera parmi les formes prévues à l’art. L.
113-14. Donc le problème va disparaître.
Consentement du conjoint du souscripteur nécessaire si la résiliation porte sur l’assurance du
logement de la famille, par application (très compréhensive), de l’art. 215, al. 3, C. civ. V. Cass. 2e
civ., 10 mars 2004, n° 02-20275 : RGDA 2004, p. 350, note L. Mayaux.
Règles communes aux divers cas de résiliation : Preuve de la résiliation : pèse sur celui qui
l’invoque.

Motivation : la résiliation par l’assureur d’un contrat couvrant une personne physique en
dehors de son activité professionnelle par l’assureur doit être motivée : C. assur., art. L. 113-
12-1, réd. loi n° 2014-344, 17 mars 2014, dite « loi Hamon ».

Effets de la résiliation : Pour l’avenir seulement. Problème des risques composites quand le premier
événement est antérieur à la résiliation et le second postérieur.
Application de la règle de divisibilité de la prime. Interdiction des clauses stipulant une indemnité
de résiliation.
Dans cette partie sur les extinctions par anticipation, il conviendra d'étudier 5 cas :
o La résiliation périodique (A)
o La résiliation infra-annuelle (B)
o La résiliation après sinistre (C)
o Les résiliations pour changement dans la situation de l'assuré (D)
o Les résiliations pour aggravation ou diminution du risque (E)

A) Résiliation périodique
Point historique : Sous l’empire de la loi de 1930 : tous les dix ans. Depuis la loi du 11 juill. 1972 :
deux premières résiliations tous les trois ans puis tous les ans.la loi n° 89-1014, 31 déc. 1989 : tous
les ans.
1° Domaine
Principe : tous les contrats.

Cas particulier : contrats individuels d’assurance-maladie et risques autres que ceux du


particulier, la faculté de résiliation annuelle peut être écartée par le contrat : C. assur., art. L.
113-12, al. 5.
Exception : assurance-vie (C. assur., art. L. 113-12, in fine) : pas de résiliation annuelle.
Problème des assurances mixtes (comprenant des garanties « vie » et « non-vie »).

Gros débat à propos des assurances emprunteurs, car l’application de l’art. L. 113-12, C. assur.
Permettrait de faire jouer la concurrence :
La Cour de cassation a refusé d’appliquer le texte à ces assurances : Cass. 1re civ., 9 mars 2016, n°
15-18899 et 15-19652 : RGDA 2016, p. 186, n° 113h4, note L. Mayaux ; Cass. 1re civ., 24 mai
2017, n° 15-27127 et 15-27839 : RGDA 2017, p. 436, n° 114t7, note L. Mayaux, mais pour des
raisons propres aux assurances « emprunteurs » en garantie d’un crédit immobilier et non liées au
fait que celles-ci sont des assurances mixtes.
Intervention du législateur pour les assurances en garantie d’un crédit immobilier. L’article
L. 113-12 est déclaré expressément applicable : C. assur., art. L. 113-12-2 ; C. consom., art. L.
313-30.
2° conditions
Lettre recommandée : modalités de l’art. L. 113-14, C. assur. Écartées. Formalité substantielle et
non seulement probatoire.
Préavis de deux mois avant la date d’échéance (mais peut-être contractuellement raccourci si en
faveur de l’assuré).

3° effets
Si résiliation régulière : contrat éteint à partir de la date anniversaire de sa prise d’effet.
Si résiliation irrégulière en la forme ou tardive, elle dégénère en une offre de résiliation. Si
résiliation tardive, peut valoir pour l’année suivante à condition qu’elle soit postérieure à la date
d’échéance et que la police n’impose pas une durée maximale entre la date de la résiliation et la date
de l’échéance suivante : Cass. 1re civ., 16 mars 1994, n° 90-21348 : RGDA 1994, p. 463, note R.
Maurice.
B) Résiliation infra- annuelle

Art. L. 113-15-2, C. assur., issu de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014, dite « loi Hamon ».

1° Domaine
Contrats couvrant les personnes physiques en dehors de leurs activités professionnelles et relevant
de certaines branches définies par décret.
C. assur., art. R. 113-11 : contrats automobiles, habitation (comportant une garantie RC du
propriétaire ou de l’occupant d’un immeuble) et contrats affinitaires.
A compter du 1er déc. 2020 : contrats « santé » (C. assur., art. L. 113-15-2, nouv., réd. loi n° 2019-
733, 14 juill. 2019).
2° Information

Résiliation infra-annuelle rappelée dans chaque contrat et avec chaque avis d’échéance de prime.

3° conditions
Résiliation après la première année de souscription
Forme : résiliation par lettre ou tout autre support durable.
Pour les contrats automobiles, pour les contrats souscrits par le locataire (et bientôt pour les contrats
« santé »), la résiliation est effectuée par le nouvel assureur pour le compte de l’assuré. Le nouvel
assureur devra s’assurer de la permanence de la couverture (raisons : ce sont des contrats
obligatoires ou, pour les contrats « santé », quasi-obligatoires).

4° effets
Prise d’effet un mois après réception par l’assureur de la notification de la résiliation
Application de la règle de divisibilité de la prime.
Remarque : il existe un autre cas de résiliation infra-annuelle en assurances en garantie d’un crédit
immobilier : mais la première année du crédit seulement, et afin de changer d’assureur : C. assur.,
art L. 113-12-2.

C) Résiliation après sinistre

1° Conditions
Résiliation par l’assureur (quand le sinistre révèle que l’assuré est un très mauvais risque ou quand
il soupçonne une fraude).
Obligation de motivation si l’assurance couvre un risque du particulier (C. assur., art. L. 113-12-1).
Nécessité d’une clause dans le contrat : C. assur. art. R. 113-10.
Pas de condition de délai, mais si l’assureur a accepté le paiement d’une prime ou d’une fraction
de prime afférente à la période postérieure au sinistre, il est censé renoncer à se prévaloir de la
faculté de résiliation. Donc, il a intérêt à agir vite.

2° effets
La résiliation produit effet 1 mois après notification à l’assuré.
Application de la règle de divisibilité de la prime.
Possibilité pour l’assuré, en représailles, de résilier les autres contrats qui l’unissent à l’assureur,
dans le délai d’un mois suivant la notification.
D) Résiliation pour changement dans la situation de l’assuré
C. assur., art. L. 113-16 : peu utilisé maintenant que la résiliation périodique est annuelle (depuis loi
n° 89-1014, 31 déc. 1989) et du fait qu'il y ait des conditions strictes à remplir. Résiliation ouverte à
l’assuré comme à l’assureur.
1° domaines
Exclusion des assurances sur la vie.

2° conditions
L’assuré doit se trouver dans certaines circonstances : changement de domicile, de situation
matrimoniale, de régime matrimonial, de profession, retraite professionnelle ou cessation définitive
d’activité.
Il faut que le contrat ait pour objet la garantie de risques en relation directe avec la situation
antérieure et qui ne se retrouvent plus dans la situation nouvelle.
Condition très difficile à remplir en présence d’un contrat « multirisques », car généralement l’une
des garanties porte sur un risque qui subsiste.
Ex. multirisques habitation : même si l’assuré déménage, il continue à être exposé au risque de
responsabilité civile générale qui est couvert par le contrat.

3° Mise en œuvre
Résiliation dans les trois mois de la date de l’événement.
Prise d’effet un mois après que l’autre partie a reçu notification
Application de la règle de divisibilité de la prime (et interdiction d’une clause imposant le paiement
d’une indemnité de résiliation).

E) Résiliation pour aggravation ou diminution du risque


C. assur., art. L. 113-4. Résiliation par l’assureur (pour aggravation de risque), par l’assuré (pour
diminution de risque). Ne s’applique pas aux assurances sur la vie ni à l’assurance maladie
lorsque l’état de santé de l’assuré se trouve modifié.

1° Résiliation pour aggravation du risque

Conditions
• Il faut une aggravation telle que si les circonstances nouvelles avaient été déclarées lors de
conclusion ou du renouvellement du contrat, l’assureur n’aurait pas contracté ou l’aurait fait
moyennant une prime plus élevée.
• Mise en œuvre :
L’assureur peut, à son choix, soit dénoncer le contrat, soit proposer un nouveau montant de prime.
Dans le premier cas, la résiliation prend effet dans les dix jours à compter de sa notification. Dans le
second cas, si le souscripteur refuse l’augmentation de la prime ou s’il ne donne pas suite à la
proposition de l’assureur dans les trente jours à compter de sa notification, l’assureur peut résilier au
terme de ce délai
2° résiliation pour diminution du risque

Nouveauté de la loi n° 89-1014, 31 déc. 1989.


Droit pour l’assuré à une diminution de la prime en cas de diminution du risque. Si l’assureur
refuse, l’assuré peut dénoncer le contrat. La résiliation produit effet 30 jours après.
En cas de résiliation, application de la règle de divisibilité de la prime.

