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Contrairement aux animaux qui peuvent se par laquelle la plante met en place sa machi-
déplacer lorsque les conditions de vie ne leur sont nerie d'adaptation ou de réponse aux différents
plus favorables, les plantes sont pour la plupart stress environnementaux (fig. 14-1). Ainsi, une
fixées. Elles ont de ce fait développé des stratégies voie de transduction d'un signal commence
d'adaptation pour répondre aux changements par la perception de ce signal au niveau de la
environnementaux en modulant et en ajustant en membrane (par un senseur ou non), suivie par
permanence leurs systèmes métaboliques. la production de seconds messagers et, éventuel-
Les plantes doivent affronter différents types lement, de facteurs de transcription. Ces facteurs
d'agressions ou de stress abiotiques et s'y de transcription contrôlent l'expression de gènes
adapter : le manque ou l'excès d'eau, les fortes impliqués dans la réponse au stress, incluant des
ou faibles luminosités, la pollution de l'air, la changements morphologiques, biochimiques et
salinité des sols, les températures extrêmes et physiologiques à court et à plus long terme.
le vent. Elles subissent également d'autres types
d'agressions par des organismes vivants, on parle Réponse des plantes à la sécheresse
alors de stress biotiques. Nous ne traiterons pour La sécheresse altère fréquemment la balance
ce type de stress que de l'adaptation des plantes hormonale de la plante et modifie l'activité de
aux agressions par les micro-organismes. Celles nombreuses enzymes, ainsi que l'expression
impliquant les insectes seront examinées dans la du génome (Lamaze et al., 1995). A terme, on.
partie 5 de l'ouvrage. assiste à un ajustement osmotique des cellules,
puis à des modifications morphologiques, anato-
MÉCANISMES GÉNÉRAUX miques, physiologiques et développementales de
DE RÉPONSE DES PlANTES la plante.
AUX CONTRAINTES DE L'ENVIRONNEMENT Conséquences de la sécheresse
Les mécanismes par lesquels les plantes sur la physiologie des plantes
perçoivent les signaux environnementaux et Les modifications de la balance hormonale
les transmettent à la machinerie cellulaire pour concernent aussi bien l'auxine, les gibberellines
activer des mécanismes de réponses adaptées et les cytokinines que les médiateurs plus clas-
déterminent chaque jour leur survie. siques de la réponse au stress, comme l'acide
La transmission ou transduction de signaux de abscissique (ABA), l'éthylène et le jasmonate.
stress constitue la première étape physiologique En règle générale, chez la plupart des espèces
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Interactions insectes-plantes
r-
I
Stress
~ 'm"'".'~'"""""" 1
1 Facteurs de transcription 1
J~t--t,
1 1 Activation de gènes 1 \
l ,
\ + 1
, ~I
'-l,t--"/
Protéines d'adaptation 1 ~
Figure 14-1 - Vue schématique des mécanismes de perception du stress et de transduction du signal
chez les plantes supérieures,
230
Adaptation des plantes auxstress environnementaux
des composés de type « osmolyte compatible» et proline], des polyamines, des acides organiques,
de glucides. Le déficit hydrique provoque aussi des sucres [comme le saccharose], des amines
l'activation ou l'inhibition de très nombreuses quaternaires et des sels minéraux) dans les cellules
autres enzymes. (Delauney et Verma, 1993; Premachandra et al.,
Les gènes inductibles par la sécheresse sont 1992; Tarczynski et al., 1993).
supposés jouer un rôle dans l'adaptation du À plus long terme, on assiste à des changements
végétal au déficit hydrique. Citons par exemple physiologiques et anatomiques comme une
un groupe de gènes, connus pour protéger les synthèse d'acides gras modifiant la perméabi-
structures cellulaires lors de la dessiccation des lité de la membrane plasmique des cellules, une
graines, appelés gènes lea (pour late embryo- réduction de la surface foliaire (ralentissement
genesis abundant en anglais); ainsi qu'un autre de l'émergence et accélération de la sénescence
groupe de lea, auquel appartiennent les déhy- des feuilles), une augmentation de l'épaisseur
drines, connues celles-ci pour préserver la des feuilles accompagnée d'un changement
conformation des protéines lors de la déshydrata- de la composition des cires cuticulaires et une
tion. D'autres gènes sont impliqués dans l'ajuste- augmentation importante du développement du
ment osmotique des cellules. Ils vont déclencher système racinaire.
l'accumulation de solutés appelés « osmolytes »
(proline, glycine, saccharose... ). En revanche,
Mécanismes de résistance à la sécheresse
l'expression d'autres gènes est diminuée, cest Les mécanismes de résistance des plantes à la
le cas de ceux codant la petite sous-unité de la sécheresse sont l'échappement, la restauration,
Rubisco (gènes rbcS) et les protéines associées la tolérance à la déshydratation et lévitement
aux chrorophylles a et b (gènes cab) (Bray, 1993). (Lamaze et al., 1995).
