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Samedi 7 octobre 2006 — 15h

Opéra royal

Marin Marais, extrait du deuxième livre de


Pièces de viole, Paris, 1701
ENSEMBLE BAROQUE DE LIMOGES - SAMEDI 7 OCTOBRE 121

MARIN MARAIS (1656-1728)


Pièces à deux violes et basse continue
(Premier livre de pièces pour viole, 1686)

Suite en mi mineur
(Deuxième livre de pièces de viole, 1701)

Sonate pour violon

Tombeau de Monsieur Lully

MICHEL DE LA BARRE (ca 1675-1745)


Suite à deux flûtes et basse continue

SAINTE-COLOMBE (ca 1670-1700)


« Les Regrets », (extrait du « Tombeau »
des Concerts à deux violes égales)

Ensemble Baroque de Limoges


Direction : Christophe Coin

Maria Tecla Andreotti, Catherine Flambard, flûtes


Gilles Colliard, violon
Atsushi Sakaï, Christophe Coin, violes
Jan Willem Jansen, clavecin
Massimo Moscardo, théorbe
122 MARAIS, VIOLISTE À L’OPÉRA

L’Ensemble Baroque de Limoges et le Centre Culturel de Rencontre


La Borie-en-Limousin reçoivent le soutien de l’État (Ministère de la
Culture et de la Communication), de la Direction Régionale des Affaires
Culturelles du Limousin, du Conseil Régional du Limousin, de la
Communauté d’Agglomération de Limoges Métropole, de la Ville
de Limoges, du Conseil Général de la Haute-Vienne et du Club
des Entrepreneurs La Borie en Limousin.
ENSEMBLE BAROQUE DE LIMOGES - SAMEDI 7 OCTOBRE 123

Marin Marais. Pièces instrumentales


Le premier livre de Pièces à une et deux violes de Marin Marais fut
curieusement publié en deux temps ; les parties solistes en 1686, et le livre
de basse continue trois ans plus tard. Dans son avertissement au livre des
solistes Marais ne mentionne pas l’absence de la partie de basse continue ;
celui du livre de basse, par contre, nous éclaire davantage :
« Lorsque je donnay au Public mon Livre de Pièces à une et deux Violes,
j’avois bien dessein d’y joindre aussy les Basse-continües, qui en sont la
partie essentielle. Mais comme la gravure est une entreprise très longue, ce
la m’obligea a en différer l’exécution jusqu’à ce jour je les ay toutes chi-
frées, pour les joüer sur le Clavecin, ou sur le Théorbe ; ce qui fait très bien
avec la Viole, qui joüe le sujet. » 1
L’absence de commentaire sur les pièces à deux violes avec basse
continue est encore plus frappante. Bien que De Machy publie ses Pièces de
viole un an avant Marais, ce dernier publie la première des pièces de mu-
sique de chambre avec deux basses de viole et basse. Son premier livre
inclut deux suites pour cette formation. La première, en ré mineur, est rela-
tivement courte et commence avec un prélude suivi de danses. La seconde,
en sol mineur, est un peu plus longue et plus variée dans sa composition,
intégrant une « Gavotte en Rondeau », une « Fantaisie en Echo » et une
« Chaconne » ; elle s’achève par le « Tombeau de Mr Meliton ». Dans la
« Fantaisie en Echo », la seconde viole imite constamment la première avec
une mesure de décalage. Il ne s’agit pas d’un écho au sens habituel où la
deuxième voix répond à la première en alternance, mais presque d’un
canon.
Le « Tombeau de Mr Meliton » est l’un des quatre tombeaux composés
par Marais. Les autres sont dédiés à Jean-Baptiste Lully (tombeau éga-
lement présent dans ce programme), à Monsieur de Sainte-Colombe, son
célèbre maître, et à Marais le cadet 2. Monsieur Meliton n’a pu être clai-
rement identifié. Un organiste dénommé Pierre Méliton tenait la tribune de
Saint-Jean-en-Grève à Paris jusqu’en 1682. La date de sa mort n’est toute-
fois pas connue. Il est probable, en tout cas, qu’un certain Monsieur Meliton
fut violiste professionnel comme nous l’indique Jean Rousseau :
« Car Monsieur de Sainte Colombe n’a jamais distingue deux Ports de main.
Monsieur Marais, qui a appris de Mo[n]sieur Sainte-Colombe, ne reconnoist
qu’un Port de main ; feu Monsieur Meliton qui avoit encore apris de
Monsieur de Sainte-Colombe et qui connoissoit parfaitement le caractère de
la Viole, n’a jamais dit ni enseigné qu’il y eut deux Ports de mains… » 3
Le caractère solennel et triste de cette pièce et l’importance des récipien-
daires des autres tombeaux prouvent — s’il en était besoin — que Marais
tenait Mr Meliton en haute estime.
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La Suite en mi mineur du deuxième livre de pièces de viole de Marais est