Section 3 : extinction suivie d’une reconduction

Pour terminer cette partie sur les extinctions, le cas des extinctions suivies d'une reconduction sera
étudié sous 3 aspects :
La reconduction expresse (A),
La reconduction purement tacite ? (B),
La clause de tacite reconduction (C).
A) Reconduction expresse
Reconduction expresse Suppose un nouvel accord de volontés (offre et acceptation).
Effet : nouveau contrat (C. civ., art. 1214). A distinguer de la prorogation qui ne met pas fin au
contrat prorogé (C. civ., art. 1213).
Risque : les trous de garantie, quand la prise d’effet du nouveau contrat est postérieure à la cessation
des effets de l’ancien contrat.
Important quand conflit de lois dans le temps. Une loi nouvelle entrée en vigueur après le contrat
d’origine mais avant la reconduction, sera applicable au contrat reconduit
B) Reconduction purement tacite ?

Hypothèse où, à l’arrivée du terme, les parties continuent d’exécuter le contrat.


Mêmes effets qu’un renouvellement (C. civ., art. 1215), donc existence d’un nouveau contrat.
Pour certains auteurs (dont je ne suis pas), pas de possibilité de reconduction purement tacite en
matière d’assurance.
Raison invoquée par ces auteurs : C. assur., art. R. 112-1 impose de faire figurer dans la police « les
conditions de la tacite reconduction si elle a été stipulée ». A mon avis, cela valide la clause de
tacite reconduction, mais cela n’interdit pas la reconduction purement tacite.
C) Clause de tacite reconduction

1° principe de fonctionnement

Nécessité d’une clause dans le contrat. En vertu de la clause, le contrat est automatiquement
reconduit à l’échéance, sauf dénonciation par l’une ou l’autre des parties, moyennant respect d’un
préavis fixé contractuellement (en pratique, souvent de deux mois sur le modèle du délai de deux
mois de la résiliation périodique).
Avantage : évite les trous de garantie. .
Inconvénient : risque d’enfermer l’assuré dans son contrat.
Attention : bien distinguer tacite reconduction d’un contrat d’un an arrivé à son terme et résiliation
annuelle (qui joue pour les contrats d’une durée supérieure à un an).

2° loi Châtel

C. assur., art. L. 113-15-1, réd. loi n° 2005-67, 28 janv. 2005, dite « loi Chatel ».
Tend à favoriser l’information sur la tacite reconduction et donc à favoriser la concurrence entre les
assureurs.
Domaine : les contrats à tacite reconduction couvrant les personnes physiques en dehors de leur
activité professionnelle.
Obligation de faire figurer dans l’avis d’échéance annuel la date limite pour dénoncer la tacite
reconduction.
Si l’avis d’échéance est adressé moins de 10 jours avant cette date ou même après cette date (ce qui
est fréquent car le préavis pour dénoncer est généralement de 2 mois et l’avis d’échéance arrive 1
mois avant l’échéance), l’assuré est informé dans l’avis qu’il dispose d’un délai de 20 jours pour
dénoncer le contrat.
Sanction : si l’avis de mentionne pas l’information requise, l’assuré peut résilier à tout moment le
contrat à compter de la reconduction, en envoyant une lettre recommandée. Sanction devenue sans
grand intérêt

3°effets

Naissance d’un nouveau contrat (important quand problème de droit transitoire).


C. assur., art. L. 113-15 : reconduction pour une durée maximale d’un an.
Dérogatoire au droit commun depuis la réforme du droit des contrats (C. civ., art. 1214, qui prévoit
que le nouveau contrat est à durée indéterminée).

Chapitre 4 : Obligation des parties


Le chapitre 4 sur les obligations des parties étant assez long, il est réparti sur plusieurs séances.
Cette première séance commencera par aborder les obligations de l'assureur, sous l'angle de
la couverture du risque (I).
Pour étudier la couverture du risque, deux points seront abordés :
o La délimitation légale de la garantie (A)
o La délimitation contractuelle de la garantie (B)

Section 1 : Obligations de l’assureur

I. La couverture du risque

A) Délimitation légale de la garantie


Introduction :
La garantie peut être restreinte par le Code civil (art. 6 : limite tirée de l’ordre public) ou par le
Code des assurances (art. L. 113-1 : limite tirée de la faute intentionnelle ou dolosive de l’assuré).
A priori, il n’y a pas d’autre limite, qui tiendrait notamment à l’inassurabilité technique.
o En particulier, le caractère catastrophique du risque (notamment le risque de crise sanitaire
consécutive à une pandémie) n’est pas source d’inassurabilité juridique.
o Exception : le risque de guerre : C. assur., art. L. 121-8. Et encore, il pourrait être garanti si
une clause de la police était en ce sens (même texte).
1° Ordre public
a) Débat en doctrine
J. Kullmann : contre l’application de l’article 6 du Code civil au contrat d’assurance. L’article L.
113-1 du Code du assurances, en tant que règle spéciale, dérogerait à l’article 6.
En conséquence, seule l’assurance de la faute intentionnelle ou dolosive serait interdite (en
particulier, seule l’assurance des conséquences d’une infraction intentionnelle serait interdite).
Autres auteurs (dont moi) : en faveur de l’application de l’article 6 du Code civil. Il serait curieux
que le contrat d’assurance soit le seul contrat qui ne fasse pas une place à l’ordre public au sens de
cet article.
b) Hypothèses d’illicéité
Hypothèses traditionnelles :
Assurances des opérations de contrebande, des maisons de tolérance, des cultures de pavot…
Hypothèses actuelles :
Assurance « retrait de points » sur un permis de conduire (licite), assurance kidnapping (licite),
assurance des amendes pénales et des sanctions prononcées par des autorités administratives (illicite
selon moi, contra J. Kullmann), assurance d’une exposition illicite (ex. Cass. 1re civ., 29 oct. 2014,
n° 13-19729, PB : RGDA janv. 2015, n° 11t2, p. 16, note J. Kullmann : affaire our body).

c) Critères de l’illicéité
L’assurance d’opérations illicites (ou accomplies de manière illicite : ex. exercice illégal de
certaines professions).
L’assurance des sanctions pénales ou quasi-pénales (amendes administratives)
L’assurance interdite par un texte spécial (ex., avant 1987, l’assurance de la faute inexcusable de
l’employeur).

2° Faute intentionnelle ou dolosive de l’assuré

a) Notions
§ Notion de faute intentionnelle
Une faute (aux sens objectif et subjectif du terme) : nécessité d’un état de conscience.
Une faute volontaire : suppose la connaissance par l’agent de la faute qu’il s’apprête à commettre et
du dommage qui peut s’en suivre.
Intention tournée vers l’assureur pour les assurances de choses et de personnes et vers la
victime pour les assurances de responsabilité.
Un sinistre volontaire : adéquation entre le dommage voulu et le dommage effectivement
causé (l’assuré a voulu le dommage tel qu’il est survenu : v. par ex. Cass. 2e civ., 18 mars 2004, n°
03-11573 : RGDA 2004, p. 370, note J. Kullmann).
Contre-exemple : incendie d’une porte par un mineur qui cherchait à commettre un vol. Tout
l’immeuble est détruit. Pas de faute intentionnelle : Cass. 1re civ., 9 juill. 1997, n° 95-20799 :
RGDA 1998, p. 64, note F. Vincent.
§Notions de faute dolosive
La faute dolosive est admise surtout par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation. Les
autres chambres sont plus réticentes. A cet égard, les premiers commentateurs de la loi du 13 juillet
1930 semblaient considérer que la faute dolosive n’était pas autonome par rapport à la faute
intentionnelle.
En matière contractuelle, on sait ce qu’est la faute dolosive : inexécution volontaire du contrat.
En matière extracontractuelle, c’est beaucoup plus délicat...
Conception large : la faute dolosive serait faute particulièrement grave (grosse négligence), ou
une faute de témérité (prise de risque volontaire), ou une faute lucrative (commise pour
réaliser un gain ou éviter une perte).
Ex. (en assurance de chose) Cass. 2e civ., 12 sept. 2013, n° 12-24650, PB : JCP G 2014, 383, note
A. Pélissier :
Un automobiliste circule sur un chemin inondé et noie son moteur.
Conception étroite : la faute dolosive suppose la connaissance du caractère inéluctable du
dommage (la faute dolosive est identifiée à la faute intentionnelle objective : l’intention dans
la faute intentionnelle classique est remplacée par le défaut d’aléa).

Ex. 1 Cass. 2e civ., 20 mai 2020, n° 19-14306, PBI : suicide en se jetant sous un train, ayant causé
des dommages à la SNCF : pas de faute dolosive, car « rien ne permettait de conclure qu'il (le
personne qui s’est suicidée) avait conscience des conséquences dommageables de son acte pour la
SNCF ».
Ex. 2 Cass. 2e civ., 20 mai 2020, n° 19-11538 : suicide au gaz. La personne installe deux bouteilles
de gaz et une cuisinière au gaz dans son séjour aux fins de se suicider. Explosion. Faute dolosive
car « si l’incendie n’avait pas pour motivation principale la destruction de matériels ou de tout ou
partie de l’immeuble, celle-ci était inévitable et ne pouvait pas être ignorée de l’incendiaire, même
s’il était difficile d’en apprécier l’importance réelle et définitive ».
Alternative : si l’exclusion légale de la faute dolosive n’est pas admise, peut-elle être «
contractualisée » par le moyen d’une clause d’exclusion ? En théorie oui, mais en pratique il faut
que la faute dolosive soit définie de manière suffisamment précise dans la clause. A défaut,
l’exclusion sera réputée non écrite comme n’étant pas formelle et limitée (v. infra : délimitation
contractuelle de la garantie).