La croissance des tissus foliaires est un processus Léchappement correspond à la capacité de la
très sensible au déficit hydrique, puisqu'il est plante d'achever son cycle de croissance lors de
directement lié à l'absorption d'eau par les périodes favorables, évitant ainsi les périodes de
cellules. On assiste généralement à un ralentis- contrainte hydrique (cas des plantes en milieux
sement, voire une inhibition, de la croissance désertiques).
souvent associée à l'ABA et à d'autres hormones La restauration consiste en la capacité de la
végétales. plante à rétablir un métabolisme normal après
La conductance stomatique foliaire est rapide- une période de déficit hydrique (cas des mousses,
ment affectée par le déficit hydrique, se mani- lichens et des algues). Ce mécanisme ne concerne
festant par une fermeture des stomates évitant la pas les Angiospermes qui utilisent plutôt un
déperdition d'eau. Cette fermeture est déclenchée mécanisme de protection.
par une augmentation de la teneur en ABA au La tolérance à la sécheresse correspond à la
voisinage des cellules de garde. Cette hormone capacité des plantes à supporter des niveaux
peut être libérée par les racines ayant détecté un de déficit hydrique élevés. Ce mécanisme est
manque d'eau dans le sol, constituant ainsi un rendu possible par l'élévation de la viscosité du
signal racinaire d'alerte (Davies et Zhang, 1991). cytoplasme des cellules, par la protection des
La fermeture des stomates entraîne à terme une enzymes et des membranes par certains osmo-
baisse de l'activité photosynthétique de la plante. protectants et antioxydants, et par la modifica-
À moyen terme, la plante s'adapte au déficit tion de la composition phospholipidiques des
hydrique par un ajustement osmotique « actif» membranes cellulaires.
des cellules. Ce mécanisme, qui participe au Lévitement correspond à la capacité de la plante
maintien des structures cellulaires et évite une à éviter les phénomènes de déshydratation des
déperdition deau, se manifeste par une accumu- tissus, à la fois en maintenant le prélèvement
lation d'osmolytes (des acides aminés [comme la d'eau du milieu et en diminuant les déperditions
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Interactions insectes-plantes
du composé absorbé. I'un des mécanismes communes qui régissent les interactions plantes -
fondamentaux de ce mécanisme est l'ajustement pollutions atmosphériques.
osmotique. Ce processus permet notamment La réponse des plantes à la pollution atmosphé-
le maintien de la turgescence des apex et des rique va dépendre des deux parties qui sont en
feuilles en croissance, qui, associé à l'extensibilité jeu: d'une part la plante, et d'autre part la nature
des parois, permet le maintien de la croissance de la pollution présente (fig. 14-2).
cellulaire malgré la déficience en eau.
la réponse va dépendre de la plante
Réponse des plantes Après pénétration du polluant dans la plante par
l'intermédiaire des stomates, le polluant va, d'une
à la pollution atmosphérique
part, comme la majorité des stress abiotiques,
Comme le nombre de polluants atmosphé- entraîner à partir de son caractère agressif un
riques est très élevé, avec pour chacun d'eux des stress de type oxydatif (production de radicaux
réponses spécifiques des plantes, nous allons hydroxyles et d'espèces oxygénées réactives), et,
traiter uniquement des grandes caractéristiques d'autre part, entraîner un stress spécifique lié à
Î T
Caractéristiques des polluants Caractéristiques des plantes
agissant sur l'expression agissant sur l'expression
de leurs effets des effets des polluants
Phytotoxicité Fonctionnement stomatique
Propriétés physico-chimiques Barrière cuticulaire
Dose Systèmes anti-oxydants
Dynamique de dose... Systèmes de détoxification
Caractère xérophile...
Figure 14-2 - Interférences de divers paramètres sur l'expression des effets des polluants atmosphériques
chez les plantes.
