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PROPERTY OF

Wunsiyof
Michiura 多

1817
ARTES
உனக
SCIENTIA VISITAS
ang
3
5

4
ENCYCLOPÉDIE
DES

GENS DU MONDE.
IMPRIMÉ
PAR LA PRESSE MÉCANIQUE DE E. DUVERGER ,
RUE DE VERNEUIL , N ° 4 .
ENCYCLOPÉDIE
DES

GENS DU MONDE ,
RÉPERTOIRE UNIVERSEL
DES SCIENCES , DES LETTRES ET DES ARTS ;
AVEC DES NOTICES
SUR LES PRINCIPALES FAMILLES HISTORIQUES
ET SUR LES PERSONNAGES CÉLÈBRES, MORTS ET VIVANS ;

PAR UNE SOCIÉTÉ


1) F. SATANS, DE LITTÉRATEURS ET D'ARTISTES , FRANÇAIS ET ÉTRANGERS..

TOME SECOND .

PARIS.
LIBRAIRIE DE TREUTTEL ET WÜRT Z ,
RUE DE LILLE , N ° 17 ;
STRASBOURG , Grand'RUE, Nº 15. — LONDRES, 30, souO - SQUARE.

1833
AE

prol
Trenep,
Burgersdijk AVIS.
10-24-29
19619

Après un léger retard , occasionné par le temps des vacances , nous


offrons au public ce nouveau volume de notre Encyclopédie : nous nous
dtworfor

flattons qu'ily reconnaitra, ainsi qu'il l'a fait dans le second , un progrès
toujours croissant. Afin de le dédommager d'une attente de quelques
semaines, nous avons pris des mesures pour quele troisième volume soit
suivi du quatrième à un très court intervalle. Nous ferons tous nos efforts
pour pouvoir , sans nuire à la maturité dontnous cherchons à former le
principal caractère de notre ouvrage , publier pendant l'année 1834
>

cinq volumes ou livraisons.


L'importance de la lettre A ne nous a pas permis de la terminer
dans le volume que nous publions ; mais , en consacrant à cette lettre
>

encore quelques feuilles du quatrième, nous n'excédons pas les limites


qui nous sont tracées. Non-seulement la lettre A , la plus forte de
l'alphabet avec la lettre C , se compose de près de 3000 articles ( y
compris les renvois ) , mais un grand nombre de cesarticles , tels que
>

noms de pays et de parties du monde , appartiennent à la première


classe , à celle où les longs développemens sont justifiés et rendus
indispensables par l'importance du sujet. On en jugera par l'extrait
ci-joint de la nomenclature de nos trois premiers volumes , extrait
dans lequel même la biographie n'est pas comprise:
Académie. Ame . Arabes ( langue et litt. )
Accompagnement. Amérique. Arabie .
Accords. Amortissement . Arbitrage.
Accouchement. Amour . Arbre.
Acides. Anatomie . Archéologie.
Aérostat. Anciens. Architecture.
Afrique. Anglaises ( langue et litté- Arithmétique.
Agriculture. rature). Armée .
Air . Angleterre. Arméniens ( hist. langue ,
Algèbre. Animal. littér. et religion des).
Alger. Année . Armes .
Allemagne. Antique . Art.
Allemandes (langue et litt.) Antiquités. Artillerie.
Alphabet . Appel. Asie .
9
1
1
SIGNATURES

DES AUTEURS DU TROISIÈME VOLUME .

MM. MM .
ANDERS.. G. E. A. GUILLEMIN . G.
ANDRAL. G. A-L. GUILLON ( l'évêque). . . . M.N.S.G.+ .

ARTAUD ( l'inspecteur). A-D . GUILLON DE MONTLÉON


BERR ( Michel ) O M. B. ( l'abbé) G. DE M.
BERVILLE. S. A. B. HAUSSARD .
H - D.
CAHEN.. S. C. HITTORF . J. H.
CARETTE (le lieut.-colonel) . C-TE . | HuoT . J. H - T.
CASTÉRA. C - A . JOUFFROY .
T. J.
CHAMPOLLION - FIGEAC. Ch. F - c . KANNGIESSER (à Breslau ). P. F. K.
CHAMROBERT (de). . P. C. KLAPROTA KL .
CHARLIER. C-R. Koch (le colonel ). . Cel K.
CHOPPIN D'ARNOUVILLE. . E. C. D. A. LABOUDERIE (l'abbé de). J. L.
COCTEAU . T. C. LAFARGUE
L-E.
CORBIÈRE ( Édouard , au
LEBRUN (Isidore) . I. L. B.
Hâvre ). E. C. LECLERC - THOUIN . O. L. T.
CORNUDET C-T. LEDHUY .
L. D.
COURNOT . A. C. LEFEBVRB -CAUCHY . L. C.
CRESSEN J. F. C. LEGRAND A. L - D .
Croi (Raoul de, à LaGuer LE Roy ( Onésime ). . .
On. L. R.
LEVASSEUR
che ) . R. D. C. J. C. V. L.
DÉADDÉ ..
D. A. D. MICHELET J. M.
DEHÈQUE. F. D. NÉGRIER . N- R.
DEPPING D -G . NUNEZ DE TABOADA .. N. D. T.
DERODE... OzENNE (Mlle Louise) . . L. L. O.
D-E. .

DUFAU . J. T. P.
P. A. D. PARISOT ( de la marine ). . •

Dumas (le comte Mathieu ). Ce M. D. PARISOT ( Valérien ). . . VAL . P.


DUMERSAN . PELOUZE
D. M. P-ZE.
Fayot . PERNOT .
F- T. .
P-T.
FORTIA D'URBAN (le mar RATHERY . R-Y.
quis). . . F. D’U. RATIER (Félix ) . . . F. R.
GALIBERT L. G. RATIER (Victor ). . V. R.
GENCE . RAVIECKIO DE PERETS
G - CE .
GÉRANDO (le baron de). D. G - o . DORF (le général ). . . . Gal R.
GOEPP J. J. G. REINAUD •
R.
GOLBÉRY (de , à Colmar ). P. G - Y . SAIGEY S-Y.
GUÉRIN .
GUIGNIAUT .
G-N.n SAVAGNER (Auguste) . .
A. S-R .
G
G-N-T. SCANITZLER ( J.-H.) . S. et J. H.S.
LISTE DES COLLABORATEURS.

MM. MM.
SIMON... S.N. TANSKI. .
J. T-1.
SPACH L. S. Viel-Castel (Henri de ).
S- P. VILLENAVE . V- VE .
SPURTZHEIM ( le docteur ).
STOEBER (à Strasbourg ). . E. ST. Waltz . W-Z

Les lettres C. L. indiquent que l'article est traduit du Conversations- Lexicon.


C. L. m. signifie Conversations - Lexicon modifié .
ENCYCLOPÉDIE
DES

GENS DU MONDE .
1000000-00000 " colocovacsem 600cococooooooooooo

A ( suite de la lettre ).
ANQUETIL - DUPERRON (ABRA - relation particulièrede ses voyages. Cet
HAM -HYACINTHE ), un des Français les ouvrage , à l'époque où il parut , fit une
plus érudits du xvi1e siècle , s'est rendu grande sensation. Jusque-là on ne connais
- ienne Perse
célèbre par ses voyages dans l'Inde , et sait sur les doctrines de l'anc
par la découverte qu'il fit d'une partie que les fragmens trans mis par les Grecs et
des livres de Zoroastre. Frère de l'histo- les Romains, et les témoignages suspects
rien Anquetil ( voy. t. I , p. 799 ) , il na- des Musulmans et des autres peuples
quit à Paris, en 1731. Après avoir étudié asiatiques d'une existence récente. C'est
l'hébreu et ses dialectes, l'arabe et le à ces fragmens et à ces témoignages qu'a
persan , plein d'ardeur pour la science, il vait dû se borner le laborieux Hyde dans
s'enrôla en 1754 , comme simple soldat
> son livre De veteri religione Persarum .
pour l'Inde, mais il dut à Malesherbes et Anquetil offrait enfin à la curiosité des
à l'abbé Barthélemy de s'embarquer à Européens les monumens originaux de
Lorient , libéré du service militaire , et ces doctrines, ou du moins des monu
avec un secours d'argent accordé par le mens d'une autorité incontestable . Mal
roi. Arrivé dans l'Inde et après avoir par- heureusement Anquetil manquait de la
couru dans tous les sens cette vaste pres- patience et de la sagacité qu'exigeait une
qu'île, il se fixa à Sourate où se trouve pareille tâche. Pendant son séjour à
encore une colonie de Guèbres ou ado- Sourate il s'était hâté de faire sous la
rateurs du feu , que le fanatisme des Mu- dictée des destours une version littérale
sulmans avait obligés de quitter la Perse. des livres qu'il se proposait de publier .
Aussitôt il s'occupa de gagner la con Mais il ne s'était rendu
fiance des destours ou prêtres parses , et valeur précise de pas
chaque compte
mot de la
; il n'avait
se fit initier par eux à la connaissance pas même acquis une connaissance vrai
des livres de Zoroastre ; il parvint même ment approfondie des langues persane
à se faire céder une partie de ces livres et indienne qu'il entendait parler . De là,
écrits en zend , en pehlvi et en sanscrit.outre des erreurs de détail , on remar
Quand il se vit en possession de maté- que dans ses traductions une gêne et
riaux suffisans, il retourna en Europe mème une obscurité qui en rendent l'u
en 1762 , et se mit en devoir de les com- sage peu commode. A ces graves incon
muniquer au monde savant. Il avaitrap - véniens s'est jointe une précipitation
porté de l'Inde 100 manuscrits. L'ou- dans l'impression de l'ouvrage qui a exi
vrage où sont consignés les principaux gé un errata considérable . Aussi le tra
résultats de ses recherches parut en 1771, vail d’Anquetil donna lieu , dès sa nais
sous le titre de Zend - Avesta , 3 vol. in- sance, à une foule de commentaires et de
4° ; il consiste dans une traduction lit- dissertations qui sont loin pourtant d'a
térale du Vendidad ( voy .) et autres li- voir levé toutes les difficultés. Le prin-.
vres sacrés des Guèbres , précédée d'une cipal de ces commentaires est celui qui
Encyclop. d . G. d . M. Tome II. 1
ANQ (2) ANS
accompagne la traduction allemande du ANSCHAIRE (SAINT), appelé Ans
Zend-Avesta par Kleuker. Les livres ori- gar dans une charte de Louis-le-Débon
ginaux apportés par Anquetil de l'Inde naire , surnommé l'apôtre du Nord , na
>

ainsi que ses propres manuscrits, y com- quit en Picardie le 8 septembre 801 , et
pris les brouillons qu'il avait écrits à fut élevé dans la vieille Corbie , d'où il
Sourate , se trouvent maintenant recueil passa à Corvey en Westphalie. Il fut
lis à la bibliothèque royale de Paris. Il chargé du soin d'enseigner les lettres
est donc permis d'espérer qu'on arrivera dans la nouvelle abbaye et d'instruire le
tôt ou tard à une solution plus ou moins peuple. Le zèle et la capacité dont il fit
complète. En ce moment deux orienta- preuve dans ces fonctions lui méritè
listes, M.Burnouf à Paris et M. Olz- rentl'estime publique.
hausen à Kiel dans le Danemark , sont Harold ou Hériold , roi de Danemark,
occupés à reproduire une partie du avant de quitter Mayence où il avait
Zend -Avesta dans le texte original , avec reçu le baptême , pour retourner dans
une traduction et des notes. Le premier ses états , demanda des missionnaires qui
s'est surtout aidé des commentaires en pussent y introduire le christianisme
sanscrit , et le second des commentaires qu'il venait d'embrasser. On lui donna
en pehlvi, deux langues qu'Anquetil con- Anschaire,quipartitavec Autbert et ob
naissait faiblement. Ces deux entreprises tint d'abord de grands succès,mais qui fut
fourniront nécessairement des vues nou- obligé de s'enſuir à la suite d'Harold, dont
velles , et les savans auront sous les yeux la violente ardeuravait soulevéles Danois.
un moyen de critique qui leur manquait. Biørn , roi de Suède, envoya peu
Parmi les autres ouvrages d’Anquetil après des ambassadeurs à Louis -le-Dé
nous citerons sa Législation orientale, bonnaire; Anschaire les suivit à leur dé
1778 ; Recherches historiques et géo- part et obtint du roi la permission deprê
graphiques sur l'Inde , 1786 ; L'Inde en cher l'évangile dans son royaume. Ses
rapport avec l'Europe, 1790 , 2 vol. in- prédications furent accompagnées d'un
8º ; Oupnek’hat ou Upanischada ( ex - succès éclatant; Anschaire baptisa un
traits des Vedas), 1804 , 2 vol. in-4°. grand nombre de prosélytes , bâtit une
C'est une traduction latine de la version église, et revint dans son monastère en
persane des Oupnek’hatou Secrets qu'il 831. L'année suivante, le pape Grégoire
ne fautpas révéler. IV le nomma legat du saint-siége et pre
Nous avons dit qu'Anquetil était d'un mier archevêque de Hambourg. Après la
caractère ardent et impétueux : on en ruine de cette ville par les Normands ,
peut juger , par la relation de ses voyages en 845 , Anschaire se réfugia à Brême ,
>

qui sert d'introduction au Zend-Avesta , d'où il dirigeait les restes de son trou
et qui par la chaleur dont l'auteur était peau dispersé par les barbares. L'évêque
pénétré , offre une partie de l'intérêt des de Brême étant mort en 849 , le roi
Confessions de Jean - Jacques Rousseau. Louis unit les deux évêchés de Ham
Anquetil , à la fin de sa vie , avait pres- bourg et de Brême , sous la direction
que rompu tout commerce avec les hom- d’Anschaire. Le pape Nicolas Ier le dé
mes ; il se nourrissait d'herbes à la ma-
clara son légat pour prêcher l'évangile
niere des brahmines,2 dont il vantait chez les Suédois , les Danois , les Slaves
beaucoup le régime austère ; il mourut à et les nations voisines.
Paris l'an 1805 . R. Anschaire retourna en Danemark ,
ANQUETIL DE BRIANCOURT , sous la protection du roi Éric , pour re
troisième frère du précédent , fut aussi médier aux désordres que son absence
envoyé dans l'Inde, avec diverses mis- avait causés et que n'avaient pu arrêter les
sions , sous les auspices de Malesherbes, missionnaires qui lui avaient succédé. Il
en 1756 , et il se trouvait encore à Sou- parvint , à force de travaux , à faire re
>
rate en 1760. C'était un homme savant : fleurir la religion chrétienne. Il fit aussi
il'favorisa les recherches et fut utile aux un voyage en Suède , où il réussit égale
immenses travaux d’Anquetil - Duper- ment à extirper les abus qui s'étaient
ron. V-E. glissés dans l'église.
ANS (3) ANS
Couvert de gloire par tant de conver tiers où elles se tenaient étaient au
sions , il retourna à Brême , où il mou- nombre de quatre : le quartier venède
rut le 3 février 864 , suivant la Biogra- comprenant les côtes de la mer Baltique,
phie universelle , et 865 suivant Godes- le westphalien , le saxon et celui de
card. Il avait écrit plusieurs ouvrages , Prusseou Livonie
de . La ligue, placée
mais il ne nous reste qu'un petit nom- sous la protection des grands -maitres
bre de lettres et la Vie de saintWillehad, de l'ordre Teutonique , était alors mai
premier évêque de Brême , écrite avec tresse exclusive du commerce de la
beaucoup de sagesse et d'élégance. Elle Baltique; elle équipait des flottes puis
fut imprimée à Cologne, en 1642, avec santes , faisait la guerre aux princes du
2

la vie de saint Anschaire par saint Rem- Nord et recevait des envoyés des princi
bert , in -8 °, dans l'Histoire des Béné- paux états de l'Europe . Cette situation
dictins de dom Mabillon et ailleurs. J. L. florissante excita l'envie des souverains ;
ANSE, golfe peu étendu, petit enfon- des divisions intestines entre les cités al
cement de lamer dansles côtes. Un golfe liées les secondèrent dans leurs projets
peut avoir des anses ; plusieurs ports contre la ligue. Vers le commencement
sont situés sur une anse ou même ne sont du xve siècle , sa puissance commença
pas autre chose. à décliner , par les restrictions qui fu
ANSÉATIQUES ( VILLES). On écrit rent apportées à son commerce. Les ef
aussi hanséatiques, du mot hansa , si- forts qu'elle fit pour se maintenir dans
gnifiant en bas-allemand une association ses priviléges épuisèrent ses ressources ,
ou corporation quelconque. La Hanse ou et plusieurs villes quittèrent une alliance
Ligue anséatiqueprit naissanceau milieu devenue ruineuse. La découverte des In
du xi11° siècle, etelle eutpourorigine l'al- des , qui changea entièrement les rap
liance que conclurent, à ce qu'on croit, ports commerciaux , les progrès de l'in
Hambourg et Lubeck en 1241 , afin de dustrie et de la navigation dans les Pays
garantir à la fois leur commerce contre Bas , plus que tout le reste enfin le réta
>

les pirates des mers du nord , et leurs blissement de l'ordre et de l'autorité


franchises contre les princes d’Empire publique qui rendait inutile une associa
qui entouraient leur territoire. Les avan- tion née au sein de l'anarchie féodale
tages quirésultèrentpour ces deux villes pour la protection des intérêts indus
d'une telle union furent promptement triels , durent entrainer sa chute. Elle
sentis , et quelques autres cités de cette fut consommée dans le cours de la guerre
partie de l'Allemagne demandèrent à у de trente ans , et déjà vers le milieu du
être admises. Dans le siècle suivant , la xviº siècle l'ancienne ligue ne se trouva
ligue devint , par les progrès de son com- plus représentée que par trois villes , Lu
merce et de sa marine, une puissance beck,Brême et Hambourg ( voy.ces noms),
imposante. Le nombre des villes alliées encore unies par un lien fédératif, et dont
s'accrut considérablement. Vers le milieu les deux premières seulement purent
du xive siècle , cette confédération s'é- obtenir le titre de villes impériales. Cette
tendait depuis les bords de l'Escaut et association était au reste plutôt munici
du Rhin jusqu'au fond de la Livonie , pale que politique. Momentanément dé
et plusieurs citésdel'intérieur s'y étaient truite par Napoléon , elle a été rétablie
associées ; on en comptait jusqu'à 85. Le jusqu'à un certain point par l'acte con
premier acte connu d'une confédération stitutif de la Confédération germanique.
générale fut rédigé à Cologne en 1364. Sartorius, Histoire de la ligue anséati
C'est la période la plus brillante de que , 2 vol. in - 8 °, 2e édition . P. A. D.
l'existence de la ligue anséatique. Les ANSEAUME >, souffleur, sous -di
députés de plus de quatre-vingts villes recteur et auteur très utile à la comédie
paraissafent alors dans les assemblées italienne , a donné à ce théâtre un grand
triennales qui se tenaient régulièrement nombre de pièces dont plusieurs ont eu
à Lubeck , regardée comme le chef-lieu un succès long-temps soutenu , entre
de l'association. Il y avait en outre des autres Le Peintre amoureux de sonma
assemblées de cercles; les villes et quar- | dèle, Le Soldat magicien 3, Les deux
ANS (4) ANS
Chasseurs et la Laitière, L'école de la Dans les années 1738 et 1739 , il fit en
jeunesse ou le Barnevelt français, Le Amérique et à la côte de Guinée, son
Tableau parlant. L'auteur les a recueil- quatrième voyage, dans lequel il remplit
lies lui-même pour la plupart en 1766 , avec habileté une mission de conciliation
en 3 vol. in - 8 °. Son talent se trouve bien auprès des Français. Il réussit , et rendit
apprécié dans la correspondance de la sécurité au commerce que ses compa
Grimm , août 1763 et février 1765. Il triotes faisaient dans ces parages .
avait beaucoup de facilité et de naturel , Nommé , en 1740 , commandant de
mais peu d'élégance et de correction . la flotte chargée de ruiner les établisse
Anseaume mourut à Paris en 1784. L. C. mens des Espagnols dans les mers du
ANSELME ( SAINT ) , d'abord abbé | Sud , il revint aussitôt en Angleterre, où
du Bec , en Normandie , puis archevêque il prit , après les longues hésitations de 1
de Cantorbéry , né à Aoste en 1034 , son gouvernement, le commandement de
mourut en 1099 , suivant la chronique cinq vaisseaux et detrois autres bâtimens. 1
d'Eadmer , son disciple et auteur de sa Des tempêtes l'empêchèrent , pendant
vie. Le zèle du prélat pour la défense trois mois, de doubler le cap Horn ; il
des prérogatives de son clergé contre le fut séparé même de ses vaisseaux et >

pouvoir du prince, et sa sévérité dans obligé d'aller mouiller à l'ile de Juan


les discussions qui s'élevèrent entre le Fernandez. Trois de ses vaisseaux le re
roi d'Angleterre et le pape pour l'inves- joignirent sur cette côte. Après s'y être
titure des bénéfices, le firent exiler d’An- reposé trois mois , Anson fit voile vers la
gleterre , et ensuite rappeler et éloigner ville de Payta , qu'il prit , pilla et brûla ;
de nouveau. Mais sa constance patiente il se retira à l'approche des forces espa
contribua enfin, avec la condescendance gnoles , et se dirigea , au nord , sur Aca
du pape sagementménagée , à tout con- pulco; mais il n'y fit que quelques ri
cilier . Outre ses écrits de théologie rai- ches prises, résultat fort inférieur à celui
sonnée, il est auteur de Méditations et au- qu'il s'était d'abord promis. Il fut bientôt
tres oeuvres pieuses et ascétiques.D. Ger- obligé de brûler trois de ses vaisseaux et
beron a publié à Paris,en 1675, une bonne de se réduire au seul Centurion , qu'il
édition in -fol. des OEuvres de saint An- montait. Dans cet état , il se dirigea vers
selme, G-CE. la mer des Philippines , où ses matelots
ANŞON ( GEORGE ) , est regardé et lui manquèrent de périr du scorbut
par les Anglais comme l'un de leurs et par suite de graves accidens. A Ti
premiers marins. Troisième filsde Wil- nian,il rétablit la santé de son équipage;
liam Anson , seigneur de Shuckborough, ensuite , il alla renouveler ses vivres å
il naquit en 1697 dans le Straffordshire. Macao. C'est dans cette île que , sur
Son imagination le porta , dès l'enfance, quelques renseignemens, il conçutlehardi
>
vers la carrière des armes. Il s'engagea projet d'enlever un galion qui allait sor
au service de la marine , et conquit ses tir d'Acapulco . En conséquence , il fei
grades l'épée àà la main . Il devint suc- gnit de reprendre le chemin de l'Europe
cessivement contre - amiral de la Bleue et et répandit lui-même la nouvelle de son
de la Blanche , vice-amiral , pair , pre- retour ; mais au lieu de se diriger sur les
mier lord de l'amirauté , et enfin , en îles de la Sonde , il fit voile , dès qu'on eut
1761 , amiral commandant en chef des perdu sa trace, sur les Philippines , et s’é
flottes anglaises . Des talens supérieurs tablit près du cap Spiritu -Santo ; il y at
et des traits d'un beau courage justifiè- tendit en vain pendant un mois ; à la fin ,
rent chacune de ces distinctions . le galion parut, conduit sous une forte
Voici le tableau succinctdesprincipaux escorte d'Espagnols; mais l'apercevoir ,
événemens de la vie maritime d’Anson. courir dessus , l'attaquer et l'enlever 7

De 1724 à 1735, ilfit trois fois, comme malgré la vive résistance de l'escorte, fut
commandant de plusieurs vaisseaux , le l'affaire d'une heure de combat. Anson
à la Caroline du Sud. Il bâtit une conduisit sa belle prise à Macao. Là , il
voyage
ville à laquelle il laissa son nom ; ce nom eut encore occasion de défendre énergi
devint ensuite celui de toute la province . I quement les droits de son pavillon contre
ANS (5) ANS
les prétentions du gouvernement chinois. | lier grand -croix de l'ordre de S. Alexan
Il revint ensuite en Europe par le cap de dre Nefski, etc.
Bonne-Espérance. C'est le 15 juin 1744 Anstett naquit à Strasbourg et y reçut
qu’Anson fut de retour dans les eaux de une bonne éducation . En 1789 il alla
Spitead , après une absence de près de en Russie où il fit sa carrière. Étant en
quatre années. Le cabinetde Saint -James tré au service militaire, il arriva au grade
combla cet illustre marin de richesses et de capitaine ; mais en 1789 il fut reçu
d'honneurs.
au Collége de l'empire , et il resta depuis
En 1747 , il se mesura avec avantage ce moment attaché au département des
contre six vaisseaux de ligne français, affaires étrangères. Son avancement fut
commandés par Lajonquière ( voy.); qua- assez rapide : envoyé en Prusse en 1794
tre ans plus tard , il fut nommé premier il accompagna le roi dans sa campagne
lord de l'amirauté. Sous son ministère , contre la Pologne , fut ensuite chargé de
l'Angleterre perdit Minorque. En 1758 , régler les frontières entre la Prusse et la
Anson commanda la flotte quidébarqua Russie , et plus tard employé pour la li
des troupes anglaises à Brest, à Saint- quidation des dettes polonaises. Ses ser
Malo et à Cherbourg ; il recueillit sur vices lui valurent en 1801 le titre ho
ses vaisseaux les restes battus de cette norifique de conseiller d'état ; puis atta
armée. En 1761 il fut nommé amiral. ché à l'ambassade de Vienne en qualité
Il mourut subitement au 'retour d'une de conseiller, il la géra à trois reprises
promenade qu'il venait de faire dans comme chargé d'affaires, et ne la quitta
>

son jardin de Moor - Park , le 6 juin que pour régler encore une fois les fron
1762.—Son Voyage autour du Monde, tières de la Russie , du côté de la Galicie
qui parut à Londres en 1746, fut tra- autrichienne. De retour à Saint-Péters
duit en français par Élie de Jon - bourg, en 1811, il devint l'année sui
court. F. F. vante directeur de la chancellerie diplo
ANSPACH et Ansbach , ancienne- matique du prince Koutousof, et , à la
ment la résidence des margraves d’Ans- mort de ce dernier, il accompagna l'em
pach-Baireuth , actuellement chef - lieu pereur Alexandre dans les campagnes
du cercle de la Rézat en Bavière , et de 1813 et de 1814. Il négocia au nom
siége des autorités ainsi que d'une cour de la Russie la convention de Kalisch , et
d'appel. Cette ville a 14,000 habitans , représenta cette puissance au congrès de
avec un beau château , un gymnase , et Prague, ainsi que dans la suite aux con
diverses fabriques. Dans le jardin du châ- férences qui produisirent le recès terri
teau se trouve le tombeau du poète Uz, torial de Francfort. Sans être placé en
natifde cette ville. Le 2 décembre 1790, première ligne , M. d'Anstett prit part
le dernier margrave , Charles- Alexan- aux négociations du congrès de Vienne ,
dre , céda , ainsi que cette principauté , et depuis la première réunion de la diète
celle de Baireuth dont il avait hérité de la Confédération germanique il est
en 1709 , à son héritier féodal , le roi de accrédité près de cette puissance fictive
> >
Prusse. Lady Craven était sa femme. En comme ministre de Russie. M. d'Anstett
1806 , le roi Frédéric -Guillaume III fut est âgé de plus de 70 ans ; ses titres et
obligé d'abandonner Anspach à son un assez grand nombre d'ordres sont la
vainqueur, Napoléon , qui en fit cession récompense de ses travaux. C. L. m.
à la Bavière . Voy. les articles "HOHEN- ANSTEY ( CHRISTOPHE ) , poète an
ZOLLERN (maison de ) et NUREMBERG glais né en 1724 , est surtout connu
(bourggraves de). C. L. coinme auteur du Nouveau guide de
ANSPACH ( MARGRAVE D’ ) , voy. Bath , 1766 , poème satirique d'un ca
CRAVEN ( lady ). ractère original , qui a eu une grande
ANSTETT ( JEAN PROTasius , baron vogue et dont il a été fait des éditions
d') , envoyé extraordinaire et ministre multipliées. Anstey a publié plusieurs
plénipotentiaire de la cour de Russie autres poèmes de peu d'étendue: la Cha
près de la sérénissime Confédération ger- rité , le Patriote , Hommage à Jenner ,
manique , conseiller privé actuel , cheva- l'inventeur de la vaccine, etc. Après sa
>
ANT ( 6) ANT
mort, arrivée en 1805 , tous ses écrits, de concert avec ceux quil'accepteront. »
qui respirent l'amour de l'humanité et Les Spartiates sacrifiaient ainsi tous les
prouvent beaucoup d'esprit et de goût, droits qu'ils ne se sentaient plus la force
ont été réimprimés avec luxe par son fils, de soutenir; et, pour mettre hors de cause
qui les a fait précéder de mémoires sur l'oppression déjà prescrite par le temps
la vie de son père. L. C. qu'ils exerçaient sur les Messéniens , ils
ANSSE DE VILLOISON , voy. firent aux Athéniens une concession ana
VILLOISON. logue. Les Thébains résistèrent un in
ANTALCIDAS (PAIX D'). L'histoire stant : mais ils furent obligés de rendre
a donné ce nom au traité conclu l’an l'indépendance aux villes de la Béotie.
387 avant J.-C. entre le roi de Perse Ar- Toutes les dispositions de cet important
taxerce et tous les Grecs, excepté les Thé traité sont très bien discutées dans l'ou
bains. Le navarque des Lacédémoniens, vrage allemand de Manso ,Sparta , t. III,
Antalcidas, homme rusé et sans foi, mais p. 93-108 . J. H. S.
politique habile, était allé à Suse , s'était
> ANTANACLASE , figure de rhéio
insinué dans la faveur du roi et avait ob- rique qui consiste dansla répétition d'un
tenu de lui une pacification avantageuse mot pris dans deux acceptions différen
à la Perse, humiliante pour les Grecs , tes. Les rhéteurs prétendent que celte
mais conforme aux veux des Spartiates répétition tend à donner plus de force
qui , après mille efforts infructueux, re- au discours, et ils citent pour exemple
nonçaient à l'empire de la mer, à condi- cette phrase latine : Veniam ad vos, si
tion que cet empire devint le partage de mihi senatus det veniam . Un jeu de
toute autre puissance que les Athéniens. mots peut bien graver mieux dans la mé
Car ces derniers, presque anéantis par la moire une proposition ou une assertion ;
prise de leur ville , s'étaient cependant mais la vraie éloquence ne tolère pas de
relevés sous Thrasybule et sous Conon : pareils concetti. D- G .
soutenus par la Perse dont l'intérêt était ANTAR , ancien guerrier et poète
de ne souffrir la prépondérance abso- arabe , était jusqu'ici connu en Europe
lue d'aucun état hellénique , ils avaient par un poème qui avait mérité d'être
relevé leurs murs , pris Byzance dont le suspendu , comme un ouvrage achevé , à
péage alimentait leur trésor , et rétabli la porte de la Caaba , et d'être compté
leur flotte. Alarmés de leurs progrès , à ce titre parmi les moallacas ( voy, ce
les Spartiates firent tous leurs efforts mot ). On ne savait rien au reste sur la
pour détacher la Perse de l'alliance avec personne d’Antar, sinon qu'il avait vécu
e
les Athéniens, et ils y réussirent en sa- un peu avant Mahomet , au vı° siècle de
crifiant les intérêts de la patrie commune. notre ère , et que ses exploits firent long
Les dispositions du traité conclu par temps le sujet des entretiens de ses com
Antalcidas et que tous les Grecs furent patriotes . Depuis quelques années il a
contraints d'accepter, mais qui soule-
7 plus vivement fixé l'attention des Euro
vèrent contre ses auteurs l'indigna- péens , à l'occasion d'un roman dontil
tion générale , nous ont été transmis par est le héros, et qui , écrit en arabe , a une
Xénophon ( Hell. V , 1 , 31 ) , dans les
> étendue d'environ 12 volumes in- 8 ° .
termes suivans : « Il a plu au roi Ar- Antar yy est représenté comme le fils d'un
taxerce que les villes grecques de l'Asie cheikh arabe, appelé Cheddad ; mais né
et parmi les îles, Clazomène et Cypre , d'une simple esclave , il fut relégué à la
lui restent soumises, mais que toutes les garde des troupeaux. En vain rachetait
autres villes grecques , les petites aussi il la bassesse de sa naissance par l'éléva
bien que les grandes, vivent dans l'indé- tion de ses idées et par ses exploits pro
pendance, à l'exception toutefois des digieux : ses compatriotes l'accablaient
iles de Lemnos, Imbros et Scyros qui, d'humiliations. Ce quiexcitait surtout la
comme anciennement, appartiendront jalousie , c'est qu'il était devenu amou
aux Athéniens. Il est décidé à combat- reux d'une de ses cousines appelée Ibla ,
tre par terre et par mer tous ceux des et qu'Ibla était recherchée par un jeune
Grecs quin'accepteraient pas cette paix, homme riche et puissant. Pareil à Her
ANT (7) ANT
cule, il ne parvint à désarmer l'envie qu'à M. Terrick Hamilton , secrétaire de l'am
force de travaux et de services. Enfin , bassade anglaise à Constantinople , sous
titre de Antar a Bedoueen, romance.
jugé digne de prendre place parmi les leLondre
chefs de sa nation , il épousa Ibla et ré- s C'est sur cette
, 4 vol. in-8°.
pandit la terreur de son nom, ainsi que le traduction qu'a été fait l'extrait publié
bruit de sa gloire poétique, en Perse, dans par M. de l'Ecluse , dans la Revue fran ,
l'Asie -Mineure et jusqu'en Europe. Le ro - çaise du mois de mai 1830, et accompa
man d’Antar présente le développement gné de réflexions dont quelques -unes
d'une grande idée morale. On y voit un nous ont servi pour la rédaction de cet
homme privé des avantages de la figure article. R.
et de la naissance , mériter par sa force ANTARCTIQUE , voy . ARCTIQUE .
d’ame, par la puissance de l'esprit et par ANTÉCÉDENT , terme de logique.
un indomptable courage , d'occuper le On appelle ainsi la proposition dont une
premier rang parmi les hommes. L'ou- autre découle ; un principe général qui
vrage est écrit d'un style noble et élevé. sert de base et d'appui à un fait douteux,
Le récit est en vers. L'auteur fait entrer à une idée particulière dont on conteste
dans son cadre tous les tableaux et tous la vérité. L'antécédent est la moitié d'un
les détails qui pouvaient donner une idée enthymème ( voy. ce mot ). Exemple :
des mours et des usages de l'Arabie avant Nous devons respecter tout ce qui pro
Mahomet. Aucun livre ne donne sur les tége la société ; donc , nous devons res
tribus arabes des renseignemens plus pecter les lois. La première partie de cet
abondans et plus dramatiques. Malgré enthymème prouve et implique la secon
l'immense quantité de personnages qui de, il la détermine comme conséquence :
y figurent et le grand nombre d'événe- c'est l'antécédent.
mens enchaînés les uns aux autres , il est Ce terme est aussi usité en théologie :
facile à comprendre , et jamais les épi- Est-ce par un décret ANTÉCÉDENT OU
sodes ne font oublier le sujet principal. SUBSÉQUENT à la prévision de leurs mé
Il resterait à savoir à quelle époque a rites que les hommes sont prédestinés à
été composé ce roman . On voit assez sou- la gloire du ciel ? Ce qui revient à dire :
vent revenir dans le récit les noms d'As- Le salut des hommes est - il décrété par
mai et d'autres écrivains des vıı° et vine la bonté de Dieu ou par sa justice; en
siècles ; mais ils nous paraissent être sim- raison ou abstraction faite de sa prévi
plement les auteurs que le rédacteur désion ?
finitif a mis à contribution. Un exem- En grammaire, l’antécédent est le
plaire appartenant à l'auteur de cet arti- mot qui précède le relatif. Exemple :
cle porte à la fin le nom d'un certain seyd L'homme qui meurt pour sa patrie ;
Youssouf, fils du seyd Ismaël, et il est pro- l'homme est l'antécédent.
bable que ce seyd Youssouf a fleuri après En mathématiques, l'antécédent d'un
les croisades, à une époque où la littéra- rapport , c'est le premier des deux ter
ture arabe produisit les romans de Bibars mes qui composent ce rapport; ainsi, dans
et autres semblables. Ce qu'il y a de cer- le rapport de 4 à 3, 4 est l'antécédent.
tain , c'est qu'Ibn -Khalecan et les autres On cite aussi, en style parlementaire, les
biographes arabes antérieursau xivºsiècle antécédens d'une assemblée délibérante,
de notre ère , ne font aucune mention de pour exprimer les décisions qu'elle a pri
l'ouvrage. Le roman d'Antarpartage avec ses dans des circonstances analogues , et
les Mille et une Nuits l'admiration des qui établissent pour elle une sorte d'obli
Orientaux, et il n'est pas de conteur arabe gation de suivre la même marche, le cas

qui n'en récite de mémoire divers épiso- échéant. Cette expression est aussi quel
:
des : c'est ce qui est cause des différences quefois usitée au Palais. Depuis peu on
que les copies présentent entre elles. L'ou- a commencé à lui préférer dans ce sens le
vrage a été traduit en turc ; quant aux mot de précédent(voy .). H-D.
versions en langues européennes , il ANTECHRIST ,7 du grec avti , con
n'existe jusqu'ici que la version anglaise tre , ét Xpisos , Christ. L'apôtre saint
de la première partie du roman , par Jean appelle antechrist celui qui nie que
ANT (8) ANT
Jésus soit le Christ; car quiconque nie quel pays il naîtra ;signes qui précéderont
le fils, ne reconnaît point le père ; 1re ľavénement et le règne de l'antechrist;
Epitre , II , 22. 23. quelle sera l'étendue de son empire; où se
Cependant on entend par antechrist trouvera le siége de cet empire; quelsera
un personnage, un être quelconque dont son nom ; quel sera son caractère ; vices
on ne peut se faire une idée juste , mais
> qu'on lui attribue; comment il s'annon
que l'on regarde généralement comme cera; par qui il sera reçu ; d'où viendra
un êtred'uneimmense puissance et d'une l'opposition à l'antechrist ; quel nom il
méchanceté égale à sa puissance. Et là- usurpera; quel culte on lui rendra; quelle 1

dessus on ramasse dansl'Écriture-Sainte persécution il suscitera contre les chré


quelques passages dont on compose un tiens ; sa mort , etc. Tout cela a été traité 1
portrait fantastique et que l'on donne fort au long , dans un livre de saint Hip
pour celui de l'antechrist. polyte ; dans Malvenda, De Antechristo,
Est -il vrai que saint Paul, dans la se- Lyon , 1647 ; dans Raban -Maur, dans
conde épitre aux Thessaloniciens, ait dé- la Bible de Vence, etc.
> J. L.
signé l'antechrist par l'homme de pé- ANTÉDILUVIEN >, antérieur au dé
ché ? Rien ne le prouve. luge (diluvium ). On nomme antédilu
Quelques commentateurs se sont ima- viennes des espèces animales qui ont existé
giné qu'il devait y avoir plusieurs an- avant le déluge et qu'on ne retrouve plus
techrists qui se serviraient successivement à la surface du globe depuis cette grande
de précurseurs , et ils citent cette parole révolution. C'est à l'état fossile qu'on a
de saint Jean : Il y a maintenant plu- retrouvé les ossemens de plusieurs ani
sieurs antechrists. Quelques autres écri- maux inconnus , ossemens qu'à une épo
vains ont cru que l'antechrist ne serait que peu éclairée on considérait comme
point un personnage, un être , soit hom- ayant appartenu à des géans , et que les
me , soit démon >, mais une association ,> travaux des savans de nos jours ont ras
une corporation de démons ou d'hom- semblés et réunis de manière à recompo
mes de péché. Autrefois une foule de ser en quelque sorte les animaux aux
protestans ont cru que le pape était l'an- quels ils avaient appartenu.
techrist. Le synode de Gap , tenu en On appelle aussiantédiluviens les hom
1603 , adopta cette vision comme un ar- mes qui ont existé avant le déluge et sur
ticle de foi. Thomas Malvenda assure lesquels régnaient une foule de croyances
que l'antechrist sortira de la tribu de étranges relatives à leur stature , à la du
Dan, et il appuie son opinion de plusieurs rée de leur existence, etc. Voy. DÉLUGE,
2

textes de l'Écriture-Sainte,qu'il explique FossileS , PALÆOTHERIUM. F. R.


à sa manière. Son système croule de lui- ANTÉE , voy. Géans.
même. ANTENNES (antennw ). On nomme
Saint Jérôme,Sulpice-Sévère et saint ainsi chez certains animaux des appen
Augustin nous apprennent que, de leur dices articulés, mobiles, rarement rétrac
temps, un grand nombre de personnes tiles , plus ou moins développés et placés
croyaient que Néron ressusciterait à la sur la tête , le plus souvent au nombre de
fin du monde pour être l'antechrist. deux , quelquefois au nombre de quatre.
Ce n'était ni Néron , ni Dioclétien qui La forme, le nombre ou la consistance
avait rempli le rôle d'antechrist , mais des articles qui composent les antennes
bien l'impie Mahomet, au dire d’Annius sont extrêmement variables et servent aux
de Viterbe , de Josse Clichton, etc. Plus entomologistes à établir des groupes et
tard on a vu l'antechrist dans Louis XIV, des genres dont les classifications sont
dans Guillaume III, dans Napoléon ; où fort nombreuses.
ne l'a - t -on pas vu ? On retrouve des variétés dans la plu
Cette grave question a occupé tous les part des classes d'animaux articulés. Plu
esprits depuis l'originedu christianisme, sieurs annélides ont cinq antennes, et
de même que les suivantes : temps au- certains crustacées en ont quatre, tantôt
quel doit paraître le véritable et dernier très petites , tantôt très longues , et que
antechrist; de quelle nature il sera ; dans le vulgaire appelle des cornes. La classe
ANT (9) ANT
des arachnides en est privée, mais celle fils. On dit qu'il trahit sa patrie pendant
des insectes est pourvue d'une paire de la guerre de Troie et qu'il entretint une
ces appendices. Leurs variétés sont sen- correspondance secrète avec les Grecs ,
sibles , non -seulement d'une espèce ou principalement avec Ménélas et avec
d'un sexe à un autre , mais encore dans Ulysse. Ce dernier s'était introduit dé
le mêmeindividu à deux époques diffé- guisé dans Troie ; Anténor le reconnut ,
rentes sa vie , dans l'état de larve et mais ne le découvrit pas. Homère repré
dans celui de nymphe. sente ce prince exhortant les Troyens à
On a prétendu que les antennes étaient mettre un terme à la guerre, en renvoyant
le siége de l'odorat ou celui de l'ouïe ; Hélène. Après la ruine de Troie , Anté
puis on a pensé qu'elles étaient les orga- nor se réfugia en Italie , où il bâtit Pa
nes du tact , et presque tous les savans doue sur les côtes de la Mer-Adriatique.
ont adopté cette opinion : cependant il Cette ville porta d'abord le nom de son
s'en est trouvé quelques -uns qui ont cru fondateur. Tite- Live le fait venir de Pa
qu'elles étaient le siége des organes mâles, phlagonie et aborder en Italie avec une
parce que certains crustacées saisissent colonie de Hénètes. G-n.
la femelle, pendant l'accouplement, avec Un sculpteur athénien, du nom d’An
leurs antennes : mais nulle expérience TÉNOR, avait fait les statues d'Harmodius
concluante n'a encore fixé l'incertitude et d'Aristogiton, qui furent enlevées d'A
des naturalistes à cet égard. Chez plu- thènes par Xerxès et qu'Alexandre-le
sieurs insectes elles servent évidemment Grand ou , suivant d'autres , Antioche
au tact et sont placées en avant comme renvoya en Grèce.Tite - Live (xliv, 28 )
pour diriger leur marche ; chez d'autres fait mention d'un Macédonien Anténor,
elles sont couchées en arrière, et leur qui commanda avec Callippus la flotte du
usage est tout- à -fait inconnu. Leur sup- roi Persée , et Ælien ( Anim . , XVII , 35 )
pression cause chez certains individus de parle d'un écrivain de ce nom , auteur
singuliers phénomènes, et chez d'autres d'une Histoire de Crète . S.
l'amputation est à peine sensible ou ne ANTÉ- PÉNULTIÈME , voy. Pé
produit aucun effet. Enfin , ces organes NULTIÈME.
offrent un si grand nombre de particu ANTÉROS , voy . ÉROS.
larités différentes que leur histoire est ANTES. Les Antes furent un peuple
aujourd'hui encore plus riche en hypo- sarmate que Jornandès et Procope nom
thèses qu'en observations décisives. ment avec les Vénètes et les Slaves >, en
On appelle aussi antennes certaines affirmant qu'ils appartiennent à la même
parties des poissons qui ont la forme de race (ab und stirpe exorti ). Après avoir
barbillons cylindriques , articulés , dont été long- temps soumis aux Goths, ils re
>

les parties postérieures de la tête sont couvrèrent leur indépendance à la mort


munies et qui présentent une sorte de du roiHermanric, et se répandirent dans
rapport avec celles des insectes. l'ancienne Sarmatie à la fin du ve siècle
En marine , les antennes ou vergues et au commencement du vi°. Procope
sont des pièces de bois suspendues à une ajoute (debello Goth.,. III, 4 ) qu'ils étaient
poulie qui croise le mât à angles droits divisés en une infinité de tribus qui s'é
et à laquelle la voile est attachée; on en tendaient jusque vers l'extrême septen
distingue ordinairement deux , la grande trion, mais qui parlaient la même langue
et la petite antenne. Elles ne servent qu'à ( slavonne ).
pousser le navire en avant. Elles sont par- Le nom des Antes , dont celui de Hé
ticulièrement affectées aux galères >, ché- nètes ne paraît être qu'une corruption ,
becs et autres bâtimens lalins dont la a eu peu de durée , tandis que les deux
voilure est triangulaire. Voy. VOILE , autres noms (Vénètes et Slaves ) se sont
>
VERGUE. D. A. D. perpétués. Leurs principales tribus éta
ANTÉNOR. Ce prince troyen , fils blies entre le Dnieper et le Dniester y
>

d'Æsyetes et de Cléomestre et parent de avaient pour voisins les Boulgares et les


Priam, avait épousé Théano, fille de Cis- Avares, peuples beaucoup plus puissans
séus , roi de Thrace, dont il eut dix -neuf que les Antes et qui paraissent les avoir
exterminés ou abAN T
sorbés en eux -mêmes. dait d'une famille très illustre
( 10 ) pl
On prétend pernedant que quDelques dé- avait été énipotenpatiAai
c e NT re en Perse, mai
bris des Antes, montant le nieper et tre de la milice et trice.
s'avançant ensuite même jusqu'au Vol . Son père
khof, sont devenus les fondateurs des deux et mAaNthTémHaÉtiMciIeUn , naarquchiitt ecà Tralscleuls,,ptville
métropoles russes, Kief et Novgorod. S. de la Lydie. Il véS, c dan te,vi siGèc-n.euler
ANTES ( architecture ) , voy. Pi- sous l'empereur Justutinien.sCele rivae l d'Ar
LAASTNRR .
THELMIN
TIQUES , mot dérivé tcrheimblemetns de terrme,oylee tonnd'erimreit etle,s
du gree , composé de @pecus, ver , et de éclairmsèd; eil avroaiuvtamleêsmefa itns er les
avri, contre, etqui signifie remèdes contre Vitellion, un miroir ardent dontildonne
le vers . Leaus anthelmintiques sont des mé-
discame la descri ption dans un livre qu'il a écrit
ns xquels on a reconnu ou sup- sur les machines singulière, sau, etraoù
pporiltedex
posé la propriété de détruireméou d'expul- plique , en quelque façon , comment Ar
ser les vers intestinaux. Ces dicamens chimède a pu brûler les vaisseaux ro
forment deux divisions bien distinctes: mains à l'aide de ses miroirs. Anthémius
l'une renferme des purgatifs qui chassent était versé dans la physique et la chimie ,
les vers en accélérant les contractions et peut - être même avait-il inventé la pou
intestinales ; les autres sont des substan- dre. L'empereur Justinien fit construire
ces pourvues de saveurs et d'odeurs très par lui plusieurs édCoifices entr autres
pr ononcées , et qui agissent sur les vers Sainte- Sophie de nstant, inopele. Les
comme de véritables poisons. Le plus co nnaisseurs admirent encore aujour
souvent on emploie simultanément ces d’hui le plan de ce magnifique édifice,
deux moyens.
an
Les thelmintiques les plus connus fondemAennts. t Isidor e duiesiMile
éCmeiduefu
t gloihre
sont l'ail, la cévadille, la mousse de Corse, eudotnla sleneteco
rmnsintrer
t qui
. Dt uqu
pueyleas
la fougère , l'écorce de grenadier , l'huile donné dans les Mémoires de l'Académie
animale, l'huile essentielle de térében- des Inscriptions et belles- lettres ( 1777),
thine , l'huile de ricins , la plupart des un fragment de l'écrit d'Anthemius, qui
amers. Les huiles fixes qui asphyxient contient des problèmes de mécanique et
les vers en bouchant leurs branchies , de dioptrique.
sont anthelmintiques; le vin , l'alcohol ANTHÈRE On nomme ainsi en bo
.
et l'éther les tuent également.
Parmi ces substances, il n'en est guère qui contient, dans to esut es les fleurs,la Gpo- us
N.
qui méritent de préférence bien motivée sitaèrni féecolandpaanrtteie ou
equ
sent
le iell
po lleende. L'l'an
étth
amèr
inee
sur les autres . Presque toutes réussissent or
est dinairement formée de deux petites
contre les vers lonıbrics; le tænia seul poches membraneuses, parfaitement clo
oblige à des tentatives réitérées , et sou- ses avant la fécondation , adossées l'une à
vent infructueuses. Voy. ASCARIDES , l'autre par un de leurs côtés ou réunies
LOMBRICS, TÆNIA.
Ce qu'ianl im porte d'observer dans l'em- férente qui poinrtteermle nom de connectif.
des thelmintiques , c'est que les Elpalersunsoco
ploi in ntrpatstachéesédà iaunirepedetitnafitulere
t pldi
usf
vers test inauxex ra
istent rement dans ou moins long , qui les soutient par
un canal digestif sain , que
employés pour les chasetser peuv mo ns base ou par le enlicoeuredepaleu
lesent agir rieure , ou bien mi
facsopo
r leur mmsteté.
d'une manière nuisible sur les parye ties Leur forme varie à l'infini r: ellees solent
ur
qui les renferment.
Un moyen simple et peu dangereux à longées, sagittée cordiforme rénifo
s, s,oïorde a r
employer chez les enfans consiste à leur sphéroetïd anthglèrobesuls'
c.alLeess ou euousevrs,enov
t di s,nail
faire boire un peu de vin pur , surtout rement à l'époque de l' ép an ouissement
mesdi
d'un vi pe alcoholique comme le vin de
n u s , fférentes parties de la fleur, afin que
de Bordeaux .
ANTHÉMIUS (Procopius) futF.emR.pe tilel,poetllqu moye n aclat fé
cont avco
ecndleatpi
iosn
IUSIl descen- puisse s'opeérpa
en soit rmice
s en
reur d'Occident au PveROsi
COècPle. er.

D. A. D.
ANT ( 11 ) ANT

ANTHING (FRÉDÉRIC), néà Gotha, par le vieux chemin de la Baltique et de


où il fut d'abord gouverneur des pages, l'Océan. La justesse et la nouveauté de
est mort en 1805 à Pétersbourg. Il avait ses spéculations acquirent à Anthoine une
suivi dans sa disgrace le feld -maréchal fortune considérable, dont il indique lui
Souvorof, qui, lors de sa désastreuse même la source dans son Essai histori
expédition contre la Pologne, se l’était que sur le commerce et la navigation de
attaché avec 'le titre d'aide-de-camp et la Mer - Noire ( Paris, an XIII ( 1805 ) in
en qualité d'historiographe. Anthing s'est 8° ). En 1786 il fut créé baron , et ' vint
surtout fait un nom comme peintre de s'établir à Marseille , qui s'honora de l'a
portraits à la silhouette, genre par lui voir pour maire. Quelques embellisse
mis à la mode dans les cours de Con- mens et la restauration de la place Cas
stantinople, de Vienne et de Berlin, qu'il tellane ont pu conserver son nom dans
avait successivement visitées de 1785 à cette ville. Sa femme , née Clary , était
1800 .
seur de l'épouse du général Bernadotte ,
On ne cite guère de lui que deux ta- aujourd'hui roi de Suède , et de l'épouse
bleaux qui se voient dans l'une des salles de Joseph Bonaparte. Le baron Anthoine
de la bibliothèque de l'Académie de St- est mort à Marseille en 1826. H - D .
Pétersbourg : ce sont des portraits en ANTHOLOGIE.Cemotgreccomposé
pied d'académiciens de cette ville. L'Al- de culos , fleur, et de dégelv ,> cueillir, si
bum d’Anthing, que l'on conserve à Go- gnifie en général un choix ou recueil de
tha, passe pourgenre
curieux de
l'un des recueils les plus pièces de vers ou de prose dans une lan
ce . gue quelconque; mais plus particulière
CHARLES Anthing , frère du précément et par excellence ce mot désigne
dent , fut lieutenant-général au service l'anthologie grecque. Nos choix de poé
du roi des Pays- Bas , et ancien gouver- sies fugitives, la fameuse guirlande de
neur général de ses possessions dans les Julie, l'anthologie latine éditée par Pierre
Indes -Orientales. Il est Gotha
mort à en Burmann, sont bien loin d'être des équi
1823 . P. C. valens des deux anthologies que nous ont
ANTHOINE (ANTOINE- IGNACF, ba- léguées Maxime Planudes et Constantin
ron DE SAINT - Joseph ), né à Embrun , Céphalas. La collection des petits poè
PH

département des Hautes -Alpes, en 1749, mes qui composent ces anthologies offre
était sorti d'une famille illustre dans la la plus riche galerie de tableaux de tous
robe ; mais il préféra le haut commerce les genres. La mythologie , l'histoire , les
à la magistrature, et fit tourner cette pro- arts, les monumens, les découvertes nou
fession de son choix à la découverte de velles en fournissent les sujets ; et pres
voies et de moyens nouveaux. Durant les que toujours, ils sont traités avec une
dix années qu'il séjourna à Constantino- grace et une précision qui enchantent.
ple , préoccupé de plans et de combinai- Ces petits poèmes portent le nom mo
liance commerciale entre la Russie ,
ilamot
sons vastes , il s'arrêta à un projet d'al-
la
deste d’épigrammes; mais le sens de ce
avait, chez les Grecs , plus d'étendue
Pologne et la France, ouvrant un débou- qu'il n'en a de nos jours ; et la perfection
ché par la Mer -Noire et par le Bos- où ils portèrent cette partie de la littéra
phore. Catherine II , amie de toutes les ture atteste bien qu'il avait été donné à
grandes entreprises, adopta avec chaleur ce peuple éminemment poétique de pri
une telle proposition ; et la France, éclai- mer dans tous les genres , depuis l'épo
rée par l'abbé Raynal sur la hardiesse pée jusqu'à l'épigramme. D'abord , l'épi
heureuse de ce plan , s'accorda avec la gramme ne fut qu'une simple inscription
Russie pour en assurer l'exécution, dont pour perpétuer la mémoire d'un fait ou
Anthoine fut chargé. Tout réussit à sou- d'une consécration . Elle décora ensuite
hait : des bois de construction , coupés les images des héros ; on la grava sur les
dans le fond de la Russie , arrivèrent tombeaux, sur les trophées ; elle accom
après trois mois de route, par le Dnié- pagna les présens de l'amitié , les dons
per , la Mer- Noire et la Méditerranée , faits à une maitresse. Par la voix d’Alcée ,
tandis qu'ils restaient trois ans en voyage elle inspira aux hommes l'amour de la
ANT ANT 1
( 10 )
exterminés ou absorbés en eux-mêmes. dait d'une famille très illustre. Son père
On prétend cependant que quelques dé- avait été plénipotentiaire en Perse, mai
bris des Antes , remontant le Dnieper et tre de la milice et patrice. G-N.
s'avançant ensuite même jusqu'au Vol- - ANTHÉMIUS , architecte , sculpteur
et mathématicien , naquit à Tralles , ville
khof, sont devenus les fondateurs des deux
de la Lydie. Il vécut dans le vie siècle,
métropoles russes , Kief et Novgorod . S.
ANTES ( architecture ) , voy. Pi- sous l'empereur Justinien . Ce rival d'Ar
LASTRE . chimède trouva les moyens d'imiter les
ANTHELMINTIQUES ,> mot dérivé tremblemens de terre , le tonnerre et les
du grec , composé de plus, ver , et de éclairs ; il avait même fait, au rapport de
årti , contre, et qui signifie remèdes contre Vitellion, un miroir ardent dont il donne
les vers. Les anthelmintiques sont desmé- la description dans un livre qu'il a écrit
dicamens auxquels on a reconnu ou sup- sur les machines singulières, et où il ex
posé la propriété de détruire ou d'expul- plique, en quelque façon , comment Ar
ser les versintestinaux. Ces médicamens chimède a pu brûler les vaisseaux ro
forment deux divisions bien distinctes : mains à l'aide de ses miroirs. Anthémius
l'une renferme des purgatifs qui chassent était versé dans la physique et la chimie,
les vers en accélérant les contractions et peut-être même avait-il inventé la pou
intestinales ; les autres sont des substan- dre. L'empereur Justinien fit construire
ces pourvues de saveurs et d'odeurs très par lui plusieurs édifices , entre autres
prononcées , et qui agissent sur les vers Sainte -Sophie de Constantinople. Les
comme de véritables poisons. Le plus connaisseurs admirent encore aujour
souvent on emploie simultanément ces d'hui le plan de ce magnifique édifice ,
deux moyens. dont Anthémius ne construisit que les
Les anthelmintiques les plus connus fondemens. Ce fut Isidore de Milet qui
sont l'ail, la cévadille, la mousse de Corse, eut la gloire de le terminer. Dupuy a
la fougère, l'écorce de grenadier, l'huile donné dans les Mémoires de l'Académie
animale, l'huile essentielle de térében- des Inscriptions et belles -lettres ( 1777),
thine , l'huile de ricins, la plupart des un fragment de l'écrit d'Anthémius, qui
>

amers. Les huiles fixes qui asphyxient contient des problèmes de mécanique et
les vers en bouchant leurs branchies , de dioptrique. G -N.
sont anthelmintiques ; le vin , l'alcohol ANTHÈRE. On nomme ainsi en bo
et l'éther les tuent également. tanique la partie essentielle de l'étamine
Parmi ces substances, il n'en est guère qui contient, dans toutes lesfleurs, la pous
qui méritent de préférence bien motivée sière fécondante ou le pollen. L'anthère
sur les autres. Presque toutes réussissent est ordinairement formée de deux petites
contre les vers lonıbrics; le tænia seul poches membraneuses, parfaitement clo
oblige à des tentatives réitérées , et sou- ses avant la fécondation, adossées l'une à
vent infructueuses. Voy. ASCARIDES , l'autre par un de leurs côtés ou réunies
LOMBRICS, TÆNIA. par un corps intermédiaire de nature dif
Ce qu'il importe d'observer dans l'em- férente qui porte le nom de connectif.
ploi des anthelmintiques , c'est que les Elles sont attachées à un petit filet plus
vers intestinaux existent rarement dans ou moins long , qui les soutient par leur
un canal digestif sain , et que les moyens base ou par le milieu de leur face posté
employés pour les chasser peuvent agir rieure, ou bien encore par leur sommet.
d'une manière nuisible sur les parties Leur forme varie à l'infini : elles sont
qui les renferment. sphéroïdales ou globuleuses, ovoïdes, al
Un moyen simple et peu dangereux à longées, sagittées, cordiformes , rénifor
>

employer chez les enfans consiste à leur mes , etc. Les anthères s'ouvrent ordinai
faire boire un peu de vin pur , surtout rement à l'époque de l'épanouissement
d'un vin peu alcoholique comme le vin des différentes parties de la fleur, afin que
de Bordeaux. F. R. le pollen soit mis en contact avec le pis
ANTHÉMIUS (PROCOPIUS) fut empe til, et que par ce moyen la fécondation
reur d'Occident au ve siècle. Il descen- puisse s'opérer. D. A. D.
ANT ( 11 ) ANT
ANTHING (FRÉDÉRIC), né à Gotha, par le vieux chemin de la Baltique et de
où il fut d'abord gouverneur des pages , l'Océan. La justesse et la nouveauté de
est mort en 1805 à Pétersbourg. Il avait ses spéculations acquirent à Anthoine une
suivi dans sa disgrace le feld -maréchal fortune considérable, dont il indique lui
Souvorof, qui, lors de sa désastreuse même la source dans son Essai histori
expédition contre la Pologne , se l'était que sur le commerce et la navigation de
attaché avec 'le titre d'aide-de-camp et la Mer - Noire ( Paris, an xii ( 1805 ) in
en qualité d'historiographe. Anthing s'est 8° ) . En 1786'il fut créé baron, et vint
surtout fait un nom comme peintre de s'établir à Marseille , qui s'honora de l'a
portraits à la silhouette, genre par lui voir pour maire. Quelques embellisse
mis à la mode dans les cours de Con- mens et la restauration de la place Cas
stantinople, de Vienne et de Berlin, qu'il tellane ont pu conserver son nom dans
avait successivement visitées de 1785 à cette ville. Sa femme, née Clary, était
1800. seur de l'épouse du général Bernadotte ,
On ne cite guère de lui que deux ta- aujourd'hui roi de Suède , et de l'épouse
bleaux qui se voient dans l'une des salles deJoseph Bonaparte. Le baron Anthoine
de la bibliothèque de l'Académie de St- est mort à Marseille en 1826. H-D.
Pétersbourg : ce sont des portraits en ANTHOLOGIE.Cemot greccomposé
pied d'académiciens de cette ville.L'Al- de avoos , fleur, et de légelv , cueillir, si
bum d’Anthing, que l'on conserve à Go- gnifie en général un choix ou recueil de
tha , passe pourgenre
curieux
l'un des recueils les plus pièces de vers ou de prose dans une lan
de ce . gue quelconque; mais plus particulière
CHARLES Anthing , frère du précé- ment et par excellence ce mot désigne
dent , fut lieutenant-général au service l'anthologie grecque. Nos choix de poé
du roi des Pays-Bas , et ancien gouver- sies fugitives , la fameuse guirlande de
neur général de ses possessions dans les Julie, l'anthologie latine éditée par Pierre
Indes-Orientales. Il est mort à Gotha en Burmann, sont bien loin d'être des équi
1823 . P. C. valens des deux anthologies que nous ont
ANTHOINE (ANTOINE- IGNACE, ba- léguées Maxime Planudes et Constantin
PH
ron DE SAINT- Joseph ), né à Embrun , Céphalas. La collection des petits poè
département des Hautes -Alpes, en 1749, mes qui composent ces anthologies offre
était sorti d'une famille illustre dans la la plus riche galerie de tableaux de tous
robe ; mais il préféra le haut commerce les genres. La mythologie, l'histoire , les
à la magistrature, et fit tourner cette pro- arts, les monumens, les découvertes nou
ſession de son choix à la découverte de velles en fournissent les sujets ; et pres
voies et de moyens nouveaux. Durant les que toujours, ils sont traités avec une
dix années qu'il séjourna à Constantino- grace et une précision qui enchantent.
ple , préoccupé de plans et de combinai- Ces petits poèmes portent le nom . mo
sons vastes, il s'arrêta à un projet d'al- deste d'épigrammes ; mais le sens de ce
liance commerciale entre la Russie , la mot avait, chez les Grecs, plus d'étendue
Pologne et la France, ouvrant un débou- qu'il n'en aa de nos jours ; et la perfection
ché par la Mer - Noire et par le Bos- | où ils portèrent cette partie de la littéra
phore. Catherine II , amie de toutes les ture atteste bien qu'il avait été donné à
grandes entreprises, adopta avec chaleur ce peuple éminemment poétique de pri
une telle proposition ; et la France, éclai- mer dans tous les genres , depuis l'épo
rée par l'abbé Raynal sur la hardiesse pée jusqu'à l'épigramme. D'abord, l'épi
heureuse de ce plan , s'accorda avec la gramme ne fut qu'une simple inscription
Russie pour en assurer l'exécution, dont pour perpétuer la mémoire d'un fait ou
Anthoine fut chargé. Tout réussit à sou- d'une consécration . Elle décora ensuite
hait : des bois de construction , coupés les images des héros ; on la grava sur les
dans le fond de la Russie , arrivèrent tombeaux, sur les trophées ; elle accom
après trois mois de route, par le Dnie- pagna les présens de l'amitié, les dons
per , la Mer - Noire et la Méditerranée , faits à une maîtresse. Par la voix d’Alcée ,
tandis qu'ils restaient trois ans en voyage elle inspira aux hommes l'amour de la
ANT ( 12 ) ANT
liberté , la haine des tyrans. Avec Simo- | gouvernement français exigèrent qu'il
nide , elle célébra l'affranchissement de leur fût rapporté. Malheureusement
la Grèce; Anacréon lui fit chanter l'a- pour la France, il lui a été repris par
mour et le vin ; Archiloque l'arma d'une suite du traité de 1814 ; et la bibliothè
pointe acérée et mortelle; Platon et ses que de Heidelberg a reconquis cet inap
disciples, Saint-Grégoire même, lui pré- préciable trésor.
tèrent leur éloquence inspirée. Depuis l'importante découverte de
Les élémens de ces deux anthologies Saumaise , le recueil de Céphalas est
qui , à proprement parler , n'en font
> souvent cité sous le nom de Manuscrit
qu'une seule, se trouvent dans des an- palatin , ou vaticano -palatin ,ou d'An
thologies plus anciennes. Méléagre , cent thologie inédite. Jensius,Leich ,Reiske ,
> >

ans avant J.- C .; Philippe , de Thessalo- Klotz en publièrent des parties ; il fut
nique , au 11° siècle de l'ère vulgaire ; édité en totalité par Brunck , en 1776 ,
Agathias , au viº , avaient rassemblé des sous le titre de Analecta veterum poe
poésies fugitives d'époques antérieures tarum græcorum ; et ensuite sous le
ou contemporaines. Au xe siècle , Cé- titre de Anthologia græca , etc. , par
phalas s'empara de toutes ces antholo- M. Frédéric Jacobs , en 13 vol. in - 8° ,
>

gies pour en coordonner une nouvelle ; Leipzig , 1794 - 1814 , réimprimé en 3


et 400 ans après , un moine de Constan- vol. in-8°, 1813-1817, et stéréotypé par
tinople , Maxime Planudes, refit le tra- Tauchnitz, 3 vol. in-16 , 1819.
vail de Céphalas. L'anthologie de Planu- Telle est l'histoire sommaire d'un li
des eut du moins la priorité de l'im- vre associé aux plus grands événemens
pression. Jean Lascaris , qui l'avait sau- de l'histoire, recueil presque unique dans
vée des ruines de Constantinople , la fit les fastes littéraires , offrant aux poètes
imprimer à Florence en 1494. Elle a été
a
les plus gracieuses images , les pensées
successivement reproduite et commentée les plus ingénieuses dans leur forme pri
par Alde , Venise, 1503 ; par Vincent mitive ; au philosophe des préceptes pa
Obsopæus; par Brodeau , savant cha- rés de toutes les graces du style ; à l'his
>

noine de Tours; par Henri Estienne , torien des inscriptions monumentales ;


Paris, 1566 ; par les héritiers Wechel , au philologue les formes les plus variées
Francfort, 1600 ; enfin , par Jérôme de d'une langue pour ainsi dire éternelle ; à
Bosch , Utrecht , 1795-1822 , avec la tous une docte et charmante révélation
F. D.
prodigieuse traduction de Grotius , génie de l'antiquité.
fécond et multiple , qui signala son exil ANTHRACITE ( de ö.v@poč, char
par ce chef- d'oeuvre d'intelligence et de bon ) , substance minérale qu'il est assez
latinité , fait en moins d'une année , et difficile de distinguer de la houille et que
plus rapidement qu'un hellénistè de nos plusieurs minéralogistes ont confondue
jours ne lirait l'anthologie tout entière. avec elle. Toutes deux sont dues à des dé
La rédaction de Planudes avait fait pots végétaux; toutes deux sont charbon
perdre de vue le recueil plus ancien et neuses , noires et non cristallisées. Mais
plus riche de Céphalas. Ce n'est qu'en l'anthracite se trouve dans des terrains
1616 que fut découvert et probablement plus anciens , parmi les roches nommées
copié par Claude Saumaise le manuscrit par les naturalistes arénacées ou schis
de cette anthologie. Depuis ,> il fut donné teuses : il est plus dur, et sa couleur noire ,
au pape, avec toute la bibliothèque pala- qui tache les doigts, diffère de celle de la
tine par Maximilien de Bavière, qui s'é- houille par un reflet d'un gris métalli
tait emparé de la capitale du Palatinat. que ; enfin , son caractère spécial est de
Ce manuscrit resta enfoui au Vatican s'allumer avec la plus grande difficulté ,
jusqu'à la paix de Tolentino ( 1797), qui de brûler sans flamme et sans répandre
en imposa le sacrifice au Saint-Père. Ce d'odeur bitumineuse. Soumis à l'analyse,
lui-ci était si jaloux de conserver ce ma il donne le résultat suivant :
nuscrit précieux et unique , qu'il le fit Carbonne . 68
porter à Terracine avec ses curiosités Silice .... 30
les plus rares ; mais les commissaires du Fer ... 2
ANT ( 13 ) ANT
Mais après la combustion la plus com- semblables pétrifications; les flots de la
plète, il ne reste que de l'acide carboni- mer, en se retirant , ont peut- être jeté
que. On distinguel'anthracite à rognons, sur la plage quelques corps de naufragés
polyédrique , sciloïde, conchoide, com- autour desquels le sable aura formé ces
pacte, feuilleté, granuleux et terreux. agglomérations que maintenantencore les
La Savoie , le Piémont , les départemens
> nègres appellent Maçonne bon Dieu . En
de l'Isère et des Hautes-Pyrénées sont Italie les mêmes causes ont sans doute
les lieux où l'on a trouvé le plus d'an- produit les mêmes effets que l'on voit sur
thracites.L'anthracite est employécomme les bords de la mer et surtout du côté
combustible danslespays où il se trouve. de Messine, où , l'on peut , à vue d’æil ,
ANTHRAX . En médecine,on désigne suivre la formation de ces roches aréna
par ce mot, qui signifie en grec char- cées.
bon , deux affections très différentes. Il est donc prouvé que leur existence
L'une appelée anthrax benin , n'est ne remonte pas à une bien haute anti
qu’un furoncle volumineux. Voy. Fu- quité ; du moinsn'est-elle pas à beaucoup
RONCLE . L'autre qu'on nomme anthrax près aussi ancienne que celle des os fos
malin, est une maladie gangreneuse pro- siles. Certains naturalistes ignorans,ayant
duite par une inoculation virulente. F.R. découvert des squelettes d'une taille gi
ANTHROPOGNOSIE , du grec ăv- gantesque , avaient débité une foule de
Opatos, homme, et yváris, connaissance. contes absurdes et avaient voulu faire
C'est la connaissance anatomique du croire à une race de géans antédiluvienne
corps humain , tandis que l'anthropolo- ( voy. ce mot); mais depuis , ces préten
gie ( v. ce mot) est l'histoire naturelle de dus os fossiles ont été reconnus apparte
l'homme, ou la partie qui comprend la nir à des éléphans , à des rhinocéros et à
somme des connaissances fournies par d'autres animaux dont les races sont
l'anatomie , la physiologie et la psycho- perdues.
logie , c'est - à-dire tout ce qui a rap Il est un fait de haute importance en
port à l'économie physique et morale de géologie et qui semble assez concluant
l'homme. G- N. contre toutes les hypothèses et les obser
qu'on n'a pas
ANTHROPOLITHE , mot composé vations erronées : c'est fossile
de άνθρωπος, homme, et de λίθος, pierre , encore trouvé à l'étatles ani
et qui veut dire homme - pierre, ou maux dont l'organisation offre le plus de
homme pétrifié. On a donné ce nom à rapports avec celle de l'homme. D. A.D.
des ossemens humains ou à des portions ANTHROPOLOGIE , science de
du corps de l'homme qui auraient été l'homme, de cv pwntos , homme, etlóyos,
conservées à l'état fossile dans des cou- mot , théorie . Cette science , d'une im
ches régulières de la terre ; mais il résulte mense étendue, dans cette acception gé
des recherches des anatomistes et des nérale, n'estnibien exactement définie,
géologues qu'il faut douter de l'existence ni circonscrite dans des limites assez pré
de véritables anthropolithes.En considé- cises. Au premier coup d'oeil, le mot
rant bien les restes que nous avions re- anthropologie semble répondre, par sa
trouvés , on a reconnu qu'ils avaient ap- dérivation , aux mots zoologie , phytolo
partenu à des reptiles ou à des animaux gie , etc. , et signifier conséquemment la
mammifères, dont les races sontperdues ; description de la nature de l'homme ,
quant aux squelettes qui semblaient être son histoire naturelle , l'analyse de son
d'origine humaine , on les a regardés organisation , des lois auxquelles il est
comme des concrétions stalactiformes, ou soumis, des fonctions de chaque partie de
bien commedes agglomérationsanalogues son corps et de toutes ses autres facultés,
à celles qui se forment encore de nos jours en tant qu'elles tombentsousles sens. Elle
dans quelques endroits etdont l'origine ne comprendrait ainsi l'anatomie etla phy
peut êtrerapportée à l'une des révolutions siologie tout entières, la psychologie en
du globe. Aux Antilles , par exemple , on très grande partie , et en outre l'his
>

rencontre, sur plusieurs points des côtes, toire du développement de la nature hu


des rochers dont le creux renferme de maine suivant les conditions auxquelles
1

ANT ( 14 ) ANT
est un assemblage de faits peu appro
elle s'est trouvée soumise , des variations
par lesquelles elle s'est nuancée , et de fondis, et empruntés,soit à l'anatomie età
toutes les races qui se sont formées sous la physiologie , soit à la psychologie ex
l'influence de situations et de climats dif- périmentale, dans le dessein de faire con
férens. Elle prendrait l'homme à sa pre- naître l'action mutuelle qu'exercent le
mière formation comme foetus, en sui- corps sur l'ame et l'ame sur le corps, et
vrait les progrès , les phases, les états la manière dont ce dernier peut servir
successifs, constaterait tous les phéno- d'intermédiaire entre le monde physique
mènes qui en émanent , rechercherait les et l'essence toute spirituelle qui forme en
causes de ces phénomènes et ne le quita nous le moi. J. H. S.
terait qu'au moment de la décomposition En adoptant la signification la plus éten
totale des élémens dont il était formé. due du mot anthropologie , cette science
Cette science , bien qu'enseignée dans les est un assemblage de plusieurs connais
écoles de médecine , est loin d'être abso- sances liées les unes aux autres , qui por 1

lument médicale ; la connaissance exacte tent des noms particuliers , et pour le


de la nature de l'homme forme bien la développement desquelles le lecteur est
base de l'art de guérir ,elle en est le point renvoyéaux articles respectifs. L'anthro
de départ, mais n'appartient pas néces - pologie embrasse : Iº la connaissance de
sairement à cet art même. Elle n'est pas la structure du corps et de ses parties
non plus, à vrai dire , une science phi- (voy , ANATOMIE);11° la connaissancedes
losophique, quoique l'étude analytique fonctions du corps et de ses parties (voy.
des facultés de l'ame la suppose néces- PHYSIOLOGIE); III• la connaissance des rè
sairement, puisque, indépendamment des gles diététiques pour conserver la santé (v.
opérations du sens intérieur , de la con- HYGIÈNE ); IV ° la connaissance des fa
science, elle a besoin de s'appuyer sur cultés de l'ame et de l'esprit , et de leurs
l'observation de toutes les manifestations relations avec le corps (voj. PERÉNOLO
extérieures du principe intellectuel et GIE ). Cette dernière science est la phi
moral dans l'homme. Sa marche est ex- losophie de l'homme ; et elle traite en par
périmentale, et elle n'a pour objet que ce ticulier : 1° de l'idéologie, ou de la con
qu'on connaît à l'aide des sens ; elle est naissance des facultés intellectuelles; 2° de
du domaine de l'histoire naturelle dont la logique, ou de l'art de raisonner ; 3 ° de
elle forme une branche spéciale , infini- la connaissance des penchans, des senti
ment importante comme étant consacrée mens , des affections et des passions;
à l'examen de l'être auquel toute notre vº la connaissance de la morale et de la
science se rapporte . religion naturelles ( voy. ÉTHIQUE et RE
Prise dans ce sens , l'anthropologi e LIGION) ; VI° enfin l'art de gouverner les
étendrait à l'infini ses limites, et forme- hommes (voy. POLITIQUE ). Celle-ci ren
rait à elle seule une étude que la vie d'un ferme : 1 ° la connaissance des droits et
homme ne suffirait pas à approfondir. des devoirs naturelset du bonheur ( voy.
Mais ce qu'on enseigne communément BONHEUR ) ; 2° la connaissance des insti
sous lenom d'anthropologie ne comprend tutions sociales concernant : l'éducation,
pas tant de choses à la fois et présente c'est -à - dire l'art de préserver et perfec
moins de difficultés : c'est l'exposé suc- tionner l'espèce humaine ( voy. EDUCA
cinct des principales notions relatives à Tion) ; l'art de procurer å la société le
l'homme, abstraction faite des détails bien-être des richesses ( voy. ÉCONOMIE
trop spéciaux qui seraient du ressort du POLITIQUE ) ; l'art de soulager les mal
philosophe ou du médecin , exposé ser- heureux ( voy. BIENFAISANCE ) ; l'art de
vant à l'explication des phénomènes de maintenir l'ordre public (voy. LÉGISLA
sa vie végétale, animale et morale, et des- TION CIVILE); enfin , l'art deconserver la
tiné à rendre compte de la manière dont paix. SP.
les objets extérieurs agissent sur l'ame , ANTHROPOMANTIE , voy. Divi
et dont celle-ci, de son côté , se manifeste NATION.

au dehors. Ce qu'on entend donc com- ANTHROPOMORPHISME , mot


munément sous le nom d'anthropologie | grec composé de QxOpatos , homme , et
ANT ( 15 ) ANT
de popor , figure; habitude ou action de c'est ainsi que les racines de la mandra
prêter la forme humaine ou la manière gore étaient même regardées comme ayant
d'être des hommes , à d'autres qu'aux deux sexes différens, la mandragore mâle
>

humains , notamment à Dieu. et la mandragore femelle : toutes ces mer


L'homme qui ne juge que par analo- veilles ont disparu de l'histoire naturelle
gie , et qui ne saurait comprendre ou se depuis que la philosophie en a éclairé
figurer les choses pour lesquelles l'analo- l'étude.
gue lui manque,ne peut guère parler de Les anthropomorphites étaient aussi
Dieu que paranthropomorphisme, c'est-à- les membres d'une secte dont la doctrine
dire en lui prêtant ses formes corporelles, attribuait à Dieu une figure humaine. Ces
ses besoins, ses penchans et jusqu'à ses hérétiques prenaient à la lettre ce qui a
passions. Delà, dans l'Écriture-Sainte, ces été dit de Dieu dans l’Écriture - Sainte ,
pompeuses images où le monde est repré- et comme on lit au commencement de
senté comme l'ouvre des mains de Dieu, la Genèse que Dieu fit l'homme à son
le ciel comme son trône, et la terre comme image, ils pensaient que le Créateur de
sonmarche-pied; où il est question de la vait avoir , comme nous , de véritables
colère, de la vengeance de l'Eternel; où membres , des bras et des jambes. Cette
des notions de temps et de lieu se mêlent hérésie grossière fut réfutée par saint
constamment à l'idée d'un être auquel Épiphane et disparut presque aussitôt;
elles ne sauraient s'appliquer. Les éru- cependant on parla encore d'anthropo
dits minutieux distinguent deuxmots,an- morphites, mais en bien petit nombre, au
thropomorphisme et anthropopathie : dixième. siècle. Voyez ANTHROPOMOR
pour eux le premier n'est applicable qu'à
PHISME D. A. D.
la forme humaine prêtée à Dieu ou à ANTHROPOPHIAGIE , mot formé
d'autres êtres, tandis que la même ha- de deux mots grecs ävo putros,homme, et
bitude dont il a été question, appliquée qaytiv, manger, et qui exprime l'action
aux sentimens et à la nature intellec- de manger de la chair humaine.
tuelle‫ و‬serait appelée de l'autre nom. L'instinct naturel ne porte pas l'homme
Toutes les idées de l'homme lui viennent à se nourrir par préférencede la chair
en dernière analyse des sens , et leur ex- de son semblable ,> mais elle ne l'en éloi
pression reste pour cette raison sensuelle : gne pas non plus d'une manière absolue,
il rapporte par analogie au monde intel- comme il parait que cela a lieu chez les
lectuel et moral les termes qui ne con- animaux même les plus féroces , à cela
viennent qu'au monde matériel. Il en ré- près de quelques rares exceptions. Ce
sulte une grande confusion dans les idées pendant si l'on consulte l'histoire et la
dont l'homme est parfaitement innocent, fable, on trouve dès l'antiquité la plus re
dont il se rend bien compte, mais sans y culée des exemples nombreux d'anthro
pouvoir remédier. L'homme ne peut par- pophagie. Mais, soit dans des temps éloi
ler Dieu sans tomber dans l'absurde, gnés de nous , soit à des époques plus
parce que son langage ne sera jamais au modernes , elle se trouve liée chez les
niveau d'un tel sujet; il connait l'imper- peuples à l'état de barbarie , et chez les
fection de cet instrument, mais il s'en sert individus à une véritable aliénation men
à défaut d'un autre. J. H. S. tale . Nulle part on n'a vu les hommes se
ANTHROPOMORPHITES , c'est- nourrir régulièrement et habituellement
à - dire semblables à l'homme ou ayant la de chair humaine ; car cette coutume eût
forme humaine. On a donné impropre- été en contradiction avec le but de la na
ment ce nom à des pétrifications où l'on ture, la conservation des espèces. Ici on
croyait reconnaitre quelque ressemblance mange les prisonniers faits à la guerre
avec des débris humains. Voy. ANTHRO- après les avoir offerts en sacrifice à de
POLITHES . muettes idoles ; là on tue les vieillards
En botanique on nomma ainsi certai- pour leur épargner les restes d'une misé
nes plantes ou parties de plantes où quel- rable existence, et l'onne croit pas pouvoir
ques amateurs du merveilleux avaient cru leur donner un tombeau plus honorable
voir des rapports avec le corps humain ; que l'estomac de leur famille; là enfin on
ANT ANT
( 16 )
dévore par lambeaux et tout vivant le ture ; et les personnes qui se sont trou
criminel condamné à mort. Nous voyons vées dans l'obligation de s'en nourrir ,
donc apparaitre l'anthropophagiecomme dans de pénibles circonstances,ne lui ont
institution politique ou religieuse ; nous trouvé aucun goût désagréable : les sau
la voyons aussi disparaitre à mesure que vages prétendent même qu'elle est fort
la civilisation fait des progrès. Ainsidans bonne. Ils répondront d'ailleurs victo
presque tous les pays connus , cet usage rieusement, par leur vigueur et leur santé
a existé , et même dans eux qui sont robuste , à ceux qui voudraient faire sup
à présent les mieux policés , et dans les poser à cette chair des qualités nuisibles,
quels on observe lesmeurs les plus dou- quand même des exemples plus récens et
ces et les plus humaines, et où elle inspi- plus voisins ne seraient pas là pour dé
rerait maintenant une profonde horreur. montrer le contraire . Si donc, dans les cas
En général, l'anthropophagie n'existe où des individus ou des populations se
plus en Europe; mais elle se retrouve sont trouvés réduits à se nourrir de chair
encore en Amérique et dans l’Austra- humaine , on a observé une grande mor
lie , chez de nombreuses peuplades qui talité,> c'est moins à cette nourriture qu'il
tuent et font rôtir leurs prisonniers , faut l'attribuer qu'aux circonstances au
et qui souvent entreprennent des guerres milieu desquelles on a été forcé d'y avoir
dans le seul but de faire un de ces hor recours.
ribles festins. Un fait très remarquable On a peu de renseignemens précis sur
e’est que chez les Battas , peuple de l'ile les anthropophages anciens ; l'obscurité ,
de Sumatra, elle subsiste avec un degré le style allégorique des ouvrages qui en
de civilisation très avancé, puisque, d'a- parlent, laissent le lecteur dans le doute,
près le rapport d'un témoin oculaire et et ouvrent une large carrière aux ama
très digne de foi, ces insulaires savent teurs du merveilleux. Les livres saints
presque tous lire et écrire , et ont une parlent des géans nés du commerce des
forme de gouvernement constitutionnel. anges avec les filles des hommes, comme
Mais chez eux l'anthropophagie n'est pas s'étant les premiers repus de la chair des
une coutume habituelle : c'est une peine hommes. La mythologie grecque nous
réservée à des crimes graves , et notam- présente Lycaon immolant son fils Pé
ment à l'adultère. Voy. ce mot. lops et le servant à Jupiter ; Polyphème
On ne doit pas perdre de vue que les et les Lestrygons dévorant les compa
peuples qui mangent des hommes ne gnons d'Ulysse. Nous retrouvons la cou
dévorent pas ceux de leur tribu, et ne s'at- tume de l'anthropophagie chez les Scy
taquent qu'aux peuplades voisines , qui thes et les Sarmates. Certains peuples de
souvent diffèrent d'eux pour la couleurde l'Éthiopie l'avaient encore àà l'époque où
la peau;que d'ailleurs ils sont hospitaliers Pline écrivait son histoire naturelle. Ju
et respectentceux qui n'ont pas été pris vénal, Strabon, Porphyre et César parlent
à la guerre ; enfin que ceuxqui tuent et de manière à faire penser qu'elle existait
mangent leurs vieux parens, ou les crimi- de leur temps chez presque toutes les na
nels condamnés à mort , ne le font qu'à tions appelées barbares. Tite -Live rap
des époques et dans des circonstances porte qu'Annibal faisait manger àà ses sol
déterminées par leurs lois. Ce qui exclut dats de la chair humaine pour les rendre
l'idée d'un instinct insurmontable qui les plus courageux et plus forts ; mais cette
porterait à se nourrir de chair humaine. assertion doit paraitre au moins suspecte.
Et d'ailleurs , si l'on considère l'an- Les Germains , les Celtes et les Tatars
thropophagie sous le point de vue sérieux furent également anthropophages, et la
>

et rationnel qui convient à notre époque, possibilité de ces affreux repas était tel
il est facile de voir que le crime est dans lement reconnue dans l'empire romain ,
le meurtre qui précède , et non dans que les premiers chrétiens furent accu
l'acte de manger la chair de son sembla- sés de célébrer leurs mystères en man
ble. Cette chair ne présente pas de diffé- geant de jeunes enfans.
rence appréciable avec celle des animaux De nos jours et dans nos pays civilisés
que nous employons pour notre nourri- se sont montrés et se montrent encore de
ANT ( 17 ) ANT
loin en loin des anthropophages. On a vu ladie contre laquelle ils sont censés avoir
des individus, poussés par une imagina- des propriétés spécifiques (voy. SPÉCIFT
>

tion délirante, se jeter sur les victimes de Ques) , que l'on fait précéder de la pré
leur fureur et en dévorer quelques lam - position exclusive anti.Ainsi nous lisons
beaux sanglans. Les fastes des tribunaux à chaque instant l'annonce des remèdes
en conservent quelques exemples , et les anti-scorbutiques, anti-venimeux,anti
arrêts qui les ont frappés sont les preuves apoplectiques, anti-cancéreux, etc., etc.
du peu de progrès de la philosophie et Mais il ne faut pas croire que ces mots
de lamédecine. Ces hommes, qui ont ex- soient l'expression fidèle des faits. Il
cité une horreur générale et la vengeance existe bien peu de médicamens, si même
quelquefois barbare des lois , étaient des il en est , qui jouissent de la propriété
aliénés qu'il fallait séquestrer, sansdoute, constante de dissiper une affection quel
mais qui ne devaient pas être l'objet de conque. Les maladies, en général , gué
la vindicte publique. On a quelques rissent moins par les médicamens, qui
exemples de ces malheureux qui , après cependant forment une partie utile du
avoir goûté la chair humaine , avaient traitement, que par la combinaison de
contracté l'habitude de s'en repaître;qui divers moyens dont le choix et l'applica
massacraient , pour les faire servir à leur tion constituent la thérapeutique. Voy.
nourriture tous ce mot.

Teurmain,etquimêmesalaientleursca -ANTIBES, ville du départementdu


davres pour fournir plus long -temps à Var , en France. Elle a un port pour les
>

leurs affreux repas. Mais si l'on observe petits bâtimens etunerade de navigation;
que ces individus étaient des voleurs et un fort bâti sur un rocher protége cette
desmeurtriers, on verra que l'anthropo- ville contre les attaques hostiles du côté
phagie ne constituait chez eux qu'un fait de l'Italie. Déjà sous les Romains, Anti
accidentel,> et qu'elle n'était pas le pre- bes était une place d'armes ; aussi on y,
mier et moins encore l'unique mobile de voit quelques vestiges de bâtimens anti
leurs actions. ques. Antibes , peuplé de 5,150 habitans,
En dégageant ainsi l'histoire de l'an- exporte des vins , des fruits secs et des
thropophagie du merveilleux et de l'hor- poissons salés ; elle a un tribunal de com
rible dont on semblait se plaire à l'en- merce. D -G .
tourer, il ne reste qu'une grande erreur ANTICHAMBRE, pièce d'un appar
des sociétés ou des individus; erreur qui, tement qui précède toutes les autres :
comme toutes les autres , a son remède c'est l'antithalamus de Vitruve ( voy.
dans une instruction plus généraleF.etplus
R.
Maison). L'antichambre , dans les mai
>
sons , des riches , est le lieu où se tien
solide.
ANTI, préposition grecque signifiant nent les domestiques. C'est en Russie et
contre , opposé à , et qui est passée en Pologne , surtout > on la trouve
qu'on
successivement dans la langue latine et peuplée d'unemultitude devalets,n'ayant
dans d'autres pour exprimer des idées d'autre occupation que celle d'annoncer
onnes qui s'y pré
d'opposition , d'éloignement, d'incompa- à leurs maitres les persinso
tibilité. Elle entre dans la composition sentent. Paresseux et lens , ils mesu
d'une foule de mots créés pour éviter des rent leur politesse à l'importance de cha
périphrases ; tels sont les mots antipa- | que visiteur ; de graves méprises n'ont
thie, antarctique, antipape, antéchrist, pu encore les faire revenir de l'habitude
qu'on écrirait plus régulièrement anti- de recevoir négligemment et sans poser
christ; etc. les cartes ou les dés, qui forment leur
En médecine surtout , la préposition passe - temps ordinaire , des personnes
anti est d'une fréquente application , et dont les dehors simples n’annoncent ni
les mots avec lesquels elle s'allie sont un homme en place , ni une position très
aussi nombreux que les maladies qui af- élevée dans le monde.
fligent l'espèce humaine. En effet, la Dans les ministères , chez les puis
plupart des médicamens portent des dé- sances du jour , l'antichambre est le sa
nominations formées du nom de la ma- lon où les visiteurs se réunissent en at
Encyclop. d . G. d . M. Tome II. 2
ANT ( 18 ) ANT
tendant qu'ils soient admis; on fait long- après la mort de son mari , attaquer les
temps antichambre avant d'obtenir l'au- baux faits par anticipation à son préju
dience qu'on sollicite. dice; et les églises, les couvens, les hôpi
On dit d'un domestique , qu'il a des taux , ayaient le même droit de demander
habitudes d'antichambre, et d'un sollici-
>
la résiliation des baux passés par antici
teur, qu'il court les antichambres. V. R. pation par les administrateurs de leurs 1

ANTICHRÈSE,voy.NANTISSEMENT. biens..
ANTICIPATION. En rhétorique , > La nouvelle législation française a con
c'est une figure au moyen de laquelle sacré ces principes , mais avec quelques
l'orateur réfute d'avance les objections modifications. Ainsi, le Code civil dit
qu'il prévoit ou qu'il serait au moins que les baux de neuf ans ou au -dessous,
possible de lui faire. Y. que le mari seul a passés ou renouvelés , H

ANTICIPATION (droit). Dans l'an- des biens de sa femme , plus de trois ans>

cienne législation française , l'appelant avant l'expiration du bail courant , s'il


avait un délai de trois mois devant les s'agit de biens ruraux , sont sans effet , et
Cours souveraines , de quarante joursaux la même disposition est applicable aux
présidiaux , bailliages , etc. , pour relever baux des biens des mineurs. L - E.
son appel , c'est-à - dire , pour requérir la ANTICIPATION (musique ). Elle
sentence sur appel. Ce long délai pou- consiste à faire entendre sur l'accord qui
yait être préjudiciable à celui qui défen - précède une ou plusieurs notes de ce
dait sur l'appel, Celui-ci demandait alors lui qui va suivre. Il y a anticipation de
une sentence par commission du juge la note , au grave ou à l’aigu , quand elle
d'appel , quand l'appel ressortissait aux est exécutée plutôt que l'harmonie ne l'in
présidiaux ou bailliages, ou des lettres dique. On peut aussi retarder l'harmonie
royaux de la chancellerie, s'il ressortis- du second accord par une note qui n'ap
sait aux Cours souveraines , portant per partienne pas au premier ;cette note fait
mission à l'impétrant de faire assigner à l'effet d'une appoggiature ( voy. ) et pré
bref délai pour voir procéder sur l'appare la transition. Il y a encore antici
pel. Cette assignation à bref délai était pation lorsqu'on applique deux ou plu
appelée anticipation. sieurs sons d'un accord à la note de basse
Le défendeur sur l'appel , appelé in- immédiatement avant celle qui porte ce
timé, ne pouvait faire anticiper l'appe- même accord . Quand on ne multiplie
lant que huit jours après l'appel inter- pas trop les dissonances, et qu'elles sont
jeté , parce que celui- ci avait huit jours : sauvées régulièrement, on peut toujours
pour renoncer à l'appel ( voy. ce mot). mêler les notes de l'accord qui précède
L'anticipation, prise en ce sens, n'existe avec celles de l'accord qui suit. L. D.
pas dans la législation française actuelle. ANTICYRE , ville thessalienne de la
En effet, l'intimé peut toujours pour- Phthiotide, sur le Sperchius et le golfe
suivre l'audience et obtenir , contre l'ap- Maliaque, près de l'OEta. Ce qui nous
pelant, un jugement par défaut , s'il ne engage à en faire mention ici, c'est la lo
se présente pas. Mais , dans un autre cution proverbiale à laquelle Anticyre a
sens, la législation rurale l'emploie pour
donné lieu , envoyer àà Anticyre, Anti
l'empiétement fait par un laboureur sur cyram naviget, qu'on emploie au sujet
le champ d'autrui, qu'ellequalifie de délit. de quelqu'un qu’on accuse d'avoir perdu
BAIL PAR ANTICIPATION. On appelait l'esprit. C'est qu'aux environs de cette
ainsi, dans l'ancienne jurisprudence fran- ville croissait une bonne qualité d'hellé
çaise , le bail fait par les tuteurs plus de bore ( voy. ), plante àà laquelle on attri
six mois ou d'un an , s'il s'agissait de bue la qualité de purger le cerveau. S.
biens ruraux , avant que le bail précé- ANTIDATE , date fausse mise à un
dentfüt expiré. Ces baux étaient présu- acte quelconque,et qui indique un temps
més faits en fraude et en vue d'un béné- antérieur à celui auquel l'acte a été réel
а

fice personnel, et, par conséquent, il était lement passé .


permis aux mineurs lésés d'en demander L'antidate est quelquefois un faux ,
l'angulation . La femme pouvait aussi 5 toujours une fraude. Dans l'ancienne lé
ANT ( 19 ) ANT
gislation française, elle était plus sévère- ANTIDOTE , mot ancien dérivé du
ment punie, quand il s'agissait d'actes grec avtidotos (donné en échange) et em
notariés ou emportant hypothèque, que ployé maintenant plutôt dans le sens mé
quand il était question d'écrits chirogra- taphorique qu'au propre. Il servait à dé
phaires. Pour prévenir l'antidate et don- signer certains médicamens, simples ou
ner aux actes une date certaine, on avait composés, qu’on administrait pourremé
établi le contrôle des exploits et actes no- dier aux accidens produits par les poi
tariés, qui devint plus tard une branche sons , ou même qu'on prenait d'avance
importante des revenus de l'état. La lé- pour se garantir de leurs atteintes, à une
gislation actuelle n'a pas fait de diffé- époque où l'on avait fréquemment re
rence pour la peine entre l'antidate dans cours à ce moyen de se défaire de stes
un acte notarié et l'antidate dans un acte ennemis, on les administrait aussi pour
sous seing privé. A vrai dire , l'antidate guérir les maladies contagieuses et pour
dans un acte sous seing privé n'est jamais s'en préserver.
poursuivi pour faux , parce qu'un acte On entassait une foule de substances
sous seing privé n’a de date certaine vis- diverses , dans la pensée que leurs pro
à -vis des tiers que du jour de l'enregis- priétés, en se combinant, s'accroîtraient et
trement ,mis par la loi du 5 décembre deviendraient plus efficaces. Ces compor
1790 à la place de la formalité du con- sitions, souvent tenues secrètes parleurs
trôle; du jour de la mort d'un de ceux auteurs , se vendaient au poids de l'or ;
qui l'ont souscrit, ou du jour où la sub- quelques formules nous sont parvenues ,
stance en a ' été constatée dans un acteet notamment celles de l'électuaire de Mi
dressé par un officier public. thridate( voy .), qui étaitparvenu, dit l'his
Autrefois l'usage de laisser en blanc toire un peu suspecte en cela, à pouvoir
les ordres au dos des lettres de change prendre sans danger les poisons les plus
donnait beaucoup de facilité pour les an terribles.
tidates. Ainsi un homme en faillite avait Toutes ces préparations étaient com
dans son actif des lettres de change dont posées des substancesaromatiques les plus
l'ordre était en blanc : il les passait à un remarquables par leurspropriétés physi
tſers prête- nom en les antidatant , et ques ; on y mêlait aussi des terres bolai
ainsi frustrait ses créanciers d'une par- res et des pierres précieuses, des parties
tie de ce qu'ils avaient droit d'obtenir , d'animaux auxquelles des croyances su
sans qu'on pût alléguer que ces lettres perstitieuses prêtaient des vertus qu'elles
de change avaient été aliénées dans un étaient loin de posséder.
temps voisin de la faillite. Dans lemoyen -âge,ceux qui cultivaient
Le réglement de 1673, pour prévenir l'astrologie et l'alchymie préparaient et
cette fraude, ordonna que les signatures vendaient les antidotes et les poisons, et
apposées au dos. des lettres de change ne souvent la victime venait acheter l'un à
transmettraient la propriété du titre celui qui venait de fournir l'autre.
qu'autant que l'ordre serait daté , et con- On ne sait comment cette idée, de pré
tiendrait le nom de celui qui aurait payé venir ou de combattre les effets des poi
la valeur; en second lieu , que l'on ne sons par des médicamens, a pus'accrédi
pourrait antidater les ordres,> à peine de ter ainsi ; car les antidotes connus des an
faux . ciens sont àà peu près incapables d'exer
Ces deux dispositions du réglement de cer aucune action salutaire. Les progrès
1673 ont été conservées dans le Code de de la chimie moderne ont fait découvrir
commerce . C-T. de véritables antidotes ou contre-poisons
ANTIDORON , mot grec qui signifie ( voy. ce mot) , c'est-à -dire des substan
>

un cadeau fait en échange d'un autre. On ces véritablement capables de décompo


nomme ainsi dans l'église orientale les ser le poison et de le réduireà être tout
restes du pain béni qui , distribués au à -fait inactif; car c'est là l'idée que les
peuple après la messe, passaient pour être anciens avaient de leur pouvoir.
un préservatif contre toutes sortes de On a donné le titre d’Antidote à plu
maux . S. sieurs ouvrages destinés à réfuter les er
1
ANT ( 20 ) ANT
reurs renfermées dans d'âutres ouvra- ANTIGOA ou ANTIGUES, une des iles
ges. F. R. anglaises de l'archipel des Antilles (voy .),
ANTIENNE , en latin antiphona, du en Amérique; entourée d'écueils, cette ile
grec ayti, contre , et yweri, voix , chant; est d'un abordage dangereux . Elle a six
årtigwyzīv, parler tour à tour et l'un lieues et demie de long , et renferme une
après l'autre, répondre de l'autre côté. population de 41,000 habitansparmi les
L'antienne est donc une réciprocation quels il n'y a que 3,200 blancs. Les 6
de voix et de chant, un chant alternatif, septièmes de la population consistent en
une manière de chanter à deux cheurs nègres employés dans les plantations de
sucre , tabac , coton , gingembre, etc. Les
qui se succèdent l'un à l'autre,> et se ré-
pondent réciproquement et tour à tour . ouragans y nuisent souvent aux récol
Cette manière de chanter à deux cheurs tes et aux habitans. Saint -Jean est lechef
1

les hymnes , les cantiques et les psaumes, lieu de l'ile et le siége du gouvernement
fut en usage dans l'église dès son origine. anglais des iles du Vent. Après cette ile ,
Le savant Tillemont la fait remonter aux on remarque celle deEnglish -Harbour, co
temps apostoliques, et il est certain qu'on lonisée par lesAnglais. - Un port duMexi
la voit usitée dans les églises qui furent que , dans l'ancienne intendance de Vera
fondées en Orient,dansle temps des apô- Cruz, porte aussi le nom deAntigua.D - G .
tres et presque sous leurs yeux. Si l'on ANTIGONE , issue de l’union inces
trouve quelques évêques qui l'aient in- tueuse d'OEdipe et de Jocaste , porta ,
troduite postérieurement, les savans pré- quoique innocente , le poids des malé
tendent qu'ils l'ont plutôt renouvelée et dictions lancées sur la maison de son
perfectionnée qu'inventée . Quant à l'é- père (voy. son histoire à l'article Étéo
glise occidentale , on convient qu'elle n'a
> CLE et POLYNICE ). Sophocle a immorta
adopté l'antienne que du temps de saint lisé le nom de cette princesse par une de
Ambroise et par ses soins. ses tragédies. VAL. P.
Actuellement on nomme antienne des ANTIGONE , surnommé le Cyclope,
passages courts tirés de l'Écriture, en àgé parce qu'il était borgne , et issu , dit-on,
du des Héraclides , fut un des géné
néral, quiconviennentaumystère, àla sang
raux d'Alexandre , lequel, après ses pre
lèbre la fête, et qui , soit dans le chant, mières conquêtes en Asie, lui confia le
soit dans la récitation de l'office , précè- gouvernement de la Lycie , de la Pam
dent les psaumes et les cantiques bibli- | phylie et de la Phrygie. Non-seulement
ques. Le nombre des antiennes varie sui- Antigone défendit ces provinces avec très
vant la solennité plus ou moins grande des peu de forces, mais encore il subjugua
offices. L'intonation des antiennes règle la Lycaonie. Quand , après la mort du
celle des psaumes. Les premiers mots de prince macédonien (l'an 323 avant J.-C.),
l'antienne sont adressés par un choriste ses lieutenans se partagèrent les contrées
à un membre du clergé, quiles répète ; qu'il avait soumises , Antigone obtint la
et c'est là ce qu'on appelle imposer et en- Grande - Phrygie, la Lycie et la Pamphy
tonner une antienne. Quelquefois le lie. Perdiccas, qui cherchait à réunir sous
chậur poursuit l'antienne entonnée , sa domination tous les états d'Alexandre,
avant de chanter le psaume ou le canti- et qui redoutait l'activité d’Antigone ,
que , et d'autres fois il ne l'achève pas ; l'accusa de désobéir aux ordres du feu roi .
mais toujours après le psaume ou le can- Antigone , qui l'avait deviné,s'embarqua
tique l'antienne est entièrement chantée secrètement pour l'Europe , se rendit
par le chour. près de Cratère et d'Antipater , et tous
L'église romaine comprend aussi sous trois , de concert , déclarèrent la guerre
le nom d'antienne quelques prières par- à Perdiccas. Celui-ci fut, peu après, tué
ticulières ou hymnes qu'elle chante en par ses propres troupes. Toutefois , Eu
l'honneur de la sainte Vierge, et qui mène, lieutenant de Perdiccas, avait en
sont suivies d’un Verset, d’un Répons et core un grand pouvoir en Asie. Antigone
d'une oraison , comme le Salve Regina, continua la guerre contre Eumène , s'em
l’Alma Redemptoris mater , etc. J. L. para de ce rival et le fit exécuter. Par-là ,
ANT ( 21 ) ANT
il se trouva en peu de temps maitre de Le premier était fils de Démétrius Po
presque toute l'Asie ; car Séleucus , qui liorcète, petit - fils du grand Antigone,
régnait en Syrie et qui avait voulu s'op - dont on le distingue par le surnom de
poser à ses envahissemens, avait été Gonatas. Il s'empara de la Macédoine
vaincu pareillement et réduit à implorer l'an 277 avant J.-C. et régna 33 ans.
l'assistance de Ptolémée. Antigone s'em- Toutefois , on doit remarquer qu'il vécut
para aussi, à Ecbatane et à Suze , de la pendant quelque temps loin de ses états,
plus grande partie des trésors d’Alexan- qu'avait conquis Pyrrhus , roi d'Épire.
>

dre ; mais il ne voulut point en rendre Antigone Gonatas battit lesGaulois qui
compte à Ptolémée ,à Cassandre et à Ly- avaient fait une irruption en Macédoirre,
simaque. Il déclara même la guerre à et s'empara d'Athènes, à laquelle , néan
Cassandre , pour venger , disait -il , la moins , il laissa son gouvernement .
mort d’Olympias , et pour délivrer le ANTIGONE Doson régna onze ans , de
jeune Alexandre , captif , avec sa mère 232 à 221 avant J.-C. Le seul acte mé
Roxane, dans Amphipolis. Révoltés de morable de son règne est la guerre qu'il
son arrogance , presque tousles lieutenans fit au roi de Sparte Cléomène, pour l'em
d'Alexandre se réunirent contre lui; et pêcher de favoriser les Étoliens aux dé
andre attaquait l'Asie-
tandisureque Cassmée pens des Grecs. Antimigone eut l'avaer
ntage,
Mine , Ptolé et Séleucus rentrèrent et força son enne à se retir en
dans la Syrie où ils battirent Démétrius , Égypte. VAL. P.
fils d’Antigone. Séleucus reprit Babylone . ANTILIBAN . Voy. LIBAN.
A peine Antigone eut-il reçu la nouvelle ANTILLES ( GRANDES ET PETITES ,
de leurs progrès qu'il revint sur ses pas et MER DES ). Aucune mer connue ne
et força Ptolemée à la retraite. Babylone présente un archipel aussi nombreux ,
fut enlevée de nouveau à Séleucus par aussi étendu , des iles aussi fertiles ,
Démétrius. Alors, Antigone , Ptolémée, aussi importantes sous les rapports de
Lysimaque et Cassandre firent un traité la richesse et du commerce , que l'archi
de paix d'après lequel ils devaient, cha- pel des Antilles, compris entre les24 ° 12'
cun , garder le gouvernement des con- et 12° 10' de latitude septentrionale , et
>

trées dont ils étaient en possession jus- les 82° et 62° de longitude, au méridien
qu'à la majorité du jeune Alexandre , qui de Paris.
avait le titre de roi. Mais quand Cassan- Il est situé dans le golfe du Mexique ;
dre eut fait périr ce dernier, avec sa l'une de ses extrémités , formée par l'ile
mère , la guerre se ralluma entre les de Cuba, s'appuie sur la côte de la pro
possesseurs des grandes provinces. An- vince continentale de Yucatan , dont elle
tigone prit le titre de roi ; mais il dut re- n'est séparée que par un détroit d'envi
noncer àconquérirl'Égypte, parce qu'une ron vingt-cinq lieues , et l'autre extré
tempête détruisit une partie de sa flotte, mité , où se trouve l'ile de la Trinité, est
et que Ptolémée rendait impossible toute presque dans le même parallèle que le
invasion par mer. Peu après , le jeune centre de l'embouchure de l’Orénoque.
Démétrius chassa Cassandre de la Grèce ; L'archipel entier des Antilles est com
mais ce dernier appela Lysimaque à son posé de quarante- cinq iles cultivables, et
secours. Lysimaque entra en Asie avec d'une multitude d'ilots plus ou moins nus
une puissante armée; Séleucus se joignit et stériles..
à lui. Enfin , on en vint à une bataille à Voici la division que l'usage des na
Ipsus , en Phrygie, l'an 301 avant J.-C. tions aa fait adopter.
Antigone fut vaincu et tué ; il était âgé de Sous le nom de Grandes - Antilles , on
84 ans. Le royaume d'Asie s'éteignit comprend les îles sous-le-Vent, Cuba ,
avec lui , mais ses successeurs continuè la Jamaïque, Haīty ou Saint-Domingue
rent à régner dans la Macédoine . Parmi et Porto - Rico ( voy. ces noms). Les
ces derniers,Démétrius Poliorcète (voy.), Petites- Antilles Charibean Islands des
acquit surtout une haute réputation , et Anglais ), ou iles Caraibes, en suivant
deux autresAntigonus méritent au moins le plus exactementpossible laligne courbe
d'être mentionnési C. L. de cet archipel ent
, se compos de Saint
ANT ( 22 ) ANT
Jean , Saint-Thomas, Sainte - Croix, Tor- ,
continent ou sur la terre- ferme d'Améri
tola , Virgin - Gorda , Aniguada , l'An-
.

que, dans le seizième parallèle, il aurait de


guille, Saint-Martin , Saint-Barthélemy, vant lui, à droite et à gauche, deux lignes
Saba, Saint-Eustache,Saint-Christophe, d’iles presque parallèles, sur un prolonge
Nièves, la Barboude, Antigues , Mont- ment plus considérable à sa gauche qu'à
serrat , la Guadeloupe, la Désirade, les sa droite , et dont les extrémités se rac
Saintes ,Marie -Galante , la Dominique, corderaient par un arc de cercle.
la Martinique, Sainte-Lucie, la Barbade, Les Anglais possèdent actuellement ,
Saint- Vincent, les Grenadins ( petit ar- dans les Antilles, la Jamaïque, la Barbade,
chipel dépendant du gouvernement de la la Grenade et les Grenadins, Saint- Vin
Grenade, et dans lequel on distingue , cent, Sainte -Lucie , Tabago , la Trinité ,
outre un assez grand nombre d'ilots de la Dominique , Saint-Christophe , Anti
peu d'importance, et dont plusieurs mêmegues , Nièves, Montserrat , Tortola, Vir
ne sont pas susceptibles de culture, Be-gin -Gorda , l'Anguille et la Barboude.
couya , Canavan, Cariacou , l’Union ),
? Les Français y sont restés maitres seule
la Grenade , Tabago et la Trinité. Pour ment de la Martinique et de la Guade
compléter cette revue , on est forcé de loupe avec ses dépendances : Marie-Ga
quitter cette première ligné et de se re- lante , les Saintes et la Désirade, et la
jeter sur une autre plus à l'Ouest, où l'on partie française de Saint-Martin . Les Es
trouve la Marguerite , Tortuga , Los Ro- pagnols sont en possession de Cuba , de
ques , Orchilla, Aves , Curaçao, Buen - Porto -Rico, et la république de Colom
Aire et Aruba. Nous ne parlerons pas en bie leur dispute la Marguerite , Tortuga
particulier d'un très grand nombre d'ilots et Los Roques. Les Hollandais possèdent A

incultes et inhabités , de rescifs ou cayesune partie de Saint-Martin , Saba, Saint


dont cette partie du golfe est semée. Eustache , Aves , Curaçao, Buen-Aire et
Toutes les nations navigatrices et com- Aruba. Les Suédois jouissent encore de
merçantes se sont généralement accor- Saint-Barthélemy, et les Danois occu
dées dansla désignation des Antilles, sous pent Saint-Jean , Sainte-Croix et Saint
les noms d'Iles-du -Vent et Iles-sous-le- Thomas. Haity est indépendante, et Ani
Vent ( en anglais : Windward Islands guada reste inculte et déserte .
et Leeward Islands ). Cette distinction , Douze des Petites - Antilles sont incon
qui n'est pas très rationnelle, ne repose testablement volcaniques, savoir : la Tri
que sur la considération , asseż vague et nité , la Grenade , Saint-Vincent , Sainte
mal déterminée par leur situation res- Lucie , la Martinique , la Dominique, la
pective, de celles de ces iles quireçoivent Guadeloupe, Nièves, Montserrat, Saint
les premières les vents d'Est, soufflant Christophe, Saint-Eustache et Saba. Plu
habituellement dans ces parages , et de sieurs de ces iles ont encore des foyers
celles sur lesquelles ces vents n'arrivent en activité , quoique peu bruyans. Le long
que plus tard. Voici, quoi qu'il en soit, silence de ces cratères avait faitrévoquer
la division adoptée : Cuba , la Jamaïque, en doute par des observateurs superfi
Porto-Rico et la Marguerite , Tortuga , ciels la nature volcanique des Antilles.
Los Roques , Orchilla, Aves , Curaçao , Ils ne voulaient voir dans ces cratères
Buen-Aire et Aruba , sont les iles dites que de simples solfatares ; mais l'événe
sous- le - Vent, et tout le reste est réputé ment du mois d'avril 1812 , dans l'ile de
Iles -du - Vent. On donne aussi , assez gé- Saint- Vincent, a dù suffire pour leur OU
néralement , le nom d'Iles-des- Vierges vrir les yeux.
à un groupe dont Saint- Thomas et Sainte- Cette terrible éruption , qui détruisit
Croix sont les îles principales. toutes les plantations de l'ile, fut précé
On trouve dans toutes les descriptions dée de plusdedeux cents secoussessouter
de l'archipel des Antilles ou Colombien, raines , qui se firent sentir pendant plus
qu'il se présente sous la figure d'un fer d'une année. Tous les volcans des An
à cheval ou d'un arc de cercle. Pour en tilles semblent être en communication
offrir une idée plus exacte , il faudrait ec la chaine des montagnes primitives
avec

dire qu'en plaçant l'observateur sur le de Caraccas, par l'intermédiaire , sans


ANT ( 28 ) ANT
doute , des iles Tortuga et Margarita. Les observateurs peu attentifs n'aper
L'expérience a démontré, au surplus , çoivent dans les Antilles que deuxsai -
que l'action volcanique se faisait jour in- sons , celle de la sécheresse et celle des
différemment par la Guadeloupe, Saint- pluies , appelée dans le pays hivernage ;
Christophe ou Saint-Vincent. Une preuve cependant une transition bien marquée
qui semble sans réplique de la commu- dans tous les phénomènes météorologi
nication des Antilles volcaniques avec les ques tranche assez distinctement les épo
montagnes de Caraccas , c'est qu'en 1812 ques équinoxiales correspondantes aux
le tremblement de terre qui bouleversait quatre saisons de l'Europe. Le temps sec
ce dernier pays cessa aussitôt que le commence assez généralement à la fin
volcan de Saint- Vincent eût fait éruption. d'octobre et continue ainsi jusque vers
Le caractère volcanique des terrains, la mi-avril; viennent alors les pluies dou
opposé à celui de la formation calcaire , ces , mais qui augmentent continuelle
établit une différence frappante dans le ment, accompagnées de violens orages ,
sol des Antilles. Douze iles offrent un jusqu'en octobre. C'est le règne des ou
sol pyrogène , où se reconnaissent avec ragans et des raz -de-marée, deux fléaux
plus ou moins d'altération , le produit terribles qui affligent les Antilles. La
d'anciennes éruptions , tandis que tout le quantité annuelle de pluie dans ces cli
reste des iles est calcaire. mats est évaluée moyennement de 160 à
La direction des montagnes dont les 400 pouces dans les parties montagneuses;
Antilles sont couvertes suit celle que ces mais elle n'excède pas 80 pouces dans la
îles gardent entre elles , à tel point qu'à plaine. Ces averses tombant sur les mor
ne considérer que les sommets, sans avoir nes ( voy.), grossissent des torrens acci
égard à leurs bases , on les jugerait une dentels, qui s'écoulent sur les flancs es
chaine de montagnes dépendantes du con- carpés des collines , entrainent la couche
tinent , et dont la Martinique serait le végétale , et mettent souvent à nu le sol
promontoire le plus avancé. Les plus hau- primitif. C'est , pour les habitations si
tes de ces montagnes sont dans l'ìle de tuées dans les mornes , une fréquente ca
Cuba, à l'est, et dans l'ile d'Haïty à l'ouest. (lamité qui n'est pas toujours compensée
Il y a des montagnes de 1,450 toises de par l'avantage que sembleraient devoir en
hauteur dans l'ile de Cuba , et de 1,400 retirer les terrains de la plaine; car ceux
toises dans celle d'Haïty. A la Jamaïque , ci se trouvent quelquefois couverts d'une
on voit une montagne de 1,230 toises de superfétation de débris d'alluvion dont
hauteur. l'humus végétal ne constitue que la plus
Les îles volcaniques présentent, en gé- faible partie ; et les sables , le tuf, les ar
néral, une surface hachée , coupée de giles-glaises enfouissent toutes les plan
profonds ravins , et hérissée de rochers tations.
aigus. Quant aux iles calcaires , elles ont En mai , les feuilles des arbres , qui
des plateaux ondulés', divisés en larges auparavant étaient d'un vert jaunâtre et
terrasses. Dans les Grandes - Antilles , on pâle >, reprennent toute leur' vigueur et
rencontre parfois de vastes plaines dé- leur teinte foncée . La végétation devient
couvertes , connues sous le nom de sa- alors d'une vigueur dont rien ne saurait
vanes. donner une idée dans les climats d'Eu
Il se trouve des ports et des havres sur rope. A cette époque , le thermomètre de
tous les points de la circonférence des Réaumur marque de 20 à 22° , et se sou
Antilles ; mais ceux qui sont situés à l'est tient à cette hauteur jusqu'au coucher du
de ces iles sont bien moins sûrs et ordi- soleil . En juin , il y a intermittence des
nairement moins spacieux que les ports pluies , et l'atmosphère est d'une pureté
des côtes occidentales. Les bancs de sable cristalline. Du moment où le soleil parait
et les rochers ou rescifs, désignés aux An- sur l'horizon jusque vers les deux heures
tilles sous le nom de cayes, y sont mal- de l'après-midi, on souffre beaucoup de
heureusement trop fréquens : c'est sur- la chaleur; mais ordinairement à cette
tout surles côtes d'Haïtyet de Cuba qu'ils' heure, la brise de mer ou leventd’est s'é
s'offrent en plus grand nombre. lève , et tempère l'ardeur du soleil; elle
>
ANT ( 24 ) ANT ,
fait çprouver aux colons un bien-être saison de l'hivernage, principalementsur
dont on ne peut concevoir toute l'étendue les rades ouvertes , dites foraines. Pen
sans l'avoir senti.La fraîcheur va toujours dant cette saison , il est enjoint par l'ad
en augmentant jusqu'au lever du soleil, et ministration aux gros vaisseaux de com
quelquefois, dans les habitations des mor- merce, et à plus forte raison aux bâtimens
nes , cette fraîcheur dégénère en froid vif de l'état, de quitter ces rades pour aller
et piquant, dont on est forcé de se ga- se mettre en sûreté dans des ports mieux
rantir par des couvertures. abrités, qui, le plus ordinairement, sont
Vers le milieu d'août , la régularité situés sur la côte occidentale des iles.
des brises du large n'est plus si grande , Parmi les assauts continuels que la mer,
et l'atmosphère semble embrasée ; le ther- cet élément inquiet et indocile, livre aux
momètre de Réaumur s'élève alors jusqu'à terres, le phénomène du raz - de-marée
33 et même 35° , à l'ombre. A la fin de est un des plus dangereux et des moins
septembre , il apparaît de bonne heure , expliqués. Les vagues, qui de loin parais
le matin , des nuages épais et d'une teinte sent s'avancer tranquillement jusqu'à la
sombre et rougeâtre qui se balancent d'a- portée de deux à trois cents toises, s'élè
bord horizontalement , puis se meuvent vent tout à coup près du rivage , comme
vers la cime des montagnes. C'est à cette si elles étaient poussées obliquement par
époque principalement que se font en- une force irrésistible , et crèvent avec
tendre ces coups de tonnerre dont le une bruyante violence. Les vaisseaux qui
bruit effroyable, déchirant, semble être se trouvent alors sur la côte ou sur les
la décharge d'une batterie tout entière rades découvertes , ne pouvant nigagner
de pièces d'artillerie du plusgros calibre ; le large , ni se soutenir sur leurs ancres,
il estprécédé ou immédiatement suivi d'un vont se briser contre terre sans aucun
craquement combiné de la nuée et des en- espoir de salut.
trailles de la terre : c'est ce que, dans les Les ouragans dont la mémoire a laissé
colonies , on appelle un tonnerre qui dé- le plus d'effroi dans les Antilles sont ceux
chire le taffetas. Heureusement que ce des années 1766 , 1779 , 1780 , 1788 ,
phénomène est moins redoutable qu'il 1813 et 1817. Mais ce qu'il y a d’extre
n'est assourdissant. Rien de plus rare , en mement remarquable et de bien mal ex
effet, que de voir éclater la foudre sur pliqué surtout jusqu'ici , c'est que les
les habitations ni sur les terrains décou- quatre grandes Antilles, et parmi les pe
verts : elle va presque toujours frapper , tites, Tabago et la Trinité , n'ontencore
dans l'intérieur de l'ile, quelqu'un de ces jamais été atteintes de l'ouragan.
géans des forêts qui pèsent orgueilleuse- Le phénomène des vents alisés', qui
ment sur le sol. Tout finit par un torrent soufflent régulièrement sous l'équateur et
de pluie qui inonde la plaine, et au bout jusqu'au 30€ parallèle, n'est pas moinsre
de quelques jours par le fannissement des marquable, mais il est du moins suscepti
feuilles et bientôt par leur chute. ble d'une explication beaucoup plus plau
Depuis la fin d'octobre jusqu'en avril , sible (voy. Alisés).— Les eaux pluviales
>

comme nous l'avons dit plus haut , il ne séjournent peu de temps sur le sol des
pleut guère dans les Antilles, et cepen Antilles. L'évaporation de ces eaux a une
>

dant la température n'est pas chaude ; car double cause d'accélération ; d'abord la
alors il souffle avec force du nord - est un chaleur de l'atmosphère qui volatilise de
vent rafraîchissant. l'eau et en sature l’air ; mais celui-ci de
Les trombes ( ou typhons ) sont assez venant spécifiquement plus léger que l'air
fréquentes dans les Antilles. Alors le sec , par l'effet même de cette saturation,
vent passe rapidement à l'ouest , et oppose d'autant moins d'obstacle par la
fait quelquefois le tour du compas en pression à l'évaporation subsequente.
quelques secondes. Quand il souffle de Celle-ci doit donc croître très rapide
l'ouest , il est toujours d'une violence ment . La vitesse des courans dans les
extrême , déracine les arbres et abat mers des Antilles est très grande, mais
les maisons. Les raz-de-marée ( voy . ) en même temps très variable d'un canal à
sont également à craindre pendant la l'autre; etcela doit être, en effet; car on sait
ANT ( 25 ) ANT
que cette vitesse dépend des conditions pendant le voyageur à froide imagination
combinées de la largeur et de la profon- et au caur glacé qui, après les ennuis
deur des canaux; or, rien de plus variable d'une navigation de plusieurs semaines ,
que ces élémens dans les canaux qui sé- a pu débouquer dansle golfe des Antilles
parent les Antilles. En général, les eaux sans ressentir à l'entrée de ce vaste et
sont très peu profondes; mais dans cer- tranquille bassin , dans ces eaux calmes
tains canaux cette profondeur est cepen- sur lesquelles le zéphir semble se jouer ,
dant de plus de 150 brasses, et dans d'au- la vivifiante influence qui saisit et trans
tres , comme entre Saint -Vincent et la porte ? Qui n'a respiré , à 30 lieues en
Grenade et les Grenadins , elle n'est pas ayant des iles et avant même d'en aper
même de 10 brasses. cevoir aucune , ce baume des fleurs éter
La végétation est d'une prodigieuse nelles, des feuilles et des plantes chaudes
activité , principalement sur les îles d'une et odoriférantes , charrié par la douce
certaine étendue; elle étale un luxe in - brise des alisés ? Mais surtout qui n'a joui
connu partout ailleurs. Plus de 3,000 es- avec délices de ce long déploiement d'un
pèces exotiques croissent dans cet archi- majestueux ruban d'iles que vouslongez
pel, et bon nombre des plantes euro- depuis la Barboude, au débouquement
péennes s'y retrouvent, principalement dans le golfe, jusqu'à la Grenade? spec
parmi les herbacées.Raynal s'extasie de- tacle vraiment magique qui vous offre, au
vant les Lianès qui embrassaient, à l'ar- lever du soleil,la vuedecoteaux verdoyans
rivée des Européens aux Antilles, tous sur lesquels semblent se jouer et glissent
les arbres stériles, et en dérobaient les avec rapidité , dans leur marche ascen
branches à la vue. Mais ce qu'il appelait sionnelle , ces nuages bleus etlégers qui
végétal Liane était la collection de cette vont couronner la cime de la Montagne
nombreuse tribu de bignones scandentes, pelée et des pitons du Carbet à la Mar
de cistes , de passiflores, de smilax , d'é- tinique , de la Soufrière à Sainte-Lucie,
pidendrons, de parcira -brava , etc. , et du Cachairou à la Dominique,de Mount
de toutes les sarmenteuses qui se croi- 1 Misery à Saint-Christophe , des monta
sent , se marient, s'enlacent à l'infinidans gnes d’Antigues , de Nièves et de Mont
ces climats. serrat. Par une bonne et fraiche brise
et
Nous sera - t - il permis de remarquer qui vous atteint au débouquement ,
que cet archipel des Antilles, dont les monté sur un bâtiment fin voilier , vous
mers sont continuellement sillonnées pouvez, entre deux soleils, avoir passé en
dans tous les sens par les Européens, est revue tout ce panorama.
peut- être le pays du monde le moins A l'article CRÉOLE nous essaierons de
étudié, le moins connu dans tout ce qu'il buriner quelques noms que la vertu , le
offre d'intéressant ? La raison en est sim- courage et l'honneur nous commandent
ple , au surplus; les premiers colons qui de dérober , s'il se peut , à un oubli to
>

s'y sont établis étaient des hommes gros- tal . D'autres détails sur les hommes se
siers , de mours au moins suspectes, trouveront aux mots Hugues ( Victor ),
>

pour ne pas dire plus , et fort peu sensi- COLONIES , et surtout dans les articles
bles aux beautés de la nature ; ils y ont spéciaux qui seront consacrés à chacune
fondé des plantations et des comptoirs : des principales îles des Antilles. P-ze.
dès lors les colonies n'ont plus été envi- ANTILLON ,savantEspagnol,membre
sagées que sous le rapport commercial ; des Cortès en 1613 , naquit à Santa -Cu
on ne s'y dirige que dans la vue de s'en- lalia , village de l'Aragon. Il étudia à
richir ; et tandis que les poétiques des- Saragosse, la jurisprudence et les sciences
criptions de Bougainville et les naives exactes, et fut nommé professeur d'astro
narrations de Cook fixaient nos regards nomie , de géographie et d'histoire au sé
sur l'archipel Otahitien , que notre ima- minaire royal des nobles, à Madrid. Pour
gination s'allumait au récit des bosquets faciliter à ses élèves l'intelligence de ses
de la nouvelle Cythère et des nymphes cours , il écrivit plusieurs ouvrages qui
faciles qu'ils ombragent , nous avons né- eurent un grand succès. Lors de l'invasion
gligé l'étude des Antilles. Quel est ce- des Français >, il retourna dans son pays
ANT ( 26 ) ANT

natal, où il fit partie de la junte popu- ANTILOPE , genre de ruminans, ea


laire de Teruel. Après la prise de Sara- ractérisé par les cornes creuses , rondes,
gosse , il se rendit à Séville et contribua à ayant des anneaux saillans ou des arêtes
la rédaction de divers journaux patrioti- en spirale , et dont les chevilles osseuses
ques, avec plusieurs littérateurs dévoués, sont solides intérieurement. Les antilo
comme lui >, aux principes constitution- pes se rangent naturellement entre les
nels. A l'approche des Français, il se re- chèvres et les cerfs. On les trouve dans
tira à Cadix avec la junte centrale, et fut l'ancien continent et dans le nouveau ;
nommé , peu de temps après, juge à la mais, malgré la multiplicité de leurs espè
Cour royale de Majorque. Arrivé dans ces , elles ne se mêlent jamais ; la diver
cette ile , il publia un journal libéral in- sité du climat ne peut altérer l'unité pri
titulé : L'Aurore patriotique major- mitive d'un type, et faire disparaitre les
quine. Lorsqu'en 1813 les Français éva- empreintes primitives de types différens.
cuèrent l'Andalousie , Antillon fut élu Les antilopes sont presque toutes re
représentant de la province d'Aragon aux marquables par leur légèreté et leur vé
cortès constitutionnelles : il y combattit locité à la course ; elles sont naturelle
avec énergie les principes antilibéraux . ment douces et sociables, et vivent ordi
Ses opinions le firent arrêter par ordre nairement en grandes troupes. Elles ont
de Ferdinand VII ; mais atteint d'une ma- la vue , louie et l'odorat de la plus éton
ladie grave, il mourut sur l'a route de Sa- nante finesse ; mais, malgré ces qualités ,
ragosse au moment où on le trainait devant elles n'échapperaient pas à la férocité des
une des commissions formées à cette épo- lions , des léopards, des hyènes et des ti
que pour condamner bien plus que pour gres, sans cette allure vive et légère qui
juger. Parmi les écrits de ce savantprofes- leur fait franchir les plus épouvantables
seur, on distingue surtout ses Leçons de précipices. L'antilope a reçu un nom mo
géographie générale et les Élémens de derne ; car les anciens n'en font aucune
la géographie astronomique, naturelle mention, à moins qu'on ne regarde comme
etpolitique de l'Espagne etdu Portugal. une espèce d'antilopes ces animaux dont
Ce dernierouvragequi est très estimédes parle Alexandre dans une prétendue let
Espagnols, a été traduit en français, sur tre à Aristote, où il est question , daus
la dernière édition, sous le titre de Géo- l'énumération des merveilles de l'Inde ,
graphie physique et politique de l'Es- de bêtes à longues cornes quiperçaient les
pagne et du Portugal, suivie d'un iti boucliers des Macédoniens. Cependant
néraire détaillé de ces deux royaumes ; les antilopes sont naturellement, douces
1 vol . in-8°, Paris, 1823. La traduction et même timides .
française comprend la liste des ouvrages L'histoire si confuse des antilopes a
et des cartes qu'Antillon a consultés et été développée d'abord par Buffon et puis
qu'il regardait comme les seuls dignes de par Cuvier, qui les a classées et leur a
confiance pour tout ce qui a rapport à la donné comme divisions les gazelles , les >

description de l'Espagne et du Portugal. bubales , les orix , les acuticornes , les


Cet auteur a laissé aussi plusieurs cartes tseirans, les strepsicères, les léïocères et
géographiques et divers écrits sur la po- les ramifères, qui ont eux -mêmes une
litique et les sciences. G-N. quarantaine de subdivisions , parmi les
ANTILOGIE , mot grec qui signifie quelles on distingue l'isar des Alpes et
discours en sens contraire, contradiction des Pyrénées , le condoma, le gnou , etc.
On l'emploie pour désigner les contradic- Le midi de l'Afrique , vers le cap de
>

tions qu'on trouve entre différens passa- Bonne-Espérance, est la partie du moride
ges d'un même livre , ou entre ce qui a où l'on trouve le plus d'antilopes de
été avancé par un auteur dans différens toutes les espèces. D. A. D.
ouvrages. On a trouvé dans la Bible de ANTILOQUE , fils de Nestor et d'A
nombreuses antilogies ; les commentaires naxibie ou d'Eurydice, et surnommé
de Jacques Tirin en signalent surtout Philopator parce qu'il sauva la vie à son
une grande quantité. S. père. Il est représenté comme le plus
ANTILOI , voy. CONTRE- LOI. jeune des Grecs qui allèrent au siége de
ANT ( 27 ) ANT
Troie. Il était , après Patrocle, l'ami le blanc bleuâtre, argentin, lamelleux, d'une
plus cher à Achille. Aussi fut- il choisi, dureté presque égale à celle de l'or , mais
selon Homère , pour annoncer à ce héros friable etfacile à pulvériser ; sa pesanteur
la mort de Patrocle. Aux jeux funèbres spécifique est de 6,86 .' Il répand lors
donnés en l'honneur de ce héros, Anti- qu'on le frotte une légère odeur d'ail
loque remporta le troisième prix de la qui devient plus sensible lorsqu'on le
course. Il perit de la main de l'éthiopien fond au chalumeau . Soumis à l'action de
Memnon , ou , suivant d'autres , de celle la chaleur dans des vaisseaux fermés , il
d'Hector. Il fut enterré sur le mont Si- se fond avant de rougir; et en se refroi
gée. VAL. P. dissant il forme une sorte de cristallisa
ANTIMAQUE , de Claros, suivant tion que l'on a comparée à une feuille
Ovide et Cicéron , et de Colophon , sui- de fougère.
vant d'autres , florissait de 450 à 410 Ce métal s'oxide an contact de l'air ,
ayant J.-C. Parmi ses ouvrages , on cite surtout avec l'intervention de l'humidité
souvent une élégie érotique, intitulée Ly . ou de la chaleur. L'hydrogène, le bore, le
dě, que les anciens vantent comme un carbone et l'azote sont sans action sur
chef-d'ouvre,> mais dont il nenous reste lui : mais le chlore , l'iode , le soufre et le
que cinq ou six vers tout mutilés , et une phosphore s'y combinent à différentes
Thébaïde dont nous avons, en fraginens températures , et divers métaux forment
épars, une soixantaine de vers, reste pré- avec luides alliages ( voy. ce mot) qu'on
cieux d'un poème qu'on mettait en com- emploie dans différens arts. L'acide ni
paraison avec l'Iliade. L'empereur Adrien trique concentré l'oxide d'abord au pre
lui donnait même la préférence sur ce chef- mier degré, puis au second ; alors il de
d'ouvre des épopées; mais il est déjà bien vient insoluble , et c'est un moyen de
assez honorable, le jugement de Quinti- distinguer l'antimoine des autres métaux
lien ( l. x , c. 1 ) qui assigne à Antimaque
> avec lesquels il pourrait être confondu .
le premier rang après Homère. L'Antho- L'acide hydro - chlorique, après l'avoir
logie ( voy.)de Céphalas nous a conservé oxidé, le convertit en hydro - chlorate.
de ce poète (Brunck, t. I, p. 167; Jacobs, L'antimoine n'est pas rare: on le trouve
IX , 321 ) une épigrammecharmante, d'un dans la nature soit à l'état natif, où il est
9

tour vif et gracieux, qu'il composa à l'oc- peu répandu , soit à l'état de sulfure, où
casion d'une statue de Vénus armée. Les il est le plus abondant , soit enfin , mais
fragmens d’Antimaque ont été recueillis très rarement, à celui d'oxide et d'hydro
et publiés par Schellenberg, Halle, 1786, sulfure. Il est bon d'ailleurs d'avertir ici
sous le titre de Antimachi Colophonii que ce qu'on appelle dans le commerce
reliquiæ , etc.
> F.D. antimoine est le sulfure de ce métal ,
ANTIMOINE, en latin stibium . C'est tandis que l'antimoine métallique y est
un métal qui fut peu connu anciens , désigné par le nom de régule d'anti
quoique ses composés soient depuis très moine.
long-temps employés, et dont la connais- On n'extrait l'antimoine que du sulfure
sance précise ne remonte guère plus (voy . ce mot ) dont les mines se trouvent
haut que le xve siècle. Son nom français dans divers pays de l'Ancien et du Nou
vient, dit-on , d'une assez bizarre tradi- veau-Monde . En France les plus connues
tion. Le supérieur d'un couvent de moi- sontsituéesdans lesdépartemensdu Gard,
nes , ayant remarqué l'embonpoint d'un du Puy-de-Dôme , de la Vendée et de
troupeau de cochons qui paissait aux en l'Arrière. Ce sulfure, outre qu'il est mêlé
virons d'une mine desulfure d'antimoine, d'une gangue dont il faut le débarrasser,
imagina d'en mêler aux alimens de la contient souvent aussi de l'arsenic . Voici
communauté. L'essai fut malheureux, et le procédé employé pour l'extraction de
la mort des religieux fit donner *à ce mi- l'antimoine . Le minerai débarrassé de sa
néral le nom qu'il porte encore .
gangue est concassé et placé dans des
L'antimoine est un métal solide , d'un creusets sur un fourneau ; les creusets
>

(*) D'après cette supposition, le mot latin an- moine , et non pas vice verså ; il faudrait dire
timonium serait la traduction mal faite d'anti- au moins antimonachium I $.
ANT ( 28 ) ANT
communiquent à l'extérieur , par des toutes les préparations d'antimoine àછે me
tuyaux de terre , avec des pots destinés sure de leur apparition, et présenta cha
à recevoir le sulfure qui se fond et coule cune d'elles comme une panacée. Quel
promptement; lorsqu'il est refroidi, il ques hommes cependant résistèrent à
est envoyé en pains dans le commerce. cet aveugle entrainement et prouvèrent
Le sulfure chauffé dans un creuset, à que les antimoniaux avaient souvent du
une chaleur ménagée , laisse dégager le danger. La discussion fut vive et le
soufre , le métal mis àà nu s’oxide,et l'on Parlement s'en mêla. Après avoir dé
a , pour produit , de l'oxide d'antimoine fendu en 1566 l'usage de l'antimoine, la
mêlé d'une portion de sulfure non dé- Faculté l'admit en 1637 dans le Codex
composée. des médicamens qu'elle publia, et, de con
Avec cet oxide on fait diverses prépa- cert avec le Parlement, elle le réhabilita
rations , que noụs ont léguées les anciens en 1667. Voy. ÉMÉTIQUE.
alchimistes et dont les noms bizarres in- De nos jours , les propriétés de l'anti
diquent assez l'origine; telles sont le cro- moine mieux étudiées , bien qu'il reste
cus metallorum , le foie d'antimoine et encore à éclaircir quelques points de son
le verre d'antimoine. Ce dernier com- histoire , ont été utilement appliquées.
posé, ainsi nommé parce qu'en effet il a La médecine en tire parti sans en abuser,
une forme vitreuse , est assez curieux. et lui doit des médicamens assez impor
C'est avec lui qu'on fabriquait au moyen - tans, l'émétique, lesulfure d'antimoine, le
âge des gobelets ou des tasses dans les- kermès minéral, etc. Dans les arts indus
quelles on mettait du vin blanc qui, après triels , l'antimoine joue un grand rôle ;
y avoir séjourné pendant quelques heu- c'est lui qui , allié au plomb , sert à fa
res , devenait purgatif, en dissolvantune briquer les caractères d'imprimerie. Les
certaine quantité de sulfure. On en faisait potiers d’étain l'emploient pour donner
aussi des globules appelés pilules perpé plus de dureté à ce métal , et cet alliage
tuelles, parce qu'on pouvait les recueil- est celui qu'on prend pour faire les plan
lir après qu'elles avaient traversé voies ches sur lesquelles on grave la musique.
digestives, et les utiliser de nouveau. Ce L'antimoine entre aussi dans l'alliage fu
procédé s'il est économique , est à coup sible avec lequel sont faites les rondelles
súr fort dégoûtant. de sûreté pour les chaudières à vapeur ,
L'antimoine métallique s'obtient en alliage qu'on a encore utilisé pour rem
traitant par le tartre l'oxide gris dont il plir les dents cariées. On s'en sert éga
vient d'être parlé , dans un fourneau à lement dans la fabrication des couleurs
réverbère. Mais il n'est pas pur , et , sur- et des émaux. Il fait partie essentielle du
tout pour l'usage de la médecine , il con- 1 jaune de Naples avec lequel se font sur
vient de le débarrasser scrupuleusement porcelaine les beaux jaunes paille. En
de diverses substances étrangères , prin- fin , à raison de son affinité particulière
cipalement de l'arsenic . Il renferme sou- pour l'or , on l'emploie pour séparer ce
vent aussi du fer et du plomb qui peu- métal d'avec d'autres métaux. On traite
vent le rendre impropre à l'usage de cer- ensuite l'alliage d'or et d'antimoine par
tains arts , notamment de la peinture , et l'acide nitrique qui respecte le premier
qu'il importe d'en séparer. et oxide le second 2, ce qui rend le dé
Les alchimistes se sont beaucoup oc part très facile. F. R.
cupés de l'antimoine , et les principales ANTINOMIE , de årti , contre , et
préparations de ce métal leur sontdues. vópos , loi, contradiction des lois entre
Ce qui avait appelé sur lui leur atten- elles , occasionnée par des gouvernemens
tion , c'est la grande affinité qu'il montre d'un esprit différent et souvent opposé
pour l'or , affinité qui leur donnait de qui se sont succédés dans l'espace depeu
grandes espérances pour la transmuta- de temps, dans le même pays. Dans cet
tion des métaux. Aussi l'appelèrent-ils amas incohérent de lois les unes détrui
régule , c'est - à -dire petit- roi ; l'or étant sent les autres , en sorte qu'il devient fa
pour eux le roi des métaux. Suivant l'u- cile à la mauvaise foi ou à la chicane d’é
sage du temps , la médecine s'empara de l luder l'exécution des lois. En France
ANT ( 29 ) ANT
même , les législateurs n'ont pu détruire seau du statuaire représenta et multi
encore l’antinomie. Kant admet une an- plia l'image du beau Bithynien . Beau
tinomie dans la philosophie; elle vient de coup de ces figures appartiennent aux
ce que , selon ce penseur, la raison dans ouvrages d'art les plus distingués que
ses spéculations arrive à des résultats qui nous a légués l'antiquité , nommé
sont contradictoires . Par exemple , elle ment la statue dite l'Antinoüs du Belve
peut prouver à la fois que le monde est li- dère au Vatican , trouvée dans les bains
mité et indéfini quant au temps et à l'es- d'Adrien , et l’Antinoüs du Capitole , qui
pace. Il y .aurait donc , selon lui , antino a été découvert dans la Villa Hadriani,
mie dans la raison humaine , ou contra- | à Tivoli. Mais les archéologues sont di
diction entre les lois qu'elle reconnaît visés d'opinion sur ces deux statues.
dans l'univers. Cette antinomie , si le Beaucoup d'entre eux reſusent d'y voir
terme est justement appliqué ici , ne se- | l'image d’Antinous , et croient y saisir
rait pourtant que le résultat de l'impuis- les idées caractéristiques d'autres dieux
sance de franchir les limites de notre fai- ou héros. La question est fort difficile à
ble savoir. Les lois que nous établissons résoudre. Probablement la statue du Va
commerégissant l'univers , nous les sup - tican n'est pas un Antinoüs , mais un
posons; s'il y a contradiction , elle existe Hermès ; celle du Capitole estun Hermès
dans nos raisonnemens , et non pas dans Antinous. Dans toutes les représenta
ces lois suprêmes que nous ne pouvons tions d’Antinoüs, dit Winckelmann , la
que deviner imparfaitement. figure a quelque chose de mélancolique:
D -G .
ANTINOMISME >, opposition à la les yeux, toujours grands, sontd'un con
loi. Les réformateurs de Wittemberg se tour correct; le profil est légèrement in
servaient de cette expression pour carac- cliné vers la terre ; le menton et la bou
tériser la doctrine de Jean Agricola (voy.) che ont une expression véritablement
qui , professant l'insuffisance de la loi , et belle. (Voir l'ouvrage allemand de Leve
particulièrement celle des Commande- zow , Antinoüs ,> tel qu'il est représenté
mens de Moïse pour la conversion des sur les monumens d'art antiques, Ber
hommes , accordait exclusivement à l'É lin 1808. ) C. L.
vangile, etspécialement au dogme, le pou- ANTIOCHE. Beaucoup devilles, dans
voir de les rendre meilleurs. La dispute l'antiquité , portaient ce nom. La plus
théologique relative à l’antinomisme com- célèbre fut celle qui s'appelle aujour
mença en 1527, et dura près de 40 ans. d'hui Antakie. Elle fut la résidence des
Sous le mot loi, les théologiens n'en- rois Séleucides, en Syrie, sur l'Oronte, et
lendaient pas toujours la même chose : une des cités les plus considérables du
les uns s'en servaient pour désigner la monde; elle se composait de quatre parties
loi morale en général, les autres l'oppo dont chacune était entourée d'une mu
saient à la foi, d'autres enfin l'appli- raille et renfermait des édifices somp
tueux. On y cultivait les sciences ; un
quaient aux préceptes positifs de l'An-
cien et du Nouveau - Testament. grand nombre de médailles y ont été frap
S.
ANTINOUS , jeune Bithynien d'une pées. Plus tard , elle fut le siége du gou
>

rare beauté, immortalisé par l'attache- verneur romain et du patriarche d'Asie;


ment que conçut pour lui l'empereur Bohémond , prince de Tarente , y fonda,
Adrien. Antinous se précipita dans le Nil, en 1097, unemaison souveraine, qui dura
soit dans la persuasion qu'il sauverait jusqu'à la conquête de la ville, faite par
les Sarrazins. Le dernier prince d'Antio
ainsi la vie à l'empereur, soit qu'il fût che
las de sa condition. La douleur d'Adrien fut Bohémond VI, mort en 1271 (v.
ne connut point de bornes. Non con- BOHÉMOND).- Une autre Antioche (sur
tent de donner le nom de son favori à nommée ad Pisidiam ), dans la grande
une étoile nouvellement découverte dans Phrygie, en Asie -Mineure, reçut des Ro
la voie-lactée , nom que cette étoile porte mains le titre de colonie, et fut célèbre
encore , il lui éleva des temples , downa par un temple de la Lune. — La ville d’An
son nom à des villes, et le fit honorer tiochia -Margiana, construite dansla pro
comme dieu par tout l'empire. Le ci- vince de ce nom par ordre d’Antiochus
ANT ( 30 ) ANT
Soter, s'appelle aujourd'hui Marou - Cha- le nom de guerre d'Antiochus, Annibal
monarq
higkian. avait uni sa cause à celle dų ue ;
ÉCOLE D'ANTIOCHE. Il existait, dans mais comme celui-ci , malgré les prépa
les premiers siècles du christianisme , ratifs considérables qu'il avait faits, n'en
dans plusieurs grandes villes de l'Orient, tra que peu dans les vues de l'illustre
des établissemens de théologie , espèces Carthaginois, et se borna à envoyer en
de séminaires, où les jeunes lévites élaient Grèce une armée qui resta dans l'inac
instruits dans lesdevoirs du ministère sa- tion , il éprouva un échec aux Thermo
cré. La catéchisation y formait le prin- pyles et diverses défaites navales. Com
nt découragé
cipal objet d'enseignement, et l'exégèse plètemel'entrée , il ne disputa pas
y était cultivée avec beaucoup de succès. même l'Asie Mineur aux
de - e
Parmi ces écoles, celle d'Antioche, l'un Romains victorieux , qui le battirent de
des siéges métropolitains de l'église pri- nouveau à Magnésie , et le forcèrent à
mitive,sedistingua particulièrement, jus signer une paix ignominieuse , par la
qu'à l'époque où les disputes entre lesNes- quelle il leur céda toute l'Asie jusqu'au
toriens etles Eutychiens préparèrent sa mont Taurus , et paya en outre 15,000
ruine. Parmi ses docteurs , on cite sur- talens d'argent . Ce traité est de l'année
tout l'évêque Théodore de Mopsueste , 189 avant J.-C. Dans la suite , Antiochus
en Cilicie , qui , mort en 429 , laissa de tenta de piller le trésor du temple de Ju
nombreux écrits exégétiques dont un pe piter Élyméen ; mais il fut tué pendant
tit nombre seulement nous est parvenu. cette entreprise, ainsi que tout son çorté
( Voir Fr. Munter de Schola Antiochena . ge , l'an 187. - Antiochus Épiphane, son
Hafn . 1811 , in-8 ° . ) J. H. S. deuxième fits, celui que l'histoire des
ANTIOCHUS. Ce nom de plusieurs Machabées nous représente commel'im
rois de Syrie se rencontre fréquemment placable tyran de la Judée , fit la guerre
dans l'histoire ancienne. Le premier au roi d'Égypte Ptolémée Philopator et
Antiochus connu est un Macédonien , mit le siège devant Alexandrie. Mais au
lieutenant de Philippe et père du cé- bout de quelque temps , l'intervention
lèbre Séleucus ( voy. ce nom ) qu'il eut des Romains en faveur de Ptolémée
de sa femme Laodice. Le fils de ce l'obligea à renoncer à son entreprise et
même Séleucus fut nommé Antiochus mêmeàquitter l'Égypte.-Parmises suc
Soter : il fit diverses guerres , dont quel cesseurs figurent encore divers Antiochus
ques - unes ne furent pas très heureuses. qui eurent chacun leur surnom , jusqu'à
I est connu plus spécialement par l'a- Antiochus Asiaticus que Pompée détrôna
mour qu'il ressentit pour Stratonice, sa et dépouilla de la Syrie , dont on fit alors
belle -mère, amour contre lequel il cher- une province romaine. C. L.
cha d'abord à lutter , mais qui enfin lui ANTIOCHUS, .THÉOposien( code).
occasionna une maladie mortelle. Il était ANTIOPE. Les traditions fabuleuses
à l'extrémité, lorsque Érasistrate ,méde de la Grèce font particulièrement men
cin du roi , reconnut la cause du mal et tion de deux femmes de ce nom ; l'une
la révéla à Séleucus. Ce monarque , qui célèbre par sa beauté, fille du fleuve Aso
aimait tendrement son fils unique , lui pus , ou , suivant d'autres, fille de Nyotée
céda solennellement, en présence d'une et femme de Lycus , roi de Thèbes ,que
nombreuse assemblée , sa jeune et belle Jupiter séduisit en prenant la forme d'un
épouse. Un de ses descendans fut cet satyre ; l'autre, reine des Amazones, ou
Antiochus le Grand qui, l'an 224 avant au moins sæur de la reine Hippolyte et
J.-C., succéda sur le trône de Syrie à femme du roi Thésée , depuis que celui
son père Séleucus Céraunus. Il châtia ci l'eut faite prisonnière , à la suite d'une
>

Molon , gouverneur de la Médie , battit victoire remportéepar luisurles héroïnes


Ptolémée Philopator qu'il sut obliger à des bords du Thermodon. Quand les
lui laisser la Syrie entière, attaqua les Amazones firent, pour venger leur dé
Parthes avec non moins de succès , jus- faite , une invasion dans l’Attique, An
>

qu'à ce qu'il en vint à une guerre avec les tiope , restant fidèle à son époux,les com
Romains. Dans cette guerre, célèbre sous battit avec lui , et c'est d'elle que Thésée
ANT ( 31 ) ANT
eut ce fils Hippolyte dont les tragédies re VIII et Honorius II ; mais à la mort
ont illustré lecourage et l'infortuné. S. de ce dernier, la France, se mêlant aussi
ANTIPAPES, pontifes élevés au saint- aux débats relatifs à sa succession , sou
siége par la volonté d'un souverain ou tint Innocent II contre Anaclet son con
parlesintriguesd'une faction , et opposés current, et les rois de Sicile, de leur côté,
aux papes canoniquement élus. opposèrent souvent un pontife de leur
Çe furent d'abord les empereurs d’Al- choix à celui que l'influence de l'empe
lemagne qui opposèrent des papes de leur reur avait fait nommer.
nomination à ceux que les Romains Il serait trop long d'énumérer tous les
avaient élus sans leur consentement. antipapes qui, au grand scandale de la
chrétienté, ont pendant le . xiile et le
Othon -le -Grand avait fait destituer suc-
cessivement deux évêques de Rome , et xive siècle disputé , les armes à la main
quand Sylvestre III eut expulsé de la ca- ou par les foudres de l'Église, la posses
pitale du monde chrétien Benoît IX , dont sion du patrimoine de saint Pierre à des
lesdébauches compromettaient, aux yeux rivaux plus heureux. Mais ce qui mérite
2

des peuples, le souverain pontificat, davantage de fixer notre attention,c'est le


Conrad II, roi d'Allemagne, ramena grand schisme d'Occident (v. Schisme)
cet indigne pasteur qui se hâta de ven- que ces honteuses rivalités produisirent
dre sa dignité à Grégoire VI. Il éyl avait en 1378, schismequipendant cinquante
alors en même temps trois papes us, et ans divisa et agita l'Église. Il éclata après
leur nombre s'accrut même ď’un qua- la mort de Grégoire XI à l'occasion de
trième , quand le concile de Sutri eut l'élection d’Urbain VI que les cris du
destitué les premiers à l'instigation de peuple romain demandant un pape ita
Conrad , en 1046 , pour nommer Clé- lien , qui n'allât pas , comme quelques
ment II. Lorsque, peu de temps après , uns de ses prédécesseurs , s'établir loin
Alexandre II fut nommé pape,à l’insụ de de Rome, avaient fait nommerau suprême
l'empereurdes Romains, Agnės, mère et pontificat. Ce noble Vénitien , altier et
tutrice de Henri IV , ne se borna pas à impérieux , traita les cardinaux français
protester contre cet acte , illégal à ses avec une hauteur qui les indisposa contre
yeux, mais elle fit aussitôt élire un autre lui et qu'il n'épargna pas même aux sou
pape , Honorius II, qui réussit à se for- | verains. Sous le prétexte qu'on avait pré
mer un parti et à se maintenir pendant cipité outre mesure l'élection d’Urbain ,
quelque temps. Un nouvel antipape s'é- les cardinaux français se retirèrent en
leva en 1080, quand Henri IV , d'Alle- | Provence où ils élurent un nouveau pape,
magne , poussé à bout par Grégoire VII,
2 qui, sous le nom de Clément VII, fut re
son implacable adversaire,, et l'ayant fait connu par la France, l'Espagne,la Savoie
déposer au concile de Brixen , éleva au et l'Écosse, tandis que l'Italie, l'Allema
saint-siége Guibert de Ravenne, connu gne, l'Angleterre et tous les pays du nord
>

sous le nom deClément III : son exalta de l'Europe tinrent pour Urbain VI. Les
tion solennelle eut lieu , en 1085 , du vi- deux papes s'excommunièrent récipro
2

vant de Grégoire, repfermé alors au chà- quement, ne craignant pas de compro


teau de Saint-Ange, et déchu de la gloire mettre leur caractère sacré par les plus
dont pendant douze ans il avait su s'en- cruels outrages, par les insultes les plus
vironner. Mais Clément III ne put se grossières et les plus odieuses. Après leur
maintenir contre Victor III, et surtout mort , le schisme continua ; et comme si
contre Urbain II , qui lui disputèrent ce n'eût pas été assez de deux papes, on
successivement la tiare; et , après diffé- en eut trois, quand le concile de Pise eut
rentes vicissitudes qui l'élevèrent et l'a- nommé Alexandre V, auquel ni Inno
2

baissèrent tour à tour ,> il mourut loin de cent VII , ni Grégoire XII ne consenti
Rome, l'an 1100 , après avoir appris rent à céder la tiare. Ce ne fut qu'au
l'exaltation de Pascal II, successeur d'Ur - concile de Constance, en 1415 , que l'on
bain .
е
réussit à rétablir la paix, en déposant les
Dans le xuie siècle, il y eut plusieurs trois papes , et en nommant à leur place
>

antipapes impériaux, tels que Grégọi- I le cardinal Colonna, connu sous le nom
ANT ( 32 ) ANT
de Martin V. Clément VIII fut le dernier grand nombre d'épigrammes de trois An
antipape : on parvint à le faire renoncer tipaters. Les copistes n'ayant pas assez 1

à la papauté, et depuislorsla guerre cessa soigneusement distingué ces trois poètes,


de déchirer le sein de l'Église.Mais le mal il y a quelque confusion dans le classe
était fait : les yeux des croyans étaient ment et les suscriptions des poésies qu'on
dessillés, et le dogme de l'infaillibilité du leur attribue. Le plus ancien est Antipa
pape avait reçu un coup mortel. En dis- ter de Macédoine , contemporain de Phi
créditant ce dogme aux yeux des peuples, lippe , père d'Alexandre -le-Grand ou de
la lutte scandaleuse entretenue pendant Philippe V , père de Persée , dernier roi
>

un demi-siècle par les premiers pasteurs de Macédoine. Le second , Antipater de


des églises chrétiennes éveilla aussi l'es- Sidon , florissait cent ans avant J.-C., du
prit d'examen qui ne tarda pas à prendre temps de Méléagre qui honora sa tombe
son essor, et qui amena la réforme reli- d'une inscription funéraire. Pline rap
gieuse que le même concile de Constance, porte que, tous les ans , la fièvre le pre
qui mit fin au schisme, essaya vainement nait le jour anniversaire de sa naissance,
d'étouffer. J. H. S. et que, parvenu sans autre indisposition
ANTIPAROS >, voy. Paros. à un âge fort avancé , il fut enlevé par
ANTIPATER ,> général et confident un des accès de cette fièvre que ramenait
de Philippe de Macédoine. Alexandre , son jour natal. Le troisième Antipater ,
en partant pour l'expédition d'Asie , le connu sous le nom d'Antipater de Thes
laissa dans son royaume comme gouver- salie ou de Thessalonique, a vécu sous Au
neur. Quoiqu'il remplit ce poste aveo guste etsous Tibère. Comme Antipater de
gloire, et qu'il eût successivement réduit Sidon , c'était un de ces Grecs improvisa
à l'obéissance le gouverneur rebelle de teurs qui rédigeaient en vers tout ce qui
la Thrace, Memnon , puis les Spartiates frappait leur esprit, souvenirs,, images,,
qui aspiraient à l'indépendance et contre anecdotes, et dont la mission semble
lesquels il eut une lutte pénible àà soute avoir été de détourner des affaires publi
nir , Olympias ,> mère d'Alexandre, fut ques et des goûts de la guerre la jeunesse
son ennemie déclarée, et parvint à le romaine,> éprise des ingénieuses frivoli
rendre suspect à son fils. Antipater fut tés de la Grèce et de l'emphase du genre
mandé en Asie , et Cratère nommé gou- asiatique (asiaticum genus). C'estau plus
verneur de la Macédoine. Mais Alexandre ancien des trois Antipaters que revient de
mourut avant que ce nouvel arrangement droit la palme du goût , de la grace , du
eût reçu son exécution. Dans le célèbre style et de l'invention. F. D.
partage qui fut la suite de cet événement, ANTIPATHIE , mot grec composé
Antipater obtint, outre la Macédoine de Tábos , passion , etde avoi , contre, et
et la Grèce , la tutelle de l'enfant dont signifiant une aversion involontaire que
Roxane,veuved’Alexandre,était enceinte. nous ressentons contre une personne ,
Presque aussitôt il eut à soutenir une lorsque nous jugeons de son cœur par
guerre contre toute la Grèce coalisée. Il son extérieur qui nous déplait. Le plus
éprouva d'abord des revers ; mais Léonat souvent , en pareil cas , notre jugement
et Cratère lui ayant amené des secours , manquede justesse et de clarté, parce que
les Grecs se soumirent denouveau .A cette nous ne nous rendons pas toujours exac 1
guerre en succéda une a utre contre Per tement compte de nos impressions, ainsi
diccas. Elle se termina aussi heureuse que le poète l'a exprimé dans ce disti
ment. Antipater mourut très âgé l'an 317 que :
avant Jésus-Christ après avoir légué à Odi el amo : quarè id faciam fortasse requiris ?
Polysperchon la tutelle du jeune roi . L'ac- Nescio, sed fieri sentio , et excrucior.
cusation portée par quelq ues histo riens Outre cette antipathie en quelque sorte
contre Antipater, comme s'il avait empoi- instinctive, il y en a une autrequi se fonde
sonné Alexandre , est absolument desti- sur l'expérience et sur l'âgedes hommes ,
tuée de preuves. Voy. MacédoinE . C. L. et qui donne à l'observateur attentif la
ANTIPATER ( poètes ). L'Antholo- faculté de se faire, à la première vue, une
gie ( voy. ce mot ) a conservé un assez idée juste de chaque individu. L'ame se
ANT ( 33 ) ANT
révèle par des signes certains : les pas- sont l'abstinence plus ou moins complète
sions yy laissentdans les traits ou dans les des alimens et des boissons spiritueuses,
manières de l'homme certaines traces qui l'usage abondant des boissons aqueuses
trahissent sa manière de penser et d'agir. acidules , mucilagineuses, gommeuses, su
Ces signes extérieurs ayant été souvent crées , etc.; le repos du corps et de l'es
reconnus comme indiquant un caractère prit , les bains tièdes , puis enfin les sai
opposé au nôtre , ils éveillent en nous , gnées locales ou générales. On les emploie
>

toutes les fois qu'ils paraissent, le senti- séparément ou réunis suivant l'exigence
ment de l'antipathie (v.PAYSIOGNOMONIE, des cas. Il ne faut pas oublier que leur
SYMPATHIE ). L'antipathie contre les ani- usage excessif ou inopportun peut avoir
maux et les objets inanimés est produite, des inconvéniens ; mais aussiil ne faut pas
tantôt de la même manière et par la tomber dans l'excès contraire et se priver
même cause que celle qui se forme con- des bons effets qu'on ne peut se promettre
tre les hommes , tantôt aussi par certai- en les employant d'une manière trop ti
nes circonstances , par exemple , par la mide. F. R.
transpiration , par l'odeur , etc.
>
ANTIPHILE , célèbre peintre grec ,
Il règne une antipathie prononcée en- né en Égypte et qui a vécu au temps de
tre certains animaux , comme entre la Ptolémée 1er. On cite de lui un grand
brebis et le loup , entre le crapaud et la nombre de tableaux. Voir Pline , H. N.
belette. L'antipathie se fait remarquer 1,35. S.
même dans les plantes, et va quelque- ANTIPHON , rhéteur grec, né à
fois au point que le voisinage de l'une Rhamnus en Attique , fut le maitre de
fait périr l'autre. Certains hommes ont Thucydide qui en fait l'éloge dans le 8°
une antipathie insurmontable contre les livre de son Histoire. Non - seulement il
chats , les souris, les araignées. L'antipa- était un orateur habile, mais il prit part
thie contre les choses se nomme répu- aussi à l'administration des affaires pu
gnance,, aversion, dégoût; appliquée aux bliques. C'est lui qui imagina le conseil
hommes >, elle peut devenir de la haine oligarchique des 400 que Pisandre in
( voy, ces mots; voy . aussi IDIOSYNKRA- troduisit dans le gouvernement d'Athè
SIE ). C. L. m. nes pour mettre fin au règne démocrati
ÁNTIPHLOGISTIQUE (poč , que. Appelé lui-même dans ce conseil,
flamme, et årti , contre )., Ce mot, que la il ne put parvenir à l'affermir , ni même
>

doctrine deM.Broussais ( voy.) a rendu à y maintenir l'union. Ennemi de So


vulgaire, signifie contraire à l'inflamma- crate et d'Alcibiade , Antiphon perdit
tion. C'est ainsi qu'on dit méthode, trai- son autorité quand ce dernier , malgré
tement antiphlogistique. Mais ce mot les efforts du rhéteur pour le tenir éloi
n'exprime rien d'absolu , et l'eau de gné de sa patrie , fut rappelé de l'exil.
gomme , les sangsues et la saignée ne sont Antiphon se vit alors accusé d'avoir voulu
pensent les personnes
pas, comme leseuls
éclairées
peu trahir la patrie, en négociant la paix avec
, les moyens que l'on pos- Lacédémone. Il se défendit avec éloquen
sède contre l'inflammation . Cependant il ce, néanmoins la peine capitale fut décer
est généralement vrai de dire que si l'on née contre lui ; l'an 412 avant notre ère ,
peut attaquer et vaincre cette maladie sa maison fut rasée; on n'accorda point la
par des agens tout opposés à ceux dont sépulture à son corps et son nom fut dé
on vient de parler, ils constituent les plus claré infâme. Il ne reste de lui que 16
efficaces, ceux dont l'application est le discours ou harangues dont 12 avaient
plus ordinairement salutaire. Mais il ne été prononcés devant les tribunaux d’A
faut pas croire que tel remède en parti- thènes dans des affaires de justice crimi
culier soit, comme on le dit habituelle- nelle : ils sont insérés dans les tomes 7
:

ment, bon pour l'inflammation . Il n'y a et 8 du recueil des orateurs grecs , par
pas d'antiphlogistique spécial, mais bien Reiske. Henri Étienne en avait donné
une méthode, un ensemble de moyens an- une édition dans son recueil d'orateurs
tiphlogistiques dont l'emploi simultané en 1575. Les autres discours d’Antiphon
peut seul obtenir du succès. Ces moyens sont perdus , ainsi que ses institutions
Encyclop. d . G. d . M. Tome II, 3
ANT ( 34 ) ANT
oratoires. On le regarde comme le pre- sus ), celui qui s'occupe de la recherche ,
mier qui ait appliqué la rhétorique des de l'étude et de la connaissance appro
écoles à l’éloquence politique. D-G. fondie des monumens antiques tels , que
ANTIPHONIE , mot grec dérivé de statues, médailles , inscriptions.
porr , la voix , et par lequel les anciens Le comte de Caylus fut un des plus
désignaient une espèce de symphonie qui savans antiquaires de France : come il
consistait à exécuter la musique à l'oc- était moins aimable qu'érudit, on lui fit
tave ou à la double octave, par opposi- cette épitaphe :
tion à l'omophonie (óuocovia), autre es- Ci-gît un antiquaire acariâtre et brusque :
pèce de symphonie qui s'exécutait à l'u- Ah!qu'ilest bien logédans cette cruche étrusque!
nisson . Voy . SYMPHONIE. D. A. D. Avant la découverte de l'imprimerie ,
ANTIPHRASE , figure par laquelle on donnait le nom d'antiquaires aux co
on donne à une chose un nom contraire pistes qui faisaient métier de transcrire
à ce qu'elle est. Ainsi, par exemple, le les livres, et aux libraires qui vendaient
nom des parques vient de parcere , épar- ces manuscrits. Leur profession s'appe
gner , quoique ces déesses ne soient rien lait antiquaria ars. Aujourd'hui, en Al
moins que disposées à épargner ; c'est lemagne, on appelle encore quelquefois
encore ainsi que les furies ont été appe- antiquaires les marchands de vieux li
lées Euménides , c'est- à -dire bienveillan- vres imprimés. Ces antiquaires-là por
tes (Eupeveis), et que plusieurs souverains tent en France le titre plus modeste de
de l'Orient ont été nommés Philopator bouquinistes.
ou Philométor, parce qu'ils avaient fait Chez les anciens le titre d'antiquaire
périr leur père ou leurmère.Presque tou- se donnait à celui qui était chargé de
jours il y a ironie dans l'antiphrase.VAL.P. montrer les antiquités d'une ville aux
ANTIPODES ( de tous , pied ,, et étrangers et d'expliquer les inscriptions
avti ). En géographie ce terme s'appli- anciennes : on confiait cet emploi à des
que aux habitans de deux contrées de personnes distinguées par le rang et le
la terre situées sous le même méridien , savoir, et qui ne ressemblaient en rien
mais dans deux hémisphères différens, aux ciceroni de l'Italie moderne. W-Z.
et éloignées l'une de l'autre de 180°; en On préfère aujourd'hui le nom d'ar
sorte que l'une a autant de latitude mé- chéologue pour désigner les personnes
ridionale que l'autre a de latitude septen- qui fontdes antiquités leur étude particu
a

trionale , et que les deux contrées se lière; cependant il existe encore à Rome ,
trouveraient aux extrémités d'un diamè- à Paris, à Londres, à Vienne, à Copenha
tre que l'on tirerait à travers la terre gue, des compagnies savantes portant le
pour les mettre en rapport. On appelle nom de Sociétésd'antiquaires. Celle de
ces habitans antipodes, parce qu'ils s'op- Londres ( Society of antiquaries ) fondée
posent mutuellement leurs pieds. Lu- en 1572 , reçut un privilége royal en
crèce, Lactance,Saint-Augustin ont traité 1751 ; elle a publié des mémoires sous
la croyance aux antipodes comme une le titre suivant : Archæologia or miscel
:

opinion absurde; et, au vine siècle, Vir- laneous tracts relating to antiquity pu
gile , évêque de Salzbourg et homme sa- blished by the society of antiquaries of
vant, fut déposé , privé de ses revenus et London. Londres , 1770-1815 , 18 vol.
> >
conduit à Rome par ordre du pape, pour La Société royale des antiquaires de
avoir soutenu l'existence des antipodes. France porta d'abord le nom d'Acadé
Aujourd'hui on conçoità peine qu'on ait mie celtique et ouvrit ses séances le 30
jamais pu croire qu'il n'y a pas d'antipo- mars 1805. Ce fut en 1814 qu'elle prit
des : c'est une des vérités les plus simples son titre actuel. Elle tient ses séances à
de la géographie. Si la terre est un globe l'ancien musée des monumens français ,
tournant et si toutes ses parties sont ha- aujourd'hui Palais des beaux -arts. Cette
bitées , il faut bien que les habitans de société publie , depuis 1817 , des mé
diverses contrées s'opposent mutuelle- moires savans et curieux dont 9 volumes
ment leurs pieds. D-G. ont déjà paru. La Société des antiquaires
ANTIQUAIRE ( antiquitatis studio de Normandie a été fondée en 1824 à
ANT ( 35 ) ANT
Caen , et a publié jusqu'en 1831 5 vol. tions les plus dissemblables. Cette ma
in- 8 ° de Mémoires accompagnésde plan- nière d'apprécier et d'expliquer les mo
ches. A l'instar de celle - ci, une autre so- numens fut surtout le mérite de Winc
ciété d'antiquaires s'est formée à Saint- kelmann, de cet homme d'un esprit an
Omer pour l'Artois et la Flandre. S. tique qui restaura complètement l'étude
ANTIQUE * . Depuis que la civilisa- de l'art chez les anciens.
.

tion est assez avancée chez les peuples En faisant de l'étude des chefs -d'euvre
modernes de l'Europe, pour leur per- de la plastique chez les Grecs et chez les
mettre de consacrer au temps passé une Romains l'objet d'une science particu
étude attentive et réfléchie, et d'y re- lière , on réserva à ces chefs - d'œuvre le
cueillir les germes d'un développement mot d'antique, et on y attacha l'idée d'une
intellectuel spécial, pour en féconder valeur intrinsèque sous le rapport de
leurs propres développemens; depuis cette l'art. Cette science eut besoin des secours
époque, les monumens de la littérature de la philosophie et de l'histoire pour
trouver le lien par lequel monume
et des arts des Grecs et des Romains ont les ns
obtenu une préférence généralement de l'art se rattachaient, non -seulement à
avouée sur tous les autres débris connus la poésie des peuples et à leur culture
de l'antiquité, à quelque peuple qu'ils intellectuelle , mais encore aux idées par
appartiennent. Ona reconnu en eux les lesquelles ils étaient dominés dans la po
caractères les plus essentiels et les plus litique et dans la religion. Ainsi se déve
loppa l'idée de l'antique, que l'on ne tarda
vrais de ces anciens âges , et on les a re-
cherchés avec soin , comme les types du pas à opposer au moderne, idée que l'on
passé ; on les a nommés antiques par ex chercha à déterminer avec précision , en
cellence ,ou dans un sens plus étendu an- établissant la comparaison entre les temps
tiquités (voy .), comme on a nommé an- modernes et les temps anciens pour re
ciens ( voy.) les peuples auxquels ils connaître leurs caractères distinctifs. Car,
avaient appartenu , comme on a appelé pour former réellement une période å
archéologie (voy.) la science qui réu- part et tranchée, dans l'histoire de la ci
nit en un faisceau , en un ensemble, tous vilisation du genre humain , il faut que
ces élémens épars. Les collections de mo- l'antiquité présente une idée à elle , cal
quée sur une différence de civilisation
numens de la statuaire , chez les Grecs et
chez les Romains , devenant de plus en profondément marquée; et, dans cette
plus riches et nombreuses , et le senti- hypothèse , il faut admettre que les peu
>

ment du beau , l'amour des beaux -arts , aient


2 ples anci ens , quelque différens qu'ils
été d'ailleurs dans la manifestation
se ranimant par degrés , il en résulta une
appréciation juste et éclairée de ces dé- de leur génie , ont nécessairement eu en
bris d'une grandeur détruite. Le goût commun certaines marques distinctives
des antiques se répandit d'abord en Ita- auxquelles on les reconnait, et que dans
lie , dans le xv° siècle. Dès lors , ces ma- un autre âge on ne retrouve plus chez
tières pouvaient former l'objet d'une aucun . Une différence réelle existe in
science qui, en embrassant tout ce qui contestablement entre les ouvres appar
existait de plus important dans ce genre, tenant à l'époque antérieure au christia
non-seulement séparait ces objets des ob- nisme et celles qui sontpostérieuresà cette
jets plus vulgaires qui nous étaient venus législation religieuse. Sans doute il est
de l'antiquité, mais encore recherchait le fort possible que l'on trouve , entre des
lien qui devait y entretenir l'unité , et productions de ces deuxâges différens, de
rapporter à une seule idée les produc- nombreux rapports et même une grande
ressemblance, de même que dans la na
(*) Cet article , traduit de l'allemand , est em
>
ture, la transition d'un être à un autre est
preint d'un cachet particulier qu'il nous a paru
utile de conserver ;il a fallu des efforts souvent imperceptible ; mais on parle ici
pour le
rendre intelligible à des lecteurs français. On y d'un caractère général par lequel la dis
trouvera des vues neuves et une ébauche de ce
que les Allemands appellent la philosophie de
tinction est motivée . En prenant le mot
l'art. Il demande à être lu avec une grande at antique dans l'acception la plus large,
tention, J.H.S. nous entendons parler de l'état de la ci
ANT ( 36 ) ANT
vilisation des peuples avant le christia- virile était tout, et c'est elle qui faisait
nisme , tel que cet état s'est empreint Je héros : de là le grand rôle que l'a
dans les divers monumens de la science mitié a joué chez les anciens , tandis
que
et des arts . les rapports entre les sexes , réglés par
La civilisation des individus et la cul- la nature bien plus que par la morale ,
ture des peuples commence par le déve- et relevés tout au plus par une pudeur
loppement du sens extérieur , période innée à l'homme, restaient inaperçus ou
>

que nous appelons, par cette raison, celle ne produisaient que des impressions fai
de l'empire des sens. Or , les sens étant bles et passagères.
ce qui enchaîne l'homme à la nature, Ce sont là des traits généraux insépa
puisqu'ils sont les points de contact les rables de l'antique. Quant aux arts , à
plus directs entre l'intelligence et la na- l'art plastique surtout , dont les rap
ture , il nous est facile de nous expliquer ports avec la nature sont plus intimes ,
pourquoi le principephysiqueprédomine et auxquels la dénomination d'antique
pendant cette première période , même se rapporte plus particulièrement , les
dans l'esprit humain , et comment il a dû monumens se pénétrèrent du caractère
y conserver pour toujours une certaine de la nature, en reproduisirent la variété
prépondérance. Dans toute cette pre- et la richesse, tout en rendant hommage
mière période , l'homme vivait , comme à l'unité qui y présidait, et s'identifièrent
l'enfant, identifié avec la nature , et sans avec elle à un point que les ouvrages des
s'écarter des lois que son instinct lui ré- artistes modernes n'ont jamais pu attein
vélait ; lorsqu'il s'en éloigna pour se dre. Les sens révélaient aux hommes
frayer sa route àà lui , il s'engagea dans l'inépuisable variété de la nature , et
une lutte avec la nature , lutte doulou- l'imagination , produit de cette variété ,
reuse à laquelle , par divers moyens , il se développa dans le même sens. Aussi ,
chercha à mettre un terme. Il trouva le règne -t-il une différence profondément
premier de ces moyens dans la religion marquée entre l'Hellène , dont l'ail vif
où encore la puissance de la nature lui et brillant se porte hardiment et avec cu
apparaissait comme une divinité dont riosité sur tout ce qui l'environne, et l'É
il espérait qu'elle mettrait fin à cet an- gyptien sombre , concentré en lui-même
tagonisme; il rendit un culte à la na- et presque toujours énigmatique , ou
ture qui par son immense fécondité et l'Indien mélancolique et recueilli. L'i
l'admirable variété de ses phénomènes magination du Grec était riante et active:
donna lieu au polythéisme , aussi multi- élevé , en quelque sorte , dans les bras
plié dans ses formes que cette nature d'une nature délicieuse , il en recevait des
2

même ; et les créations de l'imagination impressions nobles , et ses beautés se


de l'homme ajoutaient encore à cette ri- réflétaient dans son esprit. De plus
chesse déjà infinie. La science fut pour l'art , à son origine , ayant été la repré
l'homme le second moyen', cette science sentation du principe divin , nulle part il
née de l'étude de la nature, n'ayant long- ne pouvait mieux saisir ce principe que
n

temps d'autre objet que la nature et dans ces nobles formes humaines sur les
la recherche de l'unité qui est dans quelles se portait l'enthousiasme d'une
son essence , s'éleva au-dessus d'elle , et race privilégiée. Ainsi les images que l'art
>

crut ' trouver le premier chaînon de la ent à produire , se trouvèrent emprein


causalité dans la nécessité , dans ce fa- tes de la noblesse et de la régularité des
tum qu’on divinisa et qui fut placé au- traits nationaux . Aucun peuple ne par
dessus des dieux. Enfin , son troisième vint à la hauteur des Grecs pour le fini
moyen fut l'art qui , imitant la nature , des formes corporelles ; et , dès cette pé >

s'exerça à tous les degrés et déploya son riode, la plastique arriva à la perfection.
activité. La prépondérance du principe Quand d'autres peuples luttaient encore
de la nature était encore reconnaissable avec la matière et se complaisaient dans
dans les états gouvernés par différens des conceptions gigantesques, écrasantes
pouvoirs ou par des pouvoirs compli- pour la petitesse del'homme, ou dans le
qués. Dans la vie des individus la force mysticisme des symboles , le Grec s’éle
ANT ( 37 ) ANT
vait à l'aide d'un génie dominant la ma- pre aux arts plastiques, et c'est à la re
tière, et enfantait des productions sim- présentation de la figure humaine qu'il
ples , naives , légères , naturelles , d'une a plus particulièrement été réservé. Dans
pièce , et intelligibles par elles-mêmes , ce sens , ce nom est donné à des statues ,
pleines de grace et paraissant l'ouvrage à des bas-reliefs et à des mosaïques. C. L.
de la nature bien plus que celui du ci- L'article qui précède a dů expliquer suf
seau. Ces cuvres portaient leur prin- fisamment la distinction qu'il faut faire
cipe en eux-mêmes,et ce principe, indé- entre un musée d'antiques et un cabinet
pendant de toute loi morale, était la per- d'antiquités.Cette dernière dénomination
fection des formes, la beauté. Aussi l'art appartient aux riches collections de la bi
hellénique n'est- il point une imitation bliothèque royale et desnouvellessalles du
servile de la nature prise dans certains Louvre, à Paris ;du Musée britannique à
échantillons isolés ; il s'élève de l'exécu- Londres, de la Burg à Vienne, de l'Uni
tion à l'idée , de la forme accidentelle au versité à Berlin, de l'Ermitage et du palais
type, et ennoblit ainsi les formes corpo de Tauride à Saint-Pétersbourg ; à la
relles. L'art grec idéalise , mais avec vé- collection de Stockholm et à celles d'un
rité : la nature vit dans toutes ses créa- grand nombre de particuliers dans diffé
tions, mais forte, mais puissante , et telle rens pays de l'Europe. Quant aux musées
qu'elle se révèle par son ensemble , par d'antiques , les plus célèbres sont ceux du
les qualités qu'elle dissémine sur une in- Vatican et du Capitole à Rome, Dei studii
finité d'objets, au lieu de les réunir sur à Naples, de Médicis à Florence, des salles
une seule tête. basses du Louvre à Paris , du palais Ja
Ce sont là , chez les Grecs , suivant ponais à Dresde, de la Glyptothèque à
2

nous,les caractères essentiels de l'art.Chez Munich , etc. , etc. D'immenses riches


les Romains ( car chez les Étrusques il ses se trouvent ainsi disséminées sur le
n'est, ce semble, qu'un essai arrêté au sol de l'Europe , et chaque année des
premierdegré qu'il avait atteint ),chezles fouilles entreprises en Italie et en Grèce
Romains, l'art était une imitation des créa- en font découvrir de nouvelles. Le Mu
tions helléniques, ou tout au plus, et dans sée Napoléon avait réuni les plus grands
ses meilleures productions seulement, chefs- d'æuvre connus en fait d'antiques :
une seconde fleur venuesurle même arbre , on y trouvait l’Apollon du Belvédère ,
Les chefs- d'ouvre amassés en Grèce ser- le Laocoon , la Vénus de Médicis , le
vaient aux Romains de modèles ; mais Torse , etc. , à côté de la Diane de Ver
ils y mettaient leur cachet, la rudesse des sailles , du Gladiateur, de la Pallas, etc.,
hommes de guerre et la gravité des hommes qui forment encore aujourd'hui les prin
publics. Les Grecs aimaient la forme cipaux ornemens dela magnifique galerie
pour la forme même , et en faisaient par de Paris, dont la description très volu
conséquent le principe absolu de l'art : mineuse , commencée par le célèbre Vis
les Romains prirent part à cette direction conti , a été terminée par le comte de
qui leur venaitdes Grecs ; et, comme l'art Clarac.
hellénique, l'art chez eux prétend au Les savans modernes qui ont écrit sur
titre d'antique. Ainsi , une statue à les antiques avec le plus de science et de
l'antique peut être dans le goût des goût sont Visconti , Winckelmann , Wolf,
Romains aussi bien que dans celui des Heyne ; MM. Bouterwek à Gættingue, et
Grecs . Bættiger à Dresde. J. H. S.
Dans cette acception restreinte , l'an- ANTIQUITÉ. On désigne en général
tique est , jusqu'à un certain point , la par ce mot les temps anciens, par oppo
même chose que le classique ; l'un et sition aux temps modernes ; les produc
l'autre mot indiquent la perfection de la tion des âges passés, et enfin tout ce qui ,
formes ,étranger au monde actuel , à ses
forme, l'esprit inventeur , le goût sûr et devenu
épuré qui se manifestent dans l'exécution à ses mæurs et à son organisa
d'un ouvrage ; tous les deux s'appliquent tion , est regardé comme éteint, comme
exclusivement aux Grecs et aux Romains. ayant vieilli et cessé d'exister.
Cependant l'antique appartient en pro- Le mot d'antiquité appartient spécia
ANT ( 38 ) ANT
lement à un âge dont une révolution , d'usages, de caractère et d'idées. La plu
radicale à modifié dans la suite les idées . part et les plus célèbres des peuples de
et les meurs , ainsi que l'a fait le chris- cette époque furent d'ailleurs successive
tianisme à l'égard du monde paien. Une ment soumis à l'empire romain , établis
telle révolution établit un contraste si sement immense qui absorba en quelque
prononcé entre deux âges , que le dernier sorte tous les élémens de l'histoire ancien
ne peut plus se reconnaitre comme la ne, et qu'on peut regarder comme en étant
continuation de l'autre. Ainsi , en géné- le résumé. A l'époque du démembrement
ral, on divise le temps historique en an- d'une partie et de la plus grande) de ce
tiquité et en åge moderne; mais le con- vaste ensemble , époque qui est celle des
traste existant d'une manière non moins progrès rapides du christianisme, l'anti
frappante entre d'autres fractions du quité finit pour faire place à un autre
temps, le mot antiquité ,essentiellement âge. Tous les peuples anciens ne sont pas
relatif, prend encore d'autres significa- également compris dans l'antiquité : on
tions,, égalementrelatives.L'antiquitéger- a donné à ce mot une signification plus
manique , par exemple , est le commen- restreinte en le réservant pour les Grecs
cement de l'histoire d'Allemagnejusqu'au et pour les Romains , tant à cause de la
règne de Charlemagne :: elle ne remonte supériorité de ces peuples en grandes
guère avantla naissance de J.-C. , et peut qualités , en puissance , en génie , dans
être regardée comme un âge très rap- la culture intellectuelle , sur les autres
proché de nous en comparaison de l'an- nations contemporaines , que par rap
tiquité dans le sens plusabsolu. Quelque- port à la souveraineté et à l'influence dé
fois on entend par antiquité d'un peuple , cisive qu'ils exerçaient sur l'état moral, >

són histoire primitive, en y comprenant. intellectuel et politique du monde.


tout ce qu'on peut recueillir dans les Spirituels , remuans, enthousiastes de
nuages de la mythologie et dans le vague liberté , et semblables à une substance
des traditions sur son origine, ses mi- qui se volatilise , les Grecs, rebelles à
>

grations, ses exploits, ses positions di- l'unité politique, se divisant en une mul
>

verses , enfin sur son existence dans les litude de petits états , et formant au loin
temps antérieurs à la naissance de tont de nombreuses colonies , ont pénétré de
état social bien organisé , et à son histoire bonne heure dans la basse Italie et dans
authentique. Telles sont l'histoire des les iles adjacentes, dans les Gaules , l’Es
Grecs avant la guerre de Troie, et celle pagne , l'Afrique et dans l'Asie-Mineure,
de l'Italie avant la fondation de Rome. jusqu'aux côtes les plus reculées de la
Avant tout cependant le nom d'anti- Mer-Noire. Plus tard et à la suite des
quité appartient à loute l'histoire an- conquêtes d'Alexandre , ils répandirent
ciennė, telle qu'elle se trouve conservée la langue et les mœurs grecques dans
pour nous dans les écrivains grecs et la- l'Asie intérieure, jusqu'en Bactrie et aux
tins, jusqu'à la grande migration du ive Indes, fécondèrent de leursidées les nom
et du ve siècles : les peuples les plus breux états formésdu démembrement de
connus de l'ancien monde jusqu'à l'in- | l'empire d'Alexandre , et imposèrent leur
troduction du christianisme et jusqu'à civilisation , leur science >, leur littéra
l'invasion des Barbares forment un seul ture déjà florissante aux naturels de ces
ensemble presque homogène et dont tou- pays , au moins à ceux des classes supé
tés les parties se tiennent, reconnaissa- rieures. Mais les états qu'ils fondaient
bles, pour ainsi dire , à une physionomie au dehors ne tenaient pas plus entre eux
toute particulière, à un cachet dontpar- par un lien politique, solide et durable,
tout on remarque l'empreinte (voy. An- que les différens cantons de la mère-pa
CIENS ). La multiplicité et la grande va- trie elle-même; il n'y avait d'autre unité
riété des langues et des institutions chez que la langue grecque, qui dominait dans
les différens peuples établissent , il est les écrits et dans la conversation des clas
vrai , des distinctions entre eux; mais ils ses civilisées, de la Sicile à la Bactriane et
se confondent jusqu'à un certain point aux Indes, des Syrtes et de la Basse - Égypte
par des rapports de religion ,> de mæurs, à la Dalmatie età la Mer -Noire.
ANT ( 39 ) ANT
Les Romains, plus concentrés, plus | Afrique, soit en Espagne , dans les Gau
froids et plus réfléchis que les Grecs, les, en Italie et même en partie dans la
s’approprièrent par un jugement sûr et Grèce, se servaient ainsi du latin ; et
exercé ce qu'ils trouvaient de plus utile ceux de la Cyrénaïque, de l'Égypte ,> de
dans l'organisation des peuples étran- la Judée , de la Phénicie, de la Cappa
gers, et enrichirent le genre de civilisa - doce, du Pont, de l'Asie antérieure,
tion qui leur était propre, de la fleur de des iles de l'Archipel, et même quel
>

ques Romains , ne faisaient usage que du


celle des Grecs. Bien loin d'avoir le moin-
drepenchant pour la dissémination quiles grec pour leurs ouvrages. Il s'ensuivit
aurait affaiblis et qui aurait ralenti leur que les deux langues s'emparèrent bien
action au dehors , ils travaillaient avec tôt du monopole de tous les travaux scien
persévérance à augmenter leur puissance tifiques, et que les littératures grecque
et à enlacer dans l'empire tous leurs et romaine s'enrichirent des créations
voisins indépendans. En agissant ainsi , des meilleurs esprits dans toutes les na
les Romains étaient arrivés à une exis- tions , et devinrent ainsi , ce qu'elles se
tence imposante , consolidée par leur ront toujours, la source de toute con
nom autant que par leurs armes. Une naissance de l'ancien monde. Ces deux
apparente modération cachait une vi- littératures se sont pénétrées l'une l'autre,
gueur, une énergie infatigables. Toujours et elles se fortifient, se complètent et
occupés de leurs projets d'agrandisse- s'expliquent mutuellement. Les monu
ment , ils finirent par se rendre en quel- mens littéraires parvenus jusqu'à nous
que sorte les légataires universels des sont les fidèles représentans de deux
peuples , surtout de ceux chez lesquels grandes existences nationales dont ils
régnait l'idiome grec, et firent si bien portent le cachet , et qu'ils font revivre
qu'à la fin la plupart des peuples connus parmi nous dans tous leurs détails.
et civilisés de l'antiquité se trouvèrent De ce que les Grecs et les Romains
absorbés dans le vaste édifice de leur puis apparaissent dans l'ancien monde, les uns
sance. Un lien étroit les resserrait et en- comme le peuple le plus savant , le plus
tretenait fortement l'unité , sinon la fu- spirituel, le plus ingénieux etle plus sen
sion , dans ce corps unique qui les avait sible , lesautres comme le peuple le plus
2

engloutis. prudent , le plus riche en hommes dis


Tout en reconnaissant la supériorité tingués par leurs vertus et par leur hé
intellectuelle des Grecs, dont eux -mêmes roisme, comme celui dont les idées , les
>

ils étudiaient la langue qu'ils parlaient | mæurs , les lois et la domination ont tout
dans les pays où elle était en usage, tout absorbé; de ce que nous devons à leurs ef
en s'efforçant de s'approprier une partie forts réunis l'histoire la plus complète, la
de leur érudition et les chefs- d'ouvre du plus étendue et la plus instructive, rédi
goût hellénique , les Romains répan - gée dans les deux langues par des écri
daient aussi , au moyen de leurs armées, vains contemporains ; de ce qu'ils ont ef
de leurs colonies et de leurs administra- | facé toutes les nations antérieures par des
teurs dans les pays occidentaux de l'A- succès prodigieux dans les arts et les
frique et de l'Europe , leur idiome na- sciences, par l'éclat de leurs opérations
tional , qui , perfectionné sur le modèle militaires,par leurs monumens littéraires
du grec , était devenu la langue des af- etpar l'étendue de leur domination , et par
faires et de la littératurė , au point que la gloire de leur nom ; de ce qu'enfin ils
les indigènes des états soumis oublièrent sont devenus , dans les deux acceptions
peu à peu leur propre langue , et appri- du mot , les maîtres , ainsi que les conti
rent celle de leurs vainqueurs. Deux nuateurs des générations qui , indépen
langues principales, le grec et le latin , damment d'eux , ont anciennement joué
> >

partagèrent donc entre elles l'empire du un rôle dans le monde : de toutes ces cau
monde intellectuel chez les anciens . L'une ses réunies il est résulté que les Grecs et
fut en usage parmi les classes civilisées les Romains ont été placés au premier
de l'Orient , l'autre parmi celles de l'Oc- rang des anciens , et que l'idée tout en
>
cident. Tous les écrivains nés , soit en tière d'antiquité se résume en eux. Aussi
ANT ( 40 ) ANT
n'est-il guère possible de penser aux évé- | moins pris une nouvelle forme tout- à
nemens des âges reculés del'hémisphère fait opposée à l'ancienne. Dans ce sens ,
occidental sans se rappeler involontaire- qui est le plus usité , les antiquités sont
ment les Grecs et les Romains , ou sans proprement la description des antiqui
demander à leurs ouvrages, seuls dépôts tés, lesquelles embrassent, ainsi que nous
de toutes les richesses intellectuelles de l'avons dit, tous les objets remarquables
l'ancien monde , les applications dont on propres à une civilisation déchueou en
a besoin . P. F. K. * général à une société antérieure, et rela
ANTIQUITÉS. Au pluriel , le mot tifs soit aux formes de l'état social même,
Antiquité (voy. l'art. précédent) a un tout de la vie civile , domestique et religieuse,
autre sens. Il désigne les restes plus ou soit aux pratiques de la guerre , à l'admi
moins informes, plus oumoins mutilésde nistration de la justice , aux mæurs et aux
monumens et autres objets curieux d'un coutumes ,> aux sciences et aux arts, en y
âge différent en toutes choses de celui où comprenant toutes les productions que
nous vivons : débris qui ne s'expliquant ces derniers ont enfantées. Ce qui justifie
toujours ni par eux -mêmes, ni par l'his- ladénomination adoptée dans ce sens,c'est
toire, ne peuvent être mis dans toutleur qu'en effet des monumens relatifs à tou
jour et recevoir la signification qui leur tes ces choses ont été découverts succes
appartient qu'à l'aide des recherches la- sivement et par fragmens dans les temps
borieuses des hommes érudits . modernes , surtout depuis la renaissance
Toute agglomération d'hommes , cha- des lettres, et qu'ils ont été éclaircis peu
que village, chaque ville, chaque empire à peu par les lumières que le hasard ou
peuvent avoir leurs antiquités : des ha- les études y ont répandues, et par les rap
bitations, des temples, des tombeaux, prochemens qu'il est devenu possible de
des meubles , des armes, des médailles , faire entre différens morceaux. Bien du
des monumens écrits, des objets d'arts temps s'est écoulé avant qu'on ait pu sai
et autres , plus ou moins altérés par le sir la liaison de ces fragmens entre eux ,
temps ; de plus , des coutumes , des pra- et reconstruire à leur aide l'édifice écrou
tiques, des meurs, différentes solennités lé, dont on n'avait sous la main que cer
avec les traditions qui s'y rapportent et tains ornemens et une foule de maté
qui , témoins muets mais irrécusables riaux informes . On a ainsi tracé sous le
d'un temps entièrement écoulé et peu nom d'Antiquitates le tableau de l'état
semblable au nôtre , se sont conservées primitif de différens peuples , envisagé
surtout parmi le vulgaire. Ces objets, ces sous tous les points de vue ; et ce nom
traditions, sont environnés par la nature forme le titre d'un assez grand nombre
même de leur origine d’une obscurité qui de collections volumineuses , mais utiles ,
répand sur eux un charme particulier, sans lesquelles l'histoire serait encore dé
obscurité dont la science seule parvient pourvue de bases solides. Nous citerons
à triompher. Mais comme il serait im- celles relatives aux Hébreux, par Ugho
possible d'expliquer avec quelque certi- lini , Thesaurus antiquitatum sacra
tude les débris épars d'un état de choses rum , etc. Venet. 1744-70 . 34 vol . in
qui n'est plus ou d'un peuple que le temps fol. ; aux Grecs , par Jacques Gronovius,
a englouti,sans
, l'étude préalable et l'intel- Thesaurus Græcarum antiquitatum ,
ligence entière de toutes les notions qu'on Lugd. Bat. 1697-1702. 12 vol. in - fol.;
en a pu recueillir , la signification du mot aux Romains , par Jean George Græ
antiquités a été élargie de manière à com vius, Thesaurus antiquitatum romana
prendre le tableau complet et raisonné de rum . Traj. 1694-99 . 12 vol. in - fol. Il en
tout ce qui entrait dans l'organisation existe des continuationspar De Sallengre,
d'une société ancienne ou d'un état de Nov. Thesaurus antiquitatum rom . Ha
l’antiquité qui >, s'il existe encore , a au gæ 1716-19. 3 vol. in - fol., et par Paleni ,
(*) Cet article , ainsi que le suivant , est tiré
Nova supplementa Thesauri antiq.rom .
2
et groec. Venet. 1737. 5 vol. in -fol.
et traduit de la grande Encyclopédie allemande
d'Ersch et Gruber. Nous les restituons , l'un et Dans cette acception , les antiquités
l'autre, à leur auteur. S. d'un peuple , d'un état , c'est la réunion
>
ANT ( 41 ) ANT
et la combinaison d'une infinité de dé- | systèmes opposés deviennent possibles.
tails, de notices,de renseignemens épars Cependant, malgré cette imperfection,
et fragmentaires trouvés dans les plus an- les antiquités juives , grecques et ro
ciens auteurs , soit qu'ils aient traité ces maines ont été admirablement éclaircies
matières à dessein , soit seulement qu'ils par les efforts réunis de plusieurs savans,
en aient fait mention parhasard et sans s'y du moins dans leurs points essentiels;
arrêter. C'est de plus l'explication d’ob- elles remplissent assez bien leur objet
jets antiques conservés ou découverts , qui est d'exposer l'organisation intérieure
le résultat des inductions que l'on en tire; et toutes les ramifications et manifesta
en un mot c'est un immense agrégat de tions de la vie politique et sociale sous
notions partielles et détachées qui ne re- les points de vue les plus divers.
çoivent de prix que par leur réunion , Plus les antiquités se complètent au
notions au moyen desquelles on arrive moyen des recherchesou de vieux docu
graduellement à la connaissance exacte mens que le temps fait découvrir et qui
d'un état de choses dont aucune descrip- renferment de nouveaux éclaircissemens,
tion complète et faite avec ensemble ne plus on établira avec certitude la situa
nous était parvenue . tion des peuples anciens , sous le rapport
>

Parmi les ouvrages de ce genre nous des institutions, de la religion , des meurs,
terons encore lesAntiquitésjuives de de la vie domestique et de l'organisation
Aug. Pfeiffer, de Reland , de Warne de famille; on aura des idées claires sur
kros et de Bauer ; grecques , de J. Ph. leur gouvernement, sur la législation ,
Pfeiffer, de Potter , de Lambert Bos et
> l'administration civile , judiciaire et mi
d'Havercamp; romaines, de Rosini, de litaire , la police, les classes de citoyens,
Nieupoort, de Pitiscus, de Maternus, de leur culture , leurs occupations et leurs
Cilano , d’Adam et de Heyne ; teutoni- amusemens, les idées dominantes à dif
ques,deGrupen, de Tresenreuter, d’Hei- férentes époques, les conflits intérieurs ,
neccius , de Hummel et Roessig ; gauloi- l'état des sciences et des arts, etc. En un
ses, de J.Martin , la Sauvagère, etc.; bri- mot , par ces recherches progressives ,
3

tanniques, de William Baxter , etc. etc. la vie proprement dite et l'existence d'un
Ces antiquités forment jusqu'à un peuple avec toutes ses complications
certain point, ainsi qu'on peut le dire intérieures se présenteront d'une ma
aussi des excellentes Idées de M. Heeren , nière claire et intelligible à l'esprit d'ob
la statistique des peuples et des états servation et d'étude. Quant aux popula
d'autrefois, avec cette différence seule- tions de différentes autres contrées du
ment que les statistiques modernes, bien monde connu des anciens, leurs antiqui
plus complètes, présentent aussi beau- tés ont été décrites avec plus ou moins
coup plus d'ensemble , puisqu'elles sont de soin , suivant que les monumens con
faites en présence d'un état encore exis- servés étaient plus ou moins importans ,
tant dont l'étude offre au statisticien un plus ou moins accessibles, et suivant que
tout qu'il n'a pas besoin de construire ces études laborieuses et généralement
par morceaux, mais qu'ila sous les yeux mal compensées ont trouvé chez les
déjà tout formé. Ces statistiques négli- grands et chez les riches plus ou moins
gent d'ailleurs comme indifférens et oi- d'encouragement. On trouvera sur les ou
seux une infinité de détails auxquels vrages decette nature des renseignemens
l'antiquaire est obligé de prêter son atten- satisfaisans dans la Bibliotheca historica
tion; elles s'attachent plus exclusivement de Meusel,dans Bougine, Manuel d'his
aux formes de l'organisation d'un état et toire littéraire universelle, à l'article An
aux ressources dont il peut disposer. tiquités, et dans Ersch , Manuel de lit
Dans les antiquités tout est fragmen- terature. De nos jours , les antiquités
taire; mille questions n'y arrivent jamais égyptiennes ont été éclaircies par les tra
à solution ; une foule de circonstances vaux savans et ingénieux de voyageurs
ou d'objets matériels nous paraissent français et anglais, et par le parti que les
énigmatiques; des opinions contradic- Heeren , les Letronne, les Müller, etc.,
toires peuvent être accréditées , et des ont su en tirer. Les antiquités indiennes
ANT ( 42 ) ANT
ont été exploitées dansces derniers temps: du sophiste Gorgias et tint d'abord une
la France, l'Angleterre et l'Allemagne école de rhéteur, Mais après avoir en
ont pris une part à peu près égale à cette tendu Socrate , il renonça aux vains or
étude nouvelle et intéressante . P. F. K. nemens de l'éloquence pour se consacrer
ANTISCIENS ( de árti contre et tout entier à la philosophie . Il puisa dans
orie , ombre ), peuples dont les ombres les leçons de ce philosophe un zèle ardent
>

ont à midi des directions contraires; ou pour la vertu, une haine violente du vice.
ANTICIENS, de årti et oixos, maison , Il fit consister la vertu à savoir se passer
>

e'est-à -dire habitans de deux côtés op- de tous les objets extérieurs, et à s'en
posés. On nommeainsi les peuples qui rendre indépendant. De là son dédain
se trouvent sous le même méridien et pour les richesses, les dignités , les plai
sous des parallèles opposés à égale dis- sirs et même pour la science. Il voulait
tance de l'équateur, les uns au nord, les restreindre l'esprit et le corps au strict
autres au sud : c'est-à -dire que si l'un nécessaire , et il n'hésita pas à se montrer
>

d'eux est situé au 40° de latitude nord , comme un mendiant, un bissac sur le dos
l'autre se trouve au 40 ° de latitude sud . et un bâton à la main. Platon reconnut
Tels sont les habitans du cap de Bonne- le vrai but de cette conduite bizarre .
Espérance et ceux du cap Matapan en « Je vois, dit - il à Antisthène, la vanité
Morée. Par conséquent les antisciens ont percer à travers les trous de ton man
des pôles également élevés ; mais ils n'ont teau . » La singularité de cette manière
pas le même pôle. Toutes les heures du de vivre engagea beaucoup de gens à l'i
jour et de la nuit sont les mêmes chez miter ; son disciple le plus remarquable
les deux peuples, parce qu'ils sont tous fut Diogène ( voy. ce mot ). Si celui-ci
les deux sur le même méridien. Les jours s'est plus distingué par la fermeté et la
des uns sont égaux aux nuits des autres, vivacité de son esprit et par l'originalité
à cause de leurs latitudes opposées. Le de ses expressions , Antisthène sut met
jour le plus long pour les uns est le tre plus de dignité dans sa conduite : il
plus court pour les autres et réciproque- | fut constamment un citoyen ' vertueux ;
ment. Quand les uns sont en hiver , les c'est même lui qui le premier osa pour
autres sont en été; mais cette différence suivre les accusateurs de Socrate , et qui
de saison est très peu sensible pour les fut cause de l'exil de l'un et de la con
antisciens qui habitent la zone torride. damnation à mort de l'autre ; cependant
Les peuples quisont sous l'équateur n'ont Barthélemy révoque en doute ce fait.
pas d'antisciens. G-N. Sa conversation était agréable, et Xéno
ANTISEPTIQUES , voy. SEPTI- phon parle de lui avec éloge, dans son
QUES . banquet. Après la mort de Socrate, il se
ANTISIGMA , sigma ou s grec ren- retira dans le Cynosarge, gymnase d’A
versé (3). C'est un signe employé par les thènes dont on prétend que l'école cyni
anciens critiquespour marquer que l'or- que a pris son nom . De ses nombreux
dre des vers en regard desquels on le met ouvrages nul n'existe aujourd'hui, car les
doit être changé. Avec un point au mi- lettres que l'on a sous son nom passent
lieu , ce signe indique qu'on a trouvé pour apocryphes. C. L.
dans les manuscrits , soit dans le texte , ANTISTROPHE , voy. STROPHE.
soit en marge , deux vers ayant le même ANTITHÈSE , du grec årti, contre,
sens, et qu'on ne sait pas lequel des deux et légis position ; figure de rhétorique
est à préférer. S. qui consiste à opposer des pensées les
ANTISPASME , mètre antique se unes auxautres pour leur donner plus
composant d'un iambe et d'un trochée , d'éclat. Elle exprime un rapport d'oppo
de la manière suivante vous commedans sition ou entre des objets différens, ou
le mot verecundus. Y. entre les qualités , les manières d'être et
ANTISPASMODIQUE , v. SPASME. d'agir d'un même objet. C'est une des fi
ANTISTHÈNE, fondateur de la secte gures qui plaisent le plus dans les ouvra
cynique, né à Athènes dans la 89meolym- ges d'esprit et qui produisent le plus
piade ( 424-21 avant J.-C.), futdisciple d'effet, lorsqu'elle est amenée naturelle
ANT ( 43 ) ANT
ment et qu'on en use avec discrétion . Il | même nom et petit-fils d'Antoine l'ora
faut surtout, en s'en servant, éviter l'af- teur , que son éloquence et ses vertus
feetation et la recherche, et opposer des avaient élevé aux plus hautes dignités
pensées et non des mots , si l'on ne veut de l'état. Il était allié à la famillede César,
pas faire dégénérer l'antithèse en pointe par sa mère Julie , qui avait épousé en
ou en un jeu de mots ridicule , comme secondes noces Lentulus , le complice de
dans ce vers de Racine où Pyrrhus op- Catilina et que Cicéron fit condamner
pose l'amour dont il brûle pour Andro- à mort. De là l'origine de la haine de
maque, aux feux dont il embrasa Troie : Marc -Antoine contre ce grand écrivain .
Brûlé de plus de feu que je n'en allumai. Des extravagances et des fautes signale
rent ses premières années. Il alla en Grèce
On ne peut s'empêcher de .condamner étudier l'éloquence et l'art militaire, et
une telle affectation . Cette antithèse de suivit de là le consul Gabinius dans son
Cicéron : Vicit pudorem libido, timorem expédition en Syrie. Il y déploya , ainsi
:

audacia , rationem amentia , ne pre qu'en Égypte où il contribua à remet


s

sente qu'une opposition de mots; mais tre sur le trône Ptolémée Aulète , beau
cette pensée d'Auguste parlant à quel coup de courage et d'activité. Les soldats,
quesjeunes séditieux : Audite juvenes se auxquels il montrait de l'indulgence , de
nem quem juvenem audivére senes , est la générosité et de la confiance , lui étaient
exprimée d'une manière vive et saillante, extrêmement attachés. De retourà Rome,
parce qu'ily a en même temps opposition il fit cause commune avec Curion et ap
de mots et opposition d'idées. puya , comme celui- ci , le parti de César.
Dans ce vers de Corneille,
Il devint augure et tribun du peuple; mais
Et monté sur le faîte, il aspire à descendre , quelques -unes de ses propositions de lois
et dans celui de Racine , excitèrent contre lui des haines si vives
qu'il fut forcé de chercher , avec Curion
Je t'aimais inconstant, qu'eussé-je fait fidelle ? et Cassius Longinus , un refuge dans le
l'antithèse est ce qu'elle doit être ; elle camp de César. Cette démarche fut un
n'a rien de forcé, et produit l'effet qu’on des prétextes de la guerre civile entre
en attend . César et Pompée. Lorsqu'elle éclata, An
Les écrivains de l'antiquité et les bons toine fut nommé par César gouverneur
auteurs modernes fournissent une infi- général de l'Italie ; plus tard , il lui amena
vité d'exemples du degré de beauté au- en Épire des forcesconsidérables. Il com
quel l'antithèse peut atteindre. Cette fi- manda l'aile gauche à la bataille de Phar
gure convient surtout au style oratoire. sale , et revint à Rome avec les titres de
Fléchier en a fait un heureux emploi maître de la cavalerie et de gouverneur
dans le
passage suivant d'une
belles oraisons funèbres :
de ses plus de l'Italie; il s'y déshonora tellement par
ses excès et par ses violences, que César,
« La reine était humble sans bassesse, à son retour , le traita avec froideur.
simple sans superstition , exacte sans Vers le même temps , il épousa la veuve
scrupule , sublime sans présomption . »
> de Claudius , Fulvie , qui exerça quel
Voici une antithèse fort ingénieuse de que temps sur lui une influence despo
Lessing qui dit en exprimant son opinion tique. Quand César revint d'Espagne,
sur un ouvrage : « Ce livre contient beau- Antoine, par les flatteries les plus basses,
coup de bonnes choses et beaucoup de regagna ses bonnes graces , et , l'an 44
choses nouvelles ; mais ce qu'il y a de fâ- avant J.-C. , il fut son collègue dans le
cheux ,c'est que les bonnes choses qu'ilren-consulat. Cette même année , à la fête des
ferme ne sont pas nouvelles et que les cho- Lupercales, il se jeta aux pieds de César
ses nouvelles ne sont pas bonnes. » G - N . et lui offrit , à deux reprises, le diadème
ANTITRINITAIRES, voy. Un- que le dictateur repoussa aux grandsap
TAIRES.
plaudissemens de la multitude. Peu après
ANTIUM , voy . VOLSQUES . César fut tué , et Antoine aurait partagé
>
ANTOINE ( MARC ), Marcus An- son destin si Brutus , qui espérait le ga
lonius , le triumvir, fils du préteur de gner au parti de la république, n'eûtparlé -
>
ANT ( 44 ) ANT
en sa faveur. Antoine,au contraire, pro- reipublicæ constituendæ ). Ils se parta
nonçaloraison funèbre du mort , déploya gèrent le monde romain, et, faisantla re
sa toge sanglante , et par-là inspira au vue de leurs ennemis réciproques, cha
peuple la rage et le désir de la vengeance. cun abandonna aux autres ses partisans
Les meurtriers se virent obligés à la fuite, en reconnaissance de ceux qui lui étaient
et Antoine régna quelque temps avec un livrés. Après cela les triumvirs entrè
pouvoir sans bornes. Sur ces entrefaites, rent dans Rome et affichèrent leurs tables
le jeuneOctave ( voy.), héritier de César, de proscription. L'Italie devint un théâ
arrive à Rome , veut traiter d'égal àà égal tre de meurtre et de rapines. Antoine fit
avec Antoine, et, sur son refus, embrasse exposer la tête et la main droite de Ci
le parti du sénat. Antoine , trop faible céron sur cette même tribune aux haran
contre cette coalition inattendue , se gues où son éloquence avait remporté
tant de victoires , et 2,000 chevaliers pé
rendit avec une armée dans la Gaule cis-
alpine , dont le gouvernement était sonrirent victimes de ces proscriptions . La
partage , et mit le siége devant Mutineconfiscation des biens des proscrits pro
( Modène ) , que Décimus Brutus, géné- cura pour la guerre une somme de 200
ral républicain , défendit avec vaillance. millions de sesterces ( environ 40 mil
C'est à cette époque que Cicéron écrivit lions ). Les triumvirs nommèrent lesma
ses célèbres Philippiques contre Antoine, gistrats pour plusieurs années. Antoine
non moins dangereux à la liberté de sa et Octave se rendirent ensuite en Macé
patrie que Philippe ne l'avait été à l’in - doine(42 ans avant J.-C.), où les forces
dépendance de la Grèce.Le sénat déclara réunies de leurs adversaires, Brutus et
Antoine ennemi public , et les deux con- Cassius , formaient une puissante arınée.
suls, accompagnés d'Octave , entrèrent Antoine se trouva à Philippes en face de
en campagne contre lui. Antoine battit Cassius qui , ayant vu la bataille se ter
d'abord Vibius Pansa dans une bataille miner par sa défaite, se fit tuer par un
sanglante;mais à l'arrivée de Hirtius, An-
esclavedansl'affaire du lendemain . Ce fut
encore Antoine principalement qui força
toine fut battu à son tour ; toutefois les
deux consuls restèrent sur la place , et Brutus à prendre la résolution désespérée
Octave se mit à la tête de l'armée répu- de son collègue . A la vue du cadavre du
blicaine. Antoine se retira au -delà des vaincu , il témoigna une profonde émo
Alpes. Après des négociations infruc- tion , le couvrit de son manteau et le fit
tueuses avec Lépidus qui commandait inhumer honorablement. Antoine alla
la Gaule , il se rendit en habit de deuil ensuite en Grèce , visita dans Athènes les
dans son camp, et s'y concilia si vite le écoles publiques , et donna à cette cité,
caur des soldats que ceux-ci forcèrent encore brillante après sa chute, des preu
leur chef à s'uniravec Antoine et même à ves de son estime. Dela Grèce il se rendit
lui céder le commandement. Munatius en Asie. Arrivé en Cilicie , il ordonna à
Plancus et Asinius Pollion renforcèrent la reine d'Égypte Cléopâtre (voy.l'art.)de
encore avec leur armée le parti d'Antoi- justifier sa conduite devant lui.La reine
ne : celui-ci,qui, quelque temps aupa- parut en personne et sut enchainer pour
ravant , avait quitté l'Italie en fugitif, y jamais le vainqueur.Antoine la suivit à
rentra alors suivi de 23 légions et de Alexandrie , et là , au milieu de dissipa
10,000 cavaliers. Ceci arriva l'an 43 tions non interrompues , il oublia les af
avant J.-C. Alors Octave, qui jusqu'alors faires jusqu'à l'instant où la nouvelle des
s'était montré, mais seulement en appa- hostilités auxquelles se portaient l'un
>

rence, le partisan du sénat et le défenseur contre l'autre, en Italie , Fulvie sa femme


de la liberté républicaine, laissa tomber le et Octave, l'éveillèrent au sein des volup
masque : il alla au-devant d’Antoine et de tés. Il s'ensuivit une courte guerre qui
Lépide, et eut avec eux, dans une petite même était terminée à l'avantage d'Oc
île du Reno , aux environs de Bologne tave avant l'arrivée d’Antoine en Italie.
(selon d'autres dù Panaro , prèsde Mo- La mort de Fulvie facilita la réconcilia
dène ), lacélèbre conférence danslaquelle tion qui fut scellée par l'union d’Antoine
>

ils se proclamèrent triumvirs ( triumviri avec Octavie , sæur d'Octave. Les deux
"ANT ( 45 ) ANT
maitres de l'empire procédèrent àun nou- le trahir, il perdit courage de nouveau ,
Oc- et se rendit au palais de la reine pour
veau partage :: Antoine eut l'Orient ,
tave l'Occident : le faible Lépide, admis se venger d'elle. Celle -ci se déroba à ses
:

au partage pour la forme, reçut l’Afrique. coups par la fuite, et le trompa en fai
Une concorde parfaite régnait en appa- sant répandre le bruit de sa mort. Alors
rence entre les deux triumvirs; Antoine, décidé à mourir , Antoine se précipita
après son retour en Orient , s'adonna de sur son épée ( l'an 30 avant J.-C.). Selon
nouveau aux mêmes désordres et commit Plutarque, Antoine avait prié son esclave
les injustices les plusévidentes. Après une Éros de le tuer ; celui-ci se présenta, fei
seconde campagne honteuse contre les gnant d'être prêt à lui obéir; et ayant prié
Parthes , il s'empara par trahison du roi son maître de détourner le visage , il se
d'Arménie , Artavasde, et le conduisit en perça lui-même et tomba aux pieds de son
triomphe à Alexandrie. Cependant Oc- maitre. Antoine, frappéde cette preuve
tave ne manquait point d'exciter l'inimi- | d'héroïsme et d'attachement, se perça
tié des Romains contre Antoine par ses alors de son épée. Ayant appris ensuite
rapports sur sa conduite. La guerre entre que Cléopâtre vivait encore ,il se fit por
ces deux rivaux devenait inévitable , et ter près d'elle pour mourir dans ses bras
tous deux commençaient à s'y préparer; ( voy. Aucuste et CLEOPATRE). Il était
mais Antoine,2 au milieu de fêtes perpé- | âgé de 53 ou 56 ans. Nous avons dit plus
tuelles, négligeait de prendre ses précau- haut que Plutarque a écrit la vie de ce
tions , et remplissait de musiciens , de triumvir ; son histoire est aussi racontée
bouffons et de gens de plaisir l'ile de Sa- avec détail par Appien dans ses Guerres
mos, dans laquelle devaient se rassembler civiles , et par Dion Cassius. Les haran
ses troupes. Sa séparation publique d'a - gues etles épîtres de Cicéron renferment
vec Octavie lui attira la désapprobation sur lui de précieux renseignemens. C. L.
générale; enfin on déclara dans Rome la ANTOINE (SAINT ) , surnommé Ab
guerre à la reine d'Égypte , et l'on dé- bas et le Grand , naquit à Côme , près
7

pouilla Antoine du consulat et de son d'Héraclée , dans la Haute-Égypte , l'an


titre de gouverneur. Chaque parti ras- 251. Ses parens , distingués par leurs ri
sembla ses forces militaires , et Antoine chesses et plus encore par leur piété , lui
perdit à la bataille navale d’Actium (voy. donnèrent une éducation très religieuse
ce mot), l'an 31 avant J.-C., l'empire du et très soignée , mais ne l'initièrent point
monde. Il suivit honteusement Cléopâtre à la connaissance des belles-lettres , et il >

qui fuyait après l'avoir vainement at- ne sut jamais que la langue égyptienne.
tendu. L'armée de terre se soumit au Il n'avait pas encore vingt ans , qu'étant
vainqueur . Alors Antoine alla en Libye , entré dans une église au moment où on
où une armée assez considérable qu'il y lisait ces paroles de l'Évangile : Allez ;
avait laissée en réserve était sa dernière vendez ce qu vous avez , donnez -en
espérance ; mais elle penchait pour le la valeur aux pauvres , et vous aurez
parti d'Octave . La douleur qu'il en res- un trésor dans le ciel, il se les appli
sentit fut si vive qu’on eut peine à l'em - qua, distribua une partie des biens
>

pêcher demettre fin à ses jours . Revenu qu'il avait hérités de ses parens , vendit
en Égypte , il vécut dans la retraite et tout le reste , en donna le prix aux indi
l'obscurité jusqu'à ceque Cléopâtre réus- gens , et ne se réserva que ce qui était
sît à le ramener dans son palais . Leurs nécessaire à sa propre existence et à celle
fêtes furent interrompues par l'arrivée de sa seur dont le soin lui avait été con
d'Octave qui rejeta toutes les proposi- fié. Très peu de temps après , ayant en
tions de paix et de conciliation. Quand tendu ces paroles de saint Matthieu :: Ne
il parut devant Alexandrie, Antoine sem- soyez point en peine du lendemain , il
bla retrouver son ancien courage ; il fit se défit de ce qu'il s'était réservé , mit sa
une sortie à la tête de sa cavalerie , et forçaseur dans un monastère de filles, et s'en
les ennemis à la retraite . Mais , bientôt dé- fonça dans le désert,où il pratiqua , sous
laissé par son armée et par la flotte égyp- la conduite d'un vieillard , toutes les aus
tienne, soupçonnant même Cléopâtre de térités qui lui ont acquis une si grande
>
ANT ( 46 ) ANT
réputation , et se livra à tous les exercices des solitaires ( désignés sous le nom de
de piété qui ont servi de modèle à la vie jérosolimitains) et même des gens du
ascétique. monde ( appelés Égyptiens) qu'attirait
Quelque éloigné qu'il fût du tumulte au désert l'éclat de sa renommée . Ce con
du monde , Antoine s'en croyait encore cours donna naissance au monastère de
trop près. A l'âge de 35 ans il passa le Pispir ou Pispiri , d'abord habité par des
bras oriental du Nil, se retira dans un solitaires qui ne désiraient rien tant que
2

vieux château situé sur le sommet d'une de se former sur un si parfait modèle.
montagne, et y vécut dans une retraite si Ceux qui ne pouvaient le voir et l'enten
austère , pendant vingt ans , qu'il n'avait dre le consultaient par des messagers.
de communication qu'avec celui qui lui Ceux qui le visitaient ne trouvaient pas
apportait du pain de temps en temps. En seulement auprès de lui des conseils, ils en
305 il descendit de sa montagne, à la recevaient encore un accueil favorable et
prière d'une multitude de solitaires qui des rafraîchissemens que luifournissaient
désiraient de vivre sous sa direction , et le travail de ses mains et la culture d'un
fonda le monastère de Faïoum , qui n'é- pelit jardin .
tait guère d'abord qu'un amas de cellules En 355 il fit le voyage d'Alexandrie
éparses çà et là, près de Memphis etd’Ar- pour disputer avec les Ariens ( voy.) et
sinoé. On verra dans sa Vie , composée les ramener à la croyance du concile de
par saint Athanase , quelles étaient ses Nicée ( voy .). Il y trouva saint Athanase ,
occupations journalières et quelles maxi- avec lequel il se lia étroitement, et le cé
mes il s'efforçait de graver dans le cœur lèbre Didyme, qu'il tâcha de consoler de
de ses disciples. sa cécité , par la considération de son
La persécution suscitée à l'église par étonnante pénétration et des vastes con
Maximin, en 311, obligea Antoinede sor- naissances qu'il avait amassées . On rap
tir de son monastère et de se rendre à porte que, dans ses entretiens avec des
Alexandrie pour encourager les chré- philosophes , il leur parlait souvent de la
tiens , et plus encore dans l'espérance raison comme supérieure à la science ,
>
d'obtenir la couronne du martyre. Au et comme nécessaire avant tout . On dit
1 bout d'un an la persécution cessa , etAn- aussi que quelques -uns d'entre eux lui
toine reprit le chemin de la solitude. Ce ayant demandé à quoi il pouvait s'occu
pendant il ne tarda pas à en sortir pour per dans son désert, puisqu'il était privé
aller fixer sa demeure sur le mont Col- du plaisir de la lecture, il répondit : La
zin , qu'on a depuis appelé de son nom , nature est pourmoi un livre qui me tient
à une journée de la Mer -Rouge et à trois lieu de tous les autres.
journées de son premier monastère. Il Lorsqu'il sentit sa fin approcher , il
se logea , en arrivant au pied de la mon- visita , pour la dernière fois, les mona
tagne , dans une cellule très étroite , se stères qu'il avait fondés , et où vivaient
réservant les deux cellules qui étaient quinze mille cénobites. Il se retira ensuite
taillées dans le roc , au sommet de Col- sur le mont Colzin ,> avec ses disciples
zin , pour se mettre à l'abri de l'importu - bien -aimés, Macaire et Amathas. Il leur
nité des visitans. Il ne put cependant les renouvela la défense qu'il leur avait faite
éviter : ses anciens disciples découvrirent si souvent d'embaumerson corps, suivant
son asile ; ils s'empressèrent de lui ap- la coutume des Égyptiens. Macaire et
porter des alimens et de recevoir de sa Amathas l'embrassèrent; puis il étendit
bouche ces ferventes instructions qui les ses pieds, et expira l'an 356 , à l'âge de
avaient si long - temps portés à la vertu . 105 ans , sans avoir éprouvé aucune des
Il les suivit même dans leur monastère , infirmités de la vieillesse.
où il fit passer dans l'ame des nouveaux L'église a place sa fête au 17 janvier.
venus , par ses discours et par ses exem- On peut voir dans les Tablettes romai
ples , toute l'ardeur dontil était embrasé. nes , pages 87 et 177 , la manière dont
Il alla voir aussi sa sæur qui le reçut avec on la célèbre à Rome. Cet article est très
la satisfaction la plus vive. piquant, On prétend que son corps fut
De retour à Colzin il devint l'oracle découvert en 561 et transféré à Alexans
ANT ( 47 ) ANT

drie ; qu'en 635 on le transporta à Con- | Lisbonne le 15 août 1195, entra en 1220
stantinople, d'où il fut porté à Vienne dans l'ordre des Franciscains, devint un
vers l'an 980. La croyance de la posses- des disciples les plus dévoués de saint
sion de ce corps fit instituer, près de cette François d'Assise , et voyagea en Afri
dernière ville , un ordre de chanoines que, en France et en Italie, prêchant avec
réguliers -hospitaliers , qui depuis a été une grande chaleur, qui attira vivement
réuni à l'ordre de Malte par bulles du 17 l'attention sur lui.Ce saint, mort en 1231
décembre 1776 et 7 mai 1777. Les re- et canonisé l'année suivante , est sur
liques de saint Antoine furent transfé- tout en honneur en Italie et dans le Por
rées, sur la fin du xive siècle, de Vienne, tugal.
à l'abbaye de Montmajeur- les-Arles,7 et ANTOINE ( CLÉMENT- THÉODORE ) ,
le 9 janvier 1491 à Saint- Julien d'Arles, le roi actuel de Saxe, né le 27 décembre
où l'on croyait qu'elles étaient encore à 1755 , et 4e fils de l'électeur Frédé
l'époque de la révolution . Partout, dit- ric- Chrétien qui mourut en 1763 , quel >

on, elles guérissaient toutes sortes de ma- ques mois seulement après son avene
ladies, et principalement celle qui était ment, et de la spirituelle Marie- Antoinette
>

connue sous le nom de feu sacré oufeu deBavière,fille del'empereur Charles VII.
Saint- Antoine. Dès sa jeunesse il se fit remarquer par
La règle qu'on attribue à saint An- un goût décidé pour la musique et pour la
toine n'est pas de ce patriarche des cé- généalogie , et il fit des progrès remar
nobites , et les religieux qui portent son quables dans l'une et l'autre science . On
nom suivent les pratiques recommandées l'avait d'abord destiné à l'état ecelésias
par saint Basile . tique ; mais l'électeur, son frère aîné ,
Saint Athanase nous a conservé une étant resté long-temps sans avoir d'en
lettre de saintAntoine , en réponse à celle fans, on maria le jeune prince pour pré
que lui écrivit l'empereur Constantin, de venir l'extinction possible de la dynastie
concert avec ses fils Constance et Cons- Albertine ( voy .). Il épousa, en 1781, la
tant. Le patriarche d'Alexandrie Abraham princesse Marie de Sardaigne âgée alors
Ecchellensis aa publié vingt lettres sous le de 17 ans, et qui mourut l'année sui
nom de saint Antoine, Paris, 1641 , in - 12; vante . Cinq ans après il s'unit en secondes
mais il n'y en a que sept qui paraissent noces avec la fille aînée de l'empereur
être de lui. Les Bollandistes en ont publié Léopold II, Marie - Thérèse , qui resta sa
une adressée à saint Théodore , abbé de fidèle compagne pendant quarante ans.
Tabenne. On en trouve deux, en langue | Mais les quatre enfans qu'elle donna au
de la Thébaide, dans les Ægyptiorum prince Antoine moururent tous dans la
>