• Pour la validité de la clause, Cass. 2e civ., 18 oct. 2012, n° 11-23900 : RGDA 2013, p. 62, note
J. Kullmann ; Resp. civ. et assur. 2013, comm. 36, note H. Groutel.

• Contra, en faveur de sa nullité, Cass. 2e civ., 12 juin 2014, n° 13-15836, n° 13-16397, n° 13-
17509, n° 13-21386 et n° 13-25565 : RGDA, oct. 2014, p. 496, n° 111f6, note J. Kullmann ; Resp.
civ. et assur. 2014, comm. 321, note H. Groutel, alors qu’il s’agissait pourtant de la même clause
que dans l’espèce précédente : « Outre les exclusions spécifiques évoquées dans chacune des
garanties, sont toujours exclus au titre de ce contrat – les dommages de toute nature causés ou
provoqués intentionnellement par l’assuré ou avec sa complicité »

b) Auteur de la faute
’assuré au sens de la personne exposée au risque. Si dissociation avec la qualité de souscripteur, la
faute doit émaner de l’assuré et non de ce dernier.
Ex. incendie volontaire par l’épouse du souscripteur, laquelle n’avait pas la qualité d’assuré. Pas
de faute intentionnelle, quand bien même les époux seraient communs en biens
Cass. 2e civ., 13 juill. 2005, n° 04-14154 : RGDA 2005, p. 915, note L. Mayaux.
Quand l’assuré est une personne morale, la faute intentionnelle doit émaner des dirigeants.
Quand elle émane d’un préposé, l’assureur garantissant la RC du commettant est tenu.
V. C. assur., art. L. 121-2 : « l’assureur est garant des pertes et dommages causés par des personnes
dont l’assuré est civilement responsable… quelles que soient la nature et la gravité des fautes de ces
personnes (et donc même si elles sont intentionnelles).

c) Preuve de la faute

La preuve incombe à l’assureur qui invoque la faute intentionnelle pour dénier sa garantie
Quand il y a infraction pénale, pas d’autorité au civil de la chose jugée au pénal (car la faute
intentionnelle n’a pas le même sens en droit pénal et en droit des assurances).
d) Effets
Non-garantie pour le sinistre considéré.
Exception opposable aux tiers, y compris à la victime en assurances de responsabilité.

B) Délimitation contractuelle de la garantie


Idée : la police définit un risque générique (ex. responsabilité civile), puis le précise (risque
spécifique : ex. la responsabilité civile « accidents de ski »), puis exclut à l’intérieur (ex. exclusion
de la pratique de la compétition

1° Notion de clause d’exclusion et de clause déféminisant l’objet de la garantie


Problème de qualification très délicat car fondamentalement les deux clauses remplissent la même
fonction : délimiter la garantie (en creux pour les exclusions et en bosse pour la clause définissant
l’objet de la garantie, appelée parfois « condition de la garantie »).

a) Critère jurisprudentiel
Cass. 1re civ., 26 nov. 1996, n° 94-16058 : RGDA 1997, p. 132, note J. Kullmann ; Resp. civ. et
assur. 1997, chron. 5, par H. Groutel : Est une exclusion la clause qui « prive l’assuré de garantie en
considération de circonstances particulières de réalisation du risque ». A contrario, définit l’objet de
la garantie la clause qui instaure une condition permanente du risque couvert.
Application (Cass. 1re civ., 26 nov. 1996, préc.) : la clause qui subordonne la garantie au fait
qu’un système d’alarme soit effectivement enclenché au moment du sinistre est une exclusion.
A contrario, la clause qui subordonne la garantie à l’installation d’un système d’alarme est une
condition de la garantie (si l’on préfère, elle définit l’objet de la garantie).
Insuffisance du critère jurisprudentiel. Ne permet pas de résoudre tous les problèmes.
Notamment, problème des exclusions indirectes (qui se déduisent de manière implicite mais
nécessaire de la clause définissant l’objet de la garantie).
Ex. 1 Une police qui garantit la responsabilité délictuelle exclut indirectement la responsabilité
contractuelle : Cass. com., 24 nov. 1987 : RGAT 1988, p. 542, note. R. Bout.
Ex. 2 Une police qui garantit les vols par effraction exclut indirectement les vols sans effractions.
Mais on pourrait aussi dire que l’objet de la garantie n’est pas le vol, mais le vol par effraction, de
sorte que les vols sans effraction ne sont pas exclus. Ils se situent seulement en dehors de l’aire
contractuelle (au sens où l’entend Y. Lambert-Faivre), ce qu’on appelle parfois des exclusions
externes.
b) Propositions doctrinales
Solution radicale : unifier les régimes de l’exclusion et de la clause définissant l’objet de la garantie,
ce qui retire tout intérêt au problème de la qualification.
Solution préconisée par G. Durry, La distinction de la condition de la garantie et de l’exclusion de
risque : une proposition de réforme pour trancher le nœud gordien, Etudes offertes à H. Groutel,
2006, Litec, p. 129.
Piste de la volonté. On s’en tient aux intentions de parties, telles que reflétées dans la police (ex.
une clause qui se présente comme une exclusion doit être regardée comme telle).
Solution rejetée par la JP : Cass. 2e civ., 18 mars 2004, n° 03-10062, RGDA 2004, p. 356, note L.
Mayaux ; Resp. civ. et assur. 2004, comm. 198, note H. Groutel : la clause qui « se présente sous la
qualification erronée d’exclusion » doit « être rétablie dans son exacte qualification ».
Proposition personnelle : s’attacher au cheminement intellectuel des parties. Qu’ont-elles entendu
couvrir a priori (objet de la garantie). Et qu’ont-elles entendu exclure dans un deuxième temps du
cheminement (exclusion).
Ex. Ont-elles entendu a priori couvrir la seule responsabilité civile causée par un événement
accidentel. Ou ont-elles entendu couvrir toute responsabilité et ensuite exclure les dommages non
accidentels ?
Démarche à la fois subjective et objective, car tient compte non seulement de la volonté des
parties, mais aussi de la nature de la garantie telle qu’elle résulte du contenu de la police.

2° Intérêt de la distinction et des exclusions et des conditions de la garantie


a) Forme
Les exclusions doivent être en caractères très apparents (sauf pour les exclusions indirectes), à
peine de nullité (C. assur., art. L. 112-4). Sur l’appréciation des caractères très apparents, v.
supra chap. 2.
La clause définissant l’objet de la garantie peut être rédigée en caractères simplement apparents.

b) Fond
Les exclusions doivent être formelles et limitées (C. assur., art. L. 113-1). Nous allons à présent
détailler ces deux paramètres.
Formelles, à savoir pas d’exclusion implicite (mais exclusion indirecte admise, dès lors qu’elle
ne prête pas à équivoque). Et l’exclusion doit être claire et précise :
Exclusion claire : une exclusion ambiguë, qui exige une interprétation doit être réputée non
écrite (v. supra, chap. 2).
Exclusion précise : on doit savoir immédiatement ce qui est couvert et ce qui ne l’est pas.
Plusieurs présentations possibles (voir suivant).
Présentation en compréhension, par l’usage d’une définition. Attention à l’usages de termes flous :
mal de dos, maladie psychique, règles de l’art, défaut d’entretien.
Ex. exclusion du mal de dos, réputée non écrite : Cass. 2e civ., 18 janv. 2006, n° 04-17279 : Bull.
civ. II, n° 17 ; RGDA 2006, p. 514, note S. Abravanel-Jolly .
Mais si exclusion du mal de dos plus précise, car référence à des examens médicaux, elle est
valable. V., Cass. 2e civ., 19 mai 2016, n° 15-18477 : RGDA 2016, p. 353, note M. Asselain.
Présentation en extension, par le moyen d’une liste. Attention aux formules finales (du genre « plus
généralement, toute espèce de… »). En leur présence, seule une circonstance visée dans la liste
pourra être exclue valablement.
Limitées :
Les exclusions (séparément ou en combinaison) doivent pas vider la garantie de sa substance.
Très généralement, l’exclusion ne supprime pas toute la garantie, mais celle-ci est parfois très
réduite, ce qui suffit pour que la clause soit réputée non écrite. Ex. exclusion des conséquences des
affections liées à l’éthylisme (qui sont très s nombreuses) : Cass. 2e civ., 13 juin 2019, n° 18-18267.
Appréciation pour partie subjective, en considération des besoins de l’assuré. Une même clause
peut être limitée pour tel assuré et non limitée pour tel autre. Ex. exclusion de la responsabilité
pour des dommages à des biens confiés par le client. N’est pas limitée si l’assuré travaille
principalement sur des biens confiés (ex. garagiste, horloger).
Mais l’appréciation subjective ne va pas jusqu’à exiger que le consentement de l’assuré ait été
vicié. Un arrêt en ce sens (qui caractérise une erreur déterminante du consentement) mais dans un
contexte très particulier (assurance « pratique du tout terrain » où l’assuré, un motocycliste,
pensait être couvert pour les trajets de son domicile au lieu où il pratiquait le « tout terrain ».Cass.
1re civ., 10 juill. 1995, n° 91-19319 : RGAT 1995, p. 883, note L. Mayaux ; Resp. civ. et assur.
1995, comm. 375 et chron. 46, par H. Groutel.
c) Preuve
Exclusion : charge de la preuve de la réunion des conditions de fait de l’exclusion pèse sur
l’assureur. Justifié par le fait qu’il soulève une exception.
Clause définissant l’objet de la garantie : charge de la preuve pèse sur l’assuré qui demande le
jeu de la garantie.