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Adaptation desplantes auxstress environnementaux
233
Interactions insectes-plantes
d'une diminution de l'efficacité des ennemis natu- La sécheresse procure des conditions de tempé-
rels et/ou directement de la température et de rature plus favorables au développement de
l'humidité. La qualité nutritive des plantes a fait certains insectes phytophages. Puisque les
cependant l'objet d'une attention particulière de insectes n'ont pas de système de thermorégu-
la part de bon nombre de chercheurs, car souvent lation, une température de l'air et de la plante
la plante en situation de déficit hydrique connaît hôte plus élevée peut s'avérer pour certains plus
une augmentation de la teneur en acides aminés favorable à leur développement.
et/ou en substances secondaires des feuilles.
Les plantes stressées sont plus attractives ou plus
Koricheva et al. (l998) ont réalisé sur plus de facilement acceptées par les insectes. Ils peuvent
70 études de la littérature scientifique une méta- détecter les propriétés thermiques, acoustiques et
analyse de l'influence des stress abiotiques (déficit biochimiques des plantes. La qualité spectrale et
hydrique, pollution et ombrage) des arbres et thermique des plantes change drastiquement lors
plantes arbustives sur les performances biolo- d'un stress hydrique pouvant influencer directe-
giques (cest-à-dire le développement, la fécon- ment le comportement et le développement de
dité, la survie et la densité populationnelle) des certains insectes. Les propriétés acoustiques des
insectes. Ils concluent que, d'une manière géné-
plantes servent comme mode de communication
rale, les stress abiotiques n'ont aucun effet signi-
entre individus chez certains insectes phyto-
ficatif. Pour le déficit hydrique par exemple, ils
phages. Une diminution de la turgescence des
trouvent une grande variabilité de réponse selon
tissus de la plante peut produire d'un point de
le mode d'alimentation des espèces d'insectes et
vue acoustique différents sons par rapport à une
le mode de croissance de l'espèce végétale incri-
situation hydrique normale, modifiant ainsi les
minée. En général, les insectes foreurs et les
communications entre insectes. Enfin, les chan-
piqueurs-suceurs (type pucerons) se développent
gements biochimiques du contenu cellulaire des
mieux sur plantes stressées, alors que les insectes
plantes en réponse au déficit hydrique (comme
broyeurs et producteurs de galles s'y développent
les acides aminés, les sucres, les sels minéraux ... )
moins bien. Cette plus faible performance pour
peuvent jouer le rôle de phagostimulants pour
les insectes broyeurs sur plantes stressées est
beaucoup d'insectes, surtout chez les phloé-
accentuée sur des espèces végétales à croissance
mophages (Calatayud et al., 2002; Calatayud
lente. Les potentiels de reproduction des insectes
et al., 1994). La production d'éthylène, d'éthane,
piqueurs-suceurs sont généralement amoindris
d'acétaldéhyde et d'éthanol des feuilles lors d'un
lors d'un déficit hydrique. Larsson (1989) propose
stress hydrique peut attirer de façon significative
que la sensibilité des insectes aux plantes stressées
diminue des insectes xylémophages > insectes certains Scolytidés et Cerambycidés. [augmen-
phloémophages > insectes mineurs > insectes tation de terpènes comme l'c-pinène permet
broyeurs > aux formateurs de galles, les plus l'attraction de certains Coléoptères.
sensibles étant les xylémophages et les phloé- Les plantes en situation de déficit hydrique sont,
mophages. Certes, si cette sensibilité dépend du dans certains cas, plus favorables au développe-
mode d'alimentation des insectes, elle doit égale- ment des insectes. Il est souvent reporté dans la
ment dépendre fortement de l'espèce végétale. La littérature que les plantes soumises à un déficit
plupart des travaux proviennent d'arbres ou de hydrique possèdent une teneur en sucres, acides
plantes arbustives, mais peu de plantes annuelles aminés et sels minéraux plus élevée et/ou mieux
telles que les Graminées ont été étudiées. équilibrée, facilitant ainsi le développement de
Mattson et Haack (l987) proposent six princi- certains insectes. C'est le cas, par exemple, de la
paux mécanismes qui pourraient expliquer l'aug- cochenille farineuse du manioc, Phenacoccus
mentation des populations d'insectes sur plantes herreni (Sternorrhyncha, Pseudococcidae)
stressées par un déficit hydrique (fig. 14-3). (Calatayud et Le Ru, 2006; Calatayud et al., 2002).