l’une des plus importantes de la collection en raison de son avant-dernière
séquence, le « Tombeau pour Mr de Sainte-Colombe », hommage à son der-
nier maître. La tonalité de mi mineur jouée sur la viole provoque instanta-
nément une sensation d’intimité, en raison de l’absence de cordes à vide,
plus brillantes, que l’on trouve dans les tonalités habituelles de ré, sol et la
majeur ou mineur.
La suite commence avec des pièces traditionnelles : « Prelude »,
« Fantaisie » et pièces de danse standard – à l’exception peut-être de la
« Sarabande a l’Espagnol », une version plus dramatique de cette danse
pleine d’accords, peut-être une imitation des castagnettes utilisées par les
danseurs de l’époque dans leurs danses à l’Espagnol 4. La « Gigue la
badine » est l’une des deux pièces de ce livre portant un titre identique. Le
« Rondeau champêtre » est une pièce simple de style paysan. La suite est
complétée par une « Passacaille » et une « Fugue gaye ».
Le « Tombeau pour Mr de Sainte-Colombe » est la pièce majeure de cette
suite. Marais y rend hommage à son maître. Bien que la musique de Sainte-
Colombe ne fût pas répandue à l’époque, plusieurs manuscrits de ses
compositions nous permettent d’imaginer son style de composition et sa
technique. Mais Marais n’a pas essayé d’imiter son maître dans cette pièce.
Les agréments plaintifs tels que le pincé ou flatement et plainte 5 ou le coulé
de doigt 6 accentuent le caractère poignant, de même que la tessiture aiguë
dans laquelle évolue la ligne mélodique principale.
Dans son avertissement du deuxième livre, Marais fournit les possibilités
d’orchestration suivantes :
« J’ay eu attention en les composant a les rendre propres pour etre jouéés sur
toutes sortes d’instrumens comme l’Orgue, Clavecin, Theorbe, Luth,
Violon, Flûtte allemande, et j’ose me flatter d’avoir réussy en aiant fait
l’épreuve sur ces deux derniers : Les Basses continües en sont assés chan-
tantes, ce qui contribuera beaucoup a la facilité des personnes qui voudront
bien se donner la peine de les mettre sur Chaque instrument en particu-
lier. » 7
Il répète ces idées dans son troisième livre, avec un petit changement :
« Il est encore à propos d’avertir le public que la pluspart des pièces qui
composent ce troisième livre se peuvent joûër sur plusieurs autres instru-
mens comme l’Orgue, le clavesin, le violon, le dessus de viole, le theorbe,
la guitarre, la flutte traversiere, la flutte a bec et le hautbois ; il ne s’agira que
d’en sçavoir faire le choix pour chacun de ces instrumens. » 8
La répétition de ces idées dans son quatrième livre et l’indication simi-
laire de son fils 9 nous confirment que cette pratique était courante.
Quelques manuscrits contiennent d’ailleurs des pièces de Marais transcrites
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pour d’autres instruments. Deux recueils de transcriptions pour le pardessus


de viole à cinq cordes datant de 1759 et 1762 (de la collection de Jean
Villeneuve) contiennent plus de trois cents pièces de Marais. Un menuet du
deuxième livre de pièces de viole apparaît dans le Ve Recüeil de Danses de
Bal (Paris, 1706) avec une chorégraphie pour quatre danseurs. La célèbre
musette de son troisième livre existe quant à elle dans la collection des cho-
régraphies de Pécours de 1713 10.
Michel de la Barre était un contemporain de Marais qui travailla en tant
que flûtiste et obtint en 1704 le poste d’hautboïste et joueur de musette à la
Chambre et à la Grande Écurie du Roi. En 1700, Marais joue dans l’or-
chestre du Triomphe des arts, opéra de La Barre. Trois ans après, dans
l’avertissement de ses Pièces pour la flute traversière, ce dernier évoque un
Marais « qui s’est donné tant de peines et de soins pour la perfection de la
viole et qui y a si heureusement réussi ». La Barre publia par ailleurs deux
livres de pièces en trio pour deux flûtes traversières et basse continue datant
de 1694 et 1700.
Enfin le « Tombeau » du manuscrit de Concerts à deux violes esgales est
l’œuvre de loin la plus connue de Sainte-Colombe. La pièce comporte plu-
sieurs sections intitulées Les regrets, Quarrillon, Appel de Charon, Les
pleurs, Joye des Elizées et Les Elizées, formant un tombeau au sens plus lit-
téraire du terme que ceux de Marais. Le copiste de ce manuscrit indique :
« on finit sans y adjouster les chants Elizées comme contraires au reste ».
On retrouve dans les œuvres de Sainte-Colombe l’origine de nombreux
agréments de Marais ainsi que la base de son style.

RICHARD SUTCLIFFE

1. Marin Marais, Basse-continuës des pièces à une et deux violes (Paris, 1689).
2. Le tombeau pour Lully figure dans le deuxième livre de pièces publié en 1701 et celui
pour Marais le cadet dans le cinquième livre, publié en 1725. Étant donné que deux des
fils de Marais sont morts peu avant la publication on ne sait pas à qui exactement ce tom-
beau est dédié.
3. Jean Rousseau, Réponse de Monsieur Rousseau a la lettre d’un de ses Amis qui l’avertit
d’un Libelé diffamatoire que l’on a écrit contre luy, Paris, 1688, p. 2.
4. Voir Wendy Hilton, Dance and Music of Court and Theater, Stuyvesant, New-York,
Pendragon Press, 1981, p. 36.
5. Deux types d’agréments qui ressemblent au vibrato moderne.
6. Une sorte de glissando.
7. Marin Marais, Pièces de viole [2e livre], (Paris, 1701).
8. Marin Marais, Pièces de viole [3e livre], (Paris, 1711).
9. Roland Marais, 2e livre de pièces de viole (Paris, 1738).
10. Dorothée Wortelboer, A Choice Collection of Dances, livret de CD, 2002.

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