C’est peut-être l’intérêt principal attaché à la distinction entre les deux catégories de clauses.

II. Règlement des sinistres

A) Créancier du règlement
Principe : le souscripteur.
Exceptions :
Contractuelles : existence d’une stipulation pour autrui (ex. assuré pour compte, bénéficiaire d’une
assurance en cas de décès).
Légales : existence d’une action directe (victime en assurance RC : C. assur., art. L. 124-3,
créanciers munis d’une sûreté sur la chose assurée : C. assur., art. L. 121-13).

B) Règlement des sinistres


Principe de liberté : règlement « dans le délai convenu » (C. assur., art. L. 113-5).
Attention, si délai dépassé, l’ACPR sanctionne. V. ACPR, 25 nov. 2019, n° 2019-01, Elite
insurance company limited.

Exception : assurance-vie (C. assur., art. L. 132-23-1) : l’entreprise a 15 jours après réception de
l’avis de décès et connaissance des coordonnées du bénéficiaire pour demander les pièces
nécessaires au règlement. Et à compter de la réception des pièces, elle a un mois pour payer
(sanction : intérêts au taux légal majoré)

C) Retard de règlement
Problème des intérêts moratoires et de leur point de départ.
Principe : jour de la mise en demeure (C. civ., art. 1231-6 nouv., art. 1153 anc.). En sus, possibilité
pour le créancier de demander des dommages et intérêts compensatoires si le débiteur (l’assureur)
est de mauvaise foi et si, par son fait, il a causé au débiteur un préjudice indépendant du retard (ex. :
du fait du paiement tardif, l’assuré a déposé son bilan).
Cas particulier des assurances de responsabilité civile.
A une certaine époque, alignement de l’indemnité d’assurance sur l’indemnité de responsabilité.
Point de départ des intérêts : jour du prononcé du jugement ou de l’arrêt d’appel (sauf si
confirmation pure et simple du jugement de premier instance), sauf si le juge fixait une autre date :
C. civ., art. 1231-7 (anciennement art. 1153-1).
Désormais : jour de la mise en demeure (donc alignement sur les assurances de choses), au moins
quand la dette de l’assureur est liquide à cette date (ex. parce que le plafond par sinistre est atteint) :
Cass. 1re civ., 14 nov. 2001, n°98-19205 : RGDA 2002, p. 175, note J. Kullmann. Intérêt de la
solution : les intérêts moratoires sont hors plafond.

D) Preuve du règlement

Par une quittance (est une présomption simple de règlement).


Distinguer quittance et accord de règlement, par lequel les parties s’entendent sur le montant du
règlement mais, en lui-même, il ne fait pas la preuve du règlement.
Distinguer accord de règlement et transaction (laquelle suppose des concessions réciproques : C.
civ., art. 2044).

E) Affectation de la prestation
Principe : libre affectation.
L’assuré peut ne pas utiliser l’indemnité pour réparer ou reconstruire (incitation aux délocalisations
d’usines après incendie).

Exceptions :

- Contractuelles : ex. la garantie en valeur à neuve subordonnée à une reconstruction ou à un


remplacement effectif du bien.
- Jurisprudentielle : cas de l’assurance « dommage ouvrage » (en assurance construction).
L’assuré doit affecter l’indemnité à la reprise des désordres de l’ouvrage : Cass. 3e civ., 17 févr.
2003, n° 02-19034.
- Légale : cas des immeubles bâtis : C. assur., art. L. 121-17. L’assureur serait en droit de demander
à l’assuré la restitution de l’indemnité si celle-ci n’était pas employée à la remise en état de
l’immeuble. Mais, il faut un arrêté du maire prescrivant des mesures de remise en état.
Arrêt de principe : Cass. 2e civ., 18 avr. 2019, n° 18-13371 : RGDA juill. 2019, n° 1116r6, p. 18,
note J. Kullmann.
Confirmé par Cass. 3e civ., 6 févr. 2020, n° 18-22788 : RGDA mars 2020, n° 117f0, p. 14, note A.
Pélissier.

F) Règlement hors contrat


Nature juridique
o Libéralité : non car pas d’intention libérale
o Obligation naturelle : non, car pas de devoir de conscience pour une personne morale.
o Geste commercial : oui
Effets
o Recours de l’assuré contre l’assureur : problème des renonciations à recours (geste
commercial accompli pour solde de tout compte), alors que, s’il avait fait un procès à
l’assureur sur le terrain du contrat, l’assuré aurait eu peut-être une chance de gagner.
Application à l’assurance des pertes d’exploitation à l’occasion de la crise du coronavirus.
o Recours de l’assureur contre un tiers : recours subrogatoire (subrogation conventionnelle,
mais a priori pas la subrogation légale de l’art. L. 121-12, C. assur. car l’assureur n’a pas «
payé l’indemnité d’assurance ». Peut-être subrogation légale de l’art. 1346, C. civ.). Sinon
enrichissement sans cause
G) Règlement indu
Fréquent en assurance (ex. fausse déclaration des risques, ou jeu d’une exclusion découverte alors
que l’assureur avait déjà payé).
Principe : recours contre l’accipiens (l’assuré). Problème quand paiement fait à un tiers (ex. victime
exerçant l’action directe, créancier muni d’une sûreté sur la chose assurée, établissement de crédit
bénéficiaire d’une stipulation pour autrui en assurances « emprunteurs »).
Jurisprudence : recours seulement contre l’assuré, regardé comme véritable bénéficiaire du
paiement (dit « accipiens intellectuel ») car sa dette envers le tiers a été effacée. Fondement :
formellement la répétition de l’indu, mais fondamentalement, c’est plutôt l’enrichissement
injustifié.
• Paiement fait à la victime : Cass. 1re civ., 12 mai 1987, n° 85-11387 : Bull. civ. I, n° 146 ; RTD
civ. 1988, p. 348, obs. Mestre J.
• Paiement fait à l’établissement de crédit : Cass. 2e civ., 15 mai 2008, n° 07-14635 : RGDA
2008, p. 731, note Abravanel-Jolly S
• Paiement fait à un créancier-gagiste, Cass. 2e civ., 20 mai 2020, n° 19-12239 : RGDA juill.
2020, note L. Mayaux.

Depuis la réforme du droit des contrats, un fondement possible peut être trouvé dans l’art. 1302-2,
C. civ., mais ce texte offre une option au solvens alors qu’en matière d’assurance, la JP ne permet
de recourt que contre l’accipiens intellectuel.
III. Obligation d’information et de conseil
Distinguer l’information « documentaire » (par le biais des documents d’information : v. supra,
chap. 2) et le devoir d’information et de conseil. La première ne suffit pas pour faire échapper le
débiteur à sa responsabilité.
V., l’admettant tardivement pour un banquier souscripteur d’une assurance de groupe en garantie de
prêt, Cass. ass. plén., 2 mars 2007, n° 06-1526

A) Contenu
Distinction de l’information (porte sur des faits bruts), du conseil (porte sur une action à faire) et de
la mise en garde (porte sur les conséquences négatives d’une action ou d’une inaction).

Ex. 1 (information) : je vous informe que votre police de protection juridique (qui couvre les
différends et les litiges) ne couvre pas vos différends et litiges professionnels.
Ex. 2 (conseil) : je vous conseille telle police de protection juridique qui est la mieux adaptée eu
égard à vos besoins tels que vous me les avez exprimés (souhait d’être couvert pour des litiges vie
privée).
Ex. 3 (mise en garde) : ayant appris que vous exercez maintenant une profession libérale de nature
à entraîner des litiges, je vous mets en garde contre le fait que, sauf si vous faites évoluer votre
police, elle ne couvrira pas ces litiges.
B) Parties à l’obligation
1°Débiteur
Depuis la réforme de la distribution de l’assurance (ord. 16 mai 2018), le débiteur est
principalement le distributeur (C. assur., art. L. 521-4). C’est lui, en effet, qui est l’interlocuteur
naturel de l’assuré. Il doit recueillir les besoins du demandeur et lui proposer un contrat adapté à ces
besoins.
Le distributeur peut être l’assureur lui-même en cas de distribution directe, sans intermédiaire.
Sinon, c’est l’intermédiaire (courtier ou agent général, mais pour l’agent général, l’assureur est
civilement responsable de celui-ci, car il est civilement responsable du fait de ses mandataires : C.
assur., art. L. 511-1 ; il est donc possible d’agir à la fois contre l’agent général et contre l’assureur).
L’assureur pourrait rester débiteur d’un devoir d’information sur le produit, en tant que concepteur
de celui-ci, mais il n’est tenu de rien de plus car il n’est pas l’interlocuteur de l’assuré.
Application à l’assurance « emprunteurs » : quand la banque propose le contrat-groupe souscrit
par elle auprès d’un assureur, c’est elle qui est tenue d’un devoir d’information et de conseil
envers l’emprunteur. L’assureur n’est pas tenu, ni personnellement, ni du fait de la banque :
Cass. 2e civ., 18 avr. 2019, n° 18-11108 : RGDA juin 2019, n° 116q0, p. 40, note L. Mayaux.

B. Parties à l’obligation
2° Créancier

L’assuré, y compris quand c’est un professionnel averti.