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Adaptation des plantes aux stress environnementaux
SÉCHERESSE
l l
PLANTE HÔTE ENNEMIS NATURELS
(incluant les pathogènes)
Augmentation
Température Diminution
Émissions acoustiques Nombre
Métabolites de stress Virulence
Osmolytes
Azote soluble
Sucres solubles INSECTES PH'fTOPHAGES
Substances secondaires Augmentation
Diminution Nutrition
Croissance Environnement thermique
Mècanismes de rèsistance aux insectes Immunocompétence
Teneur en eau Détoxification
Altération Niveaux de développement
Expression du génome Recherche de la plante hôte
Morphologie de la plante Acceptation de la plante hôte
Utilisation de la plante hôte
Évitement des ennemis naturels
Croissance des symbiotes
Altération
Expression du génome
Sélection naturelle
~
AUGMENTATION DES POPULATIONS
Les plantes en situation de déficit hydrique champignons, virus et bactéries. Les insectes
peuvent favoriser également les systèmes de ingérant une plus grande quantité de substances
détoxication et d'immunocompétence des secondaires deviennent toxiques pour ces micro-
insectes. Parce qu'il est fréquent de voir une organismes. Il a été également observé une
augmentation des substances secondaires de étroite synergie entre la réponse immunitaire des
défense des plantes lors de périodes de séche- insectes et leur système de détoxification.
resse, on peut penser que les insectes sont Les plantes en situation de déficit hydrique
capables de mettre en place un système de peuvent en revanche ne pas favoriser l'action des
détoxication approprié. C'est le cas du papillon ennemis naturels. La sécheresse peut influencer
Spodoptera eridania (Lepidoptera, Noctuidae), indirectement les insectes phytophages, en
qui devient deux fois plus tolérant à l'alcaloïde optimisant les conditions pour leurs exo- ou
toxique du tabac, la nicotine, lorsqu'il sest nourri endo-syrnbiotes. Puisque beaucoup de micro-
préalablement d'a -pinène induisant son système organismes ont une température optimale de
de détoxification. De plus, les changements croissance comprise entre 25 et 30 "C, de plus
chimiques de la plante lors d'un déficit hydrique fortes températures lors de périodes de séche-
entraînent un renforcement du système immuni- resse peuvent stimuler leur croissance. Une
taire des insectes vis-à-vis des micro-organismes augmentation de la teneur des feuilles en glucose
entomopathogènes comme les protozoaires, et fructose doit également favoriser la crois-
235
Interactions insectes-plantes
sance de ces symbiotes. De plus, alors que de entraîné au XIX· siècle la disparition des lichens
plus fortes températures peuvent être optimales et parallèlement le noircissement des troncs de
pour le développement des insectes phytophages, bouleaux. On a alors constaté que la phalène du
elles ne le sont pas forcément pour celui de leurs bouleau (Biston betularia [Lepidoptera, Geome-
ennemis naturels (parasitoïdes et prédateurs). tridae]), papillon nocturne habituellement de
La sécheresse peut provoquer des changements couleur blanche tachetée de noir, se rencontrait
génétiques chez les insectes. Iélévation de la majoritairement sous sa forme mutée, beaucoup
température et de l'irradiation solaire associées plus sombre. Cela est expliqué par le fait que
à la sécheresse peut non seulement affecter le les papillons sombres, plus difficiles à repérer,
niveau et l'action des enzymes chez l'insecte, mais, étaient mieux protégés contre la prédation des
en association avec de nombreux changements oiseaux que les individus clairs. Le même phéno-
biochimiques de la plante, elle peut également mène a été observé à Paris dans les années 1980
induire des changements génétiques aléatoires ou au niveau du bombyx de l'ailante (Amias cynthia
programmés dans les populations d'insectes. Au [Lepidoptera, Bombycidae]), qui a spectaculaire-
niveau populationnel, les changements environ- ment évolué du beige clair au marron très foncé
nementaux peuvent faire apparaître des variants pour s'adapter à son environnement, suite à la
allozymiques non communs et, par le biais d'une pollution qui noircissait sa plante nourricière.
sélection naturelle, ces variants peuvent rapide- La pollution atmosphérique perturbe la commu-
ment augmenter en nombre. Au niveau indivi- nication chimique des relations plantes-insectes.
duel, les conditions physiques et/ou métaboliques Certains polluants comme l'ozone, en agissant
significativement différentes lors de périodes indirectement sur les substances chimiques
de sécheresse peuvent changer l'expression de de communication (terpènes) via leurs effets
certains gènes induisant des isozyrnes alternatifs. physiologiques sur les plantes (limitation des
De plus, les changements de température et de émissions par fermeture des stomates, modifica-
nutrition lors de la sécheresse peuvent provoquer tion de leurs compositions physico-chimiques),
l'induction de gènes thermodépendants, l'ampli- ou directement par dégradation de ces subs-
fication de certains autres gènes, la transposition tances dans l'air, perturbent les relations plantes-
d'éléments transposables et d'autres réarrange- insectes (Ioviposition par exemple) (Cannon,
ments génomiques comme la polyploïdie. 1990; Marchand, 2001; Moreau, 1988).