Codicum Reliquiæ du père Mingarelli, première jeunesse, alors les espérances


Venise , 1785 ; et on présume qu'il en du peuple se reportèrent sur le prince
existe plusieurs autres dans les monas- Maximilien , son frère cadet, marié à la
tères d'Egypte. J. L. princesse Caroline de Parme, et chefd'une
La légende ne borne pas ses récits aux famille florissante. Pendant le règne de
faits authentiques de la vie de ce saint. Le Frédéric-Auguste III >, Antoine ne prit
quadrupède immonde qu'on lui a donné aucune part aux affaires publiques; mais
pour compagnon , la légion de diables les maux qui , depuis 1806 , assaillirent
>

qui venait le tenter au désert et qu'il fai- sa patrie troublèrent la paix de sa vie re
sait fuir en lui flanquantde l'eau bénite tirée , et en 1809 il fut forcé de s'expa
>

par le nez , ont plaisamment exercé le trier, cherchant avec la famille royale un
crayon de Callot et le pinceau grotesque asile tantôtà Francfort, tantôt à Prague
de plusieurs peintres flamands. Ils sont et à Vienne.De retour à Dresde, après les
le sujet d'un joli pot-pourri de Sédaine, désastres de l'armée française, ilpartagea
et du nouvel opéra de la Tentation. Il | les inquiétudes et les peines des Saxons,
n'est pas de saint plus populaire que saint et bientôt le rétablissement de la paix le
Antoine, et son singulier compagnon est rendit à ses anciennes habitudes de fa
devenu proverbial. V-E . mille. Quelques voyages en Allemagne et
ANTOINE (SAINT) DE PADOUE, né à en Italie sont les seuls événemens qui
ANT ( 48 ) ANT
marquèrent dans sa vie paisible , jus- poussées et la révolte ayant gagnédu ter
>

qu'en 1827. Le roi de Saxe étant mort le rain, les bourgeois qui n'avaientpasvoulu
5 mai de la même année , Antoine fut l'étouffer à son origine, mais qui en crai
appelé à lui succéder, mission qu'il dut gnaient les suites pour eux et leurs famil
regarder comme un sacrifice à faire à la les, seréunirentpour aviser au moyen de
patrie, bien plus que comme un avantage rétablir l'ordre , ils demandèrent l'orga
qui flattât son ambition. Le peuple saxon nisation d'une garde communale; et,avant
était d'ailleurs prévenu contre lui : son que l'autorisation enfût donnée, ils s'ins
extrême attachementà l'église catholique crivirent sur les rôles. Leur intervention
dont il est membre , et sa grande piété ayant ramené la paix publique, le gou
donnaient des appréhensions fâcheuses vernement reconnut l'urgence de cer
à une population déjà mécontente des taines améliorations, etfit à cet égard des
progrès qu'elle voyait faire, dans un pays promesses qu'une commission nommée
protestant, à l'influence du parti romain . par lui fut chargée de réaliser. Mais ces
Antoine termina par la convention du réformes, relatives seulement à l'organi
16 septembre 1828 la liquidation diffi- sation municipale, loin de satisfaire la
cile à laquelle l'ancienne réunion du nation, lui firent sentir plus vivement le
grand -duché de Van vie à la Saxe avait besoin d'une garantie pour l'avenir. Elle
donné lieu ; il introduisit quelques amé- fut hautement demandée, et tous les re
liorations dans l'administration judi- gards se tournèrent vers le prince Fré
ciaire, rendit moins onéreuses au peuple déric, neveu du roi , qui inspirait à tous
les chasses royales , créa des établisse- plus de confiance. Le veu des habitans
mens agricoles et autres , et témoigna à de Dresde appelait ce prince , sinon au
ses sujets les mêmes sentimens paternels trône, au moins à la direction des affaires;
que le dernier roi leur avait voués. Mais et ce væu commença de se faire entendre
il ne toucha pas à l'édifice vermoulu des avec tant de force qu'on dut se préparer
anciennes institutions saxonnes. La diète à des nouvelles concessions. Antoine qui
de 1830 eut lieu sans qu'aucun change- avait déjà fait preuve de sagesse en re
ment fut apporté aux formes gothiques fusant, pendant la dernière émeute , de
suivies dans cette assemblée. Le roi resta donner l'ordre qu'il fût tiré sur les ras
stationnaire quand le siècle marchait, semblemens , mérita la reconnaissance
>

cherchant à arrêter l'essor des esprits, publique en cédant encore une fois aux
après que la révolution française de juil- circonstances menaçantes au milieu des
let eut éclaté. Un autre reproche qu’on quelles il se trouvait placé. Par ordon
lui adressait c'est d'avoir opposé des en- nance du 13 septembre, le prince Frédéric
traves à l'ardeur avec laquelle les Saxons fut nommécorégent, et le lendemain An
se préparaient à célébrer le troisième ju- toine le présenta lui-même en cette qua
bilé de la confession d’Augsbourg. Mal- lité aux habitans de sa capitale. Cette con
gré le caractère irréprochable du roi, ces cession et les assurances que le prince ne
griefs se firent entendre partout. Encou- tarda pas à donner rétablirent le calme ;
ragées par l'assentimentde la bourgeoi- | les troupes d'abord éloignées de la ville
sie exclue de tout contrôle du budget et rentrèrent sans obstacle ; Leipzig arrêta
des affaires municipales, et humiliée dans le mouvement qui l'entraînait, etles amé
la diète par le mode de participation qui liorations nécessaires purent être médi
lui appartenait, les classes inférieures, tées et můries avant d'être introduites dans
excitées d'ailleurs par le retentissement l'administration . Une nouvelle charte
que la révolution de juillet avait dans constitutionnelle fut rédigée et discutée
toute l'Europe, firent entendre des me- entre le roi et les anciens états. Le 4 sep
naces. Une violente émeute eut lieu à tembre 1831 , Antoine la promulgua et
Dresde le 9 septembre 1830 : la popu- prêta ce serment : « Je jure, par una pa
lace s'empara de l'hôtel-de-ville et le dé- role de prince, de conserver et de défen
vasta , et l'indécision des troupes en- dre cette constitution : puisse -t- elle être
voyées contre elle ne fit qu'augmenter pour mon peuple un gage de salut et de
»
sa violence. Ces troupes ayant été re- bénédiction ! » D'autres réformes suivi
ANT ( 49 ) ANT
rent ; et le roi rendit un nouveau service qu'il quilta en 1831 pour se rendre en
à son pays en entamant des négociations Italie.
avec la Prusse relativement à un traité relationSon premier soin fut de publier la
des derniers momens de Napo
de commerce, qui ferait adhérer la Saxe léon.
à un système pour lequel plusieurs au-
En lisant ce récit, plein de simpli
cité et d'abandon , on admire plus le pri
tres états de la Confédération se sont déjà sonnier de Sainte-Hélène que le conqué
déclarés,etqui contribuera, plus que toute rant de l'Europe , et l'on partage les sen
timens affectueux qu'il avait su inspirer
autre chose , à établir l'unité dans la pa
à tous ceux qui l'ont vu de près.
trie commune des Allemands. J. H. S.
ANTOINETTE , Voy. MARIE-AN- Depuis cette époque , le docteur An
TOINETTE . tommarchi a repris les travaux de sa pro
ANTOMMARCHI , médecin corse, fession , et a donné ses soins au grand
7

devenu célèbre par son dévouement à ouvrage intitulé l'Anatomie du corps hu


Napolé on . Lorsque l'empereur fut con-
finé sur le rocher de Sainte-Hélène , le
main , avec planches noires et coloriées,
ouvrage qu'il avait entrepri avec Masca
s
docteur Antommarchi, alors professeur gni et qu'il a continué depuis la mort de
distingué d'anatomie à l'université de ce dernier. Un procès dont il fut menacé
Florence , sollicita l'honneur de se con- au commencement de 1831 , à la suite
sacrer au soulagement d'une si grande in- d'un article de journal , dans lequel il
fortune. Après avoir été agréé par la plaidait la cause du duc de Reichstadt ,
famille Bonaparte , il essuya mille tra- n'eut pas de suites fâcheuses pour lui.
casseries de la part de la police, avant de M. Antommarchi vient de publier le mas
pouvoir parvenir auprès de l'illustre cap- que de Napoléon qu'il a moulé sur cet
tif, auquel on venait d'ôter O’Méara , mé- illustre visage peu de temps après la
decin qui avait mérité son estime et sa mort de l'empereur. F. R.
confiance. Napoléon , que les vexations ANTONELLE (PIERRE - ANTOINE ) ,
dont il était l'objet avaient rendu défiant, républicain ferme, ardent et inflexible.
reçut d'abord avec froideur le nouveau Né en 1747 à Arles, d'une noble et riche
venu ; mais bientôt cette réserve fit place famille , il quitta le service en 1783 pour
à l'abandon le plus parfait et à la plus se livrer avec passion aux études philoso
confiante intimité. Les relations diverses, phiques et politiques. Son Catéchisme du
publiées par les personnes qui partagè Tiers -État luivalut d'être élu maire de sa
rent volontairement la captivité de l'em- ville natale et d'être loué par Mirabeau .
pereur, attestent ce fait qui est encore Il se dévoua tout entier à la cause popu
prouvé par le legs que Napoléon a fait laire : on le vit successivement chargé
dans son testament au docteur Antom- d'importantes missions à Marseille et à
marchi. Ce médecin éclairé comprit bien Avignon , député à l'Assemblée législa
la manière dont il devait traiter un ma- tive , acteur au 10 août ( voy. Aout ) ,
lade de cette trempe; au lieu de drogues, commissaire envoyé près de l'armée des
il lui prescrivit l'exercice du jardinage , Ardennes pour annoncer la déchéance
auquel Napoléon se livra sous la direc- de Lafayette , qui le fit arrêter , lui et
tion d'un de ses domestiques. Lorsqu'une ses collègues ; juré au tribunal révolu
cruelle maladie eut mis fin à la vie du tionnaire, et depuis chargé par la Con
prisonnier, Antommarchi , auquel il avait vention de constituer un gouvernement
recommandé de faire l'ouverture de son à Saint-Domingue , d'où l'écarta la tem
corps , refusa de
9
de l'opération
-
signer le procès-verbal pèle.Toutefois,Antonellene trempa point
à laquelle il assista cepen- dans toutes les horreurs du tribunal ré
dant , et, qui d'ailleurs, ne fut de sa part volutionnaire , et il parut conserver dans
l'objet d'aucune protestation. Antom- son républicanisme une sorte d'impar
marchi, de retour en Europe, se rendit au- tialité philosophique. Dans le procès des
près de l'archiduchesse Marie-Louise, à vingt-deux
- Girondins, il se récusa publi
laquelle Napoléon l'avait adressé avant de quement et fut jeté en prison; au 13 ven
mourir : mais il ne resta point auprès de démiaire , il défendit la Convention qui
cette princesse , et revint en France, pays pourtant avait persécuté les jacobins de
Encyclop, d . G. d . M. Tome II. 4
ANT ( 50 ) ANT
puis le 9 thermidor; le directoire voulut RELIUS Fulvius ), était originaire de Ne
se l'attacher comme écrivain , il écrivit mausus (Nimes), dans la Gaule, et naquit
contre le directoire. Impliqué dans la à Lavinium , près de Rome, l'andeJ.-C.86.
conspiration de Babeuf (voy. ce nom) , Son père , Aurelius Fulvius, avait été re
il fit, non pas pour lui mais pour ses co- vêtu du consulat, et lui-même parvint à
accusés , une défense énergique , et fut cette dignité en l'année 120. Il fut un des
acquitté. Député aux Cinq-Cents , le di- quatre consula ires entre lesquels Adrien
rectoir donna l'ordre au conseil des partagea le commandement suprême de
anciens de l'éliminer . Proscrit par Bo- | l'Italie. Il alla ensuite, comme proconsul,
naparte consul , il se consola par un en Asie , et s'éleva de plus en plus a

voyage scientifique en Italie. Il vivait ou- Rome dans la faveur d'Adrien . Son
blié à Arles , sa patrie , quand , tout à épouse , Faustine , fille d'Annius Verus ,
coup , saisissant le moment où tombait et dont il chercha, par une sage modé
Napoléon , en 1814 , il lança dans le pu- ration, à soustraire les déréglemens aux
blic sa brochure intitulée Réveil d'un regards de l'empire , lui donna beaucoup
Vieillard . A sa mort, en 1819 , le clergé d'enfans; tous moururent, sauf Faustine,
lui refusa la sépulture chrétienne; mais depuis épouse de Marc-Aurèle (voy.) En
ses nombreux amis le portèrent à bras 138 , il fut adopté par Adrien , et en re
jusqu'à sa tombe. H-D. vanche il adopta Lucius Verus et Marcus
ANTONELLO , peintre célèbre , né Aurelius Verus (Marc -Aurèle); la même
en 1426 , à Messine, dont il a toujours année le vit parvenir à l'empire. Le
conservé le nom. Ce fut lui , dit-on , qui monde romain goûta sous lui le calme
le premier fit connaître en Italie l'art de et le bonheur. Simple et modéré dans są
peindre à l'huile ; mais les contradictions vie privée , bienfaisant pour l'infortune,
choquantes qui existent chez les biogra- amide la vertu et de la sagesse ,il fut le
phes qui se sont occupés de ce maître père de son peuple ; il répétait souvent
jettent une grande obscurité sur son ces belles paroles de Scipion : « J'aime
compte. On place sa mort à l'année 1475; mieux sauver la vie d'un citoyen que
mais la date de ses tableaux qui existent donner la mort à mille ennemis » . Sa
encore ne permet guère de douter qu'il prudente économie le mit en état de di
mourut plus tard, en 1496. Quoi qu'il en minuer les charges publiques ; il abolit
soit , on rapporte qu'à son retour de la expressément toutes lespersécutions con
Flandre , où il était allé pour apprendre tre les chrétiens ; il ne fit que peu de
le grand art de peindre à l'huile , Anto- guerres ; cependant, il combattit en Bre
nello communiqua son secret à Domini- tagne , où il agrandit le domaine des Ro
que Vénitien , et que celui-ci, se trouvant mains et où il fit élever une nouvelle mų
à Florence , le confia son tour à André raille pour arrêter les incursions belli
del Castagno, qui, poussé par une horri- queuses des Pictes et des Scots. Le sénat
ble jalousie,l'assassina pour n'avoir point lui donna le surnom de Pius ( c'est--àà
de rival; mais déjà Antonello avait initié dire qui a la piété filiale ), parce que
à son secret le peintre Pino de Messine , dans sa reconnaissance il honora le
son ami ; et Roger de Bruges , élève de souvenir d’Adrien , son second frère ,
Van-Dyck, l'avait fait connaître à Venise. par la construction d'un temple. Des
Il y eut donc , au contraire , parmi les incendies , des inondations et des trem
peintres , dès le principe , une rivalité blemens de terre causèrent beaucoup de
qui enfanta les chefs - d'ouvre que l'on dommages en divers lieux sous son règne;
admire encore aujourd'hui dans toute mais sa libéralité adoucit les suites de
l'Italie ; aussi , Antonello de Messine , ces désastres. Il mourut l'an 161 , à l'âge
resta -t-il toujours au-dessous des grands de soixante-quatorze ans, dans la vingt
maîtres , ses contemporains , car il n'a- troisième année de son règne, Ses cen
vait , pour balancer leur talent , que le dres furent placées dans le tombeau d'A
mérite d'avoir apporté le premier, en Ita- drien ; le sénat fit élever en son honneur
lie , le secret de Jean de Bruges. D. A. D. une colonne, encore célèbre sous le nom,
ANTONIN -LE -PIEUX (TITUS Av- de colonne Antonine. Tout l'empire le
ANT ( 51 ) ANU
pleura et ses successeurs ajoutèrent son seiller de légation russe , attaché à l'am
nom au leur, comme un ornement. bassade anglaise ; confident intime de
La colonne Antonine, haute de 140 Charles IV , roi d'Espagne; enfin , con
pieds,> en y comprenant la statue de saint seiller d'état de l'empereur Alexandre en
Paul,qui lasurmonte aujourd'hui, et d'un 1803 : tout cela fut le prix de sa rare ap
diamètre de 11 pieds, est une imitation titude et d'une complaisance singulière
de la colonne Trajane( voy.Trajan ). Sous qui se chargeait de toutes sortes de né
le pontificat de Sixte V, elle fut restaurée gociations. Venisefut le principal théâtre
par Fontana; des bas-reliefstrèssaillans, de son activité. Le général Bernadotte,
placés sur les blocs de marbre qui for- par ordre du gouvernementfrançais, le
ment le fût de la colonne, représentent fit saisir à Trieste et conduire à Milan ,
les victoires de Marc-Aurèle surles Mar- où il gagna sa liberté en révélant ses tur
comans . C. L. pitudes. Depuis , il perdit toute son in
ANTONIN - LE - PHILOSOPHE fluence. En 1812 , retiré en Angleterre ,
-

Voy. MARC -AURÈLE. il fut assassiné avec sa femme par un do


ANTONOMASE (de avti, etővona , mestique italien nommé Lorenzo ,qui se
le nom ), trope par lequel on emploie , tua lui-même sur- le- champ. La saisie su
au lieu d'un nom propre, une qualité ca- bite de ses papiers, ordonnée par le gou
ractéristique (exemple: le fils de Vénus verneur anglais, et leur disparitionjettent
pour dire l'amour ) ou un nom propre quelque chose d'inexplicable surH cette
misérable mort.
au lieu d'un nom commun (exemple: un -D.
Cicéron pour un orateur ). C. L. ANUBIS , mot égyptien qui signifie
ANTRAIGUES ( EMMANUEL-Louis- doré, de nub , or. Nommé Anbo sur les
HENRI DE LAUNEY , comte d' ). Il servait, monumens, Anubis est un des principaux
avant la révolution , en qualité d'officier, dieux égyptiens. Honoré primitivement
mais il fut obligé , dit -on , de se démettre sous la forme d'un chien , il eut dans la
pour avoir manqué de cæur dans un duel. suite la formed'un homme à tête de chien,
Les contrastes de sa vie , ainsi que sa fin d'où l'épithète de Cynocéphale. La lé
tragique et un peu mystérieuse, offrent gende sacrée le disait fils d'Osiris >, qui
quelque intérêt. Il embrassa d'abord l'eut de Nephthys,s'imaginant avoir com
avec fureur les principes de la révolution merce avec Isis , sa femme; Isis, convain
française : son Mémoire sur les États- cue de ce qui était arrivé par la couronne
Généraux, leurs droits et la manière de de lotus qu'Osiris avait laissée chez Neph
les convoquer (1788), est un manifeste thys , chercha l'enfant que sa mère avait
hardi et une philippique assez éloquente. exposé dans la crainte du courroux de
Doué d'une taille avantageuse, on ne Typhon, le trouva à l'aide d'un chien , et
l'appelait à la cour que le beau conjuré. eut en lui un gardien et un compagnon
Mais à l'assemblée constituante, ses opi- fidèle. Anubis est le gardien des dieux ,
nions, ses discours et ses votes, par calcul comme le chien est celui des hommes ;
sans doute, se contredirent à tel point , ainsi s'exprime Plutarque. Selon Dio
qu'à un court intervalle il appuya le veto dore , Osiris fut accompagné dans ses
du roi et proposa une république fédé- campagnes par ses fils Anubis et Macé
rative, Perdu dans l'opinion, il émigra don. Anubis portait un casque garni
pour se donner une meilleure position, d'une peau de chien. D'après la théolo
et , d'ardent démocrate , il devint alors gie astronomique des Égyptiens, Anubis
aristocrate fougueux ,ne promettant rien était le septième des huit dieux de la
moins que d'être le Marat de la royauté. première classe , et son nom était syno
Ici commence sa carrière d'intrigues. nyme de celui de Mercure. Comme tel ,
L'Espagne, la Russie , l'Autriche, il’An
An- ilprésidait à une des heures du jour et
gleterre , l'émigration se l'attachèrent; et était le génie de la sagesse. Sa forme ori
il lui fallutde grandes ressources d'esprit ginaire provient sans doute du culte
pour servir tant de maîtres à la fois et les rendu aux animaux par les Égyptiens; il
consulter tous, malgré la diversité de leurs était considéré comme le génie protec
intérêts. Ministre de Louis XVIII, con- teur de la chasse, Les Grecs le retrou
ANU ( 52 ) ANU
vèrent dans leur Hermès (Mercure), et il Lorsqu'en effet un enfant vientau monde
se fondit ainsi avec lui; mais on sait déjà sans ouverture à l'anus , et avec une obli
à quoi s'en tenir sur ces accommodations tération de la partie inférieure de l'intes
helléniques ( voy. Ammon ). C. L. tin rectum , on est dans l'obligation de
ANUS , mot latin qui a passé dans faire une incision dans la côte gauche du
notre langue et qui sert à désigner l'ori- bas - ventre , d'aller chercher l'intestin
fice inférieur de l'intestin rectum , des- qu'on coupe en travers et qu'on fixe dans
tiné à l'excrétion des matières fécales. La la plaie. Plus fréquemment, l'anus con
structure de cet orifice est telle qu'elle tre -nature est la suite d'une hernie étran
soustrait l'animal à la nécessité de rendre glée , lorsque l'intestin est gangrené et
à chaque instant les excrémens ; un an- que la tumeur a été ouverte , soit par la
neau musculeux le ferme, et cède à l'in- nature , soit par l'instrument tranchant.
fluence de la volonté , puisqu'on peut Quelle que soit d'ailleurs l'originede l'a
>

commander jusqu'à un certain pointau be- nus contre-nature , il consiste dans une
soin d'évacuer les résidus de la digestion. ouverture située généralement dans l'une
Chez les animaux très inférieurs, l'anus ou l'autre aine ou au nombril >, et par la
proprementdit n'existe pas, et un même quelle on voit s'écouler incessamment les
orifice sert à introduire la nourriture et matières fécales , parce qu'il n'existe pas
à en chasser les parties superflues. Chez là d'anneau musculeux comme à l'anus
l'homme et chez les animaux qui s'en naturel .
rapprochent, l'anus offre une disposi- Long-temps cette cruelle infirmité fut
tion analogue, savoir : un anneau mus- regardée comme incurable,et les malades
culo - membraneux , appelé sphincter étaient réduits (c'est d'ailleurs toujours
(voy. ce mot ) , des ganglions muqueux le cas de ceux chez qui elle date de la
propres à fournir une humeur qui favo- naissance ) à porterun appareil plus ou
rise le passage des matières solides , enfin moins bien construit , et destiné à rece
des replis qui permettent à cette ouver- voir les matières intestinales. On avait vu
ture de subir au besoin , sans se rompre, cependant quelquefois leur cours se ré
une dilatation considérable. Des vais- tablir dans le bout inférieur de l'intestin,
seaux sanguins volumineux , et un tissu et l'ouverture fistuleuse, car c'est une vé
cellulaire abondant et lâche , environnent ritable fistule, se cicatriser; mais ce n'est
>

l'anus et rendent raison de diverses ma- que dans ces derniers temps que la chi
ladies qui peuvent se manifester dans rurgie a tenté la guérison et qu'elle aeu
cette partie. le bonheur de l'obtenir. Le principal obs
L'anus peut être le siége de diverses tacle au rétablissement du cours des ma
affections; souvent les enfans, en venant tières était l'espèce d'éperon formé par
au monde , présentent une obturation de l'adossement des deux bouts de l'intestin.
cette partie. Chez l'adulte, des abcès se Sa destruction , au moyen d'une pince
manifestent dans son voisinage, s'ouvrent mousse qui provoque une adhérence à
et laissent après eux desfistules ( voy. ce mesure qu'elle divise la bride , met fin
>
mot) ; des ulcères, des gerçures , des vé- à la maladie ; le sujet commençant à
gétations peuvent s'y développer ; enfin , rendre les excrémens par le rectum , la
les vaisseaux qui l'entourent peuvent su- plaie extérieure se rétrécit peu à peu et
bir une dilatation variqueuse ( voy. Hé- finit par se cicatriser. Nous ne faisons
MORRHOIDES ). qu'indiquer ici cette belle et savante opé
ANUS CONTRE - NATURE. On appelle ration qui, simple en apparence , n'en
ainsi une ouverture faite à la partie in- est pas moins une des plus belles concep
férieure du canal intestinal à une cer- tions chirurgicales , et qui a rendu à la
taine distance de son extrémité >, et donc société des individus qu'une dégoûtante
nant issue, en totalité ou en partie, aux ma- infirmité en avait depuis long -temps ban
tières fécales. Tantôt l'anus contre -nature nis.
est une infirmité qu'on apporte en nais- Il faut dire cependant que si au mo
sant , tantôt il est le résultat d'une opéra- ment même où l'anus contre-nature s'é
tion que l'on pratique après la naissance tablit, le malade est l'objet de soins
ANV ( 53 ) ANV
éclairés , la guérison peut s'opérer au dustriey est florissante et consiste surtout
moyen de la compression des corps dila- dans la fabrication de dentelles , d'étoffes
tans, d'une position convenable ;mais l'o- de coton, d’étoffes de soie noire, de soies
pération dont nous venons de parler, et à torses, de céruse ,de noir d'imprimerie,
>

laquelle se rattache le nom de M. Du- de sucre, etc. Mais la gloire d'Anvers,


puytren , permet de réussir dans des cas c'est son commerce , favorisé par le ma
qu'on avait coutume d'abandonner comme gnifique fleuve qui baigne la ville, et qui, .
au -dessus de toute ressource ; et ce qui peu au - dessous d'elle, a une largeur de
doit la faire apprécier plus encore , c'est 2,400 pieds , sur 60 de profondeur.Très
que l'anus contre-nature,outre le dégoût considérable avant que celui d'Amster
qu'il inspire , produit un désordre habi- dam se fût élevé > ce commerce déchut
tuel des digestions qui ,> outre les affec- au xviº siècle , à la suite des trou
tions érysipélateuses quisurviennentdans bles auxquels le pays resta long - temps
les environs, de l'ouverture, altèrent la en proie, et surtout après la fermeture de
santé et abrègent l'existence. F. B. l'Escaut , stipulée dans le traité de West
ANVERS (ANTWERPEN ) , port mar- phalie. Le port qui >, avant les désastres
chand célèbre,chef-lieu de laprovince du d'Anvers, avait souventrenfermé, dit-on ,
même nom, dans le royaume de Belgique. jusqu'à 2,500 bâtimens,n'en reçoit plus
Cette ville , aussi fameuse dans l'his- annuellement que 7 à 800.La population,
toire > comme place de guerre , que aujourd'hui composéede72,000habitans,
florissante pendant des siècles par un s'élevait autrefois à 200,000 : elle peut
commerce immense , est située sur la rive s'augmenter considérablement sans en
droite de l'Escaut; et de l'ouverture ou combrer les maisons spacieuses, les rues
de la fermeture de ce fleuve a toujoursdé- larges et les belles places de cette ville
pendu sa prospérité. Huit canaux et trois redevenue la rivale d’Amsterdam , et dont
bassins creusés par ordre de Napoléon le sort tend de jour en jourà s'améliorer.
donnentaux plus grands bâtimens la faci- La citadelle construite en 1567 , en de
litéde venir seranger le long des quais.An- hors de la ville , dont l’Esplanade la sé
vers , déchue de son ancienne splendeur, pare >, restaurée en 1701 d'après le sys
renferme encore beaucoup de richesses : tème de Vauban , et fortifiée par de nou
c'est une ville vaste et ornée d'un grand veaux ouvrages pendant la domination
nombre d'édifices remarquables, parmi française et la réunion de la Belgique avec
lesquels on distingue la cathédrale , dont la Hollande, a opposé des difficultés sé
la voûte repose sur 125 colonnes, et dont rieuses à la prospérité commerciale d’An
la flèche , haute de 444 pieds, dispute à vers, par les siéges dont elle a fréquem
celle de la cathédrale de Strasbourg le ment été l'objet. Outre ses cinq bastions,
premier rang parmi les constructions les cette citadelle est défendue par les trois
plus élevées. Dans la nef de l'église , on forts avancés de Kiel , de Saint- Laurent
-

trouve le monument de Rubens , dont on et de Montebello. Enfin , Anvers est le


admire aussi les plus grandschefs-d'ouvre siége d'un évêché fondé en 1559.
dans l'église gothique de Notre - Dame. Cette ville a joué un rôle important
D'autres édifices dignes du plus haut in- dans l'histoire. Au temps de l'Union des
térêt sont : la Bourse , qui fut long-temps provinces hollandaises >, les bourgeois
>

la première de toutes ; l'hôtel des Ostre- d'Anvers, profitant de l'absence momen


>

lins, où la ligue Anséatique avait jadis un tanée de l'armée espagnole, se rendirent


vaste entrepôt; le Palais- Impérial, que Na- maîtres de la citadelle , s'y maintinrent,
poléon avait fait construire; l'Arsenal, etc. et la défendirent, en 1583 , avec un cou
Patrie d'un grand nombre d'artistes , de rage héroïque, contre le duc d'Alençon.
Van Dyck, de Calvart , des deux Teniers, Mais l'année suivante elle fut attaquée
de Floris, etc.,Anversa toujours favorisé avec plus de talentparle prince de Parme,
les arts et renferme aujourd'hui une gouverneur des Pays -Bas au nom du roi
académie de peinture et de sculpture , d'Espagne , et succomba après un siége
ainsi qu'un athénée des sciences et une mémorable de 13 mois , pendant lequel
école de médecine et de chirurgie. L'in- les assiégeans avaient entrepris les opéra
ANV ( 54 ) ANV
tions les plus gigantesques et les plus har des Français jusqu'au 5 mai 1814, où ,
dies pour assurer le blocus complet de après un blocus commandé par l'Anglais
la ville. Schiller, dans son Histoire de Graham , les alliés en furent mis en pos
l'insurrection des Pays-Bas, a donné un session par Carnot ( voy. Jaux talens du
tableau pittoresque et animé des efforts quel la défense dece boulevard de l'em
faits de part et d'autre avec un succès al pire avait été confiée. Anvers fut incor
ternatif. Sainte -Aldegonde( voy. ALDE- poré, avec toute la Belgique, au royaume
GONDE ) fit tout ce qu'il put pour résís- des Pays- Bas ( voy .). De 1815 à 1830
ter aux Espagnols, et le pont de bateaux son commerce prit de plus en plus d'ex
qui formait la base de la digué jetée sur tension , au point d'exciter la jalousie
l'Escaut, fut livré aux flammes par les as- d'Amsterdam . Mais un coup funeste l'at
siégés. Mais la flotte de Zeelande ne ve- tendait en 1830. Les Hollandais ayant été
nant pas à leur secours , ils furent obli- repoussés de la Belgique , Anvers , mal
gés de capitaler , le 17 août 1585 . gré la reconnaissance qu'il leur devait,
Lesiége de 1746, entrepris parle ma fut entraîné dans le mouvement national,
réchal de Saxe, est aussi remarquable et la ville ayant été surprise par le parti
dans les fastes de la guerre. Il amena,révolutionnaire, la garnison hollandaise,
après un bombardement de plusieurs commandée par le lieutenant général ba
ron Chassé ( voy. ), s'enferma dans la
jours, dont toutefois la ville n'eut point
citadelle. Un armistice conclu entre lui
à souffrir, une capitulation par laquelle
Anvers fut livré à l'armée française. et les Belges fut bientôt rompu par la
En 1706 Anvers s'était soumis au roi fougue des hommes indisciplinés par les
d'Espagne Charles III; réunie au Bra- quels était occupée la ville; des coups de
bant, cette ville appartint dans la suite à fusil ayant été tirés de l'esplanade sur les
la portion autrichienne du duché de ce sentinelles hollandaises, Chasséy répondit
noin , et dépendait du cercle de Bour- par le canon. Le 27 octobre 1830 l’ar
gogne. L'empereur Léopold II voulut tillerie des forts et de la flotte jeta pen
en ranimer le commerce en obtenant la dant sept heures dans la ville des bou
liberté de l'Escaut; mais il échoua dans lets rouges et des grenades; et cette hor
cette tentative. Bientôt la maison d'Au- rible exécution , dans laquelle l'arsenal,
triche perdit ses possessions dans les le grand entrepôt du commerce et beat
Pays-Bas; après la victoire de Jemmapes, coup de maisons devinrent la proie des
l'armée de la république française occu- flammes, eut en Europe un retentisse
pa Bruxelles , et le général Labourdon- ment douloureux , plus favorable à la
naye mít, le 20 novembre 1792, le siége cause des agresseurs qu'à ceux qui avaient
devant lacitadelle d'Anvers. La tranchée cherché leur défense dans ce moyen ex
fut ouverté dans la nuit du 25 au 26 : trême. Un nouvel armistice sauva la ville
après des travaux longs et pénibles , le pour le moment; mais continuellement
feu de la place fut éteint, et elle se ren- menacée de la destruction qu'une nou
dit, le 30, par capitulation .La convention velle attaque pouvait amener, elle trem
nationale se hâta de décréter la liberté blait à chaque coup de feu qui se faisait
de l'Escaut, et les Provinces -Unies ayant entendre , et beaucoup d'habitans émigré
reconnu cette liberté par le traité du 16 rent. L'incertitude continua pendant
mai 1795 , Anvers put se livrer aux plus toute la durée des interminables négo
briliantės espérances. En effet, son com- ciations auxquelles donna lieu la sépa
merce se releva, et si Napoléon n'avait ration devenue nécessaire des deux por
pas fait d’Anvers une place de guerre dé- tions du royaume. Une série de proto
fendue par une formidable flotte miti - coles de la conférence de Londres n'avait
taire , il aurait sans doute pris un éssor produit aucun résultat , et les condi
rapide. En 1809 les Anglais, commandés tions du traité du 15 novembre 1831 ,
par lord Chatam , essayèrent d'incendier dont le 24e article prescrivait l'évacua
la flotte et de détruire les fortifications; tion de la citadelle ,n'étaient pas remplies.
mais lemaréchal Bernadotte ( voy.) dé- Pour vaincre l'obstination du roi Guil
joua ce projet. Anvers resta au pouvoir laume, une convention fựt signéeà Lon
ANV ( 55 ) ANV
dres ( voý . BELGIQUE et Pays-Bas ), le tendait du fort Montebello jusqu'à la
As

22 octobre 1832 , entre la France et chaussée de Boom , du côté du fort de


PÅngleterre, à l'effet de procurer l'exé- Kiel : ces travaux , ainsi que les suivans
cution du traité. Le blocus des ports de furent dirigésavec un talent remarquable
la Hollande , un embargo mis sur ses par le général Haxo , et exécutés au mi
bâtimens de commerce , et le siége d'An- lieu des difficultés presque insurmonta
vers étaient les moyens qui devaient y bles qu’opposaient un terrain amolli par
conduire. Une réponse catégorique fut des pluies continuelles ou interrompues
exigée du roi des Pays-Bas pour le 2 no- seulement par un froid très vif, la nature
vembre , et la nature de cette réponse même du sol , les inondations dont il
donna lieu à l'expédition française contre était susceptible, et le feu meurtrier en
Anvers. tretenu sur les remparts des assiégés. La
Une armée forte d'environ 50,000 seconde parallèle serrait de près le fort
hommes , réunie sur la frontière sous le Saint-Laurent placé en avant de la ligne
commandement du maréchal Gérard , et des Français, sur son milieu ; démantelée
à laquelle viñrent bientôt se joindre les par leur artillerie , cette lunette fut prise
deux fils aînés du roi des Français , entra le 14 décembre , à la suite d'une action
en Belgique, et se porta directement sur brillante, dont le succès ajouta aucourage
Anvers pour eñ assiéger la citadelle. La de l'armée de siége. Le 21 , à 11 heures
ville, qui avait déjà été respectée dans les du matin , les batteries de brèche se trou
siéges précédens , devait encore une fois vant terminées, les remparts furent battus
rester hors de cause ; et l'armée belge , à coups tellement redoublés que la seule
malgré son impatience de combattre ,de- batterie nº 7 lança dans un seul jour près
meura spectatrice de la lutte , de même de mille projectiles. Mais, de même que
que les 60,000 Hollandais commandés rien n'avait arrêté l'ardeur des Français,
par le prince d'Orange. Dans une lettre de même les Hollandais se firentadmirer
écrite en térmes catégoriques , le maréchal par l'opiniâtreté de leur défense et par
Gérard rendit le baron Chassé personnel- la vigueur avec laquelle ils ripostèrent du
lementresponsable de tout dommage qu'il hautdes remparts.Legénéral etles princi
ferait souffrir à la ville déclarée neutre ; paux officiers se sauvèrent d'une casemate
et , sur få demande du général Chassé à l'autre sans se laisser ébranler , et les
que de leur côté les Français renonças- ruines qui encombraient l'intérieur de la
sent à së servir du fort de Montebello , citadelle ne firent point fléchir le carac
dépendant des fortifications de la ville, tère élevé de Chassé. Cependant , après un
il lui fut répondu que ce fort n'apparte- | bombardement de près de deux jours ,
nait pas plus aux fortif ications de la ville une brèche de 30 toises était faite dans le
qu'à celles de la citadelle, et que ce serait bastion de Tolède : alors seulement les
à leurs risques et périls que les Hollan- négociations commencèrent.Le feu cesse
đais agiraient contre la cité. En consé- des deux côtés, le 23 décembre à 9 heures
quence, elle échappa à une nouvelle ca-
> du matin ; et la capitulation ayant été
tastrophe; toutefois, le feu des assié- signée vers la fin du jour, la citadelle fut
geans y causa, contre leur gré, de grands rendue le lendemain avec tout le matériel
dégâts, ettua même plusieurs personnes. qu'elle contenait. Chassé , hors d'état de
Cependant la citadelle devint le théâ- remplir la condition relative à la reddi
tre d'une lutte mémorable. Le 29 novem- tion de Lillo et de Liefkenshæk, deux
bre 1832 >, à 7 heures du soir , la tranchée forts qui commandent le cours de l’Es
fut ouverte pendant une pluie battante caut , fut obligé de se constituer prison
qui cachait aux assiégés les travaux des nier de guerre avec les 5,000 hommes
Français , et sous le commandement du qui lui restaient. Cependant aucun des
duc d'Orléans. Le lendemain eut lieu la égards qui sont dus au mérite malheu
première sommation : comme elle fut reux ne futrefusé à ce général : en France,
infructueuse, on procéda au bombarde- les soins lui furent prodigués, et on allé
ment. Dix batteries de siége furent éta- gea aussi le plus possible le sort de ses
blies sur une première parallèle qui s'é compagnons d'infortune,
ANV ( 56 ) ANZ
Maitres de la citadelle par un glorieux peuples qui la regardent que son énergie
égale sa prudence , et qu'il lui reste en
fait d'armes ,les Français, fidèles à leurs core
engagemens, la remirent quelques jours des héros. J. H. S.
après entre les mains des Belges qui l'ont ANYTUS , voy. SOCRATE.
conservéejusqu'àcejour,et opérèrent aus- ANVILLE , voy. D’ANVILLE.
sitôt leur retraite. Des travaux immenses ANZIN , près de Valenciennes ( dé
avaient été exécutés au milieu des cir- partement du Nord ), est , par ses pro
constances les plus défavorables ; la dis- duits, le plus riche villaged'un des plus
cipline et l'héroïsme des troupes ne s'é- riches départemens de la France. Quel
taient pas démentis un instant. Il fut sol que celui dont la superficie se couvre
tiré 63,000 coups d'artillerie, auxquels sans interruption d'admirables récoltes,
les Hollandais répondirentpar 32,000 ; on et dont le sein renferme nos mines de
n'avaitjamais vu un matériel de siége plus charbon les plus considérables ! Diverses
complet, des opérations plus régulières, circonstances ayant fixé l'attention pu
plus de talent dans les chefs , ni un dévoue- blique sur cette grande exploitation, nous
ment plus absolu de la part des troupes. croyons devoir en parler avec quelques
La prise de la citadelle d'Anvers fera détails.
époque dans l'histoire : c'est un fait d’ar- Ce n'est qu'en 1734 que les Français,
mes digne de figurer à côté de tant de habitués à chercher bien loin ce qui sou
merveilleux exploits accomplis sous l'em- vent abonde chez eux , apprirent qu'An
pire. Cependant elle devint plus mémo- zin et les environs de Valenciennes ren
rable encore par les circonstances parti- fermaient des mines de charbon supé
culières qui l'ont accompagnée, etqui rieures peut-être à celles du pays de
constituent une véritable anomalie dans Liége et de l'Angleterre. Cette précieuse
l'histoire et dansle droit public moder- découverte est due au marquis Désan
nes. Entreprise par laFrance, contrele gré drouin ,riche capitaliste, età un ingénieur
des trois puissances du nord, au moment éclairé , Jacques Mathieu , qui , avant
où on la disait effacée et déchue du rang d'arriver à un résultat , firent bien des
qui lui appartient, cette expédition a lieu essais infructueux : car ce n'est point ,
sans déclaration de guerre préalable et comme dans quelquespays, presqu'à fleur
sans que la paix soit réellement rompue. de terre qu'on trouve à Anzin le charbon;
L'armée hollandaise , réunie et entrete- il y faut creuser quelquefois jusques à
nue à grands frais , reste les bras croisés deux cents toises et plus. On est effrayé
à peu de distance du combat ; les rela- quand on pense que les malheureux, con
tions entre les deux pays , la France et la
> damnés à ces travaux par la misère, ont,
Hollande, ne sont pas même interrom- pendant huit heures du jour , qui pour
pues ; et , pour éviter toute apparence eux est la nuit , à lutter contre tous les
d'avoir voulu commettre un acte d'hos- élémens : d'abord contre la terre et ses
tilité, les prisonniers de guerre , au lieu éboulemens qui incessammentles mena
d'être appelés de ce nom , sont qualifiés cent; ensuite contre un air méphitique
de « détenus en vertu des mesures coër- et tout à la fois inflammable qui tue avec
citives adoptées contre la Hollande par la rapidité de la foudre; enfin contre
la France et l'Angleterre » . Aucune ani- l'eau qui submergerait et les ouvriers et
mosité n'éclate entre les deux camps : l'ouvrage si les pompes à feu cessaient
quoique attaqués chez eux , les Hollan- un monient de jouer. Voilà les ennemis
dais réservent tout leur dédain aux seuls habituels de ces infortunés, sans compter
Belges en faveur desquels les Français ceux qui les emploient , s'il est permis
>

agissent, et qui viennent occuper une d'ajouter foi aux plaintes,, exagérées peut
place à la prise de laquelle ils sont restés être , qui ont été produites dans la cause
étrangers. La France signale sa modéra- qui vient d'être plaidée à Valenciennes
tion , soutient sa dignité à la vue de l’Eu- ( juin 1833 ).
rope qui se défie d'elle et à peu de dis- Les mineurs d'Anzin , au nombre de
>

tance d'une armée prussienne prête à quatre à cinq mille , s'étaienttoutà coup
entrer dans la lice ; elle prouve à tous les soulevés. Au premier bruit de cet événe
ANZ ( 57 ) AOR
ment, des gensquimettent partoutlapoli- lutvisiter Anzin , voir ces pompes à feu,
tique , la faisant descendre où nous vou- ces machines étonnantes , et descendre à
drions la voir, à quinze cents pieds sous quelques détails sur les nobles travaux
terre, tiraient de cette mine un énorme de nos ouvriers. Ayant aperçu parmi
complot, dont l'explosion était inévitable; les actionnaires Casimir Périer , il lai
et déjà la laved’une révolution nouvelle en adressa , en souriant, ces mots qui furent
sortait. Peu s'en fallut qu'on ne fit de commentés par tous les politiques pré
nos charbonniers autant de carbonari, sens : M. Périer, conduisez -moi ! Jamais
et de ce peuple-souterrain un peuple-roi, nos charbonniers ne s'étaient trouvés à
tout prêt à revendiquer sa souverai- | pareille fête. Le roi , avant de les quitter,
neté. leur donna 3,000 franc, et le chef de la
Quel était donc le but de leur soulève- compagnie leur en donna 4,000. Heu
ment , et que demandaient-ils ? quatre reuse émulation ! Mais ces 4,000 francs,
sous , pas davantage ; les quatre sous que comme on l'a dit depuis , ne valaient pas
les principaux actionnaires avaient cru les quatre sous.
pouvoir, en 1823, rogner à leur journée, Aujourd'hui l'attention générale est
dont pourtant la moyenne n'était encore encore plus vivement portée sur les mines
en 1833 que de 1 fr. 36 c. Il est vraique d'Anzin par la question qu'ont soulevée
la compagnie d’Anzin venait d'adopter les journaux sur les droits d'entrée des
les lampes de sûreté contre les explosions houilles étrangères ON. L. R.
de l'air inflammable , lampes dont l'em- AOD , en hébreu Euud , 2e juge des
ploi est plus dispendieux (voy . Davy ) ; Israélites, vers l'an 1456 avant J.-C. *, à 2

mais d'un autre côté cette compagnie a l'époque où les Juifs guerroyaient encore
fait de grands bénéfices , d'abord lors- dans la Terre- Promise contre les peu
qu'elle a pu substituer aux 400 chevaux plades qui les environnaient. Entre leurs
qu'elle employait la machine à vapeur ennemis les plus intraitables se distin
et à rotation , pour enlever le charbon du guaient les Moabites , à qui même ils
fond de la fosse; ensuite lorsqu'après payaient un tribut annuel depuis 18 ans.
avoir , à la faveur de son crédit, écarté Aod , fils de Géra , de la tribu de Ben
toutes les concurrences, et fait soumettre jamin , choisi pour porter à Eglon, roi
les charbons étrangers à des droits énor- des Moabites , la redevance accoutumée ,
mes , elle a rendu notre pays et toutes feint d'avoir un grand secret à lui com
nos usines tributaires de son monopole. muniquer, et , quand ils sont seuls, il lui
>

Dans le procès des quatre sous ( c'est enfonce un couteau dans le cæur et se
ainsi qu'on l'appelle ), il vient d'être retire tranquillement , en refermant la
prouvé que les actionnaires d’Anzin ont porte derrière lui ; quand il est sur le
chaque année un bénéfice de plus de trois haut de la montagne d'Éphraim, en vue
millions. Dans cette affaire où dix - neuf d'Israël , il sonneàà grand bruit la trom
-

mineurs comparaissaient sous la menace pette , appelle aux armes tous les Hé
d'une prison plus commode cent fois que breux , raconte la merveille que Dieu a
leur prison de tous les jours, des voix permise, marcheauxMoabites, leur ferme
éloquentes se sont élevées contre la du- les issues et en immole dix mille.
toutes
reté de plusieurs maîtres, sans pourtant Une paix de 90 ans fut le prix de cette
approuver la révolte des ouvriers. Six | victoire. H - D.
d'entre eux ont été condamnés à quel- AORISTE , temps des verbes grecs.
ques jours de détention , et la compagnie Généralement il exprime le passé, à peu
d’Anzin vient de s'exécuter elle-même en près avec la nuance de notre prétérit dé
concédant les quatre sous. « Avec mes fini. Cependant on doit remarquer que
quatre sous, disait un charbonnier , je (*) Cette date est très incertaine comme tou
serai l'homme le plus heureux qui soit tes celles de l'histoire des Juges. Suivant quel
queshistoriens
sous la terre, » On voit qu'ils ne sont pas porterait l'événementen question se rap
à l'année 1336 ; cela dépend dela date
aussi méchans qu'ils sont noirs. qu’on assigne à la mort de Josué. L'histoire d'É
Charles X , au dernier voyage qu'il fit hud est rapportée dans le livre des Juges III, 12
à Valenciennes, en septembre 1827, vou- et suivans. S.
AOR ( 58 ) AOU
JE thot koriste (abprótos) eti gréč signifie L'assemblée constituantë s'était dis
indéfini. soute après avoir rempli son šérinéñt dú
Très souvent l’aoriste exprime ce jeu de páušnë; Louis XVIavait accepté
qu'on appelle présent d'habitude, c'est-à- la constitution đe 1791 et rečouvré la li
dire une action qué tel ou tef individu a berté, avec sa couronne : l'assemblée légis
déjà faite souvent,mais qu'il fait et qu'il lative ouvřít ses travaux. Dans son sein
fera probablement encore. VAL. P. se trouvèrent en présence et aux prises,
AORTE , l'une des deux grosses ar- la bourgeoisie appuyée sur la gardenatio
tères qui partent du coeur. Efte s'élève du nate et le club desFeuillans;la démocratie
ventricule gauche et forme le trone appuyée sur sa propre masse et sur les
commun des artères qui se distribuent clubs des jacobins et des cordeliers, le
à tout le corps. A sa naissance, elle premier obéissant à Robespierre, le se
est garnie , dans sa partie intérieure, de cond å Danton , à Camille Desmoulins,
válvules, replis membraneux destinés à à Fabre d'Églantine; entre ces deux par
soutenir la colonne de sang ét å lempê- tis, et comme idée moyenne entre la mo
clier de refluer. Après qu'elle est sortie narchie constitutionelle etlarépublique,
du coeur, laorte sélève d'abord un peu , vinrent se pfácer les Girondins, fraction
puis elle se dirige bientôt en arrière, en đe l'assemblée; au dehors, la cour , en
formant une courbure qui a reçu le nom nemie de tous ces partis. La lutte com
de crossé de l'aorte , puis elle descend meñça. Lés souvenirs du traité de Pifnitz,
au - devant de la colonne vertébrale, et Ia protestation des frères du roi contrelac
parvenue à la région lombaire elle se di- ceptation de l'acte constitutionnel, l'inva
vise en deux gros troncs. Pour les divi- sion étrangère organisée à Bruxelles et à
sions ultérieures et pour la structure de Coblentă , la guerre civile fomentée dans
l'aorte, voy. Particle ARTÈRE. l'intérieur par le clergé réfractaire,, le
L'aorte est exposée à devenir le siége veto du roi opposé aux décrets qui frap
đe diverses maladies qui sont nécessaire- paient les émigrés et les ecclésiastiques
ment graves, vu le rôlé très important dissidens, tout accéléra d'une manière
qu'elle jouedans fa circulation. L'inflam- effrayante le mouvement révolutionnaire.
mation peut s'emparer de sä membrane Louis XVI, qui avait peur des Feuillans,
interne , des abcès së manifester dans ses se jeta dans les bras des Girondins ; mais
párois , une de ses tuniques se rompre, et bientôt leur expulsion du ministère mit
donner lieu à unañévrysme dont fesconsé le comble à l'exaspération du parti popu
quencés sontextrêmement fâcheuses.F.R . laire qui les aimait peu , mais qui voulait,
AOSTE (VALLÉE D ') dans la province en attendant mieux , s'en servir comme
du même noỉ đu royaume sardé. La d'un instrument. Le 20 juín prélude au
ville d'Aostè est située sur la Doire , à 10 août : le peuple brise la porté des
>

l'entréedes valléesdu grand et du petit Tuileries et met le bonnet rouge sur la


Saint - Bernard. Sous les Romainis qui tête de LouisXVI; la Gironde, par l'or
élevèrent dans cette villé un arc de triom- gane de Vergniaud et de Brissot, de
phe, conservé en partie, elle s'appelait mandé la déchéance du roi. Cependant
Civitas augustà où Augustä Salassio- la marche des Prussiens , le manifeste du
rum. La contrée n'a pas assez de graiñs duc de Brunswick, et, sur la question de
pour la consommation des habitans;aussi la déchéance, l'indécision de la Législa
les paysans y suppléent par des châtaignes tive , déjà débordée par les clubs, préci
et des légumes;beaucoup de montagnards pitent le moment : le club des Feuillans
cherchent leur subsistance au dehors. Une est fermé, les troupes sont licenciées ; l'é
belle route conduit d'Aoste dans le Piémeute , étouffée le 20 juillet par Pétion ,
mont; une autre grande route traverse le est reprise au 10 août. A minuit une mu
Saint-Bernard . D-Ġ . nicipalité insurrectionnelle est pommée ,
AOUT ( LE DIx) , date décisive dans le commandant de la garde nationale ,
la révolution française de 1789 , phase Mandat, est assassiné sur les marches de
de la démocratie pure , et, pour ainsi l'hôtel-de- ville et remplacé par Santerre;
dire , ère de la Convention. le peuple armé descend à flots du fau
AOU ( 59 ) AOU
bourg Saint-Antoine, pendant qu'à 7 montré que les princes de la branche
heures, le roi, accompagné de la reine, ainée des Bourbons attachaient à ce mot
passe en revue les défenseurs du château, cette idée que la main royale qui, de son
et quelques bataillons de gardes natio- plein gré et par sa libré résolution, avait
naux indécis et intimidés.Aux cris de vive accordé les franchisesau peuple, pouvait
le roi! répondent les cris de vive la aussi, le cas échéant, les lui; retirer. On
nation ! à bas le veto ! à bas le traitre ! était décidé à en faire un pacte social en
Le roi est rentré à peine que l'avant- garde gageant au même degré la nation et te
du peuple, composée de Marseillais et de pouvoir , après avoir été librement dis
Bretons, débouche par la rue Saint-Ho- cuté entre eux. M. Bérard renferma dans
noré et se range en bataille sur la place du une proposition composée de plusieurs
Carrousel. Marie - Antoinette présente articles les modifications à la charte de
alors un pistolet à Louis XVI en disant : 1814 qu'il regardait comme nécessaires.
Allons >, monsieur, voilà le moment de Une commission fut nommée séance tè
vous montrer. Mais le roi cède au væu de nante pour examiner cette proposition :
l'assemblée nationale qui l'appelle dans après quelques débats elle choisit M. Du
son sein ; il se rend au milieu d'elle. Son pin ainé pour son rapporteur, et cet ħabile
départ est le signal du combat ou plutôt du jurisconsulte s'acquitta de cette tâche
massacre. Le peuple, vainqueur des Suis- avec le talent qu'on lui connait , dans le
ses , prend possession du château et re- délai de quelques heures. Les conclusions
vient à grands cris et dans l'ivresse de la de la commission, favorables à la propo
victoire entourer l'assemblée législative sition de M. Bérard, mais qui la modi
qui décrète, séance tenante, la suspen- fiaient en quelques points, furent géné
sion du roi et la convocation d'une nou- ralement adoptées. En conséquence l'é
velle assemblée. Louis XVI et sa famille trône fut déclaré vacant en fait et en
entrent au Temple dont ils ne sortiront droit; on reconnut qu'il était indispen
plus que pour monter sur l'échafaud, et sable d'y pourvoir ; le préambule de la
les Girondins >, auteurs de cette journée, charte constit nelle fut supprimé
ne reparaîtront dans la Convention que « comme blessant la dignité nationale et
comme de nouvelles victimes à immoler. paraissant octroyer aux Français des
La révolution française, si belle à son droits qui leur appartiennent essentielle
aurore , était tombée dans les mains san- ment » ; plusieurs de ses articles furent
glantes des jacobins. H-D. également supprimés et d'autres modi
AOUT (LE SEPT ). La journée du sept fiés; la nouvelle charte füt « confiée au
août 1830 sera à jamais mémorable : c'est courage des gardes nationales et de tous
à elle que la France doit sa reconstitu- les citoyens français; » il fut dit que « la
tion, son organisation actuelle; c'estd'elle France reprend ses couleurs » . On s'en
que date la nouvelle royauté, héréditaire gågea solennellement à doter le pays de
dans la famille d'Orléans, et basée , non plusieurs lois indispensables qu'on n'a
sur le droit divin d'une personne privi- vait pas le temps de discuter immédia
légiée , mais sur le besoin réel et le vou tement; enfin l'on ajouta ces lignes :
de la population , ou sur ce qu'on a ap- « Moyenuant l'acceptation de ces dispo
pelé la souveraineté nationale. Cette sitions et propositions , la chambre des
royauté est souvent nommée , pour cette députés déclare enfin que l'intérêt uni
raison , l'établissement du sept août. versel et pressant du peuplé français ap
Le 6 aoûtles travaux provisoires de la pelle au trône S. A. R. Louis-Philippe
chambredesdéputés se trouvantterminés, d'Orléans, due d'Orléans, lieutenant gé
elle procéda aussitôt à la révision de la néral du royaume , et ses descendans à
charte dont elle avait à faire un acte de perpétuité, de mâle en mâle , par ordre
franchise et de loyauté énonçant nette de primogéniture, et à l'exclusion perpé
ment ce qu'il voulait faire entendre, sans tuelle des femmes et de leur descendance.
réticences et sans phrases captieuses, su- En conséquence S. A. R. Louis-Philippe
jettes à interprétation. Elle avait été d'Orléans, duc d'Orléans,lieutenant gé
jusque là ûn octroi, et l'expérience a dé- néral du royaume, sera invité à accepter
AOU ( 60 ) APA
et à jurer les clauses et engagemens ci- | du royaume alla occuper le trône aux
dessus énoncés, l'observation de la charte applaudissemens d'une nombreuse as
constitutionnelle et des modifications in- semblée.
diquées , et , après l'avoir fait devant les Du sept août date en France une mo
chambres assemblées, à prendre le titre narchie nouvelle plus conforme aux nou
de Roi des Français. »
veaux besoins de la nation et plus favo
La déclaration de la chambre , libre- rable à ses libres développemens. Voir
ment discutée, mais votée à la hâte , fut Révolution de juillet 1830. Caractère
adoptée par 219 membres contre 33 ; légal et politique du nouvel établisse
ment fondé par la charte constitution
quoique pressée, la chambre avait enten-
du les objections etles doléances des nelle (par M. Dupin ). Voyez JUILLET
légitimistes, dont MM. de Conny et Ber- (révolution de),CHARTE,LOUIS-PAILIPPE ,
ryers'étaient rendusles organes.Signéede LAFAYETTE , LAFFITTE , etc. J. H. S.
M. Laffitte, vice-président, et des quatre APAFI. C'est le nom des derniers
secrétaires de la chambre, elle futsolen- princes de la Transylvanie, Michel Ter et
nellement portée au Palais -Royal par Michel II , issus d'une maison hongroise
>

l'assemblée tout entière , à l'exception assez ancienne , qui tenait son nom de la
seulement des 33 membres qui l'avaient terre d'Apafa , où se trouve aujourd'hui
>

repoussée de leurs votes ; et cette pro Élisa bethstadt.


cession qu’escortait la garde nationale, et Après la mort de Jean Kemeny , en
autour de laquelle se pressait le flot du 1662 , l'influence othomane fit élever au
peuple , fut reçue avec de grands hon- trône de la principauté MICHEL Apafi,
neurs par le duc d'Orléans entouré de sa fils d'un conseiller intime du prince Ga
nombreuse famille. La réponse du prince, briel Bathori . A cette époque , l'archi
à qui M. Laffite donna lecture de la dé- duché d'Autriche cherchait à étendre sa
claration, fut conforme au vou public , domination sur le pays ; Apafi , contraire
et la foule la regarda aussitôt comme à ses prétentions , fit cause commune avec
une ratification définitive de ce que les les Turcs et délivra les villes des garni
députés avaient fait. Cependant on ne sons autrichiennes. En 1683 il défendit
connaissait pas encore la résolution de la les passages du Danube à Raab , pendant
chambre des pairs , où M. de Château- que l'armée othomane faisait le siége de
briand soutenait les droits de la famille Vienne ; par les services qu'il lui rendit
déchue et de son jeune héritier. Cent qua- il obtint que sa succession fût assurée à
torze membres assistaient à la séance ; sur son fils. Mais l'empereur Léopold jer
ce nombre 89 votèrent en faveur de la poussa ses succès jusqu'en Transylva
déclaration , 10 contre , et les autres re- nie ; ce pays fut obligé de reconnaître
fusèrent de voter. La chambre des pairs, le patronage de l'Autriche à laquelle
dans cette circonstance, avait agi confor- les états prêtèrent , en 1688 , hommage
mément à ses usages : elle avait voté la et serment de fidélité. Michel Apafi
déclaration comme elle avait coutume de souffrit de l'humiliation où sa patrie
faire pour tous les projets de loi ; mais était tombée , et mourut en 1690 ,
on nomma son vote simplement une ad- après un règne de 28 ans. On possède en
hésion , et dans le fait elle n'était pas au- manuscrit sa vie écrite par lui-même ,
tre chose. Le bureau de la noble chambre sous le titre de Vehiculum vitæ Michæ
ayant présenté son adoption au lieute lis Apafi.
nant général , celui -ci sanctionna la dé- MICHEL II n'avait encore que huit ans;
claration , et se montra ainsi prêt છેà rem il était reconnu par l'Autriche comme par
plir le veu des représentans de la nation. la Porte. Cette dernière cependant sou
Pour poser la couronne sur son front il tint contre lui le comte Emmeric Tækély;
ne lui manquait plus que la formalité du mais le prince Louis de Bade l'expulsa.
serment. Le 9 août consacra ce que le 7 Léopold Ier se déclara tuteur d’Apafi et
avait accompli . Une séance royale fut in- fit gouverner la Transylvanie par un con
diquée pour ce jour-là : après avoir prêté seil de douze seigneurs. Apafi passa sa
le serment prescrit, le lieutenant général vie à Vienne où il mouruten 1713, après
APA ( 61 ) APA
avoir cédé ses droits à la principauté comme par le passé , partagé entre les fils
contre une pension viagère de 12,000 du roi; comme par le passé , les filles
florins. Voy. TRANSYLVANIE . S. reçurent des dots, quelquefois très con
APALACHES , voy. ALLEGHANIS. sidérables. Charles -le - Chauve donna la
APANAGE vient d'un mot de la basse Flandre en dot à sa fille. L'usage où étaient
latinité, apanare, donner le pain ,c'est- | les rois de doter leurs femmes se conserva
à - dire des biens en quantité suffisante aussi sous la deuxièmerace.La troisième
pour vivre selon le rang qu’on occupe. apporta de grands changemens à ces
En général, c'est ce que les vieux écrivains
usages. Une révolution considérable s'é
françaisappellentsoutenance ,possessions tait opérée ; le gouvernement féodal s'é
accordées par les parens nobles aux en- tait établi. D'abord , les dots que recevaient
fans puinés , pour les dédommager de ce les reines furent entièrement supprimées.
que leurs aînés seuls devaient succéder au Quant aux filles de France, des terres
fief principal . Les baronnies ou grands de la couronne leur furent données en
fiefs n'admettaient pas en effet de partage ; dot jusqu'au temps de Philippe-Auguste,
toutefois, le premier né d'une famille était en toute propriété et transmissibles à
tenu d'assigner un apanage à ses frères , leurs enfans mâles et femelles indistinc
ou au moins une provision , c'est - à - dire tement. Mais depuis Philippe -Auguste,
unepension proportionnée à sa naissance. cet usage s'éteignit, et les filles ne reçurent
La couronne de France était considérée plus qu'une dot en argent. Louis VIII ,
comme la baronnie suprême; les fils pui- dans son testament, en juin 1225 , apa
nés du roi ne pouvaient participer à la nagea ses trois fils puinés en terres et en
succession ; mais , pour leur donner les domaines , et légua à sa fille une sommede
moyens de soutenir leur rang , on leur 20,000 livres. Depuis , les fillesdeFrance
accordait en apanage certaines provinces n'ont reçu que des dots pécuniaires , si
qui revenaient à la couronne, soit à leur l'on excepte cependant Isabelle deFrance,
mort , soit à l'extinction de leur descen- fille du roi Jean.
dance masculine. Nous allons établir les Comme pendant plusieurs siècles tous
principes les moins douteux sur les apa- les fils des rois avaient partagé les états
nages français. de leur père , qu'ils avaient tous été traités
Sous les rois Mérovingiens, tous les également, on ne put arriver que par de
fils du roi partageaient les états de leur gré à un ordre de choses tout différent.
père ; alors lesfilles eurent aussi en pleine Il faut, sous la troisième race , distinguer
propriété les domaines qui leur furent trois époques auxquelles les filsdes roisont
donnés endot, avecla facultéd'en disposer. été apanagés de différentes manières. Ce
La seule différence qu'il y eût entre les n'est qu'en distinguant ces trois temps et
fils et les filles consistait en ce que les fils ces trois sortes de jurisprudence qu'on
tenaient la portion qui leur revenait à peut écarter l'obscurité qui enveloppe les
titre de royaume en pleine souveraineté , écrits des historiens sur cette matière.
tandis que les filles n'avaient que la pro 1 ° Pendant tout le temps compris entre
priété de leurs domaines , etnon point la le commencement du règne de Hugues
souveraineté. Une autre différence, c'est | Capet et la fin de celui de Philippe-Au
que les fils se partageaient de droit la guste , les fils de France ont eu simple
succession de leur père , tandis qu'il n'en ment la propriété de leurs domaines, sans
était pas ainsi des filles. De même , sous la souveraineté. Si ce n'était pas concen
la première race , des domaines dela cou- trer le domaine des Francs dans les mains
ronne furent donnés en dot aux reines du roi , c'était du moins concentrer la sou
par les rois leurs époux , et cela en pleine veraineté sur sa tête; c'était venir à l'uni
propriété. Ces dons , à défaut d'enfans, té , sinon de propriété, du moins de sou
9

passaient aux héritiers collatéraux de la veraineté, et c'était le point le plus impor


reine. L'histoire en offre plusieurs exem- tant. Pendant l'intervalle de 236 ans qui
ples. sépare les deux époques que nous avons
Sous la deuxième race il n'y eut rien | indiquées, il se fit deux aliénations de do
de changé: l'empire des Francs fut, maines de la couronne : celles du duché
APA ( 62 ) APA
de Bourgogne et du comté de Dreux . la réunionde l'apanage sefaisait de plein ,
Nous n'avons pas les chartes concernant droit. Ainsi, quoique Philippe -le-Hardi,
ces deux apanages , à cause de la perte héritier présomptif de la couronne de
des titres du trésor royal , arrivée sous saint Louis, eût été apanagé par lettres
Philippe -Auguste ; mais on peut y sup- patentes de mars 1268, à la charge de
pléer par d'autres actes. Quant au duché retour à la couronne à défaut d'hoirs ,
de Bourgogne, on sait qu'il fut donné ce prince ayant succédé à son père , le
par le roi Robert à son fils de même nom cas de retour fut censé si absolument
que lui , en pleine propriété et à titre hé- établi que , bien que l'apanage fût aussi
réditaire, pour passer à ses descendans et bien féminin que masculin , aucun des
autres héritiers mâles et femelles. Lecomté enfans qu'il laissa n'y prétendit cependant
de Dreux fut de même donne à Robert après son décès. On pourrait citer plu
de France >, quatrième fils du roi Louis-le- sieurs autres exemples.
Gros , aux mêmes titres et conditions. 3° Depuis le temps de Philippe-le
2 ° Depuis Louis VIII jusqu'à la mort Bel, les domaines donnés en apanage
de Philippe-le - Bel, les rois apposèrent aux fils de France l'ont été à charge de
aux apanages la clause de retour à de retour à la couronne à défaut d'héri
faut d'hours. Louis VIII fit tomber la tiers, et le mot héritiers aa été limité aux
pleine et iinmuable propriété des apana- seuls måles, à l'exclusion des femelles ;
ges , en mettant la clause de retour des mais aussi avec la clause expresse qu'a
apanages de son frère et de ses enfans, près la mort du dernier apanagé, il serait
Çe même roi , par son testament déjà pourvu aux filles qu'il laisserait . On lit
cité , fit un partage à ses enfans, par le- dansDu Tillet:« Le roi Philippe-le-Hardi
quel il assigna le comté d'Artois à Ro- fut le premier qui ordonna par son codi
bert, avec clause deretourà la couronne, cille que le comté de Poitou , par lui
les comtés d'Anjou et du Maine à Jean , bạillé en apanage avec autres terres à son
les comtés de Poitou et d'Auvergne à fils puiné, monsieur Philippe de France,
Alphonsę; puis ,seressouvenant de Phi- depuis roi Philippe -le-Long , retourne
lippe, son frère, il ajouta qu'il voulait que rait à la couronne , dépouillant ses hoirs
l'apanage qu'il lui avait fait retournât mâles, à la charge que le roi qui lorsse
pareillement à la couronne faute d'hoirs. rait tenu de marier les filles au dire des
Comme cette clauşe de retour fut trouvée dénommés , et qu'elles auraient, en ou
très favorable à l'éclat de la couronne , tre , les autres choses de la succession de
elle fut toujours par la suite apposée aux leur père. )

apanages par saint Louis, par Philippe- Ainsi, depuis Philippe -le- Bel, le do
le-Hardi, par Philippe-le-Bel, etc. maine de la couronne cessa d'être divisé,
Les apanages ainsi modifiésfirent naitre puisqu'il ne fut plus démembré par les
bien des difficultés,qui nécessitèrent plu- apanages, ni en propriété pour les mâles
sieurs fois des arrêts de la cour des pairs, ni même en usufruit pour les filles. Les
d'où naquirent plusieurs maximes qui fi- auteurs donnent différens noms à cette
rent loi par la suite . La première maxime disposition de Philippe- le-Bel.
fut quedans les hoirs (voy.) se trouvaient Selon quelques auteurs, cette dernière
compris , d'une manière générale , les règle'ne fut pas si générale : Charles V
mâles etles femelles ; ainsi le comté de fixa les apanages de ses propres enfans à
Clermont, dont on vient de parler, passa 12,000 liv. de revenus annuels en biens
à Jeanne de Boulogne , fille de Philippe. fonds. La concession de puissans apana
On pourrait rapporter beaucoup d'autres ges aux princes du sang était fort con
exemples d'apanages masculins et fémi- traire aux intérêts réels de la France;
nins, mais étendus aux héritiers de leurs elle ouvrait les frontières, elle appau
héritiers indéfiniment. C'est ce qui fut vrissait la couronne , elle rejetait sur un
jugé en faveur de saint Louis, touchant petit nombre de provinces le fardeau de
lecomté de Clermont, par arrêt du mois de la défense publique , au lieu de la faire
septembre 1258. Une troisièmemaxime, supporter par toutes; elle soustrayait
c'estque, l'apanagé venant à la couronne, enfin la moitié du royaume à la juste
APA ( 63 ) APA
protection des lois. Mais au lieu du bien logue, qui a pour but de l'éclaireir , ne
de la France, on ne consultait que les doit pas être plus prodiguée que le mo ,
droits de la famille royale; on regardait nalogue , avec lequel d'ailleurs elle a
comme injuste qu'un seul fils eût tout le quelque rapport, Il était réservé à l'uu
patrimoine et que l'autre n'eût rien ; on de nos grands comédiens de donner
n'admettait en faveur de l'aîné lą supré aux aparté une étendue que semblait
matie des droits régaliens que sous lą devoir leur interdire leur destination
condition que le cadet eût aussi un par- primitive. Faire un aparté , c'est ou
tage, qu'il eût aussi des sujets et non pas blier un moment son interlocuteur pour
seulement des revenus, A. S - R,
. parler au public. Or, qui n'a vu Pothier,
En 1790 , l'assemblée constituante s'il faut le nommer , s'approcher de la
abolit les apanages réels , et décréta que rampe , entamer avec le parterre muet
les fils puines de France seraient élevés un long entretien mêlé de naïveté , de
et entretenus aux dépens de la liste ci- finesse ou de niaiserie , mais toujours
vile, jusqu'à l'époque de leur mariage également vrai et comique, n'a pas une
ou jusqu'à ce qu'ils eussent vingt - cinq idée de l'importance que peut acquérir,
ans accomplis. Alors on devait leur cons- dans la bouche d'un homme de talent,
tituer des rentesapanagèresdont la quo- la partie la plus insignifiante d'une
tité devait être déterminée par une loi. pièce. C - R.
Up sénatus - consulte du 30 janvier
-
APATHIE , littéralement exemption
1810 rétablit les apanages réels. Mais de passion. Elle peut être considérée
comme les droits féodaux étaient anéan- comme état, qualité ou don naturel.
tis, les apanages pę sont plus , par le fait, Prise dans le sens d'état, elle est l'insen
>

que des domaines territoriaux qui assu- sibilité relativement aux charmes de la
rent à l'apanagiste un revenu immua- nature; comme qualité, c'estcette absen
ble en fonds de terre. Du reste , les droits ce desensibilité que les stoiciens exigent
de l'apanagiste et les conditions aux- du sage ; comme don naturel, l'apa
quelles il était soumis sont les mêmes, thie est la sensibilité à un faible degré.
Ainsi, l'apanage est inaliénable, il fait Dans ce cas, dit Kant, elle est le phlegme
retour à la couronne à défaut de mâles heureux. L'homme qui en est doué n'est
ou lorsque l'apanagiste devient roi. Il est pas pour cela un sage; mais cependant il
transmissible seulementà l'ainé des des- tient de la nature une disposition favo
cendans de celui qui a reçu l'apapage, rable , en vertu de laquelle il peut, plus
et, de plus, il est soumis aux charges de facilement qu'un autre , acquérir la 'sa
la propriété ordinaire, notamment aux gesse. Les chrétiens des premiers siècles
impôts. avaient adopté le mot apathie, pour ex
Plusieurs coutumes disent apanager primer le détachement et le mépris des
au lieu de doter ( voy. Dor), L - E. choses de ce monde. Ce mot est souvent
La législation sur les apanages diffé- employé par Clément d'Alexandrie qui
rait d'un état à l'autre : dans l'Europe cherchait à attirer les stoſciens au chris
orientale , en Russie, en Pologne, etc., tianisme. Voy. encore QUIÉTISME.
elle a fractionné à l'infini les royaumes Dans le langage ordinaire apathie se
et les a paralysés au point d'en faire la prend en mauvaise part. V.R.
proie facile de conquérans étrangers. On APATURIES ,> fête athénienne ins
donnera à l'article Russie les détails né- tituée en mémoire de la victoire rem
cessaires surles princes apanagés. S. portée par Mélanthe, roi d'Athènes, sur
APARTÉ. On appelle ainsiles phra- le prince thébain Xanthus. Elle se célé
ses, ordinairement très courtes, par les brait les 22 , 23 et 24 du mois pyanep
>
quelles un personnage , sur la scène, sien . Le dernier de ces trois jours , les
interrompt le dialogue avec ses interlo- jeunes gens qui avaient l'âge requis
cuteurs pour instruire l'auditoire seul , étaient inscrits en qualité de citoyens
en le prenant pour ainsi dire à part, de sur les registres de l'état civil. On donne
ses véritables intentions ou du sens ca- à ce mot pour étymologie &rétn , fraude,
ché de ses paroles. Cette partie du dia- parce que Mélanthe devait sa victoire à
APE ( 64 ) APE
un stratagème, ou Omonatópia, d’õusume, I lippe et d'Alexandre. C'est probablement
prêter serment,et Teatre, père. VAL.P. dès cette époque que se formèrent entre
APEL (JEAN)) , né à Nuremberg , en le conquérant et le peintre ces relations
1486 , et professeur de l'université de amicales qui donnèrent matière à tant
Wittemberg , devint un des plus zélés d'anecdotes remarquables; grand nom
partisans de Luther , et coopéra de tout bre d'entre elles cependant se rapportent
son pouvoir à la réformation. Prêchant à une seconde série de conférences qu'il
à la fois de précepte et d'exemple, il ne eut à Éphèse avec Alexandre. Pendant
craignit pas ,quoique chanoine du cha- le court séjour qu'il avait fait à Rhodes ,
pitre de Wurzbourg, d'épouser une re- il était allé visiter l'atelier de Protogène ,
ligieuse ; mais son évêque, fort peu édi- absent à cet instant. Invité par une vieille
fié d'une semblable innovation,lui enleva femme à dire son nom , il traça sur une
sa liberté , qui ne lui fut ensuite rendue petite table un contour au pinceau. A la
qu'au prix de tous ses emplois. Cepen- délicatesse de ce contour Protogène, en re
dant , lorsqu'il mourut à Nuremberg , il venant, reconnutla main d’Apelle. Cepen
jouissait du titre de jurisconsulte de la dant il entreprit de le surpasser en tra
république et de conseiller de l'électeur çant dans l'intérieur du premier contour
de Brandebourg.On аa de lui : 1 ° Defen- un autre contour encore plus beau et plus
sio Io. Apelli prò suo conjugio , cum léger. Apelle revient : on lui montre le
præf. Lutheri, ad Jo. Crojum ; Vitteb. dessin de Protogène ; alors au milieu des
1523; 2° Methodica dialectices ratio deux contours il en fait passer un troi
ad jurisprudentiam accomodata. 3 ° sième encore plus délié; le peintre rhodien
Brachylogus juris civilis , sive corpus finit pars'avouer vaincu.Dansla suite cette
legum , ouvrage fort estimé , et qui a été table fut portée à Rome et orna le palais
long -temps attribué à l'empereur Justi- des Césars jusqu'à ce qu'elle eût été con
nien . D. A. D sumée par un incendie. L'ouvrage le plus
APEL (JEAN -AUGUSTE ), né à Leip- célèbre d’Apelle était son Alexandre te
zig en 1771 , et mort en 1816 , dans nant la foudre; ce tableau était placé
la même ville où il était conseiller mu- dans le temple d'Éphèse . Par l'effet d'un
nicipal , s'est fait un nom surtout par sa heureux raccourci et d'un magnifique
Métrique ( Leipzig, 1814-1816 ). On a clair-obscur, la main et l'éclair semblaient
encore de lui des contes populaires fort hors du tableau . Le talent et la gloire
remarquables, et des tragédies composées d’Apelle furent à leur apogée vers la
à l'imitation des trois grands tragiques 112 ° olympiade ( 328-324 avant J.-C.).
grecs. Parmi les sujets modernes ou du Cependant après la mort d'Alexandre
moyen -âge qu'Apel a traités, on cite le-Grand il fit plusieurs portraits du
Kunz de Kaufungen et Faust. Le phi- roi Antiochus ( 118° olympiade , 304
lologue Hermann entra en contestation 300 avant J.-C.). Il paraît que cet artiste
avec lui sur plusieurs points de sa Mé- | fut surpris par la mort à Cos , où l'on
trique , mais Apel ne répondit point. S. montrait de lui une Vénus commencée,
APELLE , célèbre peintre de l'anti- que personne n'osa terminer.
quité , fils de Pythias, naquit à Cos, ou , Une tradition assez peu authentique
selon d'autres , à Colophon ou à Éphèse. fait mention d'un autre peintre nommé
>
1
Il eut dans cette dernière ville le droit aussi Apelle , mais qui vivait à la cour de
de cité ; aussi est-il souvent désigné par Ptolemée, Accusé par Antiphile d'avoir
le nom d'Éphésien. Éphore d'Éphèse, pris part à un parjure, et ne pouvant
fut son premier maitre. De là il se ren- faire reconnaitre son innocence, il seven
dit à Sicyone dont l'école était alors cé- gea de son rival et du roi en faisant le
lèbre dans toute la Grèce ; et , quoique portrait de la Calomnie. Long-temps on
déjà il eût lui-même un nom comme ar- avait attribué cette particularité au grand
tiste , il y reçut les leçons de Painphile Apelle. Tælken >, dans sa dissertation
qu'il ne tarda point à surpasser. Plus sur Apelle et Antiphile (3€ vol. de l’A
tard Apelle se rendit en Macédoine; il y malihée), a prouvé que l'artiste dontil
reçut l'accueil le plus flatteur et de Phi- est question ici devait vivre entre les
APE ( 65 ) APE
olympiades 139 et 134, et par consé- La partie nord , qui se rattache aux Al
quent cent ans plus tard que le contem- pes , et la partie du sud , offrent quel
porain d'Alexandre. ques différences ; on y remarque une
Le mérite inimitable d’Apelle était la succession très variée de couches analo
grace. Au rapport dePline, il n'employait gues à la composition des montagnes plus
ordinairement que quatre couleurs anciennes. La même variété se retrouve
qu'il trouvait moyen d'harmoniser à dans l'intérieur des bases et des versans.
l'aide d'un yernis dont lui-même était Le centre de la chaine ne présente au
l'inventeur. Apelle ne mit son nom qu'à cune trace d'antique formation. Il y en a
trois de ses tableaux : l'Alexandre ton- très peu dans le nord ; mais dans le sud
pant ci -dessus indiqué , la Vénus endor- on rencontre des bancs assez étendus de
mie et la Vénus Anadyomène. En l'hon- granit.
neur d'Apelle la peinture fut appelée Le calcaire d'alluvion , connu sous le
ars apellea . C. L. m. nom de calcaire des Apennins, appar
APELLES , disciple de Marcion , fut tient vraisemblablement à la formation
dans le 11° siècle , le chef de la secte des jurassique; d'ailleurs les Apennins sont
Apellistes , qui rejetaient les livres de riches en minéraux de nouvelle forma
Moise et ceux des prophètes , et dont la
tion et en tuf volcanique qui résulte du
doctrine , à quelques variantes près , était
limon des matières volcaniques que l'eau
>

celle des Marionites. Voy . MARCION.V - E.


apporte et dissout incessamment . La
APENNINS ( LES ). Chaine de mon- grande chaîne des Apennins ne renferme
tagnes qui,partantdes Alpes-Maritimes, aucune couche volcanique proprement
non loin de Gênes , forme d'abord le dite; on n'en trouve que dans la partie
passage de la Bochetta , se prolonge en- sud-est de l'Italie ; il n'y a que le Vésuve
suite dans toute la longueur de l'Italie et les volcans éteints de Nemi et d’Al
jusqu'à la côte d'Otrante et jusqu'au dé- bano , ainsi que le courant de laves de
troit de Sicile , et partage la presqu'ile Borghetto , qui se rapprochent des li
>

en deux portions presque égales , l'une mites de la chaîne des Apennins. C. I.


orientale et l'autre occidentale. Presque APEPSIE , voy. DIGESTION.
toutes les rivières d'Italie ont leur source APER ( Marcus ) >, orateur latin , né
dans les Apennins. Ces monts sont cou- dans les Gaules , se distingua à Rome
verts jusqu'aux sommets les plus éle- par son éloquence et par son habileté. Il
vés d'une multitude d'arbres et particu- est un des interlocuteurs du dialogue sur
lièrement de châtaigniers , dont le fruit les causes de la corruption de l'élo
sert à la nourriture des montagnards. quence , dialogue attribué à Tacite et à
Moins élevés que les Alpes , les Apen- Quintilien : on le lui attribue aussià lui
nins n'ont qu'un petitnombrede rochers même. Il mourut l'an 85 de J.-C. G -N .
escarpés , tels que le Corno , haut de APÉRITIFS (de aperire , ouvrir).
9,500 pieds, le Gran Sasso, dans la pro- On désigne par ce mot , reste d'une théo
vince d’Abruzze , qui a 9,400 pieds de rie surannée , mais encoreemployée dans
hauteur, et le Velino qui en a 7,872. le monde, des médicamens propres à
Ces montagnes sont couvertes pendant ouvrir , à désobstruer les canaux, et à
l'hiver de neige qui fond quelquefois faciliter les sécrétions . Rabelais a frappé
très tard et qui fournit en abondance la de ridicule cette expression , en faisant
>

glace si nécessaire sous le ciel brûlant de jeter par un de ses personnages un


l’Italie. Les Apennins renferment peu de trousseau de clefs dans une chaudière
vallons d'une grande étendue , et un pe- d'eau pour préparer une décoction apé
tit nombre de rivières et de lacs; mais la ritive. Quoi qu'il en soit, il faut dire que
base de ces monts est généralement ma- l'on rangeait dans cette classe une foule
récageuse. La composition géologique de médicamens divers ayant pour résul
de cette chaîne est d'une frappante uni- tat commun de provoquer l'action de la
formité : on y trouve dans les contrées les peau, des reins, des follicules et des glan
plus différentes, et sous la même forme, des du canal digestif. C'est aux mots Ré
des pierres calcaires blanches et dureş. VULSION et DÉRIVATION qu'on verra com
Encyclop. d . G. d. M. Tome II, 5
APH APH
( 66 )
ment ces moyens peuvent exercer une ac- sie , etc. C'est le symptôme caractéristi
tion indirecte sur des parties malades et que des plaies de la trachée- artère, parce
en favoriser la guérison. D'ailleurs , les que l’air ne passant plus par le larynx ,
principales substances appelées apéri- il ne peut plus y avoir production de son.
tives étaient les sels neutres , le savon , Dans tous les cas ce n'est pas l'aphonie,
les amers , les aromatiques faibles et les mais bien la maladie qu'elle accompagne
ferrugineux. F. R. ou qu'elle signale, qui doit attirer l'atten
APHÉLIE ET PÉRIHÉLIE. Les tion ; car pour elle, on la voit se dissiper
planètes ne décrivent point autour du so- d'ordinaire en même temps. On voit ce
leil des cercles parfaits, mais des courbes pendant des aphonies sans autre lésion
plus allongées dans un sens que dans l'au- apparente se manifester d'une manière
tre ; ce sont des ellipses ( voy. ce mot ) | brusque, à l'occasion d'une vive frayeur,
dont l'un des foyers est occupé par le de la suppression d'une évacuation habi
soleil. Le point de l’ellipse le plus éloi- tuelle, et persévérer ensuite sans qu'au
gné de cet astre et le point le plus rap- cun traitement puisse en triompher. L'i
proché sont les deux extrémités du grand vresse et l'empoisonnement par les nar
axe ou de la droite qui passe par les foyers. cotiques produisent une aphonie passa
Quand la planète arrive à sa plus grande gère. Il paraît que la combinaison de ces
distance du soleil , on dit qu'elle est à deux moyens la détermine d'une manière
l'aphélie ; et au périhélie , quand elle est plus sûre. On cite des voleurs qui fai
arrivée au point le plus rapproché de cet saient boire du vin dans lequel ils avaient
astre. Le grand axe de l’ellipse , et par fait infuser des semences de stramoine à
conséquent l’aphélie et le périhélie , ne ceux qu'ils voulaient dépouiller , en sorte
sont point fixes dans l'espace ; mais ils que le silence forcé de leurs victimes
éprouvent, pour chaque planète , un lé- leur permettait de s'éloigner sans être
F.R.
ger déplacement d’occident en orient , poursuivis.
dans le sens du mouvement de la pla- APHORISME ,> mot formé du grec
nète. S-Y . ågopićw , je sépare >,je choisis, je fixe ,> ou
APHÉRÈSE ,dumot grec âgaipeous, des mots anò et épisw , je définis, je
retranchement. C'est une figure de dic- borne. On appelle aphorisme une maxime
tion qui consiste dans le retranchement ou une sentence contenant , en peu de
d'une lettre ou d'une syllabe , comme mots, beaucoup de sens. Ainsi , la plupart
dans ce vers du viº livre de l'Énéide : des proverbes de Salomon sont des apho
Discite justitiam moniti , et non temnere divos, rismes. On dit d'un style sentencieux qu'il
estaphoristique. Presque toutes les scien
où temnere est employé pour contem- ces ont leursaphorismes. Les aphorismes
nere .
d'Hippocrate , traduits et commentésdans
Suivant Nicot , c'est du retranchement toutes les langues , sont comme la statis
de la première syllabe de gibbosus qu'est tique résumée de l'état des connaissances
venu le mot bossu. V-E . médicales dans l'antiquité; comme les
APHONIE ( de povri, la voix , avec aphorismes de Boerhaave résument l'état
7

l'a privatif ). L'aphonie , plus connue des mêmes connaissances dans les temps
chez nous sous le nom d'extinction de modernes. On aa des aphorismes de droit,
voix , consiste dans l'impossibilité de par J. Godefroy; de politique, par Har
produire des sons. Elle diffère du mu- rington et par Vackerhagen ; sur les fiè
tisme ( voy. ce mot). vres , par Stoll , traduits par Corvisart;
L’aphonie n'est pas une maladie; elle de controverses , par Richard. Il n'est pas
n'est pas accompagnée de douleurs qui lui jusqu'à l'astrologie qui n'ait ses aphoris
soient propres . C'est un phénomène qui mes. C'est sousce titre qu'André Corve
se présentedansdiverses affections, telles publia , en 1657 , de courtes maximes ti
>
gue les fièvres graves , les inflammations rées d'Hermès , de Ptolémée , de Cardan
du poumon , du larynx et du pharynx , et de Manfredi. Un jacobin de Lisbonne
la paralysie, et surtout dans les affections fit imprimer , en 1633 , quatre livres
nerveuses , comme l'hystérie , l'épilep- d'aphorismes des inquisiteurs. Enfin , on
APH ( 67 ) APH
publia , en 1784 , sous le titre d'Apho - denceinterdiraitune telle
> conduitequand
ristes de M. Mesmer, les maximes qu'il la morale ne la flétrirait pas. Les organes
dictait à ses élèves.. V - E. génitaux participent à la vigueur et à la
APHRODISIAQUES , substances faiblesse générale; et comme l'exercice
propres à exciter les désirs amoureux de leur fonction n'est rien moins qu'in
( v. APHRODITE). Parmi ces substances les dispensable à l'entretien de la vie , il est
unes sont des alimens, les autres sontdes peu convenable de la provoquer artifi
médicamens, auxquels on aattribué, bien ciellement. F. R.
légèrement sans doute, la vertu en ques- APHRODITE , surnom de Vénus
tion. En effet, s'il est vraiqu'une nour- | ( voy.), déesse de l'amour. Dérivé de
riture très abondante et composée de αφρός,
ácpos, écume,, et synonyme de αφρογένεια
« opoyéveias
viandes etde liqueurs spiritueuses donne (née de l'écume), il rappelle l'origine que
aux individus qui sont soumis à ce ré- certains poètes ont attribuée à cette déesse
gime une vigueur exubérante et qui de- qu'on comptait aussi parmi les divinités
mande à se répandre au dehors , il est maritimes. Plusieurs lieux de l'ancienne
également vrai que si, au lieu d'être oi- Grèce, villes , caps, îles, etc., portaient
>

sifs et de se repaitre l'esprit d'idées et le nom d'Aphrodisia, Aphrodisium ou


de lectures érotiques , ils se livrent à des Aphrodisias, et les grandes fêtes qu'on
exercices fatigans, l'effet aphrodisiaque célébrait en l'honneur de Vénus étaient
n'aura pas lieu ; à plus forte raison si aussi appelées Aphrodisiennes. De là en
l'on emploie ces prétendus spécifiques , core les mots d'aphrodisiasme, et l'ad >

sans les seconder par lesaccessoires indis - jectif aphrodisiaque dont il est question
pensables. Les truffes, les champignons dans l'article précédent. J. H. S.
entre autres sont réputés aphrodisiaques; APHTHES . Les aphthes sont une
le seraient-ils si , au lieu de figurer sur maladie consistant tantôt en des ulcéra
la table du riche, d’être associés à la vo- tions superficielles, tantôten des rougeurs
laille et au gibier le plus savoureux , et recouvertes d'une exsudation couenneuse
aux vins les plus délicats, ils étaient mán- plus ou moins épaisse , et qui se mani
gés avec du pain arrosé d'eau pure où festent à la membrane interne de la bou
d'un vin léger ? Sine Cerere et Baccho che. Quand la maladie se borne à une
friget Venus. simple rougeur ou à une petite excoria
Il n'est donc point d'aphrodisiaque tion,elle est sans importance, et provient
proprement dit , et les cantharides même ordinairement de quelque frottement ou
que l'on à coutume de considérer comme de l'application de quelque substance
telles ne le sont pas ; car l'excitation âcre , comme les alimens épicés, le fro
qu'elles provoquent ne peut être envi- mage , etc. Souvent alors la guérison s'o
sagée que comme une maladie. C'est donc père d'elle-même, ou tout au plus réclame
une idée salutaire à répandre, et puisse- l'emploi d'un gargarismeadoucissant.
t - elle profiter à ceux que l'inexpérience Au contraire l'autre forme des aphthes
égare et qui, méconnaissant la voix de la est toujours grave, et constitue l'affection
nature , veulent forcer leurs organes à connue sous le nom de muguet ( voy .),
des efforts destructeurs ! Toute la théorie qui est si souvent funeste aux enfans à la
des aphrodisiaques se réduit à ces deux mamelle. F. R.
points : le repos des organespour ceux API , voy. POMMES.
chez qui l'abus en a produit l'affaiblis- APICIUS. Il y eut à Rome trois Api-
sement; l'usage des excitans généraux , cius, célèbres pour leur gourmandise. Le
tant alimentaires que médicamenteux , premier vivait sous la république , du
pour ceux chez qui l'anaphrodisie ne : temps de Sylla , second sous Auguste
tient pas à la cause précédente. et Tibère, et le troisième sous Trajan.
D'ailleurs, fût-il même vrai qu'il exis. - C'est le second qui a laissé la mémoire
tât des aphrodisiaques certains, serait-il la plus fameuse dansles fastes culinaires ..
>

convenable de les employer ? les conseil - Plusieurs gâteaux portaient son nom 13;on
lera -t- on au vieillard ou à l'adolescent , dit même qu'il tenait école degourroan
ou au convalescentdébile encore? La pa- dise à Rome. Après avoir dépensé, deys.
API ( 68 ) API
millions et demi pour satisfaire son ap- navire magnifique au milieu des cérémo
pétit, il examina son bien , et reconnut nies les plus pompeuses , et amené à Hé
qu'une fois ses dettes payées il ne lui res- liopolis, où il était nourri40 jours par les
terait plus que deux cent cinquante mille prêtres et par desfemmes qui paraissaient
livres ; craignant de mourir de faim avec nues en sa présence. Au bout de ce temps,
une pareille somme, il voulut du moins les prêtres l'amenaient d'Héliopolis à
finir en gastronome, et s'empoisonna au Memphis, où un temple et deux chapel
milieu d’un repas. Cet Apicius a long- les lui servaientdedemeure. Apis possé
temps fait secte parmi les cuisiniers qui dait le don de prophétie , et les jeunes
conservèrent son nom à plusieurs mets ministres de son temple interprétaient
de son invention. Sa prodigalité égalait au peupleses oracles. On regardait comme
seule sa gourmandise. Nous avons un un présage heureux ou sinistre le choix
traité (Dearte coquinariá,seu deopsonis qu'il faisait d'une des deux chapelles pour
et condimentis) qu'on attribue à ce même y entrer. La fête d’Apis était annuelle ;
Apicius; toutefois les critiques sont d'avis l'Égypte la célébrait à l'époquedu débor
que ce traité ne fut composé par aucun dement du Nil, et elle duraitseptjours.On
des Apicius , mais par un Cælius qui dé- jetait alors dans le fleuve des vaisseaux
guisa son véritable nom sous celui du d'or , et tant que durait la solennité ,les
fameux gourmand. Il en existe différentes crocodiles,moinsfarouches, étaientcensés
éditions. D. A. D. ne point nuire aux Égyptiens. Malgré ces
APICULTURE , voy. ABEILLE. hommages , le dieu ne devait vivre que
>

APION , fils de Posidonius et savant vingt-cinq ans, ce qui tenait vraisembla


grammairien d'Oasis, mais qui préférait blement à la théologie astronomique des
passer pour né à Alexandrie, possédait Égyptiens ; la 25° année étant révolue, on
des connaissances variées qui le firent ap- le noyait et on l'ensevelissait dans une fon
peler à Rome, sous Tibère,pour y occuper taine. Cependant Belzoni croit avoir dé
une chaire de grammaire. La ville d’A- couvert un tombeau d'Apis dans la mon
lexandrie le chargea de ses intérêts lors- tagne de la Haute- Égypte qui enferme la
qu'elle porta plainte contre les Juifs. Ti- vallée des tombeaux ou porte royale; il
bère lui avait donné le surnom de cym- y a trouvé un sarcophage colossal en al
balum mundi,autant peut- être pour faire bâtretransparent, orné , tant intérieure
allusion à la forfanterie d'Apion que pour ment qu'extérieurement, d'hiéroglyphes
rendre hommage à son éloquence. Ses et de figures taillées dans la pierre; dans
écrits sont perdus : on distinguait parmi | l'intérieur de l'ouvrage était un bouf en
eux les Ægyptiaca en 5 livres , ouvrage baumé avec de l'asphalte. On voit aujour
curieux à cause dela description très dé- d’hui ce sarcophage dans le Musée bri
Jaillée et presque complète des monu- tannique. La mort d'Apis causait un deuil
mens de l'Egypte , et à cause des vives public qui duraitjusqu'à ce que les prêtres
sorties qu’Apion y faisait contre les eussent trouvé son successeur. Comme
Juifs. S. il était certainement fort difficile de ren
APIS , taureau auquel les Égyptiens, contrer un taureau avec tous les signes
surtout à Memphis , rendaient les hon- que nous avons mentionnés plus haut, on
neurs divins. Ils croyaient que l'ame du peut croire que les prêtres avaient soin
grand Osiris s'était retirée dans cet ani- de colorer le pelage du taureau qu'ils
mal , et qu'il était né d'une génisse fécon- choisissaient pour dieu , de manière à у
dée par un rayon lumineux venu de la faire apparaître tousles signes exigés par
June. Il devait être noir et avoir sur le les rites sacrés. L'Égypte avait encore
front un triangle blanc , sur le côté droit deux autres taureaux sacrés dits , l'un
une tache blanche en formede croissant, Mnevis , l'autre Onuphis. Voy. Culte
et sous la langue une espèce de noud DES ANIMAUX . C. L. m.
ressemblant à un scarabée . Une fois trou- APIs est fréquemment représenté sur
vé , ce taureau était nourri pendant 4 les médailles antiques de la ville d’A
mois dans un édifice exposé à l'orient ; lexandrie en Égypte . Il est reconnaissable
puis 产à la nouvelle lune il était mis sur un à la fleur de lotus qu'il porte sur la tête,
APL ( 69 ) APL
On y a indiqué sa divinité en plaçant de- | après diverses interruptions, en 1718 ;
vant lui un autel sur lequel brûle le feu car les degrés du nord de la France fu
sacré. C'est par erreur que les anciens rent trouvés plus courts que ceux du
numismatistes ont pris pour le dieu Apis midi , contrairement à la théorie newton
le beuf qui sert de type àà beaucoup de nienne.
médailles de l'Espagne. Le beuf et le Pour résoudre cette importante ques
taureau sont fréquemment représentés tion par des observations irréprochables,
sur les médailles de diverses contrées , ils il fut décidé , en 1735, que l'on irait me
y sont l'emblème de l'agriculture, ou le surer des arcs du méridien sous l'équateur
symbole de la force; quelquefois c'est le même , et à une latitude aussi grande que
taureau de Bacchus : on le reconnait alors possible . La Condamine , Bouguer et Go
à la manière dont il bondit et frappe la din se rendirent au Pérou ,Maupertuis
terre de ses cornes. On ne doit regarder et Clairaut dans la Laponie.Leurs obser
comme le taureau Apis que celui qui vations , combinées entre elles et avec de
porte des symboles égyptiens. nouvelles mesures de la méridienne de
On voit encore Apis, ainsi que plu- France, ne laissèrent plus de doute sur
sieurs autres divinités égyptiennes, sur
> le fait de l'aplatissement du globe. Ces
les médailles de l'empereur Julien , dont beaux rés ats ont été confirmés depuis
on connaît le faible pour plusieurs su- par des recherches faites, il est vrai, sur
perstitions qui s'alliaient en lui à beau- une moins grande échelle, à Turin par
coup d'esprit et de philosophie. D. M. Beccaria , au cap de Bonne- Espérance
APLATISSEMENT DE LA par Lacaille , à Rome par Boscowich , à
TERRE . Il n'y a guère qu'un siècle Vienne par Liesganig , et une seconde
et demi que l'on cherche à déterminer la fois à Torneo par Melanderhielm.
figure de la terre. Jusqu'alors on l'avait A l'époque de l'établissement des nou
considérée comme parfaitement sphéri- veaux poids et mesures en France, les
que; et, lorsqu'en 1672 , le physicien moyens d'observation étaient devenus
Richer transporta à Cayenne un pendule beaucoup plus parfaits; alors on reprit
qui battait la seconde à Paris , il fut fort la mesure de la méridienne de Dunker
étonné de voir son pendule retarder con que , avec l'intention de la suivre aussi
sidérablement. Il en conclut que la pe- loin qu'il était possible. Delambre fut
santeur diminuait quand on se rappro- chargé de la partie nord, et Méchain de
chait de l'équateur, et allait en augmen- la partie sud de cette triangulation', qui
tant quand on marchait vers le pôle;ou, futpoussée jusqu'à Barcelonne. Plus tard,
en d'autres termes , que la terre était MM . Biot et Arago réunirent cette der
aplatie suivant son axe de rotation . nière station à l'ile de Formentera ,la plus
Newton fit voir que cette forme aplatie méridionale des Baléares ; et les astro
était celle que prendrait une masse liquide nomes anglais , partant de l'extrémité
animée d'un mouvement de rotation sur nord de cette chaine immense , la prolon
elle-même; d'où il tirait cette consé- gèrent , à travers la Grande- Bretagne ,
quence que la terre avait été primitive jusqu'à Unst , la plus septentrionale des
ment liquide ,ainsi que toutes les planè iles Shetland. On avait ainsimesuré un
tes sur lesquelles on pourrait observer un arc continu de 22 degrés, c'est-à - dire à
excès de longueur du rayon équatorial peu près le quart de la distance du pôle
sur le rayon polaire ; mais il se trompa à l'équateur.
sur le calcul de l'aplatissement absolu . Mais on ne s'en tint pas à la mesure
Cette théorie fut mise hors de doute lors- des méridiens, les parallèles eurent aussi
qu'en 1691 on put observer l'aplatisse- | leur tour ; et si l'on ajoute aux tra
ment considérable de Jupiter, et plus tard vaux géodésiques du colonel Broussaud ,
celui de Saturne. Néanmoins elle parut deMM. Plana , Carlini, Henri,Bonn,
recevoir un échec lorsqu'on eut exécutéla Soldner , etc. , ceux de MM. Schuma
>
mesure de l'arc du méridien compris en- cher et Struve , on voit que la surface
tre Dunkerque et les Pyrénées , commen de l'Europe est toute couverte d'un ré
cée par Picard , en 1685, et terminée , seau de triangles , qui ont fait connaître
APL ( 70 ) APL
non -seulement les dimensions absolues Guam , capitale des Iles-Mariannes , à >

du globe , mais encore son aplatissement Mowi, l'une des Hes-Sandwich , à Port
>

et les irrégularités de ses méridiens et Jackson, dans la Nouvelle - Hollande ,


de ses parallèles , ce qui était le but prin-
> et aux Iles - Malouines. Le résultat de
cipal de tant d'efforts. ces nouvelles mesures fut de constater
A côté de ces opérations gigantesques, des divergences considérables entre l'ex
les astronomes et les physiciens en ont périence et la formule de Clairaut , sur
>

exécuté d'autres d'un genre plus expé tout pour les iles de France,- de Mowi
ditif, au moyen desquelles ils ont pu assi- et de Guam . Il parait que les géomètres
gner , avec plus d'exactitude peut- être , français eurent des doutes sur l'exacti
la valeur moyenne de l'aplatissement tude de ces résultats. Sur leur demande ,
terrestre . Nous voulons parler de la dé- une nouvelle expédition , dirigée par
termination des longueurs des pendules M. Duperrey, eut lieu de 1822 à 1825 ,
simples qui battent la seconde à toutes et les observations du pendule furent
les latitudes. Clairaut 'a .démontré que répétées à Toulon , à l'Ascension , à
ces longueurs croissent de l'équateur au l'Ile-de-France , à Port-Jackson et aux
pôle , de telle manière que l'accroisse- Iles-Malouines. L'anomalie de l'Ile -de
ment est proportionnel au carré du sinus France fut un peu affaiblie , mais Port
.
de la latitude ; et que, quelles que soient Jackson et les Malouines ne donnèrent
les densités des couches intérieures de la pasles mêmes résultats à beaucoup près .
terre supposée fluide à son origine , l'a- Dans l'intervalle de temps qui s'était
platissement du globe est égal àà cinq écoulé entre le retour de la première
fois la force centrifuge à l'équateur, di- expédition et le départ de la seconde ,
visée parle double de la pesanteur qu'on une série d'expériences, mieux coordon
y observe, moins la différence des lon- nées , avait été commencée par le capi
gueurs des pendules à l'équateur et au taine Sabine. Elle comprenait Londres ,
pôle , divisée par la longueur à l’équa- Sierra-Léone , Saint- Thomas , l’Ascen
teur. Mais les bonnes observations de ce sion , Bahia , Maranham , la Trinidad ,
genre ne datent que de la fin du dernier la Jamaique , New-York , Hammerfest ,
siècle et sont dues au génie de Borda. la ville la plus septentrionale de la Nor
Formé à son école , M. Biot a d'abord
> wège , le Spitzberg , le Grænland et
déterminé les longueurs des pendules à Drontheim . Coinmencées en 1821 >, ces
Paris, à Dunkerque, à Clermont, à Fi-
> expériences ne furent terminées qu'en
geac, à Bordeaux , à Barcelonne et à 1824 , et offrirent entre elles un accord
>

Formentera , puis à l'extrémité nord de assez remarquable. L'année suivante >

la triangulation anglaise , à Unst et au M. Biot alla faire de nouvelles observa


fort de Leith , près d'Edimbourg. I yу tions du pendule à Milan , à Padoue, aà
trouva le capitaine Kater occupé desmê- Fiume , aux iles Lipari , à Barcelonne ,
mes expériences , avec un pendule de et corriger ses anciennes expériences de
son invention , qu'il avait déjà observé à Formentera . L'erreur qu'il avait com
Portsoy , à Clifton , à Arbury -Hill , à mise à cette dernière station , fit sentir
Londres et à Shanklin , stations princi- l'opportunité de n'employer , dans ce
pales de la triangulation . genre de recherches délicates, que des
Pour étendre ces recherches à l'hémis- pendules invariables , capables d'être
phère sud, et trouver l'explication de transportés, par le même observateur ,
certaines anomalies qu'elles présentaient, sur toutes les parties du globe. Par cela
M. de Freycinet entreprit un voyage ma- même que les expériences du pendule,
ritime qui , commencé en 1817, ne finit faites à Stockholm , par M. Svanberg ; à
>

qu'en 1820.Les expériences commencées Koenigsberg , par M. Bessel; à Port-Bo


à Paris avec des pendules invariables wen , par M. Foster ; à Madras, par
furent continuées successivement à Rio- M. Goldingham ; à Gaunsah-Lout , près
Janeiro , au cap de Bonne-Espérance, au Sumatra , par MM. Lawrence et Robin
Port - Louis de l'Ile-de-France >, à l'ile son ; à Paramatta , par M. Rumker ,> et au
Rawak , près de la Nouvelle -Guinée , à cap de Bonne-Espérance , par M. Fal
APL ( 71 ) APO
lows , par cela même, disons - nous, prend un fil flexible dont le bout supé
>

qu'elles ne sont point liées entre elles rieur est fixe , et dont le bout inférieur
sous le rapport du mode d'observa- soutient un corps pesant, tel qu'une
tion et de l'identité des appareils , masse de plomb. C'est aussi la direc
elles sont moins propres que les pré- tion suivant laquelle tombent les corps
cédentes à faire découvrir la véritable à la surface de la terre ; cette direction
figure de la terre . C'est ce qu'on a bien est perpendiculaire à la surface des eaux
compris en Angleterre ; car M.Foster tranquilles ou à l'horizon (voy. les mots
en est partien 1824, pour faire des ob- VERTICALE et Horizon). S-y.
servations du pendule en vingt-six sta- APOCALYPSE, αποκάλυψις , reve
tions bien distribuées dans l'hémisphère lation ; nom donné à un des livres du
sud , que l'on pourra combiner avec Nouveau – Testament . Il comprend 22
celles du capitaine Sabine dans l'hémis- chapitres. C'est une prophétie si élevée
phère nord . et en inême temps si obscure qu'elle
Si la densité des couches intérieures est demeurée jusqu'ici impénétrable à
du globe , ou seulement leur densité tous les efforts des commentateurs ; tous
moyenne , était bien connue , un astro- ceux qui ont osé entreprendre de l'ex
nome pourrait , sans sortir de son obser- pliquer y ont complètement échoué.
vatoire, déterminer très exactement l'a- Ce livre a-t-il toujours été regardé
platissement de la terre, par l'observation comme canonique dans l'église ? Il est
des inégalités du mouvement de la lune. certain que saint Basile , saint Amphi
En effet, quand on a tenu compte de loque, saint Grégoire de Nazianze, saint
toutes les causes capables de troubler la Grégoire de Nysse , saint Cyrille de Jé
marche de ce satellite , il reste des iné- rusalem et le concile de Laodicée n'ont
galités qui ne peuvent être expliquées point mis l’Apocalypse au nombre des
que par l'attraction de la protubérance écritures canoniques. Saint Jérôme en
équatoriale de la terre. C'est ainsi que parle, dans son épitre à Dardanus, comme
Laplace a fixé, pour l'aplatissement du d'un ouvrage qui n'était point reçu com
globe ,, une valeur qui s'accorde assez munément dans les églises grecques de
bien avec le résultat des mesures géodé- son temps. Eusébe de Césarée et saint
siques et des expériences du pendule. Epiphane tiennent le même langage, quoi
Par cette méthode , en effet, Laplace a que ce dernier père admette la canoni
trouvé que le rayon polaire est plus court cité de l’Apocalypse. Mais si , comme
le rayon de l'équateur de 365. Les le dit Grotius, on préfère le sentiment
que
mesures de la méridienne de France ont universel des anciens écrivains ecclésias
1
donné 309. La moyenne de toutes les ob- tiques à celui de quelques églises grec
servations du pendule est de 287. On a ques , qui est postérieur , on jugera que
trouvé des résultats encore plus grand saint Justin , saint Irenée , Tertullien ,
que celui-ci ; mais toutes ces observa - saint Denis d'Alexandrie , saint Clément
tions, extrêmement faibles relativement d'Alexandrie , Théophile d’Antioche ,
à l'aplatissement total , sont dues aux iné- Méliton de Sardes , Origène , saint Cy
galités de la surface terrestre , par sa dis- prien , saint Augustin , etc. ,
2 méritent
tribution en continent et en bassins des d'être crus , quand ils assurent que ce
mers. On peut regarder , comme très
> livre est réellement inspiré . En 397, le
exact , le rapport donné par les expé- troisième concile de Carthage l'inséra
riences du pendule ; alors, en admettant dans le canon des Écritures , et depuis ce
avec Delambre 6,376,984 mètres pour temps – là , l'église d'Orient la admis
le rayon moyen de l'équateur , celui du comme celle d'Occident .
pôle sera de 6,354,727 mètres : diffé- Quel est l'auteur du livrede l'Apoca
rence 22,257 mètres ; ou,en lieues de 25 lypse ? Quelques anciens l'avaient d'a
au degré, rayon équatorial 1432,4 lieues, bord attribué à Cérinthe , dont il semblait
rayon polaire 1427,4 lieues ; différence favoriser les erreurs . D'autres avaient pré
5,0 lieues. S - Y. tendu qu'il pouvait être d'un auteur nom
APLOMB. C'est la direction que mé Jean, mais non de saint Jean, apôtre et
APO ( 72 ) APO
évangéliste. Cette discussion , comme la Clément d'Alexandrie parle d'une Réve
première , a été décidée par la majorité lation de saint Pierre, et Sozomène nous
des suffrages qui ont accordé ce livre au apprend qu'on la lisait après Pâques dans
disciple bien - aimé, et qui le lui ont fait les églises de la Palestine. Ce dernier parle
écrire pendant son exil à Pathmos. De aussi d'une Révélation desaintPaul, que
puis long-temps ce jugement ne trouve les moines estimaient de son temps , et
guère de contradicteurs *, et l'Apoca- que les Cophtes se vantent de posséder.
lypse est insérée dans toutes les Bibles Il est question d'une Révélation d'Adam
sous le nom de saint Jean , auteur d'un dans Eusebe ; d'une Révélation d’Abra
évangile et de trois épîtres. ham , supposée par les Sethiens ; d'une
Au surplus , toutes les objections con- Révélation de Seth ; d'une Révélation de
tre la canonicité de l’Apocalypse sont Navie, femme de Noé , dans saint Épi
résolues par ces raisonnemens de saint phane ; d’une Révélation d'Esdras , dans
Denis d'Alexandrie rapportés dans l'His- Nicéphore ; d'une Révélation de Moise ;
toire ecclésiastique d'Eusébe : « Nonob- de Révélations attribuées à saint Tho
« stant toutes les objections, Denis té- mas , à saint Étienne , dans Gratien et
« moigne qu'il ne peut rejeter ce livre , dans Cédrénus; d'une Apocalypse du
« le voyant approuvé de la plupart de ses prophète Élie , dans saint Jérôme ( voir
« frères; et à l'égard des raisons que l'on Sixte de Sienne, Ellies Dupin et Fabri
« produisait contre lui , il répond qu'il cius).. Voltaire comptait onze Apoca
>

« y a un sens sublime et caché dans les lypses apocryphes.


« expressions de cet auteur, et bien qu'il Porphyre, dans la Vie de Plotin , cite
« né le comprenne pas , il ne laisse pas les Apocalypses de Zoroastre , de Zos
« de le révérer, étant persuadé que la foi trein , de Nicotée , d'Allogènes , etc. , li>

« lui doit plutôt en cela servir de règle vres dont on ne connait plus que les ti
« que toutes ses connaissances. Je ne con- tres , et qui vraisemblablement n'étaient
« darnne pas , dit- il, ce que je n'aiгри que des recueils de fables.
« entendre ; au contraire , je l'admire , L'Apocalypse de Méliton , qui a eu
« parce que je n'ai pu le pénétrer. Ce plusieurs éditions, est un abrégé des li
« qui ne l'empêche pourtant pas d'exa- vres de Pierre Le Camus , évêque de Bel
« miner en détail toutes les parties de ce ley. Cet abrégé , attribué à un moine dé
« livre, et de montrer qu'il est impos- froqué, est une Révélation des mystères
« sible de l'expliquer à la lettre et selon cénobitiques, c'est-à -dire une diatribe
« le sens que les mots semblent offrir violente contre les moines , principale
« d'abord . » ment contre les religieux mendians et
L'Apocalypse n'a pas manqué de com- leurs pratiques superstitieuses. J. L.
mentateurs dans toutes les communions APOCATASTASE . Ce mot , em

chrétiennes.. On a beaucoup parlé de prunté aux Actes des Apôtres ( III, 21) ,
Bossuet et de Newton , et on a répété , et qui signifie rétablissement, a donné
sans examen , d'après Voltaire , qu'à tout lieu à de graves discussions théologi
prendre , les déclamations éloquentes ques. Les apôtres l'ont employé pour
de l’un et les sublimes découvertes de désigner le retour à la perfection primi
l'autre leur ont fait plus d'honneurque tive ou l'accomplissement final des pro
leurs commentaires. Cela peut être; mais messes de Dieu. Au commencement du
e
au fond tout ceci neprouve bien qu'une xv111° siècle Pétersen s'est emparé de
chose : la légèreté du jugement des ce mot pour soutenir qu'après un laps
hommes. quelconque de temps les choses revien
L'antiquité a connu plusieurs livres draient au point où elles se trouvaient
qui portaient le nom d'Apocalypse. Saint avant l'introduction du péché dans le
(*) Ceci ne se rapporte qu'aux théologiens de monde. Cette opinion ayant rencontré des
l'église catholique,car les plus savans critiques contradictions , elle donna lieu aux dis
>
protestans ont élevé depuis long -temps et élè cussions apocatastatiques ; elle est dans
vent encore contre l'authenticité de l'Apocalypse
des doutes multipliés. Voy. Jean (saint) etAro tous les cas bien plusancienne que Pé
CRYPHES (théologie) . J.H.S. tersen , et se trouve déjà dans la manière
APO ( 73 ) APO
de voir des millénaires ( voy. ce mot et sante fantaisie de son esprit, Voltaire pu
CHILIASME). blia un grand nombre d'ouvrages et de
Les philosophes grecs employaient les pamphlets sous des nomssupposéset apo
mots de antiperistasis et apokatastasis cryphes, tels que ceux du R. P. l’Escar
pour désigner le mouvement général de botier, de Risorius, de Covelle , de Jé
la nature et l'action des forces qui y en- rôme Carré , de Mamaki, d’Amabed ,
3

tretiennent la régularité , l'accord et la de Beaudinet, de Lamponet , etc. Il se


>

parfaite unité. S. cacha aussi sous le nom de personnages


APOCRISIAIRE, de attóxplois, ré- réels , tels que l'abbé Bignon , don Cal
ponse ; agent d'affaires, référendaire, met, le docteur Akakia , Hume, Boling
chancelier. Ce nom était aussi synonyme broke, le curé Meslier, leP.Quesnel, etc.
d'ambasciator, mandataire, envoyé. Les Tous ces noms sont ici apocryphes ou
apocrisiaires , ou réponsaux des papes , pseudonymes (voy. ce mot ). On peut en
étaient leurs représentans ou légats près dire autant du nom de Mirabeau, secré
des empereurs grecs et des exarques de taire perpétuel de l'Académie française,
Rayenne. S. que le baron d'Holbach et Diderot ne
APOCRYPHE ( littérature), motgrec craignirent pas de diffamer en lui attri
formé de årò et xpúttw , je cache, et qui buant leùr fameux Système de la Na
signifie inconnu , caché. On dit d'une ture .
histoire dont l'autorité est douteuse , De tous les livres apocryphes le plus
d'une nouvelle ou d'un fait dont on sus- célèbre est celui De tribus impostori
pecte la vérité, que cette histoire , cette bus, dont on ne connaît bien que le titre ,
nouvelle et ce fait sont apocryphes. sur lequel on a tant écrit , qui a été attri
Il est des auteurs et des ouvrages apo- bué , en Italie , à Machiavel , à Bocace ,
cryphes. Beaucoup de savans regardent à P. Arétin , à Giordano Bruno , à Cam
l'historien de Phénicie , Sanchoniaton , panella ; en Allemagne, à l'empereurFré
( voy.) comme un personnage fictif qui déric IÍ , à son chancelier, Pierre de Vi
n'a pas plus existé que le Pantagruel de gnes ; en France , à Étienne à Ser
Rabelais. vet , à Vanini , etc. On a voulu fixer, mais
a

Parmi les livres apocryphes de l'anti- sans aucune preuve , l'impression de ce


quité paſenne, il suffira de citer les An- livre à l'année 1598. Il parait certain
nales d'Égypte et celles de Tyr, dont les qu’un ouvrage , fabriqué depuis sous ce
prêtres, qui en étaient les gardiens et les titre , fut imprimé à Vienne vers 1768 ,
dépositaires, ne permettaient la lecture avec la date apocryphe de 1598 ; et , s'il
qu'aux initiés ; les fragmens de ces mê faut en croire une anecdote singulière
mes Annales attribués à Sanchoniaton rapportée sérieusement par l'auteur du
par Porphyre , et qu'on prétendait tirés Dictionnaire desanonymes, l'abbé Mer
des livres de Thaut ; les Vers dorés de cier de Saint-Léger et le duc de la Val
Pythagore , et les Livres sibyllins, qui lière auraient voulu , au commencement
avaient été confiés, dans Rome, à la garde du règne de Louis XVI , mystifier l’Eu
d'un collége de prêtres , les décemvirs. rope savante , en annonçant que le livre
Les livres apocryphes que l'Église chré- introuvable était enfin trouvé, et ils au
tienne n'a pas reçu comme canoniques, raient comploté de faire réimprimer un
tels que le IIIe et le Ive livre d’Es- des trois exemplaires connus de l'édition
dras , etc., sont le sujet de l'article sui- de Vienne à un très petit nombre d'exem
>
vant. plaires , qui se seraient vendus 25 louis.
On doit aussi regarder comme apo - Cette spéculation eût été peu honorable ;
cryphes le Grimoire du papeHonorius, mais cette anecdote sur les trois impos
les Prophéties de Merlin , les Révéla- teurs est peut- être aussi apocryphe que
tions de Sainte - Brigitte , et une foule de le livre lui-même. V - E.
légendes sans autorité. APOCRYPHES. En théologie, on ap
Souvent , pour n'être inquiété ni par pelle livres apocryphes des livres dont
les parlemens , ni par les ministres de l'autorité est douteuse, et dont l'auteur
Louis XV; souvent aussi, par une plai- 1 est inconnu ou cherche à se cacher. Les
APO ( 174 ) APO
livres de la Bible qui portent ce nom sont la même ligne que les autres livres de
ainsi nommés par opposition avec les li- l’Ancien-Testament. Si cependa nt, de
vres canoniques (voy . CANON)qui, étant même que les catholiques romains qui
considérés comme divinement inspirés et depuis le concile de Trente surtout les
comme renfermant des règles infaillibles regardent comme deutero - canoniques ,
de foi et de conduite , forment le code c'est - à - dire comme faisant suite aux an
des livres religieux de l'Ancien et du ciens livres canoniques , et leur attri
Nouveau - Testament; tandis que les apo- buent une autorité peu inférieure à ces
cryphes , auxquels on n'attribue pas une derniers, les églises protestantes ont as
origine si relevée , ne jouissent pas aux sez généralement continué de les insérer
yeux des Juifs et de la plupart des chré- dans leurs versions de la Bible , c'est ,
tiens de la même autorité , et ne sont pas d'un côté , pour se conformer à un an
invoqués par eux comme règle en ma- cien usage qui remonte aux premiers
tière de religion et de morale. Écrits pour siècles de l'église ; de l'autre , parce que ,
la plupart en Égypte , à une époque où malgré les défauts qui les déparent, ils
l'esprit de révélation avait cessé de se renferment de beaux exemples de piété
faire entendre en Israël, et où le cata- et d'excellentes leçons de morale ; qu'ils
logue des livres sacrés des anciens Juifs sont d'une utilité incontestable pour
était déjà clos, ils n'ont plus été admis l'histoire du peuple juif, de l'état de sa
dans le code de ces livres , tel qu'il fut littérature et de ses opinions religieuses
formé dans la Palestine et qu'il existait depuis son retour de la captivité de Ba
avant la naissance de Jésus-Christ ; aussi bylone jusqu'à l'arrivée du Messie , et
ni Jésus-Christ ni les apôtres ne les ont- que sous ce rapport ils peuvent même
ils compris dans ce qu'ils appelaient la être consultés avec fruit pour l'interpré
loi et les prophètes,> et n'en ont-ils fait tation de plusieurs passages du Nouveau
mention nulle part dans leurs discours et Testament .
dans leurs écrits . Favorablement accueil- Outre les livres apocryphes de l'An
lis et goûtés par les Juifs d'Égypte , ils cien - Testament qu'on a coutume d'insé
circulèrent d'abord parmi eux dans de rer à la suite des livres canoniques ,> it
nombreuses copies détachées , souvent en est quelques autres qui ne se trouvent
altérées et falsifiées, et furent enfin ajou- point dans les éditions de la Bible, tels
tés à la version grecque de l'Ancien - Tes- que le livre d'Hénoc , dans lequel le
tament , dite des Septante. Dans cette pieux patriarche doit avoir rapporté ,
version ils passèrent aux églises chré- avant le déluge , diverses circonstances
tiennes d'Afrique, et plus tard dans la relatives aux anges , à leur chute , etc.;
> >

version latine faite sur celle des Septante,


le Testament des douze Patriarches,
aux églises de l'Occident et de l'Orient. dans lequel doivent se trouver consignées
Dans plusieurs de ces églises , à com des prophéties et des leçons de morale
mencer de la fin du ive siècle >, ils ac- adressées comme dernières paroles par
quirent une grande autorité ; il y en eut les douze fils de Jacob à leurs familles ;
même qui les déclarèrent partie inté- dix -huit Psaumes attribués au roi Sa
grante des livres sacrés de l'Ancien Tes- tomon ; un grand nombre de Sentences
tament. Cependant il y eut toujours dis- philosophiques et morales ;; diverses No
sentiment et de vives contestations à ce tices sur des personnages marquans de
les opposans il faut nommer l'Ancien - Testament.
sujet. Parmiteurs
les réforma du XVI° siècle. Partant Quant aux livres apocryphes du Nou
du principe que le Christ et les apôtres veau-Testament , ils ont de tout temps
n'ayant pas reconnu ces livres comme ca- joui de si peu d'autorité qu'on n'a pas
noniques , ils ne doivent point être re- cru devoir les admettre dans les versions
gardés comme tels , et y ayant d'ailleurs de la Bible. De ce nombre sont : PI
' Évan
remarqué beaucoup de choses évidem- gilepréparatoire( protévangile) de saint
ment fabuleuses et contradictoires, et une Jacques , dans lequel on raconte l'his
grande imperfection dans le style et dans toire de Marie jusqu'au massacre des
la doctrine , ils ne les ont point mis sur e nfans de Bethlehem et à l'assassinat de
APO ( 75 ) APO
Zacharie, père de Jean- Baptiste;l'Évan plante dans nos jardins; elle s'accom
gile de l'enfance de Jésus-Christ, qui mode facilement des terrains de médio
renferme des détails sur la première jeu- cre qualité , et les envahit aussi vite que
nesse du Christ jusqu'à sa douzième an- le chiendent ; elle croît naturellement
née ; la Lettre d'Abgar, roi d'Édesse en sur les dunes de la Rochelle. On donne
Syrie , à Jésus -Christ, par laquelle ce aussi à l'apocyn le nom de gobe-mouche
prince demande la guérison de sa mala- ou attrape -mouche, parce que ces in
die , et la Réponse du Christ, qui lui fait sectes attirés par le suc mielleux que
espérer qu'après son ascension il lui en- renferme ses fleurs , y insinuent leurs
verra un de ses disciples ( voy. ABGAR ) ; trompes qui se trouvent aussitôt gonflées
l'Évangile de Nicodėme , qui relate dif- et retenues malgré leurs vains efforts.
férentes circonstances des souffrances et C'est cette liqueur même qui sert en cer
de la mort de Jésus -Christ,7 comme aussi taines contrées à fabriquer une espèce de
de sa descente aux enfers'; quelques sirop susceptible de cristalliser.
Lettres de Ponce - Pilate sur la vie >, et Mais c'est surtout le fruit de cette plante
une Lettre de Lentulus sur la figure et qui offre le plus d'intérêt, comme for
tout l'extérieur de la personne de Jésus- mant aujourd'hui une nouvelle. bran
Christ ; les Aventuresdesdouze apótres, che d'industrie. Il est démontré que la
écrit attribué à Abdia , premier évêque culture de l'apocyn offre d'immenses
de Babylone, dans lequel se trouvent des avantages à des ouvriers industrieux qui
traditions de la vie et de la mort des l'emploient à la fabrication des chapeaux,
apôtres; les Règles et Ordonnances (ca de la bonneterie, du velours , des molle
nones et constitutiones) des apôtres, etc. tons, de flanelles supérieures à celles de
Dans tous ces livres il peut y avoir l'Angleterre et de satins qui imitent ceux
quelque fonds de vérité , mais tous aussi de l'Inde. La tige annuelle donne une
portent l'empreinte de fictions et de espèce de fruit léger qui s'ouvre quand
nombreuses falsifications, en sorte qu'on il est mûr et laisse à découvert un flo
pas même jugé convenable de les con soyeux d'un à deux pouces de lon
joindre à la version des Septante *. gueur , dans lequel les 'graines sont en
Nous ajouterons que l'Apocalypse veloppées; on le coupe et on le laisse
(voy.) est rangéepar quelques- uns parmi sécher jusqu'au moment où l'on sépare
les livres apocryphes; mais la plupart des les graines d'avec l'aigrette pour n'avoir
théologiens et la grande majorité des qu’une matière cotonneuse très fine.
chrétiens la comptent au nombre des li C'est cette matière que l'on emploie
vres canoniques. J. J. G. aux différens usages dont nous avons
APOCYN. Cegenre de la famille des parlé ; elle sert aussi à ouater les cou
apocynées renferme un grand nombre vertures >, les pelisses, les robes de fem
d'espèces qui sont des plantes vivaces , mes , etc.
dressées, quelquefois grimpantes , por Mise à rouir et préparée comme le
tant des feuilles minces et des fleurs dis- chanvre et le lin , la tige de cette plante
posées en cime. Presque toutes sont ori- donne un fil fort long , très fin et d'un
ginaires des contrées méridionales de blanc luisant.
l'Europe, de l'Amérique septentrionale
2 L'apocyn a reçu son nom de deux mots
ou du cap de Bonne-Espérance. Au Ca- grecs &Trò etxúwv, c'est-à -dire qui éloigne
nada on appelle communément l'apo- les chiens, parce que l'on a long-temps
cyn herbe de la ouate ou cotonnier. Il cru qu'il avait une qualité pernicieuse à
ne faut pas croire cependant que nos ces animaux. D. A.D.
climats froids et humides lui soient APODES. Ce mot, qui veut dire sans
contraires. On cultive.avec succès cette pieds, de Toữs, Todos, pied, avec l'a pri
( *) Les personnes qui désireraient de plus am- vatif, a été fait pour désigner certains
ples renseignemens sur le contenu de ces livres, oiseaux tels que le martinet noir dont les
peuvent consulter le Codex apocryphus Novi- Tes
pattes sont si petites qu'on les aperçoit à
tamenti et le Codex pseudepigraphus Veteris. T'esta .
menti,2 vol.publiés à Hambourg par J. A.Fa- peine, et les oiseaux de paradis dont on
bricius, en 1703 et 1713. ne rapporte en Europe que la partie su
APO ( 76 ) APO
périeure, dépourvue par conséquent de évêque de Laodicée, et fils d'un autre sa
pattes; ce qui a donné lieu aux contesvant évêque de ce nom. Né à Alexandrie,
les plus absurdes. et très connu comme grammairien et
Ce nom s'étendit ensuite aux poissons comme poète , cet Apollinaris enseigna,
privés de nageoires ventrales , puis cette vers l'an 365 de J.-C. , .que la nature
désignation embrassa les poissons angui- divine , le Logos , se trouvait à la
formes, comme les murènes , gymnotes , vérité associé à la nature humaine du
donzelles, équilles, etc. Enfin on la donna Christ , mais qu'il était impossible d'ad
aux serpens, aux entozoaires et aux ané- mettre que l'essence divine entière fût
lides .
unie ,> en sa personne , à un homme com
Dans le langage entomologique, ce plet, puisqu'il en serait résultédeux êtres
mot désigne tous les insectes privés de au lieu de la personne unique , formée
pattes, tels qu'un grand nombre des des deux natures combinées. Le Logos
hyménoptères et des diptères. Voy. ces en Jésus-Christ , c'était donc sa nature
mots . D. A. D. intellectuelle (voūs) : il lui tenait lieu de
:

APODICTIQUE , terme de philoso- raison . L'ame de Jésus - Christ était


phie qui se dit desjugemens ou sentences toute sensuelle , elle n'avait des facultés
énoncés avec conviction deleur nécessité, ordinaires de l'ame humaine que la sen
et qui sont le produit du raisonnement sibilité; le jugement , l'esprit, la raison
et non le résultat de l'expérience. On dit étaient remplacés par l'essence divine
une preuve, une démonstration apodic- qui animait ce corps humain. Le Sau
tique ; c'est, comme le remarque Krug veur n'était point , en conséquence , un
dans son Dictionnaire de philosophie,un homme complet, mais un être de nature
pleonasme, puisque atrócęc ne signifie mixte , quoique un en lui-même; ce fut
que preuve. Kant se sert de l'expression un dieu incarné (Deos ivonpzos). Ces dis
d'impératif apodictiquedans le sens de tinctions aujourd'hui paraissent oiseuses,
catégorique. Quelquefois le mot apo- mais alors elles firent une grande sensa
dictique a été employé comme substantif, tion , et la théorie de l'évêque Apollina
pour désigner la science des bases né- ris trouva un grand nombre de sectateurs ,
cessaires ou inaltérables du savoir hu- qu'on nomme Apollinaristes. Après la
main. Il reste à savoir s'il peut exister mort de son auteur ,> l'apollinarisme fut
une philosophie apodictique, dans ce sens plus d'une fois condamné par les conciles,
que la base en est parfaitement sûre , et et , au v® siècle , les Apollinaristes, con
ne peut être renversée par aucun raison- vaincus sans doute de la fausseté de leurs
nement . D-G. distinctions, rentrèrent au giron de l'é
APOGÉE ET PÉRIGÉE. La lune se glise , en admettant la croyance vulgaire
meut dans une ellipse ( voy. ce mot ) sanctionnée par la tradition. J. H. S.
dont un des foyers est occupé par le cen APOLLODORE , fils d'Asclepiade ,
tre de la terre. Quand la lune arrive au grammairien athénien, étudiait, vers l'an
point le plus éloigné de la terre , on dit 140 avant J.-C. , la philosophie sous Pa
qu'elle est à l'apogée ; et au périgée , nèce , et la grammaire sous Aristarque.
quand elle arrive au pointle plus rappro- Il avait composé un ouvrage sur lesdieux,
ché. Ces mots sont corrélatifs d'aphélie un commentaire sur le catalogue des
et périhélie( voy. APHÉLIE). On dit aussi vaisseaux d'Homère, et une histoire en
d'une planète , qu'elle se trouve à l'apo- vers. L'ouvrage mythologique que nous
gée ou au périgée , quand elle arrive à avons , sous le titre de Bibliothèque, et
sa plus grande ou à sa plus petite distance qu’on donne comme de lui , est proba
blement un extrait d'un grand ouvrage
dela terre , bien que cette planète tourne
autour du soleil , dans une courbe qui d’Apollodore, et date d'une époque plus
embrasse ou qui n'embrasse pas celle récente ; il n'en est pas moins très im
que décrit la terre elle-même. S-y. portant pour l'histoire des dieux et des
APOLLINARISME , hérésie chré- héros. La meilleure édition est celle de
tienne du ive siècle , appelée ainsi du Heyne ( 2e éd. Gettingue, 1802 , 2 vol.).
nom d'Apollinaris ouApollinarius, savant Clavier en a donné une traduction fran
APO ( 77 ) APO
çaise avec le texte en regard et des no- instrument ( çópucyč ). Il conduit les
tes assez médiocres (Paris 1805 , 2 vol.). cheurs des Muses etdirige leurs chants;
9

Le nom d'Apollodore аa été très com- de là son nom de Musagète. On connait


mun en Grèce; mais les seuls person- sa rivalité avec Pan et avec le berger Mar
nages qui nous paraissent dignes d'être syas ; on luiattribue aussi l'invention de
cités ici sont : 1 ° un architecte célèbre , la lyre que d'autres rapportent à Hér
qui présida à la construction du Forum mès. Condamné à garder les beufs de
de Trajan, et du fameux pont jeté par ce Laomedon , et engagé pendant quelque
prince sur le Danube ; 2º un peintre d’A . temps , soit de son propre gré, soit par
thènes, dont il sera parlé à l'articleC.pein- la volonté de son père , au service d'Ad
ture . L. mète , il devint aussi le dieu des trou
APOLLON , divinité grecque, l'un peaux et fut appelé comme tel Nomios,
des Olympiens, fils de Jupiter et de La- nom qu'on pourrait cependant dériver
tone, sa sixième femme. Persécutée par encore de la mesure musicale, en grec
la jalousie de Junon ( Héra ), Latone erra vóp.os. On trouve même , dans l'hymne
long -temps sans trouver un asile où elle homérique consacré à la gloire d'Apol
pût devenir mère ; elle s'arrêta enfin à lon que, dès son enfance, il faisait paitre
Délos, ile de l'Archipel, qui , mouvante
> les boufs au pied du Parnasse , et que là
jusquelà ,sefixa depuis,et aprèsneuf jours les Parques ( Moipac ), venant le trouver,
de douleurs, elle enfanta , au pied du mont lui enseignaient les arts et les sciences.
Cynthus,Apollon et Artémis, dont le pre - Comme poète et comme devin, l'avenir
mier eutpour cette raison le surnom de lui était dévoilé : ses principaux oracles
Cynthius. A peine fut - il né qu'il déclara furent à Delphes, à Didyme, à Claros et
« que la kytharis chérie et l'arc tendu en à Patare; il est le dieu des prophètes , et
courbe lui appartenaient et qu'il annonce- Homère assure que Calchas lui devait
rait aux humains les décrets infaillibles sa science si célèbre parmi les Grecs.
de Jupiter » . Il n'était âgé que de5 jours Comme il sait les remèdes à employer
quand il tua de ses flèches le dragon Py- contre les maladies, le chantre de l'Iliade
thon , gardien de l'antre où Géa avait sonlui donne le nom de Pæion ( tracơv, mé
antique oracle , et où des tourbillons de decin ), sous lequel Pindare surtout le
vapeur, sortant de terre , remplissaient
> célèbre. Lorsquela peste ravage Athènes
les prêtresses de la sciencedivine.Après les Athéniens recourent à son oracle,
avoir élevé un temple au même endroit; et, commeles Grecs , les Romains l'ap
au pied du Parnasse, il y rendit lui-même pellent le dieu aux remèdes (averruncus,
des oracles, et prit le nom de Pythius et alečinazos ). L'an 461 avant J.-C., ces
de Logius. Dans la mythologie populaire derniers construisirent un temple à Apol
lo medicus. Esculape est son fils , et les
des Grecs l'habileté à tirer de l'arc et le ta-
lent de la musique, surtout celui de jouer Asclepiades ( voy.) lui doivent leur
de la cythare, était le principal attribut de science. Les anciens poètes lui font hon
ce dieu. Comme archer , il tua les enfans neur de la construction de plusieurs vil
de Niobé, pour venger l'outrage fait à sa les : conjointement avec Neptune, il éleva
:

mère ; il assista Jupiter dans sa lutte con- les murs de Troie et prit part aussi à la
tre les Géans et les Titans ; il fit périr le fortification de Mégaré. Indépendam
géant Tityos pour avoir osé porter une ment des surnoms déjà indiqués, ils le
main sacrilége sur Artémis , vouée à une nomment Smintheus de la ville de Smin
éternelle virginité ; il tua à coups de flè- thos , Lykaïos et Lykégénès, le Lycien ,
>

ches les Cyclopes, instrumens du maître et Phoebus , ou le radieux. Ils -lui don
du tonnerre, pour avoir forgé la foudre nent pour attributs l'arc et le carquois,
dont celui- ci avait frappé Asclepius ( Es- puis la cythare et le plectrum , une hou
culape ) , fils d'Apollon. Comme dieu de lette , un serpent, un trépied , une cou
la cythare, il charmait les immortels et ronne de laurier, etc. De même que Mer
les humains , il était l'ancoós ( chantre , cure et Bacchus , il jouit d'une jeunesse
troubadour ) de l'Olympe , et les dieux éternelle : la barbe ne pousse point à son
savouraient le nectar aux sons de son menton , mais une longue chevelure lui
APO ( 78 ) APO
descend sur les épaules , et la grace et la priment à la fois l'enthousiasmeet la ma
beauté sont répandues sur tout son corps. jesté : il vient de tuer le serpent Python ,
Voilà sous quels traits et dans quel et la corde vibre encore sur son arc. Son
sens Apollon était adoré dans la Grèce et triomphe n'a rien d'humain : sa satisfac
chez les Romains , qui célébraient an- tion est celle d'un dieu. Ce chef - d'ouvre
nuellement en son honneur des jeux de l'antiquité grecque, que l'on a cru re
apollinaires. Toutefois ces traditions connaître dansla description de Pline l'an
paraissent avoir été bien différentes de la cien ( H.N. XXXVI, 4, 10 ), est attribué
théologie plus simple, plus significative, par les uns à Calaṁis, par d'autres à Phy
plus austère de la plus haute antiquité , liscus, par d'autres encore à Praxitèle.
des commentaires savans,astronomiques, S'il faut en croire le célèbre Visconti,
symboliques, mystiques , qu'on ensei- cet Apollon serait une copie perfection
gnait dans les écoles, surtoutdepuisPytha- née de la statue de Calamis ( voir le sa
gore , et de cette théologie nouvelle , fruit vant ouvrage de M. Feuerbach , Der Va
de l'accommodation , qu'enfantèrent les ticanische Apollo, De l’Apollon du Va
>

rapports multipliés des Grecs avec les tican , considérations archéologiques et


Égyptiens, la prétention des prêtres de æsthétiques. Nuremb. 1833, un fort vol.
ceux-ci , la trop grande cre ulité de in-8 "). Rome possède aussi une très belle
autres et leur respect pour les temps statue d'Apollon kitharædos ou musa
antiques. L'ancien Apollon Delius pa- gète , qu'on a long-temps prise pour un
raît avoir eu une signification plus pro- Néron . Le dieu joue de la lyre et de sa
fonde que celle du dieu des Muses et de tête exprime l'enthousiasme avec lequel
l’Apyupótoçosd'Homère,de même qu'Ar- il suit son jeu: une robe à longs plis voile
témis était plus que chasseresse : ces deux ses formes , il ouvre la bouche comme
divinités représentaient alors le principe pour chanter . Enfin on voit encore dans
fécondant et le principe fécondé, le so- le musée Pio-Clementin un Apollon sau
leil et la terre , la source de toute vie et roktoros , c'est - à -dire tuant un lézard ,
l'alma mater, multipliant et nourrissant jolie production qu'on croit une copie
ses créatures. Commé soleil, Apollon est de celle de Praxitèle , sur le même su
goibos , radieux , et uzmunins , aà longue jet. J. H. S.
chevelure ; ses traits sont les rayons qu'il APOLLONIE. Étienne de Byzance
darde ; et la peste qu'il produit est l'effet compte 25 villes de ce nom , et dans son
fatal de ses chaleurs, pendant la canicule. "Thesaurus geographicus , Ortelius y en
C'est le Horos des Egyptiens, fils d'Osi- ajoute 7 autres. Nous nous contenterons
ris et frère de Bubastis, que les Grecs, d'indiquer les principales.
dans cette supposition , auraient nommée Il y en avait trois en Macédoine ; l'une
Artémis. D’Egypte Horos vint à l'ile de au pays des Taulantiens et que l'on rap
Crète, et de là à Délos. Comme dieu du porte quelquefois à l'Épire ou à l'Illyrie.
soleil , il est nommé encore Hélios , et les
> Strabon dit qu'elle fut bâtie par les Co
Orientaux lui ont donné différens noms , rinthiens et les Corcyréens. Plus ancien
tous relatifs à la même divinité , source nement elle s'appelait Gylæcia du nom
de vie et de lumière. Comme telle , il est du Gylæx, chef de la colonie corinthienne
un , sans égaux, sans rival, a-tolüs , et de qui chassa les Illyriens du territoire voi
là son nom d'Apollon. Ces commentai- sin d'Epidaure. Spanheim a remarqué
res sont ingénieux , mais l'opinion publi- que les médailles de cette ville portaient
que ne les a pas sanctionnés. toutes le type de Corcyre. Il paraît que
La plus belle image antique qui nous les bannis de Dyspontium avaient aussi
reste d'Apollon est la statue célèbre en part à l'établissement dont Strabon vante
marbre blanc , conservée au Vatican de beaucoup les institutions. L'Acůs, des
Rome. Cette statue nous offre le plus cendant du Pinde , passait près de ses
haut idéal de la beauté de l'homme. L'A- murailles. La seconde Apollonie de
POLLON DU BELVÉDÈRE nous présente Macédoine est aujourd'hui Piergi; la
un archer dont les formes sontsinguliè- troisième dont les habitans sont appelés
rement harmonieuses, dont les traits ex- Macrobii par Pline, avait succédé à la
APO ( 79 ) APO
ville d’Acroathon bâtie sur l'Athus. Phi- | dans la direction de la bibliothèque de
lippe détruisit cette Apollonie de Chalci- cette ville. Nous n'avons de ses nombreux
dique; elle est citée par Scylax . ouvrages que ses Argonautiques, poème
Il y avait deux Apollonies en Thrace: épique en 4 chants. C'est un ouvrage as
l'une colonie des Milésiens est celle que sez médiocre, malgré le soin que l'auteur
Pomponius surnomma la Grande;l'autre semble avoir apporté à sa composition.
était sur le Strymon. Celle du Pont- Cependant plusieurs morceaux isolés se
Euxin était bâtie en partie surle conti- font remarquer avec avantage,notamment
nent et en partie dans une ile. Enfin il y l'épisode de l'amour de Médée. La meil
avait des Apollonies dans la Carie , en leure édition est celle de Brunck ,> Strasb .
Syrie, dans la Troade, dans la Cyrénaï- 1780 , et Leipzig 1810-13 , 2 vol. in-8°
que , en Sicile, en Crète, en Palestine , avec des remarques. M. Wellauer a revu
en Pisidie ; et sur le Rhyndacus s'en trou- le texte d'Apollodore sur les manuscrits
vait unequi différait encore de celle de la ( Leipzig, 1828 , 2 vol. ) , et M. Weichert
Troade. P. G-Y. a donné une apréciation fort savante de
APOLLONICON ,> nom d'un grand son poème dans l'ouvrage intitulé : Uiber
orgue à cylindre joué par plusieurs mu das Leben und Gedicht des Apollonius,
siciens à la fois, au moyen de cinq cla- Meissen , 1821 . C. L.
viers adaptés les uns à côté des autres, APOLLONIUS DE TYANE en Cap
Cet instrument a été terminé , en 1817 , padoce , philosophe pythagoricien , très
par MM. Flight et Robson . Pareil, dit- vanté par les païens comme thaumaturge.
on , au panharmonicon de Mælzel, il Il naquit au commencement de l'ère chré
produit un son majestueux et remarqua- tienne. Le phénicien Luthydème lui ap
ble par la variété des nuances. Avant ce prit la rhétorique , la grammaire et les
temps, le facteur Ræller, de Hesse- Darm- doctrines des diverses écoles philosophi
>

stadt, avait inventé un instrument à deux ques. Euxines d'Héraclée lui fit connaitre
claviers semblable à un piano -forté, et qui la philosophie de Pythagore. Mais c'était
est mis en rapport avec un automate. Cet surtout à faire revivre lespratiques pytha
instrument, nommé.Apollonion, est décrit goriciennes qu’Apollonius attachait de
dans le journal musical de Leipzig. C. L. l'importance. Il y avait à Ægos un temple
APOLLONIUS DE PERGA en Pam- consacré à Esculape, où ce dieu opérait
phylie, un des 4 écrivains (les autres sont des miracles. Apollonius s'y rendit. Con
Euclide, Archimède et Diophante) que formément à ce qu'avait prescrit Pytha
nous devons regarder comme les fonda- gore, il s'interdit toute nourriture animale
teurs des sciences mathématiques. Il vé- et ne vécut que de fruits et d'herbages, ne
cut vers 240 avant J.-C. , et étudia les but point de vin, et ne se vêtit que de tissus
mathématiques à Alexandrie, où il fut un formés avec des plantes. Il marchait nu
des disciples d’Euclide. De ses nombreux pieds et laissait croître sa barbe. Les prê
ouvrages mathématiques le plus fameux tres du temple l'instruisirent et l'ini
est le Traité des sections coniques ( éd. tièrent à leurs mystères. On dit qu'Es
d'Oxford , 1710 , in-fol.) Il développa et culape lui –même le rendit témoin de
agrandit cette branche des mathémati- ses cures ; cependant il ne paraît point
ques par des découvertes et par d'heu- qu'il essayât d'opérer des prodiges à cette
reux éclaircissemens. C. L. époque . Il forma une école de philoso
APOLLONIUS DE RHODES , poète phie >, et s'imposa un silence de cinq ans.
grec , naquit selon les uns à Alexandrie , Après avoir visité la Pamphylie , la Cili
selon les autres à Naucratis vers l'année cie , puis Antioche, Éphèse et d'autres
230 avant J.-C. Se voyant poursuivi dans villes encore , il résolut d'aller à Baby
sa patrie par la jalousie des autres savans, lone et dans l'Inde, pour s'y instruire
il se rendit à Rhodes où il enseigna la rhé- dans la science des Brahmanes ; et comme
torique avec tant d'éclat, et s'acquit tant ses disciples refusèrent de l'accompagner,
de renom , par ses écrits que les Rhodiens il se mit seul en route. Un certain Damis
lui accordèrent le droit de cité. Il revint à qui le rencontra et qui le regardait comme
Alexandrie pour succéder à Ératosthène un dieu ,fut son compagnon , etdevint plus
APO ( 80 ) APO
tard l'historien de ses voyages. A Baby- cle Philostrate l'aîné écrivit sa vie ou
lone il conversa avec les sages. Phraorte, plutôt son panegyrique en 8 livres , par
roi indien , lui donna une lettre de recom- ordre de Julie , épouse de Septime Sévère.
>

mandation pour le chef des Bráhmes. Apollonius appelé dieu de son vivant,
Après un séjour de 4 mois dans l'Inde, accepta ce titre , disant qu'il appartenait
Apolloniusrevintà Babylone d'où il gagna à tout homme de bien après sa mort. On
l'Ionie et alla visiter beaucoup de villes. lui dédia des temples. C. L.
Partout sa renommée le précédait , et les APOLOGÈTES et APOLOGÉTI
peuples serépandaient en foule au -devant QUE. Les apologètes ou apologistes sont
de lui. Il reprochait publiquement à la les auteurs d'apologies (voy.) ou de mé
multitude son insouciance, et recomman- moires justificatifs du christianisme. Au
dait , d'après le précepte de Pythagore ,
> jourd'hui,sansdoute,le christianismen'en
la communauté des biens ; il prophétisa , , est plus à se défendre par des apologies ;
dit -on , aux Éphésiens une peste et un mais à sa naissance, en présence des phi
tremblement de terre,dont effectivement losophes grecs et des érudits d'Alexan
ils eurent bientôt à gémir. Il passa une drie,en butte à des accusations plusabsur
nuit seul au tombeau d'Achille , et pré- des les unes que les autres, il avait à rem
tendit avoir eu un colloque avec l'ombre plir cette tâche. Les apologètes les plus
de ce héros. A Lesbos il conféra avec les célèbres sont Justin le martyr , Athéna
prêtres d'Orphée qui d'abord refusèrent gore, Tatien,Théophile
, et Hermias parmi
de l'admettre aux initiations ,disant qu'il les Grecs; parmi les Latins, Tertullien ,
>

était sorcier , mais qui quelques années Minutius Félix et Arnobe , sans parler
après consentirent à le revoir. Enfin il de Quadratus, d’Aristide, de Melito et
revint à Rome : Néron venait d'en ban- de Miltiade, dont les apologies sont per
nir les magiciens. Apollonius sentit qu'il dues. Celle de Tertullien , écrite de l'an
était compris dans cette mesure , ce qui 200 à 202 , et qu'il adressa aux magis
ne l'empêcha point d'entrer, suivi de trois trats de l'empire romain qui rendaient
deses disciples, dans la capitale du monde . leurs jugemens dansle lieu le plus émi
Mais son séjour n'y fut que de courte du- nent de la cité ( de Carthage ), est la plus
>

rée ; il ressuscita , dit un historien , une célèbre de toutes. La plupart des écrivains
jeune femme, et fut expulsé de la ville. Il ecclésiastiques ne l'ont jamaiscitée qu'en
visita l'Espagne, revint en Grèce en pas- lui donnant le titre d'admirable ( voy.
sant par l'Italie, puis se rendit en Égypte TERTULLIEN ). Souvent, dans ces apolo
où Vespasien ,pour affermir son autorité, gies, le sophisme et l'artifice remplacent
se servit de lui , et affecta de lui deman- le raisonnement logique et serré et l'in
der des conseils . De là, il fit un voyage en
terprétation simple et sincère des Écritu
Éthiopie, et à son retour il fut accueilli res ; mais la cause sacrée qu'on avait à
avec faveur par Titus qui, dit-on , prenait défendre semblait justifier ces moyens
son avis sur les affaires publiques. A l'a- dont , au reste , l'enthousiasme ne se ren
vénement de Domitien , il fut accusé dait pas compte toujours. Les écrivains
d'avoir excité un mouvement en Égypte chrétiens ont aussi écrit des apologies du
en faveur de Nerva , mais il se présenta christianisme contre la religion des Juifs
de lui-même aux tribunaux , et fut ab- et celle des Mahometans.
sous. Il fit ensuite un deuxième voyage Ces ouvrages des pères de l'église ont
en Grèce, et enfin il revint à Éphèse où il donné lieu à une science théologique
ouvrit une école pythagoricienne , et où particulièrequ'on appellel'apologétique.
il mourut presque centenaire . Parmi les On l'a très bien définie en disant que l'on
nombreux miracles attribués à ce per- entend par ce motledéveloppement scien
sonnage , on a remarqué surtout qu'il tifique des motifs en faveur de l'essence et
sut et qu'il annonça dans Éphèse le de l'origine divines du christianisme . Elle
meurtre de Domitien , à l'instant même
7 diffère de la polémique en ce qu'elle a
où il avait lieu à Rome. Les païens l'op- simplement pour but de soutenir les
posèrent, comme opérant des miracles , au opinions particulières d'une secte contre
fondateur du christianisme. Au II° siè- celles d'une autre secte. Depuis Hugo
APO ( 81 ) APO
Grotius , les meilleurs apologistes mo APONÉVROSES ,> mot gree , com
dernes ont été Nosselt , Less , Reinhard , posé de vɛūpov , nerf, etúró. On appelle
>

Rosenmüller et Spalding ; il sera ques ainsi des membranes fibreuses, solides et


tion de M. de Châteaubriand à l'article peu extensibles , d'une apparence argen
suivant. Tzschirner a publié , en alle- tine ou plutôt nacrée , qui se rencontrent
mand > une Histoire de l'Apologéti- dans plusieurs parties du corps , et qui
que. J. H. S. servent en général d'attache et d'enve
APOLOGIE , mot grec qui signifie loppe aux muscles. Elles forment une
ou une simple justification , ou une dé- partie importante du système fibreux
fense présentée, soit par écrit, soit en ( voy. cet article). Les aponévroses d'in
forme de discours. Les plus célèbres apo- sertion se continuent d'une part avee les
logies sont celles de Socrate, écrites en fibres musculaires et de l'autre se fixent
grec et avec un talent remarquable par aux os , de la même manière que les ten
ses deux disciples , Platon et Xénophon, clons , avec lesquels elles présentent une
l'une sous le nom de Apologia Socratis, parfaite analogie d'usage et de structure,
l'autre sous celui de Méinoires. Leur et dont elles ne se distinguen t que par
but était de réhabiliter , aux yeux de leur forme membraneuse. Les aponé
leurs contemporains , un maître dont vroses d'enveloppe entourent , soit un
ils vénéraient la mémoire , et qui , cou- membre tout entier, soit des faisceaux de
pable peut - être aux yeux de la loi au muscles ou de tendons qu'elles main
nom de laquelle il fut condamné au tiennent dans une certaine direction , et
dernier supplice , n'en avait pas moins dont elles augmentent la puissance. Elles
les droits les plus incontestables à la ont souvent des muscles destinés à les
reconnaissance et au respect des hom- tendre.
més. Les apologies de Libanius restent Souvent les fibres aponévrotiques, qui
bien au-dessous de ces deux modèles ; né sont pas contractiles , servent à former
aussi n'avaient -elles aucun objet sérieux des canaux et des anneaux pour le pas
et ne servaient-elles qu'à l'exercice des sage de vaisseaux et de nerfs qui ne doi
élèves dans l'art oratoire. Plus tard , la vent pas être comprimés ; placées dans
théologie s'empara du mot apologie , 9
la longueur des muscles , elles prennent
et nomma ainsi l'exposition du plan, de alors le nom d'aponévroses d'intersec
la doctrine et de la tendance du fondation, et elles augmentent leur puissance.
teur du christianisme, méconnu par les Par la raison même de leur fermeté et
paiens et persécuté dans la personne de de leur inextensibilité , les aponévroses
ses adhérens (voy.l'article précédext). occasionnent des accidens assez graves.
Depuis, il a été composé un grand nom- A la suite des plaies d'armes à feu , des
bre d'ouvrages apologétiques , plus ou fractures, des hernies, elles compriment
moins dignes de leur objet', et l'on doit
> douloureusement les parties subjacentes
placer au premier rang de ces écrits une et obligent de recourir aux débridemens
production moderne dont la publication (voy. ce mot), seul moyen d'éviter la
à signalé parmi nous la renaissance de la gangrène et toutesses conséquences. Dans
foi chrétienne, ébranlée par l'esprit phi- le cas d’abcès , elles s'opposent au libre
losophique etpar la tendance subversiveelécoulement du pus, et donnent naissance
d’unerévolution qui ne respecta pas plus à des foyers profonds et à des fistules, qui
l'autel que le trône. Le Génie du Chris- rendent la maladie plus longue et plus
tianisme, chef- d'oeuvre d'un grand écri- difficile à guérir. F. R.
vain, est une véritable apologie de la foi APOPHTHEGME ( αποφθέγγομαι ,
commandée par l'église, bien qu'elle ne je déclare), mot grec désignant uneparole
s'appuie pas toujours sur les raisonne- sententieuse , une vérité qu'on proclame
mens les plus concluans, ni sur les preu- avecbrièveté.Lesoracles des dieux étaient
ves les plus décisives . souvent des apophthegmes, et l'ona appelé
J. H. S.
APOLOGIE , voy. SYMBOLIQUES de ce nom les locutions proverbiales et
( livres). les paroles frappantes de vérité ou re
APOLOGUE , voy . FABLE. marquables par une précision laconique,
Encyclop. d . G. d. M. Tome II. 6
APO ( 82 ) APO
qui ont été recueillies de la bouche de tation de volume et de force contractile
quelque sage célèbre, et, en général , du cœur(voy. HYPERTROPHIE DU COEUR ).
d'hommes savans de l'antiquité. Les apo- Ces circonstances à elles seules ne pro
phthegmes de Plutarque et ceux que re- duisent pas la maladie , elles ne font qu'en
>

cueillit Lycosthènes nous font connaitre favoriser le développement; mais quand


divers faits intéressans, et répandent une il s'y joint quelque cause déterminante ,
plus vive lumière sur les opinions et le telle qu’un obstacle à la circulation ( cra
caractère de plusieurs personnages de vate , jarretières trop serrées ) , l'action
l'histoire ancienne. S. trop vive de la chaleur ou du froid , l'o
APOPHYSE. On appelle ainsi des mission d'une saignée habituelle, un écart
saillies qui se remarquent sur différentes de régime , une émotion violente , le mal
>

se manifeste. Ce n'est pas cependant que


parties des os . Ces saillies donnent ordi-
nairement un point d'attache aux fibres la nature prévoyante n'ait adressé des
tendineuses et aponévrotiques , par les- avertissemens trop souvent méconnus.
quelles les muscles sont terminés. F. R. La douleur et la pesanteur de tête , les
APOPLEXIE ( Todvicow , frapper , éblouissemens , les tintemens d'oreilles ,
abattre ). Ce mot, long-temps pris dans l'engourdissement d'un côté du çorps , la
l'acception rigoureusede son étymologie , torsion de la bouche , l'embarras de la
désignait uneaffection grave etsubite, qui langue , précèdent ordinairement la ca
frappait le malade comme la foudre, et tastrophe et la signalent à l'avance à
qui lui ôtait, d'une manière plus ou moins l'observateur attentif. On observe ce
complète et durable , le sentiment et le pendant des cas, rares à la vérité, dans
mouvement, sans léserbien sensiblement lesquels l'apoplexie survient d'une ma
les autres fonctions. Les recherches ca- nière brusque et inopinée qui lui a valu
davériques ayant démontré que l'apo- le nom d'apoplexie foudroyante ; alors
plexie , dans la plupart des cas , recon
la mort a lieu sur -le -champ.
naît pour cause un épanchement de sang Traçons le tableau de l’apoplexie com
survenu dans les cavités ou dans la sub- plète , laissant au lecteur à juger ce que
stance même du cerveau , et que des peut être la maladie lorsqu'elle n'atteint
épanchemens semblables peuvent avoir pas le plus haut degré de développe
ment. L'homme frappé d'apoplexie est
lieu dans divers organes , on est convenu
de désigner par le mot d'apoplexie cette privé de mouvement et de sentiment; sa
aľtération, et l'on ditapoplexie cérébrale, figure est rouge et gonflée, ses yeux sont
rachidienne , pulmonaire , etc. >, suivant fermés, et ses pupilles dilatées ne se con
l'organe dans lequel elle se manifeste. tractent pas sous l'influence de la lu
Quant aux apoplexiesséreuses, bilieuses, mière. Sa respiration ?, sans être gênée,
nerveuses ,etc. , admises par les anciens, fait entendre une sorte de ronflement; la
les unes appartiennent aux hydropisies, bouche est tournée de l'un ou de l'autre
les autres aux névroses, et il en sera traité côté ; l'excrétion de l'urine et des matières
aux articles qui les concernent. fécales est supprimée ou s'opère sans que
L'apoplexie cérébrale , qu'on connaît le malade en ait le sentiment. La circu
>

dans le monde sous le nom d'apoplexie, lation offre d'ailleurs peu de troubles , si
de coup de sang , est celle qu'il convient ce n'est lorsque, l'état apoplectique con
d'étudier d'abord. C'est une maladie grave tinuant , la mort arrive. Cette funeste
et fréquente , et qui exige des secours issue peut avoir lieu à une époque plus
prompts et administrés avec intelligence . ou moins rapprochée de l'invasion . Lors
Elle s'observe à tout âge; mais elle at- que , au contraire , par le bienfait de la
taque plus fréquemment les personnes nature ou par les secours de l'art, le ma
qui ont dépassé l'âge mûr , et surtout lade se trouve mieux, la connaissance re
celles qui présentent la constitution ap vient par degrés ,> le sentiment et le mou
pelée, àà cause de cela , apoplectique, et vement se rétablissent , et les fonctions
qui consiste dans un temperament san- reprennent leur cours accoutumé. C'est
guin et pléthorique , dans la grosseur et ainsi que les choses se passent lorsque
la brièveté du col, jointes à une augmen- les vaisseaux du cerveau ont été seule
АРО ( 83 ) APO
ment gorgés de sang ; mais quand il s'est mière surtout , doit se présenter d'abord
fait une rupture de ces mêmes vaisseaux, Désemplir les vaisseaux afin de favoriser
et que du sang s'est épanché dans la sub- le jeu de la circulation et de diminuer
stance cérébrale déchirée, une paralysie la compression du cerveau , telle est l'in
persiste , les autres fonctions revenant à dication principale et qui souffre bien
leur état normal. C'est à l'article PARA- peu d'exceptions. Les révulsifs portés sur
Lysie que seront exposées les diverses la peau ( vésicatoires, sinapismes, ven
formes de cette affection secondaire, et touses sèches ) , ou sur le canal intestinal
tout ce qui est relatif à ses causes et à ( purgatifs ), sont d'une utile application ;
son traitement. mais ces moyens ont besoin d'être secon
Rarement une attaque d'apoplexie est dés par la diète plus ou moins sévère ,
unique: les mêmes causes continuant d'a- une position convenable dans le lit ( la
gir, de nouvelles attaques se manifestent, tête élevée ), une température fraiche, le
toujours de plus en plus graves, et finissent repos le plus absolu de l'esprit. Les vo
par emporter le malade. mitifs sont un moyen dont les avantages
A l'ouverture des corps on trouve les douteux se compensent par le danger évi
vaisseaux gorgés de sang noir,et des épan- dent de leur emploi. Quant à la paraly
chemens de sang entre les membranes sie qui succède à l'apoplexie , elle se dis
du cerveau ou dans la substance même sipe ordinairement d'une manière plus
de cet organe. Ce sang est ordinairement ou moins lente et sous l'influence du trai
coagulé , et les caillots exerçant une com- tement qui vient d'être exposé. Lorsqu'on
pression sont la cause de la paralysie. emploie contre elle des excitans, il arrive
Cependant l'absorption toujours active bien souvent que l'on provoque une nou
finitpar enlever le sang épanché ; et c'est velle attaque.
ainsi que le mouvement revient, à mesure Le traitement préservatif de l'apo
que lecorps étranger diminuede volume. plexie est plus efficace que son traitement
Quand plusieurs attaques ont eu lieu succuratif; et ce traitement, dont l'hygiène
cessivement, on trouve dans le cerveau fait la base , est celui qui convient à tous
des cicatrices , dont l'état plus ou moins les individus pléthoriques. Tempérance
avancé permet à l'observateur tant soit habituelle , frugalité et même abstinence
peu babile de constater la date de divers lorsqu'on se sent quelquesymptômepré
accidens. curseur , émissions sanguines employées
L'apoplexie ne peut guère être con- à propos, soin de favoriser toutes les ex
fondue avec d'autres affections. Elle pré crétions naturelles , de prendre un exer
sente des caractères assez tranchés pour cice modéré et de ne point fatiguer un
qu'il n'y ait guère d'équivoque, au moins cerveau naturellement ou accidentelle
pour le médecin . D'après ce qui précède, ment irritable , telle est la règle à suivre
on voit que c'est une affection grave dans en pareil cas. Toute personne sensée com
ses conséquences; elle doit donc inspirer prendra que cette conduite est la seule
des inquiétudes et nécessiter des secours dont on puisse attendre du succès, et dé
prompts , puisqu'un instant de retard daignera les baumes, les élixirs anti- apo
peut amener la rupture des vaisseaux et plectiques dont les qualités stimulantes
la paralysie qui rendent les chances de la sont trop souvent funestes à ceux qui ont
maladie plus fâcheuses. Toutes choses cru y voir un préservatif assuré. Voy.
égales d'ailleurs , une attaque d'apoplexie PROPHYLACTIQUE.
est d'autant plus alarmante qu'elle a été L'apoplexie des divers autres organes
précédée d'une ou de plusieurs autres constitue des maladies graves , en pro
attaques , et qu'elle survient chez un su- portion de l'importance des parties af
jet d'une constitution détériorée, avancéfectées . Elles sontassez difficiles à reeon
naitre , et n'ont été étudiées que dans ces
en âge et ayant éprouvé des affections cé-
rébralez. derniers temps. D'ailleurs , leur traite
Le traitement de l'apoplexie se com- mentreposesurles mêmesprincipes.F.R.
pose de moyens divers parmi lesquels la APOSIOPÈSE ,du grecàTroetGLOSTCW ,
saignée générale du locale , mais la pre- je metais. C'est une figure de rhétorique,
APO ( 84 ) APO
appelée aussi réticence ou prétérition, et Depuis la fondation des ordres men
qui s'emploie pour peindre un mouve- dians surtout , on a donné le nom d'a
ment d'agitation ou de colère. Elle con- postat à celui qui abandonnait l'état re
siste à interrompre tout à coup le sens ligieux sans avoir obtenu l'autorisation
d'une phrase , en laissant à l'auditeur le canonique. Voir le Dictionnaire du
soin de le compléter dans sa pensée. Tel | droit canonique, par Durand de Mail
est le fameux quos ego... de l'Énéide, lane. Voy. RENÉGAT. J. L.
ou bien encore ce vers de la Henriade : APOSTÈME , voy. ABCÈS.
Qui depuis .... Mais alors il était vertueux. A POSTERIORI , voy. A PRIORI.
D. A. D. APOSTILLE . C'est communément
APOSTASIE , renonciation à la re- une annotation ou un renvoi qu'une per
ligion que l'on professe pour en embras- sonne , dont la décision est grave et l'au
ser une autre ( voy. ABJURATION ). Les torité supérieure à celle du signataire ,
idolâtres qui abandonnèrent le culte des met en marge d'un écrit, d'une pétition ou
idoles pour adopter le christianisme du- d'un mémoire , pour lui donner plus de
rent être regardés par les leurs comme valeur. Dans la langue du droit , les
des apostats ; et ceux qui , comme l'em- apostilles sont les notes que les arbitres
pereur Julien ( voy. l'article ), revinrent écrivent de leur propre main en regard
au polythéisme, après avoir professé la des articles litigieux d'un mémoire ou
religion de Jésus-Christ, furent aussi des d'un compte ; ces notes ont la force de
apostats aux yeux des chrétiens. Mais sentences arbitrales. On appelle encore
s'il y avait conviction , ces changemens apostilles les additionsou interprétations
de religion méritaient- ils une qualifi- ajoutées à un acte, à un contrat notarié :
cation aussi acerbe ? Si ces changemens elles doivent être paraphées par le notaire
étaient les effets de la violence , quel nom et par les parties. H-D.
fallait-il leur donner ? Je ne suis pas tenu APOSTOLAT . Tout le minisière de
de prononcer. Hobbes ne leur eût pas l'apostolat est dans ces paroles que Jé
imprimé la note d'apostasie ; car il pré- sus-Christ adressa aux apôtres avant son
tend qu'un chrétien est obligé en con- ascension : « Toute puissance m'a été
science d'obéir aux lois d'un roi infidèle, donnée dans le ciel et sur la terre. Allez
même en matière de religion , par consé- donc , et instruisez tous les peuples, les
quent de renier Jésus-Christ par ses pa- baptisant au nom du Père , du Fils et du
roles lorsque le souverain l'ordonne; li- | Saint-Esprit , et leur apprenant à garder
bre à lui cependant de conserver dans toutes les choses que je vous ai comman
son cæur la foi en Jésus-Christ. Alors , dées. Assurez-vous que je suis toujours
dit-il , ce n'est pas le sujet qui renie Jé- avec vous jusqu'à la consommation des
sus-Christ devant les hommes, c'est le siècles. » S. Matth. , chap. XXVIII, vers.
roi ou la loi qui l'ordonne ; conséquem- | 18 , 19 et 20.
ment il n'approuve pas la résistance des L'apostolat prend donc sa source dans
martyrs sans distinction ( Leviathan , la mission donnée par Jésus- Christ et
chap. XLII , pag. 234 ). Hobbes se de- | dans les pouvoirs qui y sont attachés.
mande ensuite si cette conduite s'accorde | C'est en vertu de ce titre que saint Pierre
bien avec la sincérité de la religion chré- dit aux Anciens de l'église : « Paissez le
tienne; sa réponse est encore à venir. troupeau de Dieu qui est autour de vous ,
Les apostats qui rentraient dans le sein non en dominant sur le clergé , mais en
de l'église en étaient sévèrement traités , lui servantde modèle de tout votrecæur;
comme nous le voyons dans saint Cy- et lorsque le prince des pasteurs parai
prien ( De lapsis) et dans tous les mo- tra , vous recevrez une couronne de gloire
>

numens de l'antiquité ecclésiastique. C'est incorruptible. » Építre įre , chapitre v,


vers. 2 ; et que saint Paul écrit aux Co
pour eux spécialement qu'avaient été éta-
blis ces divers degrés de pénitence dontrinthiens , Epitre Īre , chap. iv, verset 1 :
il est parlé dans les premiers siècles et Que l'homme nous regarde comme les
(C

dans les livres pénitentiaires du moyen ministres de Jésus-Christ et les dispen


âge. sateurs des mystères de Diet, »
APO ( 85 ) APO
Le but de l'apostolat était principa- tion ennemie non -seulement des inno
lement de rendre témoignage de tout ce vations subites et radicales que les cortès
qui s'était passé en présence de ceux qui de 1820 ont essayé d'introduire dans le
en étaient revêtus , conformément à ces gouvernement et dans l'administration
paroles : Vous me servirez de témoins. du royaume , mais encore des progrès
Ce témoignage était accompagné de si- lents et inoffensifs que favorisait, seule
gnes et de miracles propres à le confir- ment dans l'intérêt de sa conservation ,
mer. Il devait être solennel et public : le roi Ferdinand VII. Depuis quelques
Annoncez sur les toits ce que vous en- années les apostoliques sont aussi appelés
tendez à l'oreille. Il n'était point destiné carlistes, du nom de don Carlos, frère
à envahir la puissance de la terre et à de Ferdinand VII , et chef ostensible de
persécuter les rebelles à la foi, mais à cette faction . J. H. S.
respecter les princes de ce monde et à APOSTOLIQUES (LESPÈRES, CONS
se faire tout à tous , pour les gagner tous TITUTIONS ET CANONS). Le fondateur du
à Jésus-Christ. J. L. christianisme voulut , avant de quitter la
APOSTOLIQUE . On nomme ainsi terre , pourvoir à la conservation de son
tout ce qui se rapporte aux apôtres , ce ouvrage. Parmi ceuxde ses disciples qui
qui leur doit son origine , ce qui se fait s'étaient attachés le plus étroitement à
en leur honneur. L'église romaine catho- sa personne , il en choisit douze qu'il in
lique se nomme encore apostolique , par vestit de la mission spéciale d'aller, après
la raison qu'elle se regarde commedépo- lui, prêcher son évangile , et porter à Jé
sitaire de l'enseignement , de l'inspira- rusalem , dans la Judée et la Samarie , et
tion , des promesses des apôtres, et qu'elle jusqu'aux extrémités de la terre, le té
>

doit son origine à saint Pierre, chef de moignage de ce qu'ilsont vu et entendu.


ces disciples du Sauveur. Saint Pierre Fidèles à l'ordre de leur maître , les apô
ayant fondé à Rome , suivant la tradi- tres remplissent leur mission ; ils se ré
tion , la première église chrétienne , dont pandent dans les diverses contrées du
il fut le premier évêque , le siége épisco- monde , s'y font écouter , et meurent en
pal de Rome est aussi nommé le siége laissant partout des traces profondes de
apostolique. Comme successeurs de l'a- la doctrine nouvelle qu'ils étaient char
pôtre, les papes héritent de ses pouvoirs, gés d'enseigner. Nous avons de plusieurs
et la bénédiction qu'ils prononcent s'ap- d'entre eux des épîtres adressées aux
pelle la bénédiction apostolique. Le dé- églises qu'ils avaient fondées; il en est un,
partement des finances, où affluaient au entre autres , qui a étonné tous les siè
trefois les aumônes de la chrétienté en- cles par la profondeur de sa doctrine.
tière et le tribut de plusieurs royaumes , Les plus sublimes génies ne tarissent pas
porte le nom de chambre apostolique. sur les éloges qu'ils donnent à sa science,
Quand le pape Sylvestre II conféra la à la rigoureuse précision de son langage.
couronne royale à saint Étienne, roi de Son nom seul est la plus imposante auto
Hongrie, et qui fut en quelque sorte l'a- rité. Voy. Paul saint).
pôtre du christianisme parmi les sauvages On se demande comment des hom
Madjares, ses sujets , il lui accorda , par mes, pris dans la plus basse extraction ,
une faveur spéciale , le titre de roi ou de dans les derniers rangs du peuple, enchai
majesté apostolique , qui aujourd'hui nés jusque là à des professions qui sup
même reste attaché à la couronne de Hon- posent la rusticité des mours et la gros
grie , passée sur la tête des archiducs sièreté du langage , dépourvus complè
d'Autriche. tement des ressources que peuvent four
En Espagne on a désigné dans ces nir l'éducation , la richesse, le commerce
derniers temps, par le nom d'Aposto- du monde et la culture de l'esprit , on se
liques, une faction dirigée par le clergé demande , dis-je, comment de tels hom
et fortement opposée à toute amélioration mes , jetés , dispersés tout à coup dans
politique. C'est un parti ultra-royaliste at- tant de contrées diverses , si différentes
taché aux anciennes superstitions comme entre elles de langues , de mæurs et
aux abus invétérés en politique , une fac d'institutions , ont pu s'y faire com
APO ( 86 ) APO
prendre ; comment ils sont parvenus à Ces pauvres pêcheurs des bords du
se faire suivre des peuples et des rois, lac de Génézareth , on se demande qai
des savans et des ignorans , des philoso- donc leur avait fait ces étranges révéla
phes eux-mêmes.; àà triompher des habi- tions qu'ilsnous ont transmises sur l'es
tudes et des préjugés les plus invétérés , pérance des biens futurs et les misères
et, sur les ruines des temples et des éco- de la vie présente , sur les témoignages
les de la gentilité , élever l'autel et la de notre immortalité et les récompenses
chaire du Dieu inconnu, du Dieu cruci- destinées aux bonnes oeuvres , sur tous
fié. Où donc les apôtres avaient- ils ap- les devoirs de la morale applicables à
pris cette philosophie , en effet si nou- chacune des conditions et des circon
velle , sortie tout entière du sépulcre stances de la vie, surtout ce nouvel ordre
sangtant de Jésus-Christ , et dont assu- de vertus dont avant eux le nom même
rément ni les livres de Platon , ni même était ignoré, sur tant d'autres questions
ceux de Moïse , ne leur avaient offert de la plus haute métaphysique , que
ka moindre idée ? Indépendamment du nous autres hommes , héritiers de tant
grand caractère de vertu , de probité ri- de secours accumulés par les siècles ,
goureuse , de désintéressement , d'hé nous n'abordons qu'en tremblant, au
roïsme même, qu'il faut bien reconnai- risque de nous précipiter dans l'erreur ,
tre dans leurs personnes , quels problè- pour peu que nous nous écartions du
mes ces épîtres , considérées sous le seul sentier tracé par ces guides infaillibles.
9

rapport de la doctrine et du langage, ne Eux , avec quelle fermeté ils le parcou


kuissent- elles pas à résoudre aux esprits rent ! Rien de vague ni d'incertain : les
méditatifs ) La doctrine d'abord : d'où préceptes les plus relevés, les maximes
étaient venues aux apôtres ces notions à les plus salutaires, coulent de leur plume
la fois si profondes et si distinetes sur avec une autorité qui subjugue tout.
Pessence d'un être unique et souverain , Dans le langage , une précision ner
créateur et père de tout ce qui respire , veuse qui s'embarrasse peu des interine
providenceuniverselle, puissance et bonté diaires , se contente d'établir les princi
sans bornes ;sur l'immensité et l'harmo- pes ,> les enchaine aux conséquences les
nie des perfections divines, sur les im- plus reculées , les fortifie par une argin
pénétrables conseils de sa justice et de mentation serrée et décisive , fait jaillir
sa miséricorde , sur les mystères , tant la lumière à grands flots sur toutes les
de la grace et de ses opérations que de matières , sans s'occuper du soin de les
>

la rédemption et de ses bienfaits ? A distribuer méthodiquement, revêt quel


quels maitres, à quels livres avaient-ils quefois la diction de figures imposantes
emprunté cette théologie que tous les et animées,et, toujours également admi
maitres et tous les livres sortis des éco- rable dans sa familiarité comme dans son
les dui Portique et du Lycée n'avaient élévation , ne s'égare jamais et ne tombe
pas même" soupçonnée , qui perça si nulle part , ni dans l'enthousiasme, ni
avant dans les ténèbres de notre igno- dans l'abjection.
rance et dans les énigmes du coeur de Ces épitres sont dans nos mains : en
Thomme, et dont les rayons , bien que core à présent, après tant de siècles ,
mêlés encore à l'obscurité de cette terre elles perpétuent , elles soutiennent dans
d'exile et d'apprentissage où nous som- l'univers l'heureuse révolution qu'elles y
mes , manifestant pour la première fois opérèrent.
au genre humain tout entier le secret Les apôtres , àleur tour, ont laissé des
'

des combats entre la chair et l'esprit disciples formés à la même école , péné
dont notre cæur est le théâtre', décou- trés du même esprit. Successeurs inime
vrirent' avec une théorie à la fois si diats des apôtres , devenus après eux les
sublime, si populaire,auxyeux du savant patriarches des nouvelles églises, ce sont
et de l'ignorant, l'accord cherché inuti- eux que nous nommons les Pères apos
Tement par tous les sages de la terre , toliques, comme ayant été voisins, quel
entrel'empire toujours souverain de Dieu ques - uns nême contemporains des apô
et la volonté toujours libre de l'homme ? tres .
APO ( 87 ) APO
a
Ce nom leur a été conféré dès les pre- ment aux Juifs hellénistes nouvellement
miers temps de l'église. Plusieurs, à l'imi- convertis à la foi, mais encore attachés
tation de leurs maitres, ontjointà l'ensei- aux cérémonies judaïques. L'apôtre y
gnement par la parole l'instruction par les råmène les Juifs aux sens spirituels ca
écrits. Il nousreste encore un assez grand chés sous le voile des figures anciennes ,
nombre de ces ouvrages ,dont les savans qu'il développe et explique avec netteté .
ont eu raison de dire qu'ils sont les plus C'est le même dessein que celui de saint
anciens et les plus précieux monumens Paul dans son épître aux Hébreux.
de la foi , de la morale et de la discipline 2° Deux építres de saint CLÉMENT
de l'église ; on les lisait communément , Romain aux Corinthiens. Voici quelle
jusqu'au siècle de saint Jérôme , dans fut l'occasion de la première . Il venaitde
les réunions publiques des fidèles , à la s'élever une vive contestation à Corinthe,
suite des livres canoniques de l'Ancien à peu près comme au temps de saint Paul.
etdu Nouveau -Testament, pendant la cé- | Un parti s'était formé contre quelques
fébration des saints mystères. prêtres irréprochables, et avait eu l'au
Ce qui les distingue éminemment , dace de vouloir les déposer. Aussitôt For
c'est un caractère de simplicité , de can- tunatus part de Corinthe , arrive à Rome
>

deur , de charité vive et d'une onction avec la nouvelle de ce mouvement. Clé


touchante, qui pénètrent à la fois l'esprit ment était alors sur le siége de saint Pierre.
et le cậur. Il écrit aux Corinthiens une lettre admi
On les trouve réunis dans les grandes rable qui a été long-temps lue dans les
collections des Pères , et mieux encore , églises orientales avec les écritures cano
dans un ouvrage spécial intitulé Pa- niques. Il commence par gémir sur les
très apostolici et publié en 2 vol. in- funestes effets de la division , auxquels
fol., par Cotelier , qui l'a enrichi de
> il oppose les grands principes de la cha
dissertations ou jugemens, et de notes rité chrétienne et l'espérance de la future
que recommandentégalement l'érudition immortalité.
et la critique. La seconde ne nous est parvenue que
1 ° Le premier qui se rencontre est par fragmens. Eusébe et saint Jérôme
üne építre catholique de l'apôtre SAINT avancent qu'elle n'a jamais eu la même
BARNABÉ. Il avait, parmi les fidèles d'An- autorité que la précédente , ce qui n'a
tioche, le nom de prophète et le docteur point empêché le docte Photius de dire
Le livredes actes le déclare expressément qu'elle n'en est pas moins remplie d'in
( Act.äpost., cap. xxiii , v. 1 ). On sait
> structions très propres àà inspirer le goût
qu'il fut l'associé de saint Pauldans la pré- de la piété chrétienne ( Biblioth. cod. ,
dication de l'Évangile à Antioche, à Sé- XVI ). A une science profonde et variée,
CXXV
leucie , à Salamine , à Paphos , à Icone , l'illustre pontife joignait les avantages de
à Lystre et dans les principales villes la naissance et de la richesse ; tradition
d'Asie. Ce fut à Lystre que les habitans appuyée par le témoignage de saint Ber
idolâtres le prirent pour Jupiter et vou- nard et d'autres écrivains ( Saint Bernard ,
lurent lui offrir des sacrifices.La majesté t. III , pag. 1046 , édit. Mabill. ).
de sa taille et de son visage lui avait con- 3ºL'une des plus remarquables est le
cilié leur respect, comme sa douceur et livre d’HERMAS, célèbre dans l'antiquité
sa bonté naturelle lui avaient gagné tous sous le nom du Pasteur. Était -ce le même
les caurs ( Act. apost. IV ,> 36. Saint que celui dont saint Paul fait mention
Chrysost. Hom . XII, in acta , t. 111. Nov.- dans son Épitre aux Romains ? Question
Test. , pag. 112 >, et Hom . xxx ; ibid , indifférente : il nous suffit d'en présenter
p. 274 ). Quelques modernes ont disputé une idée succincte. Cet ouvrage est di
cette épître à Barnabé;d'autres l'ont reven- visé en trois livres dont le premier con
diquée en son honneur.Quoi qu'il en soit tient des visions ou apologues , le second
du nom de l'auteur, dit Tillemont, cette des préceptes, le troisième des similitudes
épitre est assurément digne de vénération, ou emblèmes. On ne saurait dissimuler
et par l'estime qu'on en a fait , et par son que le goût des allégories n'y soit porté
antiquité. Elle est adressée particulière- trop loin , et c'est là un défaut que l'on
APO ( 88 ) APO
àà
a justement reproché Origène, à Pla- | divin. Saint Jean Chrysostome, long
ton lui-même, parce qu'il jette de l'ob- temps prêtre de l'église d’Antioche avant
scurité dans la composition ; mais on y d'être appelé au siége de Constantinople ,
trouve des sentences graves , des avis uti- ne parle de ces lettres qu'avec l'accent
les pour la direction des meurs , et pré- de l'enthousiasme . Origène , si savant et
>

sentés sous des images propres à les si délicat , en loue l'élégance et la noble
graver profondément dans la mémoire ; simplicité.
une instruction calme , une sagesse réflé-De ces épitres la plus célèbre , la plus
>

chie, une onction qui touche , une lu- éloquente est celle qu’Ignace adressa aux
mière douce qui ne donne pas un jour Romains . Elle est unique , peut-être, dans
brillant, mais qui suffit pour éclairer la son genre, dit Tillemont; l'auteurs'y aban
marche. donne aux transports de la plus héroïque
4° Epttres de saint Ignace , évéque charité ; il semble que sa plume soit.
d'Antioche. C'est une opinion accrédi- trempée dans le sang même de. Jésus
tée généralement que cet évêque avait Christauquel il brûle de mêler le sien
pu , jeune encore , voir Jésus-Christ en ( Mém . ecclés., t. II, pag. 101 ). Après
personne et assister à ses prédications. leuravoir témoigné la joie que lui donne
Ce qui n'est pas contesté , c'est qu'il ait l'espérance de les voir , le saint pontife
conversé avec plusieurs de ses apôtres et ne laisse pas ignorer qu'il est instruit de
qu'il ait été le disciple de saint Jean l'é- leurs projets pour le délivrer de la mort,
vangéliste. Il est également certain qu'il soit par leur crédit , soitautrement. Pour
reçut de saint Pierre le gouvernement les en détourner , il leur écrit : « Votre
de l'église d’Antioche qu'il tint durant charité ne me laisse pas sans inquiétude,
quarante ans. Il n'y a plus de doute lé- et j'appréhende que vous n'ayez pour
gitime sur l'authenticité des sept épitres moi une compassion funeste... Je n'aurai
publiées sous son nom. On peut consulter jamais une occasion pareille à celle qui
à ce sujet Cotelier, qui combat victo- se présente d'aller me réunir à mon Dieu.
rieusement, selon nous, les objections L'autel est prêt,souffrez que je sois im
du ministre Daillé, comme Dupin et molé ; c'estla plus grande grace que vous
>

autres ont combattu celles de Basnage. puissiez me faire..... J'écris aux églises
Il avait échappé à la cruelle persécution et leur mande à toutes que je vais à la
de Domitien : Dieu le réservait à celle mort ave joie , si vous n'y mettez point
que Trajan ordonna ou laissa exécuter obstacle. Laissez-moi servir de pâture aux
sous des formes moins violentes que celle animaux féroces. Je suis le froment de
de son prédécesseur , mais avec des in- Dieu... Fasse le ciel que je jouisse bien
tentions aussi préjudiciables à l'église tôt des bêtes qui me sont préparées ; je
de Jésus-Christ. Ce prince , allant à son désire les trouver ardentes et avides de
expédition contre les Parthes , s'arrêta à
> leur proie...A'u reste, que je sois consumé
Antioche etfit appeler en sa présence l'é- par le feu ; que je meure de la mort lente
vêque de cette contrée qui confessa gé- et cruelle de la croix ; que je sois mis en
néreusement devant lui la foi de Jésus- pièces par les tigres et les lions affamés :
Christ. Alors Trajan commanda qu’I- que mes os soient dispersés, mes mem
gnace fût chargé de chaînes et conduit bres meurtris ,mon corps broyé; que tous
à la grande Rome pour y être donné en les démons épuisent sur moi leur rage ;
spectacle au peuple et dévoré par les je suis prêt à endurer avec joie tous les
bêtes. supplices , pourvu que Jésus-Christ de
Ce fut durant cette longue route que vienne ma récompense . Je ne cherche , je
le saint confesseur, glorieux commesaint ne veux que celui qui est mort et ressus
Paul d’être le prisonnierile Jésus- Christ, cité pour moi : il est tout le bien que je
adressa à diverses églises ces lettres dont demande. Pardonnez, mes frères, à mon
on a dit que ce n'est point là l'ouvrage impatience, ne m'empêchez pas de vivre
d'un homme, mais celui de l'esprit de Jé- en voulant m'empêcher de mourir. Lais
sus - Christ qui animait les martyrs et em sez-moi courir vers cette vive et pure lu
brasait lerarş amęş dų feu de l'amour mière , etc » .
APO ( 89 ) APO
Cette longue épitre est tout entière saint Irénée , recueil précieux qui sup
de même force. pose la plus vaste lecture et toutes les res
5 ° Építre de Saint POLYCARPE , évé- sources de la dialectique. L'original grec
que de Smyrne. Saint Irénée , apôtre des en est perdų et ne se retrouve que dans
Gaules , qui avait été son disciple , lui a une version latine qui remonte elle-même
rendu cet honorable témoignage : Ma mé- une date très reculée.
moire me retrace le lieu où était assis le Quoique les siècles apostoliques se ter
bienheureux Polycarpe, lorsqu'il prêchait minent communément à l'an 166 de J.-C.,
la parole de Dieu. Je le vois encore : avec il était naturel d'y joindre ceux des au
quelle gravité il entrait et sortait partout tres écrivains voisins de cette époque ,
où ilallait ! Quelle sainteté respirait dans qui ont illustré la foi chrétienne par de
toute la conduite de sa vie ! Quelle ma- mémorables ouvrages , tels que les deux
jesté sur son visage et dans tout son exté- saint Denys , l'un de Corinthe , l'autre
rieur ! Combien étaient puissantes les ex- d'Alexandrie, l'historien Hégésippe, l'é
hortations dont il nourrissait son peu- vêque d'Hiéraple S. Papias , dont il ne
ple ! Il me semble l'entendre encore nous . nous reste que des fragmens. Cette pre
raconter de quelle manière il avait con- mière ère compose ce que l'on a souvent
versé avec saint Jean et plusieurs autres appelé l'âge d'or de l'église chrétienne,
qui avaient vu Jésus-Christ, etc. plus célèbre encore par ses vertus que
Le monument le plus considérable qui par ses monumens. Après celle-là vien
nous reste de saint Polycarpe est son nent les persécutions qui ont produit les
Építre aux Philippiens qui, du temps de apologistes. Voy. APOLOGÈTES.
saint Jérôme , se lisait encore dans les CONSTITUTIONS APOSTOLIQUES et CA
églises d’Asie. Cette lettre contient des NONS DES APÔTRES. Nous ne confondons
instructions pour tous les fidèles, et par- point avecles ouvragesde cette pure anti
court tous les rangs et les états, pour quité ceux que l'on a publiés postérieure
apprendre à chacun ses devoirs. mentsous le nom de Constitutions aposto
6 ° Traitéde SAINT IRÉNÉE , contre les liques. C'est à tort qu'elles ont été attri
>

hérésies. Saint Irénée commence la lon- buées aux apôtres ou à l'un de leurs pre
gue chaine des docteurs de notre église miers disciples , saint Clément romain .
de France. Elle remonte presque jus- Cette production ne remonte pas plus
qu'au temps des apôtres , puisque entre
> haut que le ive siècle. Autrement , de
lui et saint Jean l'évangéliste il n'y a d’in- manderons-nous avec tous les critiques
termédiaire que saint Polycarpe et saint les plusjudicieux, aurait-elle été si long
Papias. Ce fut saint Polycarpe qui en- temps ensevelie dans le silence , et n'en
voya saint Irénée dans les Gaules , à aurait-on pas parlé dans les deux pre
Lyon , auprès de saint Pothin , son évên miers siècles ? Cependant il n'en est fait
que , qui l'ordonna prêtre de cette église. mention nulle part avant saint Épiphane.
Après sa mort , Irénée fut placé sur le Les anachronismes, les manifestes inter
siége de cette grande ville. Bossuet l'a polations , les opinionsmême erronées
nommé « l'ornement de l'église de Lyon qui s'y rencontrent en grand nombre ne
qu'il a fondée par son sang et sa doc- permettent pas de les rapporter à une
(C

« trine. » Le principal monument qui source aussi pure que ces temps-là. L'ou
nous reste de son zèle apostolique est vrage entier est partagé en 8 livres qui
l'ouvrage qu'il avait composé contre les portent sur la discipline de l'église.
hérésies . Toute société a le droit de s'imposer
La plupart des hérésies qui troublèrent des réglemens d'ordre et de discipline.
l'église à ses commencemens, eurent pour ce principe ne saurait être contesté.
principe la prétention d'expliquer les L'église chrétienne du moment où elle
mystères du christianisme par les seules nmença à s'établir fut une société
comm

lumières de la philosophie. Une foule de régie par les lois particulières que lui
sectes diverses voulurent substituer leurs donnèrent J.-C. et ses apôtres. L'É
idées aux dogmes évangéliques. L'histoire vangile et les plus anciens écrits apos
de ces erreurs fait la matière du livre de toliques nous en offrent les premiers co
APO ( 90 ) APO
des. Les conciles devenus plus fréquens de ce polygone, et qui est égale au rayon
à mesure que les églises se multipliaient du cercle inscrit à cette figure. S-Y.
ajoutèrent des règles de discipline , con- APOTHÉOSE . Ce mot, dérivé du
servées d'abord par la simple tradition. grec (Ozos , dieu ) , désigne l'acte par le
9

Les canons n'étaient pas seulement les quel on élève un homme au rang de la
règles écrites : c'étaient toutes les prati- divinité. C'était un des dogmes enseignés
ques fondées sur un usage constant. On par Pythagore , qui l'avait emprunté des
les récueillit , et parce que l'assentiment Chaldéens , qu'après leur mort les hom
donné par toutes les églises en avait fait. mes vertueux prenaient place parmi les
dieux ( voy. APOLLONIUS DE TYANE ).
des doctrines apostoliques, on les nomma
canons apostoliques. Mais ces compila- Plus tard on déi fia les auteurs d'inven
tions ramassées sans ordre et sans choix, tions et de découvertes utiles à l'hu
souvent même altérées , ont perdu leur manité 2, et ceux qui avaient rendu quel
autorité , et l'on est contraint d'avouer que éminent service à l’état. Les Romains
avec tous les critiques de bonne foi déifièrent leurs empereurs et leurs grands
« qu'elles contiennent beaucoup de cho- | hommes. Le premier exemple en fat
« ses qui combattent et la vérité et la donné en faveur de Romulas, le se
« vraisemblancé, et qui sont fort éloignées cond en faveur de César. La flatterie
« du temps etducaractère des écrits apos- s'empara bientôt de cet usage religieux :
(C
toliques. >» ( Tillemont , Mém . ecclés., Auguste eut des autels de son vivant ,
t. II , p. 165. ) M. N. S. G. + dans les Gaules et dans d'autres provin
APOSTROPHE , terme orthogra- ces romaines. Eusèbe, saint Jean-Chry
phique par lequel on désigne une espèce sostôme et Tertullien nous apprennent
de virgule placée en avant d'une voyelle que Tibère proposa au sénat romain
pour indiquer qu'en cet endroit une autre l'apothéose de Jésus- Christ. Dans une
voyelle a été retranchée. Y. des satires de Juvénal , Atlas se plaint
APOSTROPHE ,figure de rhétorique que les apothéoses emplissent le ciel de
qui consiste à adresser avec un mouve- dieux au point qu'il est près de fléchir
ment pathétique la parole à des personnes sous le poids. Sénèque se moque de la
présentes oú absentes; aux mortset à des déification de Claude. Voici , d'après >

êtres inanimés , soit pour les invoquer Hérodien (lib. IV ) , en quoi consistaient
comme témoins, soit pour les plaindre , les cérémonies de l'apothéose. Après que
les blâmer, etc. Quand elle est bien pla- | le corps du futur dieu était consumé avec
cée et ménagée, cette figure fait un grand les pratiques usitées dans cette circon
effet tant dans l'art oratoire que dans la stance , on plaçait sur un lit d'ivoire une
poésie ; mais l'abus la rend ridicule. Ci- | figure de cire exactement réssemblante
céron s'est servi fréquemment et heureu- au défunt; elle y restait pendant sept
sement de l'apostrophe , comme dans ce jours , et recevait les hommages du sénat
>

passage : Vos, vos appello , fortissimi et des dames de la plus haute distinction
viri qui multum pro republică sangui- en habits de deuil. Les jeunes sénateurs
nem effudistis, etc. Les grands poètes et les chevaliers portaient ensuite le lit
tragiques en ont tiré également un grand de parade par la voie sacrée à l'ancien
effet; par exemple , Racine dans Andro- Forum , et de là au Champ-de-Mars, où
maque : ils le déposaient sur un échafaudage
O cendres d'un époux!8 Troyens!8 mon père construit en forme de pyramide , et au
>

Omon fils! que tes jourscoûtent cher à ta mère- milieu d'une grande quantité de matières
On peutvoir d'autres exemples d'apos combustibles. Les chevaliers faisaient
trophes dans les livres de rhétorique, et une procession solennelle autour du bû
dans l'article Apostrophe de Marmontel cher, puis le nouvel empereur y mettait
dans l'Encyclopédie,et dans les Élémens le feu avec une torche,tandis qu’ún aigle,
lâché
de littérature . D-G . à dessein , partait du sommet avec
APOTHÈME, vieuxmotqui désigne un tison dans les serres , s'élevait dans
la perpendiculaire abaissée du centre les airs , et était supposé porter au ciel
d'un polygone régulier sur l'un des côté l'ame du défunt, qui dès lors était con
APO ( 91 ) APO
sidéré comme un dieu. Les médailles ro- mon , qui est appelé Pierre ( voy. PIERRE,
maines représentent souvent l'apothéose saint ); André , son frère; Jacques, fils
des empereurs : on y voit des pyramides de Zébédée ; Jean , son frère (voy. JEAN ,
2

à plusieurs étages et des aigles s'envolant saint); Philippe; Barthélemi; Thomas;


avec les ames des empereurs décédés. Il Matthieu le publicain ; Jacques, fils d’Al
existait au musée de Brandebourg une phée ; Thaddée ; Simon le Chananéen ;
pierre gravée représentant l'apothéose de et Judas Iscariote , qui trahit son mai
Jules- César. Le héros placé sur la sphère tre . » Après la descente du Saint-Esprit,
céleste tient un gouvernail dans sa main , celui-ci fut remplacé par Mathias. On
comme s'il était désormais le maître du compte aussi au rang des apôtres Paul
ciel comme il l'était de la terre avant sa et Barnabé ( voy. leurs articles ) , dont la
mort . E. C. D. A. mission n'est pas moins divine que celle
L'APOTHÉOSE D'AUGUSTE , le plus des autres qui avaient été choisis du vi
grand camée connu , qui, conservé au- vant de Jésus-Christ.
trefois à la Sainte-Chapelle à cause de On remarque deux parties bien dis
son sujet qu'on croyait alors être le triom- tinctes dans la vie des apôtres : celle qui
phe de Joseph , se trouve aujourd'hui au a précédé l'ascension de Jésus - Christ ,
département des médailles et antiques de et celle qui l'a suivie. Dans la première
la Bibliothèque royale de Paris : c'est un ils se sontmontrés ignorans , incrédules,
monument précieux qui fut apporté en entêtés des préjugés judaïques ; dans la
France en 1224 par Baudouin II, empe- seconde , ce nesont plus les mêmeshom
reur latin de Byzance. Outre le char qui mes : ils paraissent embrasés d'un feu
emporte Auguste au ciel, et que l'on voit céleste ; la plus vive lumière succède aux
dans la partie supérieure ,, les figures pla- plus épaisses ténèbres , et du sein du plus
cées au-dessous représentent Tibère assis furieux fanatisme la plus haute vertu
sur son trône avec Agrippine , etc. Une se fait entendre. Aussi, quand les enne
autre apothéose célèbre est celle d'Ho- mis des apôtres ont voulu infirmer leur
mère, bas-relief trouvé en 165 et qui témoignage , ils ont beauconp appuyé
fait partie du Musée Clémentin . J. H. S. sur leur profonde ignorance ; et quand
APOTHICAIRE , nom par lequel on ils ont voulu diminuer la gloire de leurs
désignait autrefois en France les per- succès , ils se sont attachés à faire res
sonnes qui s'occupent de la préparation sortir la sagesse de leur plan et la péné
et de la vente des médicamens . Les tration de leur esprit : c'était confondre
apothicaires ne faisaient autrefois , à les époques et les circonstances les plus
Paris , qu'un seul et même corps de opposées.
communauté avec les épiciers. La dé- Quelles sont les différentes régions par
nomination de pharmacien est aujour- courues par les apôtres dans leurs courses
d'hui généralement préférée , et celle évangéliques ? Telle est la première ques
d'apothicaire ne s'emploie plus guère que tion qui se présente à l'esprit. Parmi les
dans le style familier ou même trivial. écrivains qui se sont occupés de la ré
En Angleterre les apothicaires subsis- soudre , il règne une si grande divergence
tent ; ils forment un corps qui vient après d'opinions qu'il serait impossible de les
celui des chirurgiens ( surgeons), et ont concilier et d'en tirer la moindre certitude.
le droit non - seulement de débiter des Tous les apôtres ont - ils rendu à Jé
substances médicamenteuses , mais même sus- Christ un témoignage de sang et cou
de visiter des malades. Voy. PHARMA- ronné leurs travaux par le martyre ? Cette
CIEN . F. R. question a été résolue d'une manière né
APOTRES , ainsi appelés du grec gative par le docte J. Laurent Mosheim ,
&TOOTËNo , j'envoie, parce qu'ils ont dans son Histoire chrétienne du 1er siè
été envoyés par Jésus-Christ pour pré - cle, pag. 81. Les raisons qu'il donne de
cher l'évangile chez toutes les nations. son sentiment ne sont point à dédaigner,
Ils étaient au nombre de douze , choisis quoiqu'il soit constant, par la tradition ,
par Jésus- Christ. Voici leurs moins d'a- que quelques apôtres ont terminé leur
près saint Matthieu : « Le premier, Si vie par une mort violente.
APO ( 92 ) APP
Les apôtres n'ont-ils composé que les teur quelconque de l'antiquiténomment
ouvrages recueillis dans le Nouveau- leur apparat tout l'altirail érudit dont
Testament ? On peut voir sur cette ques- ils s'environnent :manuscrits,éditionsan
tion le Codex pseudepigruphus Novi ciennes, commentaires, recueils de varian
Testamenti de Fabricius ; l'Histoire cri- tes, extraits relatifs aux mots et aux choses,
tique du Nouveau - Testament, par Ri- glossaires, grammaires, etc. H -D.
chard Simon ; la Bible de Vence , etc. APPAREIL ( chimie ). En chimie
Au surplus , nous reviendrons sur tous et dans les arts industriels on donne le
ces points dans les articles consacrés à nom d'appareil à un système de vases et
plusieurs des apôtres. - Le Symbole at- de machines nécessaires à une opéra
tribué aux apôtres est-il réellement leur tion. Les appareils sont plus ou moins
ouvrage ? Voy. SYMBOLE. J. L. simples ou compliqués et chacun peut en
APOTRES , v. ACTES DES APÔTRES. construire suivant le besoin ; mais les
APOZÈME, á óceua ,décoction , de principes d'après lesquels on doit les
atosew , bouillir. Préparation pharma- établir restent lesmêmes, et les diffé
ceutique fort employée il y a quelques an- rences qu'ils présentent entre eux sont
nées encore , et presque oubliée mainte- souvent plus apparentes que réelles. Il
nant. C'étaient des apozèmes que les est certains appareils qui ont conservé le
médecines noires, dont tout le monde se nom deleur auteur ( tel est l'appareil de
souvient avec dégoût. On voit , d'après Wolf) et qui sont en quelque sorte con
l'exemple, qu'ils consistaient en des dé sacrés, à cause de leur utilité.
coctions ou des infusions auxquelles on Toutes les fois qu'on fait une opération
ajoutait des sels , des sirops,des extraits. quelconque , il faut bien connaître la
>

