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Salon d’Hercule
des tons graves, et ensuite par des tons vifs et animé l’incertitude d’un
homme embarrassé dans un labyrinthe, il en sort enfin heureusement, et finit
par une Chaconne d’un ton gracieux et naturel… » 5
Plusieurs pièces de la suite sont « en rondeau », une forme qui deviendra
de plus en plus populaire mais qui avait pourtant déjà commencé à lasser
quelques compositeurs et interprètes :
« Ma maxime, dans le Rondeaux, est de varier les refrains autant qu’il m’est
possible. On en trouvera peut-estre quelques-uns d’une grande difficulté, on
peut en ce cas les obmettre et leur substituer ceux que chacun jugera este
plus a sa portée. » 6
« L’Arabesque », une autre pièce fameuse de cette suite, impressionna
Hubert Le Blanc :
« L’Arabesque, sa dernière production, faisoit voir la grandeur de la perte
dans un tel personnage, qui joignoit à l’expérience, par où il donnoit des
compositions si correctes, le feu le plus vif d’une jeunesse remplie d’acti-
vité et d’attraits. » 7
Cette pièce est le parfait exemple d’un rondeau réussi dans lequel Marais
varie chaque refrain de manière gracieuse. Dans le refrain, des accords
évoquent la guitare et rappellent le jeu d’harmonie et le jeu de mélodie com-
mentés par Rousseau près de quarante ans plus tôt.
Aujourd’hui encore, la plupart de ces pièces ont à peine besoin d’explica-
tion. L’une d’elles en particulier suscite la curiosité, « l’Ameriquaine »,
dont le titre a peut-être été choisi en hommage à une riche émigrée française
rentrée à Paris après la cession de l’Acadie aux Anglais, suite au traité
d’Utrecht de 1713. La séquence finale de cette suite est le célèbre
« Badinage », qui était très apprécié des élèves de Marais. Il sera plus tard
imité dans une pièce pour pardessus de viole de Charles Dollé 8, l’un des
disciples de Marais qui écrira d’ailleurs un « Tombeau de Marais le Père »
au milieu du XVIIIe siècle 9…
Le programme d’aujourd’hui couvre le début et la fin des compositions
virtuoses de Marais. Alors que La gamme et son cinquième livre de pièces
de viole seront publiés bien plus tard, le quatrième livre pousse déjà l’ins-
trument à ses limites. Ce type de composition ne sera égalé, ou même
dépassé, que par les pièces de Forqueray, trente ans plus tard :
« On peut dire que Marais a porté la Viole à son plus haut degré de perfec-
tion, et qu’il est le premier qui en a fait connoître toute l’étendue et toute la
beauté par le grand nombre d’excellente Pièces qu’il a composées sur cet
Instrument, et par la manière admirable dont il les exécutoit. » 10
RICHARD SUTCLIFFE
184 MARAIS, VIOLISTE À L’OPÉRA
1. Jean Rousseau a publié deux livres de pièces vers 1690 et Sainte-Hélène un en 1701, tous
trois sont perdus.
2. Marain Marais, « Avertissement » de Pièces de viole [2e livre] (Paris, 1701).
3. Ibid.
4. Marin Marais, « Avertissement » de Pieces de violes [4e livre], (Paris, 1717).
5. Évrard Titon du Tillet, Le Parnasse françois, Paris, 1732 (réédit. 1743 et 1755), édité sous
Vies des Musiciens et autres Joueurs d’Instruments du règne de Louis le Grand, Paris,
Gallimard, 1991.
6. Marin Marais, ibid.
7. Hubert Le Blanc, Défense de la base de viole, Amsterdam, 1740, p. 38-39.
8. Charles Dollé, Pièces pour le pardessus de viole… œuvre III (Paris, sd).
9. Charles Dollé, Pièces de viole avec la basse continüe… œuvre II (Paris, sd).
10. Évrard Titon du Tillet, op. cit., p. 83.