Enfin, la pollution atmosphérique entraîne égale-
Face à la pollution atmosphérique ment des modifications de la reconnaissance
La pollution atmosphérique, en modifiant la foliaire chez les insectes. Des polluants comme
physiologie et la biochimie des végétaux, va avoir l'ozone ou comme le CO 2, en favorisant la
un impact déterminant sur les paramètres clés production de cires cuticulaires et en modifiant
des plantes qui régissent les relations plantes- de ce fait les caractéristiques physico-chimiques
insectes (Nicole, 2002), et en particulier sur les des surfaces foliaires, ont des répercussions posi-
3 ensembles de paramètres suivants: tives sur la « reconnaissance» de celles-ci par les
- paramètres liés à la reconnaissance; insectes (Jackson et al., 1999).
- paramètres liés aux ressources nutritionnelles;
- paramètres liés aux systèmes de défense.
Ressources nutritionnelles des plantes
La pollution atmosphérique induit la' présence
Localisation et reconnaissance des plantes déléments exogènes dans ou sur les végétaux
La pollution atmosphérique entraîne souvent pouvant avoir des conséquences graves sur
une modification de la couleur des végétaux, ce les insectes associés. Les fortes accumulations
qui influence fortement la couleur des insectes dans les organes végétaux de polluants atmos-
associés. En Angleterre, dans les régions indus- phériques toxiques comme les métaux lourds,
trielles, la forte pollution atmosphérique a l'arsenic, le fluor sont souvent à l'origine d'une
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Adaptation des plantes auxstress environnementaux
intoxication et d'une mortalité plus ou moins En conclusion, dans le cadre des relations
importante des insectes phytophages (chez plantes-insectes, il apparaît que, dans beau-
les broyeurs et les «piqueurs-suceurs») et des coup d'exemples, l'impact des polluants atmos-
insectes pollinisateurs (abeille... ) (Führer, 1985). phériques sur les plantes augmente à la fois les
Dans les plantes, la pollution atmosphérique qualités nutritives et les qualités défensives de
comme de nombreux autres stress entraînent des celles-ci.
changements qualitatifs et quantitatifs au niveau Les modifications positives ou négatives des
des métabolites primaires et secondaires. En relations plantes-insectes qui en découlent
particulier, on note souvent une augmentation vont donc dépendre de la conjugaison de ces
des concentrations des feuilles en acides aminés deux effets contradictoires vis-à-vis de l'insecte.
(proline), en protéines solubles, mais aussi en Mais, comme ces relations vont aussi dépendre
sucres, augmentant la qualité nutritive de celles-ci du mode d'alimentation de l'insecte (broyeur,
pour certains insectes (Kainulainen et al., 2000; suceur, mineuse), il est évident qu'il sera très
Trumble et al., 1987; Warrington, 1989). difficile de définir un modèle universel.
Signalons également l'effet positif pour les Toutefois, in situ, cest une augmentation des
insectes des polluants comme S02 et NOx qui populations d'insectes sur les plantes que Ion
augmentent les concentrations en S et en N dans observe le plus généralement dans les régions
les plantes. Cela se vérifie en particulier sur les polluées (Hain, 1987).
végétaux des bords de routes et d'autoroutes,
importantes sources de NOx (Bolsinger et Flüc- RÉPONSES PHYSIOLOGIQUES DE lA PlANTE
kiger, 1987; Braun et Flückiger,1985). Mais à l'in- AUX AGRESSIONS DE MICRO-ORGANISMES
verse, la pollution CO 2 souvent présente avec les
NOx entraîne une diminution des concentrations Les plantes ont élaboré des stratégies de défense
d'azote dans les feuilles suite à la modification du envers les bioagresseurs leur permettant de
rapport C/N (Bezemer et Jones, 1998; Hâttens- résister à la plupart des agressions parasitaires.