Les inventeurs de ces bizarres macédoi- nature des corps qu'on fait agir les uns
nes avaient eu pour objet, en y entassantsur les autres et celle des produits qu'on
beaucoup de médicamens divers , de leur doit obtenir , et adapter à ces diverses
donner une grande efficacité , et de les conditions la nature et la forme des vases
mettre à même de répondre à plusieurs qui doivent les contenir; afin que non
indications à la fois. Les médecins mo- seulement il n'y ait pas d'accidens à crain
dernes connaissant l'erreur dans laquelle, dre , mais encore que tous les produits
>

leurs devanciers étaient tombés à cet puissent être recueillis ou éliminés d'une
égard , ont restreint de beaucoup le manière convenable.
nombre des apozèmes , et ont soumis Des cornues, des ballons,des allonges,
ceux qu'ils ont conservés aux règles de la des tubes droits et recourbés , des fla
chimie et de la pharmacie . Quant à ceux cons à une ou à plusieurs tubulures, sont
qui se trouvent dans les anciens formu- les pièces dont se composent ordinaire
laires, ils sont pour la plupart composés ment les appareils. Ajoutez- y des bou
en dépit des unes et des autres. F. R. chons et du lut , des fourneaux de di
APPARAT , ce mot désigne une clas- verses formes , et vous aurez à peu près
sification nette et saillante de livres, d'au- tout ce qui est nécessaire pour les con
teurs , d'idées , sous la forme de table , struire.
de catalogue, de dictionnaire. - L'appa- L'art de disposer les appareils est fort
rat sur Cicéron est une espèce de concor- important, et des accidens graves, ou tout
dance de locutions et de phrases, extraites au moins la perte ou la mauvaise qualité
de tous ses ouvrages et rassemblées sous des produits, viennent punir ceux qui
:
un même titre : c'est comme l'alphabet n'apportent pas à cette opération préli
de la langue cicéronienne , dont chaque minaire tout le soin qu'elle mérite.
mot , chaque tour , se répercute vingt et Dans les laboratoires de chimie les
trente fois. —On appelle aussi de ce nom appareils se montent et se démontent
les gloses et les commentaires ; c'est ainsi pour chaque opération ; mais dans les fa
que l'on dit : l'apparat d'Accurse, au lieu
briques ils sont généralement construits
de commentaire surle Digeste et le Code.d'une manière plus solide et plus dura
-En Allemagne, les philologues édi- ble. On trouvera dans diverses parties de
teurs d'un ancien classique ou d'un au- cet ouvrage la description des appareils
APP ( 93 ) APP
relatifs à chaque industrie ; nous nous préparer un appareil pour l'opération de
bornerons à donner ici celle de l'appa- la taille , de la cataracte , etc.
reildeWolf, dont il est souvent question. Les appareils d'opération doivent pré
Les anciens chimistes avaient observé senter , disposés suivant l'ordre où ils
que dans les réactions des corps il se pro- peuvent devenir nécessaires, tous les in
duisait des vapeurs auxquelles ils avaient strumens qu'on a coutume d'y employer.
soin de ménager une issue ; mais encore Ils doivent contenir, de plus, tout ce dont
peu éclairés sur la nature et les proprié des circonstances particulières ou des ac
tés de ces vapeurs , qui n'étaient que du cidenspeuventamener le besoin; tels sont
gaz , ils ne savaient pas s'en débarrasser des pinces et des fils cirés pour lier les ar
ou les recueillir convenablement ; aussi tères, des cautères,des érignes, des garots,
voyaient -ils souvent leurs appareils se des tenailles incisives, etc., et surtout des
briser en éclats et leur faire courir les plus bougies pour suppléer à la lumière na
grands dangers.Ayant reconnu que parmi turelle souvent insuffisante. Le tout est
les gaz les uns étaient solubles dans l'eau, mis sur un plateau et recouvert d'un
tandis que les autres ne s'y dissolvaient linge pour en dérober la vue au malade.
pas , on comprit comment il fallait pro- Un aide est chargé de tenir l'appareil et
céder, et l'appareil de Wolf fut imaginé. de présenter à temps à l'opérateur les
Il se compose d'une cornue qui commu- pièces qu'il renferme. Voy. OPÉRATION.
nique au moyen d'un tube recourbé avec L'appareil de pansement composé d'a
un premier flacon à demi plein d'eau ; un près les mêmes principes doit offrir au
autre tube également recourbé part du chirurgien tout ce qui peut lui être utile
premier flacon pour se rendre dans un pour cet objet, charpie, bandes, compres
second , qui est aussi à moitié rempli ses, attelles,bandages diversement dispo
d'eau , et ainsi de suite, car on peut mul- sés, éponges, épingles, etc. Voy. PANSE
tiplier beaucoup le nombre des flacons. MENT.
Pour éviter la rupture , on place dans Dans les hôpitaux on nomme appa
chaque flacon un tube de verre droit reil une espèce de coffret carré , divisé
en
ouvert aux deux bouts et qui plonge un cases qui renferment la charpie ,
peu dans le liquide. Ce tube reçoit avec les compresses , les bandes , des pots
raison le nom de tube de sûreté. Lors contenant divers onguens , et que les
que l'appareil fonctionne , les gaz qui élèves chargés des pansemens portent
se dégagent de la cornue , traversent d'un lit à l'autre.
l'eau contenue dans les divers flacons, s'y C'est à tort qu'on donne le nom d'ap
dissolvent quand ils sont solubles, s'y la- pareil à la trousse qui renferme les in
vent quand ils rỉe le sont pas, et sont en-
strumens les plus usuels du chirurgien,
suite recueillis , soit sur la cuve pneu-
et aux caisses où sont logés les instru
mato - chimique , soit sur le mercure. mens destinésà certaines opérations. F.R.
Les tubes de sûreté servent également à APPAREILLEMENT . L'appareil
introduire, sans démonter l'appareil,des lement est la réunion pour la génération
liquidesnécessaires à l'opération. d'animaux présentant, à part le sexe, les
Les appareils doivent être montés avec plus nombreux rapports d'âge, deconfor
la plus scrupuleuse exactitude >, surtout mation, de tempérament et de caractère,
lorsque l'on opère sur des substances ac- dans la vue d'obtenir des produits ap
tives. Les jointures ex doivent être gar- prochant le plus possible de la perfec
nies de bouchons bien adaptés , enduits tion , que l'on atteint rarement et seule
encore d'un lut recouvert de bandes de ment par hasard sans ces précautions.
papier mouillé ; enfin des tubes de sûreté La disproportion de taille et de vo
en nombre suffisant y sont indispensa- lume entre le mâle et la femelle, est une
bles. F. R. des choses qu'il faut le plus éviter. Outre
APPAREIL ( chirurgie). C'est par ce qu'il en peut résulter immédiatement des
mot qu'on désigne l'assemblage des divers accidensgraves,les produits qui provien
objets nécessaires pour pratiquer les opé- nent d'unsemblable accouplement ( voy :)
rations ou faire les pansemens, On dit présentent presque toujours des formes
APP ( 94 ) APP
disproportionnées , et quelquefois même faisant apparence synonyme d'extérieur
des monstruosités. et de dehors, la grande Encylopédie fait
Cependant on peut déroger à cette entre ces mots la distinction subtile que
règle d'une manière utile , en faisant voici : « Les murs , dit - elle , sont l'exté
?

contraster les défauts du père et de la rieur d'une maison, les avenues en sont
mère, et l'on en obtient ainsi une sorte de les dehors , l'apparence résulte du tout,
fusion et de compensation en vertu des- Dans le sens figuré, extérieur se dit de
quelles les petits présentent une confor- l'air et de la physionomie, le dehors des
mation régulière et avantageuse. F. R. manières et de la dépense , l'apparence
APPAREILLER signifie mettre un des actions et de la conduite. » D -G .
vaisseau sous voile, disposer toutes choses, APPARENT (astronomie) se dit des
bosser les ancres et préparer les manæu- positions et des grandeurs des astres ,
vres de manière à faire route et à sortir telles qu'on les observe immédiatement,
du port. Pour cela il faut que le bâti- et qui nécessitent quelque correction .
ment qui est debout au vent soit viré , Ainsi , en vertu du phénomène de l’aber
les voiles étant serrées, à moins d'un ration (voy. ce mot ), des astres ne sont
courant qui le ferait courir sur son an- pas réellement dans la direction suivant
cre ; on largue les amarres, 'et lorsque laquelle nous les voyons : ils apparaissent
le vaisseau est presque àà pic, on dé- toujours quelque part sur une petite el
ferle , on boule les huniers afin d'abat- lipse, dont le centre est la position réelle
tre le vaisseau , puis on vire de force
> de l'astre , au moment de l'observation .
au cabestan pour faire déraper l'ancre. En second lieu , la réfraction ( voy, ce
Les différentes manières d'appareiller mot) de la lumière par l'air atmosphé
dépendent d'ailleurs de l'état du temps, rique, élève toujours les astres au -des
de la force et de la direction du vent. sus de l'horizon , ou les rapproche de la
Appareillerune voile c'est la déployer, verticale : ainsi quand les disques de la
la mettre au vent,la déferler, en larguer lune et du soleil touchent l'horizon par
les cargues, les affaler, la bouler et his- leurs bords iuférieurs, ils sont réellement
şer ; ce qui la dispose de façon à recevoir encore au -dessous de ce plan, qu'ils tou
le vent. Voy. YOILE. D. A. D. chent par leurs bords supérieurs.
APPAREILLEUR , principal ou- A mesure qu'un objet linéaire s'éloi
vrier qui, dans les ateliers demaçonne- gne, l'angle formé par les rayons visuels
rie, dirige la taille des pierres dans la forme menés de l'ail de l'observateur aux deux
et les dimensions voulues par l'architecte. bouts de l'objet, diminue sans cesse. Cet
L'appareilleur prend d'abord la mesure angle mesure la grandeur apparente de
des pierres , puis détermine le mode l'objet, au moyen delaquelle et de la dis
>

d'après lequel elles doivent être taillées, tance on peut calculer la grandeur réelle.
la longueur des arêtes, l'inclinaison des C'est ainsi qu'on observe les diamètres
courbures, l'ouverture des angles, etc. Il apparens du soleil, de la lune et des pla
préside non -seulement à la taille , mais nètes. Quant aux étoiles fixes,elles n'ont
encore à la pose des pierres qui s'élèvent pas de diamètre apparent sensible, à cause
et se coordonnent d'après ses instructions de leur immense distance; le disque
subordonnées elles-mêmes aux plans de qu'elles nous présentent n'est dû qu'à
l'architecte. En terme de bonneterie l'irradiation (voy. ce mot), qui fait pa
l'appareilleur est celui qui apprête les raitre les corpstrès lumineux plus grands
bas et les bonnets. D'ailleurs cette dé- qu'ils ne le seraient s'ils étaient moins
nomination est usitée dans diversmétiers éclairés. C'est une nouvelle correction à
pour désigner l'ouvrier chargé de prépa - apporter aux diamètres apparens des
rer et de diriger jusqu'à un certain point astres que l'on observe.
le travail des autres. R-Y. Mais on dit encore dela position d'un
APPARENCE , expression qui s'em- astre qu'elle est apparente, quand bien
ploie au physique et au moral : l'appa- même elle serait réelle, par cela seul que
rence de la richesse , l'apparence de la
7 l'observateur n'est point dans un certain
grandeur, une apparence de pauvreté. En lieu déterminé. Ordinairement on rap
APP ( 95 ) APP
porte la direction d'un astre à celle que Il est souvent parlédes apparitionsdes
l'on observerait si l'on était au centre de anges aux personnages éminens de l'An
la terre ; mais étant forcément à la sur- cieņ - Testament, et même du Nouveau .
face du globe , l'observateur est obligé de Ce fait est constaté pour tous ceux qui
faire subir une correction au résultatqu'il ont la foi; mais on ne sait si ces anges
obtient , pour passer de la position ap- avaient un corps fantastique ou un corps
parente de l’aştre à sa position géocen- réel , puisqu'ils paraissaient se nourrir
trique. Voy. PARALLAXE . comme des hommes , et ne mangeaient
En physique, on dit d'un objet qu'il réellement pas ,suivant la déclaration de
est apparent où non apparent, lorsqu'il l'ange Raphaël.
est visible ou non visible , suivant qu'il Les apparitions des mauvais anges
est plus où moins lumineux , plus ou sont moins fréquentes dans la Bible et
moins rapproché, plus ou moins grand , beaucoup moins anciennes que celles des
dans une situation plus ou moins fa- bons angeș. Les mêmes nuages couvrent
vorable. Les apparences , en optique, les unes et les autres , dans la manière
sont des phénomènes de lumière dont et dans les circonstances qui les ontac
l'observateur ne peut ou ne veut pas se compagnées.
rendre compte , d'après les lois recon- On serait plus embarrassé pour cons
nues de la lumière. S - y. tater l'apparition de l'ame de Samuël à
APPARITEUR , voy. BEDEAU. Saūl. Quelques commentateurs des livres
APPARITIONS SURNATUREL- saints ont cru, à la vérité , que c'était
LES , manifestations deDieu , d'un ange bien l'ame du prophète qu'avait évoquée
bon ou mauvais , de l'ame d'un mort , la pythonisse d'Endor; mais un plus grand
de quelque manière que ce soit , pour nombre d'écrivains ont contesté cette
converser avec les hommeș. Și ces mani- identité. Toutefois l'Évangile rapporte
ſeștations sont rapportées dans la Bible, qu'après la mort de Jésus-Christ, des
tous ceux qui croient àà l'inspiration et à morts sortirent de leurs tombeaux , en
la canonicité des livres saints admettent trèrent à Jérusalem et apparurent à plu
ces manifestations. Quant à celles qui sont sieurs personnes .
rapportées dans les Légendes ou dans Quoiqu'il ne faille pas ajouter foi lé
d'autres histoires pieuses , elles ne gèrement aux apparitions, il ne fautpas
méritent de croyance qu'autant qu'elles néanmoins les rejeter sans examen . Bos
sont appuyées sur des fondemens solides. suet y croyait; voir l’Oraison funèbre
Nulles révélations faitesà aucun saintde- d'Anne de Gonzague de Clèves , prin
puis le temps des apôtres , contenues aux cesse palatine.
yies desdits saints, ne doivent être crues Cette matière (voy. Vision , ESPRITS ,
pour articles de foicatholique,bien que
de MAGNÉTISME , etc.), a été traitée fort
ces révélations soient écrites par au long et peutêtre sans beaucoup de
saints personnages ou de très graves au- succès , par dom Calmet , Traité sur
teurs , ou rapportées et approuvées ès - les apparitions des esprits et sur les
conciles >, même généraux , ou ès-bulles vampires ou les revenans de Hon
des canonisations des saints. » (Règle gé- grie, etc.; Paris , 1751 , 2 vol. in - 12.
nérale de la foi catholique,par le père L'abbé Lenglet-Dufresnoy a répondu au
Véron, édition deM.Labouderie, p.16.) savant bénédictin par le Traité histori
Dieu est - il réellement apparu aux que et dogmatique sur les apparitions,
hommes , ainsi que semble le dire l’An- les visions et les révélations particu
cien - Testament dans plusieurs endroits? | lières; Avignon , 1751 , 2 vol. in - 12 ,
Il serait difficile de prononcer ; car si qui ont été suivis d'un Recueil de dis
d'un côtél’écrivain sacré assure queDieu a sertations anciennes et nouvelles sur les
conversé avec Adam ,Moise, etc., nous li- apparitions , les visions et les songes ;
sons ailleurs que ce n'est pas Dieu qui Avignon , 1751 , 2 vol. in -12. J. L.
7

parlait lui-même, mais un ange qui le re- APPARTEMENT. C'est la suite et


présentait sur le mont Sinaï et dans d'au la disposition des pièces qui sont indis
tres circonstances, pensables pour rendre une habitation
APP ( 96 ) APP
commode, et qui varient suivant le rang | binet de travail, de plusieurs cabinets
ou la fortune de celui qui les occupe. et garderobes , d'offices de cuisine , de
L'appartement des anciens était divisé chambres pour les gensdeservice. Quant
en deux parties : celui des hommes, ap- aux palais des princes et des souverains,
pelé andronitide , occupait le devant; le détail des pièces est infini : ce sont, la
le gynécée , ou appartement des fem- plupart du temps ,> des suites d'apparte
mes , était la partie la plus retirée ; au mens qui ont eux -mêmes des dénomina
rez -de -chaussée , sur la rue , se trouvait tions particulières. Ainsi , dans l'appar
ordinairement l'hospitium ou apparte - tement de parade, aux Tuileries , on
ment réservé aux étrangers. compte la salle des maréchaux, la salle
Les Romains habitaient , en général , des gardes, la salle du trône , la salle du
des pièces fort petites, mais parfaitement conseil, la salle de concert, la galerie de
bien distribuées. L'exiguité de ces pièces Diane, etc. Souvent dans les palais, des
s'explique par l'habitude où ils étaientde appartemens plus commodes et plus éloi
sortir de grand matin pour se rendre gnés des grandeurs et du bruit commu
aux temples , aux promenades et dans niquent avec l'appartement de parade et
2 1

les lieux où l'on se réunissait pour les on les appelle , par forme d'opposition ,
>

affaires de l'état . Les Grecs modernes lespetits appartemens. D. A. D.


et une partie des peuples de l'Égypte On ne saurait donner le nom d'appar
ont conservé cette disposition , la meil- tement ( mot dérivé de à parte , à part )
>

leure sans contredit pour la commodité à des pièces qui se communiquent sans
et l'agrément de la vie. dégagement. Un appartement ne consiste
L'Italie , si riche en palais et en habi- que dans une série de pièces communi
tations dont on admire depuis long- quant d'une manière convenableef com
temps la grandeur et la hardiesse, donna, mode au moyen de couloirs et de corri
la première, l'exempledeces appartemens dors , etdisposés de telle sorte , que cha
>

vastes et élevés que la France , l'Angle- cune d'elles ait la forme, la dimension
terre , l'Allemagne adoptèrent servile- et la situation exigés par sa destination .
ment : mais la rigueur des hivers de nos La commodité , la salubrité , l'agré
climats , le prix excessif des terrains et ment , doivent être principalement con
l'accroissement de notre population, nous sultés dans la distribution des apparte
firent abandonner cette disposition , qui mens ; nos architectes modernes y excel
n'avait d'ailleurs, en général d'autre but lent et savent tirer un excellent parti des
que celui de la représentation et de l'ap- moindres surfaces. Leurs devanciers, au
parat. contraire , sacrifiaient à la beauté du mo
Dans le siècle dernier , le caprice nument tout l'agrément de l'habitation,
nous avait fait adopter indistinctement ainsi que le prouvent les nombreux édi
pour les palais et les habitations par- fices qu'ils ont laissés. F.R.
ticulières des ornemens et une déco- APPARTENANCE . C'est en général
ration aussi éloignés de la pureté des ce qui dépend d'une chose. Dansla lan
formes et de la simplicité de l'antique gue de la législation féodale , ce mot s'en
quedu grandiose des palais italiens ; mais tend de tout ce qui est annexé au fief
la découverte des ruines d'Herculanum et qui en dépend', comme les cens , les
et de Pompeia , nous ayant mis à même rentes foncières , les vassaux , arrière
d'apprécier le charme de ces petits ap- vassaux , et tous les droits qui , par la
partemens que les Romains savaient volonté du père de famille ou la dispo
rendre si commodes , nous rappela à un silion de la coutume , sont attachés au
goût plus sévère et à des habitudes plus fief. L -E.
naturelles et plus simples. APPAT. On appelle ainsi toute sub
Aujourd'hui un appartement est or- stance alimentaire dont on se sert à la
dinairement composé d'une anticham - chasse ou à la pêche pour attirer les ani
bre , d'une salle à manger , d'un salon , maux dans le piége. Ce sont ordinaire
ou salle de réception , d'une ou de ment des vers de toute espèce ; on em
plusieurs chambres à coucher, d'un ca- ploie avec succès d'autres petits animaux
APP ( 97 ) APP
tels que les moules de rivières tirées de ennemi mortel. Les pipeurs emploient
leurs écailles,les limaces, les sauterelles, ordinairement un petit ruban , un mor
les fourmis ailées >, les mouches , les pa- ceau d'épiderme de cerisier, et plus en
pillons, les grenouilles , les rats ,> les core la feuille du chiendent toute seule .
souris et même des cannetons qui vien- Les oiseaux effrayés fuient en foule, et se
nent d'éclore. prennent facilement aux gluaux qui leur
Les pêcheurs ont imaginé , pour rem- sont dressés.
placer les insectes qui réussissent le mieux Les appeaux àfrouer servent à imi
et dont ils sont privés une partie de l'an- ter, en soufflant dans une feuille de lierre
née, de fabriquer des appats artificiels disposée en cornet , un bruissement qui
faits à leur imitation . Les Anglais sur- imite le cri ou le vol d'un oiseau , tel
tout ont perfectionné cette industrie , que celui des geais , des merles , des drai
qui chez nous a aussi obtenu un plein nes , etc.
succès. Un Hollandais a inventé un instrument
On met aussi dans les piéges tendus à frouer composé d'un cornet en argent ,
pour prendre divers animaux nuisibles au bout duquel est ajustée à charnière
divers appâts,suivant leurs goûts et leurs une lame d'ivoire portant un tenon sur
habitudes. Tantôt ce sont des substances toute sa longueur. L'oiseleur attache au
végétales , tantôt des morceaux de chair, tour de son cou , à l'aide d'un fil, cet
tantôt enfin des animaux vivans dont les instrument qui est au moins d'un usage
cris contribuent à les attirer. durable.
Plusieurs animaux ont été doués par Il y a aussi des appeaux pour appeler
la nature d'un instinct qui les porte à les cerfs , les renards, etc.; ce sont des
faire servir certaines parties de leur corps anches assez semblables à celles de l'orgue.
aux mêmes fins que l'art a fait atteindre L'oiseau élevé dans une cage pour ap
à l'homme. Plusieurs poissons se cachent peler les autres oiseaux qui passent se
dans la vase , et , agitant des barbillons nomme aussi appeau : on le fixe dans le
voisins de leur bouche , et que l'on pren- | voisinage du piége de manière à ce qu'il
drait pour des vers , attirent ainsi des puisse un peu voltiger. D. A. D.
poissons plus petits dont ils se nourris- APPEL . Dans son acception mili
sent. Les pics insinuent dans les troncs taire , l'appel est le signal donné
> par la
d'arbres ou dans les fourmilières une trompette ou le tambour, et d'après le
langue gluante qui tente l'appétit d'une quel les soldats se rassemblent. Chez
foule de petits insectes, et qu'ils en re- les chasseurs , appel signifie l'attention
tirent toute chargée d'une proie facile. du chien sur la voix du chasseur. On
Voy. PÊCHE et CHASSE. D. A. D. dit d'un chien de chasse qui ne fait pas
APPEAU. On appelle ainsi un sifflet attention à la voix de son maître qu'il
d'oiseleur qui sert à contrefaire les dif - n'n point d'appel.
férens cris et le son de la voix des oi- Appel est aussi synonyme de cartel
seaux qui, par ce moyen , se laissent at- ( voy .); et en termed'escrime c'est une
tirer dans le piége. On en distingue de feinte que l'on fait pour obliger son ad
trois sortes : les appeaux à sifflet, les ap- versaire à attaquer une partie que l'on
peaux à languette , les appeaux àછે frouer. découvre à dessein.
On fait des appeauxà sifflet avec un L'appel nominal consiste à appeler
noyau de pêche usé sur unemeule, percé par son nom chacun des individus com
des deux côtés et vidé de son amande. posantune réunion , afin de s'assurer de
On en fait aussi en plomb, en fer-blanc, sa présence. La personne appelée répond
en cuivre , en argent, etc. Ils servent à ordinairement par le mot présent. On a
>

imiter le cri des alouettes , des perdrix , recours à l'appel nominal dans les as-.
des cailles , etc. semblées délibérantes lorsqu'il est ques
Les appeaux à languette, appelés tion , avant un 'scrutin , de constater le
>

aussi pipeaux, servent à piper ou à trom- nombre des votans. Dans les corps mili
per les oiseaux en contrefaisant le cri de taires l'appel se fait plusieurs fois par
la chouette ou moyen -duc, qui est leur jour. V.R ,
Encyclop. d . G. d . M. Tome II, 7
APP ( 98 ) APP
APPEL ( droit), recours un triàà en France deux degrés de juridiction. La
bunal supérieur pour faire réformer un règle des deux degrés de juridiction est
jugement émané d'un tribunal inférieur, une règle générale qui domine toute la
jugement que l'on prétend mal et injus- matière. Ildécoulepremièrement de cette
tement rendu. Contrà venenum judicum règle qu'on ne peut appeler que d'unju
data est theriaca appellationis , dit gement. Anciennement on pouvait ap
>

Balde. Voir au mot CASSATION la diffé- peler d'autres actes , tels que nomina
rence entre l'appel et le recours en cas- tion de tuteur , exécution de jugement,
sation . déni de justice, contrainte par corps, etc.
L'aſticle appel ne s'occupera pas de En vertu de la règle desdeux degrés, on
l'organisation judiciaire ; ilne fera qu'ex- ne peut encore,en appel , introduire une
poser avec brièveté , quoique d'une ma demande nouvelle , c'est- à -dire non pré
nière complète , les règles simplement sentée en première instance; toutefois,
pratiques, et toutes de procédure , à il suffit que la demande ait été présentée
l'effet d'introduire un appel quelconque. ou introduite, quoique non agitée : ainsi ,
L'état de la juridiction en France avec dans le cas où l'on appelle d'un jugement
ses degrés sera exposé au mot JUDICIAIRE interlocutoire (voy.JUGEMENT), si le ju
( pouvoir ). gement est infirmé et que la matière soit
On nomme appelant celui qui intro- disposée à recevoir une décision défini
duit l'appel, et intimé celui contre le- tive , les cours royales ou autres tribu
quel l'appel est introduit. L'appel a lieu naux d'appel pourront statuer en même
en matière civile , criminelle et admi- temps sur le fond définitivement, par un
>

nistrative. seul et même jugement. Il en est de


En matière civile , de nos jours , on même dans les cas où les cours royales et
divise l'appel en principal et incident. Le autres tribunaux d'appel infirment, soit
premier est relatif à un jugement quel pour vice de forme, soit pour toute autre
conque, le second à un jugement dont on cause , des jugemens définitifs. Cette rè
veut tirer avantage contre l'appelant du- gle , qu'on ne peut , en appel , présenter
rant le cours d'une instance. Toutefois, de demandes nouvelles,souffreexception
cette distinction n'a rien de véritablement lorsqu'il s'agit de demandes accessoires
essentiel. ou de compensation à opposer, ou bien
Les juges de paix et conseils de prud'- lorsque la demande nouvelle n'estqu'une
hommes connaissent, sans appel, de toute défense à l'action principale. Toujours
demande personnelle ou mobilière dont en vertu de la même règle des deux de
la valeurne s'élève pas au -dessus de 50 fr. grés , la loi veut qu'on puisse appeler de
Ils connaissent à charge d'appel des mê- tout jugement mal à propos qualifié en
mes demandes jusqu'à lavaleurde 100 fr. * dernier ressort. En revanche tout juge
et de quelquesautres demandes particu- ment mal à propos qualifié en premier
lières, n'importeleurvaleur (voy.JUSTICE ressort lorsqu'ildevait l'être en dernier,
DE PAIX). Les tribunauxd'arrondissement ne saurait être reçu en appel; cependant
et de commerce connaissent,sansappel,de les parties peuvent convenir de se voir
toutes demandes dont la valeur n'excède juger sans appel par le premier ressort.
pas 1,000 fr. en capital,, et50 fr. en rente . ( Vor. COMPÉTENCE ). On peut appeler,
Ils connaissent de toutes les autres à avant le jugement définitif, des jugemens
charge d'appel. Les jugemens de la jus- interlocutoires, parce qu'ilspréjugent le
tice de paix ou des conseils de prud'- fond , tandis que les jugemens prépara
>

hommes dont on peut appeler se portent toires ne le préjugeant pas , il faut suivre
devant les tribunaux d'arrondissementou à leur égard une règle contraire et join
de commerce ; ceux des tribunaux d'ar- dre leur appel à celui du jugement défi
rondissement ou de commerce devant les nitif. On ne peut appeler des jugemens
cours royales. Comme on voit , il existe par défaut pendant les délais de l'opposi
) Au-dessus de ca chiffre, les tribunaux d'ar tion : cette règle impérieuse est nouvelle.
rondissement ou deconsercedeviennent seuls Les lois romaines défendaient dans tous
compétens. les cas l'appel des jugemens par défaut.
APP ( 99 ) APP
L'ordonnance de 1667 le permit et pro- tion , l'appel n'est point recevable pen
hiba l'opposition; mais la jurisprudence dant la durée des délais pour l'opposi
finit par autoriser indifféremment l'op- tion. Toutefois l'art. 645 du Cod. de
position et l'appel. comm, déroge à cette règle. En certaines
Le délai pendant lequel on peut ap- circonstances le délai d'appel est moins
peler étant expiré, la sentence des pre considérable que celui que nous venons
miers juges reçoit force de chose jugée, d'indiquer (voy. les articles 377 , 392 ,
de telle sorte qu'elle n'est plus attaquable 669,723, 730 , 734 , 736 , 763 , 809 ,
en appel. Le délai général est de trois du Cod. de proc. civ. 291 du Cod. civ.). La
moispour toute espèce de jugement .Ce péremption (voy.cemot) en cause d'appel
délai court , pour les jugemens contradicca, de même que l'expiration du délai
toires , du jour de la signification àà per- pour appeler, l'effet de donner au juge
sonne ou à domicile , et pour ceux de dé- ment force de chose jugée.
faut, du jour où l'opposition n'est plus
2 L'appel est formépar un acte conte
recevable . S'il s'agit d'un mineur non nant assignation dans les délais de la loi,
émancipé , c'est du jour de la signification et signifié à personne ou domicile , sous
à son tuteur et à son subrogé-tuteur; si peine de nullité. En cas d'appel incident
le jugement a été rendu sur une pièce la signification à avouésuffit.
fausse , ou faute de représentation d'une Quant au mode de prononciation du
pièce décisive retenue par l'adversaire , jugement d'appel et sur la composition
c'est du jour seulement où le faux a été du tribunal, nous exposerons les règles
reconnu ou juridiquement constaté , ou suivantes.
que la pièce a été recouvrée. Le même Si l'appel est non -recevable ou mal
délai de trois mois est augmenté pour les fondé, le tribunal borne là sa pronon
colons, de celui des ajournemens (voy. ciation et n'a point à s'occuper du juge
AssIGNATION ) ; pour les militaires ou ment en lui-même. Si, au contraire, l'ap
agens diplomatiques employés hors du pel est fondé, il faut alors examiner en lui
royaume, le délai est augmenté d'une même le jugement de première instance :
année. Les délais d'appel sont suspendus s'il est irrégulier en la forme et injuste
par la mort du condamné. Ils reprennent au fond , on l'annule et on statue par un
leur cours après la signification faite à jugement nouveau ; s'il est seulement ir
ses héritiers et après les délais d'inven- régulier en la forme, mais juste au fond,
é
taire et de délibér : ces délais sont de ri- on l'annule encore, mais on en reprodu it
gueur, ils emportent déchéance,, ils cou- les dispositionsdansle nouveau jugement;
rent envers toutes personnes , sauf le s'il est régulier en la forme et injuste au
recours contre qui de droit. Néanmoins fond, on l'infirme et on statue par des
l'intimé peut appeler incidemment en dispositions nouvelles. Au cas oùdans le
tout état de cause, eût-il même signifié tribunal il se forme plus dedeuxopinions,
le jugement sans protestation ni réserve. les juges plus faibles en nombre seront
Observons' qu'il a été décidé par la cour tenus de se réunir à l'une des deux opi
de cassation que l'individu ayant suc- nions qui auront été émises par le plus
combé en 1rº instance peut , sans atten- grand nombre. S'il y a partage dans une
dre la signification du jugement, appe- cour royale , on appellera pour le vider,
ler de celui-ci. L'appel ne peut être in- un au moins ou plusieurs des juges qui
terjeté qu'après huitaine à dater du juge- n'auront pas connu de l'affaire; tou
ment : on a voulu par- là doriner au plai- jours en nombre impair, en suivant l'or
deur le temps de réfléchir en l'enlevant dre du tableau. L'affaire sera de nouveau
aux impressions du moment. Ledroitnou- plaidée, ou de nouveau rapportée, s'il
veau est venu réformer en cela le droit s'agit d'uneinstruction par écrit. Dans le
ancien sous l'empire duquel, de même cas où tous les juges auraient connu de
que sous le droit romain , on pouvait ap- l'affaire, il sera appelé trois anciens ju
>

peler a facie judicis :: toutefois la juris- risconsultes . ( Voir en outre les art. 117
prudence avait abrogé cet usage. A l'é- et 118 du Cod. de proc. civ.)
gard des jugemens susceptibles d'opposi- L'appel, en ayant pour effet de trans
APP ( 100 ) APP
mettre au tribunal supérieur la connais- de mal jugé les membres du tribunal
sance de la cause , suspend l'exécution dont la sentence était réformée. Cela était
du jugement altaqué, à moins que ce der- imité du droit romain ( voy.au Cod ., liv.
nier ne soit exécutoire par provision. VII , tit. 49 ) .
Même ayant l'appel , c'est - à - dire dans
-

Quant à l'appel en matière criminelle,


la huitaine qui suit le jugement et pen- nous examinerons successivement quels
dant laquelle on ne peut appeler ( voy. sont les jugemens susceptibles d'appel ,
ci-dessus ), l'exécution , si elle n'a été quelles personnes peuvent appeler ,quels
ordonnée provisoirement , reste suspen- sont enfin le délai , la forme et les effets
due : on en sent le motif. Dans le cas de l'appel.
où l'exécution provisoire qui n'a pas été Il y a trois sortes de procès criminels .
ordonnée en première instance pouvait On n'appelle pas indistinctement du ju
ou devait l'être , l'intimé est admis à la gement qui intervient dans ces trois sortes
requérir en appel sur un simple acte , de procès qui sont des procès de simple
avant de passer outre au jugement. En police , de police correctionnelle et de
revanche , l'appelant peut obtenir le rap- grand criminel . Les procès de simple po
port de l'exécution provisoire obtenue lice sont portés en appel devant le tri
mal à propos en première instance. A cet bunal correctionnel de l'arrondissement ,
effet , l'appelant est tenu de présenter ses et ceux des tribunaux correctionnels ,
défenses à l'audience de la cour royale , tantôt devant la cour royale , tantôt de
sur assignation à bref délai . Le jugement vant le tribunal correctionnel du chef-lieu
d'appel anéantit totalement le premier de départeme nt , suivant la distinction
le Code d'instruction crimi
jugement lorsqu'il l'infirme. Par une con- étab
lie par
séquence de ce principe , l'exécution du nelle , art. 200 et 201 , et par le tableau
>

jugement nouveau appartient à la cour annexé au décret du 18 août 1810 ( voy.


royale qui aura prononcé, ou à un autre JUDICIAIRE , pouvoir). Sont attaquables
tribunal qu'elle doit indiquer par le même en appel, les jugemens de simple police,
arrêt , sauf les cas de la demande en nul- lorsqu'ils prononcent , dit l'art. 172 Cod.
lité d'emprisonnement , en expropriation d'instr. crim ., un emprisonnementou lors
forcée et autres, dans lesquels la loi attri- que les amendes , restitutions et autres
bue juridiction . Si , au contraire , le pre- réparations civiles excèdent la somme
>
mier jugement est confirmé par la cour de 5 fr. outre les dépens. C'est ici par
royale , ce jugement subsiste et l'exécu- l'objetdela condamnation, et non, comme
tion en appartiendra au tribunal qui l'aura en matière civile, par celui de la demande
rendu. L'appelantd'un jugement de paix que se détermine le premier ou dernier
qui succombe est condamné à une amende ressort. Il résulte encore de l'art. 172
de 5 fr. L'amende est de 10 fr. dans les précité que la loi autorise l'appel en cas de
autres cas où il s'agit d'un jugement du condamnation seulement. On nepourrait
tribunal d'arrondissement ou de com- donc appeler d'un jugement d'absolution
merce. Anciennement , en pays de droit ou d'acquittement, rendu en matière de
écrit , le taux de l'amende était laissé à simple police. En tout cas,les jugemensde
la discrétion des juges ; l'ordonnance de simple police, non susceptibles d'appel ,>
1539 décida qu'elle serait fixe comme ne peuvent être attaqués , mêmepour in
en pays coutumier. Le taux de l'a- compétence. Il en est autrement en ma
mende ne varie aujourd'hui que selon tière civile (voy. INCOMPÉTENCE ). Sous
les tribunaux dont la sentence est ré- le code de brumaire an iv , les appels de
formée : autrefois il variait aussi selon simple police, comme ceux de grand cri
les matières qui faisaient le sujet de l'ap- minel , n'étaient pas susceptibles d'appel.
pel . Dans les cas ordinaires , l'amende Nous venons de voir que les jugemens
était de 12 liv.; elle était de 75 lorsqu'il rendus aujourd'hui en matière de simple
s'agissait d'appel comme d'abus. Une re- police ne deviennent attaquables en appel
marque importante, c'est qu'il était d'u- que dans certains cas déterminés. C'est
sage , anciennement, dans une partie du | le contraire en matière de police correc
royaume, de condamner à une amende tionnelle, où les jugemens se trouvent gé
APP ( 101 ) APP
néralement susceptibles d'appel. Il n'y a est autorisé , selon Legraverend , à inter
d'exception ou plutôt de modification à jeter appel des jugemens préparatoires
cette règle que le cas où il arrive qu'un et interlocutoires avant le jugement dé
individu, traduit devant la police correc- finitif. En matière civile , nous avons vu
tionnelle, est reconnu coupable seulement que l'appel d'un jugement préparatoire
d'une contravention de simple police. est toujours joint, au contraire, avec celui
Dans ce cas , le tribunal , si les parties du jugement définitif.
publique et civile ne demandent pas le Le délai pour interjeter appeld'un ju
renvoi, peut statuer et statue alors en gement de simple police est de 10 jours;
dernier ressort. Il n'en pourrait être ainsi
il ne court , dans tous les cas , qu'à partir
en matière civile , où la règle des deux du jour de la signification ; tout au con
degrés dejuridiction est impérieuse. Mais traire du délai pour appeler d’un juge
si , au contraire , le tribunal correction- ment correctionnel qui , s'il est contra
nel reconnaît le prévenu coupable d'un dictoire , courtdu jour de sa prononcia
crime, dans ce cas le tribunal est toujours tion. S'il est pris par défaut, on rentre
obligé de se dessaisir et de renvoyer à la dans la règle générale et le délai d'appel
cour d'assises, seule compétente.On com- ne court plus que du jour de la signifi
prend facilement la raison de cette dif- cation. L'appel du ministère public doit,
férence. Lorsque le jugement de simple à peine de déchéance, être notifié, soit
police ou de police correctionnelle aa été au prévenu , soit à la personne civilement
rendu par défaut, l'appel n'en est rece- responsable du délit,dansles deux mois ,
vable , comme en matière civile , qu'à à compter du jour de la prononciation
compter du jour où l'opposition ne peut du jugement,ou
, , si le jugement lui a été
plus avoir lieu ( voy. Défaut, jugement légalement notifié par l'une des parties ,
par). Les procès de grand criminel sont dans le mois du jour de cette notification.
de la compétence exclusive des cours d'as- La mise en liberté du prévenu acquitté
sises. Les sentences émanées de ces cours ou absous ne pourra être suspendue lors
portent le nom d'arrêts et ne peuvent qu'aucun appel n'aura été déclaré ou no
être attaquées en appel. Nous n'avons tifié dans les dix jours de la prononcia
donc pas à nous en occuper ( voy. COUR tion du jugement.
D'ASSISES ). L'appel, tant des jugements de simple
La faculté d'appeler appartient: 1 ° aux police que de police correctionnelle, est
parties prévenues et responsables ; 2º à suspensif. Mais cette circonstance, loin
la partie civile , quant à ses intérêts civils de se trouver un avantage au profit d'un
seulement ; 3° à l'administration fores- prévenu déjà emprisonné, n'a pour effet
tière lorsqu'elle se trouve partie inté- que de mettre hors de compte, et de ren
ressée ; 4° au procureur du roi du dre inutile le temps de sa captivité an
tribunal de première instance , lequel , térieur au jugement en dernier ressort.
dans le cas où il n'appellerait pas , est Dans l'ancien droit l'appel n'était pas
tenu , dans le délai de quinzaine , d'a- suspensif quant à la peine pécuniaire; il
dresser un extrait du jugement au magis ne l’était pas même quantà la peine cor
trat du ministère public près le tribunal porelle dans le droit romain , lorsqu'il
>

ou la cour qui doit connaitre de l'appel ; était d'intérêt public de statim puniri
5° au ministère public près le tribunal (voy. leg : 16. ff. de appellationibus).
ou la cour qui doit prononcer sur l'appel. Si le jugement est réformé parce que le
L'appel que la partie publique interjette fait n'est réputé délit , ni contravention
2

est dit appel à minimá, lorsqu'il a pour de police par aucune loi, la cour ou le
>
a

but une augmentation de peine : sous tribunal renvoie le prévenu , et statue,


l'empire de la loi du 14 janvier 1792 , s'il y a lieu, sur ses dommages-intérêts. Si
l'appel à minimá était interdit. La cour le jugement est annulé pour violation ou
de cassation a décidé qu'en matière de omission non réparée des formes pres -
simple police la partie publique ne pou- crites par la loi à peine de nullité , la
vait appeler du jugement rendu; elle ne cour ou le tribunal statue sur le fond.
peut que se pourvoir en cassation. On L'appel est introduit par une requête
APP ( 102 ) APP
contenant les moyens, et remis dans le périaleformaitune 3 ° etdernière instance.
délai d'appel au greffier du tribunal con- Toutefois un grand nombre de princes
tre la décision duquel on veut se pour- d'empire surent s'affranchir de ce se
voir. Elle est signée de l'appelant ou d'un cond appel en sollicitant des priviléges
avoué >, ou de tout autre fondé d'un pou- | de non appellando qui leur étaient ac
voir spécial. Si celui contre lequel le cordés moyennant une somme d'argent
jugement a été rendu est en état d'ar-ou pour d'autres services. Les trois de
restation , il est, dans le même délai , et
grés sont exigés encore aujourd'hui; mais
par ordre du procureur du roi, trans- les petits états de la Confédération ger
féré dans la maison d'arrêt du lieu où manique étant dans l'impossibilité de les
siége la cour ou le tribunal qui jugera organiser dans leurs propres limites, ils
l'appel.L'appel sera jugéà l'audience,dans se concertèrent pour en établir un cer
le mois , sur un rapport fait par l'un des tain nombre à frais communs. Voici quels
juges. Les règles observées en premier sont les tribunaux supérieurs d'appel de
ressort, le sont également en appel d'un cette nature actuellement existans : 1 ° Ce
jugement de simple police, ou de police lui de Wolfenbuttel pour les pays de
correctionnelle , pour tout ce qui con- Brunswick, Waldeck, Lippe et Schaum
cerne l'ordre dans lequel la partie civile bourg; il fut ouvert en 1816 ; 2º celui
et la partie publique doivent être enten- de Iéna, pour le grand -duché et les du
dues , la solennité de l'instruction,la na chés de Saxe, et pour les principautés de
ture des preuves, la forme, l'authenticité Reuss, ouvert en 1817 ; 3 ° celui deZerbst
du jugement définitif, la condamnation pour les duchés d’Anhalt et la princi
aux frais , ainsi que les peines. La partie pauté de Schwartzbourg,ouvert en 1817 ;
civile, le prévenu, la partie publique, les 4º° celui de Parchim pour les deux Meck
personnes civilement responsables du dé lenbourg , ouvert en 1818 ; 5º celui de
lit, pourront se pourvoir en cassation Lubeck pour les quatre villes libres ,
contre le jugement (voy. CASSATION ). ouvert en 1820. Le tribunal supérieur
Les délits des militaires se trouvent d'appel de Stuttgard juge les procès des
compris dans une juridiction exception principautés de Hohenzollern, et celui
nelle qui doit faire l'objet d'un article d'Inspruck sert aussià la principauté de
séparé ( voy. TRIBUNAUX MILITAIRES ). Liechtenstein. Holstein et Lauenbourg
Voyez également pour ce qui regarde les n'ont point rempli encore la condition
délits de la presse, l'article Presse ( li- prescrite par l'acte de confédération ; le
berté de la ). grand -duché de Luxembourg a sa cour
Quant àà l'appel en matière adminis- d'appel à Liége, en dehors des états de la
trative nous renvoyons au mot CONSEIL confédération .
D'ÉTAT. V. En Angleterre il y a également des
En Allemagne, il est de principe, que cours d'appel, et la chambre haute ou des
pour qu'un procès soit entièrement ter- lords est en plusieurs cas la dernière in
miné , trois jugemens conformes doivent stance. Mais outre le sens ordinaire du
avoir été rendus sur la matière ; trois mot , appeal avait dans ce pays une si
degrés au lieu de deux y sont par consé- gnification particulière. Dans le cas où
quent la règle. Malheureusement cette le meurtrier accusé par le ministère pu
règle, générale pour les affaires civiles , blic avait été acquitté , il pouvait encore
souffre de nombreuses exceptions dans être poursuivi du chef de la partie civile,
les affaires criminelles ; et , quant aux c'est - à - dire de la victime même ou de
affaires civiles , la somme exigée pour quelqu'un de ses parens appelé alors Ap
qu'il puisse yavoir lieu à appel varie d'un pellor ou Appelant, et cela pendant le
pays à l'autre. Dans les temps féodaux délai d'un an. Et pour que ce droit ne
les trois degrés se trouvaient indiqués fût point illusoire ces mêmes personnes
par le lien féodal lui-même ; du tribunal pouvaient exiger du prévenu qui s'appe
seigneurial on appelait à celui du suze- lait Appellee, une caution, ou même ils
rain immédiat , et celui-ci devant foi et pouvaient le faire retenir en prison . Un
hommage à l'empereur, la chambre im- | autre jury prononçait dans ce second pro
APP ( 103 ) APP
cès. Ce droit d'accusation privée fut aboli | bulle dont, à la première vue, furent ef
par acte du parlement en 1819.J. H. S. farouchés les prélats mêmes qui , vendus
APPELANT . C'est en général celui auxjésuites et à la cour , lui avaient pro
qui, mécontent d'une sentence rendue mis de la recevoir au nom du clergé de
par un juge du second ou du troisième France, dans une assemblée formée pour
ordre , la défère au tribunal supérieur l'accomplissement de ce dessein ! Ils n'o
pour en obtenir le redressement ou la sèrent l'accepter qu'en y joignant des
cassation. Journellement prononcé dans explications tendant à la faire prendre
le barrean , ce mot a beaucoup d'impor- dans un sens favorable; et celles qu'en
>

tance surtout dans la jurisprudence ec- particulierd'autres évêques en donnèrent


clésiastique, et notamment depuis 1717 , dans les mandemens par lesquels ils la
où ce qu'ily avait en France de plus émi- publièrent chacun dans son diocèse, dif
nent en savoir et en vertu parmi les évê- férèrent toutes entre elles , tant il était
ques et les prêtres, ne croyant pas quele difficile de la justifier. Nous renvoyons
pape fût infaillible, ni qu'il pût exercer ceux qui voudraient la connaître mieux
dans l'église une autorité despotique , aux Mémoires completsdu duc de Saint
commença d'appeler des décisions de Simon ( tomeXI , chap . xi, page 126 ;
l'étrange bulle Unigenitus, au jugement tome XIV, ch . xx , pag. 328, et ch. XXVI,
d'un futur concile ecuménique. page 425).
Ces appels , qui , se multipliant à l'in- La légitimité de l'appel au futur con
fini, pouvaient déconcerter la cour de cile général ( voy. ce mot) était constatée
Rome dans ses prétentions , ne firent que par les autorités les plus vénérables. La
l'irriter ; l'ascendant qu'elle avait sur décision erronée de saint Pierre, qui obli
l'esprit de nos rois lui servit à les ren- geait à se faire circoncire les gentils deve
dre exécuteurs de ses vengeances contre nus chrétiens , ne fut réformée que par
les appelans. Le malheur des opprimés suite de l'appel que Paul et Barnabé en fi
devenant trop souvent aux yeux du vul- rentà une réunion des apôtres à Jérusalem .
gaire une sorte de flétrissure, les adver- Dans la contestation entre le papen Étienne
saires des proscrits n'en réussirent que qui condamnait la rébaptisatio des hé
mieux à transformer en note infamante rétiques , et saint Cyprien qui la jugeait
la qualification d'appelant. indispensable , celui-ci était en droit d'en
Pour juger équitablement ces appels, appeler au futur concile général, dit saint
il faut d'abord s'informer si ceux qui les Augustin (Dedonoperseverantiæ , ch. ir
firent avaient des lumières suffisantes et et XIV); et, selon le même docteur de l'é
une piété sincère ; examiner ensuite leurs glise , si le pape Melchiade , avec son pe
motifs, et savoir enfin si l'appel des dé- tit concile de Rome, eût prononcé en fa
>

cisions du pape au futur concile géné- veur de Majorin , usurpateur du siége de


ral était l'exercice d'un droit légitime. Cécilien , le devoir des évêques d'Afri
La première question est déjà résolue, que aurait été d'interjeter un semblable
en faveur des appelans, par les mémoires appel ( Epist. 43, nº 19 ). La religion
du temps et même par les aveux de leurs n'a-t-elle pas à se féliciter de celui que
adversaires, qui n'excitent contre eux l'a- l'avocat Eusebe,le diacre Basile et le moi
nimadversion publique que parce que , ne Thalassius firent contre le patriarche
ne tenant point le pape pour infaillible Nestorius (voy .), quoiqu'il eût en Orient
etpourabsolu dans l'église, ils ne se sou- la même prépondérance que le pape en
mettent pas aveuglément à ses décisions. Occident ? Un siècle et demi plus tard ,
Leurs motifs étaient le sens équivo- le prêtre Auxilius, indigné des injustes
que de la plupart des décisions d'une excommunications lancées par le violent
bulle que Rome tendait à faire passer Étienne VI,professait hautement à Rome
pour règle de la foi ( voy. UNIGE- même qu'on ne devait point les crain
NITUS ). Comment des évêques >, des ec- dre , et qu'il fallait invoquer le jugement
clésiastiques instruits et timorés , sans du prochain concile général sur ce dés
ambition et fidèles à leurs devoirs, n'au- ordre (Morin , De sacris ordinationi
>

raient-ils pas été scandalisés de cette | bus , page 292, et Fleury , Hist. eccl.,
APP ( 104 ) APP
1. Liv,nº° 43). La cinquième de ces gran- tendait l'avoir privé de ses états. A l'ap
des assemblées déclara , en 552 , « qu'il pel qui fut interjeté par Charles VII et son
n'y avait pas d'autre moyen que celui-là parlement, en 1466, il faut joindre ce
pour connaitre etrétablir la vérilé dans les lui de l'université de Paris, pour le même
questions de foi,lorsqu'il s'en élevait qui objet, en 1467. Cette université fit, en
la rendaient chancelante et incertaine 1502,un appel d'autant plusremarquable,
(Fleury,Hist.eccl.,l. xxxIII,n°45et 50). » qu'alors sa faculté de théologie , dite la
Les siècles suivanş offrirent beaucoup Sorbonne , décréta doctrinalement que
d'exemples de pareils appels , en matière les censures ecclésiastiques restaient sans
ecclésiastique et même civile, sans autre force, après les appels de cette sorte. Ce
désapprobation que celle des papes, dont lui-ci avait été provoqué par les peines
ils contrariaient l'ambitieuse prétention canoniques dont le scandaleux Alexan
d'être infaillibles >, supérieurs aux con- dre VI avait frappé les membres du clergé
ciles généraux et monarques universels. français qui n'obéissaientpas à l'ordre qu'il
Les bulles fulminées contre ces appels leur avait intiméde lui donner le dixième
par Martin V , en 1426 , par Pie II , en du revenu de leurs bénéfices , sous le pré
1460, et par Jules II , en 1509, ont tou- texte d'une nouvelle croisade contre les
jours été regardées comme non avenues, Turcs.
Ceux des appels contre lesquels elle Le droit d'appeler au futur concile gé
furent lancées avaient été faits par des néral s'exerça , dans le même royaume,
souverains temporels dont ces papes of- en 1516. et 1517, avec une liberté galli
fensaient grièvement les droits politiques . cane encore plus courageuse, par les par
C'était Alphonse , roi d'Aragon , que lemens et par l'université de Paris , con
Martin V avait excommunié , et dont il tre ce concordat simoniaque de Fran
mettait le royaume en interdit; c'était çois Ier envers le rusé Léon X , qui
notre Charles VII,dont Pie II anathéma- abolissait la pragmatique - sanction de
tisait la pragınatique -sanction , fondée Charles VII, et rendait légales presque
sur les conciles oecuméniques de Cons- toutes les usurpations de Grégoire VII ,
tance et de Bâle ; c'était enfin le sénat d'Innocent III , de Boniface VIII , etc.
de Venise , indigné de ce que le martial Louis XIV donna lui-même un éclatant
Jules II autorisait, par une bulle, toutes relief aux appels de ce genre, lorsqu'en
lespuissancesqui en auraient les moyens 1688, appuyé sur les plus illustres évê
à s'emparer des propriétés desVénitiens, ques ,> il appela , par son avocat général
et à réduire leurs personnes en esclavage. et son parlement, au futur concile, de la
Avant'comme après ces appels, il y en bulle d'Innocent XI, qui prétendait li
eut d'autres non moins éclatans , faits miter ses droits de régale et annuler les
également par des princes , tels que ce franchises de ses ambassadeurs à Rome .
lui de l'ambassadeur de Frédéric II , au « Ces appels, disait le parlement de Pa
milieu même du premier concile de Lyon, ris , dans son arrêt du 23 janvier 1689 ,
en 1245 , contre la sentence que le vin- sontdesprécautions établies par le droit ,
dicatif Innocent IV allait prononcer dans pratiquées en plusieurs occasions et fon
sa querelle avec cet empereur. En 1324 , dées sur les sentimens mêmes des cano
Louis de Bavière , porté au trône impé nistes italiens. »
rial contre le gré de Jean XXII , appela Le parlement persévéra dans ce prin
au futur concile général de la bulle par cipe, tant pourles affaires religieuses que
laquelle ce pontife avait déclaré ce trône pour les intérêts de la couronne ; mais ces
vacant et s'était attribué le gouverne- intérêts aveuglaient tellement les princes
ment de l'empire. sur ceux de la religion qu'ils les sacrifiaient
Les prohibitions audacieuses de Mar machinalement à ceux de leur autorité.
tin V et de Pie II n'empêchèrent pas, en Depuis la fin du xviº siècle , où les rois
>

1488, l'archevêque d’Alexandrie de faire, montraient de l’aversion pour les états-gé


en qualité d'ambassadeur de Ferdinand , néraux qui contenaient cette autorité en
roi d'Aragon , un semblable appel de la de justes limites , les papes qui , dans le
bulle par laquelle Innocent VIII pré- conciledeTrente, n'avaient échappé qu'a
APP ( 105 ) APP
Vec peine aux questions dont l'examen au- toutes les espèces d'arbres ou d'animaux.
rait paralysé leur tendance à passer pour Mais un noyer, ou un singe deviendront
infaillibles et supérieurs aux conciles gé- aussi des noms appellatifs, par rapport
néraux, avaient fait aisément consentir ies aux différentes espèces que ces mots
princes au dessein de n'en plus convoquer. sous- entendent. D. A. D.
L'ultramontanisme fit persécuter à ou- APPENDICE , du latin appendix ,
trance ceux qui appelaient de la bulle Uni- dérivé de pendere, pendre, être attaché
genitus au futur concile général, «par fi- à. On appelle ainsi, en littérature , un
délité à la vérité, à l'église et à la patrie », supplément composé d'explications ou
comme le disait la Sorbonne en soutenant de commentaires qui se place addition
son appel ; et suivant la déclaration des nellement à la fin d'un ouvrage, et en
évêques appelans, parce que « la bulle devient la dépendance obligée.
autorisait despouveautés dangereuses que En termes d'anatomie, on désigne sous
les jésuites avaient introduites dans l'é- le nom d'appendice toute partie adhérant
glise, sur le dogme , la morale , la disci- à un organe quelconque, et particulière
pline et la hiérarchie. » G. DE M. ment un intestin vermiculaire extrême
APPELIUS (JEAN -HENRI) , ministre ment grêle, résultant de la jonction des
des finances de l'ancien royaume des trois ligamens du colon , sur le côté du
Pays- Bas, natif de Middelbourg en Zée- fond du cæcum.
lande, où son père était ministre de l'É- En botanique, appendice se dit d'une
vangile et où il exerça d'abord lui-même espèce de prolongement qui opère en
les fonctions du notariat. Parvenu rapi- quelque sorte le rapprochement du pé
dement des derniers emplois de l'admi- tiole avec la tige ou les rameaux. D. A.D.
nistration au poste le plus éminent, il sut APPENTIS. C'est un petit bâtiment
s'y maintenir sous les différens gouver- en forme de hangar , appuyé sur un au
nemens qui se succédèrentdans sa patrie tre bâtiment plus élevé, et dont le toit
pendant l'espace de 30 ans ; mais il eut n’a de pente que d'un seul côté. Il sert ,
des détracteurs et des envieux. Son pro- dans les campagnes , à couvrir les char
jet d'augmentation du produit des impôts rettes, les charrues ; à la ville , il remplace
indirects , mesure fondée sur les besoins souvent l'échoppe du savetier , de l'écri
extraordinaires de l'état , excita du mé- vain public et d'autres industriels en
contentement, parmi les propriétaires fon- plein vent. D. A. D.
ciers aussi bien que parmi les négocians. APPENZELL ( Abbatis cella ), can
Avant son administration , la taxe des ton de la Suisse , voisin de Saint-Gall , et
propriétés était moins élevée dans les traversé au sud et à l'est par unebranche
Pays-Bas que partout ailleurs. Le direc- des Alpes ; ce sont des roches calcaires ,
teur général Appelius ayant essayé , en dont les principales cimes , telles que le
1815 , de porter le droit sur les succes- Sentis , s'élèvent à 7,800 pieds et portent
sions à un taux plus élevé qu'il ne l'avait même un glacier. La partie septentrio
élé jusque là en France,rencontra la plus nale du canton est couverte de collines ;
violente opposition dans la portion aris- de beaux pâturages couvrent les monta
tocratique de la chambre des députés ; et gnes ; on y élève beaucoup de bestiaux ,
lorsqu'en 1819 il proposa d'augmenter de chevaux , de chèvres et deporcs. Les
les impositions sur le commerce , la po- malades viennent prendre le petit-lait de
pulace de Rotterdam se souleva contre chèvre dans les châlets ou auprès des
lui. Il mourut à La Haye en 1828 , âgé eaux minérales du pays. Les habitans sont
de 61 ans. C. L. adonnés , pour la plupart, à la vie pasto
APPELLATIF ,termede grammaire, rale et ont leurs habitations dispersées
sub ntif sur les coteaux et dans les vallées.
qui sert à caractériser un nom ne

applicable à des individus ou à des espè- trouve ni villes importantes ni gros vil
ces, que des qualités communes réunissent lages dans ce canton, qui pourtant a une
en une seule classe. Ainsi, arbre, ani- population de 55,000 ames sur 10 milles
mal sont des noms appellatifs, parce que carrés. Il а peu de revenus et peu de dé
cette désignation convient également à penses. Il se compose de deux petites ré
APP ( 106 ) APP
publiques , distinguées par les noms de ce bienfait à toutes les maisons de déten
Rhodes intérieures et Rhodes extérieu- tion et aux hôpitaux d'orphelins ; mais le
res , et dont la séparation , occasionnée ministère changea,et avec lui tous les pro
par les discussions religieuses , date de jets de M. Appert furent renversés. Ce
1597. La partie catholique, ou les Rho-
> pendant il n'abandonna pas l'école de
des intérieures, a pour chef - lieu le bourg Montaigu dont sa persévérance empê
d'Appenzell , dans une vallée , sur le Sit- cha la fermeture. Cette circonstance le fit
ter , avec 1,400 habitans qui font com- connaitre du duc d'Angoulême qui lui
merce de toiles de lin et de coton. On y accorda une protection toute particu
trouve un petit arsenal et deux couvens. lière.
Aux environs on prend, à Weissbad , les M. Appert venait de publier un Ma
bains d'eau minérale qui sont renom- nuel à l'usage des écoles régimentaires
més. Les Rhodes extérieures ont pour lorsqu'il fut accusé , en 1822 , d'avoir fa
chef-lieu le village de Trogen qui , avec la vorisé l'évasion de deux prisonniers po
banlieue , a 2,230 habitans. Chacune des litiques. Emprisonné à la Force, M. Ap
deux petites républiques a sa constitution pert conçut le projet de ne plus s'occuper
particulière; mais dans toutes les deux désormais que du soin d'améliorer l'état
c'est le peuple qui se gouverne en assem- des prisons. Il publia bientôt un traité d’é
blée générale. Quand les dépenses de ducation élémentaire pour les prisonniers,
l'état surpassent les revenus , on impose les orphelins et les adultes ;puis il conçut
les communes ; du reste il n'y a point l'idée de fonder un journal des prisons,
d'impôts fonciers : les salines sont une dans lequel il rendit un compte exact de ses
des ressources de l'état. D-G. fréquens voyages aux bagnes et aux pri
APPERT , philanthrope , né à Paris sons de France. C'est dans une de ses ex
en 1797. A peine âgé de 16 ans , il fut cursions à Rochefort que M. Appert ,
nommé adjoint sous- professeur à l'école pour mieux juger des souffrances desmal
de dessin. C'est en 1815 que son désir heureux condamnés , porta , pendant 24
de se reudre utile aux classes pauvres fit heures , le boulet d'un galérien . Le duc
penser M.Appert à propager l'enseigne- d'Angoulême le nomma , le 24 janvier
ment mutuel dansledépartement du Nord. 1828, membre du conseil royal des pri
En 1816 il eut l'idée d'appliquer cette sons.Leduc d'Orléans l'engagea àluioffrir
méthode aux écoles régimentaires. Le souvent l'occasion de le seconder dans
succès fut si grand que les armées en- le bien qu'il désirait de faire. Après la
nemies , cantonnées alors dans ce pays , révolution de 1830 , Louis - Philippe
.

voulurent aussi profiter de ses leçons ; n'oublia pas ses importans services, et la
huit écoles régimentaires furent formées place de secrétaire qu'il lui donna auprès
par ses soins en moins d'un an . de la reine le mit à même de répandre
Le maréchal Gouvion de Saint-Cyr, de plusnombreux secours. Ces fonctions
qui venait d'arriver au ministère, ayant n'empêchèrent pas M. Appert de conti
eu connaissance des travaux de M. Ap- nuer la publication de son journal, de
pert, le nomma professeur du cours nor- visiter les pauvres prisonniers, et de con
mal institué pour les officiers et sous- offi- courir aux travaux philanthropiques de
ciers qui devaient à leur tour diriger les la Société de la Morale chrétienne dont
écolesrégimentaires; M. Appertouvrit son il est secrétaire général.
cours le 24 novembre 1818. Trois mois Le frère de M. Appert est l'auteur
après, 163 écoles suiviespar 20,000 hom- d'un procédé utile pour la conservation
mes furent en pleineactivité; et pendant des substances alimentaires. D. A. D.
la durée des fonctions du jeune profes- APPÉTIT ( de appetere, demander,
seur , plus de 100,000 hommes apprirent désirer ). Ce mot exprime le désir deman
>
à lire et à écrire ,> et fournirent à l'armée ger. L'appétit se distingue de la faim en
d'excellens sous - officiers . ce qu'il est une sensation agréable , tandis
Le 24 juin 1819, M. Appert ouvrit une que celle-ci , qui est le désir violent d'une
école d'enseignement mutuel pourlesdéte nourriture dont on était privé depuis
nus militaires; son intention était d'étendre long-temps , est accompagnée d'une sen
APP ( 107 ) APP
sation pénible.Nous avons dit que l'ap- voyage qu'il fit dans lesprincipales villes
pétit est le désir de manger : la faim en d'Italie lui facilita l'étude des plus beaux
est le besoin . L'appétit s'annonce par une modèles , et l'anatomie dont il reçut à
excitation des papilles nerveuses et par cette époque les premières leçons acheva
une sécrétion abondante de la salive ; il de perfectionner son talent. Il excellait
est accompagné du souvenir des choses dans les fresques;ses plus beaux travaux
qu'on a goûtées avec plaisir précédem- sont ceux de la coupole du cheur de
ment. Comme la faim , ila son siége dans Sainte-Marie, près de Saint-Celse à Mi
le systèmedes ganglions. Il n'est pas tou- | lan , un tableau magnifique qu'il avait
jours satisfait en même temps que la faim ; peint pour le palais Busca, et les plafonds
car le plaisir de manger peut continuer du château de Monza . A son entrée en
alors que le besoin cesse. De même que Italie Napoléon lui continua la faveur
toutes les autres sensations, l'appétit peut dont l'avaithonorél'archiduc Ferdinand ,
constituer un symptôme de maladie ; il gouverneur de la Lombardie . Il le nomma
est quelquefois troublé, souvent même il membre de l'Institut, peintre du roi, et
est détruit. On le voit aussi prendre une le décora des ordres de la Légion d'Hon
intensité excessive, et il se nomme alors neur et de la Couronne-de -Fer. Appiani
appétit dévorant ( cynorexie ou bouli- fit les portraits de presque toute la fa
mnie ). Cetappétit n'étant pas satisfait, il en mille Bonaparte ; et ce qui lui valut
résulte des évanouissemens ,et cependant surtout les bonnes graces de l'empereur,
les alimens qui ont été pris sont souvent ce sont les fresques du palais royal à Mi
et promptement évacués ou par les vo- lan , qui sont autant de monumens à la
missemens ou par les selles. Enfin , l'ap- gloire du conquérant. Mais au mois d'a
pétit a un caractère de maladie lorsqu'il vril 1813 , une attaque d'apoplexie le
se porte avec violence vers certains ali- força de suspendre ses travaux qui res
mens , tels que les épiceries , les gâteaux, tèrent inachevés , et qui malgré cela sont
comme dans les envies des femmes en- encore aujourd'hui l'ornement du palais
ceintes; ou sur des substances qui ne sont du vice-roi autrichien . On voit aussi au
pas alimentaires, par exemple , des terres palais du prince Eugène, la villa Buon
calcaires, de la craie , de l'argile , de la naparte , un plafond où Appiani repré
viande crue , du sang >, des insectes , des senta d'une manière admirable Apollon
excréinens et même des morceaux de mé et les Muses.
tal. On a remarqué que dans ces états ma- A la chute de Napoléon , Appiani fut
ladifs appelés pica , malacia , cissa ou privé de ses pensions , et vécut encore
kitta , il se manifeste quelquefois un in- quelques années dans un état voisin de
stinct salutaire : ainsi on voit des enfans l'indigence. Une dernière attaque d'apom
tourmentés par des acides manger de la plexie l'enleva en 1818.
craie , de la chaux ; de même que des Parmi ses tableaux à l'huile on distin
hommes d'un tempérament bilieux re- gue : l'Olympe, la Toilette de Junon ser
cherchent avec avidité les choses acides. vie par les Graces, Renaud dans les jar
La cause la plus véritable de ces désor- dins d'Armide ; et surtout Vénus et
dres de l'appétit siége dans un dérange- l'Amour, qui est un des plus beaux or
ment du systèmenerveux, ordinairement nemens de la Villa Sommariva , sur le
produit par d'autres maladies ; ils finis- lac de Como..
sent avec les affections dont ces maladies La grace et la pureté du dessin , l'éclat,
sont la conséquence, et ne réclament au- le charme et l'harmonie de la couleur,
cun traitement particulier. C. L. telles sont les qualités qui distinguent la
APPIANI (ANDREA), peintre italien, manière de ce peintre. D. A. D.
naquit en 1754 dans le haut Milanez , APPIEN, d'Alexandrie, avocat et in
d'une famille noble , mais sans bien. Il tendant (procurator) des revenus impé
étudia la peinture sous le meilleur pro- riaux sous Trajan , Adrien et Antonin
fesseur de Milan, le chevalier Giudei , et le -Pieux , écrivit une histoire romaine
pour s'assurer une existence il se mit aux en 22 livres ou en 24 suivant Photius ,
ordres des décorateurs de théâtre. Un depuis les temps les plus anciens de
APP ( 108 ) APP
Rome jusqu'à Auguste. Nous n'avons pas rédiger pour Rome un Code de lois (c'est
la moitié de cet ouvrage. La méthode celui que plus tard on nomma Lois des
qu'Appien suivit diffère de celle qui est XII Tables) et être revêtus pour un an
communément appliquée : au lieu d'em- du pouvoir suprême. Il fut lui -même élu
brasser , pour les mêmes époques , l'his- décemvir ; et quand , au bout de l'année ,
toire de tous les peuples renfermés dans on prorogea encore pour un an la nou
l'empire romain, il fractionne son ouvrage velle magistrature, il fut le seul de ses
et traite à part chacun de ces peuples ; collègues qui, par son influence sur le peu
mais seulement dans leurs rapports avec ple, sut se faire nommer de nouveau . Son
le peuple romain. Les guerres civiles de dessein était de ne plus laisser échapper
Rome étaient traitées en 9 livres dont la puissance de ses mains ; pour exécu
Jes 4 derniers sont perdus. On avait re- ter ce plan, il s'unit d'intérêts avec ses
gardé Appien comme un auteur plagiaire collègues , et garda le pouvoir après l'ex
etd'un mérite médiocre,lorsque Schweig- piration de la 2e année. Sur ces entre
häuser, à Strasbourg, chercha à le réha- faites , les Eques et les Sabins ayant
biliter dans ses Exercitationes in Ap- ravagé une partie du territoire romain ,
piani Alex. historiam (Argent. 1781). les décemvirs levèrent des troupes et
Au reste , Appien peut bien être regardé marchèrent au -devant de l'ennemi. Ap
>

comme un compilateur souvent mala- pius et Oppius seuls restèrent dans Rome
droit ; son ouvrage est fort inégal , et on avec deux légions pour y maintenir l'ordre
reconnaît facilement que les sources où et la soumission , lorsqu'un événement
il a puisé pour chaque partie n'ont pas la imprévu abattit la puissance décemvi
même valeur. La plus ancienne édition rale. Appius avait conçu la plus vive
d'Appien est celle de Charles Estienne , passion pour la fille de Virginius , plé
publiée à Paris en 1551 , in - fol.; la béien considéré qui se trouvait à l'armée.
meilleure qui comprend une foule de Comme Appius, noble et patricien , ne
fragmens donnés par ordre chronologi- pouvait légitimement posséder la jeune
que est celle de Schweighæuser accom- fille, d'ailleurs promise au ci-devant tri
pagnée de variantes , d'une traduction la- bun du peuple Icilius, après avoir vaine
tine, de supplémens , etc. Leipzig 1785, ment tenté la voie de la séduction , il
3 gros vol . in-80. J. H. S. gagna un de ses cliens, nommé M. Clau
APPIENNE ( VOIE), la plus célèbre dius, et l'engagea à enlever de vive force,
route romaine. Elle conduisait de Rome à l'aide de plusieurs affidés, Virginie du
à Capoue , et fut construite par Appius- milieu de l'école où elle allait alors. Clau
Claudius Crassus Cæcus, censeur l'an dius exécutant sa commission donnait
313 avant J.-C.; dans la suite on la con- pour prétexte de cette violence que Vir
tinua jusqu'à Brindes. Elle était en pierres ginie était la fille d'une de ses esclaves.
cubiques, très dures, et très fortement ci- Cependantle peuple le força de rendre la
mentées les unes avec les autres. On voit jeune fille à la liberté. Alors M. Claudius
encore aujourd'hui, surtout près de Ter- la réclame devant le tribunal même d'Ap
racine , des restes remarquables qui en pius , et Appius décide que provisoire
prouvent l'excellente construction . C. L. ment la prétendue esclave suivra son
APPIUS CLAUDIUS CRASSI- maitre. Les vues criminelles du décemvir
NUS, de l'illustre maison patricienne des commencent alors à devenir claires pour
Claudes, venait à peine d'être nommé con- les plus indifféreris. Un tumulte effrayant
sul, 451 ans avant J.-C. , que, quoiqu'il fût
s'élève, et le suborneur est forcé de laisser
fier et hautain comme ses ancêtres , on la jeupe fille entre les mains de ses pa
le vit, au grand étonnement du sénat, ap- rens. Cependant il déclare que le lende
puyer, pour se concilier la faveur du peu- main la sentence sera prononcée. Virgi
ple, le projet de loi du tribun Terentillus nius,appelé par son frère et par Icilius
ou Terentius. Ce projet avait pour but de parait ce jour-là sur le forum , en habits
changer la forme du gouvernement. A de deuil ainsi que sa fille. Il donne les
la place des magistrats ordinaires , on preuves les plus incontestables de la nais
créa des décemvirs ( voy:) qui devaient sance libre de Virginie. Mais Appius ,
APP ( 109 ) APP
dans la confiance que lui inspirait le mens. Depuis que tout le monde a pu en
nombre de ses satellites, ordonne à Clau- acheter, personne ne s'en est plus soucié;
dius de s'emparer de son esclave . Alors et l'homme de goût craindrait, en applau
Virginius demande au décemvir la per- dissant, de se compromettre avec des ad
mission d'interroger la nourrice de Vir- mirateurs mercenaires. V. R.
ginie en présence de celle - ci seule, pour L'art d'applaudir et celui de se faire
se tranquilliser,dit-il, en se convainquant applaudir n'appartiennent pas exclusive
de l'erreur qu'il a regardée comme la vé- ment à notre siècle. Un enthousiasme de
rité jusqu'à ce jour. Appius consent. L'in- commande et des applaudissemens éludiés
fortuné père embrasse tendrement sa fille, furent introduits Rome vers les der
saisit brusquement un couteau de bou- niers temps de la république et sous les
premiers empereurs. Les applaudisse
cher sur un étal voisin , et lui perce le sein
mens que la foule charmée prodiguait
en disant : « Va, Virginie, va pure et libre
d'après ses sensations >, sans mesure et
rejoindre ta mère et tes ancêtres. » Appius
commande de le saisir ; mais Virginius sans symétrie , dans les théâtres, les cir
s'enfuit et rejoint l'armée. Les sénateursques et les amphithéâtres, furent soumis
Valérius et Horatius qui étaient opposés à des règles ; le délire et les transports
au décemvirat appellent à la vengeance durent s'exprimer avec méthode. Néron,
le peuple qu'anime encore la vue du cada- devenu chanteur et joueur de flûte , orga
vre de Virginie. Appius ne peut arrêter nisa une cabale (voy.) formidable, auprès
l'insurrection qu'en convoquant le sénat. de laquelle doiventpâlir toutes celles dont
Cependant Virginius avait fait retentir nos auteurs et nos acteurs font usage au
le camp de ses cris et revenait vers Rome jourd'hui , pour se procurer des succès
en demandant vengeance. Les décemvirs factices.Un grand nombre dejeunes gens
sentirent que leur puissance ne pouvait de l'ordre des chevalie , et plus de cinq
rs
tenir plus long -temps et abdiquèrent. Le mille plébéiens, forts et vigoureux, appre
sénat décréta à l'unanimité le rétablisse- naient l'art d'applaudir, et, se divisant en
ment du consulat etdu tribunat (l'an 449 plusieurs groupes , occupaient ous les
avant J.-C.). Appius mourut en prison . | gradins , et les faisaient retentir de leurs
>

Selon Tite -Live, il se tua lui-même; sui- applaudissemens.Néron porta sa vanité de


vant Denis d’Halicarnasse , les tribuns le comédien et sa fureur de vouloir être ap
firent étrangler. Oppius que l'on accusait plaudi jusqu'à prononcer la peine de mort
d'être son complice se donna aussi la contre un sénateur qui avait eu le malheur
mort. Les autres collègues d’Appius de s'endormir malgré le bruit que fai
échappèrent à l'accusation par un exil saient autour de lui ces applaudisseurs
volontaire. Claudius fut relégué à Tibur, dont Suétone nous a raconté les exploits.
alors désert . La mort de Virginie a fourni On peut voir , dans Sénèque , les dif
le sujet de plusieurs tragédies , parmi les férentes manières dont se donnaient les
>

quelles les plus célèbres sont celles de applaudissemens : avec le pan de la robe
Laharpe et d'Alfieri. C. L. que l'on faisait voltiger, ou avec les doigts
APPLAUDISSEMENS (applausus ), que l'on faisait claquer , ou avec le creux
manièredetémoigner son plaisirou son ap- de la main >, ou enfin de la manière dont
probation en frappant les mains l'une con- nous applaudissons encore aujourd'hui.
tre l'autre. Ce genre de démonstration est Properce nous apprend qu'on se levait
évidemment un progrès : on a commencé pour applaudir. Tacite se plaint des ap
par acclamer, par crier : C'est bien ! puis, plaudissemens maladroits des gens de la
les larmes , les rires ou l'admiration ve- campagne, qui troublaient l'harmonie gé
nant à couper la voix , on a battu des nérale des applaudissemens modulés.
mains , langage mimique que tout le
> On connait le plaudite cives des an
monde peut parler et comprendre. ciens auteurs comiques.
On n'applaudit plus guère maintenant Il faut distinguer les applaudissemens
qu'au théâtre; encore cela passe -t- il de des acclamations qui étaient des cris ou
mode tous les jours , sans doute à cause des éloges donnés à haute voix , sansdoute
du trafic qu'on a fait des applaudisse- | comme pos bravos. D. M.

1
APP ( 110 ) APP
APPLICATION (psychologie). C'est quelque autre : c'est ainsi qu'on applique
l'action des facultés intellectuelles qui se l'algèbre à la géométrie , et vice versa ;
dirigent sur un sujet et s'y attachent for- puis toutes les deux à la mécanique, etc.
tement, en écartant tout ce qui pourrait ( voy. ces mots). D. A. D.
nous en détourner. L'attention simple APPLICATION ( ÉCOLE D').Une école
est souvent distraite. L'application qui militaire d'application est une école su
suppose un degré d'attention plus éner- périeure où les élèves des écoles mili
gique ne l'est pas , ou du moins la vo- taires et de l'école polytechnique vien
lonté qui alors enchaine l'esprit à son nent acquérir une instruction pratique
objet ne le laisse point s'égarer ou le ramè- et spéciale. La France a deux écoles d'ap
ne promptement. L'application dépend plication : l’une pour l'artillerie et le gé
de l'importance que nous mettons à un nie , l'autre pour l'état-major général. La
sujet, de l'intérêt qu'il nous offre, et révolution, en effaçant les privileges de la
c'est ce qui la rend si difficile aux enfans naissance , ouvrit la carrière militaire à
dans les études sérieuses auxquelles nous tous les Français indistinctement , et ap
voulons les assujétir. Comment s'appli- pela les talens etle mérite aux récompen
queraient-ils à des travaux sans attrait ses qui autrefois étaient décernées par la
pour eux et dont ils ne peuvent encore seule faveur. Bientôt le sol de la patrie ,
apprécier l'utilité ? Mais ils sont néan- envahi par l'étranger, appela aux armes
moins capables d'application et même à tous les citoyens, et l'armée devint lecen
un assez haut degré. On en trouve la tre de toutes les espérances et de toutes
preuve dans certains jeux auxquels ils se les illustrations ; la jeunesse se voua avec
livrent avec ardeur et dont les combinai- ardeur aux études militaires. Aussi, dès
sons demandent cette attention forte et cette époque, les écoles militaires prirent
soutenue qui constituel'application. M-z. de l'essoretun plus grand développement.
APPLICATION ( technologie ), ac- En 1790, l'artillerie et le génie avaient
tion par laquelle on applique une chose chacune leurs écoles spéciales , la pre
sur une autre, dans différens métiers. mière à Châlons, l'autre à Metz. En 1801 ,
Les brodeuses appliquent une étoffe ces deux écoles éprouvèrent beaucoup
épaisse sur une claire, et, après l'y avoir de changemens dans leur organisation;
fixée par des points , elles la découpent et une ordonnance du premier consul ,
dans les intervalles, de manière à former du 4 octobre 1802 >, confondit les deux
un dessin mat sur un fond transparent. écoles en une seule, qui prit la dénomi
9

Les broderies d'or et d'argent se font nation d'École d'application de l'artille


quelquefois de cette manière :: les pla- rie et du génie. Cette école fournit ac
queurs appliquent une feuille d'or ou tuellement les élèves nécessaires aux corps
d'argent sur du cuivre , et la fixent au de l'artillerie de terre et de mer et à ce
moyen d'une forte pression . C'est en lui du génie .
core une application que l'étamage des Les élèves sont admis en sortant de
glaces , le placage des objets d'ébéniste- l'écol e polytechnique , après un examen
ouvert à cet effet. En y arrivant, ils pren
rie , etc. Voy. APPLIQUE .
Dans les sciences , l'application est nent le grade et le rang des sous-lieute
aussi l'action par laquelle on applique nans. Ils sont classés en deux divisions :
une chose à une autre , en les rappro- la première est composée des plus ancien
chant ou en les comparant ensemble; par nement reçus ; la seconde des derniers
ce moyen on démontre , dans la géomé- admis. Ily aa quatre compagnies destinées
trie, plusieurs propositions fondamenta- au service de l'École; deux decanonniers
les. C'est donc , en d'autres termes , l'u- à pied , une de sapeurs et une de mineurs.
>

sage que l'on fait des principes et des vé- Pendant la première année , les élèves
rités d'une science pour en étendre et en sont attachés aux deux premières com
perfectionner une autre. pagnies ; et pendant la deuxième année ,
L'application est d'une grande utilité, ils servent six mois dans chacune des
en ce qu'il n'y a pas pour ainsi dire de deux autres. L'enseignement, les travaux
science ou d'art qui ne tienne en partie à l et les exercices sont partagés en douze
APP ( 111 ) APP
parties quicomprennent :l'exécution de l'école d'application d'artillerie et du gé
toutes les bouches à feu ; les manquvres nie qui satisfont à ce dernier examen sont
et constructions d'artillerie de toute es- envoyés dans leurs armes respectives; les
pèce; la formationet la conduite des équi- élèves de l'école d'état-major de cette ca
pages de campagne , de siége et de ponts; tégorie passent deux ans dans chacune
les manquvres et le service d'infanterie des trois armes , infanterie, cavalerie, ar
et de cavalerie; l'art du tracé et de la tillerie, avant de remplir les fonctions
construction des plans; l'art de l'attaque d'officiers d'état-major. Ceux des élèves
et de la défense des places ; le tracé de des deux écoles qui n'ont pas satisfait à
la construction des ouvrages de campa- l'examen peuvent continuer leurs études
gne ; l'art du mineur ; l'art de lever les pendant la troisième année , ou sont en
plans et de dessiner la carte ; le service voyés dans les deux armes , infanterie et
du génie et de l'artillerie en temps de cavalerie; toutefois, le temps qu'ils ont
paix et en temps de guerre ; l'adminis- passé à l'école leur est compté pour deve
tration et la comptabilité. Chaque année nir lientenans. Les examens sont confiés
il y a un simulacre de siége , fait alterna- au jury.
tivement sur les différens fronts de la Chacune de ces écoles est commandée
place. Les troupes des différentes armes par un général de brigade. La police et
qui se trouvent dansla place concourent l'administration sont confiées à un sous
aux travaux pour assister les élèves. Le directeur. Les cours sont faits par des
nombre des élèves est porté à 100, dont officiers du corps d'état -major , d'artil
70 pour l'artillerie et 30 pour le génie. lerie, du génie, du corps des géographes,
L'éco d'app
le lication d'état -major , de l'intendance militaire.
fondée pa r l'ordonnance du 6 mai 1818, On peut dire que ces deux écoles sont
est établie près du dépôt de la guerre , les premières de l'Europe, et qu'elles ont
et est destinée à former des officiers pour beaucoup servi à répandre les lumières
le service spécial de l'état-major. Les élè- dans l'armée française.
ves sont choisis parmi les plus forts de l'é- L'école d'application d'état-major n'est
cole de Saint-Cyr, et ils sont admis après encore qu'à son berceau; elle doit sa créa
avoir reçu le brevet de sous-lieutenant. tion au maréchal Saint-Cyr. La première
Les élèves d'état-major restent deux ans impulsion lui fut donnée par le général
dans l'école, et sont répartis en deux di- | Desprez, mort récemment chef d'état
>

visions. Les cours sont donnés pour les major de l'armée belge. Le choix heureux
connaissances suivantes : la géographie, la des professeurs qui jouissent d'une juste
statistique, la topographie, le dessin, puis célébrité, tant dansl'armée française qu'à
le levé de la carte et les reconnaissances l'étranger, ont éminemment contribuéà
militaires; les élémens d'artillerie, la for- la splendeur de cet établissement.
tification passagère, l'attaque et la défense Mais cequi frappe encore plus les étran
des places; enfin l'art, l'histoire et l'admi- gers , c'est cet esprit et cette tendance na
nistration militaires.Pendant trois mois de tionale vers tous les genres de civilisa
l’année , les élèves sont occupés au dehors tion ; et tandis que touteslesautres armées
à lever des plans et à faire des reconnais- se montrent si jalouses de concentrer en
sances et des itinéraires militaires. Leur elles les lumières qu'elles possèdent , en
nombre est déterminéchaque année d'a- France , on voit un grand nombre d'of
près le besoin du service, il varie de 40 ficiers, venus de presque toutes les con
à 50 . trées de la terre , accueillis et admis dans
Dans les deux écoles également les l'école d'état-major , avec une confiance
>

élèves subissentun examen, àà la fin de la digne d'un peuple éclairé, à partager les
première année, pour entrer dans la deu- | bienfaits des lumières et des sciences. On
xième division ; et ils sont examinés de sait que Bolivar se forma dans les écoles
nouveau sur toutes les parties de l'in-. militaires françaises , et, dernièrement,
struction enseignée à l'école au moment l'école d'application d'état-major a réuni
de la quitter. A près avoir complété le à la fois des Égyptiens , des Américains
>

cours de la deuxième année, les élèves de 1 et des Polonais; il n'y a pas plus de deux
APP ( 112 ) APP
ans que le chef d'état-major général du papier , d'or ou d'argent , ou par des
vice - roi d'Égypte assistait encore aux à-comptes antérieurs. Il signifie donc tou
cours de cette école. J. T - 1. jours un paiement de solde , et souvent
APPLIQUE ,> terme dont on se sert un paiement qui n'aurait pu se consom
pour exprimer des choses que l'on ap mer définitivement en d'autres valeurs
plique sur d'autres, en certains ouvrages . dont les divisions n'eussent pas été assez
Ainsi les orfèvres appellent pièces d'ap- nombreuses et assez minimes pour cor
plique tout ce qui s'assemble par char-
S
respondre parfaitement au reliquat à
verser. C-A .
nières, coulisses , vis , écrous , agrafes,
> >

boucles , clous ou rivures. Dans les ou- APPOINTÉ . On nommait ainsi au


vrages de rapport et de marqueterie, l'ap- trefois des soldats qui touchaient une
plique est l'art avec lequel on enchâsse une paye un peu plus haute que leurs cama
pièce dans une autre. rades. L'appointé ou anspessade faisait
L'applique se dit aussi chez les met- alors le service de caporal, lorsqu'il n'y
teurs en œuvre d'une plaque d'or ou d'ar- en avait pas un nombre suffisant dans la
gent en plein , ou l'on a fait plusieurs compagnie. Cette place était ordinaire
>

trous , autour de chacun desquels on ment donnée au plus ancien grenadier


soude une sertissure qui se rabat sur les ou fusilier; on prétend que ce mot vient
pierres pour les retenir dans ces trous. de la coutume ou l'on était d'appointer
On nommeencore applique une lan- unsoldat , c'est-à-dire de le mettreau rang
terne à un seul bec qui est appliquée au de ceux qui devaient faire la pointe en
mur et qui sert à éclairer un escalier, le Une
dessous d'une porte etc.
quelque assaut ou occasion périlleuse.
ordonnance du 25 mars 1776 con
, D. A. D. ,
APPOGIATURE , mot emprunté à cernant la composition des troupes fran
la langue italienne et qui signifie l'appo- çaises
APPO
, supprima les appointés. D. A. D.
sition d'une note sur une autre , ce qu'ex INTEMENS , expression de
prime fort bien le verbe latin apponere finance qui s'appliquait jadis aux indem
d'où il dérive. L'appogiature n'estqu'une nités, aux gratifications que recevaient
note passagère et de fantaisie : on l'ap- habituellement les gens de mérite et de
pelle ordinairement note de goût ou d'a- talent attachés à des souverains , à des >

grément, et elle ne compte même pas dans princes, ou à des seigneurs, en ce qu'elles
la mesure. Nos pères , qui ne connais- étaient payées et fixées en raison de l'an
saient pas cette expression du nouveau née et souvent accordées par brevet. Dans
langage musical , exprimaient la même cette hypothèse c'étaient de véritables
chose par ces mots petites notes , perlés, pensions de munificence royale ou par
flattés , ports de voix, etc. ticulière. Aujourd'hui ce mot ne signifie
L'effet produit par une note qui s'ap- plus que la rétribution accordée au tra
puie sur une autre est entièrement aban - vail d'un commis d'administration ou de
donné au goût du chanteur ou de l'exé- négociant.C'estun mode de paiement pour
cutant,quine doit pas abuser decemoyen des services temporaires et dont la désigna
professions
auxiliai . re D. A. D. tion varie selon les . On dit
APPOINT , termede banque vulgai- traitement pour les fonctionnaires pu
rement employé pour toute espèce de blics , et aussi vacation pour les magis
remise de fonds ou denature de paiement trats, quand il s'agit de certains actes de
servant à compléter d'une manière exacte présence et de déplacement qui sortent
ce qui reste dů sur une créance quelcon- de leurs devoirs ordinaires; honoraires
que. On dit appoint pour indiquer la pour les médecins , les avocats , les no
somme qu'un négociant tire sur un autre taires; gages pour les domestiques ; sa
à l'effet d'en recevoir ce qui lui revient laires pour les artisans et les journa
en vertu de leur balancede compte; on dit liers. C -A.
encore appoint pour exprimer la quantité APPONY ( le comte RODOLPHE D' )
de monnaie de billon qu'on donne afin est fils d'un comte bongrois très savant ,
de se libérer en totalité d'une dette dont qui était propriétaire d'une bibliothè
le principal a étéacquitté en monnaie de que célèbre et riche en manuscrits et en
APP ( 113 ) APP
très beaux livres qu'il avait rassemblés à M. d'Appony ne paraît jamais dans les
grands frais. La famille d'Appony ou fêtes qu'avec l’habit national hongrois ,
Apponyi , très ancienne dans la Hongrie, et ne porte pas l'uniformediplomatique
tire son nom d'un village du comitat de du cabinet de Vienne.
Neutra ou Nitra , qui lui fut conféré en Sa correspondance passe pour être
1392 , et où elle possède un château. vive , animée , très détaillée, comme on
Le comte Rodolphe,encore très jeune, l’aime en Allemagne ; ses informations
voyageait en Italie où il avait accompagné nettes et précises ont toujours été utiles
un prince d'Allemagne, lorsqu'il connut à son
gouvernement. Sa parole a du poids
à Rome la fille du comte Nogarota de Vé- dans les affaires . La sagacité de l'ambas
sone, général au service de Bavière. Il sadrice, qui est une femme spirituelle
parvint à lui plaire et l'obtint en ma- et pénétrante, a souvent profité aux af
riage. M. d'Appony fut alors envoyé par faires de la mission d'Autriche. S.
l'Autriche comme ministre près d'une APPORT. On dit qu'un avocat a fait
petite cour d'Allemagne , puis il fut l'apport des pièces d'un procès, pour >

nommé ministre à Florence , et enfin , annoncer qu'il les a déposées au greffe ;


malgré son jeune âge , vivement recom- qu'un jugement a ordonné l'apport des
mandé par son zèle , par son attachement pièces, pour exprimer qu'il en a prescrit
au prince deMetternich , par des maniè- la remise au tribunal.
res nobles, et peut-être aussi par les agré- Apport signifie aussi la part de biens ,
mens de sa maison dont la comtesse fai- meubles et immeubles, qu'une femme, en
sait les honneurs avec une grace parfaite, se mariant, a fait entrer dans la commu
il fut nommé ambassadeur d'Autriche à nauté ( voy. ce mot ). Apport se disait
Rome, où il succéda au baron de Lebzel- jadis vulgairement pour indiquer le lieu
tern , qui n'était que ministre. M. d'Ap-
> où l'on faisait transporter les comestibles
pony remplit ces fonctions jusqu'en mai et les denrées qu'on mettait en vente pu
1824; alors, pour lui donner une preuve | blique , un endroit de foire ou de mar
de sa satisfaction des services qu'il avait ché. On connaît l’Apport-Paris situé à
rendus à l'Autriche pendant le conclave l'extrémité septentrionale du pont au
Change.
de 1823 , le prince de Metternich le nom- C-A.
ma ambassadeur à Londres . Tous ses effetsAPPOSITION DE SCELLÉS, voy .
étaient en route pour cette destination SCELLÉS.
quand le prince Paul Esterhazy , nommé APPRÉCIATION, action de recon
pour remplacer à Paris M. de Vincent , naitre ou d'indiquer le prix ou la valeur
demanda avec instance à rester en An- d'une chose. Elle diffère cependant de
gleterre. Lecomte d'Appony, après avoir l'estimation ou de l'évaluation , en ce que
été chargé de complimenter le roi Fran- celles-ci ne se basent que sur des don
çois Ier de Naples sur son avénement nées matérielles, tandis que l'appréciation
au trône du royaume des Deux-Siciles , est en quelque sorte toute morale et in
alla donc à Paris où il est encore am- stinctive. Elle ne porte que sur ce qui n'a
bassadeur. Sa maison n'a cessé d'y être pas de prix intrinsèque : tels sont un ta
un centre de plaisirs et de fêtes dont la bleau , une statue, un manuscrit aulo
magnificence et la splendeur sont con- graphe, qu'un amateur paiera au poids de
nues. C'est à l'occasion d'une de ces fêr | l'or , et dont d'autres personnes ne vou
tes que , dans les premiers temps de son draient à aucun prix. On estine un meu
arrivée , le diplomate autrichien a donné ble , on apprécie un objet d'art ou un
>

de vives préoccupations aux journaux procédé encore nouveau. Pour faire une
en refusant à une dame invitée , femme prisée, il suffit d'avoir un tarif ou un cours
d'un maréchal , le titre du duché rede- à la main ; pour faire une appréciation, il
venu autrichien qu'elle portait du chef faut avoir dans l'ame le sentiment de ce
de son mari . qui est beau et de ce qui est bien. Voy .
M. et Mme d’Appony sont bons musi- ESTIMATION et EXPERT. V. R.
ciens et donnent des concerts fort agréa- APPRENTISSAGE. C'est le nom
bles. Quoique ambassadeur d'Autriche, donné à l'étude pratique d'un art quel
Encyclop. d . G. d . M. Tome II. 8
APP ( 114 ) APP
conque. Ce mot, qui s'applique rarement de clercs de la communauté . Les appren
aux arts libéraux , semble réservé aux tis enchainés par cette institution auxi
professions industrielles. Chacune en ef- | liaire des corporations ( voy. JURANDES
fet exige deux sortes d'études , dont la et MAITRISES ) étaient placés dans une
réunion constitue l'apprentissage , l'une dépendance de leurs maitres qui appro
théorique qui a pourbutla connaissance chait de la servitude.
des matériaux et des instrumens qu'on De nos jours on repousse générale
emploie, l'autre pratique qui consiste à ment tout ce qui porte le cachet du mo
acquérir par l'habitude , l'adresse et l'ha- nopole, du privilege ou de la prohibition,
bileté nécessaires à l'exécution de divers et le contrat entre le maitre et l'apprenti
travaux. ne diffère en aucune façon des autres
L'apprenti apprend en voyant faire et contrats. Les deux parties, également li
en faisantlui-même sous la direction du bres dansleur choix, stipulent dans l'acte
maitre,qu'illui arrive assez souvent desur- par lequel elles se lient, et qui se fait le
passer en habileté. En vain on possède de plus ordinairement sous seing privé ,
grandes connaissances en théorie : il y a
:
telles conditions qu'elles jugentconvena
dans tous les arts certains détails d'exécu- bles. Aucune autorité n'intervient entre
tion , certaines connaissances , certaines elles , si ce n'est en cas de contestation.
proportions qu'ilfaut savoir saisir, et qui On a compris qu'il ne pouvait exister à
sont appelés tours ou coups de maître. ce sujet aucune règle générale , attendu
C'est là ce qui constitue essentiellement que, dans chaque art ou métier, le temps
l'apprentissage, et c'est un préliminaire et le genre des études varient à l'infini et
dont rien ne peut dispenser : car ceux sont subordonnés aux progrès de l'indus
qui l'ont fait sans maitre ne l'ont pas trie qui, par l'introduction des machines,
moins fait, d'une manière plus laborieuse, changent, abrégent, simplifient ou com
mais souvent plus profitable. pliquent les procédés. D'ailleurs, la dif
La perte de temps et d'argent qui ré- ficulté du métier , l'âge et l'aptitude du
sulte pour le maître de la surveillance sujet, sont autant de circonstances qui ,
qu'il est obligé de donner au travail de essentiellement variables , s'opposent à
l'apprenti , et de la détérioration des ma- ce qu'on fixe à l'avance les conditions de
tériaux qu'il luiconfie, exige une légitime l'apprentissage.
compensation : elle se trouve dans une Il serait utile cependant que quelque
certaine somme d'argent payée en une surveillance fût exercée sur les ouvriers
fois ou sous forme de pension , ou bien ou artisans qui ont des apprentis. Ceux
dans l'engagement que contracte l'ap- | ci sont pour la plupart des enfans sur
prenti , de travailler pour le compte de lesquels les mauvais traitemens, les tra>

son maitre gratuitement ou pour un prix vaux supérieurs à leurs forces et les mau
modique, pendant un temps plus ou moins vais exemples , peuvent exercer une fu
long , à partir de l'époque où son travail neste influence. Déjà quelques hommes
commence à représenter une valeur réelle. éclairés et philanthropes ont fondé, dans
Un dédit doit garantir au maitre l'exé- de grands établissemens industriels , des
cution de cette convention : de son côté écoles dans lesquelles les apprentis peu
il s'engage à montrer à l'apprenti son mé vent aequérir en même temps les moyens
tier, sans réserve ni restriction . de gagner leur vie et ceux de la rendre
Il existait en France avant la révolu- honorable et utile. F. R.
tion , et il existe encore dans différens APPRÊTEUR . Ce mot , dans les arts
pays, des réglemens relatifs à l'exercice et métiers , a plusieurs applications qui
des professions industrielles . Ces régle- varient suivant la diversité de l'apprét que
mens fixent å perpétuité et d'unemanière demandent les différentes matières em
uniforme le temps et les conditions de ployées. En général, l'apprêteur est celui
l'apprentissage , le nombre des apprentis, qui applique aux marchandises certaines
les redevances annuelles, et les taxes sou- compositions ou qui leur fait subir cer
vent abusives connues sous le nom de taines préparations , ayant pour butde leur
hiervenues , de cire , de gardes jurés, donner de l'éclatet dela consistance. Ainsi
2
APP ( 115 ) APP
en termes de chapellerie, l'apprêteur est roule
attachée par des épingles et que l'on en
l'ouvrier qui , à l'aide de lie , d'eau gom à l'aide d'une manivelle.
mée, etc., donne aux chapeaux du lustre Mousselines. On les imprégne d'eau
et du corps. Les vitriers nomment ainsi amidonnée , on les presse , on les frappe
celui qui met la première couche sur le avec les mains sur des tables de marbre,
verre qu'on va peindre; mais l'ouvrier puis on les étend entre deux rouleaux
qui préside aux apprêts des étoffes est dont chacun saisit une de leurs extrémités.
plus spécialement appelé de ce nom , et Entre les rouleaux , la mousseline est as
son travail mérite une description parti- sujétie à des pince - lişières ou boites en
culière, sapin , ayant pardevant des ouvertures
L'art de l'apprêteur varie suivant la ou máchoires qui saisissent la lisière de
nature de l'étoffe sur laquelle il s'exerce, l'étoffe.
Étoffes de lin ou de chanvre. Dès Draps. Cet apprêt , le plus important
qu'elles sont blanchies , on les passe au de tous , a un double but : celui de lus
bleu pour leur faire perdre leur couleur trer et d'amincir l'étoffe. Les moyens
roussâtre, on les fait sécher,, puis on les qu'on emploie pour y parvenir sont la
plie et on les serre. Au moment de l'ex - pression, combinée ou non avec l'action
pédition , on leur donne un apprêt qui de la chaleur. Les draps sont pressés avec
consiste en un mélange d'amidon et d'a- des cartons et des plaques de tôle échauf
zur ; on les déplisse et les étend à l'aide fées, ou avec des cartons seulement , ou
d'un corroi, machine supportant des rou . sans cartons ni plaques. La première opé
leaux de bois sur lesquels s'enroule et se ration , appelée cati à chaud, donne à
déroule l'étoffe en passant entre des barres | l'étoffe un lustre éclatant, mais elle lui
de bois ou de fer, alternativement dessus donne en même temps de la rudesse ,
et dessous, demanière à ce que la résis- rend apparentes les taches d'eau et ca
tance et les frottemens qu'elle éprouve che les défauts du drap. La seconde qui
en fassent disparaître tous les plis. Il ne prend le nom de cati à froid a des résul-.
reste plus qu'à la presser , au besoin la tats bien plus satisfaisans et qui compen
calandrer (voy .), et elle est en état d'être sent bien en durée et en solidité ce qu'ils
expédiée. ont de moins en brillant; aussi les consom
Étoffes légères etàjour. L'apprêt des mateurs devraient - ils le préférer; mais
linons , batistes , gazes , marlis , tulles et il n'en est pas ainsi. Séduits le plus sou
dentelles exige plus de précautions, at- vent par un lustre passager , ils obligent
tendu la délicatesse de ces étoffes. Il est le manufacturier de travailler pour sam
surtout difficile de faire disparaitre, sans tisfaire leur goût plutôt que pourmériter
les endommager , le duvet qui les hérisse, leur confiance. Quoi qu'il en soit, le catià
On y parvient en le grillant àà l'aide de chaud n'est point applicable aux couleurs
lampes à l'huile ou àà l'esprit de vin , et claires , telles que l'écarlate, le rose , etc.,
mieux encore au gaz hydrogène qui ne qu'il altérerait infailliblement.
leur donne pas de teinte noire. Le drap noir n'est susceptible d'aucune
Cotonnades. On mouille l'étoffe avec espèce de cati : une nuance mate et solide
de l'eau simple ou amidonnée , puis on la est ce qu'il lui faut; sans quoi on le ver
fait passer entre deux cylindres chauffés. rait grisailler. Il suffit de le presser for
En Angleterre on emploie avec avantage tement pendant 24 heures au moins.
des cylindres creux en fer -blanc, dans Étoffes de laine rases. L'apprêteur
lesquels on introduit dela vapeur. doit : 1 ° les griller pour enlever le poil
Percales,> basins, calicots. L'apprê- qui hérisse leur surface; cette opération
teur les fait passer entre un premier cy- s'effectue par le moyen d'un fourneau sur
lindre métallique sur lequel il les déve- monté d'une plaque sur laquelle passe
loppe de manière à ce qu'ils ne forment l'étoffe avec une rapidité toujours égale ,
aucun pli;2 il les fait ensuite descendre ou bien avec de l'esprit de vin qu'on fait
sous un second cylindre également mé- brûler au -dessous d'un cylindre ; 2° les
tallique, puis remonter sur un rouleau dégraisser à l'aide de moulins garnis de
de décharge qui reçoit la tête de l'étoffe pilons légers,, on met dans les piles de
APP ( 116 ) APP
l'urine , du savon ou simplement du son; suffisent pour attirer les animaux et fa
lorsque l'étoffe doit passer dans la tein- çonner leur naturel sauvage et cruel ? Bac
ture, on procède d'abord au dégraissage, chus, ce héros fabuleux de l'antiquité, est
puis au grillage; 30 teindre et blanchir ; représenté sur un char attelé de léopards
40 corroyer , opération déjà décrite ; et de tigres, parce qu'il réussit sans doute
5° débouillir dans une chaudière ou pas à dompter ces animaux , dont la férocité
ser à l'eau froide quand l'étoffe est d'une sans égale résistait à toutes les épreuves.
couleur éclatante. Si l'on veut lui donner Chez les Romains l'art d'apprivoiser
de la fermeté, du lustre et de la douceur , les bêtes féroces était devenu un moyen
il convient de la presser commeles draps. d'existence , et les jeux du cirque enfan
La perfection de ce pressage dépend de taient des prodiges. Sans parler du lion
la bonne qualité des cartons qu'on y em- d'Androclès qui ne dépouilla sa cruauté
ploie ; et c'est la supériorité des cartons que pour la sacrifier à sa reconnaissance,
anglais qui fait rechercher les tissus Pline rapporte que les empereurs don
glacés et brillans des manufacturiers de nèrent à plusieurs reprises des spectacles
ce pays. La chaleur des plaques doit être bien dignes d'exciter la surprise et dans
administrée avec précaution , et l'apprêc lesquels on montraitdes éléphans dressés
teur la corrige au besoin des
par asper- à danser sur la corde. Héliogabale vou
sions d'eau froide. R-Y . lant , dans une fête, paraître avec tous les
APPRISE. C'était anciennement l'or- attribus de Bacchus, essaya de dompter
donnance d'unjuge supérieur par laquelle des tigres que l'on devait atteler à son
il prescrivait à son inférieur la forme char.
d'une sentence à prononcer . V. Mais sans remonter si haut pour cher
APPRIVOISEMENT. C'est l'action cher des exemples dont la nomenclature
par laquelle l'homme change l'état natu- serait fastidieuse , n'avons -nous pas vu
rel des animaux pour les rendre plus de nos jours les frères Franconi devenus
doux ou moins sauvages , et les forcer à célèbres par leur talent à apprivoiser les
lui obéir, soit pour son utilité, soit seule- animaux ; n'avons-nous pas admiré tour
ment pour son plaisir. à tour dans leur cirque, des chevaux par
L'empire de l'homme sur les animaux faitement dressés aux jeux de la scène ,
vient de la supériorité de sa nature. N'a- un cerf, un ours , des éléphans supérieu
t-il pasde plus qu'eux la pensée qui l'aide rement privés, et partageant avec les che
à diriger ses actions, et lui sert à vaincre vaux les applaudissemens des spectateurs?
une force plus grande encore par l'esprit Ne voit -on pas chaque jour encore des
et la raison ? Dans l'état sauvage il était oiseaux dressés à divers exercices , et des
incapable de leur commander , et son chiens auxquels on avait appris à lire et
instinct le portait, ainsi que les animaux à écrire, à compter , à jouer aux cartes
eux-mêmes, à chercher sa subsistance en et aux dominos, etc. ?
attaquant les faibles, à pourvoir à sa sû-
reté en évitant les forts; mais à mesure
letd'animaux
a connaitféroces
On divers exemples modernes
apprivoisés au point
que les peuples se formèrent en société de courir dans les maisons et de jouer
et se policèrent , on vit les animaux avec les enfans. On cite des loups , des
les plus doux peu àà peu réduits en es- hyènes, des panthères, des lions, des ti
clavage. gres ainsi devenus familiers; mais on
On trouve parmi les animaux les plus n'avait jamais rien vu de plus remarqua
féroces des exemples d'apprivoisement ble en ce genre que ce que présente la
qui prouvent que si , dans le principe, ménagerie de M. Martin dont le courage
les hommes eussent pu se réunir et se et l'adresse ont étonné tout Paris. Son
communiquer leurs lumières et leurs ob- lion docile et complaisant, obéissant au
servations, ils auraient fini par subjuguer moindre signe, et sa hyène , qui semble
la plupart de ces monstres dont souvent toujours prête à le dévorer, arrêtée tout
ils devenaient la proie . d'un coup par un mot , par un regard ,
La fable d'Orphée ne semble - t - elle c'est l'art de l'apprivoisement porté au ..
pas indiquer que la douceur et l'adresse plus haut degré. Expliquer par quels
APP ( 117 ) APP
moyens un homme peut parvenir à rem- une population affamée par les calamités
porter une pareille victoire sur des ani- . de la guerreou de lanature .Aussi l'histoire
maux dont la cruauté passe pour être in- fait l'éloge des princes qui n'avaient pas
domptable, c'est ce qui n'est pas en notre eu besoin de faire le rêve du roi d'Égypte,
pouvoir. Le secret en appartientaumaître, ni d'appeler un nécromancien dansleurs
et nous doutons fort , malgré l'opinion conseils, pour songer qu'une année fé
générale , qu'il soit parvenu uniquement conde peut être suivie d'une année sté
à apprivoiser ses élèves en les affamant; rile , et que l'excédant de l'une doit ser
car il est prouvé, d'après l'assertion de vir à suppléer au déficit de l'autre. Mais
plusieurs naturalistes , que la faim ne fait l'état actuel de notre civilisation ayant
chez eux que doubler leur férocité natu- établi entre les nations même très éloi
relle. C'est au contraire en leur fournis- gnées les unes des autres, des rapports si
. sant une nourriture très abondante qu'un multipliés , si intimes que les guerres les
nommé John Austin , à Londres, est par- plus acharnées ne peuvent les interrom
venu à faire vivre en paix dans la même pre entièrement, on a pu supprimer peu
cage, des animaux qui ordinairement se à peu ces grands dépôts de céréales que
dévorent les uns les autres , savoir :: des
> la dépense de leur entretien et l'infidélité
chats, des oiseaux, des souris, etc., etc. de leurs dépositaires rendaient toujours
Quantaux animauxnaturellement plus très onéreux pour les gouvernemens. Au
doux , on s'en rend maître par adresse, jourd'hui ils ne sont plus d'aucune né
puis par la faim , par les coups,souvent par cessité dans les états maritimes ; car il
la privation de sommeil; souvent aussi leur en coûte bien moins pour, au be
des caresses habilementménagées réus- soin , faire venir de l'étranger des car
sissent à les plier à tout ce qu'on désire gaisons de grains transportés par des bâ
d'eux. Les descendans de ces premiers timens neutres , quede conserver, sou
animaux sont plus éducables qu'eux, sans vent sans nécessité, des amas de denrées
doute parce qu'ils sont dès leur naissance qui se détériorent progressivement. Dans
sous l'empire de l'homme , et qu'il ne les contrées de l'intérieur, on a dû y re
s'opère aucun changement dans leur noncer plus tard . Voy, les articles GRE
manière d'être. C'est par quelques géné- NIER D'ABONDANCE , SUBSISTANCES , MA
rations successives qu'ils sont amenés à GASINS , Silos. C- A.
l'état de domesticité . D. A. D. APPROVISIONNEMENS MILI
APPROVISIONNEMENT , acte de TAIRES. Ils se composent de vivres et
faire provision ou réserve d'objets de con- de vêtemens, d'armes et de munitions ,
sommation, et principalement de comes- de machines et d'outils pour les travaux
tibles. Ce mot indique une mesure de de défense oude siége. Ils ontvarié, comme
prudence toujours fortement recomman- les approvisionnemens civils , en raison
dée en économie politique et domestique, des progrès de la civilisation et du per
dont l'application générale peut servir à fectionnement de la tactique. Chez la plu
prouver qu'il existe un esprit d'ordre part des peuples anciens, où les brusques
et de sagesse dansl'administration des invasions des conquérans fournissaient
affair de la famil et de la socié
es le Le aux comba des théat
té. ts si vaste et des
res s
besoin en est plus ou moins senti selon troupes si nombreuses , ileût été difficile
que le commerce a resserré ou étendu ses de faire suivre une armée d'invasion par
relations ; car il acquiert quelquefois une une quantité de vivres suffisante :: il fal
latitude qui finit par mettre une partie lait s'arranger pour subsister en pays en
des nations en communauté de biens. nemi ; ce qui devenait souvent très dan
Chez des peuples circonscrits par leur gereux et avait fait adopter à plusieurs
territoire , isolés par leurs moeurs , des nations la coutume que suivent encore
approvisionnemens publics étaientindis - les mahometans , de ravager, après une
pensables . Il fallait qu'en cas de disette, défaite, tout le territoire abandonné au
si le pays était agricole,ou en cas deblo- vainqueur, afin d'interrompre sa marche
cus, s'il n'était que commerçant, des gre- en lui opposant la famine. L'usage de se
niers d'abondance pussent être ouverts à pourvoir de magasins militaires était de
APP ( 118 ) APR
venu général en Europe, et une armée passablement exacts, on observe d'abord
ne débordait point ses frontières, sans le mieux possible, puis on répète l'ob
avoir ses vivres en réserve. Mais pen- servation , soit par les mêmes moyens ,
dant les longues guerres de la révolution soit en suivant de nouveaux procédes, et
il fallut recourir aux réquisitions ; né l'on prend une valeur moyenne, en ajou
pouvant plus les exercer à l'intérieur, Na- tant tous les résultats entre eux et en di
poléon les fit peser sur l'étranger. Ce fut visant par leur nombre. S -Y .
là son principal moyen d'administration APPUI. On nomme ainsi tout ce qui
pour alléger à la France le poids énorme n'est élevé qu'autant qu'il faut pour se
de son état militaire. Il en résulta qu'il pouvoir appuyer dessus. Les balustrades
opprima, qu'il ruina les habitans des pays ou pièces de fer , de bois ou de pierre ,
envahis, et il subit bientôt tous les incon- qui sontle long des rampes, des escaliers
véniens attachésàcettegloireaventu- etdes fenêtres, sont des apprisou plutôt
reusé , qui ne sème dans sa course que à hauteur d'appui.
les désastres et les haines. C-A. En mécanique, le pointd'appui est ce
APPROXIMATION , valeur plus ou lui sur lequel le levier est appuyé. Voy .
moins éloignée d'une valeur exacte. Il est , MÉCANIQUE, LEVIER, BALANCE. D. A. D.
en mathématiques , des quantités qu'on APPULSE , mot par lequel on dési
peut exprimer rigoureusement , et que gne le passage de la lune près d'une étoile .
néanmoins on prend d'une manière ap- | Voy. OCCULTATION .
proximative, pour s'épargner le temps APPUREMENT DE COMPTE .
et la peine qu'exigerait la recherche ou C'est, suivant qu'il a été arrêté entre les
l'einploi d'une expression trop compli- parties , en justice , par arbitre ou de
quée ; mais il en est d'autres qu'on ne gré à gré , le jugement , la transaction ou
peut obtenir avec précision, soit par igno- le réglement qui en a définitivement fixé
rance du procédé qui pourrait y con- le montant, après en avoir vérifié et ap
duire , soit par l'impossibilité effective et prouvé tous les articles de dépense et de
démontrée d'y arriver jamais. Cest ainsi recette. En France, la Cour des comptes,
que l'on ne peut point exprimer la frac- l'une des plus belles institutions en ce
tion ordinaire en fraction décimale, genre, contrôle la gestion de tous les
et qu'on ne pourra pas davantage décom - agens comptables du gouvernement >

poser , en deux facteurs égaux, tout nom- pour lesquels elle devient ainsi un tribu
bré qui n'est pas un carré parfait, ete. pal de révision , leur reddition de comp
Souvent les géomètres sont arrêtés par tes ayant dû être examinée d'abord par
des difficultés qui tiennent à la nature leurs chefs immédiats , au moment de la
même des choses ou qui sont le résultat cessation de leurs fonctions ou de la clô
de l’imperfection de nos méthodes. Alors ture des exercices. La main-levée de leur
ils sontobligés d'arriver aurésultatqu'ils cautionnementn'a généralementlieu qu'a
poursuivent, soit en négligeant certaines près cet appurement définitif. On ditd'un
quantités, très petites par rapport à d'au comptable en possession de son ordon
tres dont ils tiennent seulement compte , nance de décharge, qu'il a reçu son qui
soit en développant leur expression en tus , mot qu'on a francisé en le tirant de
quie
la formule latine abindè recessit C-A
une série dont les termes vont en dimi- tus . .
nuant de telle manière que la somme des
premiers l'emporte de beaucoup sur la APRAXINE, famille noble et ancienne
somme de tous les autres jusqu'à l'infini. de Russie.
En ne conservant que le premier terme, Son illustration date de FOEDOR MAT
on a la première approximation ; la se- VÉTEVITCH comte Apraxine , chef du
conde, si l'on n'a égard qu'aux deux pre- collége de l'amirauté, et amiral généralde
miers termes, et ainsi de suite. Russie >, l'un des sénateurs de l'empire de
En physique, il est évident que toutes la première nomination , l'un des pre
les mesures ne sont qu'approximatives, miers chevaliers de Saint-André ; depuis
vu l'imperfection de nos organes et de 1700, l'un des principaux collaborateurs
nos machines. Pour avoir des résultats de Pierre -le-Grand , dans l'accomplisse
APR ( 119 ) APR
ment de ses vastes projets, surtout dans une perte de3,000 hommes , ces derniers
la création d'une marine. se retirèrent à Wehlau .Les Russes , profi
Né en 1671 , il fut élevé , en 1710, à tantdeleur victoire,auraient dù les pour
la dignité de comte de l'empire russe et suivre: à Saint-Pétersbourg, on s'attendait
de conseiller privé actuel,en récompense d'un instant à l'autre à la nouvelle de
des grands services qu'il avait rendus à leur entrée à Konigsberg; mais averti
son souverain , dans la nouvelle organi- par Bestoujef qu'Élisabeth était malade ,
sation de la Russie , de la sagesse de ses
>
et connaissant l'admiration du successeur
mesures administratives , et de ses succès présomptif pour Frédéric II , Apraxine
contre les Suédois , en Ingrie et en Es- craignit de se mal recommander à ce der
av
nier en poussant plus loin ses avantages.
thonie. Il mourut le 10 novembre 1728 .
Son frère , PIERRE MATVÉTEVITCH Il s'arrêta dans son camp , et évacua la
A praxine , servit aussi dans les armées Prusse en septembre , pour prendre des
russes sous Pierre le-Grand , et parvint quartiersd'hiver en Courlande. Mais Éli
au grade de lieutenant - général. Après sabeth , dont on attendait la mort , se ré
-

>

avoir pris part à la guerre de Suède , il tablit, et irritée de la conduited'Apraxine


fut envoyé , en 1703 , contre les rebelles et de Bestoujef, elle leur fit faire leur
du Volga , et concentra si bien ses me- procès. Le feld -maréchal fut rappelé et
sures qu'en très peu de temps il reprit tenu en prison à Narva : le conseil de
Astrakhan, et saisit les chefs de la révolte guerre ne trouva pas de motif suffisant
qu'il envoya à Moscou où ils furent exé- pour prononcer contre lui la peine capi
cutés. Pierre Apraxine mourut à Saint- tale ,mais il mourut avant que son sort
Pétersbourg , en 1720. fût décidé. La Biographie universelle
Le comté ÉTIENNE FOEDOROVITCH prétend qu’on ignore l'époque de sa
Apraxine , feld -maréchal,futun petit- fils mort: elle arriva le 26 août 1760.J.H.S.
du grand -amiral. Dans la guerre contre APRE, voy. SAVEUR.
les Turcs, qu'il fit sous les ordres du feld- APRIĖS ( UAPHRIS, OUAFRI ), le
maréchal Munnich (voy .), il avança suc Pharaon Ophra de la Bible , 4e roi de
cessivement jusqu'au grade de général. la 26€ dynastie égyptienne , fils et suc
Unid'intentions et d'efforts au vice-chan- cesseur de Psammis , monta sur le trône
celier Bestoujef -Riumine (voy.), ill'aida, en 595 , et reprit les projets de ses an
en 1748 , à renverser le comte L'Estocq cêtres sur la Phénicie et la Syrie. Le roi
(voy.) auquel Élisabeth devait en grande de Tyr fut défait par ses généraux à la
partie son élevation au trône , et fit en- bataille navale de Sidon. La fortune se
suite partager à cette impératrice irré- | plut encore à le faire marcher de succès
solue son inimitié et celle de Bestoujef en succès pendant plusieurs années. En
contre Frédéric II. Élisabeth prit alors fin un échec qu'éprouvèrent ses troupes
parti contre la Prusse dans la guerre de en Libye devint pour lui le signal des
sept ans ( voy. Sept ans ) , et le comte désastres qui l'attendaient. Les Égyptiens
Apraxine reçut le commandement d'une se révoltèrent, et proclamèrent à sa place
armée de 97,000 hommes, avec laquelle Amasis; les mercenaires lui restèrent seuls
il traversa, en 1757 , le territoire de la fidèles. La bataille de Momemfis , près du
Courlande et entra en Prusse. Memel se lac de Maréia , décida en faveur d'Ama
rendit à lui , par capitulation , le 5 août sis , et Apriès prisonnier périt étranglé ,
de la même année. Dans l'espoir de ti- l'an 570. VAL: P.
rer partie de l'extrême indiscipline des A PRIORI ET A POSTERIORI.
soldats russes, et trompé sur leur nombre A priori, à posteriori, à pari, à for
par de faux rapports , le feld - maréchal tiori, etc. , formes d'argumens ou de
prussien Lehwald l'attaqua avec des for- démonstrations usitées en logique. On
ces inférieures à Gross- Jægerndorf, le 30 nomme à priori une espèce de raisonne
août suivant. Secondé par son artillerie et ment dans lequel on va de la cause à
par le général Roumantsof(voy.), Apra- l'effet, de la nature d'une chose à ses
xine repoussa l'attaque et remporta sur propriétés. ( Ex. : Le cercle est une ligne
les Prussiens unevictoirecomplète : après courbe dont tous les points sont égale
APS ( 120 ) APU
ment éloignés du centre : donc tous les classification de Linnée, forment le der
rayons sont égaux ). Des idées à priori nier ordre de la classe des insectes , et se
sont celles que la raison perçoit par elle partagent en trois sections , établies d'a
même , sans l'intervention des objets du près le nombre des pieds et la manière
dehors. On nomme à posteriori le rai- dont la tête s'articule avec le corselet.
sonnement par lequel on va de l'effet à la Cette classe se trouve diversement pla
cause , des propriétés d'une chose à son cée ,> et se compose de groupes différens
essence. (Ex. : Les êtres animés jouissent chez les naturalistes modernes . F.JUSR.
de tous les moyens d'être heureux : donc APULÉE ( A. LUCIUS APPULE ) ,
leur auteur est souverainement bon ) ; et né à Madaure en Afrique , vers l'an 120
idées à posteriori celles qui nous sont de J.-C. , d'une famille assez distinguée.
fournies par l'expérience ou par des ob- Il étudia à Carthage , puis se familiarisa ,
jets qui tombent sous les sens. Un rai- dans Athènes, avec la littérature grecque ,
sonnement à pari est celui par lequel on principaleement avec la philosophie pla
conclut du semblable au semblable ( tel tonicienn , et enfin il se rendit à Rome ,
remède a guéri telle maladie :: donc il la où il apprit en très peu de temps la lan
guérira encore ); à fortiori , un raison- gue latine. Il entreprit ensuite de longs
nement dans lequel on conclut du plus voyages, pendant lesquels il se fit initier
au moins (cet homme sait l'algèbre : donc à divers mystères ; et après un nouveau
:

il saitl'arithmétique ); à contrario , celui séjour à Rome, où il étudia la jurispru


où il est conclu du contraire au contraire dence , il retourna dans sa patrie , épousa
( l'oisiveté engendre tous les vices :: donc une riche veuve , et vécut très considéré.
le travail doit les prévenir ). Y. Apulée était rempli d'esprit et d'imagi
APSIDE ( architecture ), voy . AB- nation ; mais une tendance singulière
SIDE. vers la théologie , le mysticisme et la
APSIDES ( astronomie ). Ce sont , magie empêcha ces brillantes facultés de
dans l’ellipse décrite par une planète, les se développer complètement. Son Ane
deux points où celle-ci se trouve à la d'or, roman en onze livres , ne manque
ni de verve ,
plus petite et à la plus grande distance ni de grace , ni de variété ;
du soleil ; c'est, pour un satellite ,> la réu- mais il s'en faut de beaucoup que ce soit
nion de ses deux distances extrêmes à la un modèle , même dans le genre du ro
planète autour de laquelle il tourne. La man : Herder a vu dans l'épisode de l'A
ligne droite qui joint ces deux points est mour et de Psyché le roman le plus dé
la ligne des absides (voy. APAÉLIE ET licat et le plus varié qu'on ait jamais ima
APOGÉE ) S - y. giné. Outre l’Ane d'or,Apulée composa
APT (ANTIQUITÉS D'). La ville d'Apt , beaucoup d'ouvrages philosophiques et
sous les Romains Apta Julia , est si- oratoires dont plusieurs nous sont restés ;
tuée dans le département de Vaucluse en ce sont : deux livres de Discours , quatre
France , dans une longue vallée , sur la de mélanges intitulés Florida , untraité
rive gauche du Calavon. Les coteaux de sur le Dieu de Socrate , une traduction
la vallée sont cultivés en vignes et en oli- latine du livre du Monde attribué à aris
viers. Les Romains avaient pourvu la tote , et quelques autres. Son style n'est
ville de plusieurs constructions utiles , pas pur : il se plaît à accumuler les épi
>

telles qu'un aquéduc dont il reste des dé- thètes, les alliances de mots insolites ; et
bris. On remarque aussi les cryptes de les archaïsmes semblent être l'objet de
l'ancienne cathédrale. Apt , ville assez sa prédilection : il tombe quelquefoisdans
bien bâtie , a des filatures de coton , des l'afféterie et dans l'enflure.
fabriques de bonneterie , de lainages , de Casaubon , Elmenhorst , Oudendorp ,
>

bougies , etc. D -G. Ruhnken et Boscha (ces derniers,Leyde,


APTÈRES, de Tetepov, aile ; avec l'a 1786-1823 , 3 vol.), ont donné des édi
privatif, sans ailes. On désigne par ce tions des ceuvres complètes d'Apulée. La
nom des animaux sans vertèbres , ayant Métamorphose, ou l'Ane d'or (dont,au
le corps et les pieds articulés, sans ailes reste, l'épithète aureus aa été ajoutée plus
proprement dites. Les aptères , dans la tard pour indiquer le mérite du livre ) ,
APU ( 121 ) AQU
a été publiée à part, Leyde, 1786, in -4 °, l'eau légèrement gommée qui leur donne
cum not. var. Il en a paru un grand nom- la consistance convenable ; le peintre
bre de traductions françaises plus ou peut les apprêter lui-même soit en dé
moins médiocres ; la dernière est celle de layant , avec de l'eau gommée ou un peu
Bastien ; Paris,1787,2 vol. in - 8 °. C. L.m. gélatineuse, les matières colorantes fine
APULIE , portion de l'ancienne Ia- ment pulvérisées; soit en exprimant le suc
pygie , ainsi nommée , dit- on , d'Iapyx, des fleurs, des feuilles et autres substances
fils de Dédale, était la partie sud - est de végétales. Le plus souvent, au lieu de s'oc
l'Italie qui s'étendait jusqu'au promon- cuper d'un travail qui ne lui offre aucun
toire de Leuca. Elle était habitée dans avantage, pas même celui de l'économie ,
les temps très anciens par trois peuples il a recours à ces petites tablettes de cou
différens : les Messapiens ou Salentins , leurs préparées, pour cet usage,parles fa
les Peucétiens et les Dauniens ou Apu- bricans, et qui, étant solubles dans l'eau,
liens ( voir Niebuhr , Histoire romaine, s'emploient comme l'encre de la Chine.
et Wachsmuth, Hist. de l’Emp. romain ). Les pinceaux dont on se sert pour ce tra
Les Peucétiens habitaient au sud jusqu'à vail sont faits de poil de blaireau. On
l'Aufide ; les Dauniens au nord jusqu'au peint aussi à l'aquarelle sur le bois,après
Gargane. Les anciennes traditions latines l'avoir passé à l'eau amidonnée et alumi
parlaient d'un Daunus , roi des Apu- neuse.
liens, qui , chassé de l'Illyrie, s'établit
"
Par la nature des procédés qu'elle em
dans cette partie de l'Italie, et près du- ploie la peinture à l'aquarelle n'est pas
quel on faisait venir, tout aussi gratuite applicable à des ouvrages d'une grande
ment , l'Étolien Diomède. Celui-ci eut à dimension et de longue haleine. Elle a ,
soutenir une guerre contre les Messa- d'ailleurs, cela de particulier que, comme
piens ; il fut appuyé par Daunus ; mais on ne peut guère retoucher , il est diffi
ensuite cet allié infidèle lui enleva les cile qu'elle produise jamais rien de re
fruits de la victoire et le tua. L'histoire marquable par la vigueur des tons; aussi
romaine ne nomme plus d'autres rois est- elle principalement réservée aux ta
d’Apulie et ne mentionne que quelques bleaux de genre et surtout aux fleurs où
villes, Arpia, Luceri et Canusium, comme elle produit de charmans effets . Les per
étant de quelque importance. Horace , sonnes qui cultivent la peinture comme
qui était né à Vénusie , dans cette con- objet de fantaisie préfèrent ordinaire
trée, a rendu célèbre l’Aufide (Ofanto ) , ment l'aquarelle, qui n'entraine après
rivière d’Apulie. L'Apulie fut long-temps elle , comme la peinture à l'huile, ni
le théâtre de la seconde guerre punique. mauvaise odeur ni malpropreté. F. R.
C'est dans cette contrée que se trouvait Une des productions les plus remar
Cannes ( voy .), tristement fameuse parquables de notre temps dans ce genre ,
>

la défaite des Romains. Le nom actuel de c'est la collection des 40 dessins originaux
l'Apulie est Apuglia ou Puglia, en fran- du Voyage pittoresque de Constantino
çais La Pouille .:: elle est une division du ple et des rives du Bosphore , exécutés
royaume des Deux-Siciles, laquelle com- à l'aquarelle par feu M. Melling. Cette
prend les provinces de Melise, Capita- précieuse collection qui offre dans une
nata , Terra di Bari et Terra di Otranto , suite systématique de tableaux d'une
avec leurs chefs-lieux >, Tarente , Otrante grande dimension et d'une fidélité admi
et Brindes. Ce pays, aujourd'hui dépeu- rable , des vues de la capitale de l'em
plé , n'offre plus que quelques débris de pire othoman et de ses magnifiques en
son ancienne splendeur. C. L. virons depuis Ténédos jusqu'à la Mer
AQUARELLE, en italien acquarella, Noire, a figuré il y a quelques années à
deacqua ,eau; littéralement, peinture à Paris à l'exposition des objets d'art du
l'eau. Un tableau à l'aquarelle est une Louvre, et a fixé à un haut degré l'atten
peinture sur papier , sur carton , ou sur tion des artistes et des amateurs. Elle est
ivoire , pour laquelle on a employé des encore en la possession de MM. Treuitel
couleurs délayées dans l'eau. Ces cou- et Würtz. S.
leurs se préparent ordinairement avec de AQUA TINTA , voy. ACQUA.
AQU ( 122 ) AQU
AQUATIQUE , qui croit, se nourrit tiges longues et souples auxquelles elles
dans l'eau ou en est rempli. Cet adjectif sont attachées. Celles de la valisniera sont
se joint ordinairement aux mots : terre ,
encore plus artistement disposées : elles
animal, plante. Dans les deux premiers croissent dans le Rhône et seraient expo
cas , les adjectifs marécageux , amphi- sées à être inondées par les crues subites
bie , sont plus techniques et nous y ren- de ce fleuve , si la nature ne leur avait
voyons le lecteur. Mais comme la quali- donné des tiges en forme de tire-bou
fication d'amphibie ne s'applique pas pro- |- chon , qui s'allongent tout à coup de 3 à
prément aux oiseaux, tels que les canards, 4 pieds. Enfin , les graines des plantes
pélicans, etc. , qui ne font que vivre sur aquatiques sont toutes construites de la
la surface de l'eau , le mot aquatique manière la plus propre à voguer. Il y en
leur convient mieux ( voy. PALMIPÈ- a de façonnées en coquilles, d'autres en
DES ) ; mais il appartient plus spéciale- bateaux , en bacs , en pirogues simples
ment aux plantes. Bernardin de Saint- ou doubles , etc.; celle du fenouil, entre
Pierre , dans ses Études de la nature, a autres , est un véritable canot en minia
présenté, sur les plantes aquatiques, des ture , creusé en cale avec deux proues re
observations extrêmement curieuses et levées. Ces moyens de natation , quoique
que nous ne pouvons mieux faire que de très variés, sont communs dans tous les
répéter. « Ces plantes , dit-il >, ont , dans climats aux graines des plantes aquati
leurs feuilles, dans le port de leurs bran- ques. » R - Y.
ches et surtout dans la configuration de AQUA TOPHANA , voy . TOFANA.
leurs semences , des dispositions tout-à- AQUÉDUC , du latin aquæ ductus ,
fait différentes de celles qu'on remarque conduite d'eau. Les aquéducs , considé
>

dans les végétaux qui naissent dans les rés d'unemanière générale , sont des cons
lieux secs. Comme elles n'ont pas besoin tructions destinées à conduire l'eau d'un
de recevoir du ciel l'eau dans laquelle lieu à un autre : ainsi des canaux qui ser
baignent leurs pieds , plus de tiges creu- vent à la navigation peuvent être aussi
sées en aquéduc, plus de feuilles arron- destinés à fournir de l'eau sur leur pas
dies en gouttières >,mais des formes effi- sage, et servir ainsi d'aquéducs; il en est
lées en lames de poignard , comme le de même des conduits souterrains, au
glayeul , renflées dans le milieu en lames moyen desquels on distribue l'eau d'un
d'épées, comme le roseau appelé typha. réservoir dans les diverses parties d'une
>

Par exemple,le jonc des montagnes, qui , ville. Cependant , le nom d'aquéduc est
au premier coup d'ail, paraît semblable spécialement réservé à des espèces de
à celui des marais, est creusé en échoppe ponts , formés d'arcades plus ou moins
dans toute sa longueur , tandis que le nombreuses et élevées, dont on voit même
dernier est rond et plein. L'aloës de ro- plusieurs rangées superposées , et sur le
cher a ses feuilles également creusées en sommet desquelles est une rigole où coule
échoppe, l’aloës d'eau les a pleines. Même une eau qui se transporte d'un lieu à un
différence dans les fougères de montagnes autre à travers des terrains inégaux , ni
et celles de marais. Si les feuilles des velés aussi par la main de l'homme. On å
plantes montagnardes sont agencées de vu des aquéducs former devéritables ponts
la manière la plus propre à rassembler à sur des rivières et servir ainsi à un double
leurs racinesles eaux du ciel qu'elles n'ont usage:
pas à discrétion , celles des plantes aqua- Dès l'antiquité la plusreculée il y eut
tiques sont disposéessouvent pour les en des aquéducs remarquables par la har
écarter ; les feuilles des arbres de rivage, diesse et la solidité de leur construction;
tels que bouleaux , trembles, peupliers , tels furent ceux de Sesostris, en Égypte,
>

sont attachées à des queues longues et de Sémiramis , à Babylone , de Salomon


pendantes. Les fleurs aquatiques présen- et d’Hiskia , dans le pays d'Israël , dont
tent les mêmes phénomènes. Les roses les historiens nous ont conservé les éton
jaunes des nymphæas flottent sur les lacs nantes descriptions . Inconnus aux Grecs
et se prêtent aux divers mouvemens des ( Strab. V. p . 360), ils ont peut- être été
vagues sans être mouillées, au moyen des construitsd'abord en Europepar lesÉtrus
>
AQU ( 123 ) AQU
ques; mais les ouvrages les plus impor- que nous ne le connaissions que sous le
tans en ce genre sont ceux que les Ro- nom de sa patrie ,> il parait qu'il n'était
mains ont exécutés , soit à Rome même, point né de parens obscurs ; on prétend
soit dans les provinces conquises par eux, même qu'il était de la famille des Cimini.
et dont les restes constituent les monu- Ses oeuvres ont été imprimées à Venise, en
mens les plus merveilleux peut-être de 1502 , in-4 °, puis à Rome, en 1503, etc.
l'architecture romaine.Lecenseur Appius Elles consistent en sonnets , églogues ,
Claudius, le même auquel on dut la célèbre építres, capitoli, et en d'autres pièces
>

route militaire appelée de son nom la voie hors d'usage , telles que les Strambotti,
Appienne (voy.), fut également celui qui les Barzelette, etc. Ses contemporains le
fit élever à Rome le premier aqueduc mirent au-dessus de Pétrarque. On doit
(aqua Appia ). Vinrent ensuite l’Anio ve- compter , parmi les causes d'une renom
tus, l'aqua Martia ,Julia, Tepula ,Virgo, mée aussi brillante que fugitive, son ta
Augusta , Claudia , l'rajana , etc. (Voir lent pour l'improvisation et la grace par
Frontin, De aquæductibus urbis Romæ.) faite avec laquelle il récitait ses poésies.
Le pont du Gard, un des plus remarqua- César Borgia lui témoigna toujours un vif
bles aquéducs , et que l'on attribué à intérêt ; c'est dans son palais qu'Aquilano
>

Agrippa, est conservé en très grande par- mourut , à peine âgé de 35 ans. L.L.O.
tie. Il en sera question à l'article NIMES. AQUILÉE ( Aquileña ou Aquilegia ,
Le nombre de ces constructions était as- aujourd'hui Aglar ), place de commerce
sez considérable, et il s'accrut beaucoup florissante sous l'empire romain , au bord
dans les temps modernes . En France on de l'Adriatique et sur le Timave dans la
en compte un grand nombre, parmi les- Haute- Italie, avait été fondée par les Ro
quels on remarque l’aquéduc d'Arcueil , mains pour servir de boulevard contre
qui fournit de l'eau à la partie méridio- les irruptions des barbares en Italie. Elle
nale de Paris , et ceux de Buc , qui ali- eut dans la suite des greniers publics ,
mentaient en partie les jardins de Ver- une fabrique de monnaie , et une petite
>

sailles. Dans les grandes villes qui sont flotte stationnait dans ses lagunes. Adrien
presque toujours bâties sur des fleuves ou y éleva une basilique sous le nom d'A
des 'rivières,> les aquéducs de cette der- drianée. Les Romains avaient construit
nière espèce deviennent moins nécessaires aussi un canal pour faire communiquer
depuis qu'on sait, au moyen de machines la ville avec la mer. Marc -Aurèle l'éleva
à vapeur , še procurer la quantité d'eau au rang de première forteresse de l'em
nécessaire aux habitans ; mais les canaux pire. Elle fut surnommée , à cause de ses
et surtout les conduits de distribution richesses, la seconde Rome; aussi y dépo
méritent une grande attention . Il est sur- sait-on en cas de guerre le trésor public.
tout important de favoriser l'écoulement Elle fut le siége d'un patriarche dont, en
des eaux quiont servi aux usages domes- | 1750, le diocèse fut réparti entre les ar
tiques ou industriels , par des construc- chevêchés d'Udine et de Gorz , ou de
tions souterraines qui sont ausside véri- Laybach . En 381 , 558 , 698 et 1184,
tables aquéducs et qu'on connaît sous le des conciles furent tenus à Aquilée,
nom d'égouts . Voyez ce mot et Clos
QUE . F. R. tre les empereurs Maximien et Julien ,
con
AQUILA , natif du Pont, traducteur Aquilée succomba aux armes d'Attila
grec de l'Ancien -Testament, fut un Juif après une défense vigoureuse , et fut rui
baptisé qui vécut vers le milieu du 11° siè- née par се barbare. Beaucoup d'habitans
cle de J.-C. Les Juifs préféraient sa tra- se réfugièrent dans les iles ou plus tard
duction à celle des Septante. On rapporte fut bâtie Venise. Dans la suite on releva
de lui qu'il fut un très habile architecte Aquilée , mais ce fut une ville sans im
et mathématicien , et Adrien le chargea portance. Aujourd'hui elle appartient à
de la reconstruction de Jérusalém sous l'empire d'Autriche , royaume d'Illyrie,
le nom d'Ælia Capitolina. S. cercle de Trieste en Frioul. Ses habitans
AQUILANO ( SÉRAPHIN ) naquit à vivent principalement des produits de la
Aquila ,dans l’Abruzze , en 1466. Quoi- pêche , et les étrangers n'y viennent que
AQU ( 124 ) ARA
pour visiter les antiquités romaines qui , taille de Castillon et la prise de Bor
s'y trouvent. Sa population, si nombreuse deaux , en fit la conquête, en 1453, et ex
jadis, n'est plus que de 1,500 habi- pulsa enfin les Anglais de la France , où
tans. C. L. m . Calais seul leur resta . L'Aquitaine devint
AQUILON , voy . NORD ( ventdu ) et alors un instant l'apanage d'un prince
BORÉE. français ; mais , en 1474 , elle fut irrévo
AQUIN , voy. D'AQUIN , RABBINS et cablement réunie à la couronne. Depuis,
Toomas ( saint). le nom d'Aquitaine s'effaça ; il n'est
AQUITAINE , province de la Gaule, plus conservé quedans celui de Mer d'A
que ses premiers habitans nommaient quituine , qu'on donne aussi au golfe de
Armorique , et qui s'étendait de la Ga- Biscaye. J. H. S.
ronne aux Pyrénées, et de la ville de Tou ARA , oiseau qui habite les forêts du
louse à l'Océan ; ce fut une partie du Nouveau- Monde et que l'on confond
pays Basque , celle qu'on nomme aujour - d'ordinaire avec le perroquet, auquel il
d'hui la Guyenne. Sous Auguste , les li- ressemble. Ces oiseaux sont remarqua
7
mites de l'Aquitaine furent moins rétré- bles par les riches couleurs de leur plu
cies , et cette région , peu connuedes Ro- mage , où l'or , la pourpre et l'azur se
mains, s'étendit au nord jusqu'à la Loire: nuancent et se reflètent de la manière la
car la Gaule tout entière était alors di- plus agréable. Mais cette beauté fait leur
visée dans ces trois provinces , Celtique, seul mérite, dont ils paraissent d'ailleurs
>

Belgique et Aquitanique. Plus tard, elle tirer vanité. Moins faciles à instruire que
fut divisée en Aquitania prima, secunda | les perroquets , ils s'apprivoisent néan
et tertia , qui eurent chacune leur chef- moins assez aisément. Leur voix est rau
lieu. Sous le règne d'Honorius, les Visi- que et croassante , et ils prononcent ha
goths y ſondèrent, en 420 , un royaume bituellement le mot ara dont ils expri
que six rois gouvernèrent successive- ment fortement la seconde lettre ; ce qui
ment. Après la bataille de Vouglé et la probablement est l'origine du nom qui
défaite d’Alaric II, ce royaume tomba leur a été donné.
au pouvoir de Clovis et resta réuni à Dans le pays qu'ils habitent, les aras
l'empire des Francs , jusqu'à ce que, sous se nourrissent des fruits des forêts ; mais
les faibles successeurs du premier fils de ils font de fréquentes excursions dans
l'église , Eudes, duc de Toulouse, chargé les terres cultivées, et causent de grands
du gouvernement de l’Aquitaine , en dommages aux plantations de café, de
usurpa la possession et se rendit à peu cacao , etc.; aussi leur fait - on la chasse.
près indépendant , en 687. Le duché d’A- On mange la chair des plus jeunes seu
quitaine ne fut pas cependant d'une lon - lement, car lorsque l'animal est vieux
gue durée ; envahi par les Sarrazins , elle devient coriace.
restitué à Eudes par Charles-Martel, et En Europe on recherche les aras à
réuni à la monarchie des Francs sous cause de l'éclat de leur plumage , et on
Pépin-le-Bref, il fut converti en royaume les paie même un prix assez élevé. Mais
par Charlemagne , en faveur de son fils il est rare que l'on conserve long-temps,
Louis , en 778. Lors du démembrement dans les climats tempérés, ces oiseaux ac
du royaume en fiefs féodaux plus ou coutumés au soleil brûlant des tropiques,
moins indépendans de la couronne de et qui de plus paraissent sujets à diverses
France , l'Aquitaine redevint un duché ,
> maladies.
et constitua , en 1137 , la dot d'Éléo- L'ara fait son nid dans les arbres creux
nore , héritière des ducs d’Aquitaine. ou même dans des trous sur les bords es
Celle- ci , mariée à Louis VII , roi de carpés des rivières; la femelle y pond deux
France , lui apporta d'abord ce duché ; Quls, et le mâle partage avec elle les
mais, répudiée par lui , elle épousa soins et les fatigues de l'incubation etde
en secondes noces Henri,duc d'Anjou, la nourriture des petits. Ces oiseaux vi
qui devint roi d'Angleterre sous le nom vent par couples comme les pigeons, et se
de Henri II , el réunit à sa couronne cette
rassemblent rarement en sociétés plus
belle province. Charles VII, après la ba- nombreuses. Ils se perchent d'ordinaire
>
ARA ( 125 ) ARA
sur des arbres élevés , d'où ils peuvent de partie de l'Espagne; maintenant elle
prendre facilement leur vol. Ils sont bien- n'est guère dominante qu'en Arabie , en
tôt pris lorsqu'il sont une fois à terre , Égypte, en Syrie et sur les côtes d'Afri
parce que la longueur de leurs ailes et la que. Presque partout ailleurs elle n'est
brièveté de leurs pieds s'opposent à ce plus considérée que comme langue sa
qu'il s'élèvent rapidement. crée et savante . En effet, c'est en arabe
On compte, dans les aras , un grand que sont écrits le Koran et les recueils
nombre d'espèces ,> qui présentent une de traditions musulmanes ; c'est encore
variété infinie des plus belles et des plus en arabe que furent rédigés les traités de
éclatantes couleurs , et qui se trouvent médecine, d'astronomie, de philosophie,
répandues dans les diverses contrées des à une époque où les Musulmans étaient
deux Amériques. Le Kakatoes , dont on parvenus au plus haut degré de civilisa
recherche les plumes pour la coiffure des tion , et que l'Europe chrétienne elle
dames , est une espèce d'ara. F. R. même était obligée de s'instruire à l'école
ARABES ( LANGUE , ÉCRITURE ET de leurs docteurs. Mais le peuple parle
LITTÉRATURE DES ). turc, persan , malais, etc., suivant la race
1° Langue .L'arabe se compose en géné à laquelle il appartient.
ral des mêmes mots que l'hébreu, le syria- On comprend qu'à mesure que la lan
que et les autres langues comprises sous la gue arabe se propagea elle dut perdre de
dénomination généraledesémitiques(v.). sa pureté
les
primitive. Il était impossible
Les mots' se rangent par racines compo- que conquérans, en s'établissant dans
sées ordinairement de trois lettres; et c'est un pays étranger, n'empruntassent pas
de ces lettres modifiées , soit par la pro quelques expressions au peuple vaincu ,
nonciation , soit par l'addition d'autres d'autant plus qu'ordinairement ils étaient
lettres placées au commencement ou à la les moins nombreux. Ainsi l'arabe qu'on
fin , que se forment tous les termes pro- parle aujourd'hui à Maroc ou à Alger
pres à exprimer les diverses nuances de n'est pas en tout point le même que celui
la pensée. dont on se sert en Égypte, et l'arabe d’É
La langue arabe fit les mêmes progrès gypte diffère en quelques points de l'a
que les armes musulmanes , lorsqu'après rabe de Syrie.
la mort de Mahomet les pâtres de l'A- Des différences du mêmegenre se font
rabie, sortant de leurs déserts, envahirent sentir jusqu'en Arabie. Les tribus arabes
la plus belle portion de la terre . Non -seu- ne dérivent pas toutes de la même souche;
lement elle continua d’être la langue des d'ailleurs,par la différence dans la manière
vainqueurs, mais elle devint celle de tous de vivre, il y a tels objets qui doivent être
ceux d'entre les vaincus qui consentirent considérés autrement. C'est le dialecte
à embrasser la nouvelle religion. On sait parlé à la Mecque qui a prévalu , parce
que de tout temps le chrétien, le juif ou que ce fut le langage que Mahonnet et ses
l'idolâtre, en se soumettant au Koran, ont principaux compagnons apprirent àà par
renoncé par-là même à leur nation et à leur ler en naissant , et qu'il se répandit par
famille. Il entra même dans la politique des tout avec le Koran .
souverains musulmans de faire adopter La langue arabe est riche,harmonieuse,
la langue arabepar les peuples qui étaient pleine d'images. On a cependant exagéré
restés fidèles au cultede leurs ancêtres.Par sa richesse. Sans doute l'habitant du dé
exemple, depuis long-temps les chrétiens sert, dont l'imagination n'est frappée que
>

koftes (voy.) del'Égyptene font usage que d'un petit nombre d'objets , en observe
de la langue arabe , et il en est de même avec plus d'attention les détails et jus
d'une partie des chrétiens du mont Li- qu'aux moindres circonstances. Pour lui
ban . La langue arabe domina pendant deux nuages ne se ressemblent pas; il a
plusieurs siècles sur un théâtre beaucoup autant de termes divers pour peindre un
plus vaste qu'à présent. Au xe siècle de rocher, un torrent , une vallée, une ci
notre ère , elle était encore la langue du terne , que ces objets peuvent se présen
gouvernement et de la classe éclairée en ter avec des accidens différens. D'un autre
Perse,Elle le fut également dans une gran- | côté la langue, en se répandant, s'enrichit
ARA ( 126 ) ARA
de nombreux emprunts; mais assez sou- dessous des mots ; mais on les omet ha
yent elle n'a qu'un mot pour exprimer bituellement. Le Koran ayant d'abord
plusieurs nuances différentes. Cette pau- été écrit sans voyelles, il y a des mots sur
vreté se fait surtout sentir dans les mots | lesquels les commentateurs ne sont pas
composés , genre d'expressions qui tien- d'accord.
nent lieu de périphrases , et qui donnent Parmi les diverses écritures arabes, on
tant de précision à nos langues. en
- distingue deux principales , l'écriture
[ Les principaux ouvrages servant à l'é- coufique et l'écriture neskhi. Le neskhi
tude de la langue arabe sont : la Gram- est l'écriture cursive ; on avait eru jus
maire arabe de M. Sylvestre de Sacy , qu'à ces derniers temps qu'il n'était
е

2e éd.Paris 1831,2 vol.; celle deM.Ewald, pas antérieur au xe siècle de notre ère ;
Grainm . critica lingue arab . cum brevi mais des monumens paléographiques
metrorum doctriná , Lips. 1831-1833 , publiés par M. Sylvestre de Sacy ont
2 vol. in - 8 °. — Parmi les dictionnaires prouvé que le neskhi était aussi ancien
celui de Castelle , Lexicon heptaglotton, que Mahomet, c'est-à -dire que l'écriture
Londres 1669, 2 vol. in -fol. est toujours arabe elle-même. Quant à l'écriture cou
très estimé , ainsi que , Golius Lexicon fique, elle est ainsi appelée de la ville de
arab. latinum . Lugd. 1653 in - fol. Ce Coufa ,9 où l'on croit qu'elle a pris nais
dernier est reproduit en ce moment avec sance ; elle consiste en lignes droites , et
des additions et des rectifications consi- on pourrait la comparer à nos caractères
dérables par M. Freytag, Lexicon arab . romains. C'est dans ces caractères que
latinum , Halæ 1830 , in-4º. --- M. de sont gravées les anciennes monnaies des
Sacy a publié une excellente Chrestoma- khalifes et les inscriptions monumentales.
thie de la langue arabe, 2e édition. Paris Maintenant l'écriture arabe , à quelques
1831. 3 vol . in-8° , et un ouvrage à peu différences près , est la même partout;
près semblable est celui de M. Kosegar- elle a été aussi adoptée par les Persạns
ten , Chrestomathia arabica , cum glos- et les Turcs, qui se sont contentés de mo
sario et adnotationibus grammaticis. difier quatre des lettres del'alphabet,pour
Lips. 1824. Pour l'étude de l'arabe exprimer le même nombre de sons qui
moderne et vulgaire nous signalerons leur étaient particuliers. On sait du reste
les ouvrages suivans : Herbin , Dévelop- que l'imprimerie existe en Orient. Les
pemens des principes de la langue arabe chrétiensdumont Liban qui parlent arabe
moderne. Paris 1803 , in-4° ; Savary , établirent , il y a plus d'un siècle, une
Grammaire de la langue arabevulgaire imprimerie qui devait reproduire les li
et moderne. Paris 1813 , in- 4 °; Gram- vres de leur religion. Peu de temps après
maire d'arabe vulgaire par M. Caussin il s'en forma une autre à Constantinople,
de Perceval fils, 2e édition . Paris 1833 , sous les auspices du gouvernement otho
in-8° ; Dictionnaire abrégé français- man ; maintenant il en existe en Égypte,
arabe par Élioris Bocktar et Caussin de en Perse et dans l'Inde.
Perceval fils, 2 v. in-4°. Paris 1819. S. ] 3 ° Littérature. La littérature arabe est
2º Écriture. L'écriture arabe actuelle extrêmement riche. Dans le principe elle
n'est pas ancienne : elle commençait à consistait presque uniquement en poésie
peine à se répandre ,> lorsque Mahomet et servait à peindre les exploits des guera
vint prêcher sa doctrine. Il y avait au- riers , l'inquiétude et le charme de l'a
paravant d'autres genres d'écriture usi- mour, le plaisir de la vengeance et les di
tés dans certaines parties de l'Arabie ; verses passions d'un peuple dont la civili
par exemple , l'écriture hemyarite , en sation n'avait pas adouci les mæurs (voy.
usage dans l’Yemen ; mais l'écriture aux mots MOALLAKAT, Hamasa , etc. ): le
arabe actuelle prir le dessus avec le Ko- tout était entremêlé de descriptions lo
ran , et c'est la seule sur laquelle nous cales , qui par leur énergie et leur vérité
possédions des renseignemens certains. font encore l'admiration des habitans de
En arabe , comme en hébreu , on ne l'Arabie. Plus tard , lorsqu'une grande
marque ordinairement que les consonnes; partie du monde eut été soumise à la
les voyelles se placent au -dessus ou au- nouvelle religion , l'attention se porta
ARA ( 121 ) ARA
principalement vers les questions de l'empire romain , les plus beaux génies
cir reçurent
dogmes et de morale. Il fallut éclaircir
les passages du Koran ou les décisions
reçurent le jourloin
le jour loin dede lalamétropole
métropole,, en
en
Syrie , en Afrique, sur les bords de l'O
sorties de la bouche de Mahomet qui xus et en Espagne ; quelques - uns même
étaient sujettes à quelques difficultés. Il appartenaient aux peuples vaincus.
fallut mettre la législation du prophète, Nous ferons ici quelques observations
qui avait été faite pour des hommes à relativement à une branche très impor
moitié barbares, en rapport avec une tante de la littérature arabe; c'est celle
foule de cas qui durent se présenter des écrivains du moyen -âge qui , comme
pour la première fois, lorsque les con- Aboulféda, Ibn - Alatir, ont traité de
quérans devinrent, d'un peuple nomade,, l'histoire , etdont la réputation s'est con
un peuple agriculteur et industriel. Il servée intacte. Ces écrivains ( voy. leurs
fallut aussi mettre par écrit les règles très articles ) sont en général de bonde foi et
compliquées de la langue arabe, qui , en rapportent les faits sans altération et sans
se repandant sur un sol étranger, était réticence , c'est- à -dire tels qu'ils se sont
menacée de s'altérer et de devenir mé- passés. Leur impartialité est portée si
conpaissable. Telle est l'origine de cette loin , qu'on la prendrait quelquefois
innombrable quantité de traités de théo pour de l'indifférence ; elle tient à l'es
logie , de jurisprudence et de grammaire prit de résignation naturel aux Orien
qui encombrent encore nos collections taux. Les peuples d'Orient , accoutumés
de livres orientaux. Mais enfin l'esprit au joug du despotisme, n'osent pas rai
des Musulmans s'ouvrit aux études pro- sonner sur les événemens de ce monde
pres à intéresser l'espèce humaine tout et reçoivent toul ce qui leur arrive , si
entière. Sous le khalifat d'Almamoun, au non avec insensibilité , du moins sans
commencement du ixe siècle de notre émettre leur opinion . Rarement on sait
ère , les Musulmans se firent traduire les ce qu'ils approuvent ou ce qu'ils condam
traités de philosophie , d'astronomie , de nent ; il n'y a qu’un succès éclatant ou
médecine et d'autres ouvrages de la lit- une punition exemplaire qui les tire de
térature grecque ; et tandis qu'ils ajou- leur impassibilité. Il n'est pas besoin ,
taient leurs propres observations à celles d'après cela , de dire que les historiens
de ces premiers maîtres de la science , arabes sont sobres d'observations politi
d'autres Musulmans s'occupaient de re- ques. Il ne leur vient pas même dans la
cueillir les traditions historiques de leur pensée de dérouler le tableau des causes
nation. En peu de temps les Arabes de- plus ou moins éloignées des événemens et
vinrent la nation la plus éclairée de toutes, celui de leurs effets. La seule chose qu'ils
et non contente de régner sur les pays se permettent, ce sont des applications
les plus civilisés , elle introduisit, par le plus ou moins heureuses des paroles de
seul ascendant de ses lumières , ses idées l'alcoran , comme les chroniqueurs oc
et ses croyances chez les peuples grossiers cidentaux du moyen - âge en faisaient
de l'intérieur de l'Afrique, des îles de la pour celles de nos livres saints. Il leur
mer des Indes et des steppes de la Ta aurait fallu des modèles sous les yeux, et
tarie. Mais les gloires de ce monde n'ont les chefs -d'oeuvre de la Grèce et de Rome
qu’un temps. Tandis que l'Europe chré- leur étaient inconnus. Au reste , si les
tienne se dépouillait peu à peu de la bar- Orientaux manquent de tout esprit phi
barie , les pays soumis à l'influence arabe | losophique , ils sont moins portés à juger
allaient toujours en déclinant ; et main- les faits à travers le prisme de leurs pré
tenant ces pays sont tombés à peu près jugés , et souvent on démêle mieux la vé
dans le mêine état de nullité d'où le vaste narrations
rité dans leurs froides que
et puissant génie de Mahomet les avait dans les récits passionnés et systématiques
tirés . de certains écrivains d'Europe.
On se tromperait si on croyait que les On a tant entendu parler de l'enflure
écrivains arabes les plus savans et ceux et de la déclamation orientales, qu'au seul
qui sont encore les plus estimés en Orient mot d'écrivain arabe on se figure tout
étaient nés en Arabie, Ainsi que sous ce qu'il y a de plus emphatique et de
ARA ( 128 ) ARA
plus outré. Mais qu'on se rappelle la dif- et les rois de l’Yemen , appelés du nom
férence qui existe entre les diverses par- généraldetobba, rivalisant de gloire avec
ties de la Bible : tandis que certains pas- les Sesostris , auraient soumis à leurs lois
sages des prophètes surpassent la portée la Perse , la Boukharie et d'autres royau
d'une intelligence ordinaire , la Genèse , mes de l'Asie. Sans remonter aussi haut ,
Je livre de Ruth , celui des Juges , sont il est certain que déjà avant notre ère des
de la plus grande naïveté. Il en est de tribus arabes avaient fondé un royaume
même dans la littérature arabe. Pend vers l'emb
ant du Tigre et de l’Eu
ouchure
que certains écrivains, surtout les poètes phrate , sous le nom de royaume de
et ceuxqui veulent les imiter, n’emploient Hira. Une autre tribu , appelée la tribu
que les images les plus extraordinaires , de Gassan , occupait les environs de Da
la plupart des autres se trainent, pour mas et de Bosra. Enfin d'autres Arabes
étaient établis dans les vastes plaines de la
ainsi dire , terre à terre , et ne se doutent
>

pas qu'il y ait un art d'embellir la pen- | Mésopotamie. Ces derniers jouèrent un
sée. Non -seulement le style des chroni- grand rôle dans les guerres des Romains
ques arabes est habituellement simple , contre les Parthes et les Persans , et plus
mais il est souvent trivial. L'arabe , du d'une fois ils décidèrent de la victoire. Ce
moins tel qu'il est employé dans la lan- sont ces Arabes qui reçurent le nom de
gue ordinaire, n'a pas acquis la pureté Sarrazins (voy.), nom qui ensuite a été
et l'élégance soutenue de certaines lan- mal à propos appliqué par les Européens
gues de l'Europe actuelle. Il n'existe , en au reste de la nation. Il y eut également
Orient , qu'unemanière de s'exprimer , des Arabes qui s'établirent de bonne
et c'est celle de tout le monde. R. heure sur la rive orientale du golfe Per
Indépendamment des articles KORAN, sique, et qui s'y sont maintenus jusqu'ici.
Hamasa , MOALLAKAT, nous renvoyons, Mais les grandes conquêtes des Arabes
pour des détails plus spéciaux sur la lit- commencèrent après la mort de Maho
térature arabe, auxmots suivans : ABOUL- met , lorsque le khalife Abou-Bekr , ne
FEDA , LOKMAN , HARIRI , KHALDOUN sachant comment contenir une multitude
(Ibn ) , Masoudi, MOTENEBBI, Tabari , enthousiaste et avide de gloire et de ri
Alatir ( Ien ) , ANTAR , AVERRHOÈS , chesses , les envoya hors des limites du
A VICENNE, KETAB - ALAGANI , MILLE- désert. Un auteur arabe , racontant la
ET - UNE -NUITS, etc. On peut consulter , conquête de l'Espagne par ses compa
sur la matière en général , outre la Bi- | triotes , commence son récit par les pa
bliothèque orientale de d’Herbelot ( Pa- roles suivantes placées dans la bouchede
ris 1697 , in -fol. ), Guil. Jones , Poeseos Mahomet : « J'ai vu les royaumes du
asiaticæ cominent.,librivi.Lond. 1774, monde se présenter devant moi , et mes
in-4° ; recudi curavit Eichhorn , Leipz. yeux ont franchi la distance de l'Orient
1777 , in-8° ; De Hammer , Revue ency- et de l'Occident. Tout ce que j'ai vu fera
clopédique des sciences de l’Orient, partie de la domination de mon peuple. »
Leipz. 1804 , in-8° ; ouvrage rédigé en On put croire en effet que l'univers tout
allemand, ainsi que les Fundgruben des entier allait fléchir sous le joug musul
Orients (Mines de l'Orient) , dirigés par man , En quelques années la Mésopota
le même. Vienre 1809 et suiv. , 6 vol. mie , la Syrie , l'Égypte , la Perse, l'A
in - fol. ; Carlyle , Specimens of arabian frique jusqu'à l'Océan - Atlantique, se
poetry ,with some account of the au- soumirent aux lois du Koran. D'une part
thors. Cambr. 1776 , in -4 ° ; Hartmann , les guerriers arabes envahissaient l’Es
sur la Poésie des Arabes, travail alle- pagne, et , s'avançant à travers la France,
mand renfermé dans le tome i des méditaient le projet de retourner en Sy
Éclaircissemens de l'Asie , du même rie par l'Allemagne et le détroit de Con
auteur , etc. J. H, S. stantinople;de l'autre, franchissant l'Oxus
ARABES (CONQUÊTES DES ). Si on en et l'Indus , ils semblaient vouloir ne re
croyait certains auteurs orientaux , la na- connaitre d'autres bornes que celles que
tion arabe, dès la plus haute antiquité , la nature elle-même a opposées à la terre
aurait été une pépinière de conquérans , que nous habitons. Heureusement les
ARA ( 129 ) ARA
troubles religieux , les déchiremens poli- établis à Damas, Bassora , Bagdad , Sa
tiques vinrent ralentir un mouvement sans markande, Cordoue , etc. Mais après le
exemple dans l'histoire ; et , bien que le 1x® siècle de notre ère, lorsque des peu
Koran continuât pendant long-temps à ples d'origine turque et tatare eurent
faire des progrès , les efforts des chré- envahi le midi de l'Asie , l'esprit musul
tiens d'Europe d'une part , et des obsta- man s'altérant , on vit paraître des mon
cles de divers genres sur d'autres points naies avec des figures d'hommes et d'a
du globe, devinrent autant de barrières nimaux. Certains princes y firent graver
insurmontables. Maintenant l’Europe leur portrait; d'autres, par une suite de
chrétienne n'a plus à craindre d’invasion l'empire qu'exerçaient les croyances as
semblable; c'est plutôt la nation arabe trologiques, y placèrent leur horoscope;
qui serait en danger si les guerriers d'Oc- quelques-uns y marquèrent des espèces
cident, s'unissant d'intérêt , se précipi- d'armoiries. Ces infractions aux lois de
taient de nouveau sur l'Asie et l'Afrique. l'islamisme sont maintenant à peu près
Au reste il ne faut pas se faire une idée tombées en désuétude.
exagérée des conquêtes des Arabes : ces La numismatique arabe offre à la fois
conquêtes furent en partie l'ouvrage des des pièces en or , en argent et en bronze
>

Berbers , des Curdes et des guerriers de ou en cuivre. Il y a eu des pays , tels que
tous les pays que les premiers khalifes su- l’Egypte et la Sicile , où le bronze fut, à
rent intéresser à leur cause ; elles ont ce qu'il paraît, remplacé par le verre ;
d'ailleurs cessé dès le ixe siècle de notre car on trouve encore dans ces contrées
ère, et si le Koran a continué à faire des de nombreuses pièces de verre disposées
progrès postérieurement à cette époque , en forme de monnaie . Les pièces d'or re
il en fut redevable aux armées innom - çurent le nom générique de dynar, par
brables de Turcs et de Tatars qui , après corruption du mot latin denarius. Les
avoir conquis les propres conquêtes des pièces d'argent furent appelées dirhem
Arabes, finirent par adopter les croyances ou drachme , et les pièces de bronze fol
et la civilisation des vaincus , et leur donnè- vus ou obole. Aujourd'hui chaque pays
rent pour ainsi dire une nouvelle vie. R. fait usage de noms particuliers.
ARABES ( MONNAIES ). Il ne parait Les monnaies arabes portent le nom
pas que dans l'antiquité il ait été frappé du prince qui les aa fait frapper, et lors
de monnaie en Arabie, si ce n'est dans les que ce prince état vassal d'un sulthan , son
provinces soumises à l'influence romaine. nom est précédé de celui du suzerain. De
Mahomet lui-même , au milieu de sa gloi- plus , il n'est pas rare de voir , parmi les
re , ne songea pas à user de cette belle pré- légendes , des passages qui indiquent à
rogative de la souverainepuissance;etlors- quelle sectele prince appartenait; car chez
qu'après sa mortles premiers khalifes fu- les Musulmans , comme ailleurs , le fana
9

rent obligés de convertir en monnaie les tisme religieux a produit beaucoupdesub


a

immenses richesses conquises par leurs tilités, et les guerres religieuses ontété ter
armées, ils imitèrent les types des empe- ribles. On voit par-là de quel intérêt la
reurs de Constantinople et des Kosroès de numismatique arabe est susceptible. Nous
la Perse, se bornant à y intercaler quelques ne craignons pas de dire que, faute de té
mots arabes. Ce ne fut que vers l'an 76 de moignages écrits, il y a des princes dont
l'hégire(695 de J.-C.) que le khalife Abd- on ne pourra connaitre la situation politi
el-malek établit une monnaie nationale , que et religieuse que par les médailles.
où, conformément à l'esprit de la religion La numismatique arabe r'est cultivée
musulmane qui, ainsi que le judaisme, que depuis peu de temps et n'a pas en
prohibe toute espèce de figures , on ne core fait les mêmes progrès que la numis
plaça que des légendes, et ces légendes à matique grecque et romaine. Les prin
la date et au nom de la ville ainsi qu'au cipaux ouvrages à consulter sont Intro -
nom du prince régnant, consistèrent dans ductio in rem numariam , par Ol. Gerh.
quelque passage du Koran et dans la pro- Tychsen, Rostock , 1794 et 1796, 2 vol.
>
fession de foi musulmane. Les principaux in - 12 ; Museum Cuficum Borgianum ,
hôtels des monnaies furentsuccessivement par M. Adler , Rome 1792, et Altona
Encyclop. d . G, d . M. Tome II. 9
ARA ( 130 ) ARA
1795 , 2 vol. in-4°; Monete cufiche del nues propres à l'ornement ; telles sont les
museo di Milano , par M. Castiglioni , sphynx , les lions ailés, les sirènes, les >

Milan , 1819 , in-4°; Numismata orien- griffons, les hippogriffes, les tritons, les
talia illustrata , par M. Marsden , Lon- satyres , les centaures , etc. On a vaine
dres, 1823 et 1825, 2 vol. in-4°; Recen- ment cherché dans toutes ces formes ca
sio numorum muhammedanorum , par pricieuses un sens symbolique qui n'exis
M. Fraehn , tom. 1 , in-4°, Saint-Péters-
>

R.
tait
rentplus
à lalorsque les Romains
décoration les employè
de l'arabesque ; il est
bourg , 1826.
>

ARABESQUES , ornemens peints ou généralement reconnu aujourd'hui que


sculptés dont les sujets sont fantastiques ces ornemens ne figuraient que pour le
et imaginaires. Ces ornemens sont en plaisir des yeux .
grande partie composés de plantes , d'ar- Le troisième genre d'objets qui com
bustes , de branches légères et de fleurs; pose l'arabesque tient son origine de la
on y mêle aussi des animaux, des formes nature. Les rinceaux , les enroulemens ,
humaines , des scènes gaies et comiques ; les feuillages qui entrentdans sa compo
et alors ces chimères pittoresques sont en sition , ne sont que des imitations qui se
peinture ce que la plaisanterie est dans retrouvent chez tous les peuples . Cette
les ouvrages littéraires ou dans la conver- partie est la plus belle de l'arabesque lors
sation. Trois choses très indépendantes qu'elle est traitée avec goût ; on en trouve
l'une de l'autre composent le genre ap- des modèles dans les peintures des Ther
pelé arabesque. mes de Titus et dans celles de Pompéia.
D'abord, les représentations et compo- A l'arc de Titus , à Rome , et dans la
sitions d'architecture dont les formes bi- villa de Médicis, on trouve également des
zarres ont été empruntées aux édifices échantillons sculptés qui servent de mo
des Orientaux , et dont l'imitation flat- dèles de goût et d'exécution , et dans les
tait le goût des Romains comme les dé- quels les peintres et les architectes trou
corations chinoises nous plaisent aujour- veront des ressources toujours nouvelles
d'hui. On trouve les plus nombreux exem- pour embellir les édifices.
ples des décorations d'architecture dans Enfin nous ajouterons que l'arabesque
les Thermes de Titus et dans les cham- s'emploie commeornement , principale
bres de la ville de Pompéia. La bizarrerie ment à la décoration des murs , des pan
de cette sorte de décoration a dicté des neaux , des montans' de porte , des pi
jugemens hasardés ; mais en l'examinant lastres >, des frises , des voûtes et des pla
de plus près on ne trouve plus rien d'é- | fonds. X
tonnant dans ces ressemblances et ces Les arabesques des loges du Vatican ,
conformités de goût, et l'on n'y voit qu'un peintes , sous la direction de Raphaël ,
choix volontaire , une imitation exacte par ses élèves et à l'imitation de celles
des formes de l'architecture orientale, des des Thermes de la Villa d'Adrien , etc.,
édifices persans , égyptiens et autres. sont les plus célèbres. M. Bættiger , cé
La seconde sorte d'objets qui com- lèbre archéologue allemand , croit avoir
posent l'arabesque comprend également reconnu l'origine de ces compositions fan
des allégories empruntées des Orientaux. tasques dans les tapis indiens et persans
C'est à cette partie de l'ornement que la sur lesquels étaient représentés les ani
raison pardonne le moins; car, de quelque maux fabuleux des contes orientaux. S.
manière qu'on envisage toutes ces formes ARABIE , vaste presqu'île située en
d'animaux tronqués, d'espèces mélangées, Asie, entre les 12 ° et 34° degrés de la
on ne saurait y voir que des monstres . Le titude septentrionale , et les 30€ et 57€
>

goût pour les êtres chimériques parait degrés de longitude orientale. Ses limites
avoir été de tous les temps celui des sont: au nord , la Syrie et la Mésopota
Orientaux : c'est d'eux que viennent les mie; à l'occident , la Mer-Rouge et l'É
divinités ailées , les métamorphoses et les gypte ; à l'orient , le golfe Persique , et au
associations d'animaux . Celles de ces fi- midi, la mer des Indes. On évalue à en
gures avec lesquelles notre æil s'est fa- viron 50,000 milles carrés géographi
miliarisé semblent cependant être deve- ques la superficie de l'Arabie. Les géo
ARA ( 131 ) ARÀ
graphes de l'antiquité, et, à leur exemple, ment des pluies. Les voyageurs , quand
beaucoup de géographes modernes , la ils se trouvent engagés dans ces déserts ,
divisent en trois parties, l'Arabie pétrée , n'ont pour se guider que les étoiles du
située au nord -ouest, et ainsi appelée à firmament ou le secours de la boussole.
cause de son sol en général pierreux *; Les tempêtes,au milieu de ces sablesmou
l'Arabie déserte , formant la partie du vans, ne sontpas moins terribles que celles
centre , et celle du sud-est , qui de tout | qui soulèvent l'Océan. Lorsque les vents
temps a été très peu connue et qu'on se déchaînent, des tourbillons de pous
supposait presque inhabitée ; enfin l’Ara- sière s'élèvent dans les airs, et, retombant
bie heureuse, placée ausud -ouest, et qui, comme des vagues immenses, ensevelis
sous plus d'un rapport justifie ce nom sent des caravanes entières. On a surtout
par l'importance et la richesse de ses à redouter le vent appelé en arabe so
productions. Les indigènes , sans tenir moum , c'est- à-dire poison. Malheur à
compte de cette division un peu arbi- ceux quisontexposés à ses ravages ! Par
traire , partagent leur pays en un certain son soufle empesté il donne la mort ;
nombre de provinces dont les principales par sa violence, il enlève les hommes et
sont le Hedjaz, où se trouvent la Mecque les bestiaux. Quand l'état de l'atmosphère
et Médine; l'Yemen , qui répond à peu annonce son approche, on n'a d'autre
près à l'Arabie heureuse ; le Nedjd , qui moyen de se préserver que de se mettre
est placé au centre de la presqu'ile et qui dans un lieu bien fermé, ou de se cou
a donné naissance à la secte des Wahha- cher le visage contre terre.
bites; le Hadramouth , où se trouve Aden Les productions de l'Arabie se ressen
(voy .); le pays d'Oman , qui borde l’en- tent de la nature de son sol. Les lieux
trée du golfe Persique , etc. sablonneux offrent certaines plantes sali
L'Arabie, par la vaste étendue de son nes et grasses qui servent à étancher la
sol, offre une grande variété de terrains soif du chameau ; mais les bords des ri
>

et de sites. Les côtes sont en général ar- | vières, les vallées , surtout dans l’Yemen ,
rosées par les eaux descendues des hau- jouissent d'une fertilité qui a mérité à ce
teurs ; le centre est occupé par des mon- dernier pays le nom d'Arabie- Heureuse.
tagnes très élevées , mais qui n'ont pas
> C'est de l’Yemen que viennent le baume
encore été bien examinées. Enfin , si on de la Mecque, diverses espèces d'encens
excepte l’Yemen ou Arabie -Heureuse, et de gommes, enfin le café qui, par son
le pays consiste en général en plaines de odeur suave et ses vertus excitantes, est
sables ou en collines arides . A peine si devenu d'un usage si général.
l'eil est de temps en temps reposé par la Une différence analogue se montre
vue de quelque vallée couverte de ver- dans le caractère et la manière de vivre
dure. Souvent les troupeaux de beufs, des habitans, dont la totalité peut s'éle
de chameaux , de brebis , marchent plu- ver àà près de 12 millions. Dans les con
sieurs jours sans rencontrer depåturagės. trées livrées à la cultureou au commerce,
Les caravanes , sous ce ciel brûlant , n'ont les Arabes ont adopté les habitudes des
pas moins de peine à trouver à se désal- peuples policés , et ne se distinguent pas
térer ; les puits creusés dans les sables des populations de la Syrie etdel'Égypte.
sont ordinairement séparés par de gran Les habitans des côtes, particulièrement
des distances. Peu de pays sur la terre sur les bords du golfe Persique, s'adon
sont aussi dépourvus d'eau. L'Arabie ne nent beaucoup à la pêche, qui y est, dit
possède aucun fleuve considérable , et on, si abondante que le poisson sert à
ses rivières ne sont en général que des fumer la terre ; mais dansles plaines sa
torrens appelés du nom de ouadis ou blonneuses , on ne connaît pas d'autre
vallons, et qui coulent seulement au mo- genre de vie que la vie pastorale. Les
nomades , qui se nomment eux -mêmes
(*) Au lieu d'expliquer cette ancienne déno- Bédouins, d'un mot qui signifie cam
mination par le mot grec tretpažos, pierreux, il
pagnard, sont divisés par tribus ou par
serait peut-être plus exact de la dériver du nom familles.
dePetra ,place forte qui servait aux Romains de Chaque famille a son chef qui
milieu pour leur commerce avec la Perse. S. est ordinairement l'homme le plus ancien,
ARA ( 132 ) ARA

et qui en conséquence reçoit le titre de sis et de Yéménis, se sont fait souvent de


cheikh. La famille cherche le voisinage sanglantes guerres.
d'un puits ou d'une source d'eau , et s'é- Avec le temps d'autres peuples, et
tablit à l'entour avec ses troupeaux . Le particulièrement les Juifs, s'établirent en
nombre des tentes répond au nombre des Arabie. Les enfans d'Israël , avant d'en
membres qui composent la colonie. Quand trer dans la terre promise , errèrent pen
les pâturages sont épuisés, elle va s'établir dant quarante ans dans les déserts de
ailleurs. Ce genre de vie nous paraitrait l’Arabie-Pétrée; ils furent de tout temps
incommode et ennuyeux , les Arabes en limitrophes des Arabes , et naturellement
jugent autrement; c'est d'ailleurs pour quand une guerre ou une révolution in
eux le meilleur garant de leur indépen- quiétait leur patrie , beaucoup d'entre
dance , le bien le plus précieux à leurs eux allaient chercher un refuge parmi les
yeux. Les nomades s'occupent surtout nomades. Il en fut de même plus tard ,
de l'éducation des bestiaux , et y trouvent pour les chrétiens de la Palestine, de la
de quoi satisfaire au petit nombre de Syrie et de la Mésopotamie, lorsque ces
besoins que comporte leur manière de vi- contrées eurent été soumises aux lois de
vre. La brebis leur fournit du lait pour l'Évangile. Les croyances religieuses du
se nourrir et de la laine pour se vêtir. Le rent se ressentir d'un tel mélange. Lors
chameau, par la facilité qu'il aa de s'abste- que Mahomet parut sur la scène , les
nir d'eau pendant plusieurs jours, et le Juifs n'étaient pas sans puissance en Ara
eheval par sa vitesse, leur permettent de bie. Ils уy avaient leurs lois , leur religion
franchir les plus grandes distances. Il est et leur gouvernement. Les Chrétiens n'é
vrai que cette facilité de se porter où ils taient pas plus sans force ni sans consis
veulent est souvent funeste aux voyageurs tance : plusieurs tribus nomades avaient
et aux étrangers. Dans ces pays presque abandonné l'idolàtrie pour embrasser la
inhabités et où l'on manque des choses foi du Christ. Mais en général les Arabes,
les plus nécessaires , les voyageurs sont sans excepter les descendans d’Ismaël ,
obligés de se réunir pour se prêter appui éiaient plongés dans les ténèbres du paga
au besoin. Quelquefois une tribu , exci- nisme : les peuples situés près de l'embou
tée par la misère ou par l'appât du gain , chure du Tigre et de l’Euphrate, à l'exem
va attendre les caravanes au passage , et2 plede certaines populations de la Chaldée,
les dépouille. D'un autre côté ces mê- adoraient les astres ; le reste des Arabes,
mes Arabes , quand on a recours à eux formant la principale partie de la nation,
et qu'on se confie à leur bonne foi, sont était adonné au culte des idoles. Les
fidèles aux lois de la plus généreuse hos- Juifs occupent encore quelques cantons
pitalité. A aux environs de Médine et forment des
L'Arabie a dû être un des pays du tribus nombreuses. Mais la masse de la
monde les premiers habités. Les écrivains nation, à quelques différences de croyan
nationaux regardent comme le père des ce près , est devenue musulmane. Les
Arabes Yarab , descendant de Sem à la Wahhabites , qui avaient subjugué un
>

cinquième génération . Ce qu'il y a de moment presque toute la presqu'ile , et


certain, c'est que la languearabe est pour qui déjà commençaient à se répandre au
le fonds la même que l'hébreu et les au- dehors , ont été obligés de rentrer dans
tres langues qu'on appelle du nom géné- leurs demeures ; d'ailleurs les Wahhabi
ral de sémitiques. Au bout de quelques tes ne se présentent pas comme hostiles
siècles , Ismaël, fils d’Abraham , qui était à l'islamisme. Au contraire, en condam
> >

allé s'établir dans le Hedjaz , auprès de la nant l'espèce de culte que les Musulmans
Mecque, ayant épousé la fille d'un des- ont décerné à Mahomet et à d'autres per
cendant d’Yarab , donna naissance un sonnages, ils prétendent se conformer à
grand nombre d'autres tribus , parmi l'esprit du Koran, et rétablir l'islamisme
lesquelles était celle qui vit naitre Maho- dans sa pureté primitive .
met. Ce sont là les deux principales sou- On a beaucoup vanté l'avantage que
ches autour desquelles se rangent les tri- l’Arabie a eu d'échapper à toute invasion
bus arabes, et qui, sous les noms de Cais- étrangère. Il est vraique l'Arabie fut pré
ARA ( 133 ) ARA
servée des ravages des armées d'Égypte , saient sur le sol de l'Arabie - Heureuse
d'Assyrie, de Scythie , et des fréquentes avait fait regarder ce pays comme une vé
invasions qui, depuis la plus haute anti- ritable terre de bénédiction . Depuis les
quité , ont désolé presque tout le reste nouvelles voies ouvertes au commerce , et
de l'Asie. Mais n'est- ce pas parce que surtout depuis la découverte d'un monde
l'Arabie, par sa position isolée, se trou- nouveau , la sphère des entreprises mer
vait hors du passage des conquérans ,> et cantiles s'est agrandie , et les navigateurs
que d'ailleurs, par l'aridité de son sol et ont pu aller chercher eux - mêmes dans
ses lieux inhabités , elle n'eût offert que les diverses contrées du globe les sub
des dangers à courir ? Lorsque Mahomet stances qui manquaient à l'Europe.
s'annonça comme le restaurateur de sa L'Arabie , berceau de l'islamisme, est
patrie , tout le nord de l'Arabie -Pétrée devenue pour les Musulmans une terre
était au pouvoir des empereurs de Con- sacrée. La Mecque surtout , patrie du
stantinople , et la civilisation romaine , prophète , et Médine, qui fut le lieu de
> >
ainsi que le prouvent les imposans mo- sa mort, sont l'objet de la vénération .

numens qui subsistent encore , y avait des croyans. On trouvera , sous les mots
laissé des traces profondes. Les côtes du MecQUE , MÉDINE , etc. , les détails qui
golfe Persique et les contrées arrosées par se rapportent à ces différentes localités
le Tigre et l'Euphrate reconnaissaient les ( voy. aussi au mot ARABES ). R.
lois des Kosroès de la Perse ; une partie ARABIE ( GOLFE D’ ) , voy. Rouge
des bords de la Mer-Rouge , au midi de (mer ).
>

la Mecque , était soumise aux rois chré- ARACAN , ancien royaume de la pres
tiens de l’Abyssinie. Après le triomphe qu'ile orientalede l'Inde, sous le tropique,
de l'islamisme , le siége du khalifat ayant entre le golfe du Bengale et le royaume
été successivement transféré à Damas , à | de Pégu. Ce pays , hérissé en partie de
Bagdad et ailleurs , l'Arabie ne se trouva montagnes , et arrosé par des pluies pé
plus qu'une province del'empire musul- riodiques, est malsain pour les Européens.
man. Plus tard, après la chute du khalifat, Il se compose des provinces d’Aracan ,
un frère du grand Saladin parvint à se Sandawy , Ramsy et Tchaduba , et peut
rendre maître de l’Yémen , et les pro- renfermer 2 millions d'habitans. Après
vinces de la Mecque et de Médine, après avoir été ravagé plusieurs fois par les
avoir reconnu la souveraineté des sulthans troupes du Mogol et par celles du Pé
mamelouks d'Égypté et de Syrie , furent gu , i’Aracan fut envahi en 1783 par les
obligées de se mettre sous la protection Birmans ( voy .) et incorporé dans leur
des sulthansothomans. Que voulaientsur- empire; mais en 1825 les Anglais péné
tout les Wahhabites , si ce n'est l'entier trèrent dans ce pays ; ils forcèrent l'em
affranchissement de la presqu'île ? Et pereur des Birmans, par le traité de Yan
n'est- ce pas là une des principales causes dabou, en 1826 , de le leur céder , et il
qui leur avaientgagné tant de partisans ? fait actuellement partie des possessions
Mais Ibrahim -Pacha , fils du vice-roi ac- anglaises dans la presqu'ile orientale. La
Aracan , est bâtie
tuel d'Égypte , les chassa de la Mecque et capitale , appelée aussinom, >

de Médine , et , les poursuivant jusqư'au sur le fleuve du même qui vient des
fond de leurs retraites , il les a réduits, monts Anoupectoumdjou, et se jette dans
>

au moins pour quelque temps , à l'im- le golfe de Bengale à 2 journées au -des


puissance. sous de la capitale ; on remonte ce fleuve
L'Arabie était célèbre autrefois par avec la marée , mais l'entrée en est diffi
son commerce. Placée entre l'Inde , l'É - cile à cause des écueils et des bancs de
sypte et la Syrie , et riche non-seulement sable. Aracan possède unepopulation de
de ses productions, mais aussi de celles 8,000 ames , et est défendu par un fort
de l’Asie orientale , elle fournissait une qui le domine. Autrefois une de ses pago
grande partie de l'ancien monde d'en- des attirait les Hindous à cause d'une sta- '
cens , de parfums de tout genre , d'épi- tue deGautamaqui était en grande vénéra
ceries , etc. L'idée où était l'Occident tion . Cette image fut enlevée par les Bir
quetoutes ces substances précieuses crois- 1 mans, ainsi qu'un canon de 30 pieds de
ARA ( 134 ) ARA
long, lors de la prise de la ville en 1783. , folioles opposées et très obtuses. Les fleurs
Le pays d'Aracan n'est pas sans impor- sontjaunes,pédonculées, solitaires à l'ais
tance pour le commerce des Anglais ; ils selle des feuilles. Cette plante présente
en tirent des dents d'éléphans, de l'or et dans le mode de développement de son
de l'argent , de la cire , du salpêtre, du fruit un phénomène très remarquable.
bois de construction . Le sol est aussi fer- Lorsque la fécondation a eu lieu, la fleur
tile en riz. On y envoie des marchandises se flétrit et se détache, et il ne reste plus
de l'Inde et de l'Europe. Il faut remar- sur la tige que la base du pédoncule dans
quer que chez les indigènes de l'Inde laquelle le pistil est renfermé. Du som
l'Aracân n'est connu que sous les noms met de l'ovaire on voit sortir une petite
de Rossan et de Rouinga. D -G . pointe qui se recourbe vers la terre, en
ARACATCHA , plante de la famille même temps que le pédoncule s'allonge,
des ombellifères quicroit dans l'Améri- jusqu'à ce que l'ovaire touche la terre
que méridionale , où elle est cultivée dans laquelle il s'enfonce jusqu'à trois ou
comme plante alimentaire. Sa racine pi- quatre pouces, et se cache pour y můrir
votante comme celle de la carotte ren- ses graines. Ces fruits, qui sont allongés,
ferme une certaine quantité de fécule et cylindriques et grisâtres , contienųent de
de slicre , et par la culture elle peut ac- une à trois graines du volume d'une ave
quérir un volume assez considérable.line.
L'aracatcha esculenta , dont on s'oc- « L'amende renfermée dans ces graines
cupe principalement , n'est qu'une des donne la moitié de son poids d'une huile
nombreuses espèces de ce genre dans grasse d'une saveur très agréable, et qui
lequel on trouve les caractères généraux peut être employée soit pour la table soit
des ombellifères (voy. ce mot). Pour la pour l'éclairage. D'ailleurs ces mêmes se
saveur et l'emploi, cette racine se rap- mences , après avoir été légèrement gril
proche de la pomme de terre , et elle est lées, se mangent entières, ou s'emploient à
d'une grande ressource dans le pays. On fairedes émulsions, des dragées, des pra
a essayé, jusqu'à présent sans succès, de lines, de la frangipane. On en a préparé,
naturaliser en Europe ce végétal , qui en la mélangeantavec le sucre et le cacao,
dans sa patrie se reproduit avec une un chocolat fort bon et très nourrissant.
grande facilité, non - seulement de sa L'arachide est seulement nourrissante ,
graine, mais encore comme les pommes et les propriétés excitantes qu'on lui avait
de terre, c'est-à -dire en coupant sa ra- supposées ne sont rien moins qu'établies;
cine par tranches de manière à ce que car ses fruits analysés n'ont donné que
chacune ait un bourgeon. F. R. de l'huile grasse , du sucre, de la fécule,
ARACHIDE ou ARACHINE, appelée une matière caseuse. Un peu d'huile
aussipistache de terre à cause de la forme essentielle et de soufre sont d'autant plus
de son fruit et de la manière dont il se insignifians qu'ils sont détruits dans la
développe sous la terre ; plante qui offre torréfaction.
quelque intérêt à cause de ses qualités « L'arachide est d'autant plus intéres
alimentaires. Elle croit en Amérique d’où sante qu'elle est très productive, qu'elle
l'on a essayé avec succès de la naturaliser deinande peu de culture, et qu'elle s'ac
en Espagne, et même dans le midi de la commode très bien des terrains sablon
France. Elle est connue sous différens neux , peu propres à toute autre espèce
noms dans les divers pays où on la re- de végétation ; elle avait bien réussi dans
cueille; son nom botanique est arachis le départementdes Landes. Sa fécondité
hypogæa : elle appartient à la famille est telle qu'un seul plant peut donner

des légumineuses. Nous emprunteronsà 700 gousses, et les graines rendent 47


>

M. Richard la description dece végétal. pour 100 d’huile. » F. R.


« L'arachide est une plante annuelle dont ARACHNÉ >, selon la fable, fille d'Id
la tige haute d'un à deux pieds est cou- mon , simple teinturier de la ville de Co
chée dans sa partie inférieure et redres- lophon , se rendit célèbre par son adresse
>

sée supérieurement. Ses feuilles sont pé- à broder sur toile et sur la tapisserie.
tiolées et composées de deux pains de Elle avait appris son art de Pallas elle
ARA ( 135 ) ARA
même, et s'était acquis une telle réputa- de circulation, respire à l'aide de trachées.
tion dans toutes les villes de la Lydie Le nombre des pattes varie à l'infini
que l'on accourait de toutes parts pour chez les arachnides , et il y en a qui en
la voir travailler, ce qui lui inspira un ont un si grand nombre qu'ils ont reçu
orgueil extrême. Pallas, déguisée en vieille du vulgaire le nom de mille-pieds (scolo
femme , donna à Arachné plusieurs con- pendres, iules). Si quelques-unes ont un
seils pour la corriger de son arrogance ; grand nombre d'yeux, il en est quin'en
mais elle ne fut point écoutée. La déesse offrent aucune trace. Enfin ces animaux , >

se découvrit, et sa rivale osa la défier dans presque toujours remarquables par la sin
l'art qu'elle lui avait enseigné . Arachné gularité de leur industrie , diffèrent en
exécuta en effet un travail admirable re- core les uns des autres par leurs formes
présentant les amours de Jupiter, et Pal- bizarres , souvent repoussantes (galéodes,
las fut vaincue. Celle-ci, honteuse et in- scorpions , araignées ), et par leurs mæurs
dignée , déchira la toile et frappa de sa qui sont souvent fort singulières à étu
navette la tète d'Arachné , qui se pendit dier. Les arachnides moins compliquées
de désespoir . Cependant Pallas lui con- sont parasites (pous , teignes , ricias ou
>

serva la vie , mais la condamna à être | ixodes , uropodes ou pous des autres in
toujours suspendue , en la changeant en sectes). Elles vivent toujours fixées sur
araignée . Arachné en grec est le nom de d'autres animaux , la plupart du temps
cet insecte . G -N. vertébrés , dont elles sucent le sang et les
ARACHNIDES ,> septième classe des humeurs; quoique peut-être privées de
animaux invertébrés, suivant la méthode sexe, elles s'y multiplient d'une façon sou
de Lamarck . Ce savant s'étant aperçu vent surprenante ( pous). Les mieux or
que c'était à tort qu'on conſondait dans ganisées pourvoient à leur subsistance ;
une même classe des insectes qui subis- c'est parmi ces dernières qu'on rencon
sent des métamorphoses, tels que les mou- tre les plus hideuses (galéodes, araignées,
ches, les papillons et les scolopendres, les scorpions ). Les arachnides habitent géné
pous, etc., créapour cesderniers animaux , ralement la surface de la terre , les unes
et pour d'autresque nous indiquerons, la dans les lieux humides (podures , scolo
classe des arachnides dont il détermina pendres , iules); les autres dans les jar
ainsi les caractères généraux : « ovipares, dins (iules, faucheurs),les campagnes, où
ne subissant pasdemétamorphoses, n'ac- elles incommodent les passans (leptes) ,
quérant jamais de nouvelles parties en se ou sur les tiges et les fleurs de certains
développant, et toujours munies de pattes végétaux (trompidions, acarides aquati
articulées. Ces animaux ont un cæur, et ques, cirons); d'autres enfin habitent nos
la circulation commence à s'y 'faire re- maisons où elles trouvent une pâture
marquer. Ils respirent par des trachées abondante (forbicines). Il en est qu'on ne
ou par des branchies ; la plupart peuvent trouve que sur le fromage (mites) , dans
s'unir plusieurs fois durant leur vie et la poussière des livres ( pinces);quelques
montrent déjà une certaine intelligence,». unes demeurent suspendues dans les airs,
Au premier aspect , cette famille pa- aux tissus qu'elles savent s'y construire
rait bien peu naturelle et renfermer des (aranéides ou araignées). Quoiqu'il y ait
genres d'animaux tout-à-fait disparates : des arachnides qui fréquentent les eaux
ainsi les uns ont des antennes, organe si (podures , acarides aquatiques ), aucune
important chez l'insecte, tandis que d'au- espèce n'estvéritablement aquatique , car
tres en sont privés. Tantôt c'est un gros il n'en est aucune qui puisse respirer dans
corps, un ventre énorme, ou une série l’eau ; celles qui vivent à sa surface ou
d'anneaux articulés. Ici labouche est bien dans ses profondeurs ne le peuvent faire
distincte et bien armée ; ailleurs , on la qu'en s'entourant d'une couche d'air qui
reconnaît difficilement, et c'est un suçoir leur forme une atmosphère respirable.
imparfait. Une partie deces animaux res- Les arachnides sont carnassières pour la
pire à l'aide de véritables poumons et plupart, quelques- unes très voraces (arai
offre un systèmecirculatoiredistinct; l'au- gnées), et la morsure de plusieurs espèces
tre partie , où l'on ne trouve aucune trace est venimeuse; les atteintes de celles - ci
ARA ( 136 ) ARA

sont d'autant plus dangereuses que l'a- choisi par le ministre de l'intérieur pour
nimal est plus grand et habite un climat remplir l'emploi de secrétaire du bureau
plus chaud (scolopendres, galéodes, scor- après
des longitudes , et adjoint peu de temps
à M. Biot , pour continuer, de con
pionides). A. L-D.
ARACHNOIDE , voy. MÉNINGES. cert avec deux commissaires espagnols ,
ARACHNOLOGIE ou ARANÉOLO- MM . Chaix et Rodrigues , la grande opé
GIE , art bien incertain , sans doute , de ration géodésique commencée par De
prévoir et de déterminer à l'avance les lambre et Méchain , pour mesurer, entre
changemens météorologiques, d'après le Dunkerque etBarcelonne,l'arc duméri
travail et le mouvement des araignées.Les dien qui a servi de base au nouveau sys
observations sur ce sujet sont anciennes, tème métrique. Il fut interrompu dans
car Pline(H.N.xi,28)en fait déjà mention. cet important travail par son incarcéra
Depuis , plusieurs auteurs en ont parlé à tion dans les prisons de Roses. Les Es
diverses époques , et, dans ces derniers pagnols avaient cru devoir s'emparer de
temps , Quatremère-Disjonval, membre sa personne au moment (1808) où les
de l'académie des sciences de Paris, em- armées françaises envahirent la pénin
ploya les loisirs d'une captivité de huit sule. Après plusieursmois de captivité il
mois à examiner lesaraignées qui faisaient lui fut permis de s'embarquer; mais le
son unique société, et à remarquer les bâtiment qui le portait fut pris par un
rapports quiexistaient entre leur appa- corsaire , et il fut conduit à Alger. Rendu
ritionreet leur disparition, leur activité et à la liberté par l'intervention du con
leur pos , la longueur et la tension de sul français, M. Arago put enfin reve
leurs toiles , et les changemens survenus nir en France , où il arriva dans l'été de
dans la constitution de l'atmosphère. 1809, avec ses manuscrits qu'il avait été
Voici les résultats généraux de ses recher-assez heureux pour sauver.
ches, qu'il publia en 1797. Lorsqu'il doit Depuis , M. Arago s'est tout-à - fait li
pleuvoir , les araignées restent dans un vré à l'étude des sciences physiques et a
état d'inertie et de torpeur dont elles sor- puissamment contribué à leurs progrès; il
tent pour se remettre au travail avec ac- a su de plus les populariser par la manière
tivité quand le beau temps est prêt à re . claire dont il les expose dans ses écrits,
venir. Dans ce même cas , elles donnent et par sa facile et lucide élocution dans
de la longueur aux derniers fils de leur le cours d'astronomie qu'il a été appelé
toile, qu'elles raccourcissent au contraire à faire à l'Observatoire. On lui doit des
lorsqu'il doit y avoir de la pluie ou du recherches nombreuses sur les propriétés
vent. Les alternatives de froid et de cha- de la lumière dans le système des ondes
leur sont signalées à peu près de la même (voy.). Continuantles travaux de Young
façon . et de Malus en Angleterre , et de Fresnel
Au reste , de semblables observations en France, sur la polarisation , sujet qu'il
sont plus curieuses qu’utiles , maintenant avait déjà traité antérieurement avec
surtout qu'on possède des moyens bien M. Biot , et mettant à profit les recher
plus sûrs d'apprécier ces mutations dans ches de M. Fourrier sur cette singulière
les instrumens météorologiques , tels que propriété de la lumière, il en a su tirer
le baromètre , le thermomètre , l'anémo- les plus ingénieuses conséquences sur la
> >

mètre , etc. C. L. m . constitution physique du soleil. Entrant


ARAGO ( DOMINIQUE - FRANÇOIS), ensuite dans la voie scientifique ouverte
-

membre de l'Académie des sciences, sec- par MM. OErsted et Ampère, il a ajouté
tion d'astronomie , avant d'être secré- de nouveaux faits à ceux qui ont été pu
taire perpétuel pour les sciences physi- bliés par ces deux savans sur l'électro
ques , est né en 1786 à Estagel, près de magnétisme ( voy .), et découvrit qu'on
>

Perpignan. Quoiqu'il ne sût point en- peut aimanter une verge d'acier en la pla
core lire à 14 ans , il put cependant en- çant au centre d'un courant électrique
trer en 1804 à l'École polytechnique où convenablement dirigé ; il a aussi le pre
il fut un des élèves les plus distingués.mier reconnu l'action exercée par un
Aussi, à la sortie de cette école , fut- il barreau de cuivre mû circulairement sur
ARA ( 137 ) ARA
l'aiguille aimantée, observation qui doit | qui, le 6 juin 1832 , se rendit auprès du
>

faire rejeter le cuivre dans la construc- roi de la part de l'opposition . Quelques


tion des boussoles ( voy.). M. Arago a lettres qu'il a publiées sur le système des
fort peu écrit , eu égard à ses brillantes forts détachés à élever autour de Paris
et nombreuses découvertes , qui , pour la ont fait quelque sensation dans le public.
plupart , ont été connues par suite de Les devoirs politiques de M. Arago ont
communications verbales faites à l'Aca- pu ralentir ses travaux scientifiques, mais
démie des sciences , ou même révélées ils ne les ont point absolument suspen
au monde savant par des mémoires , sou- dus, puisqu'il vient encore de lire ( 5
août 1833 ) à l'Académie des sciences un
vent étrangers , dont les auteurs se fai-
saient un devoir de rapporter ce qu'ils mémoire renfermant les faits les plus cu
avaient puisé dans les conversations ou rieux et les recherches les plus ingénieu
dans la correspondance de cet homme si ses sur les procédés à employer pour me
distingué. Cependant les observations re- surer l'intensité de la lumière fournie par
cueillies en Espagne , et quelques-unes les divers foyers lumineux.M. Arago était
de ces recherches,ont fait l'objet de plu- professeur à l'École polytechnique; il a
sieurs mémoires qu'on retrouvera dans donné sa démission quand cette école a
les Mémoires de l'Institut , dans l'An- été comprise dans les attributions du mi
nuaire du bureau des longitudes et dans nistre de la guerre . A. L-D.
les Annales de physique et de chimie ARAGON ( ROYAUME D' ) , province
que M. Arago a fondées de concert avec très importante du royaume d'Espagne ,
M. Gay-Lussac.M.Arago est le premier, ainsi nommée d'une rivière venant des
en France, qui ait obtenu la médaille d'or Pyrénées, et qui, après l'avoir traversée,
appelée Copley medal, que la Société sejette dans l'Ebre,près de Milagro. L'A
>

royale de Londres décerne chaque an- ragon, dont une partie était habitée, dans
née et qu'elle lui a donnée à l'unanimité, les temps les plus reculés, par des peuples
quoique souvent M. Arago ait >, dans ses à qui l'histoire a donné le nom de Cel
écrits , contesté aux Anglais plusieurs in- tibères , fut compris , par les Romains ,
ventions dont ils se glorifient, entre au- dans la Tarraconnaise , l'une des trois
tres celle de la machine à vapeur. ( Voir grandes divisions qui composaient la pé
l' Annuairedes longitudes de l'an.1829). ninsule ibérique tout entière. Vers l'an
M. Arago a donné une preuve trop rare 470, les Goths y établirent leur domina
de sa bonne foi comme savant , en pu- tion ,> et celle-ci fut, en 714 , remplacée
bliant dans l'Annuaire de 1833 un mé- par celle des Maures. Enlevé à ces con
moire plein d'intérêt sur l'influence non quérans par les rois de Navarre , l'Ara
douteuse de la lune sur les quantités de gon forma, en 1035, un royaume séparé,
pluie , influence qu'il avait niée jusqu'a- que Sanche -le -Grand donna à Ramire ,
lors dans ses cours et dans ses conversa- son quatrième fils. Ce prince devint la
tions . souche de la dynastie d’Aragon , qui se
Devenu homme politique en entrant à confondit,dans la personne deFerdinand
la chambre, en 1830, comme député des le-Catholique , avec la maison royale de
Pyrénées-Orientales, M. Arago s'est assis Castille. Cette dynastie compte vingtrois;
sur les bancs de l'opposition . Ami de le règne des premiers s'écoula dans une
M. le duc de Raguse , il avait essayé d'u- lutte perpétuelle avec lesMaures.Don Pé
ser de l'influence que pouvaient lui don- dro ler, le troisième roi, tua, disent quel
ner de semblables relations pour arrêter ques historiens , dans un combat , quatre
l'effusion du sang au moment des com- mahomélans ; ce fut l'origine des qua
bats de juillet 1830. Témoin dans le pro- tre tétes noires qui figurent dans les ar
cès des ministres , par suite de cette dé- mes d’Aragon . Son frère, Alphonse Ier, le >

marche, dangereuse sous plus d'un rap- Batailleur (voy. ), qui lui succéda, prit
port , M. Arago a su dans sa déposition l’Aragon en 1118 et en fitsa capitale l’an
concilier avec un rare bonheur ses de- née suivante. Le cinquième roi, Ramire II,
voirs de bon citoyen avec les exigences était un prêtre qui obtint une dispense
de l'amitié. Il fit partie de la députation pour se marier; mais il n'en fut pas
ARA ( 138 ) ARA
moins ensuite élu évêque de Tarragone. | règnes de ces princes que s'établit cette
Sous Pétronilla, sa fille, et Raymond Bé- constitution célèbre d’Aragon , la plus
renger , comte de Barcelonne , époux de remarquable sans doute de toutes celles
cette princesse , le royaumefut agrandi que présente le moyen -age. Elle unissait,
des terres situées sur la rive droite de l'E- quant à la royauté , le principe électif au
bre , sous la condition de prêter foi et principe d'hérédité , et celui de la loi
е
sa
hommage aux rois de Castille, au couron - lique y fut introduit à la fin du xive siè
nement desquels les rois d'Aragon se- cle. C'est en vertu de cette loi que les
raient tenus d'assister l'épée nueà la main . filles de Jacques 1ºr furent exclues en
Don Pédro II, huitième roi , se fit couron- 1395 >, et que leur oncle Martin fut ap
ner à Rome , en 1204, par le pape , et il pelé au trône. La haute souveraineté na
soumitson état à un tributenvers le Saint- tionale se manifestait, à chaque vacance
Siége. Il épousa une comtesse de Montpel- du trône, par cette circonstance que l'hé
lier; et l'on remarque qu'il s'engagea solen- ritier ne prenait le titre de roi qu'après
nellement, par son contrat de mariage, à ne avoir prêté serment de respecter la liberté
jamais la répudier,ni à épouseraucuneau- du royaume. Il gouvernait , jusque là ,
tre femmependantsa vie,ce qui peut don comme simple seigneur naturel. L'auto
ner une idée des usages du siècle. Sous le rité royale était limitée par l'autorité
dixième monarque, Don Pédro III, la cour des baróns , ou riccos hombres, par celle
de Rome, sous le prétexte du tribut pré- des cortès , et aussi par celle d'un magis
cédemment consenti, se crut en droit de trat spécial, appelé Justiza , c'est-à- dire
donner, en 1282, l'investiture du royaume justicier. On connaît la fameuse formule
d'Aragon à un prince de France , pour dont les barons se servaient pour déférer
punir Pédro de sa prétendue usurpation la couronne au nouveau prince : Nos que
de la Sicile. En 1325 , sous Jacques II , | valemos tanto como vos , vos hacemos
douzième roi , la question préparatoire nuestro rey y senor , con tal que vos
fut abolie par les cortès , acte bien re- guardeis nuestros fuerosy libertades; y
marquable pourle siècle. Le quatorzième sino , no. « Nous, qui valons autant que
roi, Don Pédro IV, le cérémonieux , créa vous , nous vous faisons notre roi et sein
son fils duc d'Epronne, et ce fut depuis gneur , àà condition que vous respecterez
le titre affecté aux fils ainés des rois d'A- nos lois et nos priviléges ; sinon , non. »
ragon. Sous ce règne, on commença à Les cortès se composaient dequatre or
compter les années dans ce pays d'après dres : le clergé , la haute noblesse , les
l'ère de la naissance de J.-C. , en abandon- riccos hombres et le tiers-ordre. Les at
nant l'ère de Jules César. Jean Iºr , fils et
2 tributions des cortès étaient très impor
successeur du précédent , établit à la cour, tantes, et dans l'intervalle des sessions un
pour complaire à sa femme, une école de comité restait assemblé . Le justiza était
troubadours, qui composaient en langue une espèce de gardien de la constitution ,
limousine . Aveo Martin , son frère, s'é- que ses pouvoirs rendaient quelquefois
teignit, en 1410, la postérité masculine l'intermédiaire entre le roiet le peuple.
des comtes de Barcelonne qui régnaient | Primitivement le roi nouvellement élu
sur l'Aragon depuis le mariage de Ray- prêtait serment , la tête nue >, aux pieds
mond Bérenger avec Pétronilla . Il s'en- de ce magistrat qui tenait une épéedirigée
suivit une guerre civile et une anarchie vers sa poitrine ; mais Pédro Ier abolit
de deux ans , à l'issue de laquelle le trône cette cérémonie . Telle était cette con
resta à Ferdinand -le - Juste , prince de stitution à laquelle les Aragonais se mon
Castille etpetit - fils, par sa mère, de Don trèrent long-temps fidèles, et qui ne put
Pédro IV. Dans la personne de Jean II, être entièrement renversée que par le
dix-neuvième roi, l'Aragon et la Navarre despotisme puissant de la maison d’Au
se trouvèrent réunis en 1458. Ce prince | triche.
fut père de Ferdinand - le - Catholique, A la couronne d'Aragon apparte
sous lequel la monarchie espagnole prit naient le royaume de ce nom , ceux de
naissance. Valence et de Majorque, et la principauté
2