Application, en assurance « emprunteurs » : Cass. 1re civ., 30 sept. 2015, n° 14-18854 : RGDA
2015, p. 516, note M. Bruschi.
C. Preuve
Devoirs d’information et de mise en garde : la charge de la preuve pèse sur le débiteur (qui
doit établir que l’information a été donnée ou que la mise en garde a été faite).
Solution acquise depuis Cass. 1re civ., 9 déc. 1997, n° 95-16923 : RGDA 1998, p. 112, note L.
Mayaux.
Devoir de conseil
o Preuve que le conseil a été donné : pèse sur le débiteur.
o Preuve que le conseil n’était pas bon : pèse sur le créancier, car le devoir de conseil
demeure une obligation de moyen
D. Domaine temporel
De la souscription jusqu’à la fin de la relation contractuelle.
o Ex. 1 : assurance « multirisques habitation ». Cass. 2e civ., 5 juill. 2006, n° 04-10273 ;
Resp. civ. et assur. 2006, comm. 277 et Repère 9, obs. H. Groutel.
Un agent général n’avait pas mis en garde son assuré, qui avait dû quitter son domicile en
raison de son grand âge, contre les conséquences d’une clause d’inhabitation.
o Ex. 2 : assurance « emprunteurs » : Cass. 1re civ., 17 juin 2015, n° 14-20257, PB :
« Le banquier souscripteur d'une assurance de groupe est tenu envers les adhérents d'une
obligation d'information et de conseil qui ne s'achève pas avec la remise de la notice. »

E. Limites
Quelques limites tournant autour de l’idée qu’il faut éviter la surinformation (car trop
d’informations tue l’information).
o Ex.1 : Cass. 3e civ., 6 mars 2002, n° 99-20637 : RGDA 2002, p. 386, note L. Mayaux : «
l’obligation de conseil ne s’applique pas aux faits qui sont de la connaissance de tous ».
o Ex. 2 : pas d’obligation d’informer sur des circonstances qui excèdent le cadre de
l’opération d’assurance (en l’espèce, sur la nécessité d’obtenir un certificat de navigabilité
pour assurer un bateau de plaisance) : Cass. 1re civ., 2 juill. 2002, n° 99-14765 : RGDA
2002, p. 688, note A. Favre Rochex.
Le devoir de conseil doit-il conduire à conseiller les contrats de la concurrence ? En principe non.
V. toutefois, en assurance « emprunteurs », Cass. 2e civ., 23 juin 2016, n° 15-12113 (l’assurance
proposée par la banque ne couvrait pas la perte d’emploi en Suisse).

F) Sanctions
Dommages et intérêts.
Avantage : permet à l’assuré d’obtenir sur le terrain de la responsabilité ce qu’il n’aurait pu obtenir
sur celui de la garantie.
Toutefois, il faudra prouver que si l’information ou le conseil avaient été bons, l’assuré aurait
cherché un autre produit plus « couvrant » en supposant qu’il existe sur le marché (ex. en assurance
« emprunteurs » : quasi-impossibilité de trouver une garantie « invalidité » qui se poursuit après 65
ans).
Conséquence : réparation très souvent limitée à la perte de chance

Section 2 : Obligation du souscripteur

Sous-section 1 : le paiement de la prime

En fait, assez peu de jurisprudence alors que des milliers de primes sont impayées par jour. Mais les
règles du Code des assurances sont claires et ne prêtent guère à discussion.
Par ailleurs, le contentieux suppose généralement qu’il y ait sinistre, la question étant de savoir s’il
est couvert malgré le non-paiement de la prime. Il y a peu de contentieux sur la prime elle-même
car, sauf pour les risques industriels, son montant est modeste.
Dans cette sous-section, nous allons donc étudier :
o Le régime du paiement (I)
o Les sanctions en cas de non-paiement (II)

I. Le régime du paiement

A) Les parties au paiement

1° Auteur du paiement : le solvens

o Le souscripteur.
o Un mandataire du souscripteur.
o Un autre tiers, qui aurait accepté d’être débiteur (ex. un assuré pour compte qui, par
exception, aurait accepté d’être tenu de la prime).
o Un autre tiers qui, sans être débiteur de la prime (et donc sans pouvoir être assigné en
paiement si la prime n’est pas payée), a accepté contractuellement de se charger du
paiement.
o Un autre tiers qui, sans avec accepté contractuellement de se charger du paiement, a payé
certaines échéances de prime (par exemple, pour éviter une suspension de la garantie qui lui
préjudicie : cas de l’assuré pour compte). Ce paiement est a priori valable (sauf refus
légitime du créancier : C. civ., art. 1342-1).
Enjeu : en cas de non-paiement de la prime, la mise en demeure doit être faite à l’« assuré »
(comprendre : le souscripteur) ou à « la personne chargée du paiement des primes » (C. assur.,
art R. 113-1 qui vise à l’évidence la personne qui est chargée de ce paiement par la police et non
celle qui s’en charge spontanément). Sinon elle est inopérante : v. infra.
Dans les deux cas précédents, le solvens dispose d’un recours contre le débiteur (a priori
subrogatoire : subrogation conventionnelle : C. civ., art. 1346-1, voire légale : C. civ., art. 1346, car
généralement le solvens a un intérêt personnel au paiement).
Quand le tiers a un intérêt personnel au paiement (ex., parce qu’il est assuré pour compte et qu’il
veut éviter la suspension de la garantie), il a tout intérêt à être informé par l’assureur du non-
paiement de la prime par le souscripteur. Cette information peut être prévue par la police,
voire par la loi (cas des assurances en garantie d’un crédit immobilier : C. consom., art. L. 313-33
: l’assureur doit prévenir le prêteur).

2° Destinataire du paiement : l’accipiens


o L’assureur
o Son représentant (ex. agent général ou un courtier qui aurait reçu un mandat
d’encaissement).
o S’il n’y pas de mandat, le paiement fait à un tiers (par exemple un courtier qui n’aurait pas
reçu un mandat d’encaissement) n’est pas libératoire. L’assureur pourra mettre en demeure
le souscripteur et la garantie sera suspendue passés 30 jours (mais, si le tiers ne reverse pas
cette somme à l’assureur, sa responsabilité sera engagée envers le souscripteur, spécialement
s’il y a un sinistre qui ne serait pas couvert du fait du non-paiement).
Exception : mandat apparent. Suppose une erreur légitime commise par le souscripteur (cas du
courtier qui utilise l’enseigne de l’assureur ou du papier à lettres à en-tête de celui-ci, ce qui donne à
penser qu’il a la qualité d’agent général, mandataire de l’assureur).

B) Date du paiement
Principe : liberté contractuelle (C. assur., art. L. 113-2, 1°).
Prime souvent annuelle. Et la prime annuelle est souvent fractionnée (mensualités par ex.).
Exception (en pratique) : certains contrats de durée ferme (ie sans tacite reconduction). Dans ceux-
ci, la prime n’est pas toujours annuelle. Ex. assurances « emprunteurs » (échéance mensuelle :
prime incluse dans la mensualité de remboursement du prêt).
C) Lieu du paiement
Prime portable : paiement au domicile de l’assureur ou du mandataire désigné par lui à cet effet :
C. assur., art L. 113-3. La solution remonte à une loi du 30 novembre 1966.

Autrefois : exception au droit commun, selon lequel les dettes étaient quérables (donc paiement au
domicile du débiteur : C. civ., art. 1247, anc.). Mais, depuis la réforme du droit des contrats, c’est la
portabilité des dettes est devenue la solution du droit commun (C. civ., art. 1343-4, nouv.).
Enjeu : en pratique, apparemment aucun (car paiement par chèque adressé à l’assureur ou à son
mandataire, ou par virement : donc le souscripteur ne se déplace pas). Mais justifie que le défaut
d’envoi de l’avis d’échéance au souscripteur soit indifférent (et que la mise en demeure soit faite
par lettre recommandée sans exiger d’avis de réception : v. infra). Le souscripteur doit, malgré tout,
payer à l’échéance car, comme la prime est portable, il lui incombe de prendre l’initiative de payer.

D) Modes de paiement

o Par dérogation au droit du chèque, le paiement est censé fait le jour de la remise du
chèque à l’assureur, mais sous condition que le chèque puisse être encaissé par la suite (et
donc qu’il n’y ait pas refus de la banque pour défaut de provision sur le compte). La solution
met l’assuré à l’abri des lenteurs de l’assureur à encaisser le chèque (la garantie ne sera pas
suspendue pour non-paiement dès lors que le chèque a bien été remis à l’assureur).
o Preuve de la remise : remise censée faite à la date figurant sur le chèque, sauf preuve
contraire que la date est plus tardive : Cass. 1re civ., 4 avr. 2001, n° 99-14927 : RGDA
2001, p. 946, note L. Fonlladosa ; Cass. 1re civ., 22 janv. 2002, n° 99-10078, PB : RGDA
2002, p. 394, note M. Bruschi ; Cass. 2e civ., 22 janv. 2004, n° 02-20408 : RGDA 2004, p.
406, note L. Mayaux ; Cass. 2e civ., 22 janv. 2009, n° 08-10682 : RGDA 2009, p. 483, note
S. Abravanel-Jolly.

