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Bibliographie critique

L’ensemble des statistiques présentées infirme donc le sentiment général de


déclassement au fil des générations. Les auteurs reviennent en conclusion sur le
sentiment qu’ont les classes moyennes d’être traitées injustement, notamment
du fait de la pression fiscale qu’elles subissent et du faible retour qu’elles en
perçoivent en termes d’aides sociales. Afin d’aller à l’encontre de ce sentiment
d’injustice et sécuriser les transitions majeures du cycle de vie, ils recommandent
un retour à des programmes sociaux universels et non plus ciblés sur des publics
particuliers.
Ce petit ouvrage est un exemple d’utilisation efficace et pédagogique de la
statistique, qui permet d’objectiver les situations et d’aller à l’encontre des idées
reçues.
Ariane Pailhé

Jan K. Brueckner , Lectures on Urban Economics, Cambridge, The MIT Press,


2011, 296 p.
Riche de trente années d’expérience en recherches dans le domaine de l’éco-
nomie urbaine, Jan Brueckner présente dans son ouvrage les principales théories
sur le fonctionnement des villes de manière accessible et avec un minimum de
formalisation. Les raisonnements sont principalement basés sur des diagrammes
qui permettent d’expliquer les mécanismes économiques de façon intuitive.
L’ouvrage peut non seulement intéresser les étudiants, mais aussi les chercheurs
curieux de connaître les grands principes de l’économie urbaine. Il peut par
ailleurs permettre à des chercheurs du domaine de parfaire leurs connaissances
sur un champ relativement étendu.
L’ouvrage est organisé en onze chapitres à thème et comprend des exercices
d’application des théories présentées dans les chapitres. Il débute avec des expli-
cations sur l’existence des villes, puis s’intéresse au modèle urbain canonique(3)
et discute des questions liées au transport, au logement, aux biens publics et aux
aménités de consommation(4).
L’existence des villes est abordée dans le chapitre 1, avec les travaux de
Paul Krugman, prix Nobel d’économie. Les économies d’échelle favorisant
l’apparition de grands établissements et les économies d’agglomération favo-
risant la localisation des entreprises à proximité les unes des autres peuvent
participer à l’émergence des villes. Il existe en particulier des économies d’agglo-
mération technologiques basées sur le partage de connaissances entre travail-
leurs qui augmentent la productivité interentreprises, et des économies
d’agglomération pécuniaires comme la réduction du coût de transport des biens
intermédiaires.

(3) Le modèle urbain canonique est un modèle avec un centre d’emploi se trouvant au bout d’un
segment de droite et des travailleurs localisés sur l’ensemble du segment. Les travailleurs effectuent
des migrations alternantes vers le centre.
(4) Une aménité de consommation est un aspect de l’environnement (climat, mer, etc.) ou de l’en-
tourage social (réseau, criminalité de quartier, etc.) affectant le bien-être des individus.

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L’analyse de la structure urbaine du chapitre 2 suit le travail original de


William Alonso et Richard Muth : il existe un seul centre d’emplois vers lequel
des travailleurs, situés de part et d’autre d’un axe, effectuent des migrations
pendulaires. Le modèle génère des prédictions sur la décroissance du prix des
terrains en fonction de l’éloignement du centre pour compenser le coût plus élevé
des migrations alternantes, ainsi que sur la décroissance de la densité de popu-
lation liée à la demande de logements plus spacieux. Le chapitre 3 est centré sur
les différences de richesse entre travailleurs. Les riches habitent à distance des
emplois pour bénéficier de logements spacieux tandis que les pauvres sont loca-
lisés à proximité de ce centre. Cependant, considérer un coût non seulement
financier mais aussi temporel pour les migrations pendulaires peut entraîner
des prédictions différentes quant à la structure de la ville. D’autres éléments
pouvant être rajoutés au cadre d’analyse sont l’existence d’une autoroute, l’exis-
tence d’un second centre d’emploi, la durabilité des logements. Le modèle permet
aussi d’étudier les migrations rural-urbain dans les pays en développement.
Les deux chapitres suivants analysent des politiques urbaines. Le chapitre 4
étudie l’expansion des villes et montre qu’elle peut conduire à une taille de la
ville supérieure à l’optimum, car les individus ne tiennent pas compte de la
congestion des transports(5) ou des aménités que constituent les espaces ouverts
(parcs, bois, etc.) lorsqu’ils vont s’installer en périphérie. Les mesures permettant
d’y remédier sont une taxe sur le développement du bâti, l’instauration de péages,
et l’imposition d’une limite à l’expansion urbaine. Le chapitre 5, quant à lui,
discute en détail la mise en place de péages sur les autoroutes afin de limiter les
problèmes de congestion tout en intégrant dans le cadre d’analyse l’existence de
routes alternatives pour les usagers.
Les questions de logement sont abordées dans les deux chapitres suivants.
Le chapitre 6 explique comment le prix implicite de différentes caractéristiques
du logement peut être évalué à l’aide de l’estimation de la fonction de prix hédo-
niques(6). Il analyse aussi comment le choix de statut vis-à-vis du logement est
influencé par les coûts respectifs de la location et de la propriété. En particulier,
le remboursement du prêt et les taxes à la propriété sont considérés dans l’analyse
du coût de la propriété. Les politiques du logement sont développées dans le
chapitre 7, où sont analysées les distorsions négatives dues au contrôle des loyers
sur le marché du logement. Les allocations logement et la création de logements
publics permettent une augmentation de la consommation de logement par les
ménages à faibles revenus plus importante que d’autres programmes d’aide au
logement.
Les derniers chapitres sont dévolus aux biens publics locaux et aux aménités
locales. Le chapitre 8 étudie le niveau optimal de biens publics locaux dans les