C'estpendantla période occupée par les de Catalogne, en tout environ 1,794 milles
ARA ( 139 ) ARA
carrés géogr.avec2,530,000 habitans, La tago , à 13 lieues de Saragosse, et là il se
province d’Aragon est bornée : à l'ouest, réunira avec l'Ebre. Ce canal est déjà de
parla Navarre etla Vieille-Castille;au sud, la plus haute importance, soit pour les
par la Nouvelle- Castille ; àà l'est, par le communications , soit pour l'irrigation
royaume de Valence, la Catalogne, et , au des terres qu'il traverse ; mais il secon
nord , par les Pyrénées. Cette province a dera bien mieux encore , quand il sera
72 lieues delong sur 48 de large ; sa su- achevé , l'activité industrieuse des Ara
perficie est de 1,006 lieues carrées, et sa gonais. P. A. D.
population de 657,376 ames. Le sol est ARAGON ( TULLIE D’ ). Cette femme
hérissé de montagnes dans lesparties sep- | poète, qui mérita d’être distinguée au mi
tentrionale et méridionale; les montagnes lieu de tous les talens dont brilla le xvie
du nord sont des ramifications des Py- siècle, était fille du cardinal Pierre Taglia
rénées ; parmi celles du sud qui passent vio d'Aragon, archevêque de Palerme , et
pour être les plus hautes de l'Espagne, d'une belle Ferraroise ,nomméeGiulia .On
on remarque celles de Cuenca, d’Albar- | sait que Rome fut sa patrie ; mais la date
racin , de Teruel , la Sierra -Molina, les de sa naissance n'est pas bien connue. A
montagnes de Morata -del-Conde, dont sesdispositions poétiques elle joignait de
le pic Cayo estlepoint le plus élevé. Entre la beauté, des talens, des manières mo
ces parties montagneuses , le sol offre destes. Elle fut accueillie dans le monde
l'aspect d'une plaine fertile, arrosée par avec enthousiasme. On compta parmi ses
de nombreux cours d'eaux qui descen- admirateursle cardinal Hippolyte de Mé
dent des chaînes limitrophes. L'Ebre tra- dicis , Hercule Bentivoglio, le Molza , le
verse l’Aragon du nord -ouest au sud - célebre Muzio. Dans sa vieillesse , elle
ouest et le divise en deux parties presque vécut heureuse à Florence, sous la pro
égales ; le Tage et le Guadalaviar y pren- tection dela duchesse à laquelle elledé
nent leur source. On y compte , en oų- dia ses Rimes, publiées à Venise, en 1547,
tre , jusqu'à 45 rivières , dont les prin - in -8°. Elle a encore laissé : Dialogo dell
cipales sont , indépendamment de l'Ara- infinità d'amore, Venise, 1547. il Mes
gon , dont nous avons parlé , le Galligo , chino ou Il Guerino , poèma , en 36
la Cinca , la Segre , etc. Les villes les chants , Venise, 1560 . L. L. O.
plus importantes sont Saragosse , capi- ARAGONITE , voy. ARRAGONITE.
tale, Zaca , Huesca, Catalayud et Albar-
2 ARAIGNÉE , animal articulé , à en 2

racin. Le climat de l’Aragon est froid veloppe coriace ou cornée, dont la tête
dans les montagnes et très chaud dans le est confondue avec le thorax . L'abdomen,
plat pays. On yrécolte des grains , des globuleux ou cylindrique, est suspendu
vins excellens >, de l'huile >, du safran , de au reste du corps par un pédicule très
la soie , du lin , du chanvre , et ces pro- étroit , à peine soulevé par huit pieds
duits alimentent une exportation consi- à peu près uniformes , à sept articles,
dérable. L'agriculture est en progrès. On unguiculés, peu inégaux en longueur, dis
compte dans toute l'étendue du royaume posés circulairement en arcs-boutans au
jusqu'à 2,000,000 de bêtes à laine. On tour de la partie inférieure du thorax.
pourrait tirer un meilleur parti des ri- Ses yeux sont lisses, tantôt égaux en vo
chesses minérales que recèlent les mon- lumne, tantôt inégaux, diversement dispo
tagnes. L'industrie consiste principale- sés sur deux ou trois rangs, selon les espè
ment en fabrication de draps communs , ces, brillans dans l'obscurité, et au nom
de grosses toiles , eaux-de- vie, poudre à bre de six ou de huit. Lesaraignées n'ont
>

canon , savon , etc. Les manufactures de point d'antennes proprement dites , mais
soie sont en décadence. Le commerce deux palpes petits, simples , terminés par
trouve d’utiles ressources dans le canal , un petit article en crochet ou en ampoule
dit d’Aragon ou Impérial, commencé par excavée qui, dans les mâles, porte les or
Charles-Quint , en 1529 , et qui, partant ganes de la génération ; les mandibules
de Tudela , s'arrête à 2 lieues au -dessous sont d'un seul article surmonté d'un cro
de Saragosse, après un cours de 18 lieues. chet mobile, replié et percé en dessous
On a le projet de le continuer jusqu'à Sas- près de son extrémité d'une petite ou
ARA ( 140 ) ARA
verture pour la sortie d'un liquide dé- Les unes l'abandonnent , d'autres le gar
létère pour les insectes. Les araignées dent à vue , d'autresl'emportent partout
portent près de l'anus quatre ou six ma- avec elles , le lient à l'abdomen , ne le
melonscharnus percés d'un grand nom- quittent que dans le danger le plus pres
bre de trous , d'où s'échappe un liquide sant , et, sitôt qu'il est passé, reviennent
>

visqueux, plastique, susceptible de se con- recharger leur fardeau avec les pattes de
denser promptement à l'air et d'acquérir derrière. Quelque temps après la pre
presque instantanément une densité assez mière ponte , elles en font de nouvelles
grande ; ce liquide des filières s'agglu- plus oumoins fécondes, sans autre accou
tine en un cordon extrêmement fin , élas- plement. Ces pontes successives ont or
tique, qui sert à l'animal pour se suspen- dinairement lieu en automne : quelque
dre et traverser l'espace vide d'un point à fois les petits éclosent avant l'hiver;d'au
un autre ou pour construire, soit des toi- tres fois ils passent la mauvaise saison
les, des filets sous lesquels il se met à l'a- dans le cocon , d'où ils sortent spontané
bri, soit des rets de formes variables dans ment , ou dont la mère déchire le tissu.
lesquels il attrape les insectes qui doivent Les araignées naissent parfaites et ne
lui servir de pâture , soit enfin des coques subissent aucune métamorphose ; elles
feutrées où ses aufs sont en sûreté. On éprouvent seulement de simples mues ;
emploie quelquefois ce produit des arai- quelquefois les petits éclosent avec six
gnées : c'est avec les fils d'une espèce pattes, et à la première mue se développe
que l'on construit des micromètres , on la paire complémentaire. Chez certaines
a essayé de tisser les toiles de quelques espèces, les petits attendent cette srévo
autres , mais on s'est borné à des essais. lution dans le cocon ; chez d'autre , ils
Les toiles d'araignée sont aussi employées montent sur le dos de leur mère jusqu'à
pour arrêter des petites hémorrhagies cette époque. L'accroissement des arai
traumatiques. gnées parait être assez lent ; aussi peu
Les araignées sont carnassières à un vent-elles vivre assez long-temps , et les
degré extrême, elles ne s'épargnent pas femelles peuvent-elles fournir plusieurs
entre elles , même d'espèce à espèce ; générations. On dit queladurée moyenne
aussi vivent - elles toujours solitaires et de leur vie est de cinq à six ans. Le
n'est-ce qu'avec hésitation que le mâle corps et les pattes des araignées sont or
approche de la femelle pour l'accouple- dinairement couverts de sortes de poils
ment. S'il ne la voit pas disposée favo- | plus ou moins abondans et longs , ou de
rablement il s'enfuit, et même après avoir piquans plus ou moins résistans; ceux
été bien accueilli, il s'échappe au plus qui terminent les membres sont assez
vite , certain d'être victime de l'avidité acérés pour permettre à ces animaux de
de la femelle s'il demeurait plus long- marcher à contre-poids. Néanmoins , ils
temps auprès d'elle. ne peuvent se cramponner après les corps
A l'époque des amours , quelques es très lisses , et ce n'est, par exemple, que
pèces moins féroces vivent en société et lorsque les vitres sont couvertes de pous
paraissent même filer en commun . En sière qu'ils y peuvent grimper. Les cou
général , la production du liquide plas- leurs de leur robe sont ordinairement
tique est plus abondante alors , et c'est ternes et sombres ; cependant , il est des
ce qui donne lieu à ces nombreux fila- espèces qui offrent des teintes assez va
mensblancs que le vent d'automne char- riées et assez éclatantes. Les araignées
rie dans les derniers beaux jours, et que ne produisent, en général, point de bruit;
l'on désigne sous le nom de fils de la néanmoins il n'est personne qui n'ait
vierge. Deux mois environ après la fé- été intrigué dans des momens d'insom
condation , la femelle pond une quantité nie , en entendant pendant la nuit cinq
7

considérable d'oeufs qu'elle enveloppe ou six petits coups secs , répétés à inter
d'un cocon sphérique ou ovale , selon les valles assez rapprochés ; ce bruit est dé
espèces. Quelques araignées attachent ce terminé par la percussion, sur un corps
cocon au fond de leur nid , d'autres le dur, des palpes d'unearaignée mâle, lors
fixent à des pierres ou dans des feuilles. I qu'elle invite la femelle à l'actede la repro
ARA ( 141 ) ARA
duction. On sait que les araignées, comme piratoires. Plusieurs, chasseresses comme
tous les insectes, se laissent aisément atti- les précédentes , tendent au-devant de
rer par la vive lumière ; on leur attribue leurs tubes quelques fils lâches épars et
un goût prononcé pour la musique ; elles n'ont que six yeux. De ce nombre est
sont susceptibles d'un certain degré d'ap- l'araignée thoracique qui habite l'inté
privoisement : tout le monde connait , rieur des appartemens. Toutes les autres
entre autres , l'histoire de l'araignée de araignées ont huit yeux ; chez les unes
>
Pélisson . ils sont très inégaux , et parmi celles- ci
Toutes les araignées n'ont pas la même il en est un grand nombre qui courent
manière de vivre : la plupart d'entre elles sur leur proie avec vitesse , mais marchant
vivent à terre ,d'autres restent sur l'eau toujours en avant : ce sont les araignées
et s'y enfoncent même quelquefois. Par- loups (lycose) , les araignées citigrades
mi les araignées terrestres , les unes ont ou coureuses ; celles-là portent leurs
quatre sacs pulmonaires , quatre filiè- cocons et leurs petits avec elles ; la plu
res , húit yeux presque égaux , rappro- part vivent à terre, se retirant dans des
chés ou distans, et les mâchoires mobiles trous ou sous les pierres. La plus re
de haut en bas. Les unes pratiquent dans nommée est la lycose tarentule , ainsi
la terre des trous tubuleux qu'elles ta- appelée parce qu'elle a été observée d'a
pissent de soie et dont elles ferment l'o- | bord aux environs de Tarente ; elle est
rifice, au moyen d'une soupape mobile longue d’un pouce et a l'abdomen rou
à charnière qui sě referme lorsqu'elles geâtre traversé par une bande noire. On
vont à la chasse; ce sont les araignées mi- a cru que sa morsure déterminait des
neuses. Parmi celles - ci se trouve l'arai- accidens nerveux désignés sous le nom
gnée maçonne, longue de huit lignes , de tarentisme (voy. ce mot). On trouve
d'un brun roussâtre , et qui a l'abdomen aux environs de Paris une espèce plus
gris-pâle moucheté; l'araignéepionnière, petite, de couleur fauve rayée longitudi
plus grande que la précédente, d'un brun nalement de noir , les pattes annelées de
clair uniforme. D'autres araignées du même couleur ; c'est l'araignée à sac.
même groupe se cachent sous les pier- D'autres vivent près des eaux dormantes,
res ou dans les fentes des arbres, con- et chassent leur proie en courant sur la
struisant une sorte d'entonnoir soyeux , surface du liquide sans se mouiller. Il
dans lequel elles se retirent et déposent est des araignées à huit yeux inégaux et
leurs aufs. Dans ce genre , l'on trouve chasseresses, qui ont la faculté de sauter
l'araignée aviculaire de l'Amérique, d'un à des distances plus ou moins considé
brun violacé, à membres trapus , cou- rables pour atteindre leur proie ; on les
verts de poils nombreux et épars; elle at- appelle araignées sauteuses(saltigrades):
teint sixà sept poècesd'envergure.Comme telles sont l'araignée à chevron blanc et
son nom l'indique , elle fait la chasse l'araignée fourmi; elle a le corselet noir
même aux petits oiseaux ; sa morsure en avant , rouge en arrière , l'abdomen
passe pour être dangereuse pourl'homme. fauve devant, noir derrière. Parmi les
Au cap de Bonne-Espérance il existe une araignées qui ont-les yeux plus égaux , il
araignée à peu près semblable et de la en est qui épient leur proie sans s'éloi
même taille; quelques autres espèces plus gner beaucoup de leur trou , mais néan
petites se rencontrent dans le midi de moins en courant après elle , marchant
l’Europe. dans tous les sens , et ne restant dans
Les autres araignées ont les mâchoires leur retraite que vers l'époque de la
mobiles latéralement ; quelques - unes ponte : ce sont les latérigrades ; dans
d'entre elles sont voisines des précédentes cette famille se rangent l'araignée sma
pour les habitudes : elles tissent près de ragdine, d'un vert påle , jauneclair sur
terre de simples tubes doublés de soie les côtés , et l'araignée tigrée, longue de
dans lesquels elles se retirent hors le trois lignes , à corselet fauve en avant,
temps de la chasse , mais elles ont six brun sur les côtés et en arrière ; l'abdo
filières et n'ont que six yeux ; d'autres men pyriforme est recouvert de poils
araignées n'ont que deux stigmates res- roux ,bruns et blancs brillans. Les arai
ARA ( 142 ) ARA
gnées crabes se rapportent ici . Plusieurs ARAJA ( François ), compositeur de
araignées de la même classe tendent au- musique , naquit à Naples, en 1700. Son
9

devantdeleurs trous des fils nombreux , premier essai pour le théâtre fut l'opéra
irréguliers , autour desquels elles chassent de Berenice , représenté, en 1730 , au
et épient leur proie ; ce sont les tendeuses château du grand duc de Toscane. L'an
oufilandières. Dans ce groupe l'on trouve née suivante , il fit jouer à Romel’Amore
l'araignée domestique à longues pattes, per regnante.En 1735, il quitta sa patrie
jaune clair , couverte de poil , les pattes pour aller à Saint-Pétersbourg comme
grêles , annelées de blanc ; quelques -uneschef de musique d'une société d'artis
forment avec leurs fils une sorte de tente tes italiens. Il y composa , pour le théâ
sous laquelle elles se retirent comme la- tre impérial de la cour , en 1737, Abia
raignée verte , longue d'une à deux li- zare , le premier opéra italien qu'on ait
gnes , avec des raies obliques jaunâtres exécuté en Russie. En 1738 , il mit en >

sur l'abdomen , que l'on rencontre sur scène Semiramide, et les années suivan
>

les feuilles de lilas, de poirier, etc. tes, Scipione , Arsace, Seleuco . La com
Les araignées aquatiques ou argy- position de CephalusetProcris, donnée
ronètes se rapprochent de celles-ci par en 1751 , fut un événement remarqua
leurs autres habitudes; elles nagent l'ab- ble dans les fastes de la scène russe ,
domen enveloppé d'une bulle d’air , et parce que ce fut le premier opéra composé
plongent quelquefois assez avant ; leur dans la langue du pays et chanté par des
coque est aussi remplie d'air , placée chanteurs russes. Ilobtintun brillant suc
entre les plantes voisines ; elles s'y ren cès ; l'impératrice , pour témoigner sa sa
ferment pendant l'hiver et y gardent leurs tisfaction au compositeur , lui fit cadeau
petits. La plus commune est l'araignée de 500 roubles et d'une superbe pelisse
aquatique brune , noirâtre, velue. Les de zibeline.
autres araignées , terrestres , sont séden- En 1759 , il retourna en Italie pour
taires et attendent paisiblement dans vivre dans la retraite à Bologne, jouissant
leurs trous que les insectes viennent se d'une fortune honorable amassée en Rus
prendre à leurs filets. Tantôt ceux-ci sont sie. On ignore la date de sa mort. G. E. A.
tendus horizontalement et l'animal éta- ARAK ou Rak , liqueur produite par
blit son repaire tubuleux en dessous , la fermentation du riz avec le cannamele
>
près de la partie moyenne , et s'y tient ou avec le suc des cocos. La dernière es
dans une position renversée ; de ce genre pèce , qui est la meilleure , vient de Ba
est une petite espèce d'araignée commune tavia ; l'autre de Goa . Trois sortes d'A
dans les grappes de raisin , l'araignée rak sont fabriquées à Goa , le premier, le
bienfaisante ; tantôt l'animal construit second et le troisièmetirage. Le rak dou
sa retraite en dessus de la toile , comme ble est la plus ordinaire , quoiqu'elle soit
l'araignée domestique, brune , légère- moins forte que celle deBatavia.
ment velue , avec une raie pâle denticulée On appelle araka une liqueur spiri
sur l'abdomen ; enfin , il est des araignées tueuse extraite par la distillation du kou
qui tendent leur toile verticalement. miss, boisson fermentée préparéeavec le
Tissée d'une manière assez lâche , elle se lait de jument. C. L. m.
compose de filets rayonnés concentriques ARAKTCHEIEF ( comte ) , général
coupés par des fils circulaires ; l'animal (en chef) de l'artillerie, celui à qui cette
se tient au centre de la toile. Au nombre arme doit, en Russie , les plus grands per
de celles-ci est l'araignée diadème,gran- fectionnemens, l'ami et le confident de
de d'un pouce, roussâtre, veloutée ,avec l'empereur Alexandre , et l'auteur des
des points blancs disposés en croix sur colonies militaires (voy.) dont il futchef
l'abdomen ; elle est très commune en jusqu'en 1826.
automne dans les jardins et les bois. Voir Peu d'hommes ont fait une fortune
le Tablenu des Aranéides et l'Histoire aussi rapide , peu d'hommes ont jouià un
naturelle des Aranéides de M. le baron plus haut degré de la faveur de leur sou
Walckenaër . Paris 1806, avec fig. T. C. verain. Né gentilhomme , mais obscur et
>

ARAIRE , voy, CHARRUE , pauvre , vers 1765, M. Araktcheief fut


ARA ( 143 ) ARA
reçu au corps des cadets de Saint-Péters d'un siècle dans la contrée de l'empire
bourg. Il y montra de grands talens et d'Autriche appelée la Frontière mili
fit des progrès signalés dans tout ce quitaire. Le régiment des grenadiers du
comte Araktcheïef fut le premier co
concernait l'art militaire, mais sans pren-
dre aucun goût aux lettres , et sans ap- lonisé , et le comte fut nommé chef de
>

prendre , comme c'est l'usage en Russie, tous ces établissemens. En 1824 l'em
aucune autre langue que la sienne. De- pereur lui confia en outre la direc
venu officier d'artillerie , il fut recom- tion des cantonnistes (voy .) militaires ,
mandé à l'empereur Paul pour former la attachés jusque là à l'état-major. Mais
compagnie particulière de cette arme qu'il ce nouveau système, introduit par le be
entretenait à Pavlofsk.Letalent qu'il mon- soin de réduire les dépenses de l'armée
tra à faire des feux d'artifice, et plus en- sans trop l'affaiblir elle-même , déplut
core la dureté et la roideur avec laquelle généralement en Russie, et l'impopularité
il était soumis lui – même et exigeait la de M. Araktcheïef augmenta en propor
soumission des autres aux règles de la tion des nouveaux services qu'il rendait.
discipline , le recommandèrent à Paul qui A la mort d'Alexandre ce système fut
le nomma major aux gardes avec le rang abandonné à peu de choses près ; et, peu
de général, et bientôt après gouverneur agréable au nouvel empereur , Arakt
militaire de la capitale. En même temps cheïef quitta St.-Pétersbourg pour voya
il lui donna, avec quelques milliers de ger à l'étranger . La direction des colonies
paysans, la terre deGroušina ( gouv. de lui fut enlevée et réunie à l'état-major
Novgorod ), qui fut embellie dans la suite général placé sous les ordres du baron
par les dons d’Alexandré . Diebitsch (voy.). Depuis ce moment l'an
Vers la fin de son règne , Paul irrité cien favori perdit tout crédit, et il vit en
contre M. Araktcheïef l'avait renvoyé , core dans une retraite profonde.
puis rappelé en lui conférant le titre de Un des groupes des îles Radack dé
baron . En 1800, ce général commandait, couvert en 1817 par M. Othon de Ko
à 10 lieues de la ville, un régiment de con- tzebuë porte le nom d'iles d'Arak
fiance. Paul en proie à de vives terreurs tcheïef. J. H. S.
et pressentant les piéges où son princi- ARAL (MER D ’), lac de l'Asie occiden
pal confident , le comte de Pahlen ( voy.), tale, entre le 42mé et le 46medegré de lat.
>

le faisait tomber, appela à lui Arakt- Il a 55 lieues de long, sur 12 de large , et


cheïef; mais l'audacieux ministre arrêta reçoit plusieurs rivières, entre lesquelles
le porteur de la dépêche et se saisit de on distingue le Sir ou Syhoun , l'Ouad
cette dernière. jany, et l’Amou-Dérya ou Djyhoun , qui
Sousl'empereurAlexandre,M.Arakt- tombe dans le lac, du côté du sud , par
cheïef devint comte et général de l'artil- deux embouchures. Entouré de grandes
Ierie. C'est en cette dernière qualité qu'il steppes ou plaines désertes , l'Aral n'a
rendit les plus signalés services à sa pa- aucun écoulement visible. Les géologues
trie,en tirant cette arme du misérable état pensent qu'il faisait autrefois partie de
où il la trouvá pour la mettre au niveau la mer Caspienne : il est pourtant sépa
de ce qu'elle était dans les pays les plus ré de cette mer par des plaines très éle
avancés sous ce rapport. Sachant que son vées. Ses eaux sont moins salées que celles
éducation négligée lui interdisait toute d'autres lacs de la Tatarie indépendante.
autre ambition , et connaissant sans doute On trouve dans l’Aral beaucoup de pe
la défaveur que le comte rencontrait dans tites îles , surtout vers le sud . Une de ses
toutes les classes , Alexandre l'attacha branches, le Tchiganak , s'enfonce dans
>

entièrement à sa personne , compta en les terres sur un espace de 25 lieues, et


toutes choses sur lui , et lui accorda jus- se dessèche en été, Parmi les poissons de
qu'à la fin de sa vie toute sa confiance. ce lac il faut nommer surtout les estur
C'est d'après ses conseils qu'au retour de geons. On yy trouve aussides phoques. Les
la deuxième campagne de Paris , il fit le Orientaux appellentl'Aral le lac de Kho
premier essai des colonies militaires, dans varezac ou la mer d'Oghouz. Sur ses bords
le genre de celles qui existent depuis plus errent des Kirghises et des Uzbeks. D-c.
ARA ( 144 ) ARA
ARAMÉEN , voy . SÉMITIQUE et Sy- | l'Angleterre , de son côté, ne pouvait se
RIAQUE (langue). dessaisir de cette importante forteresse.
ARANDA (PEDRO Pablo ABARCA Y Nul compromis ne semblait possible ,
BOLEA, comte d '),homme d'état espagnol , lorsque cette dernière puissance vint of
né en 1718 à Saragosse , fils aîné d'une frir la Floride en compensation. D’A
famille très ancienne. Dans sa première randa , quoique sans plein-pouvoir , ap
jeunesse , il entra au service militaire ; puyant sa tête entre ses deux mains , s'é
puis il entreprit de grands voyages , et , cria après un moment de réflexion : « Il
rentré dans sapatrie, il vécut retiré dans faut savoir jouer sa vie lorsqu'il s'agit
ses terres , se livrant à l'étude des scien- d'arrêter l'effusion du sang humain »;
ces , de l'histoire et de la politique, s'en- et cédant à l'offre du ministre anglais ,
richissant de ces nobles et belles idées il parvint à faire ratifier ensuite cetarti
qui , plus tard , le guidèrent pendant son cle important du traité de Paris. Après
administration. En 1759 , à l'avénement neuf ans de séjour en France , il rentra
de Charles III , il fut arraché à sa soli- en Espagne et vécut disgracié dans ses
tude et envoyé à Madrid comme député terres. En 1792 , après la chute du mi
d'Aragon. Sa physionomie frappa le roi nistère de Florida Blanca, la reine, épouse
qui le retint sur-le-champ , puis l'envoya de Charles IV, fit rappeler d'Aranda et
comme chargé d'affaires en Pologne. A lui confia ce poste. Mais c'était là un der
partir de ce moment , d'Aranda parcou- nier éclair de la faveur royale : au bout
rut rapidement l'échelle des dignités. de quelques mois (août 1792), il futsup
Dès 1763 il fut nommé capitaine géné - planté par le favori de la reine , Manuel
ral de Valence , puis comte et président de Godoy( voy .), prince de la Paix.Bientôt
du conseil de Castille. Jaloux de justifier | après , ne cessant de se prononcer dans
la haute confiance du roi, il s'appliqua à le conseil contre les mesures impruden
ramener la prospérité sur le sol d’Espa- tes deson successeur, à une époque grosse
gne , à réaliser dans sa patrie les vues d'orages , il encourut une disgrace plus
>

philosophiques du xviiie siècle. En effet, forte; on l'exila en Andalousie, dans la


les lettres , les arts et les sciences recom- petite ville de Jaën . Il mourut néanmoins
mencèrent à y trouver un asile. Une in- dans ses terres en 1799. C'était une tête
finité d'abus disparurent sous sa main de fer; elle se brisa cependant contre
ferme et súvère ; il défendit les intérêts l'influence réunie de la cour , du clergé
du peuple contre les prêtres et la no- et contre l'épaisse ignorance de son
blesse, restreignit l'inquisition , fit tête pays..
. L. S.
aux demandes exorbitantes de Rome ; ARANJUEZ , célèbre sitio ou château
enfin , le 1er août 1767, enhardi par de plaisance espagnol de la province de
>

l'exemple du ministère Choiseul , en Tolède ( royaume de la Nouvelle - Cas


France, et du marquis de Pombal, à Lis- tille ), dans une jolie vallée à l'embou
bonne , il exila par un décret , du sol chure du Carama dans le Tage. La ville
d'Espagne , l'épouvantail des rois et des est construite dans le goût hollandais et
peuples, l'ordre des Jésuites. Aussi , dès éloignée d'environ huit lieuesde Madrid ;
9

lors , la cour de Rome , irritée , ne ces- elle n'a ordinairement que 2,600 habi
sa-t- elle plus , de manæuvrer contre lui; tans , mais ce nombre s'élève jusqu'à
les prêtres circonvinrent l'esprit de Char- 8,000 pendant le séjour que la cour fait,
les III, et d’Aranda fut renvoyé du minis- en été, au château fondé par Philippe II.
tère. Pour colorer sa disgrace , on l'en- | Cette résidence royale est surtout remar
voya à Paris en qualité d'ambassadeur. quable par ses jardins délicieux situés
Dans ce nouveau poste , il sut encore en partie sur une ile du Tage; un im
rendre un éminent service à sa patrie , mense parc en dépend. Le château , que
en levant , à ses risques et périls , les dif- décorent de beaux escaliers en marbre et
ficultés qui s'opposaient à la conclusion de grandes glaces de Saint - Ildefonse ,
de la paix de 1783. L'Espagne s'était est de plus orné d'un grand nombre de
toujours refusée de rendre définitive, tableaux de prix , ainsi que le sont aussi
par une cession , la perte de Gibraltar ; l'église et le couvent. Aux environ d'A
ARA ( 145 ) ARA
ranjuez il y a une source d'une eau mi- méniens Macis. Voy. ARMÉNIE. P. A. D.
nérale qui sert de purgatif. ARATUS , chef de la ligue Achéenne
Aranjuez occupe une place dans l'his- ( voy .) dans l'ancienne Grèce, né vers
toire à cause du traité conclu 12 avril 272 avant J.-C. Il était fils de Clinias ,
1772 , entre la France et l'Espagne, et qui périt des mains du tyran Abantidas ,
par lequel cette dernière puissance s'en- pour avoir voulu rétablir la régence dé
gagea à soutenir la première dans la mocratique aà Sicyone , sa patrie. Toute
guerre qu'elle faisait à l'Angleterre, sur- sa famille fut expulsée de ce petit élat,
tout en Amérique. C'est aussi à Aran- et Aratus, encore enfant, fut conduit par
juez qu'éclata la révolte du 18 mars 1808 la sœur même d'Abantidas à Argos où
qui amena l'abdication de Charles IV. il demeura jusqu'à - sa vingtième année.
Les Français étant entrés en Espagne , le Pour délivrer sa patrie de l'oppression ,
bruit se répandit que la cour se réfugie- il se met à la tête des bannis , pénètre
rait de Madrid à Séville, et de la peut-être avec eux pendant la nuit dans les murs
en Amérique. La garde royale fit alors de Sicyone, et chasse le tyran Nicoclès.
cause commune avec le peuple indigné Aratus fait entrer sa ville natale dans la
de la conduite du prince de la Paix, et ce ligue Achéenne , et , aidé des trésors du
favori n'échappa qu'avec peine à la fureur roi d'Egypte Ptolémée Philadelphe, il
qui se manifesta de toutes parts contre lui. apaise les dissensions entre les bannis
Le prince des Asturies le sauva en pro- rappelés et les habitans qui avaient ac
mettant de le mettre en jugement, et son quis leurs biens. Ayant été revêtu par
père lui ayant cédé ses droits à la cou- les.Achéens de la dignité de stratège ou
ronne , il fut proclamé roi d'Espagne sous
S. général, Aratus se signale dans plu
le nom de Ferdinand VII. sieurs expéditions. Nommé stratège pour
ARARAT , montagne comprise dans la deuxième fois , l'an 243 avant J.-C.,
l'Arménie ci-devant persane et située à il chasse de l'Acrocorinthe la garnison
15 lieues S.-O. d'Érivan, par 39 ° 30' de macédonienne , et joint Corinthe à la
lat. N. , et 42 ° 15' de long. E. L'Ararat
9 ligue ; il force même la ville d’Argos de
fait partie du grand plateau d'Arménie, se joindre à la confédération ; ne pou
et il en est le point le plus élevé ; il se vant s'emparer du Pirée , il emploie la
termine par deux sommets dont le plus corruption pour gagner aussi les Athé
oriental et le moins haut s'appelle Petit niens. D'autres villes , et la plus grande
Ararat. On estime que le plus élevé a partie de l'Arcadie, suivent cet exemple ;
16,000 pieds de haut. La partie infé- Sparte seule résiste , et fait la guerre à
rieure de cette montagne offre une assez la ligue , sous les ordres de Cléomène.
maigre végétation où l'on conduit de nom- Aratus voit une partie de la confédéra
breux troupeaux. Au-dessus, l'aspect de- tion subjuguée par les Spartiates. Heu
vient affreux; il n'y croit aucune espèce reusement les Macédoniens viennent
d'arbres , et sur un des flancs est un au secours des Achéens. Cependant les
abîme d’où sort fréquemment de la fu- Étoliens déclarent également la guerre à
mée et où roulent parfois avec un bruit la ligue , et battent les troupes d’Aratus
épouvantable des fragmens de rochers. auprès de Caphiæ. Ce généraldétermine
On ne trouve là que des oiseaux de proie Philippe , roi de Macédoine , à marcher
et des ours. Les parties supérieures au secours des Achéens contre les Éto
sont couvertes de neiges. Des traditions liens et les Spartiates. Après plusieurs
transmises d'âge en âge font de l’Ararat campagnes, le roi fit enfin la paix avec
le lieu où s'arrêta l'arche de Noé après les ennemis de la ligue Achéenne , tant
le déluge ; aussi ce mont est- il en grande pour lui que pour les confédérés. Aratus
vénération parmi les Arméniens , qui vécut dès lors à la cour de ce prince ; mais
assurent que jamais homme n'a pu le ayant donné plusieurs avis sur le danger
gravir. C'est ce qui a été effectué , du régimetyrannique qu'introduisait Phi
toutefois , en 1829 , par le professeur lippe, il tomba dans la défaveur , et la
Parrot de Dorpat, en Russie. Les Turcs cour se débarrassa par le poison d'un
appellent l’Ararat Agri- dagh , et les Ar- conseiller aussi importun . Aratus était
Encyclop. d . G. d . M. Tome II. 10
ARA ( 146 ) ARA
un des plus grands héros de la Grèce. manient la longue lance d'une manière
C'est à lui que la ligue Achéenne dut son redoutable . Ainsi que chez les autres
plus grand lustre, et il soutint la liberté peuples de l'Amérique méridionale, le
grecque de ses talens et de son activité laço ou lacet à noud coulant est , entre
infatigable. Plutarque aa écrit la vie de ce leurs mains, une arme qui manque rarè
chef illustre qui expia cruellement ses ment son effet. La guerre ou le brigan
liaisons avec un roi étranger. D-G.dage est leur occupation favorite, ils
ARATUS, poète grec, né à Soli en Ci- pillent et tuent sans aucun scrupule, et
licie , était contemporain d'Anacréon; il ils dédaignent les travaux paisibles et ca
florissait vers la 127€ olympiade. Les rois saniers. Plusieurs tribus mènent une vie
Ptolémée Philadelphe et Antigonus Go- nomade asez semblable à celle des Mon
natas, fils de Démétrius Poliorcète , le gols. Les Araucans sont forts et vigou
comblèrent de faveurs. Ce fut sur l'invi- reux , mais laids de figure , ayant le teint
tation du roideMacédoine qu'Aratus mit cuivré , le visage aplati, le regard féroce
en vers les Phénomènes , ouvrage astro- et une longue chevelure noire. Ils se nour
nomique d'Eudoxe. Ce poème était estimé rissent de mais ,> et surtout de viande ,
des anciens , et il a servi à nous trans- qu'ils coupent en lanières et qu'ils font
mettre des idées astronomiques qui, sans sécher au soleil pour l'emporter dans
la traduction poétique d’Aratus, se se- leurs excursions. Ils boivent une liqueur
raient perdues. Aussi ont-elles été com- fermentée faite de fruits, et appelée cici ;
mentées par Ératosthène et par d'autres quand ils peuvent se procurer de l'eau
astronomes des temps postérieurs. Des de -vie, ils en boivent avec excès >, ce qui
auteurs latins , tels que Cicéron , Germa- augmente encore la brutalité de leur ca
nicus César et Avienus, les ont fait pas- ractère. Ce peuple féroce aime pourtant la
ser dans la langue latine. Les dernières danse ; leur sapatera , ou danse mimique
éditions des phénomènes d'Aratus sont de deux amoureux, a même été adoptée
celles de Buhle , Leipzig , 1793-1801 , 2 par les Chiliens.A l'exemple de leurs voi
vol. in-8°,> et de Matthiæ , Francfort, sins , les Araucans se vêtissent du pon
1817 , in-8°. Le poète allemand Voss a cho , étoffe carrée percée d'un trou
publié aussi le texte du poème avec une pour passer la tête et que fabriquent
traduction allemande et des notes ; Hei- leurs femmes : elle est quelquefois ornée
delberg , 1824. D-G. de dessins. C'est sur leurs compagnes que
ARAUCANS , peuple libre et sauvage tombent tous les travaux du ménage et des
qui habite la partie méridionale du Chili , champs. Les principaux Araucans ont
dans l'Amérique méridionale, depuis la plusieurs femmes , mais une seule est l'é .
mer jusqu'aux Cordillières. Pendant les pouse en titre; quelquefois chaque femme
deux siècles et demi que l'Espagne est a une cabane particulière , et son ménage à
restée en possession du Chili , elle a fré- part. Leur théologie admet un dieu su
quemment essayé de dompter l'Arauca- prême et des divinités subordonnées; dans
nie ; mais les habitans ont toujours su leurs traditions il est parlé d'un déluge
défendre leur liberté; ils ont également universel . Au lieu d'écriture ils ont des
repoussé les tentatives des missionnaires quipos ou neuds de souvenir , comme les
de les faire chrétiens pour que les Espa - anciens Péruviens. Il parait qu'ils ont
gnols les assujétissent ensuite ;depuis que aussi des poésies.Ilsn'ont pas tous le même
le Chili est une république, ils forment
> langage , peut - être les Espagnols ont- ils
de même un état indépendant, et sont les compris sous le nom d'Araucans des peu
ennemis des Chiliens comme ils l'étaient ples différens. La langire qui leur est pro
des Espagnols. On trouve de la ressem- pre est l'Araucan ; d'autres parlent chi
blance entreles Araucans et les Mongols; lien. Les véritables Araucans habitent
aussi quelques auteurs ne sont pas éloi- entre le Biobio et la ville de Valdivia ;
gnés de les croire originaires de la Mon- Arauco sur le Biobio, vis-à -vis l'ile Sainte
golie. Ils ont le caractère belliqueux ; ils Marie , est leur chef-lieu . Ceux quihabi
se servent habilement des chevaux sau- tent entre le 35me et le 4ome degré de
vages de leur pays , et leurs cavaliers latitude sont désignés sous les noms de
ARA ( 147 ) ARB
Puelches, Huelliches ou Pehuenches;en- rête la corde de l'arbalète lorsqu'elle est
fin lesmontagnards du Chilioriental, qui tendue ; à la seconde aboutit Pextrémité
sont peut- être un tout autre peuple ,> ont du ressort de la détente. Si l'on en presse
le nom de Picùnches. Ils forment en tout la clef, qui se trouve sous le chevalet ,
environ 500,000 individus disséminés près de la poignée, le ressort se dégage ,
sur un territoire de 4,000 m . car. géog. la noix tourne, la corde s'échappe, etle
Les Araucáns ont des chefs ou caciques projectile est lancéau loin. Il y avait plu
plus ou moins puissañs. Leurs tribus for- sieurs espèces d'arbalètes : les petites se
ment des fédérations, surtout en temps bandaient avec la main ; les grandes , qui
de guerre ; ils élisent alors quelquefois un étaient quelquefois fixes et non portati
tokil ou commandant. On sait que les ves , avec le pied droit et même avec les
guerres des Espagnols contre ces Indiens deux pieds ; celles dont on faisait usage
ont été chantées par le poète Ercilla dans å la guerre, avaient un moulinet et une
son poème de l'Araucana. Les rensei- poulie. On en voyait de plus grosses qui,
gnemens les plus récens sur ce peuple fixées sur les remparts , servaient à les
ont été fournis par M. Lesson , dans son défendre et étaient manoeuvrés par plu
Journal d'un voyage pittoresqueautour sieurs hommes; elles envoyaient des pro
du monde, Paris 1830 ,tom. I, cah. 2. D- . jectiles d'un plus gros volume.L'arbalète
ARAXE , aujourd'hui Aras , fleuve servait à lancer des balles ou de gros traits
d'Arménie, qui prend sa source près de appelés matras. On attribue l'invention
Kolli dans le pachalik turc d’Erzeroum . de cette arme aux Phéniciens. Elle paraît
Du mont Abous il se dirige vers l'est, en avoir été introduite en France après la
traçant beaucoup de sinuosités, et se jette première croisade, sous le règne de Louis
dans la Mer -Caspienne, après un cours le-Gros. Si nous en croyons Guillaume de
pendant lequel il reçoit un grand nombre Poitou, elle fut employée concurremment
de rivières. Quelques personnes ont cru avec l'arc à la bataille d'Hastings. Mais
à tort que l'Araxe avait sa source au plusieurs papesla proscrivirent comme
mont Ararat. On suppose que ce fleuve déloyale et traitresse, et le second con
est le Gihon , dont il est parlé dans le cile de Latran l'anathématisa , l'appelant
Pentateu que. Il forme en partie la limite artem mortiferam et Deo odibilem ; mais
entre la Russie et la Perse. Outre que cependant, il permit de l'employer con
son cours est très rapide , il est très sujet tre les hérétiques. Un chroniqueur de
à débordér après de fortespluies , ce qui Philippe - Auguste atteste qu'il n'y avait
rend extrêmement difficile la construc- pas un homme en France , sous ce règne,
tion d'un pont. Cependant on y voit des qui sût s'en servir; et quoique l'usage
ruines d'anciens ponts qui paraissent s'en soit rétabli ensuite, on voit dans
avoir été bâtis très solidement. Quel- Guillaume Du Bellay qu'en 1522 il n'y
quefois la force de ses vagues est telle avait plus dans l'armée française qu'un
que le bruit en est entendu à la distance seul arbalétrier. C'est d'un trait d'arba
d'une lieue. E. C. D. A. lète que périt Richard -Caur -de - Lion .
ARBACE ,2 voy. SARDANAPALE et As- On montre à l'arsenal de Zurich une
SYRIE . arbalète qu'on dit être celle de Guillaume
ARBALESTE (CHARLOTTE), voyez Tell.
MORNAY. Cette arme qui était un perfection
ARBALÈTE ( arcubalista ), arme de nement del'arc, en ce sens qu'elle dé
trait qu'on peut considérer comme un terminait d'une manière plus sûre Pé
arc ordinaire auquel on aurait ajouté un mission du projectile , fut abandonnée
fût de bois ou chevalet, destiné à diri- lorsque l'invention de l'artillerie fit sub
ger le projectile. Cefût, perpendiculaire stitueraux armes de traits des machinesde
au centre de la corde, renfermevers le destruction bien autrement puissantes.
milieu de sa longueur , une petite roue L'emploi ne s'en est conservé que comme
mobile d'acier ou noix , ayant deux en- exercice d'agrément.
tailles dans les deux parties opposées de On retrouve dans les arts et métiers
sa circonférence. Dans la première s'ar- plusieurs instrumens appelés arbalète, à
ARB ( 148 ) ARB
raison de quelque analogie de forme ou mettre à la sentence arbitrale, soit à ac
d'emploiavec l'armeque nous venons de quitter la peine convenue. Justinien mo
décrire. Les taillandiers et les serruriers difia cette règle de l'ancien droit, en or
ont un instrument qu'ils nomment ainsi. donnant que l'arbitrage, à défaut de sti
En marine, on donne quelquefois ce nom pulation pénale , n'en conserverait pas
au radiomètre ( voy. ce mot ). C'est aussi moins l'autorité de la chose jugée, au cas
une espèce d'attelage, qui consiste àmettre où les parties ne réclameraient pas dans
deux chevaux de front, puis un seul en les dix jours de la sentence.
tête . En France , les ordonnances de 1510,
On nomme ARBALÉTRIER l'hommear- | 1535 , 1560, et surtout la célèbre ordon
méd'une arbalète .On avait autrefois dans . nance de Moulins , ainsi que celle de
les armées des compagnies d'arbalétriers 1673, composaient,avantla révolution de
à pied et à cheval. Le grand-maitre des 1789 , toute la législation sur la matière
arbalétriers de France était alors ce- de l'arbitrage. Depuis cette époque jus
lui qui , depuis l'invention des armes à qu'à la promulgation des Codes de procé
feu , s'est appelé le grand -maître de l'ar- dure civile et de commerce qui nous ré
tillerie. On peut voir dans l'Histoire gissent actuellement, sont intervenues sur
de la milice française du père Daniel , l'arbitrage les lois suivantes: celle du 24
les droits et priviléges que voulaient août 1790 ; celle (organique) du 14 sept.
avoir les grands -mailres des arbalétriers 1791 , tit. 5, art. 5; celle du 10 juin 1793
de France. et le décret du 2 octobre de la même an
En termes de charpenterie, des arba- née ; celle du 17 nivôse an II, celle (orga
létriers sont des pièces de bois servant ànique) du 22 août 1795, art. 210 et 211;
la charpente d'un bâtiment , et qui sont celle du 3 vendémiaire an iv ; celle du 4
appuyées par un bout l'une contre l'au- brumaire, des 4 et 9 ventőse de la même
tre en forme d'arc , portant de l'autre année ; celle enfin du 17 ventôse an VIII.
bout sur unepoutre mise en bas en forme Observons que plusieurs de ces lois se
de corde , avec une quatrième mise au rapportent exclusivement à des contes
milieu en manière de flèche. Elles sont tations particulières nées des lois spolia
destinées à supporter le poids de la cou- trices de la convention nationale . Enfin
verture , et servent d'appui aux pannes apparurent nos Codes de procédure ci
qui portent les chevrons ( voy. ces mots vile et de commerce , le premier en mai
et COMBLE ). R-Y. 1806, le second au mois de septembre de
ARBELLES , voy . GAUGAMÈLE. l'année suivante. Ils sont aujourd'hui la
ARBITRAGE , juridiction extraor- règle en matière d'arbitrage .
L'arbitrage est toujours volontaire ou
dinaire que la loi ou les conventions des
parties attribuent à de simples particu- forcé ; volontaire en matière civile, forcé
ſiers (arbitres), pour décider une contes- en matière commerciale.
tation . L'acte par lequel les parties convien
A Rome , le préteur chargé de rendre nent defairejuger leurs contestations par
la justice ( voy . POUVOIR JUDICIAIRE ) des arbitres s'appelle compromis. Le
nommait , avec l'agrément des parties, compromis peut être fait par procès-ver
pour décider certaines causes dites bonæ bal devant les arbitres choisis,ou par acte
fidei, des personnes appelées pedanei devant notaire , ou sous signature privée.
judices ou arbitri. Elles décidaient tou- Il désigne les objets en litige et les noms
jours sans appel. Les parties pouvaient des arbitres , à peine de nullité. Le com
aussi >, sans recourir au préteur, convenir promis ne valant que comme convention,
de soumettre leurs différens à des arbitres, doit être, quant à la capacité des par
dont la décision cependant n'avait de ties , soumis à la loi ordinaire des con
force que par la stipulation d'une peine trats. Ainsi, on ne peut compromettre
attachée à son inobservation. Dans ce cas, sur les droits dont on n'a pas la libre dis
celui en faveur de qui les arbitres pro- | position. On ne peut compromettre éga
nonçaient,avait l'action ex stipulatu pour lement sur toutes causes sujettes à com
contraindre son adversaire, soit à se sou- munication au ministère public , comme
ARB ( 149 ) ARB
intéressant l'ordre en général ( voy. Mi- ce qui a été produit. Le jugement est si
NISTÈRE PUBLIC ). Même règle dans le gné par chacun des arbitres : dans le cas
droit romain. * De telles causes ne sau- où il y a plus de deux arbitres, si la mi
raient doncêtre décidées que par les tri- norité refuse de le signer , les autres ar
bunaux de la loi , et non par des arbitres bitres en font mention , et le jugement
dont la juridiction privée offre trop peu produit le même effet que s'il avait été
de garantie , malgré la surveillance que signé par tous.
pourrait exercer l'autorité. Dans notre Dans le cas où il y a lieu à nommer
ancienne jurisprudence il n'en était pas un tiers -arbitre , les arbitres divisés sont
de même ; et cette surveillance était re- tenus de rédiger leurs avis distincts et
gardéecomme trèspraticable etsuffisante. motivés , soit dans le même procès- ver
Toutes les législations ont dû recon- bal , soit dans des procès - verbaux dis
-

naître certaines incapacités naturelles tincts et séparés. Letiers- arbitre sera tenu
pour exercer les fonctions d'arbitres de juger dans le mois , du jour de son
comme toutes autres fonctions. Il est acceptation, à moins que ce délai n'ait été
inutile de nous arrêter sur ce point. prolongé par l'acte de nomination . Il ne
Indépendamment des incapacités, il pourra prononcer qu'après avoir conféré
existe , à l'égard des arbitres ,> des causes avec les arbitres divisés qui seront som
de récusation que les parties peuvent més de se réunir à cet effet. Si tous les
faire valoir si elles le jugent convenable. arbitres ne se réunissent pas , le tiers -ar
Ces récusations, au dire des auteurs, sont bitre prononcera seul , et, néanmoins, il
celles que l'on peut opposeraux juges or- sera tenu de se conformer à l'un des avis
dinaires ( voy. RÉCUSATION ); mais il faut des autres arbitres.S'il est formé inscrip
que la cause de récusation ait commencé tion de faux , même purement civile , ou
d'exister depuis le compromis. s'il s'élève quelque incident criminel, les
Le compromis prend fin de plusieurs arbitres invitent les parties à se pourvoir
manières : 1° par le décès ,> refus , déport devant les tribunaux , et les délais de
ou empêchement d'un des arbitres, s'il l'arbitrage continuentà courir du jour du
n'y a clause qu'il sera passé outre ou que jugement de l'incident. Tous les actes
le remplaçant sera au choix de l'arbitre d'instruction et les procès- verbaux sont
ou des arbitres restans. Toutefois, les ar faits par tous les arbitres, sile compromis
bitres ne peuvent se déporter après leurs ne les autorisé à commettre l'un d'eux. Du
opérations commencées ;2° par l'expira- reste, les arbitres doivent, dans la procé
tion du délai stipulé, ou de celui de trois dure, suivre les délais et les formes établies
mois en casde non -stipulation à cet égard; par les tribunaux , si les parties n'en sont
3 ° par le partage des arbitres , si ces der
2
autrement convenues.Les arbitres doivent
here
niers n'ont pas le pouvoir de s'adjoindre également , dans leurs sentences , se con
un tiers - arbitre. Au cas où ils auraient ce former aux lois, comme un tribunal ordi
pouvoir et s'ils ne peuvent s'accorder, le naire. Cependant, les parties, qui ont la
faculté de donner aux arbitres le droit de
président du tribunal qui doit ordonner
l'exécution de la sentence arbitrale y sup s'affranchir et desdélais et des formes dela
plée ; 4° enfin , par la révocation des ar- procédure , peuvent aussi les affranchir
bitres, pourvu qu'elle ait lieu du con- des dispositionsde la loi relatives au fond,
sentement unanime des parties. Il faut pour ne suivre, à cet égard, que celles de
noter que le décès de l'une des partiesne l'équité naturelle. Les arbitres prennent
met pas fin au compromis , lorsque tous alors le nom d'amiables-compositeurs,
les héritiers sont majeurs. et prononcent, suivant l'expression des
Chacune des parties est tenue de pro-. commentateurs , non prout lex , sed
duire ses défenses et ses pièces quinze prout humanitas aut misericordia im
jours au moins avantl'expiration du délai pellet regere. Dans l'ancienne jurispru
du compromis , et les arbitres jugent sur dence, il était de règle que les arbitres
( ) Cependant les communes , bien qu'en état pommés par les parties l’étaient toujours
de tutelle, peuvent compromettre avec autorisa comme amiables -compositeurs, et pou
tion . vaient, en conséquence , se dispenser de
ARB ( 150 ) ARB
juger conformémentàla loi. Ceux- là seuls ordinaires. Il faut excepter: 1 ° l'inobser
étaient obligés de s'y asservir qui avaient vation des formes lorsqu'il a été conyenu
été nommés d'office par les tribunaux. qu'on ne s'y astreindrait pas (voy , ci-des
Les arbitres n'étant que des juges pri- sus), et 2° le moyen résultant de ce qu'il a
vés non ipstitués par le pouvoir souve- été prononcé sur chose non demandée. La
rain, et l'exécutiond'un jugement ne pou- raison en est, pour ce dernier cas , qu'on
vantêtre exigée qu'autant qu'ilest revêtu peut se pourvoir en nullité du compromis.
de la sanction de l'autorité publique, il L'action en nullité est, en effet, une voie
s'ensuit que le jugement des arbitres ne extraordinaire pour s'opposer à l'arbi
devient exécutoire qu'autant qu'il a été trage et le rendre comme non avevų ,
rendu tel par l'autorité publique. A cet sans qu'il soit besoin de l'attaquer par
effet , la miņute du jugement doit être voie d'appel ou requête civile. L'action en
déposée dans les trois jours,par l'un des nullité a lieu dans les cas suivans: 1 ° si le
arbitres, au greffe du tribunal de première jugement a été rendu sans compromis ou
instance, dans le ressort duquel le juge- hors des termes du compromis ; 2° s'il
ment a été rendu , ou de la Cour royale l'a été sur compromis nul ou expiré ;
s'il s'agit d'un compromis sur appel : le 39 s'il n'a été rendu que par quelques
président, dans l'un ou l'autre cas , peut arbitres non autorisés à juger en l'ab
seul prononcer l'ordonnance d'exequa- sence des autres ; 49 s'il l'a été par un
tur. Il ne peut la refuser qu'autant que la tiers sans en avoir conféré ayec les arbi
décision arbitrale blesserait l'ordre pu- tres partagés ; 5 ° enfin , s'il a été prononcé
blic ou statuerait sur des droits appar- sur chose non demandée. Dans tous ces
tenant à des personnes qui n'en peuvent cas , dit l'art. 1028 du Code de pr. civ., les
disposer. C'est au tribunal dont le prési- parties se pourvoiront par opposition à
dent a rendu l'ordonnance d'exequatur l'ordonnance d'exécution , devant le tri
qu'appartient la coupaissance de l'exé- bunalqui l'aura rendue, et demanderont
cution du jugement. Observons que les lą nullité de l'acte qualifié jugementar
règles sur l'exécution provisoire des ju- bitral. Les parties ayant ainsi la ressource
gemens des tribunaux sont applicables de l'action' en nullité , il n'y a jamais lieu
aux sentences arbitrales. Voy. APPEL. à permettre directement le recours en
Les jugemens arbitraux peuvent être cassation contre les décisions arbitrales
attaqués par voie d'appel , toutefois, les elles-mêmes. Un jugement arbitral n'est,
parties sont autorisées àà y renoncer lors dans aucun cas, sujet à opposition , par la
ou depuisle compromis. L'appel des juge- raison qu'un jugement de cette nature ne
mensarbitraux est porté devant les tri- peut jamais avoir le caractère d'un juge
bunaux de première instance, pour les ment de défaut, l'instruction ayant tou
matières qui , s'il n'y eût point eu d'ar- jours lieu par écrit et les arbitres étant
bitrage,eussent
2 été , soit en premier, soit tenus de juger seulement sur les pièces et
en dernier ressort , de la compétence des sur les mémoires produits.
Juges de paix; et devant les Cours roya- Nous arrivons à l'arbitrage forcé. Les
les, pour les matières qui eussent été , contestations entre associés (leurs yeuyes,
soit en premier, soit en dernier ressort , héritiers ou ayant-cause) pour fait decom
de la compétence des tribunaux de pre- merce , supposent des liquidations , des
mière įustance. Mais lorsque l'arbitrage vérifications de livres , et , dans tous les
a lieu sur l'appel ou sur requête civile , cas , entrainent une foule de détails très
le jugement est définitif et sans appel. compliqués, au milieu desquels il serait
Dans le cas où l'appel est rejeté, l'appe- impossible aux tribunaux de commerce
lant est condamné à la même amende que de découvrir la vérité et de régler avec
s'il s'agissait d'un jugement des tribu- justice l'intérêt des parties.Aussi, le le
naux ordinaires. gislateur a -t-il voulụ que la juridiction
Lesjugemens arbitraux peuvent encore arbitrale pût seule connaitre des contes
être attaqués par requcte civile ( voy. ce tations entre associés. « L'incompétence
mot), dansles délais, les formes et les cas des tribunaux de commerce , en ce cas ,
Jésignés pour les jugemens des tribunaux dit Favard de l’Anglade, est absolue et
ARB ( 151 ) ARB
tient à l'ordre même des juridictions qui y réussir , donnent leur avis au tribunal
est de droit public. > qui décide. Il est inutile de dire que l'a
Du reste, les règles de l'arbitrage vis de l'arbitre, qu'on nomme en ce cas
forcé relatives à l'appel, comme au dé- arbitrerapporteur, ne lie pas le tribunal.
port et à la récusation des arbitres, etc. , L'arbitre rapporteur peut être nommé
sont les mêmes que celles de l'arbitrage soit en matière civile, soit en matière
volontaire; sauf, toutefois, les modifica- commerciale. Autrefois si les juges ordi
tions suivantes : l'arbitrage étant forcé , naires ne se sentaient pas en état dé
les arbitres ne sauraient être révoqués par cider une contestation , ils nommaient
les parties. Entre elles il n'existe pas à d'office des arbitres quidevaientnon pas
proprement parler de compromis, mais donner leur avis seulement, mais juger à
une simple nomination d'arbitres qui peut leur place.
avoir lieu par acte quelconque, et même L'arbitrage n'est pas usité seulement
par consentement donné en justice. Si les en matière de droit privé , mais aussi en
parties ne peuvent s'entendre, le tribunal matière de droit public. Il ne saurait sub
nomme d'office les arbitres qui , durant sister malheureusement pourles nations ,
le cours de leur mission , ne sont assu- comme pour les individus membres du
jétis à aucune forme de la procédure or- même corps social, une juridiction éta
dinaire. Les parties remettent dans leurs blie et certaine. De là vient que les na
mains toutes les pièces et mémoires sans tions vident toujours leurs différens par
aucune formalité ; cependant, l'associé la force , ou bien les soumettent trop ra
en retard de remettre les pièces et mé- rement à la décision d'arbitres , c'est - à
moires est sommé de le faire dans les dire d'un tribunal accidentellement ins
dix jours. Les arbitres , selon l'exigence titué pour le cas dont il s'agit. Sur tout
des cas , prorogent ce délai. L'arbitrage ceci on prête à Henri IV des idées qu'il
forcéne finitni par l'empêchement del'un n'eut jamais , si nous en croyons les meil
des arbitres , nipar l'expiration des délais, leurs historiens. On connait le système
ni par le partage des arbitres; car, comme de paix perpétuelle imaginé par l'abbé de
il n'y a point eu de compromis entre les Saint-Pierre et commenté par J.-J. Rous
parties, il y a lieu seulement à proroger seau . Les papes dans le moyen -âge cher
le délai, à nommer un nouvel arbitre ou chèrent à devenir cette autorité, suprême
tiers-arbitre. Ce dernier est nommé par arbitre des gouvernemens. O. V.
les arbitres , à leur défaut par le tribu- ARBITRAIRE , adjectif qui dans le
nal , si dans l'acte de nomination il n'y aa langage du publiciste est employé comme
été pourvu. Quant au délai en cas d'expira- substantif.
tion ,ilest toujours prorogépar le tribunal. L'arbitraire est la volonté individuelle
Le président du tribunal de commerce substituée à la loi, laquelle est ou doit
qui est chargé d'attribuer force exécu- être l'expression de la volonté générale.
toire à la sentence arbitrale ne peut la On fait de l'arbitraire en devenant infi
refuser. En effet, les arbitres sur con- dèle à la loi, en faussant l'esprit de la
testations entre associés forment un tri- loi , en l'interprétant suivant ses caprices
bunal légal sur lequel le tribunal de com- ou ses passions. Des employés subalter
merce n'a point de surveillance à exercer. nes , officiers de police et autres, agissent
L'action en nullité n'est pas ouverte con- arbitrairemeut en allant au -delà de ce
tre le jugement des arbitres forcés, et que les réglemens prescrivent, en vexant
par conséquent, le recours en cassation les citoyens sans nécessité et lorsque la
doit être permis. conservation de l'ordre ne l'exige pas im
La loi française s'occupe encore de périeusement. L'arbitraire des fonction
l'arbitrage dans un troisième sens. Un naires pèse sur les populations surtout
tribunal a besoin pour s'éclairer de dans les empires vastes , peu avancés en
l'examen de comptes, pièces ou regis- culture , partagés en satrapies d'une éten
tres : il nomme à cet effet un ou trois ar- due démesurée. L'arbitraire ministériel
bitres qui entendent les parties, cher- est le délit qui consiste , de la part des
chent à les concilier, et s'ils ne peuvent dépositaires du pouvoir exécutif, à faire
?
ARB ( 152 ) ARB
intervenir leurs propres décisions là où L'arbitraire règne dans tous les pays
la loi seule peut prononcer , et à se sous- où l'on manque d'une législation fixe ,
traire au contrôle des pouvoirs intermé- claire , rationnelle , complète : nulle part
diaires établis. Chez les souverains, l'ar- il n'est plus blâmable que dans l'admi
bitraire ressemble beaucoup au despo- nistration de la justice où le plus près
tisme ( voy. ), à cela près qu'il constitue sant besoin est l'impartialité, l'inflexibi
de leur part une infraction momentanée lité du juge comme celle de la loi. Dans
à la loi , une velléité peut-être passagère la politique , l'arbitraire se produit dans
de substituer leur volonté à la volonté pu- les états bien constitués, par exception ;
blique dont les lois sont les organes , tan- dans les autres , il est la règle ; et , réduit
dis que le despotisme est une continuité en système, il prend les noms d'autocra
d'efforts de ce genre , et même une forme tie , de despotisme, de tyrannie , suivant
> >

de gouvernement déjà existante ou qu'on ses diverses manifestations. A Rome il fit


veut établir. D'ailleurs un prince doux sentir le besoin d'une collection de lois
et humain peut agir arbitrairement dans qui fut rédigée sous le nom de Lois des
l'occasion; mais la douceur se concilie XII tables; en France les codes, qui con
mal avec le despostime. A plus forte stituent une règle immuable dedroit et
raison cette remarque s'applique-t-elle à de justice , l'ont banni des tribunaux; il
la tyrannie ( voy .) qui , dans le sens que est favorisé dans la plupart des autres
les modernes attachent à ce mot, est, dans pays par une législation confuse , contra
>

les détenteurs du pouvoir, la persévérance dictoire et dont on ne connait pas tou


d'agir avec rigueur et dureté, un système jours tous les élémens. La dictature et le
d'oppression qu'on applique en gouver- videant consules constituaient en politi
nant. On a eu tort de ' confondre ces que un arbitraire légal; cet arbitraire a
mots qui ne sont pas même synonymes ; été avoué avec hardiesse dans ce mot de
car la loi même peut être tyrannique , Louis XIV : L'état c'est moi, et jamais
tandis qu'il serait possible qu'on la trans- il n'a été poussé plus loin que pendant le
gressât , qu'on tombât dans l'arbitraire , règne de la Convention nationale. Le pou
parbienveillance pourles hommes et par voir arbitraire est autre chose que l'arbi
bonté de caractère. L'arbitraire légal traire : ce pouvoir est une nuance du des
existe là où les lois prêtent trop à l'in- potisme ou le despotisme lui-même. Le
terprétation , où leurs commandemens fameux article 14 de l'ancienne charle
sont vagues et sans précision ; on nomme française substituait au pouvoir constitu
aussi de ce nom des dispositions légales tionnel des rois un pouvoir arbitraire dont
qui , dans certains cas , permettent de l'exercice , dans un pays où la loine re
mettre la loi hors la loi, pour nous ser- connaît personne au-dessus d'elle, est de
vir d'une expression devenue fameuse. venu fatal à celui qui le premier a osé
Ainsi la loi de l'état de siége qui suspend l'essayer.
le droit commun pour y substituer une En droit , et surtout en droit admi
législation exceptionnelle mérite d'être nistratif, on fait encore une distinction
qualifiée ainsi , quelle qu'en puisse être très importante entre ces deux mots pou
l'utilité dans certaines circonstances. La voirarbitraire et pouvoirdiscrétionnaire.
juridiction prévotale des premières an- Elle sera expliquée à l'article Discré
nées de la Restauration n'était autre chose TIONNAIRE . J. H. S.
ARBITRE ( LIBRE ). C'est le pouvoir
qu'une juridiction arbitraire. Déplorable
abus d'un pouvoir qu'il importe tant qu'a l'être raisonnable d'agir ou de ne
d'environner de tous les respects des hom- pas agir, après délibération . Cette liberté
mes, cette juridiction , qu'une nécessité est le premier fondement de la morale et
indispensable et généralement reconnue le premier principe de la moralité des ac
seule excuser
peut , enlève le citoyen à ses tes humains . Les stoïciens en avaient nie
juges naturels pour le livrer à des com- l'existence dans l'homme , lorsqu'ils en
missaires nommés ad hoc et qui souvent seignaient que nous étions soumis au
se rappellent trop bien que leur devoir destin qui maîtrisait toutes nos actions
est de condamner. et nous les rendait nécessaires. D'autres
ARB ( 153 ) ARB
philosophes se sont aussi attachés à com- | l'organisation échappe auxrecherches les
battre le dogme de la liberté humaine , plusminutieuses, aidées des instrumens
et ont enseigné qu'il y avait dans l'homme les plus grossissans. En prenant dans l'acte
un penchant au mal qu'il ne pouvait sur- de la végétation des formes très variées,
monter , cherchant ainsi à justifier leur cette membrane dessine et compose les
conduite molle et déréglée , pour ne pas organes élémentaires qui constituent,
>

rougir de leurs égaremens et de leurs fai- par leur réunion , les organes plus ou
blesses. Les Manichéens étaient tombés moins composés des arbres et des plan
dans la même erreur , en admettant deux tes .

principes, l'un bon , l'autre mauvais, qui Lesorganes élémentaires reçus sont
nous portaient au bien ou au mal , et aux- de deux sortes : tantôt ils se présentent
quels nous obéissions invinciblement, sous la forme de très petites utricules ou
suivant que l'un ou l'autre agissait sur cellules , renflées vers le milieu, plus ou
nous. Jansenius a pareillement combattu moins allongées, plus ou moins réguliè
la doctrine du libre- arbitre dans son fa- res , selon qu'en se développant elles se
meux système de la grace. Suivant lui , trouvent plus ou moins fortementou plus
l'homme a perdu le libre arbitre par le ou moinsrégulièrementcomprimées; tan
péché originel , et au libre arbitre ont tôt sous la forme de tubes ou de vais
succédéla concupiscence ou la délectation seaux divers, dont les modifications et
terrestre qui porte au mal , et la délec- les usages , quoique depuis long - temps
>

tation céleste qui porte au bien. De ces étudiés, ne sont encore qu'imparfaite
>

deux délectations, dit -il, la plus grande ment connus.


l'emporte sur la plus faible , et la volonté Le tissu cellulaire se compose de la
est nécessairement entraînée par la plus réunion des cellules , et le tissu vascu
forte. Luther avait dit auparavant que laire ou tubulaire de l'ensemble des vais
l'homme est porté au bien par la grace, seaux ou des tubes capillaires dont on
au mal par la concupiscence , et qu'il vient de parler.
fait invinciblement le bien ou le mal sui- Chaque utricule est d'a rd isolée et
vant que la grace l'emporte sur la concu- pleine de sucs dans le végétal herbacé.
piscence, ou la concupiscence sur la grace. Elle renferme de petits corpuscules
Mais le dogme de la liberté humaine a ovoïdes , susceptibles de dilatation >, aux
prévalu dans la société comme le prin- quels on a donné le nom de globulines ,
cipe et le fondement de sa législation et et dans l'intérieur desquels se forment
de sa morale. Voy. LIBERTÉ, FATUM, NÉs progressivement d'autres corpuscules de
CESSITÉ. N-R. même nature , encore plus petits, qui se
ARBOUSE , voy MELON . développent à leur tour, et finissent par
ARBOUZIER , voy: FRAISIER.
> rompre l'enveloppe qui les contenait. Les
ARBRE , du mot hébreu abab , d'où cellules, de plusen plus comprimées dans
vient arbor , arbustum . quelques parties du végétal, s'allongent ,
Parmi les végétaux ligneux , les arbres se soudent , se durcissent, s'oblitèrent
occupent le premier rang par leur gran - même , et donnent naissance dansles ti
deur et par la durée de leur existence. On ges adultes à la fibre ligneuse, facile à
a
pu les étudier sousle rapport de l'orga- distinguer des autres parties de l'arbre
nisation, du mode de nutrition , du den qui conservent une texture plus lâche, et
veloppement, etc., plus facilement que auxquelles on a donné le nom de paren
les autres plantes ; aussi l'a - t -on fait avec chyme et de moelle.
une attention trop souvent exclusive. La fibre ligneuse et la substance pa
Dans l'organisation des arbres comme renchymateuse ou médullaire se retrou
dans celle de tous les autres végétaux, on vent réunies ou isolément dans tous les
ne retrouve en dernière analyse qu’un organes composés des arbres, mais elles
seul organe homogène, du moins en ap- ne sont point disposées toujours de la
parence, simple à nos yeux, puisque nous même manière. De là ,> autant au moins
ne pouvons le diviser ; sorte de membrane que de l'organisation particulière des
extrêmement mince , transparente , dont graines,les différences qui caractérisent,
ARB ( 154 ) ARB
aux yeux du botaniste, les deux grandes petit nombre d'élémens : trois gaz, l'oxi
divisions des monocotylédons et des di- gène, l'hydrogène et l'azote , un corps>

cotylédons. simple , le carbone , prédominent dans


Les arbres monocotylédons ont ordi- l'organisation des arbres. On y retrouve
nairement un tronc ou plutôt un stipe de plus , mais en proportions beaucoup
șimple et eylindrique,terminé par un bou- moindres et à l'état de combinaisons di
quet de feuilles et une gemme unique, verses , plusieurs matières minérales ,
La moelleremplit tout l'intérieur de cette telles que le soufre, lephosphore , le fer ,
tige , et les fibres ligneuses , disposées par le manganèse , la potasse , la soude , la
>

faisceaux longitudinaux, le traversent cà chaux, la magnésie, la silice, l'alumninę


et là sans ordre bien apparent . et la glucine.
Les dicotylédons diffèrent des mono- La décomposition des substances or
cotylédons : par l'aspeet extérieur de leur ganiques , à l'aide de l'eau , de l'air et
tronc qui se ramifie toujours à une cer- de la chaleur, fournit la presque totalité
taine hauteur en branches pourvues de de la nourriture des plus grands végétaux.
rameaux , de bourgeons et de gemmes , Ces substances à l'état liquide , parfois
tantot écailleux , tantôt sans écailles ; par seulement de suspension dans l'eau , sont
la disposition régulière, à l'intérieur , de absorbées par les spongioles des racines
la moelle, de l'étui médullaire , du bois, et portées , sous le nom de sève , par les
de l'aubier , des couches corticales , de vaisseaux lymphatiques dans toutes les
l'enveloppe herbacée , enfin de l'épi- parties de l'arbre et jusque dans les feuil
derm e. les, où elles sont élaborées et combinées
Les organes les plus composés des avec les fluides inspirés par ces mêmes
arbres , ceux qui frappent journelle- feuilles. Elles rejettent une partie des
ment nos regards, et qui comprennent principes aqueux et aériformes inutiles à
tous les autres, se divisent en organes de la nutrition ; et , suivant une marche ré
la nutrition ou de la végétation , et en trograde, elles deviennent les véritables
organes de la reproduction ou de la organes respiratoires de l'arbre. La vé
fructification. Les premiers sont les ra- gétation d'accroissement des monocoty
cines qui s'enfoncent en divers sens dans lédons se fait au centre de la tige : cha
le sol pour y absorber les liquides né- que année un nouveau bourgeon s'élève
cessaires à la nutrition ; la tige qui s'é- à travers la masse cellulaire qui en oc
lève dans l'atmosphère pour transmettre cupe l'intérieur , et repousse vers la cir
ces liquides aux différentes parties de conférence les faisceaux fibreux formés
l'arbre;; les gemmes , rudimens des ra les années précédentes de la même ma
meaux et des branches ; les feuilles >, nière. Aussi, dès qu'un arbre de cette
qu'on peut considérer comme des racines division a pris extérieurement une con
aériennes, et qui servent à la fois à l'ins- sistance telle qu'il puisse résister à la
piration et à l'exhalation des gaz ; enfin les pression excentrique exercée par les
stipules et quelques autres organes moins nouvelles productions ligneuses, il cesse
importans, tels que les vrilles, les épines, d'augmenter en diamètre. Dans les dico
les aiguillons et les poils. Les organes de tylédons il en est autrement. A la face ex
la reproduction sont la fleur et le fruit. terne du corps ligneux et interne de l'é
La fleur, que caractérisent mieux que tout corce se forment annuellement deux nou
le reste les organes sexuels, c'est -à -dire velles couches, l'une d'aubier, l'autre d'én
les étamines et le pistil, tantôt isolés , corce ; de sorte que l'arbre continue, jus
tantôt réunis dansla même enveloppe flo- qu'à sa mort , à se développer en diamè
>

rale ou sur le même individu ; le fruit, tre , comme il le fait aussi en hauteur par
développement de l'ovaire fécondé, et la croissance du bourgeon terminal.
qui comprend le péricarpe et la graine. Beaucoup d'arbres réunissent dans les
Quelque variées que soient en appa- mêmes fleurs les étamines qui répandent
rance les substances qu'on découvre par la poussière séminale et le pistil qui la
l'analyse chimique dans les végétaux, elles reçoit; on les a nommées hermaphrodi
şeréduisent cependant, en définitive, à un tes. D'autres sont monoïques. Ils portent,
ARB ( 155 ) ARB
UT

séparées sur le mêmeindividu, desfleurs de semis, mais il est plus facile ou plus
máles et des fleurs femelles. Enfin , plu- prompt de les multiplier par d'autres
sieurs sont dioïques , c'est-à -dire que moyens.
leurs fleurs mâles sont réunies, sans mé- Pour tous ceux-
x-là on a recours aux
lange, sur certains individus,> et les fleurs marcottes paturelles ou artificielles , aux
femelles sur certains autres ; de sorte que boutures et aux greffes ( voy . ces trois
la fécondation ne peut s'opérer qu'à des mots ).
distances parfois fort grandes, au moyen La plupart des arbres indigènes à nos
des vents,des oiseaux et des insectes qui climats exigent généralement peu de
transportent diversement le pollen ; dans soins : abandonnés à eux-mêmes ils peu
certains cas, il faut recourir à des moyens vent prospérer et se multiplier. Cepen ,
artificiels. dant on troựve de grands avantages à
Quoique les maladies des grands vé- cultiver même les plus robustes d'entre
gétaux ligneux aient dû nécessairement eux ( voy . AMÉNAGEMENT ) , et il en est
>

fixer particulièrement l'attention des cul- qui ne peuvent absolument se passer de


tivateurs et des phytologistes , cepen- la culture assidue , sous l'influence de la
dant on ne les connaît encore que bien quelle ils se sont plusou moins écartés de
imparfaitement. Voy. PATHOLOGIE VÉ- leurtype primitif. Telles sont toutesles va
GÉTALE, et les mots PARAȘITES (plantes ), riétés denos arbres fruitiers(voy.cemot).
INSECTES NUISIBLES, GOMME , CHANCRE, Les arbres exotiques, selon leur degré
DÉFOLIATION , etc. de naturalisation , exigent des soins fort
Les arbres dicotylédons sont beaucoup différens. Il en est qui pe se distinguent
plus communs dans nos climats que les plus de nos arbres indigènes ; d'autres ,
monocotylédons. Cependant, réduits à pour résister , en pleine terre , aux froids
ceux que nous devons regarder comme de nos hivers , ont besoin d'être protégés
indigènes , à peine pourrions-nous en pendant leur jeunesse et même quelque
compter plus d'une quarantaine de gen- fois pendant toute la durée de leur exis
res et de quatre - vingts espèces. tence , par de légers abris ; d'autres enfin
Les arbres dicotylédons se divisent na- ne réussissent que dans les serres, d'où la
turellement en arbres à feuillescaduques plupart d'entre eux ne sortiront proba
et arbres à feuillespersistantes. Les uns blement jamais.
se dépouillent annuellement de leurs Les grands végétaux ligneux sont pour
feuilles à l'époque des froids, Quoique nous d'une importance extrême, par suite
leur végétation ne soit presque jamais de l'influence qu'ils exercent dans la na
complètement interrompue, elle cesse ture ou par leurs produits . Collective
en apparence pendant une partie de l'hi- ment ils concourent puissamment à
ver, pour ne reprendre qu'aux approches conserver la pureté de l'atmosphère , en
du printemps . Plusieurs faits curieux absorbant et en inspirant, en présence
démontrent qu'ils peuvent rester , dans de la lumière solaire , le gaz acide.car
certaines circonstances, en cet état d'inac- bonique produit par la décomposition
tion , beaucoup plus long-temps qu'on continuelle des substances organiques, et
ne le croit généralement. Les autres con- en exhalant du gaz oxigène. Ils retiennent
servent leurs feụilles plusieurs années. les nuages sur les montagnes , les forcent
Ce sont les arbres verts ( voy.ce mot ). de se résoudre en pluies et augmentent
Pour presque tous les végétaux , les par ce moyen l'abondance des sources ,
semis offrent le mode de multiplication première condition de la féconditédu sol,
le plus naturel..C'est celui qu'on emploie dans tous les climats méridionaux . Ils
assez généralement pour la plupart des empêchent les rayons d'un soleil brûlant
arbres ; mais il en est quelques-uns qu'on de pénétrer la terre et d'y pomper l'eau
propage différemment. Plusieurs ne don- si nécessaire à la végétation. Ils arrêtent
nent point de graines dans nos climats ; les vents desséchans de l'est et du sud,
d'autres donnent des graines qui ne re les rafraichissent et leur abandonnent une
produisent pas la variété qui lęs a por- humidité favorable. Ils modèrent l'impé
tées ; d'autres enfin peuvent se perpétuer tuosité de ceux du nord , les échauffent
ARB ( 156 ) ARB
et contribuent ainsi d'une manière incon- | pliquées.Quine sait que des sucs précieux
testable à empêcher les variations trop exsudent des sapins, de la térébenthe et
brusques de l'atmosphère. Ils produisent, de divers arbres résineux;que les vernis
pendant l'époque des chaleurs , un om- sortent des troncs des sumacs ; que la
brage aussi salutaire pour l'homme que manne s'épaissit sur les feuilles du frêne
pour les animaux. Ils forment, naturelle- qui porte son nom ; que la graine du
ment ou artificiellement, dansla grande yole (myrica cerifera) est enveloppée de
comme dans la petite culture, des abris cire, etc. Voy. les articles FORÊTS, Bois ,
( v. ce mot souvent indispensables, pres - FRUITIERS ( arbres ), etc. O. L. T.
que toujours utiles; enfin ils empêchent les ARBRE A PAIN , voy. JACQUIER .
pluies d’averse d'entrainer la terre végé- ARBRE A SUIF , voy. GLUTTIER.
tale des localités en pente. Combien de ARBRE DE LA LIBERTÉ. On a
montagnes couvertes jadis de riches fo- cherché à faire remonter l'origine de cette
rêts n'offrent plus aujourd'hui aux rè- coutume républicaine jusqu'aux temps les
gards attristés du voyageur que des ro- plus reculés de l'histoire grecque et ro
chers nus, sillonnés çà et là parde profonds maine. Le nom de Liber donné à Bac
torrens dont les eaux portentavec elles chus a fait croire que la vigne fut regar
dans la plaine la destruction. Les arbres dée autrefois comme un emblème de la
améliorent à la longue les terrains les liberté. Le chêne , qui jouissait d'un
plusstériles en augmentant,par la chute grand respect chez les Romains et dont
continuelle et la décomposition de leurs le feuillage servait à tresser les couronnes
feuilles et de leurs branchages,l'épaisseur civiques, a donné lieu à des conjectures
et la qualité de la couche végétale: Enfin semblables. Mais ce qu'il y a de plus
ils sont un des plus beaux ornemens de la probable , c'est que les arbres de la li
>
nature.
berté sont une invention moderne qui
Considérés individuellement les arbres prit sa source dans un usage originaire
sont encore pour nous d'une immense d'Italie, et dont le but était d'abord un
utilité. Selon leurs divers.usages >, on les hommage rendu à la nature. Il consistait
a groupés en arbres forestiers et d'agré- à célébrer le retour du printemps par
ment, eten arbres fruitiers.Est-ilbesoin de une cérémonie que l'on appelaitplanter
rappeler l'importance des bois de chauf- le mai, parce qu'elle avait lieu ordinai
fage et de construction ? Les arts de pre- rement le 1er mai de chaque année. De
mière nécessité ne peuvent pas plus se l'Europe , où elle s'était rapidement ré
passer de ces derniers que les arts agréa- pandue , cette coutume passa en Amé
bles. Le jacquier ( artocarpus incisa ) rique, et ce fut pendant la guerre de
fournit une substance propre à remplacer l'indépendance que, pour la première
le pain , et qui fait la base de la nourri- fois , selon toutes les apparences , les
ture des habitans d'une partie des Mo- mays ou may - poles deviņrent un signe
luques. Le cocotier (cocos nucifera ) pro- de ralliement et un emblème de la liberté.
duit un aliment aussi sain qu'agréable. Le A l'exemple des États- Unis, la France
châtaignier,le chêne à glands doux (quer- planta le premier arbre de la liberté en
cus ballota ), contiennent une très bonne mai 1790 : c'était un chêne qu'un prêtre
farine. Le sagou provient de la moelle du département de la Vienne fit trans
d'un palmier (sagus farinifera ). Je ne porter dela forêt voisine sur la place de
parlerai point des fruits délicieux qui font son village. Cet essai ne fut pas infruc
à la fois l'ornement et la richesse de nos tueux , et en trois années plus de 60,000
tables , de ceux dont on extrait des li- chênes furent consacrés au culte de la li
queurs alcooliques , de ceux qui procu- berté ; chaque commune avait le sien ,
rent les diverses huiles.Plusieurs écor- quelques-unes en eurent même plusieurs,
ces servent à la tannerie ; d'autres sont et on en poussa l'abus jusqu'à les planter
employées à la teinture. Il en est dont les dans toutes les rues et devant presque
fibres déliées sont propres à la tissure ; toutes les maisons. L'impulsion donnéeà
d'autres qui renferment en elles des pro- et reçue par le peuple ne tarda pas
priétés médicinales aussi utiles qu'inex - éveiller l'attention de la Convention na
ARB ( 157 ) ARB
tionale , et un décret du 3 pluviôse an 11 embarrasser les physiologistes. En effet,
fixa des règles pour la plantation et l'en- d'après la conformation de leur embryon
tretien de ces arbres ; mais il en fut de et le mode de leur développement , on a
cette institution comme de toutes celles dû les classer parmi les dicotyledons;
que l'exagération républicaine avait fait et pourtant on ne retrouve dans aucun
naitre : elle disparut du sol français avec de leurs tissus la moindre apparence
le bonnet phrygien et le calendrier de la des vaisseaux divers qui semblent in
république, et l'empire lui porta les der- dispensables à l'existence des arbres de
niers coups.Quelques arbres pourtantsur cette division , etqui manquent à peine
vécur aux
ent réactions des partis, et sub- aux plus imparfaites des plantes acoty
sistent encore ,
comme pour attester la lédones; de sorte que , tandis que sous
réalité du culte qui leur était rendu. En certains rapports ils se rapprochent os
août 1830 , lorsque le cri de liberté fut tensiblement des uns , par suite de cette
répété à la fois par toute la population étrange lacune on serait tenté de les re
de la France, quelques enthousiastes cru- porter à côté des autres aux plus bas
rent devoir marquer cette ère nouvelle degrés de l'échelle végétale (voy. Coni
par la plantation d'arbresnouveaux ;mais FÈRES ).
cette tentative , qui , entre autres incon- Les arbres non résineux à feuilles per
véniens , avait celui de réveiller des idées sistantes les plus répandus dans nos cli
de terreur et de sang , n'aboutit qu'à oc- mats sont l'alaterne, le buis , le liége et
>
casionner des collisions entre les partis. l'yeuse, le houx , et , parmi les espèces
Aujourd'hui l'on semble avoir renoncé étrangères , l'azararo, le laurier-cerise,
>

tout-à -fait à une coutume en échange de quelques magnoliers , diversyunes, etc.


laquelle il n'y a pas une seule commune Les arbres verts sont autant recher
qui ne se montre disposée à recevoir de chés sous le rapport de l'utilité que sous
bonnes et solides institutions. D. A. D. celui de l'agrément. Plusieurs d'entre
ARBRE DE VIE , voy. Tuuya. eux peuvent donner de bons produits sur
ARBRES VERTS. On désigne par des terrains impropres à toute autre amé
ce nom les grands végétaux ligneux qui lioration . Tous contribuent puissamment
conservent leurs feuilles toute l'année. à l'embellissement du jardin d'hiver(voy.
a

Tandis que la plupart des arbres de nos ce mot).


climats, exposés aux froids de l’hiver, seLeur culture présente quelques par
dépouillent à cette époque d'un feuil- ticularités. La plupart des conifères,qu'on
lage que la cessation presque complète a appelés pour cela unitiges, ne peuvent
de leur végétation rend au moins inu- plus que rarement s'élever lorsque la tige
tile , ceux des régions équatoriales, dont principale a été tronquée; comme tous
la croissance est à peine retardée quel- | les autres végétaux à feuilles persistantes
ques instans par les excessives chaleurs, et à racines minces dont les chevelus se
conservent la leur sans interruption. Ce- dessèchent rapidement , ils reprennent
pendant on retrouve entre les tropiques assez difficilement la transplanta
des végétaux à feuilles caduques >, et, jus- tion. 0. L. T.
que dans les contrées les plus septentrio- ARBRISSEAUX, Sous- ARBRISSEAUX
nales de l'Europe , des arbres et des ar- et ARBUSTES. Les cultivateurs, dans leur
brisseaux toujours verts. Le nombre de classification des végétaux ligneux en ar
ceux que nous cultivons en pleine terre bres , arbrisseaux >, sous-arbrisseaux et
s'accroit même, peu à peu , de diverses arbustes >, ne considèrent généralement
espèces qu'on avait cru d'abord devoir que la taille de ces végétaux. Selon eux ,
conserver dans les serres. tous ceux qui ne s'élèvent pasau -delà de
A un très petit nombre d'exceptions 15 à 20 pieds sont des arbrisseaux ; les
près , les arbres résineux ou conifères arbustes, qu'ils conſondentsouvent avec
font partie des arbres verts. Leur orga- les sous -arbrisseaux, n'atteignent que
nisation singulière , si de nouvelles re- 2 ou 3 pieds.
cherches ne modifient pas les idées qu'on Les botanistes , avec plus de préci
s'en fait de nos jours, est de nature à sion , appellent sous-arbrisseaux ( suf
ARB ( 158 ) ARC
frutices les plantes à tiges sous- ligneuses milieu des troubles de l'église it charma
dont la base persiste hors de terre plu- ses heures de loisir par des poésies qui
sieurs années , mais dont les extrémités ne sont pas sans mérite. Deux siècles et
des rameaux périssent et se renouvellent demi avant Legouvé il à chanté les fem-'
annuellement ; tels sont la rue odorante , mes dans un petit poème didactique ( The
le thym , etc., etc.; ils sont dépourvus praises of wemen ). Dans une élégie
de gemmes ou bourgeons écailleux. Ils assez chaleureuse il s'est répandu sur les
nomment arbustes (frutices) lesvégétaux malheurs du savant pauvre ( The mise
ligneux qui se ramifient dès leur base et ries of a poor scholar ). Le modèle d'un
qui sont dépourvus de gemmes , comme pareil tableau n'a manqué à aucun temps
les sous-arbrisseaux , jusqu'au retour de ni à aucun pays. L. S.
la végétation. Telle est la bruyère. Ils don- ARBUTHNOT ( John ) , auteur sa
nent enfin le nom d'arbrisseaux (ar- tirique , né en Écosse quelque temps
busculo ) aux végétaux ligneux qui se après la restauration des Stuarts. Sa vie
ramifient ordinairement dès leur base , n'a rien de saillant, rien de romanesque:
mais qui portent à l'aisselle des feuilles , on le trouve , vers la fin đu xviie siècle ,
comme les arbres , des gemmes qui se enseignant les mathématiques à Lon
forment, pendant l'été et l'automne,pour dres , et en 1704 médecin de la reine
>

se développer au printemps ( v. GEMMES, Anne. Ami de Swift et de Pope, il forma,


BOURGEONS , etc.) ; tels sont le noisetier, de concert avec eux , le projet d'écrire
le lilas et une foule d'autres. une satiré sur les connaissances humai
Le nombre des arbrisseaux et des ar- nes ; mais ce dessein fut interrompu par
bustes cultivés en Europe est considéra- | la mort de la reine Anne : il n'en a paru
ble ; quelques-uns sont recherchés pour qu'un fragment sous le titre de Memoirs
leur utilité dans la grande et la petite of MartinusScriblerus. C'était sans doute
culture. Un de leurs usages les plus im- une conformité de vues , un mépris égal
portans est de servir à former des cló pour la pauvre nature humaine, qui avait
tures. Il en est qu'on emploie en méde- formé la liaison de Swift et d'Arbuthnot;
cine , ou qui donnent de bons fruits ,> ou ce dernier, comme littérateur, s'est pour
des feuilles propres à la nourriture des ainsi direfondu avec son ami. La plupart
bestiaux ; beaucoup font l'ornement des de ses fragmens satiriques sont publiés
serres et des jardins. Parmi ceux qu'on dans les æuvres même de Swift. Il est
aussi l'auteur d'un John Bull, ouvrage
cultive en pleine terre , les uns sont pro
pres à la décoration des bords des eaux , rempli d'allusions contemporaines, et de e
d'autres à celle des grottes, des rochers, peu d'intérêt pour des lecteurs du xix®
des berceauc, etc., etc.; plusieurs con- siècle. Dans ses ouvrages de mathéma
servent leur verdure toute l'année , ou se tiques et de médecine , Arbuthnot aa dé
font remarquer par leurs feuilles bleuâ- ployé beaucoup de savoir ; son mérite ce
tres et satinées, qui forment d'agréables pendant ne le protégea point après la
contrastes dans les plantations. Ceux-ci mort de sa bienfaitrice , la reine Anne.
se recommandent par l'éclat ou l'odeur Profondément affligé, il avait fait un
suave de leurs fleurs; ceux-là par l'a- voyage en France pour se distraire; de
bondance et la beauté de leurs fruits ; retour dans sa patrie , il ne se retrouva
enfin il en est qui sont devenus , sous le plus en place comme médecin de la cour.
nom de plantes de terre de bruyère, Maladif, il passa les dernières années de
l'objet d'une des cultures les plus bril- sa vie à la campagne , prèsdeHampstead ,
lantes et les plus délicates des régions et revintmourir à Londres en 1735. L. S.
tempérées. O. L. T. ARC (mathématiques). Un arc est en
ARBRISSEL ( ROBERT D' ) , voj. général une portion de ligne courbe; on
FONTÉVRÀULT . donne le nom de corde à la droite qui joint
ARBUSTES , voy . ARBRISSEAUX. les deux extrémités de l'arc , et celui de
ARBUTHNOT (ALEXANDRE), théo - segment à l'aire comprise entre l'arc et
logien écossais et défenseur zélé de la ré- | la corde. Le plus ordinairement on en
forme, né en 1538 , mort en 1583. Au tend par arc un arc de cercle, à moins
ARC ( 159 ) ARC
que le sens du discours n'avertisse du se sont signalés par leurs travaux dans
contraire. La propriété qui caractérise cette partie de l'analyse. A. C.
éminemment les arcs de cercle est celle ARC ( architecture ). On désigne par
de servir de mesure aux angles plans ce nom toute portion de cerele ayant
( vor. ANGLE ) pour base une ligne appelée córde ; les
Rectifier un arc , c'est assigner la lon- ouvriers l'appellent cintre.
gueur de la ligne droite à laquelle cet Dans la construction des voûtes les
are serait égal si on le concevait formé ares jouent un grand rôle. On dit que
d'un fil parfaitement flexible et inexten- l'arc est plein cintre quand il fait par
sible ,> et qu'on vint à tendre le fil. La rec- tie d'une demi- circonférence. L'arc sur
tification des arcs est un problème de baissé, appelé anse de panier par les
calcul intégral qui ne peut se résoudre ouvriers, est moins élevé que le plein
en général que par approximation. Si cintre. L'are est biais quand les pieds
l'on pouvait rectifier la circonférence droits ne sont pas d'équerré par leur
du cercle, c'est - à -dire assigner le rap- plan.
port de la circonférence au diamètre , on L'arc rampant est celui qui , dans un
pourrait par cela même carrer le cercle muràplomb, estinclinésuivantune petite
(voy. CERCLE et QUADRATURE ); mais en pente donnée. On fait usage de ces arcs
général la rectification et la quadrature pour des ouvertures ou des élégissemens
des courbes sont deux problèmes indé- sous des parties de construction en pente ,
pendans l'un de l'autre. telles que des toits, des rampes d'esca
Lesgéomètresmétaphysiciens,témoins lier. On se sert aussi des arcs rampans
des infructueuses tentatives pour l'exacte pour contrebuter les points des voûtes
rectification du cercle, ont cru long- d'arête . F'oy. VOUTE .
temps qu'il devait être impossible d'assi- L'arc en talus est celui qui est percé
gner rigoureusement le rapport entre un dans un mur en talus . Voy. Talus . 1

arc de courbe et sa corde , ou tout autre L'arc en décharge est celui que l'on
ligne droite ayant avec la corde un rap- construit pour soulager une plate-bande
port connu ; ce qu'ils fondaient sur l'hé- où un poitrail, et dont les retombées por
térogénéité essentielle qui devait exister tent sur les sommiers.
entre une ligne courbe et une ligne droite. L'arc à l'envers est un arc bandé en
Les progrèsdela science ont fait évanouir contre-bas;‫ و‬il fait l'effet contraire de l'arc
cette prétendue raison métaphysique. - en décharge ; il sert dans les fondations
Le géomètre Neil , vers le milieu du pour entretenir les piles de maçonnerie
e
XVII° siècle, donna le premier l'exemple et pour empêcher qu'elles ne tassent dans
d'une courberectifiable , et bientôt après un terrain de faible consistance.
l'invention du calcul intégral fit voir, en Les arcs doubleaux sont ceux que l'on
général, de quelles conditions dépendait pratique dans les voûtes en berceau , voû
la rectification des courbes. tes d'arête ou autres ; ils sont ordinaire
Les arcs de cercle ont , avec leurs mul- ment posés sur des dosserets ou pilastres
tiples et avec leurs parties aliquotes , des de fonds, divisés en distances égales.
rapports dont le développement consti- L'arc de cloître est celui qui est formé
tue une branche très importante de l'a- par une partie de voûte en berceau cou
nalyse , connue sous le nom de Théorie pée triangulairement. Les voûtes d'aréte
des fonctions circulaires. De nos jours sont formées de la même manière , avec
on étudie beaucoup , sous le même point cette différence que dans les voûtes d'a
2

de vue , les propriétés analogues dont rète chacune de ces parties ne porte
jouissent les arcs d'ellipses ,> d'hyperboles que sur deux de leurs angles, tandis que
et de lemniscates. On en a formé une dans les voûtes en arc de cloître chaque
théorie à laquelle Legendre , son princi- partie a pour base un de ses côtés , qui
pal promoteur, a donné le nom de Théo- pose dans toute son étendue sur le mur
rie des fonctions elliptiques. Deux jeu- auquel il correspond.
nes géomètres , MM. Jacobi de Königs- Les arcs-boutans sont des arcs cons
berg et Abel de Christiania ( voy. ABEL) , I truits à l'extérieur des édifices pour sou
ARC ( 160 ) ARC
tenir la poussée et l'écartement des voû- 1 épine ou d'un caillou pointu et à l'autre
tes; les églises gothiques présentent toutes de quelques plumes, tel a dû être le pre
ces contre - forts décorés suivant le goût mier appareil au moyen duquel l'homme
du temps. Les architectes de cette épo- a d'abord cherché à s'emparer des ani
que construisaient les arcs-boutans, soit maux que leur vol ou la rapidité de leur
en arcs rampans ou en arcs incomplets; course mettaient hors de sa portée. Alors
mais généralement ils préféraient ces der- il ne songeait pas encore à tourner ses
niers moyens. P - T. armes contre ses semblables. Mais bien
ARC (météorologie ). Quelquefois le tôt il perfectionna cet instrument des
coucher du soleil est accompagné d'un . ur at
tructeur, et devint assez habilepo
phénomène fort curieux qui paraitn'avoir teindre , à coup sûr, le gibier à la chasse
été et son ennemi dans les combats.
brede fois.On trouve danslaBibliothè- Chaquepeuplefabriqua les arcs sui
que universelle la description d'un arc vant les matériaux qu'il trouvait à sa dis
de cet espèce. « On vit du côté du cou- position >, et la forme varia quelquefois ,
chant , non loin du parallèle décrit par ainsi qu'on peut s'en convaincre en visi
le soleil >, un arc céleste dont les couleurs rant les cabinets de curiosités. On les fai
rouges et oranges étaient très brillantes , sait en bois dur , en corne , quelquefois
surtout lorsque le soleil luisait , ce qui même en acier , afin de leur donner une
>

avait lieu par intervalles ; ce phénomène plus grande élasticité. La corde est ordi
cessa tout à coup lorsqu'un nuage épais nairement de chanvre , d'une médiocre
vint dérober les rayons du soleil à l'ob- grosseur , et cirée afin qu'elle ne s'effile
servateur. Au commencement de son ap- pas.
parition l'arc était d'un quart de cercle, Jusques à l'invention de la poudre à
mais il fut bientôt réduit à environ 45 canon l'arc fut employé chez presque
degrés ou à la moitié, et il conserva pres toutes les nations, et les archers ( voy. ),
que jusqu'à la fin cette amplitude. Le représentant nos troupes légères, contri
buèrent souvent au gain des batailles. De
nuage coloré n'était pas entre le soleil et
l'observateur, mais à l'angle obtus d'un nos jours l'arc n'est plus employé, si ce
long triangle au sommet duquel était l'ob- n'est comme objet d'agrément, dans quel
ques provinces de France où il existe des
servateur et le soleil à l'autre angle aigu ;
apparences qui pouvaient toutefois in- compagnies de l'arc.
duire en erreur sur la réalité , en raison L'infériorité de cette arme , relative
des effets de la perspective. » A. L - D . ment aux armes à feu , est évidente : il
ARC ( art militaire). La plus ancienne devait y avoir une extrême difficulté à
de toutes les armes , l'arc se compose la manier avec précision. Cependant on
d'une verge ou baguette flexible , mais sait avec quelleadresse s'en servaient les
élastique, aux deux extrémités delaquelle Perses du temps de Cyrus , les Scythes et
se trouve fixée une corde tendue. Une les Parthes ; et l'on trouve dans les écrits
flèche ( voy.ce mot) se place sur la corde, de Franklin un petit pamphlet dans le
et celle- ci, se trouvant d'abord tendue quel il fait ressortir avec beaucoup de
puis abandonnée à elle-même, envoie au talent les avantages des arcs et des flè
loin le projectile. L'origine de l'arc se ches sur les armes à feu , et conseille de
perd dans la nuit des temps : la fable at- revenir à leur usage , sans abandonner
tribue son invention au dieu Apollon. les autres.
Les livres saints font mention de l'arc , On place sur la corde l'encochure de
tirant à soi celle-ci, on aug
pour ainsi dire , dès la première page; la flèche, et,ou
enfin les sauvages qu'on a trouvés dans mente plus moins la courbure de la
tous les voyages de découvertes étaient tige, suivant la distance à laquelle on veut
pourvus d'arcs et de flèches dont ils se envoyer le projectile. L'archer doit être
servaient avec une grande dextérité. effacé , le pied gauche en avant , le bras>

Une branche courbée, quelques intes- gauche tendu, et son wil droit placé dans
tins d'animaux desséchés , une petite la direction de la flèche qu'il va lancer.
branche garnie à une extréinité d'une L'arc est tenu perpendiculairementà l'axe

1
ARC ( 161 ) ARC
du corps dans le plus grand nombre des ARC , voyez ARC DE TRIOMPHE , ARC
cas; la position horizontale qu'on voit EN-CIEL ; voy . aussi les mots DIURNE et
dans quelques tableaux doit nuire à la VUE.
précision, en faisant vaciller l'arc. ARC , voy. JEANNE -D'ARC.
La portée de cette arme est en raison ARCADE . Par ce mot , on désigne
de sa longueur et de son élasticité , sur toute construction en bois ou en pierre
laquelle les variations de l'atmosphère qui, s'appuyant par ses deux extrémités
doivent exercer de l'influence. Les sau-sur des murs ou sur des piliers , décrit
vages , qui envoient leurs traits à une un arc de cercle plus ou moins allongé ,
grande distance , se servent d'arcs qui dontla concavité regarde le sol.On donne
exigent beaucoup de vigueur. Homère encore ce nom à une ouverture pratiquée
nous apprend qu'il fallait une force plus dans un mur, quand sa partie supérieure
qu'ordinaire pour tendre l'arc d'Ulysse. a la forme d'un arc . Si une galerie est
Aussi dans les temps modernes avait-on construite de cette manière, on pourra
suppléé à la force humaine en fixant dire qu'on se promène sous les arcades
l'arc sur une tige , et en tendant la corde de la galerie.
au moyen d'une manivelle. Voy. ARBA- En anatomie , on emploie quelquefois
LÈTE . F. R. le mot arcade pour désigner toute par
ARC ( numismatique ). Cette arme des tie du corps humain dont la figure se
chasseurs est souventreprésentée sur les rapproche de celle d'un segment de cer
médailles antiques dans lesmainsd'Apol - cle, ainsi on dit arcade crurale , den-.
lon , de Diane , d'Hercule , de Cupidon , taire , etc. L -D.
et quelquefois dans celles de Pallas. L'arc ARCADES ( ACADÉMIE DES A. ). La vé
et le carquois servent de type à plusieurs ritable traduction du nom italien de cette
médailles et y sont accompagnés de la académie serait arcadiens et non pas
massue d'Hercule ou des foudres de Ju- arcades , puisque son nom ne lui vient
piter , ou de quelques autres symboles que de l'engagement prispar ses membres
On les voit sur les médailles de Pantica- de vivre en vrais bergers d’Arcadie . L'a ,
pée , dans la Chersonèse Taurique, de cadémie des Arcades se forma de 1690 a
Phanagoria de Pont , de Callatia , et de 1696, par les soins d'un petit nombre de
beaucoup d'autres villes dont la nomen savans
et de littérateurs que la reine
clature serait trop longue. Christine de Suède s'était plue à rénnir
Un arc, une flèche et un carquois en- chez elle ; et le souvenir de cette prin
tre deux serpens se voient sur les mé- cesse était encore si vif en eux que ,
dailles cistophores d'Ephèse et d’Apa- quoiqu'elle eût cessé de vivre , ils se pla
mée , et sur celles de Marc -Antoine. On
> cèrent so
us
voit l'arc dans les mains d'un archer à Gravina se chargea de rédigerLeles célèbre
sa protection. lois de
genoux sur les médailles des rois de la nouvelle société dans la langue et dans
Perse , appelées Dariques , du nom des le style des douze Tables.; on les grava
Darius, ou sagittaires et archers, à cause sur deux tables de marbre, et elles fu
de leur type. C'est à ce dernier nom qu’A- rent placées dans le serbatajo , salle des
gésilas faisait allusion lorsqu'il se plai- archives . C'est là aussi que l'on voit les
gnait d'avoir été chassé d'Asie par trente portraits des plus célèbres arcadiens. Là
mille archers des rois de Perse. En effet, sont conservés les ouvrages qui ont été
Xerxés ayant envoyé trente mille pièces lus dans l'académie . Cette assemblée a
d'or aux Athéniens, pour les engager à toujours tenu ses séances dans Rome ,
déclarer la guerre aux Spartiates, Agé- mais elle a donné naissance à de nom
silas, qui était en Asie , fut rappelé par breuses colonies , telles les animat
e Ferrare, lai
les Éphores pour défendre sa patrie. Les de Venise , de Bologne etqude
rois Parthes sont toujours représentés physico -critica de Sienne (voy. ACADÉ
sur leurs médailles tenant un arc à la MIES ). L'un des statuts de l'académie des
main . L'arc, sur quelques médailles, fait Arcades défend de rien présenter aux
partie des trophées des · nations vain- académiciens quipuisse blesser la morale .
cues .
D. M. Elle doit se réunir sept fois par an et tou ..
Encyclop . d . G. d . M. Tome II. 11
ARC ( 162 ) ARC
jours dans un endroit champêtre; son pré- | étrangers, les Arcadiens perdirent leur
>

sidentchange tous les quatre ans; chaque influence et leur civilisation, et retombè
membre doit prendre le nom de quelque rent dans la barbarie. La plus grande
berger d'Arcadie; ils ont pour armes la ville de l'Arcadie était Mantinée sur l'O
flûte pastorale, syrinx, couronnée de pin phis; elle fut long-temps la capitale; cet
et de laurier. On compte cinq manières honneur passa ensuite à Megalopolis.
différentes de recevoir les nouveaux Hérée possédait un temple fameux, dédié
membres ; ceux qui seraient curieux de à Pan ; Minerve avait un temple à Tégée;
connaître plus en détail, et les statuts des Orchomène aussi était renommée pour
Arcadi, et les plus illustres d'entre eux , le culte qu'on y célébrait. Sur le mont
peuvent consulter Crescimbeni. L. L. Q. Cotyle s'élevait un beau temple d'Apol
ARCADIE , la contrée la plus élevée lon. Aujourd'hui on trouve peu de villes
du Péloponèse ou de la Morée. Elle est dans l'ancienne Arcadie; Tripolitza est
située entre les anciennes provinces d’A- la principale ; Calavrita est peu consi
chaie, d'Argolide, de Messénie et d'Élide. dérable; le monastère de Mégaspilion, >

Son élévation et ses montagnes y entre- un des plus grands de la Morée, est cons
tiennent la fraicheur du climat ; il y jail- truit dans les rochers d'Arcadie. L'Al
lit aussi beaucoup de sources,etles pâtu- phée , l'Eurotas, et d'autres fleuves de
rages sont excellens. Aussi les anciens ha cette province , ont perdu leur ancienne
bitans menaient-ils une vie pastorale, et illustration ; ils coulent en grande partie
ils rendaient un culte assidu au dieu Pan . dans des déserts. D -G .
Long -temps les mæurs y conservèrent L'Heptanomide ( province d'Égypte ) ,
cette simplicité qu'on trouve ordinaire- prit , au commencement du Bas-Empire,
ment dans les pays montagneux . Les poè le nom d'Arcadie, en l'honneur d'Arca
tes anciens ont fait de l'Arcadie la scène dius , un des fils de Théodose . VAL. P.
des idylles , et certes , c'est dans ce pays ARCADIE ( BERGERS D '). Située au
que la vie pastorale devait se présenter centre du Péloponèse ( voy. l'art. précé
sous le côté le plus poétique. Selon les dent), loin du commerce des étrangers ,
traditions des Grecs , les Arcadiens étaient contrée riante et variée, où s'élevaient de
autochthones et prosélènes , c'est - à - dire hautes montagnes , où se découpaient des
plus anciens que la lune. Pélasge , fils vallées fertiles, où serpentaient les eaux
de Niobé , vint d’Argos pour civiliser les limpides et fraiches du Gortynius et du
sauvages de ce pays ; son fils Lycaon Ladon, l'Arcadie dut avoir pour habi
construisit, en Arcadie, la première ville; tans , de tous les Grecs , les plus simples,
Nyctime, un de ses fils, lui succéda dans les plus hospitaliers , les moins civilisés :
le gouvernement ;un de ses descendans , tels étaient,en effet, les Arcadiens. Pan
Arcas , donna son nom au pays qui d'a- fut leur divinité chérie. Mener paître les
bord avait été appelé Pelasgie. Il se forma troupeaux ou cultiver une terre féconde,
dans la suite plusieurs tribus ; une partie c'étaient là leurs travaux de prédilec
deshabitans émigra dans d'autres contrées et à leurs travaux , leurs;
à leurs repas, àà tion
de la Grèce. Les Arcadiens eurent des loisirs , ils mêlaient toujours la musique ;
guerres à soutenir contre les Spartiates , ils se souvenaient qu'elle seule avait pu
et secoururent les Messéniens contre ce adoucir leurs mæurs , jadis rudes et fa
peuple ; ils abolirent la royauté quand ils rouches ; tel est le tableau que l'antiquité
eurent mis à mort leur roi Aristocrate II, nous a légué de l'Arcadie . Pourtant cette
pour avoir trahi Aristomène, le héros belle partie de la Grèce ne renfermait
de la Messénie . Ils établirent une confé- pas seulement des champs et des pâtura
dération républicaine de cantons et de ges , on n'y entendait pas seulement les
peuplades ; dans la suite , l'aristocratie chants d'amour des bergers. Des villes
s'empara dela domination . Les Arcadiens importantes , des villes célèbres , Tégée,
combattirent avec les Thébains , et se si- | Mégalopolis , Mantinée , étaient sorties
gnalèrent à Mantinée dans la lutte contre de son sein ; plus d'une fois la guerre
les Lacédémoniens . Plus tard , divisés en- | l'ensanglanta , et, entre l'Arcadie du Pé
tre eux , et vendant leurs secours aux loponèse et celle qu'ont rêvée les poè
ARC ( 163 ) ARC
tes , il n'y a encore qu'une bien faible | temps de la république, ce fut la bas
ressemblance. A l'époque de la renais- sesse du sénat qui les accorda. On en
sance , quand toute l'antiquité se révé- comptait onze à Rome , et il en reste en
lait à l’Europe, comme un grand monde core cinq ou six, sinon entiers, au moins
poétique et sublime , l'Arcadie prit dans en partie. On distinguait parmi ces mo
l'imagination de Sannazar' cette forme numens l'arc érigédans le Cirque, celui de
idéale qu'elle a toujours conservée de- Titus et de Vespasien , celui de Constan
puis. Alors furent imaginés ces bergers si tin,auprès del'amphithéâtre,celuid'Anto
tendres, si rêveurs , parfois si maniérés et nin ,auprès de la colonne érigée en l'hon
si fades; mais d'abord on ne vit que leurs neur de cet empereur ; l'arc de Théodose,
graces ; l'Italie entière , pendant tout un de Valentinien et de Gratien, et celui de
siècle, chantales bergers.L'Espagnes'em- Septime-Sévère.Cedernier n'est pas cons
a
pressa de l'imiter. Ce goût passa bien truit dans le meilleurgoût ; il a été figuré
vite en France , où il inspira le volumi- sur une médaille du règne de Caracalla.
neux roman de l’Astrée. C'est encore lui La plupart de ces arcs ont la forme de
qui dictait plus tard ces romans non portails , et se composent d'une grande
moins interminables , où La Calprenède porte cintrée entre deux portes latérales.
et Scudéry travestissaient les Cyrus et les Au-dessous de ces portes sont pratiquées
Caton en bergers langoureux .Sans doute, des ornemens, et encastrés des bas -re
ce dernier abus du genre ne contribua liefs , notamment à l'arc de triomphe de
pas peu à le discréditer; aujourd'hui , il Titus , où l'on a sculptélesvictoires de
est bien passé de mode ; cependant, mal- cet empereur sur les Juifs; des colonnes
gré ses défauts , si faciles à saisir , mal- portent son entablement également dé
2

gré le ridicule , auquel'il prête plus que coré. Bellori a composé un ouvrage par
tout autre , n'oublions pas que l'Italie lui ticulier sur les arcs de triomphe à Rome:
doit deux charmans ouvrages,, l’Aminta Arcus Augustorum triumphis insignes , >

et le Pastor fido ; que la France lui doit Rome, 1690, grand in -fol., avec planches
mieux encore, peut-être, ce délicieux ta- gravées par Bartoli. A l'exemple de la mé
bleau du Poussin , celui de tous ses tropole, les villes des provinces romaines
paysages où ce grand homme, si poé- érigeaient aux empereurs desmonumens
tique , a mis le plus de poésie , ce chef- semblables. On voit des arcsde triomphe,
d'ouvre enfin de mélancolie , de grace et ou du moins des restes de monumens de
de simplicité. On s'étonnera peut-être ce genre, à Aix en Savoie, à Ancône, Bé
que, dans un article consacré aux ber- névent, Fano , Pola , Rimini , Suze et
gers d'Arcadie , nous ne parlions pas des Vérone. Dans les Gaules , on en avait
Portugais , le peuple de l'Europe le plus érigé à Orange , à Saintes , à Besançon ,
amoureux de l'idylle ; mais les poètes à Reims, etc. Celui d'Orange fait encore
portugais ont bien plus chanté leurs pro- l'admiration des voyageurs. L'arc de
pres bergeries que celles de la Grèce , triomphe de Besançon est encore entier,
et le sentiment patriotique leur donne un mais les bas -reliefs en sont effacés. Les
caractère particulier . L. L. O. peuples modernes ontimité cette coutume
ARCADIUS , voy. Honorius. des Romains d'illustrer leurs triomphes.
ARC DE TRIOMPHE . Ces mo- Paris est orné de plusieurs monumens de
numens sont l'invention d'un peuple qui même nature. La porte Saint-Denis aa été
décernait les honneurs du triomphe à des érigée en l'honneur de Louis XIV , après
généraux , lorsqu'après une victoire écla- ses victoires sur le Rhin. Sous le règne
tante ils rentraient à Rome , à la tête de de Napoléon a été élevé l'arc de triom
leurs armées. C'étaient d'abord des por- phe de la place du Carrousel, à l'entrée
tes décorées et érigées à la hâte ; dans la des Tuileries. Un monument plus colos
suite on les construisit en pierre , pour sal de ce genre fut commencé, sous
éterniser la gloire des vainqueurs. Sous l'empire, à la barrière de l'Étoile : on
les empereurs, la flatterie en fut prodi- travaille enfin à l'achever. D-G.
gue envers les despotes et les tyrans. Au ARCANE , mot dérivé du latin arca
lieu de la voix du peuple , comme du num (arceo , j'écarte), et qui signifie se
2
ARC ( 164 ) ARC
ret ou caché. Il était fréquemment em- spectateur et le soleil ; mais l'intensité de
ployé par les alchimistes , dont les tra- la lumière blanche formée par cet astre
vaux étaient mystérieux, et qui gardaient empêche que le phénomène ne soit visi-
pour eux seuls les découvertes qu'ils ble; aussi faut -il, pour qu'il nous appa
avaient faites . On trouve souvent , dans raisse dans tout son éclat, que l'arc -en - ciel
les vieux ouvrages, le mot d’arcane ap- se peigne sur un fond très noir. L'arc - en
pliqué à divers oxides métalliques et à des ciel présente les couleurs du spectre so
sels; ainsi le sulfate de potasse s'appelait laire ;le rouge forme la zone supérieure,
arcanum duplicatum , et un deutoxide et se trouve par conséquent le premier à la
de mercure se nommait arcanum coral- convexité de l'arc. Souvent on aperçoit
linum . L'idée qu'on poursuivait alors deux , quelquefois trois et niême quatre
avec ardeur, d'un remède universel, don- arcs qui sont situés en dehors du pre
nait une grande valeur aux arcanes; aussi mier, et dont les couleurs pour chaque
ce nom est -il resté dans le langage fami- arc vont en diminuant d'intensité. Ce
lier pour désigner les remèdes secrets phénomène ne se montre pas seulement
(voy. ce mot) . De nos jours , les savans dans le ciel : il peut se manifester dans
:

croiraient indigne d'eux d'avoir des se- le sommet d'un jet d'eau , sur la surface
>

crets de ce genre , et ils s'empressent , d'une prairie couverte de rosée ; mais il


avec le zèle le plus honorable, de faire faut toujours être placé entre le soleil et
connaître au monde entier le résultat de la surface réfléchissante .
leurs recherches. F. R. L'arc-en-ciel est produit par la décom
ARCANO(GIOVANNI MAURO D ”).C'est position qu'éprouve la lumière en tra
surtout sous le nom de il Mauro que ce versant une goutte de pluie qui , comme
poète est célèbre. Sa famille était noble , tout le monde sait,est sensiblement sphé
et possédait dans le Frioul le château rique. Lorsqu'un faisceau lumineux vient
d'Arcano , d'où elle a tiré son nom. Il frapper sa convexité, il pénètre dans son
Mauro s'illustra dans ce genre burlesque intérieur en se réfractant, puisqu'il pé
qui plaît tant aux Italiens et qui est tout- nètre dans un milieu plus dense ; une
à -fait propre à leur langue et à leur tour partie traverse le globule , mais une au
d'esprit. Les 21 capitoli qu'il a laissés tre partie est rétléchie sur la concavité
sont, entre tous ceux qu'ont écrits ses opposée au point d'immersion ( voy .)
compatriotes, les plus dignes d'être com- et revient d'abord pour sortir en partie
parés aux œuvres de Berni, modèle en du même côté où il a pénétré en faisant
ce genre. Il Mauro écrivait vers 1530 ; au point d'émergence ( voy .) un angle
il fut l'un des principaux membres de très ouvert avec le point d'immersion, et
l'académie des Vignajuoli ou des vigne- ensuite pour se porter vers le spectateur
rons, dont les membres ne devaient em- placé de façon à en être affecté. J'ai dit
prunter leurs noms qu'à la culture de la en partie , car quelques rayons du fais
vigne. L. L. 0. ceau lumineux sont rélléchis une seconde
ARCANSON , voy. COLOPHANE. fois dans l'intérieur du globule , et l'on
ARCEAU. On appelle ainsi la cour- conçoit qu'il peut se faire ainsi une mul
bure du centre d'une voûte , qu'elle soit titude de réflexions. Mais à chaque fois
surmontée ou surbaissée. la portion de la lumière émise est plus
ARC-EN-CIEL, Ce météore , le plus petite , et son intensité doit aller en di
élégant qu'on puisse voir ,> est le résultat minuant avec le nombre de réflexions.
de la réfraction dela lumière solaire com- Si la première partie réfléchie forme un
binée avec sa réflexion . Il ne peut avoir faisceau assez considérable pour aller
lieu que quand le soleil darde ses rayons peindre une image dans l'ail du specta
sur un nuage qui lui est opposé et qui se teur, on dit que ces rayons sont efficaces,
résout en pluie, et n'est visible que pour et tout faisceau lumineux qui , réfléchi
le spectateur placé entre le soleil et la pour la seconde et même pour la troi
nuée , ayant le dos tourné à cet astre. La sième fois, affectera encore l'ail , sera
décomposition de la lumière a bien aussi considéré comme efficace. Ce sont ces
lieu lorsque la nuée est placée entre le rayons réfléchis une deuxième, une troi
ARC ( 165 ) ARC
sième fois, qui donnent l'image du se- sous des angles égaux , et il n'y a que les
cond, du troisième arc- en -ciel; aussi globules d'eau disposés circulairement
présentent -ils, par suite de ces réflexions autour d'un point central lumineux qui
successivés , leurs couleurs dans un or- puissent présenter cette condition : aussi,
dre inverse l'un de l'autre à partir du se- dans la production de l'arc-en-ciel , le
cơnd. Mais comme à chaque fois une par- soleil se trouve- t - il toujours diametrale
tie des rayons est transmise , le nombre ment opposé au centre de l'arc formé par
de ceux qui sont réfléchis va en dimi- ce météore.
nuant et leur intensité éclairante décroît. La lumière de la lune donne aussi
C'est la raison de la dégradation remar- quelquefois lieu à un phénomène analo
quée dans les couleurs du deuxième , et > gue à celui que nous venons de décrire ;
surtout du troisième arc. Il est extrême. on le nomme arc- en - ciel lunaire. Il est
ment rare qu'on en perçoive un qua- toujours fort peu marqué, et n'offre sou
trième , et même en général le troisième vent qu'un arc blanchâtre. A. L-D.
n'est-il jamais entièrement achevé. Les ARCÉSILAS , philosophe grec , né à
gouttes d'eau , dans lesquelles s'opère la Pitane , en Éolide, l'an 316 avant notre
2

décomposition de la lumière solaire, sont ère , vint dans sa jeunesse à Athènes,


par rapport au soleil dans des situations où de disciple de l'Académie ( voy. ce
dont la hauteur varie ; ces rayons partis mot ) il en devint le chef , en succédant
>

du soleil doivent nécessairement faire sur à Sosicrate. Il professa avec beaucoup


chaque couche de globules de pluie des de succès jusqu'à sa mort , en l'an 241
angles d'incidencequi varient par la posi- avant J.-C. On n'a rien de ses écrits ;
tion des gouttes d'eau, et, selon ces diffé- mais les auteurs anciensrapportentquel
rentes positions, ces gouttes d'eau réfrac- ques - unes de ses idéesphilosophiquesqui,
teront les rayons solaires dans leur or- selon eux , étaient singulières. On lui
dre de réfrangibilité comme le ferait un appliquait l'allégorie du monstre d'Ho
prisme. On détermine par l'expérience mère et d'Hésiode , en disant que la phi
et le calcul les angles que les rayons in- losophie d'Arcésilas était un composé du
cidens doivent faire avec les globules dogmatisme de Platon , du scepticisme
aqueux, pour donner la série des couleurs de Pyrrhon , et de la dialectique de Dio
de l'arc - en -ciel dans l'ordre où on les dore. Ce qui a empêché les anciens de
observe. L'imageduspectre solaire (voy.) discerner un système dans les leçons
ainsi peinte sur la nuée y reste immobile d'Arcesilas >, c'est l'habitude qu'il avait
malgré la chute continuelle des gouttes de disputer avec ses auditeurs , de pro
de pluie ; cela tient à la rapidité avec la- voquer leurs assertions , et de les com
quelle elles se pressent et se succèdent battre ensuite , au lieu de leur exposer
dans les mêmespositions qu'elles doivent des doctrines. Il lutta vigoureusement
nécessairement occuper pour que le phé- contre le dogmatisme de Zénon qui fon
nomène soit produit. La largeur de l'arc- dait alors l'école des stoiciens , et il s'ef
en -ciel est limitéepar l'ouverture de notre força de prouver contre eux qu'il n'exis
pupille ( voy . ); sa grandeur dépend de te pas de signe certain de la vérité, d'où
la hauteur du soleil , de la position du il concluait qu'il ne faut trancher aucune
spectateur , de sorte que plusle soleil est question et retenir son approbation ,
bas ou plus le spectateur est élevé , l'arc afin de conserver une tranquillité d'ame
offre un plus grand développement , et parfaite. C'est la fameuse maxime du
un observateur placé sur une éminence nil admirari. Pour la vie pratique il
pourrait apercevoir, le soleil étant à l'ho recommandait comme règle fondamen
rizon , un cercle entier. D'après cela on tale d'admettre ce que la raison enseignait
conçoit que c'est en pleine mer que se comme le plus probable. Recommandant
montrent les plus beaux arcs -en-ciel. La ensuite le scepticisme pour les vérités
forme circulaire affectée toujours par spéculatives , et le probabilisme pour les
l'arc - en - ciel résulte naturellement de ce actions , il fut regardé ,> à cause de cette
que les rayons demême couleur ne peu- double règle, comme le fondateur d'une
vent parvenir à l'oeil du spectateur que nouvelle Académie , dite moyenne. D-G.
ARC ( 166 ) ARC
ARCHAISME ( d'apraños, ancien ) , |quelques écrivains. Apulée en est un
expression , tournure ou forme gramma- exemple frappant. VAL. P.
tịcale dont l'usage appartient à une autre ARCHANGEL , voy . ARKHANGEL.
époque de la langue, mais dont on se sert ARCHANGES , anges d'un ordre su
ou par affectation ou pour produire un périeur ( voy. ANGE ) , ceux qui portent
effet poétique ou oratoire. Salluste faisait les messages du Très- Haut dans les occa
de l'archaisme de mots en écrivant pro- sions les plus importantes. On en ad
sapia ; de l’archaïsme de formes en mettait sept , mais on ne trouve dans la
répétant ægerrumus, intellego , omnis Bible que les noms de trois : Gabriel ,
homines , etc.; del’archaïsmedesyntaxe Raphaël et Michel. Le nom de Gabriel
quand il plaçait dans la bouche de Marius, signifie en hébreu force de Dieu : c'est
quantum cum maxumo beneficio ves- lui qui est envoyé vers Zacharie (Luc, I ,
tro negotii sustineam . Amarier ou syl- 19) et vers Marie ( I , 26 ) pour leur an
vaifrondosaï chez les poètes du siècle noncer la naissance de Jean-Baptiste et
d'Auguste, triu.ro )nue, réyopae en grec , de Jésus-Christ. Les mahométans l’ho
labeur, aviver, fallacieux, souventefois norent non moins que les chrétiens ,
en français, sont aussi des archaïsmes. comme l'un des quatre anges de la révé
Beaucoup d'écrivains,, dans toutes les lation qui ont inspiré le prophète. Ra
langues , se sont plus à faire revivre des phaël fut le compagnon du jeune Tobie
expressions ainsi passées de mode. En Tob. XII , 15 ). Michel, le prince des
effet, c'est une mine féconde : ilnes'agit anges , dont le nom signifie qui peut se
>

que de savoir l'exploiter. Pour cela il comparer à Dieu , est le vainqueur de


faut : 1 ° choisir l'archaïsme avec art , Satan et de l'enfer. S.
2° l'enchâsser dans une période dont le ARCHE ,9 voûte qui porte sur les pi
caractère général s'harmonise avec celui les et les culées d'un pont. Les arches
du mot , de la forme ou du tour qu'on d'un pont peuvent être surhaussées ou
transplante du langage antique dans la surbaissées comme toutes les voûtes en
langue moderne. berceau ; leur cintre est susceptible d'être
La Fontaine en offre un grand nombre formé par des arcs de cercle et autres
d'exemples. Parmi nos poètesmodernes , courbes. Les arches de presque tous les
quelques -uns aussi l'ont tenté avec bon- ponts antiques sont en plein cintre , c'est
heur.Quoide plus élégantetde plus simple à-dire formées par une demi-circonfé
que ces deux vers ? rence ; et lorsque les anciens ont été obli
.... Elle baissa la tête gés de les faire surbaissées, ils ont em
Et se prit à pleurer. ployé pour la courbure de leur cintre un
Personne en ce genre ne surpassera arc de cercle moindre que la demi-cir
Paul-Louis Courrier, dont la traduction conférence ; les arches à cintres ellipti
du premier livre d'Hérodote et l'édition ques sont d'une invention moderne (voy,
du roman Grec Daphnis et Chloé (Amyot l'art. PONT ). P-T.
retouché ) sont des modèles inimitables. ARCHE D'ALLIANCE . C'est ainsi
M. de Vanderbourg, dans ses Poésies qu'on appelait le coffre que Moïse avait
de Clotilde de Surville, a moins semé les fait fabriquer par ordre de Dieu, aupied
archaismes queles italianismes francisés; du mont Sinai , pour y mettre en dépôt
la couleur et la physionomie générales les deux tables de pierre sur lesquelles
du langage sont tout pétrarquesques : étaient gravés les dix commandemens. Ce
seulement un assez grand nombre de coffre était en bois de sétim (nom d'ail
mots sont des vieilles langues d'Oil ou leurs inconnu ), de forme carrée, d'un
d'Oc. M. Villemain , dans ses improvi- travail soigné , long de deux coudées et
sations , a souvent rajeuni, avec autant demie , large et long d'une coudée et de
de goût que d'éclat , beaucoup d'expres- mie , et couvert en dehors et en dedans
sions surannées , la plupart empruntées de lames ou de feuilles d'or . Son couver
à Montaigne. Nous nesavonss'il les écri- cle , appelé propitiatoire, formait toui
rait. Le néologisme, qui est le contraire autour une espèce de couronne d'or pur
de l’archaïsme, s’unit souvent à lui chez et était surmonté de deux chérubins d'or
ARC ( 167 ) ARC
battu placés aux deux bouts , l'un vers lites de la captivité de Babylone. J. J. G.
l'autre, ayant le regard baissé et couvrant ARCHE DE NOÉ , voy. Nok.
le propitiatoire de leurs ailes. La place ARCHÉLAUS ( roi), voy. Mack
du propitiatoire, qu'ombrageaient les ai DOINE .
les des chérubins (voy. ce mot), était par- ARCHÉLAUS , philosophe grec de
ticulièrement regardée comme le siége l'école ionienne, était fils d'Apollodore,
>

de Jéhova qui avait promis à Moise que selon les uns, et de Mydon , selon les
de ce lieu saint il donnerait ses comman- autres. Des deux versions dont l'une le
demens et ses oracles. Des deux côtés du fait Athénien et l'autre Milésien , celle -ci
coffre, aux quatre coins, il y avait quatre nous parait la plus probable ,> sa rési
anneaux d'or destinés à recevoirdeux dence à Athènes expliquant suffisamment
bâtons de bois de sétim aussi couverts la première. L'antiquité ne nous a pas
d'or , au moyen desquels on portait transmis une seule circonstance de sa
l'arche. vie ; mais elle est unanime à reconnaître
Cette arche était pour les Israélites le qu'il fut disciple d'Anaxagore et maître
symbole de la présence de Dieu et de de Socrate , ce qui fixe suffisamment l'é
son union intime avec eux : aussi atta poque où il a fleuri. Il enseigna à Athènes
chaient-ils la plus haute importance à sa après l'exil d’Anaxagore , et fut le dernier
conservation ; avec elle ils se croyaient représentant connu de cette grande école
invincibles ; sa perte était pour eux un ionienne ( voy.) commencée par Thalès
sujet de deuil et dedécouragement. Dans 150 ans auparavant. Ce fut par lui que
les marches du désert elle les précédait ; cette école fut définitivement transplantée
dans les campemens et jusqu'à la con- à Athènes, car Anaxagore revint mourir
2
struction du temple par Salomon elle était en Asie. Suidas lui attribue un ouvrage
placée dans le tabernacle , espèce de pa- sur la physique , et Plutarque présume,
villon ou de tente qui servait à la célébra- d'après Panatius, qu'il fut l'anteur de
tion du culte. Quand la tribu de Lévi fut certaines élégies écrites pour consoler Ci
séparée du reste de la nation pour être mon de la mort d'une femme qu'il aimait
chargée des affaires sacrées , la garde et qui n'était pas la sienne.
de l'arche lụi fut exclusivement confiée. Les témoignages qui nous restent de
Après l'entrée des Israélites dans le pays sa doctrine sont peu nombreux et fort
de Chanaan , elle fut d'abord déposée à Silo obscurs ; mais ils suffisent cependant pour
où elle ' resta environ 330 ans jusqu'au en fixer le caractère général; et ce ca
temps de Samuël. De là elle fut successi- ractère , une fois bien saisi, explique à
>
vement conduite en divers endroits avant son tour l'incertitude et la contradiction
d'arriver à Sion , dans la cité de David , apparente des témoignages. Archelaus,
d'où Salomon la fit porter dans le sanc- dernier philosophe de l'école ionienne ,
tuaire du temple qu'il venait d'élever à fut un homme de transition et ent des
l'Éternel. opinions qui participèrent à la fois de
Du temps des derniers rois de Juda celles deson école , de son maître, de son
qui sacrifièrent aux faux dieux et place- disciple et de ses contemporains, les so
rent leurs idoles jusque dans le sanc- phistes. La philosophie ionienne était ici
tuaire, l'arche en fut retirée , soit pour exclusivementphysique; celle de Socrate
servir à quelque usage profane , soit pour fut exclusivement morale; la philosophie
être préservée de la profanation par les d’Archelaus lui fit donner le surnom de
prêtres. Enfin Jérémie , voulant empê, physicien par les Athéniens qui l'oppo
cher qu'elle ne tombât entre lesmainsdes sent aux sophistes et à Socrate; mais cette
Babyloniens avec les autres objets sacrés philosophie ne fut point exclusivement
que renfermait le temple, la fit porter sur physique. Sextus compte Archelausparmi
la montagne de Nébo où mourut Moise , les philosophes qui ont divisé la philoso
et il la cacha dans une caverne d'où elle phie en deux parties , la physique et la
paraît n'avoir jamais été retirée; du moins morale. Diogène, plus explicite ,7 assure
n'est - il pas dit qu'elle ait été replacée qu'il philosopha sur les lois , sur l'hon
dans le temple après le retour des Israé- Inête et le juste, et ajoute que, pour avoir
ARC ( 168 ) ARC
développé une partie de la philosophie C'était pendant la guerre de sept ans
qu'il tenait d'Archélais, Socrate passa dont il allait devenir l'historien . D'un
pour l'avoir inventée. Ainsi Archélaüs ne caractère passionné , remuant, inquiet,
fut passeulement l'homme en qui finit la Archenholz se fit bientôt une réputation
philosophie physique , il fut encore celui de joueur et de mauvais sujet : il n'en
par qui commença la philosophie morale. fallut pas davantage pour être mal vu de
Il ne nous reste qu'une seule indication Frédéric II , qui lui fit donner son congé
de la morale d'Archélaŭs ; mais elle est après la paix de Hubertsbourg. Dés@ u
caractéristique : il enseignait que le juste vré, il se mit à courir le monde , pendant
:

et le honteux ne sont point tels par la seize ans, en véritable chevalier d’indus
nature , mais par la loi , doctrine qui fut trie , mais toujours en observateur judi
celle des sophistes et par laquelle il se cieux et de bon sens. De retour en Alle
rattache à cette école. Commephysicien , magne , il séjourna presque toujours à
Archelaus parait avoir flotté entre les Hambourg, exploitantavec succès son ta
explications de l'ancienne école ionienne lentd'écrivain . Sans posséder une grande
et la doctrine plus élevée , mais par-là érudition , sans avoir des connaissances
même moins intelligible pour l'époque, très variées , il avait vu les hommes et les
de son maitre Anaxagore (voy. son arti- choses ; il était maître de son style; il avait
cle ). De là l'obscurité et la diversité des du goût ; et bientôt un public nombreux
témoignages sur le système de ce philoso- encouragea ses débuts. Rédacteur de plu
phe. Ce qui semble résulter de toutes les sieurs journaux très estimés , il s'était >

traditions recueillies par Plutarque , Sto- déjà fait une carrière littéraire lorsque
bée , Sextus, Hermias , saint Augustin , parut son ouvrage sur l'Angleterre et
Simplicius , etc. , c'est que , sans rejeter l'Italie (Leipz. 1785 , 2 vol. , et 1787, 5
>

précisément le principe éclectique , Ar- vol.) , qui a été traduit dans presque tou
chélaüs , ne comprenant point son action tes les langues de l'Europe . L'Italie y est
et n'en tenant point compte ou la niant , évidemment maltraitée, et la superbe Al
en revint aux explications purement phy- bion portée jusqu'aux nues ; plus d'une
siques des prédécesseurs d’Anaxagore. inexactitude s'y est glissée à l'ombre d'un
Indépendamment de sa doctrine sur la style pittoresque. Le même jugement doit
question fondamentale , on attribue à être porté sur ses Annales de l'Angle
Archelaus un certain nombre d'opinions terre depuis 1788 ; bon nombre d'anec
particulières qui ne sont guère que la dotes controuvées s'y trouvent pêle -mêle
reproduction des idées de son maître . avec des données exactes sur le parle
merce , et les meurs de ce
le petit nombre de celles qui font ment , le comhol
Parmi ion
except , nous ne citerons que les pays . Archen z contribua aussi à ré
suivantes . Il disait que les animaux et pandre en Allemagne la littérature an
l'homme sont nés de la chaleur de la terre glaise . Mais son travail le plus marquant
qui a distillé d'abord un limon semblable est sans contredit l'Histoire de la guerre
à du lait qui leur a servi de nourriture. de septans (Berlin 1793 , 2 vol.). Par une
Il regardait la mer comme unepartie de étude exacte de toutes les sources , ilsiopar
n
re
l'eau contenue dans les cavités de la terre vint à satisfai le savant de profes ;
et qui passe à travers les ouvertures de sa par un récit simple et animé , il plut à la
surface , comme à travers un crible. Il masse des lecteurs, ordinairement moins
pensait que la terre n'est point plate , exigeans . Le succès fut grand et mérité.
mais arrondie, et, ce qui le lui prouvait, Son Histoire de la reine Élisabeth aa tout
c'est que le soleil ne se lève pas pour tous l'intérêt d'un roman , tant les faits sont
au même moment . T. J. bien groupés et vivement racontés. L'His
ARCHENHOLZ (JEAN -GUILLAUME toire de Gustave Wasa (Tubing., 1801 ,
D’ ) , capitaine au service de Prusse, au- 2 vol.), précédée d'un tableau de laSuède
>

teur allemand assez estimé, est né à Dan- depuis les temps les plus anciens jusqu'au
e
tzick , en 1745. Au sortir de l'école mili- xv° siècle, ne contient pas des vues neu
taire de Berlin, où il avait été élevé, il alla ves , mais elle est écrite avec élégance et
rejoindre l'armée prussienne en Bohême. I entrainement, comme tout ce qui estsorti
1

ARC ( 169 ) ARC


de la plume d'Archenholz. Dans ses Opus- | figurés sur les monumens , ou la nature
cules historiques, le second volume a seul des substances employées par les artis
quelque valeur; il contient l'histoire ro- tes. Il rassemble les passages des classi
retrouver l'explication d'un
manesque des flibustiers ,de ces pirates ques pour dans
qui , dans le dernier siècle , infestèrent monument un trait d'histoire ou de
long-temps les Indes-Occidentales. Cet mythologie, ou dans un usage de la vie
ouvrage a été imprimé séparément ( Tu- civile ( voy. ANTIQUITÉS ). Conduisant
bingue, 1803 ). Archenholz consacra son lecteur à travers les siècles , il lui
les vingt dernières années de sa vie de procure l'intelligence parfaite de la litté
1792 à 1812 ) à l'édition d'un journal rature et des arts ; et en recherchant les
politique intitulé Minerve , riche en do- causes qui ont produit les chefs -d'œuvre
cumens historiques et en articles estimés, des anciens , il arrive à la connaissance
mais d'une tendance peu franche. Ar- des moyens de ramener ces causes , ou
chenholz sut constamment se donner un du moins d'y suppléer. Cette étude , en
air d'impartialité,> tout en se pliant avec nous développant la marche de l'esprit
adresse aux circonstances. En cela , il ne humain , nous conduit à en accroitre les
démentit point sa jeunesse aventurière , progrès.
qui n'avait point dû contribuer à fixer L'histoire ancienne est pour ainsi dire
ses principes. Il mourut âgé de 71 ans , écrite sur les monumens. Les temples
près de Hambourg , en 1812. L. S. nous instruisent des croyances des peu
ARCHÉOLOGIE. Cette science a ples ; les ouvrages publics de leurs be
pour but la connaissance de tout ce qui soins sociaux et des ressources que les
est relatif aux meurs et aux usages des arts ont employées pour y satisfaire; les
anciens , à leurs arts et aux monumens meubles et les ustensiles nous retracent
qui nous en sont restés. On doit distin- les moeurs des populations en général, et
guer l'archéologie proprement dite de les goûts des particuliers. Lors donc que
l'archéologie littéraire qui traite de l'an- nous explorons ces temps passés, à l'aide
tiquité sous le rapport de l'histoire , de de leurs restes précieux , nous retrouvons
la critique des écrivains, et de l'épura- à tousses degrés l'intelligence de l'homme,
tion des textes. Le mot archéologie est nous remontons à l'origine des sociétés ,
dérivé des deux mots grecs è pratos , an- à l'enfance de l'art ; puis , en redescen
cien , et dóyos, discours. On devrait dant avec les siècles , nous voyons des
>

écrire archæologie, comme l'a fait Mil- essais informes s'avancer vers la perfec
lin dans son Introduction à l'étude de tion, et nous offrir des modèles qu'il nous
cette science , et comme l'ont fait aussi est plus facile d'admirer que d'imiter.
Ernesti, Oberlin , et les autres auteurs Il y a >, dans l'étude des monumens,
qui ont voulu conserver à ce mot l'or- celle de leur usage et celle de leur style.
thographe de son étymologie : mais l'u- Le style des monumens en caractérise
sage a prévalu. le pays et l'époque. Ce style a dû changer,
Pour étudier l'archéologie, il faut soit par la marche naturelle des choses,
avoir la connaissance des langues ancien- soit par des événemens accidentels ,
des , afin de lire les auteurs dans l'origi, comme sont les relationsd'un peuple avec
nal. Il faut connaître l'histoire en géné- un peuple plus civilisé , ou par une do
ral, surtout celle de la Grèce et de Rome. mination nouvelle. Quelquefois c'est la
Pour expliquer les monumens, il faut nation vaincue qui civilise le peuple vain
avoir des notions suffisantes de la my- queur ; c'est ainsi que les arts dela Grèce
thologie et de l'histoire héroïque. Il faut adoucirent les meurs des barbares habi
connaitre les médailles, les inscriptions, tans du Latium.'
et n'être pas étranger à la connaissance L'archéologie aide à reconnaître non
de la mécanique et à la poétiquedes arts. seulement le style de chaque peuple, mais
L'archéologue fonde ses recherches les époques de chaque style.
apallesoppeutjuger,en comparantlesmonu
sur les véritéspositives des sciences; ils'ap
puie sur les découvertes des naturalistes mens entre eux, de la différence du goût
et des chimistes pour déterminer les êtres de chaque nation , et du degré de per
ARC ( 170 ) ARC
fection auquel chacune d'elles est par- | théâtrales, en rétablissant la vérité du
venue. Le moindre des monumens est costume, Dans la statuaire, dans l'art de
utile à cette recherche,parce qu'il repré- grayer la monnaie , les anciens sont en
sente un fait et qu'il concourt à l'en- core nos maitres.
semble des preuves. L'étude des objets A l'imitation de leurs arts nous avons
matériels conduit ainsi à celle de la vie joint l'imitation de leur littérature , car
civile et aux investigations les plus inté- dans la tragédie , la comédie , le poème ,
ressantes sur les lois , les usages et l'éco- | l’ode , la satire , l'épître , nos premiers
nomie politique. Des chefs-d'euvre de pas se sont traînés sur les leurs : nos
l'art la transition est insensible aux orateurs șe forment encore sur Démos-,
chefs-d'æuvre de la littérature , et bien- thènes et sur Cicéron.
tôt l'antiquité tout entière se révèle aux En apprenant à connaître la vie intel
regards curieux qui n'en avaient d'abord lectuelle et la vie matérielle des hommes
interrogé que de légers fragmens. de l'antiquité >, nous voyons se dérouler
C'est elle qui apporte , par l'examen et devant nous le tableau de lamarche pro
par la classification , la preuve des faits, gressive de l'esprit hạmain , et nous
2 >

et qui sert souvent à les rectifier . apercevons les points sur lesquels on
Les noms des peuples , ceux des hom- peut franchir certaines limites et ceux
mes ,les titres des princes et des magis- dont la grandeur ne peut être ni surpassée
trats , les surnoms des Dieux , sont tracés ni même atteinte.
d'une manière incontestable sur les in- L'étude de l'archéologie date, en Eu
scriptions de marbre et de bronze et sur rope , de l'époque appelée celle de la re
les anciennes monnaies. Les religions, naissance, quivitrefleurir en même temps
les opinions, les lois , les événemens re- les lettres et les arts . Dès le xive siècle ,
marquables sontconsacrés par des monu le Dante s'occupa de rechercher les vieux
mens authentiques qui confirment ou manuscrits et les anciennes inscriptions.
détruisent les témoignages des historiens. Son poème prouve assez qu'il avait étu
L'archéologie s'applique donc parti- dié l'antiquité, par l'application conti
culièrement à ce que l'on appelle l'anti- nuelle qu'il en fait dans sa composition.
quité figurée ; et comme nous avons dit Pétrarque, qui fut son contemporain ,
que les passages des auteurs classiques mais qui lui survécut d'un demi-siècle,
servaient souvent à expliquer les monu- et qui par conséquent participa aux pro
mens , à leur tour les monumens éclair- grès rapides que le génie poétique et ce
cissent un grand nombrede difficultés qui lui desarts firent sous l'inspiration de ces
se rencontrent dans les auteurs anciens. puissantes études; Pétrarque, le premier,
Si l'utilité de cette science ne peut sentit toute l'importance de l'observation
pas être contestée , le charme que l'on des monumens , et l'on retrouve dans ses
trouve dans son étude ajoute à l'intérêt lettres les conseils qu'il donna à Char
qu'elle peut offrir. Avec elle nous vivons les IV, en lui envoyant une collection de
dans des siècles dont le souvenir nous médailles, et en lui proposant pour mo
donne les plus hautes leçons. Dans l'his- dèles quelques-uns des princes dont les
toire des anciens , dans leurs meurs , pièces antiques lui retraçaient les images.
dans leurs croyances, dans leurs opi- C'est à lamême époqueque florissait aussi
nions , nous trouvons les points de com- le Pisan (voy .), peintre, sculpteur etarchi
paraison les plus instructifs et les plus tecte florentin , dont les ouvrages remar
piquans. Voy. ANCIENS. quables par une imitation naive de la na .
Nous avons puisé chez eux les belles ture sont encore des chefs - d'ouvre d'ex
et larges proportions de l'architecture pression qu'on peutrecommander comme
monumentale. Lorsque David a ramené études à nos artistes modernes. Ces hom
l'école française au goût sévère , à la pu- mes supérieurs étudiaient déjà le peu de
reté des formes et à la noblesse de la com- débris que l'antiquité avait laissé échap
position , c'est par l'étude de l'antique per du sein de ses ténèbres. Un siècle
( voy. ce mot). C'est cette étude qui a s'écoula encore , et la terre moins avare
contribué à l'éclat de nos représentations rendit à l'art moderne les trésors de l'art
ARC ( 171 ) ARC
antique. Michel-Ange et Raphael paru- gnaler. Struys et Serlio ont fabriqué des
rent au moment où le Laocoon revoyait plans et des vues des ruines de Persépo
la lumière. Les érudits appliquèrent aux lis , qui n'ont jamais existé que dans leur
monumens les recherches qu'ils faisaient imagination. La naumachie de Vérone ,
dans les traditions écrites , et Laurent de dans Panvini , le théâtre d’Autun , dans
Médicis, protecteur éclairé de tous les Montfaucon , ne sont que des fictions,
arts et de toutes les sciences , fut le vrai C'est de même que Laurus a dessiné les
créateur de celle que nous nommons ar- anciens édifices de Rome , que Dącosta a
chéologie, en établissant à Florence un donné l'amphithéâtre de Capoue. Picart,
enseignement public où ceux qui prati- croyant que la statue de Memnon n'exis
quaient les arts et ceux qui en étudiaient tait plus, en a fait un portrajt de fan
la théorie vinrent puiser ensemble à la taisie.
source pure et féconde de l'antiquité Quant aux erreurs involontaires, elles
écrite et figurée. deviendront plus rares à mesure que la
Bientôt les systèmes hasardés , les science archéologique ſera des progrès.
théories erronées qui jaillissaient des pre Les hommes les plus savans ontjadis com
mières investigations, furent rectifiés par mis des fautes qui provenaient de ce
de savantes et consciencieuses erreurs : qu'ils n'avaient pas d'idée de l'antiquité
c'est que la critique n'avait pas encore al- figurée, et de ce qu'ilsn'avaient pas étu
lumé son flambeau. Mais d'admirables dié les monumens . Rollin parle de la sta
matériaux étaient recueillis et préparés tue de Laocoon comme si elle était per
par lesGrævius,les Gronovius, les Mont- due. Érasme, dans une de ses lettres,
faucon , les Kircher , les Hardouin , les parle d'une médaille sur laquelle on voit
Vaillant et beaucoup d'autres.Il ne fallait le patriarche Noé sortant de l'arche avec
plus qu'un homme de génie pour opérer ses deux fils ; il voit au revers le pigeon
la transition . Winckelmann parut , et sonqui porte la branche d'olivier. Cette mé
histoire de l'art fut le plus beau traité daille représente Brutus entre deux lic
d'archéologie. teurs, et le prétendu pigeon est un aigle
>

Les études archéologiques ont inspiré qui porte une couronne de laurier. Neu
à nos plus grands écrivains des ouvrages mann a savamment établi que cette mé
imprégnés de la couleur antique.Le Te- daille, autrefois attribuée à Cosa , ville
2

lémaque de Fénélon , la Phèdre de Ra- d'Etrurie , a été frappée à Cossa , petite


cine doivent leur principal mérite à la ville de la Thrace , par l'ordre de Bru
fidélité avec laquelle ces auteurs ont su tus , peu de temps avant la bataille de
peindre les mours antiques qu'ils avaient Philippes. Le savant Winckelmann lui
étudiées dans Homère, Sophocle et Eu - même,> si versé dans l'archéologie , faute
ripide; de même qu'Athalie annonce une d'en avoir étudié suffisamment une partie
connaissance parfaite de toute l'antiquité bien essentielle, la numismatique, a re
bébraïque. Molière était nourri de l'étude gardé comme antique et romaine une pe
des anciens; dans son Amphitryon, il n'a tite médaille de bronze , avec le portrait
pas commis les fautes de costume que de Virgile , tandis que cette médaille a
des hommes d'esprit ont faites dans des été frappée à Mantoue , aụ xvie siècle ,
ouvrages d'ailleurs très brillans.Regnard, à l'occasion d'un jubilé qu'onoyy célébrait
dans son Démocrite amoureux , parle de en l'honneur de ce grand poète.
clochers et d'almanachs; Boursault, dans Beaucoup d'auteurs ont écrit sur les
son Ésope, met à la cour de Crésus un différentes parties de l'archéologie; mais
marquis et un colonel ; et de nos jours peu se sont occupés de faire sentir son
on a vu au théâtre du Vaudeville les Co utilité. Millin a publié une Introduction
mices d'Athènes , quoique ces assem- à l'étude de cette science , dans laquelle il
blées n'aient jamais eu lieu qu'à Rome. vante les agrémens de son étude et les
La critique dans les arts et dans les amusemens qu'elle procure, et démontre
lettres a fait assez de progrès pour que la nécessité d'en avoir une teinture suf
l'on ne commette plus des erreurs volon- fisante . Il fait voir combien l'étude de
taires comme celles que nous allons si l'antiquité est indispensable à celui même
ARC ( 172 ) ARC
qui ne cherché qu'une instruction facile dérations relatives à son origine, à la
et vulgaire. fabrication et à l'emploi des couleurs , a

L'archéologie embrasse les différentes la manière de peindre sur marbre , sur


partiesde l'art; celui qui l'étudie observe ivoire , sur bois , sur toile, à fresque ou à
d'abord l'architecture ( voy . ), ce qui le l'encaustique. On apprend l'histoire des
conduità des recherches sur les divers édi- | différentes écoles de l'Ionie ou de l'Atti
fices des différens peuples , sur leurs pro- que, et des peintres qui les ont rendues
portions et leurs ornemens. On est con- célèbres. On apprend à connaitre les
duit à examiner d'abord les temples , les peintures les plus curieuses, retrouvées
palais , les édifices publics , ensuite les dans les édifices antiques, et dont l'étude
édifices particuliers. Dans ceux des Per- fut si utile aux artistes qui ont fait re
ses et des Égyptiens, on admire la gran- naître les arts parmi nous.
deur et la solidité ; on trouve parmi ceux La gravure en pierres fines forme une
de ces derniers, les pyramides , les obé- branche d'étude toute particulière dans
lisques , les colosses , le labyrinthe, les laquelle on distingue les intailles et les
souterrains, et on y remarque la multitude camées ( voy. ces mots ), les pierres avec
prodigieuse d'ornemens hiéroglyphiques des noms de graveurs, celles du style
dont ils sont surchargés. Chez les Grecs, primitif, celles de la belle époque de l'art.
on trouve le stade , l'hippodrome où se Cette partie de l'archéologie mérite un
sont donnés les jeux célébrés par Pin- article particulier que nous lui consa
dare; les gymnases où s'exerçait la jeu- crerons au mot GLYPTIQUE. Les mosaï
nesse; les théâtres , les temples, d'une ques ( voy. ) offrent des sujets d'obser
ordonnance si magnifique. Chez les Ro- vations sur les pierres dures ou les cubes
de verre qui les composent, sur l'art de
mains, on voit des édifices inconnus aux 9

Grecs ; les amphithéâtres, les bains , les les arranger et les sujets qu'elles repré
portes en arcades à l'entrée des ponts, les sentent , et sur leur usage pour le pavé
arcs de triomphe , les basiliques où ils des temples et celui des salles à manger.
rendaient la justice, les bornes ou colon-
> Les vases ( voy .) sont intéressants par
nes milliaires. Dans les habitations par- leurs formes élégantes et singulières, par
ticulières , on trouve le cavædium , l'a les reliefs ou les peintures qui les embel
>

trium , le cænaculum , le gynæcée , lissent. Ceux de terre cuite, appelés long


l'hypocauste ; la distribution des appar- temps et improprementétrusques et qu'on
temens nous conduit à des observations doit nommer vases grecs , nous donnent
sur les usages de la vie intérieure. une idée du goût des plus anciens artistes,
Les ouvrages de l'art ont été faits pour et servent à compléter le cercle des con
embellir les temples , les palais et les au- naissances mythologiques . Les vases de
tres édifices; on passe done tout naturel- sardonyx ( voy. ce mot) nous présentent
lement à la sculpture. On y distingue les des substances naturelles d'un prix infini,
statues et les bas-reliefs, on examine ce dont les analogues sont perdus , et dont
qui a rapport à la statuaire, à la plas-
> la patrie et la nature sont encore un pro
tique qui est l'art de modeler , et à la to- blème pour les naturalistes et les antiquai
réutique (voy.) qui est l'art de ciseler ou res. Les vases de porcelaine et de cristal
sculpter. On recherche les matières dont nous font connaître l'habileté des anciens
les anciens sculpteurs se sont servis : ledans la manière de travailler le verre.
marbre , la pierre , la terre cuite , la cire ;
Les vases d'or et d'argent , aussi remar
on examine leurs instrumens , leurs pro- quables pour la matière que pour le tra
cédés, le style des différens peuples aux vail , nous offrent des échantillons d'un
différentes époques. On prend connais- luxe qui n'est plus dans nos meurs. Les
sance de la vie et des ouvrages des princi- vases de bronze et de métal commun
paux statuaires : on apprend la significa- rentrent dans la classe des instrumens
tion des termes employés pour décrire religieux , militaires , civils et domes
tes statues , d'après leurs costumes et tiques. Ils forment une étude intéres
leurs attributs.
sante pour l'intelligence des anciens au
La peinture nous conduit à des consi- teurs et pour celle de l'histoire : ils ornent
ARC ( 173 ) ARC
les cabinets des curieux , et complètent de l'archéologie a pris faveur en France.
les collections d'antiquités. Outre son utilité littéraire ,> la connais
Parmi les instrumens religieux noussancede l'antiquité peut donc s'appliquer
remarquons les autels , les trépieds , les à une foule de circonstances de la vie
lampes ;la hache et la sécespite pour commune.
frapper la victime; les patères pour rece- C'est en 1799 que l'archéologie a été
voir le sang ; le préféricule , le simpule professée pour la première fois à Paris ,
et l'aspergille pour recevoir et répandre par Millin , à la sollicitation duquel fut
l'eau lustrale. Parmi les instrumens mi- fondée la chaire d'antiquitésà la biblio
litaires , on distingue les casques , les thèque nationale.
épées , les boucliers , les chémides ou « L'archéologie, disait Millin dans son
jambières , les enseignes. Les instrumens discours d'ouverture , est l'application
civils nous offrent les candelabres , les des connaissances historiques et litté
lampes , les anneaux, les armilles ou bra- raires à l'explication des monumens ,
celets , les fibules ou boucles>, et les divers et l'application des lumières que four
ornemens de l'habillement des hommes nissent les monumens à l'explication
et de la parure des femmes , enfin les des ouvrages de littérature et d'histoire.
objets destinés à l'usage de la maison. C'est la réunion des plus belles con
La numismatique (voy .) ou science ceptions des hommes de lettres et des
des médailles est la plus considérable de artistes , commentées les unes par les
toutes les parties de l'archéologie. Elle autres, »
est une des sciences qui , de nos jours , Il faut convenir que l'étude de l'ar
ont acquis un grand éclat par l'applica- chéologie a pris une grande extension :
tion que des hommes de génie en ont su dans nos départemens des hommes in
faire à l'astronomie , à l'histoire, à la struits et désintéressés s'occupent jour
chronologie , aux arts du dessin et de la nellement de recherches relatives aux
gravure, et à l'iconographie. antiquités, soit étrangères, soit nationales,
L'iconographie (voy.) elle -même est dont les résultats , envoyés à l'académie,
une partie très intéressante de l'archéo- forment des matériaux qui composeront
un jour l'ensemble le plus intéressant.
logie. Le savant Visconti lui a élevé un
monument digne deson importance dans Le gouvernement protége et encourage
son excellent ouvrage intitulé Icono- ces travaux , et des médailles sont décer
graphie grecque et romaine , que la nées par l'académie des Inscriptions et
mort est venue interrompre, et qui a été belles -lettres aux auteurs des mémoires
terminé par M. Mongez. les plus remarquables sur l'histoire , la
Après les monumens figurés viennent description ou l'explication des monu
mens .
les monumens écrits : ce sont les inscrip
tions sur marbre , sur pierre , sur papy- Pour compléter cette notice , il fau
rus et sur parchemin : leur étude tient drait désigner les ouvrages à lire et à con
également à la recherche des faits et à sulter qui sont trop nombreux pour que
celle des langues et par conséquent à la nous les citions tous. Nous nous borne
paléographie (voy .) . ou écriture an- rons à indiquer les traités élémentaires
cienne. Les ouvrages de Gruter et de tels que les Introductions de Millin , le
Muratori contiennent des recueils consi- Résumé d'Archéologie, par Champol
dérables d'inscriptions surpierre:l'étude lion , les Prolegomènes archéologiques,
des parchemins et des papyrus (voy. ) | par Oberlin ; le Dictionnaire des anti
constitue un autre genre de recherches quités grecques et romaines, traduit et
qui tient à la connaissance des manus- abrégé de Samuel Pitiscus par Barral ;
crits ( voy. MANUSCRITS ). le Dictionnaire d'Antiquités , par Mon
Nos meubles, nos coiffures, les vête- gèz , et celui plus portatif de Moncha
mens des femmes , les dessinsdes étoffes, blon . D. M.
les décorations des appartemens ont L'archéologie a quelquefois été appe
beaucoup gagné en goût et en élégance lée archéographie , description des mo
depuis unetrentaine d'années que l'étude aumens antiques, de åpxaios, vieux, et
ARC ( 174 ) ARC
paraissent ne, Visconti, Zoéga, Millin , Raoul-Ro
ypápe , je décris. Les Grecsdiffé
avoir attaché un sens unpeu rent au chette , Goethe , Boettiger , Hirt , Meyer,
mot archéologie, puisque Flave Josephe Thiersch et autres.
et Denys d'Halicarnasse ont pu donner En 1829 il s'est formé à Rome , sur
tout au moyen des souscriptions de
ce titre, l'un à son histoire des Juifs, l'au-
tre à celle des Romains. Quelques savans beaucoup d'archéologues étrangers, un
ont divisé l'archéologie , en archéologie établissement archéologique qui a pris
littéraire qui comprenait la paléogra- le titre de Instituto de corrispondenza
phie, la diplomatique des anciens et l'épi- archeologica, et qui est destiné à tenir,
graphique ou science des inscriptions ; en au moyen d'un journal , tous ses mem
archéologie de l'art, relative aux monu- bres au courant des découvertes nouvel
mens proprement dits et exprès , c'est- lesque le hasard ou les fouilles pourraient
à-dire à ceux qui ne sont pas seulement amener . J. H. S.
monumens pour nous, mais qui avaient ARCHÉOLOGIE NATIONALE.
cette destination dès l'origine ; et en ar- On formerait un recueil volumineux des
e
chéologie des usages et ustensiles, qui ordonnances du xviiiº siècle , des arrê
est la description de tous les objets di- tés consulaires , impériaux et royaux qui
vers , ni monumentaux , ni littéraires , ont été rendus, et trop souvent en vain ,
qui nous sont restés de l'antiquité et que pour la conservation des antiquités na
l'on a désignés des noms de suppellex tionales. La cupidité des bandes noires
antiquaria , minuta antiquaria et anti- n'est pas nouvelle : des moines pillèrent
caglia. Le véritable archéologue em- des tombeaux , des évêques obstruèrent
brasse ces trois divisions, et son premier de hideuses bicoques les basiliques ; les
besoin serait un état exact de tous les édifices les plus curieux souffrirent des
objets quelconques sauvés , de toutes les mutilations pendant les guerres de reli
antiquités disséminées dans les nombreux gion : le vandalisme ne put être entière
cabinets de l'Europe , état ou catalogue ment réprimé par Louis XIV ; et de nos
qui rangerait ces objets dans un ordre jours les dévastateurs ne se sont pas ar
systématique. Dans son Manuelde l'arrêtés aux croix et aux fleurs de lys. Quel
chéologie de l'art , ouvrage allemand ques académies et deux ordres monasti
publié en 1830 , à Breslau , M.O. Mül- ques avaient produit plusieurs savans
ler suppose que l'archéologie a eu chez antiquaires ; mais des Anglais , Ducarel
les modernes trois périodes très diffé- ton
( en (1767), Bentham (1771 ), Witting
rentes. La première était celle des artis- en 1800 ) , M. Milner (1811 ) , et
tes, où l'on réunissait et restaurait les an- récemment MM. Britton et Cotman, sont
tiquités comme objets d’art , de 1450 à les premiers qui ont traité des antiquités
1600; la seconde, celle des antiquaires, anglo -normandes et décrit les architec
de 1600 à 1750, où, sans partir du point tures romane et gothique. Si l'étude de
de vue des beaux -arts , on recherchait et l'archéologie avait été répandue plus tôt,
expliquait les monumens , dans le seul elle eût protégé les monumens. Tandis
intérêt de l'érudition ou de la curiosité ; que la Convention fondait le Conserva
et la troisième , celle de la science alliée toire des arts et métiers, des commissions
à l'art , dans laquelle on cherche encore départementales ont recueilli dans les
particulièrement à augmenter les notions couvens des masses d'objets précieux et
composant l'histoire des arts et favori de chartes ; et , à Paris, M. Lenoir créa
>

sant l'appréciation critique et philoso- le Musée des monumens français à l'É


phiquedu caractère de l'antiquité en gé- cole des Beaux-Arts.
néral , non moins que des productions La Grèce renaissait par ses monumens,
artielles en particulier. A la première Rome par des édifices qui contiennent sa
époque appartiennent les grands maitres, splendeur antique. Les érudits et les ar
surtout italiens; à la seconde Spohn, tistes qui comprirent tout d'abord ces
Wheler, Montfaucon , Ernesti , Christ ; chefs - d'ouvre méritèrent la reconnais
à la dernière , qui date de 1750 , Win- sance de la postérité ; mais ils concou
ckelmann , De Caylus, Lessing 2, Hey- rurent à empêcher les beaux -arts de se
ARC ( 175 ) ARC
donner uncaractère moderne et national. aucun de ces objets précieux , qui gisent
Malgré les études comparatives qui trop à l'aise sous des plafonds resplen
restent à faire, les livres d'archéologie ré- appartenu
dissans de dorure, n'a aux
cemment publiés procurent des moyens usages populaires , n'explique la vie do
pour bien lire les monumens , recon mestique de nos pères. Est- ce aux étran
naître leurs caractères propres , décou - gers à nousfaire remarquer qu'il y a de
vrir leur âge et pour les apprécier com- la nationalité même dans des meubles
me production des arts. Dès l'enfance, grossiers? Un écrivain de Québec vient
on a vu ces temples , ces donjons, ces d'imprimer : « Pendant que j'ai résidé en
édifices de la vieille cité ; on les a con- France , je suis entré dans un grand nom
templés avec indifférence , sans les in- bre d'habitations de villageois >, pour en
terroger sur le génie à la fois délicat et observer avec un soin constant les usa
audacieux qui para lễurs façades de den- ges , l'ameublement. Oui , c'est dans la
telles sculptées et élança leurs tours jus Normandie que l'intérieur des chaumiè
que dans les nues ; l'on a accepté sur res m'a offert le plus de conformité avec
leur compte des traditions que chaque ce que j'ai laissé sur les sites élevés du
génération a cru pouvoir charger d'une Saint-Laurent. »
fable; et quand la chevalerie n'a pas fait Des 86 conseils départementaux qui
les frais de ces histoires , on en a cherché viennent de tenir leur session annuelle,
l'explication dans la féerie ou dans le quelques-uns seulement ont voté des
merveilleux des légendaires pieusement fonds pour faciliter des fouilles et pour
menteurs. garantir des objets d'art de la destruc
Quels qu’aient été les maux dont tion ; et le budget national ne ' subvient
l'ancienne France fut affligée , de grands point aux recherches archéologiques. Un
et utiles travaux furent exécutés, et des petit nombre d'amateurs possèdent des
racines de ses institutions jaillit encore cabinets, mais sans en publier les cata
une gloire que réfléchissent des monu- logues. Plusieurs petites villes veulent
mens qui ont appris à défier le temps. avoir desmusées de toutes sortes : il se
Les antiquités nationales ! elles provo - rait préférable que des musées d'antiqui
quent à de graves méditations, éveillent , tés nationales fussent établis seulement
nourrissent incessamment des affections dans les capitales des anciennes provin
généreuses : il y en a pour la vie entière. ces et dans les grandes villes industriel
Sans elles l'histoire du pays serait tou - les. Plus multipliés , ces musées empê
jours ignorée de l'artisan qui n'a pas cheraient les études comparatives ou
d'autre horizon, qui y concentre ses ob- obligeraient à de continuelsdéplacemens,
servations et ses labeurs , qui l'aime en- dissémineraient des objets qui doivent
core avec ardeur à l'âge auquel tout être en collections , et rapetisseraient la
amour s'éteint ! science . I. L. B.
On pratique des fouilles pour en obte- ARCHER , celui qui tire de l'arc.
nir des trépieds et des statuettes my- Chez les anciens , les Thraces >, les Par
thologiques, et l'on ne scrute pas le thes , les Scythes et les Crétois passaient
vieux mobilier duvillage et du faubourg. pour d'excellens archers. Zosime parle
Hcureux l'antiquaire qui possède une d'un archer grec nommé Ménélas qui
bandelette de momie , un tenon étrusque avait trouvé le moyen de lancer avec un
ou chinois , une agrafe du bas - empire ! seul arc trois flèches à la fois, frappant
Mais son cabinet n'offre ni horloge , ni trois buts différens. Chez les peuples
lambeaux d'étoffe du moyen-âge. Quelle modernes , les archers anglais étaienttrès
académie recueille de préférence des in- renommés avant l'invention de l'artille
strumensaratoiresdecette époque, dresse rie. Ce furent eux qui assurèrent le suc
des modèles de ses constructionsnavales, cès des batailles de Poitiers,de Crecy et
reproduit parle dessin 'ses machines et d’Azincourt. On appelait francs-archers
métiers ? Au Louvre des salles ouvertes des gens de guerre qui étaient exempts
récemment présentent des chaires, cof- des impôts. Charles VII en établit un
fres, châsses,> crosses et armures ; mais corps vers l'an 1448. Louis XI cassa los
ARC ( 176 ) ARC
francs-archers en 1481, et fit venir des boîte à foretune rotation alternative plus
Suisses à leur place. R-Y. ou moins rapide. Les tourneurs se ser
Les archers avaient certains priviléges vent au lieu d’archet d'une longue perche
et franchises qui appartenaient à leurs fixée par un bout au plafond , portant à
enfans, héritiers de leur uniforme. Il en l'autre bout une corde qui s'enroule sur
résulta ce qu'on a appelé une noblesse l'objet à tourner , et aboutissant à une
archère; aussi Henri III ordonna-t-il , pédale que l'ouvrier fait agir. En général
en 1579 , que nul ne fût reçu archer s'il l'archet est , comme on le voit , destiné à
n'était noble de race. L'artillerie ayant, donner à divers appareils un mouvement
à cette époque , été substituée à l'ancien de rotation alternative , et non continue
armement, les archers cessèrentd’exister ; dans le même sens.
mais leur nom resta , et on le donna jus- On connaît plus généralement sous le
qu'à la révolution de 1789 aux soldats nom d'archet un instrument formé d'une
de police exécuteurs des ordres du lieu- tige de bois garnie d'une mèche de crin
tenant de police , bien qu'ils fussent ar- tendue , et qui sert à faire vibrer les cor
>
més de fusils ou de hallebardes. S. des des violons , basses, etc. Voy. V10
ARCHESTRATUS . On connait LON . F. R.
deux auteurs grecs de ce nom ; l’un , né ARCHEVÊQUE , voy. ÉVÊQUE et
à Syracuse , vécut peu de temps après le PRÉLATURE.
règne d'Alexandre. Il composa un poème ARCHI , mot grec qui signifie chef
sur l'art culinaire , qui faisait autorité (&pxos ) ; on le met devant les noms de
parmi les gastronomes d'Athènes. Voici dignités civiles et ecclésiastiques pour
un de ses préceptes : Si le nombre des indiquer la supériorité de ces dignités ;
convives excède celui de trois ou de qua- exemples : archi -duc , nom que por
tre , ce n'est plus qu'un rassemblement tent les princes de la maison d'Autriche;
de journaliers ou de soldats qui mangent archi-prétre,archi-diacre. Dans l'église
leurbutin .Athénée nousapprend qu'Ar - grecque les abbés ou mandrites qui ont
chestratus parcourut les terres et les mers une supériorité sur d'autres abbés s'ap
pour connaitre par lui-même ce qu'elles pellent archi-mandrites ( voy. ce mot).
produisaient de meilleur. Il parait que ni Du temps de l'empire français il y avait
ses voyages ni ses préceptesne l'enrichi- un archi-chancelier et un archi-trésorier.
rent , car voici l'exclamation que Plu- Le mot archi se trouve aussi dans les mots
tarque met dans la bouche d'un de ses d'archange et d'archevêquequi indiquent
partisans : « 0 Archestrate! que n’as-tu un rang élevé au-dessus de celui des an
vécu sous Alexandre ! chacun de tes vers ges et des évêques. Dans le style familier
eût obtenu Chypre ou la Phénicie pour on place quelquefois le mot archi devant
récompense. -Il y eutun Archestratus, des substantifs pour les renforcer ; ainsi
poète tragique , dont les pièces furent
> l'on dit archi-menteur, archi- fou , archi
jouées pendant la guerre du Pélopo- fripon , etc. D-G.
nèse. R- Y. ARCHIAS , poète grec, né à Antioche,
ARCHET , instrument fort usité dans vint à Rome, vers la fin de la république ,
les arts industriels , et qui consiste dans enseigner la littérature grecque dans les
une tige élastique et flexible, en acier ou hautes classes. Il composa un poème sur
en baleine, montée sur un manche comme la guerre des Cimbres et des Romains ;
celui d'une lime. Le manche est percé mais ce poème est perdu , eton aurait une
d'un trou dans lequel se fixe le bout d'une idée médiocre decet auteur, d'après les
cordedont l'autre extrémité terminée par épigrammes insignifiantes qui nous res
une boucle s'accroche dans une entaille tent de lui et qui ont été publiées en 1595
ou un cran pratiqué à la portion libre par Alsworth , et en 1600 par Ilgen , si
de la tige. La corde s'enroule autour de nous n'avions en sa faveur le magnifique
la boîte à foret puis revient s'attacher à témoignage de Cicéron qui prononça une
l'entaille en question. Alors l'archet se harangue pour faire restituer à Archias
trouve tendu , et en lui donnant un mou- le titre de citoyen romain qu'on lui con
vement de va-et-vient on imprime à la testait. Cicéron avoue devoir ses talens
ARC ( 177 ) ARC
littéraires aux leçons de cet étranger qu'il est placée l'image d'Atys qui fut lui
qualifie de très grand poète et d'homme même prêtre de Cybèle. Le tambour, la
très såvant. Archias avait été accueilli à double-flûte , les crotales et la ciste ou
Rome dans la maison de Lucullus ; Cicé- corbeille mystique se voient auprès de
ron cite encore parmi les amis et protec- lui. Il tientd'une main une coupe rem
teurs d’Archias les Métellus, les Catulus plie de fruits, de l'autre une branche
et les Hortensiuś. Marius même le voyait d'olivier ; et à son côté est attaché un
avec plaisir.Archiasavait obtenu le droit fouet formé d'osselets enfilés dans trois
de cité à Héraclée. On ne sait ce qu'il lanières. C'est avec ce fouet que les galles
devint après le plaidoyer de son illustre se fustigeaient cruellement, en l'honneur
avocat . D -G . de la déesse. Les galles allaient plus loin
ARCHIATRE ( archiater, motgrec ). et subissaient volontairement de cruelles
Les médecins attachés à la personne des mutilations. Le chef des galles était tou
souverains , et surtoutdes empereurs ro- jours choisi dans les familles les plus
mains, portaient ce titre;plustard il fut distinguées. On peut voir dans Apulée
aussi donné à des médecins revêtus d'un des détails fort curieux sur ces prêtres ,
caractère public , et qui avaient pour qui, de son temps , étaient déjà tombés
fonction de surveiller les autres méde- dans un grand discrédit. D. M.
cins,de donner gratuitementleurssoins ARCHILOQ
ARCHILOQUUE, E , le premier lyrique
aux pauvres d'une ville , ou d'une partie grec , né dans l'ile de Paros , florissait
plus ou moins étendue de cette ville. De vers l'an 700 avant J.-C. Il embrassa d'a
nos jours le titre d'archiatre est tombé bord la carrière des armes ; mais ilavoue .
en désuétude,, et les fonctions qui leur lui-même que , dans une bataille , il prit
étaient attribuées ont reçu une autre di- la fuite >, et que, pour courir plus vite,
rection . F. R. il laissa son bouclier sur le champ de
ARCHIDAMUS , voy. LACÉDÉMONE. bataille. Il n'était terrible que dans ses
ARCHIDIACRE , voy . DIACRE. vers. Il composa des odes , des élégies ,
ARCHIDUC , titre particulier à la des fables , et surtout des satires et des
maison d'Autriche et qui est donné au- épigrammes , qui étaient plutôt de véri
jourd'hui à tous les princes et à toutes tables libelles , si l'on en juge par les
les princesses qui lui appartiennent. effets horribles qui en résultèrent,et par
Anciennement ce fut le titre du chef l'opinion de Cicéron qui donne le nom
de la maison , avant qu'il fût en posses- d'archilochia edicta aux placards affi
sion des couronnes royales de Hongrie , chés dans Rome contre César. Lycambe,
de Bohême, etc., ou de la couronne plus citoyen de Paros , ayant frustré Archi
auguste des Césars. Dès 1156 les ducs loque de l'espoir qu'il lui avait donné
d'Autriche, quirésidaient alors au châ- } d'obtenir sa fille Néobule en mariage, ce
teau de Kahlenberg , prirent ce titre ; | poète exhala sa colère en satires si amè
mais il ne devint héréditaire dans leur res et si sanglantes que le malheureux
maison qu'après la promulgation de la Lycambe et sa fille se pendirent de dés
bulle d'or, et ne fut reconnu par les élec- espoir. Malheur à celui qui pouvait lui
teurs du saint empire qu'en 1453 , sur déplaire!! Sa passion pour la satire allait si
l'ordre exprès de Frédéric III, empereur loin que, lorsqu'il était las de décrier ses
d'Allemagne. J. H. S. ennemis et même ses amis , il se décriait
ARCHIGALLE , grand - prêtre de lui-même. C'est ainsi qu'il divulgua, dans
Cybèle , chef des autres prêtres de cette une épigramme , sa lâchetédans les com
déesse que l'on nommait Galles. Ce pon- | bats , et ailleurs la bassesse de son ex
tiſe est représenté avec ses ornemens sur traction , en s'avouant le fils d'une es
un bas-relief du Musée Pio-Clémentin , clave de son père. Archiloque était aussi
rapporté dans les Monumenti inediti de licencieux que méchant dans ses poé
Winckelmann . Son costume est une tu- sies ; c'est ce qui , plus tard , le fit chasser
7

nique semblable à celle des Phrygiens ; de Sparte où il était défendu de lire ses
il
porte une mitre, des pendansd'oreilles, écrits . Enfin, détesté de tout le monde
une couronne et un collier dans lesquels et réduit à une extrême misère , il lut
Encyclop. d . G. 11. M. Tome II. 12
ARC ( 178 ) ARC
contraint de quitter l'ile de Paros pour d'une étoffe noire. Il porte à la mainun bâ
passer dans celle de Thasus , colonie ton , souvent d'un beau travail et incrusté
fondée par son père Télésicles ; mais d'ivoire ou d'or ; il y tient aussi un ro
on le craignait trop poạr l'y recevoir. Il saire , et une croix d'or tombe sur sa
se vengea de cette ingratitude par des poitrine suspendue à une chainede même
vers de la plus extrême virulence. Ce- métal. Lorsqu'il célèbre l'office il porte le
pendant ce poète ayant remporté le prix phelonion , riche vêtementsans manches
aux jeux olympiques pour un hymne qui entoure tout le corps et qui , en soieou
qu'il composa en l'honneur d'Hercule , en velours , est souvent orné de pierre
ce triomphe éclatant le réconcilia avec ries ou de perles ; la tête est coiffée d'un
ses compatriotes fiers de sa gloire. Il re- bonnet orné de pierres précieuses ; l'épi
tourna dans sa patrie ; mais malheureu- gonation est attaché à la ceinture du côté
sement il y rapporta le dangereux talent droit : c'est une pièce d'étoffe très riche,
qui l'avait fait hair, et il périt sous le d’un pied carré de grandeur. L'archi
mandrite revêt ce costume dans le sanc
poignard de ceux qu'il attaqua.
Archiloque fut l'inventeur du vers tuaire même et en présence des fidèles,
iambique dont les Grecs et les Romains la face tournée vers l'Orient ; un diacre
se servirent dans leurs pièces de théâtre; le sert , récite des prières pendant qu'il
mais , dans sesmains , ce fut, dit Horace, s'habille,> et lui baise la main ; de son côté
>

l'arme de la rage : l'archimandrite luidonne sa bénédiction


Archilochum proprio rabies armavit iambo. et baise chaque pièce du vêtement avant
de s'en revêtir. En Russie on a plusieurs
On nomme aussi vers archilochique degrés deprieurs ; ils sont ou archiman
le demi- pentamètre vu u dont il drite , ou igoumen , ou stroitel. J. H. S.
se servait. ARCHIMÈDE , le plus célèbre des
On honora sa mémoire dans toute la géomètres anciens , naquit à Syracuse
Grèce, et tous les ans on célébrait sa nais- environ 287 ans avant J.-C. Quoiqu'il
sance. Les Grecsqui plaçaient au second fût parent du roi Hiéron , il paraît qu'il
rang Pindare et Sophocle , mettaient au ne fut revêtu d'aucune charge publique ,
premier Archiloque avec Homère. Les mais qu'il se livra entièrement aux scien
qualités dominantes de ce poète célèbre ces. Il est difficile d'apprécier son mé
étaient l'énergie , la hardiesse , la vivacité rite et de déterminer avec exactitude
du style, jointes à la précision et à la gran- l'influence qu'il exerça sur les progrès
deur des idées ; mais ces grandes quali- des sciences mathématiques , l'état de la
tés étaient bien rabaissées par sa méchan- science à cette époque nous étant peu
ceté et son immoralité extrêmes. Les frag- connu. Cependant on sait qu'il fit des
mens qui nous sont restés de ses poésies découvertes de la plus haute importance,
font donnaitre sa hardiesse, są véhémence au moyen desquelles les modernes ont
et sa force. Brunck les a consignés dans trouvé la mesure des surfaces curvili
ses Analecta , tom .I, pag. 40, et tom . III, gnes et des solides. Euclide , dans ses
pag. 6 et 236 ; et J. Liebel les a publiés Élémens , considère seulement le rapport
sous le titre de Reliquice, Leipzick, 1812; | de quelques-unes de ces grandeurs entre
on trouve dans le tom. X des Mémoires elles; mais il ne les compare pas avec les
del'académie des inscriptions, une dis- surfaces et les solides rectilignes. Archi
sertation sur ce poète, par Burette. G -N. mède a développé les propositions né
ARCHIMANDRITE , mot dérivé de cessaires pour effectuer cette comparai
peavõpu ( enclos, écurie , couvent), et qui
> 7 son dans son Traité sur la sphère et le
désigne lesupérieur d'un couvent grec , cylindre, le sphéroïde et le conoïde , et
>

particulièrement up prieur de première dans son ouvrage Sur, la mesuredes cer


classe, ou d'un monastère de premier or- cles. Il s'élève aux considérations les plus
dre , comme celui du mont Athos ou de abstraites dans son Traité sur la spirale ,
Saint -Sauveur , à Messine. Le costume chef-d'oeuvre de sagacité et de pénétra
d'un archimandrite consiste en une robe tion. Les démonstrations qu'il donne dans
longue etample,appelée mandyas, et faite cet ouvrage sont si difficiles à compren
ARC ( 179 ) ARC
dre, même pour ceux qui sontfamiliers tout son talent à la défense de są pațrie.
avec le sujet, que le savant mathémati- Diodore de Sicile , Hiéron, Pappus, etc.,
cien moderne Bouillaudavoue ne les avoir ont écrit qu'Archimède mit le feu à la
jamais bien comprises , et l'illustre Viéte flotte des Romains avec des miroirs ar
( voy.) les a injustement soupçonnées de dens. Nos connaissances en optique nous
paralogismes,> faute deles avoir bien en- font savoir que les verres convexes et les
tendues. On doit à Archimède la décou- verres concaves sont incapables, les pre
verte du rapport du diamètre à la cir- miers par réfraction , les seconds par ré
conférence , d'une manière approchée et flexion , de résoudre le problème; mais
renfermée dans des limites connues ( voy. si l'on admet qu'Archimède se servit de
QUADRATURE DU CERCLE) . Il déter- miroirs-plans, le problème change de
>

mina aussi très exactement la quadra- nature et peut être résolu. Les ouvra
ture de la parabole. Archimède est le seul ges de ces savans ont été perdus vers
parmi les anciens qui nous aitlaissé quel le x1 ° siècle; mais Zonaras et Tzetzès,
que chose de satisfaisant sur la théorie écrivains de cette époque, en citent des
de la mécanique et sur l'hydrostatique. passages relatifs à cette question. Anthe
Il enseigna le premier '« qu’un corps mius , mathématicien quivivaitsous Jus
pļongé dans un fluide perd en pesanteur tinien 19", atteste non -seulement le fait ,
autant que le poids d'un égal volume du mais, il explique la théorie et le méca
f\uide qu'il déplace » , et détermina par nisme de ces miroirs. Zonaras dit qu'à
ce moyen la quantité d'alliage qu’un or- cet exemple Proclus brûla , au moyen de
fèvre avait frauduleusement ajouté à la ' miroirs d'airain , la flotte de Vitalien qui
couronne que Hiéron , roi de Syracuse, assiégeait Constantinople sous l'empire
avait ordonné de faire d'or pur. Il dé- d’Anastase, l'an 514. Tzetzès dit qu'Ar
couvrit la solution de ce problème en se chimède fitjouer un miroir hexagonecom
baignant. On dit que cette découverte posé de plusieurs autres plus petits qui
lui causa tant de joie qu'il se hâta de re- avaient chacun 24 angles , et qu'on pou
tourner chez lui , sortant du bain tout nu vait le mouvoir à l'aide de leurs char
et parcourant ainsi les rues de la ville en nières et de certaines lames de métal.
s'écriant: « Je l'ai trouvé ! je l'ai trouvé ! » Buffon a exécuté cette expérience et a
Son şüpnya est en quelque sorte devenu constaté les effets du miroir d'Archimède.
proverbial. La mécanique pratique pa- En 1747 il fit construire par l'ingénieur
rait aussi avoir été une science nouvelle Passemant un miroir par réflexion com
du temps d'Archimède; car lorsqu'il dit posé de 168 glaces planes, mobiles ,
>

avec enthousiasme au roi qu'il pourrait charnières , et qu'on pouvait faire jouer
remuer la terre s'il avait un point d'ap- toutes à la fois, ou seulement en partie.
pui , cela montre combien le perfection- Au moyen de cet assemblage il embrasa
nement extraordinaire de ses machines au mois d'avril , et par un soleil assez fai
avait donné d'inspiration à son génie. ble , le bois à 150 pieds de distance , et
Il est le premier qui ait établi les vrais fondit le plomb à 140 pieds , ce qui est
principes de la statique. Il trouva la plus que suffisant pour démontrer la réa
propriété générale du centre de gravité , lité de la découverte d'Archimède. En
et il fixa la position de ce point dans | vain objectait-on , avant cette preuve dé
le triangle , la parabole, etc.; il fit voir cisive, que Polybe , Tite-Live et Plu
que deux poids en équilibre aux extré- tarque, qui parlent en détail, et avec tant
mités d'une balance à bras inégaux étaient d'admiration des machines avec lesquelles
réciproquement proportionnels à leur dis- il repoussa les attaques des Romains, ne
tance au point d'appui, d'où résultait font pas mention de l'incendie dela flotte
toute la théorie du levier. Il est l'in- ennemie par le moyen des miroirs ar
venteur de plusieurs autres machines dens ; leur silence n'est qu'une preuve
simples , telles que poulie composée , négative qui doit céder aux assertions
la vis hydraulique', connue vulgairement avon
positives et contraires de ceux que nous
s nommés .
sous le nom de vis d'Archimède, elc.
Pendaut le siége de Syracuse il consacra On rapporte qu'au moment où les Ro,
ARC ( 180 ) ARC
mains, sous la conduite deMarcellus,pri- mesure itinéraire russe , qui vaut 1 kilo
rent possession de la ville après un as- mètre , 06713 ou 1067 mètres 13 centi
saut, Archimède était assis dans la place mètres. L'archine se divise en 16 ver
publique , absorbé dans ses pensées , et choks ; le verchok vaut , par conséquent ,
examinant quelques figures qu'il avait 0,04446 ou un pouce 7 lignes et demie
tracées sur le sable ; il cria à un soldat de France. V. VERSTE et SAGÈNE. C. L.m.
romain qui pénétra jusqu'à lui : « Ne dé- ARCHIPEL (nom appellatif), déno
truis pas mon cercle » . Mais le farouche minatìon empruntée à la mer dont il sera
guerrier, faisant peu de cas de son obser- question dans l'article suivant, et donné ,
vation, le tua. Comme la conquête de Sy- en géographie, à des réunions d’iles com
racuse est placée en l'année 212 avant prises en de certains espaces de mer
J.-C. , Archimède devait avoir 75 ans limités. On appelle quelquefois archi
quand il mourut. Il attachait tant de prix pel asiatique ou austral, une des trois
à sa découverte de la proportion de la grandes divisions de l'Océanie , compre
sphère avec le cylindre , qu'il ordonna, nantles Philippines, les Moluques, les
afin de l'immortaliser, que l'on plaçât Célèbes, Bornéo et les îles de la Sonde ,
>

surson tombeau une sphère inscrite dans aujourd'hui attachées à cette cinquième
un cylindre avec les nombres qui expri- partie du monde. Dans la Polynésie, plu
ment les rapports de 'ces deux solides. sieurs des groupes semés dans l'immen
Cicéron , qui était questeur en Sicile ,
9 sité du grand Océan portent aussi lenom
trouva ce monumentdans un buisson où d'archipel; ' tels sont ceux d’Anson , de
il était caché. Tout ce qui nous reste Magellan , où se trouve l'énorme rocher
d'Archimède a été réuni et publié par nommé par les marins Femmede Loth,
Torelli (Oxford, 1792, fol.) sous ce titre : qui a près de 400 pieds de hauteur ,
Archimedis quæ supersunt omnia cum de la Nouvelle - Bretagne , de la Nou
Eutocii Ascalonite commentariis. Les velle-Irlande , du Saint-Esprit , de la
@uvres d'Archimède ont été traduites en Sainte -Croix, des Navigateurs, de la Mer- .
français par Peyrard (Paris, 1808, 2 vol. Mauvaise, de la Société où se trouve l'ile
in-8 °),et en allemand par Nizze(Stralsund, célèbre de Taïti, et l'archipel Dangereux.
1824 ,) avec un commentaire. C. L. in . En Amérique on donne quelquefois à
ARCHIIMIME . C'était le chef des ac- l'ensemble des îles qui occupent le golfe
teurs pantomimes chez les Romains. Ou- du Mexique ou la Mer -Caraïbe,> le nom
tre les représentations théâtrales, il rem- d'Archipel des Antilles ou Colom
plissait un rôle dans les funérailles des bien. P. A. D.
personnes de distinction , dontil imitait ARCHIPEL (nom propre), mer d'Eu
la démarche , les gestes et les attitudes , rope , comprise entre 34 ° 48' et 41 ° de
et dont il prenait même souvent la res- lat. N. , et entre 20 ° 30' et 25° de lon
semblance ,au moyen d'un masque mo- gitude
>
E. Elle est bornée à l'ouest. par
delé sur la figure du mort. la Grèce , au nord , par la Turquie
Les empereurs eux-mêmes étaient re- d’Europe, à l'est par l'Anatolie. Sa li
présentés par l'archimime qui , cherchant mite méridionale peut être tracée par une
à saisir leur ressemblance , n'oubliait pas ligne partant de l'île de Rhodes et abou
leurs ridicules. Dans l’Amphitryon de tissant à l'extrémité méridionale de la
Plaute , Sosie fait allusion à cet usage en Morée , en passant par Candie. Les an
parlant de Mercure qui l'imite si parfai- ciens donnaient à toute l'étendue desmers
tement. « Il fait, dit-il, pour moi , qui suis que nous appelons Archipel diverses dé
CC
vivant , ce qu'assurément on ne me fera nominations : ils appelaient Mer- Égée la
« pas après ma mort . D. M. partie septentrionale , à partir du Cap
ARCHINE," mesure de longueur russe, Colonne ; la Mer - Icarienne était la par
aune du pays. L'archine vaut en me- tie qui s'étendait au sud-ouest de l’ile qui
sure métrique om,71142 ou 2 pieds 2 avait également emprunté son nom au
pouces 3 lignes de France. Trois archi- fils de Dédale , et qui est aujourd'hui
>

nes égalent une toise allemande ou 7 pieds Nicaria; sur les côtes de Péloponèse, elle
anglais; 1500 archines égalent un verste, prenait la dénomination de Mer-de-Myr
ARC ( 181 ) ARC
thos ; enfin la Mer -de- Crète était celle sommé. Les noms de Canaris et de Miau
qui était comprise entre cette ile et les lis l'ont immortalisée. Après avoir éprou
Cyclades ( voy..ce mot ). Parmi les iles védelongues souffrances pendant le cours
éparses dans l’Archipel , et dont on fait des hostilités, ces iles sont plus que ja
> 7

monter le nombre à 80 , nous remarque- mais appelées'à fleurir de nouveau par le,
rons , pour leur étendue , Négrepont , commerce ; la culture et l'industrie y sont
l'ancienne Eubée , et Candie ( Crète ); et encore dans un état de langueur funeşte.
pour les souvenirs historiques qu'elles Quelques-unes produisent des vins re
rappellent , Lemnos ,Metelin (Lesbos ), nommés. On en exporte encore de l'huile,
Tenedos,Kolouri(Salamine), Égine (En- de la cire, du miel et des fruits secs ,
gia), Hydra , qui à acquis une si haute surtout des figues. Les moutons sont les
illustration comme berceau de l'indé seuls animaux quiy vivent en troupeaux;
pendance grecque , Scio , Cos, Samos , on
у élève aussi des vers à soie. Les mar
Naxos , Cerigo (Cythère), et Rhodes. La bres, surtoutceux de Paros , sont pré
plupart deces iles avaient reçu des colo- férés par les artistes. Les éponges , qui
nies de la Grèce ; elles suivirent ses des- sont très communes sur les rochers de
tinées. Après avoir passé des successeurs ces îles , y forment un article de com
d'Alexandre aux Romains , elles furent merce important. La navigation de l'Ar
successivement arrachées aux faibles em- chipel était regardée comme très dange
pereurs du Bas- Empire par les Vénitiens, reuse par les anciens ; le nombre d'ilots
les Génois , les Pisans , etc. Elles eurent et de rochers que le navigateur rencontre
alors des princes particuliers , dont quel- sans cesse sur ses pas en rendent, en effet,
ques -uns qui avaient réuni plusieurs de la traversée assez difficile, surtout pen
ces iles sous leur domination , prirent le dant l'hiver où règnent des vents violens.
titre de ducs de l'Archipel. Au temps Ses contours forment sur les côtes un
des croisades , elles servirent fréquem- grand nombre de golfes et de péninsules.
ment de refuge aux armées des pélerins, Au nord-est s'ouvre le fameux détroit des
et de station aux vaisseaux des cités ita- Dardanelles , par lequel cette mer com
liennes qui renouvelaient le commerce munique avec celle de Marmara et avec
des Indes par le port d’Alexandrie. Les Constantinople. P. A. D.
expéditions des chrétiens en Orient ayant ARCHIPRÊTRE , voy. PRÊTRE .
cessé , les Othomans parurent dans cette ARCHITECTE ,> mot grec dérivé de
mer , et conquirent les îles les unes après åpxos , chef, et de réxtWV, ouvrier , et
les autres. Sous leur domination , elles qui signifie principal ouvrier. En cette
furent toutes comprises , à l'exception de qualité l'architecte est chargé de la con
Metelin et de Scio, dans le gouvernement ception des plans et d'en diriger l'exé
du Capitan -Pacha, Quelques -unes con- cution. L'architecte doit avoir fait de
servèrent certaines franchises; et, comme profondes études ; il doit avoir étudié
la population ainsi dispersée y était moins les monumens anciens pour en faire une
redoutable aux oppresseurs, la condition sage application dans les monumens
desinsulaires était en général plus tolé- qu'il est appelé à construire. Non-seule
rable que celle des Grecs sur la terre- ment il doit connaitre tout ce qui tient
ferme. Cette circonstance et l'extension au dessin linéaire et d'ornement , mais
de leur commerce avaient, dans ces der- encore les mathématiques qui doivent
niers temps, élevé ces îles à un haut de- servir de barrière aux écarts de son ima
gré de prospérité. Une marine marchande gination et lui donner des connaissances
s'y était graduellement formée , et c'était positives sur la force des pierres et les
parmi ses hardis équipages que les Turcs différens matériaux qu'il emploie. La
prenaient presque exclusivement lesma- perspective , l'optique , l'acoustique en
rins nécessairesà leurs flottes. La marine trent aussi dans le domaine de ses con
turque s'est ainsi trouvée désorganisée naissances.
lorsde la guerre de l'indépendance. Celle Son art , appelé l'architecture ( voy.
des iles a eu la plus grande part au glo- l'art. suivant) ,> se divise en architecture
rieux affranchissement aujourd'hui con civile , militaire et navale.
ARC ( 182 ) ARC
L'architecture civile embrasse la con- de Péricles. Le fameux tombeaude Mau
struction des temples, des palais, châ- sole, qui a donnéson nom à tous lesmo
teaux et maisons de plaisance,desponts , numens funèbres , fut construit , quatre
>

des digues, des canaux, des théâtres, des siècles avant l'ère chrétienne, pår Satirnis
tombeaux , des places publiques , des bå- et Pitée. Le nom d'Apollodore de Da
timens particuliers. Le talent de l'archi- mas n'est pas moins célèbre par les dif
tecte consiste à imprimer à chaque bâti- ficultés qu'il eut à disposer la place Tra
ment le caractère qui lui convient. Ainsi, jane par la construction de ce fameux
le palais doit porter avec lui le type de pont jeté sur le Danube, dont la longueur
la grandeur et de la inagnificence, et le était d'une demi-lieue et dontla hauteur
tombeau "celui de la mélancolie ; enfin il était gigantesque; ce pont fut construit
estnécessaire que l'architecte ait un style sous le règne de Trajan et détruit par les
pur dans ses compositions. Il doit avoir ordres de l'empereurAdrien .L'architecte
étudié avec soin les distributions inté- Détrianus fit construire le tombeau d'A
rieures, ainsi que les ornemens et décors. drien, connu aujourd'hui sous le nom de
Il lui importe de connaître les parties de château deSaint-Ange; cette maison do
l'histoire naturelle qui concernent les pier- rée , dont Néron voulait faire le dépôt de
res , les marbres , les granits , les bois , tous les arts de luxe , fut élevée par Celer
le fer', le cuivre , le plomb, et toutes les et Sévère ; c'est dans ce temple que ce
espèces de matériaux qui entrent dans prince avait fait placer sa statue hante
les constructions, poúr en connaitre les de 120 pieds. L'architecte Dinocrate
propriétés diverses ,en apprécier la force, avait conçu le projet de faire du mont
>

la durée, et en déterminer convenable- Athos un colosse qui rappelât la figure


meňt l'emploi. Les principes de l'hy- d'Alexandre tenant dans une main une
draulique, l'appréciation de la puissance ville et dans l'autre une coquille d'où
des eaux, la force de la poussée des ter- sortiraient les eaux dela montagne pour
rés , les lois de l'équilibre, la coupe des se rendre à la mer.
pierres , la combinaison des moyens de A la renaissance >, les arts prirent un
solidité que les diverses parties d'une con- nouvel essor : les monumens anciens fu
struction'peuvent naturellement se prêter, rent étudiés avec soin ; l'Italie se couvrit
sont autant de matières avec lesquelles il de monumens d'après les dessins du Bra
doit être familiarisé. Il doit encore sa- mante, de Michel-Ange , du Bernin , de
voir apprécier les qualités du sol sur le Palladio, de Scamozzi, de Barrozzio, de
quel il fait bâtir, vaincre les difficultés Vignole , etc.; en France, Philibert De
qu'il présente, ou profiter des avantages i lorme, Claude Perrault, Mansard , Blon
qu'il peụt procurer. Enfin , il faut que , del , et dans des temps plus récens , Ser
comme principal ouvrier , l'architecte vandoni , Souflot, Chalgrin ont laissé des
>

puisse surveiller 'toutes les parties de monumens remarquables. L'architecte


l'exécution de ses plans; il est important Paul Wren , qui a bâti Saint- Paul, à
qu'il connaisse la théorie de tous les arts Londres' , est peut- être le seul qui, dans
qui concourent à toutes les espèces de ces temps modernes, ait eu la gloire d'á
'constructions, à leur entretien , à leur chever lui -même son ouvrage. Il est en
restauration , à leur embellissement, sans terré dans l'église même. P - T.
oublier ceux qui en sont des accessoires ARCHITECTURE . C'est à la fois
ou des conséquences. l'art et la science de bâtir des édifices
; Les principaux architectes furent , à qui réunissent à la convenance de leur
différentes époques, Ctésiphon et Méta- destination la beauté , la commodité et
gène qui élevèrent le temple de Diane, la solidité. Elle reçoit , selon les différens
à Éphèse; Chárès qui, sous les succes objets auxquels elle est employée , diffé
seurs d'Alexandré , érigea le colosse de rentes dénominations. On l'appelle ar
Rhodes. Le Parthénon d'Athènes, sur le- chitecture civile, quand elle a pour but
quel la Bourse de Paris a été presque cal- de créer et de construire des édifices pu
quée , ſut exécuté sur les dessins de Téti- blics et particuliers, destinés à l'embeliis
aus et de Callicrates , d'après les ordres 1 sement des villes et des campagnes el à
ARC ( 183 ) ARC
tous les usages de la vie; architecture offre pour leuvs personnes et pour leurs
militaire, quand elle élève des remparts biens commence parmieux la civilisa
et des forteresses pour la défense des tion , et la civilisation les investit de tous
états , comme aussi quand elle dirige les les agrémens de la vie sociale et de tou
constructions pour les logemens , les ap- tes les jouissances intellectuelles. Ainsi
provisionnemens et les armemens des l'architecture, en retirant l'homme de
troupes ; architecture navale , lorsqu'elle son primitif etat de barbarie, développa
a pour objet. la construction des vais- sa perfectibilité, et il lui dut encore la
seaux, des ports , des canaux , des bas- première impressiondelabeauté. L'hom
sins et d'autres édifices maritimes; enfin , me une fois civilisé, l'architecture con
on désigne encore sous le nom d'archi- struitdesvaisseaux etdesports,elleétablit
tecture hydraulique les constructions des routes , des chaussées , dessèche des
bâties ou dans la mer ou surlesrivières, marais, perce etaplanit des montagnes ,
et en général celles qui ont pour but, comble des vallées, jette des ponts sur
soit de conduire , d'élever et de distri- | les fleuves, creusedes canaux etdétourne
buer les eaux , soit de se défendre 'contre des rivières; en un mot, elletriomphe de
leurs débordemens ou leurs irruptions. tous les obstacles que lui oppose la na
Dans cette étendue de son objet, qui turepourfaire communiquerles hommes
comprend la conservation , la commo- entre eux,malgré les distances;elle crée
dité , la 'sûreté, et qui contribue à la fois le commerce, par le commerce la ri
au plaisir et à la dignité de l'homme, on chesse, et avec la richesse elle donne
ne peut refuser à l'architecture le prenaissance à une foule de besoins sociaux
mier rang parmi les arts.En effet, autant et d'entreprises somptueuses; elle élève
et plus que la sculpture et la peinture, des temples, des palais, des arcsde triom
presque toujours , ,
ses compagnes,l'ar- phe,des théâtres, des mausolées,des
chitecture éternise le souvenir des gran- fontaines, et tant d'autres monumens qui
des actions, fait survivre à elles-mêmes, laissent à la postérité la plus reculée de
dans les restes de leurs monumens, les -glorieux témoignages de puissance et de
nations anéanties, et transmet aux siècles grandeur. Elle prépare aussi à l'indigence
à venir le génie, la gloire et la puissance des asiles hospitaliers; elle ouvre même
des états ou des princés qui l'ont 'em - au pauvre lechemin de l'aisance par un
ployée. Résultat du goût de tous les âges, emploi utile des matériaux les plusvul
I'architecture de chacun témoigne pour gaires aux ouvrages les plus distingués.
où contre son siècle; de là sa prospérité | Embrassant toutes les branches de l'in
dans tous les temps et sous tous les princes dustrie humaine, elle donne naissance à
ambitieux d'illustration ; de là sa faiblesse de nombreuses manufactures qui occu
aux époques et sous les gouvernemens pent des mains innombrables; elle ém
où ceressort n'existe pas. bellit les états ,rend désirable le séjour
Dans son acception ordinaire, le mot des villes , et attire l'étranger partout où
architecture ne s'applique en général qu'à elle fleurit; elle est un puissant moyen de
l'architecture civile, qui båtit des habi- prospéritépourle présent, etsouvent une
tations pour les hommes réunis en so- ressource pour l'avenir. Les ruines de
ciété, en même temps que des édifices Rome antique nourrissent aujourd'hui
d'une destination ou d'une utilité publi- Romemoderne!
que, élevés aux frais de l'État. Sous ce Indispensableau bonheurdes hommes,
point de vue , celui sous lequel nous l'en- parce qu'elle est la sauvegarde comme
visagerons principalement ici,parce qu'il la gloire des nations , l'architecture fut
s'étend à toutes les branches particulières toujours encouragée par les grands prin
de l'architecture , nous voyons cet art ces. C'est de sa prospérité que dépend
faire quitter aux hommes les forêts, les celle de la peinture, de la sculpture, de
tentes, les grottes et les cabanes , pour la gravure et de tous les arts décoratifs
les amener dans des habitations qui les subordonnés au goût du dessin , goût
abritent mieux contre les intempéries des dont l'influence sur les moindres pro
saisons et des climats. La sûreté qu'il leur ductions industrielles donne à celles- ci
ARC ( 184 ) ARC
une grande valeur , et coopère efficace- sistance; à la commodité, qui consiste à
ment à la prospérité des états. faire en sorte , pour une habitation , par
Mais pour que l'architecture soit con- exemple, qu'elle soit salubre, qu'elle sa
forme à son noble but , il ne s'agit pas tisfasse à l'usage du propriétaire, qu'elle
d'accumuler de grandes masses de pierres convienne en tout aux habitudes de sa vie
ni de surcharger ces masses de nombreux privée et qu'elle soit propre à sonétat , ce
détails d’ornement; les matériaux de l'ar- qui doit déterminer la position ,la gran
chitecture sont comme les parolesd'une deur, la forme et la distribution. Cepen
langue : mal coordonnées, elles se prêtent dant la commodité et la solidité n'ayant
aux trivialités les plus basses; disposées rapportqu'à l'utile, et l'architecture étant
avec art , elles atteignent ce qu'il y a de un art, ce n'est que lorsque la condition de
plus sublime. plaire se réunità l'objet utile d'un bâti
Par la définition que nous avons ment que cet édifice entre dans la classe
donnée de l'architecture comme étant à des productions,artielles. La beauté ne
la fois un art et une science, et comme consiste pas dans la distribution plus ou
agissant sous de certaines conditions , moins régulière du plan d'un bâtiment,
qui sont la beauté , la commodité et la mais elle se trouve surtout dans les élé
solidité, nous avons voulu faire sentir la vations. Un plan ne doit êtreque conve
distinction entre ce qu'on appelle l'artde nable ; en lui-même il ne peut pas être
bâtir , c'est- à -dire la science de bien con- beau ; mais d'un plan bien distribué peu
struire ou la construction , et l'art de vent naître de belles proportions dans les
l'architecture , l'architectonia des Grecs, élévations; et un édifice d'un ensemble
qui exprime la faculté de s'approprier satisfaisant, résultat nécessaire d'une di
avec goût les productions de tous les au- vision raisonnée des parties par rapport
tres arts, pour les appliquer à l'érection à la masse , peut avoir de la beauté, par
d'un édifice quelconque. Sous ce rap- la seule régularité de sa forme ; il peut
port on peut dire que l'art de bâtir peut plaire sans qu'on ait pu connaître sa des
se trouver chez les peuples les moins ci- tination , et ce qui plaît pourrait y man
vilisés , tandis que l'art de l'architecture quer sans que la convenance en souffrît.
n'a pu être que le résultat de la plus Néanmoins un bâtiment sans convenance
haute civilisation. L'une est la pratique
ne peut jamais être beau , puisque de la
ou l'exécution , que Vitruve définit avec
convenance dépend la véritable beauté
justesse coinme étant l'aptitude acquise ,
de l'architecture. La critique en architec
au moyen de la réflexion et de l'expé- ture s'établit donc sur les conditions dela
rience , pour exécuter un édifice avec convenance , sans pourtant que celle-ci
toutes sortes de matériaux et d'après un soit une même chose avec la beauté.
plan donné ; l'autre est la théorie , qui Tous les arts se composent d'une par
consiste dans le talent de concevoir un tie technique et d'une partie artielle;mais
édifice de manière qu'il réunisse les trois dans la peinture , la sculpture, la musique
qualités indispensables. On peut dire , et la poésie, la partie technique n'est que
quant à la beauté, que l'harmonie des le moyen d'arriver au but dela partie ar
proportions dansles détails avec les mas- tielle; au contraire, la partie technique de
ses et une juste distribution des orne- | l'architecture a déjà l'utilité pour objet,
mens sont , avec la symétrie , ses élémens et, quant à sa partie artielle, elle n'est que
essentiels. Mais tout édifice étant un l'accord de l'édifice avec le but de sa des
corps géométriquement divisé selon le tination , qui est l'objet d'utilité. Cet ob
but de sa destination , l'objet de l'archi- jet fait tellement partie de son essence ,
tecture peut dans certaines circonstances que là où elle ne veut que plaire, sans
se réduire à la commodité et à la solidité; vouloir être utile , il faut qu'elle prenne
à la solidité , qui a pour butla durée, et l'apparence de l’être ; d'où ilrésulte que,
qui exige de la part de l'architecte l'éta- sans une destination spéciale, les pro
blissement de fondations durables, le ductions d'architecture, manquant de
choix de bons matériaux , leur agréga- fond et de signification, doivent paraitre
tion , et l'étude de la force et de la ré- | frivoles et devenir capricieuses.
ARC ( 185 ) ARC
Ainsi, pour qu'un édifice soit une pro- | qu'elle produit dans l'espace. En la com
duction d'architecture dans toute l'accep - parant souslimités
ce point de vue auxmoyens
autres
tion du mot , il faut qu'il réunisse à une arts , tous dans leurs ,
conception en rapport avec son objet , à nous voyons que si , comme art de l'es
une exécution conduite suivant certaines pace , elle se distingue de la poésie et de
règles, l'aspect qui plaît aux yeux et qui, la musique , elle se distingue aussi de la
par le beau associé à l'utile , imprime le peinture comme étant up art figuratif,
caractère. Le caractère particulier d'une qui n'agit pas au moyen d'une illusion ;
@uvre d'architecture s'exprimant par les enfin elle est un art qui n'imite pas de
formes et les proportions appropriées à modèle pris immédiatement dans la na
sa destination et par une exécution con- ture , ce qui la distingue de la sculpture.
forme tant à cette destination qu'à la Si l'architecture ne peut entrer en com
nature des matériaux , ce caractère nait paraison avec la poésie , à cause de l'uni
et doit naître de soi-même. Mais il peut versalité de celle-ci, ni avec la musique à
être soutenu , relevé , et se prononcer cause des impressions si vives et si diverses
davantage par le secours des ornemens. que l'art des sons produit sur nos sens, ni
Ici viennent les ordres d'architecture, les avec la peinture et la sculpture , à cause
matériaux riches et variés , et , avec eux , du charme et de la variété de l'une , de
la sculpture et la peinture. A l'aide de la précision imitative de l'autre , elle aa
ces moyens nombreux et puissans , l'ar- | l'avantage d'agir au moyen de l'espace
chitecture , éminemment art , devient ca- dont elle offre l'aspect et les bornes ; ce
pable de produire, plus que les autres qu'elle perd en illusion comparativement
arts, les effets de la grandeur, de la ma- à la peinture , elle le gagne par le positif
>

gnificence, de la noblesse et de la grace, qu'elle a en commun avec la sculpture,


les impressions sévères ou gaies , terri- et s'il lui manque la précision imitative
bles ou riantes , mystérieuses ou fantas- de celle-ci , ses imitations sont moins cir
tiques. conscrites et plus libres. D'ailleurs , l'ar
L'ouvre de l'architecte doit , comme chitecture peut , comme la peinture , se
tout autre ouvrage d'art , être composé servir des couleurs et de la lumière ; elle
d'abord dans la pensée de l'artiste , puis peut même , dans certains cas, présenter
être produit dans la réalité ; là est l'ori- le double effet de la réalité et de l'illu
gine de la forme, ici l'emploi des maté- sion ; elle porte aussi le caractère distinc
riaux. Les matériaux doivent être mis tif des siècles , ayant cette ressemblance
>

en œuvre d'après les lois de la mécani avec la poésie et la musique, dont les ou
que, et la forme doit résulter de la nature vragés sont empreints , comme les siens ,
de ces matériaux. La sphère de l'archi- des époques de leur création.
tecture s'étend donc aussi loin que peu- La perfection de l'architecture consis
vent le permettre ces élémens appliqués tant en ce qu'un bâtiment réponde en
à la construction des masses. De là , la tout à son espèce et à sa destination , que
nécessité pourl'architecte de posséder la sa forme charme les yeux, qu'il y ait par
connaissance des mathématiques , de la tout de l'intelligence et de la réflexion ,
géométrie , de la mécanique, de la phy- que l'inutile , l'indécis , le confus, le
sique et de la chimie , du dessin et de la contradictoire , en soient bannis , que
perspective. Cependant l'architecte n'est Pensemble satisfasse par ses masses et
artiste que quand son ouvre produit tous les détails par leur juste rapport , qu'il
les effets dont lesmasses et la forme sont règne dans le tout une harmonie gé
susceptibles ; véritable création qui peut nérale , il en résulte que l'architecture
faire naitre des impressions plus élevées doit présenter la même sagesse , les mê
que les œuvres même de la nature, parce mes beautés que l'on admire dans la struc
que le génie y réunit en un seul point et ture intérieure et extérieure de l'homme
y transforme en un seul tout ce qui , sans défaut, ou même de tout corps bien
dans la nature , est dispersé à l'infini. organisé dans la nature ; d'où il suit que
En résumé , l'architecture est l'art qui la nature est autant l'école de l'archi
représente des idées au moyen de corps tecte que de tout autre artiste, Un corps
ARC ( 186 ) ARC
bien organisé est en effet tin édifice'dont , rent telles , que tout système d'architec
chaque partie répond à son usage ; tout ture , qu'on voudrait établir comme de
s'y trouve, liaison intime, commodité , vantavoir pour base unique et exclusive
ensemble parfait; de- là les formes exté- le type primitif de ces modèles, ne peut
rieures les mieux 'choisies pour son es- subsister et se réfute par les faits histo
pèce , des proportions justes, une exacte riques. Nous bornerons nos exemples à
symétrie, enfin les couleurs les mieux as- l'architecture égyptienne et à l'archi
'sorties par leurs nuances et leur éclat. tecture grecque , l'architecture euro
Comme un bâtiment parfait doit réunir péenne en étant une dérivation.
les mêmes qualités, l'invention est une Que nous montre en effet l'Égypte
faculté réellement plus nécessaire à l’ar- dans ses constructionsmonumentales pri
chitecte qu'au peintre et au sculpteur. mitives ? Des temples creusés dans le ro
Ceux-ci peuvent déjà par une imitation cher , c'est-à-dire la grotte transformée
scrupuleuse de la nature, produire de en sanctuaire. Mais ensuite , et progres
bons ouvrages ; mais l'architecte ne peut | sivement , nous y voyons d'autres sanc
imiter de la nature que l'esprit et le génie. | tủaires, en partie creusés dans le rocher
Cependant , s'il n'y a pas pour lui un et en partie isolés ; puis des temples en
type 'absolu dans les productions sorties tièrement isolés , construits sur le sol et
immédiatemeut des mains de la nature , s'élevant dans les airs ; puis, dans des der
il y en a un dans l'œuvre de l'homme nières constructions, des fûts de colonnes
à son état primitif. Lorsque le premier au lieu de piliers carrés , offrant l'imita
'éveil d'un instinct industrieux eut ap- tion artistique la plus sensible du pál
pris à l'homme à bâtir sa demeure, mier ; enfin , sur ces colonnes, la pierre
et que le sentiment moral l'eut porté à et le granit taillés en blocs de longueur
ébaucher ün temple à la divinité , un et employés d'une manière qui n'est pas
tombeau à ses pères , ce type exista en conforme à la nature de ces matériaux ,
présentant , chez les différens peuples et mais qui est le propre de l'emploi du
da les divers pays , autant de variétés bois. Ainsi au début de l'art chez ies
qu'en offraient les meurs et les genres Égyptiens , leur architecture, à laquelle
>

de vie, les climats et les matériaux. Ainsi | la grotte servit de prototype et dans la
ce modèle dut être autre en Asie, autre quelle l'usage de la pierre, comme sys
dans l'Inde et dans la Chine, autre en tème de construction et de forme, sem