E) Imputation des paiements


Hypothèse où l’assuré a plusieurs dettes de primes envers le même assureur (ex. afférentes à
l’assurance « automobile » et à l’assurance « multirisques habitation ») et où il verse une somme
qui permet d’éteindre certaines d’entre elles mais pas toutes. Question : quelle dette est éteinte ?
Application des règles du droit commun (C. civ., art. 1342-10) : imputation par le débiteur, à
défaut, sur les dettes échues et, parmi celles-ci sur les dettes que le débiteur avait le plus intérêt
d’acquitter (en assurance : sans doute la dette de prime correspondant à une assurance obligatoire
car sanctions en cas de non-respect de l’obligation d’assurance), à défaut sur la dette la plus
ancienne et toutes choses égales, imputation proportionnelle.

Illustration : pour plusieurs primes annuelles non acquittées qu’il faut regarder comme des dettes
distinctes : Cass. 1re civ., 6 oct. 1993, n° 90-16493 : RGAT 1994, p. 104, note L. Mayaux.
II. Sanction en cas de non-paiement
Droit commun des obligations : action en paiement de la prime (sauf en assurance-vie où pas
d’action : art. L. 132-20).
Mais action en paiement coûteuse pour l’assureur (car frais de procès).
Existence d’une procédure spécifique : mise en demeure suivie d’une suspension de la
garantie et d’une résiliation du contrat (C. assur., art. L. 113-3).

A) Condition de la mise en demeure


Délai : mise en demeure adressée plus de dix jours après l’échéance (en pratique peut être
envoyée bien plus tard).
Forme : C. assur., art. R. 113-1. Lettre recommandée. Accusé de réception non exigé (lié au
fait que la prime est portable et non quérable).
Formalité substantielle. A défaut, la mise en demeure n’est pas valable.
Présentation et contenu : désormais libre (depuis un décret du 22 novembre 1992). Mais la lettre
doit être suffisamment explicite. Il faut une interpellation suffisante (C. civ., art. 1344, nouv.)
Destinataire : art. R. 113-1 : l’assuré (en fait le souscripteur) ou la personne chargée du paiement
des primes.
Adresse : dernier domicile du destinataire connu de l’assureur (en fait résidence au sens juridique
du terme).
Connaissance s’entend d’une connaissance par la police ou un avenant, et non d’une connaissance
personnelle par l’intermédiaire mandataire de l’assureur : Cass. 1re civ., 19 mai 1992, n° 89-16005 :
RGAA 1992, p. 518, note R. Maurice.
L’assuré a donc tout intérêt à déclarer un changement de domicile à son assureur. A défaut, si mise
en demeure à l’ancien domicile, elle est valable et, en cas de non-paiement, la garantie sera
suspendue passés 30 jours.

B) Effets de la mise en demeure


Point de départ des intérêts moratoires : C. civ., art. 1344-1.
Interruption de la prescription biennale (si lettre recommandée avec accusé de réception : C. assur.,
art. L. 114-2).

1° Suspension de la garantie
C’est l’effet principal de la mise en demeure.
Suspension effective passés trente jours :
o Avant l’expiration du délai, garantie due, mais l’arriéré de prime reste dû.
o Après l’expiration du délai, arriéré de prime reste dû, mais garantie non due. Problème
pour les risques composites (notamment assurance de responsabilité civile). Si fait
générateur avant la suspension de la garantie et réclamation pendant la période
subséquente suivant cette suspension, la garantie est due : Cass. 2e civ., 12 déc. 2019, n°
18-12762, PBI, RGDA févr. 2020, p. 41, note J. Kullmann.

2° Reprise de la garantie
o Par le paiement de l’arriéré de prime par le souscripteur (la garantie reprend le
lendemain à midi du jour du paiement (donc importance de déterminer ce jour en cas de
paiement par chèque : v. supra) : C. assur., art. L. 113-3.
o Par la renonciation (y compris tacite) de l’assureur à la suspension. Jurisprudence assez
stricte : Cass. 1re civ., 3 mars 1987 : RGAT 1987, p. 468, note J. Kullmann (désignation
d’expert par l’assureur est regardée comme équivoque, donc pas renonciation).
o Par l’arrivée de l’échéance suivante (mais pas de la fraction de prime suivante, quand
prime fractionnée) : C. assur., art. L. 113-3. Quand l’échéance est arrivée, il faudra de
nouveau mettre en demeure l’assuré (10 jours minimum après l’échéance) pour que la
garantie soit de nouveau suspendue passés 30 jours.
3° Résiliation du contrat
a) Conditions

Forme : plus rien de prévu dans le code. Une lettre recommandée est-elle toujours nécessaire
comme à l’époque de l’ancien art. R. 113-2, C. assur. ? Elle est en tout cas conseillée.
Délai : lettre adressée au plus tôt 10 jours après l’expiration du délai de 30 jours à l’expiration
duquel la garantie a été suspendue (donc 40 jours au plus tôt après la mise en demeure.
Possibilité aussi d’une seule lettre recommandée valant mise en demeure passés trente jours et
résiliation passés quarante jours.
b) Effets
Contrat anéanti, mais l’arriéré de prime reste dû.
Possibilité de renonciation (y compris tacite) à la résiliation de la part de l’assureur. Mais ne peut
résulter de l’encaissement de l’arriéré de prime, lequel est équivoque car cet arriéré est toujours dû.

Sous- section 2 : la déclaration des risques

Dans cette sous-section, nous allons donc étudier :


Le régime juridique (I)
Les sanctions (II)
I. Régime juridique

A) Déclaration initiale
Avant la loi n°89-1014 du 31 déc. 1989, système du questionnaire ouvert (ou de la « déclaration
spontanée ») : outre d’avoir à répondre aux questions, l’assuré devait déclarer toutes les
circonstances connues de lui de nature à influer sur l’appréciation du risque par l’assureur (art. L.
113-2, 2° ancien).

Après la loi n° 89-1014, 31 déc. 1989, système du questionnaire fermé (ou de la « déclaration
provoquée »). L’assuré est tenu de répondre exactement aux questions posées par l’assureur,
notamment dans le formulaire de risque, par lequel l’assureur l’interroge sur les
circonstances qui sont de nature à faire apprécier par l’assureur les risque qu’il prend en
charge (art. L. 113-2, 2° nouveau).

Mais certaines réponses, pour être justes, impliquent des révélations. Ex. question sur le nombre de
points sur un permis de conduire, implique révélation de son retrait a contrario, Cass. 2e civ., 13
déc. 2018, n° 17-28093 , PB : RGDA févr. 2019, p. 14, note A. Pélissier.
Existence de questions :
o Exclut toutes les assurances sans questionnaire (qui sont nombreuses, spécialement en
risques d’entreprise : cas où l’assureur pense connaître suffisamment le risque par lui-
même). Si pas de question, pas d’obligation de répondre.
o Problème des déclarations prérédigées dans la police. Validées par la deuxième chambre
civile. Condamnées par la chambre criminelle. Finalement condamnées par Cass. ch.
mixte, 7 févr. 2014, n° 12-85107, RGDA 2014, p. 196.

Plus précisément, il y a deux types de déclarations prérédigées :


 Celles rédigées de manière générale, ce qui exclut qu’il y ait eu des questions préalables
(ex. « je déclare être en bonne santé »). V. Cass. 2e civ., 4 oct. 2018, n° 17-25967, PB :
RGDA 2018, p. 546, note A. Pélissier.
Aucune sanction n’est alors encourue par l’assuré, y compris la nullité pour dol (car elle relève du
droit commun auquel déroge le Code des assurances).
Celles comportant des détails laissant entendre qu’il y a eu des questions préalables (ex. « je
déclare être titulaire du permis de conduire n°… »), pour lesquelles la fausseté de la
déclaration peut être sanctionnée. Sens de la jurisprudence actuelle de la deuxième chambre
civile.
Cass. 2e civ., 11 juin 2015, n° 14-14336 et Cass. 2e civ., 11 juin 2015, n° 14-17971, 14-18013 :
RGDA juill. 2015, p. 340, note J. Kullmann.
Forme des questions : aucune (habituellement formulaire écrit, mais pas obligé : V. C. assur., art. L.
113-2, 3° : « notamment dans le formulaire mentionné au 2° ci-dessus »). Possibilité de questions
avec deux cases pour y répondre (« oui » et « non ») : Cocher une case est bien répondre à une
question : Cass. 2e civ., 14 juin 2018, n° 17-18559 : RGDA 2018, p. 393, note L. Mayaux.
Précision des questions : certains arrêts semblent imposer l’existence de questions précises pour que
les réponses incorrectes soient sanctionnées.
V. par ex. Cass. 2e civ., 17 nov. 2016, n° 15-24819 : RGDA 2017, p. 37, note A. Pélissier ; Cass. 2e
civ., 29 juin 2017, no 16-18975, F–PB : RGDA 2017, p. 477, note L. Mayaux.
Ces arrêts sont contestables. L’art. L. 112-3, C. assur. dit seulement que lorsqu’une question est
formulée en termes généraux, l’assureur ne peut se prévaloir du fait qu’elle a reçu une réponse
imprécise.
Obligation de répondre :
o Suppose que la question ait un lien avec l’appréciation du risque.
o Suppose que l’assuré ait eu connaissance de la circonstance à déclarer. Problème quand, par
une recherche simple, il aurait pu acquérir cette connaissance. Est-il tenu de faire cette
recherche ?
o Suppose que l’assuré ait eu conscience du fait que la circonstance était à déclarer.
Ex. il suit un traitement médical « léger » contre l’hypertension. Il n’a pas conscience d’être
atteint d’une affection pathologique.
Pas d’obligation de vérification de la sincérité des réponses qui pèserait sur l’assureur : Cass. 3e
civ., 14 sept. 2017, n° 16-19626 : RGDA 2017, p. 547, note M. Asselain.