chwiler et Schhafellner, 1999; Holopainen, 2002). Bien que des barrières constitutives confèrent
à la plante une résistance générale hautement
Modifications des systèmes efficace, l'induction de défenses plus adaptées
de défenses chimiques et physiques à l'infection est nécessaire. Si les réponses sont
Si les composés phénoliques sont considérés tardives ou peu intenses, la plante sera sensible
comme des systèmes de défense chimique des au parasite; l'interaction est dite compatible. Si
feuilles, la cuticule constitue quant à elle une la défense active est rapidement induite avec
barrière efficace de défensephysique pour celles-ci. une forte intensité, l'extension de la maladie est
bloquée et la plante résiste. Sila résistance résulte
Iozone et le CO 2' comme de nombreux autres de l'activation de gènes de résistance (R), l'inter-
polluants atmosphériques induisant un stress action est dite incompatible et son phénotype est,
oxydatif, sont à l'origine d'une augmentation des dans la plupart des cas, une réaction d'hypersen-
concentrations en composés phénoliques dans sibilité (RH) (Duhoux et Nicole, 2004; Jones et
les plantes, avec des répercussions négatives sur DangI, 2006).
la qualité nutritionnelle des feuilles pour les
insectes (diminution de la palatabilité) (Bolsinger Le déterminisme génétique
et al., 1992; Bolsinger et al., 1991). de la résistance
Parallèlement, il faut noter que l'ozone comme
le CO 2' en favorisant la production des cires La réaction d'hypersensibilité (RH)
cuticulaires, améliorent les caractéristiques de La RH est une lésion nécrotique localisée autour
la barrière physique que représente la cuticule des sites de pénétration des tissus par le parasite.
(Percy et al., 2002). Elle est activée par l'interaction du produit du
237
Interactions insectes-plantes
238
Adaptation des plantes auxstress environnementaux
transitoire de la membrane plasmique (efflux Plusieurs enzymes sont aptes à générer les
de Kt et de Cl- et l'influx de Ca/ et H"). Le rôle FRO au cours des interactions plantes-para-
du Cal + en tant que messager secondaire a été sites, soit en tant qu'intermédiaire, soit en tant
démontré dans l'activation de la production des que produit final de réactions contrôlées par
FRO et la synthèse de molécules anti-micro- les NAD(P)H-oxydases, glucose- et oxalate-
biennes. L'association Cal + -kinase est l'un des oxydases ou certaines peroxydases. Le peroxyde
exemples dans lequel deux signaux secondaires d' hydrogène, HP l ' la forme la plus stable des
interagissent pour ajuster certains enchaîne- FRO, peut être impliqué dans l'activation de
ments de la régulation cellulaire. Les étapes de lipoxygénases, de la synthèse d'acide salicylique
phosphorylation ou de déphosphorylation sont (AS), de phytoalexines ou de protéines liées à la
essentielles dans les phases précoces et tardives pathogénèse (PRp). Le monoxyde d'azote, NO,
de la signalisation conduisant aux réponses de une autre espèce radicalaire, est produit à des
défense et à la mort cellulaire de la RH. fins de médiation physiologique par des « nitric
oxide synthases ». Chez une plante du genre
Le choc oxydatif : Arabidopsis (Brassicaceae), le NO potentialise
les formes réactives de l'oxygène (FRO) la mor t cellulaire hypersensible induite par les
Loxyg ène est à l'origine des FRO formées par autres formes de FRO, en particulier HlO l . En
sa réduction séquentielle. Ces radicaux libres revanche, NO et HzOz semblent contrôler sépa-
incluent principalement l'oxygène singulet (l 0l)' rément Iexpression de gènescodant des enzymes
l'a nion superoxyde (Ol "), le peroxyde d'hydro- du métabolisme phénolique. Il peut également
gène (HPl) et le radical hydroxyle (OW) . jouer un rôle antioxydant cont re l'effet cyto-
Les FRO sont produites en faible quantité au toxique d'autres FRO. En combinaison avec
cours du métabolisme normal de tout orga- l'acide salicylique (AS) et des FRO exogènes,
nisme aérobie par le système de transport délec- le NO est capable d'induire la mort cellulaire.
trons tels les chloroplastes (photosynthèse) et les Résistances systémiques et hormones
mitochondries (respiration) ou lors de processus
de signa lisation et de régulation de défense
enzymatiques. Lorganisme s'en protège par
divers systèmes antioxydants enzymatiques Une résistance systémique s'exprime dans la
(superoxyde dismutase, catalase, peroxydase, plante entière pour résister non seulement à
glutathion-S-transférase) ou non enzymatiques l'agresseur d'origi ne, mais aussi à une large
en produisant de l'acide ascorbique et/ou du gamme de parasites. Le développement d'une
glutathion. Lëquilibre entre la production et résistance systémique dépend d'un réseau
l'élimination des FRO constitue le stress oxydant complexe de communications intercellulaires,
à l'origine de l'altération de l'a rchitecture cellu- Des messagers libérés par les cellules exprimant
laire, voire de la mort. Lévolution de la cinétique
de production de FRO dans une cellule végé-
tale infectée est différente selon qu'il s'agisse
d'une interaction compatible ou incompatible.