Égypte , autre en Grèce. Les peuples de blait devoir rester prédominante , em


>

ces contrées, chasseurs, pasteurs ou agri- prunte à l'arbre sa forme et ses ornemens,
culteurs, construisirent leurs premières et au bois la nature de son usage ; en
habitations par rapport à ces trois états sorte que l'architecture égyptienne se
primitifs,> de manière qu'ayant à satis- monire dès lors enrichie de la colonne et
faire à des besoins différens,> ces habita - de l'architrave , dont l'introduction avait
tions offrirent, par cette cause jointe à toujours été attribuée à l'origine de l'ar
la différence des matériaux , des formes chitecture grecque, c'est - à- dire à l’imi
et des caractères dissemblables. Dès lors, tation de la cabane.
la grotte, 'la tente et la cabane furent res- Toutefois, si l'architecture des Grecs
pectivement l'origine des variétés carac- porte effectivement plus que toute autre
téristiques empreintes sur les ouvrages le caractère typique de la cabane,il n'en
d'art qui succédèrent à ces cuvres nées est pas moins certain que les temples les
du besoin . On trouve encore dans l’In- plus anciens de la Grèce offrent, dans
doustan , dans l'Égypte, à la Chine et l'emploi des colonnes en pierres et en
dans la Grèce , ces nuances originelles , marbre, des proportions tellement con
lesquelles s'effacèrent plus ou moins chez formes à celles que présentent les temples
ceux de ces peuples ou le développement égyptiens, et tellement différentes de la
>

de la civilisation , le contact avec d'autres forme naturelle des arbres indigènes de


peuples, et surtout l'emploides matériaux | la Grèce , que l'architecture grecque ,
>

divers, eurent plus ou moins d'influence. en tant que ses règles et ses propor
Les modifications qu'elles subirent fu- tions sont ce qu'il y a de plus parfait ,
ARC ( 187 ) ARC
ne les doit qu'à l'emploi du marbré et s'étudiant à imprimer à ces ouvrages će
de la pierre, et aux formes rationnelles caractère de simplicité , de sévérité et de
que la nature de ces matériaux forçait convenance dont la nature offre l'exem
d'adopter; de manière que l'architecture ple dans toutes ses productions accom
égyptienneet l'architecture grecque, mal- plies , que l'art peut approcher de la
gré la différence de leur origine, se trou- perfection. En suivant les différentes
vent avoir dans leurs parties architecto- origines de cet art et les grandes variétés
niques les plus essentielles tant d'analo- auxquelles elles ont donné lieu , on voit
gie , qu'on pourrait les confondre dans que telle ou telle architecture ne peut ser
une origine commune. vir exclusivement d'étude et de guidepour
Mais ici se borne , comme caractère, les productions applicables à une autre
l'analogie des deux architectures, et là époque, à d'autres maurs ', à un autre
où la différence entre le climat de la Grèce climat. Mais si l'architecture égyptienne,
et celui de l'Égypte donne lieu à des be- abstraction faite de ce qu'elle a en pro
soins inconnus dans ce dernier pays , là pre et qui ne pouvait convenir qu'à son
commence la nécessité du toit en pente climat et à ses institutions, nous frappe
et , avec elle , la grande différence entre par une grandeur qui plaît autant qu'elle
l'architecture des Égyptiens et celle des étonne , et par une magnificence sévère;
Grecs. C'est aussi dans cette partie de si les monumens de la Grèce, indépen
l'architecture hellénique , pour laquelle damment de ce qu'ils ont despécialement
on employa constamment le bois , et qui relatif aux mæurs et au culte des Grecs,
dut toujours satisfaire à sa primitive des - nous font admirer leprincipe dominant de
tination , celle d’abriter l'édifice de la la convenance et de la solidité , joint au
pluie , c'est , disons - nous , dans cette par- sentiment du beau ; si nous sommes sen
tie que nous retrouvons une des princi - sibles à la légèreté et à la simplicité fan
pales causes qui firent adopter l'archi- tastique des édificesmauresques, comme
tecture grecque chez les Romains et chez à la majesté religieuse et imposante des
les autres peuples civilisés de la famille monumens gothiques, nous demeurerons
européenne. La qualité de la durée , in convaincus qu'aucune nation n'a possédé
hérente à la pierre et au marbre , ayant seule et en 'entier cet art. Il s'ensuit que
fait remplacer les colonnes et les archi- toutes ces architectures, comparées entre
traves en bois par des colonnes et des elles et avec celles qui en dérivent, of
architraves exécutées avec ces matériaux, frent une foule de beautés et d'effets in
ceux-ci remplacerent également, en tout connus aux anciens , résultat qu'il s'agi
ou en partie, dans les monumens les plus : rait de bien appliquer , au moyen de
importans de la Grèce,jusqu'aux moin- règles certaines et de préceptes éprouvés,
dres détails de la construction des cou- pour en faire un tout concordant et ho
vertures en bois , et la charpente ainsi : mogène. Chez les Grecs , ces règles et
traduite en pierre amena ' une suite de ces préceptes consistaient à fonder le
formes conventionnelles , qui ne furent,
> caractère distinctif du monument con
chez les Grecs , que le résultat de l'ap- venablement disposé sur l'apparence ex
plication raisonnée d'autres matériaux à térieure d'un système de construction
un même objet, mais qui dégénérèrent simple et durable , qu'on se contenta d’or
chez les Romains et chez leurs imita- ner et d'enrichir sans jamais le détruire
teurs au point de perdre entièrement la ou le dénaturer; c'est-à -dire, que chez ce
trace de leur origine. peuple , l'architecture s'est développée
Il devient donc évident, par ce rapide
nature à l'architecte , soit dans la tente ,
alra> philosopérie huis philosophiedece
aperçu , que les modèles offerts par la | art , philosophie qui peut être celle de
tous les pays, de tous les peuples comme
comme en Chine, soit dans la grotte, de toutes les époques , et dont les doc
comme en Égypte , ou dans la cabane , trines devraient être immuables . J. H.
comme en Grèce , n'ont jamais pu lui ARCHITECTURE (HISTOIRE DE L '). L

servir comme des types qu'il -s'agissait Lorsque les hommes furent arrivés à
d'imiter matériellement. Ce n'est qu'en | l'état social , ils commencèrent à bâtir
ARC ( 188). ARC
des habitations durables. Les pièces de Le caractère de cette architecture pri
bois réunies ensemble , la brique séchée mitive , que nous ne pouvons réellement
au soleil , ou cuite au feu , et la pierre apprécier que dans les monumens des
>

brute ou grossièrement équarrie , en fu- Égyptiens , était une solidité à toute


rent les premiers matériaux. Ces habi- épreuve, une grandeur gigantesque , une
tations achevées , ils érigèrent à leurs sévérité,de magnificence dont ce peuple
divinités >, qui avaient habité avec eux trouva le prototype dans les excavations
les forêts , les grottes , la cabane et la et dans les montagnes que la nature avait
tente , des temples plus grands et plus placées autour de lui. Les monumens de
magnifiques que les simples maisons. De l'Égypte remplissaient de tout point leur
ce moment naquit l'architecture. Déve- objet : ils satisfaisaient à l'exigence du
loppée par son application aux monumens système religieux ; leur forme était le
religieux , elle fut transportée ensuite résultat de l'emploi de la pierre et du
aux édifices publics , puis adaptée à la granit ; leur couverture en terrasse of
demeure des princes , jusqu'à ce que son frait l'aspect caractéristique des construc
usage habituel soit devenu un besoin gé- tions propres à un climat sans pluie ;
néral de la société. Ainsi , de proche en enfin , la sculpture historique et symbo
proche , la cabane fut remplacée par le lique , rehaussée parla peinture , y était >

palais , l'arbre se transforma en colonne , appliquée , non comme un ornement ar


et le plafond arrondi de la grotte s'éleva bitraire , mais comme un emblème signi
en coupole. ficatif et moral.
Parmi les plus anciens peuples con- L'architecture égyptienne étant émi
nus chez qui l'architecture avait atteint nemment rationnelle , son influence dut
un haut degré d'importance, mais où être grande sur la marche et sur l'histoire
elle n'a laissé aucune trace , il faut de l'art ; elle le fut en effet. La première
placer les Babyloniens , dont les édifices elle posséda les élémens principaux qui
les plus célèbres étaient le temple de Bé- entrèrent depuis dans l'architecture de
lus et le palais de Sémiramis avec ses toutes les nations civilisées . Elle eut des
jardins suspendus; les Assyriens , dont colonnes soumises à de certaines pro
la capitale, la fameuse Ninive, était ri- portions ; son entablement est le plus
che en édifices somptueux ; les Phéni- complet possible pour un entablement
ciens , avec leurs cités non moins re- en pierre ; on y trouve les caissons les
nommées, et les Israélites , qui possé- plus naturellement disposés selon le sys
dèrent , dans le temple de Salomon , un tème de la construction ; elle admit enfin
monument admiré comme une des mer- la décoration la plus monumentale que
veilles du monde. Les autres peuples l'homme půt inventer. Faite pour pro
d'une haute antiquité qui ont transmis duire l'étonnement et l'admiration, c'est
jusqu'à nous des restes d'architecture à-dire pour frapper par le grandiose ,
plus ou moins remarquables sont les elle obtint à l'aide de cette qualité, do
Indiens , les Perses et les Égyptiens. Au minante dans l'art égyptien , sa plus haute
nombre de ces restes sont les vastes tem- perfection. Si elle s'en tint là , si elle ne
ples creusés au sein du rocher que l'on rechercha pas la beauté qui plait et qui
voit encore dans le Décan , près de la aussi ancien que les Indous , comme elle a con
ville Elouré et dans les îles d'Eléphan- servé depuis son origine la formetraditionnelle
tine et de Salsette ; les ruines de Persé de la tente et l'emploi du bois non susceptible
d'une longue durée, il ne peut y avoir d'édifices
polis ; çelles des templęs , des tombeaux , très anciens dansce pays. D'ailleurs,l'architec
>

des pyramides, des palais et de tant turę chinoise n'ayant jainais eu d'influence au
d'autres édifices de l'Éthiopie , de la Nu dehors , elle reste étrangère à l'histoire générale
de cet art chez les autres nations . Il en est de
bie et de l'Égypte , qui furent et qui sont mêrne des antiques constructions du Mexique ,
encore l'orgueil de ces contrées. Ici vien- découvertes dans ces derniers temps ; ces ruines
nent aussi se placer les tombeaux et les n'ont pas été assez explorées par la science, elles
enceintes des villes élevées par les Étrus- sont encore trop enveloppées d'obscurité,et elles
forment une série de monumens trop à part ,
ques *. pour qu'il soit permis de les faire entrer dans
(*) Quant à l'architecture des Chinois, peuple ces considérations.
ARC ( 189 ) ARC
charme , telle que l'offre l'architecture égyptiens , qui donna naissance au cha
grecquedans sa progression continuelle , piteau corinthien ; enfin , par l'adoption
en revanche elle ne présente pas de dé- d'un même système dedécoration monu
cadence comme celle -ci. Il semble être mentale , au moyen de la sculpture co
en effet dans la destinée de l'art de s'ar- loriée, de la peinture historique appli
rêter à un certain degré sans rien perdre, quée aux murailles à l'instar de ce genre
ou de décroître par sa tendance même de sculpture , et , par suite , de l'applica
>

vers un mieux qui n'est pas en son pou- tion des couleurs à toutes les parties de
voir; mystérieuse alternative où le génie l'architecture. Des études spéciales sur
de l'homme est , en quelque sorte >, ren- les monumens antiques de la Sicile et de
fermé par la nature , comme entre des la Grèce , faites par l'auteur de cet arti
limites infranchissables. cle , ont eu pour résultat de mettre au
Essentiellement accompagnée de la beau- grand jour l'existence du système poly
té, l'architecture grecque montre une au- chrome chez les Grecs et d'en établir la
tre origine. Ses formes primitives furent' permanence. Ce point d'antiquité n'est
le résultat de l'emploi du bois, emploi qui plus douteux aujourd'hui. Il a été con
subit partiellement, dans sa transforma- firméparles recherches qui ont été faites
tion en pierre ou en marbre , une méta- depuis dans le même sens.
morphose inverse de celle que les maté- Cependant si les formes architectu
riaux de l'architecture égyptienne avait rales que les édifices, grecs eurent en
déterminée. La couverture en pente y commun avec ceux del’Égypte offrent une
fut imposée par un climat pluvieux , et plus grande analogie dans les monumens
les moyens qui étaient à la disposition les plus anciens de la Grèce , analogie
des Grecs ne pouvant suffire pour at- qu'on retrouve également de part et
teindre la puissance de leurs devanciers , d'autre entre les sculptures de ces deux
ils cherchèrent à y suppléer ,> non pas en contrées aux mêmes époques , cette res
se créant d'autres élémens, mais en fai- semblance devient moindre lorsque le
sant l'application de ceux qu'ils avaient génie hellénique, libre d'entraves imita
trouvés chez les Égyptiens, avec ce sen- tives , s'attachant à toutes les branches
timent plus fin qui leur était propre , ou de l'art , leur eut donné un plus grand
>

que leurs institutions avaient développé développement . Ce premier période fut


en eux . celui desPhidias, des Ictinus, des Calli
Au surplus, les architectures de toutes crates ; encouragés et soutenus parl'admi
les nations et de toutes les époques ne nistration de Périclès , ces artistes or
purent être qu'une continuelle déduction nèrent de leurs chefs -d'oeuvre immortels
imitative d'architectures précédentes , l’Acropolis d'Athènes. Alors aussi se
dont les traces ne se sont jamais perdues, propagea dans le Péloponèse et dans
malgré les différences que les monumens l'Asie mineure le sentiment qui avait
d'âges plus ou moins éloignés peuvent animé ces grands hommes, etlesouvrages
offrir. Nous avons besoin d'insister sur de l'art eurent pour caractère une noble
cette influence de l'architecture égyp- simplicité , une grandeur majestueuse et
2

tienne par rapport à l'architecture grec- la recherche de la beauté dans les formes.
que ; c'est un fait primitif que l'on peut Pour que toutes les productions archi
démontrer par la disposition la plus tectoniques participassent à ces typesde
tels
usitée des temples grecs , que ceux perfection qui avaient d'abord été ré
du genre in antis et du genre périptère, servés aux temples, la religion consacra
lesquels existent également en Égypte; tous les édifices publics ; à ce titre , les
par l'usage où étaient les Égyptiens de théâtres , les odéons, les gymnases et une
clore à l'extérieur les entrecolonnemens foule d'autres monumens brillèrent des
de leurs temples au moyen d'un massif mêmes qualités.
inhérent à la construction , usage qui L'ordre ionique et l'ordre corinthien
subsista en Grèce et dont l'architecture étant venus se placer à côté de l'ordre
romaine a aussi conservé des exemples ; dorique , qui avait été long-temps le seul
par la forme de la plupart des chapiteaux adopté en Grèce, cette variété porta plus
ARC ( 190 ) ARC
sur les détails que sur les dispositions Lorsque l'architecture des Grecs se
des édifices; mais en y introduisant plus naturalisa chez les Romains , elle avait
d'élégance ou de richesse , elle conduisit déjà dépassé le terme de sa plus grande
à une recherche minutieuse. L'applica- pureté et de sa plus haute perfection ,
tion d'ornemens, sans autre but quecelui c'est-à-dire qu'elle commençait à pen
d'orner , fit perdre de vue le principal cher vers une décadence dont elle trans
objet de l'architecture ; le goût d'une planta le germeen Italie.Mais ici un nou
magnificence parasite altéra et détruisit veau champ s'ouvrit au génie hellénique.
peu à peu le caractère des formes ration- La grandeur des dimensions , l'emploi
nelles quiavaient constitué primordiale- de matériaux plus riches et plus variés,
ment la véritable beauté de cet art; il en la nécessité de construire des monu
amena la décadence dans la Grèce. On mens inconnus en Grèce, l'immense ex
place cette révolution vers la mort d’A- tension donnée aux voûtes, et surtout le
lexandre , 323 ans avant J.-C. goût des empereurs pour une somptuo
Les Romains, avant leur contact avec sité sans exemple, tout concourut à la
les Grecs, n'avaient à montrer aucun édi- | création d'ouvrages plus remarquables,
fice qui, sous le rapport de l'art, pût être je dirais même plus étonnáns sous plu
comparé aux monumens helléniques ; sieurs rapports , que ceux dont la Grèce
néanmoins ils avaient déjà pris une place s'enorgueillissait. Ce fut principalement
dans l'architecture par les importantes avec les marbres coloriés que les artistes
constructions de leurs aquéducs ( voy. ), grecs introduisirent à Rome la variété
de leurs égouts ( voy .), et de plusieurs des couleurs dans les édifices, et il est
temples pour lesquels ils s'étaient servis hors de doute que, là où cette ressource
d'architectes étrusques. Mais lorsqu'a- leur manquait, ils y suppléèrent par la
près la deuxième guerre punique , 200 peinture , puisqu'un examen récent de
ans environ avant notre ère , les Ro- la colonne Trajane a fait reconnaître sur
mains eurent connu les Grecs , ceux - ci ce monument en marbre blanc des tra
furent appelés à Rome , et ils y élevèrent ces de coloration et de dorure.
les nombreux édifices dont Sylla , Ma- De même que l'ordre dorique avait
rius et César ornèrent la capitale du été employé indistinctement pour les tem
monde et tant d'autres villes de l'empire ples et les autres édifices les plus impor
romain . Ils furent surtout encouragés tans de la Grèce européenne, comme le
par Auguste, protecteur zélé des artistes fut l'ordre ionique dans l'Asie mineure ,
grecs. Cet empereur, en faisant élever un ainsi l'ordre corinthien , varié de carac
grand nombre de monumens , répandit tère par le plus ou le moins de richesse
partout le goût de l'architecture. Ce ne dansles ornemens, devint à Rome d'un
furent plus seulement les édifices publics emploi général. L'ordre appelé compo
que l'on construisit avec un luxe inconnu site ( voy .) ou romain , dont le proto
jusqu'alors ; la magnificence s'étendit aux type se trouve dans différentes colonnes
constructions privées , et changea la phy- corinthiennes grecques , y fut également
sionomie des cités . La Rome de brique d'un usage multiplié . Mais si, en Grèce ,
devint une Rome de marbre . l'ensemble des ordres avait conservé ,
Cette ville continua long-temps encore dans toutes les parties de chacun d'eux,
à être embellie par les successeurs d'Au- et surtout dans l'entablement, les for
guste. Parmi les empereurs qui l'ornè- mes et l'emplacement des moulures se
rent, on doit citer particulièrement Né- lon leur primitive origine , ce ne fut plus
ron , Vespasien ,
Trajan, Adrien surtout, la même chose en Italie ; et dans les plus
ami passionné de l'architecture et archi- beaux monumens de Rome , les ordres ,
tecte lui-même , les Antonins, Alexan-
> cet élément si caractéristique et si ra
dre-Sévère et Dioclétien , jusqu'à ce que tionnel , devinrent souvent un objet de
la translation du siége de l'empire à By- pure tradition, qu'on employa sans but et
zance par Constantin eût fait cesser à sans nécessité. Ce fut là le premier pas
Rome les nouvelles constructions, pour qui signala la décadence de l'architec
les reporter à Constantinople, ture romaine, et qui entraîna l'art à l'a
ARO ( 191 ) ARC
bandon des principes , abandon d'où na- Romains, et dont Rome avait orné ses
>

quirent tous les autres défauts. Car la places publiques et ses temples , eurent
décadence fut encore moins signalée par une influence analogue sur l'adoption de
l'emploi en lui-même des ressauts , des la peinture et de la sculpture commede
piédestaux sous les colonnes , des colon- coration inhérente aux édifices. Lestem
nes accouplées ou engagées , des petites ples et les portiques des Grecs en avaient
colonnes entre les grandes, des frontóns offert les premiersmodèles. La coloration
circulaires ou brisés , et d'autres com- des murs par différens tons ,> déjà en
binaisons plus spécialement en usage au usage à Rome , fut remplacée par la re
déclin de l'architecture romaine , que présentation de sujets historiques ou my
par l'arbitraire de cet emploi. Dans l'ori- thologiques, dominans d'abord , subor
gine , ces diverses combinaisonsavaient donnés ensuite , et autour desquels on
pu être motivées ;mais depuis elles avaient vit bientôt s’entrelacer des encadremens
dégénéré en une imitation aveugle et en de différens genres, où l'imagination des
une reproduction sans motif. Cependant peintres fit concourir toutes les variétés
il serait injuste de comparer ici l'archi- végétales de l'Italie avec les combinaisons
tecture romaine , dans l'étendue et le capricieuses des ornemens connus sous
nombre de ses applications, avec l'archi- le nom d'arabesques (voy.). Quant à la
tecture grecque silimitée dans les siennes sculpture dans son application à l'archi
sous l'un et l'autre rapport, du moins tecture ,> les Étrusques, long-temps avant
>

quant aux monumens dont les restes sont les Grecs , 'en avaient introduit l'usage à
parvenus jusqu'à nous et qui appartien- Rome , d'abord en terre cuite colorée,
nent presque tous à des temples. L'ar- | puis en pierre et en marbre ; les Romains
chitecture romaine , réduite à ce seul l'employèrent aussi en bronze , en argent
genre d'édifice , peut supporter un pa- et même en or.
rallèle avantageux. A Rome comme en Déjà les monumens que Constantin
Grèce, l'emploi du système des plate- avait élevés à Rome, avant de transférer
>

bandes et des colonnes leur servant de à Constantinople le siége de l'empire ,


support , s'était conservé presque dans n'avaient été construits qu'au moyen de
toute sa pureté originelle. Mais si la fragmens pris sur les édifices d'époques
construction de beaucoup d'autres mo- antérieures . Les bas -reliefs de l'arc de
numens , tels que les basiliques , les am- triomphe de Trajan ornèrent l'arc de
phithéâtres , les palais et les villas d'es Constantin , et les colonnes enlevées aux
empereurs , et particulièrement les ther- temples antiques servirent à soutenir les
mes (voy. ces mots), où le système des nouvelles églises. Ainsi furent dispersés
voûtes , généralement employé,conduisit les restes de l'architecture romaine des
à l'emploi des colonnes comme objets d'or- plus belles époques , et ce que les inva
nement plutôt que comme soutien néces- sions des Goths , des Vandales et d'autres
saire; si cette construction , disons-nous, barbares ne détruisirent pas fut délaissé.
donna lieu , et par elle-même et par des Au milieu de ce désastre universel ap
distributions très compliquées, à la dé- parut Théodoric, roi des Ostrogoths, qui
viation la plus notable des principes de conquit Romevers l'an 493 de notre ère,
l'architecture grecque , ainsi qu'à tous et qui mit tous ses soins à la conserva
les déréglemens qui s'ensuivirent , d'un tion et à la restauration des édifices an
autre côté et en revanche , ces monu- tiques ; il en éleva même beaucoup de
mens développèrent différens genres de nouveaux en Italie ; plusieurs subsistent
mérites dont la Grèce eût pu se faire encore à Vérone et à Ravenne. Cette
honneur. époque étant celle où les formes prédo
Telle aa été la marche de l'architecture minantes de l'architecture romaine dis
romaine sous le rapport des élémens pu- paraissent pour faire place à de nouveaux
rement architectoniques importés, en élémens qui donnent un tout autre as
Italie par les Grecs. L'histoire nous fait pect aux productions architecturales , on
voir en outre que les objets d'art recueillis la désigne comme la ligne de démarcation
dans la Grèce ou dans la Sicile par les entre l'architecture antique et une nou
ARC ( 192 ) ARC
velle architecture qui fut appelée l'archi- , trée des basiliques et des thermes delan :
tecture moderne. Mais l'influence des cienne Rome.
anciens monumens de Rome ne s'inter- Une chose non moins importante à
е
rompit jamais. Les premières églises signaler, c'est que, dès le vine siècle , il
chrétiennes de cette ville , copiées sur y eut un premier pas fait vers la vérita
les basiliques,etl'église de Sainte-Sophie ble architecture , en ce sens qu'on re
à Constantinople , copiée sur les thermes, commença à élever des édifices disposés
furent les types dont l'imitation se re- conformément à leur destination, et dont
produit sur tous les édifices d'une cer- les principales formes furent la consé
taine importance élevés depuis dans tous quence immédiate du système de cons
les lieux où s'étendirent les conquêtes truction employé pour les bâtir ; c'est-à
des Goths, en Italie , en France, en Es- dire que l'architecturese trouva ramenée
> >

pagne et en Allemagne. par une voie toute différente aux mêmes


Les Lombards , qui occupèrent l'Ita- | principes qui avaient présidé au dévelop
lie depuis la fin du vie siècle jusqu'à celle pement de l'architecture hellénique.Cette
du vile, marquèrent leur séjour dans époque est celle de Charlemagne; elle
cette contrée par une architecture parti- correspond à un mouvement général im
culière , laquelle n'est, en réalité, qu’une primé à l'esprit humain et aux institu
continuation de l'architecture antérieure, tions sociales par un grand homme ; elle
appliquée et appropriée aux édifices re- eût été la renaissance, si les héritiers de
ligieux de cette époque. Cette architec- sa couronne l'eussent été de son génie.
ture lombarde subit des modifications En effet , dans les églises d'alors, on
notables , que les architectes grecs , ap- trouve la forme typique des basiliques
pelés à Byzancè , y introduisirent; ces chrétiennes, reconnue comme la plus con
modificationsdonnèrentnaissance à l'ar- venable au culte , s'adaptant avec une
chitecture lombardo -greco-moderne, nef transversale que surmonte souvent
jusqu'au moment où elle fut remplacée une coupole centrale et terminée par un
par l'architecture byzantine ouaorientale, cheur en hémicyele. Les portes , les fe >

dont l'église de Saint-Marc, à Venise , nêtres et tous les arcs y sont demi- circu
offre en Italie l'exemple le plus impor- laires. La nef, très élevée, y est ordi
tant. nairement couverte d'une voûte en arc
A cette époque s'opéra une fusion, ré- de cloître , rehaussée vers le centre. Au
sultat naturel de l'influence que l'archi- dehors , les frontons sont formés par les
tecture moderne n'avait pas cessé de re- pignons des toits auxquels on donnait en
cevoir des premières églises chrétiennes core peu de hauteur et de déclivité. Dans
de Rome, et de celle qu'elle avait récem- les parties supérieures se trouvent sou
mentrecue de l'église de Sainte-Sophie de vent de petites colonnades pratiquées dans
Constantinople. Cette fusion , si remar- l'épaisseur du mur ; ony voitaussi des
9

quable et si peu observée dans l'histoire piliers formant contre- forts et des arcs
de l'architecture, est pourtant déjà sen: boutans. Les moulures sont composées
sible dans les églises des Lombards éle- de profils dans lesquels on reconnaît la
vées en Italie ; elle ressort surtout de tradition desmoulures antiques,et la plu
l'examen des églises des vi °, 1x®, xe et part des bases sont semblables à la base
2 >

xiº siècles, encore existantes sur les bords attique. La différence de ces églises avec
du Rhin ; elle eut lieu par l'adoption les basiliques chrétiennes est l'adoption
presque générale de l'architecture by- générale des voûtes au lieu de plafonds, >

zantine en élévation , appliquée à la dis- et, par suite de ce changement dans le


position du plan des primitives églises systèmede construction , l'emploi de pi
>

romaines ; ce qui nous ramène à la cer- liers assez forts pour pouvoir supporter
titude de ce fait capital que l'architec- ces voûtes au lieu des colonnes qui soute
ture de ces monumens , qui offraient un naient les plafonds; ce qui n'empêcha pas
caractère si tranché avec celui des monu- au surplus qu'on n'y ait toujours em
mens de l'antiquité , n'était en somme ployé aussi des colonnes ; mais celles-ci
qu’une dérivation matériellement démon- eurent plus particulièrement pour objet
ARC ( 193 ) ARC
d'orner les pilastres et de recevoir la re- qu'ils importèrent , en ce qui concernait
tombée des arêtes des voûtes. De là leur l'art de bâtir; et l'architecture des nations
fût élancé, si différent de la proportion qu'ils avaient subjuguées dut avoir beau
des colonnes antiques, laquelle était cal- coup d'influence sur la leur. C'est ce qui
culée par rapport à la force que ces co- explique les différences qu'elle offre à
lonnes devaient ayoir comme point d'ap- | différentes époques, dans les pays divers
pui réel . Aussi , n'est-ce que partielle- soumis à leur domination . Ces différen
ment et lorsque les colonnes de ces églises ces existent surtout entre l'architecture
supportent des arcades d'une hauteur dite mauresque d'Espagne et l'architec
ture arabe ou sarrazine de l'Égypte , de
moyenne , comme aux portes et aux croi-
sées, que leur fùt se rapproche plus des l'Inde , de la Grèce etde la Sicile. Quoi
proportions antiques. que des architectures aient une grande
Dans cette manière d'employer les co- analogie entre elles, notamment dans les
lonnes , les architectes se dispensèrent, dispositions principales des édifices,ainsi
avec raison , de les surmonter d'un enta- que dans les détails et l'application de
blement et surtout d'une corniche qui leurs ornemens , on trouve dans l'arc en
n'aurait eu ici aucun objet; car comme fer à cheval, généralement employé en Es
la corniche n'en peut jamais avoir dans pagne, etdans l'arcaigu ou en ogive (voy .),
les intérieurs , cette innovation consé- usité au Caire , dans l'Inde et en Sicile ,
quente fut encore une suite du retour les principaux caractères de leur dissem
aux principes qui prédominèrent dans blance. Du reste, ce sont à peu près par
l'architecture grecque. Aussi l'architec- tout les mêmes élémens qui prédominent .
ture chrétienne , développée d'après ces On y voit des colonnes isolées ou dispo
mêmes principes , nous montre jusqu'à sées par groupes , d'une proportion élan
la fin du xi1° siècle , dans les nombreux cée , rappelant par leur forme et leurs
édifices qui nous restent , une continuité ornemens les poteaux arrondis ou à pans ,
de perfection qui ne pouvait résulter que faits de bois précieux et richement in
de l'adoption de certaines règles propres à crustés, tels qu'ils servent encore à sup
conduire de progrès en progrès. Cette porter les tentes des Orientaux ; les murs
marche ascendante doit être attribuée à sont couverts de mosaïques ou de stucs
l'existence et à la propagation d'une doc- sur lesquels brillent les couleurs et les
trine d'école. Cette école exista en effet dorures , accessoires dont l'application
parmi le clergé. Il en sortit une archi- retrace la décoration des églises grecques
tecture empreinte d'un grand caractère avec les dessins des tissus indiens. Les
d'originalité , dans son ensemble comme portes et les fenêtres sont entourées de
dans ses détails, et d'autant plus digne
>
riches ornemens à jour. Les mosquées et
d'être appréciée , qu'en faisant faire à la les grandes pièces des palais , avec leurs
science de la construction un pas im- portiques, sont surmontéesdedômes dont
mense , elle prépara la conception et l'usage était alors général dans l'archi
l'exécution des admirables monumens que tecture des Grecs modernes. Partout en
les siècles suivans virent s'élever detoutes fin règne la plus grande magnificence, la
parts. plus élégante légèreté. Ces effets , com
Cependant , à la même époque où binés avec ceux des plantations variées et
l'architecture de l'Europe occidentale en- des eaux jaillissantes, forment un ensem
trait dans la nouvelle route que nous ve- ble magique. Aussi les restes de l'Alham
nons d'indiquer, la présence des Arabes bra ( voy .), à Grenade , paraissent-ils
conquérans en Égypte ,dans l'Inde, en plutôt les fragmens d’un palais de fées
Grèce , en Sicile et en Espagne , impri- que les ruines d'unedemeure de rois.
mait aux édifices de ces différentes con- Il nous suffirait de cet aperçu carac
trées un autre caractère. De là l'archi- téristique sur l'architecture arabe, et 2

tecture arabe , née à la fin du vil siècle nous en resterions là , si l'arc aigu , en
et au commencement du viliº. Peuples usage dans les édifices que ce peuple éleva
.

nomades vainqueurs de pays déjà civili- au Caire , dans l'Inde et en Sicile , ne


sés , les Arabes durent recevoir autant | soulevait naturellement une question im
13
Encyclop. d. G.d. M. Tome II.
ARC ( 194 ) ARC
portante sur l'origine de la forme de cet
base et le point de départ de l'architec
arc, et sur le grand changement que son ture dite gothique, il faut admettre aussi
application aux monumens de l'Europe que la question de son origine ne peut plus
occidentale introduisit dans l'architec- laisser de doute. Seulement, il resterait à
ture religieuse de la France , de l'Espa- savoir si les Arabes importèrent en Si
gne , de l'Allemagne et de l'Angleterre, cile le système ogival , après avoir ém
e .
>

depuis le xnı° jusqu'au xuitº siècle. Quoi- prunté le modèle aux restes des construc
que lesvoûtes hémi-sphéroidales et les arcs tions antiques de l'Inde ou de l'Égypte
aigus construits par les Pélasges et les ou de la Cyrénaïque , ou bien si ce sys
Étrusques , et le même système d'arcs tème se développa progressivement en Si
etde voûtes retrouvés dans la Cyrénaique , cile, comme le témoigne sa gradation dans
dans le Latium et en Sicile , établissent les édifices de Palerme . Dans l'une ou
que ce genre de construction fut le pre- l'autre hypothèse , ce qui demeure cer
mier employé par les anciens pour cou- tain , c'est que l'arc ogive fut importé
vrir en pierre lesgrands espaces auxquels dansl’Europe occidentale, mais qu'îl eut
l'emploi des monolithes ne pouvait plus uneorigineorientale directe ou indirecte .
suffire, il est certain que les anciens n'en Son application à l'architecture byzan
firent jamais un usage général et qu'ils tine du xire siècle , combinée avec d'au
quittèrent presque dès l'origine la forme tres élémens de l'architecture arabe, pro
compliquée de l'arc aigu pour la forme duisit l'architecture dite gothique . La
plus simple et plus pure de l'arc à plein définition donnée plus haut des églises
cintre. Cependant , les exemples de l'o- d'alors fait voir qu'il n'a fallu que sub
give (voy.) employée dans la Cyrénai- stituer dans la plupart de ces églises les
qué , et ceux que présente un tombeau voûtes et les arcs à plein cintre aux
antique à Catane, prouvent que les avan- voûtes et aux arcs en ogive, pour repro
tages de l'arc aigu étaient connus dans duire les premières églises, auxquelles l'o
l'antiquité , et qu'on sut dès lors le met-
> give fut appliquée . Mais il faut en même
tre en oeuvre comme offrant le plus de temps reconnaitre que le développement
solidité et de durée . Toutefois c'est chez extraordinaire auquel atteignit l'archi
les modernes que seulement nous en re- tecture dite gothique,depuis le xire siècle
trouvons l'emploi vraimentsystématique; jusqu'à la fin du xv , présente, dans le >

et sans nous appuyer sur les monumens fait constant d'une perfection croissante,
arabes de l'Inde et du Caire , où cet arc un fait tellement remarquable que c'est
* parait avoir été pratiqué dès le vııe siè- aux artistes auxquels ce perfectionnement
cle , commecette date n'est pas certaine, est dû qu'appartient incontestablement
c'est en Sicile que nous en voyons l'a- le mérite des monumens religieux érigés
doption non interrompue , d'abord dans alors en Espagne , en France , en Alle
une série de constructions sarrazines qui magne et en Angleterre. En effet, quoi
datent de 831 et se continuent jusqu'au que les premières églises auxquelles les
commencement du xie siècle , puis dans ares et les voûtes en ogive furent adap
>

un grand nombre d'édifices élevés à Pa- tés portassent déjà en elles len'est
principe
pour
lerme par les Normands et leurs succes- de l'architecture ogivale , ce
seurs , qui datent de 1101 et se conti tant que dans les xive et xve siècles que
nuent jusqu'en 1320. Ces faits consta- cette architecture se montre avec les avan
tent que la forme de cet arc , employée tages qui devaient résulter d'un système
d'abord au ixe siècle par les Arabes , et général uniforme, homogène et caracté
depuis par les Normands, fut remplacée risé dans toutes ses parties.
par l'arc à plein cintre vers la moitié du C'est à cette époque que les grandes
xiv siècle, c'est - à - dire que l'emploi et cathédrales furent conçues et exécutées
l'abandon général de l'ogive eurent lieu sous l'influence de principes stables.
en Sicile deux siècles et demi avant l'é- | Aussi voyons-nous ces vastes édifices, dé
poque où cette forme fut employée et sormais soumis à des proportions et à des
abandonnée dans le reste de l'Europe. Si formes rationnelles, s'élever comme d'un
l'on admet à présent que l'arc aigu est la seul jet. Dans leur masse colossale, dans
ARC ( 195 ) ARC
leurs plus minutieuxdétails, tout est dis- seignajent et se transmettaient en secret.
posé et distribué avec harmonie, tout estPlusieurs d'entre eux furent appelés en
exécuté avec un étonnant ensemble de Italie , soit à Milan , pour y élever la ca
perfection. Sous ces innombrables arca- thédrale et exécuter les importans tra
des , sous ces voûtes immenses entourées vaux entrepris sous Galéas Visconti, soit
de ces murs diaphanes , véritables mo- à Florence, à Orviette , à Pise , à Sienne,
saiques transparentes, et non moins si- à Spolète, et même à Rome et à Naples ,
gnificatives par leurs peintures qu'admi- où ils dirigèrent beaucoup d'édifices des
е
rables par leur effet mystérieux; à l'as-xile et xiy siècles ; mais malgré la pré
pect de ces pylones , de ces tours et de sence des architectes allemands , le ca
ces clochers à jour; au milieu de ces con ractère de l'architecture ogivale germa
tre -forts bardis et de ces milliers de fron- nique, importée par eux dans ces con
tons pyramidaux,declochetons,, de tou - trées,, y subit de grandes modifications,
relles, de statues, de sculptures d'orne- suite naturelle de l'influence plus forte,
>

ment, les sens et l'esprit sont frappés à parce qu'elle était permanente, des nom
la fois par l'idée de l'unité dans l'infini. breuses imitations puisées dans les rui
Tout parait être le résultat d'une créa- nes des monumens antiques. .
tion unique et spontanée ; tout dispose Le mélange des formes que présentait
l'ame à la contemplation , et exalte les ' l'architecture moderne du nord de l'Eu
sentimens religieux. rope avec les formes tout opposées de
Pendant que l'architecture religieuse l'architecture aptique du midi , pe ppu
ogivale prenait cette extension dans le vait plaire long -temps. Entrainés par la
nord , les architectes italiens construisi- simplicité de cette dernière architecture,
rent peu d'édifices qui fussent entière- séduits sans doute aussi par la facilité
mentdans le style de cette dernière ar- avec laquelle elle se prêtạit à l'étude, à
chitecture. Il est vrai que l'application la conception et à l'imitation , les archi
du style byzantin avec l'emploi de l'ogi- tectes italiens érigèrent , dans le xve
ve se remarque dans toute l'Italie. Mais siècle , des monumens d'un caractère
outre que la forme des basiliques resta élevé et d'un grand style , où l'influence
presque la seule adaptée aux églises , ce de l'architecture romaine prédomina.
fut surtout l'existence des monumens Bruneleschi (voy .) et Léon -Baptiste Al
antiques plus ou moins conservés et dont berti ( voy.) brillèrent les premiers entre
les fragmens furent plus particulièrement ces artistes, par de hạutes connaissances
employés dans les constructions italien- dans les mathématiques appliquées à la
nes des xir et xiº siècles , qui eut une construction et dans la littérature em
continuelle influence sur la disposition ployée à l'enseignement et à la propa
générale des édifices ,sur leur ordonnance gation de l'art architectural. Vinrent
et sur le goût de leurs ornemens , in- ensuite les Bramante , les Balthazar Pe
fluence où il faut voir la première cause ruzzi ( voy, ces noms ) ,> et cette suite
du retour à l'étude de l'antiquité et de l'in- d'hommes célèbres qui, rencontrant les
troduction des élémens anciens dans l'ar- vastes projets des Médicis, la protection
chitecture moderne. Ce retour et cette in- des papes et l'émulation entre toutes les
troduction signalent l'époque de la renais- villes d'Italie , paryinrent à élever l'ar
sance , au commencement du xve siècle. chitecture imitée de l'antique à un degré
Cependant, les nombreux édifices qui de perfection qu'elle n'avait pas encore
avaient été construits et qui continuèrent atteint.
de s'élever en Allemagne, en France,en Quoique les architectesde cette belle
Angleterre, en Espagne et jusqu'en Por- époque aient cherché à donner à leur
tugal , répandirent aussiau - delà des Al- , architecture un caractère conforme à sa
pes la réputation de leurs auteurs. Ces destination , en y appropriant les formes
architectes appartenaient tous à des con- principales et les détails de l'art antique ,
fréries de la Basse et de la Haute-Alle- il n'en faut pas moins reconnaitre que
magne , sortes de loges maçonniques, où ces formes et ces détails furent le plus
les règles et les pratiques de l'art s'en- souvent des copies sexviles faites d'après
ARC ( 196 ) ARC
les modèles anciens, que ces artistes repro- | premier égarement du plus grand artiste
duisirent presque toujours , plutôt parce de eette époque , de Michel-Ange , génie >

qu'on les admettait comme le résultat grandiose jusque dans ses écarts , mais
des préceptes de l'antiquité que parce dont les écarts furent la source des pro
qu'ils en étaient véritablement le résultat. ductions architecturales les plus extra
La faute en fut plus à ces modèles qu'à vagantes ; comme celles de Bernin , de
leurs imitateurs , Réduits aux seuls mo- Borromini et de leur trop nombreuse
numens romains ,' où l'imitation tradi- école qui , au xviie siècle, inonda l'Italie
tionnelle de l'architecture grecque avait et déborda jusqu'aux contrées les plus
déjà introduit une quantité de formes éloignées.
dont l'origine avait été un besoin et dont Heureusement la frénésie borromi
la reproduction n'était plus qu'une copie nienne fut de courte durée , et, comme
sans motif, ces grands artistes ne purent il est arrivé souvent dans l'histoire de
prendre qu'un essor incomplet; ils eussent l’art , la déraison fit place à la raison. Les
atteint la perfection dans leur art , si les artistes dont l'Angleterre , la Hollande
types primitifs de la Grèce eussent été et l'Allemagne peuvent s'enorgueillir à
la source deleur inspiration . Mais malgré juste titre , heureux émules des archi
les chefs - d'ouvre qu'ils construisirent tectes italiens , ramenèrent l'art à l'étude
jusqu'au milieu du xviº siècle , ce man- de l'antiquité. Ce fut surtout au sein de
que de la juste appréciation des ouvrages la France, qui , dès le xviº siècle , avait
> >

de l'art imités par eux les détourna de la produit les Jean Bullant , les Pierre Les
>

vraie route. Le concours même de Mi- cot, les Philibert Delorme( voy.ces noms),
chel-Ange et des premiers peintres de que cette étude prit un nouvel essor. La
son temps , employés commearchitectes , traduction de Vitruve , par Perrault , la
rendit encore plus prononcée cette dé- | fondation de l'académie de France à
viation du véritable but et des beautés Rome par Louis XIV, l'ouvrage de Des
réelles de l'architecture . godets sur les antiquités romaines qui en
Une plus grande publicité donnée au fut le premier résultat et qui parutau com
e
précieux traitédeVitruve , et les nouvelles mencement du xviiiº siècle , l'apparition
recherches sur les monumens antiques du livre de Leroy sur les antiquités de la
excitées par les traductions de cet auteur, Grèce,les investigations noninterrompues
avaient déjà ramené les Palladio , les Ser- que les artistes de toutes les nations entre
lio , les Scamozzi , les Vignole , vers une prirent concurremment sur les monu
application moins irrationnelle de l'archi- mens d'architecture de tous les peuples
tecture antique à l'architecturemoderne; célèbres dans l'histoire ancienne, en ré
mais les ruines qu'ils étudiaient étant pandant partout une connaissance plus
toujours les mêmes , c'est- à -dire des mo- exacte de leurs chefs- d'ouvre, commen
numens d'un siècle où l'architecture ro- cèrent à réunir et complétèrent peu à peu
maine était en déclin , ils imitèrent les les matériaux qui avaient manqué aux
défauts comme les beautés , parce que grands artistes du xve et du xvie siècles.
leur admiration sans examen pour tout L'architecture de la fin du siècle dernier
ce qui était antique ne fut pas toujours etdu commencement dú nôtre s'en res
raisonnée. L'architecture italienne ainsi sentit. Mais les architectes d'alors ne
développée remplaça peu àà peu l'archi- voyant la perfection de l'art , recherchée2

tecture ogivale ; une nouvelle révolution par eux avec une louable ardeur , que
s'était opérée. Mais si le goût des grands dans une imitation de l'antique beaucoup
artistes italiens, qui s'étendit avec leur plus minutieuse qu'elle ne l'avait jamais
renommée et avec les constructions qu'ils été , allèrent jusqu'à copier l'ensemble
étaient appelés à exécuter dans toutes les des édifices des siècles de Périclès et
contrées de l'Europe , eut souvent une d'Auguste , pour en 'appliquer la dispo
heureuse influence " sur l'art , il porta sition et les formes , essentiellement lo
aussi en tous lieux un germede corrup - cales, essentiellement caractéristiques de
tion. Ce fut surtout une époque déplo- leur destination , à des édifices élevés au
>

rable que celle qui fut signalée par le xixe siècle à Paris ou à Londres , et dont
ARC ( 197 ) ARC
la destination était tout opposée. Ce fut avec solidité , propreté et économie. Col
là l'écueil. Ces artistes méconnurent trop lectivement : il faut qu'elles soient cal
le principe fondamental de l'art des an- culées , en nombre et en étendue , d'a
ciens , d'après lequella beauté de l'archi- près la nature et l'importance de chaque
tecture devait résulter des belles formes exploitation ( voy. CHAUMIÈRE , MÉTAI
appliquées à la disposition la plus con- RIE , FERME , FERME EXPÉRIMENTALE ,
venable et à la construction la mieux ap- COLONIE 'AGRICOLF.); qu'elles soient si
propriée aux matériaux; principe dont tuées les unes relativement aux autres ,
l'absence empêchal'entierdéveloppement et toutes ensemble relativement à la pro
de l'art à l'époque delarenaissance, dont priété entière , de manière que les com
la connaissance de plus en plus répandue munications soient aussi faciles et aussi
doit éclairer ce même art de la plus vive promptes que possible , pour éviter tout
lumière, et dont l'application , faite par surcroît detravail et toute perte de temps;
des hommes supérieurs , peut conduire enfin qu'elles soient distribuées avec
l'architecture moderne à un point de per : cette régularité et cette élégance modeste +

fection qu'elle n'a pas encore atteint.J. H. qui plaisent à la raison autant qu'à l'ail,
ARCHITECTURE NAVALE , voy. parce que, sans nuire à l'économie et à la
VAISSEAUX . durée , elles sont un indice certain d'ai
ARCHITECTURE RURALE . Elle sance et de bien-être. O. L. T.
est une partie importante de l'architec- ARCHITRAVE.C'estla première par
ture civile. Pour la bien concevoir il faut tie de l'entablement, qui porte sur les co
posséder à la fois des connaissances dans lonnes. Il est différent suivant les ordres :
l'art de bâtir et dans les diverses bran- au toscan , il n'a qu'une bande couronnée
ches de l'économie rurale ( voy.ce mot ); d'un filet ; il a deux faces au dorique et
car, comme cette vaste science elle-même, au composite , et trois à l'ionique et au
dans son acception la plus complète, elle corinthien. L'architrave est, dit mutilé
embrasse tout ce qui se rattache à la quand la saillie est retranchée et qu'il est
grande et à la petite culture , à l'écono- arrasé avec la frise pour recevoir une in
mie des ménages , à l'éducation des ani- scription . L'architrave est coupé quand
maux utiles et à l'industrie agricole. il est interrompu dans une décoration
L'architecture rurale comprend donc pour faciliter l'exhaussement des croi
l'habitation du propriétaire ou du fer - sées , l'entablement étant d'une grande
mier ; la demeure des agens subalternes hauteur , comme à l'ordre composite de
2

de l'exploitation ; les bâtimens destinés la grande galerie du Louvre. P - T.


aux animaux domestiques ; les construc- ARCHIVES. On trouve chez les
tions qui servent à la conservation et à la Grecs , avec une acception analogue à
multiplication des végétaux ; celles dans celle que nous donnons au mot français
lesquelles on réunit les objets divers uti- archives , le mot åpxelov, qui, avec l'an
les aux besoins journaliers de la culture cien digamma, a fait l'archivum des La
ou du ménage ; celles qu'on destine à la tins, origine de notre mot français. Plus
préparation , à la formation ou à la con- ordinairement les Latins employaient
servation du produitdes différentes ré- ceux detabularia, tablina , cartularia,
coltes ; celles qui n'ont souvent d'autre chartaria , graphiaria , sacraria , scri
but que la décoration des jardins ou des nia , armaria et archiva. Virgile dit que
parcs et qu'on a réunies sous le nom de l'homme des champs ne s'occupe guère
fabriques. Enfin les travaux d'art' qui se des disputes du barreau ou de recher
rattachent immédiatement aux besoins ches dans les archives de sa nation, populi
de l'économie rurale. tabularia . Servius a interprété dans ce
On peut considérer ces constructions sens ce passage des Géorgiques. L'ins
d'abord isolément , sous le point de vue titution des archives n'est donc pas une
de leur convenance particulière; puis de celles que créèrent lessociétésmoder
collectivement , sous celui de leur arran- nes. On comprend, en effet, au plussim
gement entre elles. Isolément : elles doi- ple examen du butde ces établissemens ,
vent être saines , commodes , construites qu'ils durent exister dès qu'il y eut des
ARC ( 198 ) ARC
affaires régléesou à régler entre deux peu - dieux , avait la garde de ces archives qui
2

ples ou même entre deux particuliers. La ne pouvaient être ni secrètes , ni aban


nécessité de conserver les documens rela- données à une influence arbitraire , en
tifs à ces affaires et les témoignages des ce qui concernait l'histoire ñationale ,
transactions qu'elles engendrèrent, donc puisque cette histoire était écrite au grand
na naissance à ces dépôts publics ou jour sur les monumens publics qui or
privés , qui constituent de nos jours les naient en si grand nombre toutes les
archives, soit de l'état ou des grandes villes principales de l'Égypte. Les bas
corporations, soit des familles ou de sim- reliefs et les inscriptions historiques qui
ples particuliers. couvraient les surfaces extérieures et in
Il est fait mention d'archives dans térieures de ces monumens étaient en
Jes'annales de tous les peuples policés de effet un complément et comme les pièces
l'antiquité. Pour les Hébreux , elles fu- justificatives des annales écritessur les re
rent d'abord dans l'arche et le taberna- gistres sacrés déposés dans les temples ,
cle, puis dans le temple de Jérusalem , et l'on comprend dès lors commentcette
od ellés furent incendiées pendant le multiplicité de documens a pu faire par
siége de cette ville par Vespasien. On venir jusqu'à nous les fastes de la nation
trouve dans le livre d'Esdras l’indica-
égyptienne , si entiers , si authentiques ,
tion des archives où étaient conservésdu moins depuis une époque déjà fort
les actes des rois de Médie et de Ba- ancienne pour nous , et qui dépasse de
bylone. Tertullien parle aussi des archi- plusieurs siècles les temps de notre occi
ves des Phéniciens , des Chaldéens , et dent qu'on appelle héroïques, parce que
Josephe de celles des Tyriens. Selon leur histoire, revêtue de quelque certi
l'opinion du marquis Maffei ( Istor. di- tude, ne nous est point connue.
plom ., p. 7),> on ti'ouverait dans Josué la Rien ne prouve mieux l'utilité des ar
mention d'une ville de Canaan , nommée chives publiques que l'avantage qu'elles
Coorjat- Sepher, c'est-à-dire la ville des ont assuré à la nation égyptienne de per
livres ou des archives. En résultat, on pétuer les preuves authentiques de son
peutdirequ'il y eut des archives partout illustration , de ses travaux , de sa civi
où l'écriture fut'en usage , et qu'elles fu- | lisation, de son génie. Les écrivains grecs
rent plus considérables, plus importan- purent consulter ces archives égyptiennes,
tes, àmesure que les peuples furent plus et les monumens encore subsistans cor
cultivés et plus policés. L'écriture est le roborent à nos yeux leurs assertions ,
grand élément de la civilisation et de l'or- leurs données historiques, et nous font
dre social, l'agent essentiel de tous les partager leur admiration pour un peuple
intérêts pour les nations comme pour les qui fut à la fois si puissant et si sage. Il
citoyens. nous reste des pièces historiques origi
La haute civilisation égyptienne, aux nales , trouvées en
е
Égypte, dont la date
époques tes plus reculées de l'histoi- remonte au xviie siècle avant J.-C.; des
re , induit à penser que ce peuple cé- monumens avec des renseignemens his
lèbre posséda , dès les premiers temps,
3 > toriques, antérieurs à ce même siècle ;
des archives nationales. Toute l'antiquité enfin les listes des dynasties égyptiennes,
classique est en effet unanime sur ce depuis le commencement de la monar
point. Ceux des anciens qui se sont oc- chie des Pharaons, et des témoignages
cupés des annales égyptiennes déclarent contemporains des rois de ces dynasties,
qu'ils ont travaillé sur des documens au- depuis deux mille ans environ avant l'ère
thentiques conservés dans les archives , chrétienne. Sans les soins attentifs et non
et tel est Manéthon dont une foule interrompusque les Égyptiens donnèrent
detémoignages parvenús jusqu'à nous ont à la conservation et à l'accroissement suc
constaté la véraeité. Ces archives étaient cessif de ces archives publiques, cette
déposées dans les temples ; la easte sa- grande renommée qui, dès les plus beaux
cerdotale, qui était réellement la classe temps de la Grèce , se rattache au nom
lettrée de la nation , et non pas unecor-- égyptien , serait aujourd'hui reléguéedans
pórátion occupée seulement du culte des le domaine des conjectures, el le scepti
r

ARC 199 ) ARC


cisme moderne dans lequel, il faut le fonctions avaient pour objet l'examen et
dire , il entre bien aussi un peu de va- la conservation des actes publics , et leur
nité , serait bien maitre de la nier. Les dépôt dans les archives; c'étaientdes se
nations asiatiques qui connurentl'Égypte crétaires d'état , si l'on veut, entre les
>

l'imitèrent sans doute en ce point impor- | quels était distribué le travail du cabinet
tant de ses institutions publiques; on ne de l'empereur , des scriniarii, libellarii,
comprend pas, en effet, la civilisation cartularii; à memoria pour les notes , ab
assyrienne, indienne, etc., sansdocumens epistolis , pour les demandes des villes
publics régulièrement et légalement as- et des provinces ; à libellis , pour les pé
semblés dans ces dépôts consacrés et pro- titions présentées au souverain; à dispo
tégés par les lois . sitionibus, pour les décisions. Dans les
Les temples , chez les Grecs, furent derniers temps de l'empire , un comte
aussi le lieu de dépôt des archives de avait la surveillance des archives , et
chaque ville; on y enfermait même le tré- plusieurs actes de l'autorité publique ,
sor public ; la saintetédu lieu les préser- sous les empereurs, sous les rois Goths
vait de toute violation. Les villes et les d’Italie, les premiers rois de France, et de
cités grecques y déposèrent non -seule- même dans les autres états , pourvurent à
ment les actes d’un intérêt général ou l'établissement et à la conservation des
utiles aux familles des citoyens, mais en archives , au dépôt régulier qui devait y
core les lois en original et les ouvragesêtre fait des actes d'un intérêt général ,
même des poètes qui honoraient la patrie et à leur communication aux personnes
par des productions recommandables. qui avaient intérêt à yy recourir.
Pausanias rapporte que les poésies d'Hé- L'autorité pontificale , qui dominait
siode furent déposées dans un temple des sur toute l'église chrétienne , établit . de
muses en Béotie ; selon Tacite , on au- très bonne heure des archives ecclésias
rait retrouvé , au temps de Tibère , dans tiques. Elles renfermaient à la fois les
certaines archives de la Grèce , des do- livres saints , les lettres des évêques, les
cumens qui remontaient à mille ans au- actes des conciles et les titres de pro
delà. priété. Un chancelier en avait la direc
Comme les Grecs , les Romains dépo- tion : on en fait remonter l'institution au
sèrent aussi dans des temples les monu- milieu du 11e siècle. Les évêques , les
mens écrits de leur histoire ou les actes monastères , les églises , suivirent cet
qu'ils voulurent conserver. On croit exemple ; les actes qui les concernaient
que , sous la domination des rois , leur étaientsoigneusementrangés dans un lieu
palais renfermait aussi les archives de sûr et à l'abri des accidens ordinaires.
l'état , et que depuis l'expulsion de Tar - Le clergé ayant alors le privilége de l'ins
quin , Valerius Publicola fit transpor - truction, les archives ecclésiastiques ren
ter les archives dans le temple de Sa- fermaient aussi beaucoup de pièces re
turne. Ceux de Jupiter Capitolin, d’A- latives aux intérêts civils et à l'ordre ju
pollon , de Vesta et de Junon, à Rome, diciaire, ce qui a fait dire,des monastères
servirent aussi pour cės dépôts histo- de l'Allemagne , qu'ils étaient les véri
riques et judiciaires. L'usage n'en fut pas tables archives de l'histoire; l'on peut
borné à la capitale de l'empire ; J. Ca- appliquer ce jugement à presque toutes
pitolin rapporte qu'il en fut aussi établi celles des autres pays.
dans les provinces romaines , par l'ordre En France , c'est au commencement
d'Antonin -le-Pieux . Des fonctionnaires de la seconde race , qu'on rapporte , et
spéciaux étaient commis à leur garde sur des témoignages authentiques , l'éta
par l'autorité publique ; à Rome , les rois blissement des archives royales, qui con
eux -mêmes s'en étaient réservé la garde ; servèrent jusqu'à nos jours , le nom de
elle était dans les attributions des con- Trésor des Chartes . L'annaliste de Metz
suls pendant la république ; elle passa dit , en effet , à la date de l'an 813, que
ensuite aux empereurs qui la déléguèrent les originaux des réglemens qui avaient
aux préfets du trésor , en plaçant toute- été faits dans les conciles tenus par l'or
fois auprès d'eux des officiers dont les dre de Charlemagne étaient conservés
ARC ( 200 ) ARC

dans les archives du palais. Plusieurs or- furent déposés au Temple, d'où ils fạrent
donnances de Louis - le - Débonnaire
-

ensuite transportés dans la Sainte-Cha


portent , dès l'année 815 , que les origi- | pelle, quand saint Louis l'eût" fait con
naux serontdéposés aussi in archivo pa- struire ; le Trésor des Chartes y resta
latii ou palatino, in palatinis scriniis, jusqu'à la révolution; il était d'abord con
in imperialis aulæ reconditorio;un chan- fié à un trésorier spécial; mais en 1582 ,
celier y présidait et expédiait des copies par ce titre fut réuni à la charge de procureur
l'ordre du souverain . Ces réglemens pour général.
les archives royales subsistèrent jusqu'au A l'exemple de la couronne , tous les
commencement de la troisième race;mais grands établissemenspublicss'occupèrent
dès cette époque, où la France était trou- de la recherche , de la conservation et de
blée à la fois par les entreprises des prin- la mise en ordre des documens manu
ces étrangers et par celles des grands feu- scrits qui les intéressaient : chacun eut
dataires , le palais du roi était dans son ses archives , les monastères surtout et
les cathédrales ; il arrivait même assez
camp , et la coutume s'y introduisit en-
suite d'emporter les archives avec les souvent que les particuliers y déposaient
bagages de la cour ; elles furent dès lors leurs papiers ou les faisaient transcrire
exposées à toutes les chances de destruc- sur les registres de ces établissemens
tion ; Philippe -Auguste en fit la cruelle pour y recourir au besoin ; enfin les
expérience. Surpris , en 1194 , par Ri- / grandes maisons avaient aussi leurs ar
chard , roi d'Angleterre, près du village chives ; l'importance de leurs droits leur
de Bellefoge, dans le Blaisois, il y perdit en faisait un devoir , et il ne fut jamais
avec ses autres effets ses 'archives et le négligé. Un travail général fait en 1782
sceau royal. Elles se composaient , selon dans toutes les provinces de France
l'historien-poète Guillaume-le -Breton , procura une liste des archives ou dépôts
des rôles des impôts, des états du revenu de titres existant alors dans chaque gé
du fisc , des redevances des vassaux , des néralité, subdélégation , ville , commune,
priviléges et charges des particuliers, en- corporation et château ; cet état porte le
fin d'un dénombrement des serfs et des nombre de ces dépôts à 1225 , et il faut
affranchis des maisons royales. Ces ar- ajouter , quelque pénible que soit la
chives devinrent la proie des soldats, on connaissance de ce fait , que le plus grand
le présume du moins , puisqu'on n'a pu nombre a été détruit depuis 1789. Une
en retrouver aucune trace. Philippe-Au- autre circonstance peut , toutefois, di
guste lui-même s'occupa très activement minuer les regrets qu'excite une telle
de réparer ce malheur : on recueillit ce perte ; en 1763 , le gouvernement avait
qu'on trouva dans d'autres dépôts ; il ne ordonné l'examen de tous ces dépôts ;
parait pas , toutefois, que ce soit avec un des bénédictins et d'autres hommes in
grand succès , vu la rareté des documens struits en avaient été chargés ; ils devaient
royaux antérieurs à 1180 ; mais c'est à prendre connaissance de chaque pièce ,
ces résolutions de Philippe - Auguste et , si elle n'avait pas été imprimée , en
.

qu'il faut rattacher la véritable origine adresser à Paris une copie certifiée avec
du Trésor des Chartes. En 1220 , frère le dessin des sceaux , s'il y en avait , et
Garin , évêque de Senlis et chancelier de un fac-simile de l'écriture. Ce travail
France, recueillit toutes les Chartes éma- produisit la copie d'environ 50,000 piè
nées du roi , depuis l'an 1195, les dis- ces ; elles forment aujourd'hui une des
tribua sous différens titres, et les fit trans- plus riches collections de la bibliothèque
crire , par ordre des matières, sur des re- du roi , où elles sont classées chronolo
gistres par son clerc Étienne du Gualt.giquement. Colbert , un siècle aupara
Un de ces registres existe >, en original, vant , avait fait faire le même travail dans
à la bibliothèque royale , qui en a aussi les archives du midi de la France par le
deux autres de la même époque. L'an- conseiller Doat , qui le dirigea avec un
cien Trésor des Chartes avait aussi un plein succès. Cette autre collection existe
exemplaire de ces registres de copies. | aussi , classée géographiquement, à la
Quant aux originaux , on présume qu'ils bibliothèque royale. Peu de pays en Eu
7
ARC ( 201 ) ARC
rope étaient aussi riches en archives que archives entières enlevés des pays étran
la France ; les soins attentifs que le gou- gers , conquis par les armées françaises,
vernement et les congrégations savantes étaient envoyésdans ce même dépôt, éta
donnaient à leur conservation , les dé- bli à l'hôtel Soubise , et dont la garde fut
penses considérables dont elles étaient confiée au docte et laborieux M. Daunou ,
l'objet de la part de leurs possesseurs , après la mort de M. Camus qui en avait
ont été pleinement justifiés par les avan d'abord, été chargé. On y vit arriver
tages multipliés qu'on en a retirés pour successivement les archives du Piémont ,
l'illustration des annales nationales. Les celles de divers pays du Nord , et les
recherches ne s'étaient pas même bor- archives pontificales. Celles-ci surtout
nées à la France : des travaux considé- furent l'occasion de beaucoup de re
rables et qui dúrèrent plusieurs années cherches , précisément parce qu'elles
furent faits à Londres par Bréquigny , à étaient secrètes à Rome ; la partie rela
Rome par Laporte du Theil , et il en ré- tive aux missions dans le Levant renfer
sulta un recueil de pièces historiques mait une foule de documens etde pièces
tirées de diverses archives d'Angleterre , imprimées ou manuscrites du plus haut
reliées aujourd'hui en 120 volumes in- intérêt. Avec toutes ces richesses , les ar
folio , et un autre recueil de pièces en chives nationales , et successivement im
50 volumes, contenant les lettres des pa- périales et royales , étaient distribuées
pes relatives à l'histoire de France. On fit en divisions française , italienne et alle
faire enfin , dans le même objet, l'exa- mande. Quand l'inconstance de la vic
men des archives des Pays-Bas, et une toire obligea la France à des restitutions,
troisième collection, en 220 volumes, en tout ce qui était venu de l'étranger lui a
fut aussi le fruit. Toutes ces collections été rendu , et les archives ont étéréduites
subsistent encore et sont fréquemment à ce qui appartenait proprement à la
consultées par nos annalistes. France. Un autre malheur provenant
On voit par cet exposé combien de des mêmes causes fut le remplacement
soins avaient été donnés par le gouver de M. Daunou par un homme peu au
nement , excité et éclairé par les com- fait d'un pareil emploi, et dont le défaut
pagnies savantes , à la conservation des de surveillancea été pour l'établissement
documens utiles à l'histoire nationale. une véritable calamité . En 1830 , M. Dau
Tel était l'état des choses en 1789 ; les nou a été réintégré dans ses fonctions
événemens de l'époque ne furent pas en remplacement de son successeur ,
favorables à de telles vues ; les grandes décédé. Lesarchives royales sont divisées,
corporations furent supprimées ; mais , d'après le tableau dressé en 1811 et im
malgré le malheur des temps , les archi- primé , en six sections : législative, admi
>

ves qui leur appartenaient ou qui étaient nistrative, historique , topographique ,


sous leur garde éprouvèrent moins de domaniale et judiciaire ; celle-ci en a été
dommages qu'on n'aurait pu en redouter détachée en 1832 et mise dans les attri
pour elles. Des hommes très savans , ap- butions du garde-des-sceaux. Des per
pelés aux premières fonctions de l'état , sonnes instruites sont attachées à chacune
usèrent pour la science de leur autorité des cinq autres sections, sous l'autorité du
passagère ; ils protégèrent les dépôts lit- garde-général.Les réglemens permettent
téraires : et enfin divers décrets régula- de délivrer des copies authentiques des
risèrent leur existence. " pièces déposées aux archives. Une déci
On établit d'abord des archives parti- sion ministérielle a réglé lesdroits à payer
culières pour les divers corps de l'état ; on pour ces expéditions. Les archives royales
y déposa temporairement des pièces qui dépendent du ministère du commerce et
n'avaient destination spéciale , et,
pas de des travaux publics.
par un décret de la Convention du 26 De tous les états étrangers , l’Angle
messidor an u de la république ( 14 juilletterre parait être celui où les savans et
1794), les archives nationales furent éta- l'autorité publique s'occupent le plus
blies , comme dépôt central pour toute la de la conservation et de l'accroissement
France. Les documens historiques et des des archives publiques. Plusieurs dépôts
ARC ( 202 ) ARC
de Londres jouissent sous ce rapport L'archivolte retournée est celle dont
d'une juste célébrité : on cite , outre le le bandeau n'est point interrompu et qui,
chartier du British-Museum , les gre se retournant sur l'imposte, se joint à un
niers de l'Échiquier , l'office des remem- autre bandeau ; ce genre d'archivolte ne
brences de cet Échiquier, et avec lui la convient que dans une ordonnance rus
trésorerie , l'office des augmentations, le tique.
Pipe - Office, ainsi appelé , dit -on , parce L'archivolte rustique est celle dont les
que les papiers étaient enfermés dans des moulures sont interrompues par une clef
tonneaux nommés pipe , la cour des gar-
> et des bossages. P -T .
des, la bibliothèque cottonienne , enfin ARCHONTES ( åpyww,-ròs ) , ma
les dépôts de la Tour de Londres. Il y a gistrats athéniens, dont l'origine datait
dans cette capitaleunecommission royale de l'époque de la mort volontaire de Co
des archives, et pour avoir une idée drus. Lorsque ce roi, pour accomplir une
complète et de ces collections diverses sentence de l'oracle de Delphes, se fut
et de tout ce que le gouvernement a fait dévoué pour le salut de sa patrie , les
en leur faveur, on doit consulter l'ou- Athéniens, après avoir aboli la royauté,
>

vrage publié par M. Cooper commis- nommèrent son filsainéMédon archonte,


saire royal pour ces archives, sous le titre ou chef de l'état. Il devait être responsa
de An account of the most important ble envers la république de son admi
public records,of Great Britain , and nistration ; sa dignité devait se transmet
the publications ofthe record commis- tre à sa postérité. Douze de ses descen
sionners, Londres ; 1832 , 2 vol. in-80
assez
. dans en furent revêtus en effet, et la con
Cet ouvrage contient aussi un servèrent pendant toute leur vie , depuis
grand nombre de pièces historiques pu- l'an 1068 jusqu'à l’an 752 avant notre ère.
bliées par l'auteur. Du reste , l'atten- | Après le dernier des archontes à vie ,
tion qu'on donne dans tous les états po- (voy. Alcméon), on institua un archonte
licés à la conservation des archives pu- pour dix ans ; il y en eut sept, dont les
bliques n'est que l'accomplissementd'un trois premiers furent encore de la fa
devoir de premier ordre , et l'intérêt des mille de Codrus. On altéra encore cette
>

particuliers, et celui des corps et corpo institution , en désignant neuf archontes


rations est en cela d'accord avec l'inié- annuels qui d'abord furent pris , par la
rêt général. On doit applaudir à ces voie du sort , parmi les Eupatrides. Ces
efforts, les encourager , les honorer me neuf magistrats se partageaient les affai
me : l'esprit du siècle n'est que trop res d'état ; le premier étant chargé de la
porté au mépris des idées et des docu- justice , le second du culte , le troisième
mens que les siècles passés ont légués à
de l'armée, et les autres de l'exécution
notre époque . des lois et de la police : ceux-ci étaient les
CH . F - C .
ARCHIVOLTE . Sous ce nom l'on | Thesmothètes ; tandis que l'archonte de
entend un arc contourné ou un bandeau la justice s'appelait Éponyme, celui du
orné de moulures qui règne à la tête des culte Basileus ou roi, et celui de la
voussoirs d'une arcade et porte sur les guerre Polémarque. Dracon était ar
imposte
suivent
s (voy. ce mot ). Les archivoltes chonte, lorsqu'il fit son code sanguinaire,
pour leurs ornemens les diffé- et Solon qui abolit ce code et changea la
rens ordres d'architecture ;ainsi Vignole constitution d'Athènes d'après le væu
nedonne qu'une seule face au toscan,deux général, appartenait également à ce corps
au dorique , trois à l’ionique et au corin- de magistrats. Selon la constitution de
thien. Les architectes ont généralement Solon , c'était parmi les archontes sortans
l'habitude de rompre l'uniformité de que l'on prenait les membres de l'Aréo
cette partie circulaire par une console page ( voy. ce mot ). Dans la suite l'insti
portant le caractère de l'ordre qui s'y tution des archontes subit encore des
trouve adapté. L'archivolte est aussidé- modifications. Lysandre fit nommer dix
corée par des figures, ainsi qu'on le voit archontes pour le Pirée. Les archontes
2

dans la plupart des arcs de triomphe an- avaient de grands priviléges. Leur per
tiques.
sonne était sacrée; ils présidaient aux cé
ARC ( 203 ) ARC
rémonies religieuses et surveillaient la , des fragmens des nombreux écrits de ce
classe des prêtres même. Le nom de l'ar- philosophe ; ils ne nous permettent pas
chonte éponyme s'inscrivait en tête detou- de juger de ses doctrines. On lui attribue,
tes les lois qui étaient rendues durant l'an- mais sans motif suffisant, un traité Dela
née de ses fonctions. Diverses conditions nature du tout , où sont développées les
étaient prescrites pour avoir droit à la di- dix catégories d'une manière conforme
gnité d'archonte. Chacun des trois pre- au système d'Aristote. On attribue encore
iniers archontes avait un tribunal parti- à Archytas la solution de plusieurs pro
culier. Les thesmothètes composaient un blèmes de géométrie et de mécanique ;
seul tribunal. D- G . on lui fait honneur de la méthode ana
Le titre de ces magistrats se trouve lytique dans les mathématiques. On lui
rappelé sur les médailles de plusieurs attribue l'invention de la poulie et on
villes qui étaient des colonies d'Athènes, raconte qu'il avait fabriqué un automate;
ou qui suivaient les lois des Athéniens. c'était un pigeon volant. Il parait qu'il y
Dans la Bithynie , les villes fondées ou a eu d'autres Archytas dans l'antiquité.
rétablies par Adrien eurent des ar- Voir Jos. Navarra, Tantamen de Archy
chontes. Ils sont indiqués par les initiales tæ vitá atque operibus , Copenhague ,
A, ou AR, ou APX . Cette magistrature, 1820, in -4 °, et Hartenstein, De Archytæ
qui d'abord avait été perpétuelle, cessa Tarentini fragmentis philosophicis.
de l'être et devint même annuelle : plu- (Lips . 1833.) D -G.
sieurs inscriptions indiquent sur les mé- ARCIS -SUR -AUBE , ville de 2,500
dailles que certains archontes le sont habitans , et chef-lieu de sous -préfecture
de l’Aube.
pour la seconde fois. Une quarantaine du départementd'Arcis-sur-Aube
de villes de la Grèce portent sur leurs Les combats et l'ac
médailles les noms de leurs magistrats, tion générale qui s'ensuivit peuvent être
avec le titre d'archontes. Quand ce titre considérés comme le fait le plus impor
n'est indiqué que par les lettres initiales, tant de la campagne de 1814 ; leur ré
on pourrait le confondre avec celui de sultat a marqué le dénouement de ce
A PXIEPEYE, archiereus, pontife. drame à jamais mémorable. Ce fut après
Le titre d’archonte donné à des fem- cette action que les alliés s'avancèrent
mes est rare , mais il n'est pas sans exem- sur Paris , dont il devenait dès lors im
ple. Pellerin et Neumann en citent plu- possible de leur fermer le chemin. Là se
sieurs sur les médailles de Byzance et résume cette courte campagne, qui est
d'Acmonia , ville de Phrygie .' D. M. un des plus beaux faits d'armes de Na
ARCHYTAS,deTarente, philosophe poléon et de son héroique armée. Jamais
pythagoricien qui florissait vers le milieu celle-ci n'avait montré plus de constance
du ve siècle avant notre ère ; il fut re- et de dévouement ; son chef, cette fois ,
nommé pour ses écrits sur les mathé- n'en était plus l'unique objet, ils'agissait
matiques et la philosophie , et par ses par-dessus tout de la patrie.
actions comme homme d'état et comme Quatre armées composant une masse
général, sur lesquelles d'ailleurs nous de 887,000 combattans, tant Autrichiens
avons peu de détails . Il fut un des mai- que Russes , Prussiens , et autres , Alle
tres de Platon . Il fit naufrage sur la côte mands, Suédois,2 Hollandais et Anglais ,
de la Pouille, et son corps fut enterré par étaient en marche ou débouchaient de
un marin , ce qui a inspiré à Horace l’i- toutes parts pour opérer leur jonction
dée d'une ode où il fait errer l'ombre du entre Troyes, Arcis-sur -Aube et Vitry.
vieux philosophe sur la plage qui recé- Dès le 25 janvier 1814, et après une série
lait sa dépouille mortelle. d'actions et de combats où elles avaient
Te maris et terræ numeroque carentis arenæ eu tous les avantages de l'offensive, les
Mensorem cohibent, Archyta , etc.
deux principales armées de la coalition
(Od. lib. 1). (celle de Bohéme , forte de 261,650
Peut-être le poète avait recueilli sur hommes , sous les ordres du prince de
les lieux quelque tradition concernant Schwarzenberg , et celle de Silésie ,
le naufrage d'Archytas. Il ne reste que commandée par lefeld -maréchal Blücher,
ARC ( 204 ) ARC
comptant 137,000 combattans à l'ouver- | marcher contre Paris et se rapprocher
ture de la campagne) se trouvaient oc- de Blücher , qui n'avait pu effectuer le
cuper une ligne d'opérations , dont la même mouvement. Aussitôt l'empereur ,
Marne formait le centre de communica- qui en quittant Reimslaissait à Marmont
tion.Le mêmejour accourait de Paris ,pour et à Mortier le soin d'observer l'armée
faire tête à l'invasion ,l'empereurdes Franc de Silésie , s'avance pour prendre Schwar
çais , dont alors les forceś s'élevaient à zenberg en flanc et percer sa ligne. Pré
peine à 60,000 hommes. Cette immense cédé du maréchal Ney , qui balaie devant
infériorité numérique ne l'empêcha pas lui les Prussiens à Châlons , il passe

de se jeter sur le centre d'opérations de l'Aube à Plancy, le 19, et prend position


l'ennemi , dont les deux armées , enflées devant Arcis , qu’occupait l'ennemi.
d'un premier succès obtenu le 1er février C'est là que , le 20 mars , il accepta la
entre Brienpe et La Rothière , se sépa- bataille que lui présenta Schwarzenberg ;
rèrent pour marcher simultanément celui-ci, quoique ses forces fussent tri
contre Paris ; la première , en longeant ples , ne se décidait à la livrer qu'à l'in
les rives de la Seine , la deuxième, en citation d'Alexandre , dans un de ces
côtoyant la Marne par Meaux. conseils où s'assemblaient les souverains
On verra aux articles consacrés aux alliés .
combats de Champaubert , Montmirail , Les incertitudes de l'empereur d’Au
Château- Thierry , Vauchamp et Monte- triche, dont l'armée , sous les ordres du
reau , quel parti Napoléon sut tirer, dans général Giulay , venait de s'isoler encore
la situation critique où il se trouvait , de du mouvement général des alliés , et par
la faute que trop de présomption avait dessus tout les probabilités qu'en ce
fait commettre à l'ennemi . Jamais le grand moment extrême il répugnerait à son
capitaine n'avait maitrisé la fortune par beau - père de concourir à l’écraser ,
de plus admirables conceptions. Mais avaient trompé Napoléon sur l'immi
croyant, dans l'illusion de son orgueil , nence du péril de sa situation . Pensant
ressaisir le sceptre du monde, il rejeta d'ailleurs que les Autrichiens étaient en
les conditions de paix qui lui étaient retraite sur Troyes et Dijon , il crut qu'il
offertes par les souverains dont les forces suffirait de les faire suivre par les
couvraient la France. Voy. Congrès de dragons de sa garde , quimasqueraient
CHATILLON. leurs derrières et empêcheraient les au
Ayant fait de nouveau leur jonction , tres corps ennemis de s'y appuyer. Il
les deux armées ennemies occupaient la n'eut pas plutôt reconnu cette double
rive droite de la Seine depuis Mery jus- erreur qu'à la tête de toute sa garde à
qu'à Troyes; elles pouvaient reprendre cheval il vint reprendre position sur la
l'offensive : elles s'arrêtèrent dominées rive droite de l'Aube , dont la garde à
par l'opiniâtreté de Napoléon , et par les pied devait occuper la rive gauche.
longueurs diplomatiques qu'il employa Là manæuvrait en plaine une nom
pour gagner du temps ; enfin , les nou- breuse cavalerie russe , dont , par une
velles reçues du midi de la France les erreur nouvelle , Napoléon se persuada
décidèrent encore à changer de plan : que le but était de couvrir une retraite :
elles se séparèrent . il se flattait de surprendre ce corps , mais
Après les événemens divers des jour- au lieu de cela >, les généraux Sébastiani
nées de Craone (7 mars) >, de Laon (9 et et Excelmans , envoyés pour le recon
10) et de Reims (13) , Napoléon qui , en naître , se trouvèrent engagés sous le feu
définitive , par l’occupation de cette der- de 60 pièces en batterie , devant une im
nière ville dominait les mouvemens de portante masse de cavalerie qu'appuyaient
l'armée de Silésie >, mais dont les propres des lignes d'infanterie. Voyant ployer ses
plans étaient dérangés par la défaite de escadrons, Napoléon se jette au - devant
son aile droite , s’en tenait depuis plu- d’eux, leur adresse une allocution pleine
sieurs jours à observer l'ennemi, lors- de feu , met lui-même l'épée à la main ,
qu'à son tour le prince de Schwarzen- et ramène au combat ceux dont il venait
berg, avec la grande armée, s'ébranla pour ! d'arrêter la fuite , non par la seule magie
>
ARC ( 205 ) ARC
de ses paroles , mais surtout par son at- ral Sébastiani, qui n'eurent pas de peine
titude imposante. On dit que, se mettant à démontrer quec'étaitcompromettre ses
en travers du pont par où passaient les dernières ressources que de hasarder une
fuyards, il s'était écrié , avec un accent bataille en pareille position et avec des
terrible : « Voyons qui de vous passera forces aussi inégales , Napoléon, sans pa
avant moi ! » L'action rétablie , il s'enga- raître interrompre la suite de ses ma
gea à tel point que plusieurs fois son ma- næuvres, donne l'ordre de repasser l'Au
melouk eut à tirer le sabre pour le défen. be , fait filer, dans la direction de Vitry
dre ; il faillit même être percé par la et de Saint-Dizier, l'artillerie , les baga
>

lance d'un Cosaque, dont le coup fut heu- ges et le gros de sa troupe ; et, pour mas
reusement détourné par un officier qui quer cette retraite opérée à la vue de
se jeta au - devant; enfin le cheval qu'il l'ennemi , il lui suffit de quelques briga
montait fut abattu par un boulet. Jamais des , commandées par le duc de Reggio
soldat ne se montra plus intrépide que et le général Sébastiani. Contre cette in
Napoléon le fut dans cette journée, di- | trépide arrière-garde échouèrent tous les
gne d'effacer celle d'Arcole (voy.) , si le efforts du prince royal de Wurtemberg
résultat en eût été aussi heureux. et de Giulay. A minuit >, toute l'armée
Tandis qu'à la tête de quelques braves était sortie des mauvais chemins de Vi
le maréchal Ney , près de Torcy , soute- try, le pont d'Arcis était coupé, et le duc
nait en désespéré le choc des Bavarois , de Reggio avait rejoint le corps de Mąc
dontles rangs commençaient à ployer de - donald.
vant lui , deux corps de grenadiers et de Si , par cette retraite admirablement
cuirassiers russes accourent et changent opérée , et dont il semble qu'on n'a pas
l'aspect de cette lutte furieuse ; mais vers
assez remarqué le fait stratégique , à
la fin du jour notre ligne se trouva à son cause de la préoccupation qu'on aa mise
tour appuyée par la garde accourue de à en expliquer l'intention très diverse
Plancy, et alors recommence le plus ef- mentinterprétée, l'empereur laissait dé
froyable carnage. Les forces décuples couvert Paris, qu'avec raison il croyait en
sous le feu desquelles nos bataillons res- état d'opposer aux alliés“ plusieurs jours
tent impassibles ne peuvent décider Na- de résistance , du moins il pourvoyait au
poléon à lâcher pied la nuit; et la fatigue plus pressé en gagnant du temps et en
des combattans mettent seules un terme sauvant d'un immanquable échec l'armée
à cette boucherie qui resta sans résultat : qui lui restait , et autour de laquelle il
de part et d'autre on conserva ses posi- espérait rallier promptement les masses
tions; mais Arcis-sur-Aube et le village que le patriotisme, tel qu'il le concevait ,
de Torcy étaient devenus la proie des ne pourrait manquer de faire accourir
flammes. de tous les points de la France, contre
Napoléon, qu'avaient rejoint le corps un ennemi non plus aux prises avec le
du duc de Reggio et la cavalerie des chef , mais avec la capitale de l'empire.
généraux Defrance et Saint - Germain , | Il pouvait d'autant moins douter du dé
et qui n'attendait que la pointe du jour vouement de la population de Paris, qu'il
pour recommencer l'action , trouva cam- croyait ses intérêts liés à sa propre cause,
pé sur les hauteurs de Mesnil-la-Com- qu'elle lui avait toujours témoigné un vif
tesse , dans uneattitude et avec des for-
> attachement, et qu'elle était en réalité
ces encore plus menaçantes que la veille, l'objetde toutes ses préférences. Il faut
l'ennemi dont il avait pris le mouvement observer que huit jours de résistance, en
rétrograde pour un commencement de donnant aux levées en masse le temps
retraite. Des deux côtés , on fit, en s'ob- de rejoindre l'armée, eussent mis les
servant , les dispositions pour une action alliés dans une position bien critique.
générale ; il était une heure, et nos trou- Malheureusement l'honneur national
pes , débouchant d’Arcis , s'étaient for- manquait de son indispensable point
mées en ligne dans la plaine. Tout à d'appui , la liberté. L'empereurAlexandre
coup se décidantà ce parti sur les repré- décida les alliés à ne pas poursuivre Na
sentationsde l'intrépide Ņey et du géné- poléon , comme le voulait prudemment
ARC ( 206 ) ARC

Schwarzenberg , et la marche directe de


> Nicolaï Archii comitis Numeri, Mantoue,
toutes les forces des alliés sur Paris dé- 1546, in-4°,> et Vérone , 1762, in -8º. On
concerta les derniers plans de Napo- les trouve aussi, jointes à celles de Fu
léon . P. C. mano et de Fracastor, dans les onze vo
ARCISCEWSKI (CHRISTOPHE ) , fils lumes in - 4º publiés par Comino , en
>
.

>

d'un colonel au service de la république 1739 . L. L. O.


de Pologne. Contraint, pour ses opinions Plusieurs autres membres de cette an
religieuses, de quitter sa patrie , il se cienne famille ont joué un rôle dans l'his
rendit en Hollande à l'époque où cette toire ; l'un d'eux , François Arco , ré
république était au faite de sa puissance; gna comme duc de Siène,
après la conquête du Brésil par les Hol- PHILIPPE Arco , général des troupes
landais sur les Portugais , il fut nommé impériales , livra en 1703 la forteresse
gouverneur général de cette partie du deNeuf-Brisach au duc de Bourgogne. Il
Nouveau-Monde , et il construisità Rio- fut accusé de haute trahison et décapité
Janeiro , à Bahia et à Fernambouco des en 1704.
forteresses , dont il dirigea lui –même Un autre Arco du même prénom , né
les travaux. Il joignait à la bravoure à Munich en 1775 , fut un administra
militaire une grande connaissance des teur habile et actif. Il mourut à Ulm en
sciences mathématiques et du génie. Les 1805 , après avoir été commissaire gé
Hollandais , reconnaissans , frappèrent, néral de la Souabe au nom de la Bavière.
>

en 1657 , une médaille en son honneur, GIAMBATTISTA Arco , intendant im


avec une couronne de lauriers et l'ins- périal à Mantoue, est celui qui découvrit
cription suivante : Victricem accipe lau- un buste original de Virgile. Il a écrit
rum . Host. Hisp. profligatis. Il mourut une dissertation sur le troubadour Sor
dans la Grande - Pologne , à Leschno dello , et un éloge du comte Firmian
(Lissa , en 1668 .
19
J. T - 1. ( 1783 ). S.
ARCO , en français l'archet.Ontrouve ARCOLE (BATAILLE DD' ). Elle eut
sur les notes musicales cette inscription : lieu du 15 au 17 novembre 1796 , près
con l'arco ; elle prescrit de ne plus pin- du village de ce nom , situé dans la délé
cer les cordes avec les doigts , mais de gation de Mantoue , du royaume Lom
reprendre l'archet. Voy. Violon, Basse bard - Vénitien, sur l'Alpon , petite rivière
et Pizzicato. qui, venant du nord , se jette près de
ARCO (Nicolas, comte d '),passe pour Ronco , peu au-dessous d'Arcole , dans
e
un des bonspoètes latins du xviº siècle; l'Adige.
sa famille,issue descomtes de Bogen , et qui Depuis le 13 septembre le feld -maré
a quelque célébrité historique, possédait chal autrichien Wurmser ( voy.) était
dès le xite siècle le fief d'Arco ou Arch , dans Mantoue où l'armée française le te
petite ville du Tyrol , située dans le dio- nait bloqué ; mais la retraite de Moreau
cèse de Trente, et dont l'empereur Sigis- ayant permis à l'Autriche de reprendre
mond fit , en 1413 , le chef-lieu d'un l'offensive en Italie , le général Alvinczy
comté. La première partie de la vie du (voy.) y fut envoyé avec environ 50,000
comte Nicolas fut toute militaire et po- hommes divisés en deux colonnes , dont
litique. Il était né en 1479 ; son père , le l’une >, sous le commandement de Davi
comte Oderic , conseiller intime de Ma- dowich , longea l’Adige depuis le Tyrol ,
ximilien , le plaça d'abord à la cour, en et dont l'autre , dirigée par le général en
qualité de page. Depuis , il servit sous chef en personne, était partie du Frioul,
Wolfgang de Furstemberg ; il fut ensuite avait marchésur Vicence, et menaçait Vé
revêtu de quelques emplois assez impor- rone. Après avoir fait essuyer, le 12 no
tans ; mais il parait que la vie calme et vembre, un échec aux divisions Augereau
littéraire lui plaisait par-dessus tout, car et Masséna réunies, Alvinczy se prépara
il se retira de bonne heure dans son fief à passer l'Adige pour délivrer Mantoue.
d'Arco , où il ne s'occupa plus que de Mais Bonaparte accourut : il y allait de
poésie et de l'étude des anciens. Ses oeu - la possession de l'Italie dont les Français
vres latines furent publiées sous ce titre : | couraient la chance d'être définitivement
ARC ( 207 ) ARC

expulsés. Après avoir pourvu à la défense , très considérable, puisque sept de leurs
de Vérone, il passa l’Adige près de généraux furent blessés au seul pont
Ronco . Pour prendre en flanc l'armée d'Arcole. J. H. S.
autrichienne dont le quartier - général ARCOLE ( PONT D' ) , à Paris. C'est
était à Caltiero il y avait deux routes à le premier pont suspendu qui ait été
suivre , l'une à gauche en remontant construit dans cette capitale ; il joint les
l'Adige sur la rive gauche, l'autre à droite deux rives de la Seine entre le quai de
le long de l'Alpon et jusqu'à Arcole. Plu- la Cité et la place de Grève. Élevé sous
sieurs ponts sont jetés sur l’Alpon , l'un la direction et d'après les plans de M. de
à Ronco, l'autre près d'Arcole, et un troi- Vergés, ingénieur des ponts et chaussées,
sième plus haut , à Saint- Boniface. C'est dans le cours de l'année 1828 , il a porté
>

le second passage que le général en chef jusqu'en 1830 le nom de pont de l'H6
de l'armée française choisit pour princi- tel-de - Ville, et il doit celui qu'il a au
pal point d'attaque: il fut défendu par le jourd'hui à un beau trait de dévouement
général Mitrovski avec 14 bataillons et de la révolution de juillet. C'était le 28
deux escadrons ; le général Provéra se de ce mois : les Suisses postés à l'Hôtel
porta en face de Masséna près de Porcile de-Ville battaient le pont d'une fusillade
et Bioude. Augereau , à la tête de deux effroyable : la mitraille augmentait en
bataillons de grenadiers , s'élanca, le 15, core le danger ; quelques citoyens armés ,
vers le pont d'Arcole ; mais pris en franc venant de la Cité pour rejoindre leurs
par le feu des ennemis , il dut se replier. frères,hésitaientà passer, lorsqu'un jeune
Alors Bonaparte saisit le drapeau d'un homme sort des rangs , saisit un drapeau
des bataillons de grenadiers et l'arbora tricolore , s'élance jusqu'au milieu du
lui-même sur le pont. Les grenadiers le pont , y plante son étendard en criant :
suivirent avec impétuosité ; mais le feu Si je meurs, je m'appelle d'Arcole ! H
ennemi redoubla à tel point qu'ils ne pu- dit, et tombe. Depuiscette époquelepont
rent avancer. Ils entrainèrent dans leur a conservé le nom de ce nouveau Décius ,
fuite le général en chef qui même , dans et l'on voit sur l'arcade supérieure ces
le désordre qui en résulta , fut jeté de la mots gravés : 28 juillet 1830 . V. R.
digue dans le marais qui régnait tout au- ARÇON (manége). On comprend sous
tour. Plusieurs généraux français furent ce mot toutes les pièces qui composent
tués, et Lannes, Béliard et Vignole blessés la charpente de la selle ; elles sont ordi
successivement. Bonaparte , repoussé par nairement en bois de hêtre, et présentent
des forces supérieures , repassa l’Adige , un assemblage en forme de compas ou
ne laissant à la gauche de ce fleuve qu'une vert ou d'arc tendu. La partie du devant
brigade pour en garder le pont ; mais le est réunie à celle de derrière par deux
16 il le repassa , et Masséna ayant cul- planchettes en même bois, qu'on appelle
buté les troupes de Provéra , Augereau les bandes (voy. SELLE).
put s'avancer de nouveau jusqu'au pont Il y a plusieurs espèces d'arçons ; en
d'Arcole. Après une lutte acharnée les général ils varient suivant les chevaux ;
Français repassèrent encore une fois l’A- c'est ainsi que l'on appelle arçon de la
dige , et ce ne fut que le lendemain 17 selle rase celui qu'on emploie pour les
qu'ils réussirent à s'emparer du pont selles de l'équipage à la française; l'àr
d'Arcole et à chasser les Autrichiens jus- çon renversé est d'usage pour les selles
qu'à Montebello, et ensuite jusqu'à Vil- de l'équipage à l'anglaise. On compte en
lanova. Davidowich , attaqué alors à la core l'arçon de dame, puis l'arçon à pa
fois lettes et l’arçon à la horgroise dont on
par les divisions Vaubois , Masséna
et Augereau, dut également opérer sa re- se sert pour les selles de hussards et au
traite , avec une perte très considérable. tres équipages militaires.
On a porté celle des Autrichiens pen- Grace à une invention moderne , il
dant les trois journées à 18,000 morts existe aujourd'hui des selles à double ar
et blessés et à 6,000 prisonniers ; mais çon, l'un supérieur,l'autre inférieur, dont
ces chiffres sont évidemment exagérés. les avantages sont désormais incontesta
La perte des Français dut aussi être bles. Cetappareila pour résultat de con
ARC ( 208 ) ARC
server l'équilibre au cavalier , en main- taque de Gibraltar fut tracé par le duc de
tenant le cheval dans son mouvement Crillon sur les dispositions que d’Arçon
uniforme; car il n'est plus désuni par les avait indiquées; mais il fut exécuté sans
vacillations du cavalier , qui de son côté ensemble : '12 machines qu’on avait cons
éprouve moins de fatigue du trot devenu truites eurent à supporter seules tout le
à peine sensible. feu de l'ennemi ; les autres restèrent en
On appellepistolets d'arçon ceux que arrière. Le succès de cette expérience
l'on place dans les fontes de la selle. On n'ayant pas été décisif , on changea sur
dit d’un cavalier qui tombe, et au figuré le-champ d'opinion , le projet de d’Ar
d'un homme qui se déconcerte, qu'ilperd çon fut abandonné , et on brûla toutes les
>

ou vide les arçons. Par opposition , un prames. D’Arçon , auquel Elliot , le dé


bon cavalier , un homme inébranlable fenseur de Gibraltar, rendait plus de
dans ses opinions est ferme sur ses ar- justice , se plaignit avec raison de n'avoir
çons . V. R. pas été bien secondé , et persista dans
>

ARCON (Jean Claude ÉLÉONORE son opinion. Cependant son zèle et son
LE MICHAUD, dit d’ ) , dont les batteries dévouement à son pays n'en furent point
>

flottantes conçues pour renverser Gibral attiédis . En 1793 , il se fit remarquer


tar popularisèrent leaunom en Europe , dans la guerre de siéges de la Hollande ,
naquit à Pontarlier, milieu des mon- et Breda s'ouvrit devant lui . Une dénon
tagnes du Jura , en 1733. Destiné par ciation l'arrêta dans cette carrière, et de
son père, qui fut jurisconsulte distingué, puis il se livra exclusivement aux travaux
à la prêtrise, il trompa cette direction et du cabinet. Nommé membre de l'Institut
préféra au latin la science dont Vauban et porté au sénat en 1799 >, il mourut le
traça les principes dans ces fortifications 1er juillet 1800 , à l'âge de soixante -sept
ans .
admirables qui protégent la Franche
Comté. Renonçant donc au canonicat Le plus importantde tous ses ouvrages
de l'abbaye de Montbenoit , il passa , en
> est intitulé : Considérations militaires et
1754 , à l'école de Mézières. L'année politiques sur les fortifications, et a été
suivante , il fut reçu ingénieur. Lors de publié aux frais du gouvernement en
la confection de la carte du Jura et des 1795 : c'est le résumé de ses opinions.
Vosges , il introduisit une méthode de Considérant que les Français sont su
levéplusexpéditive, en séparant,dans les périeurs dans l'attaque , il veut que nos
opérations, la triangulation et le figuré frontières soient garnies d'un réseau de
du terrain ; il inventa aussi en 1774 le places , et que celles-ci ne fassent qu'un
lavis à la sèche avec un seul pinceau , si seul tout avec l'armée. Il insiste partout
supérieur au lavis ordinaire. Il s'occupa cependant sur l'utilité de se ménager des
en même temps des questions de tactique retours offensifs contre l'ennemi, et com
que le comte de Cuibert avait mis à l'or- mence à apercevoir l'avantage des camps
dre du jour, et osa se prononcer pour retranchés. Ses données sur le choix des
l'ordre profond contre le grand Frédéric. positions méritent une étude spéciale.
Attaché à l'armée que commandait le ma J. F. C.
réchal de Broglie , il chercha en 1780 les
> D'Arçon fut un habile ingénieur, d'un
moyensd'enleverGibraltar à l'Angleterre.. esprit fécond, d'une imagination arden
Il rédigea alors son projet de batteries te , et d'un courage et d'une résolution
flottantes, insubmersibles et incombusti- capables de surmonter les plus grandes
bles. Ces batteries flottantes étaient revê- difficultés. cte . M. D.
tues d'une forte cuirasse en bois du côté ARÇONNEUR , ouvrier employé
de l'ennemi , et une circulation d'eau était dans la fabrication , et principalement
ménagée au milieu du massif. Le côté non dans celle de la chapellerie , à diviser et
armé était chargé du lest nécessaire . Il dilater, d'une façon analogue au cardage,
employait aussi le blindage et de vieux les bourres végétales ou animales propres
câbles pour amortir l'effet des projectiles. | à la filature , au feutrage et à ouater.
Ce projet hardi ayant été accueilli avec en- Cette opération s'exécute au moyen d'un
thousiasme en 1782 , le plan entier d'at- instrument en forme d'archet, muni d'une
1
ARC ( 209 ) ARC
corde à boyau. On suspend l'arçon au ment , Louis - Lazare Tiroux d'Arcon
plafond avec une cordeattachée peu ville . D'abord elle eut une grande pas
près au milieu de l'arc , au -dessus d'un sion pour la poésie , puis elle se prit
établi fait d'une claie d'osier. A l'aide d'enthousiasme pour la science , et étu
d'un outil nommé coche, l'ouvrier abaisse dia à la fois les branches les plus oppar
la corde à boyau et la met en vibration ; sées. Physique, chimie , botanique, agri
dans ces mouvemens la matière filamen- culture, anatomie , éducation, littérature,
teuse, saisie et chassée avec force, se di- morale , tout était de son ressort; elle écri
vise et se raréfie au point que le plus lé- vit un grand nombre d'ouvrages sur tou
ger souffle la ferait envoler ; lorsqu'elle tes sortes de matières , et les publia sous
est ainsi séparée etrendue légère, l'ouvrier le voile de l'anonyme. Outre ses poésies ,
termine en faisant jouer l'arçon à petits ses romans et ses ouvrages sur la science
coups, de sorte que la matière en retom- dont un traité Sur la putrefaction , on a
bant forme un tas triangulaire plus épais de Mme d’Arconville une Vie du cardi
au centre qu'aux bords , et qu'on appelle nal d'Ossat, 1771 , 2 vol. in-8°; une Vie
capade. Cette dernière opération , qui de Marie deMédicis, 1774, 3 vol. in-8°,
précède celle dufeutrage des chapeaux, et une Histoire de François II , roi de
est difficile et demande une grande ha- France, 1783 , 2 vol. in -8° . Elle publia
bitude. On a dans quelques établisse aussi beaucoup de traductions de l'an- .
mens substituéà cet appareil celui que glais.
nous allons décrire. Il se compose d'un Elle mourut en 1805, laissant de nom
cylindre tournant, percé à sa surface de breux manuscrits. Plus de 70 volumes
petites fentes longitudinaires , et dans le- sont remplis d'anecdotes et de poésies
quel sont tendues parallèlement, d'un relatives aux événemens qui se passaient
bout à l'autre, des cordes à boyau . Des à la cour et dans la société où elle vivait. S.
bras tenant à l'axe du cylindre sont char- ARCTIQUE ET ANTARCTIQUE ,
gés de mettre ces cordes en vibration; un voy . PÔLE .
homme fait tourner l'axe, et la vibration ARCUEIL ( Circus Julianus ),village
des cordes résultant de ce mouvement situé à une lieue de Paris , sur la route
arçonne et nettoie la matière introduite de Fontainebleau . Il tire son nom de l'a
dans le cylindre; la poussière qui s'é- quéduc que Julien, pendant son séjour
chappe à travers les fentes est reçue dans à Paris, fit construire pour amener les
une boîte qu'on peut se dispenser de re- eaux de Rongis au palais des Thermes.
couvrir lorsqu'on applique à la mécani- On en voit encore des restes contigus à
que un moteur étranger. Au reste tout l’aquéduc moderne. Ce dernier fut cons
le monde peut voir à présent cet ingé- truit en 1618 , sur les desseins de Jac
nieux appareil employé dans les rues par quesDesbrosses, par ordre de Marie de
les cardeurs de matelas. L'arçonnage est Médicis, à l'effet de conduire les eaux de
plus avantageux que le cardage , en ce Rongis dans le jardin et le palais du
qu'il divise naturellement ce que celui-ci | Luxembourg qu'elle faisait bâtir. Il tra
casse et brise ; aussi dans le Levant est- verse le vallon de la Bièvre dans une lar
ce ainsi qu'on prépare le coton destiné à geur de 200 toises, et s'élève de 12 toises
la filature. au-dessus du niveau de cette petite ri
Le travail de l'arçonneur est malsain : vière ; les arches dont il se compose sont
la poussière qu'il fait voler affecte d'une au nombre de 24. La longueur totale de
manière fâcheuse les yeux et la poi- cet aquéduc est de 7,000 toises; il est
trine. V. R. souterrain , et aboutit à un château d'eau
ARCONVILLE (MARIE-GENEVIÈVE- placé près de l'Observatoire . On voit dans
CHARLOTTE), née d'Arlus . Cette dame dis- Saint - Foix qu'au siècle dernier Paris
-

tinguée , qui fut occupée toute sa vie à n'avait d'autres eaux que celles qui lui
orner son esprit de 'connaissances utiles venaient d'Arcueil , ou qui étaient distri
et à les faire tourner ensuite au profit buées de la Seine dans la ville, à l'aidedes
de ses semblables , naquit en 1720 et machines hydrauliques du Pont-Neuf et
épousa à 14 ans un conseiller au parle- | du pont Notre-Dame. Les eaux d'Arcueil
Encyclop, d . G. d . M. Tome II. 14
ARD ( 210 ) ARD
alimentent encore la partie méridionale , au -dessus du Pont-Saint-Esprit. Cetle
de Paris ; elles sont assez claires , mais rivière roule des paillettes d'or , et elle
elles contiennent beaucoup de sulfate de cause quelquefois de grands ravages à
chaux , ce qui les rend peu propres aux l'époque de la fonte des neiges. Dans la
usages domestiques; elles déposent un sé- partie supérieure de son cours , l'Ardè
diment très abondant qui bouche les che offre plusieurs curiosités. A l'endroit
tuyaux de conduite, et qui même encroûte appelé le Ray-Pic , elle tombe d'une ro
assez promptementle corps qu'on y laisse che basaltique élevée de 120 pieds, et l'on
plongé. Anne de Lorraine , prince de peut passer sans danger entre la roche et
Guise , Jodelle , Laplace , Berthollet et l'énorme colonne d'eau qui se précipite
le fameux marquis de Sade eurent des avec un grand bruit. Indépendainment
maisons de campagne à Arcueil. Du de cette belle cascade, l'Ardèche présente
temps de Berthollet, il s'était formé à encore le fameux pontde l'Arc qui con
Arcueil une société à laquelle ont appar- şiste dans une arcade demi-circulaire qui
tenu la plupart des savans du commen- a 180 pieds d’une culée à l'autre et 90
cement de ce siècle, et qui s'occupait spé- pieds de hauteur. La rivière passe au
cialement des sciences physiques. Cette dessous , et tout porte à croire que ce
société a publié plusieurs volumes de ses sont ses eaux qui ont , par un travail lent,
travaux, sous le titre de Mémoires de la perforé ce rocher et accompli cet éton
Société d 'Arcueil ;elle n'a pas donné de- nant ouvrage. Le pontde l'Arc est situé
puis long-temps signe d'existence. R-Y. dans un vallon sauvage , à 5 lieues au
ARCURE , terme de jardinage. C'est nord-ouest du Pont-Saint -Esprit.
une opération qui consiste à courber en Le département est borné à l'est par
forme d'arc les jeunes branches d'arbres le Rhône , qui le sépare du dép. de la
qu’une végétation trop luxueuse empê- Drôme; au sud , par le dép. du Gard ; au
che de donner du fruit. Ainsi gênée nord, par celui de la Loire; et à l'ouest
.

dans ses mouvemens , la sève produit des par ceux de la Lozère et de la Haute
branches à bois moins vigoureuses , et Loire. Il s'étend dans un espace de 27
donne naissance à un plus grand nom lieues de long sur 16 de large ; sa super
bre de boutons à fleurs. ficie est de 299 lieues carrées , et sa po
Quelques jardiniers ont cherché à pulation de 340,734 habitans. La sur
remplacer entièrement la taille par l'ar- face de ce département est , excepté le
cure . Il est vrai qu'ils ont obtenu pen- long du Rhône, hérissée de montagnes,
dant quelques années une grande quan- toutes appartenant à diverses ramifica
tité de fruits ; mais ils ont aussi reconnu tions des Cévennes ; le point le plus élevé
qu'une fructification surabondante est est le Mézin , où la Loire prend sa sour
peu désirable , puisqu'elle nuit à la qua- ce , et dontla hauteur est , suivant Adan
lité des produits, et qu'elle abrége la du- son , de 2,000 mètres au-dessus du ni
rée de l'existence des arbres. On ne doit veau de la mer. Indépendamment de
donc recourir à l'arcure que dans des l’Ardèche, il y a dans le département un
circonstances particulières et toujours grand nombre de rivières , mais peu con
avec modération . O. L. T. sidérables; on y compte aussi plusieurs
ARDÈCHE (DÉPARTEMENT DE L '). Ce lacs , dont le plus important est l’Issarlès,
département de la France, formé de l'an- situé dans la partie occidentale. Les ri
cien Vivarais en Languedoc , est ainsi chesses minérales de l'Ardèche sont im
nommé de la rivière qui le traverse. menses , mais elles sont en général mal
L'Ardèche prend sa source au lieu dit exploitées. Il y a des mines de plomb ,
cap d'Ardèche, à peu de distance de de cuivre, d'antimoine , de fer, de man
celle de la Loire. Elle se forme de la ganèse et de houille ; on y trouve des
réunion de plusieurs ruisseaux qui se marbres de diverses couleurs ,du basalte
précipitent, de cascade en cascade, du pic qu’on emploie aux constructions , de l'ar
supérieur de ce sommet des Cévennes; et gile propre aux diverses poteries , des
après un cours d'environ 28 lieues elle silex pour faire des pierres à fusil. Quel
se jette dans le Rhône à une demi- lieue ques portions de terrain sont couvertes
ARD ARD
( 211 )
de pierres ponces et de pouzzolane qui d'animaux. Le beurre et le fromage for
attestent l'origine valcanique de quel- ment une ressource importante pour les
ques-uns de ses sommets ; il y a plusieurs habitans. On estime qu'il y a dans le dém
a

sources d'eaux minérales dont les bains partement 28,800 hectares en bois , et
sont fréquentés. La fontaine intermit- 16,000 en vignes. Le produit moyen de
tente de Boulègne offre des particula- l'hectare de terre ' labourable est de
rités fort remarquables; elle cesse de 19 fr. 48 c. , et le revenu territorial de
couler pendant 10 , 15 , 20 et même 2513,210,000 fr. L'industrie manufactu
ans , après ļesquels elle recommence à rière est portée à un très haut degré. La
couler pendant 1 , 3 ou 6 mois. Parmi préparation des peaux , la papeterie qui
7

les autres curiosités naturelles de ce dé- fournit entre autres les papiers d’An
partement, qui sont très nombreuses , nonay si renommés dans toute l'Europe,
on remarquelepontnaturel de l’Ardèche, des fabriques de divers tissus, et surtout
les grottes de Vallon , le gouffre de la les filatures de soie, en forment les articles
Goule, les colonnades basaltiques du principaux. La navigation du Rhône et
+
Coyron qui ont plus de 300 toises de plusieurs bonnes routes favorisent le
longueur. Le sol est en général sablon - développement de cette industrie ' qui
neux ; le climat est très tranché suivant peut recevoir encore des accroissemens
les diverses hauteurs. La vallée du Rhône considérables. Le chef -lieu de ce dépar
est très chaude, et l'abri que les monta- tement est Privas ; il formé trois arron
gnes y procurent aux cultures permet d'y dissemens dontles chefs-lieux sont , avec
élever les oliviers jusqu'aux bords de Privas , l'Argentière et Tournon . On y
l'Eyrines , par 44° 50' de latitude; c'est compte 31 justices de paix et 335 com
le point le plus septentrional où croisse munes. L'Ardèche nomme quatre dépu
cetarbre en France.On y cultive aussi le tés, et appartient à la cour royale de
7

figuier. A sept lieues du Rhône , à peu Nimes , à la ge division militaire , et au


près , le sol s'élève , et la vigne prend la diocèse de Mende.Les réformés y ont 5
>

place de l'olivier. Les vins de cette con- églises. P. A. D.


trée sont estimés , entre autres ceux de ARDÉE , ville du Latium , capitale
Saint-Péray. Leś můriers , qu'on cultive des Rutules, à 2 lieues de la mer. On
également dans cette partie du dépar- attribuait sa fondation tantôt à un fils
tement , y sont la source d'un pro - d'Ulysse et de Circé, tantôt à Danaé.
duit dont la vente est évaluée , année Tarquin -le -Superbe était occupé à en
>

commune , à 2 millions de francs. Les faire lésiége lorsque les Romains le chas
coteaux plus élevés sont occupés par des sèrent du trône. On rénonça alors à la
bois de chênes , de hêtres et surtout de conquête de cette ville , et elle ne fut
>

châtaigniers dont les fruits forment en réunie à la république romaine que long
grande partie la nourriture des habitans temps après (l'an 445 avant J.-C.), et
et sont exportés sous le nom de marrons sous le prétexte ridicule qu'elle faisait
de Lyon ; plus haut encore on ne trouve partie du territoire de Corioles. Peu de
plus que des arbres résineux ; enfin , les temps après on y envoya une colonie.
plateaux sont couverts de neige six mois Une tradition mythologique singulière
de l'année, et n'offrent plus quedes pâtu- disait que cette ville ayant été incendiée
rages où sont envoyés de nombreux trou- par les Troyens de la suite d'Énée, fut
peaux , même des départemens voisins. changée en un oiseau dit ardea.
Les habitans de l'Ardèche sont actifs et L'ardea est le héron ; mais le mot
industrieux. Dans certaines parties ils nous ramène à ardere, 'et il est probable
savent rendre leurs montagnes propres que la fahle ne repose que sur le double
à la culture, au moyen de terrasses sou- sens du radical (Ard....), quel'adjonction
tenues par des murailles de pierres sèches, de sa désinence transformé en ardea et
et sur lesquelles ils transportent de la ardeo. VAL . P.
terre végétale. L'agriculture est assez ARDENNE . C'est le nom donné à
avancée et l'art des irrigations très bien une contrée autrefois fort étendue et
entendu, On élève un grand nombre / couverte par une immense forêt que los
ARD ( 212 ) ARD
anciens appelaient Arduenna sylva . Elle | nications entre les divers points du terri
comprenait des parties de territoire au- toire; une branche des Vosges le coupe du
jourd'hui renfermées dans les limites de sud-est au nord -ouest. Le sol est très iné
la Belgique , de la France et de l’Alle- galement fertile. Dans la partie sud-ouest,
magne rhénane. On voit figurer parmi où le terrain est crayeux, la végétation
les divisions du royaume d'Austrasie le est presque nulle. Dans le nord les terres
pagus Ardennensis qui devint dans la sont froides, et on brûle les tourbes pour
suite un comté. On restreint maintenant engraisser celles qui ne sont pas incultes
cette dénomination d’Ardenne à la par- ou couvertes de bois. Du côté du dépar
tie montagneuse qui occupe le nord du tement de l'Aisne le sol devient très fa
département du même nom , et s'étend vorable aux céréales , et on y récolte une
jusque dans les Pays-Bas , au midi des très grande quantité de grains ; dans les
provinces de Namur et de Luxembourg , parties centrales on recueille du vin mé
avec une largeur d'environ 7 lieues et de diocre; 2,500 hectares sont occupés par
20 à 25 lieues de long. Suivant l'opinion la culture de la vigne et 192,000 par
commune le nom de cette contrée vient des bois. De vastes pâturages nourrissent
de celuid'une divinité gauloise, Ardrina , des moutons renommés'; on aa cherché à
la Diane de ces forêts , qui y recevait un introduire la chèvre cachemire dans les
culte particulier. D'autres veulent que montagnes. Le produit moyen de l'hec
cette appellation ait pour origine un mot tare de terre labourable est de 17 fr . Il
gaulois signifiantgrand , très étendu ou y a dans les Ardennes des mines de fer
élévation. La contrée devait en effet pa- considérables et des mines de plomb et
raitre très haute aux habitans en la com- de houille non encore exploitées. Des
parant aux plaines de Champagne et aux carrières d'ardoises et de marbre sont
marécages de la Belgique ; elle n'a pour- ouvertes sur plusieurs points. Des ma
tant que 325 toises au -dessus du niveau nufactures royales d'armes à feu , et les>

de la mer. C'est une ramification des fabriques de draps fins, dont la réputa
>

Vosges. Le climat est humide et froid , tion est faite, sont les établissemens in
mais sain ; le sol est coupé de bois , de dustriels les plus remarquables. Ce dé
landes et de terres arables . Les cultures partement a pour chef -lieu Mézières,
y sont peu considérables ; les animaux et il est divisé en cinq arrondissemens :
petits , mais vigoureux ; les mines de fer Mézières , Rocroy , Rethel , Sedan et
>

nombreuses , ainsi que les ardoisières , Vouziers , qui forment 31 cantons et


et l'exploitation de ces deux genres de 588 communes ; il appartient à la 2° di
produits y occupe un grand nombre vision militaire , au diocèse de Reims et
de bras (voy. l'art. suivant) . P. A. D. au ressort de la cour royale de Metz ; il
ARDENNES ( DÉPARTEMENT DES). Il envoie trois députés à la chambre élec
tire son nom de la contrée ou forêt qui tive. On en estime le revenu territorial
en occupait le nord ( voy. l'art. précé à 11,234,000 fr. P. A. D.
dent) , et se forme d'une partie de l'an- ARDENS ( MAL DES ) , ou mal d'en
cienne province de Champagne ; la prin- fer , feu sacré, feu saint Antoine. C'était
cipauté de Sedan y est comprise. Il estune maladie pestilentielle qui fit autre
borné au nord par la Belgique; les dé- fois degrands ravages en France. Leter
partemens de la Meuse , de l'Aisne et ritoire de Paris fut, en l'an 945 , désolé
de la Marne l'entourent à l'est , à l'ouest par cet horrible fléau . Les malheureux
et au midi. Sa longueur est de 23 lieues qui en étaient atteints se sentaient dé
et sa largeur de 22 ; on évalue sa super- vorés par un feu intérieur qui amenait
ficie à environ 278 lieues carrées , et sa presque toujours la mort. L'art des mé
population à 289,622 habitans. L'Aisne decins étant impuissant pour en arrêter
et la Meuse traversent ce département et les effets,> on eut recours à l'intercession
:
y sont navigables. Le canal de Sedan des saints : on pria , on jeûna , on im
abrége la navigation de la Meuse ; les plora la protection de sainte Geneviève ,
grandes routes de Verdun , de Metz , de et l'on fit des processions à son église ;
Lille , de Namur facilitent les commu- on en vint enfin à transporter la chasse
ARD ( 213 ) ARD
de la sainte dans la cathédrale, et dès ce car on emploie dans la maçonnerie les
moment la contagion diminua d'inten- blocs qui sont le moins disposés à se di
sité , s'il faut en croire les anciennes viser en feuillets; 3 ° l'ardoise bitumi
chroniques : les malades qui touchaient neuse dont le nom indique la composi
cette châsse étaient guéris presque aussi- tion et qui accompagne les couches de
tôt , et bientôt la maladie cessa dạns tout charbon de terre : elle offre de nombreu
le royaume . La croyance à ce miracle ses empreintes de végétaux. Les anciens
était si bien enracinée dans les esprits n'ont point connu l'usage de l'ardoise ;
que le pape Innocent II , ayant eu occa- ils couvraient leurs' maisons de chaume
sion de venir en France vers l'année ou de bardeau ( voy, ces mots ) , comme
1130 , en consacra la mémoire par une on le voit dans Pline. On sait la proscrip
fête. A peu près à la même époque, une tion dont Rousseau a frappé l'ardoise
nouvelle église fut placée sous l'invoca- dans le tableau qu'il trace d'une maison
tion de la sainte patronne de Paris; elle de campagne selon son cæur : « Quoi
était auprès de Notre-Dame; on l'appelait qu'une couverture de chaume soit en tout
Sainte -Geneviève-la -Petite on Sainte - temps meilleure , je préférerais magnifi
Geneviève -des- Ardens. En 1747 , elle quement, non la triste ardoise , mais la
fut démolie pour faire place à l'édifice tuile , etc. » Outre les ardoisières dont
des enfans trouvés. Voir Dulaure , His- nous avons parlé , on cite encore celles
toire de Paris. de Cherbourg et de Saint-Lô ( l'ardoise
Le mal des ardens était une de ces en est roussee ) , de la Ferrière en Nor
calamités , fruits des guerres intestines mandie , de Château - Gontier, de Mé
et de la misère du peuple , qui dispa- zières , de Murat et de Prunet en Au
rurent avec le moyen-âge. Il suivait pres- vergne , de Fernft en Suisse , de Fumai
que toujours une famine ou une peste. en Flandres , d’Eisleben , de Pappenheim
Dans les années 993 et 994 , il fit , dit-et de Platberg en Allemagne , de Caer
on , périr plus de 40,000 individus ; et narvon en Angleterre, et de Lavagna près
pourtant le peuple de Paris , qui tant de de Gênes en Italie. L'ardoise de cette
fois fut décimé par cette terrible mala- dernière est tellementimpénétrable qu'on
die, n'en a pas même conservé le souve- l'emploie à revêtir l'intérieur des citernes
nir. V. R. où l'on conserve à Gênes les huiles d'o
ARDOISE ( artesiųs, d'Artois ), ma-
>
live.
tière fissile ou lamelleuse d'un gris foncé Le mode d'extraction varie suivant
et bleuâtre , plus rarement rousse ou la diversité d'inclinaison qu'affectent les
verte : c'est une espèce de schiste (voy. couches d'ardoises dans les carrières. Si
ce mot) qui , tendre au sortir de la terre, elles sont inclinées à l'horizon , on les
acquiert à l'air assez de dureté pour se exploite par le moyen de galeries cou
, diviser en lames minces , plates et unies vertes qui suivent la direction de cette
dont on couvre les maisons. Les géolo- pente ; si elles sont verticales ou hori
gues distinguenttrois espèces d'ardoise : zontales, l'exploitation se fait à ciel ou
1 ° l'ardoise primitive, schiste à base vert. Contrairement à ce que l'on remar

argileuse dont on trouve près de Charle- que dans les autres minéraux , la partie
ville une couche de 60 pieds d'épaisseur ; supérieure, nommée cosse , est la moins
2° l'ardoise secondaire, composée de si- dure et la moins susceptible d'être em
lice , d'alumine , de magnésie , de chaux ployée. On enlève les blocs d'ardoise
et de fer; elle se rencontre moins fré- dans des caisses appelées bassicots, que
quemment que la première ; mais l'éten- l'on hisse au haut de la carrière à l'aide
due et l'épaisseur de ses couches com- de machines. On divise d'abord les plus
pensent leur rareté. Il y en a une près gros à l'aide du ciseau , puis les frag
d'Angers qui se prolonge dans l'espace mens sont taillés avec une espèce de ha
de deux lieues . Non -seulement la ville che appelée doleau. Il faut remarquer
repose sur une couche d'ardoise et est que l'ardoise perd sa qualité fissile par
couverte d'ardoise , mais les maisons , une trop longue exposition à l'air ou par
pour la plupart , sont bâties en ardoise ; / le dégel. On peut lui donner un nouveau
ARE ( 214 ) ÅRE
degré de dureté en la faisant cuire dans est saupoudrée d'un peu de chaux et en
un four à brique. Il y a quelques années veloppée d'une feuille de bétel ( voy, ce
qu'un certain Alfred Fake, de Carls- mot), elle constitue une espèce de masti
croon,miten circulation une espèce d'ar- catoire tellement usité dans l'Inde que
doise artificielle ou carton - pierre de sa tout le monde s'en sert du matin au soir,
façon. Cette substance est à peu près im- qu'on en offre aux personnes qu'on ne
perméable et incombustible. En voici la çoit , enfin qu'on en fait une consomma
composition : 1° chaux carbonatée pul- tion aussi considérable , au moins , que
verulente ; 2° colle-forte; 30 pâte de pa- celle du tabac en Europe.
pier, 4º huile de lin çrue. R-Y . L'arec se coupe par tranches qu'on
ARE (du latin area, aire, surface, ou de assaisonne commeil vient d'être dit , ou
arare, labourer ), décamètre carré, unité qu’on associe au cachou et aux nom
principale des mesures agraires, égale- breux aromates que fournit l'Asie. On le
ment appelée perche métrique carrée. mâche jusqu'à ce qu'il ne reste plus dans
C'est un carré dont le côté а 10 mètres la bouche qu’une fibre dure et insipide
de longueur; il remplace les perches , que l'on rejette. La salive , au commen
>

verges, cordes et autres mesures autre- cement de la mastication , se colore en


fois employées pour l'évaluation des sur- un rouge vif. On remarque que cette pra
faees. L'are, vaut 2,925 , c'est-à-dire en- tique amène promptement l'altération et
viron 3 perches carrées, mesure de Paris. la perte totale des dents, résultat hien
Les surfaces agraires se mesurent avec le plus positif que celui que lui attribuent
déçamètre , chaine de 10 mètres de lon - les naturels du pays', savoir : de fortifier
> >

gueur, et s'expriment en hectares , ares et l'estomac, de garantir du mauvais air, elc.,


centiares. L'hectare qu arpent métrique et autres avantages qu'on prête toujours
égale 100 ares : c'est un carré de 10 déca- aux coutumes amenées par le luxe ou par
mètres ou 100 mètres de côté; il remplace le dés @ uvrement.
les arpens , acres , journaux , bécherées , AREC D'AMÉRIQUE. Cet arbre , qui
boisselées, et autres mesures de surface. appartient à la même famille végétale que
Le centiare, centième partie de l'are, est le précédent , croit en Amérique et prin
>

un carré d'un mètre de côté. Quoique cipalement aux Antilles où il est connu
l'are soit l'unité de mesure pour les ter- sous le nom de palmiste ou de chou pal
rains, le centiare peut le devenir quand miste. Il tient cette dénomịnation de ce
ils sont d'une grande valeur. Pour lire qu'il porte au sommet un bouquet de
unesommeexprimant la comtenance d'une feuilles non encore développées qui sont
propriété,ilfaut se rappeler que 100 cen- très tendres et fort bonnes à manger ; leur
tiarès valent un are, et que 100 ares font goût, qui approche de celui des arti
un hectare, afin de partager convenable- chauts, permetde l'assaisonner de diffé
ment les chiffres ; ainsi 1950205 s'écrira rentes manières; c'est aussi ce que font
1954, 02 , 05 °, et se lira 195 hectares, les habitans du pays. Mais leur sensua
> 2

2 ares, 5 centiares. V. L. lité finit par détruire l'espèce de ce végé


AREC, de l'Inde; arbre de la famille tal; car l'arbre dont on a ainsi coupé les
des palmiers, qui croît dans les pays feuilles terminales'périt, et ne répoussé
chauds et qui est d'une grande utilité | pas de sa racine.
dans ces contrées; ses caractères botani- Le palmiste produit une amande de
ques sont des fleurs monoiques dispo- bonne qualité , qu'on emploie princi
sées en paniculés et renfermées dans un palement pour faire de l'huile à brû
spathe monophylle. Son fruit est une es-ler. Son bois est dur et compacte plus
'pèce de poix ovoide dont le brou, comme que l'ébène même; mais il est mince , et
fibreux, enveloppe un noyau corné dont sa partie centrale , qui est assez volumi
l'amande est fort recherchée. La saveur neuse , est spongieuse et mollasse. Cette
de cette amande est acerbe et assez ana- structure cependant le rend fort utile pour
logue à celle du gland , ce qui explique- faire des tuyaux ou des rigoles, parce qu'il
rait mal le cas qu'on en fait; aussi ne la ne s'altère pas àà l'eau ; on en fait égale
mange-t-on pas seule. Mais lorsqu'elle I ment des planches. F. R.

1
ARE ( 215 ) ARE
ARELAT ( ROYAUME ) , voy. ARLES nis sdit à la France , soit au grand -duché
' et BOURGOGNE . de Berg. Après l'établissement de la Con
AREMBERG ( DUCHÉ ET FAMIL- fédération germanique, le duché d'A
LE D' ) . Aremberg est un bourg avec un remberg passa presque en totalité sous la
château , situé dans l'arrondissement de souveraineté du royaume de Hanovre ;
Coblentz du grand -duchéprussien du Bas- une partie seulement fut placée sous celle
Rhin, dans la contrée appelée Eyffel, entre de la Prusse. Le duc apporta au Hanovre
Cologne et Juliers. Le comté d’A remberg 42,000 ames sur 33 milles carrés d'éten
échut en 1547, pár mariage , à Jean de due , et devint,avec le titre de duc d'A
Barbançon, de la célèbre maison de Li- remberg-Meppen, un des premiers sei
gne ( voy .), à qui Charles-Quint conféra gneursdela chambre haute de ce royau
deux ans après la dignité de comte du me. De grands priviléges lui furent
Saint-Empire. Élevé au rang d'une prin- conférés, tels que celui d'entretenir une
cipauté de ce même empire en 1576 , garde d'honneur et d'être justiciable du
Aremberg prit rang parmi les états ger- ministère seulement. Il possède en total
maniques , et le prince siégea en 1582 à | 46 milles carrés en Allemagne, avec
la diète. Philippe - Charles de Ligne , 85,000 habitans, et en outre de grandes
prince d’Aremberg , mort en 1616 , propriétés en France et dans la Bel
réunit à son domaine le duché d’Arschot gique.
( voy. ) dont la famille de Croy ( voy :) Le duc Prosper -Louis avait épousé,
avait ététitulaire. Son fils obtint, en 1644, en 1808 , Stéphanie Tascher de Lapa
gerie,
le titre de duc, et ses possessions consti- lui nièce de l'impératrice Joséphine, et
avait constitué en dot une somme d'un
tuèrent dès lors , et jusqu'en 1801 , un
duché immédiat del'empire. Elles avaient million . Ce mariage ne fut point heureux :
une étendue de 7 milles d'Allemagne, une sorte d'antipathie paraissait éloigner
avec 14,884 habitans. de lui son épouse. Après un long procès
LOUIS-ANGILBERT 2, duc d'Aremberg , au sujet d'une provision annuelle exigée
fut dépouillé de son patrimoine à la suite par la duchesse , le mariage fut cassé
du traité de Lunéville qui réunit à la dans toutes les formes , en 1816. Le duc
France toutes ses possessions sur la rive d’Aremberg épousa en secondes noces
gauche du Rhin ; cependantilreçut, à titre Ludmilla , princesse Lobkovitz, dont il
de dédommagement, le comté de Meppen eut quatre enfans.
et le fort de Rechlinghausen , ' dans la Le prince PIERRE d'Aremberg , le plus
Westphalie. En 1803 il céda ses domai- jeune de ses frères et possesseur des ter
'nes , restés indépendans,à son fils Pros- res de la famille situées en Belgique,
per- Louis, grand d'Espagñe de première après s'être distingué en plusieurs cir
classe; mais il recueillit , en 1812 , le ri-
> constanees et notammentà Dantzick ‫ܕ‬, en
che héritage de sa femme dans la Fran- qualité d'officier d'ordonnance de l'em
che- Comté. Il mourut, en 1820, à Bru- pereur , rentra dans sa patrie où il prit
xelles , privé de la vue. du service comme adjudant du roi des
PROSPER -Louis, duc d'Aremberg , son Pays-Bas. Charles X le fit naturaliser
>

fils ainé , né en 1785 , devint en 1806 français en 1828, et lui conféra en même
sénateur de l'empire français, entra en ' temps la pairie.
1807 dans la confédération du Rhin, et AUGUSTE - MARIE-RAIMOND d'Arem
se montra très dévoué aux intérêts de la berg >, naquit en 1753 à Bruxelles et fut
France . En 1808 il leva à ses frais un élevé à Paris. Il prit le titre de comte de
régiment de chasseurs avec lequel il fut La Mark qui appartenait à sa famille, et
envoyé en Espagne en 1809. Il 'fit la donna ce nom au régiment avec lequel il
guerre avec distinction ; mais surpris, le passa vers 1780 aux Indes. Courtisan jus
28 octobre 1811 , il fut fait prisonnier qu'à la première convocation desnotables,
>

ét transféré en Angleterre où il resta il changea alors de système. Il pritunepart


jusqu'à l'entrée des alliés sur le territoire active à la révolution du Brabant et ser
francais. Napoléon lui avait enlevé , en vit comme général dans l'armée des états;
1810, la souveraineté dans sesétats, réu-' élu ensuite député du Quesnoy , en qua
ARÉ ( 216 ) ARÉ
lité de propriétaire dans la Flandre fran- plices , Demerville , Céracchi et Topino
>

çaise , il se déclara , avec la minorité de Lebrun.


son ordre, en faveur du tiers-état.Mais | Il y eut,sur leur demandeen cassa
bientôt il chercha à se réconcilier avec tion du jugement rendu contre eux le 19
la cour, et réussit à se faire admettre dans nivôse an IX , par le tribunal criminel
l'intimité de Marie - Antoinette. Alors il de la Seine , un célèbre jugementde re
profita de l'amitié qui le liait à Mirabeau jet , prononcé par la section criminelle
pour attirer ce grand orateur dans le du tribunal de cassation , le 9 pluviôse
parti de la reine. Mirabeau expira dans suivant, après unetrès longueet remar
ses bras, et le comte de La Mark fut, avecquableplaidoirie. Le lendemain ils por
Frochot, son exécuteur testamentaire; il tèrent leur tête sur l'échafaud ( 30 jan
garda en dépôt sa correspondance et d'au- vier 1801 ).
tres papiers importans qu'on a trouvés Pour nous fixer sur ce que quelques
dans sa succession. Après le 21 janvier auteurs nomment la prétendue conspira
1793 il revint en Belgique ; puis il de- tion du 18 vendémiaire , nous avons lu
manda du service à l'Autriche et obtint le soigneusement le volume de 550 pages
grade de général. Il vécut à Viennejusqu'à intitulé : Procès instruit par le tribunal
la création du royaume des Pays-Bas et criminel du dépurtement de la Seine
entra alors, comme général, dans l'armée contre Denerville , Céracchi, Aréna et
néerlandaise. Il avait aussi le grade de autres, prévenus de conspiration contre
général français. Le prince d’Aremberg la personne du premier consul Bona
mourut en 1833 . J. H. S. parte , recueilli par des sténographes
ARÉNA ( Joseph ) , frère du conven- ( Igonel et Breton ); Paris , imprimerie
tionnel BARTHÉLEMY Aréna qui , à la de la république , pluviòse an IX , in - 8 °°.
fameuse séance de l'Orangerie de Saint- De cette lecture il nous est resté la con
Cloud, fondit sur Bonaparte un poignard viction que non-seulement il y eut con
à la main , a donné lui – même plus d'é- spiration réelle , mais qu'encore , bien
clat encore aux passions haineuses que qu'elle fût tramée par des républicains
nourrissait sa famille contre celle du do- enthousiastes et pursde vues intéressées ,
minateur futur de l'Europe. Il naquit en comme Céracchi et Topino-Lebrun , ar
Corse , d'une famille · aisée ; il n'avait tistes distingués, elle ne se rattachait pas
guère que 21 ans lorsqu'il fut désigné moins par d'autres ramifications au com
comme chef d'un des bataillons levés plot qui se manifesta trois mois plus tard
dans son pays en vertu du décret de la par l'explosion de la machine infernale.
Convention nationale sur la première ré- Aussi est-ce à cette circonstance que le
quisition ( 14-23 août 1793). Il montra procès des conjurés du 18 vendémiaire
de la bravoure , quelques talens militai- an IX a emprunté toute l'importance
res, et obtint, pendant la campagne d'I que lui donna avec raison l'opinion pu
talie , le grade d'adjudant général, dans blique. S'ils eussent été jugés 15 jours
lequel il se trouvait employé au siège de plus tôt , les conjurés pouvaient échap
Toulon , où il mérita d'être cité honora- per au glaive de la justice , tant leur dé
blement à l'ordre de l'armée . fense fut habilement conduite par l'avo
Élu à une très grande majorité, député cat Dommanget ; tant, surtout, ils avaient
de la Corse au conseil des Cinq-Cents , eux - mêmes concerté adroitement leur
en l'an V >, il y siégea jusqu'au renouvel- conduite . Aréna principalementmontra,
lement de la législation l'année suivante, durant tous les débats, l'impassibilité ,la
retourna à l'armée à cette époque , et souplesse d'esprit et la fécondité des res
après le 18 brumaire , où son frère s'é- sources d'un homme depuis long-temps
tait compromis , il donna sa démission préparé au rôle qu'il jouait dans cette
pour venir habiter Paris. Il y partageait | intrigue , ourdie par des mécontens de
son temps entre les plaisirs , d'agréables partis opposés , dont il était l'intermé
études et les intrigues politiques , lors- diaire.
qu'il se jeta dans la conspiration qui lui Ce qui frappe également l'attention,
coûta la vie ainsi qu'à trois de ses com c'est que d'un homme seul, à la fois dé
ARE ( 217 ) ARE
nonciateur et témoin ; ressortent presque voya dans le Finmark pour y recueillir
uniquement les preuvesdu complot : c'est des plantes et des graines, et, à cette oc
un capitaine à la suite nommé Harel, le- casion , il parcourut aussi le reste de la
quel est suspect à la police de Fouché, Norwège et des contrées qu'aucun étran
qui lui-même est soupçonné par le dé- ger n'avait encore visitées ; mais il ne
nonciateur de prêter les mains à la con- rapporta pas grand'chose de ces courses
juration. Les noms d'autres hommes im- lointaines , et perdit sa place au jardin bo
portans dans l'état , comme Bernadotte , tanique. Dès-lors il retourna en Norwege
Masséna et Salicetti, se trouvèrent mêlés où il passa les années 1799 et 1800, oc
au plan des conjurés, comme les puissan- cupé à former des collections d'antiqui
ces sur lesquelles on comptait pour sou tés. Plus tard , il fit un voyage en Suède ,
tenir le nouvel ordre de choses qu'on passa de là à Rostock où le professeur
voulait établir. Tychsen lui enseigna les langues orien
Les conciliabules s'étaient tenus chez tales, visita ensuite Paris, et y fut accueilli
l'agent principal de la conjuration, après avec une grande bienveillance par Mil
Aréna, qui fournissait aux frais de l'en- lin ; enfin il se rendit Venise. Plus tard
treprise, Demerville ancien employé du il parcourut encore la Suisse, l'Espa
comité de salut public. gne, l'Italie et la Hongrie. Il vécut des se
Le jour choisi pour frapper le pre- cours que lui donnèrent ses amis, coucha
mier consul était celui de la représenta- souvent en plein air, et ne connut aucune
tion des Horaces , opéra de Porta ; c'é des commodités de la vie. On assure que
tait au théâtre même, dans sa loge, qu'on les persécutions qu'il essuya aà Naples,
devait le poignarder. On avait désigné , comme suspect de carbonarisme, ont
comme devant porter le premier coup , beaucoup contribué à hâter sa mort.
un jeune italien nommé Diana , notaire , Arendt a publié des opuscules histori
puis questeur municipal à Seccano , sa ques et philologiques à Paris et dans dif
patrie. A la suite des débats , ce jeune férentes villes de l'Allemagne, de la Suè
homme fut acquitté. de et du Danemarck. Une partie de ses
Toutes les dispositions étaient prises manuscrits et de ses dessins, qui se rap
par les conjurés, quand ils furentarrê- portent presque tous à l'archéologie du
tés au théâtre même , pendant le second Nord , a été déposée à la bibliothèque
acte de la pièce , alors que le premier royale de Copenhague. C. L.
consul y assistait , entouré d'une garde ARÈNE , du mot latin arena, sables,
>

plus forte que de coutume. Cette der- était l'espace inférieur des amphithéâtres
nière circonstance , qui avait sans doute romains où se livraient les combats des
frappé les conjurés, put leur faire devi- gladiateurs. Cet espace était couvert de
ner que l'on était sur la trace du com- sable ; de là le nom . Les espaces enfer
plot ; et c'est ce qui explique comment il. més où se livrent les combats de taureaux
ne se trouva d'armes sur aucun d'eux en Espagne, ou celui qu'on voit dans nos
au moment de leur arrestation . P. C. manéges et cirques d'équitation, rappel
ARENDT ( MARTIN-FRÉDÉRIC ). Ce lent les arènes. V. AMPHITHÉATRE. D-G.
savant allemand devenu célèbre par ses ARENG , arenga, Nom donné par
voyages scientifiques dansunegrandepar quelques naturalistes à une espèce de
tie de l'Europe, naquit à Altona en 1769, palmier qui se rencontre fréquemment
et mourut en 1824, dans les environs de dans les îles Moluques, où il atteint jus
Venise. Sur la recommandation du comte qu'à la hauteur de 50 à 60 pieds. Les
de Reventlow , il fut placé , en 1797, com- nombreuses ressources qu'offre cet ar
me élève au jardin botanique deCopen- bre sont appréciées par les Indiens qui , ?
hague; mais sa prédilection pour la phi- des fibres extraites de ses branches, font
lologie lui fit passer une grande partie de des cordes et des câbles d'une solidité
son temps à la bibliothèque de l'univer- telle que l'humidité ne peut les altérer .
sité à étudier les manuscrits relatifs à l'his- Ils obtiennent aussi, en pratiquant des in
toire des pays scandinaves et de l'Islande. cisions sur le tronc, une sorte de liqueur
En 1798 , le gouvernement danois l'en- I qui par la simple évaporation donne du
>
ÅRE ( 218 ) ARE
sucre, et par la fermentation une boisson qui ne savent pas lire , on se sert de pe
agréable. Les habitans des îles Célèbes titeś ampoules de verre diversement co
tirent du caur de l'arbre une moelle fa loré , qui sont hermétiquement fermées
rineuse dont ils se nourrissent après l'a- et contiennent des poids différens. On
voir convertie en sagou. Encore verts, les les jette dans le liquide à éprouver, et
fruits confits au sucre deviennent un mets l'on juge sa densité d'après la couleur
très recherché qui, à la Cochinchine, se de l'ampoule qui se présente à la sur
sert sur la table des grands. Mais on pré- face .
tend que, parvenus à leur maturité, ces Ce procédé , bon en lui-même, est
fruits ne peuvent se porter à la bouche presquegénéralement abandonné et rem
sans quel'on ressente aussitôtune déman- placé par un instrument plus régulier :
geaison cnisante ; peu à peu les lèvres en- c'est un cylindre de verre , ayant à sa
flent horriblementet restent pendant plu- base une boule creuse , au -dessous de la
sieurs jours dans cet état contre lequel on quelle est une ampoule remplie de mer
ne connait pas de remède . Cette circon- cure et destinée à le maintenir dans une
stance a fourni le sujet d'une anecdote situation perpendiculaire. Le long de la
que nous rapportons sans toutefois en colonne est tracée une échelle diverse
garantir l'authenticité. S'il faut en croire ment divisée , ayant pour point de dé
Rumphius, les habitans des iles Moluques part une densité déterminée. Pour se ser
se défendirent avec succès, pendant une vir de cet instrument ,> dont l'invention
guerre, en jetant du haut de leurs mu appartient à Baumé , on le plonge dans
railles, sur les ennemis, de l'eau dans la- le liquide qu'on veut essayer, et l'on re
quelle ils avaient fait macérer la chair marque le degré auquel il est resté af
des fruits mûrs de l'areng. L'effet de fleuré. Il est à peine nécessaire de dire
ceťte aspersion était tel que les assiégeans que le vase dans lequel on met le liquide
qui en étaient atteints devenaient furieux doit avoir toujours la même forme et la
et s'enfuyaient en courant comme in- même capacité. Le plus généralement on
sensés : de là cette liqueur reçut le nom se sert d’un vase appelé éprouvette. C'est
d'Eau infernale. V. R. un cylindre de verre , ayant un pied qui
>

ARÉOLAIRE , voy ., CELLULAIRE.


. permet de le poser debont et dont la ca
vase se joint à
pacité est déterminée. Cel'appareil.
ARÉOMÈTRE, deč.pacos,mince, peu l’aréomètre
dense ; littéralement, mesure de ténuité. et complète
On nomme ainsi un instrument de physi- Les aréomètres doivent être diverse
que fort usité, et qui a pour objet d'appré- ment construits suivant l'espèce de li
cier la densité des liquides. L'aréomètre quide qu'ils sont destinés à examiner ; et
est plus connu sous les noms de pèse -li - leur échelle est en sens inverse , suivant
queur , pèse-acide, pèse -sel, qui en- qu'il est question d'un liquide plus ou
trainent après eux des idées inexactes , moins dense que l'eau. Elle sera ascen
mais qui sont en quelque sorte consa- dante dans le premier cas , et descen
crés par l'usage. Il est une foule de cir - dante dans le second .
constances dans les arts où l'on a besoin On peut donc facilement construire
de reconnaitre le degré de densité d'une soi-même des aréomètres au besoin; mais il
liqueur spiritueuse , d'une solution alca- y a généralement économie de temps et
line , acide ou saline , et où il est néces- de dépense à se les procurer tout faits.
saire de pouvoir l'apprécier promptement On en trouve de tout disposés , suivant
sans études et sans calculs. C'est pour cet qu'on veut examiner le vin , le lait , les
objet qu'ont été inventés les aréomètres , sirops , etc.
dont la forme et la matière peuvent va- Il est extrêmement difficile d'avoir des
rier à l'infini, mais dont la construction aréomètres d'une justesse parfaite, mais
doit toujours reposer sur le même prin- | approximatifs seulement, ilssuffisent d'or
cipe de physique , savoir qu'un corps dinaire aux opérations du commerce et
mis dansdesliquides différens ne plonge des arts industriels. F. R.
pas au même degré dans chacund'eux. AREOPAGE.On ignore qui fut lefon
Dans le cas où l'on emploie des gens dateur de ce célèbre et redoutable tribunal
ARÉ ( 219 ) ARÉ
d'Athènes.Ona cru pouvoir conclure d'un nuit , tant pour prévenir la compassion
passage des Marbres d’Arundel que l'A- que pouvait faire naître la vue des accu
réopage füt institué versla fin du règne de sés , que pour dérober à ceux-ci la con
Cécrops ou au commencement de celui de naissance individuelle de leurs juges.
Cranaus , son successeur. Le lieu ordi- Afin de les rendre inaccessibles à toute
naire de ses séances était une enceinte influence, les magistrats interdisaient
située sur une colline , à peu de distance aux défenseurs tous les artifices de l'art
de la ville. Cette colline , consacrée au oratoire , et tous les moyens ordinaire
dieu Mars, s'appelait ő pelos toccyos , nom ment employés par les avocats pour éga
duquel s'est formé celui d'Areopage. On rer la conscience des juges , en frappant
a proposé, d'après Pausanias et Suidas , leur imagination ou en excitant dans
d'autres étymologies qui nous paraissent leurs cours le sentiment de la pitié. Les
moins vraisemblables. Solon , à qui Plu- personnes chargées d'une défense de
tarque et Cicéron attribuent à tort l'éta- vaient se borner à faire l'exposition pure
blissement de ce tribunal , lui donna une et simple de la cause , à établir les
nouvelle organisation , et étendit consi- faits, et à convaincre par le raisonne
dérablement sa juridiction . Dès lors l'A- ment. Comme rien de ce qui tenait à
réopage connut de presque tous les cri- l'ordre public n'était étranger à l'Aréo
mes: l'assassinat, l'empoisonnement,l'in- page , ce tribunal exerçait une surveil
cendie , la haute -trahison , le vol , les lance fort active sur l'éducation de la
attaques dirigées contre la religion ou le jeunesse. Il nominait des tuteurs aux or
gouvernement, etc., lui étaient déférés; il phelins et faisait donner à chacun une
sévissait contre les impies , les libertins instruction analogue à son rang. Institué
et même les oisifs. Les délits , les vices spécialement pour assurer le maintien
et les abus exerçaient tour à tour sa vi des lois et des mœurs , il n'intervenait
gilance. Il parait que les membres de dans les affaires publiques qu'en cas d'ur
l'Aréopage faisaient des visites domici- gence et de péril imminent pour l'état.
liaires pour censurer ou même punit Dans plusieurs circonstances , on vit les
tout citoyen inutile à l'état ou dont les areopagites se présenter à l'assemblée
dépenses excédaient les revenus. Les ac- du peuple, trompé par l'éloquencé cap
tes de sévérité étaient toujours précédés tieuse de turbulens démagogues , et ra
d'avis ou de menaces. La haute considé- mener les esprits à la raison.
ration dont jouissait l'Aréopage était Mais une institution telle que l'Aréo
telle , sa réputation de sagesse et d'inté- page était incompatible avec les vues
grité était si bien établie , que , selon ambitieuses de Péricles, dont les projets
Pausanias , on accourait de toutes parts étaient souvent contrariés ou déconcertés
>

pour lui soumettre des contestations. Dé- par l'inflexible sévérité et le patriotisme
mosthènes dit que les condamnés, soit au républicain des magistrats. Ce citoyen ,
civil , soit au criminel, avaient une si dontle pouvoir croissait tous les jours,
>

haute idée de sa justice et de son impar- parvint à resserrer, surla proposition d'É
tialité qu'ils ne faisaient jamais entendre phialtès, le cercle des attributions du tri
un murmure contre ses arrêts. L'Aréo - bunal suprême, qui , désormais réduit à
page fut le premier tribunal d'Athènesqui des fonctions purement judiciaires , ne
prononça la peine de mort. Ses jugemens, fut plus appelé à prononcer que comme
étaient précédés de certaines cérémo- cour de justice ordinaire . Il fut néan
nies. Les deux parties promettaient , par moins'assez long -temps environné de la
serment , sur des victimes sanglantes , de vénération publique , que ses décisions ,
dire la vérité, prenaient à témoin les Eu- pleines,de raison et d'équité , lui conci
ménides , et faisaient contre elles-mêmes lièrent, alors même qu'Athènes eut perdu
et contre leurs parensde terribles impré- sa gloire et sa liberté.
cations, si elles se parjuraient. L'obscu- On ne sait pas de combien de mem
rité ajoutait encore à l'effroiqu'inspiraient bres se composait l'Aréopage . Les ar
les conséquences de la violation du ser- chontes, soriant de charges , après un
ment ; car les causes se plaidaient la sévère examen de leur conduite et une
ARÉ ( 220 ) ARE
reddition de compte solennelle , étaient cessité de cet élément , et il en marqua
reçus membres de l’Areopage. Le même la place. Les ouvrages d’Arétée ont peu
honneur s'était accordé aux citoyens qui d'étendue ; ils sont divisés en 8 livres
s'en rendaient dignes par d’éminentes qu'il consacre à l'étude des causes des
vertus et des mœurs irréprochables. Ces maladies aiguës et chroniques, et à l'expo
fonctions étaient à vie ; cependant , ceux sition des symptômes par lesquels celles
>

qui avaient encouru la censure publique ci se révèlent à l'observateur. Il montre


étaient exclus du corps qu'ils déshono- dans cet ouvrage un jugement sûr tou
raient. Le tribunal exerçait sur la con- chant le caractère des maladies ; le trai
duite de chacun des juges qui le compo- tement qu'il prescrit est presque tou
saient la plus sévère inspection. Und'éux, jours sage et bien conçu . Il у a plusieurs
par exemple ,> fut puni pour avoir étouffé éditions d'Arétée ; celle que l'on préfère
un oiseau qui s'était réfugié dans son est l'édition de 1735 , par Boerhaave,
sein. avec des commentaires de Petit. S-N.
L'Aréopage dégénéra avec le temps : ARÉTHUSE, fontaine de Sicile, dans
de même que tous les tribunaux qui la petite péninsule d'Ortygie , où était
cessent d'être incorruptibles, il perdit peu situé le palais des anciens rois de Syra
à peu sa considération et son indépen - cuse , à peu de distance de la ville. Plu
dance; et s'il ne devint pas (que nous sa- sieurs écrivains de l'antiquité , Pline en
chions) l'instrument du pouvoir , c'est tre autres , disent que l’Alphée , fleuve
que le pouvoir n'avait pas besoin de d’Élide, continuait son àcours sous la mer
lui . C. D. A.
E. et allait mêler ses eaux celles de l'Aré
ARÈS,, voy. MARS. thuse , parce que ,> selon eux , on retrou
ARETÉE,de Cappadoce, qu'on trouve vait dans cette fontaine ce que l'on avait
quelquefois écrit Aréthée , est du petit jeté dans le fleuve. Pline affirme positi
nombre des médecins grecs, dont les ou- vement qu'à l'époque de la célébration
vrages soient parvenus jusqu'à nous. Ondes jeux olympiques l’Aréthuse répan
ne connait point la date précise de sa dait une odeur de fumier provenant de
naissance ; il résulte cependant du silence ce que les excrémens des animaux des
de Galien à son égard qu'il est posté- tinés à la course ou aux sacrifices se je
rieur à cet illustre dogmatiste. Quoi qu'il taient dans l’Alphée. Pour expliquer cette
en soit, Arétée doit être compté au nom- prétendue communication entre le fleuve
bre de ces esprits justes et vigoureux qui et la fontaine , les poètes feignent qu'A
semblent n'avoir pas besoin de passer par réthuse , fille de Nérée et de Doris , et
l'erreur pour arriver à la vérité. Com- l'une des nymphes de Diane, fut aperçue
prenant , par une sorte d'intuition , que se baignant, par un chasseur nommé Al
l'esprit qui ne veut point s'astreindre à phée, qui en devint amoureux et la pour
l'observation roule nécessairement dans suivit vivement. La nymphe , pour se dé
un cercle d'hypothèses stériles , il appli- rober à son empressement , implora l'as
qua à l'étude de la médecine la seule mé- sistance de Diane, qui métamorphosa
thode rationnelle dans la culture des Aréthuse en fontaine et Alphée en fleuve.
sciences , la méthode d'observation et Celui-ci, toujours passionné malgré leur
d'induction , dont plus tard Bacon et nouvelle forme , alla confondre ses eaux
Newton établirent les bases et démon- avec celles de son amante. E. C. D. A.
trèrent l'excellence. L'esprit d’Arétée ARÉTHUSE . Denis de Montfort a
était si juste , il fut si fidèle à sa méthode, donné le noin d’Aréthuse en Corymbe
qu'il fit précéder la description de chaque à une sorte de testacé microscopique des
maladie de la description anatomique de bords de l'Adriatique qui représente, sous
l'organe qui en est le siége. Un respect la forme de petites grappes composées ,
superstitieux pour la cendre des morts huit à douze vésicules tétraédriques, min
interdisait alors au médecin l'étude de ces , translucides , irisées , rangées en
l'organisation humaine : aussi cette par-
:
spirale les unes à la suite des autres, com
tie des ouvrages d’Arétée est - elle bien primées sur les faces adhérentes, légère
incomplète ; mais il sentait toute la né- ment arrondies sur les côtés libres ; leur
ARÉ ( 221 ) ARÉ
sommet est légèrement mamelonné, et du pape Jean XIX , et lui présenta un
la dernière des vésicules est percée près antiphonier noté suivant sa méthode . Le
de sa base d'un petit trou. L'habitant de pontife sut en reconnaitre la supériorité ,
l'aréthuse , est inconnu . et, imposant silence aux ennemis de Gui,
Soldani, qui le premier a décrit cet il lui assura une retraite tranquille et
habitacle de testacé, le considérait comme honorée dans ce couvent d'où l'envie' l'a
une simple variété de l'orthoceratium tu- vait exilé. Voici les ouvrages principaux
berosum . L'on s'accorde aujourd'hui à etnon contestés de Gui d’Arezzo : 1 ° Mi
regarder l'aréthuse comme un genre dis- crologus de discipliná artis musicce ; 2 °
tinct voisin des milioles. T. C. Versus de musicæ explanatione ; 3°
ARÉTIN (Gui ). Son nom indique Regulæ rhytmicæ ; 4° Aliæ regulæ de
que le lieu de sa naissance fut Arezzo , ignoto cantu ; 5 ° Epilogus de modorum
ville de Toscane. Il passe pour l'inven- formulis et cantuum qualitatibus. R - Y.
teur du système musical moderne. On ARÉTIN ( PIETRO ) , surnommé il
croit qu'il naquit vers l'an 995. Placé, à divino, et le fléau des princes , naquit à
8 ans, dans le monastère de Pomposa , | Arezzo en 1492. Fils naturel d'un gen
l'étude qu'il y fit du plain-chant ou canto tilhomme appelé Bazzi , Aretino entra
fermo, seule mélodie usitée à cette épo- comme apprenti chez ủn relieur, et bien
que , lui en fit sentir la défectuosité , ré- tôt se mit à faire des vers. Mais l'esprit
sultant principalement du défaut de mode ironique et l'extrême licence de'sa muse
certain et uniforme pour retenir et fixer le firent chasser d'Arezzo et de Pérouse;
l'intonation des sons. Ses recherches le il alla à Rome, où il s'insinua dans les
conduisirent à l'invention de la gamme et bonnes graces des papes Léon X et Clé
à la substitution de points placés sur des ment VII auxquels il fut attaché , on ne
lignes plus ou moins élevées aux lettres sait en quelle qualité. A Rome il fit les
romaines qui désignaient les sept sons fameux sonnets pour l'explication des
différens existant entre un ton et la ré- seize figures obscènes dessinées par Jules
pétition . Du reste , on a contesté à Gui Romain , et fut encore une fois obligé de
d'Arezzo la découverte de ses procédés . changer de résidence . Alors il passa le
Hugbalde , moine français qui vivait sous reste de sa vie à Milan et à Venise , où il
Charles -le-Chauve , avait déjà traité as- fit tour à tour , au gré de ceux qui le
sez nettement des intervalles et de la po- payaientaveclibéralité, des panegyriques
sition des tons et semi-tons. Il avait sub- en vers , des satires mordantes >, des poé
stitué aux signes multipliés et confus des sies érotiques où la nudité était poussée
Grecs de nouveaux caractères dont on a jusqu'au cynisme , des comédies , et des
profité depuis ( voy. PASIGRAPHIE ), de ouvrages ascétiques pour lesquels , lors
sorte qu'il ne resterait plus au musicien qu'il en espérait des profits considérables,
d’Arezzo que l'application des syllabes il se sentait une irrésistible vocation. Son
ut, ré , mi, fa , sol, la , et l'usage des nom devint si fameux et inspirait tant
clefs qui déterminent la position de la de crainte que François I'r et Charles
portée dans le clavier général. Quoi qu'il Quint s'efforcèrent, à l'envi l'un de l’au
en soit, Gui ouvrit dans son couvent , tre, de se l'attacherpar de riches présens ;
d'après sa nouvelle méthode , une école le dernier lui fit même une pension.Gonflé
de musique dont le succès fut tel que , d'orgueil, malgré sa vie crapuleuse, l'A
selon des écrivains du temps , on y ap- rétin fit frapper'en son honneur une mé
>

prenait en quinze jours ce qui demandait daille avec cette légende : Divus Petrus
auparavant dix ans de travail. Les inven- Aretinus, flagellum principum , et éleva
tions nouvelles ont toujours deux écueils : ses prétentions jusqu'au chapeau de car
l'exagération qui les discrédite en faisant dinal. Satirique par la pente naturelle de
trop présumer de leurs résultats , et l’en- son caractère , il était flatteur et rampant
vie qui cherche à en paralyser les effets lorsque ses intérêts l’exigeaient , et ildes
réels. Celle de Gui d'Arezzo n'échappa cendait alors aux plus viles adulations.
point à cette fatalité commune. Forcé de En 1556 , s'étant renversé un jour sur sa
quitter son monastère ,> il vint à la cour chaise en riant aux éclats, ce siége tomba,
ARÉ ( 222 ) ARÉ
et Arétin mourut sur le coup , au milieu Le second frère, GEORGE, baron d'A
des convulsions du rire. On aa de lui des rétin , né en 1771 , se livra particulière
lettres , des comédies , des stances , des ment à cette branche de l'économie po
sonnets , des paraphrases sur les sept litique qu'on désigne en Allemagne par
psaumes de la pénitence , des capitoli, le nom deCameralwissenschaften (voy.),
des ragionamenti , etc. Voir la Vita di et qui embrasse les sciences agricoles ,
Pietro Aretino de Mazzucchelli , der? forestières et rurales en général. Il pu
nière édition , Milan , 1830. S. blia aussi un assez grand nombre d'écrits,
ARÉTIN ( LÉONARD ) , voy. BRUNI . fut chargé de diverses fonctions publiques,
ARÉTIN (baron D' ). La famille Aré- et se trouva, en 1809, à Brixen, comme
tin , d'Ingolstadt en Bavière , a donné à commissaire général >, lorsque l'insurrec
l'Allemagne trois hommes également dis- tion du Tyrol éclata. Il tomba au pouvoir
tingués comme fonctionnaires publics et des Autrichiens qui le reléguèrent dans
comme écrivains. la Hongrie. Depuis il resta dans ses ter
L'ainé , ADAM , naquit en 1769 et sui- res , se livrant à l'étude et aux soins que
vit , après avoir terminé son droit , lalui imposaient diverses exploitations, ses
carrière diplomatique, dans laquelle il écrits portent tous le cachet du patrio
signala non moins ses lumières et sa mo- tisme et du désir de se rendre utile à ses
dération concitoyens.
réesde la Bavière, sa patrie.Sousle Christophe , barond’Arétin, le troi
> >

ministère du comte Montgelas (voy.), sième frère, né en 1773, étudia succes


il devint chef de la section diploma- sivement à Heidelberg, à Gættingue et
tique , et quand , en 1817 , le comte de à Paris , et se voua principalement à l'ad
Rechberg quitta la légation bavaroise à ministration. Mạis ensuite il se distingua
Francfort pour recevoir le même porte- surtout comme publiciste , comme litté
ſeuille, le baron d’Arétin lui succéda dans rateur et comme député à la seconde
son poste auprès de la diète germani- chambre des états de Bavière, à laquelle
que ; il у défendit avec vigueur la con- il fut élu en 1819 .
stitution que le bon roi Maximilien ve- De nombreux écrits, les uns littérai
nait de donner à son pays. Cependant on res, les autres politiques, des recherches
lui reprocha d'appuyer trop souvent les savantes sur les troubadours, sur Charle
vues de l'Autriche avec laquelle son goy- magne, surdiverses traditions dumoyen
vernement était alors intimement lié. Le age, et des connaissances bibliographi
3

baron d’Arétin mourut en 1822 à sa ques très étendues , le firent nommer en


terre de Heidenbourg, en Bavière. Cet es e 1806 premier conservateur de la biblio
timable diplomate se fit aussi connaître thèque de Munich, et en 1807 secrétaire
comme écrivain et comme amateur éclai- de la première classe de l'académie des
ré des beaux -arts. Il prit une part active sciences de cette ville, académie dont en
aux travaux de la Société des Amis de 1804 il avait été nommé vice- président.
l'Histoire nationale, fondée en 1819 à Mais son esprit d'indépendance, son iné
Francfort, par les soins du baron de branlable patriotisme et l'opposition vi
Stein , et fut un des membres du comité goureuse qu'il opposa , en conséquence
de direction. Ses gravures et estampes de ces qualités , aux prétentions de Na
formaient une des plus riches collections poléon dont l'active surveillance embras
de ce genre en Allemagne. Partie d'un très sait jusqu'aux établissemens scientifiques
faible commencement , elle devint de des pays étrangers , lui suscitèrent des
plus en plus brillante , et Arétin la dis- désagrémens; il se démit de toutes ses
>

posa d'après un système particulier. Voir fonctions, et seretira dansune petite ville
le Catalogue des estampes du cabinet comme con iller d’un tribunal d'appel
d'Arétin, par Brulliot. Munich, 1827, 3 dont il devint, quelque tempsaprès, vice
vol . in-8°. Il publia aussi dès 1791 un président. Sa brochure intitulée La Saxe
Magasin des arts du dessin , et en 1796 et la Prusse , qu'il publia en 1814 et
un Catalogue des estampes gravées par dans laquelle il embrassa chaudement le
Chodowiecki. parti de la Saxe, déplut au roi de Prusse,
ARG ( 223 ) ARG
comme la brochure Les projets de Na- , lement la partie extérieure de la mèche
poléon et sesantagonistesen Allemagne cylindrique, mais encore monte dans l’in
avait mécontenté l'empereur des Fran- térieur pour alimenter la flamme, et bien
çais : ces deux quvrages firent une vive que la combustion de l'huile se fasse plus
sensation. Le journal qu'il commença en rapidement, l'on ne brûle qu'une même
1815 sous le titre d'Allemannia eut quantité d'huile pour obtenir une plus
aussi le malheur de choquer la suscepti- belle lumière, parce qu'il ne s'en vapo
bilité des grandes puissances de l'Alle- rise qu'une très petite portion, et l'on n'a
magne, et le congrès de Carlsbad en arrêta ni odeur ni fumée.
la publication en 1819. Danscette année Cette ingénieuse découverte a ouvert
iſ entra dans la société de Francfort pour la voie à tous les perfectionnemens suc
l'histoire nationale , et , ayant été élu cessivement apportésau mode d'éclairage.
membre dela seconde chambre des états, Mais elle fut enlevée à son véritable ay
il publia une Gazette des états ( Land- teur et les lampes appelées quinquets, du
tagszeitung ) dans laquelle il ne prit pas nom de son rival , devraient porter le
toujours le parti des libéraux , mais dé-
> nom d'Argand . R- Y.
veloppa néanmoins des idées lumineuses ARGELLATI ( PHILIPPE D’ ) , naquit
et pratiques. Ce publiciste remarquable à Bologne , en 1685 , d'une famille an
mourut en 1824 à Munich , président cienne , originaire de Florence . Ce qui a
du tribunald'appel pour le cercle de Re- surtout illustré Argellati , c'est la part qu'il
gen. Parmi ses ouvrages nous citerons , prit à la publication du recueil connu sous
outre ceux qui sont indiqués plus haut, le titre de Scriptores rerum italicarum .
les suivans : Enseignement de la mné- Excité par Muratori ( voy.), qui avait le
monique tant en théorie qu'en pratique, premier conçu l'idée de cette noble en
1810; Littérature de l'histoire de la treprise, mais qui manquait des moyens
Bavière, 1810 ; Renseignemens relatifs de l'accomplir , il réunità Milan la société
à l'histoire de Bavière et tirés de sour- de nobles si connue depuis sous le nom
ces auparavant négligées , 1811 ; An- de Société palatine, et,de concert avec
nales de l'administration judiciaire en elle, il fonda l'imprimerie qui pour pre
Bavière , 1813 et 1818 ; Histoire del'ar- mier résultat donna à l'Italie ce célèbre
ticle XIII de l'acte de la confédération recueil. La liste des autres ouvrages pu
germanique , etc. etc. J. H. S. bliés par Argellati est assez longue. Ce
ARGAND (LAMPE D’) , à double cou- sont en partie de nuuvelles éditions d'ou
rant d'air, qui fut imaginée par Aimé Ar- vrages plus anciens , en partie des tra
ganddeGenève, lampiste à Paris, en 1786. vaux originaux d'une profonde érudition .
Avant lui les mèches compactes à fibres Après la portion du recueil de Muratori
parallèlement perpendiculaires , ne lais-. qui lui appartient, nous citerons la Bi
sạient monter avec l'huile, dans laquelle bliotheca scriptorum mediolanensium ,
elles plongeaient, et qui s'élevait à travers Milan , 1745, 2 vol. in -fol., et la Biblio
les fibres par l'effet de l'action capillaire teca de Volgarizzatori italiani, Mi
( voy. cemot ) , qu'une partie d'air infi- lan , 1767, 5 vol. in: 4 . Argellati mourut.
niment petite , de sorte que la flamme en 1755 , à Milan. L. L. O.
non arrivée par en bas se vaporisait en ARGENS ( JEAN -BAPTISTE DE Bo
grande quantité et donnait de plus en fu- YER , marquis d’ ) né à Aix en 1704. Il
mée ce qu'elle donnait de moins en lu- était destiné au barreau, mais à l'âge de
mière . Argand imagina de substituer aux 15 ans son goût le porta à embrasser l'é
mèches pleines des mèches tissues au tat militaire ; il se rendit à Strasbourg et
métier,> en forme de cylindre creux. Elles entre dans le régiment de Toulouse. Ses
sont retenues entre un premier tube au- amours avec l'actrice Sylvie lui firent
quel elles servent commede fourreau et quitter le service de la France pour s'u
un second tube qui les enveloppe elles-mê- nir à elle en Espagne . Mais il fut arrêté ,
mes, de manière à ce qu'il y ait entre la ramené en Provence , et ensuite envoyé
mèche et chaque tube trois millimètres avec l'ambassadeur français à Constan
d'intervalle . Ainsi l'air frappe non-seu- tinople . Son séjour en Turquie fut mar
ARG ( 224 ) ARG
qué par de nombreuses aventures ; il vi- | ples à la suite du comte de Lemos, l'au
sita aussi Alger , Tunis et Tripoli. A son tre y accompagna l'impératrice Marie
retour en France il reprit du service. En d’Autriche ; c'est sans doute par cette
1734 il fut blessé au siège de Kehl , et ressemblance de leur destinée qu'on peut
dans une sortie devant Philippsbourg il expliquer la ressemblance frappante de
fit une chute de cheval qui l'obligea de leur talent. S'il fallait prononcer entre
quitter le service militaire. Déshérité par eux , nous donnerions la préférence à
son père , il se fit auteur; et pour écrire Bartolomeo ; il nous parait plus poète que
avec plus de liberté il alla en Hollande son frère; son goût est encore plus sûr,
où il publia les Lettres juives, les Let- et pour donner une idée de la flexibilité
tres chinoises, et les Lettres cabalisti- de son style , nous dirons qu'il joint au
ques.Ces lectures charmèrentFréderic II, mérite d'avoir perfectionné la satire es
alors prince héréditaire, au point qu'il pagnole le mérite bien différent d'avoir
voulut en voir l'auteur et l'avoir auprès de composé de belles odes religieuses. L'aîné
lui. D'Argens répondit qu'ayant 5 pieds écrivit dans sa jeunesse frois tragédies:
7 pouces , il se croyait en danger auprès l’Isabelle, la Philis et l'Alexandra, que
de Frédéric -GuillaumeI. Mais après la Cervantes a beaucoup trop louées dans
mort de ce roi , d'Argens parut à Pots- son Don Quichotte ; il fut chargé de la
dam , reçut la clef de chambellan avec la continuation des annales de Zurita que
charge de directeur des beaux -arts à l'a- son frère reprit après lui; ce dernier est
cadémie , et dès ce moment il ne quitta aussi l'auteur d'unehistoire estimée de la
plus le roi qui lui témoigna une préfé- conquête des Moluques. Mais ce qui a
rence marquée. On peut lire à ce sujet , surtout illustré les deux frères , ce qui
dans les ouvres posthumes de Frédéric II, leur aa valu ce surnom d'Horace que les
les Épitres du roi au marquis d'Ar- Espagnols se plaisent à leur donner, ce
gens et du marquis au roi. A l'âge de sont leurs poésies lyriques, leurs épîtres
près de soixante ans , il se prit d'une vio- et leurs satires. Il faut bien connaitre l'es
lente passion pour l'actrice Cochois et pagnol pour en apprécier les beautés ;n'y
l'épousa à l'insu du roi , ce que celui- ci cherchez d'ailleurs ni pensées originales
ne lui pardonna jamais. A son retour ni enthousiasme; mais de la délicatesse ,
d'un voyage en France , d'Argens eut de l’élévation, le goût le plus pur et le plus
beaucoup à souffrir del'humeur satirique classique. L'ainé des deux frères mourut
du roi. Après un séjour en Prusse de près en 1613, le second en 1631. L. L. O.
de 25 ans , il obtint de nouveau la per- ARGENSON ( VOYER D’ ) , famille
mission de faire un voyage en Provence , originaire de Touraine où elle a possédé,
où il mourut le 11 janvier 1771. Frédé- de temps immémorial,la terre dePaulmy.
ric II lui fit ériger un monument à Aix , L'historien Belleforest, qui vivait sous
dans l'église des Minorites. Ses nombreux Henri III , donne , comme témoin ocu
ouvrages, dont le plus connu est la Phi- laire, des détails très étendus sur le châ
losophie du bon sens , et qui sentent teau de Paulmy et sur ses possesseurs
• l'athéisme,jouirentautrefoisd'unegrande ( Cosmographie, édition de 1585 ). Le
réputation . Ses lettres sont pleines de rai- nom d'Argenson , sous lequel plusieurs
son , de bonhomie , d'esprit et de fran- membres de cette famille se sont illustrés,
chise . Y. est celui d'une autre propriété située en
ARGENSOLA ( LUPERTIO et Bar- Touraine , arrondissement de Chinon.
TOLOMEO ). Les deux frères qui ont porté En 1596 RENÉ DE VOYER , comte d’Ar
ce nom furent trouvés dignes par leurs genson ,fut le premier de cette famille qui
compatriotes d'être comparés à Horace. abandonna la carrière militaire pour la
Issus d'une famille originaire de Ra- magistrature. Il fut chargé, par les cardi
venne , nés à Balbattro en Aragon ( 1565- naux de Richelieu et de Mazarin , de di
1566 ) , tous deux firent leurs études à verses négociations importantes et secrè
Saragosse ; tous deux ensuite , attachés à tes , telles que la réunion de la Catalogne
d'illustres personnages , suivirent à peu à la France, en 1641. Il mourutambassa
près la même carrière ; l'un vint à Na- | deur à Venise dix ans après. On a de lui
ARG ( 225 ) ARG
un traité De la Sagesse chrétienne, qu'il de ses efforts pour prévenir, quand il en
a composé en 1640 , étant prisonnier des était temps encore , la chute du système,
Espagnols au château de Milan, et qui fut l'engagèrent à donner volontairement sa
traduit en plusieurs langues , notamment démission de la présidence des finances,
en italien ; 1665 , in- 8 ° . Son fils lui suc- le 5 janvier 1720. Le 9 juin suivant il
céda comme ambassadeur à Venise , remit les sceaux au régent; mais il ne
n'ayant encore que 27 ans. La républi- perdit rien dans l'esprit de ce prince
que lui accorda l'autorisation de joindre qui ne prenait aucune détermination im
à ses armes le lion de Saint-Marc. Elle portante sans l'avoir consulté . D’Argen
fut marraine de son fils ainé , auquel fut son mourut l'année même qui suivit sa
donné le nom de Marc. De retour en démission , en 1721. Il était depuis 1716
France , il cultiva les lettres , fut amide membre de l'Académie des sciences , et
Balzac , ainsi que le prouve la correspon- de l'Académie française depuis 1718.
dance de celui-ci , et mourut dans ses Son éloge, par Fontenelle , est cité comme
terres de Touraine en 1700 , âgé de un modèle de ce genre de composition .
77 ans . René - Louis , marquis d'Argenson ,
MARC-René d’Argenson , filleul de la fils ainé du garde -des -sceaux , naquit
république de Venise , né en 1652 , fut en 1696. Il fut intendant du Hai
d'abord lieutenant général au bailliage naut depuis 1720 jusqu'en 1724. De re
d'Angoulême,charge subalterne dans la- tour de cette intendance , il n'occupa
quelle ses talens furent appréciés par long-temps d'autres fonctions que celle
De Caumartin qui parcourait les pro- de conseiller d’état. Naturellement sé
vinces en qualité de commissaire aux rieux et réfléchi, voué par goût à la lec
grands jours. Celui - ci engagea d’Ar- ture et à l'étude , il rassemblait les ma
genson à se rendre àà Paris , et peu de tériaux des ouvrages qui nous restent de
temps aprèslui donna sa fille en mariage. lui et de beaucoup d'autres qu'il n'a
Marc-René ne tarda pas à être appelé à cheva pas ou qui n'ont pas été publiés.
la lieutenance générale de police de la C'est ainsi qu'il se réparait au minis
capitale , charge d'institution nouvelle tère auquel il fut appelé le 28 novembre
dans laquelle il se fit remarquer par son 1744 , ministèrequ'iln'occupa que trois
activité , sa pénétration et sa vigilance. années. Secrétaire d'état aux affaires
Paris lui dut un ordre et une sécurité étrangères, il s'efforça de faire estimer
dont on n'avait auparavant nulle idée. et respecter la France au dehors , sur
Plutôt redoutable par son extérieursévère tout de procurer la paix au milieu de la
et par la persuasion où l'on était qu'aucun conflagration générale qui régnait en Eu
secret ne pouvait lui échapper que per- rope. D'accord avec les Hollandais, il $

sécuteur par caractère , il savait allier parvint à réunir le congrès de Bréda qui ,
l'indulgence pour les fautes légères à la sans avoir de résultat immédiat , fut ce
rigidité de ses devoirs. Le duc d'Orléans pendant le prélude de celui d'Aix -la
lui eut , en plusieurs circonstances , des Chapelle , où plus tard fut signée la paix
> >

obligations particulières. Après la mort générale. Mais il n'était pas réservé au


de Louis XIV, Marc-René fut investi de marquis d'Argenson d'y concourir di
toute la confiance du régent. Lors de l'é- rectement. Lui-même avait entamé à Tu
tablissementdes conseils,> en septembre rin une autre négociation avec la cour
1715 , il fit partie de celui du dedans du de Sardaigne , ayant pour objet l'expul
royaume. En 1718 il devint président du sion des Autrichiens au-delà des Alpes ,
conseil des finances et garde-des-sceaux. et la formation d'une ligue ou association
Il parut en cette qualité au fameux lit italienne sur le modèle de la Confédéra
de justice des Tuileries,du 26 août 1718, tion germanique. Ce projet, que le sort
où furent abolies les prérogatives des des armes fit avorter, déplutà la courde
princes légitimés, et ou la surintendance Madrid qui rêvait déjà les plans les plus
de l'éducation du jeune roi fut enlevée au gigantesques en faveur de don Philippe ,
duc du Maine. Cependant lesdémêlés que gendre de Louis XV , tels que le rétablis
d'Argenson eut avec Law, et l'inutilité sement du royaume de Lombardie , etc.
Encyclop. d . G. d . M. Tome II. 15
ARG ( 226 ) ARG
M. d'Argenson , mal vu de cette cour naut , etc. Membre de l'Académie des
près de laquelle Louis XV jugea conve- Inscriptions et belles -lettres , le marquis
nable d'envoyer en députation extraor- d’Argenson publia dans le recueil de
dinaire le maréchal de Noailles , se vit cette académie (année 1755) un mémoire
forcé de donner sa démission le 10 jan- sur les historiens français; enfin il co
vier 1747. Sans autres regrets que celui opéra à la rédaction de l'Histoire du
de n'avoir pas accomplitout le bien qu'il Droit public ecclésiastique français (Lon
avait conçu , le marquis d'Argenson re- dres , 1737 ) , 2 vol. in- 12 , livre destiné
prit ses occupations favorites, s'entou- à combattre les prétentions ultramon
rant de gens de lettres et de la plupart taines. Mort à Paris en 1757 , il ne laissa
des philosophes du dernier siècle. Ses qu'un seul fils , le marquis de Paulmy.
en
de nos jours que l'époque où il vécut ne
| cond ,
fils du garde-des-sceaux , né en
devrait le faire présumer, faisait dire à 1696 , fut lieutenant de police en 1720,
Voltaire qu'il eût été digne d'être secré- puis intendant de Tourainė , conseiller
taire d'état dans la république de Platon. d'état et intendant de Paris en 1740.
Une certaine affectation de bonhomie et En août 1742 il eut séance au conseil
de trivialité, jointe à un maintien em- des ministres , et quelques mois après
barrassé à la cour , l'y avaient fait sur- il succéda à M. de Breteuil comme se
nommer d'Argenson -la -Béte. Le plus crétaire d'état au ministère de la guerre.
remarquable de ses écrits , dont l'idée Le cardinal de Fleury,qui tenait encore
>

première remonte à son intendance du le timon des affaires, ne tarda pas à les
Hainaut , et qu'il composa plus de dix laisser , par sa mort, dans l'état le plus
années avant son ministère , est celui qui déplorable. Les armées françaises , déci
9

est intitulé Considérations sur le gou- mées par le fer et les maladies , étaient
vernement de la France , mais dont le en pleine retraite sur le Rhin ; les Autri
véritable titre devait être : Jusqu'où la chiens couvraient déjà de leurs bandes ir
démocratie peut-elle être admise dans un régulières l’Alsace et la Lorraine. Grace
état monarchique? Cet ouvrage , que aux habiles dispositions du nouveau mi
Rousseau cite avec éloge dans son Con- nistre et au choix plus heureux des offi
trat social, peut être considéré comme ciers généraux, la chance tourna dès l'an
le prélude des écrits des économistes et née suivante. Le théâtre de la guerre fut
de toutce que la fin du dernier siècle vit transporté dans les Pays-Bas. Louis XV ,
éclore de relatif aux municipalités et aux accompagné des deux frères d'Argenson ,
assemblées provinciales. Il parut pour la se montra en personne à la journéede Fon
première fois en Hollande en 1764 ; fut tenoy; deux années plus tard , avec le mi
réimprimé en France par les soins de nistre de la guerre, à celle de Lawfeldt. La
M. de Paulmy, son fils, en 1784 et 1787; prise de Berg-op-Zoom et l'investissement
1 vol. in - 8.°. Les Essais, dans le goût de de Mæstricht assurèrent le traité glorieux,
ceux de Montaigne, ou Loisirs d'un mi- quoique peu profitable , d'Aix -la -Cha
nistre d'état, forment un recueil de ca- pelle. La paix ne laissa point notre mi
ractères et d'anecdotes puisées dans les nistre inactif : non moins occupé de ren
souvenirs de M. d'Argenson. La publi- dre la France redoutable que de la mettre
cation de cet ouvrage est encore due aux à l'abri d'une nouvelle attaque >, il fit ré
soins de M.de Paulmy. Il aa paru en 1785, parer les places fortes, et, par divers
0
>

un vol. , et 1787, deux vol. in-8° , et établissemens , chercha à ranimer et à


>

a été réimprimé dans la Collection des entretenir l'esprit militaire. C'est à lui
Mémoires relatifs à la révolution fran- qu’est due la fondation de l'École mili
çaise , sous le titre de Mémoiresdu mar- taire , par édit de janvier 1751. Protec
quis d'Argenson , 1825. On yy a joint teur éclairé des lettres, l'Encyclopé
une notice assez étendue sur la vie de die , entreprise sous son ministère, lui
7

l'auteur,un grand nombre d'articles nou- fut dédiée par d'Alembert et Diderot.
veaux et des lettres inédites de Voltaire , Ami de Voltaire , dont il avait été le con
de Mmedu Châtelet , du président Hé- disciple, il lui fournit les matériaux du
ARG ( 227 ) ARG
siècle de Louis XV, et Voltaire lui écri sienne et le résumé de ses jugemens sur
vit : « Cet ouvrage vous appartient : il est la plupart de nos vieux auteurs ; 65 vol.
fait en grande partie dans vos bureaux in -8 °. M. de Paulmy mourut en 1787 à
et par vos ordres. » M. d'Argenson était l'Arsenal, dont il avait le gouvernement.
encore au ministère lorsque la guerre Il était membre de l'Académie française.
se ralluma en 1756 ; mais dès le 1er fé- Il a laissé une fille unique , duchesse de
yrier 1757, il fut enveloppé dans la dis- | Luxembourg .
grace du garde-des-sceaux , Machault. On MARC- RENÉ, marquis DE VOYER, fils
attribua cet événement à la haine que lui du comte d'Argenson , naquit en 1722.
portait depuis long-temps Mmede Pom- Il se distingua personnellement à la jour
padour ; peut - être fallait - il l'attribuer née de Fontenoy , fut créémaréchal -de
aussi au trop d'empressement qu'il mon- camp en 1752 , étant déjà directeur gé
>

tra à aller prendre les ordres du dauphin néral desharas et gouverneur du chậ
lorsque Louis XV , blessé par Damiens , teau de Vincennes . Commandant mili
le lui enjoignit. Le renvoi du comte d'Ar- taire en Saintonge , Poitou et Aunis , il
genson fut accompagné de rigueurs peu présida plus tard à l'assainissement des
usitées. Exilé dans sa terre des Ormes , il marais de Rochefort et aux fortifications
y passa les six dernières annéesdesa vie, de l'ile d'Aix ; c'est dans l'accomplisse
assiégé par l'ennui et les infirmités , et
> ment de ces devoirs qu'il gagna le germe
n'obtint qu'après la mort de Mme de d'une maladie pernicieuse qui l'enleva
Pompadour la permission de revenir à en 1782 , âgé de 60 ans. M. de Voyer
Paris , où il mourut en 1764 >, âgé de 68 avait épousé la fille du maréchal de Mailly
ans. Il laissa un fils, le marquis de Voyer. et il eut pour fils M. Voyer d'Argenson
Fils du marquis d'Argenson , MARC- aujourd'hui vivant.
ANTOINE-RENÉ DE PAULMY est connu MARC - RENÉ de Voyer d'Argenson ,
dansles lettres par ses publications nom- né en 1771 , ayant perdu son père fort
breuses et par les études littéraires et his- jeune , dut sa première éducation aux
toriques auxquelles il consacra sa vie. Le soins de M. de Paulmy. Il entra de bonne
marquis de Paulmy s'était formé une des heure au service , et fut,> ayant la révo
bibliothèques les plus riches et les plus lution , aide-de-camp de M. de Witgen
précieuses qu'aucun particulier ait ja- stein et ensuite du général Lafayette. Le
mais possédée. Cette collection , qu'en général Lafayette s'étantvu forcé de quit
1785 il vendit au comte d'Artois , en s'en ter la France, M. d'Argenson se fixa dans
réservant la jouissance durant sa vie , ses terres de Touraine , et y passa les
existe encore sous le nom de Bibliothè- années les plus orageuses de la révolu
que de l'Arsenal, et l'on peut lire en tion. Ce fut alors qu'il épousa la veuve
tête de presque tous les volumes qui la du prince Victor de Broglie, mère du duc
composent des notes manuscrites de M. de de Broglie , aujourd'hui ministre des af
Paulmy. Littérateur infatigable , il con- faires étrangères. Les enfans du premier
çut le plan de la Bibliothèque universelle mari de sa femme partagèrent ses soins et
des romans, dont 40 vol. parurent sous ses affections avec les siens propres. Li
ses auspices , de 1775 à 1778 , et dans vré à des occupations agricoles, M. d'Ar
laquelle il inséra plusieurs de ses com- genson eut le bonheur de contribuer au
positions , réimprimées depuis sous le soulagement deses concitoyens, en main
titre de Choix de petits romans de dif- tenant, dans des temps de disette, le prix
férens genres ; 1782, 2 vol. in -12 ( et des grains à un cours moins élevé. Nom
1798 , 2 vol. in- 18 ). Ces nouvelles ont mé deux fois à la présidence du collége
pour titre : Le Juif errant, Roman du électoral de la Vienne , il accepta , en
Nord ou l'Histoire d’Odin , Les Amours | 1809 , la préfecture des Deux-Nethes. Il
d'Aspasie et Les Exilés de la cour d'Au- se trouvait à Anvers à l'époque du dé
guste . Seul il entreprit une publication barquement des Anglais à Walcheren , et
non moins volumineuse , celle des Mé- contribua activement aux mesures qui
langes tirés d'une grande bibliothèque, furent prises pour les repousser . Anvers
formapt en quelque sorte l'analyse de la l était devenue une des places les plus im :
ARG ( 228 ) ARG
portantes de l'empire français , par les et le platine , et il surpasse presque tous
travaux immenses qu’y exécutèrentle gé- les métaux sous le rapport de l'éclat. Son
nie et la marine. Le refusque fit M. d'Ar- élasticité est moindre que celle du fer et
genson de mettre le séquestre sur les biens du cuivre ; mais sa qualité dominante , et
du maire d'Anvers , et de ses co -accusés qu'il possède au plus haut degré après
acquittés par le jury, fut cause de la dé- l'or , c'est la ductilité. Elle est si grande
mission qu'il donna en 1813. Aussitôt qu'avec un seul grain d'argent on peut
après la première restauration, M.d'Ar- faire une lamede 26 pouces carrés, et
genson fut désigné pour la préfecture de d'un cent-millième de pouce d'épaisseur,
Marseille : il déclara qu'il n'accepterait de ou un fil de 400 pieds de longueur , ou
fonctions du gouvernement que sous une bien, enfin, un vase pouvant contenir une
constitution libre et après l'évacuation once d'eau . D'ailleurs , l'argent n'est ni
du territoire. Membre de la chambre des fixe ni altérable ainsi que l'avaient pensé
représentans dans les Cent- Jours , il fit les anciens ; seulement il ne se volatilise
partie, avec Lafayette et Benjamin -Cons- et ne s’altère qu'à une température ex
tant , de la députation de Haguenau , des- cessivement élevée , et à laquelle il n'est
tinée à faire reconnaitre par les puis- jamais soumis dans l'état ordinaire. Sa
sances étrangères l'exclusion de la maison densité et sa ténacité sont assez considé
de Bourbon du trône de France. Réélu en rables , mais moindres que celles de l'or ,
1815 par l'arrondissement de Belfort, M. dans une assez grande proportion.
d'Argenson dénonça à la tribune le massa. L'argent est fluide lorsqu'il est par
cre des protestans dans le midi, et obtint venu au rouge blanc ; en se refroidissant
l'honneur du rappel à l'ordre . Depuis ce avec lenteur il est susceptible de former
temps , il a fait partie de presque toutes une cristallisation régulière . Il s'allie
nos assemblées représentatives , réélu à avec presque tous les métaux , mais prin
diverses reprises par le collége électoral cipalement avec l'or et le cuivre , et ce
de Belfort, plus tard par ceux de Pont- sont surtout ces deux alliages qui sont
Audemer et de Châtellerault. Inacces d'une application journalière (voy. Al
sible à toutes les séductions , comme aux Liage ). Lemercure se combine avec l'ar
hésitations d'un esprit timoré , il n'a ja- gent, et c'est sur cette propriété que re
mais négligé une occasion de s'élever con- pose un procédé très usité pour l'exploita
tre les actes arbitraires, et de réclamer en tion desmines (voy.AMALGAME). L'acide
faveur des classes pauvres les mesures pro- nitrique est le seul qui le dissolve mème
pres à assurer leur bien -être. R. d. C. à froid ; aussi est-ce lui qu'on emploie
Après avoir donné sa démission comme lorsqu'il s'agit de séparer l'or de l'argent,
membre de la chambre des députés , sous attendu qu'il ne dissout que ce dernier.
le ministère Martignac , M. d'Argenson L'argent se trouve assez abondamment
fut réélu à Strasbourg , en 1830. Appelé dans les entrailles de la terre , et il com
à prêter serment dans la séance du 3 no- mence même à diminuer de valeur, à me
vembre , il le fit en ces termes : « Je le sure qu'on découvre et qu'on exploite des
jure , saufles progrès de la raison publi- mines plus riches. On l'extrait du sein de
que », et donna ainsi lieu à de vives in- la terre, où il se montre, soit à l'état natif,
terpellations. Au mois de mai 1832 , mêlé à l’or , au cuivre, à l'arsenic ; soit à
M.d'Argenson, homme ardent et d'opi- l'état d'alliage , uni au mercure, à l'anti
nions hardies, signa le Compte rendu moine ; soit enfin à l'état de sulfure ( or
des députés de l'opposition, et au mois dinairement mêlé au sulfure de plomb ) ,
d'octobre 1833 , son nom figura parmi de chlorure, de carbonate , d'iodure, etc.
>

les signataires d'une espèce de manifeste Les mines d'argent se trouvent dans
publié par la société des Amis des droits divers pays ; on en rencontre quelques
de l'homme. J. H. S. unes en France; elles sont plus nombreu
ARGENT ( argentum ), métal très ses en Allemagne, plus riches en Norwege;
intéressant à étudier à cause de ses nom- la Hongrie et l'empire de Russie en ex
breux usages. Il est plus dur que l'or , ploitent annuellement des quantités assez
l'étain et le plomb, mais moins que le fer / considérables ; mais l'Amérique fournit
ARG ( 229 ) ARG
à elle seule deux fois plus d'argent que moyen de l'argenté et du plaqué.Enfin ,
tous les continens réunis. C'est au Mexi- on a imaginé des composés métalliques
que et au Pérou que sont les mines les ayant la blancheur de l'argent etson éclat;
plus abondantes * . Une observation gé- tel est celui qui est connu sous le nom
nérale , c'est que les mines d'argent se d'argentan, et qui consiste dans un al
trouvent dans les régions froides, soit liage de zinc et de cobalt. Il aa été décou-,
par leur latitude, soit par leur, situation vert , en 1822 , par Geitner de Schnée
élevée. berg. On l'appelle aussi maillechor.
Les procédés d'extraction et d'exploi- La valeur de l'argent est à celle de
tation sont ceux qui s'emploient pour les l'or comme un est à quatorze , c'est-à-,
métaux en général. Ils varient suivant la dire que, siune livre ď'argent vaut 100 fr.,
richesse du minéral et la profondeur à la- la livre d'or vaut quatorze cents francs.
quelle il se rencontre. Une fois extrait de Ce rapport est celui qui existe à présent;
la mine, l'argent, pour être séparé des il a varié à différentes époques, et il est
matières auxquelles il se trouve combiné, encore susceptible de varier suivant la
a besoin de préparations diverses , dont plus ou moins grande quantité de métal
les principales sont la fusion et l'amalga- qui se trouve dans le commerce. Il peut
mation. La première consiste à le faire même arriver un temps où l'argent n'ait
fondre avec du plomb , dont on le sépare pas plus de valeur que le cuivre ou le
ensuite au moyen de la coupellation plomb, si la découverte denouvelles mines
( voy.ce mot). La seconde a pour résul- venait à le faire affluer sur la place. F. R.
tat de faire un amalgame d'argent et de ARGENT ( valeur), voy. NUMÉRAIRE.
mercure qu’on isole après l'un de l'autre ARGENT ( numismatique ). Les plus
en distillant le mélange. anciennes monnaies des Grecs furent
L'argent ne s'emploie pas pur. Pour d'argent, et frappées, si l'on en croit les
>

pouvoir être travaillé, il a besoin d'être marbres de Paros, sous Phidon, roi d'Ar
mêlé à une certaine quantité de cuivre. gos , dans l'ile d'Égine ,> l'an 894 avant
Cette quantité est déterminée par une J.-C. Ces monnaies , que nous nommons
loi ; c'est ce qu'on appelle le titre; on le médailles parce qu'elles n'ont plus cours
compte par millièmes ( voy. TITRE). En dans le commerce , étaient dans l'origine
France , la monnaie contient neuf par- globuleuses, irrégulières ; elles ne por
ties d'argent et une de cuivre. Les pro- taient de type que d'un côté , le revers
portions varient pour les objets d'orfé- n'étant qu'une aire creuse, divisée en trois
vrerie. ou quatre parties ; d'abord elles n'a
Les usages de l'argent sont très nom- vaient point de légendes , elles en eurent
>

breux ; sa dureté , son inaltérabilité et ensuite de très courtes quiétaient les let
son prix , assez considérable encore à tres initiales du peuple ou de la ville.
présent , le font rechercher tant pour en A cette époque primitive on employa
faire un signe représentatif des valeurs donc principalement l'argent, peu d'or
commerciales , que pour en fabriquer et point de cuivre .
des vases , des bijoux, et autres objets, Les monnaies d'argent des Grecs fu
soit d'utilité, soit de luxe. On ne se borne rent d'abord la drachme , unité moné
pas à fabriquer en argent divers usten- taire valant six oboles ; ensuite les di
siles ; on cherche à en avoir l'apparence drachmes, tridrachmes et tétradrachmes,
et en grande partie les bons effets , au c'est- à -dire les doubles , triples et qua
(*) Voici l'état dela production annuelle de druples drachmes. Ces dernières pièces
l'argent dans différens pays :
marcs .
s'appelaient aussi statères , car il y avait
L'EMPIRE RUSSE..... 90,000
des statères d'or et d'argent. La drachme
Les ÉTATS AUTRICBIENS.. 100,000 avait aussi des divisions, telles que la de
LA SAXE . 50,000 mi-drachme , qui prenait alorsle nom de
Le HARZ....
LA PRUSSE .
36,000
18,000
triobole, et le tiers de drachme qui était
L'AMÉRIQUE. le diobole. L'obole elle-même se divisait
3,500,000
Sur cette dernière somme , les deux tiers re en fractions qui formaient des pièces de
viennent au Mexique. S. la plus petite proportion. On sentit alors
ARG ( 230 ) ARG
le besoin de remplacer ces pièces presque antiques quiparaissent d'argent, mais qui
imperceptibles, et d'en représenter la va- sont seulement recouvertes d'une feuille
leur par un
un métal moins précieux dont de ce métal et dont l'amé est de bronze ;
le volume en rendrait l'usage plus facile; c'est ce qu'on appelle des médailles four
alors on fabriqua le chalcus ou monnaie rées.
de cuivre , qui valutun huitième d'obole. Les monnaies d'argent des Grecs ne
Le bronze avait été , au contraire, la nous offrent point les mêmes variations
première monnaie des Romains , et ils ne que celles des Romains : le métal en est
commencèrent à se servir de l'argentque constamment pur. L'art contribue à ren
l'an
9.485 de Rome. dre très intéressantes ces pièces qui le
Ces monnaies furent appelées deniers, sont déjà sous tant d'autres rapports.Elles
denarii, parce qu'elles avaient la valeur sont beaucoup plus abondantes que celles
de dix as , et leur marque était un Ý . en bronze, avant la domination romaine ;
C'est ainsi que les quinaires d'argent ou mais à l'époque où la Grèce fut soumise
pièces valant cinq as, furent marquées de à ces vainqueurs du monde , elle perdit
la lettre initiale Q , ou de la lettre nu- le droit de frapper la monnaie d'argent ,
>

mérale V. Les premiers deniers d'argent et l'on ne trouve de médailles coloniales


des Romains eurent pour types la tête et impériales dans la Grande -Grèce et
de Romè ou celles de Castor et Pollux, dans l'Asie-mineure qu'en bronze , ex >

et au revers, un bige , un quadrige , une cèpté dans quelques cités considérables,


prové de vaisseau ou une victoire. Pen- comme Alexandrie d'Égypte , Antioche
dant cette première époque, la monnaie de Syrie, Césarée de Cappadoce , Tarse
d'or fut de la plus grande rareté; ce n'est de Cilicie , etc. La Crète offre aussi quel
que sous les empereurs qu'elle devint ques médaillesd'argent, frappées à l'effi
abondante. Les amateurs forment des gie des empereurs, depuis Auguste jus
collections de médailles d'argent , que qu'à Trajan .
l'on nomme consulaires ou de familles Il n'y a point de proportion entre la
romaines , ce sont celles qui ont précédé quantité de monnaies d'or et d'argent des
le temps de l'empire. Les savans Vaillant villes grecques. Les médailles d'or y sont
et Morell ont publié des ouvrages sur ce très rares; elles sont plus communes dans
genre de médailles. les médailles de rois , surtout dans cel
L'argent monnayé des Romains est à les des rois de Macédoine et des rois
un titre plus bas que nos monnaies ac- d'Égypte, successeurs d'Alexandre.
țuelles , tandis que leur or a moins d'al- On trouve quelquefois, chez les an
liage que le nôtre. Cependant, ce titre ciens comme chez nous , le mot argent
baisse encore beaucoup vers le règne de employé pour désigner les monnaies de
Septime-Sévère; il va encore baissant sous tous les métaux. Cela vient probablement
Gallien ; et bientôt après on ne trouve de ce que l'argent, étant la valeur inter
presque plus que des médailles saucées , médiaire entre l'or et le bronze , a beau
c'est-à-dire de cuivre recouvert d'une coup moins variédansle prix légalement
feuille d'étain affiné.On donnait cepen- attribuéaux métaux , etque, tandisque
dant à ces pièces, dansle commerce, la les deux autres peuvent être considérés
2

valeur des pièces d'argent. Cet expédient comme une marchandise , les valeurs
avait pourcause la position embarrassée qu'on leur donne ne servant qu'à consta
où se trouvèrent les empereurs , depuis ter leur poids et leur titre , c'est presque
Gallien jusqu'à Dioclétien et Maximien. toujours l'argent qui constitue la vérita
Ils achetaient tous l'empire , et on voit ble monnaie. D. M.
qu'ils le payaient en mauvaise monnaie ARGENTEUIL , petite ville située
(voy. BILLON ). à deux liénes et demie au nord-ouest de
Dioclétien rétablit la monnaie d'ar- Paris , sur la Seine. D'anciens titres du
gent fin , et elle continua d’être ainsi frap- vire siècle rapportent la fondation en
pée , sauf quelques exceptions dans les ce lieu d'un monastère de filles , dont
temps du Bas-Empire. Clotaire un approuva l’établissement vers
On trouve quelquefois des médailles | 665, et qui fut placé sous la dépendance
ARG ( 231 ) ARG
de l'abbayede Saint-Denis. Charlemagne | l'argent. On emploie pour cette opéra
donna à une de ses filles, Théodrate , le tion plusieurs procédés ; l'un , qui con
>

monastère qui , à cette époque >, était un stitue une industrie spéciale , consiste à
lieu de retraite pour les religieuses de la appliquer une lame d'argent plus ou
maison royale et des plus illustres famil- moins épaisse (voy. PLAQUÉ); l'autre,
les. Ce fut là peut-être l'origine d'un re- dans lequel on se sert d'argent en feuilles ,
lâchement dans la règle et dans les mæurs qu'on applique sur les objets qu'on veut
qui porta Suger, abbé de Saint-Denis, argenter ; un troisième,appelé argenture
2

à expulser toutes ces nonnes , dont la au pouce , dans lequel on emploie une
prieure était alors la célèbre Héloise , dissolution d'argent ; enfin , on donne
>

amante d'Abeilard (voy. ces noms),pour temporairement au cuivre la couleur et


les remplacer par des moines , ce qui fut le brillant de l'argent, en le frottant avec
décidé dans un synode tenu à Saint- une poudre composée d'antimoine et de
Germain -des-Prés en 1129. Un légat du mercure .
n-
papé présidait cette assemblée : la sen |Onargente le plus ordinairement le
tence apostolique signala ces religieuses cuivre , le bois , le carton , la pierre ,
comme menant depuis long-temps une l’écaille , etc. , soit en totalité , soit par
> >

vie qui déshonorait leur profession et parties. Pour les substances non métal
causait un scandale public. Ce fut après liques , il suffit d'enduire l'objet d'une
cette expulsion qu'Héloïse se rendit au couche de solution gommeuse ou albu
Paraclet. Occupé dès lors par les Béné- mineuse , d'appliquer ensuite les feuilles
dictins , le monastèred'Argenteuildevint d'argent , et de brunir après avoir laissé
bientôt fameux par un objet de véné- sécher, ou bien de fixer la feuille d'argent
ration qui jusqu'à ces derniers temps a en passant un fer chauffé.
attiré un grand concours de fidèles : Lorsqu'il s'agit d'argenter sur cuivre ,
c'est la robe sans couture de Notre- Sei- | le travail est plus compliqué et se com
gneur , donnée , dit-on , au couvent par poserede huit opérations successives qui
>

Charlemagne qui l'avait lui-même recue ont çu des noms particuliers. Einor
de l'impératrice Irène. Cette précieuse filer, c'est unir parfaitement les surfaces
relique s'était perdue au milieu destrou. qui doivent être argentées. Recuire, c'est >

bles causés par les incursions des Nor- faire rougir les pièces, puis les plonger
mands , et depuis près de deux centsans, dans l'eau seconde (acide nitrique éten
>

on n'en entendait plus parler ; mais les du ) , afin de les décaper. Poncer, c'est
moines de Saint-Denis ne manquèrent les éclaircir en les frottant avec de la
paś , comme on pense bien , deretrouver pierre ponce. Réchauffer, c'est les faire
3

cette source abondante d'aumônes et de chauffer à un moindre degré que la pre


tributs. On cite de grands personnages mière fois et les plonger de nouveau dans
qui accomplirent ce pieux pélerinage. l'eau seconde , afin d'y former de petites
Henri 111 et Louis xiii , Marie de Mé- aspérités propres à fixer les feuilles d'ar
dicis , Anne d'Autriche , le cardinal de gent. Une sixièmeopération, appelée ha
Richelieu , visitèrent Argenteuil dans le chure, a pour but d'augmenter ces aspé
but de rendre hommage à la robe sans rités; elle se fait avec un couteau d'acier
couturé. Au žive siècle on comptait dans donton promène le tranchant endifférens
ce bourg environ 600 habitans. Il ne reste sens. Vient ensuite le bleuissage dans
aujourd'hui de tous ces établissemens lequel on monte la pièce sur un mandrin
religieux que l'église dont la structure pour la faire chauffer jusqu'à ce qu'elle
est assezremarquable , et un hôpital dont devienne bleuâtre ; elle doit d'ailleurs
on attribue la fondation å saint Vincent rester chaude pendant tout le reste du
de Paul. Argenteuil est un chef-lieu de travail, que lesmanipulationsprécédentes
canton du département de Seine-et-Oise. ne font que préparer. Alors on charge ,
La situation en est agréable. On y compte c'est - à -dire qu'on applique les feuilles
aujourd'hui 4,800 habitans. P.A.D. d'argent sur la pièce chauffée , et on les
ARGENTEUR , ouvrier qui donne у fixe en frottant avec un instrument ap
à divers objets l'aspect et l'apparence de pelébrunissoir.Lesfeuilles d'argent qu'on
ARG ( 232 ) ARG .
applique ainsi les unes sur les autres sont d'acide le résidu , on le traite par l'am- .
plus ou moins nombreuses, suivant le moniaque. Le produit est une substance
degré de perfection et de solidité que pulvérulente qui, par la moindre pres
l'on veut donner à l'ouvrage ; on peut sion , s'enflamme et détonne d'une ma
aller jusqu'à soixante . Elles doiventêtre nière souvent très dangereuse. Aussi cette
appliquées de manière à ce qu'on ne matière doit-elle être maniée avec les
puisse apercevoir ni jointure ni défaut. plus grandes précautions , car on a vu
L'argenture au pouce se fait de la les accidens les plus graves résulter de
manière suivante. On prend de l'argent l'explosion d'une petite quantité. On a
finement pulvérisé ( on l'obtient de la coutume de n'en préparer que très peu à
dissolution nitrique ); à un gros de cette la fois, et encore de partager en plusieurs
poudre on ajoute deux gros decrème de portions le peu qu'on en fait. On peut
tartre et autantdesel commun .Au moyen aussi le faire par un autre procédé qui
d'un peu d'eau , l'on forme avec le tout donne un produit moins dangereux , en
une pâte claire ,> dont on frotte la surface ce qu'il ne détonne pas aussi facilement.
du cuivre qui doit être préalablement L'argent fulminant aa d'abord été sim
décapée. La pièce est ensuite trempée plement un objet de curiosité ; on en

successivement dans une eau alcaline et faisait des bonbons , des cartes , des bou
dans l'eau pure , puis essuyée avec un gies qui détonnaient. Depuis quelques
linge blanc, et exposée devant le feu jus années on s'en sert pour préparer des
qu'à ce qu'elle soit bien sèche. amorces pour les fusils et les pistolets à
Ce procédé ne s'emploie que pour les piston. Voy. POUDRE FULMINANTE et
objets quin'ont pas besoin d'une grande AMORCES. F.R.
solidité. On se sert aussi d'un procédé ARGENTINE ( RÉPUBLIQUE ) , voy.
tout-à - fait analogue, mais dans lequel on RIO DE LA PLATA.
expose les pièces à l'action de la chaleur; ARGILE, substance terreuse , ayant
dans ce dernier cas l'argent pénètre pro- pour caractère spécial de se combiner
fondément le cuivre , et l'argenture à une avec l'eau pour former une pâte molle et
plus longue durée, ce qui rend cettemé- facile à manier , qui , exposée à l'action
thode fort avantageuse. du feu , prend une consistance quelque
L'argenture est une opération qui n'a fois très considérable et perd la propriété
guère d'autre but que le luxe. La couche de se délayer dans l'eau. Les anciens,
d'argent étant extrêmement mince n'em- pour lesquels l'insuffisance des moyens
pêche pas le cuivre sous-jacent de se d'analyse augmentait le nombre des corps
couvrir d'un oxide qui est très soluble et , simples , considéraient comme telle l'ar
très vénéneux. Aussi les vases argentés gile , dont ils avaient cependantreconnu
doivent- ils être proscrits de l'économie les variétés les plus tranchées. Les miné
domestique pour ce qui concerne la pré- ralogistes et les chimistes , par leurs tra
paration et la conservation des alimens , vaux combinés , ont fait voir que les ar
usages pour lesquels il convient de pré- giles n'étaient que des mélanges de dif
férer le plaqué . F.R. fére terr unie entr elle dans
ntes es s e s, des
ARGENT FULMINANT , prépara- proportions très variables,dans lesquelles
tion découverte par Berthollet , et sur la la silice et l'alumine prédominent ordi
nature intime de laquelle les chimistes nairement , et qui présentent assez fré
ne sont pas bien d'accord , puisque les uns quemment du fer et de la chaux.
la considèrent comme un azoture d'ar- Au caractère de former pâte avec l'eau
gent , et les autres comme une simple les argiles joignent encore les suivans ,
combinaison d'oxide d'argentetd'ammo- qui servent à les distinguer d'autres sub
niaque ; d'autres ont admis la formation stances terreuses : elles sont douces et
d'un nouvel acide qu'ils ont appelé ful- comme grasses au toucher , se laissant
ininique.Quoi qu'il en soit,voici comment facilement couper et se polissant par le
on opère : on prend une dissolution d'ar- simple frottement de l'ongle . Mises sur la
gent dans l'acide nitrique , on la fait éva- langue , elles s'y attachent de suite en ab
porer à siccité , et, après avoir bien privé | sorbant avec rapidité l'humidité qui la
ARG ( 233 ) ARG
recouvre ; c'est ce fait qu'on exprime en | l'argile calcarifère, qui renferme de la
disant qu'une terre happe à la langue. chaux ; l'argile commune , connue sous
Quant à la couleur ,> elle varie suivant le nom de glaise ou d'argile figuline ;
les espèces qui sont assez nombreuses ; | l'argile à foulon , ainsi nommée de l'u
mais la plus ordinaireest le gris-bleuâtre, sage auquel elle est plus particulièrement
avec des nuances etdes marbrures quel- employée ; le kaolin, qui entre dans la
quefois assez agréables. composition de la pâte de porcelaine ;
Les usages de l'argile sont extrême- l'argile ocreuse rouge , autrement argile
ment nombreux : chacune de ses variétés ocreuse graphique , sanguine ou crayon
naturelles est employée dans les arts et rouge; l'argile ocreuse jaune;enfin lar
l'industrie, dont les besoins savent en- gile plastique. F.R.
core les multiplier en les combinant les ARGOLIDE , province orientale de
unes avec les autres, ou bien en y ajoutant l'ancien Péloponèse, entre la Corinthie ,
diverses substances. C'est à ce résultat la Sicyonie , la Phliasie , l'Arcadie , la La
>

qu'a conduit la connaissance plus exacte conie , la Mégaride (celle-ci hors du Pé


des proportions respectives des divers élé- loponèse), et le golfe du même nom. Elle
mens dont elles se composent . C'est avec se composait , en grande partie , de la
l'argile que l'on fabrique les tuiles , les péninsule comprise entre les golfes Saro
briques , les carreaux, les ouvrages de nique et Argolique (aujourd'hui gouver
>

poterie , la faïence et même la porce- nement d’Athènes et de Napoli ). Argos,


laine. C'est avec cette substance que les ainsi que l'indique son nom , en était la
sculpteurs exécutent les modèles deleurs capitale ; mais d'autres villes , Mycènes ,
ouvrages. On l'emploie pour le dégrais- Tirynthe, Trézène, Hermione, Épidaure,
sage des étoffes de laine (voy. Foulon) ; Némée, y avaient joué un rôle et avaient
pour la fabrication des crayons rouges été chacune le centre d'un état particu
et des diverses couleurs connues sous le lier. L'ile d'Égine est une annexe natu
nom d'ocre rouge et jaune , de terre de relle de l'Argolide, quoique, au reste, elle
Sienne; enfin c'est avec de l'argile, et à rai- | ait souvent appartenu aux Athéniens.
son de sa ténacité pour l'eau, que l'on con- Voyez Argos . VAL. P.
struisait le pyromètre de Wedgwood. ARGONAUTES ( de vaútns, naviga
L'argile est une des substances les plus teur, et Argo,nom d'un bâtiment), héros
7

répandues ; on la trouve en abondance de l'antiquité fabuleuse de la Grèce , fa


dans tous les terrains anciens et nouveaux. meux pour l'expédition aventureuse qu'ils
Il en est de l'argile comme de toutes les entreprirent par mer, dans le but de se
substances très utiles à l'homme ; il se rendre maitres de la Toison-d'Or , en
présente à lui presque sans aucun effort. Colchide. Jason ,> fils du roi Iolcos , en
Les géologues pensent qu'elle est pro- Thessalie, à qui son frère utérin Pélias
>

duite par la décomposition de substances disputait le royaume , ne put obtenir le


volcaniques , ou de divers minéraux, tels trône qu'à la condition de conquérir préa
que le granit , le porphyre , le basalte. lablement la Toison-d'Or, que Phryxus,
D'ailleurs l'argile se trouve principale- fuyant les persécutions de sa belle-mère,
ment disposé en forme de couche, et rare- avait suspendue dans un bois sacré de la
ment à la surfacedu sol. Onaremarqué de Colchide. Jason , accompagné d'un grand
>

toustemps que les terrains argileux étaient nombre de héros , tels que Lyncée , Pé
de tous les plus impropres à la végéta - lée, père d’Achille, Télamon , père d’A
tion . Ceux quisont exclusivementformés jax , Orphée , Castor et Pollux , Nélée ,
d'argile , sont frappés d'une stérilité ab- père de Nestor >, Thésée , Méléagre , Py
2

solue. Dans les couches d'argile qui rithoũs , etc., s'embarqua sur le vaisseau
>

n'ont jamais une épaisseur très considé- | Argo, construit en bois depin , du mont
rable, mais qui se trouvent superposées, Pélion , et ayant pour mât un chêne de la
on rencontre fréquemment des corps or- forêt de Dodone. Tiphys dirigeait le gou
ganisés fossiles, des débris de substances vernail , Lyncée épiait les périls de la
>

végétales et animales voy. Fossiles). mer, Orphée charmait le loisir des héros
Les principales espèces d'argile sont avec sa lyre. Les Argonautes demeure -
ARG ( 234 ) ARG
rent deux ans dans l'ile de Lemnos, rete- leurs traces à son père par uneruse qu'elle
nus par les femmes qui , pour se venger employa (voy. Médée). Les mythogra
des concubines de Thrace,avaientégorgé phes anciens racontent diversement le
leurs maris. Les navigateurs se dirigent retour des Argonautes ; selon les uns, les
ensuite sur la Samothrace , où Castor et navigateurs revinrent parle chemin qu'ils
Pollux se firent initier dans les mystères avaient pris en allant ; selon d'autres, ils
des Cabires ; ils débarquent à Troie et y remontèrent le Phase, pénétrèrent dans
perdent Télamon. A Cycicus, ils sont l'Océan , qui était supposé baigner les
d'abord accueillis d'une manière hos pays de l'Orient , descendirent le Nil en
pitalière par le roi ; mais traités ensuite Égypte, transportèrent leur vaisseau par
comme pirates, ils tuent ce prince. Or- la Libye , le remirent à flot dans le lac
phée apaise , par un sacrifice, la colère de Triton , et rentrèrent chez eux par la
de la déesse Rhéa. Ils laissent en arrière mer Méditerranée. Selon d'autres encore,
Hercule et son favori Hylas , débarquent ils se dirigerent vers le -septentrion , en
en Bithynie , où ils tuent le féroce Amy- remontant le Tanais , firent le tour des
>

cus. Ils descendent à Salmydessa , et dé- pays occidentaux de l'Europe , et revin>

livrent l'ile d'Arétias des Stymphalides , rent par la Méditerranée , comme dans
espèce de harpies. Ils arrivent enfin en la tradition précédente. Une quatrième
Colchide et remontent le Phase jusqu'à tradition enfin , et c'est la plus vulgaire ,
>

Æa , capitale du royaume. Le roi Aétès les fait fuir d'abord devant Aétès par le
exige de Jason , avant de lui céder la Pont-Euxin , jusqu'à l'embouchure de
Toison-d'Or , qu'il remplisse , dans une l’Ister ou du Danube ; de là, ils se ren
seule journée , trois conditions : la pre- dent , par l'extrémité du pays des Celtes,
mière était de labourer quatre arpens de dans l'Océan , ou par la iner Adriatique ,
terre consacrée à Mars, avec une charrue dans l'Éridan ou le Pô ; en quittant l’I
de diamans ou peut-être du fer le plus dur, talie, ils traversent la mer Tyrrhénienne,
attelée de deux taureaux de Vulcain ,qui s'arrêtent à l'ile de Circé, à Corcyre , >

lançaient des flammes ; la seconde , de se- à Égine, et rentrent enfin dans leur pays.
mer dans les sillons les dents de dragon Aux jeux solennels célébrés dans l’isth
provenant de Cadmus, et de tuer les héros me , Jason consacre le vaisseau Argo à
qui naitraient de cette terrible semence; la Neptune , ou , selon d'autres , à Mi
troisième enfin , de tuer le dragon qui gar nerve .
dait la Toison-d'Or. Heureusement pour On trouveles détailsde l'expédition des
Jason , Médée , fille d'Aétès, éprise d'a- Argonautes dans le poème du faux Or
mour pour lui , et inspirée par Junon et phée , dans les Argonautiques d'Apollo
Minerve , lui remit des talismans propres nius de Rhodes , dans le poème latin du
à le préserver de tout danger dans ces même nom de Valérius Flaccus; les ani -
trois aventures. Il enduisit son corps d'un tres auteurs anciens qui en parlent sont
onguent qu'elle lui présenta, et se rendit Diodore, Apollodore, etc. Il est à remar
invulnérable. Une pierre détruisit l'effet quer que l'expédition des Argonautes est
des dents du dragon ; des herbes et une le premier voyage de long cours dort
boisson endormirent le monstre quigar- parlent les anciens ; et 2, sous ce rapport ,
dait la Toison- d'Or. Voyant que Jason elle a quelque intérêt pour les géogra
s'était tiré, avec avantage , des deux pre- phes. Les versionsdifférentesquiexistent
mières aventures , Aétès médita le meur- sur le retour de ces navigateurs viennent
tre du héros et de ses compagnons, et la de la diversité des notions géographiques
destruction du navire Argo. Mais la nuit qu'on possédait du temps des mythogra
suivante, Jason, d'après le conseil de Mé- | phes qui ont voulu retracer la route des
dée , endormit le agon à l'aide du Argonautes. On suivait d'abord la géo
philtre, enleva dans la forêt sacrée la graphie d'Homère , quise figurait la terre
Toison-d'Or, et s'embarqua avec cette dé- sous la forme d'un disque entouré par
pouille précieuse, accompagné de Médée l'Océan . A mesure qu'on abandonna cette
et de ses compagnons. Aétès les pour- idée on chercha mieux à expliquer la
suivit ; mais la princesse sut faire perdre route de l'expédition. D-G .
ARG ( 235 ) ARG
ARGONAUTES , nom d'un genre de Paris , Dumouriez, dans la nuit du 28
mollusques, dont la coquille représente août, conçoit un plan digne d'un homme
une sorte de nacelle. de génie. D'un coup d'ail ràpide il a fixé
ARGONNE ( CAMPAGNE DE L' ). On la carte , et montrant à un ami les clai
appelle ainsi la courte et mémorable rières de l'Argonne, il dit : Ce sontlà les
campagne de septembre 1792 , qui sau- Thermopyles dela France.
va la France de l'invasion étrangère , et La forêt de l'Argonne s'étend de la
devintpour Dumouriez le plus beau titre ville de Sedan, où se trouvait Dumouriez ,
de gloire . jusqu'à Passavant ; dans un espace de 12
Après de longues hésitations, l'empe- à 15 lieues elle couvre un terrain iné
reur Léopold II et Frédéric-Guillaume gal , tantôt boisé , tantôt marécageux , et
de Prusse s'étaient'enfin décidés à porter formé dans toute sa longueur par des
les armes sur notre territoire, pour ren- hauteurs escarpées. Une armée ne peut y
verser l'assemblée législative et rétablir pénétrer que par cinq passages : celui du
l'ancien ordre de choses. A la tête de Chêne-Populeux, de la Croix -aux -Bois,
leur armée , composée de 60,000 Prus- de Grandpre, de la Chalade et des Is
2

siens et de 68,000 Autrichiens , Hessois lettes. Il s'agissait de les couper , et l'en


ét émigrés , se trouvait duc de Bruns- nemi se trouvait arrêté ; car en tournant
wick. Il devait, avec les Prussiens, passer la forêt , d'un côté il trouvait Sedan , et
le Rhin à Coblentz, longer la Moselle et se de l'autre Metz. Ce projet sans doute
diriger, par Longwy, Verdun et Châlons, était beau , mais il fallait l'exécuter. Les
sur Paris. Le général Clairfait avaitordre Prussiens n'étaient qu'à quelques lieues
de marcher sur les Pays-Bas; le prince de de l'Argonne; Dumouriez en avait douze
Hohenlohe devait s'avancer surMetz.Un à parcourir. Par une marche hardie en
manifeste violent, lancé par le généralis- tre la Meuse et l'Argonne, il vint se pos
sime, à la date du 25 juillet, menaçait tér le 3 septembre à Grandpré , dans un
Paris d'une destruction complète, en cas camp fortifié par la nature et que des
de résistance , et insultait à la France travaux rendirent bientôt inexpugnable.
tout entière , en lui annonçant le retour Le général Dillon occupa le 4 septembre
d'un régime aboli. Les premiers effets les Islettes et la Chalade ; un général de
suivirent de près celte orgueilleuse mis l'armée du Nord devait se rendre au
sive :: le 20 août Longwy était investi , Chêne - Populeux. Quantà la Croix -aux
une capitulation eut lieu le 24 août ; à la Bois , Dumouriez n'y plaça qu'un poste
fin du mois l'armée prussienne se pré- très faible, négligence qui faillit compro
senta devant Verdun , et le 2 septembre mettre le succès de la campagne.
cette ville aussi s'était rendue. Dans cette position , il semblait pou
La France ne pouvait opposer à cette voir attendre du secours. Le ministre de
invasion formidable qu'une armée démo- | la guerre, Servan , le secondait de son
ralisée, disséminée sur une vaste frontière. mieux , en soignant les approvisionne
Trente mille hommes formaient l'armée mens et en faisant partir des volontaires
du Nord ; celle de Lafayette, appelée ar- de Paris. Beurnonville devait s'avancer
mée de la Moselle, forte encore de 23,000 avec 9,000 hommes à la gauche de Du
hommes , mais désorganisée par le dé- mouriez ; Kellermann venait sur sa droite
part de son général , était postée à Sedan; avec 22,000 hommes. C'est alors que le
Dumouriez allait en prendre le com- général en chef écrivit à Servan : « Ver
inandement; Kellermann avec 20,000 dun est pris; j'attends les Prussiens; le
hommes occupait la ville de Metz. camp de Grandpré et celui des Islettes
Dumouriez, à peine arrivé le 26 août sont les Thermopyles de la France , mais
à son poste , commença par rendre la je serai plus heureux que Léonidas. »
confiance à ses troupes ; un conseil de Voy. DUMOURIEZ.
guerre qu'il convoqua fut d'avis de se Le duc de Brunswick tenta le 11 sep
retirer derrière la Marne ; mais ce plan tembre de forcer le passage de Grandpré;
de retraite ayant le grave inconvénient mais vigoureusement repoussé et déses
de livrer les trois évêchés et la route de pérant de déloger Dumouriez par une
ARG ( 236 ) ARG
attaque de front, il essaya de le tourner et le moulin de Valmy. Les Prussiens se
par le passage de la Croix -aux -Bois, plus portent ensuite en colonnes sur les hau
faiblement gardé , qui tomba effective- teurs afin de les enlever ; mais en vain.
ment au pouvoir d'un corps d'émigrés et De jeunes recrues, la baionnette en avant,
d'Autrichiens. Le général Dubouquet , repoussent les vieux guerriers de Bruns
se voyant coupé au Chêne-Populeux , se wick , aux cris de : Vive la nation ! La
replia sur Châlons. Dumouriez, réduit à journée est pour les Français, et le suc
>

15,000 hommes et sur le point d'être cès de Valmy fit sur le pays l'effet de la
tourné dans son camp , n'avait d'autre plus grande victoire. Voy. Valmy.
parti à prendre que de renoncer à ce L'ennemi au contraire était décou
poste admirable , ainsi qu'au fruit de ragé. Sur la foi des émigrés, il s'était en
toutes ses combinaisons , de toutes ses gagé dans cette campagne comme dans
maneuvres savantes et hardies. Mais loin une promenade militaire , sans magasins,
de désespérer , retrouvant dans sa dé- sans vivres , au milieu d'un pays ouvert.
tressemêmede nouvelles inspirations, il La saison devenait peu favorable , les>

routes allaient devenir impraticables ;


ne veut point battre en retraite sur Châ-
lons , dans un pays ouvert ; résolu à les soldats étaient dans la boue jus
se replier seulement sur les derrières du qu'aux genoux. Bientôt les maladies et
général Dillon , il viendra se placer à le dénuement exercèrentde grands rava
Sainte -Menehould . Il avait suffisamment ges dans l'armée prussienne , et le duc
retardé dans l'Argonne la marche des de Brunswick conseilla la retraite. Vers
Prussiens ; la saison devenantmauvaise, la fin d'octobre , son armée , mollement
il ne s'agissait que de se maintenir jus- poursuivie , avait repassé le Rhin à Co
qu'à la jonction de Kellermann et de blentz . Le désaccord des généraux fran
Beurnonville. çais lui avait facilité la sortie du terri
Le 15 au soir il partde Grandpré, et, loire. Kellerınann songeait à son gouver
après quelques fausses alertes , il touche nement de Metz , et Dumouriez s'était
à Sainte -Menehould . Au -devant de cette rendu en hâte à Paris pour y jouir de sa
ville s'élèvent circulairement des hau- victoire et préparer l'invasion de la Bel
teurs de trois quarts de lieue ; à leur gique. Voir l'Histoire de la Révolution
pied s'étend un fondsmarécageux, bordé française de M. Thiers. L. S.
en face par les hauteurs de la Lune. Au ARGOS , capitale de l'ancienne Ar
centre du bassin se trouvent aussi diffé- solide ( voy. ce mot ), royaume du Pélo
rentes élévations. Le moulin de Valmy ponèse , à l'est de l'Arcadie et au sud
en est une , faisant face aux coteaux de la de Corinthe. Ce pays était habité très an
Lune. Dumouriez se place au-dessus de ciennement par les Cynuriens , tribu
ce bassin , appuyant son dos contre Dil- | ionienne , et par les Argiens ( nom par
lon. Beurnonville vient l'y rejoindre sur- lequel on désigna bientòt les Grecs en
le - champ ; Kellermann , circonspect et général ). Inachusdébarqua, dit-on, à Ar
irrésolu , arrive un peu plus tard , et gos , l'an 1800 avant Jésus-Christ, et son
prend poste, dans la nuit du 19 au 20, fils Phoronée répandit dans le pays la
à Valmy. première civilisation. Un de leurs des
Dans cemomentles Prussiens, débou- cendans , Argos , fils de Jupiter et de
chant par Grandpré, arrivaient en face Niobé, selon la fable , doppa son nom à
2

de l'armée de Dumouriez et gravissaient la capitale située sur la rivière d'Inachus;


déjà les hauteurs de la Lune. Joyeux de et de Pélasge , également fils de Jupiter ,
trouver les généraux français réunis sur le pays fut nommé Pélasgie. Sous le rè
un même point , leur but était de se ren- gne de Gelanor , dixième roi après Ina
dre maitre de la route de Châlons , de chus , Danaus ( 1500 ) , issu pareillement
>
forcer Dillon aux Islettes , d'entourer de la race d’Inachus, arrive de l'Égypte*,
Sainte-Menehould , et d'obliger toute chasse le roi régnant, s'empare du royau
l'armée à mettre bas les armes.
Le 20 au matin la canonnade s'engage en (*) Cette tradition est aujourd'hui révoquée
doute ; nous exposerons les idées nouvelles à
vivement entre les hauteurs de la Lune I l'article Danaus . J. H. S.
ARG ( 237 ) ARG
me , et fonde la citadelle d'Argos. Dès | tain Ragot, mendiant du temps de Louis
lors les habitans sont appelés Danaēns. XII ; d'autres le font dériver de l'ergo
Ses successeurs ne jouirent pas tranquil- des écoles. Ordinairementl'argotconsiste
· lement de leur royauté. Les habitans de en mots connus auxquels on a donné une
l'Achaſe firent des invasions dans l’Ar- | acception contraire. Ces mots sont en
golide, et il s'y forma trois petits états, tremêlés d'autres qu'on a forgés arbi
Argos, Tirynthe et Mycène. Agamemnon trairement ou qu’on a empruntés de
réunit Mycène à Sicyone et à Corinthe, langues étrangères. Les argots varient se
et son fils Oreste posséda toute l'Argolide lon les pays. Il n'y a guère que celui des
et la Laconie ; mais les côtes septentrio - bohémiens erransquimérite quelque at
nales se séparèrent du royaume, et Tisa- tention , à cause des mots orientaux qui
mène , fils d'Oreste , fut obligé d'aban- paraissent s'y trouver. Dans les argots
donner l'Argolide aux Héraclides. Bien- d'Allemagne on découvre beaucoup de
tôt après on abolit la royauté devenue ty- traces de la langue hébraïque ; tout argot
rannique, et les Argiens se donnent un s'appelle rothwalsch ou welche rouge,
gouvernement démocratique; ils repous- ou peut-être corrompu ( roito ). Comme
sent le parti aristocratique soutenu par la connaissance des argots peut être utile
Sparte ; mais ils perdent Tyrée. à la justice, on en a publié des vocabu
Dans la guerre du Péloponèse , Argos laires. Un des plus anciens en France est
s'unit avec Athènes ; après la bataille de celui de Pechon de Ruby : La Vie géné
Mantinée , le parti oligarchique reprit le reuse des Maltois , gueux, bohémiens
dessus , mais pour peu de temps.. Dans la et cagoux , contenant leurs façons de
suite il s'éleva parmi eux des tyrans. vivre, subtilités et gergon . Paris, 1622
Sous la domination romaine, l'Argolide in-8°. L'Espagne a un vocabulaire du
recouvra son ancienne étendue. Les ha- langage de la Germania ou des bohé
bitans d’Argos étaient renommés par leur miens errans. En Allemagne on a publié
amour pour les beaux-arts , surtout pour une grammaire de rothwvælsch, en 1601,
la musique, et cette ville était remplie des et une autre plus complète à Francfort
monumens du culte les plus intéressans. en 1755. On trouve encore des détails
Nauplie était le port d'Argos. C'était au sur l'argot allemand dans l'histoire des
moyen-âge le chef -lieu des possessions bandes de voleurs sur le Mein , par Pfister,
vénitiennes dans le Levant. Argos a été 1812, et dans un ouvrage de M. Chris
relevé un peu dans les temps modernes tensen sur une bande prise à Kiel, Ham
par les Schypétars qui cultivaient les bourg , 1814. M. Dorph a publié tout
belles plaines de l'Argolide. La ville était récemment un vocabulaire du roth
encore le chef - lieu d'un petit district. walsch . D-G.
Les murs de l'Acropolis , construits dans ARGOUT ( APOLLINAIRE , comted '),
la manière cyclopéenne , sont d'une très pair de France eť ministre de l'intérieur
haute antiquité. L'ancien temple d'A- et des cultes , commandant de l'ordre de
pollon bâti sur un rocher aa été remplacé , la Légion -d'Honneur , est né d'une fa
à ce qu'il paraît , par un monastère. On mille ancienne , en 1783 , aux environs
reconnaît les vestiges de l'ancien théâtre de la Tour -du - Pin , département de l’I
qui était taillé dans le roc. On évalue la sère. Quoique indépendant par sa for
population du district d'Argos à 15,000 tune , le jeune d’Argout entra à 22 ans
ames. D - G. l'adm
dans inistration des droits réunis, et
ARGOT , langage de convention , en débuta par un grade très inférieur ; mais
usage chez les voleurs et les vagabonds , il devint bientôt receveur principal à An
qui s'en servent pour pouvoir s'entrete- vers , et se recommanda dès lors par une
nir entre eux , sans crainte de se trahir, exacte comptabilité . En 1811 il entra ,
quand ils se trouvent dans des lieux ha- comme auditeur , au conseil d'état. A
bités. L'origine du mot argot n'est pas la première restauration il embrassa
connu : les uns le regardent comme une chaudement le parti de la maison de
corruption du mot ragot, ragoter, c'est- Bourbon , et fut successivement revêlu
à-dire grommeler comme faisait un cer- des fonctions les plus importantes. Mai
ARG ( 238 ) ARG
tre des requêtes surnuméraire en 1814 , donnances : d'abord ils ne purent rien
puis maitre des requêtes en service ex- obtenir ; mais le 30 juillet, le prince
traordinaire en 1815 , il obtint peu de ayant donné sa démission , le roi céda.
temps après la préfecture des Basses-Py- Alors M. d'Argout se présenta avec M.
rénées, etse fit remarquer par l'énergie de le duc de Mortemart à l'Hôtel-de- Ville
ses principes royalistes. De Pau il passa de Paris , pour annoncer le retrait de ces
à la préfecture du Gard , avec la mission ordonnances et la formation d'un nou
d'apaiser les troubles qui avaient éclaté veau ministère . Nous nous présen
dans ce départementsous l'administration tâmes , a dit M. d'Argout dans un dis
du marquis d'Arbaud ; il y protégea avec cours prononcé à la chambre des dé
fermeté les protestans , traités de bona- putés le 21 septembre 1831 , au milieu
partistes par les catholiques, contre le des héros de juillet, tout fumans de sang..
fanatismeauquel se livraient ces derniers. Ils nous accueillirent comme de bons
En 1819 , LouisXVIII récompensa de la citoyens. » Mais Lafayette répondit : « Il
pairie les services rendus par M. d'Ar- est trop tard ! » et les conditions dont il
»

gout, qui jouissait de la faveur de M. était porteur ne furent pas acceptées.