B) Déclaration en cours de contrat


Art. L. 113-2, 3° : l’assuré doit déclarer les circonstances nouvelles qui ont pour conséquence
soit d’apprécier les risques soit d’en créer de nouveaux et rendent de ce fait inexactes ou
caduques les réponses faites à l’assureur, notamment dans le formulaire de risque.
Principe : déclaration spontanée, mais par référence aux questions posées à la souscription.
Conséquence : si, à la souscription, on a affaire à une déclaration prérédigée non assimilée à une
question, il n’y a pas à déclarer l’aggravation éventuelle du risque.
Domaine temporel : en cours de contrat (le contrat reconduit n’étant pas ici considéré comme un
nouveau contrat) et même avant la souscription, mais après les réponses données dans le formulaire
de risque.
Domaine substantiel :
o Pas applicable à l’assurance vie.
o Circonstances nouvelles de nature à aggraver le risque dans sa fréquence ou son intensité : à
distinguer de l’évolution de la valeur des biens assurés.
o Extension de l’obligation de déclarer aux circonstances nouvelles créatrices de risques
nouveaux. Notion de « risques nouveaux » obscure. Si le risque était réellement nouveau, il
faudrait un avenant pour qu’il soit couvert (ou la procédure d’acceptation de l’assureur par
son silence conservé 10 jours). Il faut supposer un risque qui est lié au risque précédent (ex.
construction d’une dépendance à côté de la maison assurée mais sur le même terrain).
Forme : lettre recommandée
Formalité substantielle ? Débat en doctrine, mais douteux. Lettre recommandée est tout de même
utile.
Délai : dans les 15 jours après que l’assuré a eu connaissance de la circonstance nouvelle.

II. Sanction

A) Domaine des sanctions

1° Cas des assurances multirisques


Appréciation risque par risque. Ex. assurance multirisques automobile (couvrant la RC du
conducteur et le vol) la fausse déclaration sur l’identité du conducteur principal n’a pas
d’incidence en cas de vol. Donc la nullité ne porte que sur la garantie « responsabilité civile ».
Solution acquise depuis Cass. 1re civ., 3 janv. 1996, n° 93-18812 : RGDA 1996, p. 74, rapport P.
Sargos.

2° Cas des assurances à risques et primes variables


Assurances dans lesquelles l’assiette de prime évolue en permanence (ex. assurance basée sur le
chiffre d’affaires d’une entreprise, assurance « flotte automobile »). Système de déclaration
périodique des « existants ». Qu’en est-il si déclaration inexacte ? L’art. L. 113-10, C. assur.
Prévoit des sanctions spécifiques (indemnité au maximum égale à 50% de la prime omise et, si
fraude, répétition des sinistres payés). Mais, il a été jugé que si ces sanctions spécifiques ne sont pas
stipulées au contrat, les sanctions des déclarations inexactes de risque (art. L. 113-8 et L. 113-9)
s’appliquent. Contestable car ces dernières sanctions s’appliquent en cas d’évolution imprévisible
du risque et pas d’évolution prévisible.
B) Diversité des sanctions
1° Sanction propre à la fausse déclaration intentionnelle des risques : nullité
Art. L. 113-8 : Nullité du contrat (en fait plutôt caducité quand fausse déclaration d’une
aggravation de risque).
S’applique à tous les contrats y compris à l’assurance-vie.
Peu importe que la sanction ne soit pas rappelée dans la police, car la déclaration des risques relève
d’une exigence de bonne foi qui s’impose en matière contractuelle
a) Conditions de la nullité

o Réponse omise ou inexacte à une question posée par l’assureur, ou fausse déclaration
spontanée (spécialement pour minimiser la prime).
o Intentionnalité : fausse déclaration ou omission dans le but de nuire à l’assureur. Preuve à
la charge de l’assureur. Parfois celui-ci se heurte au secret médical. Mais la JP admet que
l’assuré puisse renoncer par avance, dans la police, au secret médical. Elle admet aussi que
si l’assuré (ou sa famille) s’oppose à la remise du dossier médical au médecin-expert
désigné par le juge, celui-ci peut en tirer toutes conséquences quant à la preuve s’il estime
que ce refus n’est pas légitime.
Influence sur l’opinion du risque par l’assureur :
Cas où l’assureur connaissait la circonstance faussement déclarée (par exemple en s’étant livré à
une inspection de risque). Connaissance par lui-même ou par un de ses mandataires (par exemple un
agent général, ou un courtier qui serait exceptionnellement bénéficiaire d’un mandat de
souscription). Si le mandataire connaissait la fausse déclaration, voire a incité l’assuré à la faire,
l’assureur devra payer, mais il pourra agir en responsabilité contre le mandataire.
Si, en revanche, l’intermédiaire n’est pas le mandataire de l’assureur mais de l’assuré, auquel il
conseillerait de faire une fausse déclaration, la nullité est encourue, mais l’assuré pourrait agir en
responsabilité contre l’intermédiaire pour mauvais conseil.

Cas où l’assureur était censé connaître la circonstance faussement déclarée (car circonstance connue
notoirement : ex. pratique d’un sport dangereux par une célébrité : jurisprudence Didier Pironi :
Cass. 1re civ., 2 mars 1994, n° 91-10282 : RGAT 1994, p. 469, note R. Maurice) : pas de nullité.
Peu importe si pas de lien avec le sinistre, la nullité est quand même encourue. Ex. la fausse
déclaration sur l’état de santé pour une garantie « décès » peut entraîner la nullité du contrat, quand
bien même l’assuré serait décédé dans un accident.
b) Effet de la nullité

o Contrat nul avec conservation des primes par l’assureur.


o Restitution des sommes versées au titre des sinistres passés (à la condition, pour
l’aggravation de risques, qu’ils soient postérieurs à l’aggravation.
Opposabilité aux tiers qui invoquent le bénéfice du contrat (assuré pour compte, tiers lésé).

Exception : inopposabilité de la nullité à la victime en assurance « automobile » : Cass. 2e civ.,


29 août 2019, n° 18-14768 : RGDA oct. 2019, p. 19, note J. Landel (revirement consécutif à CJUE,
20 juill. 2017, C-28716 : RGDA 2017, p. 536, note G. Parléani).
Toujours pour l’assurance automobile, solution reprise par C. assur., art. L. 211-7-1, nouv. réd. loi
n° 2019-486, 22 mai 2019, dite « loi Pacte », cela quelle que soit la cause de nullité.
Conséquence : la charge de l’indemnisation est transférée du fonds de garantie des assurances
obligatoires (FGAO) aux assureurs « automobile » : Cass. 2e civ., 16 janv. 2020, n° 18-23381,
PBI : RGDA avr. 2020, p. 27, note J. Landel.
Pas de possibilité de renonciation par avance, dans la police, par une clause dite d’incontestabilité.
Cette clause est inefficace car, au moins pour la nullité de l’article L. 113-8 du Code des assurances,
elle porte atteinte à un ordre public de direction plus que de protection de l’assureur.
Possibilité de renonciation après le sinistre (car on peut renoncer à un droit même d’ordre public s’il
est déjà né). Possibilité de renonciation tacite, mais il faut des actes dépourvus d’équivoque.

2° Sanctions propres aux fausses déclarations non intentionnelles des risques


Article L. 113-9, C. assur.
Suppose une simple erreur dans la déclaration ou une omission par inadvertance (mais rappel : la
preuve de l’intentionnalité pèse sur l’assureur).

a) Avant sinistre

 Maintien du contrat avec augmentation de la prime (ou même avec prime inchangée
si l’assureur considère que l’aggravation du risque lui est indifférente)
 Résiliation du contrat par l’assureur.

b. Après sinistre : réduction proportionnelle du taux de prime


Prestation réduite à proportion du taux des primes payées par rapport au taux des primes qui aurait
été dues si les risques avaient été complètement déclarés.
Finalité : il ne s’agit pas de sanctionner l’assuré mais de rééquilibrer le contrat.
A distinguer de la règle proportionnelle de capitaux (C. assur., art. L. 121-5) qui intervient quand la
valeur de la chose assurée excède au jour du sinistre la somme garantie : la réduction est
proportionnée à la valeur déclarée des capitaux par rapport à leur valeur réelle au jour du sinistre.
La RPC n’est pas d’ordre public à la différence à la règle proportionnelle de prime.
Problème quand l’assureur n’a pas de tarif pour le risque véritable car, s’il avait eu connaissance de
la circonstance omise ou dénaturée, il n’aurait pas couvert. Au moins en assurances terrestres ce
n’est pas un obstacle à la règle proportionnelle.
Le juge appréciera lui-même la réduction (à condition qu’il opère une vraie réduction
proportionnelle en déterminant un dénominateur à la fraction et pas une réduction forfaitaire.