Dans le cas de l'interaction incompatible, deux
phases peuvent être observées : une première
identique à celle de l'interaction compatible,
suivie quelques heures plus tard d'une deuxième
phase de production. Celle-ci, caractéristique .~_: ,.
des situations incompatibles, coïncide avec r:\ .' .
un phénomène d'échange d'ions à travers la Filame nt mycélien d'Hemileia vastatrix, agen t de la
membrane cytoplasmique et conduit à la mort rou ille orangée, dans un pa rench yme de feuille de
(Lamb et Dixon, 1997). caféier (Coffea arabica))(x 5800 ) (© [RD/ M. Nicole).
239
Interactions insectes-plantes
240
Adaptation des plantes auxstress environnementaux
241
Interactions insectes-plantes
PG
ÉLiCITEURS 000
ENDOGÈNES Chitinase
000
•• ÉLiCITEURS
Glucanase
•• • SPÉCIFIQUES
o 0 ÉLiCITEURS
Phytoalexines
Oxylipines
o EXOGÈNES
PGPI R
HRGPs
LIGNINE
Figure 14-4 - Les éliciteurs des réactions de défense des plantes (Duhoux et Nicole, 2004).
Les éliciteurs spécifiques, produits des gènes avr, interagissent avec les protéines R de la plante pour déclencher
une RH. Les éliciteurs généraux endogènes sont relargués par la plante et résultent soit du métabolisme secondaire
(oxylipines), soit de l'action de polygalacturonases microbiennes (PG) qui peuvent être inactivées par des inhibiteurs de
polygalacturonases (PGPI). Les éliciteurs exogènes sont excrétés par le parasite. Lensemble de ces éliciteurs activent les
voies de signalisation pour induire la synthèse de signaux et de molécules de défense: phytoalexines, lignine, subérine,
callose, oxylipines, PR-protéines (chitinase, glucanases, peroxydases ... ) (HRGPs: hydroxiproline-rich glycoprotein).
ne reproduisent pas la spécificité de recon- les acides gras insaturés qui génèrent les oxyli-
naissance gène pour gène, contrairement aux pines", efficaces dans l'activation de la synthèse
éliciteurs spécifiques. Ils ont été rangés dans la de phytoalexines. D'autres, comme l'ergostérol,
catégorie des PAMP (en anglais «Pathogen-Asso- stérol majeur de la membrane des champi-
ciated Molecular Patternwï également présents gnons, les syringolides, éliciteurs race-spécifique
chez les parasites animaux (Ausubel, 2005). générés par la bactérie Pseudomonas, et certains
Trois types majeurs d'éliciteurs de nature poly- éliciteurs protéiques (harpine, cryptogéine,
saccharidique ont été identifiés : les glucanes PopA10, cellulases et xylanases) miment la RH et
(~-1,3 et ~-1,6) et les dérivés de la chitine prove- induisent la voie dépendante de l'AS, via les voies
nant des parois fongiques, et les oligogalactu- de signalisation sous-jacentes.
ronides, résidus d'acides galacturoniques en
liaison a -1,4 dérivés de la pectine des parois le renforcement des barrières physiques
végétales. La nature et l'intensité des 'réponses de La paroi cellulaire est un obstacle à la pénétra-
défense induites par ces éliciteurs dépendent de tion d'un parasite dans la cellule végétale. Elle se
leur degré de polymérisation. Ils interviennent compose de la cellulose, des hémicelluloses et de
probablement comme signaux de «deuxième
9. Lesoxylipines constituent une vaste famille de composés
génération» dans la cascade de réception -trans-
dérivant d'acides gras prélevés sur des glycérolipides struc-
duction participant à l'expression des réponses de turaux.
défense. Parmi les éliciteurs de nature lipidique, 10. En anglais: « Pseudomonas Out Proteins A".