Decazes. Il prit , dans la chambre des M. d'Argout prêta alors serment au gou
pairs , la défense de ce ministre contre vernement nouveau , établi , le 7 août ,
les inculpations passionnées et injustes au nom de la nation par ses représen
de M. Clauzel de Coussergues , et pu- tans; et ses liaisons avec le duc Decazes le
blia en 1820 quelques observations à firent entrer au ministère Laffitte comme
ce sujet. Comme il n'appartenait à aucun ministre de la marine , le 18 novembre
parti extrême et qu'il se distingue plus 1830. Après le 13 mars, Casimir Périer ,
par une grande aptitude aux affaires, qui avait été placé à la tête du nouveau
par un esprit d'ordre et de détail , par cabinet , ne pouvant supporter tout le far
une application soutenue , que par l'élo- deau d'uneaussi vaste administration que
quence de la tribune et par la chaleur celle de l'intérieur en même temps qu'il
des sentimens , M. d'Argout se fit peu re- dirigerait les affaires générales et les opé
marquer pendant les années qui précé- rations du conseil , ce ministère futpar
dèrent la révolution de juillet. Mais à la tagé en deux : le président du conseil se
vue des combats que les enfans d'une réserva le personnel , la gardenationale ,
même patrie se livraient au sein de la la police et les télégraphes; et tout le reste,
capitale, il chercha , le jeudi 29 juillet , organisé en un départementdu commerce
dès cinq heures du matin >, à réunir un et des travaux publics , fut confié aux
certain nombre de ses collègues pour soins éclairés et à l'activité connue de
faire une démarche semblable à celle l'ancien ministre de la marine. Dans cette
qu'avaientfaite la veille quelques députés. position , M. d’Argout signala sa grande
N'ayant pu réussir, il alla dans la matinée intelligence des affaires en soutenant,
à l'état -major-général avec M. de Sé dans les deux chambres,les discussions les
inonville. Arrivés là à travers les com- plus importantes, particulièrementcelles
du budget , de la loi sur les céréales ,
battaus et la garde royale, ils supplièrent, >

tous les deux, le maréchal ducde Raguse des lois sur les conseils municipaux , de
de mettre fin à cette lutte cruelle par sa département et d'arrondissement; son
seule autorité ; M. d'Argout proposa administration marqua surtout par l'éta
même de prendre sur lui de rédiger et blissement des entrepôts de commerce .
de signer une ordonnance en vertu de Ses vues sont larges et libérales : elles le
laquelle les ministres seraient arrêtés. parurent même trop à la chambre des
Le maréchal parut d'abord ébranlé ;mais députés dans la discussion du projet de
l'habitude de l'obéissance militaire l'em- loi sur les céréales qui fut amendé dans
porta en lui. Alors les deux pairs se un sens moins favorable aux consom
rendirent au château de Saint-Cloud , mateurs. A l'avénement du ministère du
pour faire des représentations au prince 11 octobre 1832, M. d'Argout y entra
de Polignacou pour obtenir de Charles X en conservant ses fonctions ; mais , par
lui-même qu'il révoquật ses fatales or- ordonnance du 31 décembre 1832 , il
ARG ( 239 ) ARG
échangea son portefeuille contre celui | égal d'habitans qui suivent l'un ou l'au
de l'intérieur , agrandi de la direction tre de ces cultes. Le peuple était presque
des cultes , qui avait dépendu du dépar- exclu del'élection des membres du grand
tement de l'instruction publique, mais conseil; aussia - t - il réclamé hautement en
que les convenances ne permettaient pas 1830 contre la constitution de 1814 , et
de laisser dans les attributions d'un mi-en a provoqué la réforme. L'Argovie se
nistre protestant. Ainsi M.d'Argouts'est compose des onze districts suivans : Aa
maintenu au pouvoir sous trois admi- rau , Baden , Bremgarten , Brugg, Kulm,
nistrations différentes , celle de M. Laf- Laufenbourg, Lenzbourg, Muri, Rhein
filte, celle de Casimir Périer, et celle feld , Zopfingen et Zurzach. La plupart
qu'on a surnommée , à tort ou à raison , n'ont pour chefs -lieux que des villages.
des doctrinaires. Il a aussi partagé la res- Aarau même, chef- lieu du canton , n'est
ponsabiliiédes ministres qui,le7juin 1832 qu'une petite ville de 6,000 habitans. La
ont déclaré Paris en état de siége. J.H. S. population de l'Argovie est évaluée à en
ARGOVIE , en allemand Aargau , viron 146,000 ames. En 1826 , on y a
aujourd'hui un des vingt-deux cantons compté 6,295 naissances, 3,963 décès, et
de la Suisse , mais ayant formé autrefois 1,111 mariages. Les catholiques ont quel
une dépendance de ceux de Zurich et de ques petits couvens. Parmi les lieux re
Berne. Il est séparé du grand- duché de marquables par leur antiquité,nous signa
Bade par le Rhin et par la rivière d’Aar lerons le village de Windisch , l'ancienne
qui se jette dans ce fleuve après avoir Vindonissa , et les ruines du château de
reçu la Reuss et la Liimat. L'Argovie Habsbourg , berceau de la famille de ce
est couverte au nord-est par une bran- nom , qui occupa jusqu'en 1806 le trône
che du mont Jura ; les plus hautes de l'empire d’Allemagne . D-G.
montagnes du canton s'élèvent à 3,000 ARGUELLES ( AUGUSTIN ) , né à Ri
toises au-dessus de lamer.Un cinquième badesella , petite ville de la principauté
de la superficie du canton est couvert des Asturies, en Espagne, en 1775, d'une
de bois. Le sol de l’Argovie est fertile famille noble et considérée , se fit remar
>

et donne des grains , des vins et beau- quer à l'université d'Oviedo par son es
çoup de fruits. Il y a aussi de bons påtu- prit et ses heureuses dispositions. Il y
rages qui nourrissent plus de 15,000 étudia le droit et se rendit ensuite à Ma
pièces de bétail. Les montagnes four - drid, pour obtenir un emploidans la ma
nissent de la houille >, de la tourbe , un gistrature, comme c'est l'usage en Es
peu de fer et du granit. Parmi les eaux pagne où les cadets de bonne famille se
minérales, on distingue celles de Baden vouent à cette carrière. La protection que
et de Schinznach. Il y a aussi beaucoup son compatriote Noruega, alors trésorier
de poissons et de gibier. Les petites fa- général , accordait aux Asturiens , pour
briques du pays livrent au commerce les élever aux emplois, a sans doute con
des indiennes, mouchoirs et rubans de tribué à lui faire prendre ce parti ; mais
soie, un peu de coutellerie, des chapeaux son mérite personnel eûtsuffipour lui ob
de paille, de la tannerie. On a trouvé dans tenir un placement convenable. M. Espi
l’Argovie des antiquités romaines . Elle a noza, directeur de la caisse d'amortisse
fait jadis partie du royaume de Bour- ment sous Charles IV, le tira des bureaux
>

gogne , et puis de l'empire d'Allemagne ; de l'interprétation des langues étrangères


le canton de Berne l'avait mis ensuite pour lui donner une placesupérieuredans
sous sa dépendance. L'Argovie fut éman- son administration . On lui confia bientôt
cipée par l'acte de médiation de 1798 , une mission en Portugal, d'où il revint
et agrandie ensuite ; en 1814 elle modi- à Madrid pour être envoyé à Londres ,
fia sa constitution : elle est gouvernée par chargé d'une négociation importante. A
un grand et un petit conseil , ayant à son retour en Espagne la guerre de l'in
leur tête deux bourgmestres. Ces deux dépendance contre Napoléon prenait un
conseils sont composés, par égales moitiés, caractère alarmant pour la nation. Ma
de protestans et de catholiques : il y a drid était occupé par l'armée française;
dans le canton à peu près un nombre les autorités supérieures s'étaient réfu
ARG ( 240 ) ARG

giées à Cadix , où se trouvait Arguëlles. , Angleterre, où il vit encore( 1833).N.D.T.


On s'occupa d'organiser une régence ARGUELLES , voy. CANGA.
avec une représentation nationale ; Ar- ARGUMENT (logique),du verbe latin
guelles fut élu député par sa province. arguo , je presse, signifie sommaire, pré
Nommé membre du comité chargé de la cis, analyse. Mais ce mot est plus générale
rédaction du projet de constitution, il fut ment employé pour exprimer toute espèce
l'auteur du rapport remarquable qui a de moyen propre à persuader et surtout
été fait à cette occasion. Ce projet et ce à convaincre . Dans ce sens on appelle
rapport , imprimés à Cadix en 1810 , et argumens les preuves que donne l'ora
où Arguëlles fait preuve d'un talent dis- teur pour démontrer les propositions
tingué comme écrivain et comme ora- qu'il soutient. En logique l'argument ne
teur, ont été traduits et publiés en fran- diffère du raisonnement qu'en ce que le
çais (1814 ) par l'auteur de cet article. premier s'adresse toujours à quelqu'un
Son éloquence et sa facile improvisation que l'on veut persuader ou instruire ,
lui acquirent le surnom glorieux de Di- tandis que le second n'est que la ma
vino ( divin ). Enveloppé, comme libéral, nière de se convaincre et de s'éclairer
dans la proscription générale de 1814 , soi-même. On en distingue de plusieurs
Ferdinand le fit arrêter le 10 mai de sortes qui ne diffèrent que dan forme,
cette année, et conduire, les mains liées, c'est -à - dire dans la manière de les pré
dans la prison d'état du quartier des senter. C'est le syllogisme , le prosyllo
gardes du corps. Des juges lui furent gisme, l'enthymème, l'épichérême, la gra
donnés à plusieurs reprises ; mais il les dation, le dilemme, l'induction et l'analo
compromettait dans ses interrogatoires gie. Voyez ces mots.
avec une telle adresse qu'ils se virent L'argumentation est l'action de réunir
obligésdese récuser. Pour terminer cette plusieurs argumens pour réfuter une er
singulière procédure, le roi crut devoir reur que l'on combat ou pour démontrer
juger lui-même; il condamna Arguelles une vérité que l'on soutient. Dans le dis
à dix ans de galères au préside de Ceuta, cours oratoire, on appelle ainsi cette par
comme soldat attaché au régiment dit Fi- tie où l'orateur se livre à la démonstra
jo ou permanent , de cette place ; la sen- tion de ses propositions et de ses doc
tence est écrite de la main royale. Trop trines , et à la réfutation des objections
aimé à Ceuta pour la douceur de son ca- qu'on lui a faites. Ce point est le plus
ractère , ses connaissances et la simplicité | important et le plus essentiel du discours;
de ses meurs , il fut transporté à l'ile dé- car un discours dans lequel on ne se pro
serte de Cabrera . En 1819 il y reçut une poserait pas de vérité à démontrer ni
députation des libéraux qui préparaient d'erreur à combattre , serait sans objet
en Espagne la révolution de 1820 , et qui et sans but. Cependant il n'est pas né
l'invitaient à s'y associer. Malgré son cessaire d’employer toujours une argu
refus , lorsqu'elle triompha ils vinrent mentation logique , hérissée des formes
le chercher de nouveau , l'amenèrent à de l'école ; les grands maîtres ont une
Madrid, et le firent nommer ministre argumentation oratoire , variée dans ses
de l'intérieur . Son ministère ne dura tours et riche dans ses formes, ce qui la
qu'environ un an. Il se montra royaliste rend plus agréable et plus harmonieuse ,
modéré; et, pour prévenir les projets des sans rien lui ôter de sa vigueur et de sa
républicains, il fit fermer les sociétés pa- force. Mais pour l'employer avec succès ,
triotiques. On le désigne comme le prin- il faut auparavant avoir plié son esprit
cipal auteur de la dissolution de l'armée aux règles de l'argumentation scolasti
de l’ile de Léon et de la chute de Riego . que ; car on ne peut bien apprécier le
Ses ménagemens pour les royalistes ne mérite del'argumentation oratoire qu'au
l'ont pas mis à couvert des persécutions tant que l'on peut en soumettre les diffé .
de cette même royauté que ses soins rens argumens aux épreuves d'une logi
avaient contribué à sauver du naufrage que sévère, ce qui suppose une connais
qu'elle fut en si grand danger de faire à sance approfondie et pratique de l'art de
Cadix, et il se vit obligé de se réfugier en raisonner et de ses règles. C'est aussi ce
ARG ( 241 ) ARG
qui faisait dire à Leibnitz qu'il y avait pour chaque lieu de la terre , est pro
de l'or caché dans le fumier de l'é- portionnel à la racine carrée de la lon
cole . N - R. gueur de ce pendule : ce sera là l'argu
ARGUMENT ((astronomie ). Pour ment de la variation périodique. Ensuite
l'intelligence de ce terme , il faut savoir le temps de la période restant le même ,
que les mouvemens des astres sont sujets l'écart du pendule , ou l'angle qu'il fait
enel
à des inégalités périodiques , ou dont les avec la verticale , est proportionné, en
valeurs se reproduisent successivement chaque instant , à l'écart initial qu'on lui
dans le même ordre après des intervalles a donné en le tirant de la position d’é
de temps réglés. Par exemple , la lune , quilibre pour l'abandonner à ses excur
si elle n'était soumise qu'à l'attraction sions. Cet écart initial représentera donc
de la terre , décrirait une ellipse dont la le coefficient de la variation périodi
. Il en que.
serait encoredemême,malgré l'attrac- "mythographes
7

tion que la masse du soleil exerce sur


ARGUS,frère d'Osiris,suivant les
>

égyptiens. Diodore de Si
l'un et l'autre de ces astres , si la distance cile dit qu'Osiris , voulant faire la con
de la lune à la terre pouvait être consi- quête de l'Inde , nomma régente du
dérée commesensiblement nulle, compa- royaume Isis , sa sæur et son épouse ;
rativement à celles de la lune et de la Argus fut nomméministre , Mercure son
terre au soleil.Mais ni l'une ni l'autre de conseiller , et Hercule général de l'ar
ces hypothèses ne pouvant être admise , mée. Celui-ci ayant voulu pénétrer jus
il en résulte une inégalité dans le mou- qu'à l'extrémité de l'Afrique , le ministre
vement de la lune , inégalité dépen- ambitieux crutque pendant son absence
dante de l'angle que forment entre elles il lui serait facile de se rendre maître du
deux droites menées du centre de la royaume. Il enferma Isis dans une tour,
terre , l'une au centre de la lune , l'autre et se fit proclamer roi de l'Égypte par ses
à celui du soleil. Cette inégalité est pé-cent intendans qu'il avait lui- même choi
riodique , puisque l'angle dont elle dé ) sis , et qui lui étaient tellement dévoués
pend reprend lui-même périodiquement qu'on les nommait les cent yeux d'Ar- ,
les mêmes valeurs dans la durée de cha- gus. Cependant Mercure, piqué du mé
que mois lunaire , du moins si l'on né- pris qu'avait eu pour lui l'usurpateur,
glige quelques circonstances qu'il serait parvint à lever une armée , lui livra ba- ,
trop long d'exposer ici dans tous leurs taille , le vainquit , et lui coupa la tête ,
détails. Cela posé, on dit qu'un angle tel d’où lui vint le surnom d'Argyphonte.
que celui dont il vient d'être fait men- La mythologie grecque s'est également
tion est l'argument de l'inégalité dont il emparée de ce personnage : elle le pré
fixe la période , tandis que le nombre qui sente sous les noms d’Argus Panoptès,
fait connaitre , non plus la période de prince argien , fils d'Arestor, selon les
l'inégalité , mais sa grandeur, est ce qu'on uns >, et d’Agénor, selon les autres. Les
nomme le coëfficient del'inégalité. Quoi- poètes disent qu'il avait cent yeux ; il en
que les considérations de ce genre soient est même qui prétendent que son corps
principalement àà l'usage des astronomes, était couvert d'yeux, dont la moitié res
elles se représentent encore dans une taient ouverts pendant le sommeil des
foule de questions de physique mathé- autres. Junon le chargea de la garde de
matique , et voici l'image la plus simple l'infortunée lo que Jupiter avait changée
qu'on en puisse donner , lorsqu'on re- en génisse pour la soustraire aux recher
nonce à faire usage des signes propres à ches de son épouse jalouse. Ce dieu , in
l'analyse. quiet sur le sort de sa maitresse , or
Représentons par les oscillations d'un donna à Mercure de tuer Argus. Mer
pendule, de part et d'autre de la verti- cure, en effet, endormit le gardien au son
cale , les variations d'une quantité assu- de sa flûte et lui coupa la tête. Junon
jétie à croitre et à décroitre périodique- recueillit les yeux d’Argus et en orna la
ment. On démontre en mécanique que queue du paon , oiseau qui lui fut dès
le temps des oscillations d'un pendule, lors consacré.
Encyclop. d. G. d. M. Tome I. 16
ARG ( 242 ) ARI
Cenom a été commun à plusieurs prin- | part à la condamnation de Char
ces d’Argos dontl'histoire est enveloppée les Ier.
dans la plus grande obscurité. Le nom ARCHIBALD II , son fils, eut le même
d'Argus est devenu vulgaire , et désigne sort en 1685. Charles II lui avait resti
un homme jaloux et inquiet ' qui veille tué les vastes biens de sa famille et l'a
sans cesse sur ses propres intérêts ou sur vait nommé commandant de sa garde.
ceux d'autrui, G-N . Cependant Argyle prit les armes contre
ARGYLE.Ou ARGYLL , comté d'É - lui, et fomenta des troubles en Écosse.
cosse qui se prolonge sur la mer; ses Après s'être échappé deux fois deprison
côtes , entrecoupées par des golfes ou il fut battu et pris une troisième fois, et
lochs et par des baies , ont 43 lieues de alors il monta sur l'échafaud. Son fils
long et se terminent par la presqu'île de combattit les Jacobites , et fut élevé à la
Cartyre. C'est un pays pittoresque et dignité de duc, en récompense de ses ser
d'un aspect un peu sauvage. Parmi ses viees. Il fit la campagne de Flandre sous
montagnes appartenant à la chaine des le duc de Marlborough , commanda en
monts Grampian , le Biddenmoor s'élève suite en Espagne et fut gouverneur de
à 4,000 pieds au -dessusdu niveau de la Minorque et de Gibraltar. Il mourut en
mer, et le Ben-Cruachan à 3,390. Plu- | 1743 , après avoir contribué à la chute
>

sieurs rivières de ce comté débouchent du ministre Walpole .


dans la mer. A l'intérieur un grand lac, le Son petit - fils, John CAMPBELL ,
duc
Loch -Awe ou Loch -How , et plusieurs lacs et pair d'Écosse , combattit les rebelles
>

moins étendus ajoutent des beautés aux de ce royaume et mourut en 1770. S.


sites pittoresques du pays. Il n'y a qu'un
qu’un ARG YRASPIDES , ou porteursde
30º de la superficie qui offre des terres boucliers d'argent , du gree comis et åp
labourables. La pêche supplée au défaut úplov, faisaient partie de la garde d’A
de moissons; on sale environ 2,000 ton- lexandre , roi de Macédoine; ils étaient
neaux de harengs par an. Les montagnes pris dans la noblesse inférieure de ce
ont de bons pâturages et des forêts. Cesroyaume et servaient à pied. Ils portaient
montagnes fournissent beaucoup d'ardoi- de petits boucliers d'argent, et étaient
ses d'une belle qualité, du marbre, de la armés de lances. La légèreté de leurs ar
houille , du fer ét du plomb ; il y a quel- mes les faisait distinguer des hypaspistes
ques forges. 97,350 habitans occupent ou gardes à pied, munis de grands bou
ce comté montagneux et froid auquel cliers ( voy. Diodore de Sicile, liv. xviii ,
appartiennent beaucoup d'iles, telles que chap. 59 ). D-G .
Islay , Mull , Jura , Lismor , Coll , Gi-
e ARIA (musique) , voy. AIR.
>
gha', Colomsay et Icolmkill . Le canal de ARIA , province de l'ancienne Médie
Crinan , en traversant la presqu'ile Can- que traversait le fleuve Arius , aujour
tyre sur une longueur de 4 lieues, met d'hui Héri , et qui comprenait les pro
l'Océan en communication avec le Loch- vinces actuelles de Séhistan , du Kerman
Fyne,, remarquable par la pêche des ha- septentrional et du Khorasan méridional.
rengs , et avec le Clyde-Frith . Inverary, La plus grande partie de l'Aria consistait
petite ville de 1,100 ames , à l'extrémité en déserts ; mais la vallée dans laquelle
du golfè de Fyne , est le chef-lieu du était située la capitale, appelée aussi'Aria
comté; le château gothique qu'on voit et qui a été remplacée par la ville moderne
auprès de cette villeest la résidence du d'Hérat, était très fertile. Cette ville s'ap
comte d'Argyle, chefde la nombreuse fa- pelait aussi Artacaone; elle porta quelque
mille Campbell, dont beaucoup de vas- tenrps le nom d'Alexandre. Une route
saux ontpris le nom ; aussi le pays est-il de caravanes passait par Aria , en se di
rempli de Campbell. D-G. rigeant sur le nord dë l'Inde. Quelques
Parmiles comtes d'Argyle on distin- géographes modernes ont regardé comme
gue ARCHIBALD , laini de Cromwell et synonyme d'Aria le mot Ariané, dont
l'un des plus grands hommes d'état de se servent Strabon et d'autres auteurs
son temps', de la secte'des Indépendans. de l'antiquité, mais dont Herodote ne fait
Il fut décapité en 1661 pour avoir pris pas mention. M. Heeren pense qu'il faut
ARI ( 243 ) ARI
appliquer le nom d'Ariane à la province évangile, leur avait dit : « Allez,enseignez
d'Iran (voy.) actuelle. D-G. toutes les nations, baptiseż áu nom du
ARIA CATTIVA OU MALA ÀRIA , lit- Père , du Fils et du Saint-Esprit.» ( Luc,
téralement mauvais air. On appelle ainsi xxvii, 19.) Un de cesmêmes apôtres,
en italien les émanations marécageuses le plus profondément initié dans les sé
qui produisent des fièvres interinittentes crets de son divin maitre, s'était exprimé
et de mauvais caractère. L'aria cattiva dans ces termes: « Ily en a trois qui ren
exerce ses ravages aux environs de Sa- dent témoignage dans le ciel, le Père, le
lone et des Marais -Pontins dont les va- Verbe et le Saint-Esprit , et ces trois
peurs , soulevées par les chaleurs brû-
> sont une même chose. » (I loann. v, v. 7:)
fantes de l'été , retombent pendant la Ces paroles avaient été recueillies: sou
nuit à la surface de la terre ; aussi les mise à la foi, la raison humaine avait cru
voyageurs craignent-ils de passer la nuit à ce mystère sans chercher à le compren
dans ces localités qu'on peut traverser im- dre ,> et le dogme de la Trinité, un seul
punément pendant le jour. Aux environs Dieu en trois personnesdistinctes, Père,
de Rome on n'est pas totalement à l'a- Fils , St-Esprit, personnes égates en puis
bri de cette influence qui se fait sentir sance , en durée , en perfection , était re
dans la partie basse de la ville , et qui à gardé comme le fondementdu culte chré
fait transférer la résidence du Vatican au tien, lorsque des esprits curieux commen
Monte -Cavallo. F. R. cèrent à s'élever contre są créance déjà
ARIANE ou ARIADNE , fille de Mi- antique. Sabellias(voy.) avança qu'il n'y
nos ét de Pasiphaé. À la vue de Théséé , avait aucune distinction entre les pér
arrivé en Crète avec les autres jeunes sonnes divines ; que les titres de Père, de
gens que les Athéniens étaient obligés Fils et de Saint-Esprit n'étaient que les
d'y envoyer annuellement comme tribut, dénominations empruntées des actions
Ariane conçut pour lui un amour vio différentes que Dieu avait produites pour
lent , et lui offrit le fil au moyen duquel le salut des hommes. Paul de Samozate
il devait se retrouver dans les détours du alla plus loin : il nía l'identité des per
labyrinthe , et tuer le Minotaure auquel sonnes divinès, accusa les saints docteurs
on livrait les jeunes Athéniens . Elle se d'avoir fractionné la divinité comme un
sauva ensuite avec Thésée ; mais ce héros corps partagé en plusieurs morceaux ;
l'abandonna dans l'ile de Naxos où elle7 . soutint que Jésus - Christ était un pur
mourut. Suivant quelques auteurs , elle homme de sa nature , qu'il n'existait pas
aurait été trouvée endormie dans cette avant Marie dont il tenait le commence
ile par Dionysus ( Bacchus ) à son retour ment de tout son être, mais que par ses
de partici
l'expédition qu'il avait faite aux In- mérites il s'était rendu digne deSabelli
des. La vue de ses charmes arrêta le de Dieu.
per à la qualité de Fils us
triomphateur ; il attendit son réveil , et et Paul de Samozate furent condamnés,
la belle dormeuse tomba dans ses bras le premier par saint Denis d'Alexandrie
et devint son épouse. qui réfuta son erreur , le sécond par le
Une constellationſutappelée Couronne concile d'Antioche.
d'Ariane, et un grand nombre de mó- Cés questions avaient soulevé une cu
numens anciens , bas-reliefs, vases , ca- riosité vive. On vouluť sonder le mys
mées , etc. , représentent l'entrevue de tère, et l'on s'engagea dans des explica
Naxos. Cette scène a aussi fourni entions où lá subtilité des raisonnemens
France le sujet de plusieurs tragédies ne fit que répandré une obscurité nou
( voy. Thomas CORNEILLE) , opéras, etc. velle sur la matière.
ARIANE OÚ ARIADNE , fille de l'empe L'an de Jésus - Christ 318 , Alexandre,
reur Léon Ier,> fut successivement l'é- évêque d'Alexandrie, dans unee assemblée
pouse de Zénon l'Isaurien et d'Anastase, d'ecclésiastiques, avait dit, en parlant de
que son choix élevá áu tróne de Constan- la Trinité, qu'elle ne contenait qu'une
tinople. Elle mourut en 515. S. seule essence, unité simple ou monade.
ARIANISME.Lefondateur du chris- Le prêtre Arius qui se trouvait présent,
tianisme, envoyant les apôtresprêcherson ne pouvant concevoir comment trois
ARI ( 244 ) ARI
personnes distinctes existaient dans une tiré de sa propre substance , ce qui est
substance simple, se récria contre la pro- également impossible. Aussi l'Écriture
position , alléguant qu'elle détruisait les ne nous donne -t- elle pas une autre idée
personnes et renouvelait l'erreur de Sa du Verbe. Le Verbe, dit de lui-même, au
bellius. Pour ne pas confondre les per- chapitre huit du livre des Proverbes, que
sonnes de la Trinité, il fit du Père et du Dieu l'a créé au commencement de ses
Fils deux personnes absolument distinc- voies. Dieu dit qu'il l'a engendré, et
cette manière de produire est une vraie
tes. Les opinions se partagèrent. Alex-
andre proposa une conférence qui eut création , puisque l'Écriture l'applique
lieu et ne fit qu'aigrir les dissentimens. aussi bien aux hommes qu'au Verbe. »
Jaloux de défendre sa pensée , Arius Les Pères du concile réfutèrent. Arius
dans ses développemens enchérit sur sa surtout par ses conséquences. Si le Verbe,
première opinion , et prétendit que Jé- disaient-ils, est une créature, il a toutes
sus-Christ était une créature; qu'il n'é- les imperfections de la créature , il est
tait Fils de Dieu que par adoption, et non sujet à toutes leurs vicissitudes , il n'est
point par nature ; qu'il n'était ni éternel, pas tout-puissant, ilne sait pas tout ; car
ni immuable ; que le père était seul vrai- ces imperfections sont les apanages es
ment et proprementDieu .Cette doctrine sentiels d'une créature, quelque parfaite
devint l'objet principal de la dispute. On qu’on la suppose, ainsi qu'il est démontré
perdit de vue Sabellius. par l'Écriture dont unefoule de passages
Arius réunissait les avantages les plus attestent son immutabilité et sa toute
propres à séduire : un extérieur grave et puissance ; celui-ci par exemple où il est
composé, une taille haute et majestueuse, expressément déclaré que « tout a été fait
un air pénitent et recueilli, et cependant par lui et pour lui, et que rien de ce qui
l'abord doux , gracieux , insinuant , une a été fait n'a été fait sans lui. » ( Ioann. I,
connaissance assez étendue des livres 3. ) A l'autorité de cet argument les Pè
saints , une facilité de langage qui lui res du concile d'Alexandrie joignaient la
donnait la réputation d'un homme élo- doctrine de l'Église universelle quiavait
quent, une souplesse dans l'argumenta- toujours reconnu la divinité du Verbe
tion qui détournait habilement le point et séparé de sa communion tous ceux
de la difficulté, se jouait de l'objection qui l'attaquaient.
et lui échappait par d'artificieux sophis- Ce n'est pas qu’Ariusniật d'abord ou
mes . Il ne lui fut pas difficile de se faire vertement la divinité de Jésus-Christ;
des partisans. Il en trouva parmiles prê- seulement il ne concevait pas sa coéter
tres et les évêques même. Eusébe de Ni- nité avec Dieu son père , et c'était là l’é
comédie , où se tenait alors la cour des cueil où venait se briser sa fière raison.
empereurs, alliédela famille de Constantin On lui répondait qu'il se contredisait
par la princesse Constance, sour de Li- lui-même en supposant que le Verbe
cinius que ce prince avait épousée , se avait toutes les perſections qui consti
déclara en faveur d'Arius. tuent la divinité , quoiqu'il lui manquât
Alexandre, effrayé des progrès de la la première de toutes, celle d’exister par
secte à sa naissance , convoqua un con- soi-même.
cile à Alexandrie. Il s'y trouva environ Le concile d'Alexandrie décida que
cent évêques de l'Égypte et de la Libye. le Verbe était Dieu, et coéternel à Dieu,
Arius eut la liberté d'exposer son sys- son père ; il condamna la doctrine d’A
tème qu'il appuya sur le raisonnement rius , et, conformément aux règles éta
et sur l'Écriture: « Il n'est pas possible blies antérieurement, il prononça contre
>

qu'un fils soit aussi ancien que son père ; lui et ses principaux adhérens la sentence
si Jésus-Christ fut engendré de Dieu , d'excommunication .
il n'était donc pas avant d'être engendré. L'évêque d'Alexandrie qui avait pré
Il a donc commencé, il a donc été tiré sidé le concile s'empressa d'en faire con
du néant , il n'est donc pas éternel. Si naître la décision par une lettre synodale
Dieu ne l'a pas tiré du néant, comme les adressée à chacundes évêques des siéges
autres créatures , il faut donc qu'il l'ait les plus importans par leur grandeur ou
ARI ( 245 ) ARI
leur position. ( Cette lettre rapportée Fils de Dieu avait été créé de rien ; qu'il
tout entière par Théodore et Socrate est n'avait pas toujours existé ; qu'il était
traduite dans notre Bibliothèque choi- enchangeant
sie des Pères à l'article de St.- Alexandre
de sa nature, et que c'était
vertu de son libre arbitre qu'il était
t. V , p. 88 et suiv. ) Mais ce jugement demeuré bon et saint ; qu'il aurait pu
n'ébranla point,Arius. Il écrivit de son également prendre le parti du vice ,> n'é
côté à ceux de son parti , et les trouva tant point impeccable essentiellement;
disposés à embrasser sa querelle avec qu'en un mot c'était une créature et un
chaleur. Eusébe de Nicomédie rassembla ouvrage de Dieu. Il ajoutait que le Fils
les évêques de sa province, opposa con de Dieu était tout-à -fait étranger au
cile à concile , et soutint qu'Arius avait Père quant à la substance ; qu'il n'en
pour lui la vérité. était pas le verbe ou la propre sagesse ,
Arius était poète et musicien : il mit en et que les divines Écritures ne lui attri
vers sa doctrine, et réussit à la rendre po- buaient ce nom que comme elles le
pulaire en publiant, sous le titre de Tha- donnaient aux plus vulgaires créatures.
lie, un poème satirique qu'il faisait chan- Les évêques l'écoutaient avec sang
ter pas ses adeptes. Bientôt les disputes froid; tous les autres, disent les historiens,
s'échauffèrent et firent du bruit.Les comé- se bouchaient les oreilles et craignaient de
diens, qui étaient paſens , en prirent oc- se rendre complices d’Arius en l'écoutant.
casion de jouer la religion chrétienne Une indignation soudaine s'empara de la
sur les théâtres. multitude. De savans évêques et de pro
Les officiers de l'empereur voulurent, fonds théologiens qui lesaccompagnaient,
dans quelques villes , réprimer cette té- entrèrent en lice pour réfuter ces nou
mérité profane, mais elle n'en devint que veautés, s'appuyant sur les livres saints ,
>

plus désordonnée; elle dégénéra en ré- sur les écrits des premiers pères , et
volte ouverte , et la populace s'emporta même sur la dialectique; ce que pas un
2

jusqu'à jeter des pierres aux statues du ne fit avec autant de pénétration et de
prince. vigueur que le diacre Athanase. Il se fit
Il était impossible que de part etd'au- admirer dès qu'il parut à Nicée, tant par
tre l'on se contînt long-temps dans les la profondeur de sa doctrine que par
bornes de la modération , et que l'auto- une éloquence insinuante et naturelle.
rité elle -même restât indifférente dans Il convenait à la sagesse de cette as
un pareil conflit d'opinions , où la tran - semblée de fixer d'une manière précise
quillité publique s'était vue déjà mena- la créance dans l'unité absolue des per
cée. L'empereur , après s'être d'abord sonnes divines et leur parfaite égalité
contenté d'imposer silence aux deux par entre elles. Le mot consubstantiel fut
tis , se détermina alors à convoquer un proposé et adopté par les catholiques ;
concile de toutes les provinces de l'em- les Ariens firent tous les orts imagi
pire. Les évêques de la plus grande partie nables pour repousser cette expression.
du monde chrétien se trouvèrent réunis à Ils ne voyaient qu'une nouveauté dange
Nicée, au nombre de 318 *, sans compter reuse dans ce mot qui ne se rencontre
*

les prêtres , les diacres et les acolytes, nulle part dans toute l'étendue des divi
chose jusqu'alors sans exemple; l'église nes Ecritures , et ils citaient saint Paul
>

n'avait eu jamais la liberté de faire d'aussi qui défend toute innovation dans le lan
grandes assemblées sous les empereurs gage. Mais l'empereur lui-même , quoi
paiens ; et Constantin ne venait que que peu versé dans les matières théolo
de réunir tout l'empire en sa personne , giques, comprit, avec tous les assistans de
par la défaite de Licinius. bonne foi, que la génération supposée
La première séance eut lieu le 19 juin dans le mot consubstantiel n'avait rien
de l'an 325. Arius était présent avec ses que de spirituel.
défenseurs . Il exposa sa doctrine et On s'occupa ensuite de rédiger un
avança , sans nul déguisement , que le symbole plus développé de la foi catho
(*) Les auteurs contemporaios varient sur ce Jique , et ce fut l'ouvrage du grand Osius
pombre. S. (voy. ce nom ). Tous les évêques y sous
ARI ( 246 ) ARI
orixirente à la réserve d'un petitnombre. déposés furent déclarés innocens, et les
Constantin, qui avait laissé la plus parfaite chefs des Ariens déposés à leur tour; mais
liberté aux opinions avant le jugement , il n'y avait que les occidentaux qui eus
reconnaissant que le consentement de sent agi dans cette circonstance. Les
tant d'évêques était l'ouvrage du ciel , le orientaux persistaient dans leurs pré
recut avec respect , et menaça de son in- ventions contre saint Athanase. Après
dignation tous ceux qui refuseraient de d'inutiles sollicitations en faveur de cet
s'y conformer. Arius fut condamné ay évêque d'Alexandrie , Constanț mou
baqnissement par l'empereur, et relégué rut : Constance , devenu seul maitre de
2

en Illyrie. Le prince ordonna par un édit l'empire , persécutą encore les évêques
qyeses écrits fussent brûlés, et que ceux catholiques. L'empereur convoqua un
qui seraient convaincus de les avoir cą- nouveau concile ; la difficulté de réunir
chés fussent punis de la peine capitale. dans un même lieu les évêques d'orient
Arius s'éloigna; mais il laissait à la et d'occident le détermina à rassembler
cour des protecteurs dévoués à sa cause les uns à Séleucie ,2 les autres à Rimini.
qui vinrent à boutd'ébranļerConstantin; Il se trouva dans cette dernière ville plus
et comme il témoigna que si Arius vou- de quatre cents évêques, dont quatre
lait souscrire ay concile de Nicée , il luivingts ariens , à la tête desquels étaient
permettrait de reparaitre en sa présence Ursace et Valens , devenus și fameux
et de revenir à Alexandrie , Arius lui fit dans l'histoire de cette secte. On y pro
présenter une profession de foi dans posa une formule de foi captieuse qui
laquelle il déclarait qu'il croyait que le futrejetée.L'empereur, mécontent,donna
Fils était né du Père avant tous les siècles, les ordres les plus sévères et les fit exé
et que la raison qui est en Dieu avait cuter avec une rigueur qui finit par
fait toutes choses, tant dans le ciel que lasser le courage des catholiques.
sur la terre. L'arianisme, abandonné par Julien à
AlorsConstantin permità Arius de re- qui toutes les sectes chrétiennes étaient
tourper à Alexandrie , et les autres exi- également indifférentes , perdit de ses
lés furent rappelés, Saint Athanase reçut partisans. Mais il se releva sous Valens ,
ordre d'admettre Arius à są communion. qui renouvela les persécutions et désola
Sa résistance acheva d'irriter les Ariens , l'église catholique.
qui s'en vengèrent par d'atroces calom- Théodose prohiba les assemblées des
nies et plus d'une fois attentèrent à ses Ariens , et chassa de Constantinople les
jours. Ils se réunirent en synode dans la évêques et les prêtres attachés à ce parti.
ville de Tyr : là on procéda à sa dépo- L'impératrice Justine, qui régnait sur
sition , sous le prétexte de crimes dont il l'Italie , l'Illyrie et l'Afrique, sous le nom
était odieusement accusé; on obtint de du jeune Valentinien, son fils, voulut ré
l'empereur un arrêt de bannissement tablir l'arianişme, etdéfendit, souspeine
qui l'exilait à Trèves. de la vie , de troubler ceux qui feraient
Arius survécut peu à son triomphe. profession de suivre la doctrine du con
Constantin lui-même étant mort peu de cile de Rimini ; mais ces efforts eurent
temps après, Constance , son successeur , peu de succès , le ferment de l'arianisme
éppusa avec encore plus de chaleur la s'était usé. Pour donner de l'aliment à
cause de l'arianisme. Les évêques atta- l'inquiétude de leur esprit, les Ariens agi
chés à la foi catholique furent chassés tèrent entre eux de nouvelles questions,
de leurs siéges et eurent à subir les plus se divisèrent et formérent différentes
indignes traitemens.Plusieurs se réfugie- branches. Ils tombèrent dans le mépris
rent en Italie, et trouvèrent un asile à la et s'éteignirent insensiblement. Après la
cour de Constant, second fils du grand fin du ivº siècle, les Ariens n'avaient plus
Constantin , et empereur d'occident. d'évêques ni d'églises dans l'empire ro
Où espérait qu'un nouveau concile main .
rendrait la paix à l'église. Il se tint à L'histoire de l'arianisme nous porte
Sardique. Lesymbole de Nicée fut main- sur un autre théâtre. Les Goths s'étaient
tenu , les évêques que les Ariens avaient convertis à la foi chrétienne dès le temps
ARI ( 247 ) ARI
de Constantin ; ils avaient eu des évêques qu'arrose cette rivière , sont Tarascon ,
et des martyrs. Durant son séjourà Cons- Foix et Pamiers. Elle roule des paillettes
tantinople, leur évêque Ulphilas eut oc- d'or, et l'on y pêche des truites et autres
casion de conférer avec les Ariens: il em- poissons exquis.
brassa leur parti et engagea ses compa- Ce département est borné au N. et à
triotes à suivre son exemple. L'arianisme l'O. par celui de la Haute-Garonne ; à
fut porté , par ces nations barbares, dans l’E. par celui de l’Aude ; au S.-E. par
les Gaules , dans l'Espagne et dans l’A- les Pyrénées -Orientales,> et au S. par la
frique. Vandales , Lombards, Bourgui- vallée d'Andorre et par l’Espagne , dont
gnons, tous étaient ariens. L'Italie elle- la chaine des Pyrénées le sépare. Sa lon
même, soumise par Odoacre, obéit long- gueur est de24 lieues et sa largeur de 18 ;
tems à des rois ariens. Alors l'église vit sa superficie est d'environ 244 lieues car
renaitre les persécutions des premiers rées. Mais les deux tiers de cette étendue
siècles. Clovis , converti à la foi chré- sont couverts par des montagnes qui s'é
tienne , chassa les Ariens de ses états. lèvent graduellement à mesure qu'on
Théodoric -le-Grand prêtait à la secte l'é- avance vers la frontière méridionale , et
clat de ses victoires et l'autorité d'une pro- forment des vallées souvent très encais
tection puissante .Elle domina dans l'Italie sées , et dont les seules communications
durant tout son règne et celui deses succes- s'établissent par des passages appelésponts
seurs. Les vertuş du pape saint Grégoire, et situés à une très grande élévation.
les décrets des conciles de Tolède , et les L'Ariège et le Salat y sont les deux cours
lumières des saints évêques de France , d'eau navigables ; mais il y en a un très
ramenèrent insensiblement les peuples à grand nombre d'autres qui servent aux
la foi antique , et l'arianisme finit par irrigations ou aux usines. Quelques ma
s'anéantir de lui-même dans tout l'Occi- rais rendent , dans certaines parties, l'air
dent. insalubre. La température est en général
Il se ranima au xv° siècle par les pré- douce , malgré la hauteur du sol . Vers
dications de quelques fanatiques ; au la grande chaine des Pyrénées , elle de
xviº, Servet le reproduisit dansses livres vient très chaude dans l'été et excessive
contre le mystère de la Trinité. L'aria- ment rigoureuse dans l'hiver. Le sol de
nisme se répandit en Allemagne et en Po- ce département est très varié : on y ré
logne , forma une infinité de sectes, passa colte du froment, du maïs , du millet, du
en Hollande, en Angleterre ; et le dogme sarrazin . Le vin que produisent certains
fondamental du christianisme n'est plus coteaux suffit à la consommation des ha
aujourd'hui, parmi les églises dissiden- bitans. Cette culture occupe 16,240 hec
tes , qu'un problème livré à l'arbitraire tares , celle des bois 57,507 : elle pour
des opinions. M. N. S. G. + rait être mieux entendue et le boisement
ARICH , voy. EL ARICH . des parties montagneuses plus considé
ARIDÉE , voy. PaulLIPPE et Macé- rable. Le produit moyen de l'hectare de
DOINE . terre labourable est évaluě 15 fr. 20 c. ,
ARIÈGE (DÉPARTEMENT DE L ’),formé et le revenu territorial 9,841,000 fr. Il
de l'ancien comté de Foix, du Consérans y a un grand nombre d'excellens pâtu
et de quelques autres parties de la Gas- rages où l'on élève une quantité consi
cogne , et ainsi nommé de la rivière qui dérable de bestiaux, surtout de moutons.
le traverse. L'Ariège prend sa source dans Dans aucun des départemens du midi de
les Pyrénées , au pied du pic de Frami- la France l’éducation des mérinos n'est
quel, à 7 lieues au N.-O. de Montlouis . aussi bien dirigée que dans celui-ci. Les
Son cours est d'environ 36 lieues ; il de- / forêts et les montagnes sont peuplées
vient flottable à Varillas >, et n'est na- d'ours , de sangliers , de loups , de re
vigable que pendant 7 lieues, jusqu'à son nards , de chevreuils , de chamois et de
embouchure dans la Garonne , à 2 lieues divers oiseaux de proie. Le gibier et le
S. de Toulouse. L'Ariège sert surtout au poisson de toutes sortes y sont en abon
transport des fers et des bois provenant dance. Les habitans , au nombre de
du département. Les lieux principaux 253, 121 individus, exercentsurtoutleur
ARI ( 248 ) ARI
industrie dans la fabrication de gros draps quité , les Arimaspes n'avaient qu'un ail
et d'autres articles consommés dans le au milieu du front et faisaient une guerre
pays. L'exploitation des immenses car- perpétuelle aux griffons, animaux mons
rières de marbre , de grès , d'albâtre,de trueux qui leur disputajent le sable auri
plåtre et d'ardoise , et surtout des usines fère d'un fleuve voisin . VAL . P.
pour le fer et le cuivre , occupent un ARIOBARZANE , voy. CAPPADOCE .
grand nombre de bras. On compte dans ARION , célèbre poète lyrique et ha
l'Ariége 40 forges: le fer est le principal bile musicien de Méthymne, dans l'ile de
article d'importation ; les autres sont les Lesbos, vers l'an 625 avant Jésus-Christ,
bestiaux , la résine , le marbre. Les habi- passa pour l'inventeur du dithyrambe. Il
tans tirent d'Espagne des laines qu'ils fut le favori de Périandre , roi de Corin
vendent ensuite aux autres départemens. the , qui avait pour lui une estime et une
Plusieurs grandes routes traversent celui affection particulières. A son retour d'I
de l'Ariège ; la plus importante est celle talie >, où il était allé faire briller ses ta
qui conduit de Toulouse à Puycerda , en lens , ses compagnons de voyage résolu
Espagne. Le département de l'Ariège est rent , pendant la traversée , de le tuer
divisé en trois arrondissemens : Foix , pour s'emparer des richesses qu'il avait
chef-lieu >, siége de la préfecture , Pa- amassées dans cette contrée . Arion de
miers et Saint- Girons. Il contient 20 can- manda , pour toute grace , à jouer de son
tons et 332 communes, et a trois députés luth encoreune fois avant que de mourir ,
à élire. Il fait partie de la dixième divi- ce qui lui fut accordé . Aussitôt qu'il eut
sion militaire , et appartient à la Cour fini, il se jeta dans la mer , et la traversa
royale et à l'académie de Toulon ; l'évê- sur le dos d’un dauphin que les accords
ché est à Pamiers ; au Mas-d'Azil il y a de sa lyre avaient attiré avec plusieurs au
une église consistoriale réformée. P. A. D. tres auprès du vaisseau. Il aborda heu
ARIENS , voy. ARIANISME. reusement au
Ténare, sur les côtes
ARIETTE , diminutifdu motair (v.), de Laconie , etcapsederendit
>
à Corinthe . Pé
en italien aria , qui s'appliquait jadis à riandre , selon quelques mythographes ,
tous les airs d'un mouvement vif et d'une le reçut avec les plus grandes démonstra
exécution brillante . Par extension on tions de joie , et érigea un monument en
donna le nom d'ariette à toute espèce l'honneur du dauphin qui l'avait sauvé.
de morceaux de chant, en considérant | Ce prince , disent d'autres auteurs , ne
plutôt le rhythme que l'étendue , le genre pouvant ajouter foi au récit de ce pro
et le caractère . Cette dénomination , dont | dige , fit jeter dans les fers, comme im
on a senti le ridicule , puisqu'elle était posteur , Arion , qui y resta jusqu'à l'ar
presque toujours employée à contre- rivée du vaisseau . Alors Гу
tout s'éclaircit ,
sens , est tombée en désuétude; on ne dit et les coupa bles subir ent la peine de
plus une comédie mélée d'ariettes pour leur crime . Le dauphin sauveur fut placé
désigner un opéra-comique , un journal parmi les constellations.
d'ariettes pour la réunion de morceaux ARION est aussi le nom du cheval que
d'un genre noble et touchant , un recueil Neptune fit sortir de terre en la frappant
d'ariettes pour la collection de roman- de son trident. Selon quelques mytho
ces tendres ou passionnées ; le mot d’a- graphes le dieu avait eu ce cheval de la
riette est maintenant aussi oublié que les furie Érinnys , ou de Cérès, qui avait
pièces de musique auxquelles il s'appli- pris la forme d'une cavale pour se sous
quait. L. D.
ARIMANE , voy . AHRIMAN. traire à ses poursuites. D'autres écrivains
ARIMASPÉS , peuplade mythique, font naître Arion de Zéphyre et d'une
Harpye. Il fut nourri par les Néré ides et
dont on se garde bien de fixer géogra- traina quelquefois le char de Neptune,
phiquement la position. Quelques savans qui le donna à Capréus, roi d'Ha
confondent les Arimaspes avec les Hy- liarte , en Béotie. E. C. D. A.
perboréens; mais qu'était-ce , géographi- ARIOSTE ( Ludovico Ariosto ) ,
quement parlant , que les Hyperboréens ? l'un des plus célèbres poètes de l'Italie
Selon les traditions fabuleuses de l'anti- et des temps modernes, né à Reggio, dans
ARI ( 249 ) ARI
Jeduché deModène,le 8 septembre 1474. | il s'agissait de pacifier une partie du du
L'Arioste était fils d’un noble , membre ché où des bandes armées commettaient
du tribunal de Ferrare , et l'aîné de dix de perpétuels désordres. L'Arioste s’ac
enfans. Dès le premier âge il manifesta quitta de ces nouvelles fonctions avec
son goût pour la poésie, et composa quel- beaucoup d'habileté , et en peu de temps
.ques tragédies qu'il faisait représenter tout rentra dans l'ordre. Ce fut dans le
par ses frères. L'une de ces pièces avait cours de ce voyage que lui arriva cette
pour sujet l'aventure de Pyrame et Thisbé. rencontre avec un chef de brigands dont
Après s'être distingué dans ses études au les biographes ont exagéré les circon
collége de Ferrare , le jeune Arioste étu- stances. De retour à Ferrare , l'Arioste
dia pendant cinq ans la jurisprudence | fit représenter , pour la fête de la cour ,
pour céder aux désirs de son père; mais ne plusieurs comédies qu'il avait ancienne
pouvant surmonter le penchant qui l'en- ment composées , et il donna en 1532 la
traînait vers les lettres , il mit entière- seconde édition de son poèmequ'ilcorri
>

ment de côté ses livres de droit et ne geait soigneusement depuis quelques an


s'occupa plus que de travaux dramati- nées. Peu de temps après cette publica
ques et poétiques. Un recueil d’odes ap- tion , il fut attaqué d'une maladie de
pela sur lui l'attention du cardinal Hip- vessie etmourut,après huit mois de souf
polyte d'Este, frère du duc de Ferrare frances, en 1533 , dans la cinquante
Hercule Ier, à qui son père avait été long- huitième année de son âge.
temps attaché. Placé d'abord en qualité Ce grand poète se distinguait par tous
de gentilhomme dans la maison du car- les avantages extérieurs>, ainsi que par
dinal , il obtint sa confiance , l'accompa- la douceur du caractère , l'affabilité des
gna dans ses voyages , et fut plus tard manières et la noblesse des sentimens.
employé à plusieurs affaires importantes son esprit vif, ingénieux et habile à
par le duc Alphonse, frère et successeur emprunter tous les tons , s'est peint dans
d'Hercule Ier. Ces affaires ne l'empêchè- ses ouvrages, surtout dans le Roland qui
rent pas d'accomplir l'ouvre qui a im- les a ' tous effacés. L'Arioste peut être
mortalisé son nom. Ce fut, en effet, par- regardé comme le créateurd'un genre d'é
mi les distractions de tout genre que lui popée dans lequel ses imitateurs , y com
offrait la cour , qu'il composa son Ro- pris Voltaire , sontrestés bien loin de lui.
land furieux ( Orlando furioso ), poème « Aucun poète , en effet, dit Ginguené,
en quarante -six chants. Dix années en- ne l'a égalé dans ce genre d'épopée , où
viron furent consacrées au travail de се l'imagination a bien une autre carrière à
poème célèbre. L'Arioste en montra le fournir que dans l'épopée purement hé
manuscrit au cardinal , son protecteur , roique. Aucun n'a mêlé avec autant d'a
qui le lui rendit en lui demandant où il dresse le sérieux et le plaisant, le gracieux
pouvait avoir pris tant de sottises. Le et le terrible , le sublime et le familier.
poète , sans se laisser décourager par ce Aucun n'a mené de front un aussi grand
jugement , publia le Roland en 1516 , et nombre de personnages et d'actions di
l'admiration de l'Italie entière le dédom- verses , qui tous concourent au même
magea du mépris du cardinal . A cette épo- | but. Aucun n'a été plus poète dans son
que,il se brouilla avec ce prince,parcequ'il style , plus varié dans ses tableaux , plus
>

refusa de le suivre, en alléguant sa faible riche dans ses descriptions , plus fidèle
santé, dans un voyage en Hongrie. Le duc dans la peinture des caractères et des
se fit alors le patron déclaré de l'Arioste, meurs , plus vrai , plus animé , plus vi
à la place de son frère, et il l'admit à l'inti- vant. » Les deux éditions les plus rares
mité, mais sans jamais le tirer néanmoins du Roland furieux sont : la première de
de ses embarras de forlune et de famille, Ferrare, in-4° , où le poèmen'a que qua
presque inséparables d'une grande re- rante chants , et la seconde de 1532,
nommée littéraire. En 1522 , ce prince aussi in-4 ° , où il y en a quarante-six.
le chargea d'une mission qui semblait On distingue aussi une édition des Al
devoir être étrangère à la nature toute des , Venise , 1545 , in - 4 ° ; une autre de
paisible de ses occupations habituelles ; 1584 , Venise, in -fol., où se trouve la vie
ARI ( 250 ) ARI

de l'Arioste écrite par Pigna et Garofa- | naient à Besançon l'effrayerdeleursrécits.


lo , etc. Ce poème a étéletraduit en fran- Tout ce qu'ils rapportaientde la taille etde
comte de Tres- la férocité des géans du nord faisait fré
çais par d'Ussieux, par
son , et en dernier lieu , en vers , par mir les petits hommes du midi. On ne
M. Creuzé-Delessert ; mais aucune de voyait dans le camp que gens qui faisaient
ces versions n'est remarquable , et peut- leur testament.César leur en fit honte. « Şi
être est- il impossible qu'il en soit autre- vous m'abandonnez , leur dit-il , j'irai
ment. toujours ; il me suffit de la dixième lé
Un des frères de l'Arioste , et le fils gion, » Il les mène ensuite à l'ennemi .
de celui- ci, furent également poètes. Ils Arioviste ne voulait pas combattre : les
seraient connus peut- être s'ils eussent femmes germaines, quiprédisaient l'ave
porté un autre nom . P. A. D. nir d'après les tourbillons des fleuves
ARIOVISTE, en allemand Ehrenvest | ( voir Plutarque ) , lui avaient défendu
( fort en honneur ) , chef suève. Lorsque de livrer bataille avant la première lune.
César entra dans la Gaule, deux factions Il se contentait de lancer chaque jour,
la partageaient; à la tête de la première se contre les avant-postes des Romains, une
trouvaient les Éduens ; à la tête de la se- cavalerie rapide ; chaque cavalier se choi
conde les Aryernes et leurs alliés les sissait un fantassin qui combattait à côté
Séquanes. Les Séquanes payèrent les de lui , et qui le suivait à la course en
Suèves, dont le Rhin seul les séparait , saisissant la crinière du cheval. César tira
pour les venger des Éduens. Les Éduens pourtant Arioviste de son camp malgré
eurent beau se plaindre à Rome ; Rome lui . Le combat fut terrible ; les Suèves
avait alors besoin des Germains pour con s'étaient fermé eux-mêmes la retraite en
tenir l'Helvétie : César leur fit donner le s'entourant de leurs chariots; tout ce qui
titre d'amis et d'alliés du peuple romain échappa s'enfuit jusqu'au Rhin , à cin
( 59 ans avant J.-C. ). Mais dès qu’on quante milles du champ de bataille ( et
fut délivré des Helvètes qui passaient la non pas à cinq milles , comme D. Bou
Saône par cent mille , il fallut songeràquet l'avance par erreur dans une note;
l'invasion germanique , imminente sur le Plutarque dit même 300 stades, ou trente
Rhin. Les barbares avaient iinposé tri- sept milles ); mais la cavalerie romaine
but aux Éduens et traité plus mal encore atteignit les fuyards, Arioviste se sauva
les Séquanes qui les avaient appelés ; ils presque seul dans une petite barque ; il
leur avaient pris le tiers de leurs terres, avait perdu dans la déroute ses femmes
selon l'usage des conquérans germains, et et ses filles ; il laissait de l'autre côté du
ils en voulaient encore autant. Les migra- | Rhin 80,000 morts. Il y avait dans l'ar
tions étaient continuelles; déjà 120,000 mée d'Arioviste des Harudes , des Tri
guerriers étaient entrés. César feignit bocces, des Vangionset des Marcomans.
alors de céder aux prières des Gaulois Cent tribus de Suèves venaient de des
opprimés. «( Il était trop dangereux pour cendre de la Germanie et allaient à leur
Rome , comme il le dit lui-même , de lais- tour passer le fleuve; la défaite d’Ario
ser les Germains s'habituer à passer le viste leur fit rebrousser chemin. (On peut
Rhin. » Au bout du pays des Séquanes , consulter César , de Bello Gall., 1. I ;
ils trouvaient la Province Romaine , puis Dion Cassius , 1. XXXVIII ; Plutarque , in
l'Italie. Il demanda une entrevue à Ario- Cæsare ; P. Orose, 1. vı; Florus , 1 . III ;
viste : le barbare répondit que pour lui Tit.-Liv. épitom. , l. civ. ). J. M.
il n'avait pas besoin de César , et que si ARISTAR QUE , grammairien célè
César avait besoin de lui , il n'avait qu'à bre , né dans l'ile de Samothrace , 160
venir le trouver. « S'il veut combattre, ans avant J.-C. , eut pour maitre Aristo
ajoutait-il, nous sommes prêts ; ignore- phanedeByzance, et futchargé par Ptolé
>

t -il quels hommes sont les Germains ? mée Philométor , de l'éducation de ses
Voilà plus de quatorze ans que nous n'a- enfans; il quitta ensuite la ville d’Alexan
vons dormi sous un toit. » Ces paroles ne drie où il avait passé la plus grande partie
faisaient que trop d'impression sur l’ar- de sa vie, pour Chypre, etdanscette ile ilse
mée romaine ;; des marchands réfugiés ve laissa mourir de faim pour échapper aux
ARI ( 251 ) ARI
douleurs de l'hydropisie , à l'âge de 72 | le meilleur , le bienfaisant; les médailles
ans. Cet homme de lettres , qu'il ne faut et les sculptures antiques reproduisent
pas confondre avec un poète tégéate con- son nom , ses traits et ses attributs . Selon
temporain d'Euripide et auteur de 70 les mythographes il avait enseigné aux
tragédies, se signala par la hardiesse et mortels la vie pastoraleetl'art d'élever les
la sagacité de sa critique , soit comme ré- bestiaux , de traire les vaches et d'em
viseur de textes , soit comme juge de la ployer leur lait à faire du fromage. Il
pureté grammaticale des écrivains. Il avait dompté ou extirpé les animaux fé
avait composé environ 80 livres , dont 9 roces et enseigné la chasse. Il avait appris
de corrections sur Homère. C'est à lui, dit- aux hommes à faire des ruches et à cul
on,que l'Iliade et l'Odyssée doivent leur tiver les abeilles, à presser les olives pour
état actuel. Il les divisa chacune en 24 en extraire l'huile ; instruit par son père,
chants , supprima les vers qu'il crutpou- il avait étudié les vertus salutaires des
voir proclamer apocryphes, changea sou- plantes et les avait appliquées à la guérison
vent de place ceux qu'il conserva, modi- des plaies. Ses troupeaux paissaient sur le
fia , rectifia , etc. De son vivant même , mont Lycée en Arcadie; aussi Virgile,dans
Zénodotę le jeune , Cléanthe le stoicien , ses Géorgiques, le célèbrecomme le berger
Lucien, Philoxène l'accusèrent de caprice de cette contrée. Aristée était vénérépar
et de témérité. Strabon, Plutarque, Athé- ticulièrement dans l'ile de Céos.M.Brænd
née ont de même qualifié ses corrections sted croit avoir retrouvé les débris du
d'arbitraires. Cependant la récension ho- temple qui lui était consacré à Corteia.
mérique d’Aristarque devint la seule édi- La mythologie parle encore du séjour
lion classique; et aujourd'hui encore le d’Aristée dans l'ile d'Eubée ; elle le re
nom d'Aristarque, par opposition à celui présente comme l'instituteur de Bacchus
de Zoile ( voy.) , est celui que l'on em et comme son compagnon dans l'expédi
ploie pour désigner un critique habile tion de l'Inde. Hésiode parle du mariage
et consciencieux dont les décisions font d'Aristée avec Autonoé ?, fille de Cadmus
autorité. La découverte du manuscrit de et d'Harmonie. L'art a eu plusieurs types
Venise , sur lequel Villoison a donné son pour représenter ce héros bienfaisant,
édition de l’Iliade , a mis les savans mo- suivant les différentes manières de l'envi
dernes à même de décider jusqu'à quel sager. A Corcyre il était représenté à peu
point les reproches des adversaires d’A- près comme Jupiter, avec lequel il parta
ristarque étaient fondés . Val. P. geait les hommages des insulaires. Dans
ARISTARQUE , de Samos , astro- l'ile de Pharos , où il était vénéré comme
nome célèbre , florissait vers l'an 250 dieu de la médecine , on le représentait
avant J.-C. On avait de lui un grand nom- conjointement avec Apollon , en lui don
bre d'ouvrages dont il ne reste plus que nant une couronne de laurier et une
le traité De la grandeur et de l'éloi- barbe , comme à Esculape. Voir , sur le
gnement du soleil et de la lune, ouvrage culte d’Aristée, Thiele, De Aristão mel
où , par une méthode très ingénieuse , illificii aliarumque rerum inventore. Gæt
cherche à prouver que la distance du so- tingue, 1774 ,in -4 °, et Brændsted,Voyage
leil à la terre est de dix-huit à vingt fois en Grèce , Paris, 1826 , livrais. 1re. D-G.
plus grande que celle de la lune à la terre. ARISTÉNÈTE . Un recueil de lettres
Ed., Venise, 1498 , in - fol., et Oxford , grecques, du genre le plus érotique , est
1688 , par Wallis. Y. attribué à un auteur qu'on s'accorde à
ARISTÉE, personnage mythologi- nommer Aristénète. Cet épistolographe е
que , fils d’Apollon et de Cyrène, et élevé passe pour être le sophiste du ive siècle
par les nymphes. Son culte était très an- qui fut l'ami du rhéteur Libanius. Né à
cien dans les iles de la mer Égée et s'y Nicée , en Bithynie , il périt sous les dé
liait avec celui de son père; c'est pro- combres de Nicomédie, dans le tremble
bablement la plus ancienne religion ment de terre de l'année 358. L'édition
dans quelques-unes de ces îles. Aussi les princeps des lettres d'Aristénète a été
poètes célèbrent les bienfaits de ce héros, donnée à Anvers par Sambucus ( 1566).
dont le nom (Apicos) signifie en grec Viennent ensuite les éditions de Mercier
ARI ( 252 ) ARI
(1595, 1600, 1610),deDe Pauw (1737), si envié qu'il mourut pauvre et presque
de l'érudit Abresch ( 1749 ) , du Grec dans l'indigence. Ses concitoyens vou
Polyzois Conton ( 1803 ). M. Bast , en lurent du moins s'acquitter envers lui
1796 , a publié le spécimen d'une édi- en décidant que ses filles seraient dotées
tion nouvelle. Celle qui est la plus com- aux frais de l'état.
plète et la plus savante est due à M. Aristide ne joue pas , dans l'histoire
Boissonnade , qui l'a publiée en 1822. de la Grèce , un rôle aussi brillant , aussi
Ces lettres , quel qu'en soit l'auteur, sont varié que son compatriote et son rival
écrites d'un style élégant et pur , quel- Thémistocle; il ne commande point en
quefois trop recherché sans doute , mais chef, ne détruit pas des flottes de mille
avec une imagination vive et gracieuse ; vaisseaux >, ne montre pointdans les com
et dans les peintures voluptueuses et bats ces éclairs de génie qui, pour la
parfois trop libres dont elles abondent,> première fois , révèlent au monde ce que
on peut voir un reflet des meurs du c'est que l'art de la guerre ; mais tel
IV ° siècle , une des dernières pages de est l'ascendant de la vertu , qu'Aristide
l'histoire de la société païenne. F.D. n'est point éclipsé par son aventureux
ARISTIDE , fils de Lysimaque , fut émule de gloire; si le nom de Thémisto
>

un des dix stratègesdel'armée athénienne, cle rappelle un grand éclat guerrier, à


lors de l'invasion de Darius en Grèce , celui d’Aristide est attachée l'idée de jus
491-490 avant J.-C., et fut le premier tice. De son vivant même Aristide eut
à céder à Miltiade son jour de comman l'honneur de s'entendre saluer du titre de
dement pour faciliter l'exécution de ses juste. Lorsque , pour la première fois,
plans contre l'ennemi. La même année le théâtre d'Athènes retentit de ce beau
le vit élever à l'archontat. Bientôt Thé- vers d'Eschyle (Sept chefs ):
mistocle parut dans l'arène politique ; Un autre vise au nom de juste... il vise à l'être.
Aristide fut son adversaire , mais ne put
lui fermer la carrière : au contraire , c'est tous les yeux se tournèrent vers Aris
Themistocle qui parvint à le faire exiler tide. Thémistocle ayant conçu et vou
par l'assemblée du peuple. L'explosion lant faire ratifier par l'assemblée du
de la seconde guerre médique (481 ) le peuple , sans toutefois l’en instruire , le
fit rappeler ; on lui confia le comman- projet de mettre le feu à toute la flotte
dement des troupesdeterre athéniennes; de Lacédémone en pleine paix , projet >

il vint presque aussitôt se concerter avec communiqué au seul Aristide , il suffit à


Thémistocle qui , à Salamine , feignait celui-ci de déclarer que le plan de Thé
de fuir devant les Perses , et qui soudain mistocle était utile sans doute , mais qu'il
lui donna connaissance de son plan (480) ; était souverainement injuste , pour que
peu après (479 ) eut lieu la bataille de les Athéniens >, qui pourtant se piquaient
Platée. Aristide ne s'y distingua pas peu d'équité , l'écartassent tout d'une
moins que Lysandre : le succès de la voix . Lors de son bannissement par
campağne fut dû surtout à sa vigilance l'ostracisme , un paysan qui ne savait
et à sa fermeté. C'est lui qui eut la plus pas écrire le pria de tracer sur la co
grande part à la prise du camp fortifiéde quille son vote pour l'exil. « Mais que (

Mardonius . Il prit ensuite le comman- vous a fait Aristide, demanda le sage .


dement de la flotte athénienne , et alla Rien ! seulement je suis ennuyé de
porter des secours aux villes grecques l'entendre appeler le Juste. » Aristide ,
d'Asie qui s'étaient insurgées contre la sans dire un mot de plus , écrivit ce que
>

domination persane et qui avaient été demandait le paysan et partit pour l'exil.
ravagées par l'ordre du grand roi . Nommé « Puisse Athènes , dit- il en s'éloignant ,
archonte pour la seconde fois , en 468 ,
2 n'avoir jamais besoin de me rappeler ! »
il assura , par ses sages mesures et sa mo- Camille , en quittantRome,adressait aux
dération , la prééminence d'Athènes sur Dieux des veux tout contraires . VAL . P.
>

la Grèce. On le chargea ensuite de l'ad- ARISTIDE ( AELIUS ) , de Mysie ,


ministration des revenus de la républi- rhéteur du 11° siècle , célèbre par de
e

que. Telle fut son intégrité dans ce poste longs voyages et par son éloquence. Il
ARI ( 253 ) ARI
imitait les grands modèles des temps une école de philosophie ; mais cela est
anciens, et son argumentation avait de la plus que douteux. On ne sait guère non
richessé , de la force et de la clarté. plus s'il voyagea dans la Libye , et si ,
Outre son discours contre Leptine , on comme le dit Horace , il jeta son or pour
a de lui 54 déclamations et une théorie se débarrasser d'un poids incommode.
de l’éloquence. La dernière édition est Il mourut à Lipara , d'où il se préparait ,
celle de G. Dindorf; Leipzick ,> 1829 , sur la demande d'Arété , sa fille , à faire
in- 8°. Y. voile pour Cyrène. C'est à cette Arété ,
ARISTIDE (SAINT ) , philosophe c'est à son petit-fils Aristippe le jeune,
athénien , qui embrassa le christianisme , qu'il doit sa célébrité comme chef d'é
et présenta ,en l'année 125 , à l'empereur cole. Ce sont eux qui formulèrent et
Adrien une apologie en faveur des chré- posèrent théoriquement la vie pratique
d'Aristippe; ils donnèrent ainsi naissance
tiens.Cette apologie, célèbre de son temps,
n'existe plus. Y.à la philosophie cyrénaïque ( voy. ce
ARISTIDE QUINTILIEN , auteur mot) et à la sectedes hédoniques ou vo
grec , dont on ne peut préciser l'époque, luptueux pour qui la base de toute sagesse
mais qui paraît avoir vécu dans les pre- est la volupté. Pour eux le mot de mo
miers siècles de notre ère. Il nous reste rale est vide de sens : il n'exprime qu'une
de lui un traité important sur la musique convention sociale qu’Aristippe est d'avis 1
ancienne , inséré par Meibomius dans la de respecter. Ce qui distingue les cyré
collection des Autores septem antiquve naïques des épicuriens , c'est l'absence
musicæ (Amsterd. , 1652; 2 vol. in-4°). presque complète chez les premiers des
C'est jusqu'ici l'unique édition. 'A. voluptés intellectuelles , et l'importance
ARISTIPPE , philosophe grec, natif du rôle donné à l'égoisme ; c'est aussi la
de Cyrène, vint en Grèce pour y dispu- réduction du plaisir au plaisir présent.
ter , au nom de son père , le prix de la Les quatre lettres publiées sous le nom
course aux jeux olympiques. Il passa d'Aristippe dans les Epistolæ Socratico
bientôt d'Élide en Attique, et suivit les rum , Paris , 1637 , in -4 °, de Léon Alla
leçons de Socrate , dont toutefois il mo- tius , sont évidemment apocryphes.Aris
difia très librement les préceptes de bon tippe a fourni à Wieland un roman his
sens , de sagesse pratique et d'inoffen- torique (Aristippe et quelques-uns de
sivité morale. Égine futpendantce temps ses contemporains ), traduit en français
son séjour favori,> et Lais ,> sa maîtresse , par Coiffier, Paris , 1805 , 7 vol. in-12 ,
lui dut une partie de sa célébrité. Quel- et à Barthélemy (Voy.d'Anacharsis) un
ques écrivains le font assister à la mort de ses chapitres philosophiques les plus
de Socrate ;Barthélemy seul veut qu'il piquans. Les doctrinesd'Aristippeseront
se soit épargné ce spectacle douloureux. exposées à l'article CYRÉNAIQUE. VAL.P.
Peu de temps après ce funeste événe- ARISTOBULE , l'un des généraux
ment , nous retrouvons, Aristippe à la d'Alexandre , qu'il suivit dans toutes ses
cour de Denys -le- Tyran , qu'il charma , campagnes , fut chargé par ce prince de
dit- on , et par l'élégance de sa vie et par reconstruire le tombeau de Cyrus. Il com
la finesse de ses adulations exagérées. posa une Histoire d'Alexandre qu'il ne
Ses amis lui reprochèrent cette condes- publia qu'après la mort de celui-ci , afin
cendance : Aristippes'en justifia en disant de pouvoir dire la vérité sans crainte.
qu'il parlait à la cour l'idiome de la cour, Arrien , qui vante l'exactitude et la fidé
et qu'au reste il n'en usait ainsi que pour lité de cet ouvrage , s'en servit comme
faire triompher le juste et le vrai. Un jour d'une de ses principales sources .
que pour obtenir une grace il s'était jeté ARISTOBULE , de Cassandrée , est un
aux pieds de Denys : « Est -ce ma faute, autre historien qui n'écrivit qu'à l'âge de
dit-il, si Denys a les oreilles aux pieds ? 84 ans . Ę. C. D. A.
La vie d'Aristippe à Syracuse était le ARISTOBULE , fils d'Hyrcan , fut ,
type des existences voluptueuses et pai- nommé aprèsla mortdeson père, vers l'an
sibles. On assure que postérieurement 103 avant J.-C.,à la dignité de grand-prê
il retourna dans Athènes et y ouvrit tre des Juifs, dignité qui conférait les pou
ARI ( 254 ) ARI
voirssouverains à celui qui en'était revêtu . taire sur le Pentateuque qu'ildédia à Ptolé
I fit enfermer la veuve de son père , à la- mée-Philométor, roi d'Egypte . Il se pro
quelle ce dernier avait confié en mourant posait , dans ce volumineux ouvrage, de
l'autorité suprême; et, le premier d'entre prouver que les poètes et les philosophes
les Machabées, il prit le titre de roi qui , grecs avaient mis à contribution les li
depuis long-temps, n'était plus en usage vres de Moïse.
chez les Juifs. Il fit ensuite la guerre aux ARISTOCRATIE , mot à mot le
Ituréens, peuplade qui habitait au nord - gouvernement des meilleurs, de xpátos,
est de la Palestine, en soumit une partie, force, et ő pesos, le meilleur. Ainsi com
et leur fit embrasser sa religion. Une ma- prise , cette forme de gouvernement se
ladie l'empêcha de poursuivre sa con- rait certainement préférable à toute au
quête ; il laissa ce soin à son frère Anti- tre , et il serait heureux , le peuple qui
>

gone qu'il aimait beaucoup. Celui-ci fut, l'aurait réalisée chez lui. C'est là que doi
pendant son absence , calomnie par la vent tendre toutes les sociétés, à remettre
reine Salomé , qui persuada à son mari leurs affaires entre les mains des plus
qu'il voulait le détrôner. La guerre ter- dignes , de ceux qui s'élèvent au -dessus
minée , Antigone revint à Jérusalem , fut des autres par leurs talens , leurs ver
mandé au palais du roi et tué par des tus , la considération dont ils jouissent
gardes apostés dans un souterrain qu'il parmi leurs concitoyens.
fallait traverser pour s'y rendre. Son in- Sicemota dîson origine à un gouverne
nocence ne tarda pas à être reconnue , et ment de cette natureréellement existant, il
Aristobule, dont le repentir amer ne fit faut plaindre les hommes d'avoir fait tant
qu'agraver le mal , mourut après un an de pas rétrogrades et d'avoir détourné lors
de règne. ganisation sociale de son véritable but.
ARISTOBULE II, son neveu , fils d’A Car ce titre des meilleurs ( optimates) a
lexandre Jannée , s'empara du trône au bientôt été usurpé par les plus forts, par
préjudice d'Hyrcan , son frère aîné, qu'il ceux qui , tenant le pouvoir , n'ont plus
vainquit dans un combat et contraignit voulu s'astreindre à la condition sous la
d'abdiquer ; mais les Romains ne le re- quelle il leur avait d'abord été confié. On
oonnurent pas pour souverain. Les deux entendit dès lors,par le mot d'aristocratie,
frères se rendirent auprès de Pompée , une classe privilégiée dont les membres
l'un pour réclamer, l'autre pour défen- étaient seuls investis de toutes les fonc
dre sa couronne. Aristobule , prévoyant tions importantes dans l'état, et faisaient
l'issue de la contestation , retourna en retomber sur la multitude les charges
Judée pour se mettre en état de résister auxquelles ils parvinrent à se soustraire
aux armes romaines. Pompée l’y joignit , eux-mêmes. Cette classe privilégiée com
l'an 63 avant J.-C., prit, après trois mois prenait tantôt le clergé et tantôt les hom
de siége, Jérusalem où il s'était enfermé, mes de guerre ;mais dans la suite elle dutre
le fit prisonnier, le conduisit à Rome et cevoir dans son sein tout ce qu'une société
voulut qu'il fût attelé à son char de triom- offraitd'hommes notables etconsidérés,les
phe. Quelques années après, Aristobule plus intelligens, les plus adroits, non moins
parvint à s'évader avec son fils Antigone, que les plus riches et les plus nobles.
et reparut en Judée où il fomenta de nou Ainsi constituée , l'aristocratie se renou
>
veaux troubles. Gabinius marcha contre velait sans cesse; elle avait besoin, pour se
lui, se rendit maitre de sa personne et l'en- maintenir, de se rétremper incessamment
voya à Rome. César, ennemi de Pompée, par toutes les notabilités nouvelles que les
lui rendit la liberté et le renvoya dans sa circonstances faisaient surgir dans les dif
patrie avec deux légions , pour y opérer férentes classes de la population. Țelle fut
une diversion en sa faveur ;' mais les par- | l'aristocratie établie par Solon à Athènes ,
tisans de Pompée parvinrent à le faire et tel fut aussi le patriciat des Romains,
empoisonner en route . E. C. D. A. alors que les grands services rendus à
ARISTOBULE , Juif d'Alexandrie et l'état , les hautes fonctions politiques suf
philosophe péripatéticien, à la fin du ret fisaient pour y élever des citoyens jusque
siècle de J.-C. , est auteur d'un commen- là obscurs. Dans l'impossibilité de recon
ARI ( 255 ) ARI
naitre et de porter aux emplois les vertus, pas, lui, plusqu'immortel,restait toujours
qui , si elles sont vraies, se cachent plu- le même, et la vie de l'homme ne comp
tôt qu'elles ne s'étalent, on a dů , à dé- tait pas dans les affaires, puisque l'esprit
faut de la véritable aristocratie , de celle de corps soutenait ce que ce corps avait
des meilleurs, recourir nécessairement entrepris et voulu. Dans les monarchies,
à celle des plus élevés en rang , à celle l'aristocratie est le meilleur soutien des
que composaient tous les hommes places trônes et le véritable représentant des
en évidence par les richesses, source de masses auprès de lui. Elle forme par ses
l'influence ; par la haute naissance , pres propriétés de convention , intellectuelles,
tige auquel la multitude cherche en vain immobilières, mobilières, etc. , le contre
à se soustraire; par les talens, qui sont la- poids naturel à la turbulence de ceux qui
panage de toutes les classes et dont ni les s'agitent et agitent tout autourd'euxpour
richesses ni l'extraction ne sauraient tenir arriver à la possession des biens qui leur
lieu. Ce n'est plus là la meilleure aristo- manquent,etque tous ne peuvent posséder
cratie, mais c'est la seule possible ; c'est la à la fois. Le peuple est souverain , dans
seule qui soit justifiable au tribunal de ce sens que rien ne peut prévaloir contre
la raison . Une telle aristocratie se conci- la volonté nationale; mais dans l'impos
Jie avec des formes de gouvernement di- sibilité de prendre lui-même en main ses
verses : elle est possible, elle est utile dans intérêts , de se porter en masse sur les
les monarchies comme dans les républi- lieux où réside le pouvoir et où se traitent
ques ; partout le pouvoir s'appuie avec ses intérêts , il faut bien qu'il commette
avantage sur ceux qui ont le plus d'inté- en son nom ceux qui ont le plus de lu
rêt à la conservation de l'ordre et le plus mières, le plus de loisirs, le plus d'expé
de ressources pour donner du poids à rience . L'aristocratie est donc le repré
leur concours. Mais on confond ordinai- sentant naturel du peuple : mais l'aristo
rement l'aristocratie avec l'oligarchie : cratie devient un abus du moment où
cette dernière concentre toute l'autorité elle reste fixe, où elle s'isole, où ses rangs
dans un petit nombre de familles au sein sont fermés aux notabilités nouvelles .
desquelles elle reste héréditaire, à l'exclu- Telle n'est pas l'aristocratie en France ,
sion de toutes les autres, comme autrefois ni l'aristocratie en Angleterre. Il y a entre
à Venise, à Gênes, à Berne et dans d'au- les deux cette différence, que la dernière
tres petits états. L'oligarchie ( voy .) est se fonde plus sur la propriété territo
toujours un abus, un égarement; l'aristo- riale, et la première plus sur la considéra
cratie est une forme de gouvernement na- tion personnelle , sur le rang auquel les
turelle, peut-être même rationnelle. Cette talens ou les services ont fait arriver un
dernière n'établit pas , comme l'autre , la citoyen. La première est plus mobile ,
domination d'une caste, car elle met l'in plus changeante ; l'autre est plus stable ,
fluence au concours, et ses rangs restent plus compacte , d'un accès plus difficile.
ouverts au talent, à la richesse, à toutes Mais elles se ressemblent en ce qu'elles
les 'notabilités nouvelles. L'aristocratie sont l'une et l'autre soumises à l'action
est la fleur , l'élite de la société , et elle du temps, mobiles, sujettes à fluctuation .
marche à sa tête ; car elle réunit en elle Dans la démocratie même il y a toujours
tous les principaux élémens de force et plus ou moins d'aristocratie, témoins ces
de prospérité qui appartiennent à cette bourgeois de Bâle qui refusent des droits
société. Elle favorise la stabilité par un égaux aux habitans des campagnes, et ces
même esprit qui s'y perpétue et que les pâtres de Schwytz qui ne reconnaissent
derniers membres restans transmettent pas comme leurs pairs les hommes des
aux successeurs de ceux que le temps nouveaux districts. Sans un élément aris
moissonne. Il faut lire dans les Discours tocratique la démocratie dégénère en
de Machiavel les observations frappantes ochlocratie (voy.): ce n'est plus alors le
de justesse de ce profond politique sur la peuple qui domine, c'est la populace , et >

conséquence, l'unité de vue et la persévé- les hommes éclairés sont régis par ceux
rance de volonté avec lesquelles agissait qui n'ont eu ni le temps ni l'occasion de
le sénat romain : si les rois ne meurent développer toutes leurs facultés.
ARI ( 256 ) ARI
La noblesse ( voy .) en général n'est ARISTOPHANE , le plus célèbre des
pas l'aristocratie : on le voit bien en poètes comiques de la Grèce , et le seul
France , où cependant on confond éter- dont il nous soit parvenu des pièces en
nellement ces deux termes ; les priviléges tières, était d'Athènes, selon son biogra
seuls ne la constituent pas,il faut en ou phe anonyme, quoique Suidas le dise né
tre le pouvoir. C'est à tort , que dans la dans l'ile de Rhodes, et d'autres à Égine.
révolution de 1789, on a qualifié d'aris- La date de sa naissance et celle de sa
tocrates tous ceux qui tenaient aux pri- mort ne sontpas connues ; mais des onze
viléges ou qui favorisaient le gouverne- pièces qui nous restent de lui , dix ont
ment monarchique ; encore une fois, tous été représentées pendant la guerre du
les régimes , quelle que soit la forme de Péloponèse ( 431-404 avant J.-C.). Un
gouvernement qu'ils adoptent, doivent passage de la onzième, l'Assemblée des
>

s'appuyer sur l'aristocratie, mais réelle , femines , donne à penser qu'elle fut com
mais bien comprise. Les masses forment posée vers la fin de la 96° olympiade, 393
le noyau d'un état , sa force, sa consis- avant J.-C.; enfin le Plutus, joué pour
tance, mais elles ne sont pas appelées à le la première fois en 409 , fut donné une
régir ; elles peuvent en avoir la volonté , seconde fois avec des changemens,en 390,
mais elles n'en ont jamais ni le temps ni Soit crainte ou prudence, soit qu'une loi
les moyens. Entre leurs mains le pouvoir défendit de faire représenter des comé
appartient aux plus rusés; et le plus puis- dies avant l'âge de trente ans ( V.lescoliaste
sant est alors celui qui flatte le mieux la sur le vers 526 des Nuées ), Aristophane
vanité et le caprice populaires. Voy. Gou- donna ses premiers essais sous le nom
VERNEMENT ( formes de ). J. H. S. de Callistrate et de Philonide, acteurs qui
ARISTODÈME, voy. MESSÉNIENNES jouaient dans ses pièces. Il débuta par
( guerres ). les Babyloniens, ouvrage aujourd'hui
ARISTOGITON , voy. HARMODIUS. perdu , qui fut représenté la 2e année
ARISTOLOCHE , classe de plantes de la 88€ olympiade, 427 ans avant J.-C.,
dans laquelle figurent plusieurs racines au printemps, c'est-à-dire à l'époque où
employées comme médicament. La dé- les alliés se rendaient en foule à Athènes
nomination qu'on leur avait imposée ex- pourapporter leurs tributs. Le démago
primait la propriété qu'on leur attri- gue Cléon était maltraité dans les Ba
buait, bien gratuitement, de favoriser l'é- byloniens. Pour s'en venger, il accusa le
vacuation menstruelle. C'est à l'aristo- poète d'avoir livré le peuple à la r'isée
loche longue que l'on avait surtout re- des étrangers. Bientôt après il l'accusa
connu la vertu emménagogue , et qu'on de n'être pas citoyen d'Athènes et d'en
avait recours à la suite des couches. usurper les droits. Il parait qu'Aristo
Toutes les aristoloches présentent d'ail- phane avait des biens à Égine, et que sa
leurs une saveur âcre et amère et une famille était originaire
de Rhodes; c'est
odeur aromatique dues à la présence ce qui putservir de prétexte à trois ac
d'une assez grande quantité d'huile vo- cusations , auxquelles d'ailleurs il sut
latile qui explique bien l'action stimu- toujours échapper. Deplus, Aristophane
lante qu'elles exercent sur l'économie appartenait au parti aristocratique, dé
animale. Néanmoins elles ne figurentplus claré contre Cléon , qui , depuis la mort
au nombre des médicamens d'un emploi de Périclès , était l'orateur le plus in
journalier. La serpentaire de Virginie , fluent sur la multitude. D'un autre côté ,
qui jouissait jadis d'une grande réputa- des succès militaires que Cléon dut à la
tion , non -seulement contre la morsure fortune, au moins autant qu'à son habi
des serpens, mais encore contreun grand leté , lui avaient inspiré une présomp
nombre de maladies internes, appartient tion arrogante et lui faisaient beaucoup
au genre aristoloche qui lui-même donna de jaloux. Telles sont les causes de l'ani
son nom à la famille des aristolochi- mosité d'Aristophane contre ce démago
cés. F. R. gue qu'il traduisit enfin sur la scène, dans
ARISTOMÈNE , voy . MESSÉNIEN- sa comédie des Chevaliers , où il le fla
NES ( guerres ). gelle impitoyablement. Aucun ouvrier
ARI ( 257 ) ARI
n'ayant osé faire un masque à la ressem- sanglante : il lui reproche ses rapines, ses
blance de Cléon, et aucun acteur n'ayant flagorneries, ses débauches ; il accumule
consenti à se charger du rôle , Aristo- sur lui toutes les accusations qui peuvent
phane le joua lui-même. Voici le sujet rendre un homme odieux et méprisable.
de la pièce et le fait qui a fourni au poète | Il personnifie le Peuple sous les traits
une source intarissable de sarcasmes. d'un vieillard irascible et radoteur, que
Pendant la 6° année de la guerre du Pé- sa faiblesse livre aux charlatans qui le
loponèse,Demosthène, général athénien, flagornent avec le plus d'impudence.
avait fait une expédition dans la Messé- Deux esclaves du bonhomme Peuple ,
nie et s'était emparé de Pylos, petite ville Démosthène et Nicias , les deux géné
maritime sur la côte occidentale du Pé- raux dont nous avons parlé, se plaignent
loponèse. Les Lacédémoniens attaquent amèrement d'un de leurs camarades qui,
aussitôt la place par terre et par mer; à force d'intrigues et de bassesses , est
mais vaincus dans un combat, malgré la parvenu à s'emparer de la faveur de leur
valeur de Brasidas, ils laissent dans l'ile maître , et à le gouverner aveuglément.
>

de Sphactérie, voisine de Pylos, 420 ham- Ce camarade, qui leur rend la vie si dure,
mes de troupes , appartenant aux pre- est Cléon, qu'ils appellent tantôt le Paphla
mières familles de Sparte. Pour les dé- gonien , tantôt le corroyeur. En cherchant
livrer, ils envoient des députés à Athènes, les moyens de se débarrasser de lui , ils
avec des propositions pour traiter. Cléon découvrent un oracle annonçant qu'il
s'oppose à tout accord avec les Lacédé- doit être renversé par un charcutier.
moniens et insulte même leurs ambas- Aussi dès que le charcutier vient à pa
sadeurs. De son côté, Démosthène éprou- raître ils l'endoctrinent et lui apprennent
vait beaucoup de difficultés, soit à se qu'ilestappeléà gouverner la république.
maintenir dans Pylos, soit à enlever l'ile Le pauvre homme a beau s'en défendre
de Sphactérie, et il envoya Nicias à Athè- et alléguer son ignorance , son état mi
nes, pour demander du secours. Le peu sérable :: « Tu sors de la lie du peuple , tu
ple s'irritait de ces retards. Cléon en re- « es un vaurien : c'est précisément pour
jetait la faute sur l'incapacité et la lenteur « cela , lui disent-ils , que tu deviendras
des deux généraux ; il se vanta même hau- « un grand personnage.» C'est avec cette
tement de prendre l'île en 20 jours, si on ironie mordante que le poète raille la
le faisait général. Quoique sa jactance démocratie. Cléon paraît : sa vue seule
fût d'abord à Athènes un sujet de plai- met le charcutier en fuite; mais les che
santerie, on le prit au mot ; on lui donna valiers , qui forment le chąur , viennent
> >

donc ordre de partir. Mais la fortune le à son secours ; peu à peu le charcutier
servit à souhait ; car avant qu'il ne fût s'aguerrit; il fait assaut d'injures, il lutte
arrivé , Démosthène brûla un petit bois avec Cléon d'effronterie, d'impudence, de
de l'ile qui gênait ses troupes , et par-là friponnerie, et il lui prouve qu'il a bien
la prise de Sphactérie devint très facile. plus de qualités que lui-même pour gou
Cléon survient ; il se joint à lui , les La- verner. Cléon est vaincu devant le sénat
cédémoniens sont contraints à se rendre, et devant le Peuple, qui, enfin désabusé ,
et Cléon ramène à Athènes 300 prison- retire à son favori la charge qu'il lui avait
niers. Vainqueur,> contre l'attente géné- confiée , et le chasse de sa présence. Le
rale , il devint plus que jamais l'idole du Peuple, à son tour, se corrige ; il déplore
peuple, et par-là même plus odieux à l'aveuglement qui le livrait à des charla
ses ennemis. C'est peu de temps après tans misérables, il reparaît aux yeux des
cet événement qu'Aristophane composa spectateurs rejeuni et régénéré,, et finit
sa comédie des Chevaliers. Il n'attaque par chanter les douceurs de la paix. Cette
plus Cléon par des traits rapides et fu- rapide analyse des Chevaliers ne sera
gitifs, comme ceux qu'il lance en pas- pas inutile pour faire comprendre quelle
sant sur les orateurs , les généraux, les était l'importance de la vieille comédie ,
magistrats , les citoyens distingués ou et la part qu'elle avait dans le gouverne
non : c'est sa personne même qu'il met ment d'Athènes. On voit que les ouvra
en scène et qu'il flagelle d'une manière ges des poètes étaient aussi des actions ,
Encyclop. d . G. d . M. Tome II. 17
ARI ( 258 ) ARI
l'exercice d'un droit , une intervention et par - là même elle produisait une im
dans les affaires de l'état.Ils s'attribuaient pression bien plus vive, elle excitait plus
la fonction de traduire sur le théâtre tous d'empressement et de curiosité. On ne
ceux qui jouaient un rôle sur la place s'étonnera donc plus queDenis, tyran
publique. La comédie politique, telle que de Syracuse , ayant desiré connaitre le
nous la montre Aristophane, cette gouvernement d'Athènes , Platon lui ait
satire audacieuse de tous les hommes envoyé les comédies d'Aristophane. Elles
marquaris, cette åpre censure des actes, en sont en effet le meilleur commentaire;
des projets, des mesures de l'administra- fille du gouvernement populaire, la vieille
tion , était en quelque sorte un com- comédie en suivit toutes les vicissitudes
plément des institutions républicaines , ( voy. COMÉDIE ). Dans l'Assemblée des
un des ressorts du gouvernement popu- femmes , il n'y a plus de parabase; elte
laire. Redoutable à tous les intrigans, est également supprimée , ainsi qu'une
souvent , dans sa verve licencieuse , elle partie des chours, dans la seconde édi
n'épargnait pas mêmeles bons citoyens. tion du Plutus, qui est de l'an 390.
Chez
mir
ce peuple ombrageux qui,à son ad - C'est à ces temps -là qu'il faut rapporter
ation pour les grands hommes alliait ce que raconte l'auteur de la vie d'A
toujours une défiance inquiète et jalouse ristophane : « Un décret étant survenu ,
de leur ascendant , la vieille comédie se a qui défendit de désigner aucun citoyen
montré comme un pendant de l'ostra- a par son nom , il composa son Coca
cisme. Un de ses élémens essentiels et « lus. » Le sujet de cette pièce était
caractéristiques était la parabase. Au un jeune homme qui séduit une fille et
milieu de la pièce,dans un intermède, le l'épouse après avoir reconnu sa famille.
chaur, occupant seul la scène , se tour- On voit ici la naissance de la comédie
nait vers les spectateurs , et s'adressait à nouvelle , qui s'attache à la peinture de
eux , au nom du poète : tantôt il faisait la vie privée et des mæurs domestiques.
son apologie et tournait ses rivaux en Le Plutus peut être considérécomme ap
ridicule; tantôt en vertu de son droit de partenant à la comédie moyenne , qui
citoyen , il faisait des propositions sé- servit de transition ou d'intermédiaire
rieuses ou badines dans l'intérêt général. entre l'ancienne et la nouvelle. Ne pou
Aristophane s'atlaque sans gêne àtout ce vant plus se prendre aux personnages vi
qu'il y a de plus considérable dans l'état, vans, l'auteur se jettedans la fiction et dans
aux orateurs, aux généraux, aux juges, à l'allégorie. Chrémyle, homme de bien ,
ceux qui gouvernent sous le nom du peu- mais pauvre , va consulter l'oracle d'A
ple, etau peuple lui-même. Il démasque les pollon sur les moyens de s'enrichir. Le
charlalans de toute espèce ; ses traits sont Dieu lui répond d'emmener chez lui la
inépuisables contre les partisans de la première personne qu'il rencontrera en
guerre ;il dénonce les concussions. C'est sortant du temple. Il rencontre un aveu
ainsi qu'il célèbre la mesure par laquelle gle : c'est Plutus. Dès que celui-ci s'est
an contraignit Cléon à restituer cinq ta- fait connaître , on s'empresse autour de
lens qu'il s'était fait donner par quelques lui, on veut travailler à sa guérison : car
villestributaires , en leur promettant d'en- si Plutus est aveugle , faut- il s'étonner
gager la république à diminuer leur tri- qu'il enrichisse tant de coquins et d'in
but annuel . Une comédie était donc un trigans.? On le conduit dans un temple
pamphlet où le poète traitaitlesquestions d'Esculape: là , Plutus recouvre la vue;
à l'ordre du jour. En effet, si le grand désormais il enrichira les honnêtes gens.
ressort politique des sociétés modernes C'est là un cadre satirique ingénieusement
est la presse,à Athènes c'était la parole, inventé par le poète, pour fronder la cu
c'est-à -dire la voix des orateurs et des pidité, l'égoïsme, et tous les vices qu'il re
poètes comiques. Mais les représentations proche aux Athéniens. Dans l'Assem
n'étaient pas quotidiennes en ce temps - blée des femmes , Aristophane avait
là ; elles étaient liées au culte public : :
traité à sa manière la question de la
c'était une solennité religieuse , qui re- communauté des biens et des femmes;
venait à certaines époques de l'année, 1 il avait présenté sous des formes ridicules
ARI ( 259 ) ARI
les inconvéniens pratiques de ce système. , nuées des coucous. À peine est - elle
Dans le Plutus , il aborde une question consacrée, qu'une foule d'aventuriers ac
qui touche de près à la première ; c'est courent dans l'espoir de trouver quelque
l'inégale répartition des richesses , et la chose à gagner : c'est un pauvre diable
manière capricieuse dont la fortune disa de poète qui versifie en l'honneur de la
pense ses faveurs, faisant prospérer les ville nouvelle , pour attraper un mor
méchans et laissant la misère en partage ceau de pain ou un habit ; un devin
à la probité. La Pauvreté s'indigne de ce avec ses oracles ; Méton , le géomètre ,
que Chrémyle veut rendre la vue à Plu- qui vient arpenter le terrain ; un inspec
tus et prétend la chasser de chez lui . teur des provinces, un crieur de décrets.
Elle prouve dans un plaidoyer très spi- L'esprit satirique du poète se joue à l'aise
rituel qu'elle est la mère de tous les biens dans ce cadre, et passé en revue tous les
et queles hommes lui doivent le bonheur ridicules. Il met la morale de la ville des
dont ils jouissent. D'ailleurs , si chacun oiseaux en contraste avec les moeurs d'A
>

était riche, personne ne voudrait plus thènes. Un fils qui souhaite la mort de
travailler : il n'y aurait plus ni serruriers, son père reçoit de l'exemple des cigognes
ni tailleurs, ni cordonniers, etc. Sous les une leçon de piété filiale. L'auteur atta
sophismes et les bouffonneries qui égaient que tour à tour le pédantisme des savans
l'argumentation banale de ceux qui dé- et des philosophes, l'ignorance et l'avia
fendent les abus parce qu'ils en vivent, dité des devins et des sacrificateurs , les
on voit percer le bon sens exquis du prétentions des poètes , la cupidité des
poète, qui avait pressenti la nécessité du magistrats, les turpitudes des délateurs.
travail comme condition de notre nature, Enfin undes traits caractéristiques decette
et qui avait compris que l'or, par lui- pièce , c'est la hardiesse avec laquelle les
même, ne constitue pas la richesse. Celte dieux y sont tournés en ridicule. L'As
comédie, semée de traits fins et spiri- semblée des femmes est une conspira
tuels, est conduite avec un art qui ne se tion féminine pour opérer une révolution
retrouve peut-être pas au même degré sociale. Les Athéniennes, sous la conduite
dans les autres pièces, si l'on excepte les de Praxagora , se déguisent en hommes ;
Nuées. La fiction n'a point ici cette froi- elles mettent des barbes postiches , et
deur qui glace trop souvent le genre als prennent les manteaux de leurs maris
légorique. Cependant les personnalités pour s'introduire dansl'assembléedu peu .
sont beaucoup plus rares , et ceux que ple. Après s'être assurées ainsi de la ma
l'auteur attaque sont traités avec plus de jorité , elles font passer un décretqui in
ménagemens. La plupart des autres piè- vestit les femmes du gouvernement. Elles
ces d'Aristophane ont trait ou à des évé- établissent ensuite une nouvelle consti
nemens contemporains, ou à quelque tra- tution , fondée sạr la communauté des
vers du caractère national et des moeurs biens des femmes et des enfans. Uliecri
publiques. tique libre et hardie , une vive satire des
Ainsi les Acharniens, la Paix , Lysis- mæurs athéniennes, voilà l'unique but de
trata , ont pour but de montrer la né- l'auteur dans cette suite de scènes pleines
cessité de mettre fin à la guerre. Dansles de gaité. Toutesles objections qui peuvent
Guépes, l'auteur raille la passion que le s'élever contre ce système de communan
peuple athénien avait pour les procès, té absolue sont présentées de la manière
les plaidoyers , les jugemens; on connait la plus bouffonne. Enfin , dans les Fétes
l'imitation que Racine a faite de cette de Cérés, dans lesGrenouilles et dans les
pièce, dans les Plaideurs. Les Oiseaux Nuées, le but de la critique estbeaucoup
et l'Assemblée des femmes sont des plus littéraire que politique. C'est sur
parodies spirituelles des utopies mises tout contre Euripide que sont dirigés les
en avant par les philosophes de cette traits du comique.Dansla premièrepièce,,
république imaginaire que Protagoras les femmes prennent oecasion de la fête
avait décrite avaut Platon. Les oiseaux qui les réunit dans le temple de Cérès,
s'avisent de bâtir dans les airs une ville pour délibérer entre elles sur les moyens
appelée Nephélococcygie ou la ville des de perdre Euripide ; car elles brûlent de
ARI ( 260 ) ARI
se venger des injures que ce poète ne Pluton nomme Bacchus pour juge de ce
cesse de leur prodiguer dans ses tragé- débat. Alors commence une scène fort
dies. Euripide , apprenant le péril qui le longue , mais riche de comique , où les
>

menace , prie Agathon , autre poète tra- deux poètes s'attaquent tour à tour sur
gique , dont il raille les meurs effémi- | les sujets de leurs pièces , sur les prolo
>
nées,d'aller au temple déguisé en femme, gues , sur les cheurs , etc. Eschyle étale
et d'y prendre sa défense ; car il y a peu son style pompeux et parfois boursou
de risque que son sexe soit reconnu. Sur flé; Euripide déploie ses pensées sub
le refus d'Agathon , Mnésilochus, beau- tiles, ses expressions fines et recher
père d'Euripide , consent à cette démar- chées. Celui-ci reproche à son rival son
che périlleuse; il se glisse donc au mi- enflure, son obscurité , ses grands mots
9

lieu des femmes sous le costume d’Aga- | forgés et ronflans , et le vide de l'action ;
thon. Là il plaide en faveur de son gen - Eschyle accuse Euripide d'avoir énervé
dre, et il soutient qu'Euripide n'a pas dit le style de la tragédie , de le faire des
la millième partie des choses qu'il aurait cendre à des détails trop vulgaires , et
pudire. Là -dessus l'orateur devient sus- d'avoir mis sur la scène des crimes ré
pect bientôt son sexe est reconnu ; on voltans , des caractères vicieux , tels que
se saisit de lui , on l'attache , et il est au ceux de Phèdre et de Sthénobée . En der
moment de périr , lorsqu’Euripide sur- nier lieu , on apporte une balance : cha
vient et met en jeu divers stratagèmes cun met ses vers dans l'un des bassins ;
pour le délivrer. Toute cette dernière mais Euripide a beau faire, elle penche
partie de la pièce se compose de longues toujours du côté d’Eschyle . la fin , ce >

parodies des tragédies d’Euripide , no- dernier , pour terminer l'épreuve, dit à
>
tamment de son Palamède , de son An- son adversaire de semettrelui-mêmedans
dromède et de son Hélène.Mnésilochus, la balance avec tous ses ouvrages , sa
vieux barbon , représente la belle Hélène , femme, ses enfans et son ami Céphiso
et la jeune Andromède ; Euripide paraît phon , tandis que lui , Eschyle , en met >

tour à tour sous les traits de Ménélas , tant deux vers de l'autre côté, est sûr de
de Persée , de la nymphe Écho, etc. Il faire le contre-poids. Bacchus prononce
finit par faire aux femmes des proposi- en faveur d'Eschyle et l'emmène avec lui
tions depaix qui sont acceptées ; il s'en- sur la terre. Pendant son absence , le
gage à ne plus dire de mal d'elles , là con sceptre tragique restera à Sophocle .
dition qu'elles rendront la liberté à son Il nous reste à dire quelques mots des
beau - père. - Voici le sujet des Grenouil- Nuées et des reproches qu'on a souvent
-

les 8: Bacchus , ennuyé des mauvaises tra- faits à Aristophane d'avoir été un des au
gédies qu'on jouait à Athènes , depuis teurs de la mort de Socrate. Élien, dans
que Sophocle et Agathon étaient morts, son recueil d'anecdotes , raconte , on ne
veut aller chercher aux enfers un poète sait sur quelle autorité , qu'Anytus et
digne de célébrer ses fêtes. Dans ce des Mélitus, voulant essayer l'effet de l'ac
sein , il prend la peau de lion et la mas- cusation qu'ils méditaient contre Socrate,
sue d'Hercule , travestissement bouffon avaient payé Aristophane pour le tour
que sa poltronnerie, pendant les accidens ner en ridicule dans une de ses pièces
de la traversée , rend' encore plus ridi- et animer le peuple contre lui. Dans cette
cule. Il passe le Styx dans la barque de supposition , la représentation des Nuées
Caron , et les grenouilles l'accompagnent aurait eu lieu peu avant le procès , et les
de leurs coassemens harmonieux . De là accusateurs auraient profité de l'animo
le titre de cette comédie .Le chœur, pro- sité publique pour porter le coup déci
prement dit , est formé par les ombres sif. Tout au contraire , ce système est
des initiés aux mystères d’Éleusis , et ses contredit par la date de la représenta
chants sont pleins d'une admirable poé- tion, que des témoignages 'authentiques
sie. Arrivé au terme de son voyage, Bac- fixent à la première année de la 89€
chus trouve les enfers en émoi. Euripide, olympiade , c'est - à - dire 424 ans avant
nouveau venu , dispute le trône de la tra- J.- C. , et la mort de Socrate n'arriva
gédie à Eschyle , qui l'occupait avant lui. que l'an 400 ou 399 avant J.-C. ( 4 €
ARI ( 261 ) ARI
année de la 94 olympiade , ou pre- continuellement ses ouvrages sous son
mière année de la 95%), ce qui donne un chevet , et Platon , qui lui a donné une
intervalle de 24 ou 25 ans. Cette expli- si belle place dans son Banquet, fit à sa
cation suffit donc pour disculper Aristo- mort un distique qui nous a été conservé
phane d'avoir vendu sa plume àà Anytus et dont voici la traduction : « Les graces
et à Mélitus. Il est à remarquer d'ailleurs « cherchant un sanctuaire indestructible
que, dans l’Eutyphron de Platon , écrit « trouvèrent l'ame d’Aristophane. » A - D .
long -temps après cette comédie, il est La meilleure édition d'Aristophane est
parlé de Mélitus comme d'un jeune celle qui, commencée en 1794 à Leipzig,
homme. Toutefois , si le poète se trouve par Invernizi , fut terminée en 1826 par
ainsi justified'imputations odieuses, nous M. Guillaume Dindorf , 13 vol. in-8°
ne prétendons pas l'absoudre complète- M. Dindorf en réimprima le texte et un
ment , quant au résultat. Ces incrimina- abrégé du commentaire dans l'édition
tions , mêlées de bouffonneries , purent
> manuelle de Leipzig , 2 vol in-8° , 1830,
préparer de loin une accusation plus sé- On doit au même savant des éditions sé
rieuse ; les griefs articulés au procès , parées de plusieurs comédies d'Aristo
presque dans les mêmes termes que ceux phane ; à Hemsterhuys, une bonne édi
de la comédie , sont toujours de corrom- tion de Plutus , et deux autres des Nuées
pre la jeunesse , de mépriser les dieux de à MM. Hermann et Reisig. Le savant et
la patrie et d'introduire des dieux étran- élégant auteur de l'article qu'on vient de
gers. Du reste , il n'est pas horsde pro- lire, a publiéune traduction française d’A
pos de rappeler que le Socrate représenté ristophane, très estimée, Comédies d'A-.
dans les Nuées n'avait pas encore atteint ristophane, Paris, 1829, 6 vol. in-32 . S.
cette hauteur de renommée et de vertu où ARISTOTÉ , philosophe grec , l'un
il était parvenu 24 ans après, lors de l'ini- des hommes qui ont le plus honoré l’es
que procès intenté contre lui. A l'exemple prit humain et qui ont eu le plus d'in
d'Eupolis et d'Amipsias , autres poètes fluence sur ses destinées , naquit à Sta
comiques, qui n'épargnaient pas les rail- gire , aujourd'hui Stavro , colonie de
>

leries à Socrate, Aristophane le prit pour Chalcis , située sur la côte du golfe du
représentant des sophistes, qui étaient Strymon , en Thrace , la première année
alors dans toute leur vogue. Bien connu de la 99€ olympiade , 384 ans avant J.-C.
de la populace d'Athènes, Socrate faisait Son père , Nicomachus, de la famille des
profession de discuter, avec le premier ve- Asclepiades, étaitmédecinetamid'Amyn
nu, sur la place publique ou dans les bou- tas II , roi de Macédoine , père de Phi
tiques des barbiers, des cordonniers, etc.; lippe. Sa mère se nommait Phæstis. Il
son extérieur, ses habitudes , la familia- perdit ses parens fort jeune encore , et il
rité de son langage et de ses comparai- est douteux , par conséquent , que Nico
sons étaient une bonne fortune pour les machus ait pu lui-même , quelque habile
poètes comiques, qui , lorsqu'ils trou- qu'on le représente, diriger les premiers
vaient le moyen de faire rire , ne se pi- pas de son fils dans cette carrière de la
quaient pas d'un extrême respect pour science , où il devait tant s'illustrer. Tout
les personnes. Ainsi se trouva confondu au moins Aristote en puisa -t-il le goût
avec les sophistes celui qui était leur dans ses exemples de famille, comme il
plus redoutable adversaire. trouva dans le riche héritage de son père
Ce qu'il y a de licencieux dans les les moyens de s'y livrer avec une entière
comédies d’Aristophane appartient aux indépendance. Confié aux soins d'un cer
meurs de son époque. Quant à son es- tain Proxenos , d’Atarne, en Mysie , et de
prit , on sait quel cas en faisaient les plus son épouse , après la mort des siens, c'est
grands génies de l'antiquité. Si sa gloire a à eux qu'ildut en grande partie le bien
traversé lessiècles , c'est qu'il alliait toute fait de l'éducation , et il leur en prouva
la finesse de l'atticisme à sa verve co- sa reconnaissance , dans la suite, en adop
mique, et que chez lui laprofondeur du tant à son tour leur fils Nicanor et en le
bon sens se cachait sous l'éclat de la plus traitant comme son propre fils. Si l'on en
riche poésie. Saint Chrysostôme avait croit des récits plusque suspects de l'anti
ARI ( 262 ) ARI
quité, il aurait, dans les égaremens d'une ment qui aurait fini , si l'on en croit les
jeunesse orageuse, dissipéson patrimoine, compilateurs d'anecdotes , par dégénérer
et se seraitvu réduit, pourvivre à Athènes, en une véritable inimitié. Cependant,
à vendre des remèdes. Le fond de ces quand l'on considère avec quel respect
récits , dégagés des interprétations mali- et quels égards pleinsde délicatesse Aris
gnes des ennemis d'Aristote ou des mé- tote parle de Platon , dans ses écrits,
prises d'un temps postérieur , porte à lors même qu'il est obligé de le réfu
penser que le fils de Nicomachus exerça ter , l'on ne saurait admettre aisément
d'abord la profession de son père , ou le reproche d'ingratitude adressé au pre
que du moins il se livra de très bonne mier, ni ces hostilités mutuelles que les
heure aux études physiques et chimiques disciples , sans doute , auront cru auto
vers lesquelles son esprit observateur de riser en les faisant remonter jusqu'à
vait paturellement incliner , et qui d'ail- leurs maitres. « Entre deux amis , dit
leurs , à cette époque , faisaient partie Aristote , abordant la réfutation de la
intégrante de la philosophie. Du reste , fameuse théorie des idées , c'est un de
il ne parait pas qu'Aristote ait jamais voir de préférer la vérité *. » C'est là le
cessé de jouir d'une grande aisance. langage d'un philosophe et non celui
Il n'avait pas encore dix -huit anslors d'un ennemi. Il ne parait pas, au reste,
qu'il vint à Athènes, poussé sans doute que pendant son premier séjour à Athè
par la passion du savoir , qui là seule- nes , qui dura 20 ans et se termina peu
ment pouvait trouver pleinesatisfaction ; après la mort de Platon, arrivée en 348,
peut-être aussi par le désir d'entendre Aristote ait élevé école contre école , du
Platon , alors au plus haut point de sa moins en philosophie.
renommée. Platon , surtout après son Un fait singulier , mais qui est attesté
retour de ses deux derniers voyages en par des témoignages trop imposans et en
Sicile, n'eut pas de peine à distinguer , trop grand nombre pour qu'on puisse le
dans la foule de ses disciples , ce puissant révoquer en doute , c'est qu'à cette même
et vaste génie, dont la portée spéculative époque, et non pas plus tard, le futur chef
et la rigueur critique, jointes aux recher du Lycée ouvrit une école d'éloquence
ches les plus laborieuses sur tous les ob- en opposition avec celle d'Isocrate. « Il
jets de la connaissance humaine , aux est honteux de se taire quand Isocrate
études les plus patientes de tous les tra- parle , » s'écriait-il en appliquant à l'il
vaux des philosophes antérieurs , lui ré- lustre rhéteur un vers d’Euripide. En
vélèrent bientôt le seul rival qu'il eût à effet, un esprit aussi sévère que le sien
craindre. Aussi,> frappé deseséminentes devait voir avec quelque indignation la
qualités , le surnomma-t-il d'abord l'ame vogue d'un maitre qui non -seulement
de son école , tandis que cette demeure avait séparél’éloquence de la dialectique,
où le jeuneAristoté commençait à former mais qui trop souvent réduisait la pre
la bibliothèque la plus considerable qu'un mière à une vaine élégance de mots.
renonçant momentanément à
particulier eût encore possédée , lui ap- Pour lui , favorites,
paraissait comme le sanctuaire même de ses études il répandit un jour
la science. Mais il était inévitable que tout nouveau , dit Cicéron , sur la théo
deux esprits de cet ordre >, deux esprits rie de l'éloquence , et rétablit l’union
si différens et faits pour régner l'un et des connaissances positives avec les exer
l'autre dans le domaine de la pensée , en cices oratoires. Aristote avait dès lors,
vinssent tôt ou tard à une collision. Pla- selon toute apparence,composé plusieurs
ton , d'ailleurs , vieillissait au sein de sa ouvrages , en partie au moins sur la rhé
gloire , et il ne pouvait voir sans peine torique, sans parler d'un traité des Pro
> >

un de ses plus jeunes disciples,se placer verbes que lui reprochait Céphisodore,
avec toute l'énergie d'une raison indé- disciple d'Isocrate, dans les quatre livres
pendante , avec tout l'avenir d'un talent qu'il écrivit contre lui pour la défense
supérieur, dans un point de vue philo- de son maitre.
sophique complètement opposé au sien . Speusippe ayant été désigné par Pla
Il s'opéra donc entre eux un refroidisse- (*) Amicus Plato , magis amica veritas.
ARI ( 263 ) ARI
ton , au lit de mort, pour lui succéder lui , cette,supériorité de mérite qui le
à la tête de l'Académie, et les Athéniens rendait capable de former son fils dans
ayant, vers le même temps , déclaré la l'art de bien faire et de bien dire à la fois.
guerre à Philippe, Aristote , qui n'avait il faudrait même croire que Philippe
pas cessé d'avoir des relations avec la avait eu de très bonne heure ses vues sur
Macédoine , qui même s'était déjà em- Aristote à cet égard , si l'on admettait
ployé infructueusement auprès du roi l'authenticité de la fameuse lettre qu'il
pour les intérêts de la Grèce et d'Athènes ,, lui écrivit, dit-on , peu après la nais
se détermina, par l'un ou l'autre de ces sance d'Alexandre. Son attente ne fut
motifs,> et plus probablement par le se- pas trompée. Aristote s'emparant, avec
cond , à quitter cette ville. Il se retira l'ascendant qui lui était propre , de l'amę
avec Xénocratę auprès d'Hermias , leur ardente du jeune prince, dont l'éduca
ami commun ,5 esclave et eunuque bithy- tion avait été jusque là si mal dirigée , y
nien , qui , après avoir suivi à Athènes développa lesgermes de ces hautes qua
2

les leçons de Platon et d’Aristote, avait lités qui firent de son élève le premier
succédé à son maitre Eubulus dans la héros du monde ancien , comme il en fut
petite souveraineté d’Atarne et d'Assos, lui-même peut-être le plus grand esprit,
șur la côte de Mysie. Mais , trois ans à La rencontre de ces deux hommes , ap
peine écoulés , Hermias , victime de sa pelés à la domination universelle, l'un
confiance, tomba dans un piége que lui par la pensée , l'autre par les armes ,
tendit Mentor , frère de Memnon de tous deux au profit de la civilisation , est
Rhodes , général des troupes grecques un événement aussi merveilleux que fé
à la solde du roi de Perse. Livré par ce cond dans l'histoire de l'humanité. Nul
traitre au cruel Ochus , il périt miséra- doute qu'Alexandre n'ait été redevable ,
blement. Aristote immortalisa la mémoire en partie du moins, aux leçons d’Aris
de son ami dans un hymne à la Vertu, qui tote , non-seulement des habitudes fortes
est pour nous un curieux monument de et des lumières supérieures , des nobles
son talent poétique , et qui fait concevoir passions et des sentimens généreux,mais
une assez haute idée de l'homme dont encore des conceptions vastes et hardies
les qualités morales purent lui inspirer qui jetèrent sur son caractère et sur ses
d'ausși nobles vers. Il voulut , en outre , actions tant d'éclat, qui donnèrentà ses
ériger à Delphes , en l'honneur d'Her- plans tant de grandeur, à ses conquêtes
mias , une statue, avec une inscription un butpolitiquesi élevé.Il faut convenir
qui rappelait la trahison sacrilege de aussi que jamais disciple ne mérita mieux
ses meurtriers. Il fit plus : il épousa Pys d'avoir un tel maitre. Cette éducation ,
thias , sa sæur et sa fille adoptive, qu'il i quirenfermait l'avenir du monde,fut
avait sauvée de leurs mains; et , comme l'ouvrage de cinq ou six années. Aristote
elle était digne de son frère, il lui con - profita de l'influence qu'elle lui valut au
sacra , soit pendant sa vie ,> soit après sa près de Philippe pour obtenir que Sta
mort , un culte d'amour et de regrets , gire , są wille natale , détruite par ce
qui donna lieu, de la part de ses enne- prince, fût rebâtie et ses habitans réta
mis, à des interprétations non moins ab- blis dans leurs foyers. Il y fit même con
şurdes que sa liaison avec Hermias. struire ,7 dans le lieu appelé Miéza , un
Forcé de se dérober par la fuite à la gymnase, qu'il décora du nom de Nym
tyrannie des Perses , devenus maitres phæum , et où il établit sa résidence avec
d'Atarne, Aristote trouva un asile à My- son royal élève. Lorsque celui- ci l'eut
tilène. On ne sait s'il y résidait encore , quitté pour apprendre le métier des ar
ou si plutôt il n'avait pas revu Athènes , mes , sous les auspices de son père , le
lorsque Philippe l'appela à sa cour , en philosophe y resta quelque temps encore
343 , pour lui confier l'éducation d’A- avec un certain nombre d'adeptes qu'il
lexandre >, son fils ,9 âgé de treizeans. De- avait donnés pour compagnons d'étude
puis long -temps le roi de Macédoinecon- à Alexandre, tels que Callisthène , son
naissait le philosophe de Stagire , et il parent , et Théophraste , son disciple
avait pu apprécier , par ses rapports avec chéri .
ARI ( 264 ) ARI
Philippeayant étéassassiné, Alexandre dialectique des sophistes et des socrati
monta sur le trône, en 336, tout préoc- ques. Du reste , il ne faudrait pas s'ima
cupé de ses grands desseins , et il est pro- giner qu'il enseignât comme un profes
bable qu’une de ses premières pensées seur en chaire, encore moins qu'il lût ou
futd'appeler près de lui son maitre pour dictât des cahiers , quoique la distinc
lequel il avait un respect vraiment filial. tion établie entre ses cours et ses dis
Mais l'année suivante , quand le futur ciples ait passé dans ses livres , et que ,
conquérant de l'Asie eut fait les prépara- de ceux -ci, les acroatiques ou acroa
tifs de son expédition , Aristote , dont la matiques, écrits en formules >, fussent
santé , à ce qu'il paraît , commençait à intelligibles aux seuls initiés.
2

s’altérer , qui d'ailleurs avait aussi sa mis- Mais les travaux d’Aristote , pendant
sion à remplir , et ne pouvait la remplir les treize années de son second séjour à
qu'à Athènes , revint dans cette ville, en Athènes , furent loin de se borner à l'en
laissant Callisthène auprès d'Alexandre . seignement de la philosophie et des scien
Xénocrate avait , depuis quatre ans, suc- ces, même telles qu'il les avait faites. Il
cédé à Speusippe , dans la direction de en profita pour mettre la dernière main
l'Académie . Aristote qui, à cette époque, à ceux de ses ouvrages qu'il avait ébau
n'était pas loin de sa cinquantième an- chés en Macédoine , et il entreprit ces
née , ouvrit à son tour une école dans le immenses recherches sur l'histoire de la
lycée , gymnase ainsi nommé d'un tem- nature et sur les institutions des peuples
ple voisin d'Apollonlycéen. Là,il entre- qui ne lui étaient guère possibles avant
prit de développer le système de philo- cette époque.Le concours actif et éclairé
.

sophie le plus vaste et le plus méthodi- d'Alexandre et des philosophes de sa


que qu'eût encore vu la Grèce , en se suite , ses prodigieuses libéralités envers
promenant sous des allées d'arbres avec son ancien maitre , et les ressources que
les nombreux disciples qui se pres- ce dernier y trouva, soit pour former des
sèrent bientôt autour de lui , d'où leur collections, soit pour se procurer sur les
vint le nom de péripatéticiens. ( Voy. lieux des informations de toute sorte ,
PÉRIPATÉTISME , pour l'exposition du peuvent seuls rendre compte de la multi
système d'Aristote et l'histoire de son tude des descriptions et des observations
école.) Deux fois par jour avaient lieu si fidèles et si exactes , de la variété infi
ses leçons ou ses promenades, comme il nie des faits consignés , d'une part, dans
les appelait. Le matin , il expliquait à ses livres d'histoire naturelle , d'autre
des auditeurs de son choix , à ses disci- part , dans ses ouvrages sur la politique
>

ples proprement dits, les principes mêmes et les gouvernemens. On eût dit, à voir
de la science , leur dévoilait les mystères comme parle pline des mesures prises
>

de la nature et les lois de l'esprit hu- par Alexandre dans l'intérêt des travaux
d'Aristote, que le conquérant subjuguait
main ; le soir, au contraire, il entretenait
tous ceux qui voulaient l'entendre sur les le monde uniquement pour le soumet
connaissances pratiques qui formaient tre aux expériences et aux méditations
les applications de sa philosophie, sur la du savant. Celui-ci reçut de son élève ,
politique , l'art de raisonner et celui de devenu maître de l'Asie , la somme de
>

bien dire. Cet enseignement , dont la 800 talens (plus de trois millions de no
forme devait être plus libre et plus po- tre monnaie ), destinée au même but. Mais
pulaire , il le nommait public ou exote- ce qui étonne le plus , c'est le parti que
>

rique, c'est-à-dire extérieur; l'autre , né- sut tirer Aristote, en si peu d'années, des
cessairement plus systématique et plus innombrables matériaux rassemblés de
sévère , s'appelait acroamatique ou éso- toute part autour de lui. Quelques se
térique , c'est-à - dire intérieur. Il est as- cours qu'aient pu lui prêter des disciples
sez probable , comme on le pense géné- tels que Théophraste, ilfaut que ce grand
>

ralement, que , dans ces cours privés en homme ait été doué d'une activité d'es
quelque sorte , Aristote le premier intro- | prit et d'une puissance de travail extraor
duisit l'usage des leçons ex - professo , dinaires.
substituées à la méthode interrogative et C'est ici , au reste, l'époque de la plus
ARI ( 265 ) ARI
haute vigueur de son génie, et celle où par le poison ( voy. l'art. ALEXANDRE );
la fortune, prête à le trahir, l'avait élevé mais quand cela serait , le rôle que l'on
au comble de la gloire et de l'influence. attribue à Aristote dans cette trame est
Ami du vainqueur de l'Orient, qui s'ho- une fable ridicule qu'il faut renvoyer ,
norait de son amitié plus qu'il ne croyait malgré l'autorité de Pline , aux légendes
l'honorer de ses bienfaits , il servait , en de la magie. Rien ne prouve, d'ailleurs ,
quelque sorte , de médiateur entre lui et que dans les six nées qui s'écoulèrent
les Grecs. Une telle position avait fait entre la mort de Callisthène et celle d'A
taire l'envie même à Athènes, et le bon- lexandre , le refroidissement réciproque
heur domestique venait ajouter ses char- du maître et de l'élève ait été en crois
mes à toutes les douceurs de l'ambition sant et qu'il ait dégénéré en une rupture
satisfaité. Aristote avait perdu en Macé- ouverte, en une inimitié déclarée.La tran
doine son épouse Pythias ; mais elle lui quillité dont Aristote ne cessa pas de
avait laissé une fille du même nom, qu'il jouir à Athènes , tant que vécut Alexan
élevait dans la pensée de l'unir à son fils dre , et les persécutions auxquelles il se
adoptif Nicanor. Il avait eu de plus, d'une vit en butte dès que la fin de ce héros fut
certaine Herpyllis de Ştagire, esclave de connue , démontrent que les Athéniens
sa femme, qui était devenue sa concubine ne s'y trompaient pas, et qu'Aristote ,
après la mort de celle- ci, un fils appelé loin d'être pour la Grèce un libérateur,
Nicomachus. Tout lui eût succédé jus- était toujours à leurs yeux le favori du
qu'à la fin de ses jours , sans le change- Macédonien.
ment cui s'opéra dans les dispositions En effet, les ennemis du philosophe ,
d'Alexandre à son égard , quand le héros les envieux que lui avaient attirés en
philosophe , amant de la science et des grand nombre et sa haute fortune et la
vertusgrecques, eut fait place , par de- supériorité de son génie , long -temps ré
grés , au monarque asiatique , ivre de duits à l'impuissance par la peur,, ne tar
>

puissince et de voluptés. La franchise té- dèrent pas à profiter des circonstances


mérare de Callisthène , le parent et le pour donner carrière à leur haine con
protgé d’Aristote , et le traitement bar- tre lui . De toutes les armes , choisissant
bar, dont elle fut suivie , achevèrent de la plus dangereuse à Athènes , ils ré
ronpre la bonne harmonie entre l'élève chauffèrent cette vieille inculpation d'im
et b maître. On cite une lettre mena- piété déjà funeste à plus d'un sage. L'hié
carte, écrite par Alexandre à Antipater, rophante Eurymedon poussa un citoyen
au sujet dela conspiration où Callisthène considéré, nomméDémophile ,à se por
fu impliqué , lettre dans laquelle Aris- ter l'accusateur d’Aristote , parce que ,
toe était clairement désigné comme le disait-on , il avait osé décerner les hon
fateur des ennemis du roi. Il était na- neurs divins à Hermias , son ami , et à sa
femme Pythias. Sans doute aussi quecer
tirel que ,de son côté , Aristote vit, avec
ne profonde douleur , son ouvrage dé- taines opinions professées dans ses livres
tuit par les séductions de la fortune et ou dans ses cours, concernant les dogmes
ls corruptions de la flatterie; qu'il ap- et les pratiques de la religion positive, >

rît avec indignation les cruautés exer- donnaient à l'accusation un plus sérieux
ées jusque sur l'un des siens par Alexan- prétexte. Quoi qu'il en soit, Aristote, peu
Ire livré à l'emportement de ses pas- jaloux de renouveler dans sa personne
jions; mais vouloir que , dès ce moment l'exemple de Socrate, et voulant (ce sont
Alexandre ait nourri contre son ancien ses expressions ) épargner aux Athéniens
maitre de sinistres projets , vouloir que un second attentat contre la philoso
celui-ci les ait prévenus ou du moins ait phie, prit le parti de se réfugier à Chal
cherché à les prévenir en s'associant à cis, en Eubée , sous l'abri de l'influence
un complot contre les jours de son élève, macédonienne qui y dominait. Ses dis
c'est méconnaître à la fois le caractère de ciples l'y suivirent et il y continua ses
l'un et de l'autre, c'est souiller gratuite- leçons ; mais ce ne fut pas pour long
ment deux grandes renommées. Il n'est temps. Atteint d'une maladie chronique
nullement certain qu'Alexandre soit mort de l'estomac , épuisé d'ailleurs par ses .
ARI ( 266 ) ARI
immenses travaux , il termina sa carrière tances où il se trouva , et avec cette soif
à l'âge de 62 ans , l'année qui suivit celle de savoir qui, dès ses jeunes années, ab
de la mort d'Alexandre , et où Démos- sorba sonactivité toutentière . D'ailleurs ,
thène, précisément au même âge, finissait comme Platon , son maitre , et comme
ses jours par le poison (322 avant J.-C.). beaucoup d'hommes éminens de cette
L'on n'a pas manqué de prétendre qu'A- époque , il était profondément dégoûté
ristote s'était vu réduit à une semblable de la démocratie ; le spectacle de ses
extrémité pour échapper aux conséquen- tristes effets lui faisait embrasser avec
ces de l'accusation portée contre lui à espoir les nouvelles destinées promises à
Athènes , et c'est là encore la moins ab, la Grèce par le génie de Philippe et d’A
surde des versions fabuleuses qui avaient lexandre . Pour tout dire , le trait le plus
cours dans l'antiquité sur son genre de saillant du caractère d'Aristote parait
mort ; mais , dit un ancien , si quelque avoir été « une modération poussée à l'ex
chose étonne, c'est que ce grand homme, cès » ( dit un de ses biographes anciens ),
avec la délicatesse de sa complexion et et, par cela même , exclusive du dévoue
les fréquentes altérations de sa santé, ait ment comme de l'enthousiasme. Sa seule
pu , grace à la force supérieure de son passion véritable fut pour la science , et
ame , parvenir à l'âge qu'il atteignit. sa gloire immortelle est de lui avoir tout
Diogène - Laērce nous a conservé le sacrifié. Il sentit que sa mission était, se
testament d'Aristote , ou plutôt un ex- lon la belle expression du chancelier Ba
trait de cette pièce , dont rien ne porte con , de ſonder dans l'ordre intelectuel
à suspecter l'authenticité.Les dispositions une sorte de monarchie universelle ,
qu'elle renferme font le plus grand hon- comparable à celle que projetat dans
neur au caractère moral du philosophe , l'ordre politique son illustre discple.
pour tout ce qui concerne ses relations Aristote fut plus heureux qu'Alexan
privées. On y voit qu'il possédait à un dre : il lui fut donné d'accomplr son
haut degré les vertus domestiques, et @uvre et de l'accomplir d'une minière
qu'il savait mettre en pratique les maxi- durable. Doué d'une immense acivité
mes déposées dans ses livres sur la bien- d'esprit, d'une sagacité pénétrante ,d'un
faisance, l'amitié , la reconnaissance , la génie à la fois et au plus haut degrt ob
piété filiale et fraternelle. A d'autres servateur et organisateur, non-seulenent
égards , on ne l'a point jugé aussi favo- il s'appropria toutes les connaissaices
rablement ; mais il faut se défier, ici sur- positives ou autres du siècle le plus
tout , des exagérations et même des ca- éclairé qu'eût encore vu le monde , illes
lomnies de ses adversaires , philosophes vérifia et les épura par sa critique; mis
et autres. Rendons grace à l'ambition , à il en élendit la limite dans toutes les li
l'amour de la gloire qu'on lui reproche, rections et la transporta dans des –
et que ses principes n’excluaient point , gions jusque là inconnues. Il fit plus : ks
puisque cette passion n'eut pour but , connaissances dont il avait tant agranii
chez lui , que les paisibles conquêtes de l'horizon , tant multiplié les trésors , 1
l'esprit , et qu'il sut la tourner chez le les soumit à sa puissante analyse , les r4
conquérant du monde , son élève , au > mena à des principes généraux , et le
grand profit de la civilisation . S'il re- classa en un système encyclopédique don
chercha et obtint la faveur des puissans, Platon , sans doute , avait posé les bases
>

ce fut encore dans l'intérêt de la science , dans ses admirables théories, mais qu'A
et jamais , que nous sachions , il ne se ristote seul pouvait exécuter avec une
montra vil flatteur. Sans doute , il ne étendue et une rigueur vraiment scienti
brûla point de cet ardent amour de la fiques. On conçoit que, dans la conscience
liberté qui embrasait l'ame d'un Démos- qu'il avait des services rendus à la phi
thène ; le patriotisme républicain lui fut losophie par ses travaux unis à ceux de
étranger ; il n'eut point , en un mot , les son maître , il s'imaginât la voir bientôt
vertus publiques de son temps : mais atteindre au terme de sa perfection . Il
c'est qu'il ne voulut ni ne put être un venait cependant de lui ouvrir une nou
personnage politique , dans les circons- velle et vaste carrière en cherchant à la
ARI ( 267 ) ARI
fonder exclusivement sur l'expérience , A voir la forme de ces ouvrages, auxquels
et en rapportant à son domaine, avec les appartiennent, selon toute probabilité, la
sciences du raisonnement , tous les faits plupart de ceux qui nous sont parvenus
observables dans l'ordre de la nature et sous le nom du philosophe, on ne peut
dans celui de la société. Ce qui distingue s'empêcher de penser qu'ils étaient faits
éminemment l'esprit d’Aristote , c'est pour servir de texte à ses leçons où ils
cette tendance empirique et rationnelle devaient trouver des éclaircissemens né
à la fois , ce besoin du positif, du réel , cessaires. C'est ce que confirme pleine
et en même temps de l'universel, qui le ment la réponse d’Aristote à une lettre
signalent , dans l'histoire des lettres grec- dans laquelle Alexandre lui reprochait
ques , comme le créateur de l'ère de d'avoir publié ses livres acroatiques ,
science succédant à l'ère de poésie.Mais destinés originairement à rester entre lui
ne lui demandez pas l'idéal qui donne et ses disciples. « Sache, lui répondit son
tant de profondeur et de charme au gé- maître , que cette publication n'en est
nie de Platon , ni cette puissance d'ima- pas une ; car ils ne sont intelligibles qu'à
zination qui jette tant d'éclat sur ses ou- ceux qui nous ont entendus. »
vrages. Le temps de ces grandes qualités Suivant une anecdote célèbre, rap
est passé; d'autres qualités non moins portée par Strabon et Plutarque , les ou
grandes peut-être , quoique moins bril- vrages exotériques) d'Aristote, après sa
lantes , en ont pris la place. La multi- mort et après celle de Théophraste , son
plicité des observations, l'exactitude des successeur , seraient devenus l'héritage de
résultats, la sévérité du raisonnement, Nélée de Scepsis , qui les retint lorsqu'il
l'enchainement logique des formules , un vendit la bibliothèque d'Aristote à Ptolé
style dépouillé de toute parure et d'une mée Philadelphe,pour enrichir celle d'A
concision presque mathématique , tels lexandrie. Tombés ensuite aux mains
sont les caractères qui dominent dans les d'héritiers ignorans et cupides , qui vou
écrits d'Aristote comme dans sa manière lurent les dérober à l'avidité littéraire ,
de philosopher . Ici encorec'est le pérpios mais peu généreuse , des rois de Pergame,
dvipsis üttepohviv (l'homme qui a poussé ils restèrent enfouis sous terre pendant
la mesure àà l'excès). plus d'un siècle et y souffrirent beau
Il ne faudrait pas croire pourtant que coup. Ils revirent enfin la lumière pour
tous les ouvrages d'Aristote fussent écrits être vendus à un riche amateur de livres
avec cette sécheresse, ce dédain des gra- et de philosophie , Apellicon de Téos.
ces du langage, cette négligence et ce dé- Celui-ci , les ayant portés à Athènes, les
cousu de la forme qui nous frappent sou- fit copier et restituer du mieux qu'il put.
vent dans ceux que nous avons encore. A la prise de cette ville , 86 ans avant no
Il en avait composé beaucoup d'autres tre ère, la bibliothèque d’Apellicon devint
que nous n'avons plus, et dans lesquels la proie de Sylla , fut transportée à Rome,
Cicéron trouvait, unies au mérite de la et avec elle y arrivèrent les livres d'Aris
précision, une abondance et une douceur tote. Le grammairien Tyrannion, affran
de style qu'il appelle merveilleuses. C'é- chi de Muréna, en obtint communication,
taient là , sans aucun doute , les livres et fit mieux encore en les communiquant
exotériques ou publics, destinés à l'usage à son tour au péripatéticien Androni
commun de tous les lecteurs, d'après une cus de Rhodes, qui les corrigea , les or
distinction analogue à celle que nous donna, et contribua principalement à les
avons déjà reconnue dans l'école d'Aris- répandre. Il s'agit évidemment dans ce
tote. Parmi ces livres,il y avait des dialo- récit, qu'on en admette ou non l'authen
gues dont il nous reste quelques rares ticité , d'un exemplaire particulier , nul >
fragmens : leur but manifeste était de po lement d'un exemplaire unique des au
pulariser les résultats pratiques de la vres d'Aristote ; d'autres copies existaient
doctrine. Les livres exotériques, au con- dans l'antiquité, sinon de l'ensemble des
traire, réservés aux adeptes, renfermaient livres , au moins des principaux , et ces
la doctrine elle-même , dans ses principes copies procédaient certainement d'Aris
et dans ses développemens fondamentaux. tote lui-même et de ses disciples. Ces
ARI ( 268 ) ARI

livres, dont les Romains commencèrent précédens, et avant tout les dix livres de
à faire une grande estime , mais qui de- l'Histoire des animaux , chef -d'æuvre
vaient jouer au moyen-âge et dans les d'observation et de méthode , où Aris
temps modernes un rôle bien plus con- tote se montre comme le vrai créateur de
sidérable que dans les temps anciens , la science , et où il prépare , en quelque
sont venus jusqu'à nous à travers une sorte , les voies à l'anatomie comparée.
succession non interrompue de com Le traité des Plantes , que nous avons
mentateurs, depuis Andronicus de Rho- en deux livres , est apocryphe, aussi
des. Quelques-uns ne sont ni authenti- bien que celui des Récits merveilleux,
ques ni de première rédaction ; d'autres compilation probable et assez curieuse
nous sontparvenusdans plusieurs rédac- des écrits d’Aristote et de ceux de plu
de simples ex- sieurs autres auteurs. Une autre com
tions différentes, ou dans
traits ; d'autres enfin semblent n'être que pilation beaucoup plus importante et
des recueils, faits après coup, d'ouvrages plus considérable est le recueil en trente
originairement distincts sur les mêmes huit sections , intitulé Problèmes , ren
sujets, ou des compilations de matériaux , fermant une foule de questions diver
non encore élaborés. L'embarras qui nait ses , la plupart de physique , qu'Aris
de l'inexactitude ou de la confusion des tote semble s'être posées à lui-même pour
titres est une nouvelle cause de difficul- en chercher à loisir la solution . On peut
tés. Quoi qu'il en soit , et bien qu'il reste y rapporter les Questions de mécanique
beaucoup à faire pour la critique des auxquelles se lie, par l'analogie des su
écrits d'Aristote , on y reconnaît un en- jets , le petit traité mathématiquedes li
> >

chainement systématique ,une sorte de gnes insécables. Un des plus grands ou


relation intérieure et nécessaire, appuyée vrages d’Aristote , et un des plus énig
par les fréquentes citationsdans lesquelles matiques sous tous les points de vue , est
l'auteur se réfère d'un livre à l'autre, d'où celui quia donné son nom à la Méta
ressort l'authenticité de la plupart d'entre physique, mais quilui-même paraîtavoir
eux. C'est en même temps le moyen d'y reçu ce nom , fortuitement, de la place
rétablir cette ordonnance si étrangement arbitraire que lui avaient assignée les
troublée par les copistes et les éditeurs , grammairiens à la suite des æuvres de
qui, dans le rapport plus ou moins exact physique. Les quatorze livres qui le com
des parties, nous révèle la conception du posent semblent autant de traités origi
tout, et l'organise en quelque sorte sur le nairement détachés , puis réunis par la
plan de la pensée encyclopédique d'A- communauté apparente ou réelle de leur
ristote. objet , sans égard aux disparates. Ces
Les ouvrages qui nous restent de ce livres, dont quelques-uns sont justement
grand homme ou qui portent son nom suspects , forment une classe à part et se
peuvent se diviser en plusieurs classes , rapportent tous plus ou moins à ce qu'A
selon la nature et l'affinité de leurs ob- ristote appelle la Philosophie première ,
jets. A la tête se placent les ouvrages de comprenant l'ontologie etla théologie na
logique , compris sous le titre commun turelle. Telle est la partie des écrits d’A
d'Organum , et qui sont au nombre de six. ristote qui se rapporte à la philosophie
Toutes les formes et tous les procédés spéculative, dans les vastes limites qu'il
de la pensée , tous les artifices du rai- lui avait tracées, etquiembrassent, on le
sonnement y sont exposés. Viennent en- voit , indépendamment de la logique, la
suite les huit livres de la Physique ou de physique prise dans lesensdephilosophie
la science de la nature ; à ce grand ou- naturelle , la cosmologie >, la psychologie ,
vrage se rattachent intimement un cer- les sciences physiques , naturelles et ma
tain nombre d'autres moins considéra- thématiques,> telles qu'elles existaient
bles , entre lesquels se distinguent le alors , enfin la métaphysique. L'autre
>

traité du Ciel, celui des Météores , celui moitié roule sur les différentes parties de
du Monde , qui n'est point d'Aristote , la philosophie pratique , c'est-à -dire sur
>

celui de l’Ame. Les ouvrages d'histoire les sciences morales et politiques , en y


naturelle doivent prendre place à côté des rattachant l'esthétique et jusqu'à un
ARI ( 269 ) ARI
certain point l'histoire. Ce sont d'abord, Nous terminerons cet article en fai
et à la fois, trois traités sur la morale : sant connaître sur quelques éditions des
les Éthiquesà Nicomachus, en dix livres, Quvres d'Aristote et les travaux les plus
l'un des plusétendus et le plus beau peut- modernes qui ont eu pour objet sa vie
être des ouvrages qui nous restent d'Aris- et ses ouvrages. La première édition com
tote >, au moins sous le rapport de la plète , ou à peu près , déjà fort rare au
forme;; les grandes Éthiques,, dont les temps d'Érasme, est celle d'Alde , à la
deux livres assez courts contrastent sin- quelle sont joints les livres de Théo
gulièrement avec ce titre ; les Éthiquesà phraste , Venise , 1495 - 1498 , 5 vol.
Eudemus, en sept livres ; les deux der- in - fol. Elle fut reproduite , dans une ré
niers traités semblent , à bien des égards, cension nouvelle, en 6 vol. in - 8 °, 1551 .
n'être que des esquisses ou des rédactions Sylburge donna à Francfort ( 1584-1587,
incomplètes du premier. Après les Mo- 11 vol. en 5 tom . in -4 °) l'édition la meil
rales viennent les Politiques , dont nous leure et la plus complète parmi les an
avons huit livres , théorie complète du ciennes : elle est toute grecque comme
droit public de l'antiquité , fondée sur les précédentes. L'édition grecque-latine
l'étude approfondie des constitutions de d'Isaac Casaubon , Lyon , 1596 , 2 vol.
158 états différens ,> qu’Aristòte avait in - fol., quoique plusieurs fois réimpri
décrites dans le recueil intitulé Gouver- mée , n'est pas digne de la réputation de
nemens ; cet ouvrage est malheureuse- son auteur. La dernière de ces réimpres
ment perdu , ainsi qu'un traité analogue sions et des éditions anciennes est celle de
des Lois ou institutions des peuples . Les Guill. Du Val , avec quelques augmen
Économiques , ou traité de l'adminis- tations , publiée trois ou quatre fois à
tration publique et privée , venaient natu- Paris , en 1619 , 1629, 1639 , et sous un
rellement après le traité de la politique ; nouveau titre , 1654 , 2 et 4 vol . in - fol.
mais les deux livres que nous possédons Une nouvelle édition plutôt qu'une ré
sous ce titre ne sont point d'Aristote , au cension nouvelle , accompagnée d'in
moins le premier , qui parait ne nous troductions précieuses , de traductions
être parvenu que dans un extrait fait par latines refaites, et disposée dans un meil
Théophraste . Enfin la Rhétorique ou l'art leur ordre que les anciennes , a été com
de l’éloquence, et la Poétique ou la théo- mencée , par les soins de J. Théoph.
rie de la poésie, toutes deux dans un Buhle , à Deux-Ponts , en 1791 >, et s'est
е
rapport intime avec les ouvrages qui arrêtée avec le tom . ve , in-8° , à Stras
précèdent, avec la logique et la psycholo. bourg, en l'an vii de la république. Ces
gie comme avec la politique et la morale , 5 vol. ne comprennent que l'Organum ,
ferment ce cercle immense d'écrits , entre la Rhétorique et la Poétique. Il était ré
lesquels trouveraient place beaucoup servé à M. Imm. Bekker d'instituer, d'a
d'autres encore que nous n'avons plus. près un nombre considérable de manus
La Rhétorique , qui nous reste en trois crits et avec le talent philologique qu'on
livres , est seule authentique , et le troi lui connait , une critique si nécessaire du
>

sième livre surtout passe pour un chef- texte d’Aristote, pour la belle édition pu
d'ouvre ; l'autre ouvrage sur le même bliée sous les auspices de l'académie de
sujet, intitulé Rhétorique à Alexandre, Berlin, dans cette ville , 1831 et suiv., 2
est vraisemblablement d’Anaximène dee vol. de texte , et la traduction latine cor
Lampsaque , l'un des compagnons de ce rigée , 1 vol. in-4° , qui doivent être ac
>

héros. Quant à la Poétique, telle que compagnés d'un 1ve vol. renfermant un
nous l'avons, on ne peut la regarder que choix des commentaires grecs sur Aris
comme une ébauche ou un fragment, tote , par Brandis. Quant aux éditions
peul- être aussi comme un extrait incom- spéciales des différens ouvrages , dont
plet d'un ouvrage plus considérable d'A- quelques - unes sont d'un grand mérite ,
ristote. Nous savons que le critique phi- il serait long de les indiquer ici aussi
losophe avait laissé en outre deux traités bien que les traductions. Nous nous con
historiques, l'un sur la philosophie, l'au- tenterons de mentionner l'Histoire des
tre sur les poètes. animaux , par Schneider , Leipz., 1811 ,
ARI i 270 ) ARI
4 vol. in-4°, traduite en français par Ca- |Élémens harmoniques, en 3 livres, ou
mus, 1783, 2 vol. in-4°; le livre de Mi vrage important pour la connaissance de
rabilibus, parBeckmann , Gætt. , 1786 , la musique des Grecs , et le plus ancien
in-4° ; la Métaphysique, par Brandis , traité que nous ayons sur cet objet. Pu
tom. Ier, in -8 °, Berlin , 1823; la Politi- blié d'abord , en latin , par Gogavinus
que , par Schneider , Coray et Gættling ; (Leyde, 1562 ) , puis en grec par Meur
la Morale à Nicomaque , par Zell et le sius (Leyde , 1616 ) , il a été inséré par
même Coray; les traductions françaises Meibomius dans la collection des sept
de ces derniers ouvrages , par Thurot ; auteurs grecs qui ont écrit sur la mu
la Rhétorique éditée par Gaisford , 2 vol. sique (Amsterdam , 1652, 2 vol. in-4°).
>

in- 8° , Oxford , 1820 , et traduite en


> Un fragment sur le rhythme, retrouvé
français par Gros et Minoide Mynas ; la et publié par l'abbé Morelli à Venise,
Poétique, par Tyrwhitt , Hermann et en 1785 , fait regretter la perte de l'ou
Græfenhahn . M. Ch . Fréd . Neumann a vrage auquel il appartenait.
donné, en 1827, à Heidelberg et à Spire,
> La doctrine musicale d'Aristoxène ,
un recueil précieux, in-8 °, des fragmens opposée à celle de Pythagore, a fait épo
>

qui nous restent du grand ouvrage sur que dans l'antiquité. Rejetant les calculs
les gouvernemens. Sur la vie et les eu- mathématiques de celui-ci , il n'admettait
vres d'Aristote , les travaux les plus ré- pour juge que l'oreille , opinion qui di
>

cens , après ceux de Buhle à la tête de visa la Grèce en deux sectes musicales :
son édition et dans la grande Encyclo- celle des pythagoriciens, appelés cano
pédie allem. de Ersch et Gruber , sont : nici, et celle des aristoxéniens, appelés
Aristotelia , par Ad. Stahr,> en allem .,harmonici.
2 vol. in- 8 °, Halle , 1830, 1832; Bran- Il ne faut pas confondre cet écrivain
dis et Kopp , dans le Rheinisches Mu- avec ARISTOXÈNE de Sélinonte , poète qui
seum , tom. I , 1827 , p. 236 $99. , tom. vécut plus de trois siècles auparavant; ni
III , 1829 , p. 93 sqq. On peut consulter avec ARISTOXÈNE de Cyrène , philoso
encore Titze, de Aristotel. oper. serie phe , cité par Athénée ; ni enfin avec
et distinctione, Lips. , 1826 ; Jourdain , ARISTOXÈNE le médecin , dont parle Ga
Recherches critiques sur l'âge et l'ori- lien , et qui vécut dans le premier siècle
gine des traductions latines d'Aristote de notre ère . G. E. A.
et sur les commentaires grecs ou ara- ARITHMANCIE ou art de deviner
bes , etc. , Paris, 1819 , in-8°, G-N-T.
> à l'aide des nombres. Il y aurait plus
ARISTOTELISME, voy. PÉRIPA- d'exactitude à dire arithromantie , ce
mot étant dérivé de épi@uós, nombre,
TÉTISME. L'influence qu'Aristote exerça
et de parteia , divination. Dès les temps
sur les progrès de l'histoire naturelle
sera appréciée à l'article HISTOIRE NA- les plus reculés et à mesure que l'art du
TURELLE ; et relativement à celle que les calcul fit des progrès , il y eut des savans
ouvrages du philosophe ont eue sur les qui s'attachèrent à former des combinai
débats des écoles du moyen-âge et sur le sons de nombres , indépendamment de
développement des idées philosophiques, toute espèce d'application. Ce goût s'est
il faut consulter les articles ScoLASTIQUE maintenu jusqu'à nos jours. Il n'est pas
et SORBONNE. S. étonnant que,de bonne heure, des esprits
ARISTOXÈNE , philosophe et mu- singuliers et portés au mysticisme aient
sicien grec , naquit à Tarente en Italie , cru voir dans ces combinaisons les mys
vers 350 avant l'ère chrétienne. Son père tères les plus cachés. Telle était la doc
Spintharus lui enseigna la musique et le trine des pythagoriciens, qui, après s'être
confia, pour continuer l'étude de cet art, répandue dans tout l'ancien monde, s'est
au musicien Lamprus ; plus tard l'en- maintenue en partie chez les orientaux.
recherchés sont
voya chez le pythagoricien Xénophile,'| Les nombres les plus 816.
et enfin à Athènes où Aristoxène devint ceux-ci : 492 , 357 et Disposés en
un des plus célèbres élèves d'Aristote. forme de carrés, sous cette forme:
2

D'après Suidas , il écrivit 453 ouvra


ges ; tous ont été perdus , excepté les
ARI ( 271 ) ARI

4 / 9 2 des explications pour être sainement en


tendue.
3 5 7
Les nombres, de même que les lignes,
8 1 6 les angles et tous les autres concepts ma
thématiques , jouissent de certaines pro
ils offrent, de quelque côté qu'on les priétés , ont entre eux certaines relations
considère une somme égale , qui est le qui , en se multipliant , finissent par se
nombre 15. Les Musulmans de nos jours coordonner de manière à former une
attribuent à ces combinaisons les effets théorie. Ces propriétés sont tout-à - fait
les plus merveilleux. Shaw nous apprend indépendantes du système de signes que
qu'en Afrique on s'en sert pour décou- nous avons adopté pour représenter les
vrir les choses cachées et pour opérer des nombres. Ainsi cette proposition élé
charmes. Pendues au cou , elles passent mentaire que tout nombre quien divise
pour procurer la faveur des princes et un autre divise nécessairement l'un des
préserver de tout accident. Aussi leur a- facteurs premiers de celui- ci , cette pro
t-on donné le nom d'amulette bénic. position , aurait pu être trouvée par un
>
Souvent les orientaux se contentent homme intelligent , étranger à l'usage
de relever les chiffres qui occupent les des chiffres , de même qu'on aurait pu
quatre coins du carré, et ces chiffres, par trouver le théorème sur la forme des an 1

l'avantage qu'ils ont d'offrir une pro- gles du triangle sans connaitre ni com
gression arithmétique , leur semblent un pas, ni rapporteur. Or , cette science
talisman tout puissant. Ce sont les chif- des nombres qui , dans l'ordre des idées,
fres 2, 4, 6 , 8 ; ces chiffres placés sur la correspondrait à ce que nous appelons la
porte d'une maison la préservent, disent- géométrie pure, bien loin d'entrer comme
ils, de l'incendie et des entreprises des celle- ci dans le cadre des élémens, est, en
voleurs. Marqués sur une lame de sabre , raison des difficultés qu'elle présente, une
ils en rendent les coups irrésistibles ; des branches les plus élevées des mathé
écrits sur l'enveloppe d'une lettre , ils matiques , et heureusement celle dont
font infailliblement arriver la lettre à son l'étude est le moins commandée par le
adresse . besoin des applications. On la regarde
Quelquefois, pour donner plusde vertu rait presque comme une spéculation inu
aux chiffres, on les convertit en lettres. tile, si ce n'était un service rendu à l’es
Dans les alphabets hébreu , arabe, etc. , prit humain que la substitution d'une
chaque lettre a une vertu numérale ; on science véritable à la place des rêveries
traduit le chiffre par les lettres corres- mystérieuses dont les nombres ont été
pondantes, et on a ces quatre lettres bd long-temps l'objet.
v h dont on fait bedouh. Le mot bedouh Ce qu'on entend vulgairement par
porté sur soi ou marqué sur un objet | arithmétique est bien moins la science
quelconque est un gage assuré de bon- des nombres qu’un recueil de procédés
heur ; c'est au point que le vulgaire croit pour effectuer de la manière la plus com
que c'est un nom de Dieu . mode les calculs numériques , procédés
Les Juifs et les Guèbres partagent les qui sont relatifs pour la plupart à notre
mêmes préjugés ; les Juifs recherchent système particulier de numération écrite
beaucoup les carrés offrant le nombre (voy. NUMÉRATION), quoiqu'il y en ait
15 , parce que ce nombre est l'équivalent quelques-uns de fondés sur les propriétés
des deux premières lettres du mot Jého- les plus simples des nombres, indépen
vah , nom ineffable de l'Être suprême ,
3 damment de tout système de numération.
nom à l'aide duquel, suivant leur opi- Dans tous les cas , comme ces procédés
nion , s'opérèrent les miracles ' retracés sont soumis à des règles fixes et se dé
dans la Bible. R. montrent rigoureusement, leur enchaine
ARITHMÉTIQUE (de å peopos,pom- ment constitue bien une véritable scien
bre ). On définit très bien l'arithmétique, ce , celle qu'il importe le plus de po
en disant qu'elle est la science des nom -pulariser, qant parce qu'elle familiarise
bres; mais cette définition laconique exige I l'esprit avec des raisonnemens exacts
ARI ( 272 ) ARI
que parce qu'elle est d'une application En revanche, on doit considérer comme
continuelle dans les usages de la vie. dépendant essentiellement du calcul arith
On compte en arithmétique quatre rè- métique les théories des fractions ordi
gles fondamentales, celles de l'addition , naires etdécimales : la première théorie,
de la soustraction , de la multiplication et tellement évidente qu'elle n'a pour ainsi
de la division. Ces noms expriment en ef- dire pas besoin d'explications, et l'autre
fet les relations les plus simples que nous assez délicate pour être difficilement bien
puissions ' concevoir entre les nombres ; comprise en tous ses points.
mais du reste il ne faut pas attacher ici Chez la plupart des anciens peuples,
au nombre quatre une vertu sacramen- l'histoire de l'arithmétique se réduit à
telle du genre de celles auxquelles nous l'exposition des divers systèmes de numé
faisions allusion tout à l'heure. La règle ration , sujet curieux de philologie com
de l'extraction des racines pourrait pas parée , et peut-être l'un des plus propres
ser pour fondamentale à aussi juste titre à déterminer les principaux foyers de ci
que celle de la division ; et il y aurait au- vilisation primitive. LesGrees, qui avaient
tant de règles semblables que de degrés reçu en même temps des peuples sémiti
différens de racines, c'est-à -dire une in- ques leur alphabet et leur système de nu
finité , si au-delà du second degré on ne mération alphabétique, durent entrepren
préférait, dans la pratique, employer les dre de longs calculs arithmétiques pour
tables de logarithmes . D'un autre côté , les besoins de l'astronomie, et aussi voit
quoique la notion de puissance corres- on qu'ils étaient en possession de métho
ponde aussi parfaitement à celle de ra- des de calcul, sinon tout-à - fait aussi sim
cine que l'idée de multiplication à celle ples que les nôtres , du moins ordonnées
d'addition , il n'y a pas de règle arithmé- avec beaucoup d'adresse. On peut con
tique spéciale pour l'élévation aux puis- sulter à ce sujet le Traité de l'arithmé
sances , comme il y en a pour l'extraction tique des Grecs, par Delambre , inséré a .

des racines . On pourrait en imaginer sans à la suite de la traduction française des


doute , mais elles ne seraient pas plus OEuvres d'Archimède , par Peyrard, et ?

courtes que l'emploi des multiplications ensuite réimprimé dans le tome II de son
répétées , du moins pour les puissances Histoire de l'Astronomie. Les Latins au
>

que l'on calcule ordinairement , telles que contraire employaient une notation numé
le carré ou le cube. C'est ainsi que l'on rique tellement vicieuse qu'il leur eût été
n'aurait peut-être pas songé à faire une impossible ț'arriver avec elle à des mé
règle spéciale de multiplication , si dans thodes arithmétiques d'un usage pratica
la pratique on n'eût eu habituellement ble dans les calculs compliqués , si d'ail
pour multiplicateurs que les nombres 2 leurs le génie de ce peuple ne l'eût dé
et 3 . tourné de la pratique des sciences qui
On parle encore en arithmétique de pouvaient exiger de tels calculs .
règles de trois, d'alliage, de société, d'es- On ne peut douter que le système de
compte, etc., mais il faut remarquer que numération écrit, aujourd'hui usité chez
le mot de règle prend alors un sens tout les nations européennes , n'ait pris nais
différent de celui qu'il a quand on l'ap- sance dans l'Inde , d'où il est arrivé en
plique aux règles dites fondamentales. Europe , par l'intermédiaire des Arabes,
Celles-ci sont des méthodes de calcul et au milieu des plus épaisses ténèbres du
changeraient si l'on employait d'autres moyen -âge. Chacun sait qu'on fait hon
signes ; les autres ne sont que la résolu- neur de celte importation mémorable au
tion d'équations algébriques de l'ordre moine français Gerbert , élevé à la pa
le plus simple , assez simple pour qu'on pauté sous le nom de Sylvestre II, et mort
puisse les résoudre commodément,> sans en 1103. Nul doute que cet ingénieux
employer le secours des signes propres à système ne doive être mis au rang des
l'algèbre. Notre notation arithmétique inventions qui ont le plus contribué aux
serait bouleversée que les règles de cette progrès de l'intelligence humaine.Le cal
nature n'en éprouveraient pas le moin- cul des fractions décimales , qui lui sert
dre dérangement. de complément , est attribué au célèbre
>
ARI ( 273 ) ARK
astronome allemand Régiomontanus, qui , cident, lorsque le hasard eut fait aborder
e
fut, au xv° siècle, le fondateur de l'astro- le capitaine anglais Richard Chancellor,
nomie moderne. Mais il nous semble en 1553, à la baie de Saint-Nicolas, d'où
qu'on ne doit pas voir, dans l'idée de par- ce marin partit pour se rendre à Moscou.
tager le rayon du cercle suivant un mul- | La perspicacité d'Ivan IV Vassiliévitch
tiple de 10 , la création d'un algorithme lui fit comprendre sur-le-champ l'utilité
comme celui qui caractérise le calcul des dont serait cet événement pour les Rus
décimales, et on est plus fondé à en faire ses , et les Anglais y entrevirent le moyen
honneur au géomètre Stevin , qui floris- d'ouvrir une communication plusdirecte
sait sur la fin du Xviº siècle. entre les Grandes - Indes et leur ile. Il
Quoique le système arithmétique hin- s'ensuivit un traité de commerce entre
dou et la notation des fractions décima- la Russie et l'Angleterre, et dans ce der
les réduisent les calculs numériques au nier pays se forma aussitôt une compa
plus haut degré de simplicité, ces calculs gnie de la mer Blanche. L'entrepôt de
seraient encore souvent impraticables ce commerce , consistant en suif , peaux,
par leur longueur si l'Écossais Neper bois de constructions, denrées de la Chi
9
n'eût mis entre les mains des calculateurs ne , etc., demanda à être protégé contre
un nouvel instrument, en imaginant, l'an les attaques des Danois ou contre tout
1614 , les tables de logarithmes ( voy. autre danger , et c'est à cet effet que fut
LOGARITHME ), à l'aide desquelles les prin- bâtie, en 1584 , la ville d'Arkhangel,
cipales opérations arithmétiques s'abais- fortifiée en outre par
les ouvrages dont le
sent d'un degré, la multiplication se ré- couvent de l'ile Solovetzkoï fut entouré.
duisant à l'addition , la division à la Après la fondation de Saint-Pétersbourg
et la conquête de Riga les affaires du
soustraction , tandis que l'élévation aux
puissances et l'extraction des racines se port se ralentirent , mais elles ont repris
ramènent à des multiplications ou divi- depuis 1762 , année où Élisabeth lui ac
sions , par des nombres ordinairement corda les mêmes priviléges que possédait
très simples , tels que 2 ou 3 . déjà la nouvelle capitale.
Daing lette Colarde notice,pour
nous objet
ne par-la 1"assezAujourd'hui le port d'Akhangel est
fréquenté ; il y arrive annuellement
lons pas des travaux qui ont
théorie des nombres ou des grandeurs environ 230 bâtimens, surtout anglais ;
numériques, indépendammentde l'algo- en 1832 les importations étaient d'une
rithme et des méthodes de calcul. Voy. valeur de 521,924 roubles, et les expor
NOMBRES et ALGÈBRE. A. C. tations de 10,247,508. La population
ARITHMÉTIQUE POLITIQUE >, s'élève à près de 20,000 ames : ce sont
voy . STATISTIQUE. pour la plupart des pêcheurs ou des
ARIUS, voy . ARIANISME. hommes adonnés aux travaux du port et
ARKANSAS, voy. ÉTATS-UNIS. des chantiers de construction. Le district
ARKHANGEL ( Arkhangelsk ), ville auquel la ville d’Arkhangelappartientest
de Russie , chef - lieu du gouvernement d'une étendue de 3,791,328 déciatines
du même nom , et port de la mer Blan- ou arpens russes. Elle devint chef -lieu
che , située sous le 64 ° 32' 8 " de lat. N. de gouvernement en 1705 ; mais ce gou
et sous le 58° 13' 32" de long. Or., à 18 vernement n'était pas compris dans les
lieues de l'embouchure de la Dvina , à limites de celui d'aujourd'hui qui lui fu
284 lieues de Saint-Pétersbourg, et à 304 rent assignées en 1784. Quelques-unes
de Moscou. Cette ville a pris son nom de ses rues sont belles , et Arkhangel
d'un couvent dédié à l'archange Michel : passe en général pour une ville assez bien
elle avait porté d'abord celui de Novo- bâtie. Autrefois les communications y
Kholmogori. C'est sur ce point que la étaient entretenues au moyen de trottoirs
Russie , coupée de l'Europe civilisée par en rondins ; mais depuis l'incendie de
la Lithuanie et la Pologne, confondue 1793 ils ont disparu, et la plupart des
dans la vaste domination des Tatars et ou- rues sont pavées. Arkhangel est le siége
bliée des états chrétiens , établit ses pre- d'un évêché; on y a inauguré en 1832 le
mières relations commerciales avec l'Oc- monumentdu poète Lomonossof. J.H.S.
Encyclop. d. G. d. M. Tome II. 18
ARK ( 274 ) ARL
ARKONA , extrémité de l'ile de Rů- dans lesquels la part de chacun a été
gen et de l'Allemagne au nord -est. Cette l'objet de quelques contestations, et avec
pointe de terre, qui fait partie de la pé- l'aide de capitalistes qui avaient su de
ninsule de Wittow , se compose, comme viner la haute capacité d'Arkwright , na
d'autres côtes et iles de la mer Baltique, quit la machine à filer le coton qui est
encore employée avec succès , et dont la
de craie entremêlée de silex et de fossiles.
Elle se termine en falaises. C'est un pays description se trouvera à l'article Fila
assez pittoresque; mais c'est particuliè- TURE . Un brevet d'invention pris en
rement sous le rapport historique que 1771 , renouvelé l'année suivante à l'oc
>

la pointe d’Arkona mérite l'attention. casion d'un procès qu'il gagna , et un bre
Elle portait très anciennement une for- vet de perfectionnement délivré en 1775
teresse du peuple wende , dans laquelle assurèrent à Arkwright la jouissance du
on célébrait le culte du dieu Svantevit , fruit de ses travaux. Mais en 1785 son
priņcipale divinité des Slaves de l'Alle- brevet encourut la déchéance , parce qu'il
magné septentrionale. On parle même avait mêlé à ses procédés des procédés
d'un temple qui y était érigé ; mais les appartenant à d'autres inventeurs .
peuples barbares n'ont guère de temples. Le premier métier en grand que fit ,
On croit reconnaitre les traces des an- construire Arkwright fut établi à Not
ciennes circonvallations. Il y avait autre- tingham , où il était mis en mouvement
fois près de là une belle forêt de frênes au moyen d'un cheval ou d'une mule.
avec un petit lac. On présume que c'était Mais ce moteur étant trop dispendieux ,
un de ces lacs sacrés où , selon Tacite , il transporta sa fabrique à Cromfort, can
les anciens Germains rendaient un culte ton de Derby, dans un lieu où il pouvait
>

mystérieux à Hertha , déesse de la terre. disposer d'un cours d'eau pour mettre
C'est une simple supposition , mais qui en jeu sa machine .
n'est pas sans vraisemblance. D-G . Malgré les traverses qu'il éprouva , cet
ARKWRIGHT ( sir RICHARD ), homme recommandable trouva enfin le
homme très distingué et dont le nom se prix de son génie et de sa persévérance :
rattache à l'une des sources de la pros- la richesse et les honneurs l'entourèrent
périté nationale en Angleterre, naquit jusqu'à la fin de ses jours.Ayant été nom
à Preston , dans le comté de Lancaster, mé schérif du comté de Derby, et chargé
en 1732. Étant le 13e enfant d'une fa en cette qualité de présenter une adresse
mille très pauvre , il ne reçut aucune au roi , il en reçut le titre de chevalier; et ,
éducation, et fut réduit à exercer l'hum- à sa mort, survenue en 1792, son actif s'é
ble condition de barbier , qui le fit vivre levait à 500,000 livres sterling ( 12 mil
de France ) .
jusqu'à l'âge de 36 ans. Ce fut à cette épo- lions, argentl'essor
que qu'il mit au jour son invention , sa- Tel fut que son invention
voir une machine à filer le coton qui donna à la fabrication du coton filé que
donnait des produits à la fois plus par- | l'importation du coton qui , de 1771 à
9

faits et plus économiques. Il eut à sur- 1780 , avait été de 5,735,000 livres, s'é
monter une foule de difficultés pour ac- leva , de 1817 à 1821 , à 144 millions,
complir une entreprise qui devait exercer dont 130 furent consommés en Angle
une si grande influence sur cette branche terre . La diminution de la main-d'œuvre
d'industrie : son ignorance dans la mé- est incalculable : c'est elle qui permet de
:

canique et le dessin , et la difficulté de se donner à si bon marché les tissus de co


procurer des capitaux. Il avait prélude à ton dont la Grande -Bretagne inonde cha
ce grand travail par la construction de que année les continens. F. R.
diverses machines , et notamment d'une ARLAY , département du Jura , fut
espèce de mouvement perpétuel , lors- autrefois une baronnie de la Franche
qu’un horloger nommé Kay l'engagea à Comté et appartenait à la famille de Châ
diriger ses tentatives vers la filature du lons d’où les princes d'Orange tirent leur
coton pour laquelle il avait essayé sans origine. Arlay figurait depuis la mort du
succès deconstruire divers appareils mé- roi Guillaume III d'Angleterre dans le
caniques. De leurs travaux réunis, et titre des rois de Prusse, à cause des pré
ARL ( 275 ) ARL
tentions que ces rois formaient à l'héri- tise et de grace; c'est une espèce d'hom
tage de la maison d'Orange ; mais depuis me ébauché , un grand enfant qui a des
1817 on ne l'y retrouve plus, quoique lueurs de raison et d'intelligence, et dont
les noms d’Orange et de Valengin y toutes les méprises ou les maladresses ont
soient conservés, C. L. quelque chose de piquant. « Le vrai mo
ARLBERG ET VORARLBERG >, dèle de son jeu , dit le même littérateur,
voy . TYROL . est la souplesse, l'agilité, la gentillesse
ARLEQUIN , personnage de la co- d'un jeune chat , avec une écorce de
médie italienne, surtoutde celle que les grossièreté qui rend son action plus plai
Italiens appellent comedia dell'arte, et sante ; son rôle est celui d'un valet pa
qui est un simple canevas que les ac- tient , fidèle , crédule , gourmand , tou
teurs se chargent de remplir.Riccoboni, jours amoureux, toujours dans l'embar
dans son Histoire du théâtreitalien , pré- ras , ou pour son maître ou pour lui
sume que l'arlequin est un reste des mi- même; qui s'afflige, qui se console avec
mes des anciens, ou des planipèdes la facilité d'un enfant, et dont la douleur
(pieds-plats ) qui avaient la tête tondue est aussi amusante que la joie. » Lesage ,
et portaient un habillement de toute cou- Piron , et tous les auteurs qui ont tra
leur et un sabre de bois. Ce qui confirme vaillé pour le théâtre de la foire à Paris,
Riccoboni dans cette opinion , c'est ont fréquemment employé le personnage
qu'autrefois les écrivains toscans dési- d’Arlequin ; jusqu'à notre temps il s'est
gnaient souvent Arlequin et Scapin sous maintenu au Vaudeville, où l'on voyait
les noms de Zanni, mot qui paraît iden- encore un acteur , Laporte , chargé par
tique avec celui de Sannio que Cicéron ticulièrement de ce rôle. Ce caractère
( De oratore I, 2) applique à un bouffon parait usémaintenant, et il est difficile,
bas, impudent et satirique : tel était aussi
:
en effet, de varier encore les situations
le caractère de l'ancien arlequin italien . plaisantes dans lesquelles les auteurs
On prétend que ce caractère représente l'ont placé. Commemasque, Arlequin fi
plus particulièrement les ridicules du gure dans les bals du carnaval; son habit
paysBergamasque, comme Pantalon ceux collant composé d'une multitude de petits
des Vénitiens , et Scapin ceux des Napo- morceaux de draps de différentes cou
litains. Marmontel pense, nous ignorons leurs, s'accompagne d'un petit chapeau
>

par quelle raison , qu’un esclave africain qui couvre une tête rasée , d'un masque
fut le premier modèle de ce personnage noir et de souliers sans talon. On ne sau
de comédie. Il se modifia naturellement rait oublier la ceinture de cuir, et la
en passant des temps barbares dans une batte , sabre de bois qui figure souvent
époque plus policée , et surtout en étant dans sa pantomime.
> D-G.
transportédu théâtre italien sur la scène ARLEQUINADE . C'est un genre de
française.Cerôle exigeait un esprit de ré- pièces de théâtre, dont l'origine remonte,
partie et le don de l'improvisation , que en France, à l'établissement de la comé.
possèdent les Italiens; il offrait à un acteur die italienne dans ce pays , en 1716 :
habile une occasion excellente, et plus que mais on a plus spécialement appellé ar
ne le font des rôles étudiés , de dévelop- lequinades les pièces à arlequin , jouées
per son talent devant les spectateurs. Au
е
sur le théâtre du Vaudeville , depuis sa
xvi1e siècle , quand la comédie italienne
> fondation en 1792. Dans ces pièces, l'ar
fut transplantée en France, l'arlequin en lequin n'était plus le bouffon balourd de
devint le principal personnage , et bien- l'ancien théâtre italien , devenu si spiri
tôt on le nationalisa au théâtre français, tuel avec Marivaux , et si élégant avec
surtout à celui de la foire, où il fit long- Florian. Il prit une physionomie parti
temps les délices des Parisiens.Domini- culière que lui imprimale genre du Vau
que, Thomassin et Carlin se distinguè- deville. L'arlequin joué par l'acteur La
rent dans ce rôle et en fixèrent pour porte fut un être de raison auquel la
ainsi dire le caractère en France. Ce ca-parodie prêta sa férule, qui critiqua, dans
ractère, selon Marmontel, est un mélange les pièces de circonstance, les travers et
d'ignorance, de naïveté, d'esprit, de be- es ridicules du moment, ou qui, dans de
ARL ( 276 ) ARL
petits cadres d'intrigues amoureuses, ba- tratures élevées. Ses richesses , sa popu
foua gaiment Cassandre et Gilles pour lation croissante , l'éclat de ses monu
épouser Colombine. Tous les états, tous mens , la placèrent alors au premier rang
les caractères , toutes les physionomies parmi les villesde la Gaule.Arles déchut
furent donnés à arlequin qui , malgré l'u- rapidement lors du renversement de la
niformité de son costumeet l'apparente domination romaine ; elle fut soumise
immobilité de son masque , se variait à par les Visigoths et subit les destinées de
l'infini et donnait à chaque rôle une l'état fondé par eux dans le midi de la
nuance différente. Le succès de deux France. Les Sarrazins la pillèrent en
е
charmantes parades , Arlequin afficheur | 730; vers le milieu du ixe siècle elle avait
et Colombine inannequin , mirent ce encore assez d'importance pour devenir la
genre à la mode. Il y a toute une histoire capitale d’un royaume et lui donner son
des mours parisiennes dans les arlequi- nom. A cette époque un comte fut quel
nades en vaudeville. L'arlequin devint le quefois préposé à la ville. Au x11° siècle
personnage obligé de la parodie , depuis elle se constitua en république ; en 1251
que Talma fut singé par Laporte de la elle se soumit à Charles d'Anjou , comte
manière la plus piquante. de Provence, et fut réunie à la couronne,
On ne peut se faire une idée de la avec cette province , sous le règne de
consommation d'arlequinades qui se fit Louis XIII. Dix-neuf conciles se sont
à Paris sur huit ou dix théâtres pendant tenus dans cette ville ; le plus célèbre est
25 ans. L'abondance amène la satiété : celui de 314 contre les Donatistes. Saint
peu à peu ce genre tomba; il disparut | Ambroise reçut le jour à Arles. Cette ville
tout -à -fait à la retraite de Laporte, dont conserve
co des restes nombreux et remar
*le dernier rôle d'arlequin futcelui de la quablesde son ancienne existence. On doit
pièce intitulée Le Nécessaire et le Su- citer spécialement un amphithéâtre laissé
perflu. Dans une petite comédie du théâ- inachevé et composé de deux rangs d'ar
tre des Variétés, Carlin à Rome, l'acteur cades , l'un sur l'autre, et de 60 arches
Vernet rappelle quelques traditions de chacune : on calcule qu'il pouvait rece
Laporte , et peut donner une idée du voir 30,000 spectateurs; et un obélisque
rôle d'arlequin à ceux qui n'ont pas vu d'un seul bloc de granit oriental , de 50
jouer d'arlequinades. D. M. pieds de hauteur et de 5 de diamètre à sa
ARLES , anciennement Arelate, nom base ; il fut déterré en 1675 et érigé sur
dérivé , dit-on , de ara lata , large autel; la place de l'hôtel-de-ville. On remarque
ville de France située sur la rive gauche encore les ruines de deux temples , d'un
du Rhöne , à 16 lieues N.-O. de Mar- arcdetriomphe,etdeplusieurs tombeaux;
seille. Cette antique cité , comprise par des colonnes éparses , la lour dite de Ro
les Romains dans la Narbonnaise, ne fut land, et , en dehors de la ville, les Champs
long-temps qu’un cmporium on entrepôt Élysées ou aliscamps. Les rues de la ville
de commerce ; mais sa situation avanta actuelle sont en général étroites et mal
geuse ajouta à son importance à mesure båties ; la cathédrale est médiocre. Au
que la domination romaine s'affermit contraire l'hôtel-de-ville, dù à Mansard ,
dans la Gaule. Des colonies y furent en- est un bel édifice. Il y a une bibliothè
voyées. Ravagée en 270, elle fut réparée que d'environ 4,000 volumes , un musée?

par Constantin qui joignit , au moyen d'antiquités , une salle de spectacle , une
d'un pont, la rive droite du fleuve, seule école de navigation , un haras et une ber
>

habitée jusque là , à la rive gauche où gerie royale ; des tribunaux de première


dès lors s'étendit rapidement la ville. Le instance et de commerce . Le Rhône forme
* même empereur y fit élever plusieurs à Arles un port où se rendent annuelle
édifices et célébrer les jeux du cirque ment une centaine de bâtimens qui vien
avec une grande pompe. Valentinien et nent chercher les graines, vins , huile des
Honorius lui accordèrent divers privilé- environs dont elle est l'entrepôt ; il s'y
tient plusieurs foires et marchés impor
ges. Un concile lui déféra le titre de mé-
tropole. Elle devint le siége d'un préfet laus. On y compte 20,000 habitans. Cette
du prétoire et de plusieurs autres magis- | antique métropole des Gaules est aujour
ARL ( 277 ) ARL
d'hui un chef- lieu d'arrondissement des le Renégat, Ipsiboénous offrent tous ,

à un canal qui commence à peu de dis-


malequant au plan , le même dessin quant aux
Bouches - du -Rhône; elle donne son nom à peu de chose près , la même contexture
>

tance et aboutit au port de Bouc , après caractères; toujours une intrigue invrai
un développement de 11 lieues et demie; semblable et mystérieuse a pour centre
il a pour but de rendre plus facile la na- de tous ses fils quelque illustre et cou
vigation du Rhône , aujourd'hui dange- pable infortuné, qui se traîne à travers
reuse vers son embouchure , et de dessé- mille violentes péripéties vers une cata
cher les marais qui bordent de ce côté strophe sanglante. Si le caractère des hé
la Méditerranée . ros de M. d'Arlincourt manque souvent
ROYAUME D'ARLES ou Arelar , est le de vérité , il faut dire que l'exagération
nom que donnent quelquefois les histo- est encore plus sensible dans le style de
riens du moyen -âge à un état formé de la ses ouvrages ; jamais l'abus de l'apostro
réunion des deux royaumes de Bourgo- phe ne fut poussé plus loin ; jamais on
gne , cis-jurane et transjurane, fondés ne prodigua davantage l'épithète empha
l'un par Boson, en 879, et l'autre par tique et boursoufflée. L'inversion vient,à
Rodolphe , en 888 , tous deux tenant par chaque page, couper les périodesde lama
leurs femmes à la maison Carlovingienne. nière la plus inharmonieuse. Cependant
Maisla dénomination de deuxième royau- ce défaut nese trouve pas dans les Rebel

noire
me de Bourgogne, qui lui est également lessous Charles V etdans les Écorcheurs;
donnée, doit prévaloir. Voy. BOURGO- ces romans offrent en outre plus de respect
GNE . P. A. D. pour l'histoire. Les savantes recherches
ARLINCOURT ( le vicomte VICTOR de M. d'Arlincourt ont donné à son ré
D' ) est issu d'une riche famille de Picar- cit à peu près la couleur de l'époque; il
die. Son père était fermier général. A a su y répandre plus de variété; enfin
peine sorti de l'enfance , il vit ses parens l'on trouve même dans quelques scènes
>
ruinés dans ce vaste bouleversement des du naturel et de la vie. Ismaëlie ou l'a
fortunes qui fut l'un des inévitables mal- mour et la mort , roman -poème, 2 vol.
heurs de la révolution de 89. Un prêt in-8° a aussi eu trois éditions. Le der
considérable fait à Louis XVIII au mo- nier roman de M. d'Arlincourt, le Bras
ment de l'émigration et qui ne fut rendu seur Roi, a paru en 1833. L. L. 0.1
qu'au retour de ce prince, contribuait à ARLOTTO . MAINARDO , plus connu
la gêne de la famille; pourtant elle par- sous le nom del Piovano Arlotto , naquit
vint à faire entrer le vicomte et son frère à Florence, en 1395, d'une famille as
dans des carrières distinguées. Le vicomte sez obscure. Devenu , à 30 ans environ ,
fut fait auditeur de première classe sous curé de paroisse, il se rendit célèbre par
le règne de Napoléon; en 1815 il fut des facéties qui , recueillies avec soin ,
nommé maitre des requêtes , et peu après ont été publiées après sa mort sous ce ti
cette époque il entra dans la carrière lit- tre : Facetie piacevoli fabule e motti
téraire qu'il a parcourue non sans quel - del Piovano Arlotto , prete fiorentino ;
que renommée. Déjà, en 1810 , il avait Venise , 1520 , in - 8 °. Ce bon et jovial
publié un petit poème intitulé : Une ma- curé futun grand voyageur ; trois souve
tinée de Charlemagne, où l'intention de rains , Édouard d'Angleterre, Alphonse
brûler quelque encens devant le nouvel de Naples et René d'Anjou , le virent à
empereur des Francs n'était pas dissimu- leur cour et s'en amusèrent assez pour
lée. En 1818 il fit imprimer un poème le récompenser richement. D'une inta
épique , en 24 chants, intitulé Charle- rissable gaité, de beaucoup de sens, goûté
magne ou la Caroléide , 2 vol. in-8° ; le de tous ceux qui le voyaient , il poussa
bruit que fit cet ouvrage était dû en par- fort loin sa riante et modeste carrière. Il
tie à la bizarrerie de la composition et à ne mourut qu'en 1483 ,> âgé de plus de
l'étrange facture des vers. 87 ans . L. L. 0.
Depuis 1821 , M.d'Arlincourt publia ARMADA INVINCIBLE , mots es -
une série de romans qui lui ont valu de pagnols qui équivalent à Flotte invinci.
la célébrité : le Solitaire, l'Étrangère, ' ble. C'est le noin qne donna Philippe II :
9
ARL ( 278 ) ARL
la réunion des forces maritimes qu'il , duc de Parme, quiarma à Nieuport et à
avait assemblées à grands frais pour un Dunkerque dix-huit vaisseaux de guerre,
débarquement en Angleterre. L'histoire avec un immense appareil de campagne ;
a retenu cette présomptueuse appellation mais cette flottille fut tenue en échec par
dont le souvenir rappelle le désastre le une escadre anglaise qui mouillait dans
plus complet qui ,dans les temps moder- les eaux de Dunkerque , sous les ordres
nes, ait été essuyé pendantune campagne de l'amiral John Hawkins.
de mer. Voici le détail de la composition de
Philippe qui, depuis trente ans, nour- l'Invincible Armada , telle qu'elle fut
rissait le ressentiment des refus qu'il fractionnée par le duc deMédina Si
avait essuyés près d'Élisabeth , dont il donia. La première escadre, dont il re
tint le commandement, comprenait, avec
avait demandé la main , s'empressa de se
porter le champion de Marie Stuart.Ce la capitane espagnole , dix galions et
n'était là toutefois que le prétexte de deux brigantins ; l'escadre de Castille ,
l'expédition projetée par Philippe. Il s'y sous les ordres de Diego Flores de Val
mêlait , avant tout , le désir d'humilier dez, quatorze vaisseaux etdeux pataches;
une puissance dont les forces devenaient celle d'Andalousie , commandée par don
>

de plus en plus redoutables ; et, en ser- Pédro de Valdez , dix vaisseaux ; celle de
>

vant ses propres passions, Philippe allait Biscaye , général Juan -Martinez de Ri
s'emparer plus ostensiblement que jamais calde , dix vaisseaux et quatre pataches;
du rôle de protecteur de la foi catholi- celle de Guipuzcoa, commandant Michel
que en s'attaquant à cette Élisabeth , d’Oquendo , dix vaisseaux et quatre pa
>

qu'on avait vue tour à tour secourir les taches ; celle d'Italie , Martin Berten
religionnaires d'Écosse , seconder leurs dona commandant , dix vaisseaux ; celle
>

insurrections, se liguer avec ceux de des Ourques, au nombre de vingt -trois,


Hollande 9, et donner à ceux de France , était commandée par Juan - Gomez de
après la Saint-Barthélemy, un généreux Médina ; vingt - deux galéaces étaient
asile dans ses états. A toutes ces causes de aux ordres de don Antoine de Mendoza;
la détermination de Philippe il faut join- quatre autres galéaces aux ordres de don
dre aussi les lois de proscription qui ve- Hugues de Moncada; enfin quatre galè
naient d'être rendues en Angleterre con- res, commandées par Diego de Medrano,
tre les catholiques , et particulièrement complétaient le nombre des bâtimens de
contre les jésuites. guerre. Les troupes embarquées mon
D'après l'historien De Thou , qui as- taient à 20,000 soldats; l'équipage était
sure tenir ce renseignement de l'ambas - composée de 8,500 matelots , et d'envi
sadeur d'Espagne près la cour de France, ron 300 rameurs.
le seul équipement de la flotte catholi- La flotte leva ses ancres le 27 mai
que avait coûté plus de 36 millions à : 1588 ; trois jours après , elle avait gagné
Philippe II.Il avait désigné, pour en pren- le large , poussée par des vents favora
dre le commandement général , le mar bles; elle doubla le cap Finistère le
quis de Santa - Cruz , qui mourut pen- 1er juin , et le 18 elle fut assaillie par
dant les préparatifs de l'expédition à Lis- une tempête qui , non - seulement la dis
bonne , où la flotte dut se trouver réunie persa , mais faillit compromettre une
le 1er mai 1588. Le duc de Médina- Si- grande partie des bâtimens. Il s'ensuivit
donia , nomméen sa place généralissime un mois de retard pour les réparations;
de l'Invincible Armada , partagea en et ce ne fut que le 30 juillet qu'elle se
plusieurs escadres cette flotte quise com- trouva en vue de la flotte anglaise.
posait de toutes les forces navales réu- Dès le premier engagement , celle-ci
nies de l'Espagne et du Portugal , et de jeta la confusion et le désordre dans l’In
plus de seize vaisseaux bien armés, four- vincible Armada, qui fit de vains efforts
nis par le vice-roi de Naples , comte de pour sauver plusieurs de ses bâtimens,
Miranda , et de cinq autres envoyés par notamment un vaisseau amiral , dont le
le comte d’Albe , vice- roi de Sicile. Il
> célèbre Drake s'empara avec tout son
devait y avoir, en outre , une flottille du équipage, et qui portait 40,000 ducats.
ARM ( 279 ) ARM
Cependant, les Anglais avaient évité la , d’Auch, à accabler de vexations de tou
bataille et s'étaient bornés à harceler les tes sortes l'archevêque qui était pourtant
flancs de la flotte catholique. Telle fut son beau -frère, et ses riches chanoines.
e
d'abord leur tactique, jusqu'à ce que, au A la fin du xìı siècle ,> on voit les com
moyen des brûlots qu'il imagina en cette tes d'Armagnac faire hommage de leur
circonstance , Drake dispersa complète- seigneurie aux comtes de Toulouse , et ,
ment l’Armada , qu’une tempête horri- un peu plus tard , directement aux rois
ble acheva d’abimer , le 20 août , dans d'Angleterre , commesuzerains de toute
les parages de l'Irlande. Ses diverses es- cette partie de la France.Sous Bernard VI,
е
cadres vinrent échouer successivement à la fin du xiure siècle, éclata ,au sujet de
sur les côtes les plus éloignées. Ce fut à possessions litigieuses, entre les maisons
grande peine que le duc de Médina Si- d’Armagnac et de Foix, une guerre ci
donia regagna le port de Santander avec vile qui , malgré les médiations du roi de
la capitane réale, qu'il montait, et qu'a- France et les arrêts de son parlement ,
vaient ralliée quelques vaisseaux , eux- ne se termina définitivement qu'en 1379,
mêmes dans un bien triste état. sous le comte Jean II, dit le Bossu, par le
Philippe II fit dire des prières publi- mariage de sa fille avec Gaston , fils du
ques en action de graces pour cette belle comte de Foix. A cette époque, la mai
équipée ; mais tandis qu'il se consolait son d’Armagnac se trouvait arrivée à un
ainsi de cet affreux désastre , plusieurs haut degré de prospérité. Divers maria
de ses amiraux expiraient de honte et de ges avaient successivement agrandi ses
regret. Et pourtant la plupart avaient possessions des comtés du Charolais, de
fait vaillamment leur devoir ; tout le ri- Comminges , de Rhodez ; si l'on en croit
dicule appartenait à l'inventeur de l’In- certains titres , ce dernier était un fief
2

vincible Armada . ecclésiastique dont le possesseur devait


Schiller a fait sur ce sujet une belle faire hommage à l'évêque. En 1384 ,
page de poésie. P. C. Jean III , 18€ comte , sommé par le pré
ARMAGNAC , ancienne province de lat d'accomplir cette obligation , se ren
France , primitivement réunie au comté dit à l'église épiscopale , et là , tourné
> >

de Fézensac , et compris avec cette sei- vers l'autel et élevant les mains , il dit :
gneurie dans le duché de Gascogne. En Moi Jean >, qui suis l'héritier légitime
960 , elle fut détachée de Fézensac par du comté de Rhodez,fais hommage de
le comte Guillaume Garcie qui, dans le ce comté à vous, révérend père enDieu
partage qu'il fit de ses états , donna l’Ar- et à vos successeurs, et vousen demande
magnac àà Bernard , le second de ses fils. | l’investiture. Après quoi l'évêque le baisa
Ce Bernard , dit le Louche , devint la et lui mit la couronne comtale sur la tête
souche de cette maison puissante dont en disant : Je vous reconnais maintenant
vrai comte de Rhodez, et comine tel je
on voit souvent figurer les membres dans
les annales de France. Le quatrième de vous remets, de bonne foi,les terres de
ces comtes , Arnaud -Bernard, qui vivait la ville et du comté. Ce même comté re
е
au milieu du xixe siècle , se fit recevoir çut , si l'on en croit Froissard , 240 mille
chanoine honoraire de l'église d'Auch , liv., somme alors considérable,pour
, avoir
capitale de son comté ; et un titre prouve grandement contribué à purger le midi
qu'il fit, vers le même temps , hommage du royaume des bandes de brigands qui
du comté à Sainte - Marie d’Auch , en le dévastaient. En 1390, il vendit lecomté
s'obligeant , pour lui et pour ses succes- de Charolais pour se mettre à même de
| seurs, à une redevance annuelle de deux faire une expédition en Italie, afin de ré
muids de froment, de douze septiers de tablir son beau -frère, Charles Visconti,
esturgeon. dans le duché de Milan ; il y périt en
Giraud 11 hérita,vers l'an 1148,du 1391. C'est le premier comte d'Arma
comté de Fézensac, qui se trouva de la gnac qui ait employé dans ses titres la
sorte réuni à l'Armagnac, et dont le ti- formule par la grage de Dieu . Ses suc
tre s'éteignit. Lecom te Bernard IV passa cesseurs continuèrent à s'en servir. Son
toute sa vie à guerroyer contre l'église fils, Bernard VII ou VIII , suivant quel
ARM ( 280 ) ARM
ques tables chronologiques,compte parmi céda à son frère Jean III , en 1391. Peu
les personnages célèbres de son temps content du riche héritage de ses ancê
(voy. ci-après). Jean IV, qui luisuccéda tres , Bernard signala d'abord son ambi
en 1418 , arma contre lui , par les excès tion en dépouillant , en 1403 , le comte
de toutes sortes auxquels il se livra , la de Pardiac , son parent, qu'il fit mourir,
colère du roi Charles VII; il fut empri- en prison , ainsi que ses deux fils. Quel
sonné et son procès instruit. Les débats ques années après , on le voit faire vive
prouvèrent qu'il mettait taille en ses ment la guerre aux Anglais , dans la
terres deux ou trois fois l'an; qu'il avait | Guyenne , et obliger Bordeaux à capitu
faitpendre un huissier duparlement de ler pour une somme considérable. De fu
Tholon , qui venait exécuter contre lui; nestes dissentimens entre la maison de
qu'il avait eu cinq cháteaux de la dé- Bourgogne et d'Orléans ayant éclaté, le
trousse que ses ribauds accomplissaient comte d’Armagnac embrassa le parti de
par son ordre ; qu'il avait pillé et en- la dernière, dont le chef était devenu son
prisonné divers ecclésiastiques, et qu'il gendre ;2 il en devint bientôt l'ame, et mé
battuit son confesseur quand il ne vou rita de donner son nom à l'une des fac
lait l'absoudre. Toutefois, comme le roi tions qui désolèrent à cette époque le
n'avait point envie de le perdre , moyen- royaume. Après avoir d'abord combattu
nant lespromesses qu'il fit et les garanties la cour , il fit sa paix en 1413 , et entra
qu'il donna , il obtint des lettres d'abo- dans Paris à la tête de l'armée royale ,
lition en 1445, et rentra en possession de qui avait alors arboré les couleurs et l’é
ses états. Charles Ier, frère de Jean V tendard de sa maison . Devenu l'un des
, il se fit
( voy. plus bas), et enveloppé dans sa dis- principaux personnages de l'étatministre
grace, resta captif quatorze années, souf- créer connetable et premier ;
frant d'horribles tourmens. En 1481 , puis , plus tard , il s'empara de la surin
l'Armagnac fut déclaré confisqué et réu- tendance des finances et du gouverne
ni à la couronne par lettres-patentes. ment de toutes les forteresses. Tenant
Délivré de sa prison par le roi Char- ainsi en ses mains l'administration tout
les VIII , il rentra en possession de ses entière du royaume , il ne ménagea plus
états , mais avec privation de tous droits rien, et rompit avec la reine Isabeau dont
régaliens et pour sa vie seulement. A sa le parti avait été jusque là le sien. Cette
mort , qui eut lieu en 1497, Charles, duc princesse voyantque le connétable médi
)

d'Alençon , petit-neveu des deux comtes tait sa perte, prit la fuite, et alla réclamer
précédens, revendiqua leurs possessions, la protection du duc de Bourgogne, qui
nonobstant la confiscation de 1481. Le arma sur-le-champ et marcha sur Paris;
roi Françoisier, pour accommoder ce dif- le connétable avait , aidé de ses Arma
férend , lui fit épouser sa soeur Margue- gnacs , organisé dans cette ville la plus
rite , et lui rendit l'Armagnac en consi- insupportable tyrannie. En juin 1418 ,
dération de ce mariage. Ce 23 € comte huit cents Bourguignons surprirent la
d'Armagnac mourut sans enfans; en ville sous les ordres de l'Ile - Adam. Le
1525 son héritage passa avec sa veuve peuple se souleva et arbora la croix de
à Henri d'Albret , roi deNavarre,égale- Saint-André , qui était dans les armes
7

ment issu par les femmes de la maisond’Ar- du duc de Bourgogne. Le connétable et


magnac. Ce fut ainsi que cette province ses partisans furent contraints de se ca
se trouva confondue dans le royaume de cher. Il trouva d'abord un asile chez up.
Navarre, qu'Henri IV réunit à la cou- maçon ; mais un ordre du prévôt ayant
ronne en 1589. En 1645 , Louis XIV ordonné, sous les peines les plus sévères,
donna le comté d'Armagnac à Henri de de dénoncer tous les Armagnacs ainsi re
Lorraine, comte d'Harcourt,dont la pos- celés, le maçon intimidé livra le connéta
iérité la possédé jusqu'à la révolution. ble, qui fut, quelques joursaprès,massa
Cette province forme aujourd'hui le dé- cré dans sa prison par le peuple , furieux
partement du Gers (voy. ce mot). de ce qu'on parlait de le délivrer moyen
ARMAGNAC ( BERNARD VII , comte nant une somme d'argent. P. A. D.
1°), fils de Jean II , dit le Bossi , stic- ARMAGNAC, (JEAN V ,comte d'), fil's
ARM ( 281 ) ARM
de Jean IV et petit -fils de Bernard qui nouveau absous par le pape. Charles VII
précède, naquit vers l'an 1420 et se dis- étant mort, il obtint de Louis XI, dont il
tingua , sous le comte de Dunois , dans avait secondé les efforts criminels contre
la guerre qui expulsa les Anglais de la son père, sa rentrée en France et la res
Guyenne. Devenu comte d'Armagnac à la titution de ses domaines : il le servit d'a
mort de son père, en 1450, il conçut pour bord dans une expédition ; mais ensuite ,
la plus jeune de ses sæurs, Isabelle, une oubliant les bienfaits qu'il en avait reçus,
passion effrénée qui empoisonna sa vie. il entra dans la ligue du bien public
La princesse ayant cédé à ses désirs , contre ce monarque. Il était alors rede
des enfans naquirent de ce commerce venu l'un des plus puissans seigneurs du
incestueux dont le scandale, devenu pu- royaume et tenait constamment sur pied
blic , attira sur le comte les foudres de une troupe nombreuse qui vivait despil
l'église et les menaces du roi Charles VII. lages exercés contre ses vassaux. Le roi ,
Après avoir fait de vains efforts pour ob- qui savait en outre qu'il cherchait à exci
tenir la consécration de cette union par ter de nouveaux troubles en France, lui
une dispense , il promit de la rompre , et offrit 10 mille livres à condition qu'il
fut absous; mais bientôt entraîné par ce désarmerait ses soldats; d'Armagnac re
déplorable penchant , il reprit les mêmes çut la somme et conserva ses soldats.
liaisons; et pour calmer les scrupules de Louis XI marcha contre lui avec des for
sa sœur, il eut recours à un référendaire ces imposantes , et le comte, de nouveau
du pape qui devint dans la suite évêque dépossédé, se réfugia encore en Aragon et
d'Alet. Celui-ci , moyennant une forte fut encore condamné par le parlement ,
somme d'argent , lui fabriqua une bulle , mais cette fois àmort; c'était en 1470. Il
en vertu de laquelle il épousa Isabelle trouva alors un allié puissant dans le duc
avec toutes les cérémonies de l'église. Le de Guyenne , frère du roi , mais son en
roi, qui avait à se plaindre de ses intri- nemi déclaré. Jean, avec l'appui de ce
gues avec les Anglais , prétexta de l'indi- prince, reconquit ses états et se trouva en
goation publique excitée parun acte censé position pendant quelque temps de lut
monstrueux dans toute la France , et fit ter contre les forces royales. Toutefois ,
marcher des troupes contre lui . Le comte au commencement de l'année 1473 , il
fit d'abord mine de vouloir résister ; mais se vit obligé de se renfermer dans la ville
bientôt toutes ses places se rendirent , et de Lectoure où il soutint pendant près
il fut obligé de chercher un asile en Ara- de deux mois les efforts des assiégeans ,
gon où ilavait quelques propriétés. Le alors commandés par le cardinal Jouf
roi ordonna au parlement de Paris froi, évêque d'Albi. Vivement pressé , il
de faire le procès au comte d’Arma- consentit à capituler ; et les articles du
gnac. Jean demanda d'abord à être jugé traité ayantétédressés, le cardinal, comme
par la cour des pairs , comme prince du gage de sa foi, rompit une hostie consa
sang par sa mère Élisabeth de Navarre , crée dont il prit la moitié et lui donna l'au
et issu du côté paternel des rois d'Ara- tre. Mais le comte d'Armagnac, qui s'était
gon et des ducs d'Aquitaine ; puis , cette montré perfide toute sa vie, fut alors lui
demande ayant été repoussée, il invoqua même victime d'une odieuse perfidie.
comme clerc tonsuré leprivilége de clé- Les troupes royales profitèrent du peu
ricature ; requête étrange qui ne fut pas de défiance des assiégés pour pénétrer
moins écartée que la première. Sommé dans la ville et la livrer à toutes les
de comparaitre , il se présenta muni de horreurs du pillage. Quant au comte , il
lettres du roi portant sauf- conduit; mais fut égorgé dans son palais entre les bras
le parlement n'en tint compte et le fit ar- de Jeanne de Foix qu'il avait épousée
rêter. Élargi peu de jours après sous con- en 1468. Ainsi finit cette vie si pleine
dition de ne pas s'éloigner de Paris , il de vicissitudes , et avec elle la gloire de
rompit son ban et se réfugia à Besançon . cette puissante maison. La comtesse
Condamné au bannissement et dépouillé d'Armagnac expira peu de temps après
de ses biens, par arrêt de la cour, le comte en prison , d'un breuvage destiné à la
d'Arinagnac passa en Italie où il fut de faire avorter de l'enfant qu'elle portait
ARM ( 282 ) ARM
dans son sein. Tout ce qu'on sait d'I- | manique, il joignit l'armée bavaroise et
sabelle , c'est qu'elle survécut à son remplit à sa suite des fonctions adminis
frère. P. A. D. tratives très importantes. Après la paix
ARMAGNAC ( JACQUES, comte d ’), de Paris , le département des Vosges et
voy. NEMOURS et Louis XI. J. H. S. bientôt après le pays situé entre le Rhin
ARMAGNACS ( FACTION DES ) , ainsi et la Moselle furent confiés à ses soins.
nommée du connétable Bernard d’Ar- Appelé au congrès de Vienne, il y défen
magnac ( voy. ci-dessus ) ; c'était le parti dit avec chaleur , mais sanssuccès, les
du dauphin , fils de Charles VI et depuis intérêts de la Bavière. Il administra en
Charles VII. Elle était par conséquent suite en 1816 et 1817 , commedirecteur,
>

opposée aux Bourguignons et auxAnglais. le cercle du Rhin et celui du Danube


En 1418 , Paris fut tout à coup enlevé supérieur, fut placé en 1820 à la tête de
aux Armagnacs par un parti de Bour- la cour supérieure des comptes , et de
guignons aidé d'une sédition formida- vint en 1823 vice-président du cercle du
ble. Alors les premiers, dontles exactions Regen. Propriétaire dans celui du Da
et les pillages avaient exaspéré le peuple, nube inférieur, il fut élu membre de la
furent en butte aux plus cruels traitemens ; seconde chambre des états de 1825 ; il
tous ceux qu'on saisit dans la ville fu- manqua la nomination à la présidence
rent impitoyablement massacrés.Les pri- de cette assemblée de quelques voix seu
sons furentassaillies, et ceux qui y avaient | lement ; mais il fut élu vice - président
été trouvés reçurent la mort. Le sang et prit part aux principales délibérations.
ruisselait autour de ces bâtimens. Ces Ses lumières , son énergie , sa franchise ,
scènes sanglantes se renouvelèrent plu- son expérience , lui attirèrent l'estime
sieurs fois. Le 12 juin , on compta cinq publique, et à son avènement au trône ,
mille cent dix-huit victimes. Ce fut dans au
le roi Louis s'empressa de le recevoir
cette journée que périt le connétable nombre de ses conseillers. Il eut alors
lui-même. Les magistrats avaient d'abord une part importante à la réorganisation
voulu arrêter les meurtriers , mais ceux- des ministères et à la réforme des abus
ci répondirent : Maugré bien de la jus- introduits dans l'état financier du royau
tice , de la pitié ! La mort à ces faux me. Le 1er janvier 1826 , il entra au mi
traitres qui ont gusté le royaume de nistère , avec le portefeuille de l'intérieur
France et l'ont vendu aux Anglais ! et des finances ; en 1828 , il échangea
Le prévôt, voyant que ses remontrances le premier de ces deux départemens
étaient inutiles , les laissa faire . Ces exé- contre celui des affaires étrangères au
cutions furent, dit un contemporain , quel fut ajouté encore le ministère de la
suivies d'une des plus belles processions maison du roi. Le peuple bavarois a con
qu'il se vit oncques ! Le parti des Ar- servé un souvenir de reconnaissance de
magnacs perdit quelques années après son admini ration ; elle marque la pé
cette dénomination. On les a aussi ap- riode du libéralisme auquel le roi de Ba
pelés Arminacs. P. A. D. vière aa dû la popularité qui l'environnait
ARMANSPERG ( JOSEPH - Louis , alors.Le comte d'Armansperg favorisait le
comte D' ), membre président du conseil développement des institutions du pays, et
de régence du roi de la Grèce, Othon Ier. il travailla àétablir dans toute l'Allemagne,
Les comtes d'Armansperg sont anciens par l'abolition des douanes intérieures,l'u
dans l'histoire; plusieurs d'entre eux se nité de territoire , au moins sous le rap
sont signalés, à différentes époques, par port commercial . La réaction arrivée en
leur valeur et par leurs talens militaires. 1831 lui fit perdre son poste, et depuis il
Ils appartiennent à la vieille Bavière , et
> a été attaqué avec véhémence par les or
c'està la terre de Kötzting que naquit le ganes du parti rétrograde : cependant le
chef actuel de cette famille , en 1787 . roi ne lui retira pas sa confiance; il cher
Après avoir terminé son cours d'étude à cha à lui adoucir sa disgrace en le nom
Landshut , il entra au service civil en
> mant à la légation bavaroise à Londres.
1808 ; mais en 1813 , plein d'enthou- Depuis 1828 il était conseillerdu royaume
siasme pour la cause de la liberté ger- à vie , et comme tel membre de la pre
ARM ( 283 ) ARM
mière chambre des états. Il se retira dans plusieurs co - propriétaires. L'armateur
ses terres et y resta jusqu'en 1832. Une alors n'est pas celui qui possède , mais
ordonnance du 5 octobre de cette année seulement celui qui se trouve chargé du
lui donna la présidence du conseil de mandat des possesseurs. C'est dans ce
régence formé pour le nouveau roi de la cas un commissionnaire en armement,
Grèce, encore mineur. Il partit pour cette et rien de plus.
destination avec le jeune prince , et dé- Dans la hiérarchie commerciale , les
barqua avec lui à Nauplie le 6 février armateurs occupent le premier rang ;
1833. Dans cette position difficile il a les négocians ne viennent qu'après eux.
déployé , dès le commencement , autant Ceux-ci tiennent la place entre les arma
d'activité que de prudence et de fermeté; teurs et la classe des commerçans ou des
il a déjà surmonté de graves difficultés et marchands . La considération , qui dans les
lutte encore , avec force et talent , contre villes de commerce se mesure à peu près
celles que lui opposent l’indocilité des sur l'influence que l'on a su acquérir dans
chefs hellènes ,, leurs jalousies récipro- les affaires, s'attache plus particulière
ques et leur longue habitude d'un état ment au titre d'armateur qu'à celui de
d'anarchie. J. H. S. négociant ou de banquier.
ARMATEUR . L'armateur d'un bâ- Il est en France peu d’armateurs qui
timent est le propriétaire de ce navire ou fassent naviguer plus de cinq à six grands
celui du moins qui se charge des frais et bâtimens. Aux États-Unis, le fameux Ste
des soins nécessaires pour mettre le bâ- phen Girard avait à la mer une trentaine
timent en état de prendre la mer ; et, par de navires employés à la navigation de
une contradiction assez frappante, il ar- long- cours. C'était toute une marine. La
rive que les bâtimens de guerre , qui sont valeur de cette petite flotte devait excé
ceux que l'on arme le plus réellement, der trois millions et demi. E. C.
dans l'acception rigoureuse du mot , se Pour ce qui est relatif au droit , voy.
trouvent être les seuls qui n'aient pas CORSAIRE et PRISES MARITIMES.
d'armateur, puisque c'est l'état lui-même ARMATOLIS , milices grecques de
qui est le propriétaire du navire , et que la Thessalie , instituées sous le règne du
ce sont des officiers de marine que l'on sulthan Selim I , vers le commencement
charge de tous les travaux relatifs à l’ar- du xvie siècle. Cet établissement avait
mement . pour but de préserver les plaines des in
Si l'on voulait attacher du reste au mot cursions de ces montagnards qui n'avaient
armateur la signification la plus ration- jamais été entièrement soumis par les
nelle et la plus conforme aux choses qui Turcs , et qui >, sous le nom de Klephtes
se passent dans les ports, c'est aux capi- ou voleurs , ont acquis un și grand re
taines de navires que l'on appliquerait nom dans les guerres de l'indépendance.
exclusivement ce titre , car ce sont bien La garde des routes leur était confiée ; la
eux qui aiment les bâtimens et qui sur- Grèce septentrionale se trouvait divisée
veillent le plus réellement les détails dont en dix-sept armatoles ou capitaineries
l'armement se compose. Mais la force de dont les chefs prenaient les ordres des
l'usage a prévalu , et le propriétaire, qui pachas ou des primats grecs , dans les
quelquefois n'a jamais vu son navire , en lieux où quelques vestiges d'institutions
est censé être l’armateur, tandis que celui municipales avaient été conservés. Comme
qui effectivement la armé n'en est que le les Armatolis avaient une origine et une
capitaine , à moins qu'il n'en devienne foi communes avec les Klephtes >, ils les
aussi le propriétaire : circonstance assez regardaient comme des frères, quoiqu'ils
rare de nos jours. fussent quelquefois obligés de réprimer
Il peut arriver néanmoins que l'arma- leurs brigandages; les uns et les autres
teur ne possède ce titre que fictivement. étaient animés d'une égale haine contre
C'est ce qui a lieu, par exemple, dans les les oppresseurs de la patrie , et ce sen
armemens par actions, lorsqu'un négo- timent commun les rapprochait. Dans les
ciant se charge d'armer , moyennant une derniers temps , les Turcs, inquiets des
commission, un navire pour le compte de rapports fréquens qui s'étaient établis
ARM ( 284 ) ARM

entre ces deux fractions de la popula- , n'est que la réunion des troupes des dif
tion , parurent vouloir remplacer les ar- férentes armes mues par la volonté d'un
matolis parles Albanais ou Schypetars seul chef.
(voy.) mahometans , ennemis acharnés Une armée , dans l'origine, n'était cer
des Grecs, et cette défiance ne contribua tainement autre chose qu'unepopulation
pas peu à hâter l'insurrection que la Porte entière se portant en armes sur un pays
redoutait. La révolution ayant éclaté , les voisin plus beau et plus fertile,pourl'en
armatolis se prononcèrent contre les Mu- vahir , ou qui se levait pour la défense
sulmans, et , dirigés par le vaillant chef de son sol. Chez les Égyptiens, les mili
Odyssée , ils rendirent d'importans ser- taires formaient une caste séparée , la
vicesà la cause de l'indépendance. P.A.D. / plus honorée après celle des prêtres , et
ARMATURE , voy. AIMANT. l'on croit que Sésostris trainait avec lui
ARME , voy . ARMES. 400,000 hommes lorsqu'il fit ses incur
ARMÉE . Les définitions de ce mot sions en Asie. Les Grecs , partagés en
sont nombreuses et peu satisfaisantes. Il petites républiques , n'avaient que de
serait inutile de citer celles de Végèce , petites armées ; mais l’art militaire ayant
de Polybe , de Grotius , de Puffendorf et fait chez eux de grands progrès, ils ont
d'autres écrivains militaires, parce qu'el combattu avec succès contre des armées
les laissent trop à désirer ; bornons-nous beaucoup plus nombreuses : ils puisaient
à rapporter celles qui sont données dans leurs institutionspolitiques de gran
dans trois ouvrages plus récens. L'En- des ressources pour la défense du pays ,
cyclopédie dit que l'arınée est un nom- et ont en quelque sorte légué aux temps
bre considérable de troupes d'infanterie modernes des principes qui reçoivent
et de cavalerie jointes ensemble pour encore leur application dans la plus
agir contre l'ennemi. De son côté l'En grande partie des états de l'Europe. Chez
cyclopédie méthodique définit : l'armée eux l'obligation de servir la patrie était
est un corps de troupes avoué par un commune à tous les citoyens. A Sparte ,
état et envoyé par lui pour faire la touthomme, depuis 20 ans jusqu'à 60 ,
guerre. Dans une troisième Encyclopé- et à Athènes , depuis l'âge de 18 ans,
die enfin on donne ce nom d'armée « à était obligé de servir militairement lors
l'universalité des forcessoldées par un qu'il en était légalement requis ; on ne
gouvernement, et à une réunion d'une connaissait point encore les armées per
partie de ces forces ayant une destina- manentes , appui et fléau des sociétés
tion spéciale. » La première et la se- modernes. Les Romains ayant tourné
conde de ces définitions nous paraissent toutes leurs institutions vers la conquête,
incomplètes ; nous croyons que la troi- mirent un soin particulier dans l'organi
sième est trop générale et trop vague. sation et le recrutement de leurs armées.
Car , demêmequ'il y a des troupes qui Long -temps les seuls citoyens possédant
sont soldées et n'appartiennent pas àà l'ar une certaine fortune eurent le privilége
mée, comme des troupes de garnison, des de former l'état militaire; c'estainsiqu'on
invalides , etc. , qui n'entrent jamais en a vu aussi , dans les temps modernes , la
>

ligne , il y en a d'autres >, comme les noblesse polonaise mettre au rang deses
inilices , les levées en masse , la land- plus belles prérogatives l'honneur defor
wehr , les gardes nationales , etc. , qui mer à elle seule l'armée et de défendre la
ne sont pas soldées et qui forment néan- | patrie. Mais ce qui fut pour les Romains,
moins une force militaire du pays , et placés au milieu de peuples faibles et
entrent souvent en ligne. Nous croyons barbares , un sujet de gloire et de pros
donc que ce mot , pour être bien com- périté , devint la première cause de la
pris , doit être considéré sousdeux points décadence de la Pologne. Entourée de
de vue. L'armée dans un sens général , voisins qui tenaient sur pied de grandes
par exemple , l'armée française , com- armées permanentes , elle ne tarda pas à
prendra toutes les forces militaires de être la proie de leur avidité , son armée
la France, de quelque nature qu'elles nationale ou pospolite étant rassemblée
soient; et l'armée , dans son sens spécial , avec trop de peine et mal organisée,
ARM ( 285 ) ARM
Les rois de France de lapremière race, | Dans l'antiquité les Parthes,> les Mèdes
ainsi que les rois Goths et les princes sla- et les Scythes avaient dans leurs armées
vons, dans leurs invasions, partageaient les plus de moitié de cavalerie. Les Athé
dépouilles des vaincus avec leurs compa niens n'en avaient que le dixième , et
gnons d'armes ou vassaux ; c'est ainsi que Alexandre n'en comptait que le septième.
sous Charlemagne les armées ne se com- Dans les temps modernes la proportion
posaient que des troupes féodales pour qui dura le plus long-temps füt d'un
lesquelles la durée du service était illi- sixième. Ces rapports changèrent totale
mitée. A la même époque, les armées ment sous Napoléon : en 1812 , la cava
russes , turques et tatares n'étaient que lerie fut d'un cinquième ; dans les cam
des bandes d'esclaves amenées par leurs pagnes de 1813 et 1814 elle fut d'un
boiars, khansou pachas, et vivant du bu- quart. Dans leurs armées, les nations bar
tin pris dans les pays envahis. Plus tard, bares ,avides de butin , comme les Turcs
7

pour restreindre les exigences toujours et les Tatars , eurent toujours plus que
plus tyranniques des chefs particuliers moitié de cavalerie. Les Cosaques , de
de ces corps de troupes , les rois éman- nos jours , ne sont employés qu'à cheval.
cipèrent des villes , des communes , puis L'artillerie n'a pas moins varié que la
des provinces entières,à condition qu'elles cavalerie ; elle a été dans le rapport du
armeraient, équiperaient et entretien- iz au jo du total de l'armée : elle est or
draient à leurs frais un certain nombre dinairement, dans les armées actuelles ,du
de gens de guerre. Ces troupes de nou- i au zé.
velle formation marchaient sous la ban- Passons à la définition du mot armée
nière de leurs paroisses, ayant à leur dans un sens général , c'est-à-dire relatif
tête leurs curés. Des couvens levèrent aux forces et aux systèmes militaires des
aussi des troupes, en partie composéesde puissances de l'Europe qui entretiennent
moines commandés par leur abbé. En des armées. D'abord c'est l'étendue du
1124 , lorsque Louis-le-Gros marcha en pays , ses ressources et sa position , qui
Champagne pourrepousser l'invasion de décident du nombre et de la qualité des
l'empereur Henri V, l'armée royale, forte troupes qui doivent être entretenues par
de 200,000 hommes , comptait un tiers un état; mais leur déploiement dépend
de troupes des communes, un tiers de de l'esprit public,des institutions politi
troupes féodales, et le reste était com- ques et de la sagacité du gouvernement.
>

posé de troupes auxiliaires.Plus tard les En général on peut considérer trois mo


princes prirent à leur service des corps des de recrutement pour les armées : par
composés d'étrangers enrôlés volontaire- conscription , par des levées volontaires
ment à prix d'argent, qui étaient conti- avec prime en argent , ou par des appels
>

nuellement sous les armes , payés et en- forcés. En France, tout individu mâle est
tretenus aux frais de l'état. Ces troupes tenu de servir sa patrie, et la conscription
soldées devenant bientôt insuffisantes et frappe indistinctement tous les hommes
peu sûres , à mesure que la civilisation de toutes les classes en état de porter
s'étendit on leur adjoignit des troupes les armes , depuis 20 ans jusqu'à 27. En
formées avec les levées d'hommes ſaites Angleterre, le service militaire n'est point
sur les classes du peuple et désignées dans obligatoire pour tous, en ce qui concerne
chaque commune par la voie du sort. le service extérieur ; il ne l'est même que
Alors le service militaire eut pour ceux- pour certaines classes dans l'intérieur.
ci une durée légale qui varia suivant les On en exempte les prolétaires. Le recru
pays et les époques. tement de l'armée permanente destinée
Une fois la base des'arméesperma- principalement au service extérieur , à la
nentes ainsi posée , elles s'agrandirent guerre offensive, se fait au moyen d'en
et formèrent des armées nationales. Le rôlemens volontaires avec prime en ar
nombre , l'organisation , et la proportion gent. En Autriche, l'armée se recrute par
des armes qui les composèrent varièrent enrôlemens volontaires avec primes en
à l'infini, d'après la puissance , l'esprit , argent ; dans la Hongrie et la Transylva
>

et le degré de perfection de l'art militaire. nie , et dans ses autres dépendances , au