(5) Une augmentation du trafic provoque un ralentissement global.


(6) La méthode des prix hédoniques permet d’assigner un prix à chaque caractéristique d’un loge-
ment en régressant la valeur des logements ou les loyers sur l’ensemble des caractéristiques des
logements.

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communautés, comme les équipements sportifs ou les parcs, que le vote à la


majorité ne permet pas d’atteindre. Cependant, la mobilité des agents entre
communautés selon le niveau de biens publics locaux permet d’aboutir à ce
niveau optimal, comme l’a montré Charles Tiebout. Parmi les autres sujets abor-
dés, on peut citer la compétition entre villes par les taxes, pour attirer les ménages
et éviter un investissement local en logement qui soit trop faible. Cette compé-
tition mène généralement à un niveau trop bas de taxes. Le chapitre 9 aborde la
question de la pollution et montre que le niveau de pollution optimal peut être
atteint à l’aide de certains types de taxes. Il n’est cependant pas optimal car trop
coûteux de vouloir atteindre une absence totale de pollution. Le chapitre 10
présente certaines idées proposées dans la théorie du crime. Il repose sur le
principe que les individus peuvent choisir entre une activité légale et une activité
criminelle selon les revenus espérés. Lorsqu’il y a une congestion des activités
criminelles ou de la police d’une ville, des configurations différentes de quartiers
peuvent émerger. En particulier, des quartiers en tout point similaires peuvent
néanmoins se caractériser par des niveaux de criminalité différents. Enfin, le
chapitre 11 discute la possibilité de quantifier la valeur des aménités à l’aide du
modèle classique de Jennifer Roback. Les aménités peuvent affecter le niveau
local des revenus et des loyers. Si les aménités ont un effet faible sur les entre-
prises, des aménités désirables pour les consommateurs sont généralement
associées à un niveau local de revenus faible et un niveau de loyers élevé. Des
classements sur la qualité de vie dans les villes peuvent être ainsi construits à
partir du modèle.
L’ouvrage propose une synthèse très pertinente pour chacun des thèmes
abordés et constitue un travail de qualité du fait des dizaines d’années d’expé-
rience de l’auteur dans le champ de recherches de l’économie urbaine. Il est donc
recommandé pour s’immerger dans le sujet ou se donner une idée des intuitions
sous-jacentes aux modèles formalisés par les mathématiques que l’on trouve
généralement dans la littérature économique.
Laurent Gobillon

Richard Duhautois, Héloïse Petit et Delphine Rémillon, La mobilité professionnelle,


Paris, La Découverte, Repères, 2012, 126 p.
Si la question de la mobilité professionnelle est au cœur des récents débats
portant sur la sécurisation des parcours sur le marché du travail, il n’en demeure
pas moins que les travaux traitant de son évolution au cours des 30 dernières
années aboutissent à des résultats parfois contradictoires. Ces désaccords sont
en partie liés à l’ampleur du champ recouvert par la notion même de mobilité.
Partant de ce constat, l’ouvrage propose d’apporter un éclairage sur les mobilités
professionnelles dans le cas français à partir d’une synthèse des travaux existants.
Pour en saisir la complexité, ils abordent la thématique des mobilités sous l’angle
de leurs déterminants, en s’appuyant notamment sur une revue de la littérature
très détaillée et une large palette d’indicateurs.

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