242
Adaptation des plantes aux stress environnementaux
pectine souvent enrichie en polyphénols (lignine, (Waterhouse et al., 2001). Dans le cas d'une
subérine). Lincorporation réactionnelle de attaque virale, il consiste en une dégradation
lignine, de callose!' ou de glycoprotéines comme spécifique des transcrits de l'ARN viral, induite
celles riches en hydroxyproline contribue au par le virus lui-même et dénommée VIGS (signi-
renforcement de la paroi que de nombreux micro- fiant en anglais « Virus-Induced Gene Silencing»).
organismes sont alors incapables de dégrader. Ce système de défense hautement adaptatif nest
pas génétiquement programmé dans le génome
l'obstruction des vaisseaux de la plante et agit de manière systémique
Le cycle infectieux de certains parasites (Meister et Tuschl, 2004). [illustration extrême
fongiques ou bactériens comporte une phase de de ce mécanisme est la rémission des symptômes
colonisation qui se déroule dans les vaisseaux chez la plante infectée, associée à une réduction
du xylème, voie naturelle de circulation de l'eau importante de la charge virale. Des expériences
et des éléments minéraux, permettant à l'agent de protection croisée ont révélé que le principe
pathogène de progresser dans la plante. Pour de l'extinction de gènes repose sur les homologies
se défendre, celle-ci tente dobstruer la lumière de séquence; une plante résistante à un premier
des vaisseaux. La synthèse de pectine et la virus peut également présenter une résistance
production de thylles'", plus ou moins enrichies à un second virus si ces deux parasites présen-
en molécules microbicides, empêchent alors tent de fortes identités de séquences. Ce principe
efficacement l'extension du parasite. a été utilisé pour la mise au point de stratégies
de défense dérivées du parasite par transgénèse,
les molécules antimicrobiennes grâce aux homologies entre le génome viral
La synthèse de molécules antimicrobiennes et le transgène. Plusieurs étapes caractérisent
(réponse de défense non spécifique chez les l'extinction des ARN viraux par la plante:
plantes) se met en place suite à une agression - l'initiation : elle correspond au clivage de
parasitaire. Leur nature couvre un large spectre l'ARN cible selon un pas de 21 à 23 nucléotides
de composés aussi diversifiés que les phénols via les complexes DICER14 et RISCI 5. Ces petits
(flavonoïdes, phénylpropanoïdes, les protéines ARN seraient probablement les déterminants
liées à la pathogénèse [chitinase, glucanase et spécifiques de ce système de défense;
peroxydase]), les terpènes ou les radicaux libres. - la propagation systémique et le maintien du
Certains terpènes et composés phénoliques mécanisme: sa propagation semble très compa-
sont classés dans le groupe des phytoalexines':' rable à celle des virus dans la plante, impliquant
(Naoumkina et al., 2007). l'ARN bicaténaire qui servirait de précurseurs
aux petits ARN complémentaires. Le méca-
Une réponse originale: nisme d'extinction apparaît stable chez la plante,
l'extinction de gènes ou « gene silencing Il puisqu'il serait encore fonctionnel dans les
plantes sénescentes.
Lextinction de gènes est un mécanisme spéci-
fique de la résistance de la plante aux attaques Iextinction de gènes équivaut à une réaction de
virales, en développant un état d'immunité qui résistance; elle peut être à son tour contournée
lui confère une résistance à une surinfection par les virus eux-mêmes, qui vont développer un
mécanisme de suppression de l'une des différentes
Il. Polysaccharide de ~-1, 3 glucanes impliqué dans les étapes.Son inhibition intervient dans tous lestissus
phénomènes de «cicatrisation» des parois.
12. Une thylle (du grec thulas, signifiant sac) est une infectés, même ceux néoformés après l'attaque
excroissance cellulaire ou sécrétion gommeuse, engendrée virale. La diversité structurale et fonctionnelle,
par un processus naturel qui obstrue les vaisseaux de sève. et la variabilité dans leur séquence sont l'une des
13. Les phytoalexines sont des métabolites secondaires des
végétaux dont la biosynthèse est déclenchée par le parasi- 14. Ribonucléase qui clive les RNA doubles-brins en
tisme. Elles jouent un rôle important dans la résistance des courts fragments.
plantes aux maladies. 15. En anglais: «RNA-Induced Silencing Complex».
243
Interactions insectes-plantes
caractéristiques de ces facteurs viraux de suppres- Cannon J.w'N. - 1990, Olfactory response of eastern
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