ARM ( 286 ) ARM
moyen d'une conscription. En Russie , de l'état qui en a le commandement su
l'enrôlement se fait par réquisition ; les prême; mais en France et en Angleterre
seigneurs sont obligés de fournir le nom- c'est dans le conseil du cabinet, composé
bre d'esclaves déterminé par l'empereur. des ministres responsables, que se déci
En Prusse , toute la population mâle de dent toutes les mesures relatives à la
l'âge de 20 à 30 ans est destinée à la dé- guerre et aux expéditions; en Autriche,
fense de la patrie et doit être soutenue, c'est dans le conseil aulique ; en Russie
en cas de besoin, par les hommes de 30 et en Prusse, à l'état-major-général. Dans
à 40 ans , lesquels forment la réserve. tous ces états le souverain peut déléguer
Indépendamment des soldats enrôlés son autorité à un maréchal , ou à tout
volontairement ou appelés par la loi ou la autre général investi de sa confiance.
volonté du souverain à servir pendant un L'armée , considérée dans un sens spé
certain nombre d'années , et qui compo- cial, est, comme nous l'avons dit, un as
sent les armées permanentes proprement | semblage de troupes de différentes armes
dites , il y a, dans la plupart des états de mues par la volonté d'un seul chef; c'est
l'Europe, des armées éventuelles, c'est- une condition essentielle et générale
à -dire qu'on peut lever et mettre sur ment reçue que tout dans l'armée doit
pied à l'appui des premières , et qui en émaner d'un chef unique ; on trouve peu
constituent en quelque sorte la réserve d'exemples d'armées commandées par
Ces armées sont :: la garde nationale en deux chefs égaux en autorité et indépen
France, les milices en Angleterre , les dans l'un de l'autre, et ces exemples
levées des provinces frontières et l'insur- n'encouragent pas à les imiter. On sait ce
rection hongroise , en Autriche; la land- qui arriva à l'armée romaine lorsqu'elle
wehr en Prusse et dans la Confédération fut confiée à Fabius et à Minucius ; et
Germanique, le fonds des régimens colo- dans des temps plus récens lorsque l'ar
nisés en Russie , etc. Il serait difficile de mée française fut mise sous les ordres du
déterminer définitivement les forces mi- duc d'Estrées et du prince de Soubise
litaires de toutes ces puissances , car en
2 contre Frédéric -le -Grand.
cas de guerre elles peuvent être augmen- La détermination du nombre d'hom
tées considérablement selon les institu- mes dont doit être composée une armée
tions , les ressources financières et la dépend du but qu'on se propose d'attein
force de l'opinion générale . Il est pour - dre , des forces ennemies etdes obstacles
tant à remarquer que le système mili- à surmonter. Le maréchal de Saxecroyait
taire de la Prusse est le plus ingénieux : qu'avec une armée de 60,000 hommes
cette puissance ayant ses provinces mor- on pouvait combattre contre quelque ar
celées et composées de différens peuples mée que ce füt; et effectivement, d'après
et étant enclavée entre trois grandes la manière de combattre employée du
puissances , a dû organiser de grandes temps de Frédéric , il était facile de trou
forces militaires ; elle dispose de 300,000 ver des positions où, avec ce nombre de
hommes avec une population de 12 mil- combattans , on pouvait livrer bataille à
lions d'habitans et 180 millions de francs un ennemi même très supérieur en nom
de revenus. Mais c'est la France qui a a bre. Mais depuis qu'on remue avec tant
l'organisation militaire la plus forte et la de précision de grandes masses , et quoi
plus imposante ; malgré les imperfections qu'on ait vu Napoléon , en 1814, tenir en
qu'on reproche à son système militaire , échec à six ou huit marches de Paris avec
elle possède d'immenses ressources , elle 60,000 mille hommes. une armée de
a un peuple homogène et belliqueux , elle 200,000 pendant deux mois entiers , on>

peut donc entretenir des armées perma- pense que l'infériorité du nombre, bien
nentes plus fortes qu'aucune autre puis- que susceptible d'être compensée par
sance, et disposer , par son institution de l'habileté du général ne doit pas aller
la garde nationale , d'un million au moins au-delà du į quelle que soit la force de
de citoyens façonnés aux exercices mili- l'autre. La difficulté n'est pas de mettre
taires.
en équilibre deux armées pour leur force,
Dans toutes les armées c'est le chef | mais bien de trouver un homme capable
ARM ( 287 ) ARM
de commander 60 à 100,000 hommes ;, nombre de régimens d'infanterie légère ,
car après tant d'années de guerre conti- ou de bataillons de chasseurs ; ceux-ci
nuelle en Europe, le maréchal Saint-Cyr prennent la gauche dans l'ordre de ba
dit qu'en 1813, chez toutes les puissan- taille, mais en campagne ils sont à droite.
ces belligérantes, il n'y avait qu'un homme En Russie , dans chaque division deux
capable de bien conduire plus de 50,000 brigades sont d'infanterie de ligne , et
hommes. Chez les Romains on donnait une d'infanterie légère. Deux ou trois
le nom d'armée à un corps de 6 légions divisions forment un corps d'armée. La
avec quelques troupes auxiliaires. Végèce cavalerie se divise en cavalerie légère et
donne ce nom à un corps de 10,000 hom- en cavalerie de ligne ; la première est ré
mes d'infanterie et de 2,000 chevaux. partie sur les brigades et surles divisions
Tite-Live regarde comme une armée un selon le besoin ; en Prusse , en Russie, il y
corps de 8,000 combattans. Sous Hen - en a une division pour chaque corps d'ar
ri IV , en France, l'armée qui opéra con- mée, sans compter les Cosaques. La grosse
tre le duc de Savoie ne se composait que cavalerie forme des corps réunis pour
de 7,000 hommes d'infanterie et de 1,500 opérer en grande masse dans les plaines
chevaux avec 6 pièces de canon , ce qui au moment décisif. On pense que la
ne serait de nos jours qu'une division. proportion de la cavalerie serait de ſ à
On peut dire actuellement que 18 à te dans les pays de plaine comme les
20,000 hommes ne forment encore Flandres, la Pologne, etc .; dans les pays
qu'une fraction d'armée, lorsque plu- de montagnes de às
sieurs corps de cette force sont destinés L'artillerie est répartie en batteries ;
à agir dans la même direction sous les elle forme des régimens en France et en
ordres immédiats d'un même chef. En Autriche , des brigades et des divisions
général , cependant, le nom d'armée se en Prusse et en Russie. Les batteries sont
donne à tout corps excédant une division, de 6 , 8 et 12 bouches à feu . En France ,
c'est- à-dire 10 à 12,000 hommes , lors- les batteries de bataille ont 4 pièces de
qu'il opère isolément et d'une manière 8 et 2 obusiers de 6 pouces. Les batte
tout-à - fait indépendante de ceux qui sont ries de réserve ont 4 pièces de 12 et 2
sur ses flancs , ses devans ou ses derrières. obusiers de 6 pouces , les batteries de
Quels que soient les élémens d'une ar- montagnes 4 pièces de 4 et 2 obusiers de
mée , elle doit avoir de l'infanterie , de la 12 pouces. En Russie, les batteries ont 12
cavalerie , de l'artillerie et des troupes pièces; les batteries légères ont des pièces
de génie. La proportion des troupes de de 6 , les batteries de position des pièces
ces différentes armes varie d'après la na- de 12 ; un quart des bouches à feu est
ture du théâtre de la guerre , la force de formé d'obusiers d'un calibre correspon
l'ennemi, et le genre de guerre qu'on dant. En Prusse et en Belgique les bat
doit faire. On peut donner des règles teries sont de 8 pièces. Les Anglais, les
plus ou moins certaines , lorsqu'il s'agit Autrichiens et les petits princes allemands
de défendre une frontière ou un espace ont des batteries de 6 pièces. En général
quelconque ; mais lorsqu'il faut agir of- la proportion qui est reçue dans les ar
fensivement, alors les calculs doivent se mées est de 2 pièces par 1,000 hommes à
baser sur une infinité d'élémens de na- pied ; et pour l'artillerie à cheval de 4
ture diverse. En général toute armée se pièces par 1,000 cavaliers. Indépendam
divise en corps d'armée, en divisions, bri- ment de l'armement des troupes , il y a
gades et régimens. L'unité de force dans un parc de réserve qui contient des
l'infanterie est le bataillon , dans la cava- bouches à feu et les affûts de toutes cel- .
lerie l'escadron ; dans l'artillerie, c'est la les qui sont réparties dans les divisions ;
batterie ou la compagnie. Deux , trois et lorsque l'armée doit entreprendre le
ou quatre bataillons forment un régi- siége d'une ou plusieurs places du théâ
ment , deux régimens une brigade , deux tre de la guerre , il y a encore un parc
ou trois brigades une division. A cha- de siége.
que brigade ou à chaque division des Dans un parc de siége qui contient
troupes de ligne est attaché un certain au moins 60 bouches à feu, on croit
ARM ( 288 ) ARM
que la proportion suivante est nécessaire; prend le nom , tantôt du pays où elle
de pièces de 24 , i de pièces de 12 ; opère, des frontières où elle se rassem
14 de mortiers de 10 pouces; i d'obu- | ble , de la principale rivière qui arrose
siers de 8 pouces , ia de pierriers. L'ap- le théâtre de la guerre ; tantôt elle prend
provisionnement doit être de 1,000 à | le nom de son chef, ou bien encore celui
>

1,200 coups par pièce. Dans la campagne du rang numérique qu'on lui assigne :
de Russie l’armée d'invasion quoique par exemple, on a dit l'armée d'Espagne,
forte de 400,000 hommes n'avait qu'un l'armée du Nord , l'armée du Rhin , l'ar
seul parc de siége. Quant aux équipages mée du prince de Condé ; la première
de ponts, on se pourvoit généralement armée , la grande armée , etc. Une grande
de deux fois autant de bateaux qu'il est puissance peut mettre plusieurs armées
nécessaire pour établir un pont sur le sur le pied de guerre. Frédéric - le -Grand
plus grand fleuve du théâtre de la guerre. avait quatre armées qui agissaient sur
On attache une compagnie de troupes différens points; la république française
du génie à chaque division , une compa- en a eu jusqu'à quatorze , en 1793 et
gnie à chaque quartier -général de corps | 1794.
d'armée , un certain nombre de compa- L'armée qui se compose des troupes
gnies à un parc de siége. Dans la der- de plusieurs nations prend le nom d'ar
nière guerre de Pologne , dans un pays mée combinée, comme celle que Napo
où les routes en général sont très mau- léon conduisit en Russie en 1812. L'ar
vaises, une division de 6 à 8,000 hommes mée des alliés qui envahit la France en
n'avait qu'un peloton de 30 pionniers 1814 et 1815 était aussi une armée com
qui le précédait et qui suffisait à son ser- binée.
vice. On nomme armée de réserve celle
Chaque armée à un état-major qui qui doit renforcer une armée qui est
comprend toutes les sommités militaires déjà sur le théâtre de la guerre; souvent
et qui est dirigé par le chef de l'état- elle est composée de recrues, de milices,
major ; cet officier reçoit les ordres du ou de troupes des dépôts; mais on ap
général en chef et les transmet aux gé- pelle encore armée de réserve, une armée
néraux d'armée , de corps d'armée et de qui est composée de gardes et de troupes
division , ainsi qu'aux fonctionnaires mi- d’élite. En Russie l'armée de réserve
litaires qui doivent concourir à leur exé- d'aujourd'hui se compose des gardes im
cution. L'état-major se divise en plu- périales et du corps des grenadiers.
sieurs branches , mais les principaux Une armée d'observation est celle qui
membres sont au nombre de quatre : le protége le siége d'une place ; on donne
chef d'état-major,le commandant de l'ar- aussi quelquefois ce nom à des troupes
tillerie, le commandant du génie et l'in- réunies sur des frontières ,lorsqu'elles se
tendant-général. En Russie et en Prusse bornent à observer l'ennemi. On nomme
il y a encore le quartier -maître quis'oc- armée de secours celle qui est destinée
cupe spécialement des opérations mili- à faire entrer des renforts ou des vivres
taires et de l'emplacement des troupes dans une place assiégée , ou à faire lever
Les élémens constitutifs des armées le siége à l'ennemi. Une armée navale
permanentes sont disposés en temps de est la réunion des vaisseaux armés d'un
paix dans des garnisons ou villes de l'in- état. Voy. MARINE , FLOTTE , ESCADRE.
térieur pour la facilité des subsistances , cel K. et J. T - I
et elles ne se réunissent qu'au moment ARMEMENT . L'armement consiste
d'une déclaration de guerre. En Russie , dans les préparatifs de guerre , c'est-à
malgré que les troupes soient dispersées dire dans la réunion des troupes, des ma
sur une vaste étendue du pays , elles ériaux et des subsistances , sur les points
conservent l'organisation et la dénomi- qui doivent servir de base d'opération ;
nation d’armées ; mais il faut bien se gar- l'armement dépend donc entièrement
der de croire qu'elles soient sur-le-champ des plans primitifs tracés dans les cabi
disponibles et prêtes à marcher. nets, de la nature de la guerre, de la si
Une armée, à son entrée en campagne, | tuation et des ressources du pays.
ARM ( 289 ) ARM
Il n'y a pas de peuple , quel que soit pourvoir de bouches à feu, de munitions
son état militaire, qui n'ait besoin d'un et de tous les objets nécessaires pour la
certain temps pour être disposé convena- défense, suivant le rôle que ces places
blementà entrer en campagne. De toutes doivent jouer.
les grandes puissances européennes , la On procède à l'armement de batteries
France est celle qui , par les ressources et d'autres ouvrages de campagne lors
de son sol , ses communications intérieu- que , leur relief étant terminé , il faut y
res , l'organisation de ses troupes et ses
> placer l'infanterie et l'artillerie.
nombreux établissemens , est en état de On nomme encore armement tout ce
réunir le plus promptement des grandes qui compose les armes offensives ou dé
masses et de les mettre en action. La fensives prises collectivement pour un
Russie, malgré ses armées nombreuses et homme d'infanterie , de cavalerie , d'ar
toujours sur le pied de guerre , a besoin tillerie ou du génie. Voy. ARMES.
de plus de temps que toute autre puis- Enfin lemotarmement s'emploie dans
sance pour pouvoir faire la guerre , tant la marine : ariner un bâtiment , un vais
à cause de l'étendue immense de son ter- seau ou une escadre, c'est les mettre en
>

ritoire que de la pauvreté de son sol. On état de prendre la mer , c'est-à-dire y


sait combien il lui en a coûté dans les der- embarquer les hommes et le gréement
nières guerres de Turquie et de Pologne nécessaires. Voy. Vaisseau , FLOTTE,
pour n'avoir pas réuni à teinps des mas- GRÉEMENT et ARMATEUR. J. T - 1.
ses suffisantes. Dans cette dernière sur- ARMÉNIE. On verra , dans l'article
tout , quoique divers corps fussent déjà suivant, dû à un savant célèbre, qu'il est
en mouvement du côté de la Pologne , difficile d'indiquer avec exactitude les
elle n'a pu concentrer avant deux mois limites d'un pays dont le nom , à diffé
plus de 120,000 hommes sur ses fron-. rentes époques, à compris, un territoire
tières de l'ouest, les plus proches du cen- tantôt plus , tantôt moins étendu. Ce
tre de ses forces et de sa puissance ; tan nom , long-temps effacé de la géogra
dis que la Prusse, en un mois , pourrait phie , n'y a reparu que tout récemment,
>

en réunir 150,000 sur le point le plus comme celui d'une nouvelle province
éloigné de ses frontières . russe. Auparavant, l'Arménie tout en
La contenance des différens états, im- tière, à l'exception seulement du Gand
médiatement après la révolution de juil- jab , était partagée par portions inégales
let , peut servir à faire comprendre les entre les Turcs et les Persans, et for
différentes sortes d'armemens . L'Autri- mait les pachaliks d’Akhaltsikhé, d'Arze
che et la Prusse , pour être prêtes à lout Roum (Erzeroum ), deKars et de Vân ,
>

événement, firent quelques dispositions, et la province persane d'Érivån. La paix


réunissant chacune des troupes sur la d’Andrinople (voy.) livra à l'empire de
frontière la plus rapprochée de la France. Russie une partie des pachaliks turcs ,
On peutdire de leur armement qu'il était ainsi que le traité conclu , en 1827, avec
partiel. La France , menacée sur tous les la Perse y avait ajouté toute la province
points, et n'ayant alors presque pas d'ar- d'Érivân ,laquelle futérigée en province
mée , fut obligée d'en créer une et de russe par oukase impérial du 21 mars
garnir presque toutes ses frontières; c'est 1828. C'est alors qu'on vit reparaitre,
le cas de dire que c'était pour elle un après des siècles écoulés , le nom d'Ar
>

armement général.La Pologne, attaquée ménie.


d'un côté par les forces supérieures des Cette province russe est bornée au
Russes , de l'autre n'ayant que des voi- S. par les états othomans et par l’Ad
sins suspects, point d'alliés, un pays ou- zerbaidjan, dont elle est séparée en grande
vert et seulement 4 millions d'habitans, partie par le cours de l'Araxe ( voy. ce
élait obligée d'appeler tous les hommes mot). Au N. elle a pour confins la Géor
à la défense du pays et d'user de tous gie et le Gandjah , région dont elle est
ses moyens ; il lụi a fallu un armement séparée par une chaîne de hautes monta
total. gnes. A l'O. elle touche aux pachaliks
L'armement des places consiste à les turcs d'Akhaltsikhe et de Kars ; et à l'E .
Encyclop. d . G. d . M. Tome II. 19
ARM ( 290 ) ARM
aux états persans. Elle s'étend du 61 au rosées parle Zanga et par le lac de Gok
64° de longit. or., etdu 39€ au 41 ° degré tcha. M. Schopen a donné, dans la Ga
>

de lat. nord. Un immense lac, entouré de zette de l'iflis, année 1831 , n° 1 et suiv.,
hautes montagnes, est au centre de cette la première notice statistique sur la pro
province , et porte le nom de Goktcha . vince d'Érivân , et,nous y avons puisé
>

L'Araxe , dont les sources sont près de quelques -unes de ces données encore in
Kolli, dans le pachalik d’Erzeroum , le complètes.
> J. H. S.
traverse pour se réunir au Kour , dans la ARMÉNIENS . Ce peuple ancien ,
province de Chyrvan . Un petit fleuve, le qui se donne à lui-même le nom de Haï
Zanga , établit une communication entre gan , appartient à la grande souche des
le lac Góktcha et l’Araxe; plusieursautres nations indo - germaniques , qui s'étend
rivières, et notamment le grand et le pe- depuis les bords du Gange jusqu'en Is -
tit Arpatchai, arrosent la province. Son | lande. Le nom de l'Arménie , si long
sol très montagneux , est néanmoins fa- temps effacé de la géographie , désignait
>

vorable à l'agriculture et produit du riz , autrefois un pays dont l'étendue n'était


du blé , du chanvre , du lin , du tabac , du pas la même à différentes époques. L'Ar
coton , etc.; mais la principale industrie ménie, dans la plus vaste acception de ce
des habitans est l'éducation des bestiaux .nom , comprenait tout le territoire situé
Ils ont au reste quelques tanneries , des de l'ouest à l'est, entre le Halys supérieur
fonderies de suif et quelques filatures de et la réunion de l'Araxe avec le Kour,
soie et de coton; la population dont le nom- et du sud au nord , entre le mont Tau
bre n'est pas connu, se divise en nomades rus , Bir sur l’Euphrate , Nisibis , le Ti
2

et en habitans à résidence fixe; ce sont gre supérieur , le lac d'Ourmiah et le


des Turcs Seldjoucides, des Arméniens, fleuve Tchorokh , le Kour supérieur ,
des Persans, des Curdes, des Kasaks, des les montagnes de Pambak’hi et le kha
Bohémiens ; ils sont ou chrétiens ou nat actuel de Chak’hi . Elle se divisait en
mahométans , ces derniers sounnites ou grande et petite. La Grande- Arménie se
chiites. On ne compte encore que huit composait des pays situés à l'est de l'Eu
individuspar chaque verste carrée. Érivân phrate ; la Petite- Arménie de ceux qui
au N.-O. et Nakhitchevân au S.-E. sout étaient à l'ouest de ce fleuve. Cette der
les principales divisions de cette province; nière comprenait les contrées de Sébaste,
elles tirent leur nom des deux principales de Mélitin , de Tokat et de Césarée. La
villes , et chacune comprend un certain Ćilicie, avec sa capitale Sis , n'a fait par
9

nombre de makhalehs ou districts. La tie de l'Arménie que fort tard .


ville d'Érivân , chef- lieu de l'Arménie La nation arménienne , habitant un
russe , sur le Zanga, compte 2,731 mai- pays hérissé de hautes montagnes , con
sons et environ 14,000 habitans; elle est serva long -temps son caractère propre
défendue par une espèce de fort en ar- et une espèce d'indépendance. Malgré les
gile , entremêlé depaille. Etchmiadzine , invasions des peuples voisins , les Armé
monastère célèbre à peu de distance de niens continuèrent d'être gouvernés par
l’Ararath, avec plusieurs églises entourées des rois indigènes. Ils eurent de bonne
de murailles en pierre , est la résidence heure leur écriture propre , et acquirent
révérée du patriarche ou katholikos ar- toute l'instruction qui résulte de ce moyen
ménien; ce couvent, but de nombreux pé- de communication. LesArméniens lurent
lerinages , renfermait autrefois de pré- et traduisirent des livres grecs, chaldéens
cieux manuscrits . et persans ; ils firent de leur langue le
Sur la frontière de cette province et dépôt d'une partie de l'ancienne histoire
du pachalik turc de Baïazid s'étend la de l'Asie occidentale. A la suite de la con
chaine de l'Ararath (voy.), dont les ra- version de cette nation au christianisme,
mifications couvrent la partie méridio- ses traditions antiques furent dénaturées;
nale de la province d'Érivân: Cette con- car , ainsi que les Géorgiens , elle les a
trée offre beaucoup de sel. Le climat de rattachées au récit de la Genèse.
l'Arménie est généralement favorable, et Les commencemens de son histoire ,
un terrain fertile couvre les plaines ar- comme ceux de presque tous les autres
ARM ( 291 ) ARM
pays , sont très obscurs et fabuleux; ce fable , elle est 'au moins fort ancienne,
qu'on y voit de plus certain , c'est que puisqu'elle se trouve dans Moise de Cho
les Arméniens devinrent de bonne heure rène. Il ne serait pas au reste fort éton
les vassaux des monarques assyriens et nant que les Pagratidęs eussent été d'o
persans. Au rapport des écrivains indi- rigine juive : les Israélites, emmenés en
gènes , Haïgfut le premier chef ou prince captivité par les Babyloniens , étaient ,
qui gouverna leur pays. Il était fils de long-temps avant l'ère chrétienne , dis
Taglath qui , selon eux, est le même persés dans les diverses contrées de l'O
e
que le patriarche Thogorma, petit-fils rient , et il y en avait, au ivº siècle et an
de Japhet. Vingt-deux siècles environ térieurement , un grand nombre en Ar
avant notre ère , il quitta Babylone, sa ménie. Les princes de la famille des Pa
patrie , et vint se fixer avec toute sa fa- gratides ont toujours occupéun rang très
mille dans les montagnes de l'Arménie distingué parmi les satrapes arméniens ,
méridionale, pour fuir la tyrannie de jusqu'à ce qu'enfin ,au milieu du ix siècle,
Bélus , roi d'Assyrie. Celui-ci vint l'attá- ces princes parvinrent àse faire déclarer
quer dans son nouveau pays , mais il fut rois d'Arménie etde Géorgie (v. plus bas).
battu et périt de la main de Haig. Aram , Dikran ou Tigrane 1'" , qui régnait en
le sixième successeur de Haïg, régna ávec 565 avant J.-C., rétablit l'Arménie dans
tant de gloire que le pays appelé jusque son ancienne puissance. Il aida Cyrus
là Haiganien prit de lui le nom d'Ar- dans sa guerre contre Astyage, roi de
inénie. Aram vainquit les Mèdes , s'em- Médie , qui fut vaincu. C'est ce Tigrane
para de l'Assyrie septentrionale, et poussa qui fit bâtir la ville de Tigranocerta , si
ses conquêtes jusqu'en Cappadoce , où il tuée au bords du Tigre, et portant au
fonda la ville de Majak’h ou Mazaca , jourd'hui le nom d'Amid. Son fils qui lui
qui depuis a été nommée Césarée. Il fit succéda était Vahakn, l'Hercule de l'Ar
alliance avec Ninus, roi de l'Assyrie, qui ménie , célébré par les poètes de ce pays,
lui accorda le premier rạng en Asie. Son et qui après sa mort fut mis au rang des
fils Ara périt en défendant l'indépen- dieux. Le dernier roi de la dynastie de
dance de son pays contre Sémiramis. Hais , fut Vahé; il périt l'aņ 328 , en
Cette reine, d'abord éprise de la beauté
combattant les généraux d'Alexandre-le
d’Ara , lui offrit sa main; irritée de son
Grand. Après la mort du roi de Macé
refus, elle chercha à s'emparer de son doine , l'Arménie devint le partage d'un
royaume. La défaite et la mort d’Ara li- persan nommé Mithrinès , qui en avait
vrèrent à Sémiramis toute l'Arménie, qui été nommé gouverneur par le conquérant
alors devintune province assyrienne,mais macédonien et qui continua après sa
en conservant ses rois indigènes. Cet état mort de la régir au nom de ses prétendus
de choses dura jusqu'à Baroir , trente- successeurs. Les Arméniens , profitant
sixième successeur de Haig ; Barçîr se bientôt des démêlés sanglans des géné
joignit aux satrapes révoltés contre Sar- raux qui se disputèrent le partage del'em
danapale qui le détrònèrent et détruisi- pire d'Alexandre , secouèrent le joug
>

rent son empire. Alors chacun d'eux prit des étrangers et se donnèrent pour chef
dans son gouvernement le titre de roi un certain Ardoates qui, tout en affec
et transmit en toute souveraineté ses états tant, une grande soumission pour les
à ses descendans. Les historiens placent princes Séleucides, n'en gouverna pas
sous le règne du fils de Baroir 2, ou dans
е
moins son pays avec un pouvoir absolų.
le viie siècle avant notre ère , l'époque
Après sa mort , ses états échurent aux
de l'établissement en Arménie de la rois de Syrie , qui les firent gouverner
puissante famille des Pagratides ;ils pré-
par des envoyés ; mais bientôt Artaxias ,
tendent qu'elle descend d’un Juif em- l'un d'eux , arménien de naissancé, se
mené captif à Babylone par le roi Nabu- révolta contre Antiochus-le-Grand au
chodonosor. Ce Juif obtint sa liberté par moment où ce roi venait d'être vaincu
les bons offices du roi d'Arménie , qui par les Romains. Depuis ce temps les
l'appela à sa cour et lui donna un rang rois séleucides ne purent rétablir leur
distingué. Si cette origine n'est qu'une puissance dans ce pays. Artaxias trans
ARM ( 292 ) ARM
mit la couronne à ses descendans qui , à temps, l'Arménie ne put jamais se rele
ce qu'il paraît , ne la conservèrent pas ver. Les successeurs de Tigrane , jouets
long -temps, puisqu'on voit bientôt après de la politique romaine ou de celle des
les Arsacides faire la conquête de l'Ar- princes parthes , virent dans tous les
>

ménie et y établir leur race. temps leur empire ravagé par ces deux
Cet événement eut lieu l'an 149 avant puissances , trop heureux de conserver,
J.- C , Mithridate Ier , roi arsacide des sous la protection de l'une des deux , leur
>

Parthes , vainquit les rois de Syrie et ré- tròne avili. La plupart des vallées ou can
pandit la terreur de ses armes dans pres- tons de leur pays montagneux étaient
que toute l'Asie. Il entra dans l'Arménie, possédés par de nombreux vassaux , SOU
déchirée par des troubles , et y établit vent aussi puissans que leurs maîtres et
son frère Vagharchag , roi de ce pays et peu disposés à leur obéir. Après la mort
de l’Atropatène ou Adzarbaïtchan. Avec d'Abgar, arrivée Pan 32 avant J.-C. ,
lui commencela seconde dynastie des rois le royaume fut partagé en deux portions
en

de Nisibe, en Mésopotamie , futla capi- gouverna à Édesse , la capitale d'alors,


tale du nouveau royaume. Vagharchag et de Sanadroug , fils de sa sœur. Ce der
fit des conquêtes dans l'Asie-Mineure , nier, qui avait reçu l'Arménie , chercha
dans le pays des Lazes , ét étendit sa do à détruire la race d’Abgar et à réunir
mination sur les peuples montagnards tout le territoire sous une seule domina
du Caucase. A son retour de ces expédi- tion . Il réussit dans cette entreprise et
tions lointaines il donna des lois et de régna avec gloire à Nisibe , ville qu'il
sages institutionsà son peuple. Tigrane II, avait fait reconstruire. La mort de Sana
son arrière -petit-fils, parvint au trône droug fut suivie de grands troubles dans
l'an 89 avant notre ère ; doué de quelques lesquels tous ses enfans, furent massa
talens et d'un grand courage, il voulut crés , à l'exception d'un seul nomméAr
soumettre tous les peuples de l'Asie à son dachès , qui fut sauvé par sa nourrice et
empire. Non satisfait d'avoir réuni à ses porté à la cour de Sempad , chef de la
états la Syrie et plusieurs provinces de race des Pagratides. Parvenu à l'âge vi
l'Asie - Mineure, il attaqua la branche ril, Ardaches pensait à venir reconquérir
aînée des Arsacides ( voy.) qui régnait le royaume de son père. Il obtint , en ef
en Perse. Son audace fut couronnée du fet, des rois des Parthes et des princes
plus heureux succès : la Mésopotamie, de sa nation , une armée avec laquelle il
>

l'Adiabène et l'Atropatène conquises lui exécuta ses desseins. Il vainquit les Alains
valurent le titre de Roi des rois que les qui habitaient au nord du Caucase et les
princes parthes lui reconnurent. Ilneba- contraignit à repasser le Kour. Quoi
lança pas à embrasser la cause de Mi- que en général son règne ne fut pas tran
thridate , roi du Pont , qui , vaincu par quille , il fit pourtant beaucoup pour le
les Romains , était venu chercher un bien du pays : il établit des écoles ,> dans
asile dans ses états et implorer son ap- lesquelles on se servit de l'écriture per
pui. Vainement il déploya tout son cou- sane et de l'assyrienne; car alors les Armé
rage pour soutenir ce prince malheu- niens n'avaient pas encore un alphabet
reux; l'orgueilleux Tigrane fut défạit, con- adapté à leur langue.
traint d'abandonner presque toutes ses Après deux siècles de troubles l'Ar
conquêtes etderenoncer au fastueux titre ménie fut conquise , en 232 , par Arde
de Roi des rois. Son fils Artavasde lui chir , premier roi de Perse de la dynastie
succéda, et périt, l’an 34 avant J.-C. , par des Sassanides (voy .), sous la domination
la perfidie de Marc-Antoine qui s'em- de laquelle les Arméniens restèrent pen
para par trahison de sa personne , l'em- dant 28 ans; à cette occasion toute la race
mena captif à Alexandrie, et livra sa tête des rois Arsacides de l'Arménie périt , à
à Cléopâtre. Son royaume fut donné à l'exception de Dertad ou Tiridate, fils de
Alexandre , fils de cette reine et d’An- Khosrov ; ce prince se réfugia à Rome
toine ; mais les Arméniens ne tardèrent et obtinnt de l'empereur une armée con
pas à chasser cet étranger. Depuis ce |sidérable , avec laquelle il attaqua les
ARM ( 293 ) ARM
Persans et rentra en Arménie , l'an 286. ménie une province de l'empire des Sas
Ce fut sous le règne de Tiridate , à qui sanides. Ainsi finit pour toujours la dy
les historiens arméniens donnent l'épi- nastie des Arsacides :les Persans mirent
:

thète de Medz , ou le Grand, que la fa- tout en cuvre pour détruire le christia
mille des Mamigonéans , qui joua depuis nisme en Arménie et pour incorporer
un rôle si important dans l'histoire de ce pays'au leur. Des guerres sanglantes
l'Arménie , se réfugia dans ce pays et des persécutions se succédèrent; beau
>
et s'attacha à la fortune du roi : elle ' ve- coup d’Arméniens tombèrent dans les
nait de la Chine , nommée en arménien combats ou sous la hache du bourreau
Djenasdan. Après avoir rétabli l'ordre et moururent comme martyrs de la foi,
dans ses états , Tiridate épousa Achken, mais beaucoup aussi apostasièrent. Ce
fille du roi des Alains , à laquelle il pendant la monarchie des Sassanides
donna le titre d'Arsacienne et de reine , s'étant écroulée en 632 , les Arméniens
termes qui exprimaient les plus grands espérèrent trouver chez les Grecs la
honneurs auxquels une femme pût être protection nécessaire contre la puissance
élevée. Peu de temps après , en 301 , toujours croissante des Arabes; mais pen
disent les historiens arméniens , Tiridate dant cette guerre entre les Mahometans
et plusieurs des chefs arméniens furent et les Grecs , le malheureux pays fut en
atteints par la colère de Dieu , parce core une fois presque entièrement dé
qu'ils avaient persécuté les saints per- vasté. A un repos passager succédèrent
sonnages venus dans le pays pour le con- de nouveaux orages ; en 855 , Bougha ,
vertir à la religion chrétienne. La seur surnommé le Grand , esclave turc du
du roi ayant été instruite par une révé- khalife Motavakkel, entra, àà la tête d'une
lation divine , conseilla alors de remettre armée arabe, en Arménie, dévasta ce pays
en liberté saint Grégoire , qui gémissait et conduisit ses principaux chefs à Bag
dans une prison profonde. Ce saint dad , où ils furent forcés d'adopter la foi
homme convertit Tiridate ; et la plus de Mahomet , à l'exception du Pagratide
grande partie des princes et du peuple Sempad , qui y souffrit le martyre.
ayant suivi l'exemple du roi , il appela Achod Ier , fils de Sempad , qui était
dans ses états des prêtres grecs et sy- resté en Arménie , ayant appris la mort
riens , qui fondèrent des évêchés, des glorieuse de son père , se mit en posses
>

couvens et des églises , et répandirent la sion de ses états , et se conduisit avec


religion chrétienne dans toutes les pro- tant de sagesse et de prudence qu'il
vinces de l'Arménie . Il fallut cependant parvint à se concilier également la con
livrer de sanglans combats pour l'établir fiance des autres princes arméniens et
dans tout le royaume . Cette circonstanee l'amitié du khâlife , qui lui accorda le
resserra l'alliance qui subsistait déjà en- titre de chahinchah , roi des rois , et le
tre l'Arménie et l'empire grec ; mais elle fit couronner roi d'Arménie , en 885 , à
fournit aussi aux rois de Perse plus d'un Ani . Achod fut également reconnu par
prétexte pour franchir les limites du pre - lesGrecs , et devint fondateur de la troi
mier de ces deux pays , où ils étaient ap- sième dynastie , qui est celle des Pagra
pelés - par les princes qui n'avaient pas tides. Mais les grands du pays et même
voulu abandonner l'ancienne croyance de les plus proches parens des rois , ses
leurs ancêtres.L'Arménierestalong-temps successeurs , se joignirent aux chefs ara
le théâtre de troubles et de malheurs de bes du voisinage et fomentèrentdes trou
toute espèce. Enfin Théodose -le -Grand bles dansleur patrie. Enfin , sous Apas ,
partagea , en 387 , l'Arménie avec les Achod III et Sempad II , c'est -à - dire
Perses; et, quoiqu'elle fût de rechef réu- depuis 928 jusqu'en 989 , l'Arménie
nie sous Khosrov III , elle ne put se re- jouissait d'un heureux repos , et Ani ,
mettre et succomba aux troubles inté- sa capitale , devint florissante et célèbre
rieurs et à l'influence toujours croissante par le luxe et par les richesses , lorsque
des Persans; de sorte que Bahram V , la famille royale se divisa en plusieurs
roi de Perse, déposa en 428 le dernier branches ,qui bientôt se brouillèrent en
roi , Ardachès IV, et fit du royaume d’Ar- tre elles. En même lemps les Turcs Seld .
ARM ( 294 ) ARM
joucides et les Grecs mirent tout en quvre de sorte qu'il succoinba enfin aux atta
pour se rendre maitres de l'Arménie.Fina- ques des sulthans de l’Egypte. Le dernier
lement les Grecs s'en emparèrent , après roi , Léon VI , de la maison de Lusignan,
avoir fait périr , en 1079 , le dernier roi fut fait prisonnier 'en 1375, et mourut
pagratide, et la réunirent à leur empire. à Paris en 1391. Avec lui disparut la
Depuis cette époque plusieurs princi- dernière trace d'indépendance dont les
pautés turquesse formereni dans le nord Arméniens avaient encore joui..
de l'empire arménien , comme celles de Ce peuple n'eut donc plus de patrie; son
Kars et de Gandjah ; les Kurdes s'éta- pays natal fut de bonne heure occupé
blirent dans ses cantons méridionaux. par des dominateurs étrangers qui l'op
La famille des Orpéliaux , originaire de primaient et y traitèrent les indigènes
la Chine , avait aussi despossessions con- en esclaves , avec une barbarie révol
sidérables dans le voisinage de Lorhi , en tante . Ils les pillèrent impitoyablement
Géorgie, et au nord-est de Nakhitchévan, et les firent souvent mourir quand ils
en Arménie;mais toutes ces principautés refusèrent de renoncer à la foi chré
indépendantes disparurent au milieu dụ tienne. Il n'est donc pasétonnant que les
e
XI1 siècle, quand les Mongols s'empa- Arméniens aient préféré de s'expatrier
rèrent de l'Arménie et des pays voisins. que de subir les maux dont ils étaient
Les princes arméniens se soumirent à accablés dans leur triste patrie. L'Ana
eux et devinrent leurs auxiliaires contre tolie comptait déjà sous les empereurs
les Musulmans ; ce qui n'empêcha pas grecs un grand nombre d'Arméniens ;
le pays d'être dévasté et ruiné par de en Égyple , ils avaient en 1075 un évê
cruelles exactions . Déjà, dans les ve et que ; ils ne vinrent à Constantinople
v1° siècles , beaucoup de familles armé- qu'en 1453 , avec le conquérant othoman
niennes , pour se soustraire aux persé- qui y conduisit plusieurs de leurs fa
çutions des Persans, s'étaient réfugiées milles et leur donna un patriarche. Cette
dans l'Asie-Mineure , sur le territoire mesure y fit venir un grand nombre d'au
grec ; leur nombre augmenta considéra- tres familles, de sorte que Constantinople
blement dans la suite. Plusieurs petites | devint une des priņcipales résidences des
principautés se formèrent dans lesmon- Arméniens , qui se répandirent d'autant
tagnes de la Cappadoce et de la Cilicie . plus en Anatolie que les Grecs ne pou
Après l'assassinat du dernier roi d'Ar- vaient plus les opprimer pour leurs
iménie de la race des Pagratides , par les
> dogmes religieux. Dans la suite le com
Grecs, un de ses parens , nommé Rhou- merce les conduisit jusqu'à Lemberg , en >

pen , se retira dans les montagnes au nord Gallicie , et jusqu'à Kamenetz , où déjà ,
de la Cilicie, s'yattacha leshabitans armé- en 1331 , étaient arrivés des fuyards
nieps, et chassa les Grecs de tous les lieux d'Ani. Mais les troubles de la Pologne et
où ilpuțlęs atteindre.Ses successeurs éten- les persécutions religieuses qu'ils avaient
dirent leurs possessions au point que tou- à souffrir de la part des jésuites les chas
te la Cilicjeleur fut soumise. Ils firent des sèrent encore de là , et ils se retirèrent
alliances avec les croisés , et , s'appuyant à Grigoripol , en Russie . Après la des
sur eux pour agrandir leurs états, ils truction d’Ani , qui eut lieu en 1319 ,
devinrent și puissans que Léon ļI obtint beaucoup d’Arméniens cherchèrent un
le titre de roi, de l'empereur allemand asile en Crimée et à Astrakhan , où
Henri VI , qui le fit couronner ,en 1198, beaucoup de leurs compatriotes de la
à Sis , par l'archevêque Conrad , de Turquie et de la Perse vinrent les re
Mayence. Le royaumedes Rhoupéniens joindre. Pierre - le - Grand et l'impé
fut pendant assez long -temps florissant; ratrice Cathe rine II les protégèrent
ses princes surent se concilier l'amitié accordèrent des droits par
et leur
des Mongols en Perse , résistèrent au-- ticuliers . C'est ainsi que la Nouvelle
tant qu'ils purent aux Mameluks d’É- Nakhitchévieanarmé
, à l'emb ouchure du Don ,
sypte ; mais peu à peu leur pays fut et la colon nienne arde Kyzli pri
divisé par des troubles intérieurs que rent leur origine . De là de nombreux
l'influence des papes augmenta encore , Arméniens allèrent à Moscou et à St
ARM ARM
( 295 )
Pétersbourg , où ils se sont réunis dans ordinairement opprimés , mais non sans
ces derniers temps en communautés exercer une influence marquée sur les
ayant leurs églises et leur clergé. Quand peuples qui les dominent.
la puissance des Othomans avança Nous savons fort peu de chose de la
vers l'est , elle s'empara , en 1583 , de
9 religion des anciens Arméniens ; elle
l'Arménie , ettyy opprima les habitans était sans doute la même que celle des
d'une manière si cruelle qu'un grand Parthes, c'est -à-dire un mélange des opi
nombre de ces derniers s'expatria et nions de Zoroastre , fort altérées , avec le
chercha un refuge en Perse ou le châh culte des divinités grecques et avec d'au
Abbas les établit à Ispahan. En 1604, tres superstitions apportées de l'Asie
ce monarque marcha en personne con- moyenne par leurs aieux. On voyait dans
tre les Turcs et leur prit la ville d'Éri- leurs temples un grand nombre de sta
van. Il résolut alors de transporter tous tues de divinités auxquelles on offrait
les Arméniens en Perse et de les établir des sacrifices d'animaux, ce qui ne se
dans le voisinage d'Ispahan, pour que les pratiquait point dans la religion de Zo
Othomans n'eussent plus le moyen de se roastre qui , à proprement parler , n'ad
soutenir dans un pays entièrement dévas- mettait pas d'autre divinité que le temps
té. Cette mesure fut exécutée , en 1605 ,
2 sans borne, appelé Zervan , nom qui fut
avec la plus insigne barbarie , de sorte souvent traduit , chez les Grecs , par Sa
que des milliers d'Arméniens perdirent turne. Les dieux que les Arméniens ' re
non -seulement tout ce qu'ils possédaient, gardaientcommeles plus puissans étaient
mais encore la vie , dans les montagnes Aramazt , le même que l’Ormouzd des
où on les cherchait de vive force, et pen- Persans et le Jupiter des Grecs ; la déesse
dant le trajet de l'Araxe , et sur la Anahid ou Vénus, et Mihir ou Mithra ;
route d'Ispahan. Le nombre de ces émi- ils adoraient encore Sbantarad , Vahakn ,
grans forcés montait à 12,000 familles, Parcham , Nané , et beaucoup d'autres
sans compter 10,000 autres qu'on avait dieux qui nous sont fort peu connus.
recueillies à Tavriz , à Érivan età Gan- Nous avons vu que la religion chré
djah , et qui bientôt moururent dans des tienne fut introduite en Arménie dans
lieux malsains. Les 12,000 familles fu- les premières années du ive siècle. Le
rent envoyées à Ispahan, où ils établirent schisme qui sépare à présent l'église ar
le faubourg appelé le Nouveau -Djoulfa, ménienne de la catholique romaine prit
ainsi que plusieurs villages. Le châh Ab- naissance après le concile général de
bas eut soin de ces exilés ; mais sous Chalcédoine , tenu en 451. Une partie
les règnes suivans ils essuyèrent tant de la nation se déclara , contre la déci
d'oppressions que plusieurs familles se sion de ce concile , en faveur du dogme
retirèrent dans l'Inde et dans d'autres des deux natures en Jésus-Christ ; et, mal
pays . gré les efforts des évêques qui étaient
Dans ces derniers temps une partie présens à cette assemblée , il fut im
considérable de l'ancienne Arménie, qui possible d'effectuer un accommodement
appartenait aux Persans , a été cédée par entre les deux partis ; en conséquence de
eux à la Russie. La plupart des Armé- ce dissentiment et des événemens des siè
niens qui habitaient à Tavriz et dans le cles suivans , ce schisme s'est perpétué
voisinage de cette ville , ainsi que ceux jusqu'à nos jours( voy. l'article suivant ).
d'Erzerum , de Kars et de Bayazid, sur le Les vexations exercées par les empereurs
territoire turc , se sont transportés dans byzantins contre les schismatiques, dans
les provinces russes situées au-delà du les deux Arménies , les progrès rapides
Caucase. C'est ainsi que, de nos jours, les des Arabes en Égypte et en Mésopota
e

Arméniens vivent dans la Chine et depuis mie , au vin siècle , et d'autres circon
l'Inde jusqu'à Saint-Pétersbourg, depuis stances, amenèrent la catastrophe de 813 .
la mer Caspienne jusqu'aux bords de la Jean , patriarche d’Osni , s'arrogea alors
Méditerranée, dispersés, pour la plupart, le titre de chef spirituel de la nation ar
parmi les nations mahometanes ou païen- ménienne , alla trouver Motassem , fils
nes. Sans indépendance politique, ils sont du khalife Haroun al Raschid , qui ré
ARM ( 296 ) ARM
gnait alors sur l'Arménie et les pays voi- met à Etchmiadzin . Ces revenus servent
sins , avec le dessein de se faire déclarer à l'entretien du patriarche, des arche
indépendant de l'église romaine , et vêques et des évêques. Ceux des curés
poussa les choses au point de changer le ne consistent que dans les aumônes don
calendrier et de défendre aux Armé- nées pour la bénédiction de chaque mai
niens de célébrer les fêtes conformément son , qui a lieu deux fois par an . Dans
à l'ancien rituel . les provinces russes au-delà du Caucase,
Actuellement le nombre des Armé- chaque arménien est obligé de payer au
niens schismatiques est beaucoup plus curé, pour le baptême de son enfant, la
considérable que celui des catholiques. somme de 3 abaser , ou près de 2 fr. 50
Ceux qui se trouvent sous la domination centimes.
turque dépendent du patriarche de Con- Les Arméniens catholiques et les Ar
stantinople; ceux quisont établis en Rus- méniens grecs sont des ennemis impla
sie, en Perse et dansd'autres contrées asia- cables , quoique appartenant à la même
tiques reconnaissent la suprématie spiri- nation et parlant la même langue. Après
tuelle du patriarche d'Etchmiadzin . Ce la rupture définitive entre l'église armé
chef de l'église est assisté d'un conseil nienne et la romaine, provoquée par
d'archevêques et d'évêques; sa résidence Jean d'Osni, les Arméniens catholiques
ordinaire est dans ce couvent célèbre qui furent, pendant deux siècles , contraints
porte aussi le nom des Trois-Églises; il de cacher leur croyance, et ce ne fut que
est situé dans l'Arménie occidentale près lorsque les croisés inquiétèrent les Turcs
du mont Ararat. Ce patriarche s'intitule qu'ils purent se retirer en Cilicie , où
« Serviteur de Jésus-Christ , et , par sa ils formèrent le royaume dont nous avons e

grace, catholicos de tous les Arméniens, parlé. Depuis cette époque jusqu'au xiv
suprême patriarche de la sainte église siècle , une longue suite de rois et de pa
apostolique du Christ et du saint siége triarches régna dans ce pays. Quoique
d'Etchmiadzin , près de l'Ararat. » Son les Arméniens dissidens eussent ,> sur ces
élection se fait de deux manières : ou il entrefaites, proposé, à plusieurs reprises ,
est nommé par ' son prédécesseur , ou il un concile national , et que les actes de
est élu pasl'assemblée des archevêques et Jean d'Osni eussent été condamnés par
des évêques résidant à Etchmiadzin . Il le concile d’Adana , le schisme continua ,
choisit les archevêques et les évêques de et peut - être les croisades contribuèrent
tous les diocèses. De même que dans l'é- elles essentiellement à augmenter la dif
glise grecque , les dignitaires sont tou- ficulté d'une réunion générale des Armé
jours pris parmi les moines ; les évêques niens avec l'église romaine . Les progrès
nomment les curés qui , pour la plupart des Musulmans mirent fin au royaume
sont mariés. Le clergé arménien est de Cilicie , et le dernier patriarche des
peut-être le plus pauvre de la chrétien- Arméniens catholiques se réfugia dans
té ; il n'a pour vivre que les aumônes le Liban , où ses successeurs conserve
des hommes pieux. Voici de quoi se rent le titre de patriarche de la nation
composent ses revenus : 1 ° l'huile sainte arménienne , du consentement de la cour
pour la confirmation ne se distribue qu'à de Rome. Les Arméniens grecs étant plus
Etchmiadzin , tous les sept ans. A cette riches et plus puissans obtinrent aisé
époque , les Arméniens s'y rendent de ment des Turcs le libre exercice de leur
différentes contrées de l'Europe et de religion , sous un patriarche reconnu
l’Asie : quiconque reçoit de cette huile par la Porte , tandis que les Arméniens
paie une rétribution suivant ses facultés; catholiques , dispersés , sans chef recon
2 ° chaque fidèle fournit annuellement nu , eurent beaucoup de peine à conser
>

à son évêque trente-trois livres de fro- ver leur église et leur culte. Néanmoins
ment en nature dont la valeur est re- ils furent constamment tolérés en Géor
mise à Etchmiadzin ; 3 ° le montant des gie , dans le Diarbekir et dans une grande
aumônes reçues dans les églises >, à l'oc- partie dela Mésopotamie. Depuis la con
casion des mariages, est envoyé par les quête de Constantinople par les Otho
curés à l'évêque diocésain qui les trans-mans , ils ont souvent éprouvé des persé
ARM ( 297 ) ARM
cutions cruelles en Turquie. Il n'en est tre manière. Afin d'éluder ou d'adoucir
pas une seule qui n'ait été excitée , d'une les effets de la tyrannie de leurs souve
manière quelconque, par les patriarches rains musulmans, leur morale s'est sou
schisınatiques , ou grecs. En effet, ces vent accommodée aux exigences du despo
derniers , étant reconnus par le gouver- tisme, et il n'est pas rare de rencontrer
>

nement turc comme les seuls chefs reli- dans le Levant des chrétiens qui , tout
gieux de la nation arménienne, avaient , en se vantant de ce nom et y étant atta
aux yeux des Othomāns, le droit et même chés autant qu'à la vie , ont été fréquem
l'obligation de juger leurs compatriotes, ment les instrumens de la plus profonde
et , en cas de nécessité , de s'adresser au iniquité , suggérée et ordonnée par les
pouvoir exécutif qui ne rejetait jamais tyrans de cette belle partie du globe.
la proposition du patriarche. C'est un Sans opposer aucune résistance au des
principe invariable du gouvernement potisme , ils ne songent qu'à se tirer d’af
faire par la souplesse , les artifices , la
turc de ne pas se mêler des affaires in-
térieures des différentes communions ruse et la déception. Généralement sans
chrétiennes vivant sous sa domination ; désir de posséder des propriétés territo
il se contente de rendre leurs chefs res- riales , parce qu'elles -les exposeraient
ponsables de la bonne conduite des in- aux caprices journaliers de leurs oppres
dividus et de leur fidélité, comme sujets. seurs , ils ont embrassé la profession du
Les patriarches de Constantinople n'ont commerce , qui leur donne la possibilité
donc manqué aucune occasion qui se pré- de mieux cacher leur fortune, et , quand
sentait pour exciter des persécutions con- l'oppression devient insupportable , d'y
tre les Arméniens catholiques. Il suffit de échapper en transportant ailleurs leur fa
citer celle de 1767 , qui dura près de 7 mille et leurs richesses.
ans , celle de 1810 , celle de 1811 qui L'ignorance des Arméniens qui habi
eut lieu à Angora , et les vexations qui tent les provinces de Russie , de Turquie
contiņuèrent sans interruption , depuis et de Perse , en Asie , surpasse toute
1812 jusqu'en 1816 ; enfin la catastro- croyance. La superstition et le fanatisme
phe terrible que ces malheureux essuyè- religieux qui règnent si généralement
rent à Constantinople en 1828. Cepen- parmi la nation arménienne n'ont pas
dant les Arméniens catholiques avaient permis, même aux familles les plus re
alors un évêque dans cette capitale ; mais commandables et les plus riches , établies
ce prélat n'avait jamais aucun rapport à Moscou et à Saint-Pétersbourg , de se
avec la Porte, et danstoutes les occasions dépouiller des habitudes qu’une oppres
il était tenu de s'adresser au patriarche sion de tant de siècles a fait contracter
des dissidens, qui naturellement faisait à leur peuple. Quoique généralement
ce qui convenait le plus aux intérêts de enclins à la ruse et à la tromperie , peu
sa communauté. Dans les provinces rus- d'Arméniens sont en état de suivre un
ses , au sud du Caucase , le nombre des raisonnement logique ou un enchaine
Arméniens du rite latin est bien moindre ment d'idées : toutefois ces réflexions'ne
que celui des schismatiques. En Géorgie sauraient être appliquées au respectable
et dans l’Iméréthi, il n'y en a que 700 à clergé arménien de l'académie de Saint
800 familles. Ils n'ont des églises qu'à Ti- | Lazare, à Venise , qui a appris à profiter
flis, Gori et Kóutaïssi. avec succès des avantages de la civilisa
Les Arméniens , de même que tous tion européenne ; ni aux personnes de
les chrétiens de l'Orient , ayant été , de- cette nation qui ont joui des mêmes
puis l'introduction de l'islamisme , op- ressources dans l'Inde britannique.
primés par les Musulmans , cette oppres Il est présumable que peu à peu un
sion mêmeles aa attachés au nom de chré - grand nombre d'Arméniens de la Perse
tiens, puisque ce n'est que dans le sein et de la Turquie viendront s'établir en
de la religion qu'ils peuvent trouver des Russie . Ceux qui y sont déjà jouissent
consolations réelles à lenrs malheurs pu- des droits de citoyen ; ils y trouvent les
blics etparticuliers . Mais en même temps , moyens de s'enrichir par le commerce ;
cette oppression a agi sur eux d'une au- ils y peuvent faire usage de leurs riches
ARM ( 298 ) ARM

ses , sans courir le risque d'en être dé- | dinairement pour écrire leur langue , de
pouillés. l'alphabet des Persans , de même que des
La LANGUE ARMÉNIENNE est dure et caractères grecs et syriaques. Cependant
surchargée de consonnes; outre un grand un certain Abel avait déjà formé dans le
nombre de racines indo- germaniques , ive siècle, une écriture arménienne com
elle montre des rapports fréquens avec les posée de lettres grecques , mais elle était
idiomes finnois de la Sibérie et avec d'au- fort incomplète. Au commencement du
tres langues de l'Asie septentrionale. Sa siècle suivant , Mesrob , de concert avec
grammaire est très compliquée, et, comme le patriarche Sahag, résolut de donner à
>

les idiomes du nord de l'Europe, elle a sa nation un alphabet qui lui fût propre
un article qui se place à la fin des mots. et adapté à sa langue. Cette écriture fut
Cette langue n'a pas de genre et sa décli- mise en usage l'an 406 de J.-C. , et adop
naison se fait par flexion et en dix cas. tée dans toute l'Arménie par ordre du roi
L'arménien ancien ou littéral n'est plus Bahram Châhpour. C'est la même dont
parlé et ne se trouve que dans les livres les Arméniens se servent encore aujour
anciens. On peut le considérer comme d'hui. Elle a pour élémens plusieurs si
une langue éteinte. Sa grammaire et la gnes des anciennes écritures du pays ,
construction de ses phrases la rendent joints à d'autres qui furent inventés plus
si différente de l'arménien moderne, qui tard ; elle se compose de 38 lettres , dont
en est dérivé, qu'un Arménien ne la com- 30 consonnes et 8 voyelles ; on l’écrit de
prend pas à moins de l'avoir étudiée. Les gauche à droite. Les Arméniens ont
bons auteurs de tous les temps et de deux sortes de lettres : les majuscules et
toutes les contrées n'offrent aucune dif- les minuscules , qui different beaucoup
férence dans la langué écrite , qui n'a entre elles. Les premières furent les seu
par conséquent avcun dialecte , et qui les en usage jusqu'au xı° siècle environ,
est exempte de mélange de mots d'ori- époque à laquelle les autres s'introdui
gine étrangère; sa construction ressemble sirent. Dans l'origine l'alphabet n'avait
à celle du grec. L'arménien moderne ou que 36 lettres ; c'est postérieurement que
vulgaire , surchargé d'une foule de mots l'f et l’o y furent admis. Les Arméniens
turcs et persans, diffère surtout du litté de Constantinople et de la Crimée écri
ral par la grammaire et la construction vent la langue turque avec leurs carac
des phrases , qui sont totalement chan- tères ; en Géorgie , tantôt ils se servent de
gées , par de nouvelles acceptions et des leur alphabet pour écrire le géorgien , et
déviations de sens qui s'y sont introdui- tantôt ils emploient le géorgien pour
tes. Au lieu des phrases coupées et ex écrire leur langue.
trêmement variées de l'ancien arménien, Après l'introduction du christianisme
il n'a que de longues périodes à la ma- en Arabie , il se forma un nombre consi
nière des Turcs, toutes composées régu- dérable de savans et d'écrivains, qui tien
lièrement de la même façon, coupées sy- nent encore , dans l'Orient , un rang dis
>

métriquement selon les règles de la syn- tingué et qui doivent faire regarder le
taxe turque. En outre , presque tous les ve siècle comme l'âge d'or de la littéra
mots turcs peuvent y être employés con- ture arménienne . Ces hommes illustres,
curremment ou préférablement à leurs instruits presque tous à Édesse , à Antio
synonymes arméniens . che , à Alexandrie, à Constantinople et à
La LITTÉRATURE.ARMÉNIENNE est une Athènes , se formèrent sur le modèle des
>

des plus intéressantes de l'Orient ; elle Grecs , et traduisirent dans leur langue
remonte jusqu'au ive siècle de notre ère. un grand nombre d'ouvrages anciens ,
L'introduction du christianisme contri- parmi lesquels il en est plusieurs qui sont
bua resserrer les liens qui existaient parvenusjusqu'à nous . Malheureusement
déjà entre l'Arménie et l'empire romain. la plupart des ouvrages importans dont
Le goût et l'étude de la langue grecque la littérature des Arméniens s'était enri
se répandirent; jusqu'à cette époque, les chie , pendant le temps que ce peuple
Arméniens , ayant eu une civilisation en- avait encore ses propres rois , se sont
tièrement persane , s'étaient servis or- perdus dans les guerres et les dévasta
ARM ARM
( 299 )
tions dont leur propre pays et les con- appelé Imardases ou le Philosophe : il :

trées limitrophes ont été si long -temps écrivit l'histoire d'Arménie depuis Haig
le théâtre. Quand les Turcs détruisirent, jusqu'à l'an 920 , et la chronologie de tous
en 1170, la ville de Baalbek , en Syrie , les patriarches de ce pays , jusqu'à son
plus de 10,000 volumes écrits en ar- avénement à cette dignité. Son histoire ,
ménien devinrent la proie des flammes. où il règne beaucoup d'ordre et d'exac
En 1380 , après queTimour eut pendant titude , est écrite avec une éloquence pa
>

vingt ans livré l'Arménie au fer et aux thétique. Les Arméniens la citent comme
flammes, ce conquérant envoya à Samar- un modèle de l'art oraloire. Matthieu Érez
cande tous les livres qu’on avait pu ra d'Édesse , auteur du xie siècle , a laissé
masser dans le pays; il les fit renfermer un corps d'histoire d'Arménie depuis l'an
dans une tour où l'on prétend qu'ils se 954 jusqu'en 1128. Les faits qui lui sont
trouvent encore aujourd'hui. contemporains sont rapportés avec beau
Cependant, malgré ces pertes , la litté coup d'exactitude et de précision. Il s'é-.
rature arménienne est encore assez im- tend fort au long sur les événemens de
portante , et elle mérite , sous tous les son pays , sur ceux des contrées voisines,
rapports , qu'on s'en occupe en Europe et sur les croisades. Grégoire Érez , du
avec plus de zèle qu'on ne l'a fait jusqu'à même siècle, a continué l'histoire de
présent. Parmi ses historiens , on distin- Matthieu jusqu'en 1161. Samuel Anezi,
gue Moise de Chörène et Élysée , qui vi- qui écrivit également dans le xųe siècle,
vaient au ve siècle. Les Arméniens regar- a composé une chronique contenant la
dent Moise de Chorène comme le premier généalogie des patriarches, depuis Adam
de leurs auteurs classiques. Il composa jusqu'à Jésus-Christ, des détails sur la
un ample traité de rhétorique où sont postérité de Sem , Cham et Japhet et la
cités plusieurs ouvrages grecs actuelle- chronologie des rois et des patriarches ar
ment perdus , et en particulier une tra- méniens, selon les ères olympique, chré
gédie d’Euripide. Son histoire de l'Armé- tienne et arménienne, jusqu'en 1164.Cet
nie , qu'on a publiée en Europe avec une ouvrage est précis et méthodique; il a eu
version latine, est curieuse et importante; des continuateurs qui l'ont porté jusqu'à
elle mériterait d'être mieux traduite et l'an 1337 , mais leur exactitude n'égale
d'être publiée avec un commentaire ex- pas celle de l'auteur primitif. Plusieurs
plicatif. Lazare Parbetsi, surnommél'his- auteurs du x111° siècle se sont occupés
torien rhéteur, vivait dans le vie siècle; il de l'invasion des Mongols en Arménie
a donné l'histoire des événemens qui ont et dans les contrées voisines. Vartan Va
eu lieu en Arménie depuis 386 jusqu'en nagan, composa, à la même époque, une
485. Son contemporain , Thomas Ardz- histoire d’Arménie depuis le commen
>

rouni, écrivit l'histoire de son temps jus- cement du monde jusqu'à l'an 1267. On
qu'à l’an 500. Jean Mamigoncan , évêque y trouve beaucoup de renseignemens sur
arménien du vie siècle , a composé une les événemens des contrées voisines. Cet
histoire de sa patrie depuis le commence- écrivain possédait plusieurs langues ; il
ment du 111e siècle jusqu'à l'an 640. Cet avait consulté des arbitres et des monu
ouvrage est moins estimable que ceux mens anciens. Tout ce qu'il dit de l'anti
des auteurs précédens. Les faits n'y sont quité est appuyé sur le témoignage des
pas toujours rapportés avec exactitude ; mages , des prêtres païens , des auteurs
beaucoup d'événemens sont arrivés long- juifs , persans et arabes. Vartan a aussi
temps après l'époque qu'il leur assigne; composé un pe:it traité de géographie et
il en cite quelquefois qui sont contradic- des ouvrages sur la religion. Scempad,
toires. Anias Chiraguzi , célèbre astro- qui vivait vers la fin du xive siècle , a
nome du vııe siècle, a écrit , entre autres donné une histoire complète des rois ar
ouvrages , les vies de plusieurs grands méniens qui avaient régné,en Cilicie jus
personnages d'Arménie, et différens trai- ques à son temps. Cet ouvrage donne
tés sur lecalendrieretle comput des temps. beaucoup de renseignemens sur les guer
Jean Catholicos , patriarche d'Arménie , res des croisades , sur les Mongols et les
e
vivait entre le ix® et le xe siècles ; il fut Arabes.
ARM ( 300 ) ARM
La traduction arménienne de la Bible quer les événemens politiques, et porte
fut achevée en 433 sur la version grec- trop son attention sur la religion et l'é
que des Lxx . Elle l'emporte par son âge, glise. Les dogmes chrétiens , les canons ,
par son exactitude,et en même temps par les rites , les conciles , les querelles reli
son éloquente simplicité sur toutes les gieuses , etc., remplissent la plupart de
versions connues ,et on doit la placer au ses pages. Ce défaut à part , l'ouvrage est
premier rang. Le reste des ouvrages ar- bien écrit; le style est clair et d'une noble
méniens se compose , en grande partie, simplicité.
d'écrits ascétiques ou théologiques , de Les Arméniens ont établi des impri
commentaires sur l'Écriture sainte ou meries dans toutes les principales villes
d'homélies , et parmi ces livres il en est où ils se sont fixés, comme à Constanti
de fort estimés sous le rapport du style. nople , Venise , Amsterdam , Livourne,
Les ouvragespoétiques sont en petit nom- Lemberg , Saint-Pétersbourg , Moscou , >

bre et peu propres à être goûtés des étran- Nakhilchévan sur le Don , Astrakhan ,
gers. Leur plus célèbre poète est Nersès Smyrne , Madras et Calcutta. Ils avaient
Claïetsi, qui vivait au xie siècle. Les aussi une typographie dans le couvent
vers rimés neremontent pas chez les Ar- d'Etchmiadzin , renommée par plusieurs
méniens au-delà du xiº. Après le xivº,> la
.

éditions de la Bible , et des traductions


littérature est déchue considérablement d'anciens auteurs grecs , latins et per
chez ce peuple ; elle n'a plus produit que sans . KL.
des ouvrages médiocres et mal écrits. Ce
e
ARMÉNIENS (théologie ). Considé
n'est qu'au commencement du xviniº siè- rés par rapport à leur religion , ils for
cle que le goût des études s'est réveillé , ment une des communions chrétiennes
mais seulement parmi les Arméniens de la répandues principalement en Orient.
petite ile de Saint-Lazare dans les lagunes Vers le milieu du vi° siècle , les écrits
de Venise, Ces savans moines arméniens , des hérétiques Manès, Théodore deMop
connus sous le nom des Mekhitaristes , sueste , Paul de Samosate et l'Évangile de
de Pierre Mekhitar , qui avait fondé en l'enfance furent traduits en arménien ,
>

1717 leur couvent , y ont un collége et ainsi que beaucoup d'ouvrages nesto
une typographie. Ces deux établissemens riens, par des prêtres qui avaient été
ont rendu ce coin du ci-devant dogado contraints d'abandonner la Syrie pour
le foyer principal des connaissances scien- cause d'attachement à des opinions con
tifiques et littéraires de la nation armé- damnées; mais il ne parait pas que le
nienne. Leurs travaux ont contribué à ra- nestorianisme ait fait de grands progrès
mener la pureté de la langue, tout- à - fait en Arménie .
dégénérée. Cependant, leurs ouvrages , Le monophysisme au contraire y ob
tous plus ou moins rédigés dans le goût tint du succès. Nersès II d'Aschdarag ,
des Européens, quoiqu'on n'y trouve pas qui occupa le siége patriarcal depuis 524
toujoursla maturité de connaissances con- jusqu'à 533 , tint à Thevin, où il résidait,
venables , ne doiveột pas être considérés un concile de 10 évêques, dans lequel il
>

comme faisant réellement partie de la vé- se déclara pour l'hérésie d'Eutychès , soit
ritable littérature arménienne , pas plus qu'il eût du penchant pour cettedoctrine,
qu'on ne pourrait ranger dans la littéra - soit, commeon le conjecture, qu'il voulût
ture italique les productions ou les imi- complaire aux Persans , qui cherchaient
tations des savans de l'Europe moderne , à semer la division entre les Grecs et les
écrites en latin . Un des ouvrages les plus Arméniens pour en profiter.
importans publiés par les Mekhitaristes Les sept successeurs immédiats de ce
de Venise , est l'Histoire arménienne de patriarche professèrent sa doctrine , du
Michel Tchamchéan , un de leurs confrè- rant l'espace de 112 ans. Mais Ezr ou
res. Ce livre contient l'histoire de leur Esdras la fit condamner dans un concile
nation depuis son origine jusqu'en 1784. tenu à Carny, actuellement Erzeroum , en
C'est un ouvrage écrit avec méthode , et 622 , et ramena les Arméniens à la foi de
l'auteur a mis beaucoup d'ordre dans sa Chalcédoine. Cet étát ne dura que 105
chronologie; cependant ilne fait qu'indi- | ans , au bout desquels un patriarche ou
ARM ( 301 ) ARM
archevêque , « par ordre d'Omar et avec ques ,10 vartabieds, et 7 abbés , dans le
le secours du khâlife » , selon le père Mo- quel furent reçus les 7 conciles æcuméni
nier , assembla à Mapaskiert un comité ques. Mais en 1441 , Giragos ou Cyria
de quelques évêques arméniens et de six que fonda un nouveau patriarcat à
évêques syriens. Il y fit définir qu'il n'y Etchmiadzin . A dater de cette époque ,
a en Jésus-Christ qu'une seule nature , les Arméniens eurent constamment deux
une seule volonté , une seule opération ; grands patriarches : celui de Sis se disant
ainsi le monothéisme fut joint au mono- le successeur de saint Grégoire Lousa
physisme, dont il est la conséquence. voritch et celui d'Etchmiadzin , se vantant
Comme le mélange de l'eau avec le d'occuper le siége le plus ancien de l'Ar
vin , dans les sacrés mystères , marque ménie ; sans compter ceux qui résident
les deux natures en Jésus-Christ , on dé- en Albanie , à Aghthamar , à Jérusalem
fendit ce mélarıge dans un synode. On et à Constantinople. Cette division du
défendit aussi , par une affectation de ri- | patriarcat , que l'on croit plus ancienne,
gorisme extraordinaire, l'usage du pois, mais qui fut alors consommée, a rempli
son, de l'huile d'olive et du vin, aux jours l'Arménie de troubles et de désordres.
de jeûne, avec autant de sévérité qu'é- Chacun des patriarches a voulu posséder
tait déjà défendu l'usage de la viande et le reliquaire qui contient la main droite
des oeufs. Jean IV , Iinardóses (le philo- de saint Grégoire Lousavoritch comme
sophe ) , qui fut patriarche depuis 718 la marque de sa dignité ; et de là les
jusqu'en 729 , réfuta les erreurs de ces fraudes et les simonies. Quelques -un
évêques , parmi lesquels se trouvait peut- d'entre eux ont tenu des conciles pour
être Serge ou Ascagne , leur défenseur, travailler à l'extinction du schisme et à
et soutint l'autorité du concile de Chal- la réunion avec l'église romaine ; mais ces
cédoine , dans un discours publié par le conciles ont été anathématisés par les
mékhitariste J.-B.Auscher, avec une tra- évêques monophysites , et le schisme a
duction latine en regard du texte armé- continué ses ravages.
nien et des notes (Venise, 1816, in-8°). La seule différence essentielle qui
Le monophysisme cependant envahit existe entre l'église latine et l'église ar
le patriarcat ,> et s’y maintint jusqu'en ménienne sur la foi est que celle - ci
862. Quelques patriarches tentèrent par n'admet point les décisions du concile
toutes sortes de moyens d'accréditer les de Chalcédoine. Sa doctrine est consi
décisions de Chalcédoine , et furent ex- gnée dans cette formule que les ordinands
pulsés ; d'autres, pour faciliter la réu- sont tenus de prononcer avant l'ordina
nion de l'église arménienne avec les tion : « Nous croyons en Jésus-Christ
églises grecque et latine , transférèrent une personne et une nature composée ;
le siége patriarcal , tantòt dans une ville, et pour nous conformer aux saints pè
tantôt dans une autre , et le rendirent res , nous rejetons et détestons le concile
pour ainsi dire ambulant. En 1113, Da- de Chalcédoine , la lettre de saint Léon
vid , archevêque d’Aghthamar, se fit à Flavien ; nous disons anathème à toute
>

nommer patriarche par les évêques du secte qui introduit deux natures. » Il est
Vasbouragan , et fonda un nouveau pa- vrai que , dans la liturgie , les Arméniens
triarcat qui s'est perpélué jusqu'à nos n'ont point adopté l'addition du symbole
jours. Alors siégeait à Garmir-Vank’h filioque , inais le jour de la Pentecôte ils
Grégoire III Bahlavouni, qui fixa sa ré- chantent une prose où se trouvent ces
sidence à Hrhomgla et qui était ennemi paroles : « Guérissez, Seigneur, Seigneur
du monophysisme , de même que son des vertus et vrai Dieu , source de lu
frère Nersès Claïetsi, dont nous avons mière et de vie , Esprit saint , procédant
une belle prière , publiée en seize lan- du Père et du Fils.
gues ; Venise , 1818 , in-24. On pourrait conjecturer par les asser
En 1294 , Grégoire VII Anazarzetsi, tions de saint Nicon , par ce qui se passa
alla résider à Sis ; ses successeurs l'imi- sous le pontificat de Jean XXII , dans la
tèrent. Il se tint dans cette résidence, en conférence entre l'évêque Barthéleiny ,
1307 , un concile composé de 36 évê- son légat , et le vartabied Jean de Kerna ;
ARM ( 302 ) ARM
par les imputations de quelques contro- celui qui l'achète vend-il à son tour les
versistes , par la lettre que des princes prélatures , et se fait - il payer la consé
de l'Arménie orientale écrivirent le 19 cration des évêques dont on contesterait
avril 1699 au pape Innocent XII , im- la validité s'il n'imposait sur leurs têtes
primée à la fin du tome 2€ des Mémoi- la relique de saint Grégoire. Les hommes
res historiques et géographiques sur mariés sont promus au sacerdoce , sans
l'Arménie , par J. de Saint-Martin, que être obligés de se séparer de leurs fem
les Arméniens monophysites n'ont ja- mes. Ceux qui se marient après leur or
mais bien appris , selon les expressions dination sont punis de la dégradation ,
du père Monier , « ce que c'est que la mais il y a sujet de douter , dit le père
2

chaire de saint Pierre , et encore moins Monièr , si l'ordre est un empéchement


quelle doit être l'union des membres quirende una second mariage nul et in
avec leur chef, pour faire un corps par- valide , et ils ne passent pas pour con
fait, c'est-à-dire quelle doit être l'union cubinaires. Ils ont beaucoup de jeûnes
des chrétiens avec le vicaire de Jésus- très austères. Ils sont adonnés à la su
Christ, chef visible de son église , la- perstition,parce qu'ils sont ignorans. J. L.
quelle est son corps mystique. » Mais on
)
ARMES. Cette expression a diverses
trouve la primauté du pape établie dans acceptions , soit au singulier , soit au
leurs traditions ; et la plupart de leurs pluriel.
patriarches n'ont cessé de correspondre, Dans son acception primitive et la
avec le siége de Rome et de le traiter plus générale , le mot arme indique un
avec le plus grand respect. instrument qui sert à attaquer ou à se
Pour ce qui est des opinions sur l'état des défendre . Dans l'art militaire , il exprime
ames après la mort , sur leur création dès les diverses espèces de troupes dont se
le commencement du monde , et autres , compose une armée. On reconnaît quatre
que l'on reproche aux Arméniens, on armes dans une armée : l'artillerie , le
doit moins les imputer à la nation qu'à génie , l'infanterie et la cavalerie.
quelques-uns de ses vartabieds qui veu- Ce mot est employé au pluriel dans
lent se signaler en s'éloignant le plus un sens restreint qui appartient au bla
qu'ils peuvent des Latins , et qui s'imagi- son. Alors il devient synonyme du mot
nent qu'il est de leur intérêt d'inspirer armoiries (( voy. ce mot )),. C-TE.
à leurs compatriotes du mépris et de Sa signification est étendue, et peut être
l'aversion pour toute autre croyance que appliquée à tout instrument propre à ser
la leur. Ce langage est celui de l'abbé de vir à la défense ou à l'attaque. Le mot
Villefroy, du père Monier , de l'abbé
2 armes vient du latin arma , qui à son
Plucquet , du père Le Brun et de tous tour dérive , suivant les uns , d’arceo , je
ceux qui ont étudié sans passion la doc repousse , et , suivant les autres , d'ar
trine des Arméniens. D'ailleurs il n'a mus , épaule , auquel répond le mot alle
point été question de tout cela dans le mand arm , bras . La nature a donné à
concile tenu en 1342 , rapporté par dom tous les animaux des armes naturelles
Martène, ni lorsqu'on a traité depuis de avec lesquelles ils pourvoient à leur exis
la réunion de l'église arménienne avec tence ou à leur sûreté ( voy. ARMES ,
l'église romaine. hist. nat. ) ; il y en a même qui se servent
Les Arméniens font les offices dans d'armes artificielles; mais c'est l'espèce
leur ancienne langue que le peuple n'en- humaine qui a été l'inventrice des moyens
tend plus. Leur liturgie est belle et les les plus merveilleux de destruction. Les
prières qui accompagnent l'administra- hommes ont employé ces moyens pour
tion des sacremens sont pleines d'onction s'entre-détruire et souvent pour anéantir
et de piété ; mais il règne de déplorables en un moment leurs plus belles euvres.
abus dans cette administration . Leur Ils se sont associés avec les animaux , les
hiérarchie est celle des Latins. Le pa- éléphans , les chevaux , les chameaux, les
triarcat , auquel on pourvoit par l'élec- chiens même, qui ont rivalisé avec eux de
tion des évêques et la confirmation du courage et d'ardeur, dans les guerres.
souverain, est réellement à l'encan. Aussi Tous les élémens de la nature sont, entre
ARM ( 303 ) ARM
les mains de l'homme , autant de maté- deux sortes très distinctes : les armes
riaux qu'il façonne pour l'attaque ou blanches, nom qu'elles ont prises de la
pour la défense. Le bois , les pierres , les couleur de l'acier, et les armes à feu des
os étaient les premières armes ; les mé- tinées à l'emploide la poudre. Parmi les
taux vinrent ensuite. Les Romains , pen- armes blanches usitées dans les armées eu
dant plusieurs siècles , faisaient leurs ar- ropéennes,on trouve la lance, l'épée, lesa
mes en cuivre ; au cuivre succéda le fer bre et le poignard. La lance (voy.) est jus
qui en constitue aujourd'hui la matière tement appelée la reine des armes blun
principale. ches; l'usage primitif de cette arme vient
A la suite des progrès de la société, des Tatars et des Polonais. Elle a valu à
a

de l'augmentation dela population et de ces derniers une sorte de célébrité en Eu


la construction des maisons et des cités rope. Leurslancesont en général 7 pieds 2
qui abritaient plus les hommes , l'esprit pouces et 3 lignesdelongueur et 15 lignes
de destruction créa des moyens propor- de diamètre; elles sont forgées; près du
tionnés aux difficultés qu'il avait à vain- fer on fixe une flamme dont la couleur
cre ; on inventa des machines plus fortes sert de signe distinctif pour les régimens.
et plus compliquées , et on employa les Les régimens qui sont armés de lances
béliers à tarière , les corbeaux démolis- sont appelés lanciers ou bien encore hu
seurs et d'autres appareils plus ou moins lans. On cherche à présent à généraliser
puissans. l'emploi de cette arme dans toute la ca
L'invention de la poudre a porté un valerie ; la Russie vient de donner des
changement total dans les armes , en lances au premier rang des régimens de
leur donnant un plus grand développe- la grosse cavalerie. Les Cosaques ontdes
ment , une plus grande perfection, et lances extrêmement longues et sans flam
mes .
surtout une puissance plus prompte et
plus mathématique. L'effet devint plus L'épée n'est , à proprement parler,
terrible pour les monumens que pour les qu’une arme de parade ; elle est à lame
hommes eux-mêmes; les chocs des guer- plate ou à lame triangulaire; les officiers
riers corps à
corps furent dès lors plus de toutes armes, excepté ceux de la cava
rares et les batailles moins meurtrières. | lerie, la portaient, il y a quelques années,
Les Romains regardaient les armes de en temps de paix ; mais depuis , presque
jet , l'arc et la fronde, comme des armes dans toutes les armées , on les à rempla
>

indignes d'eux ; aussi quand commença cées par de petits sabres que l'on porte
l'usage des armes à feu , les hommes bra- de la même manière que l'épée.
ves se montrèrent révoltés de cette inven- Les sabres sont de différentes espèces ,
tion , et Bayard s'indignait qu'un homme les uns droits , les autres courbes ou cam
fort et courageux fût ainsi souvent exposé brés ; dans les unes le plat estuniet dans
à périr de la main d'un faible et låche d'autres il est évidé; c'est l'arme prin
adversaire; Montluc s'exprimait de même, cipale de la cavalerie. En général, la
et lorsque le célèbre Carlo Reno em- grosse cavalerie porte des sabres longs ,
ploya , en 1380 , le canon contre la ville à lame droite , à deux gouttières , four
>

de Chiorra (Fossa Claudia) , toute l'Ita- reaụx en tôle avec fût en bois , garde à
lie se récria contre ce qu'elle appelait une coquille à quatre branches en S , calotte
contravention manifeste aux lois de la et virole en cuivre, poignée en bois, ficelée
bonne guerre. C'est encore le raisonne- et recouverte d'une basane noire. Lesabre
ment des Asiatiques contre les Euro- de la cavalerie légère est courbe , lame
péens : ils les adjurent de quitter leur cambrée à flèche évidée , garde à trois
>

feu infernal, et de combattre à l'arme branches , fourreau et poignée comme


>
blanche.
dans lesabre de la grosse cavalerie.La qua
Quant à la forme actuelle des armes , lité générale et nécessaire que l'on exige
qui n'est pas encore la dernière sans pour un sabre de cavalerie est que l'on
doute , elles peuvent être divisées en ar- puisse frapper d'estoc et de taille.
mes portatives et armes non portatives. Le sabre d'infanterie , dit briquet, est
Les armes portatives se subdivisent en presque partout à lame cambrée, de flè
ARM ( 304 ) ARM
che non évidée , fourreau en cuir , cu- dans le deuxième et troisième rang , des
vette et bout en cuivre laminé, garde et faux, et on remarquait que ces armes
poignée en cuivre, coulées d'une seule étaient surtout terribles contre la cava
pièce. Les sous-officiers, les hommes lerie qui n'a enfoncé aucun des carrés où
des corps et des compagnies d'élite les se trouvaient lesfaucheurs.
portent pendus à un baudrier qui passe Parmi les armes à feu on comprend
sur l'épaule droite ‫ ܪ‬les autres soldats les fusils , les mousquetons , les carabi
n'ont point de sabre : ces sabres servent nes ,l es pistolets et les bonches à feu .
aux troupes plutôt pour le campement Le fusil est l'arme distinctive de l'infan
que pour la défense. Dans l'artillerie, tous terie : terme moyen , les fusils dont on se
les hommes portent des sabres qui , dans sert dans les armées européennes ont des
la plupart des armées , sont les mêmes canons de 10 pouces de longueur comme
que ceux de l'infanterie. En France , ils en France, et des balles de 18 à la livre.
sont à lame à deux tranchans , à soie Les baïonnettes emboîtées au bout des
plate, àà pans creux , terminée en langue canons ont 17 pouces de longueur , ce
de carpe ; fourreau en cuir , garnitures en qui donne au fusil à la fois la propriété
cuivre ; depuis 1831 ces sabres - poi- des armes à feu et des armes blanches.
gnards ont été introduits dans toute l'in- Les baguettes sont en fer; dans quelques
fanterie. Dans les troupes du génie de armées elles sont lourdes , et on bourré
quelques armées , les soldats portent des avec le bout fin ; en France on visse pour
sabres qui , d'un côté , sont à lame tran- bourrer. Les bassinets et les lumières
chante , et de l'autre dentelés de ma- sont en cuivre. Dans les fusils anglais,
nière à pouvoir servir de scie à main. les lumières sont percées plus avant que
Les poignards ne sont presque pas dans les autres ; il en résulte qu'ils re
usités dans les armées de terre , excepté poussent et portent généralement très
chez les Turcs qui s'en servent pour cou- haut. Le poids du fusil en France est de
per les têtes aux prisonniers ou aux 4,68 kil. Quelques corps légers ,comme
morts; mais ils sont en usage chez les ma- les Tyroliens en Autriche, les tireurs de
rins qui les portent au ceinturon . Neufchâtel en Prusse , ont des fusils dont
On ne peut omettre ici deux armes qui les canons sont plus petits , mais qui ont
ont joué quelque rôle dans les guerres une grande portée , et sont armés, au lieu
modernes ; ce sont les piques et les faux . de baïonnettes, de couteaux de chasse. Les
Ces armes sont bonnes pour armer promp- voltigeurs en France ont des fusils un peu
tement des masses de population >, faute plus légers que les autres troupes ; les
d'armes à feu . Les piques ont de l'ana- canons sont de 38 pouces de longueur,
logie avec les lances ; ce sont de longues et pèsent 4,57 kil. Le fusil porte jiisqu'à
perches armées d'une pointe de fer . En 1,000 pas , sous l'angle de 45 ° ; mais la
1812 la milice de Russie en fut armée; portée certaine d'un fusil de guerre est
il s'en trouvait plus de 10,000 à la ba- censée être de 120 toises, et c'est sur
taille de Borodino. La faux a été aussi cette portée qu'on a établi toutes les li
en usage dans les tempsanciens, et l'on gnes de défense.
s'en servait en mer. César dit que les Ro- On s'occupe aujourd'hui presque dans
mains, dans un combat naval, coupèrent toutes les armées des fusils à percussion,
les cordages avec des faux emmanchées pour les introduire à la place du fusil
au bout de longues perches. Cette arme, actuel à pierre. Voy. Fusil et Percus
de notre temps , a acquis quelque célé SION.
brité en Pologne , où les habitans ,> tous Les mousquetons sont les fusils à l'u
agriculteurs , s'en servaient dans les le sage de la cavalerie; la longueur de leurs
vées en masse. On l'ajuste au bout d'une canons est en France de om , 50 ; leur
perche , et elle sert d'estoc et de taille. Toids est de 2,57 kil. ; la baionnette est
A la bataille de Raclavice , Kosciusko en supprimée.
fit le premier usage en ligne , et l'on sait Les pistolets sont de différens cali
avec quel succès; dans la dernière guerre, bres : ceux que l'on emploie dans la ca
la plus grande partie des régimens avaient, valerie française ont les canons de 7 pou
ARM ( 305 ) ARM

ces 4 lignesà8 pouces de longueur, et pè- blanches


ans.
est fixée en France à cinquante
sent 1,31 kil. Pour lesmarinson ajoute un
crochet de ceinture en acier faisant res- Armes non portatives ou immobiles.
sort et tenu par la grande vis du milieu Sous cette dénomination on pourrait
de la platine qui est plus longue pour comprendre les places fortes, les travaux
cette destination . des assiégeans , enfin tous les obstacles
Bouches à feu.Au milieu du xve siècle que l'on rencontre, et dont la défense
il y en avaiten France jusqu'à dix -sept es- ainsi que l'attaque peuvent tirer parti,
pèces ; sous Charles IX, par l'édit de Blois comme par exemple les châteaux , ca
de 1572, on les réduisit à six .Aujourd'hui naux , défilés , ravins, haies , etc.
on ne distingue généralement que trois Armes défensives. Les anciens avaient
sortes de bouches à feu >, savoir : les ca- un grand nombre d'armes défensives : ils
nons , les obusiers et les mortiers. employaient des boucliers, qui les cou
Les canons sont désignés d'après le vraient entièrement, et des casques pour
poids du boulet de fer qu'ils peuvent se préserver des flèches, javelots et fron
lancer ; ils sont de différens calibres. Les des. Dans les temps de la chevalerie, on
canons d'une , de deux et de trois livres portait des cuirasses ou cottes de maille -
ne sont presque pas employés en campa- qui couvraient les chevaliers depuis la
gne , parce que le bruit se distingue peu gorge jusqu'aux cuisses, et des casques,
des feux de mousqueterie , et ne fait pas pour se couvrir la tête et le visage , et se
une assez vive impression sur les troupes; garantir ainsi des chocs des armes blan
on emploie donc des canons depuis 4 li- ches. Les armes à feu ont beaucoup di
vres jusqu'à 12 ; ces derniers sont suffi- minué la valeur des armes défensives ,et
sans pour renverser les obstacles que les comme dans des marches et des mouve
armées peuvent rencontrer , comme les mens rapides elles embarrasseraient les
vieux châteaux, les murs d'enceinte. La troupes , on n'en conserve quelques- unes
longueur des canons varie de 16 à 18 fois que dans la grosse cavalerie. Les princi
leur calibre; c'est en Autriche qu'ils sont pales armes défensives sont aujourd'hui
les plus courts. le casque et la cuirasse; mais on peut dire
Les obusiers sont des canons courts , que pour la cavalerie les bottes longues
lançant les grenades ; on a introduit dans que portent les cuirassiers, les gants
l'artillerie de campagne des obusiers à bout de manche en cuir très fort , et
longs , que l'on nomme licornes en Rus- les épaulettes ; et pour l'infanterie, les
sie et en Prusse ; ils sont désignés soit schakos, les buffleteries croisées sur la
par le poids qu'auraient des projectiles poitrine , les havre-sacs , les épaulettes,
>

de pierre de même calibre , soit par pou- mes


qui peuvent préserver des coups des ar
blanches, et même des coups de feu
ces et centimètres. >

Pour les siéges , l'armement des“ places à des distances éloignées, sont réellement
et des côtes , on a des pièces de calibres autant d'armes défensives.
plus forts; ils sont , pour les canons , de Il ne nous reste plus qu'à dire deux
16 , 24 , 36, et pour les obusiers de 30, mots sur les armes de quelques bandes
60 , jusqu'à 80 livres. asiatiques , que les armées russes mènent
En général , toutes les pièces de cam- souvent à leur suite ; nous voulons parler
pagne sont coulées en bronze ; celles de de l'arc et des flèches , etc. Les flèches
places et de côtes sont en grande partie sont longues d'environ 3 pieds et demiet
en fer. armées à leur extrémité comme des lan
On donne aux mortiers , dont on se ces. Dans quelques contrées barbares
sert rarement comme artillerie de campa- d'Afrique et d’Asie les pointes de ces flè
gne , moins de longueur qu'aux canons ches sont faites avec ducristal ou empoi
et aux obusiers; et cela pour éviter le sonnées , et , dans ce cas , elles causent la
choc des obus et des bombes dans l'ame mort dans un court espace de temps. Ces
de la bouche à feu , choc qui pourrait barbares portent aussi pour armes dé
briser la fusée. 'fensives, soit des plastrons de coton pi
La durée des armes à feu et des armes qué entre deux toiles , ce qui suffit pour
20
Encyclop. d . G. d. M. Tome I.
ARM ( 306 ) ARM
préserver des flèches, soit des cuirasses , , maîtres des individus qui devaient deve
des nattes ou de la peau de veau marin nir leur aliment et des organes capables
coupée en lanières. de les réduire à un volume proportionné
ARMES DE LUXE . Les armes de guerre à celuidu canal intestinal où ils devaient
sont fabriquées d'après des modèles uni- être élaborés ; mais cette destruction ré
formes , et l'élégance ainsi que la richesse ciproque ne pouvait avoir lieu que dans
y sont sacrifiées à la solidité et à l'effet certaines limites pour le maiptien de l'é
utile. Dans l'Orient, où l'homme ne quitte quilibre général ; aussi , afin de mettre
jamais ses armes, il en fait en quelque sorte obstacle aux excès , et pourvoir à la con
sa parure. En Turquie des fusils, des pis- servation relative des individus et des
tolets , des sabres , des poignards ornés espèces , voit-on , chez les animaux , des 9

d'or, d'argent , de nacre et de pierres pré- moyens de protection variés à l'infini ,


cieuses , sont portés par les personnes de comme les moyens d'attaque , disposés
distinction et s'offrent en présent.Toutes selon l'organisation de chacun d'eux et
les fois qu'un ambassadeur de France part en rapport avec le caractère particulier
pour la Turquie , il emporte, pour pré- | que détermine, dans leurs habitudes , le
·senter au sulthan et aux grands dignitai- mode de leur structure . Lorsque ces
res de la Porte , des armes du plus pré - moyens d'agression ou de défense pren
cieux travail et souvent d'une valeur con- nent une exagération ou un développe
sidérable . . J. T-1 . ment remarquable , on leur donne le
>
ARMES D'HONNEUR . De tout nom commun d'armes , et quelquefois
temps les armes d'honneur ont été la ré- même le nom spécial d’un instrument vul
compense de quelque action de bravoure. nérant , quand ils s'en rapprochent plus
Les Grecs et les Romains faisaient porter ou moins par leur forme, leur situation
des armes particulières à ceux de leurs ou leur disposition ;ainsion lenr applique
guerriers qui s'étaient distingués par des les noms de sabre , d'espadon , de scie ,
actions éclatantes. En France , cette dis- de pince , de crocs , d'éperon , de même
tinction fut accordée quelquefois à des qu'il y a des animaux pourvus d'armes
corps entiers. Un régiment français , défensives qui ont reçu les noms de ca
Dauphin infanterie, avait encore , en rapace , de corselet , etc. C'est dans cha
1789 , le droit de faire porter, au lieu de que animal en particulier qu'il faut étu
fusil ,2 des fourches de fer à tous les ser- dier la conformation et le mode d'action
gens de ses grenadiers , en récompense
7 des armes. T. C.
d'une action heureuse exécutée avec des ARMET , voy. CasQUE.
fourches. Dans les premières années de ARMFELT ( GUSTAVE - MAURICE ,
la révolution >, la Convention nationale | baron d ’),général suédois,néen 1757.Fils
institua également des armes d'honneur ainé du major général baron d’Armfelt,
en faveur des corps ou des militaires qui il fut élevé à l'école militaire de Carls
s'étaient distingués. Les occasions ne krona, puis placé comme porte-enseigne
manquèrent pas , et un assez bon nombre dansla gardeà Stockholm. Sa belle figure,
de ces armes fut distribué jusqu'à l'épo- son amabilité et les agrémens de l'esprit
que de la création de la Légion -d’Hon- dont la nature l'avait doué, lui valurent
neur , dont furent membres de droit , les faveurs de Gustave III. Il avança ra
dès la fondation , tous les militaires qui pidement en grade , fut comblé d'hon
avaient obtenu des armes d'honneur. neurs , et montra dans la guerre contre
Depuis lors , ce genre de récompense a la Russie, de 1788 à 1790, une valeur
été , en général , remplacé par la décora-
brillante qui augmenta encore la bien
tion de la Légion-d'Honneur. C - TE . veillance de Gustave à son égard. Il avait
ARMES ( droit ) , voy. Port d'ARMES atteint le grade de lieutenant général
et Chasse . lorsqu'il conclut , en 1790, le traité de
ARMES (histoire naturelle). Les ani- paix de Werelæ, à l'occasion duquel il fut
maux sont pour la plupart destinés à ser- décoré de plusieurs ordres par l'impéra
vir de pâture les uns aux autres ; il leur trice de Russie. Sur son lit de mort ,
a donc fallu des moyens de se rendre Gustave III lui donna encore les témoi
ARM ( 307 ) ARM
gnages les plus flatteurs de son affection. nommé chancelier de l'université d'Abo ,
Gouverneurde Stockholm à lamortdu roi président des affaires de la Finlande et
et uni,par la médiation de Gustave III, membre du sénat de la Russie. Il jouit
à l'ancienne famille du comte de La Gar- d'une estime générale et se concilia l'at
die , il était destiné à faire partie d'un tachement des Finlandais , jusqu'à sa
conseil de régence pendant la minorité mort arrivée à Tsarskoié- Célo, en 1814.
de Gustave . IV , quoique , d'après une Armfelt a écrit lui -même sa biographie
disposition testamentaire antérieure , la en suédois; on en trouve une traduction
tutelle du jeune roi revint au duc de Su- allemande dans le recueil intitulé Zeit
dermanie.Mais la volonté du roi ne fut genossen (Leipz. , 1833). C. L.
ARMIDE ( JARDINS D’ ). Le Tasse a
pas exécutée, et c'est cette préférence sans
doute qui attira au baron d’Armfelt la hai- immortalisé Armide:ce type de la beauté,
neavec laquelle il futpersécuté.Le7 sep - jointe à la séduction >, a reçu de lui une
tembre 1792 on lui prit toutes ses charges vie et des charmes que le temps ne peut
et dignités, pour l'envoyer comme ambas- détruire ; et de même qu'on donne son
sadeur à Naples.On suppose qu'un amour nom à la plus séduisante beauté, de
non partagé du duc de Sudermanie pour même , à l'aspect d'un site enchanteur ,
une dame de la cour , près de laquelle on se rappelle ces jardins , ouvrage de
>

Armfelt était plus heureux , avait excité l'amour , nés de son souffle, où la jeune
eette haine implacable .Quoi qu'il en soit, élève du magicien Hidraot transporta le
Armfelt et son amante furent, par des plus beau et le plus brave de la vaillante
bruits calomnieux, livrés au jugement du armée des croisés ; ces jardins qui déco
public. Cette dernière fut, d'une manière rent le faite de la plus reculée des îles
déshonorante , envoyée dans une maison Fortunées, dont l'abord était rendu inac
de correction, et lui-même n'échappa que cessible par de vastes espaces arides et
parla fuite aux poignards achetés en Ita- glacés , et par de redoutables monstres.
lie , et aux réquisitions formelles que fit Malgré ces obstacles les austères amis de
contre lui , à l'étranger , le gouvernement Renaud pénétrèrent jusqu'à lui ; et ces
suédois. Il fut flétri par contumace comme lieux, qui n'avaient encorerépété que des
traitre à la patrie et déclaré déchu de tous concerts d'amour etde bonheur , reten
ses biens et dignités , sans exception de sa tirent des cris du désespoir et de la fu
noblesse . Armfelt resta en Allemagne jus- reur, quand Armide, revenant d'un long
qu'en 1799. A cette époque, Gustave IV évanouissement , vit que son amant avait
annula ce jugement et réintégra Armfelt fui. Alors , appelant à son aide les puis
>

dans ses biens. Il le chargea de l'ambas- sances infernales , ébranlant la terre et


sade à la cour de Vienne , et , en 1807, les cieux , elle enveloppa de sinistres té
on lui conféra la dignité de général d'in- nèbres ces lieux où Renaud n'était plus,
fanterie. En cette qualité il commandą et quand les ténèbres furent dissipées ,
les troupes suédoises en Pomeranie , et , on ne vit plus qu'un désert affreux ; la
en 1808 , l'armée de l'ouest contre la magicienne , déjà bien loin d'une ile si
Norwege . Vers la fin de la mêmeannée, faneste , volait vers l'armée des infidèles
il fut appelé à la présidence du conseil pour demander aux plus braves d'entre
de guerre à Stockholm et élevé à la di- eux la tête de son perfide amant.
gnité de seigneur du royaume . En 1810, Glück et Rossini ont traité le sujet
il obtint la démission qu'il avait deman- d'Armide dans des opéras. L. L. O.
dée, et vécut à Stockholm dans la retraite ARMILLAIRE ( SPHÈRE ) , assem
comme simple particulier . blage de cercles dont l'ensemble est monté
Une alliance contractée avec la fa- sur un pied . On emploie cette machine
meuse comtesse Piper lui suscita de nou- dans l'enseignement de la géographie ,
velles poursuites de la police et l'obli- pour faire connaître aux élèves l'équateur,
gea de chercher un refuge auprès de l'écliptique , les tropiques , les cercles
>

l'ambassadeur russe et d'entrer au ser- polaires , etc. Quelques personnes blâ


vice de la Russie. Là , il reçut un accueil ment l'usage de la sphère armillaire
2

flatteur: il fut élevé à la dignité de comte, comme pouvant donner des idées fausses
ARM ( 508 ) ARM
aux enfans , en leur faisant croire que moyen de prévenir les schismes, de dimi
les cercles figurés ainsi existent réelle- nuer le nombre des sectes et de rétablir
ment. C'est au maitre à empêcher cette la paix dans la chrétienté .
confusion d'idées en faisant sentir aux Du reste il formula ainsi son système :
élèves que l'on n'a figuré des cercles que « Dieu étant un juste juge et un père mi
pour expliquer ce que c'est que la lon- séricordieux a fait de toute éternité cette
gitude et la latitude , l'horizon , les zo- distinction entre les hommes , que ceux
nes , etc. Quelques dictionnaires disent qui renonceraient à leurs péchés et qui
queles sphères armillaires représentent mettraient leur confiance en Jésus -Christ
la disposition du ciel et le mouvement seraient absous de leurs mauvaises actions,
des astres, mais ces machines s'appellent et qu'ils jouiraient d'une vie éternelle ,
avec plus de justesse , machines urano- mais que les pécheurs endurcis et impé .
graphiques. D -G . nitens seraient punis... Il est agréable à
ARMILLES, cercles gradués qui ser- Dieu que tous les hommes renoncent à
vaient aux anciens astronomes à prendre leurs péchés et qu'après être parvenus à
des angles. Ces cercles étaient disposés la connaissance de la vérité, ils y persé
de diverses manières , selon le plan dans
? vèrent constamment, mais il ne force per
lequel l'observateur se proposait de les sonne... La doctrine de Calvin fait Dieu
manoeuvrer . On distinguait , par exem- auteur du péché et endurcit les hommes
ple , des armilles verticales, des armilles dans leur rébellion, en leur inspirant l'i
équatoriales , etc. Tous ces instrumens dée d'une nécessité fatale . »
ne sont d'aucun usage dans l'astronomie François Gomard, son collègue à l'u
moderne. On peut voir des dessins d'ar - niversité de Leyde, se déclara contre lui
milles dans l'édition grecque - française et entraîna un grand nombre de minis
de Ptolémée, par l'abbé Halma, tome Ier, tres dans son opinion. Arminius, de son
Paris , 1813. A. C. côté, trouva des partisans , qui soutinrent
ARMINIENS , sectateurs d'Arminius, ses opinions avec beaucoup de talent et
branche du calvinisme dans les Provinces d'érudition. La dispute s'échauffa, et pro
Unies. duisit de part et d'autre une foule d'écrits
JACQUES ARMINIUS (Harmensen) , né à polémiques. Les partisans d’Arminius,
Oudewater en 1560 , ayant été nommé craignant d'être opprimés par leurs ad
à une chaire de théologie à Leyde , après versaires, présentèrent en 1610 une Re
avoir étudié à Leyde et à Genève , fut montrance aux états de Hollande, ce qui
chargé par Martin Lydius, professeur de donna lieu dans la suite de les appeler
théologie à Franeker, de défendre la Remontrans. Ils commencèrent par se
doctrine de Théodore de Bèze sur la pré- plaindre de ce qu'on les accusait injuste
destination (voy.) qui était attaquée par ment de vouloir faire des changemens
les ministres de Delft. Arminius examina dans la religion et de causer des désor
l'ouvrage des ministres , le compara au dres et des tumultes. Ils dirent qu'il était
système de Calvin et de Bèze, balança les nécessaire d'examiner la confession de foi
raisons de part et d'autre , et finit par et le catéchisme. Ils rendirent compte de
adopter les sentimens qu'il s'était propo la doctrine de leurs'adversaires ; ils pro
sé de combattre. Il manifesta ses opi- posèrent enfin la leur et la résumèrent en
nions dans ses thèses du 7 février 1604. Il cinq articles.
assura que son système né contenait rien Les états de Hollande firent de grands
de nouveau , et qu'il n'était point incom- efforts pour calmer les esprits et rame
patible avec la confession de foi des égli- ner la paix ; mais ce fut en vain. L'édit
ses des Pays-Bas. Il dit que l'on pouvait de pacification qu'ils donnèrent en 1614 ,
avoir des sentimens différens sur des ar- ne calma personne. La politique s'empara
ticles moins importans, sans se condam- de cette controverse et en fit son profit.
ner mutuellement , et que l'on devait ac- Le prince Maurice d'Orange voulait se
corder sur cela une liberté raisonnable à venger de Barnevelt , de Hoogerbeets et
ceux qui reconnaissaient les vérités es- de Grotius , soupçonnés de favoriser les
sentielles. Il ajouta que c'était le vrai | Remontrans. Les ministres calvinistes
ARM ( 309 ) ARM
étaient bien aises d'humilier leurs anta- lait près delui depuis plus de dix ans, et
gonistes dans un synode général; ils en
demandèrent tous la convocation , et ils cens plaisirs que trouvait le monarque
l'obtinrent. Le synode de Dordrecht qu- dans les occupations manuelles aux
vrit ses séances le 13 novembre 1618 , quelles une grande partie de son temps
examina lescinq articles des Remontrans avait été consacrée depuis cette époque.
et les condamna. Les ministres qui refusè- Pratiquée dans le mur du corridor
rent d'adhérer à la sentence furent des intérieur de l'appartement du roi , cette
titués. On peut voir tout cela en détail cachette était fermée par une porte de
dans l'Histoire abrégée de la réformation fer que dissimulait parfaitement un pan
des Pays- Bas, par Gérard Brandt, tome neau de lambris peint en larges pierres.
2° ; et dans l'Histoire ecclésiastique de L'ouverture du trou se confondait à l'ail
Mosheim, traduction de Maclaine, tome dans les rainures brunes qui formaient
5 , pag. 228 ; dans la Narratio historica la partie ombrée de ces pierres peintes.
de Limborch et dans l'Histoire des va- S'il faut en croire madame Campan
riations par Bossuet. ( 1. II. , p. 222 de ses Mémoires), les pa
On avait accusé les Arminiens d'er - piers dont la découverte eût à meilleur
rer sur le mystère de la Trinité , mais titre compromis le roi avaient été enle
ils s'en défendirent au synode de Dor- vés de cette armoire à la sollicitation de
drecht, tandis qu'ils avaient gardé le si- la reine ; on en avait rempli, dit-elle, un
lence à la conférence de 1611. On aa de- portefeuille dont le dépôt lui demeura
puis répété contre eux une multitude confié. Le motif de cette précaution était
d'accusations relatives à leurs croyances : que la reine aurait été informée que le
nous ne pensons pas qu'on puisse mieux serrurier dont on a parlé plus haut s'était
connaitre la valeur de ces accusations affilié à la société des Jacobins, et, de plus,
qu'en lisant la Confession defoidespas qu'il avait déjà confié à plusieurs de ses
teurs Remontrans, qui forme le 3° vol. de amis le secret de l'armoire de fer.
l'Histoire de la réformation par Brandt, C'est ici peut- être le lieu de faire res
et celle qui se trouve dans le tome 2e des sortir toute la force que doit conserver ,
euvres d'Épiscopius. J. L. contre l'authenticité des papiers trouvés
ARMINIUS , voy. HERMANN et AR- dans l'armoire de fer, l'argument invoqué
MINIENS. par l'illustre défenseur de Louis XVI.
ARMISTICE, voy . SUSPENSION D'AR- « Le domicile de Louis a été envahi, dit
MES. M. de Sèze, ses armoires ont été brisées,
ARMOIRE DE FER. On a ainsi dé- ses tiroirs forcés, il n'y a point eu de scel
signé la cachette où furent trouvés aux lés, point d'inventaire; on a pu égarer des
Tuileries , dans les derniers jours de no- pièces qui auraient pu répondre à celles
vembre 1792 , plusieurs cartons pleins qu’on oppose. » Ces pièces étaient notam
de papiers qui fournirent, lors du procès ment un Journal écrit de la main de Louis
de Louis XVI, les preuves matérielles XVI, portant les pensions qu'il a accor
de faits qui lui étaient imputés comme dées sur sa cassette depuis 1776 jusqu'en
constituant la trahison . 1792 , un État des pensions des gardes
>

Ce fut, de la part de l'infortuné roi , du corps , des suisses et gardes du roi


une bien funeste maladresse, en même pour 1792, et différentes lettres et billets
temps qu'un moyen de défense peu di- du général Bouillé , des frères du roi, de
gne, que de nier qu'il connût l'existence l'évêque de Clermont, etc. P. C.
de cette armoire et de ce qu'elle conte- ARMOIRIES. On appelle de ce nom
nait. Car le secret de cette cachette, qu'il des signes distinctifs , propres à chaque
croyait impénétrable, avait été livré par famille noble. L'opinion la plus générale
l'ouvrier même qui avait été chargé de sarapporte l'originedes armoiries à l'épo
construction. A la vérité cet homme seul que des croisades. Au milieu de ces ban
connaissait l'existence de la cachette ; et des nombreuses , composées de nations
Louis XVI avait d'autant plus de con- si diverses , mais toutes également ar
hance dans son dévouementqu'iltravail- l mées et bardées de fer.,chaque chef dut
.
ARM ( 310 ) ARM
avoir besoin d'une marque spéciale pour les sommités fleuries,exhalentune odeur
rallier à lui les vassaux qui l'avaient suivi. aromatique , agréable , et rend une sa
Dans ce but il fit graver sur son écu , veur chaude , âcre et amère. Mais ces
sur ses cottes d'armes, sur son étendard, propriétés sont moins marquées que
un objet quelconque, rappelant, la plu- dans l'absynthe , à laquelle d'ailleurs
part du temps , un souvenir de sa vie ou elle ressemble beaucoup , et qui appar
2

de celle de ses pères. Au retour de ces tient à la même famille végétale. L'action
expéditions lointaines , il était naturel de l'armoise sur l'économie animale est
qu'on conservât avec orgueil ces témoi- un peu stimulante , et peut être utilisée
gnages d'un glorieux dévouement pour dans une foule de cas, sans pouvoir ce
la foi. Les tournois aussi , tant en hon- pendant jamaisdevenir l'objet d'une pré
neur dans ces siècles , en consacrèrent férence raisonnable. F. R.
ge
l'usa , parce que les spect ateur s pou- ARM ORI QUE , nom qu'on donna it
vaient ainsi plusfacilement suivre de l'oeil vulgairement à toute la partie de la Gaule
les combattans dans la mêlée. Les enfans occidentale qui est comprise entre les
recueillirent, avec respect , ces mar- embouchures de laLoireet de la Seine(par
ques d'illustration en en ajoutant quel conséquent à la Bretagneet à presque toute
quefois de nouvelles, et ce fut ainsi que la Normandie); mais que l'on sembla res
les armoiries devinrent héréditaires . Le treindre plus tard à la Bretagne . On as
règne de Louis IX est , à ce qu'on croit, sure que primitivement tout le littoral
l'époque où elles se transmirent ainsi ré- atlantique de la Gaule portait ce nom
gulièrement dans les familles. Celles qu’on qui , en langage celtique, reven
> ait aux
trouve sur des monumens d'une date an- mots latins ad mare, (ar, ad ; mor , mare),
>

térieure у ont été , selon toute appa- et que l'on rapproche du nom de Po
rence , gravées plus tard. Quoi qu'il en Morè ( Pomeraniens ) , donné aux rive
9

soit , cette distinction nobiliaire devint rains de la Baltique. Le nom d'Aquita


dans la suite tellement précieuse qu’on nia , donné plus tard par les Romains à
ne crut pas pouvoir en trop reproduire la portion méridionale des Gaules, entre
l'image. Le sceau destiné à rendre au- l'Atlantique et le Rhône, est, dit -on, une
>

thentiques les actes publics et privés,, les traduction approximative d'Armorique.


tombes , les meubles, les valets , tout en Dans ce cas, ilest essentiel de remarquer
porta l'empreinte , et il y eut un temps que, quoique synonymes, ces deux noms
où une feinine de haute naissance ne désignèrent des provinces totalement dif
pouvait sortir sans une robe chamarrée férentes. Quand cette terminologie géo
des armoiries de son mari et des siennes. graphique eut été adoptée , la côte de la
Les armoiries ont donné naissance à la Gaule se trouva divisée vaguement en
science du blason et à l'art héraldique , trois parages : Aquitaine , Armorique et
auxquels il paraitrait aujourd'hui ridi- Nervicanus Tractus (le littoral gaulois
cule d'attacher de l'importance autre- de la Manche). Pour la langue ,lesmeurs,
ment que par rapport à l'histoire. l'oy. / l'histoire de l'Armorique, voy. BRETA
Blason et HÉRALDIQUE . P. A. D. GNE . VAL. P.
ARMORIAL , voy. HÉRALDIQUE. ARMSTRONG ( Bon ) , poète et mé
ARMOISE ( artemisia vulgaris ), decin anglais , fils d’un ecclésiastique ,
plante de la famille des corymbifères , naquit à Castleton en 1690 , acheva ses
études à l'université d'Édimbourg , puis
et qui est considérée par les vieilles fem-
més empiriques comme spécifique dans vint à Londres où il se fit connaitre, en
les affections chlorotiques et nerveuses. 1735, par un Essai surles moyens d'a
Elle est vivace , très commune, croit sans bréger l'étude de la médecine : dans cet
culture le long des chemins et des mu- ouvrage il s'amuse avec esprit aux dépens
railles , et présente une tige d'environ des empiriques qui s'enrichissent aux dé
trois pieds, des feuilles alternes , décou- pens de l'humanité. L'indolence de son
pées , cotonneuses en dessous seulement , caractère entrava son avancement dans sa
avec des fleurs jaunâtres en panicules profession , encore ralenti par la publi
rameuses. Toute la plante,> et surtout cation d'un poème : l'Économie de l’A
ARM ( 311 ) ARN
mour, dont le succès fut dû autant à des nouillères (voy. tous ces mots). Il y avait ,
peintures licencieuses qu'au vrai talent jusqu'à des pièces placées sous l'aisselle
qui s'y fait remarquer.Lui-même donna, (goussets), qui la couvraient quand l'hom
en 1768, une édition épurée de cet opus- me d'armes levait le bras. Enfin , les che
cule, dont une imitation en français a été vaux eux -mêmes avaient une armure qui
insérée dans les Jeux de Calliope, col- leur couvrait la tête et le poitrail. On
lection de poèmes traduits,, 1776, in-12 . voit à Paris, à la Bibliothèque royale, et
Un ouvrage d’Armstrong où l'on peut surtout au Musée d'artillerie , à la tour
admirer tout son talent sans avoir lieu de Londres , à Dresde , à Vienne , à l'ar
>

d'en déplorer l'abus, est l’Art de conser- senal de Berlin , etc. , des modèles d'ar
ver la santé, poème en quatre chants, où mures de toute espèce.
il a su revêtir des couleurs de la poésie Armure se dit encore : 1 ° de deux
un sujet qui pouvait y sembler rebelle. morceaux de fer qu'on met aux pôles
Là son style se distingue par la vigueur, d'une pierre d’aimant pour en augmen
et par une précision , une pureté classi- ter la vertu ; 2 ° de deux petites pièces
ques ; publié en 1744 , il a été souvent de fer qui protégent les deux bouts d'une
réimprimé , et une traduction en prose navette ; 3° de l'ordre dans lequel on fait
française , faite par M. Monne , a paru mouvoir les lisses dans les manufactures
>

en 1827 >,'un vol. in-18 . Armstrong fut de soie ; 4 ° de la ferrure dont les serru
nommé , en · 1746 , médecin des soldats riers garnissent une poutre pour la for
estropiés et malades près l'hôtel Bucking- tifier. R - Y.
ham . En 1760 il suivit l'armée an- ARMURIER . Rigoureusement, c'est
glaise en Allemagne , toujours cultivant le nom de celui qui fabrique toute espèce
lés muses qu'il avait courtisées dès l'en- d'armes , mais après l'invention de la
fance. Après la paix il revint exercer poudre cet art se divisa en deux bran
son état à Londres ,7 mais avec peu d'en- ches. Celui qui confectionna les armes à
couragement. Ses derniers écrits témoi- | 'feu eut un nom particulier ( voy. ARQUE
gnent combien il fut sensible à cet aban- BUSIER), et l'armurier , proprement dit ,
don de la part du public. Il mourut en ne fut que l'ouvrier destiné à fabriquer
1779 . L. C. les armes blanches. Les armuriers les
ARMURE (armatura ). Pris dans son plus renommés autrefois étaient ceux
sens le plus étendu , ce mot désigne tout de Crémone et de Tolède, sans parler de
ce que l'homme porte pour l'attaque ou ceux de Damas , en Syrie. Maintenant
pour la défense ; mais il s'entend plus ceux de Sheffield et de Birmingham , en
particulièrement de l'équipement com- Angleterre, etde Klingenthal, en France,
plet des armes défensives. Les premiers ont une grande réputation. Les princi
hommes se couvrirentdepeaux de bêtes, pales opérations de l'armurier sont le
car alors , comme la vie était un combat, forgeage, la trempe, le polissage , le bru
>

l'armure se confondait avecl'habillement. nissage, le fourbissage.


Bientôt vint le bouclier , armure moins En termes militaires, l'armurier est un
étendue, mais plus mobile et qui pou- ouvrier appartenant au petit état-major,
vait aller au-devantdu coup ; puis la tête chargé de l'entretien et de la réparation
fut garantie par le casque , le corps par des armes. Il est soldé , habillé et logé.
la cuirasse , les jambes par les bottines. Il est préposé à l'assortiment des pièces
Plus tard , on y ajouta des brassarts et d'armurerie qu'on a toujours dans les ré
des cuissarts , et dans le moyen-âge , en gimens pour remplacer celles qui s'usent
joignant toutes les parties de l'armure, on ou qui se cassent. R-Y .
réussit à rendre les chevaliers presque ARNAOUTES ou ALBANAIS , voyez
invulnérables. Voici les pièces dont se ALBANIE .
composait , au xve siècle, une armure de ARNAUD DE BRESCIA , porte ce
pied en cap : 1 ° casque, 2º haussecol , nom à cause de la ville d'Italie où il na
3º cuirasse, 4° épaulettes, 5 ° brassart , quit dans le xie siècle. Il vint en France
6 ° gantelets , yº tassettes , 8 ° cuissarts , de bonne heure, et y fut disciple d'Abei
gº grèves ou armure de jambes, 10 ° ge- lard ( voy .), sous lequel il fit de grands
ARN ( 312 ) ARN

progrès dans la vaine philosophie qu'il rait , par une lettre de saint Bernard,
enseignait. Il était doué de beaucoup de qu'il était en France vers 1140 et qu'il
facilité et d'une éloquence toute natu- dogmatisait avec son ancien maitre Pierre
relle que l'art et le travail achevèrent de Abeilard . Cependant il entretenait un
développer parti si puissant à Rome, qu'il y éclata
De retour en Italie , il embrassa l'état une sédition à la fin du pontificat d'In
monastique et s'adonna à la prédication. nocent II. Les Romains prétendirent
La corruption était alors à son comble réduire le pape à se contenter , pour sa
dans tous les états , et surtout dans le subsistance, des dimes et des oblations ,
clergé ; tous les monumens contempo- s'assemblèrent au capitole, et rétablirent
rains l'attestent, mêmeles écrits desaint le sénat. En 1144 , ils ajoutèrent un pa
>

Bernard. Cette corruption générale de- trice aux sénateurs et donnèrent cette
vait nécessairement enflammer le zèle de dignité à Jourdain , fils de Pierre de
tous les hommes généreux >, de tous les Léon , qu'ils regardèrent comme leur
esprits ardens ; aussi était-elle attaquée souverain. La révolte s'accrut à la mort
avec vigueur dans l'église orientale , lout de Lucius II , en 1145. Les Romains
aussi bien que dans l'église occidentale. voulurent contraindre son successeur
Arnaud de Brescia se distingua dans Eugène III à confirmer l'établissement
cette lutte par son emportement et par du sénat. Ce pontife s'y refusa et sortit
sa persistance, soit qu'il sentit plusvive- de Rome. Arnaud y entra pendant son
ment que tout autre l'odieux de ces dé- absence , enflamma l'enthousiasmedes sé
bordemens, soit qu'il fût dévoré du dé- ditieux, et les porta à abolir la préfecture,
sir de se faire une réputation. à ne reconnaitre que le patriciat , à dé
Il est à croire qu'Arnaud n'attaqua vaster les propriétés des ecclésiastiques
d'abord dans le clergé que l'abus qu'il et même les églises. Au mois de décem
faisait de ses vastes propriétés, et il avait bre de la même année , Eugène rentre
cela de commun avec les hommes les à Rome après avoir soumis les rebelles ,
plus distingués de son temps. Mais il en excommunie Jourdain et rétablit la di
vint bientôt à soutenir que le clergé ne gnité de préfet.
pouvait pas être propriétaire , et qu'il ne Adrien IV,> successeur d'Anastase IV
lui était pas permis d'allier avec ses en 1154 , plus courageux que ses pré
fonctions spirituelles des dignités pure- décesseurs ou plus favorisé par les cir
ment temporelles. Cette doctrine trouva constances, frappa d'anathème Arnaud
des partisans parmi les grands et dans et ses adhérens , dont quelques-uns des
le peuple. Les têtes fermentèrent >, et une plus emportés avaient blessé à mort Gé
révolte contrel'évêque de Brescia futleré- rard , cardinal-prêtre de Sainte-Puder
sultatde la fermentation sourdedes esprits. tiane , et jeta l'interdit sur la ville de
Le clergé s’aigrit et porta ses accu- Rome, jusqu'à ce qu'on en eût chassé ce
sations au concile de Latran , qui se tint moine audacieux. Les Romains effrayés
en 1139. LepapeInnocent II,après avoir expulsèrent Arnaud et les Arnaldistes
fait condamner , dans 30 canons , les qui se retirèrent dans la Toscane et y con
excès que blåmait Arnaud ou qui pou- tinuèrent leurs déclamations, aux applau
vaient résulter de ses fougueuses prédio dissemens du public qui regardait le no
cations, proscrivit sa doctrine. Othon de vateur comme un prophète. L'année sui
Frisingue la résume en ces termes : « Il vante le pape obtint du roi des Romains,
n'y a point de salut à espérer pour les Frédéric 1er , qu'Arnaud , qui d'abord
ecclésiastiques qui ont des biens en pro- avait été pris par le cardinal de Saint
priété , pour les évêques qui possèdent Nicolas et qui avait été arraché de ses
des seigneuries ,ni pour les moines qui mains par les efforts du vicomte de Cam
ont des immeubles ; toutes ces choses panie , serait livré au supplice , ce qui fut
appartiennent aux princes , et l'usage exécuté. Le préfet de Romele fit brûler
n'en doit être accordé qu'aux laïques. » vif en 1155 >, et fit jeter ses cendres dans
Arnaud , proscrit en Italie , se réfugie le Tibre , de peur que le peuple pe les
à Zurich , où il s'érige en docteur. Il pa- | honorât comme des reliques.
ARN ( 313 ) ARN
Arnaud de Brescia a été jugé diverse- | succès , sa vieillesse fut moins heureuse ;
ment ,> suivantles préjugés et les passions ; jeté dans les fers pendant la terreur, il
Mosheim et Gibbon l'ont traité moins ne sortit de prison que pour trainer une
sévèrement. Nous renvoyons le lecteur à existence fort triste , réduit à travailler
leurs ouvrages , et pour le jugement d'un par besoin , ce qui permet rarement de
poète distingué du temps , Gauthier de travailler avec gloire. De tous ses ouvra
Ligurie , à la Collection des conciles , ges les plus faibles furent, en effet, ceux
de Labbe, tom. X , col. 1013 . J. L. que lui commanda la nécessité. Il mourut
ARNAUD (François-THOMAS-MARIE en 1805 , âgé de 87 ans. >

BACULARD- D'), né à Paris, en 1718 , et Le nombre de ses écrits, tant en vers


élevé à l'école des jésuites , fut du nombre qu'en prose , est considérable. Les prin
des enfans précoces et des auteurs re- cipaux sont l’Histoire de M. et Mme de
marquables plutôt par le nombre que La Bédoyère , les Épreuves du senti
par le mérite de leurs écrits. Il put dire ment , les Délassemens de l'homme
comme Voltaire : sensible , les Loisirs utiles , le comte de
Dès le berceau je bégayai des vers. Comminges , Euphémie , Fayel et-Me
rinval et des Odes sacrées. Le comte de
Mais les vers qu'il bégaya ne passeront Comminges seulfut représenté en 1790,
point à la postérité. On ne connait guère et ne dut , comme l'a dit un auteur con
que par leurs titres trois tragédies qu'il | temporain , son succès momentané qu'à
composa dans sa jeunesse. Aucune ne l'horrible nouveauté du spectacle.
fut jouée ; une seule fut imprimée : cette Le genre lugubre était celui de d’Ar
pièce a pour sujet la Saint- Barthélemi. naud . Ses romans surtout portent le ca
Quelque faibles que fussent ces pre- ractère d'une imagination sombre . « Ce
mières productions, elles attirèrent l'at- sont , disait La Harpe , non des contes
tention de Voltaire , et procurèrent à bleus , maisdes contesnoirs.» Si , comme
l'auteurdes marques de sa bienveillance. l'a dit J.-J. Rousseau , Baculard d'Ar
Quelques poésies légères avaient éten- naud écrivait avec son cour , on doit re
du la réputation du jeune d’Arnaud. Un gretter que son cœur l'ait trop souvent
prince célèbre par la protection qu'il ac- porté aux excès d'une déclamation pro
corda à plusieurs gens de lettres , et qui lixe et ampoulée. A. M.
ne crut pas déroger en se rendant leur ARNAUD ( François ) , abbé de
émule, Frédéric, fit de d'Arnaud son cor- Grand -Champ , lecteur et bibliothécaire
respondant littéraire à Paris , l'appela de Monsieur , de l'académie française et
ensuite à Berlin , l'accueillit avec distinc- de celle des inscriptions , né à Aubignan,
tion , le nomma son Ovide , et , selon près de Carpentras. Il est connu par la
son usage , lui adressa des vers français part qu'il prit à la rédaction du Journal
où il le désignait comme le successeur de étranger et à celle de la Gazette littéraire
Voltaire qui s'éteint,disait-il, à son cou- de l'Europe, dont il fut le créateur avec
chant. C'était en 1750 , et Voltaire était Suard , et par diverses productions inté
alors dans toute la force de son talent. ressantes de ces deux écrivains , réunies
On pense bien qu'il ne fut pas flatté du en 4 vol. in-12 , intitulées Variétés litté
compliment . raires, ou Recueil de pièces tant origi
Retiré à Dresde, d'Arnaud futnommé nales que traduites, concernant la phi
conseiller de légation , puis , de retour à losophie, la littérature et les arts, Paris,
Paris , se répandit dans le monde qu'il 1770. Nourri de la lecture des anciens ,
quitta pour se livrer , dans la retraite , à bon critique et homme de goût, l'abbé
son goût pour les lettres. Les nombreux Arnaud sut donner à son style de l'intérêt
volumes qu'il publia eurent un succès et de la chaleur. Il fut, avec Suard , l'un
9

de larmes dans les boutiques ,> dans les des littérateurs les plus distingués de son
provinces et dans les colonies. Ils rap- temps et l'un des plus spirituels defen
portèrent 2 millions à la librairie , et ce- seurs de la philosophie. Ils étaient aussi
pendant l'auteur mourait de faim . remarqués l'un et l'autre dans le monde
Si sa jeunesse avait joui de quelque par l'intérêt qu'ils savaient répandre sur
ARN ( 314 ) ARN

leur conversation toujours animée et 1643, la publication du livre De la fré


toujours aussi pleine desel que d'intérêt. quente Communion, porta la Sorbonne
Il mourut à Paris en 1784. Ses Qu- à revenir sur ce qui avait été délibéré
vres complètes ont été imprimées à Pa- précédemment et à l'admettre dans sa
ris , 1808 , 3 vol. in -8 ° . S. A. B. société . Les honorables et nombreuses
ARNAULD (ANTOINE ),surnommé le approbations dont ce livre était muni ne
grand Arnauld ,naquit à Paris en 1612; purent arrêter ni les pamphlets ni les dé
il était le vingtième et le dernier des en- clamations du jésuite Nouet et de ses
fans d'Antoine Arnauld , un des plus confrères. Arnauld opposa aux déclama
célèbres avocats de son temps; il fit avec tions et aux libelles de ses ennemis un
distinction ses études au collége de Calvi- Avertissement, qui parut en tête d'une
Sorbonne et sa philosophie au collége seconde édition de son livre , et sa Théo
de Lisieux. On le destinait d'abord au logie morale des jésuites, par laquelle il
barreau , et on lui fit faire son droit ; préluda à de longs combats. La plumede
mais cette étude le dégoûta. L'abbé de ces pères était trempée dans le fiel , celle
Saint-Cyran ayant inspiré à sa mère la d'Arnauld nel'était pas moins , et de tou
pensée de le consacrer à l'état ecclésias- tes parts on se félicitait de travailler pour
tique , il entra en Sorbonne, et devint le la plus grande gloire de Dieu . Cepen
disciple de Lescot , confesseur du cardi- dant les écrits ne suffisaient point à la
nal de Richelieu et depuis évêque de haine des jésuites :: ils conseillèrent au
Chartres. Ce docteur lui enseignait la chancelier Séguier de porter l'affaire à
théologie scolastique , lorsque l'abbé de Rome et de forcer Arnauld d'aller se dé
Saint-Cyran lui conseilla de lire les opus- fendre en personne. Ce conseil eût pré
cules de saint Augustin sur la grace , et valu si Arnauld , l'université, le parle
traça à ce puissant génie la carrière qu'il ment , la Sorbonne en corps , n'eussent
parcourut depuis avec tant de gloire. représenté, en 1644, que « cette citation
Après cette lecture , son directeur lui était contraire aux lois de l'église de
ayantdemandéce qui l'avait le plus frap- France , qui veulent que les causes nées
>

pé , il répondit sur -le- champ que c'était dans son sein y soient jugées par elle, et
la différence des deux états, de la na- à celles du royaume qui ne permettent
ture saine , et de la nature corrompue pas qu'un sujet soit justiciable d'un tri
par le péché. Cette réponse est caracté- bunal étranger . » Le gouvernement ne
ristique : elle est tout l'homme.
:
donna pas de suite à la citation , et Ar
Dans sa thèse appelée Tentative, dé- nauld s'ensevelit dans une retraite impé
diée au clergé de France et soutenue, en nétrable d'où il ne sortit que vingt ans
1636, devant une nombreuse assemblée, après.
Arnauld fronda les sentimens de son pro- Du fond de cette retraite Arnauld dé
fesseur et se brouilla pour toujours avec dia à la reine le livre de la Tradition de
lui. En 1638 , il soutint sa sorbonique, l'église sur la pénitence , qui parut en
et reçut le sous-diaconat. En 1641 , la Sor- | 1644. C'était une réponse aux attaques
bonne voulut le recevoir de la société , de ses ennemis contre la Fréquente com
quoiqu'il n'eût pas rempli les conditions munion. Il mit tous ses soins à préserver
auxquelles est attaché le droit d'en être, ce livre d'une censure que les jésuites
parce que la rare piété du suppliant, poursuivaientà Rome avec acharnement;
sa capacité extraordinaire et le succès il n'y eut qu'une proposition , insérée
éclatant de sa licence , lui méritaient dans la préface par l'abbédeBarcos , qui
cette faveur ; mais le cardinal de Riche- mérita condamnation . La censure , por
lieu , proviseur de Sorbonne, s'y opposa. tée en 1645 , ne parut qu'en 1647 , et
En 1641 , Arnauld fut ordonné prêtre, encore sans aucune mention du livre De
après s'être dépouillé de son bien en fa- la fréquente Communion.
veur du monastère de Port-Royal ; il avait Arnauld n'était pas encore débarrassé
reçu le bonnet dedocteur quelques jours de cette affaire qu'il s'en préparait une
auparavant. bien plus épineuse qui devait durer toute
La haute réputation que lui acquit, en sa vie : l'affaire du jansenisme. L'Augus
ARN ( 315 ) ARN
tinus de l'évêque d'Ypres parut en 1640, au calvinisme. Arnauld opposà à leurs
et un décret du 1er août 1641 en prohi- libelles une Lettre sur le sujet de l'apos
ba la lecture. Urbain VIII donna une tasie de Jean de Labadie , et la Remon
bulle contre l'ouvrage de Jansenius , trance aux pères jésuites touchant le
pour en empêcher la réception en Sor- Manifeste de la véritable doctrine des
bonne : Arnauld publia, au mois d'août jansenistes.
1643, les premières et secondes Obser- Pendant quelque temps Arnauld avait
vations qui furent suivies bientôt après observé le plus rigide silence ; mais le re
des Considérations sur uneprétendue fus d'absolution fait sur la paroisse de
censure , des Difficultés sur la bulle in Saint-Sulpice au duc de Liancourt , s'il
eminenti, et de la première et seconde ne retirait sa petite-fille pensionnaire à
Apologie de Jansenius. Port-Royal et s'il ne renvoyait de son hô
Le docteur Arnauld ne jouissait pas tel le père Desmares et l'abbé de Bour
d'un moment d'armistice qu'il ne s'occu- zéis, alluma la bile du docteur. Il écrivit
pât sur- le- champ d'un ouvrage de piété. en 1655 une Lettre à une personne de
Il fit paraître successivement la traduction condition . Cette lettre fut vivement atta
du livre des Meurs de l'église catholique, quée , et il se vit obligé d'en écrire une
du livre de la Correction et de la Grace, Seconde à un duc et pair. On rapporte
du livre de la Vérité de la religion ,du li- qu'après l'avoir lue , le pape Alexandre
vre de la Foi, de l'Espérance et de la Cha- VII loua la piété et l'érudition de l'au
rité, et du Manuel de saint Augustin. Il va- teur, et l'exhorta à mépriser à l'avenir les
riait ces occupations par la traduction libelles de ses adversaires. Cependant
en latin de son livre de la fréquente Com- elle fut pour lui une source de nouvelles
munion , par ses Novæ objectiones con- peines : elle lui suscita une censure de la
tra Renat. Descartis meditationes, et Sorbonne , surtout par le doute qu'elle
par quelques opuscules anti-jésuitiques exprimait que les cinq propositions fus
ou de piété. Il joignit aux travaux du ca- sent contenues dans le livre de Jansenius.
binet , pendant quatre années , l'exercice Cette discussion , où le docteur 'Ar
du ministère ecclésiastique , la direction nauld avait multiplié les écrits en latin
des religieuses et des pensionnaires de et en français,, ne l'occupait pas tellement
Port-Royal. qu'il ne composât des ouvrages d'un au
En 1649 , le syndic Cornet dénonça à tre genre. Il avait publié au commence
la faculté de théologie sept propositions ment la Concorde des évangiles et l'Office
dont cinq étaient extraites de l'Augusti- du Saint- Sacrement, dont on admire la
>

nus. La querelle, qui n'était qu'assoupie, préface et encore plus la Table historique
se réveilla avec plus de violence qu'au- et chronologique. Il composa, l'année de
paravant. ' Arnauld reprit la plume et sa condamnation , la Réponse à un écrit au
donna les Considérations sur l'entreprise sujet de la sainte épine, et de l'Autorité
du sieur Cornet. La dénonciation portée des miracles.... Des motifs de prudence
en Sorbonne n'était que le prélude de le contraignirent d'abandonner le monas
celle que l'on porta presque simultané- tère de Port-Royal qu'il habitait depuis
ment à Rome. Arnauld publia en 1650 1648 , et de se réfugier avec Nicole dans
des Considérations sur la lettre de M. de une retraite inaccessible.
Vabres , qui était à la tête des dénoncia- En 1656 , il fut exclu de la société de
teurs. Cette année vit aussi paraître l’A- Sorbonne et même de la faculté de théo
pologiepourlesSaints - Pères, le meilleur logie. « C'est aujourd'hui, écrivait- il à sa
ouvrage, à l'avis d'Arnauld , qui soit sorti nièce, la mère Angélique, qu'on me doit
de sa plume. rayer du nombre des docteurs ; j'espère
Jean de Labadie,jésuite pendant quinze en la bonté de Dieu qu'il ne me rayera
ans , sortit de la société et se lia avec les pas pour cela du nombre de ses serviteurs.
amis de Port-Royal ; bientôt après il em- C'est la seule qualité que je désire con
brassa la réforme de Calvin . Les jésuites server. » Tous les docteurs qui ne voulu
triomphèrent : ils écrivirent que le jan- rent pas signer sa condamnation furent
sénisme était le grand chemin qui mène également exclus et privés des avantages
ARN ( 316 ) ARN
qui sont attachés à cette qualité. Rome se si grands talens à des controverses dont
montrait moins sévère à l'égard d'Arnauld: le fond était souvent ridicule. Il publia
elle prohibait ses écrits , mais ne les cen- ou laissa en manuscrit : 1 ° la Gram
surait pas. Arnauld entretenait une cor- maire générale etraisonnée dite de Port
respondance très étendue et très suivie. Royal; 2° le Réglement pour l'étude
Il était l'oracle de son parti ; on attendait des belles-lettres; 3° la Logique, ou l'art
sa réponse pour agir ou pour se tenir en de penser ; 4° Nouveaux élémens de géo
repos. De quelque prodigieuse activité métrie; 5 ° Réflexions sur l'éloquence des
d'esprit qu'il fût doué , il n'en était pas prédicateurs. Tous ces ouvrages ont été
moins excédé de tant de tracasseries et perfectionnés depuis par des hommes
de tant de travaux. Ses amis même aug- habiles , mais le premier jet en est dû au
mentaient les peines de sa situation : les docteur Arnauld. Son cachet subsiste
uns avaient besoin d'un frein pour être toujours au milieu des améliorations
retenus dans les bornes de la modération; qu'on y a faites.
il fallait exciter les autres pour les con- Cet homme illustre était un des plus
duire au but où l'on tendait. C'était un profonds métaphysiciens de son siècle ;
général qui guidait au combat des troupes ses Nouvelles objections contre les mé
indisciplinées composées d'hommes valeu- ditations de Descartes, dont nous avons
reux et d'hommes timides. déjà parlé , le Traité des vraies et des
Arnauld s'était aperçu qu'une guerre fausses idées , publié en 1683 ; les Ré
défensive avec les jésuites lui était moins flexions philosophiques et théologi
favorable qu'une guerre offensive, et il ques, 1685 ; sa Dissertation sur les mi
porta cette dernière dans l'intérieur de racles de l'ancienne loi, 1685 ; ses Neuf
leurs retranchemens. Les jésuites atta- lettres au père Malebranche et tout ce
quaient les jansenistes sur leur foi, les qu'il a écrit contre ce philosophe, contre
jansenistes attaquèrent les jésuites sur dom Lami ou contre Nicole , en sont des
leur morale ; ils leur reprochèrent d'avi- témoignages incontestables.
lir la religion par des pratiques supersti- On peut mettre en tête des ouvrages
tieuses. Arnauld fournit des matériaux à d'Arnauld qui touchent en quelque sorte
Pascal pour ses Provinciales. Il publia en à la jurisprudence, l'Apologie pour les
1658 Cinq écrits en faveur des curésde catholiques, 1681 et 1682. C'est un
Paris contre les casuistes reláchés ; en chef-d'oeuvre de dialectique et de bonne
1662 , la Nouvelle hérésie des jésuites , discussion. Les jurisconsultes et les ca
les Illusions des jésuites dans l'exposé de nonistes ont admiré son savoir et son élo
leur thèse, Factum pour les curés dePa- quence dans l'Éclaircissement sur l'au
ris sur cette thèse ; en 1665 , Remarques torité des conciles , 1684 ; dans les Six
sur la bulle d'Alexandre VII contre les écrits pour la défense de l'évèque d’Alet,
censures de Vernant et d'Amadæus; en contre quelques ecclésiastiques et quel
1689 et 1690, Cinq dénonciationsdu pé- ques gentilshommes de son diocèse, 1665
ché philosophique; en 1683 , le second et 1666 ; dans les Six mémoires publiés
volume de la Morale pratique des jésui- pour la cause des quatre évêques; dans
tes :le premier avait paru en 1669 , le les quatre Mémoires pour la duchesse de
troisième parut en 1689 , et les cinq au- Longueville , sur la souveraineté de Neu
tres à différentes époquesjusqu'en 1694 châtel ; dans un Mémoire pour le duc de
où le dernier fut imprimé ; de 1685 à Liancourt, et dans quelques autres pièces
1688, quatre Factum pour les petits ne- de ce genre. Plusieurs questions du droit
veux de Jansenius , contenant la réfuta- | public y sont traitées avec une supério
tion du roman de Bourgfontaine et autres rité digne de lui et pouvant servir de
calomnies. modèie. D'un autre côté , nous devons à
Vers le même temps Arnauld composa Arnauld de précieux éclaircissemens sur
des ouvrages qui resteront comme des les difficultés qui se rencontrent dans le
monumens éternels d'un des plus beaux Nouveau-Testament et sur la lecture de
génies qui aient honoré la France , et qui ce livre sacré en langue vulgaire. Il donna,
ſeront regretter à jamais le long emploi de en 1569 , la Concorde des Évangiles en
ARN ( 317 ) ARN
français; en 1666 , le Nouveau – Tes- , cole , parut successivement en 1669 ,
C

tament de Mons. Cette traduction , qui 1671 et 1672, trois vol. in-4". On doit
essuya beaucoup de critiques, donna lieu à Arnauld seul : 1 ° Renversement de la
à une multitude d'écrits pour sa défense; morale de Jésus - Christ par les calvin
il y en a contre l'archevêque d'Embrun, nistes , 1672, in-4° ; 2º l'Impiété de la
contre le père Maimbourg , contre le père morale des calviristes , 1675 , in-4° ;
Annat , contre Mallet , contre des ano- 3° Remarques surune lettre de M. Spon ,
>

nymes, sur un Décret du pape qui la con- 1680, in-8°; 4° Le Calvinisme convaincu
damnait , et sur un Mandement de l'ar- de nouveaux dogmes impies 1682 ;
chevêque de Paris. Il s'occupa aussi , 5° Réponse générale à M. Claude, 1671 .
avec succès, de critique. Il fit des com- Tous ces ouvrages sont estimés parmi les
mentaires sur le livre de saint Augustin catholiques.
de Correctione et Gratia , sur les Con- Durant l'intervalle qui s'écoula de
fessions de ce père, sur l'édition que l'on puis la paix de Clément IX jusqu'à la
préparait de ses euvres , et sur divers reprise ouverte des hostilités, Arnauld
sujets qui lui furent soumis. Tous ceux fit quelques voyages pour voir ses pa
de ses amis que l'on attaqua trouvèrent rens , se lia d'amitié avec Boileau et le
en lui un zélé défenseur. Il prêta sa plume réformateur de la Trappe, et se réconci
aux filles de l'enfance, aux religieuses lia avec Racine , au sujet de la tragédie
de Port - Royal, aux théologiens com- de Phèdre, dans laquelle il avait cru aper
promis dans la fourberie de Louvain , à cevoir le jansenisme. Tout le monde était
l'évêque d’Alet , etc. curieux de voir un homme si célèbre ;
En louant le savoir éminent et les su- mais il se dérobait autant qu'il lui était
blimes qualités d'Arnauld , nous ne pré- possible à ce qu'il appelait la servitude
tendons nullementapprouver les erreurs des visites. On cite le trait suivant en
et l'opiniâtreté que l'on a condamnées preuve de la simplicité d'Arnauld : la
dans sa personne. Nous resterons étran- duchesse de Longueville lui avait donné
gers au jansenisme comme à tout autre asile dans son hôtel vers 1666, à condi
parti. tion qu'il n'y paraitrait qu'en habit sé
En 1668 , Arnauld se prêta de bonne culier, avec unegrande perruque et l’é
grace à l'accommodement appelé la paix pée au côté. Il y fut attaqué de la fièvre :
de l'église, et fut présenté au nonce qui la princesse fit venir le médecin Brayer,
l'accueillit avec la plus grande distinction et lui recommanda d'avoir soin d'un gen
et donna des éloges à ses rares talens. tilhommequ'elle protégeait particuliè~
« Monsieur , lui dit-il , vous avez une plu- rement. Brayer monte chez le malade
qui, après l'avoir entretenu de sa fièvre,
« me d'or pour défendre l'église de Dieu .»
Il fut également présenté au roi et lui lui demanda la nouvelle du jour. « On
fit son compliment. Le roi lui répondit parle , dit Brayer, d'un livre nouveau de
qu'il était bien aise de voir un homme de Port - Royal , qu’on attribue à M. Ar
-

son mérite , qu'il avait oui faire beau- | nauld ou à M. de Sacy; mais je ne le
coup d'estime de sa personne , et qu'il crois pas de ce dernier, il n'écrit pas si
souhaitait que ses talens fussent em- bien. »« Que voulez -vous dire, monsieur,
ployés à défendre l'église. Il reçut par- répond Arnauld avec vivacité 2, mon ne
tout le même accueil , les mêmes louan- veu écrit mieux que moi. » Brayer regarde
ges, et cependant il ne fut pasrétabli en en face son malade , se met à rire, des
Sorbonne, cend chez la princesse et lui dit : « La
Afin de remplir les engagemens qu'il maladie de votre gentilhomme n'est pas
avait contractés , il se mit à travailler à considérable; je vous conseille cepen
la réfutation du protestantisme. Déjà il dant de faire en sorte qu'il ne voie per
avait publié quelques ouvrages polémi- sonne; il ne faut pas le laisser parler.
ques sur cette matière , entre autres la Bien que le docteur Arnauld fùt per
petite Perpétuité de la Foi, 1664. La suadé que les cinq propositions n'étaient
grande Perpétuité de la Foi sur l’Eu- point dans le livre de Jansenius, il était
charistie, qui est principalement de Ni- entré néanmoins de bonne foi dans l'ac
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commodement,et n'avaitpasvoulule trou- 1 plusieurspièces concernant lorigine, la >

bler en rompant le silence qu'il avait vie et la mort d'Arnauld , 2 vol. in- 12.
promis. Mais cette inquiétude naturelle L'abbé de Majainville a donné une Vie
aux hommes , et plus particulièrement plus étendue de ce docteur; Paris , 1783,
aux théologiens , ne put pas s'accommo- 2 vol. in-8° et 1 vol. in-4°,> en tête des
der long-temps d'une paix si chèrement OEuvres d'Arnauld.
achetée. Elle fut troublée parde miséra- Les ouvrages d'Arnauld ont été sou
bles chicanes . L'affaire de la Régale , la vent reproduits par la presse. En 1783
mort de la duchesse de Longueville, l'ac- et années suivantes on les aa recueillis en
cusation de cabale contre l'état jointe à 48 vol. in-4° . Cette immense collection,
la note d'hérésie , l'ordre formel de sor- assez bien soignée , renferme une foule
tir du faubourg Saint-Jacques , toutes de documens précieux pour l'histoire des
ces choses réunies forcèrent le docteur égaremens de l'esprit humain . Elle est
Arnauld de se retirer , en 1679, à Fon - précédée d'un catalogue de tous ses ou
tenai-aux- Roses et, quelques jours après, vrages par ordre chronologique. Il ne
de se réfugier à Mons , dans la Flandre faut pas oublier que le docteur Arnauld
autrichienne. Cette contrainte ,> à son âge eut une grande part à la Bible de Sacy,
et avec une santé affaiblie par une vie la- à l’Amour pénitent de Néercassel, évê
borieuse et sédentaire, lui fut pénible ; que de Castorie , et que les jansenistes
il la déplorait amèrement dans un de ses n'ont rien publié d'important sans'le lui
ouvrages . communiquer. J. L.
Cependant Arnauld ne resta pas long- Son frère ainé ARNAULD D'ANDILLY
temps aà Mons; il erra de ville en ville, sans ( Robert ) est connu par de nombreux
demeure fixe , toujours écrivant pour la écrits, surtout religieux , et par une tra
défense de sa cause avec une vigueur duction plus élégante que fidèle des Con
de style que ses amis même ne jugeaient fessions de saint Augustin. Après avoir
pas sans reproche , mais qu'il s'efforça long -temps vécu dans le monde et joui
de justifier par des écrits ex professo. Il de la faveur de la cour , il se retira à
est étonnant que cet homme, que l'égalité l'âge de 55 ans dans le monastère de
d’ame la plus constante , une douceur Port-Royal-des-Champs, où il mourut en
aimable , une conversation toujours ins- | 1674 , à 85 ans. S.
tructive , rendaient cher à tous ceux qui ARNAULT ( ANTOINE - VINCENT ),
l'approchaient , ait été si mordant, si acri- né à Paris en 1766. Après avoir fait d'ex
monieux dans sa polémique. Peut- être cellentes études au collége de Juilly , di
doit -on s'étonner davantage qu'il ait eu rigé par des Oratoriens , il fit jouer , en
avec ses principaux amis des démêlés et 1791 , au Théâtre-Français sa tragédie
des discussions sur les matières même de Marius à Minturnes qui obtint le plus
pour lesquelles il était condamné. C'est beau succès. Un an après', il donna sur
ainsi qu'il écrivit contre Pascal et Domat , la même scène Lucrèce, où il ne crai
contre Gilbert de Choiseul, évêque de gnit pas de montrer Brutus simulant la
Tournai, contre Nicole, et contre le pape folie au milieu de la cour des Tarquins ,
Innocent XI, son protecteur , parce qu'il et se jouant de ses redoutables ennemis
avait condamné la déclaration du clergé jusque sous le poignard.
de France, au grand détriment des héré- Malgré ses tragédies républicaines ,
tiques , et contre le père Malebranche. l'auteur était attaché à la monarchie. La
Arnauld mourut à Bruxelles le 8 août journée du 10 août et son horreur pour
1694. Son corps fut enterré dans l'église les massacres - de septembre lui firent
de Sainte -Catherine de cette ville ; son chercher un asile à l'étranger. Rentré
coeur fut porté à Port- Royal-des -Champs, en France à la fin de 93 , il fut arrêté
d'où il fut transféré à Palaiseau , en 1710 . comme émigré. Livré aux membres d'un
Boileau composa son épitaphe; Racine , tribunal révolutionnaire , il ne dut son
2

Santeuil et d'autres poètes , célébrèrent salut peut-être qu'au respectqu'inspirait


aussi ses vertus et ses talens. Le père encore le souvenir de Marius.
Quesnel publia , en 1697, un Recueil de Chargé par Napoléon , en 1797, d'ore
ARN ( 319 ) ARN

ganiser le gouvernement des iles Ionien- | des faits curieux, peu connus , et des pa
nes , M. Arnault composa ses Vénitiens, ges dignes de Tacite , dont il a , dans ses
à Venise même , sur les ruines de cette
> jugemens sur ses contemporains, souvent
république. Il fut successivement nommé la sévérité , mais aussi , comme l'ami de
membredel'Institut et de laLégion -d'Hon- Pline le jeune, dans ses affections, la cha
neur , et chef de l'instruction publique. leureuse constance. On. L. R.
Traité avec affection par l'homme im- ARNAULT (LUČIEN -ÉMILE), fils ainé
mortel qu'il admirait , il l'aima , l’aida du précédent, né à Versailles en 1787.
de tous ses efforts à triompher de l'anar- Le prince Lucien Bonaparte , très liéavec
chie au 18 brumaire , le servit dans sa M. Arnault père , donna à son fils pour
>

haute fortune et resta fidèle à son mal- prénom le nom de Lucien .De bonne heure
heur. L'esprit de parti lui en fit un crime. M. Lucien Arnault montra les plus heu
Après la seconde déchéance de l'empe- reuses dispositions ; il se consacra à la
reur, M. Arnault , exilé à Bruxelles , fit carrière de l'administration , fut nommé
>

cependant représenter au Théâtre-Fran- auditeur au conseil-d'état en 1808, et par


çais sa tragédie de Germanicus, qui fut suite des conquètes etdes campagnes de
entendue jusqu'au bout avec un vif inté- l’empire , il fut chargé du gouvernement
rêt. Mais lorsqu'on voulut nommér l'au- et de l'administration de plusieurs con
teur,uneopposition formidable engagea , trées , particulièrement et pendant cinq
dans le parterre, contre ses partisans, années consécutives , de l’Istrie dans les
une lutte terrible, où l'on crut voir tous provinces Illyriennes. Revenu en France
les symptômes d'une guerre civile. après la perte de ces conquêtes , il
M. Arnault , après avoir trouvé dans fut nommé d'abord sous- préfet à Châ
son exil les plus honorables distinctions, teauroux , fonctions qu'il conserva pen
fut enfin rendu à sa patrie en 1819. Ses dant la première restauration ; au retour
æuvres ont été recueillies en 5 vol. in-8 ° , de Napoléon , il fut nommé préfet de
Paris , 1818 , et réimprimées plusieurs l'Ardèche. Destitué lors de la seconde
restauration , àà l'époque ou son père fut
fois en Belgique. On y remarque surtout
les tragédies de Marius, des Vénitiens,
proscrit >, il alla le voir sur la terre d'exil,
d'Oscar , de Germanicus, du Roi et le et après lui avoir prodigué les témoigna
Laboureur, la comédie de Duguesclin ges de son dévouement filial il revint en
ou lesmæurs du xive siècle , une autre France quelques années avant le rappel
>
comédie de circonstance en deux actes et de M. Arnault père. Ce fut pendant cet
en vers libres, intitulée les Gens à deux intervalle, qu'après avoir présenté au
visages ; enfin des Mélanges de prose , théâtre français la tragédie de Pertinax,
des Poésies diverses et des Fables sou- assez généralement attribuée à M. Ar
vent citées. 2
nault père , il fit représenter Régulus.
L'auteur de tant d'ouvrages recom- Cette tragédie , en 3 actes , eut un grand
mandables, auxquels il faut ajouter en nombre de représentations à Paris et dans
core la Vie politique et militaire de Na- les départemens.Leprincipal rôle mitdans
poléon,, ouvrage orné de planches litho- un nouveau jour le talent de Talma ,
graphiées, Paris 1822, 3 vol. in - fol.,. quelque temps avant que ce grand acteur
ayant été rappelé, en 1829, à l'Académie fût enlevé à la scène. Encouragé par ce
française, d'où il avait été éliminé , succès , il fit représenter d'autres tragé
M. Villemain lui adressa , en qualité de dies qui obtinrent aussi de nombreuses
directeur de l'illustre compagnie, un représentations,, Pierre de Portugal, le
discours remarquable dont nous vou- dernierjour de Tibère et Catherine de
drions pouvoir rappeler quelques pas- Médicis. Il vivait retiré en Auvergne
sages. lorsqu'éclata la révolution de juillet , et ,
Depuis , M. Arnault aa été nommé à la d'après les preuves de capacité qu'ilavait
place de feu M. Andrieux , secrétaire déjà données , il fut porté sur lapremière
perpétuel de l'Académie française , et il liste des préfets nommés par le lieute- '
a publié les Souvenirs d'un sexagénaire, nant général du royaume . On lui destinait
4 vol, in- 8°, Paris 1833 , On y trouve d'abord la préfecture de Marseille : son
ARN ARN
( 320 )
absence empêcha qu'il y fût porté ; il fut le tourmenta depoursuites et d'enquêtes.
nommé à celle de Saône - et- Loire, puis M. Arndt , toujours ferme et courageux ,
bientôt après à celle de la Meurthe. Par protesta contre l’illégalité de la procé
ses lumières et son expérience adminis- dure. On finit par le laisser tranquille ,
trative M. Arnault se fait estimer dans ce mais après lui avoir ôté la chaire qu'il
département où ses qualités privées lui avait si bien occupée. Son dernier écrit
ont valu l'attachement de ses adminis- parut en 1831 sous ce titre : De la ques.
:

trés. M. B. tion relative aux Pays - Bas et aux pro


ARNDT ( ERNEST -MAURICE ), écri- > vinces rhénanes. D- G.
vain politique dont les ouvrages ont ARNE (THOMAS-AUGUSTIN ), que les
beaucoup contribué à soulever l'Alle- Anglais regardent comme un de leurs
magne contre le despotisme de Napo- | plus grands compositeurs , naquit à Lon
>

léon . Né en 1769, en Pomeranie,M.Arndt dres en 1704. Il était-fils d'un tapissier.


fut en 1806 professeur à l'université de son père l'envoya faire ses premières
Greifswald . Il se fit connaître d'abord études au collége d'Eton , et le destinait
dans le monde littéraire par la relation au barreau. Mais il se sentit une telle
de ses voyages en Suède , en Italie , en vocation pour la musique qu'il fit porter
France et en Allemagne, qui forment en- secrètement une vieille épinette dans le
semble 13 volumes. A cette époque il ne grenier de la maison de son père , afin
voyait encore que le côté favorable , et de pouvoir poursuivre ses études favo
le louait dans ses écrits. En 1803 parut rites. Pendant long-temps il fut ubligé de
son ouvrage La Germanie et l'Europe, garder le secret ; enfin , son père , voyant
où il y a beaucoup d'idées neuves sur ses progrès , fut contraint de céder à son
>

les arts , sur l'éducation , sur la tendance désir . Sa sæur possédait une belle voix
des esprits , etc. Quatre ans après il fit et était aussi passionnée que lui pour la
paraître son Esprit du temps (Geistder m musique ; il obtint d'elle qu'elle choisit
Zeit, 1807) , quiavertit l'Allemagne des la profession de cantatrice. Il composa
plans de Napoléon. M. Arndt n'hésita pas une partie pour elle dans son premier
à déclarer qu'il fallait combattre ce con- opéra de Rosamond ( d'après le texte
quérant par ses propres armes. Cet ou- d'Addisson ) qui fut exécuté en 1733.
vrage, publié dans un temps où l'ascen- Bientôt suivit l'opéra - comique Tom
dant de l'empereur des Français rédui- Thumb ou l'opéra des opéras. Son style
sait déjà la plupart des écrivains au si- est encore plus original et plus savant
lence , fit une grande sensation et eut dans Comus, qu'il fit paraitre en 1738.
successivement quinze éditions. Obligé Le public était charmé de sa mélodie
de s'enfuir en Suède, M. Arndt continua animée , gaie et naturelle , jointe à la
d'enflammer le patriotisme des Allemands vérité et à la simplicité de l'expression.
et de réveiller en eux le goût de l'indé- En 1740, il épousa Cécile Young, canta
pendance. Lorsqu'enfin la nation alle- trice distinguée , qui avait été élevée dans
mande eut secoué le joug et reconquis un pensionnat italien. Ils se rendirent ,
une existence indépendante , il revint en 1742 , en Irlande où ils furent bien
de son exil et reçut de nombreux té- reçus. Deux ans après , Arne fut engagé
moignages d'estime. Le roi de Prusse comme compositeur et sa femme comme
l'appela , en 1818 , à la chaire d'histoire
> cantatrice au théâtre de Drury -Lane, à
à l'université de Bonn ; mais dès l'année Londres. Il composa plusieurs morceaux
suivante M. Arndt donna de l'ombrage à la en 1745 pour les concerts du Wauxhall .
police soupçonneuse de la diète germa- Après avoir composé deux oratorio et
nique. Il demandait, avec d'autres hom- plusieurs opéras , dont un sous le titre
mes courageux, les garanties sociales d'Élisa , et ant reçu la qualité de pro
que les gouvernemens d'Allemagne fesseur de musique à Oxford , il essaya
avaient promises dans le moment du de faire une composition dans le genre
danger et auxquelles ils ne pensaient | italien , Artaserse, d'après Métastase, et
plus quand leur pouvoir se fut affermi. qui eut du succès. Il faisait mieux valoirson
On l'accusa de menées démagogiques, on talent dans le genre simple et érotique
ARN ( 321 ) ARN
que dans le genre grave et élevé. Il com- rait fait le plus rusé cardinal. » A, C , L,
posaaussi plusieurs chants pour lesdra-ARNIM (Louis-ACHIM D’ ), poète et
mes de Shakespeare, et quelques mor- romancier allemand , né en 1781, à Ber
ceaux variés de musique instrumentale. lin. Sa vie est aussi simple que ses ou
Il mourut en 1778. Sa sæur devint une vrages sont bizarres. Il se voua d'abord
cantatrice distinguée , connue sous le aux sciencés naturelles , et publia une
nom de madame Cibber. C. L. théorie de l'électricité (Halle, 1799), où
ARNIM , famille allemande très an- il cherchait à établir le principe surna
cienne, dont on rapporte même à l'an- tùrel de tous les phénomènes; puis il dé
née 926 la première arrivée dansle Bran- buta par quelques romans, et se mit à
debourg. Elle a fourni à la Prusse un voyager, à parcourir l'Allemagne en tout
feld -maréchal (GEORGES-ABRAHAM , 1651- sens. Le caractère spécial des provinces
1734 ) , un ministre (GEORGES-FRÉDÉ- et la vie populaire se révèlent à son re
Ric , mort 1772 ) , et plusieurs autres gard de poète. Il saisit au vol ces chants
hommes remarquables. décousus , qu'on entend fredonner au
ARNIM (Jean - George d' ) , appelé pâtre , à la jeune fille, à l'artisan voya
-

>

aussi Arnheim , et plus connusous le nom geur. Herder avait déjàrecueilli un grand
de Capucin luthérien , fut lieutenant- nombre de ces chansons du peuple; Ar
général au service de l'Empereur et denim en trouva d'autres et en composa
la Saxe électorale , pendant la guerre de un grand nombre, de concert avec Bren
trente ans. Né en 1581, dans l’Uker- tano, son parent et ami ; ils déposèrent
mark , de l'ancienne famille dont nous dans le Cor merveilleux ( des Knaben
avons parlé , il servit d'abord sous les Wunderhorn, Heidelb ., 1806 et 1819 )
drapeaux suédois; Gustave - Adolphe fut le fruit de leurs recherches et de leurs
son premier maitre. En 1626 il passa inspirations.
sous les ordres de Wallenstein , pour Arnim, dans ses romans et ses nouvel
lequel il eut plusieurs missions impor- les, tient à la fois de Tiek et de Hoffmann :
tantes à remplir. En 1631 on le re- il a pris à l'un son ardent amour du
trouve au service de l'électeur de Saxe , moyen -âge ; il a de commun avec l'autre
et à la tête des troupes saxonnes pen- la spectromanie, cette disposition mala
dant la célèbre bataille de Leipzig.Après dive du poète , qui ne se sent à l'aise
la paix de Prague que l'électeur de Saxe qu'au milieu d'un monde de fantômes ,
conclut avec l'empereur Ferdinand II , qui place l'idéal dans une spirituelle
Arnheim quitta le service pour se re- extravagance , et le succès dans les fris
tirer dans ses terres. C'est là que le sonnemens nerveux. Le jardin d'hiver
feld -maréchal Wrangel le fit enlever et (Wintergarten )est unecollection de nou
transporter à Stockholm, en 1637 , pour velles datée de 1809 ; la comtesse Do
le punir de la trahison qu'on lui impu - lores, ou, pour traduire avec plus d'exac
tait ; mais adroit et courageux , Arnheim titudele titre plus significatif :Pauvreté,
parvint à s'échapper de sa prison. De richesse, faute et penitence de la com
retour auprès de son ancien maître ,> il tesse Dolores, histoire notée pour l'ins
reçut de nouveau le commandement des truction et le plaisir honnête de pau
armées impériales et saxonnes. Peut- vresdemoiselles, est un roman en 2 vol.,
être sa versatilité l'eût-elle poussé en- de 1810. On y trouve le triste et tou
core une fois dans les rangs opposés, si chant tableau d'une haute existencetom
la mort n'avait mis fin bientôt après bée dans la misère. Isabelle d'Égypte
( 1641 ) à sa carrière bizarre. A la face (Heidelberg, 1811 ), peut-être le plus bel
du monde Arnheim sé montrait protes - ouvrage d’Arnim , présente d'une ma
tant zélé ; mais cela n'empêcha pas qu'il nière pittoresque la vie vagabonde des
ne passât pour un jésuite déguisé. Sa Bohémiens , peuplade si poétique, avec
tempérance , son activité, lui valurent le ses allures orientales; race máudite, dont
sobriquet honorable de Capucin luthé- Cervantes , Goethe et Béranger se sont
rien . Richelieu, en apprenant sa mort , aussi emparés , mais pour la reproduire
s'écria : « Rome y perd beaucoup ; il au- | vivante , tandis qu'Arnim fait l'histoire
Encyclop. d . G. d . M. Tome II. 21
ARN ( 322 ) ARN
d'un cadavre bohémien ; Arnim est le gent, et l'exempta des impôts sa vie du
poète de la mort. Il a aussi composé des rant. Les observations d'Arnold étaient
a

drames tels que Halle et Jérusalem , etc. si exactes qu'elles furent insérées dans
Frappé par les malheurs de sa patrie, les Acta eruditorum . Arnold publia un
qui gémissait sous le joug de Napoléon, ouvrage intitulé Signes de la grace de
rongé par des soucis de fortune, il se tut Dieu , manifestés dans un prodige so
pendant quelquesannées. En 1827, il pu- laire, 1692, in-4 °. L'astronome Schree
blia les Gardiens de la couronne ( die ter a donné le nom d'Arnold à trois val
Kronenwächter), roman qui joue sous lées dans la lune. C. L.
le règne de l'empereur Maximilien ; puis ARNOLD ( SAMUEL ) , compositeur
il rentra dans le silence et mourut en distingué, naquit en 1739 ou 40, en Al
1831 . L. S. lemagne. Il fit son éducation musicale
ARNO , voy . FLORENCE. dans la chapelle de Londres. Une com
ARNOBE , l'ancien , savant philoso- position dramatique ,> qu'il produisit
phe et rhéteur, né à Sicca , ville d'Afri- à 23 ans eut pour lui l'avantage qu'on
que , florissait sous l'empire de Dioclé- l'attacha comme compositeur au théâtre
tien, vers l'an 300. Il avait étudié par de Covent -Garden . Il fit pour la scène la
état, et ilenseignait la théologie du paga- musique dela Servante du Moulin . Il se
nisme , lorsqu'il se rendit à l'évidence de distingua surtout par l'oratorio de la
la religion chrétienne dont il prit la dé- Guérison de Saül (paroles de Brown ).
fense. Ses argumens sont d'autant plus Ilfitensuite les oratorio d'Abimelech, de
sûrs qu'il connaissait mieux les objec- l'Enfant prodigue et de la Résurrection.
tions auxquelles il répond dans les sept Arnold composa aussi plusieurs mor
livres qu'il a composés contre les Gentils. ceaux de musique vocale et instrumen
Une raison piquante et une certaine élé- tale pour les concerts du Jardin . Après
gance cicéronienne dont il assaisonne avoir reçu le titre de docteur en musique
ses discours le rendentdigned'avoir été à Oxford , il devint , en 1783 , organiste de
le maitre de Lactance .La meilleure édi- la chapelle royale . Il fit une édition de
tion de son traité adversus Gentes est luxe de tous les ouvrages de Hændel, en
celle d'Orelli, Leipzig, 1816, 2 volumes 36 volumes in - fº. En 1789 , ilfut nommé
in-8 ° . G- CE. directeur de l'Académie de musique ;
ARNOBE, le jeune, vivait dans la Gaule, quatre ans après, organiste à l'abbaye de
dans la seconde moitié du ve siècle; il fut Westminster . Plus tard ( 1796 ) il fut
moine suivant les uns, et évêquesuivantles chargé de diriger les concerts annuels
autres. Ses commentaires sur les psau- exécutés dans l'église de Saint-Paul, au
mes furent publiés à Cologne, en 1595.9 . bénéfice des enfans du clergé. En 1798 ,
ARNOLD (CHRISTOPHE ),paysan de il composa son oratorio d'Elijah , or the
Sommerfeld , près de Leipzig , fut un as- woman of Shunam . Il mourut à Londres
>

tronome célèbre. Il naquit dans ce vil- en 1802, et fut enterré à l'abbaye de


lage en 1646 et y mourut en 1695. Il Westminster. A. C. L.
correspondait avec les savans les plus cé- ARNOLD ( Benoit ), général améri
lèbres de son temps. Il éleva un obser- cain qui a souillé son nom , d'abord glo
vatoire sur sa propre maison , qui con- rieux , par une odieuse trahison envers
serva la mémoire de cet homme remar- sa patrie , naquit vers 1745 dans le Con
quable jusqu'en 1794, époqueà laquelle necticut , d'une famille obscure.
elle fut démolie à cause de son mauvais D'abord chef d'une compagnie de vo
état. Infatigable dans ses observations, > lontaires de New -Haven , il se fit en peu
il fit plusieurs découvertes telles que les de temps une telle réputation debravoure
comètes de 1683 et 1686, sur lesquelles et d'habileté qu'il mérița d'être choisi par
il dirigea l'attention des astronomes de Washington pour l'un des chefs de l'ex
Leipzig II. acquit encore
tion
plus de célé- pédition dirigée contre Québec, dans la
brité par son observa du passage de vue de soustrai le Canada à la domi
re
Mereune øn 1690. Le gouvernement lui nation anglaise. Le célèbre Mongommery
fit, à cette occasion , up présent en ar avait le commandement en chef de cette
ARN ( 323 ) ARN
entreprise aventureuse. Lepetitcorps aux prendre posesssion des lignes de Phila
ordres du colonel Arnold s'enfonça le delphie que les Anglais venaient d'éva
premier dans la contrée encore sauvage cuer. Mais là encore Arnold s'aliéna tous
où il devait être rejoint par l'armée. On les esprits par son faste, qui ne contras
était au mois de septembre, époque où , tait pas moins avec les mours des habi
dans cette région , les neiges et les frimas tans qu'avec la misère publique, résultat
couvrent le sol. Toujours à l'avant-garde de la guerre que le pays avait à soutenir..
de sa troupe avec les pionniers, Arnold Ses exactions finirent par le faire dénon
>

traçait lui-même le passage, et le plus cer à une cour de justice. Après une lon
souvent il arrivait au terme de chaque gue instruction la cause fut portée au
marche avant que l'ennemi eût soup- Congrès , où l'on réussit à lui donner
çonné son approche. Après deux mois l'apparence d'une intrigue de parti; en
décision d'une cour
de fatigues et de travaux inouïs , il se fin elle fut remise à la
trouva force de prendre position pour se martiale qui , le 20 janvier 1779 , con
retrancher en attendant l'arrivée de Mon- damna Arnold à être réprimandé par le
gommery, qui n'avait pu, comme lui, sur- commandant en chef. Le Congrès ratifia
monter tous les obstacles. Grièvement cette sentence , que Washington sut ace
blessé à la jambe dans l'assaut où périt complir de m ière à concilier les droits
ce brave général, et devenu seul chef de de la justice avec les égards dus au mé
l'expédition, Arnold se trouva tellement rite personnel du condamné.
affaibli par les pertes que sa troupe avait C'est de cet instant qu'Arnold résolut
éprouvées, qu'il dut renoncer à la pour- de venger un affront qu'il n'avait que trop
suivre. mérité. Sa retraite du rang qu'il occupait
Il fut plus heureux et s'acquit plus de dans l'armée ne pouvait qu'accroîtresin
gloire dans la campagne suivante, où il gulièrement ses embarras financiers; aussi
eut une part importante à l'action dans telle fut bientôt la pénurie de sa situation
laquelle Burgoynefutfait prisonnier avec qu'on aurait pu deviner que, pour en sor
tout son corps d'armée. Blessé encore au tir , il se vouerait à un rôle infâme. Un
>

siége de Québec, où, le premier,il s'était agent subalterne des Anglais le lui pro
jeté dans les retranchemens des Anglais , posa en effet. Désignant lui-même l'in
il n'en continua pas moins, de sa tente où termédiaire de sa honteuse négociation
on l'avait transporté, à diriger l'assaut qui avec le général anglais, il se mit en com
fut couronné de succès. munication avec un de ses officiers, le co
Mais Arnold ne s'était pas plutôt vu lonel Robinson , Américain de naissance,
en possession des avantages que comporte et possesseur d'une habitation située sur
une haute considération dans son état, l'Hudson , dans le voisinage de la forte
qu'il se livra sans retenue à son goût pour resse de West- Point, principale défense
lesplaisirset la dissipation ; et l'on ne fut des lignes américaines sur ce théâtre de
paš long -temps à s'apercevoir qu'il était la guerre. Ainsi fut entamée la corres
peu scrupuleux sur les moyens capablespondance secrète d'Arnold avec sir Henri
de lui procurer de quoi le satisfaire. On Clinton. Afin de pouvoir mettre un plus
l'avait investidu commandementde Mont- haut prix à sa trahison , il fallait qu'elle
réal; cette importante cité, la seconde du fût d'une utilité capitale pour les An
pays que l'Union songeait moins à con- glais. De part et d'autre on étaitamené à
quérir qu'à attirer dans son sein par la résoudre en ce sens la question ; la for
communauté d'intérêts et de sympathie , teresse de West-Point était la place qu'il
devint bientôt le théâtre de tant d’exac- importait le plus à Clinton d'obtenir, et >

tions et d'actes si révoltans que les Cana- Arnold mit aussitôt tout en cuvre pour
diens renoncèrent à leur dessein d'en- s'en faire donner le commandement, La
trer dans la confédération . Washington , somme stipulée pour prix d'un tel service
qui avait en horreur l'avidité d'Arnold et ne s'élevait à rien moins qu'à 36,000 liv.
son ostentation , crut servir à la fois son sterl.; de plus Arnold conserverait dans
pays et le jeune officier dissolu , en l'en- l'armée anglaise le rang de brigadier gé
voyant à la tête de forces considérables | néral.
ARN ( 324 ) ARN
A force de démonstrations hypocrites, time des Fontanes, des Pastoret, des Cha
Arnold avait réussi à surprendre la bonne bot de l'Allier et d'autres hommes mar
foi de Washington , et en avait obtenu le quans. Lorsque les écoles de droit furent
commandement qu'il sollicitait. Mais un instituées en 1806 , Arnold fut nommé
incident vint déranger le premier plan professeur de Code civil dans l'école éta
du traitre et de sir Henri Clinton ; ce fut blie à Coblentz. Arnold désirait et obtint
l'arrivée à Newport ( Rhode Island ) de d'être placé dans sa ville natale. Il y fut
la première division des Français envoyés d'abord attaché à la faculté des lettres ,
au secours des Américains. Dans ces comme professeur d'histoire, mais bien
circonstances Arnold s'aboucha avec un tôt il passa à la faculté de droit et ensei
nouvel agent de Clinton, le major André, gna le droit romain . Outre le cours obli
qui devait payer de sa tête ce rôle peu gé, il donna des cours d'histoire, de droit
glorieux, fait pour un moins brave offi des gens et de droit commercial. Après
cier (voy. ANDRÉ). Arnold avait livré aux la mort de Hermann , en 1820 , il fut
Anglais les plans de la forteresse; le jour nomimé doyen de cette faculté. Il était
de sa reddition ,> d'abord fixé au 17 sep- membre du directoire de la confession
tembre 1780 , avait été successivement re- d'Augsbourg. Pendant plusieurs années
culé jusqu'au 25. Mais malgré les pré- il fut revêtu des fonctions de conseiller
cautions inouïes du traitre Arnold , ses de préfecture; sa nomination fut révo
menées alarmèrent la fidélité de quelquée après les cent jours , ce qui fit
ques officiers américains, et Washington honneur à son patriotisme. Il fut aimé
fut mis sur la voie de cette trame , qu'il et révéré de ses élèves, à l'usage desquels
sut déjouer avant que les intérêts de l'é- il publia ses Élémens du droit romain
tat fussent compromis. ( Elementa juris civilis Justinianei cum
Échappant au supplice qu'il avait mé- Codice Napoleoneo et reliquis legum co
rité , Arnold trouva près du major Clin- dicibus collati; Argent. etParisiis 1812).
ton un refuge qui ne put le mettre à Il prit aussi une place honorable dans les
couvert de sa propre ignominie. Il fut annales de la littérature , par ses Poésies
employé dans le reste de la guerre avec allemandes. Parmi les pièces fugitives
le grade dans lequel son maintien avait qu'on doit à sa plume élégante et facile ,
été stipulé; mais jamais il ne trouva chez on distingue les Roses , et l’Élégie sur la
les ennemis du pays qu'il avait trahi, ni mort de Blessig (voy .), un des prédica
la moindre confiance ni l'apparence même teurs les plus éloquens de la France pro
de la considération . Après avoir encore testante ; mais le chef-d'ouvre d’Arnold
trainé plusieurs années sans gloire dans est son inimitable comédie populaire, en
les camps, il vint se fixer à Londres où il vers alexandrins , intitulée der Pfingst-,
mourut en 1801. On peut consulter sur montag (le lundi de Pentecôte), comédie
cesfaits l'ouvrage suivant: Complotd'Ar- écrite en grande partie dans l'idiome
noldetdeHenri Clinton contre lesÉtats- strasbourgeois, qui forme une branche
Unis d'Amérique et le général Was- de la langue allemannique (voy. ce mot).
hington , par M. Barbé Marbois , Paris Dans ce genre Arnold n'a été surpassé
1831 . P. C. que par Hebel , l'auteur des Poésies al
ARNOLD ( GEORGE-DANIEL ) naquit lemanniques. Le lundi de Pentecôte est
à Strasbourg en 1780. Il reçut sa pre- un tableau de meurs, plein d'originalité
mière instruction littéraire au gymnase et d'une gaité qui est quelquefois pous
de cette ville , et, après avoir fréquenté sée jusqu'à la pétulance ; ce sont les Stras
les cours des professeurs de l'université, bourgeois de la vieille roche, c'est la vie
Arnold passa deux années à Gættingue, de cité et de famille des anciens Alsaciens
où professaient les Meister , les Hugo , qui y sont peints d'après nature. Goethe
les Martens; il y fut reçu docteur en droit. en a donné une analyse détaillée dans
Riche des connaissances les plus variées, son ouvrage de l'Art et de l'Antiquité ,
il se rendit à Paris où l'appelait Koch, son (über Kunst und Alterthum ), et en a
ancien maître, alors tribun. Là le jeune fait un éloge pompeux. Arnold mourut
docteur se concilia la bienveillante es- à Strasbourg en 1829, le jour même où il
ARN ( 325 ) ARN
entra dans sa cinquantième année.E. St. avantageux , une rare intelligence, une
ARNOLDI (JEAN D' ) , conseiller in- sensibilité expansive, une voix flexible et
time belge , né à Herborn en 1751. Il touchante , elle dut à ces avantages celui
étudia d'abord à Herborn , ensuite à d'être reçue à l'Opéra l'année qui suivit
Gættingue, devint avocat , puis en 1777 celle deson début, que Garrick lui donna
secrétaire des archives à Dillenbourg ; en des éloges, et que Dorat la célébra dans
1784 il fut nommé membre de la cham . son poème de la Déclamation . Mais un
bre des finances , et en 1792 membre mérite plus rare encore que celui qui dis
de la régence. Il fut alors chargé du tingue une actrice estimée conservera sa
département de la guerre , et obtint en mémoire : Sophie Arnould joignait aux
1796 la direction des archives de Dil- avantages dont nous avons parlé celui
Jenbourg. Lorsque , par suite de la révo- d'un esprit célèbre par la finesse et par
lution des Pays- Bas, le stadhouder hé- cette vivacité qui donne à de brillantes
réditaire perdit ses domaines dans les saillies tout l'éclat de l'à - propos. On a
Pays-Bas et dans le cercle de Bourgogne , fait, sous le titre d’Arnoldiana, un re
Arnoldi se montra très zélé pour procu- cueil de ses bons mots; la plupart sont
rer à son souverain un dédommagement malheureusement d'une nature à ne pou
avantageux ; mais son zèle ne fut pas cou- voir être rappelés dans un ouvrage dé
ronné par le succès. En 1803 il entra au cent et sérieux .
service du prince Guillaume -- Frédéric , Mais tout cet esprit ne lui fit point
prince de Fulde , devint ensuite conseil- d'ennemis , soit que la bonté de son ca
>

ſer intine, et en 1809 il fit de grands ractère fit pardonner à sa malice , soit
>

efforts pour soulever la Hesse contre Na- que ceux qu'elle sacrifiait à sa gaité en
poléon. En 1813 il prit possession des conçussent assez de ressentiment pour
pays appartenant aux princes d'Orange, ne point le faire paraître. Elle mourut
et effectua l’échange des pays héréditai en 1803 . A. M.
res de cette maison entre les deux lignes ARNULPHE. Ce nom est célèbre
dont elle se compose. Lorsque , par suite
> dans l'histoire. Outre le roi d'Allemagne
du congrès de Vienne en 1815 , sa pa- dont on va parler, on cite ARNULPHE le
trie fut placée sous la domination de la Carlovingien , duc de Bavière en 908 , et
Prusse , qui la céda plus tard en grande qui prit aussi le titre de roi d'Allemagne ;
partie au duché de Nassau , Arnoldi ARNULPHE-LE-GRAND , comte de Flan
voulut se retirer du service public ; mais dre en 917, etc.
le roi Guillaume suť prévenir cette réso- ARNULPHE DE CARINTHIE , fils illégi
Jution en le nommant conseiller intime time que Carloman , roi de Bavière , eut
du nouveau royaume. Ce prince le com- de la belle Luitsvinda, fut élu roi par
bla jusqu'à sa mort , arrivée en 1827, de les Allemands qui venaient de déposer
preuves de sa bienveillance. Outre une Charles-le -Gros (888 ). En 896 il fut cou
foule d'écrits et de dissertations d'Ar-ronné empereur à Rome. Ce fut un prince
noldi , disséminés dans plusieurs jour- brave , toujours occupé à des guerres ,
naux , nous citerons ses Mélangesdedi- soit en Moravie et en Italie, soit contre
plomatique et d'histoire(Marb ., 1798); les Normands.. S.
l'Histoire des pays de Nassau -Orange AROMATES , substances odorifé
et de ses princes (3 vol. Hadamar, 1799- rantes qui peuvent être employées soit à
1816 ) ; Guillaume Ier, roi des Pays- assaisonner les alimens, soit à préparer
Bas , dans les Contemporain ( Zeitge- des parfums. Quelquefois on se sert des
s
nossen ), tom . II , et les Mémoires his- aromates sans leur faire subir aucune
toriques ( Leipzig , 1817 ). C. L. préparation ; mais plus souvent , au moyen
ARNOULD ( SOPHie) naquit à Paris demélangesou demanipulationsdiverses,
en 1744, dans la chambre où Coligny fut on développe ou l'on modifie leurs pro
assassiné. Si elle n'avait acquis de célé- priétés de manière à les adapter mieux
brité que par ses talens dramatiques, on à l'objet qu'on se propose.
se souviendrait à peine aujourd'hui que , Le règne minéral ne fournit point
conduite aų théâtre par un extérieur d'aromates; au contraire, quelques sub
ARO ( 326 ) ARO
stances animales , telles que le musc et ble appartenir la faculté d'agir sur les
la civette , et une foule innombrable de organes de l'odorat. F. R.
substances végétales , offrent une odeur ARONDE ( QUEUE D ' ), joint en en
agréable et pénétrante qui dépend d'un taille à demi-bois d'une forme évasée
principe particulier qu'on peut isoler pour retenir deux pièces de bois ensem
des parties qui le recèlent et qui , le plus ble. Dans la charpente ces sortes de joints
souvent, sé présente sous la forme d'huile servent à rassembler un cours de plate
volatile (voj.cemot).On appelle arôme forme ou de sablière. P - T.
ce principe odorant. ARONDELLE. Ce mot a subi , par
Les aromates sont répandus dans la corruption de langage, d'assez nombreu
nature avec une grande profusion ; mais ses et d'assez étranges transformations.
c'est principalement dans les pays chauds Le mot primitif était hirondelle. Plus
qu'ils abondent , et qu'ils sont pour les tard on en a fait arondelle et aujour
habitans de ces contrées la source de d'hui les pêcheurs de nos côtes septen
jouissances qui sont devenues indispen- trionales disent harouelle. Nous nousar
sables pour eux. Dans le Nord , au con- rêterons au mot arondelle , qui offre au
traire, où les aromates ne parviennent moins une dérivation du terme aronde
>

guère que par la voie du commerce, non- employé en marine pour désigner une
seulement on a beaucoup moins de goût entaille faite en queue d'hirondelle. C'est
pour eux , mais même ils sont pourbeau- d'ailleurs l'équivalent latin de cette der
coup de personnes l'objet d'une invin- nière expression .
les noteOn
cible répugnance : et il est de fait que les nomme arondelle une longue
parfums concentrés dansun appartement corde que les pêcheurs étendent à marée
peuvent occasionner à ceux qui les res - basse sur le sable , pour prendre, au
pirent les plus grands accidens. Voy. moyen d'hameçons placés sur des lignes
ODEURS, ODORAT, PARFUM. F. R. fixées à cette corde , les poissons qui,
AROME , du grec õpwpol, parfum. avec la mer montante , viennent rõder
>

On désigne sous le nom d'arôme ce que autour de l'endroit où se trouve posée


les anciens avaient nommé esprit rec l'arondelle. Les avançons, ou petites li
teur, et qu'ils considéraient comme la gnes fixées avec leurs hameçons sur la
cause matérielle des odeurs. Cette opi- corde principale, ontordinairement qua
nion , qui a long-temps régné dans la tre à cinq pieds de longueur, et ils doi
science, est assez généralement aban- vent être séparés les uns des autres par
donnée : on n'admet plus de principe une distance de six à sept pieds tout au
particulier odorant ; mais on pense que plus.
ce sont les particules mêmes des corps Ce moyen de pêche n'est généralement
qui,volatilisées et divisées à l'infini, vont employé que sur les côtes sablonneuses
agir sur l'appareil olfactif. Cependant que fréquentent les poissons de fond .
des recherches récentes de M. Robiquet Les pêcheurs relevant les arondelles à
ont fait voir que si la vérité n'est pas ab- marée basse , on ne peut nier que cette
solument dans la théorie des anciens , manière de pêcher n'ait au moins l'in
elle ne se trouve pas non plus tout en- convénient de laisser trop long -temps sur
tière dans celle qu'on a voulu lui substi- les lignes le poisson qui meurt en mor
tuer. En effet, certaines substances, telles dant à l'hameçon. La pêche à la ligne , à
que le musc, ne deviennent sensiblement la seine et même au chalut , est préféra
odorantes que quand elles sont combi- bleà celle que l'on fait à l'arondelle.E.C .
nées à l'ammoniaque; d'autres parais- ARPADES , première dynastie des
śent ne devoir leur montant qu'à une rois de Hongrie, issue d'Arpad , chef des
combinaison particulière du soufre; en- Madjares et fils d’Almus. Après avoir
fin on voit des substances très odorantes franchi, en 819, les Carpathes, ce peuple
qui ne contiement pas d'huile volatile. sauvage s'établit dans la Pannonie que
Quoi qu'il en soit, on continue à se ses chefs se partagèrent en prenant le
servir de la dénomination d'arôme pour nom de ducs. Les Arpades portèrent la
exprimer la partie volatile à laquelle sem- couronne royale depuis Saint-Étienne,
ARP ( 327 ) ARP
petit-fils du conquérant , jusqu'à Henri 900 carrés ayant chacun 6' pieds de
III, mort sans enfans, en 1300. J. H. S. long sur 6 de large ; mais dans les tra
ARPÉGE , en italien arpeggio , ma- vaux du gouvernement et dans les actes
>

nière de frapper successivement les sons publics on n’emploie que les nouvelles
d'un accord au lieu de les plaquer tous mesures ( voy. HECTARE ). Néanmoins
à la fois. L'arpége se pratique sur tous les dans les actes on ajoute après les me
instrumens avec plus ou moins de succès. sures nouvelles et comme point de com
Sur le piano et la harpe, il varie à l'infini; paraison , la même valeur superficielle en
tantôt il est circonscrit dans une certaine mesures anciennes , selon la localité. Le
étendue de sons où il ne brille que par mot arpent-métrique, qu'il faut bien se
le caractère de l'accentuation et les mogarder de confondre avec l’arpent pro
dulations de l'harmonie , tantôt il par prement dit , est une dénomination vi
court plusieurs octaves avec grace et lé cieuse de l'hectare. Le rapport entre l'ar
gèreté ; alors l'exécutant peut nuancer pent de Paris et l'hectare est de 0 hectare
certaines parties de l'arpége , indiquer 34 ares 19 centiares , c'est-à- dire un
les unes , faire valoir les autres . Sur peu plus d'un tiers. L'hectare vaut par
les instrumens à archets les accords ar - conséquent 2 arpens 92 perches et
péges sont rarement composés de plus demie. C. V. L. J.
de sons qu'il n'y adecordes ; car les dif- ARPENTAGE . C'est l'art ou l'action
ficultés se compliquent par l'arran
gement de mesurer les terrains, de les diviser
successif des doigts pour former les ac selon des directions ou des quantités,
cords et les prolonger à des octaves éloi- données, comme cela a lieu dans les par
gnées. Les arpéges de la guitare produi- tages d'héritage, de les assembler et de
sent d'heureux effets , quand ils sont les transformer , d'en évaluer l'aire ou
propres au caractère de l'instrument et l'étendue superficielle , enfin d'en fixer
autrement écrits que les détestables ac- les limites par des bornes dont les posi
compagnemens de romances qui font tions relatives sont établies suivant des
d'un instrument mélodieux le supplice mesures prises sur le terrain et détail
des amateurs de musique. Les instrumens lées dans des procès-verbaux, pour em
à vent exécutent en arpéges des accords pêcher toute anticipation de la part des
qu'ils ne sauraient faire entendre autre propriétaires voisins.L'artde lever et dres
ment;, c'est à l'artiste à en calculer les ser les plans est aussi une partie de l'arpen
ressources pour lier entre elles chacune tage ; mais comme cet art demande des
des notes de l'accord . connaissances plus étendues en géométrie,
Dans la musique instrumentale à plu- \ il est plus particulièrement du ressort du
sieurs parties, on joue en arpeges des ac- géoinċtre que de celui de l'arpenteur.
cords qui ne compléteraient pas aussi L'art de l'arpentage ne demande que la
bien les masses d'harmonie s'ils étaient connaissance des premières règles de
frappés par à - coup. L. D.l'arithmétique et de quelques élémens de
ARPENT , anciennemesure superfi- géométrie ; mais il exige aussi dans la
cielle agraire , de 100 perches carrées. pratique des qualités particulières ( voy.
On distinguait autrefois deux sortes d'ar- ARPENTEUR). Pour opérer sur le terrain
pens ; l'arpent légal en usage dans les il suffit d'une équerre, de quelques ja
eaux et forêts, et le petit arpent de Pa- lonspour établir des lignes droites, etd'un
ris. L'arpent légal se mesurait avec une décamètre , qui est la mesure légale , ou
perche de 22 pieds de long, et l’arpent d'une perche, ancienne mesure , dontla
de Paris aveq une perche de 8 pieds. longueur varie selon les pays. ,
Ces deux arpens, quoique composés cha- Quand un père de famille honnête et
cun de 100 perches carrées, n'étaientpar sage acquiert une propriété, il doit, pour
conséquent pas égaux, en surface, puis- éviter des procès à ses enfans, lorsqu'il
u'ils étaient mesurés avec des perches entre en possession , faire vérifier le bor
de longueur différente. L'arpent de Par nage par autorité judiciaire ,, en appelant
ris est encore en usage dans le public ; il tous les propriétaires attenans , ou faire
contient 900 toises carrées , c'est-à -dire faire ce bornage s'il n'existe pas. On peut
ARP ( 328 ) ARQ
obliger ses voisins au bornage; la loi est . doit , s'il est étranger aà une contrée , s'ad >

positive à cet égard : elle veut queles frais joindre ses plus anciens habitans , afin
soient communs. Art. 646 du Code ci- d'obtenir d'eux tous les renseignemens
vil. qui sont à leur connaissance sur la na
Jamblique rapporte l'usage de mesu- ture du sol , et user avec intelligence et
rer les terres en Égypte aux premiers équité des lumières qu'il en recevra, pour
âges du monde. Hérodote dit que les que chaque copartageant ait une égale
Egyptiens en furentles inventeurs , parce portion du bon , du médiocre ou du
que le Nil , par ses débordemens, cou- mauvais terrain. Si le partage d'un ter
vrant toute la surface des terres et con- rain doit être égal , il saura établir une
fondant toutes les limites , c'était une compensation pécuniaire , pour qu'au
nécessité de connaître l'étendue super- cune partie ne soit lésée. L'arpenteur
ficielle qui appartenait à chaque pro- doit être un homme de probité, un mé
priétaire. Il ajoute qu'il pense que ce diateur , un juge, avant d'être un homme
fut de là que la géométrie prit naissance; de l'art . J. C. V. L.
mais cette antiquité n'est pas suffisante ARQUEBUSE , d'arcobusio , arc
pour rendre raison des progrès que l'as- percé , premier nom qui fut donnéà l'ar
>

tronomie avait déjà faits avant le temps me à feu portative appelée depuis mous
de Sésostris , puisque , suivant Hérodote, quet , puis fusil ( voy, ces mots). Néan
la naissance de l'astronomie ne précède- moins l'arquebuse proprement dite était
rait que d'environ mille ans l'ère chré- un peu plus longue. Elle avait quarante
tienne, tandis que dans le Chou-King, le calibres de long et tirait une once sept
plus ancien des livres sacrés de la Chine, huitièmes de plomb avec autant de pou
il est fait mention de la mesure des terres dre. On vit pour la première fois des
après le déluge,arrivé du temps de l'empe- arquebuses dans l'armée impériale du
reur Yao , environ 2,800 ans avant J.-C. connétable de Bourbon , lorsqu'il chassa
Pour le point de vue du droit , voy. Bonnivet de l'état de Milan . Elles étaient
POIDS ET MESURES . J. C. V. L. si massives et si pesantes qu'il fallait deux
ARPENTEUR. On appelle ainsi ce- hommes pour les porter ; on les tirait
lui qui exerce l'art de l'arpentage. Son appuyées sur des fourchettes et chargées
office est de mesurer les terrains , c'est- de pierres rondes. Ce fut par une de ces
à-dire de les évaluer en hectares , ar- armes que Bayard fut blessé à mort.
pens , acres , journaux , etc. , ou toute Comme par une espècede pressentiment ,
autre mesure du pays où il opère. L'ar- le brave et loyal chevalieravait beaucoup
penteur doit connaître l'arithmétique et déclamé contre l'invention de cette ar
la géométrie élémentaire. Cependant il me : « C'est une honte , disait-il, qu'un
est malheureusement vrai que les arpen- homme de cour soit exposé à périr par
teurs qui , dans les campagnes , sont une misérable friquenelle dont il ne peut
ordinairement les maîtres d’école , ne se défendre. » Il y a une espèce de fusil à
connaissent que très imparfaitement les canon rayé au dedans qui se nomme ar
élémens de ces sciences. L'arpenteur doit quebuse. On s'en sert pour tirer à balles
savoir écrire correctement et rédiger le forcées et à l'aide d'une chevrette.
plus simplement possible les procès-ver- ARQUEBUSIER était le nom de celui
-
baux qui contiennent l'ensemble des qui se servait de l'arquebuse. Il у avait
opérations faitespour arpenter une pièce en France des compagnies urbaines d'ar
de terre , afin de connaître sa contenance quebusiers. A présent on donne ce nom
ou pour planter des bornes destinées à à celui qui fabrique les petites armes à
déterminer les limites des propriétés. feu , telles que fusils , mousquets , pis
L'arpenteur doit aussi connaitre les loca- tolets ; qui en forge les canons et les
lités pour pouvoir apprécier la nature des monte sur des fûts. C'est seulement dans
terres , leur rapport, leur valeur fon- le xive siècle que l'art de l'arquebusier
cière , ainsi que les lois qui régissent les a pris naissance. Les arquebusiers les
propriétés , pour avoir égard aux servi- plus estimés en France sont ceux de
iudes auxquelles elles sont assujéties. Il l Charleville et de Saint- Étienne. R-Y.
ARR ( 329 ) ARR

ARQUES ( BATAILLE D' ). Une petiteserstuhl , groupe de montagnes du grand


rivière et un bourg de France , en Nor- duché de Bade , près de 2 į p. ;; celle
>

mandie , département de la Seine-Infé- des environs d’Aussig, en Bohème, 1.p .;


rieure , portent le nom d'Arques. La ri- et celle du Grænland , du Salzbourg et
vière prend sa source à 2 lieues au sud d'autres localités, 1500 à 1736.
1000 L'eau s'y
est de Saint-Saen qu'elle traverse , passe trouve dans la proportion de 1o6 1000.à
60
par la petite ville à laquelle elle laisse son TODOS
nom , et va se jeter à Dieppe dans l’O- L’arragonite cristallise d'une manière
céan, après un cours de 11 lieues. La ville, toute différente du carbonate de chaux ;
de 1,200 habitans, est située à environ 2 Haüy avait calculé que sa forme primi
lieues de Dieppe. Elle était autrefois plus tive était un octaèdre rectangulaire; mais
considérable. Ce lieu est célèbre par une aujourd'hui les minéralogistes s'accor
bataille que livra Henri IV au duc de dent pour reconnaître que la cristallisa
Mayenne, le 21 septembre 1589. Le roi tion ( voy .) dérive d'un prisme rhom
n'avait guère que six à sept mille bom - boidal.
mes , tandis que le duc en comptait trente Elle fait effervescence avec les acides
mille. Henri courut dans cette journée comme le carbonate de chaux ‫ ;ܪ‬mais il
de grands dangers personnels ; il faillit est un moyen très facile de la distinguer
être tué par un capitaine de lansquenets de celui-ci , même à la simple vue : c'est
qui avait feint de vouloir passer dans ses d'examiner sa cassure. Celle de l'arrago
rangs avec sa troupe. L'arrivée du comte nite est toujours vitreuse , tandis que le
de Châtillon à la tête de 500 arquebusiers carbonate de chaux offre toujours dans sa,
décida le gain de la bataille en faveur du cassure , lorsqu'il n'a point la texture,
roi. Cette journée eut une grande in- terreuse ,> des lames cristallines. Ajou
fluence sur l'avenir du royaume. Quand tons à ce caractère que l'arragonite raye
Henri IV en parlait plus tard, il disait : le carbonate de chaux , et l'on aura des
« Ce fut un grand miracle que je ne ine moyens suffisans pour reconnaitre ces
perdis pas avec tout ce qui était avec moi. deux espèces.
Dieu seul est auteur de cette victoire . » Il
) L'arragonite se présente le plus com
se reconnaissait ainsi général imprudent. munément en prismes à six pans , qui >

Voy . HENRI IV. P. A. D. ne sont que le résultat de la réunion de


ARRAGONITE. Le savant minéra- cinq prismes rhomboidaux ; telle est
logiste allemand Werner désigna le pre- celle que l'on trouve à Bastène et à Mo
mier sous ce nom un carbonate de lina. Quelquefois ces prismes sont termi
chaux dont les caractères extérieurs dit- nés par des sommets dièdres et sont à
fèrent complètement de tous les autres. six ou huit pans. On en trouve aussi
Son nom lui vient de ce que les premiers en octaèdres simples ou modifiés par des
cristaux de cette substance furent trou- facettes qui remplacent des arêtes ; ra
vés aux environs de Molina en Aragon : reinent en doubles pyramides à six pans,
comme les géographies s'accordent pour et plusrarement'encore en prismes rhom
écrire Aragon et non Arragon , le nom boïdaux. L'arragonite cristallise encore
correct de la substance minérale dont en aiguilles éclatantes et déliées. Celle que
nous parlons devrait être Aragonite. l'on trouve en rameaux blancs , opaques ,
Cette substance est chimiquement la contournés , quelquefois lisses , ou bien
même que tous les autres calcaires ou offrant l'assemblage de petites aiguilles
carbonates de chaux. Cependant, les placées obliquement à l'axe de chaque
analyses bien faites y indiquent la pré- branche, est celle que les anciens miné
sence d'un peu de carbonate destrontiane ralogistes appelaient flosferri, parce que
( voy.), et d'un peu d'eau , en quantité les premiers échantillons ont été trouvés
très variable selon la localité d'où l'arra- dạns des mines de fer. D'autres variétés,
gonite a été tirée. Ainsi , quant au car-qui présentent la réunion de petites ba
bonatedestrontiane , l'arragonite de Mo- guettes ou de fibres toutes parallèles ,
ont
Jina et de Bastène, près de Dax en France , radiées 0.1 contournées , reçu les
en contient environ 4 p. ;; celle du Kai- noms de bacilluires et defibreuses,
ARR ( 330 ) ARR
Les couleurs de l'arragonite sont très dans le cours des guerres qui marquè
variées : il y en a de blanches et d'inco- rent la période féodale.
lores , de jaunâtres , de verdâtres , de En 1435, la paix dite d'Arrasy fut con
bleuâtres , de brunes , de rouges , de clue par une sorte de congrès européen ,
violâtres et de rosâtres. Elles doivent ces et termina le funeste différend qui régnait
diverses teintes à des oxides métalli- depuis si long -temps entre la couronne de
ques. France et le duché de Bourgogne. Les
Comme on trouve l'arragonite dans troupesde Louis XIII s'emparèrent d’Ar
des dépôts métallifères anciens , tels que ras en 1640 , et les Espagnols firent de
ceux de Framont , dans les Vosges , et puis de vains efforts pour en recouvrer la
de Vic -Dessos, dans les Pyrénées , dans possession . Cette ville est bien bâtie ; ses
les serpentines du Mont-Roju , dans les places publiques sont fort belles. Les
Alpes ,dans les marnes qui accompagnent fortifications, qui sont dues à Vauban ,en
les gypses anciens 'de Molina , ou dans font une place forte du 3e ordre. La
les basaltes des environs de Clermont- cathédrale et l'Hôtel-de - Ville sont re
Ferrand , en France , et dé Bilin , en marquables . Arras possède une biblio
Bohême , on a cru long-temps qu'il ne thèque qui contient 34,000 volumes
pouvait pas s'en former de nos jours. un musée , un collége royal , une acadé
Les laves de l'ile Bourbon , de l'Etna et mie fondée en 1738 , une salle de spec
du Vésuve prouvaient, il est vrai , par tacle , un jardin de botanique , une école
les petits cristaux dont leurs alvéoles sont de sourds-muets, une Société pour l'en
quelquefois tapissées , que l'arragonite couragement des arts. L'industrie y est
appartient aussi à une époque très ré- très active : il y a des filatures de colon ,
cente; mais les produits volcaniques sem- des fabriques de dentelles , de bas , de
blaient faire exception à cette règle ; sucre de betteraves, des tanneries ; il s'y
lorsque l'on découvrit , il y a quelques tient deux foires en avril et novembre.
années , dans les bains romains de Sé- Arras est le siège d'un évêché et de tri
necterre , à quelques lieues d'Issoire , bunaux de première instance et de com
une poutre faisant partie de la construc- merce ; on y compte 20,000 h. P. A. D.
tion de ces bains antiques , entièrement ARRÉRAGES, terme de pratique. Il
tapissée de petits cristaux d'arragonite était primitivement appliqué aux intérêts
fibreuse. Dans un voyage fait dans le des rentes viagères seulement ; parexten
département du Puy-de-Dôme par l'au- sion on l'a appliqué depuis à toute espèce
teur de cet article , il a pu en rapporter derente constituée. En terme de bourse, il
un fragment assez considérable de ce est devenu synonyme d'intéréts , pour les
bois ; ce morceau est d'autant plus inté- rentes constituées seulement. Voy. REN
ressant qu'il prouve que depuis dix- TE et INTÉRÊTS ; et, pour le droit, Dom
sept ou dix - huit siècles , il s'est formé MAGES- INTÉRÊTS , PRESCRIPTION , PRÊT
de l’arragonite dans les anciennes eaux et CONTRAT ALÉATOIRE.
de Sénecterre . J. H - T. ARRESTATION , voy .CONTRAINTE
ARRAS, anciennement Nemetacum , PAR CORPS , LIBERTÉ INDIVIDUELLE ,
ville principale des Atrébates, depuis ca- MANDAT DE COMPARUTION , DE DÉPÔT ,
pitale du comté d'Artois, et aujourd'hui D'AMENER et D'ARRÊT , et FLAGRANT
chef - lieu du département du Pas-de- DÉLIT.
Calais , située sur la Scarpe qui la di- ARRÊT (du'mot latin arrestare ) ,
vise en deux parties , à 44 lieues N. de sentence rendue par un tribunal supé
Paris. César fit la conquête de cette ville rieur contre laquelle on ne peut se pour
cinquante ans avant J.-C. , et il l'appela voir en règle générale, c'est-à -dire , par
>

dans ses premiers Commentaires Neme- appel , l'appel étant le recours ordinaire
tocena ; les Vandales la dévastèrent en contre les jugemens, mais seulement par
9

407 , et les Normands en 880. Alors elle voie exceptionnelle , dans quelques cas
n'offrit plus que des ruines et resta dé- déterminés. Plusieurs arrêts , statuant
serte pendant trente ans. Repeuplée en- uniformément sur un point de droit , ser
suite , elle fut souvent prise et reprise vent à le fixer, et composent à cet égard
ARR ( 331 ) ARR

la jurisprudence. Voyez JURISPRU - 1' On s'en sert en le mettant à la recherche


DENCE . O. V. dans les broussailles sous le vent , c'est
ARRÊT DE RÉGLEMENT.Dans le droit an- à-dire de manière à ce que le vent lui
cien on nommait ainsiun arrêt qu'un parle- apporte les émanations de la bête. Dès
ment ou conseil supérieur rendaiten quelqu'il la voit il s'arrête , immobile , quel
que point, et dont les dispositions avaient quefois dans la position la plus gênante,
force de loi dans le ressort du parlement et l'empêchede fuir soit par l'effroi qu'il
ou du conseil. Toutefois il était reconnu | lui inspire, soit par une sorte de puissance
qu'un arrêt de réglement, bien que par- fascinatrice du regard . Ayant ainsi prisson
ticipant du caractère législatif , n'enchaî- arrêt et s'y étant affermi, il attend l'ar
nait pas l'autorité qui l'avait rendu et rivée du chasseur qu'il avertit seulement
qui pouvait le rétracter en tout ou en de sa trouvaille par quelques mouvemens
partie . Le roi étant législateur unique , de queue , car il ne doit pas même quit
les arrêts de réglement étaient censés ter'le gibier des yeux, sans quoi celui-ci
rendus sous son bon plaisir . Il pouvait , aurait bientôt fait de s'échapper .
en conséquence , les casser en son con- On a vu des chiens demeurer en arrét
seil. De nos jours , les arrêts de régle- pendant un espace de temps très consi
ment , même dans les parties qui , non dérable. Le lapin , le lièvre , la per
prévues par les lois nouvelles, pourraient drix , etc. , se chassent au chien d'ar
2

être applicables , n'ont plus force et vi- rêt. V.R.


gueur, relativement aux actes postérieurs ARRÊTÉ. On nomme ainsi les dé
à ces réglemens. La raison en est que les cisions rendues par les conseils de pré
arrêts de réglement n'étaient valables que | fecture, par les préfets, les maires, etc.
dans le territoire du parlement ou du ARRÊTS , peine militaire qui ne s'in
conseil qui les rendait. Or, ce territoire flige qu'aux officiers et qui consiste, pour
n'a plus d'existence civile aujourd'hui. les arréts simples, à garder la chambre
On doit le considérer comme anéanti avec dans le temps seulement où le service n’ap
les réglemens qui lui étaient particuliè- pelle pas au dehors ; pour les arréts for
rement attachés. Dans l'état actuel de ces ou derigueur, à n'en sortir sous aucun
l'organisation des trois pouvoirs de la prétexte. Ordinairement l'officier garde
souveraineté, l'un ne peut empiéter sur les arrêts sur sa parole d'honneur. Quand
l'autre : en conséquence , les corps judi on veut aggraver sa punition ou lorsqu'il a
ciaires ne peuvent sortir du cercle de rompu son ban , on met une sentinelle à
leurs attributions exclusivement judiciai- sa porte et c'est lui qui la paie. L'officier
res , sous peine de forfaiture. V. qui est mis aux arrêts forcés remet son
ARRÊT , comme terme de chasse , se épée à l'adjudant-major qui les lui signi
>

dit de l'action du chien qui , lorsqu'il fie. Si le corps est en route , il marche
aperçoit le gib er , s'arrête et le tient sans armes à la tête du régiment. Les
comme en échec. La chasseau chien d'ar- arrêts simples sont ordonnés à tout infé
rét est unedes plus fréquentes ,en ce qu'on rieur par tout supérieur , àà charge d'en
>

ne la fait qu'au moyen gibier et qu'elle rendre compte ; les arrêts de rigueur ne
cause peu de fatigue. On dresse pour cet sont prescrits que par le chef de corps. Les
usage les chiens braques, et de préfé- arrêts sont ordonnés le plus souvent pour
rence encore les épagneuls , parce qu'ils fautes contre la régularité du service , la
ne craignent pas l'eau, qualité précieuse discipline, la subordination ; quelquefois
en certaines circonstances. Il faut les dans la seule vue de prévenir un désor
choisir de bonne race pure, ayant le nez dre ou les suites d'une querelle survenue
gros, les naseaux bien fendus, le col gros entre les officiers. La durée en est plus
et un peu court , les pieds faits comme ou moins longue , mais ne peut toutefois
ceux des lièvres. Un bon chien d'arrêt excéder un certain temps sans recours à
marche avec précaution, à petit bruit, et l'autorité supérieure . R-Y.
sans aboyer , rabat au seul geste de son ARRHES , terme de jurisprudence .
maitre , et suit au pied le gibier blessé ; C'est une ou plusieurs pièces de monnaie
il ne doit pas bouger au coup de fusil. que l'acheteur d'un objet quelconque
ARR ( 332 ) ARR
donne immédiatement au vendeur , | retirant de la plaie, elle le présenta à Pæ
comine ratification de leur marché et ga- tus en lui disant : « Prends, Pætus, il ne
rantie de son exécution . C'est encore un fait point de mal ! » Celui-ci suivit son
de ces actes qui , n'ayant de valeur qu'au- exemple. La muse tragique et la peinture
tant qu'ils ont la probité pour caution, at- se sont plusieurs fois emparées de ce su
testent la loyauté des temps où ils ont pris jet , mais sans beaucoup de succès. S.
naissance. En effet , les arrhes >, dans leur ARRIEN (FLAVLUS ) naquit à Nico
origine , élaient bien moins une preuve médie en Bithynie, vers le commence
qu’un souvenir , un document réservé ment du 11° siècle de l'ère vulgaire. Il
aux éclaircissemens du juge qu’un ap- étudia la philosophie sous Épictète,et ser
pel fait à la mémoire des parties , puis- vit dans les armées romaines. Son mérite
qu'il est bien facile de nier leur existence lui valut le titre de citoyen d'Athènes et
ou dedénaturer leur application, ei que, de Rome, et , l'an 134 , le gouvernement
reçues sans témoin , elles sont annulées de la Cappadoce. Sous le règne d’Adrien,
par un faux serment.Dans beaucoup de il repoussa les Alains qui avaient en
circonstances on use encore des arrhes. vahi l'Asie-Mineure. On croit que ce
Néanmoins, dans la plupart des villes , prince , en récompease de ses services,
les marchands ont adopté un moyen d'y l'éleva à la dignité de consul. Arrien fut
attacher une influence intéressée : c'est à la fois historien , philosophe , géographe
d'exiger , sous cette dénomination , un et tacticien . Les seuls de ses écrits histori
paiement d'à- compte équivalant au pré- ques quinous soientparvenus sont : l'E.c
judice qu'ils épouveraientde la rupture pédition d'Alexandre en Asie , en sept
de l'engagement pris avec eux , tandis livres, et les Indiques que l'on peut regar
qu'autrefois, dans les campagnes princi- der comme le huitièmelivre ou le complé
palement , c'était fort souvent un sol , mentdu premier ouvrage.Il s'est appliqué
même un denier quand cette monnaie à imiter Xénophon , et l'on peutdire que
>

avait cours , qui servait à sceller un con- souvent il approche deson modèle. Sainte
trat d'une haute importance. Il arrivait Croix fait avec raison beaucoup de cas
également qu'on se frappait dans la main de cet historien. On sait que la rédaction
en signe d'adhésion réciproque, et ,avant du Manuel d'Épictète appartient à Ar
que l'extension prise par l'esprit mer- rien , qui écrivitaussi ,comme l'élève de
cantile eût tout concentré dans les villes, Socrate, les entretiens philosophiques
on y a vu des individus qui , sans savoir de son maître dont il dit avoir conservé,
écrire , y ont fait un commerce de den- | autant que possible , lès propres expres
rées très considérable. Le donné à Dieu, sions. Il nous reste encore d’Arrien deux
appelé aussi denier à Dieu , et par cor- ouvrages de tactique militaire qui don
ruption dernier adieu , bien qu'employé nent une idée avantageuse de ses connais
à la même fin , ne doit pas être confon- sances en stratégie. Il existe de cet auteur
du avec les arrhes ; il reste en dehors du une lettre adressée à Adrien , qui ren
prix de la chose , et n'est plus usité que ferme le Périple du Pont-Euxin . C'est la
>

dans les arrangemens faits , à raison de relation du voyage qu'il entreprit par
l'année , pour location de domestiques ordre de l'empereur, lorsqu'il était gou
ou de petits logemens. C-a . verneur de Cappadoce. Pour ressembler
ARRIA , noble Romaine , femme de en tout point à Xénophon , modèle qu'il
Cæcina Pætus. Celui-ci ayant été con- imite avec trop de servilité , Arrien a
damné à mort , l'an 42 de J.-C. , comme composé , commie lui , un écrit sur la
coupable de rébellion contre l'empereur chasse , dans lequel il répare les omis
Claude , elle se dévoua pour soutenir son sions de l'Athénien .
courage, et , après avoir fait de vains ef- Un astronome du nom d'ARRIEN a
forts pour le sauver , lui fit prendre la laissé deux ouvrages , l'un sur les comè
résolution de mourir de ses mains plutôt tes , l'autre sur les météores ; quelques
que de celles du bourreau. Mais comme il personnes croient qu'ils sont du même
ne pouvait se décider à s'ôter la vie, Ar- auteur que ceux dont nous avons parlé
ria se perça le sein d'un poignard et , le précédemment.
ARR ( 333 ) ARR
Les meilleures éditions d'Arrien sont, A bord des bâtimens de guerre les mae
pour l'Expédition d'Alexandre , celle telots ne passent sur l'arrière que lorsque
de Schmieder (Leipz. 1798, in- 8 °); pour le service les appelle impérieusement dans
les Indiques, celle du même Halle, cet endroit du navire où l'officier de quart
1798, in-8° ); pour les Dissertations phi- se place ou se promène pour surveiller le
losophiques, celle de J. Schweighæuser timonnier posté à la barre et les détails
(Leipz. 1799, 3 vol. in - 8 ° ), où elles sont de la manæuvre ; et encore quand les ma
réunies au Manuel d'Épictète; et pour telots franchissent cette limité qui les sé
le Périple, celle d'Hudson dans ses Geo- pare presque sans cesse de la partie ha
graphi Græci minores, qui contiennent bitée par leurs chefs,> ils tirent leur cha
aussi les Indiques de notre auteur. peau ou leur casquette, pour manifester
Chaussard aa donné une bonne traduction par cet acte de discipline le respect qu'ils
française de l'Expédition d'Alexandre, éprouvent en pénétrantdans cette espèce
avec commentaire , et accompagnée de de sanctuaire , réservé à l'autorité supé
>
cartes et de plans. Paris , 1802 , 3 vol. rieure. E. C.
in-8 ° . E. C. D. A. ARRIÈRE - BAN , voy. Ban.
ARRIÈRE ,> mot employé dans le ARRIÈRE-FAIX , voy. ACCOUCHE
langage usuel de la marine, par opposi- MENT et PLACENTA .
tion à celui d'avant. L'arrière du navire ARRIÈRE - FIEF , voy. FIEF.
est la partie qui se trouve comprise en- ARRIÈRE - GARDE. On nomme
tre le grand måt et le couronnement ; le ainsi un détachement qui marche derrière
milieu ou le travers du bâtiment sépare le corps principal de troupes. L'arrière
l'arrière de l'avant. garde se compose ordinairement des trois
Le gaillard d'arrière est la partie du armes , infanterie, cavalerie , artillerie ;
>

pont ou du tillac située entre le milieu mais leur proportion varie d'après le
du navire et l'extrémité de l'arrière. Le terrain et le but qu'on se propose. Lors
gaillard d'avant est la partie opposée qu'une armée , un corps d'armée , ou un
du pont, située sur l'avant. détachement quelconque est simplement
Cette expression d'arrière remplace le en marche, en temps de paix , l'arrière
>

mot derrière danstontes les phrases usi- garde n'est alors effectivement qu'une
tées à bord. On dit les voiles d'arrière , garde qui ramasse des traînards et fait
passer de l'arrière, pour indiquer les la police de la route. Mais lorsque l'ar
voiles de derrière ou la maneuvre qui rière-garde doit couvrir une armée qui
consiste àà passer à poupe d’un navire. Le effectue sa retraite en présence d'un en
mot de derrière n'est pas tellement banni nemi , elle se compose ordinairement des
cependant du langage familier aux ma- meilleures troupes, et elle est confiée aux
rins qu'il ne s'emploie quelquefois par chefs les plus intelligens et les plus vi
les maitres d’équipage même dans leurs goureux , car de la conduite de celle-ci
commandemens . C'est ainsi,par exemple, dépend la sûreté des troupes qu'elle doit
que quand ils veulent ordonner à leurs couvrir. Si une armée quitte sa position,
hommes de passer sur le gaillard d'ar- l'arrière- garde reste toujours en bataille
:
rière, ils leur disent: Passe tout le monde jusqu'à ce que la totalité des forces prin
derrière. Mais c'est là une des occasions cipales se soit mise en mouvement ; quel
exceptionnelles où le mot derrière puisse quefois même elle se porte en avant pour
être préféré à celui qu'on lui a substitué. occuper une position avantageuse , soit
L'arrière du navire est particulière pour pouvoir mieux résister aux efforts
ment affecté aux officiers et aux personnes que l'ennemi pourrait tenter , soit pour
de distinction ; c'est sur cette partie que lui donner le change sur les vraies in
se trouve la barre ou la roue du gouver- tentions du gros de l'armée. L'arrière
nail, cet objet si important à bord du bâ- garde doit se trouver toujours en liaison
timent. C'est sur l'arrière que sont logés avec celui-ci, et, dans les pays découverts,
aussi le commandant et les officiers. C'est elle s'en rapproche autant que possible,
aussi le poste d'honneur et la partie no- pour pouvoir être soutenue au besoin.
ble du pavire. Elle-même a une extrême arrière-garde
ARR ( 334 ) ARR
qui protége les queues des colonnes ou gens de l'art. Après sa guérison, il rejoi
les partis. Une armée ou un corps d'ar- gnit Bonaparte avant la campagne de Ma
mée pouvant être subdivisé en plusieurs rengo, fut nommé chef d'escadron sur le
colonnes dans sa marche , chacune de champ de bataille >, et porta les premières
celles-ci a son arrière-garde particulière. propositions pour la capitulation qui fut
En général , le devoir d'une arrière- signée par le général Mélas. Quelques an
garde est d'employer tous les moyens pos- nées après Napoléon le promut au grade
sibles pour retarder la marche del'ennemi de colonel et lui donna , avec le titre de
qui la poursuit ; elle doit se servir de ru- duc de Padoue et un revenu de 300,000
ses de guerre et d’embuscades pour pu- | fr., le commandement des dragons de la
nir la témérité des troupes ennemies qui garde. En 1805 , à l'affaire de Vertin
se hasarderaient à uneattaque;de vigueur gen, près d'Ulm, il signala encore sa bra
et d'habileté pour obliger les colonnes en- voure , à la tête de deux régimens : de
nemies à se déployer devant elle, et don- | vançant le sien, il eut son cheval tué sous
ner ainsi aux siens le temps de ga- | lui, fut grièvement blessé de plusieurs
gner du terrain . Lorsque les troupes sont coups de sabre , et aurait infailliblement
poursuivies par l'ennemi victorieux, c'est péri si ses dragons ne l'eussent dégagé. Il
à l'arrière-garde à déployer son intelli- remonta aussitôt sur un autre cheval , et
gence et son activité pour détruire les ne voulut quitter le champ de bataille
ponts,rompre les défilés, embarrasser les qu'après la déroute de l'ennemi. Son ré
gués, dégrader les rontes,en un mot, pour giment lui décerna à cette occasion une
accumuler tous les obstacles possibles sur épée où cette action est retracée. L'empe
le passage de l'ennemi, dans le but d'ar- reur voulut le nommer général de brigade,
rêter sa marche et de refroidir son ar- et , sur son refus, le fit commandant de la
9

deur. J. T-1. Légion-d'Honneur. La campagne d'Espa


ARRIGHI (DUC DE Padoue) , lieute- gne lui offrit de nouvelles occasions de se
nant général , commandeur de la Légion- | faire remarquer. Nommé général de divi
d'Honneur, né à Ajaccio en Corse et cou- sion sur le champ de bataille d'Essling, il
sin de Napoléon. Il entra dès l'âge de fut chargé, par l'empereur, à la bataille de
15 ans dans la carrière des armes où sa Wagram dese porter à l'extrême droite de
bravoure, ses talens administratifs et son l’armée pour aider le prince d'Eckmuhl
zèle opiniâtre lui auraient assuré en tout à forcer l'ennemi qui tenait un mamelon
temps un rang distingué. Après la paix de escarpé. Il s'acquitta de cette tâche diffi
Leoben, il suivit Joseph Bonaparte en cile avec la plus glorieuse persévérance;
qualité de secrétaired'ambassadeà Rome; il gravit au galop les pentes de l’escar
et quand, à la suite d'une émeute, les trou- | pement et il dégagea les divisions Grou
pes du pape firent feu sur les Français chy et Montbrun, par un mouvement sur
qui sortaient du palais de l'ambassadeur, le flane de la nombreuse cavalerie qu'ils
il reçut dans ses bras le général Duphot | avaient en tête. Lors de la campagne de
qui tombait atteint mortellement. Il fit Russie, l'empereur, qui craignait un dé
avec distinction la campagne d'Égypte , barquement des Anglais sur les côtes de
fut blessé en diverses rencontres , entra sous le commandement
l'Océan , les mit
l'un des premiers à Jaffa , et se recom-
9 du duc de Padoue, depuis l'Elbe jusqu'à
manda auprès de Bonaparte par une in- la Somme, et lechargea d'organiser, dans
fatigable activité. A seize ans il était ca- ses cinqdivisiosmilitaires, 67 des 100 co
pitaine. Au dernier assaut livré à Saint- hortes de gard : nationale, noyau de l’ar
2

Jean d'Aere, dans le moment où il rendait mée qui vainquit à Lutzen et à Bautzen
compte au général en chef d'une mission en 1813. Dans cette campagne, le due de
qu'il venait de remplir sur la brèche, une Padoue organisa le 3e corps de cavalerie,
balle lui traversa la tête et coupa l'artère à Metz, avec les conscrits appartenant à
de la carotide. On le crut perdu; mais son tous les régimens de l'armée ,> et nettoya
courage fut tel que le docteur Larrey, le pays entre le Rhin et l'Elbe de tous les
qui l'avait condamné d'abord, le pansa partisans qui l'infestaient. Chargé du
et le sauva , au grand étonnement des commandement de Leipzig, il n'en sortit
ARR ( 335 ) ARR
qu'au moment où les ennemis y entraient, on vérifie, après la mise à l'eau, si quelque
et fut assez heureux pour passer le pont défaut dans l'exécution n'y aurait point
de l'Elster un instant avant qu'il sautât en apporté de changement , afin de modifier
l'air. En 1814, après la défaite de La Fère l'arrimage en conséquence. Le lest( voy .)
Champenoise, les débris de l'armée se reti- étant placé et réparti également, quelque
raient en plaine, harcelés par 10,000 hom- fois même augmenté de matières pesantes
mes de cavalerie que commandait le grand comme vieux canons , boinbes et boulets
duc Constantin : le duc de Padoueà l'ar- de rebut , on dispose sur un ou plusieurs
rière-garden'avaitqu'unedivision de6000 plans les futailles vides dans le sens de
fantassinspresquetous conscrits ;le temps la longueur du vaisseau , en ayant soin
avait manqué pour leurapprendre à char- de les enfoncer un peu dans le lest, ce
gerles fusils avec ensemble; mais on s'é- qu'on appelle engraver , et de remplir
tait hâté de leur apprendre à croiser la par divers objets les vides qu'elles lais
baïonnette et à former des carrés. Le sent nécessairement entre elles. Les An
duc de Padoue se plaça au milieu del'un glais ont obvié à ce dernier inconvénient
d'eux , défendit de recevoir les charges en substituant aux futailles des caisses
autrement qu'à la baionnette et avec de carrées de tôle ou de fonte, qui rendent
la mitraille à demi-portée. Cette conte l'arrimage infiniment plus facile. Quand
nance en imposa à l'ennemi qui prit ces les futailles sont en place on y fait des
conscrits pour de vieilles troupes, et l'ar- cendre l'eau , le vin et les autres substan
rière- garde arriva sans perte au pied des ces qu'elles doivent contenir. On a soin
hauteurs où les autres corps, déjà en po- de séparer celles qui renferment le vin
sition , l'accueillirent par des bravos re- de celles qui contiennent l'eau , de ma
doublés. nière à ce que les premières , formant ce
En 1815 , quand Napoléon revint de qu'on appelle la cale au vin , n'aient
l'ile d'Elbe, le duc de Padoue fut nommé point de communication avec la grande
pair et envoyé en Corse comme gouver- cale ou cale à l'eau. On place dans la
neur. Il voulait faire de cette ile monta- cale au vin les quarts de farine et de
gneuse une forteresse où l'empereur pût viande, les barriques de fromages, celles
en cas de revers braver ses ennemis; mais, de morues, enfin tous les vivres, excepté
après le désastre de Waterloo, Napoléon le pain et les légumes qui ont une place
ne put s'y rendre. Le duc de Padoue, particulière. Dans la grande cale on met
exilé deFranceparl'ordonnancedu24juil- le bois à brûler, les barriques destinées à
let 1815 , a été rappelé en 1820. Cepen- faire de l'eau , etc. Un navire , partant
dant il s'est tenu à l'écart pendant la res- pour un voyage de long cours, doit avoir
tauration , honoré pour la constance de de l'eau pour 70 jours au moins , et l'on
son dévouement à une époque où cette estime qu'il faut par jour une barrique
qualité est si rare. D - E. d'eau pour 80 hommes d'équipage. Or,
ARRIMAGE ou ARRUMAGE , du por le poids de cette eau étant calculé dans
tugais ruma , règle ; arrangement rai- la pesanteur totale du vaisseau , àà mesure
sonné de la charge d'un vaisseau. Ce qui qu'elle est consommée on la remplace
doit guider dans cet arrangement, c'est par de l'eau demer, afin de ne pas chan
d'abord le principe que plus le centre de ger les relations entre les poids divers
gravité d'un navire est bas , mieux il et de ne pas rompre l'énonomie totale
pourra gouverner et plus il portera de de l'arrimage. R - Y.
voiles ; puis cette considération que,, l'es ARROSEMENT , économie rurale .
pace étant borné , il faut savoir n'en Les deux moteurs naturels de la végéta
perdre aucune portion et disposer les tion des plantes sont le feu et l'eau : Dieu,
objets de manière à ce qu'ils se conser- suivant l'expression du poète , leur dis
vent sans avaries et se présentent à pro- pense avec mesure et la chaleur des jours
pos pour les besoins du service. On com- et la fraicheur des nuits. Cependant cette
mence par déterminer au moyen du calcul balance n'est pas toujours si égale que
le centre de gravité du vaisseau,si on ne le les végétaux n'aient à souffrir de son dé
connait par des données antérieures; puis rangement. De là pour l'homme la né
ARR ( 336 ) ARR
cessité d'y suppléer par son industrie. tombe : par ce moyen elle estdispersée sur
.