3° Sanction commune : la déchéance pour déclaration tardive des aggravations de risque


C. assur., art. 113-2, avant dernier alinéa.
a) Conditions
o Une clause du contrat stipulant la déchéance (rare).
o Un préjudice pour l’assureur (rare également).
b) Effets : déchéance de la garantie. Donc, s’il y a sinistre, l’assureur n’est pas tenu.
Déchéance opposable aux tiers (assuré pour compte, victime).
c) Critique
Cette sanction est perturbatrice des autres sanctions (notamment de la réduction proportionnelle du
taux de prime, car la déchéance est alors une sanction plus grave que la sanction légale. Elle est de
toute manière peu invoquée.

Sous-section 3 : Autres obligations

Dans cette sous-section, nous allons donc étudier :


o La déclaration du sinistre (I)
o Les obligations contractuelles (II)
o Les sanctions (III)

I. L’obligation légale : la déclaration du sinistre

A) L’objet de la déclaration
Art. L. 113-2, 4°, C. assur. : l’assuré doit « donner avis dès qu’il en a eu connaissance et au plus
tard dans le délai fixé par le contrat de tout sinistre de nature à entraîner la garantie de
l’assureur ».
On est donc assez en amont.
Application en assurance de responsabilité civile : l’assuré doit faire une déclaration à son
assureur dès lors qu’une réclamation de la victime est inéluctable.

Si l’on est encore plus en amont, le contrat peut prévoir une déclaration « pour ordre » (dite
parfois « déclaration de circonstances ») quand le sinistre est probable, sans être inéluctable. Mais il
s’agit d’une obligation contractuelle, qui doit donc être prévue par la police (v. infra, II). Et elle ne
dispense pas ultérieurement l’assuré de déclarer le sinistre (sous la sanction éventuelle de la
déchéance : v. infra).
B) Régime
Débiteur : le souscripteur ou son représentant. L’assuré pour compte pourrait déclarer le
sinistre (pour échapper aux conséquences d’une déclaration tardive par le souscripteur), mais
il n’est pas tenu de le faire.

Créancier : l’assureur ou son représentant. Si elle est faite à un courtier qui n’aurait pas reçu de
mandat spécial de gestion des sinistres de la part de l’assureur, et si ce courtier ne transmet pas
ponctuellement la déclaration à l’assureur, celui-ci pourrait soulever la déchéance (mais le
souscripteur pourrait alors agir en responsabilité contre le courtier).
Délai : fixé par la police, mais ne peut être inférieur à cinq jours ouvrés (ramené à deux jours
ouvrés en cas de vol et à 24 h en cas de mortalité du bétail) : art. L. 113-2, 4°. Point de départ
(logique) : la connaissance du sinistre par le souscripteur et pas le sinistre lui-même.
Forme : aucune forme particulière. On peut déclarer par téléphone ou par mail, mais il est utile de
réitérer la déclaration par lettre recommandée avec accusé de réception pour se réserver la preuve
que la déclaration a bien été faite dans le délai.
Preuve. Principe : la charge de la preuve pèse sur le souscripteur. Mais si l’assureur reconnaît qu’il
a bien reçu la déclaration, mais qu’elle est tardive, il doit prouver sa tardivité.

II. Obligations contractuelles


Peuvent être très diverses. Exemples :
1° Avant tout sinistre :
o Prendre des mesures de prévention (ex. installation d’un système d’alarme). On suppose que
contractuellement, ces mesures sont l’objet d’une véritable obligation à la charge du
souscripteur et ne sont pas, comme généralement, érigées en conditions de la garantie
2° En cas de sinistre :
o Déclarer le sinistre « pour ordre » (v. supra).
o Prendre des mesures de sauvetage (ex. couvrir le toit de la maison). Rappel : en l’absence
de stipulation contractuelle, il n’y a pas d’obligation pour l’assuré de minimiser le
dommage.

III. Sanctions

A) Dommages et intérêts
Application des règles de la responsabilité contractuelle :
 Nécessité d’un préjudice pour l’assureur.
 Dommages et intérêts limités au montant de ce préjudice.

B) Déchéance
1° Notion de déchéance
Perte totale ou partielle d’un droit comme sanction du non-respect d’une obligation par le
titulaire de ce droit de ce droit.
Donc la déchéance n’est pas une clause pénale. A priori, elle ne stipule donc pas une indemnité
d’un montant manifestement disproportionné au sens de l’article R. 212-2, 3°, C. consom. (« liste
grise » des clauses présumées abusives sauf preuve contraire)
La déchéance paraît donc pouvoir échapper à la qualification de clause abusive au sens du Code de
la consommation. Mais elle reste menacée d’être déclarée abusive sur le fondement de l’article L.
212-1 du même code, en tant que clause introduisant un déséquilibre significatif entre les droits et
obligations des parties (notamment parce que contractuellement, la déchéance ne sanctionne que les
manquements de l’assuré et pas ceux de l’assureur).
2° domaine de la déchéance
o Principe : les parties peuvent librement stipuler une déchéance sauf quand elle est interdite
par la loi : Cass. 1re civ., 2 juill. 1996, n° 94-15294 : RGDA 1997, p. 106, note J.
Kullmann.
o Conséquence : les déchéances peuvent concerner des fautes commises avant ou après
sinistre :
a) Avant sinistre
Ex. légal : déchéance pour déclaration tardive des aggravations de risque (C. assur., art. L. 113-2).

Autre ex. : déchéance pour non-accomplissement d’une mesure de prévention.

Contra, pour certains auteurs, il ne pourrait y avoir déchéance faut d’identifier le droit dont l’assuré
serait privé. Mais l’objection tombe si l’on estime qu’avant tout sinistre, l’assureur est tenu d’une
obligation de couverture, ce qui revient à dire que l’assuré est titulaire d’un droit à couverture.
Rapprocher la suspension de la garantie pour non-paiement des primes, qui intervient
indépendamment de tout sinistre et qui est proche d’une déchéance provisoire.

b) Après sinistre
Ex. légal : déchéance pour déclaration tardive du sinistre
Autres exemples : déchéance pour surévaluation des pertes, pour non-accomplissement d’une
mesure de sauvetage.
Exceptions : les déchéances interdites :
C. assur., art. L. 113-11, notamment déchéance pour violation des lois et des règlements, sauf quand
cette violation constitue un crime ou un délit intentionnel, déchéance pour non-communication de
pièces aux autorités.
C. assur., art. L. 113-17, al. 2 : pas de déchéance quand l’assuré s’est immiscé dans la direction du
procès que s’était réservé l’assureur, s’il l’assuré avait intérêt à le faire.

3° Conditions de la déchéance

a) Conditions générales
Existence d’une clause dans le contrat. La déchéance est nécessairement une sanction
contractuelle.
Ex. Cass. 2e civ., 5 mars 2015, n° 13-14364 : RGDA 2015, p. 193, note critique J. Kullmann.
L’annotateur critique l’arrêt car celui-ci fait la part belle à la fraude de l’assuré qui, en l’absence de
clause, ne sera pas sanctionnée en tant que telle. Le fraudeur percevra de l’assureur la même
indemnité que le non-fraudeur.
Clause rédigée en caractères très apparents, à peine de nullité (C. assur., art. L. 112-4).
Inexécution d’une obligation imputable à l’assuré
Donc quand force majeure, pas de déchéance (v., pour les déchéances pour déclaration tardive du
sinistre ou des aggravations de risque : C. assur., art. L. 113-2, avant dern. al., mais la solution peut
être étendue à tous cas de déchéance).

b) Conditions particulières
Existence d’un préjudice pour l’assureur : réservé aux déchéances pour déclaration tardive du
sinistre ou des aggravations de risque (C. assur., art. L. 113-2, avant dern. al.).

 Extension aux autres cas de déchéance pas souhaitable car cette condition dénature la
déchéance qui est avant tout une sanction. De toute manière, cette condition aboutit au
système du tout ou rien (pas de déchéance si pas de préjudice, déchéance a priori totale si
préjudice, même minime) qui ne peut satisfaire l’équité quand la faute de l’assuré est très
légère.

 Exigence d’une faute d’une gravité particulière.


C’est la voie vers laquelle s’oriente la jurisprudence, au moins pour la déchéance pour
fausses déclarations relatives au sinistre. Déchéance encourue seulement si l’assuré est de
mauvaise foi.
Cass. 2e civ., 5 juill. 2018, n° 17-20491, PBRI : JCP G 2018, 1012, note L. Mayaux.
Application : minimisation du kilométrage du véhicule par l’assuré pour demander une indemnité
plus importante. Déchéance encourue si la preuve de l’intention est rapportée. Elle résultera
ordinairement d’une différence importante entre le kilométrage réel et le kilométrage déclaré (ce
qui exclut une inadvertance).

4° effets de la déchéance
o Perte du droit à couverture (en cas de faute commise par l’assuré avant le sinistre) ou du
droit au règlement (en cas de faute commise par l’assuré après le sinistre).
o Perte totale ou partielle : tout dépend de ce que prévoit la police.
o Pour la perte du droit à couverture, plutôt suspension, donc perte temporaire. Si l’assuré se
décide, par exemple, à accomplir la mesure de prévention, la garantie reprendra.
o Quand la faute est commise après sinistre, la déchéance est inopposable à la victime en
assurances de responsabilité : C. assur., art. R. 124-1.
Explication : le droit d’action directe de la victime contre l’assureur du responsable naît du
jour du sinistre. Il ne peut être remis en cause par une faute postérieure.

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