De ces deux principes actifs il aide le tous les points avec égalité. R - Y.
premier par l'engrais et le second par ARROW-ROOT ( prononcez arrau
l'arrosement. L'arrosement s'effectue soit rout ). On donne ce nom à une fécule qui
en ménageant des écoulemens d'eaux nousarrive de l'étranger, souvent après
pour abreuver des champs ou des prés avoir été falsifiée, et à laquelle on a at
trop arides , soit en distribuant l'eau à
tribué des propriétés merveilleuses. C'est
l'aide de machines plus ou moins porta- de l'Inde et des Antilles qu'elle nous est
tives. La première opération s'appelle apportée , et elle provientde racines tu
proprement irrigation ( voy . ); nous n'a-
béreuses appartenant à diverses plantes
vons donc à nous occuper que de la sc- monocotylédones. L'arrow -root véritable
conde. On peut transporter l'eau, vers les est extraite du Maranta arundinacea ,
points où elle est nécessaire, de plusieurs (Linn .) appelé aux Antilles herbe aux
manières : à l'aide de pompes qu'on ma- flèches ( en anglais arrow flèche et root
næuvre à force de bras ou qu'on fait al- racine ) , parce que les naturels appli
ler par un manége, par des rigoles et quaient sur leurs blessures cette racine
des tuyaux de conduite, ou simplement réduite en pulpe. On la retire par le pro
dans des arrosoirs. On arrose quelque cédé ordinairement suivi pour les racines
fois en se servant d'une pompe sembla- féculentes, et qui consiste à les râper
ble à celle qu'on emploie pour les incen- et à traiter la pulpe par l'eau qu'on jette
dies, l'extrémité du tube étantgarnie d'une ensuite sur un tamis , puis à recueillir la
pomme d'arrosoir. Ce procédé s'emploie fécule quis'est déposée au fond de l'eau.
surtout pour les grands jardins. Les ar- Lorsqu'elle est bien purifiée , elle se pré
rosemens sont d'autant meilleurs qu'ils sente sous la forme d'une poussière mé
imitent mieux la nature. Leur fréquence, diocrement blanche , douce au toucher ,
leur abondance se règle sur le temps, mais compacte et assez pesante. On pré
les saisons , les heures même , et sur le fère celle qui vient de la Jamaïque. Cette
plus ou moins de soif naturelle à chaque fécule diffère de l'amidon, de la fécule de
espèce de plante. C'est au printemps, et pomme de terre, par la forme de ses glo
surtout en été , que les arrosemens sont bules examinés au microscope , et surtout
nécessaires. Dans la première de ces sai- par sa saveur et par la propriété qu'elle a
sons , il est souvent bon d'arroser le ma- d'absorber beaucoup d'eau qu'elle con
tin , mais en général les arrosemens du vertit en mucilage ; d'après M. Cheval
soir sont préférables. Les plantes exigent lier , cette fécule se rapproche beaucoup
que l'eau soit dirigée sur elles avec plus de celle que fournit l'avoine. Mais ces
ou moins de force selon qu'elles sont différences sont peu importantes pour l'u
plus ou moins délicates. Les eaux crues sage qu'on en peut faire , et ne sauraient
et marécageuses , celles qui ne charrient surtout motiver les préférences qu'on
point de parties nutritives, ne sont pas veut lui accorder. Indépendamment de ce
propres aux arrosemens ; les eaux d'é- | qu'elle est souvent mélangée avec d'au
tang ou de pluie sont toujours les meil- tres fécules, telles que celle de manioc ,
leures. et de ce qu'elle n'est jamais aussi fraiche
L'arrosement n'est pas toujours une que celles que nous possédons chez nous,
opération d'agriculture. C'est aussi une elle n'est qu'un aliment doux , de facile
précaution desalubrité publique, dans les digestion et assez nourrissant, qui con
grandes villes , pendant les fortes cha- vient aux convalescens et aux sujets af
leurs. Ainsi, par exemple, les jardins , les fectés d'inflammations du tube digestif.
ponts et les quais de Paris ?, sont arro- On en fait des potages au lait , au bouil
sés par le procédé suivant : à l'arrière lon ou simplement à l'eau. Quelques
d'une voiture qui porte une tonde pleine personnes trouvent la saveur de l'arrow
d'eau est un tuyau horizontal percé d'un root agréable ; mais la fécule de pomme
grand nombre de petits trous et commu- de terre ne lui cède en rien ni sous ce
niquant avec la tonne par un robinet. La rapport , ni relativement à ses propriétés
voiture marche en même temps que l'eau alimentaires ou médicinales. F. R.
ARS ( 337 ) ARS
ARSACIDES , dynastie des rois Par- | 2,300 habitans. Sous Charles-Quint,
thes fondée par Arsacès Ier et qui régna Philippe , comte de Guines et de Croy,
à Hécatompylos, à Ctésiplion et à Ecba- fut nommé duc d'Aërschot et joua un rôle
tane en Parthie, depuis l'an 256 avant dans les troubles qui éclatèrent sous Phi
J.-C., jusqu'en l'année 226 de notre ère. lippe II. Le duché d'Aerschot entra en
Ce nom vient de celui du premier prince suite,parmariage, dans la famille d’Arem
de cette dynastie , mèrent
appelé Archag, et que berg (voy.)qui en prend encore le titre ;
lesParthes surnom ArchagKatch mais il existe en outre des comtes d'Aër
ou le brave ; dans la suite il devint gé- schot dontle dernier, sénateur du royau
nérique, comme le furent ceux de Pha- me de Belgique , s'est fait connaître dans
raon et de César. Le dernier roi arsacide les événemens qui ont amené la fondation
est Artaban V qui fut vaincu par Arta- de ce nouveau royaume. J.H.S.
xerce , fils de Sassan ( voy. SASSANIDES ). de
ARSENAL , édifice destiné à la con
Voir Vaillant, Arsacicarum imperium , servation des machines et des armes mi
Paris , 1728 , et Dufour de Longuerue, litaires, appelé ainsidu mot latin arx ,
Annales Arsacidarum , edit. Schopflini, citadelle, probablement parce que l'on
Arg . 1732 ,> in-4º. plaçait en lieu sûr ces instrumens de
ARSACÈS Ier, Archag, pour venger un guerre. Les arsenaux sont de gran
outrage fait à son frère Tiridate par Aga- deurs différentes et ont des destinations
thocle qui gouvernait la Parthie au nom plus ou moins étendues ; les uns appar
d’Antiochus Théos , roi de Syrie , appela tiennent exclusivement à l'armée de terre
aux armes ses compatriotes et tua le ou à la marine , les autres satisfont aux
gouverneur. Antiochus, engagé dans une besoins de l'une et de l'autre , comme
guerre avec l'Égypte, ne put soutenir son l'arsenal de Venise , construit en 1337 ,
autorité dans cette partie de l'ancienne par André de Pise , et l'un des plus beaux
Hyrcanie, et depuis ce moment elle resta édifices de ce genre en Europe. On peut
indépendante. Arsacès , élu souverain , classer en deux parties générales les ob
fixa sa résidence à Hécatompylos que jets que contient un arsenal : 1 ° ceux qui,
Moise de Chorène appelle Bath , ville des par leur antiquité et leur rareté, sont con
Couchéens. On ne connait pas exacte- servés comme monumens de l'histoire et
ment les autres événemens et la durée de des souvenirs nationaux , et ceux qui
son règne ; cette dernière est réduite par sont nécessaires pour le service des dif
quelques auteurs à 2 ans , tandis que férentes troupes et des places fortes ;
d'autres lui en donnent 38. 2° les manufactures et les fabriques d'ar
Le second Arsacès fut ce TIRIDATE, mes , ainsi que les ateliers et les salles
frère du premier, dont nous avons parlé ; nécessaires pourla confection d'artifices
il augmenta son pouvoir et étendit les etderéparation des armes , des ustensiles
limites de la Parthie. Une première cam- etc. C'est conformément à cette divisie
pagne de Séleucus Callipicus contre lui que les grands arsenaux sont disposés.
n'eut pas de résultat décisif; mais dans Il y a communément une grande cour ,
une seconde, Séleucusfutfait prisonnier, où se trouvent classées , en ordre et par
et l'anniversaire de la bataille mémorable séries , les machines , les pièces d'artil
hangars et des portiques ;
qui le livra à Arsace fut long -temps cé- lerie , sous desd'armes
Tébré comme une ère nouvelle par la dans les salles sont rangées les ar
nation. Arsacès II, que Moise de Chorène mes de mousqueterie, les armes blan
nomme Artase , régna 39 ans , suivant ches , les magasins de munitions , et tous
quelques historiens, et transmit le scep- les fournimens militaires ;; souvent on
tre à Artaban Ier, son fils. unit à l'ordre dans lequel sont rangées les
Sur les ArsacÈs ou Ardaches, rois de armes une élégance qui flatte singulière
l'Arménie, voy. l'article ARMÉNIENS. S. ment les yeux. Dans des cours secon
ARSCHOT ouAERSCHOT (famille d '). daires, et souvent dans des bâtimens ad
Cette famille,très ancienne, alliée à celles jacens ou séparés, se trouvent des fonde
de Ligne et de Croy, tire son nom d'une ries , des forges, des manufactures d'ar
petite ville du Brabant méridional , de mes à feu ou d'armes blanches. Indépen
Encyclop. d . G. d . M. Tome II. 22
ARS ( 338 ) ARS

damment de ces ateliers, il existe un | Les arsenaux de Saint-Pétersbourg et de


corps de bâtiment destiné au logement Moscou sont très beaux.
des officiers et des administrateurs de En Prusse , l'arsenal de Berlin , sur la
als:
l'établissement. A la construction , la Sprée , est bien situé pour les approvi
>

conseryation et l'administration de l'ar- sionnemens et les exportations ; c'est


senal sont affectées, presque dans tous les d'ailleurs un édifice très remarquable par
pays , des compagnies d'ouvriers d'artil- son architecture et l'un des principaux
lerie 2, connus sous ce nom en France , ornemens de la belle rue des Tilleuls.
en Prusse et en Russie ; en Autricheelles Les arsenaux à Cologne et à Neiss méri
forment deux corps distinets, dont l'un tent encore d’être cités. J. T - 1.
s'occupe principalement de la construe- ARSENAL MARITIME. On donne , par
tion , de la formation des équipages de anatogie , ce nom aux établissemens spé
siége et de la fabrication des pièces pour cialement consacrés à la confection , à l'en
l'artillerie de campagne; l'autre de la for- tretien et à la conservation d'une portion
mation, de l'organisation et de l'adminis- plus ou moins grande du matériel de l'ar
tration des équipages de campagne. Les mée navale. Ce matériel étant propor
arsenaux sont situés généralement dans tionnellement plus considérable que celui
les places fortes ; on donne la préférence de l'armée de terre , il en résulte une dif
aux emplacemens voisins d'un cours d'eau férence marquée entre les deax espèces
navigable oud'un autre desgrands moyens d'arsenaux. Le moindre des arsenaux
de communication, pour obtenir plus de maritimes renferme plus de richesses pu
>

facilité dans la fabrication ou le transport bliques, et conséquemment est plus pré


du matériel. Il est avantageux aussi de cieux pour l'état, qu'aucun arsenal mili
les avoir près des frontières qui peuvent taire. D'un autre côté les arsenaux mili
devenir le théâtre de la guerre ou le taires établis pour leur sûreté dans des
point de départ des armées. La Russie , places fortes généralement préexistantes ,
dont les arsenaux sont très éloignés des semblent en former une sorte de dépen
frontières occidentales vers lesquelles dance ; tandis qu'à l'égard d'un arsenal
elle est obligée de diriger ses grandes ar- maritime , la place ne joue qu’un rôle se
mées , vient d'établir des arsenaux dits condaire et le plus ordinairement a été
mobiles ou temporaires qui ne sont construite uniquement pour l'enceindre
que des magasins pour un certain ap- et le mettre à l'abri des entreprises de
provisionnement d'armes et de fourni- l'ennemi. On peut se former une idée du
matériel de l'armée navale
mens .
par l'artille
Les principaux arsenaux , en Europe, rie seule qui compte, terme moyen, un ca
sont , en France , ceux de Paris , de dan une
non par 5 matelots, tandis que , s
Strasbourg , de Metz ,3 de Lille , de Be- armée de terre on ne l'évalue qu'à 3 ca 1
sançon et de Perpignan . nons par 1,000 hommes , et en songeant
En Angleterre , l'arsenal de Wolwich que cette artillerie est bien supérieure en
est remarquable par sa grandeur ; dans calibre à l'artillerie de terre. Si l'on con
une salle d'armes de 34 pieds de lon- sidère en outre les vaisseaux , ces im
gueur on trouve 100,000 mousquetons menses machines de guerre dont quel
rangés dans un ordre admirable. ques-unes portent 120 canons pesant au
En Autriche , c'est à Budweis quel'on delà de 600,000 et pouvant vomir à la
a placé le principal arsenal de construc- fois plus de 3,000 livres de fer, o'n sen
>

tion , à cause de la proximité des char- tira l'imniense importance d'un arsenal
bons et des forêts qui fournissent les maritime. On voit également que , si un
meilleurs bois, pour les travaux de l'ar- | arsenal militaire n'est à proprement par
titlerie ; il existe aussi de ces établisse- ler qu'un édifice plus ou moins vaste, un
mens à Prague et à Vieme. arsenal maritime doit renfermer une
L'arsenal de Kief , en Russie , est un foule d'édifices divers appropriés aux di
vaste bâtimentquipeutcontenir 100,000 verses opérations nécessaires pour con
armes : il est rempli en grande partie de struire, armer >, désarmer , radouber ,
celles qui ont été enlevées en Pologne, 1 abriter, conserver et entretenir des bâ
ARS ( 339 ) ARS
timens de guerre de tous rangs. Il réunit | senic dans les cas où l'on a besoin de
ainsi un port, des chantiers, des ateliers s'éclairer sur sa présence. D'ailleurs le
nombreux et variés , des bassins de con- meilleur réactif, lorsque les préparations
struction et de radoub, des magasins, des arsenicales sont dissoutes dans l'eau,c'est
>

casernes, un hôpital , un bagne , etc. l'acide hydro -sulfuriqué qui le précipite


Les localités convenables à l'établisse- sous la forme d'une poudre d'un beau
ment d'un arsenal maritime étant pen jaune.
eommuns, il n'en existe qu'un petit nom- L'arsenic métallique n'est pas véné
bre dans chaque état qui possède une neux ; mais à l'état d'oxide et d'acide
marine militaire. La France en compte arsénieux >, et dans les combinaisons de
cinq principaux , ceux de Brest , Toulon, l'acide avec les bases , il devient extrê
Rochefort, Lorient et Cherbourg , les mement dangereux et agit sur l'économie
seuls où l'on puisse équiper et abriter animale à la manière des poisons åcres,
des vaisseaux de ligne. Quelques autres, L'empoisonnement par les préparations
tels que ceux de Dunkerque, le Håvre, arsenicales est un des plus communs ,
Saint - Servan , Nantes , Bordeaux et soit qu'il arrive par accident , soit qu'il
Bayonne, ne peuvent servir qu'à l'équi- se présente comme résultat d'intentions
pement et au radoub des frégates et bâ- criminelles. La fré ence de ces évé
timens de rangs inférieurs . nemens malheureux tientsans doute à ce
Nous ne placerons ici ni une énumé- que la vente de ces substances n'est pas
ration complète , ni une description suc- suffisamment surveillée. Cela serait ce
cincte des arsenaux que possèdent les dif- pendant d'autant plus facile que l'arsenic
férentes puissances maritimes , attendu n'est pas extrêmement usité dans les
que chacun formera le sujet d'un article arts. On l'emploie pour donner plus de
qui viendra à son rang dans l'ordre al- dureté à certains métaux. L'alliage de
phabétique. J. T. P. cuivre, d'étain et d'arsenic sert à faire
ARSENIC , arsenicum , mot dérivé des miroirs pour les télescopes. L'alliage
des racines greeques őpony , mâle, et de platine et d'arsenic est plus fusible que
vexáw , vainere , mot à mot domptant le platine seul.
l'homme. L'arsenic est un métal très Les oxides d'arsenic sont utilisés dans
commun et d'assez peu de valeur pour la fabrication de quelques couleurs et
qu'on ne l'exploite pas seul. On l'obtient dans celle du verre, Les sulfures appelés
d'ordinaire en grillant les mines de co - orpiment et réalgar sont employés en
balt arsènical; dans cette opération il se peinture; enfin , dans quelques cultures
sublime et se condense dans les chemi- on s'en estservi soit comme d'un engrais , 1
nées , où on le recueille pour le purifier. soit comme d'un moyen de garantir la
D'ailleurs on le trouve dans la nature semencé qu'on doit confier à la terre de
tantôt à l'état natif, tantôtà celui d'oxide, l'attaque des insectes. L'oxide d'arse sic
tantôt enfin combiné au soufre , au blanc , connu dans le monde sous le nom
niekel ,> au cobalt , au cuivre et au fer. de mort aux'rats, est employé pourdé
Lorsque l'arsenic est pur , c'est un métal truire cès animaux ; mais il peut arriver
cassant , d'un gris blanchâtre et brillant de graves inconvéniens lorsque les bou
qui se ternit rapidement à l'air ; sa tex- lettes dans lesquelles on le fait entrer
ture est grenue et lamelleuse ; sa pesan- sont laissées à la proximité des animaux
teur spécifique est de 8,308 ; il est vola- domestiques et même des enfans. Il y a
til, et lorsqu'on le jette sur des charbons moins de danger dans l'arsenic métal
ardens il brûle et répand une vapeur lique qui se vend sous le nom de poudre
blanche d'une odeur alliacée , caractér aux mouches , et qui se délaye dans de
ristique et que présentent également ses l'eau pure ou miellée; mais cependant
composés. Si l'on expose à cesvapeurs une partie de ce métal peut s'oxider et
une lame de cuivre décapée , elle se re produire des accidens .
couvre d'une couche blanche pulvéru- La médecine s'est emparée des prépa
lente facile à détacher . Cette expérience rations arsenicales et a voulu les appli
facile peat servir à faire reconnaitre l'ar- quer au traitement de diverses maladies,
ARS ( 340 ) ART
notamment à celui des affections cuta- | cadie , et femine d’Alcméon , qui la ré
nées et des maladies vénériennes , du pudia pour épouser Callirhoé > fille
cancer et des fièvres intermittentes ; mais d'Achélous, roid'Épire. — Lafille de Ni
dans ces tentatives >, moins communes de cocréon , roi de Chypre, autre Arsinoé,
nos jours qu'elles ne l'étaient autrefois , inspira une violente passion aà un jeune
les succès bien constatés sont infiniment Salaminien , nommé Acréophon . Ce jeune
rares , tandis que les accidens graves se homme se consuma d'amour et de mélan
sont souvent multipliés de la manière la colie sans avoir pu se faire aimer , et
plus fâcheuse. Arsinoé vit , sans verser une larme , les
Lorsqu'on est auprès d'une personne funérailles de son malheureux amant.
.

empoisonnée par l'arsenic , il faut tâcher | Vénus , pour la punir de tant d'insensi
de provoquer l'expulsion du poison et se bilité, la changea,dit la fable, en caillou .
conduire comme dans les empoisonne- Mais Arsinoé est aussi un nom histo
mens par les substances irritantes. Voy . rique , appartenant à plusieurs princes
EMPOISONNEMENT. F. R. ses de la dynastie grecqued'Égypte. Ar
ARSÉNIATES ET ARSÉNITES , sinoé, fille de Ptolemée Ier, roi d'Égypte,>

sels formés par l'acide arsénique et par épousa , vers l'an 300 avant J.-C., Lysi
l'acide arsénieux , et qui sont tous de maque , roi de Thrace , et ensuite Ptolé
violens poisons. Ils sont souvent l'occa- mée Céraunus , son propre frère, qui fit
sion d'accidens graves , parce qu'on les égorger les deux enfans qu'elle avait eus
emploie dans les arts. Ainsi l'arsenite de de Lysimaque , et la relégua elle-même
cuivre ( vert de Schèele ) qui est d'une dans l'ile de Samothrace pour régner à sa
belle couleur verte et qui sert en pein- place, vers l'an 290 avant J.-C.- Arsinoć,
ture , a été introduit dans des bonbons la seur de la précédente, femme de Pto
gens peu expérimentés, et a ainsi lémée Philadelphe, son frère aussi, re
par des >

donné la mort à plusieurs personnes. çut après sa mort les honneurs divins
L'arsenite de potasse entre dans le savon sous le nom de Venus Zephyritis. Arsi
de Bécaur dont les naturalistes se ser- noé ou Apamée, fille d'Antiochus Soter,
vent pour conserver les animaux em- et femme de Magas , roi de Cyrène , fut
paillés. Les arséniates de potasse , de tuée par le peuple, l'an 257 avant J.-C.,
soude et de fer ne sont pas moins dan- ainsi que son gendre Démétrius, avec qui
gereux . elle vivait dans l'inceste.-- Marc -Antoine
Tous ces différens sels produisent sur fit mourir une quatrième Arsinoć, fille
l'économie animale des effets semblables de Ptolémée Aulète et sæur de Cléo
à ceux de l'arsenic , et les mêmes moyens pâtre , pour complaire à sa maitresse à
de traitement leur sont applicables.Les qui elle avait tenté de ravir le trône d'É
médecins ont employé les arséniates sypte.
comme fébrifuges, surtout à l'époque Enfin , en géographie , Arsinoé est un
où le blocus continental rendait le quin- nom commun à plusieurs villes de l'an
quiva fort cher. Ils les ont également tiquité , en Europe , en Asie et en Afri
expérimentés dans les maladies de la peau que. Dans une vallée au sud du lacMæ
et le cancer , mais sans en retirer les ris, en Égypte , était l'Arsinoé surnom
avantages qu'ils s'en étaientpromis. F.R. mée Crocodilopolis, parce qu'on y en
ARSINOÉ.Lamythologieconnait plu- terrait les crocodiles sacrés. Les autres
sieurs femmes de ce nom. La première, villes de ce nom étaient situées , l'une
fille de Leucippe et nièce d'Apharée, dans la Cyrénaïque, en Afrique , l'autre
roi de Messénie , fut, selon quelques au- dans la Syrie, et la troisième dans l'ile
teurs , aimée d'Apollon et en eut Escu- de Chypre. G-N.
lape uquel on donne plus souvent pour ART, ars, vient du grec a petri, qui
mère Coronis , fille de Phlégias. Elle re- signifie vertu , ou force, ou puissance ;
çut les honneurs divins à Lacédémone , en effet, dans la signification première ,
où elle avait un temple sur la place hel- | l’art signifie la force, la puissance de
lénique. -- Une autre, nommée aussi Al- l'homme appliquée à la nature, Dieu ,
phésibée, était fille de Phégée, roi d'Ar- après avoir accompli celte harmonieuse
ART ( 341 ). ART
réunion de forces matérielles qu'on ap- | leur beauté sur des ouvres qui n'eussent
pelle l'univers, y plaça un être intelli- été sans cela que des imitations mortes
gent, et lui permit de mettre à son tour et qui deviennent de vivantes créations,
son empreinte à ce magnifique ouvrage. tel est le but simultané de ces deux
Partout où cette empreinte est marquée, grandes fractions de l'art, les beaux -arts
il n'y a plus seulement de la nature , il et l'art littéraire.
y a de l'art. Ils procèdent d'une même origine , ils
Mais on donne plus particulièrement tendent aux mêmes résultats ; mais leurs
ce nom au travail qui, à l'aide de certai- voies sont différentes. Ceux -là cherchent
nes règles pressenties par un heureux ins- leurs moyens hors de l'homme : c'est à
tinct particulier à l'homme , développées l'aide de la matière qu'ils réalisent ses
parsesméditationsprofondes, fait appro- conceptions; celui-ci n'a d'autre instru
cher ses oeuvres le plus près possible de ment que la parole , reflet immédiat de
la perfection , soit qu'elles assurent seu-
> la pensée. Son doinaine est sans doute le
lement sa conservation et son bien - être, plus vaste et le plus beau : la paroleseule
comme dans les arts et métiers , soit participe assez de l'intelligence pour la
qu'elles doivent lui procurer une sorte suivre constamment dans son vol infati
de jouissance morale,réelle et délicieuse, gable , pour la traduire tout entière ; mais
comme dans les beaux - arts et dans l'art enfin , le cercle tracé autour des beaux
littéraire. arts est assez étendu pour que le génie s'y
C'est ce dernier qui nous occupe ici : trouve à l'aise ; de là aussi, il peut s'éle
d'autres que nous traiteront des pre- ver à des hauteurs sublimes ; et qui osera
miers aux articles MÉTIERS , Beaux- prononcer entre Homère et Phidias ,
Arts , etc. Deux questions se présentent entre le Dante et Raphaël?
d'abord : Quelle est la cause de l'art lit- Nul doute que l'art n’existât déjà , au
téraire ? quel est son but ? moins en germe, dès le premier essai
Sa cause , qui lui est commune avec d'imitation que l'homme fit par la pa
les beaux -arts , réside dans le désir im- role : dans ces chants nationaux , poésies
périeux et sublime , dont notre ame est énergiques et grossières , qu'on retrouve
sans cesse tourmentée , d'imiter les chez les peuplades les moins policées ,
@uvres du Créateur ; on dirait un res- dans le récit métrique des hauts faits des
souvenir de notre céleste origine ,> une ancêtres , dans l'hymne du combat , il y
conscience mystérieuse que nous avons a déjà un vague pressentiment de l'har
d'être l'émanation , le souffle, de celui monie des mots , une tendance à grou
qui donne à la matière des formes in- per les événemens divers autour d'une
nombrables et une inépuisable vie. Et ce unité qui les fasse ressortir et qui leur
monde extérieur qui l'entoure, si va- serve de lien et d'appui. Mais une vie
rié, si beau, si vaste; et cet autre monde, d'ignorance et de brutalité, des besoins
plus merveilleux, ce monde des passions matériels, d'autant plus avides que rien
>

et de l'intelligence, qui réside au -de- n'est préparé à l'avance pour les satis
dans de lui-même, l'homme voudra tout faire, étouffent cet heureux instinct.
imiter : plus ambitieux , il voudra tout L'art , avant de se développer dans une
embellir. Rien de ce qui existe ne satis- forme quelconque , doit avoir régularisé
fait complètement cet être qui parait ici- le langage , son organe ; et une telle opé
bas comme un exilé des cieux. A la mul- ration n'est possible que chez un peuple
titude des choses créées dans lesquelles la qui commence à se civiliser. Alors des
pensée divine lutte éternellement contre sons rudes et discordans s'adoucissent
la matière anarchique et informe ,> l'in- ets'harmonisent entre eux ; alors, autour
telligence peut opposer des types plus du substantif quireprésente l'Être, du
parfaits, comme si elle avait jadis as- verbe qui en exprime et l'état et les ac
sisté, dans le sein de la Divinité, à la con- tes , autour de ces deux élémens primor
templation de ce monde idéal que Platon diaux du discours , s'arrangent avec or
nous raconte dans ses magnifiques rêve- dre les élémens secondaires ; tout se dé
pies. Réaliser ces types, répandre toute l finit et se met à sa place. Dans celte action
ART ( 342 ) ART
de Part sur le langage , une importante revêtu de formes peu flexibles , dédai
loi le domine , celle de ne point contra- gneux dans le choix des expressions et
rier le génie des peuples; avant de se des images , il ne saurait être fécond en
imodifier sous son influence, la parole beautés poétiques. En revanehe, il va
humaine a reçu des divers climats sous merveilleusement à l'éloquence , à la
lesquels elle retentit , et du caractère philosophie, à tous les genres qui ont le
primitif des nations, une profonde em- raisonnement pour base.
preinte. Ce n'est pas l'art qui l'a rendue Notre dessein n'est pas de passer en
riche et variée dans la Grèce, mysté- revue tous les idiomes antiques et moder
rieuse et grande chez les Hébreux ; il n'a nes : il nous suffit d'avoir prouvé, en
fait que mettre dans tout leur jour,par prenant pour exemple les plus frappans
la classification des idées, par l'arrange- d'entre eux, que l'art s'exerce sur le lan
ment des mots , par l'ordonnance et la gage tantôtavec despotisme, tantôt avec
>

coupe des périodes, ces qualités dontle ménagement. Tantôt aussi son action est
germe produit par un air doux ou parun rapide, et tantôt elle se produit avec len
ciel de fèu , par une natürè riante ou teur ; des siècles peuvent s'écouler entre
majestueuse, l'avait devancé. Les langues le moment où un idiomese débrouille et
les plus heureuses, les plus poétiques, celui où il est fixé, ou bien une langue
sont celles où l'art a laissé ce germe sacré sort d'un seul jet presque parfaite du
se développer à son aise ; ou , tout en la cerveau d'un homme , comme le toscan ,
modifiant, il a permis une allure libre à patois inconnu avant le Dante , langue
la nature : tel füt l'idiome des Grecs, tel belle et célèbre après lui.
est aujourd'hui celui des Italiens , nail, Les diverses formes de l'invention
gracieux , riche de formes et d'images , naissent durant ce travail ; mais l'art n'a
plein de facilité, d'abandon , de variété ; git entièrement sur elles qu'après l'avoir
un peu trop prodigué de ses richesses, accompli; il ne les conduit à la perfec
moins concis,moinsénergique peut-être tion que quand le langage y est déjà par
>

que d'autres langues plus travaillées, en- venu . Avant cela , elles ne sont pas des
core ce reproche pourrait-il bien se ré @uvres , elles ne sont que des ébauches;
futer. Qui fut plus énergique que le gréc ébauches grandes parfois , déjà rayon
Demosthène? que le Dante , parmi les nantes des feux du génie , préférées par
Italiens ? quelques-uns à cause de leur vigueur et
Tout opposées au grec et à l'italien , de leur originalité , aux produits régu
la langue latine etla langue française sont liers de l'art.
L'épopée , lode, le drame, l'histoire,
des ouvres d'art, où la nature a été tel-
lement corrigée qu'on la reconnait à l'éloquence , la philosophie , voilà les
peine ; nous ſerons cependant une diffé genres où l'art se manifeste avec le plus
rence entre elles. L'art qui présida à la de grandeur. Ni l'éloquence ni la philo
première fui refusa le luxe , mais ne la sophie ne proviennent de ce besoin d'i
fit pas pauvre ; en la rendant concisè et mitation que nous avons signalé comme
logiqué, il ne l'empêcha pas d'être variée un des beaux phénomènes de l'intelli
ét souple; il répandit sur elle une grande gence. L'éloquence répond au désir que
majesté; enfin , moins poétique que la nous ressenton's de faire passer nos opi
langue grecque, elle l'est plus que toutes nions et nos sentimens dans l'ame de
nos langues modernes , l'italien et l'alle- nos semblables : son but est de convain
mand exceptés. cre. Une curiosité avide et jamais assou
Lé français a été traité avec plus de vie a donné naissance à la philosophie;
rigueur; peut-être aussi la nature l'avait- elle tend à percer tous les mystères de la
elle moins richement doté ; mais enfin , nature et de l'amé , à tout connaître et
à la clarté qu'on lui a conservée , il joi- à tout expliquer. Nous les rangeons l'une
gnait une naiveté charmante , et ce don et l'autre dans le domaine de l'art, parce
si heureux à été rejeté avec dédain pár que toute manifestation de la pensée par
Jes Pascal et les Boileau ; leur raison sé- la parole est soumise à ses fois. La prose
vère a rendu le français très logique; mais est leur organe et celui de l'histoire , au
ART ( 343 ) ART
moins à l'époque où tout se régularise Dans la philosophie, l'art dépouille
dans une littérature. On sait qu'à l'ori- tous ses ornemens : la recherche de la
gine tous les genres littéraires s'expri- vérité lui demande avant tout une mé
ment à l'aide du mètre ; plus tard le sen- thode sûre qui la guide à travers les abi
timent du vrai , du beau dans la compo- mes où elle va descendre; qui, maintenant
sition , l'art enfin ,> dégage d'une entrave la raison à ses côtés, en éloigne l'imagi
inutile ceux dont les qualités essentielles nation dont plus d'une fois , au sein des
sont seulement l'énergie et la clarté ; à ténèbres où se cachent l'origine et la na
ceux-là il ne peut donner que la forme, ture des choses , les vains rêves lui ap
parce que le fond en est réel et immua parurent comme des réalités. Elle ré
ble. Bien démêler le caractère qui leur clame aussi la clarté, la précision dans
est propre , établir une concordance par- les termes , que l'obscurité des sujets
faite entre ce caractère et le style , faire qu'elle traite lui rend si nécessaires.
ressortir de cette alliance le plus de beau- Le triomphe de l'art est dans les gen
tés possible , voilà son action sur eux. res poétiques , parce que la seulement il
>

L'histoire qui raconte des événemens crée. La poésie et la prose , la réalité et


vrais , grands , instructifs , qui doit ten- la fiction se partagentl'esprit de l'homme :
dre surtout à nous offrir , dans le tableau contraint d'accepter l'une telle qu'elle
du passé, des leçons pour l'avenir, l'his- est , il s'en dédommage en exerçant sur
toire doit être austère et simple; elle l'autre un empire sans limites. L'une est
offre une multitude de tableaux frappans âpre et sévère , l'autre brillante et con
et variés : tracez - les d'une main ferme, solatrice ; nous pouvons puiser d'utiles
mais ne leur prodiguez pas trop l'éclat leçons dans l'étude de la première , mais
des couleurs ; que les images soient tou- la seconde nous enivre de plaisirs sans
jours rapides et exactes. La passion, avec cesse renaissans ; car les beautés dont le
ses figures hardies et entraînantes , est type existe dans l'intelligence , les joies
exclue de ce genre ; l'historien doit être infinies dont elle a le souvenir ou le pres
impartial , équitable comme la Divinité . sentiment, ne s'effacentni ne s'affaiblis
Și la passion est nnie de l'histoire , sent jamais. No l'avons dit , l'art est ,
elle est au contraire nécessaire à l’élo- dans sa plus haute acception , le talent
quence : l'orateur, pour être grand, pour qu'ont quelques hommes élus de répan
être puissant, doit être ému ; l'opinion dre sur l'imitation de la nature et de
qu'il veut faire passer dans l'ame de ceux nous -mêmes cet idéal de perfection dont
qui l'écoutent doit être pour lui l'objet notre ame a conservé l'empreinte, cu
d'une foi profonde, d'un culte vérita- vre étonnante à laquelle nous avons
ble ; la colère , l'attendrissement, tous donné le nom de fiction .
>

les mouvemens spontanés du caur lui La fiction peut prendre à son choix la
vont bien . L'art ne saurait donner cette forme de l'épopée ou celle du drame :
fougue naive et sublime ; mais là où il la toutes deux lui sont si favorablesqu'on se
trouve il ajoute encore à sa forme en la rait embarrassé de prononcer entre elles .
dirigeant . Il ne lui permet point de se L'épopée estplusvaste etplusmajestueuse;
prodiguer au hasard , il retarde ses éclats elle a précédé le drame dont le germe
pour les rendre plus terribles; la con- fut tiré de son sein ; mais elle ne remue
trainte qu'il lui impose, loin d'attiédir pointaussiprofondément que lui ce qu'il
son énergie, l'accroit en l'irritant ; il lui y a de plus actif en nous , les passions;
prête des expressions qui la grandissent et leur empire pèse tant dans la balance
encore; il plie , il adapte le langage à que la plupart, n'accordant qu'une ad
tous ses mouvemens ; il lorne de com- miration froide à l'épopée>, gardent tou
paraisons et d'images, mais avec sobriété. tes leurs sympathies pour le drame. Pour
Enfin il la soumet aux lois de la logique; tant il n'en sera pas ainsi pour les orga
sa marche impétueuse ne sera jamais nisations vraiment poétiques :celles-là
désordonnée ; une argumentation régu- trouveront dans l'épopée une source de
lière et serréę lui prêtera constamment jouissances plussublimes ;chez elles l'ad
son appui. Voy. ORATOIRE ( art ). miration , s'enflammant aux feux du gé
ART ( 344 ) ART
nie qui anime ces créations , devien- d'Ulysse est toute étonnée de se trouver
dra de l'enthousiasme ; dans la con- à côté du courage bouillant d'Achille ;
templation de la grandeur du plan , de dévot, froid , tout ce qu'il faut pour éloi
l'harmonie qui règne entre les parties , gner l'intérêt au lieu de l'attirer. Ces fau
de la richesse des ornemens , elles goû- tes capitales ont fait de l'Énéide, comme
teront un plaisir qui ressemble plutôt à plan, l'ouvre la plus imparfaite et la
ce qu'on éprouve devant un magnifique plus languissante. Mais des détails d'une
paysage , devant la majesté de l'océan ou beauté achevée, une perfection de style
des montagnes, qu'à l'émotion que cau- qu'Homère lui-même n'égale pas , nous
sent les péripéties et les catastrophes. la font lire et relire avec délices. Dans le
L'épopée est un monde : Dieu, l'hom- poème du Tasse, c'est sur la tête de Go
me, la nature , tout y est. A quelque defroi que tout repose ; et quoique Go
chose de si vaste il faut une large base : defroi vaille bien Énée, sa figure ne parait
ne la cherchez pas dans le cerveau du pas aussi grande, ne domine pas autant
poète , mais dans son cæur. Le sentiment toute l'action . Énée est froid ; mais en
patriotique ou le sentiment religieux sont fin , fils d'une divinité, il est entouré de
seuls assez profonds, assez immuables , tous les prestiges de l'Olympe;Godefroi,
assez saints pour le soutenir pendant aussi calme, aussi impassible, n'est qu'un
une si longue carrière ; sans eux, le gé- simple mortel , éclipsé encore par l'éclat
nie n'y suffirait pas. que le Tasse a répandu sur le jeune Re .
L'art ne donne pas plus ces sentimens naud dont la création , si belle en elle
au poète qu'il ne donne à l'orateur la fa - même, est une faute par rapport à l'en
culté de se passionner.Mais avant de dire semble du poème où un personnage se
comment il s'exerçait sur l'épopée il fallait condaire l'emporte par l'intérêt sur te
établir de quels élémens primitifs celle-ci personnage principal. Homère seul a su
se composait; avant lui , elle était déjà résoudre complètement le problème.
grande, elle était patriotique ou pieuse , Achille est à la fois le rôle le plus inté
elle embrassait l'univers; mais , comme ressant et le rôle principal. Quelques-uns
l'univers lui-même avant la création, elle préfèrent Hector à Achille. Cela serait
n'offrait aux yeux qu'un chaos où le juste si l'intérêt était surtout dans l'atten
désordre et l'obscurité éclipsaient les plus drissement qu'inspire le malheur ;2 mais
vives beautés. Certes, c'est un art créateur si vous le placer , comme cela est plus
que celui qui répand sur ce grand tout vrai , dans l'entrainement que vous cause
la lumière et l'harmonie. le spectacle des passions fortes , le ven
Et d'abord , il lui donne l'unité. Dans geur de Patrocle n'aura point de rival.
cette multitude de récits pêle-mêle en- Toute action aa trois parties : l'exposi
tassés, où l'histoire des peuples et leurs tion , le nœud ,> le dénouement. Exposer
traditions et leur mythologie sont confu- par un récit et mettre ce récit dans la
sément décrites , il choisit une action in- | bouche du personnage principal, fut pres
téressante et simple à laquelle il conserve que compté jadis au nombre des règles
son caractère national ou religieux avec de l'épopée; pourtant il n'y a point d'ex
respect , avec amour , comme une beauté position en récit dans l'Iliade, et le Tasse
plus grande que toutes celles qu'il pourra a bien su s'en passer dans la Jérusalem .
y ajouter. L'unité est représentée par le La véritable règle est de prendre un sujet
caractère principal, par le héros du poè dans
assezgrand,
me : en lui toute l'action doit se résumer.
assez national, assezempreint
la mémoire des peuples pour qu'il
Ainsi l'action de l'Énéide est l'arrivée et puisse se passer d'une longue exposition.
l'établissement des Troyens en Italie : elle Le noud doit être fortement serré;
ne peut s'accomplir queparÉnée,l'homme mais dans l'épopée, l'art ne consiste point
du destin. Malheureusement après avoir à le compliquer : d'abord parce qu'une
si bien lié l'un à l'autre, Virgile recule action grande doit être simple; puis ,
jusqu'à la moitié du poème le moment vé- parce que l'emploi du merveilleux, l'a
ritable où l'action commence ; il composebondance des descriptions, tout le luxe
un héros de toutes pièces où la prudence du style, retardent assez sa marche sans
ART ( 345 ) ART
qu'on l'égare encore dansles détours d'une Si, au lieu d'élever la narration jusqu'à
intrigue embrouillée. ces hautes régions, vous la faites redescen
A côté de la grande épopée nationale dre au foyer domestique , les pompes de
et religieuse , nos siècles récens ont vu la poésie l'abandonnent; mais dans la
s'en élever une autre , sounise , sous ce marche capricieuse de la vie privée, dans
rapport surtout, à de tout autres lois; cette les effets inattendus des passions indi
épopée nouvelle, c'est le roman. Au lieu viduelles , si spontanées et si libres, vous
>

de choisir son sujet dans les vici udes allez trouver de nouvelles sources d'in
de la destinée des peuples, il le prend
> térêt; intérêt qui, comme celui du drame,
dans les événemens de la vie privée. L'an- a les passions pour aliment , qui , comme
tiquité nous en a laissé quelques essais ; lui , est entraînant et irrésistible. Le ro -8
mais alors, la vie publique avait trop man, épique par la forme, estdramatique
d'importance, l'existence domestique par le fond , épiquepuisqu'il est le récit
était trop dédaignée , l'individu s'absor- d'une action , dramatique puisqu'il peint
bait trop dans la patrie , pour qu'un tel les passions, comme le drame , il doit
genre pût se développer; son triomphe avoir des péripéties.Une intrigue compli
devait être au sein de nos sociétés mo- quée lui sied mieux encore qu'à celui
dernes, où le christianisme a relevé les ci : le vaste espace de temps dans lequel
femmes et agrandi tous les sentimens in- il se meut lui permet de descendre bien
dividuels aux dépens des affections pu- plus profondément dans l'analyse du
bliqueś. Nous l'appelons une épopée , caur humain , et rien ne l'aide mieux à
2

parce qu'il est le récit d'une action ; ce travail que les variations , l'indéci
c'est la même forme appliquée à un fond sion, les changemens brusques et ino
>

différent : là , elle embrasse la vie des pinés dans la situation des personnages.
peuples ; ici , celle des individus. De cette L'art du romancier sera tout à la fois de
opposition dans le sujet découlent toutes bien nouer et de bien rattacher les évé
les autres oppositions ; la destinée des nemens les uns aux autres , de les créer
peuples se dessine à grands traits ; elle tels qu'ils mettent dans tout son jour le
paraît bien moins livrée au hasard que jeu des passions ; enfin , de les faire nai
celle de l'homme ; cette même fatalité, tre, le plus possible , de ces passions mê
dont nous avons à peine la conscience mes. Le cœur , c'est là le point central
dans nos actions privées , nous semble de ses créations ; il faut que tout en sorte
guider d'une main inflexible la marche et que tout y retourne. La vie des indi
des nations. Le but vers lequel elles se vidus offre une si grande variété , elle
précipitent est prévu d'avance ; ce n'est peut être envisagée sous tantderapports,
donc pas à l'envelopper de mystère,àà nous que le genre qui l'embrasse est, de tous,
le faire pressentir ,puis à nous le dérober,
le plus vaste et le plus libre dans ses allu
que consiste l'art du poète qui chante res. Ce que nous avons dit s'appliquait au
un fragment de leur histoire. Nous sa- roman passionné. Dans le roman de
vons bien, quand nous lisons l'Iliade, que meurs , qui est à l'autre ce que , dans le
>

Troie tombera sous les efforts desGrecs ; drame , la comédie est à la tragédie, l'es
les combats qui vont immortaliser leur pèce du dénouement est à peu près in
triomphe et sa chute ne nous feront pas différente ; tandis que le dénouement
douter un instant de son sort ; mais en d'un roman de la première espèce n'est
les voyant, ces combats gigantesques , ra- jamais plus beau que lorsqu'il est mal
vis d'admiration, nous nous écrions : Que heureux . Dans le roman de mæurs, le
cela est beau ! Puis levant les yeux au but est plutôt de nous amuser et de nous
ciel, il s'ouvre tout à coup à nos regards : | instruire que de nous émouvoir.
Jupiter , l'intelligence toute voyante et A laquelle appartient le droit d'ai
toute-puissante , nous apparaît pesant nesse , de l'épopée domestique ou de l'é
dans sa main les destinées des armées popée nationale ? Comme euvres d'art ,
C'est là , c'est dans la magnificence de ces nous l'avons déjà dit , la question n'est
spectacles, que git l'intérêt de l'épopée pas douteuse, et l'épopée nationale est
(voy. ce mot). antérieure à l'autre de plusieurs siècles ;
ART ( 346 ) ART

mais si nous remontons jusqu'à leur ori- | lui , par un mot , par une pensée étran
gine , nous trouverons au contraire que gère àà ceux que nous voyons agir. Voilà
toutes deux vont également se perdre ce qu'il ne perdra jamais de vue, s'il
dans la nuit des temps. Au fait, l'une na- comprend combien l'art fut transformé
quit avec la première tradition des peu- le jour où le génie fit la découverte si
ples , l'autre avecle premier récit que les hardie du drame. Pour satisfaire à cette
individus se firent entre eux de leurs loi , il faut un cæur profondément sen
aventures ; mais comme les agrégations sible , une tête facile à exalter , des sen
d'hommes acquièrentbien plutôt de l'im - sations énergiques ; en un mot , il faut
portance que les hommes pris séparé- un être passionné . La passion fait le
ment, comme les formes sociales de l'an- poète dramatique , comme l'imagination,
tiquité s'opposaient, sous ce rapport , à jointe au patriotisme ou à la piété, fait
toute espèce de progrès , le roman dut le poète épique.
>

languir long - temps négligé, tandis que Ce n'est pas qu'il n'y ait bien autre
l'épopée arrivait rapide à son plus haut chose que de la passion dans un drame,
degré de développement. Voy . Roman. mais c'est elle qui constitue l'essence du
Toutes les formes de la fiction sont genre ; tout ce qui s'y trouve du reste
alliées de près l'une à l'autre , et la plus n'y est que pour la faire ressortir, pour
>

vaste d'entre elles contient nécessaire- la rendre plus active et plus saisissante.
ment un grand nombre de lois qui con- Ainsi, ces péripéties si habilement ména
viennent à toutes. Ainsi , nous n'avons gées , cenæud si fortement serré , cet art
pu parler de l'épopée sans indiquer quel- de nous faire pressentir vingt fois le dé
ques -unes de ses analogies avec le drame; nouement sans nous le faire deviner une,
le drame qui est l'action même au lieu ne sont que des moyens ingénieux inven
d'être l'action racontée ; où se trouvent tés pour augmenter l'intérêt que nous
ces trois parties constitutives , l'exposi- | portons aux héros ; leur but définitif est
tion , le nœud , le dénouement ; où l'u- de rendre nos émotions plus violentes en
nité d'intérêt estde même une inviolable les tourmentant par des alternatives de
règle; mais qui, fait pour agir immédia- joie et de désespoir, en leur refusant, jus
tement sur les masses , offert aux re- qu'au dernier moment, la connaissance
gards d'un grand nombre d'hommes in- d'une solution vers laquelle on n'a cessé
distinctement réunis , doit tendre sur- de pousser leur impatience et leurs crain
tout à émouvoir , parce que c'est ainsi tes. Ce serait commettre une grave erreur
qu'il aura le plus de prise sur la multi- que de regarder l'intrigue dramatique
tude. Son triomphe sera de faire retentir comme bonne seulement à éveiller , amu
ce cri des passions auquel notre cœur ne ser , satisfaire notre curiosité ; et l'au
manque jamais de répondre par un écho teur qui n'en tire que ce parti comprend
bien imparfaitement sa tâche.
doudouceuse
Ici ce n'est plus par lapompedistsie
du | Ces bases, une fois posées, nous offri
figuré, par la grandeur des descriptions ront naturell cette conséque :
ement nce
où se réfléchit l'univers, par les presti- les ressorts de l'intrigue ne sont jamais si
ges dumerveilleux que l'art se manifeste; puissans sur les spectateurs que quand
mérites éclatans du poète qui raconte , vous les tirez du coeur même des person
qui se place comme intermédiaire entre nages ; c'est la même règle que pour le
nous et l'action , mais erreurs, mais dan- roman passionné. Une péripétie est bien
gereux écarts chez le poète qui , osant autrement belle et bien autrement diffi
prétendre pour son æuvre à un plus haut cile à produire quand on la fait naitre
degré de puissance et de vérité, nous fait d'un sublime et naif retour desentimens,
toucher, voir et sentir cette action comme que lorsqu'elle est amenée par des circon
la réalité même; qui, loin de s'interposer stances extérieures. Ainsi, la plus admi
entre l'action et nous, doit s'annuler de- rable révolution qu'il y ait peut-être au
vant elle , ne vivre que de la vie et des théâtre est celle que le fameux qui te
>

passions des hommes qu'il met en notre l'a dit ? d'Hermione , produit dans la
présence , ne pas trahir son existence , à , destinée et dans le cœur d'Oreste . A ces
ART ART
( 347 )
moyens, les premiers de tous pour sus- que entre trois continens peut devenir le
pendre, pour varier , pour précipiter le rendez-vous de tous les peuples dumonde.
cours de l'action , on peut joindre avec Cette nation si heureusement située , do
sobriété ceux qu'offrentles mille hasards tée par la nature , comme par une mère
de la vie réelle. prodigue, de beauté, d'esprit et de grace ,,
Le genre lyrique , l'élégie , la satire, sera la nation artiste par excellence. Elle
l'apologue et d'autres formes poétiques va nous offrir à la fois l'épopée , l'ode,
nous feraient connaître l'art dans de le drame , l'histoire , l'éloquence >, la phi
> >

nouvelles manifestations; mais ce que losophie ; et l'épopée se résumera dans


nous avons dit sur la manière dont il se Homère , l'ode dans Pindare , le drame
produit dans les genres les plus impor- dans Sophocle , l'histoire dans Thucy
tans , nous dispense d’en montrer l'ap- dide , l’éloquence dans Démosthène , la
>

plication à tous les autres , et nous pou- philosophie dans Platon et Aristote;c'est
vons renvoyer au mot Poésie et aux ar- à - dire que la Grèce, créatrice dans tous
ticles spéciaux les observations que ces les genres , les aura tous poussés à leur
matières nous auraient suggérées. dernier point de perfection : merveilleuse
Il ne nous resterait donc qu'à traiter destinée!
de l'art du style , considéré comme sim- Les fils de Mars , les hommes de fer ,
ple arrangement de mots ; là s'offriraient viennent recueillir l'héritage de la riante
les deux formes du langage , la prose et et poétique Grèce : religieux , guerriers ,
les vers ; nous aurions à examiner , ce qui austères, l'imagination chez eux ne tien
a déjà été plus d'une fois débattu , si la dra point le premier rang.Pourtant ils au
première n'est pas quelquefois aussi apte ront une épopée, parce qu'une épopée ne
que la seconde à rendre les idées poéti- pouvait manquer au peuple le plus patriote
ques; mais cette question , où tant d'au- de l'antiquité; mais leur drame ne sera
>

tres sont renfermées, est encore assez qu'une copieeffacée du drame grec; mais
spéciale pour qu'on puisse la renvoyer leur épopée même sera froide et étroite
aux motsmêmesà propos desquels est née auprès de l'épopée homérique. Où ils ex
la dispute; de même les règles de la ver- celleront surtout, ce sera dans l'éloquence
sification , règles si positives et si nom- et dans l'histoire ; dans ces deux genres ,
breuses, seront plus convenablementdé- ils pousseront l'art au -delà peut- être du
veloppées dans un article séparé. point où les Grecs l'avaient amené ; du
Terminons en jetant un coup d'æil moins si Démosthène n'a vu s'asseoir à
sur la marche de l'art à travers les na- ses côtés qu'un égal dans Cicéron , Hé
tions ; nous le verrons chez quelques- rodote et Thucydide nous paraissent dé
unes, et surtout chez les plus antiques, af- passés par Tacite.
fecter une forme de préférence à toutes La société romaine marche rapidement
les autres. Tout épique dans l'Inde, tout à sa caducité; tout s'éteint, se décompose,
lyrique chez les Hébreux, dans la Chine, lois, meurs, croyances, poésie ; l'art se
cette double contemporaine des anciens précipite vers sa destruction comme le
âges et des âges récens , il s'est pétrifié, reste deschoses.Cen'estdésormais qu'une
réduit à rendre, dans un pénible arrange- forme qui n'a plus de vie , qu'une lettre
ment de signes dont la difficulté l'absorbe, qui n'a plus de sens; il tombe ainsi dans
les formes roides et flétries d'une société ce chaos des peuples barbares qui vont,
décrépite qui même dans ses beaux jours viennent, se croisent, s'attaquent, se ren
ne fut ni guerrière , ni religieuse , ni en- versent sur les débris de l'empire romain;
thousiaste de quoi que ce soit. Une au- il est oublié, il est comme s'il n'était plus,
tre nation se trouve placée sur les confins comme s'il n'avait jamais été. Mais quand
de l'Asie et de l'Europe , sur une terre ces peuples ont achevé l'oeuvre de la des
où les deux températures, où les deux truction , qu'ilsse fixent et s'organisent en
végétations se confondent pour produire sociétés nouvelles, sur cette surface dé
un climat et des sites délicieux : l'air уy est blayée l'art renaît lentement ; il trouve un
doux et caressant, les cieux sont azurés, la monde tout changé,renouvelé dans l'ordre
terre est verdoyante; là, une position uni- :| moral par le christianisme, dans l'ordre
ART ( 348 ) ART
matériel par cette transfusion du jeune força de rentrer dans le devoir les Égyp
sang germanique dans le sang appauvri tiens que les secours des Athéniens avaient
des Latins.Marquéaussitôt d'unenouvelle excités à la révolte , et il obtint la paix
empreinte religieuse et sociale , il revêt avec Athènes en rendant la liberté aux
encore un caractère différent chez toutes villes grecques de l'Asie. Thémistocle se
ces nations qui , pour être seurs , n'en réfugia à la cour de ce roi qui, trans
> >

contrastent pas moins entre elles. En Es- porté de joie d'avoir un tel hôte , lui
pagne, pompeux et souvent oriental; en donna 200 talens et lui assigna 5 villes
France , régulier et pur ; en Angleterre ,
> pour son entretien. Artaxerce permit
hardi et profond ; aussi tardif pour l'Al- aux Juifs de rétablir leur république, leur
lemagne qu'il fut précoce pour l'Italie ; religion et la ville. Ce roi régna pen
partout moins parfait, moins accompli dant 42 ans et mourut l'an 425 avant
qu'on ne le vit dans la Grèce ; et cepen J.-C.
dant plus sublime quelquefois, plus vaste, ARTAXERCE surnommé Mnemon , à
plus créateur. Sous l'empiredu paganisme cause de sa prodigieuse mémoire, suc
l'art pouvait arriver à la perfection , il ne céda à son père Darius II , l'an 404 avant
tendait qu'à la beauté matérielle; le chris. J.-C. Parysatis sa mère , fille d'Artaxerce
tianisme lui a révélé des merveilles d'un Longue-Main, voulut placer sur le trône
autre ordre : le vaste champ du spiritua- son jeune fils Cyrus ; mais la conspira
lisme s'est ouvert devant lui , il a pu voir tion fut découverte . Artaxerce pardonna
ce monde d'intelligence et d'amour que à Parysatis et à Cyrus , et se contenta de
quelques beaux génies de l'antiquité pres- renvoyer celui-ci dans son gouvernement
sentaient à peine ; et ses élans vers ce de Lydie. Alors eut lieu l'expédition des
monde trop immense pour qu'il le re- 10,000 Grecs et la retraite connue sous
produise, sa lutte éternelle avec les beau- le nom de retraite des dix mille ( voy .),
tés suprêmes qu'il n'embrassera jamais , qui est un des plus beaux faits d'armes
nous ravissent plus encore que sa puis- de l'antiquité.Artaxerce épousa ses deux
sance sur l'univers sensible , que la pos filles Amestris et Atossa. C'est Parysatis
session complète des beautés plus traita- qui l'engagea elle-même à ce dernierma
bles que celui-là renferme. L. L. O. riage , en lui disant que les dieux eux
ART, voy. DRAMATIQUE, MILITAIRE, mêmes le légitimaient. Ce prince avait
NAUTIQUE , ORATOIRE . désigné pour son successeur Darius , son
ART , voy. BEAUX -ARTS , LIBÉRAUX fils ainé; mais celui-ci ayant conspiré
( arts ), MÉTIERS ( arts et). contre lui , il le fit mourir. Artaxerce fit
ARTAXERCE, nom de plusieurs rois la guerre aux Lacédémoniens qui avaient
de Perse. soutenu Cyrus , et les força à lui céder
ARTAXERCE,surnommé Longue-Main, les villes et les iles grecques de l'Asie;
parce qu'il avait la main droite plus lon- mais il tenta vainement de soumettre les
gue que l'autre ,était fils de Xerxes, assas- Égyptiens incessamment révoltés contre
sidé par Artaban , capitaine de ses gar les rois de Perse. Artaxerce mourut de
des. Artaxerce échappa au meurtrier de chagrin à l'âge de 94 ans , l'an 361 avant
sa famille qui voulait la détruire pour J.-C .; quelques historiens disent qu'il fut
s'assurer le trône. Artaban régna pendant tué par son fils Ochus.
7 mois , et fit condamner au supplice ARTAXERCE , surnommé Ochus , fils >

Darius , fils ainé du roi , comme parri- et successeur du précédent.Pour s'assurer


cide. Artaxerce le tua de sa propremain , le trône (361 ), il fit périr toute sa famille,
dans une revue, en présence de l'armée, et composée de ses deux frères légitimes ,
monta sur le trône l'an 467 avant J.-C. | Ariaspe et Arsame, et de 80 enfans mâles
Ce prince extermina tous les partisans naturels que son père avait eus de ses
des fils d’Artaban , et quoiqu'il ne fût pas concubines. Mnémon avait fait de vaips
d'un caractère belliqueux , il remporta efforts pour soumettre l'Égypte, qui de
une victoire sur son frère Hystaspe, gou- puis l'an 414 s'était rendue indépen
verneur de la Bactriane , au préjudice dante ; Ochus fut plus heureux et par
duquel il était monté sur le trône. Il vint à la reconquérir sur Nectanébus. Il
ART ( 349 ) ART
détruisit Sidon et ravagea la Syrie. Il se sous ce rapport le livre intéresse malgré la
livra à de tels excès de cruauté qu'il ter- pauvreté du sujet. Artémidore aa été im
nit sa gloire et se fit hair de ses propres primé pour la première fois par les Al
sujets. Étant en Égypte, il fit tuer le bæuf des en 1518 ; cette édition a été suivie,
Apis et ordonna qu'on le lui servit dans en 1603, de celle de Rigault qui a paru à
un festin. L'eunuque Bagoas qui , quoi- | Paris; mais la meilleure édition est celle en
que Égyptien, avait puissamment aidé le 2 vol. que God. Reiff a publiée, en 1805,
a

roi dans son expédition ,ne put voir sans à Leipzig ; les notes de Rigault et celles
indignation l'outrage fait à sa religion, et de Reiske y sont reproduites. P. G - Y .
résolut la mort d’Ochus. Ce prince, d'un ARTEMISE. Deux reines veuves ont
naturel fainéant et paresseux , avait aban- rendu ce nom célèbre dans l'antiquité ;
donné les rênes du gouvernement à Ba- l'une , reine d'Halicarnasse, par ses ex
goas , qui devint tout puissant et fit em- ploits guerriers dans l'expédition de
poisonner son maitre par son médecin , Xerxès contre les Grecs. Elle se signala
>

l'an 338 avant J.-C. Les membres d'O- dans plus d'un combat naval , et dans la
chus devinrent la pâture des chats , et bataille de Salamine , au moment où un
tous ses fils furent mis à mort , excepté vaisseau athénien fondait surle sien , elle
Arsès, le plus jeune, qui lui succéda. G-N. | lui donna le change en attaquant un ais
ARTAXERCE , voy. SASSANIDES. seau de la flotte des Perses. Le roi ap
ARTÉMIDORÉ , nom commun à prouva beaucoup ce stratagème qui eut
plusieurs personnages de l'antiquité grec- un succès complet. Il confia ses enfans
que et romaine. Les principaux sont : à cette reine et la chargea de les con
ARTÉMIDORE le géographe, natif d'É - duire à Éphèse. Dans la suite elle con
phèse, vivait environ 104 ans avant J.-C. quit Patmos. Une statue lui fut élevée à
Il a fait un Périple ou une Description Lacédémone. Un auteur obscur de l'an
de la terre, en onze livres. Cet ouvrage tiquité , Ptolémée Éphestion , raconte
était estimédes anciens. Pline, Athénée, qu'Artémise , devenue amoureuse d'un
Strabon , etc. , en parlent souvent ; onjeune homme qui la dédaigna , lui creva
trouve des fragmens de cet ouvrage dans les yeux pendant qu'ildormait et se jeta
le 1er vol. des Géographes secondaires du rocher de Leucade dans la mer. Peut
de la Grèce, publiés par Hudson , Ox - être ce traitappartient-il à quelque autre
ford 1698. G-N. femme du même nom .
ABTÉMIDORE D’ÉPHÈSe passait de son La seconde ARTéMiSE, reine de Carie,
temps pour un grand naturaliste; on le célèbre
dont Halicarnasse était la capitale, est
nommait ordinairement le Daldien, parce
> parla douleur presque fastucuse
que sa mère était de Daldis , ville de Ly- qu'elle montra au sujet de la perte de
die ; cependant il était né à Éphèse. Se- Mausole son mari et son frère. Elle lui
lon les uns il vécut sous les empereurs fit élever ce monument magnifique comp
Adrien et Antonin-le-Pieux ; selon d'au- té au nombre des sept merveilles du
tres il faudrait reporter son existence monde, et connu sous le nom de Mauso
au règne de Marc-Aurèle. Reiſf, qui a lée qui a été conservé pour ces sortes de
donné une édition de cet auteur , est monumens. C'était un édifice carré de
de ce dernier avis. On a encore d'Ar- 130 pieds de haut et de 411 pieds de
témidore un traité de l'Interprétation tour, embellipar les sculptures des plus
des songes en 5 livres. Il est le résul- | habiles staluaires de la Grèce. Elle avait
tat de ses entretiens avec toutes les per- | invité aussi les poètes à composer des vers
sonnes qui s'occupaient de prédire l'a- en l'honneur de l'époux qu'elle pleurait.
venir. On juge bien d'après cela que, s'il Elle ne survécut que peu d'années àMau
y a dans ce travaildes choses profondes et sole , et le monument ne fut achevé que
savantes , il s'y trouve aussi beaucoup de par son frère Hydricus. D- G.
minuties et de superstitions. Artémidore ARTÈRES , ordre de vaisseaux par
avait parcourula Grèce, l'Italie, les îles de lant du coeur et se distribuant à toutes
la mer Ionienne. Nous lui devons la con- les parties du corps, où ils portent le
naissance de quelques anciens usages, et sang rouge destiné à les nourrir et à
ART ( 350 ) ART
entretenir l'exercice de leurs fonctions. A chaque battement du cour la co
Deux gros troncs artériels partent de lonne de sang contenue dans les artères
l'un ou de l'autre ventricule du cæur : reçoit une impulsion qu'on peut facile
1° l'aorte , sortant du ventricule gauche; ment constater par le toucher , et même
2° l'artère pulmonaire , du ventricule par la vue dans les parties où elles se
droit. Chacune de cesdeux artères se di- trouvent placés près de la peau. Ce phé
vise en troncs principaux quise séparent nomène , connu sous le nom de pouls , à
en branches, lesquelles se subdivisent en été utilisé comme moyen de reconnaître
rameaux , et finalement en ramuscules les maladies. Voy. Pouls.
d'une si extrême ténuité qu'il n'est pas Les artères sont sujettes à de nom
d'aiguille si acérée qu'on puisse enfoncer breuses ' maladies. L'inflammation peut
dans une partie quelconque du corps s'emparer de leurmembrane interne, des
sans piquer quelqu'une de ces divisions ulcérations peuvent s'y manifester et de
capillaires. L'aorte (voy.) est le tronc du viennent souvent la cause première de
système artériel à sang rouge, et se ramifie l'affection connue sous le nom d'ané
dans tout le corps ; l'artère pulmonaire vrisme. Une altération à laquelle elles
au contraire,qui renferme du sang noir, sont très sujettes, c'est l'ossification de
ne va pas plus loin que les poumons dans leur tissu, qui se présente fréquemment
lesquels elle se divise à l'infini. Voy. CIR- chez les sujets avancés en âge, et qui ap
CULATION .
porte un obstacle notable à la circulation,
Les artères sont des tubes décroissant lorsqu'elle attaque les troncs principaux.
à mesure qu'ils se divisent , jouissant Les plaies des artères sont un accident
7

d'une assez grande élasticité, et formés des plus graves , et qui peut entrainer
de trois membranes : une intérieure, lisse rapidement la perte des malades si l'on
et mince qui est en contact immédiat avec n'y porte des remèdes énergiques. Il im
le sang ; une moyenne plus épaisse, fi- porte donc de connaître les signes de
breuse et consistante , une extérieure en- cette blessure et les moyens d'y remédier.
fin formée par le tissu cellulaire. Lamem- Lorsqu'une artère estblessée ( pour peu
brane moyenne est celle qui est spéciale qu'elle soit considérable ) , le sang qui
aux artères ;c'est un tissu qui n'a pas d'a- s'écoule de la plaie est d'un rouge ver
nalogue dans l'économie , et quiprésente meil ( celui des veines est d'un rouge
ce fait singulier et important danssescon- noir); et il sort par jets saccadés, qui sont
séquences , de ne pas se réunir lorsqu'il en rapport avec les battemens du caur
a été divisé; il est formé de fibres circu- (le sang veineux coule par un jet con
laires concentriques. Les artères reçoi- tinu ). On suspend à coup sûr l'écoule
vent elles-mêmes dans leur propre tissu ment du sang en établissant une forte
d'autres artères, des veines, des vaisseaux compression entre le cæur et la blessure.
lymphatiques et des nerfs. Le cours du sang dans les artères étant
Les artères ont des divisions moins du centre à la circonférence , ce moyen
nombreuses que les veines , mais elles ne ferait que rendre l'issue du sang plus
communiquent fréquemment entre elles abondante si une veine était coupée. Lors
au moyen d'anastomoses (voy .) qui as- donc qu'à ces caractères , qui sont infail
surent la libre circulation du sang. Elles libles , on a reconnu la blessure d'une
sont ordinairement accompagnées par les artère , on doit s'empresser d'établir au
veines , qui sont placées plus superficiel- | dessus d'elle , en remontant vers le cour,
>

lement , tandis que la nature, par une ad- une compression assez forte pour sus
mirable prévoyance, á en quelque sorte pendre l'écoulement du sang. Par ce
caché les artères , au moins les plus con- moyen on se donne le loisir d'appeler un
sidérables , à la partie interne et dans la honime de l'art qui , suivant le cas, em
profondeur des membres , de manière à ploiera la compression ou la ligature pour
les garantir de l'action des corps exté- obtenir l'oblitération de l'artère , seul
rieurs . Arrivées à leurs dernières divi moyen de guérison en pareil cas.
sions, les artères communiquent avec les Ce traitement est basé sur la connais
veines. Voy. CAPILLAIRES, sance de ces deux faits, savoir ; qu'une
ART ( 351 ) ART
artère ouverte ne saurait se cicatriser et larité qui le rendit plus puissant que le
conserver son calibre , et qu'une artère comte lui-même. Froissard , partisan de
dans laquelle le cours du sang est sus- la noblesse , le traite , sans justice , de
pendu par une ligature ou par la compres- tyran cruel , qui , d'un seul coup d'æil ,
sion s'aplatit et se change , par l'adhérence désignait à ses satellites les ennemis dont
de ses parois , en un cordon ligamenteux. il voulait se débarrasser. Arteveld ap
>

L'expérience a également montré que la prend un jour que les partisans du comte
circulation continuait par les anastomo veulent le saisir chez lui et s'emparer de
ses ; et c'est l'observation de ces phéno- Gand : furieux , il se présente aux Gan
mènes qui a donné les moyens de guérir tois , les soulève , et chasse la noblesse et
>

et les plaies des artères et les anévris- le comte ; mais tout cela était pour sa
mes . F. R. défense personnelle. Louis Jer, exilé de
>

ARTÉRIOTOMIE , incision des ar- Gand , vint , le jour du sacre de Philippe


tères. On appelle ainsi une espèce de de Valois, lui demander du secours ; ce
saignée qui consistait à ouvrir certaines prince lui promit et se mit aussitôt en
artères. L'artériotomie , dans laquelle on mesure de châtier les mutins. Arteveld
tirait du sang artériel au lieu de sang veut alors conjurer l'orage qui menace
veineux , était assez fréquemment em- sa patrie ; il réunit d'abord les intérêts
>

ployée chez les anciens , et l'est très peu d’Ypres et de Bruges à ceux de Gand,
de nos jours. D'ailleurs on n'ouvrait guère et appelle à son secours Édouard III, roi
que l'artère temporale qui , située sur d'Angleterre, avec lequel il venait déjà
les os de la tête , pouvait être facilement de conclure un traité de commerce. Se
oblitérée par la compression . confiant aux promesses de l'Anglais , il
L'artériotomie est une opération plus assemble à Bruxelles lesétats de Flandre;
facile que la saignée ordinaire ; et si les mais coinme les députés refusent de
médecins modernes y ont renoncé c'est s'allier avec un ennemi du roi de France,
qu'elle ne présente pas d'avantages réels Édouard , d'après le conseild'Arteveld ,
sur la saignée de la veine jugulaire , et écartelle ses armes d'Angleterre à celles
qu'elle peut amener des hémorrhagies de France , dont ilse dit roi du chef de
dans les cas où la compression serait mal sa mère Isabelle de France >, fille de Phi
établie. D'ailleurs , l'artère temporale lippe -le- Bel. Alors les Flamands nesont
>
n'étant accessible que dans une assez pe plus retenus, et l'alliance offensive et dé
tite étendue, et chaque opération entrai- fensive est conclue. L'année suivante ,
nant l'oblitération d'une partie de son 1340 , le 22 juin , Édouard bat à l'Écluse
calibre, on ne devrait pas user fréquem la flotte française qui veut s'opposer à
ment de ce moyen. Voy. PHLEBOTOMIE son débarquement ; ensuite , uni aux
et SAIGNÉÉ . F. R. Flamands , il ravage le Tournaisis ; mais
ARTÉSIENS , voy. Puits. repoussé de Tournai , il conclut une
ARTEVELD ou ARTEVELLE (JAC- trève à la faveur de laquelle le comte
QUES OU JACMART ) qui , pendant neuf Louis rentra dans ses états. Arteveld ,
>

ans (1336-1345 ), exerça le souverain réduit à lui-même , n'abandonne pas


>

pouvoir en Flandre , était d'abord bras- ses projets : il négocie avec Philippe de
seur à Gand . Cet homme éloquent,plein Valois, et s'adresse, sur son refus, une >

d'adresse, d'audace et d'ambition , fut seconde fois à Édouard ; mais présumant


le plus terrible ennemi de la noblesse et trop de son crédit , il offre au prince de
de Louis Ier, comte de Flandre. La ba- Galles la couronne de comte de Flandre.
taille de Cassel n'avait pas anéanti tous Les députés flamands guidés par Gérard
les projets des factieux de Flandre , et Denys, ennemi personnel d'Arteveld , s'y
Louis, soulevantle peuple par ses dé- opposent; alors Arteveld se rend au
prédations et ses injustices ,> ne tarda pas près d’Édouard qui avait débarqué à
à ranimer leurs espérances; ce fut alors l'Écluse, et introduità Gand 500 Anglais ;
qu'Arteveld se mit à leur tête , et , dé- il va ensuite dans les villes d’Ypres etde
fenseur des droits et priviléges du peu- Bruges où il parvient à faire reconnaitre
ple , il acquit en peu de temps une popu- le prince de Galles. Pendant ce temps
1

ART ( 352 ) ART


Denys ameute le peuple contre Arteveld ARTHUS , roi de Grande -Bretagne ,
qui , voyant le mécontentement sur toutes héros des fameux romans de la Table-.
les figures, se retire au plus vite dans son Ronde. Geoffroy de Monmouth , en ti
hôtel qu'il barricade; mais il est bientôt rant des traditions poétiques des Bretons
attaqué de force. Alors il se présente au l'histoire fabuleuse de la Grande-Bre
peuple pour l'apaiser; mais au moment tagne , mit en circulation cette série de
où il va haranguer, Denys lui fend la contes que Robert Wace traduisit en
tête d'un coup de hache. Sa mort fut suite en vers français , leur donnant
suivie de celle de50 des siens, que la po- aussi la vogue sur le continent. S'il y a
pulace égorgea sur son cadavre ( 19 juil- | du vrai dans l'histoire d'Arthus , il est
>

let 1345 ). difficile de le démêler. Quelques écri- ,


PHILIPPE ARTEVELD , le fils du précé- vains l'ont tenté : quant à nous , il nous
dent, se tint éloigné des affaires jusqu'en suffira de rapporter les principaux traits
1382. A cette époque , les Gantois se de ce roman. Nous ferons remarquer
révoltèrent contre le comte de Flandre seulement qu'il n'existe aucun monu
Louis II, que le désordre de ses finances ment qui prouve qu'Arthus soit un per-,
forçait à lever de nouveaux impôts ; sonnage historique, et l'historien anglo
tous alors regrettaient Jacques Arteveld. saxon Bède n'en parle point. Cela ne
Pierre Dubois , l'un des chefs de la ré prouve pas précisément qu'Arthus n'ait
volte,se rend auprès de PhilippeArteveld, pas existé; mais il résulte de ces circon
et lui persuade de se mettre à la tête des stances que son règne , qu'on place au
factieux. Soyez cruel et hautain , lui vi° siècle , n'est point constaté ; et, pour
dit- il en le quittant, ainsi veulent les répéter une remarque de Pinkerton ,
Flamands élre menés , ne on doit entre c'est un véritable phénomène qu’un roi
eux tenir coinpte de vies d'homs, ne dont les poèmes du moyen-âge sont rem
avoir pitié non plus que de arondaux plis et dont au fait l'existence même est
ou d'alouettes qu'on prend dans la douteuse .
saison pour manger. Au nom chéri Arthus était , selon Geoffroy de Mon
d'Arteveld, on se rend en foule chez Phi- mouth , le fruit de l'adultère d'Igern es,
lippe (25 janvier), on lui confère le com- femme d'un duc de Cornoua illes , et
mandement; son premier acte fut le sup- d'Uther, Pendragon ou chefdes Bretons,
plice de douze des meurtriers de son à qui Arthus succéda dans la suite ,
père. Il força ensuite le comte Louis II grace à l'enchanteur Merlin , qui veilla
à lever le siége de Gand et marcha sur sur l'enfant long-temps abandonné et le
Bruges , qu'il prit. Sa victoire fut si- protégea. Il luidonna son épée magique,
gnalée par le massacre de tous ses enne- escalibor , à laquelle aucune arme ne
mis. Cependant il demanda des secours pouvait résister. Il vainquit les Saxons et
à l'Angleterre et à la France ; mais l'une, les Écossais dans plusieurs combats,
occupée par ses dissensions intestines , épousa Genièvre, de la famille des Cador ,
ne put rien faire, et l'autre prit le parti ducs de Cornouailles, soumit l'Irlande et
du comte ; Arteveld ne perd pascourage, l'Angleterre , fit même des exploits hé
il rassemble les Gantois et s'avance à roïques dans le nord et dans le midi de
leur tête vers les Français commandés l'Europe , dompta un géant en Espagne ,
par Clisson et Charles VI. La rencontre se laissa tromper , vainquit le traître
eut lieu à Rosebec ; les Flamands furent Modred , séducteur de sa Genièvre , et ,
>

défaits. Arteveld périt dans la mêlée ; son malgré l'épée enchantée de Merlin , fut
cadavre , retrouvé au milieu d'un mon-
7 blessé dans le combat et expira sur le
ceau de morts, fut pendu à un arbre. H-LT. champ de bataille avec un grand nombre
ARTHRITIS ou ARTHRITE , voy. de ses chevaliers. Arthus avait iné
GOUTTE. de l'éclat à l'ordre de chevalerie connu
ARTHUR , duc de Bretagne , fils de sous le nom de la Table - Ronde que son
Godefroi - le - Bel, comte d'Anjou , et père avait institué. Sa cour était remplie
mort à Nantes en 1187. Voy. JEAN- de héros et de jongleurs ou poètes mu
SANS - TERRE . siciens,
ART ( 353 ) ART
De joie est toute la cors plaine , nourrissant,> qui convient aux convales
Carmoult est li rois Artus rices
Onques ne fu malvais ne chiches ; cens et aux personnes dont l'estomac est
Moult lor fist bien à tous aidier délicat. Les feuilles et les racines de l'arti
De quan qu'il lor fu mestier. chaut ont une saveur extrêmement amère
qui indique des propriétés toniques ; on
dit un poète du moyen-âge. Le roman a essayé leur vertu dans la médecine. G.
du roi Arihus , traduit en prose fran- ARTICLE , articulus, jointure , pe
çaise par Rusticien de Pise , parut pour tit membre , petite partie du discours.
>

la première fois à Rouen , en 1488 , in Ces dénominations ne donnent pas, il s'en


fol. Le 2e vol., contenant Lancelot du faut, une définition de l'article; les gram
Lac , fut imprimé la même année à Paris. mairiens eux-mêmes ne s'accordent pas
Le petit roman du roi Arthus , sous le à cet égard. L'abbé d'Olivet définit l'arti
titre de Livre du vaillant et preux che cle : Un adjectif qui précède les noms
valier Arthus , fut imprimé en 1493 et
n'est pas moins rare que le précédent. Il communs , pour annoncer qu'ils doivent
étre pris, non dans un sens vague, mais
existe une traduction anglaise plus rare dans un sens déterminé. Cettedéfinition
encore et imprimée en 1485. D- G .
ne nous parait pas rigoureusement exacte,
ARTICHAUT, Cynara ScolymusL., non plus que celles de Dumarsais et de
2

plante de la famille des Synanthérées et Condillac qui disent aussi que l'article
de la tribu des Cynarocéphales.. On lui este un adjectif. Il eût peut-être mieux
assigne pourpatrie les contrées méri- valu l'appeler un modificatif; car ce mot
dionales de l'Europe , l'Italie , le Portu- modifie, mais ne qualifie pas le nom.
gal elc., et récemment M. Auguste de Quand on dit le roi, on n'exprime au
Saint-Hilaire, dans l'aperçu de son voyage cune des qualités du roi : il faut pour
au Brésil >, nous a appris que l'artichaut cela un adjectif; mais l'article le mo
importé d'Europe à Monte- Video y a tel- difie essentiellement le mot roi, parce
lement multiplié, qu'il infeste maintenant que l'idée se borne à un seul individu ;
les enviro de cette ville, surtout depuis elle ne s'applique qu'au Roi dont on
que l'on a donné la chasse aux grands parle. D'autres persistent à dire que
animaux qui en faisaient leur pâture. l'article est un petit mot qui se place
L'artichaut est cultivé depuis un temps devant le nom pour en marquer le genre
immémorialdans les jardins de l'Europe, et le nombre, comme si l'on pouvait dis
même dans les pays du Nord , où cepen- tinguer la forme de l'article avant celle
dant il ne résiste point lorsque les hivers du nom devant lequel il doit être placé.
sont excessivement rigoureux. Sa tige , Dès le 11e siècle , un grammairien grec ,
haute de 2 à 3 pieds, est garnie de feuilles Apollonius d'Alexandrie, s'est élevé con
grandes, blanchâtres en-dessous et très tre cette définition (nous citons la tra
découpées. Au sommet des ramifications duction de Portus) : Nonnulli lapsi sunt
de la tige sont situées des têtes de fleurs non leviter , cum existimarent articu
dont le réceptacle est très charnu , garni los adjungi nominibus ut genera distin
de soies entre lesquelles se trouventles pe- guant. Il est vrai, toutefois, que l'artiele
tites fleurs. A l'entour de la tête on voit peut faire connaître le genre d'un subs
des écailles larges et épaisses à leur base, tantif que l'on ne connaitrait pas encore,
souvent terminées en pointe à leur som- parce qu'il a de commun avec l'adjectif la
met. Ce sont les réceptacles et la base des propriété de s'accorder en genre et en
écailles que l'on mange, soit crus avec de nombre avec le nom auquel il se rap
l'huile et du vinaigre quand la plante est porte. Nous pensons que la définition la
tendre , soit cuits de diverses manières , plus simple et la plus exacte que l'on
>

quand la plante a acquis une certaine du- puisse donner de l'article , c'est de dire
reté. On fait souvent dessécher ces par- que « Ce mot détermine l'acception des
ties de la plante qu'on nomme vulgaire- noms communs en les tirant de la forme
ment culs d'artichaut pour en mettre abstraite, pour exprimer toute une espèce
l'hiver dans les ragoûts , les sauces , etc. de choses , une ou plusieurs choses dé
C'est un aliment de facile digestion, peu i terminées, et qu'il substantifie et modifie
Encyclop. d . G. d. M. Tome II. 23
ART ( 354 ) ART

des mots de diverses espèces, conformé- le, des pour de les etaux pour à les. Les
ment à des règles ou à des usages qui | Italiens et les Espagnols forment d'une
ne varient pas. >)
manière analogue del et al, de de el et à
Rendons ceci sepsible par quelques el. Certains grammairiens, qui n'admet
exemples : L'homme n'est vraiment es- tent pas un et une au nombre des arti
timable qu'autant qu'il réunit la bonté cles, rangent cependant dans cette classe
et la droiture du caur aux talens et aux un grand nombre de mots qui modifient
agrémens de l'esprit. Ici l'homme signi- | le nom dans un sens déterminatif, comme
fie toute l'espèce des hommes ; la bonté ce , cet, ces, quelque , chaque, certain ,
et la droiture marquent une bonté et une plusieurs, aucun , nul , tout, etc.; d'au
droiture déterminées , celles du cæur ; tres y ajoutent, au contraire , tous les
aux talens et aux agrémens marquent noms de nombre et par conséquent un
aussi des talens et des agrémens déler- ei une. Cela prouve combien on a varié
minés, ce sontceux de l'esprit. Ces mots d'opinion sur la nature de ce mot. Il en
e
homme , bonté, droiture, talens, agré- est mêmequi ont voulu le supprimer en
inens, à les prendre tout seuls et sans tièrement; mais leurs efforts ont dû né
article, ne renferment que la simple idée cessairement être impuissans.L'article est
de la chose à la signification de laquelle indispensable à la langue française; il en
ils sont destinés; mais cette idée pouvant fait le principal mérite , la clarté et la
être vague ou déterminée, générale ou précision auxquelles nous sommes forcés
restreinte, ce n'est qu'au moyen de l'ar- de sacrifier l'énergie , la concision et la
ticle que l'on peut désigner l'étendue rapidité des langues qui s'en passent ou
qu'on lui donne. Les noms propres ne l’emploient que rarement. Le latin est
d'hommes , les adjectifs, les prépositions dans ce dernier cas, car les Grecs mettent
et les verbes se substantifient et devien- l'article devant les noms. On a conclu
nent noms communs lorsqu'ils sont pré- de là que les Latins n'ont pas d'article ;
cédés de l'article. On dit : Le Dieu de c'est aà tort, ils les sous-entendaient ellip
paix , les Cicéron et les Virgile seront tiquement et le pouvaient par la nature
toujours rares. La nature ne demande de leurs déclinaisons ; d'ailleurs il est
que le nécessaire , la raison veut l'u- bien évident que les langues italienne ,
tile , le goût recherche l'agréable , la espagnole et française ont pris leurs ar
vanité exige le superflu. Le devant de ticles du latin ille, illa , illud. Mais, dira
la maison, le dessus de la porte. Le sa- t-on, la langue grecque a les mêmes avan
voir a son prix. Le lever et le coucher du tages que la langue latine. Pour concilier
soleil . Non-seulement l'article substan- ces contradictions apparentes , il suffit de
tifie l'adjectif lorsqu'il s'y joint , mais il réfléchir sur les caractères différens des
réduit aussi le nom commun en adjectif deux peuples .: les Grecs étaient légers ,
lorsqu'il s'en sépare , comme dans cette vains, babillards ; les Romains , au con
phrase : Rarement les philosophes sont traire, étaient graves, penseurs, méditatifs.
poètes , et plus rarement les poètes sontLe sage est ménager du temps et des
philosophes. Ici les mots philosophes et paroles, a dit La Fontaine. Dans beau
poètes ont tour à tour la forme substan- coup de cas, le Français omet aussi l'ar
live et adjective. ticle. Ainsi dans la phrase suivante, homo
La plupart des grammairiens admettent mes, femmes , enfuns, vieillards , tout
deux sortes d'article : l'articledéfinile,la , est laproie d'un despote láche, imbécile
les, et l'artic'eindéfiniun, une.Cependant ou méchant,et dans celle-ci,prières,bien
Dumarsais, d’Olivet , Condillac et autres faits, offres, menaces, larines d'un père
sont d'une opinion opposée , et de recon- et d'une mère , rien ne l'a ébranlé, la
naissent que l'article simple le, la , les et suppression de l'article rend la diction
ses composés du, au ,des,aux ,formés par plus vive ; le discours aа bien plus d'éner
contraction avec les deux prépositions de gie, bien plus de grace, qu'il n'en aurait
et à , et dans lesquels l'article et les deux en rétablissant ce mot. La traduction de
prépositions conservent leur valeur pro- ces paroles de l'Évangile : Si filius Dei ?
pre. Du s'emploie pour de le, au pour de fournit un exemple palpable de l'impor
ART ( 355 ) ART
tance dont l'article est dans la langue dant leur manière d'être. Ainsi le nom
française. Doit-on traduire Étes-vous fils de gomphose ( 'de youpos , clou ) repré
de Dieu ? ou Étes- vous le fils de Dieu ? sente assez bien la manière dont les dents
deux propositions essentiellement dis- s'articulent avec les mâchoires dans les
tinctes; car le mot fils de la première quelles elles sont implantées. Les articu
n'est qu'un adjectif, tandis que celui de lations se divisent en immobiles et en
la seconde est substantif.Ainsi donc , si mobiles. Pour les premières, plus com
une langue perd en énergie et en rapidité munes dans les os plats, comine ceux de
par l'usage trop fréquent de l'article, elle la tête , des bords dentelés de manière
gagne d'un autre côté en précision et en à ce que leurs enfoncemens et leurs sail
clarté. La langue allemande, unedecelles lies se correspondent , des biseaux de di
qui se rapprochent le plus des langues an- verse forme se réunissent et s'enchâs
ciennes sous beaucoup de rapports , est sent, et il en résulte des cavités plus ou
> 2

souvent trainante et embarrassée par l'u- moins régulières. Pour les autres , nous
sage fréquent de l'article, que l'imperfec- voyons tantôt une cavité circulaire, dans
tion de ses déclinaisons rend indispen- laquelle une tête d'os est reçue et où elle
sable. Comme le français, l'allemand sa- peut exécuter des mouvemens de rota
crifie la concision à la clarté qui du reste tion ; tantôt des surfaces glissent l'une
n'est pas une de ses principales qualités sur l'autre et font l'office des charnières;
Nous renvoyons aux traités généraux et tantôt, enfin , des parties articulaires sont
particuliers pour ce qui concerne la syn- dans un contact tel qu'elles peuventseu
taxe de l'article ; il nous suffit d'en avoir lement glisser l'une sur l'autre. Les ar
exposé ici les principales propriétés. G - N . ticulations de la cuisse et du bras don
ARTICLES . On nomme ainsi toute nent des modèles du premier genre; celles
subdivision d'un écrit , d'un inventaire, du coude et du genou en offrent du se
d'un journal, d'un ouvragelexicologique, cond ; enfin , celle des os de la colonne
d'un mémoire ; les clauses et conditions vertébrale nous en présente du troisième.
d'un traité et les principales dispositions D'ailleurs, les différentes espèces d’ar
>

d'un statut, d’un réglement , d’une or- ticulations se rassemblent et se combi


donnance , d'une loi . nent de diverses façons, ce qui rend im
Les XLIIarticles de l'église anglicane, possible d'établir aucune classification
confirmés en 1549 par le parlement et ré- parfaitement exacte.
duits à 39 en 1560 , forment la confession , Les articulations présentent dans leur
anglicane ; ils doiventleurorigine à Cran- | composition des parties très importantes
mer, évêque de Cantorbéry, assisté de à considérer :: les cartilages et les fibro
l'évêque de Londres Ridley. Il a été fait cartilages revêtant les parties osseuses
mention , à l'article ARMINIENS, des V qui doivent être en contact , afin d'a
articles des Remontrans, de 1610. Les
> doucir les frottemens que diminue en
IV articles de la déclaration de l'église core la synovie versée par des ganglions
gallicane, en 1682, sont connus en France. spéciaux ; enfin, les ligamensqui les main
Quant aux XXIV et aux XV articles tiennent en rapport , sans leur ôter la
successivement proposés par les grandes liberté de se mouvoir dans une étendue
puissances aux Belges et aux Hollandais, déterminée par la nature des parties. Les
comme bases d'un accommodement pro- articulations sont encore protégées par
visoire ou d'une pacification définitive, des muscles, des tendons et desaponévro
l'exposé de cette matière se trouvera ses qui les enveloppent et leur impriment
avec ensemble à l'article CONFÉRENCE DE le mouvement.
LONDRES. J. H. S. C'est à l'article Mouvement qu'il faut
ARTICULATION. Les articulations voir la manière dont les articulations
sont le moyen de jonction des os entre fonctionnent dans l'économie . Dans di
eux ; elles diffèrent suivant la forme de verses parties de cet ouvrage , on aura
ces os et les usages auxquels ils sont des d'ailleurs encore l'occasion de s'occuper
tinés. Les dénominations assez bizarres de ce sujet.
des articulations expriment bien cepen- Les articulations sont sujettes à diver
ART ( 356 ) ART
ses maladies :l’arthrite , l'hydartrose , les convention opposé à vertébre), aux ani
>

tumeurs blanches, etc. Les plaies qui pé- maux dont le squelettese compose d'es
nètrent dans leur intérieur sont généra - pèces d'anneaux , plus ou moins durs ,
lement fâcheuses, et sont souvent suivies cornés ou crêtacés, articulés les uns avec
les autres , et mus par des puissances
de la carie des surfaces articulaires , ma-
ladie qui exige de prompts secours. placées dans leur intérieur ; dans ce
On connait sous le nom de FAUSSE groupe , l'on range les crustacées , les
ARTICULATION un phénomène assez sin- | arachnides et les insectes. T. C.
gulier. Dans les cas de luxation non ré- ARTIFICE ( FEU D' ) , voy. Pyro
duite , la tête de l’os qui a abandonné ses TECHNIE et ARTIFICIER.
rapports naturels finit par prendre, dans ARTIFICIEL , ce qui est le produit
le lieu où elle s'est logée , une espèce de de l'art par opposition à ce qui est na
point d'appui qui, lorsque la première turel. L'homme a souvent appelé à son
douleur est passée , lui permet d'exécu- aide les arts et l'industrie pour lui four
ter quelques mouvemens imparfaits. De nir, en tout temps et en tout lieu, ce que
même, quand à la suite d'une fracture la nature ne lui présentait qu'à des épo
les deux extrémités de l'os n'ont pas été ques et dans des localités déterminées.
maintenues en contact , elles s'arrondis- Ainsi on a su imiter avec une admirable
sent , et quelquefois contractent entre perſection les fleurs de tous les pays, et
elles , au lieu d'une soudure solide , une l'on a su reproduire jnsqu'à leur parfum
union fibreuse ou ligamenteuse ; de telle pour rendre l'illusion plus complète.
sorte , que le bras ou la cuisse, par exem- Mais l'imitation ne s'est pas bornée à des
ple , se plient à cet endroit et sont im- objets de pur agrément, et dans ces der
propres à remplir leurs fonctions . niers temps surtout la science dérobant,
La première espèce de fausse articu- en quelque sorte, le secret du Créateur,
lation doit être considérée , en quelque a pu multiplier les produits les plus uti
sorte , comme un bienfait de la nature , les. On a fait avec succès du vin sans
lorsque les circonstances n'ont pas per- employer de raisin ; on arimité un grand
mis de réduire la luxation ; et il n'est pas nombre d'eaux minérales ; on fabrique
toujours prudent de chercher à rétablir du vin mousseux, en foulant du gaz acide
les choses dans l'état naturel , bien que carbonique dans un vin blanc léger et
des tentatives de ce genre aient été sui- un peu' sucré ; de même qu'on peut pro
vies de succès après un temps assez long. duire artificiellement du sucre , du cam
V. LUXATION. phre , du tannin , en faisant agir l'acide
Quant à la seconde espèce, c'est une sulfurique sur le ligneux , etc. Mais le
infirmité à laquelle on peut remédier par public montre une certaine prévention
deux opérations. On peut , en effet, pas- contre ces produits de la science , que
ser un séton entre les deux fragmens et pourtant il consomme souvent avec plai
y exciter ainsi une inflammation qui les sir sans savoir quelle est leur origine. Il
met en mesure de se réunir ; ou bien on les accuse généralement d'être impar
pratique au membre une incision par la- faits , et lorsqu'il s'agit d'objets alimen
quelle on fait sortir les deux bouts del'os taires il les regarde comme insalubres.
fracturé; on enlève à chacun d'eux >, avec C'est un préjugé qu'il importe de dé
une scie ou une pince , une petite por- truire, car l'homme ne peut opérer que
tion de leur extrémité , puis on les re- sur les élémens que lui fournit la nature,
>

met en place et on les maintient en si- et le plus grand mérite auquel il puisse
tuation , commes'il s'agissait d'une frac- prétendre, c’est , après avoir soigneuse
ture récente avec plaie.La réunion s'opère ment étudié ses opérations, de les imiter
ordinairement en cinq à six semai- le plus fidèlement possible. F. R.
nes . F. R. ARTIFICIER. On appelle ainsi tout
ARTICULATION DES SONS , > ouvrier qui prépare les feux d'artifice de
voy . Voix et PAROLE. guerre ou de réjouissances.Les artifices ac
ARTICULÉ. Ce nom s'applique, en tuels sont des combinaisons quiont pour
histoire naturelle (et dans un sens de l base les trois matières qui entrent dans la
ART ( 357 ) ART
fabrication de la poudre , le salpêtre , le brillante, des globes fumans , des che
soufre et le charbon . A cette base on vaux de frise foudroyans ( caisses rem
ajoute des substances qui, comme la cire , plies de projectiles et de matières inflam
l'huile, la graisse , le camphre, l’antimoi- mables ) , enfin des fusées incendiaires.
>

ne , tendent à affaiblir l'action explosive Parmi les artificiers de guerre les plus
de la poudre, ou qui, comme l'acide acé- célèbres en Europe on doit désigner le
tique , servent au contraire à en augmen- général anglais Congrève qui a donné son
ter l'énergie , ou, enfin , qui sont de na- nom à une espèce de fusée qui peut rem
ture à colorer la flamme. Du reste , la placer l’obusier. Ces fusées, dont le tube
poudre doit être considérée comme l'ar- a aujourd'hui la forme conique et qui
tifice par excellence. Cependant , long- donnent à l'analyse 75,0 de salpêtre,
temps avant le xive siècle , époque où 23,4 de soufre, 1,6 de charbon , datent
existait le moine allemand Schwartz, au- en Angleterre de 1805 ; mais leur grande
quel on a attribué la découverte de la pou- réputation a commencé à la bataille de
dre , les anciens Romains avaient fabri- Leipzig , où elles furent mises en usage.
qué des serpenteaux , des girandoles et Dans l'Inde , Hyder -Ali et Tippo-Saëb
même des espèces de fusées volantes ; et ont eu des corps de tireurs de fusées (ar
les Grecs dų Bas-Empire avaient inventé tificiers ) dès le dernier siècle. Le Dane
le feu grégeois . Les artifices , dont se mark eut les siens en 1808 ; grace au
servirent les Arabes d'Espagne , parais- capitaine Schumacher ; ils furent depuis
sent avoir eu la naphte pour base. Les successivement introduits dans la plupart
Chinois ont une vieille célébrité comme des armées européennes , et le tir des fu
artificiers ; mais ce peuple connaissait la sées eut sa théorie comine celui du fusil
poudre depuis un temps immémorial. et du canon .
Les artifices de réjouissances, dont la L'Angleterre a son Rocket-Corps ; l'ar
fabrication resta toujours en France dans mée de la Confédération germanique a
le domaine public , y ont été portées au ses Brund - Raketen -Werfer. La France
plus haut point de perfection . Nous eû- n'a point de batteries de fusées ; elle a
mes dans les Ruggieri de véritables ar- même supprimé les compagnies d'artifi
tistes qui , à l'aide de quelques fusées , ciers et ne s'est réservé qu'une école de
tubes de carton remplis d'une prépara- pyrotechnie (voy .ce mot ). Les Russes
tion inflammable , reproduisirent dans ont poussé plus loin les expériences de
les airs, en traits de feu, les images de nos ce genre : avant la guerre de Pologne , on
grands hommes , les scènes animées des forma des compagnies à pied et à cheval
combats , et jusqu'à la végétation de nos d'artificiers , et même dans les régimens
forêts avec ses couleurs variées. Les feux d'infanterie légère , il y avait dans cha
d'artifice , dont le charme frivole , mais que peloton de tirailleurs,deux artificiers
saisissant , convient aux masses , sont au- qui devaient jeter des fusées à la main.
jourd'hui partout les ornemens des fê- Mais on n'a pas encore pratiqué cette mé
tes ; en traversant l'Espagne, nous avons thode en campagne; toutefois les Polo
pu remarquer que presque chaque petit nais se sont servis, avec quelque succès ,
bourg avait ses artificiers. des fusées à la bataille de Grokhow.
Les artificiers de guerre , en Europe , Les Hollandais et les Suisses ont fait
n'ont pas moins fait faire de pas à leur quelques épreuves avec des fusées ; le pa
art que les autres. Dunois se servait déjà cha d'Égypte en a fait venir d'Angleterre
de fusées au siége de Pont-Audemer en et aura probablement bientôt son corps
1449. Les variétés des artifices de guerre d'artificiers. J. F. C.
sont très multipliées; ce sont des roches ARTIGAS ( Juan ou José), né à
à feu qui brûlent dans l'eau , des boulets Montevideo , vers 1760 , d’une famille
à éclairer , des boulets incendiaires qui originaire d'Espagne , est, entre les gue
détruisent les magasins et les blockhaus , rilleros ou partisans qui durent leur élé
des chandelles de soufre qu'on lance sur vation à l'insurrection des colonies espa
les ponts , des fusées de signaux de toutes gnoles de l'Amérique du Sud , celui qui
couleurs et des étoiles avec leur flamme a tenu le plus long -temps en ses mains
ART ( 358:) ART

le sort de la nouvelle république de la de fanatique enthousiasme, la civilisa


Plata . tion ait pu faire quelques progrès dans ce
Capitaine dans les troupes royales , pays , même par l'effet de la triste expé
avant d'embrasser le parti de l'indépen- rience des partis qu'avaient poussés l'un
dance , il était peut-être , quant au sa- contre l'autre la vanité , l'ambition ou la
>

voir , fort au -dessousde ce grade ; mais , sottise de leurs chefs.


dans cet esprit inculte, résidait à un haut Les chances de la guerre civile avaient
degré la puissance de volonté qui sait agir fait passer le pouvoir aux mains des ad
sur les masses. On s'étonne de la sou versaires d’Artigas , lorsqu'à la fin de
plesse qu'il trouva chez des hommes aussi l'été de 1820 un de ses lieutenans, nommé
avides de désordre et dont le fanatisme Ramirez, mit à profit la situation critique
et l'ignorance n'ont d'égal que leur esprit du vieux partisan. A la tête de 800 ca
d'insubordination . váliers qui s'attachèrent à sa fortune,
Ce ne fut point par ambition , mais Ramirez, du poste qu'il commandait
par la seule inspiration de son humour dans l'Entre- Rios , fondit sur Artigas ,
orgueilleuse et inflexible qu'Artigas se dispersa ce qui lui restait de partisans ,
sépara de la mère - patrie, à la suite de et s'empara du gouvernement de la pro
quelques démêlés avec le gouverneur por- vince. Réfugié d'abord dans les Missions
tugais de Santo-Sacramento, qui en était détruites, avec un millier d'hommes trop
l'auxiliaire intéressé. Vainqueur des Es- | habitués à la vie de flibustier ou trop
pagnols à la bataille de Las Piedras, où compromis dans leur pays pour y ren
il fit prisonnier le général en chef, Ar- trer ,> Artigas prit le parti de se mettre
tigas , que la junte de Buenos-Ayres n'a- entre les mains d'une troupe de Paraguays
vait pas tardé à investir du commande- qui occupait la mission d’Ytapua(septem
ment d'une armée ,> sut réduire à l'inac- bre 1820 ). Le docteur Francia, dictatenr
tion le gouvernement du Brésil ; et quand du Paraguay , sollicité par Artigas de lui
à la guerre de l'indépendance dut suc- accorder un asile ainsi qu'aux siens , se
céder la guerre d'ambition entre les chefs, rendit à cette prière ; mais ne pouvant
les services qu'Artigas avait rendus pro- oublier quelle fureur ces hordes d’escla
voquèrent les jalousies et la méfiance de ves insurgés avaient mise dans la guerre
la junte de Buenos-Ayres. Posadas , son qu'elles avaient faite à son pays d'adop
nouveau directeur , met hors la loi l'in- tion , il prit la sage précaution de les dis
flexible partisan que son impatience du perser en les accueillant , et l'événement
joug de toute autorité civile porte à ac- justifia sa prévoyance; car à peine établis
cepter ce défi d'une guerre civile. Ayant sur ce sol hospitalier, la plupart des ré
promptement réuni autour de lui plu- fugiés voulurent continuer à y vivre de
sieurs corps de guérillas , il se rend mai- brigandage : ils furent aussitôt saisis et fu
tre de Santa -Fé et de Montevideo , et sillés. Quant au petit nombre des compa
>

bientôt la junte est réduite à le reconnai- gnons d'Artigas qui consentirent à repren
tre comme chef indépendant de la Ban- dre les travaux agricoles , on leur fournit
da- Oriental ( voy. ce mot ). les moyens de s'y livrer paisiblement. Ce
Les populations qui lui restaient dé fut aussi à ce genre d'occupation qu'Ar
vouées jugeaient comme autant d'intri- | tigas finit par se livrer lui-même , quand,
gues ambitieuses chaque tentative faite amené sous bonne escorte à la capitale du
par la junte pour affermir et étendre Paraguay et réduit à la solde de son an
l'autorité civile. Elles se resserrèrent en- cien grade , sans toutefois manquer de
core autour de leur héros, lorsque celui- quoi que ce fût, il s'aperçut qu'il devait
ci se porta le champion du gouvernement renoncer à l'espoir de traiter avec le dic
fédératif, en opposition à l'établissement
2 tateur comme un général d'arınée. Sans
du gouvernement central demandé par en avoir même obtenu une audience , il
les politiques. Cette nouvelle lutte devait partit pour le village de Curugaty où une
encore inonder de sang les malheureuses habitation et des terres lui furent assi
provinces de la Plata. Il est fort douteux gnées ; c'est là qu'il mourut en 1825 ,
que pendant ce temps d'exaspération et ayant pu compenser quelques-uns des
ART ( 359 ) ART
déportemens de sa vie politique par les d'artillerie la connaissance des inathéma
eldia
bonnes actions qui jetèrent sur ses der- tiques transcendantes.
niers jours plus de consolations qu'il n'en L'artillerie peut se diviser en deux
trouva dans les longues agitations de sa parties : 1 ° l'artillerie de campagne, 2°
vie politique et militaire, P. C. l'artillerie de siége , de places , de côtes ,
ARTILLERIE . On croit générale- et de marine.
ment que le mot d'artillerie vient ou du la- L'artillerie de campagne est aujour
tin ars tollendi,ou du vieux mot français d'hui associée aux autres armes avec les
artiller. Cependantles auteurs italiens le quelles elle'a des rapports réciproques ;
font dériver de arte di tirare. Dès les c'est dans les derniers temps surtout que
premiers temps on désignait, 'en termes les améliorations qui ont été faites à son
généraux , les bouches à feu par le nom matériel Payant rendu plus légère et plus
d'artillerie ; aujourd'hui il faut entendre mobile , on a pu la considérer comme
>

sous cette dénomination la fabrication une arme capable de décider le succès


et la conservation du matériel des armes des batailles. Napoléon lui fut redevable
mobiles , portatives et non portatives , des victoires de Friedland , deWagram ,
ainsi que l'usage et le service des bouches de Lutzen et de Bautzen. Il pénétra en
à feu en campagne , dans les places , sur Russie avec un train d'artillerie de 1,372
les côtes , et sur les vaisseaux . bouches à feu . Ordinairement on compte
Avant l'invention de la poudre , on se deux à trois pièces par mille hommes de
servait de différentes machines de guerre, toutes armes; mais il dépassa de beaucoup
qui jetaient des pierres , des matières cette proportion dans les campagnes de
combustibles , par l'effet de ressorts ou 1813 et 1814 , où il voulait , par l'aug
de la torsion; mais les bouches à feu pro- mentation de son artillerie , contreha
duisent contre les édifices des effets plus lancer les forces supérieures de ses ad
prompis et plus efficaces que les balistes; versaires.
et en même temps jouent un bien plus C'est Gribeauval qui fit une sépara
grand rôle dans les batailles . Aussi la tion distincte de l'artillerie de campa
science de l'artilleur est- elledevenue l'ob- gne de celle de siége. C'est lui qui ré
jet de soins et d'améliorations qui l'ont gularisa les différens calibres , allégea les
amenée au degré de perfection où nous affûts et tout l'attirail , afin que l'artille
la voyons aujourd'hui. D'abord on ne fit rie pût suivre facilement le mouvement
usage de l'artillerie que dans l'attaque des troupes. Il a presque résolu ce

et la défense des places . Son premier em- difficile problème de réunir dans la con
ploi en rase campagne fut fait à la bataille struction des pièces d'artillerie la solidité
de Crécy par les Anglais , en 1346 ; ce- et la légèreté les plus grandes possibles.
pendant des auteurs assurent qu'on s'en L'artillerie de campagne comprend un
servait déjà en France sous Philippe-de- personnel et un matériel particuliers. Le
Valois , en 1338. Il est certain que Du- / premier renferme le nombre d'hommes
guesclin fit usage de quelques pièces au nécessaire pour le service d'un certain
siége de Meulan ,> en 1367. Mais c'est au nombre de bouches à feu , et le transport
roiGustave-Adolphe que l'artillerie doit des munitions qu'on traine à leur suite .
en grande partie le premier développe- Le second consiste en un certain nom
ment d'un emploi plus régulier et des bre de bouches à feu d'un calibre parti
avantages de son action . Ce monarque culier. L'unité de force dans l'artillerie ,
avait devant Francfort un train de 200 c'est- à -dire le nombre d'hommes et de
pièces, et au camp de Nuremberg plus de pièces qu'un seul homme est censé pou
2

300 canons . voir commander, c'est la compagnie de


L'artillerie est une science qui de- 100 à 300 mes servant une batterie
mande des connaissances aussi variées de 6 à 12 pièces. Les batteries d'artille
que profondes; si la fabrication des ar- rie ont leurs ouvriers et leur train ; ce
mes.exige l'application des élémens de dernier est dans quelques armées séparé ;
la physique et de la chimie, la balistique dans d'autres il est réurti aux troupes
ou l'art du tir exige de la part de l'officier avec lesquelles il forme un seul tout. Les
ART ( 360 ) ART
batteries sont réparties dans les régi- Il y a trois espèces d'artillerie de cam
mens , comme en France et en Autriche; pagne : l'artillerie à pied , l'artillerie à
ou en brigades et divisions , comme en cheval et l'artillerie de montagne. L'ar
Prusse et en Russie. Le matériel de l'ar- tillerie à pied est attachée aux troupes
tillerie de campagne se compose des d'infanterie ; elle marche et combat à
bouches à feu , d'affûts , de caissons et pied ; mais dans plusieurs armées la con
d'attirails nécessaires à leur service ; des struction des affûts et des caissons est
caissons de cartouches d'infanterie et de telle que les canonniers servans peuvent
cavalerie ; des chariots , voitures pour leêtre transportés avec la pièce. En France,
transport des rechanges ; des forges, etc. d'après le nouveau modèle , 2 hommes
Les pièces que l'on emploie en cam- peuvent s'asseoir sur le coffret de l'avant
pagne sont de deux espèces : des canons train de la pièce , et 6 sur le caisson . En
et des obusiers que l'on appelle en Rus- Prusse 3 hommes montent les 3 chevaux
sie licornes. Les canons sont de calibre sous- vergues, et 2 se placent sur le cof
moyen , pour ne pas nuire à leur mobi- fret de l'avant-train . L'artillerie de cam
lité, pourdétruire l'artillerie ennemie, et pagne se divise , en France, en batteries
renverser les obstacles que l'on rencontre de bataille et batteries de réserve; les pre
ordinairement , tels que des inaisons , mières sont des pièces de 8 , les secondes
des châteaux et des murs d'enceinte. Au- des pièces de 12. En Russie et en Prusse
trefois il y avait un grand nombre de on appelle batteries légères celles qui ont
calibres; on les a réduits à deux dans des pièces de 6 , et batteries de position
chaque espèce de bouches à feu. Les celles qui ont des pièces de 12 .
Français ont des pièces de 8 et de 12 , L'artillerie à cheval est celle qui est
des obusiers de 6 et de 24 ; la Prusse , montée ; mais elle combat à pied . Elle est
l'Autriche et la Russie se servent de piè- attachéeaux troupes de cavalerie . Elle fut
ces de 6 et de 12 , et d'obusiers de 7 li- créée par Frédéric -le-Grand en 1759 ,
>
vres ou stein . Les canons lancent des bou et successivement adoptée en Russie et
lets pleins et des boîtes à mitraille ; les en France ; dans ce dernier pays on n'en a
obusiers des projectiles creux et des boi- eu qu'en 1791. L'Autriche n'a pas d'artil
tes à mitraille. On les emploie pour in- lerie à cheval proprement dite, mais elle a
cendier au besoin les villes et les villages de l'artillerie de cavalerie.Un wurst (caisse
occupés par l'ennemi. Leur proportion allongée) inventé par le général Rouvroy,
est en France d'un tiers sur la totalité est placé sur l'affût entre deux flasques;
des bouches à feu d'une batterie ; ce rap- son couvercle , bien rembourré et doublé
port n'est pas le même en Autriche. en cuir, faisant banc, forme un siége pour
Les affûts de nouveau modèle, en France, y mettre cinq canonniers à cheval les uns
sont à flèche ou à un seul flasque ; on en derrière les autres. L'artillerie à cheval
construisait déjà decette sorte sousle rè- n’a généralement pas de batteries de ré
gne de Louis XV pour le tir des bombes à serve (de position ); pourtant la Russie
ricochet. Ces affûts servent indistincte- possède deux batteries à cheval qui ont
ment aux canons et aux obusiers ; les des pièces de 12 et des obusiers d'un
roues de l'avant-train et de l'arrière -train demi-poud ( voy. ce mot ).
sont de même modèle >, et l'avant-train L'artillerie à cheval est censée avoir
est le même pour toutes les voitures. Les la célérité nécessaire pour soutenir la ca
affûts dans les autres armées sont à la valerie ou pour former des réserves et
Gribeauval et consistent en deux flasques concentrer rapidement des masses de
tirés par quatre entre-toises. Les caissons feux sur des points décisifs.
à munitions sont des caisses longues sur L'artillerie de montagne est organisée
quatre roues ; ceux du nouveau modèle pour le personnel et le matériel , comme
>

en France ont trois coffrets, dont un sur l'artillerie à pied et l'artillerie à cheval ;
l'avant- train et deux autres sur l'arrière- mais elle nécessite plus de chevaux et
train. En Russie les caissons sont , à pro- de mulets , et plus de soldats du train ;
prement parler, des tombereaux couverts elle emploie aussi des calibres plus pe
à deux roues ,
tits de 3 et de 4. Les pièces sont traps
ART ( 361 ) ART
portées généralement sur des affûts- niers qui en font partie sont choisis
traineaux , parmi d'anciens militaires.
L'approvisionnement de l'artillerie de L'artillerie de la marine est un corps
montagne se porte à dos de mulets, dans de troupes organisé en brigades ou ré
des caisses du poids d'environ 50 kilo- gimens , destiné à servir les pièces sur
grammes chacune.En France, les batteries les vaisseaux ; il tient garnison dans les
sont composées de six pièces et de deux ports militaires, et se répartit, selon le
mulets de bât par pièce. Les batteries besoin , par détachemens sur les vais
sont de deux espèces et se distinguent seaux , frégates et autres bâtimens de l'é
par les noms de leurs bouches à feu , tat. En France ce corps fait aussi le ser
celle qui a des pièces de 4 et des obu- vice des places fortes et des établisse
siers de 24 marche toujours avec l'ar- mens dans les colonies. Gal R. et J.T - 1.
mée ; l'autre , qui consiste en pièces de ARTIMON , voy . Mat.
6 , 8 et 12 , et'en obusiers de 6 pouces ARTISAN , voy . MÉTIERS.
reste à la réserve. ARTISTE , voy. Beaux-ARTS.
La cavalerie n'a généralement pas d'ar- ARTJOUNA ou ARDJOUNA , voy .
tillerie de cette espèce , parce qu'en pays PANDOUS .
de montagne la nature du terrain la rend ARTOIS ,> ancienne province de
elle-même presque inutile . France qui forme actuellement la pres
En général le nombre de batteries d’ar- que totalité du département du Pas-de
tillerie de campagne dépend de la ma-" Calais . Ce pays , habité anciennement
nière dont sont employées les divisions par les Atrebates , nom d'où aa été formé
d'infanterie et de cavalerie. L'artillerie le nom actuel , fut compris par les Ro
dle siége est celle qui est destinée à at- mains dans la deuxième Belgique. Con
taquer une place ; on y attache pour le quis par les Francs , il fut donné en 863
personnel un certain nombre de compa- par l'empereur Charles-le- Chauve à Ju
gnies d'artillerie ; son matériel varie alors dith , sa fille, comme dot, lorsqu'elle épou
d'après sa destination ; mais on y emploie sa Baudouin Bras - de - Fer , comte de
des calibres plus forts; on voyait souvent Flandre. En 1180 l’Artois fut réuni une
des mortiers de plus de 100 livres. Dans première fois à la couronne , par lema
le dernier siége de la citadelle d'Anvers riage de Philippe-Auguste avec Isabelle
les Français se sont servis d'un mortier de Hainaut , nièce du comte Philippe ler
qui lançait des bombes de 40 kilogram- de Flandre. En 1237 Saint-Louis érigea
mes ; mais l'effet qu'il a produit ne com- cette province en comté , et en investit
pensera pas la difficulté du transport son frère Robert , dit le Bon et le Vail
d'une pareille machine, et y fera probable lant. Robert fut tué àla bataille de Mas
ment renoncer. Ordinairement on em- soure en Égypte , où le saint roi fut fait
ploie des canons de 12 jusqu'à 24, et des prisonnier. Son fils, Robert II , périt
2

mortiers et pierriers qui lancent des pro- également dans une bataille, après avoir
jectiles pesant jusqu'à 25 kilogrammes. guerroyé toute sa vie et gouverné pen
L'artillerie de place est celle qui est dant cinq ans le royaume de Naples
destinée à la défense d'une place ; elle comme régent. Mahaud , sa fille, qui lui
se compose en majeure partie de pièces succéda en 1302 , fit office de pair au
en ſer de différens calibres , de mortiers sacre du roi Philippe V.En 1382 l’Artois
à la Cohorn et de mortiers-pierriers lan- fut réuni au duché de Bourgogne par le
çant des projectiles creux de plus de 50 mariage de Philippe -le -Hardi avec la
kilogrammes de poids. comtesseMarguerite >, et passa >, avec tou
L'artillerie des côtes est affectée à la tes les autres parties de cet état , entre
défense du littoral ; elle a un matériel les mains de la maison d'Autriche, à la
particulier composé de bouches à feu , quelle ilfut enlevé par conquête en 1640 .
canons et mortiers de très gros calibre. Sa réunion à la France fut depuis con
Dans quelques états , en France par firmée par le traité des Pyrénées de 1659
exemple , elle a un personnel distinct du et par les traités subséquens. Cette belle
corps d'artillerie ; les officiers et canon- et riche province conserve d'anciens pri
ARU ( 362 ) ARU
viléges ; elle était avant la révolution un rundel a de plus remarquable , c'est le
pays d'états. Voy. Arras et PAS-P.DE-
A. D
beaudechâteau
CA- duc gothique appartenant au
Norfolk , une des résidences les
LAIS .

ARUM , principal genre de plantes plus belles et les plus curieuses de la no


de la famille des aroïdées, renfermant blesse anglaise. L'escalier et toute la
un grand nombre d'espèces qui , presque boiserie du premier étage sont en acajou
>

toutes, appartiennent aux contrées chau- | solide, tandis que la boiseriedu deuxième
des du globe. Ces plantes sont surtout étage est toute en chêne anglais. Chaque
remarquables par la singulière structure étage a une longue galerie : celle qu'on
de leurs fleurs qui sont portées sur un appelle la salle des barons est éclairée
spadice ( colonne en forme de massue) par 12 croisées à cristaux peints ; on re
nu à sa partie supérieure , couvert infé- marque surtout la grande croisée dont la
rieurement de fleurs femelles, et sur son peinture , exécutée par Beckwitt , repré
milieu de fleurs mâles. Ce spadice est sente le roi Jean donnant la grande charle.
renfermé dans une spathe roulée en Ce tableau passe pour une des plus belles
forme de cornet. Les arum n'ont point peintures modernes sur verre. Au reste
de tiges ; leurs feuilles , le plussouvent en le château d'Arundel n'est pas achevé.
forme de fer de flèche ou de hallebarde , Sur la plate- forme de la vieille tour ,
sont engainantes et très larges. Les ra- dans le parc , on a une vue magnifique
cines sont souvent tubéreuses et char- qui s'étend jusqu'à l'ile de Wight. Le
nues. Ces plantes sont en général très château d'Arundel a soutenu un siége
âcres et corrosives ; mais leur âcreté se contre Henri Ier; il était défendu alors
dissipe par la cuisson , au point que les par Belsonne de Montgomery , comte
racines de certaines espèces , qui renfer- d’Arundel. Ce château donne à son pos
ment beaucoup de fécule , deviennent sesseur le titre de premier comte et pair
alimentaires; tel est l'arum colocasia , du royaume.
vulgairement nommé colocase , que l'on On prend à Arundel les bains de
cultive de temps immémorial en Égypte, mer. Un canal qu'on a récemment creu
et dont la racine se mange euite dans les sé, met la ville en communication avec
potages . Portsmouth , et lui donne quelque
Nous possédons en Europe uneespèce mouvement pour les affaires mariti
d'aruin qui est extrêmement commune mes . D - G.
parmi les haies où elle fleurit dès les pre- ARUNDEL ( THOMAS-HOWARD, comte
miers jours du printemps ; c'est l'arum D') , issu d'une illustre famille d'Angle
vulgare , vulgairement nommé pied de terre, se rendit célèbre au commencement
veau ou gouet maculé. Sa racine , char- du xvue siècle par la protection qu'il
nue, contient beaucoup d'amidon , mais accorda aux savans et aux artistes. Doué
en même temps un suc caustique , qui se de beaucoup de goût et d'instruction , il
dissipe par la torréfaction et la fermen- dirigea lui-même plusicurs constructions
tation . d'édifices publics. Lié avec le savant Jean
C'est dans les fleurs de quelques es- Evelyn , il l'envoya à Romepour complé
pèces du genre crum , principalement ter ses recherches relatives à l'antiquité.
dans les arum italicum et cordifolium , | Mais un autre voyage qu'il fit également
qu’on a observé la singulière propriété exécuter devait produire de plus impor ·
de dégager une quantité notable de ca- tans résultats : ce fut celui de William
lorique au moment de la lécondation. G. | Petty , en Grèce ,d'où furent transportés,
ARUNDEL, petite ville de 3,000 ames , en 1627 , un grand nombre de monu
dans le comté anglais de Sussex , à 25 mens précieux , entre autres les fameux
lieues de Londres , sur la petite rivière marbres dits d’Arundel (voy. l'art. sui
>

d'Arna , qui se jette dans la mer à 4 milles vant). Le lord forma de tous les objets
au -dessous de la ville. Les navires de 100 rassemblés à grands frais une fort belle
tonneaux remontent l'Arna jusqu'à Arun- galerie qui contenait trente- sept statues,
del , et à son embouchure on trouve le cent vingt-huit bustes , deux cent cin
petit port de Little -Hampton. Ce qu'A- quante marbres chargés d'inscriptions et
ARU ( 363 ) ARV
un grand nombre d'autels, de sarcopha- , teau pointu en formedescalpel.L'obser
ges , de fragmens divers , etc. En 1642, consécration
vation des éclairs et la des
la guerre civile contraignit le comte d'A - lieux frappés par la foudre occupaient
rundel de se réfugier à Padoue, en Italie , exclusivement une division particulière
où ilmourut en 1646. Un de ses fils fut de la classe des aruspices. C'était des
le célèbre comte de Stafford décapité Étrusques que Romeavait reçu les rites
P.A.D. sacrés de l'aruspicine , et surtout ce qui
sous le règne de Charles Ier .
ARUNDEL (MARBRES D’), transportés, concerne les éclairs. Selon les anciens, le
en 1627 , de la Grèce , par les ordres fondateur de ces rites s'appelait Tagès ;
et aux frais du comte Thomas-Howard après lui les Étrúsques avaient conservé
d'Arundel (voy. l'art. précédent) , avec cette science et ces usages dans des livres
beaucoup d'autres monumens antiques. sacrés qui étaient étudiés par la caste sa
Parmi ces marbres se trouve la fameuse cerdotale . Du temps de Cicéron la science
chronique deParos,qu'on rapporte à l'an des aruspices était déjà tombée dans le
263 avant J.-C. , mais que Selden fait discrédit , du moins chez les Romains
descendre jusqu'à l'année 262 de notre d'un esprit cultivé, comme on le voit
ère , et qui contient les événemens les par le traité de cet orateur De divina
plus célèbres de l'histoire grecque depuis tione . Cicéron rappelle le mot de Caton
la fondation d'Athènes, 1582 ans avant qui disait qu'il ne comprenait pas com
J.-C. jusqu'à l'an 264, aussi avant J.-C. ment un aruspice pouvait en regarder un
En 1667 , Henri-Howard , fils de Tho- autre sans rire. Cependant l'empereur
mas , donna à l'université d'Oxford tous Claude proposa au sénat de donner une
Jes marbres écrits du musée de son père. nouvelle autorité au collège des arus
Déjà le savant Jean Selden les avait dé- pices , comme étant le conservateur des
chiffrés et en avait publié une traduction anciensrites sacrés ; et sous Vespasien ils
Jatine avec un commentaire ; cette pu- furent encore consultés sur la construc
blication , faite à Londres , est de 1629. tion du nouveau Capitole. D -G.
En 1676, Prideaux les publia de nouveau, ARVERNES , Arverni, peuple de la
à Oxford , en y ajoutant la traduction Gaule celtique qui occupait les bords de
de nouveaux marbres découverts posté- la Loire et qui , selon Strabon , s'appe
rieurement. La meilleure édition de ces lait ainsi du nom de sa capitale Arver
marbres est celle de Chandler 7, sous ce num , que l'on croit , sans fondement,
titre : Marmora oxoniensia , Oxford , être aujourd'hui Clermont. On peut ju
1763, in - fol. La chronique de Paros a été ger de leur puissance par leur territoire,
souventtraduite,entre autres par Lenglet qui s'étendait, d'un côté , depuis l'Océan
Dufresnoy, Scipion Maffei, etc., et son jusqu'au Rhin , et de l'autre jusqu'aux
>

authenticité a quelquefois été contestée. Pyrénées , ce qui renfermait à peu près


On peut consulter à ce sujet un écrit de toute la Celtique. Lucain (Phars.V , 427)
Robinson , 1788 , in-8 ° , et les observa- leur reproche d'avoir osé se dire issus
>

tions de Gibert , au tome xxiii du Re- des Troyens et frères des peuples du
cueil des Mémoires de l'Académie des Latium . Les Romains , pour s'attacher
inscriptions et belles-lettres. P. A. D. les Arvernes , qui avaient toujours été
ARUSPICES , classe sacerdotale à leurs ennemis irréconciliables , les trai
Rome , chargée d'observer les présages et tèrent avec distinction , les honorèrent
d'en conserver la science. Les aruspices du nom de frères , et les gratifièrent du
étaient supérieurs aux augures (voy.) qui droit latin . Auguste,en divisant la Gaule,
observaient le vol des oiseaux ; ils étaient comprit le pays des Arvernes dans la
même quelquefois consultés par ceux-ci première Aquitaine. La tranquillitédont
comme étant les conservateurs de la con- ces peuples jouirent long-temps fut le
paissance des présages, appelés par les la- prix de leur soumission. Leur cité qui ,
tins aruspicine. Ils observaient surtout les pour flatter le maitre de l'univers, prit
intestins des victimes : aussi les voit-on le nom d'Augusto - Nemetum , devint
figurés sur les monumens antiques por- florissante par les études et s'embellit par
tant un vêtement court et munis d'un cou- les chefs - d'ouvre des arts. Ils eurent
ARV ( 364 ) ASA
deux écoles célèbres , celle de Clermont mais que la valeur de cette monnaie
et celle d'Issoire. G-N. baissa , comme Pline le dit positivement .
ARVIEUX ( LAURENT D’) , de Mar- Il faut remarquer que las signifiait du
seille , séjourna 12 ans ( 1653-65 ) dans reste l'entier , l'unité , comme dans nos
les Échelles du Lévant, avec son parent jeux de cartes , et qu'on appliqua ce mot
Bertandier, consul à Séide . Il négocia, en même à des mesures de longueur et aux
1668 , avec le dey de Tunis un traité poids. Voir Balbus, de Asse, dans le re
qui donna la liberté à 380 esclaves fran- cueil de Gronovius, et M. Letronne ,
çais ; passa , 4 ans après, à Constantino- Considerations générales sur l'évalua
ple, où la facilité avec laquelle il par- tion des 'monnaies grecques et romai
lait le turc émerveilla le divan et facilita nes. D- G.
la signature du traité que M. de Nointel ASA FETIDA ou ASSA FOETIDA ,
était chargé de conclure avec la Porte. stercus diaboli. Celte substance gommo
Chevalier de Saint-Lazare et pourvu de résineuse nous est fournie par une plante
1,000 fr. de pension sur l'évêché d’Apt, ombellifère qui croit en Syrie, en Perse,
il lut, plus tard, envoyé, avec le titre de
en Lybie , d'où elle arrive par la voie du
consul à Alger et à Alep. Innocent XI commerce. Cette plante, appelée ferula
lui offrit , mais il refusa, le titre d'évê- asa fætida, lorsqu'elle est arrivée à l'é
que de Babylone. Les dernières années poque de la maturité , laisse exsuder du
de sa vie se passèrent à Marseille dans collet de sa racine un liquide visqueux,
une solitude pieuse. Il mourut le 3 oc- dont on favorise l'issue pardes incisions ,
tobre 1702 , âgé de 67 ans , laissant des et qui , en se solidifiant, forme des larmes
Mémoires ( publiés par le P. Labat , analogues, pour la forme, à celles que l'on
Paris , 1735 , 6 vol. in- 12 ) , une Rela- recueille sur différens végétaux. Ces lar
tion d'un voyage fait vers le Grand- mes sont l’asa fætida. Telle que nous la
Emyr, et un Traité les moeurs et cou- trouvons dans les boutiques , elle se pré
tumes des Arabes ( l'un et l'autre mis sente en masses roussâtres, dans lesquelles
au jour avec des notes par M. de la Ro- on distingue cependant encore des larmes
gue, Paris , 1717 , in- 12 ). D’Arvieux blanchâtres , cassantes, d'une odeur dés
>

possédait à fond , outre le turc , les lan- agréable et alliacée, et d'unesaveur âcre,
>

gues persane, arabe, hébraique et syria- piquante et amère. Elle se ramollit par
que. VAL. P. l'action de la chaleur , se dissout bien
7

AS , monnaie romaineen cuivre, qu’on dans l'alcool et un peu dans l'eau. Elle
tailla différemment , et dont on réduisit
> est souvent falsifiée.
successivement la valeur, comme celle de L'analyse chimique y a montré beau
la livre au moyen-âge. De 12 onces , elle coup de résine , un peu d'huile volatile ,
>

descendit peu à peu à une demi - once et très odorante , de lagomme et quelques
même plus bas. On trouve dans les ca- autres élémens en petite quantité.
binets de médailles des as de tous les Les usages de cette matière dans la
poids intermédiaires de ces deux nom- pharmacie se restreignent tous les jours.
bres. En l'an 536 , lorsque l'as fut ré- Elle passait autrefois pour'un antispas
duit de 2 onces à 1 once , il fut statué , modique des plus énergiques et entrait
selon Pline , que le denier , qui jusqu'a- dans une foule de composés médicamen
lors avait valu 10 as ( exprimés par la teux . Comme excitant , elle peut être
lettre X), en vandrait 16 à l'avenir . Il utilement employée ; quelquefois on a
s'est élevé, dans le sein de l'Académie remarqué qu'elle réussissait assez bien
des Inscriptions , des discussions sur la à chasser les versintestinaux . Malgré son
valeur de cette monnaie. Le comte Gar- odeur repoussante , l'asa fætida, suivant
nier a prétendu qu'il existait des as ef- des auteurs dignes de foi, était un assai
fectifs de 12 onces , et des as de compte sonnement estimé en Perse , où elle était
. cette d'un usage
opinion en soutenantque l'asatoujours “ ASANIDES,famille boulgare,ainsi
été , chez les Romains , à la fois mon nommée d'Asan , Valaque d'une origine
naie effective et monnaie de compte , inconnue qui, avec son frère Pierre, sou
ASA ( 365 ) AŚC
leva la Boulgarie contre l'empereur de de règne, mourutà Lavinium, ou dans une
Byzance , en 1186, et fonda un royaume bataille ( 1188 ans avant J.-C.). Ascagne,
valaque-boulgare indépendant, dont Vid- suivant la tradition, eut presque aussitôt
din devint la capitale. Asan périt en les Étrusques à combatire ; il les battit ,
1196 de la main d'un de ses parens qui tua Lausus, fils de leur roiMézence, puis,
lui succéda au trône et qui fut couronné débarrassé deses ennemis extérieurs, alla
par un légat du pape. Mais en 1210 Jean fonderAlbe-la-Longue etlaissa Lavinium
Asan , fils du premier de ce nom , sºem- à Sylvius , que Lavinie , sa belle-mère ,
para du pays , dans lequel il établit le enceinte à la mort d’Énée, avait mis au
schisme grec. A sa mort , en 1241 , la monde au milieu des bois. Ascagne ré
couronne passa sur la tête de son fils gna 32 ans , et eut pour successeur Syl
Coloman , et, après celui-ci , de Michel vius lui-même. Iule , son fils, ne fut que
>

Asan , son beau -frère. Deux autres Asan, grand-prêtre.


Jean II et Michel II, épousèrent des prin Des traditions différentes nousmon
cesses impériales de Byzance et furent trent Ascagne régnant encore en Asie
reconnus dans leur dignité de rois de après la chute de Troie ( en effet ,
Boulgarie par les empereurs d'Orient. Le un district de la Mysie se nommait As
dernier la résigna en 1280, et se retira à canie) et passant en Europe ( Thrace
Constantinople où la famille des Asani- ou Illyrie) après la mort d’Énée. Quel
des continua à fleurir. Le royaume vala- quefois il est le père soit d'une Roma
que- boulgare dura 188 ans , jusqu'en fondatrice de Rome , soit des deux ju
137 4. J. H. S. meaux Romulus et Rémus. Il serait
ASARHADDON , roi d'Assyrie , fils possible qu'Ascagne n'eût jamais existé :
et successeur de Sanherib ( voir le 2° liv. le nom d'Achk , Echk 5, Ichkan , ap
des Rois, xix, 37; Isaïe xxxvii, 38; Esdr. partient aux idiomes orientaux , et sem
iv , 2). Il avait d'abord été vice-roi assy- ble avoir désigné,soit un peuple à mæurs
rien de Babylone,etest nommé aussi Sar- / patriarcales , soit un prêtre - roi . Le cé
gon . Il régna 29 ans , fit la guerre aux lèbre Arsace , tige de la dynastie des
Philistins , et leur prit Azoth par l'entre- Arsacides , s'appelait Achk ou Achag ,
mise de Tartan , son général. Ce futap- | Archag. VAL. P.
paremment pour venger l'injure que San- ASCALON , ville de Palestine , dans
herib , son père, avait reçue de Tarhaca, l'ancien pays des Philistins , sur les bords
>

roi du Kousch (Chus), qu'il attaqua ce de la mer. Cette ville subit toutes les
pays ainsi que l'Idumée et l’Egypte. vicissitudes de la contrée dans laquelle
C'est lui qui envoya des prêtres aux Cu- elle se trouve. D'abord conquise par
théens , que Salmanasar , roi d'Assyrie , les Juifs, elle tomba successivement au
avait fait venir dans le pays de Samarie, pouvoir des Grecs, des Romains et des
pour y remplacer les Israélites trans- Arabes. A l'époque de la première croi
portés au-delà de l’Euphrate. Il prit sade , elle était , ainsi que Jérusalem ,
Jérusalem et amena à Babylone le roi sous la domination des khâlifes fatimites
Menaché. Quel que soit le nombre d'an- d'Égypte. Les croisés s'étantavancés vers
nées de son règne , il mourut l'an du la ville sainte , une armée égyptienne ac
monde 3336 . S. C. courut pour la défendre. Cette armée ,
ASARIA ( PRIÈRE D' ) , l'un des li- composée d'Arabes, de Turcs , de Nu
vres apocryphes de l'Ancien-Testament. biens et de noirs africains, présentait l'as
On l'attribue, mais sans fondement, à pect le plus formidable. Arrivéeaprès la
>

Asaria, compagnon de Daniel, autrement prise de Jérusalem , elle s'arrêta dans la


appelé Abednego . Asaria est aussi le plaine qui avoisine Ascalon ; en même
nom d'un roi de Judée , fils d'Amazia et temps la flotte égyptienne prit position le
qui a régné de 803 à 751 avant J.-C. S. long du rivage. A cette nouvelle , Gode
ASBESTE , voy. AMIANTE. froy de Bouillon, Tancrède, Raymond de
ASCAGNE ou Iule, fils d’Énée et de Saint-Giļles, sortirent de Jérusalem avec
7

Créuse , était fort jeune encore quand toutes leurs forces disponibles. L'armée
>

Énée, après 7 ans de navigation et 4 chrétienne était très inférieure en nom


ASC ( 366 ) ASC
bre; mais ses succès précédens, et l'idée che d’Anhalt (voy .); elle régna dans ce
où elle était que Dieu protégeait sa cause, duché et de 1157 à 1411 dans le mar
la rendaient invincible.. Le combat eut graviat de Brandebourg, et s'agrandit du
lieu la veille de l'Assomption , en 1099. duché de Saxe, en 1180. Les ducs asca
Au premier choc , la multitude confuse niens de Saxe formèrent dans la suite
des Égyptiens fut mise en déroute ; le deux branches différentes , dont l'une,
grand étendard des infidèles tomba au celle de Saxe- Lauenbourg, s'éteignit en
pouvoir des chrétiens. Une partie des 1689 ; l'autre, celle de Saxe-Wittenberg,
Égyptiens fut moissonnée par l'épée , obtint , en 1370, le titre électoral , et fit
une autre fut poussée dans les flots de la place , en s'éteignant , l'an 1422 , à la
mer , le reste se sauva dans la ville ou maison de Wettin. J. H. S.
s'enfuit en Égypte. Cette bataille a été ASCARIDE , v. VERS INTESTINAUX.
longuement racontée par le Tasse dans ASCENDANT ( astronomie ). On ap
la Jérusalem délivrée. Mais l'auteur , pelle noeuds les deux points opposés de
abusantde la liberté que laisse la poésie, l'écliptique, où elle est coupée par le plan
a négligé le merveilleux que lui offrait de l'orbite de la lune , d'une planète ou
la vérité historique , pour en créer un d'une comète , et næud ascendant celui
qui n'existait que dans son imagination. des deux næuds que l'astre franchit
Après une victoire aussi signalée , les quand il passe du sud au nord de l'éclip
croisés auraient pu s'emparer d'Asca- tique. Par opposition l'autre næud est
lon ; mais la discorde se mit dans leurs qualifié de descendant, et on les voit in
rangs ; et quoique cette ville se trouvât diqués dans les éphémérides astronomi
au cour même de leurs provinces , elle ques, ou même dans les almanachs vul
resta sous la domination égyptienne jus- gaires , par ces deux signes
> 8. Lors
qu'en 1153. Ce fut le roi Baudouin III que le mot næud se trouve employé
qui la soumit au joug de la croix. A cette sans autre indication , c'est toujours du
époque Ascalon occupait une vaste éten- neud ascendantqu'il s'agit. Pour fixer la
due et son enceinte était bien fortifiée. direction dans l'espace du plan de l'orbite
Cependant , lorsqu'en 1187 l'armée chré - d’un astre , on est dans l'usage de donner
tienne eut été anéantie par les Musul- son inclinaison sur le plan de l'écliptique
mans dans les plaines de Tibériade, elle et la longitude du næud ascendant, c'est
n'opposa qu'une courte résistance , et à-dire la distance de ce noud à l'équi
Saladin у entra après quatorze jours de noxe du printemps, ou l'angle formé par
siége. Saladin augmenta encore ses for- deux droites que l'on mènerait du centre
tifications; mais lorsqu'en 1191, les croi du soleil, l'une à l'équinoxe du prin
sés , conduits par Richard -Caur - de -
-

temps, l'autre au noud ascendant de l'or


Lion, eurent repris Saint-Jean -d'Acre, bite (voy. AscENSION DROITE et Longi
Saladin craignit de ne pouvoir défendre TUDE ). Nous pourrions faire voir cepen
Ascalon et la fit démanteler. Dès ce mo- dant , si la nature de cet ouvrage le per
ment cette ville perdit beaucoup de son mettait , que cette méthode n'est pas la
importance ; enfin , elle fut entièrement meilleure , lorsqu'il s'agit des comètes,
>

détruite , en 1270 , par le sulthan Bi- et qu'elle a dissimulé jusqu'à présent aux
bars , sur le bruit qui courut que saint astronomes des lois relatives à la direc
Louis se proposait de faire une nouvelle tion des orbites de ces astres , que l'em
invasion en Syrie. Maintenant elle est ploi d'un autre système d'élémens aurait
ensevelie sous ses ruines. Ascalon a donné mises promptement en évidence ( voy.
son nom à l'échalotte >, qui vient origi- COMÈTES ). A. C.
nairement de son territoire . R. ASCENDANT ( mathém . ). Une des
ASCANIENNE ( MAISON ) , dynastie principales ressources de l'analyse ma
allemande, quia tiré son nom du château thématique consiste à développer en sé
d'Ascanie, dans le comté d'Aschersleben, ries , ordonnées suivant les puissances
château dont on voit encore les ruines d'une variable , une quantité qui , sous
tout près de la petite ville d'Aschersle- sa forme naturelle , rendrait souvent les
ben. La famille d'Ascanie fut une bran- | calculs impraticables. Le développement
ASC ( 367 ) ASC
en série estune transformation artificielle saint Luc , dans le ch . 1er du livre des
qui ne peut être utile que lorsque la sé- Actes , donne de plus amples détails sur
rie est convergente , de manière qu'en ce fait miraculeux.
prenant d'autant plus de termes de la sé- Au commencement du ive siècle on
rie , on ait des valeurs d'autant plus ap- croyait généralement que Jésus était mon
prochantes de la quantité transformée. té au ciel du lieu le plus élevé de la monta
Pour cela , il faut que la série soit tantôt gne des Oliviers . Il ya mêine des pères de
ascendante, tantôt descendante,> c'est- l'église quiassurent que Jésus,en montant
à-dire qu'à partir des premiers termes au ciel , imprima les vestiges de ses pieds
les exposans de la variable aillent tan- dans l'endroit où iltoucha la terre pour
tôt en croissant , tantôt en décroissant. la dernière fois. Saint Jérôme , Sulpice
Notre système de numération n'est lui-Sévère , saint Paulin , saint Optat , saint
même que le développement d'un nombre Augustin , professent cette opinion . Adam
en série ordonné suivant les puissances nan et le vénérable Bède témoignent que
de 10. Ainsi 39742,53 est l'expression cette merveille subsistait encore au vinie
abrégée de la série siècle. D'un autre côté Jésus , suivant les
Apellites , aurait laissé son corps dans
3. 1044 9. 103 + 7.102-404.10 ' les airs , où il l'avait pris ; suivant les Sé
leuciens et les Hermiens , il l'aurait dé
+ 2.10° +5.10-73-2.10-2 . posé dans le soleil , conformément à ce
verset du psalmiste : il a placé son ta
La fraction į vaut en décimales 0,33333 bernacle dans le soleil.
c'est- à dire que si l'on développe la frac Le fait de l'ascension de Jésus-Christ
tion ; en série ordonnée suivant les puis a donné lieu à une fête que les chrétiens
sances descendantes de 10 , on aura pour célèbrent dans tout l'univers quarante
cette série
jours après Pâque, et que saint Augustin
73. 10 croit être d'institution apostolique. Cet
2
3. 10-173. 10- ²43 . 10-3 .

illustre docteur l'appelle fête du quaran


t , etc. tième. Elle est appelée par quelques
On peut également considérer cette série Grecs åvúinyes , assomption, d'après les
comme ascendante , en la supposant or- Constitutions apostoliques, liv. V, chap.
donnée par rapport aux puissances de xix; par d'autres quarantièmejour après
to , de cette manière : pâque ; par saint Grégoire de Nysse et
3. ( 15 )' + 3. ( 1 )* +3 . (15)3 : 3.65)4 par saint Jean Chrysostome,jourdesa
I

" ‫ و‬etc.
lut. Hom . xix ad. popul. Antiochenuin .
Cette fête est célébrée par des proces
Le développement en série se présente sions et d'autres cérémonies particu
J. L.
donc dès les premiers pas que l'on fait lières.
dans l'art du calcul ; mais c'est pour ses ASCENSION ( ILE DE L’ ), dans l'O
applications dans les parties élevées de l'a- céan Atlantique , sous 14° 28' de long.
>

nalyse qu'il demande à être spécialement occidentale et 7° 56' de lat. méridionale.


étudié. Voy. SÉRIE. A. C. Elle a environ 4 lieues de long sur 2 de
ASCENSION , ascensus , ascensio, large , est presque inculte et déserte, et
mot qui s'applique à l'article du symbole sert aux Anglais , à qui elle appartient ,
des apôtres , Jésus -Christ est monté au de station pour les escadres qui y vont
ciel où il est assis à la droite de Dieu . faire de l'eau et renouveler quelques-unes
L'ascension du Sauveur est exprimée de leurs provisions. S.
dans les mêmes termes par saint Marc , ASCENSION DROITE. On appelle
ch . xvi , v. 19. Nous lisons dans saint ainsi , en astronomie , l'arc de l'équateur
> >

Luc, ch. xxiv , v. 50 et 51 : « Après avoir céleste compris entre deux méridiens ,
parlé à ses disciples , Jésus les mena de- dont l'un passe par le premier point d'a
hors jusqu'à Béthanie , et ayant levé les ries ( l'équinoxe du printemps ), et l'au
mains il les bénit , et en les bénissant il se tre par l'objet, telle qu'une étoile ou
sépara d'eux et monta au ciel. » Le mème une planète , dont on veut assigner la po.
ASC (1368 ) ASC
sition sur la sphère céleste. L'arc de mé- ordinaire des chrétiens , des abstinences
ridien compris entre l'étoile et l'équateur et des jeûnes extraordinaires; la xéro
céleste , est ce qu'on nomme la déclinui- phagie ou nourriture sèche , les jeûnes
son de l'étoile ( voy .), déclinaison qu'on renforcés de deux ou trois jours de suite
qualifie de boréale ou d'australe selon ou de semaines entières , porter tou
quel'étoile se trouveau nord ou au sud de jours le cilice , dormir sur la terre, veil
l'équateur. La position d'un point, sur la ler beaucoup,,lire assidûment l'Écriture
sphère céleste , est entièrement détermi- Sainte et prier le plus continuellement
née au moyen de son ascension droite et qu'il était possible. Origène a mené
de sa déclinaison , qui correspondent quelque temps cette vie , et plusieurs
dans le ciel aux longitudes et latitudes de ces ascètes ont été de grands évêques
géographiques par le moyen desquelles et des docteurs fameux. Tous les asce
on détermine la position des points si- tes vivaient en continence , et tous les
tués à la surface du globe terrestre. Dres-
chrétiens faisaient grand cas de cette
ser un catalogue d'étoiles , c'est donner vertu si recoinmandée par Jésus-Christ
le tableau de leur ascension droite et de et par les apôtres. » Il ajoute avec dou
leurs déclinaisons. On trouve un sem- leur : « Un jeune homme d'Alexandrie ,
blable catalogue , pour les 160 étoiles du temps de l'empereur Antonin , pré
principales , dans le volume que publie senta requête au gouverneur, afin qu'il
annuellement le Bureau des longitudes perinit à un chirurgien de le faire eunu
de France , sous le titre de Connaissance que ; plusieurs se le firent réellement ,
des temps. Le premier catalogue d'é- en telle sorte que l'église fut obligée de
toiles aa été dressé par Hipparque , dans faire une loi expresse pour réprimer ce
le 11e siècle avant l'ère chrétienne , et l'on zèle indiscret . » C'était l'abus de l'asce
considère ce travail comme fixant l'ori- tisme ; il était déplorable.
gine de l'astronomie scientifique. Pour Il paraît incontestable , ainsi que l'éta
désigner une ascension droite , les astro- blit Mosheim , que l'ascétisme a été l'o
nomes emploient un signe formé de la rigine du monachisme , et c'est pour cela
combinaison des lettres A et R qui sont que, dans l'Orient, le mot Asceteria dési
les initiales des deux mots latins ascen- gnait les monastères , principalement ceux
sio recta ; cette dénomination composée qui étaient habités par des filles. Fleury
rappelle une époque où l'on considéraiten ne le nie point ; mais n'y a-t-il pas un
astronomie des ascensions obliques,dont peu de fiel dans ce que dit ensuite Mos
il n'est plus question aujourd'hui. Voy. Y heim : « Telle a été l'origine de cette
DÉCLINAISON . A. C. multitude de voux et de cérémonies aus
ASCÉTISME , ASCÉTIQUES, du grec tères et superstitieuses qui ternissent la
doantris , exercitant, qui s'exerce, qui beauté et la simplicité de la religion
>

travaille. chrétienne , comme aussi du célibat des


L'abbé Fleury , dans son livre des prêtres , de ces mortifications et de ces
Mours des chrétiens, 2 ° partie , n° xxi, pénitences infructueuses, et de ces es
parait avoir bien défini la vie ascéti- saims innombrables de moines qui pri
que et bien connu ceux qui s'y li- vent la société de leurs talens et de leur
vraient. « Il y avait , dit-il , des chrétiens travail pour acquérir une perfection ima
qui pratiquaient volontairement tous les ginaire . C'est encore ce qui a donné lieu
exercices de la pénitence , sans y être à cette distinction chimérique entre la vie
obligés et sans être exclus des sacremens, théorique et la vie mystique , et à quan
mais pour imiter les prophètes et saint tité d'autres choses semblables, » J. L.
Jean-Baptiste , et suivre les conseils de On appelle théologie ascétique la doc
saint Paul, s'exerçant à la piété et châ- trine par laquelle on enseigne à l'homme
tiant leur corps pour le réduire en ser- les moyens de s'exercer à la vertu , de se
vitude. On les appelait Ascètes , c'est-à- fortifier dans le bien , de résister à tou
dire exercitans . Ils s'enfermaient d'ordi- tes les tentations et à l'influence de la
naire dans les maisons, où ils vivaient chair. S.
en grande retraite , ajoutant à la frugalité ASCHAFFENBOURG , l'Ascibur
ASC ( 369 ) ASC
gum des Romains, ville peu considérable un dialecte semblable à l'hindoustany .
dans le cercle bavarois du Bas-Mein , a Leur religion est le bouddhisme. Ils ne
donné son nom à une principauté dans paraissent pas avoir autant de castes que
laquelle est comprise la majeure partie les Hindous ; cependant il y a celles des
du Spessart et de l'Odenwald ( voy, ces guerriers et des artisans ; vraisemblable
noms). Long - temps dépendante de l'é- ment ils ne manquent pas d'une caste de
vêché électoral de Mayence , la princi- | brahmes. Ils se nourrissent de riz et de
ffenbourg suivit la fortune la chair
pauté d'Aschaadminis de toutes sortes d'animaux, même
du dernier trateur de cet évê- de chiens , de , serpens et de rats. Pour
ché, et fit partie,depuis 1806, du grand- l'agriculture ils emploient des buffles.
duché de Francfort que Napoléon créa Dans les contrées incultes il y a des élé
en faveur de l'archevêque prince de phans. Les Assamois tissent des étoffes
Dalberg , primat d'Allemagne. Mais en de coton et de soie ; ils sont assez indus
1814 elle fut cédée à la Bavière , à titre trieux pour fabriquer même une sorte
d'indemnité. Le château d'Aschaffen- de velours qui s'exporte , comme leurs
bourg , vaste carré entouré de beaux jar-
> autres tissus , pour le Tubet , le Boutan ,
dins anglais, est renommé pour la beauté le Bengale et l'empire birman . Ils ven
de son site. La ville,arrosée par le Mein, dent aussi au dehors du riz , du poivre ,
renferme plusieurs établissemens d’in- de la gomme laque , de l'ivoire ; le Ben
struction . En 1447 une diète fut tenue gale fournit à l'Assam les productions
à Aschaffenbourg , et l'on y discuta cer- de l'Europe et de l'Inde. Sans les monta
tains droits de l'église allemande vis-à- gnes que l'on franchit péniblement , le
vis du siége de Rome , droits qui plus commerce de l'Assam avec les états voi
tard ont été formulés à Vienne , mais sins serait probablement plus actif.
auxquels néanmoins on attacha le nom de Un roi ayant le titre de maha-radjah
concordats d'Aschaffenbourg . J. H. S. règne sur ce pays ; les provinces sont
ASCHAM ou Assam , royaume de gouvernées par des chefs héréditaires ap
l'Inde, à l'est de l’Hindoustan , au nord de pelés gohaing et pris dans la dynastie rè
l'empire des Birmans et presque à l'ouest
1
gnante. Ces provinces sont au nombre
!
du Tubet , à peu près entre 25° et de trois , savoir : Kamroup , Assam et
27 ° de latitude nord. Il est borné et Sodiya, à l'ouest, au centre et à l'est; mais
traversé par des ramifications des mon- depuis quelque temps les districts de
tagnes du Tubet et de l’Hindoustan , et l'est ont été envahis par une race belli
arrosé par le Brahmapoutre qui reçoit queuse et barbare , originaire des mon
dans l’Assam un grand nombre de ri- tagnes de la Chine , et appelée les Sinh
}
vières , entre autres le Dihong ,le Tenga- phos, dont le territoire est arrosé par
pani >, le Dissovi et le Mungut. Ces ri- le Nova-Dihing , un des affluens du Lo
vières charrient en partie de l'ur ; elles hit. Cette race consiste en plusieurs tri
débordent pendant la saison des pluies bus qui pratiquent un brahmisme gros
et inondent toutes les contrées basses sier et se livrent à des excursions dans le
couvertes de forêts de bambous et d'au royaume. Elle fait cultiver la terre par
tres arbres , de champs de riz , de coton , les prisonniers assamois qui sont réduits
!
poivre, bétel, cannes à sucre, indigo , à la condition d'esclaves. La tribu des
>
> et d'arbres à fruits , tels que le bananier, Morans ou Movamarias qui cultivent les
l'oranger, le citronnier. On tire des fo- bords du Diburu , a résisté jusqu'à pré
7
rêts la gomme laque et le bois de ka- sent aux Sinhphos,> et continue de regar
t
lambec. L'agriculture est loin d'être aussi der le roi d'Assam comme son suzerain.
étendue qu'elle pourrait l'être dans un Les montagnes de la frontière du Tubet
pays si fertile , et l'on trouve des dis sont habitées par les Mihimis qui se
1

3
tricts aussi peu peuplés que mal culti- , nourrissent deriz ,demaïs ,de beufs tu
vés. On pense que l'Assam ne renferme bétains à longues queues, de porcs , de
qu'un million d'ames ; mais c'est une chèvres. Ils sont dangereux , aussi bien
simple conjecture.Les Assamois parais- que les Sinhphos , pour les plaines adja
sent être d'origine hindoue, et parlent centes; ils mettent leur gloire àà suspen
Encyclop . d . G. d . M. Tome I. 24
ASC ( 370 ) ASC
dre des crânes d'ennemis dans leurs ca- deviennent aussi plus épaisses et plus co
bánés ; 'ils vendent du musc, des peaux lorées ; mais , au bout d'un certain temps,
> >

d'animaux sauvages, des drogues, pour se l'augmentation du volume du ventre et


procurer des armes et des vêtemens. L'in- la fluctuation qui s'y fait sentir ne lais
térieur de l'Assam nous est encore peu sent plus de doute sur la nature de la
connu ; la partie du nord et de l'est a été
a
maladie, qui peut quelquefois faire croire
récemment explorée par des officiers an- chez les femmes à une grossesse avan
glais de la compagnie de l'Inde. Voir les cée, d'autant mieux que souvent elle
Recherchesasiatiques, tom . XVI. Dans s'accompagne de la suppression du flux
s

la dernière guerre contre les Birmans les menstruel; d'ailleurs la quantité du li


Anglais occupèrent pendant quelque quide contenu dans le péritoine peut
temps Rangpour sur le Lohit ou Brahma- être très considérable , et l'on a vu des
poutre, capitale du royaume . D- G. personnes auxquelles on a extrait jusqu'à
ASCHARIENS, secte mahométape, trente et quarante litres de sérosité. Les
ainsi appeléé du nom d'Aschari ou Aboul- caractères que présente le liquide de
Hassan Ali ben Ismaēl , célèbre docteur l'ascite varient : tantôt c'est seulement
de l'islamisme, mort vers l'an de J.-C. une eau claire et citrine analogue au sé
940 , à Bagdad. Cette secte est née de la rum du sang ; tantôt c'est une sérosité
dispute sur la prédestination et sur le li- opaque mêlée de flocons albumineux et
bre arbitre. Les hommes qui commettent même quelquefois de sang.
une mauvaise action agissent-ils par leur L'ascite entraine peu de douleurs , et
propre volonté ou entrainés par un pou- les malades ne sont guère incommodés
voir invincible et contraints parDieu ? et , que par le volume et le poids du ven
dans ce dernier cas , sont-ils coupables ? tre ; aussi quand elle est essentielle,
Telle est la question si long-temps et si comme lorsqu'elle dépend d'un refroi
vivement controversée dans l'église chré - dissement, de la disparution subite d'une
tienne , qui les occupe. VAL . P. affection de la peau , peut-elle être con
ASCHIMÉDAI, voy. ASMODÉE . sidérée comme une maladie peu grave.
ASCIENS , de azú, ombre , avec l'a Malheureusement il n'en est pas ainsi
privatil, habitans de la terre qui ne pro- dans le plus grand nombre des cas, et l'as
jettent point d'ombre à l'heure de midi. cite est presque toujours la conséquence
Ce phénomène n'arrive qu'une fois l'an d'une affection plus grave , telle qu'une
sous les tropiques , et deux fois dans les tumeur squirrheuse développée dans l'ab
pays situés entre les tropiques. Voy. An- domen , une dilatation du cæur, etc. ,
TISCIENS et PÉRISCIENS. S. dont les progrès conduisent les malades
ASCITE , ascitis, de xoxos , outre. à une perte presque inévitable , mais
C'est le nom qu'on a donné jadis à l'hy- | à laquelle l'ascite ajoute encore des in
dropisiedu péritoine, probablementparce commodités et des souffrances.
que chez les personnes qui en sont attein- La terminaison de cette maladie est
tes le ventre prend un volume plus ou favorable et souvent spontanée , lors
moins considérable , et qui le fait res- qu'elle n'est pas liée à une autre affec
sembler, jusqu'à un certain point, à une tion . Dans cette dernière circonstance la
outre gonflée. L'ascite , outre qu'elle peut guérison ne s'opère pas d'une manière
être produite par les causes générales des solide ; des améliorations momentanées
hydropisies (voy. ce mot ), a aussi des sont suivies de rechutes de plus en plus
causes qui lui sont propres et dont la rapprochées. Enfin, lorsque leventre ac
plus importante , bien qu'elle soit quelquiert un volume tel que la respiration
quefois "méconnue, est l'inflammation en soit gênée et la digestion troublée ,
chronique du péritoine, d'où résulte une on est obligé de débarrasser le malade
exhalation abondante de sérosité dans la du poids quile fatigue en évacuant le li
cavité de cette membrane. quide épanché; mais ce moyen n'est que
On s'aperçoit peu de l'invasion de palliatif, et l'on est obligé d'y avoir re
l'ascite, si ce n'est par un peu de dimi- cours souvent , et chaque fois avec moins
nution dans la quantité des urines qui
it de succès.
ASC ( 371 ) ASC
Le traitement repose sur la distinc- second choriambe.Horacel'emploie beau
PA
tion des circonstances dont nous avons coup dans les odes, 11 et 18 du livre Ier
parlé. L'ascite simple , celle qui dépend et 10 du livre IV ** ,
de l'irritation directe ou sympathique On cite un seul exemple de l'omission
du péritoine , exige l'emploi des moyens de la césure ,
adoucissans et quelquefois des antiphlo Arcanique fides prodiga perlucidior vitro.
gistiques , lesquels souvent suffisent à la Le vers asclépiade a , dit- on , pris ce nom
guérison. Quand ces agens ne réussissent
pas ,on a recours soit aux diurétiques, parce quece fut le poète Asclepiade qui
01 l'employa le premier. P. G - y .
soit aux purgatifs. Mais dans les ascites ASCLÉPIADES. On assure conimu
symptomatiques ces médicamens, qu'on nément que ce sont les descendans du
peut employer comme moyensde soula- dieuEsculape par ses fils Podalire etMa
gement , restent presque toujours im chaon ; et l'on réunit en une famille ceux
EX
puissans , et amènent à la nécessité de qui,vouésau cultedu dieu de la médecine,
débarrasser les malades du liquide épan- s'étaient répandus dans la Grèce et l'Asie
ché, moyennant une opération chirur- Mineure, où ils pratiquaient une science
gicale appelée ponction ou paracenthèse médicale toute d'observation. Mais l'i
( v.Ponction ). On est obligé d'y recou dée de famille a quelque chose de fabu
rir d'autant plus tôt que souvent le mauleux et d'impossible : il vaut mieux ad
vaisétat des organes digestifs nepermet mettre, avec Niebuhr, que ces sortes de
pas d'administrer les remèdes divers con liens consistaient dans une communauté
oo
seillés contre l'hydropisie ; c'est d'ailleurs de culte et de sacrifice, sans égard à une
à l'article HYDROPISIE que seront expo- descendance commune. Plusieurs familles
sés avec détail les caractères généraux
se réunissaient pour adopter le nom d'un
de ces affections et les moyens de trai patron
31 tement employés contre elles. F. R.
ou éponyme : tels les Codrides,
ASCLEPIADE ( VERS). Le vers as les Eumolpides à Athènes , tels les Ho
mérides de Chio qui n'étaient avec le
>

7.
clépiade appartient à la classe des vers
choriambes ; le petit asclepiade (ascle- poète en aucune liaison de parenté.
Quoi qu'il en soit, famille ou associa-
&
piadeus minor) se compose d'unspondée tion, les, Asclépiades vivaient dans les
qui lui sert de base , de deux choriam
bes etd’un pyrrhiqueoud'un iambe, le temples où ils préparaient lesmalades à
recevoir les secours du dieu , en exal
tout figuré ainsi : tant leur imagination et en leur procu
- | -00 - l - uosius rant des songes et des apparitions. Néan
La césure doit être placée après le second moins ils s'appliquaient principalement
à l'observation , et furent les véritables
pied * , et c'est pour Bentley une raison
suffisante de refuser de reconnaître l'au- créateurs de la science. Leur institution
thenticité du vers 17 de l'ode 8 du livre passe pour être originaire d'Égypte d'où
IV d'Horace , elle serait venue à Épidaure parla Phé
nicie. C'est en Égypte aussi que se trou
Non stipendia Carthaginis impiæ .
vait indigène le serpent qui avait la vertu
car il prétend qu'Horace'ne s'est jamais deguérir et de prédire l'avenir, celui
écarté de cette règle. Toutefois il en est que Linnée appelle coluber Æsculapü.
encore un exemple dans l'ode 12 du On fit venir solennellement un de ces
livre II , au vers 25 , serpens à Rome , 292 ans avant J.-C., et
Dum flaġrantia detorquet ad oscula . on le plaça dans une île du Tibre. Il y
1/22
Le grand asclépiade a un choriambe avait des Asclepiades à Rhodes , à Gnide,
de plus ; nous le désignons ainsi : à Cos . L'orateur Aristide dit aux Rho
othe
r
-I - uu
UU - l - uv - l - ou - loy diens : « Vous êtes Doriens d'origine et
La césure arrive dans ce vers après le (**) Ex.: Tuquneemquæsieris
tibi
scire nefas quem mihi
(*) Ex.: Donarem pateras grataque commodas Finem Dî dederint, Leuconoe; nec Ba.
Censorinameis æra sodalibus. bylonios
(Od. & , liv. IV).
2
Tentans numeros,
ASC ( 372 ) ASD
vous avez eu pour princes des Héra- sentaient des objets. consacrés à Bacchus.
clides et des Asclepiades. » Il y avait à
>
Il nous est resté quelques représentations
Cos des membres des mêmes associa- de ces antiques cérémonies. P. G-Y.
tions : Hippocrate appartenait par son ASCONIUS PEDIANUS , gram
père aux Asclépiades , par sa mère aux mairien romain , sous les empereurs
Héraclides; il nous a conservé le serment Claude et Néron , natif de Padoue. Il
qu'on faisait prêter aux récipiendaires. avait fait un commentaire sur onze dis
Un Asclépiade de Pruse , en Bithynie , cours de Cicéron dont malheureusement
est désigné comme ayant fondé à Rome il ne nous reste que des fragmens pu
une école scientifique de médecine, 20 bliés par Poggio , Venise , 1477, in -fol.,
ans avant J.-C. P. G- Y . et réimprimés depuis. S.
ASCLÉPIADES ( botanique ) , plan- > ASEGA . ( DROIT ) , livre d’Asega ou
tes de la famille des apocynées. Voy. d'Æsga, collection de lois frisonnes du
APOCYN. XII ° siècle encore existante. M. Wiarda
ASCOLIES , fêtes que célébraient a donné une édition de ces vieux docu
les habitans de l’Attique, et qui se ratta- mens sous le titre suivant: Livre d'Asega,
chent à l'invention de la tragédie. Au mi- recueil ancien des lois frisonnes de la
lieu des désordres de la vendange , on tribu des Rüstrings. Berlin , 1805, in-4°.
chantait et on s'invectivait mutuellement. ASDRUBAL ,fils d'Amilcar et frère du
Le bouc devint bientôt le prix de ces grand Annibal (voy.). Vers l'an 218 avant
assauts , parce que cet animal devait être l'ère chrétienne , Annibal , à son départ
immolé à la vigne dont sa dent fait périr pour l'Italie, lui laissa le commandement
les bourgeons. Il parait que ,dans l'ori- des troupes d'Espagne, parmi lesquelles
gine , vainqueurs et vaincus sautaientsur se trouvaient cinq cents archers des îles
une outre faite de la peau de cet animal ; Baléares , plus de vingt éléphans et une
mais dans la suite cet exercice ne fut flotte de près de soixante vaisseaux. La
plus imposé qu'aux vaincus : ils étaient partie située en deçà de l'Ebre avait été
obligés de dépouiller un autre bouc que confiée à Hannon qui, ayant voulu se me
celui qu'on avait donné en prix au vain- surer avec Cneus Scipion, essuya une dé
queur. On avait soin de gonfler l'outre route complète auprès de Scissis. Asdru
et de l'enduire de matières grasses afin bal, qui croyait que son collègue l'atten
de la rendre plus glissante. On ne sau- drait pour combattre , se mit en route
tait que sur un seul pied ; de là des pour le rejoindre; il avait déjà passé l’E
chutes fréquentes et de grandes explo- bre à la tête de 8,000 hommes de pied
sions d’hilarité. Le nom même de ces et de mille cavaliers , lorsqu'il rencontra
fêtes est composé de manière à en faire les débris de l'armée d'Hannon ,> ce qui
comprendre l'objet, puisqu'il signifie šv | l'engagea à rebrousser chemin vers les
Qoxem hec SELV ( danser sur une outre ) *. bords de la mer . Mais non loin de Tar
Virgile les décrit dans ses Géorgiques , ragone , ayant aperçu les matelots et les
liv. II , v. 376 et suiv. Le sauteur assez soldats de la flotte de Scipion qui étaient
adroit pour se tenir debout sur l'outre dispersés dans la campagne ,> il vengea sur
obtenait pour récompense le vin qu'elle eux les pertes que les Carthaginois ve
renfermait. Ces fêtes étaient essentielle- naient d'éprouver, en massacra un grand
ment campagnardes;néanmoins,dansson nombre , fit rembarquer ses soldats et
traité sur le culte de Bacchus , M. Gail cingla vers Carthagène. Scipion était allé
avance qu'on les célébrait aussi dans l'in - au -devantde lui, et,ne l'ayant pas trouvé,
térieur de la ville : il serait à désirer qu'il il s'était éloigné avec sa flotte. Asdrubal,
en eût donné des raisons plus solides. profitant de la circonstance , revient avec
Après le saut de l'outre, on portait la sta- son armée, contraint les habitans de Le
tue de Bacchus autour des vignes, puis rida et d'autres peuplades espagnoles à se
on attachait à des arbres de petites ima- liguer avec lui, et ravage les terres alliées
geş de bois ou de terre cuite qui repré- du peuple romain. Mais ayant été rejoint
(*) L'orthographe Ascholie est en consé- par Scipion qu'il n'attendait pas sitôt , son
quence absolument fausse. S. armée fut vaincue. Alors, repassant l'Ebre,
ASD ( 373 ) ASD
il alla prendre son quartier d'hiver à eu le temps de rassembler les débris de
Carthagène où il fit de nouveaux prépa- son armée , attaqua ces troupes au pas
ratifs de guerre. Dès le retour de la belle sage et en fit un horrible massacre. En
saison les hostilités furent reprises de couragé par ce succès il alla mettre le
côté et d'autre, avec un égal acharnement. siége devant Viguerra qui s'était révoltée ;
Un combat naval rendit Scipion maître mais, poursuivi parles · Scipions , il se re
de cette partie de la mer. Cependant In- tira à Munda où il fut battu par Cneus
dibilis et Mardonius s'étaient soulevés qui lui tua 12,000 hommes et fit un grand
contre Rome , et ,Asdrubal lui – même nombre de prisonniers.Le général romain,
était allé fomenter la révolte ; mais les quoique blessé , se mit à la poursuite des
princes de Celtibérie, alliés du peuple ennemis qui se retirèrent dans le centre
Romain, mirent sur pied une puissante de l’Andalousie ; mais Asdrubal ayant
armée et défirent Asdrubal qui laissa reçu un renfort considérable de la Gaule
15,000 hommes sur le champ de bataille. Narbonnaise , s'avança contre les Car
Tant de pertes successives auraient mis pétiens révoltés , les fit rentrer dans le
le général carthaginois dans l'impossibi- devoir et se dirigea ensuite vers les Py
lité de continuer la campagne s'il n'eût rénées, quand, poursuivi par Scipion et
reçu de Carthage un renfort de quatre forcé de combattre , il fut vaincu et obligé
mille fantassins et de cinq cents cavaliers de retourner sur ses pas. Après s'être
qu'il ajouta aux restes de son armée. Le borné pendant quelque temps à la défense
sénat de Carthage lui intima l'ordre de de l'Espagne méridionale , il parvint à
passer promptement en Italie avec toute gagner les Celtibériens , joignit ses forces
son armée. Cette nouvelle se répandit à celles de Magon et de Massinissa , at
bientôt en Espagne et fit pencher tous taqua séparément les deux Scipions , et
les esprits en faveur des Romains . Asdru- détruisit leur armée dans deux combats
bal se håta de mander à Carthage le mau- différens où ces deux généraux perdi
vais effet qu'avait produit le seul bruit de rent la vie, l'an 213 avant J.-C.
son départ. Ses lettres produisirent une Cependant le sénat de Carthage insis
vive impression sur l'esprit des sénateurs : tait vivement sur son départ d'Espagne.
on fit partir Himilcon , à la tête d'une ar- Le consul Claudius Néron , général ro
mée nombreuse ,pour remplacer Asdru- main, s'empara d’un défilé quidevait ser
bal à qui on renouvela l'ordre de se ren- vir de passage aux Carthaginois ; Asdru
dre en Italie. Les deux Scipions, compre- bal lui échappa par la ruse. Sans livrer à
nant toutes les conséquences deson départ, Bætula un nouveau combat , il rassembla
concertèrent ensemble les moyens de s'y | les débris de son armée , puis s'avança
opposer. Ils se dirigèrent d'abord sur vers les Pyrénées , en prenant sa route
Ibère, place d'armesdesCarthaginois, des par l'intérieur de la province afin d'é
tinée à conserver toutes leurs possessions viter la rencontre des ennemis. Il passa
de ce côté de l'Ebre. Asdrubal forma ces montagnes avec beaucoup de faci
une entreprise pareille sur une ville lité ; grace à ses trésors considérables , il
alliée des Romains ; les Scipions accou- obtint des habitans la permission de pas
rent , une rencontre a lieu , les Carthagi- ser au milieu d'eux et même celle d'y
nois après un combat sanglant et opiniâtre, faire des recrues . Cependant Romeéprou
sont taillés enpièces ,etAsdrubal lui même,vait de vives alarmes. Asdrubal avait passé
pour éviter la mort, est obligé deprendre les Alpes au Grand -Saint- Bernard , et
la fuite avec les débris de son armée. Les non , comine quelques -uns l'ont cru'mal
succès des armes romaines amenaient sans à propos , au même endroit où les avait
cesse de nouvelles défections du côté des franchies Annibal . De là il se rendit sous
Carthaginois. Forcé de lever le siéged'In- les murs de Plaisance dont il tenta le
dibilis,Asdrubal se retira précipitamment siége , entreprise imprudente qui donna
à Incibili. Tant d'avantages firent naitre le temps aux Romains de rassembler tou
dans les villes confédérées avec le peuple tes leurs forces. Réduit à lever le siége
romain l'espoir de chasser d'Espagne tous de cette place , il avait envoyé quatre ca
les Carthaginois; mais Asdrubal, qui avait | valiers gaulois et deux numides avec des
ASD ( 374 ) ASE
lettres adressées à son frère, pour le pré- | tué d'ennemis dans un seul combat ; mais
venir qu'il prenait la route de l'Ombrie. les historiens ont exagéré'de beaucoup le
Mais ses courriers s'étant égarés furent nombre des Carthaginois restés sur le
pris aux environs de Tarente par des champ de bataille. Annibal n’apprit le
fourrageurs de l'armée romaine , qui les désastre de Métaure qu'à la vue de la tête
menèrent au gouverneur de la ville. Les de son frère que Claudius fit jeter dans
lettres furent envoyées sur- le-champ au ses retranchemens. Dans sa douleur il
consul Néron qui , après avoir remis le s'écria : Je reconnais le malheureux sort
commandement de l'armée à un de ses de Carthage ! F. D’U.
lieutenans, partit dans la nuit à la tête ASEKI ou AssEki. Le nombre des
d'une trouped'élitede 6,000 hommes, fit femmes destinées aux plaisirsdu Grand
répandre le bruit qu'il allait attaquer une Seigneur, danslesérail, est ordinairement
ville de Lucanie , et courut rejoindre son de 3,000 ; mais le sulthan actuel se con
collègue Livius , campé à cinq cents pas tente de 1,600. Les titres pour y être ad
d'Asdrubal . Les deux consuls , pour dé- mis sont la beauté, les graces et le talent;
tourner l'attention de l'ennemi , réunis- le pays , la religion , la couleur ne sont
>

sent les deux camps en un seul , sans rien jamais des motifs d'exclusion. On ne de
changer à l'ancienne disposition des ten- mande qu'une chose aux jeunes femmes
tes. Un conseil s'assemble pour décider qui entrent dans le sérail, c'est de lever un
si l'on doit engager le combat immédia- doigt, et de dire : Il n'y a pointd'autre Dieu
:

tement , ou bien laisser aux troupes de que Dieu , et Mahomet est son prophète ;
7

Néron le temps de se reposer ; mais elles sont alors censées musulmanes. Celle
dans la crainte que leur stratagême ne qui est assez heureuse pour devenir mère
vienne à se découvrir, ils font sonner la est honorée du titre d'Aseki ou Assekhi
charge. Asdrudal de son côté se met en Sulthane, c'est- à - dire de Sulthane-Reine.
bataille devant ses retranchemens ; mais Si elle donne le jour à un prince , cette
ayant voulu, avant le combat, s'assurer de dignité lui est confirmée avec solennité
la position de l'armée romaine , il remar- au milieu des fêtes et des réjouissances, et
que de nouveaux boucliers et des che-on la loge dans l'appartement destiné à
vaux harassés de fatigue. Comprenant la reine. Celles quine mettent au monde
alors que Claudius avait rejoint son col- que des filles ne peuvent jamais préten
lègue , il bat en retraite ,, et ses troupes dre à une si grande élévation, et ne con
s'éloignent dans le plus grand désordre. Il servent que le simple titre de sulthanes.
se disposait à passer le Métaure, lors- Cependant des appartemens particuliers
qu'il voit arriver les ennemis. Sentant leur sont affectés, et on leur donne tout
l'impossibilité d'éviter le combat, il se ce qui leur est nécessaire pour soutenir
:
décide à tenter la fortune : il se place au leur haut rang. L'Aseki-Sulthane perd son
centre de son armée dont l'aile droite titre si le prince qu'elle a mis au monde
était occupée par les Gaulois et l'aile vient à mourir ; elle n'a plus alors que le
gauche par les vétérans espagnols, et met titre et les prérogatives de simple sulthane.
ses éléphans devant son corps de bataille. Autrefois les sulthans épousaient solen
Iļ s'avance le premier contre l'aile gau- nellement , devant le Mufti, les Aseki
che des Romains commandée par Livius, Sulthanes, et leur assignaient 500,000 se
et, décidé à vaincre ou à mourir, il quins ( 6 millions de francs environ ) de
charge avec fureur. Le combat fut très revenu; mais cet usage, qui avait été in
sanglant des deux côtés ; mais l'arrivée troduit par Sélim fer , a été aboli depuis
de Néron sur les derrières des troupes long-temps par mesure d'économie. Le
carthaginoises décida la victoire. Alors chef des eunuques noirs , qu'on nomme
Asdrubal , ne voulant pas survivre à tant Chistar- Agasi, est préposé, avec 30 ou
demilliersd'hommes quiavaient quitté 40 de ses hommes,à lagarde dela porte
leur patrie pour le suivre , se précipite de l'Aseki-Sulthane, à qui la sortie du sé
au milieu d'une cohorte romaine , et rail est interdite, à moins que le Grand
meurt les armes à la main, l'an 207 avant Seigneur ne lui fasse l'honneur de s'en
J.-C. Les Romains n'avaient jamais tant ſaire accompagner. L'intérieur du sérail
ASE ( 375 ) ASH
n'est pas sansagrémens pour l'Aseki-Sul- naves appartiennent à la race des Ases;
thane : grandes et petites jalousies , fré- ils résident dans un ciel qui a pris le
quentes ovations , profusion d'honneurs , nom d'Asgard ou séjour des Ases. D-r .
tels sont ses plaisirs. N, . T. ASER, voy. Tribus (les douze.)
ASELLIO , plus connu sous le nom ASHANTEES ou Achantis (royaume
d’ASELLI, est célèbre par la découverte des des). Cet état est situé dans la Guinée près
vaisseaux lymphatiques. Né à Crémone en de la Côte-d'Or, et s'étend entre 5 ° 50' et
1581 , il fut un des anatomistes les plus dis- 8 ° de lat. N. et entre 30 et 5 ° 40' de long.
tingués de son époque où l'on commen- orientale. Il est entouré d'une vingtaine
çait à observer, au lieu de lire et de com- de petits états qui sont ses tributaires, tels
menter les descriptions d'Aristote et de que Moisan, Bouroum, Akim et plusieurs
Galien. Il devint professeur d'anatomie à autres. On évalue sa surface à un peu
l'université de Pavie et chirurgien de l'ar- plus de 1,800 lieues carrées, sur les
mée royale pendant la guerre Cisalpine. quelles vit une population d'un million
La découverte qui fit passer son nom à la d’ames. Les Achantis ressemblent par la
postérité fut, comme cela se voit souvent, physionomie plus aux Abyssins qu'aux
le résultat d'un hasard heureux. Dans nègres : aussi quelquesauteurs les croient
une dissection destinée à tout autre objet, originaires des bords du Nil, d'où ils ont
il opérait sur le cadavre d'un chien tué peut-être été chassés dans une haute an
pendant le travail de la digestion . A l'ou- tiquité par les conquêtes de quelque des
verture du ventre , Aselli fut frappé de pote égyptien. Les Achantis eux-mêmes
voir dans les replis du mésentère de pe- ont une tradition sur une ancienne émi
tits filets blancs ténus qui , partis des in- gration de leurs ancêtres. Cependant leur a
testins, se rassemblaient en troncs de plus religion est un groșsier fétichismemèlé à
en plus volumineux. C'étaient les vais- des rites musulmans. Ils sont en général
seaux lactés remplis de chyle, ainsi qu'il très barbares , se plaisentà faire des sa
s'en convainquit lorsque, les ayant piqués, crifices d'hommes dans les funérailles de
il en vit sortir un liquide blanc comme leurs chefs , et sont prodigues du sang
du lait. Des recherches nouvelles démon- humain . Leurs fêtes ressemblent à celles
trèrent jusqu'à l'évidence ce qui avait été des peuples les plus sauvages et sont
d'abord entrevu;et Aselli donna une des accompagnées de force coups de fusils;
cription exacte de tout ce système de le fracasdela mousqueterie les enchante.
vaisseaux, indiqua d'une manière pré- Ils parlent une langue assez douce , mais
>

cise leurs fonctions, et porta une grande pauvre, à ce qu'il parait, en mots, puis
lumière sur l'histoire de la digestion . Il que c'est par les intonations que chez
ne vécut pas assez pour publier sa dé- eux les mots acquièrent diverses signi
couverte ; mais des amis fidèles la mirent fications. Ils habitent des cabanes en bois
au jour, un an après la mort de l'auteur ou en moellons. Ils cultivent du mil ,
arrivée en 1626. Les vaisseaux lactés fu- leur principal grain, du riz, des cannes à
rent aperçus pour la première fois le sucre , du coton . Parmi les arbres de
23 juillet 1622 ; cet événement est assez leur pays on remarque les ananas , les
remarquable dans l'histoire des sciences orangers et l'arbre à beurre; ils exportent
pour que la date mérite d'en être con- ce beurre végétal pour la côte. Ils tissent
servée. F. R. d'assez bonnes étoffes de coton. Ils ont
ASES , race divine de la mythologie des buffles et des moutons. On trouve
scandinave , qui, selon les mythographes sur leur territoire beaucoup d'éléphans , >

islandais, vint de l’Asie, sous la conduite de lions , de rhinocéros , de gazelles et


d'un chefappelé Sigge, et pénétra depuis de singes. Il y a des hippopotames dans
les bords de la mer Caspienne et le Cau- leurs rivières.Leroi des Achantis exerce
case jusqu'au nord de l'Europe, en tra- un pouvoir despotique, et est entouré
versant la Russie et l'Allemagne . Leur d'une garde composée d'esclaves. Cepen
chef fonda un empire en Suède , prit le dant, pour les affaires d'état et pour les
nom d'Odin (voy.ce mot), etinstitua une affaires judiciaires, il est assisté d'un con
caste sacerdotale. Tous les dieux scandi- i seil de 4 individus. Les chefs militaires
ASI ( 276 ) ASI
ou cabocqrs jouissent aussi d'une grande Son recueil consiste en une douzaine de
autorité ; ils forment la noblesse du pays. volumes, importans surtout pour la con
La polygamie n'existe guère que chez les naissance des colonies hollandaises. Ce ne
riches, comme dans d'autres contrées.Une fut qu'en 1822 que les orientalistesà Paris,
partie de la nation est circoncise , l'autre parmi lesquels se distinguaientMM. le ba
ne l'est pas. On ne connaissait guère en ron Silvestre deSacy,Abel-Rémusat,Saint
Europe les Achantis avant lexvın siècle : Martin, Chézy, Klaproth , Kieffer, etc. ,
ce ne fut que lorsque ce peuple , dans les érigèrent une Société asiatique sous le
guerres contre les Fantis quile séparaient patronage du duc d'Orléans , maintenant
de la côte, se fut rapproché des établis- roi des Français. Ses travaux sont con
semens européens , que les Hollandais et signés dans un recueil mensuel , le Jour
les Anglais apprirent à connaitre les nal asiatique, qui parait depuis l'année
Achantis. Dans le siècle actuel le roi de la fondation de la Société , et qui , en
Say Tatou-Quamina surtout, en reculant 1828 , a pris le titre de Nouveau Jour
les limites de son royaume , a eu des dé- nal asiatique. La Société parisienne
mêlés avec les Anglais de Cape-Coast. tient annuellement une séance publique;
En 1817 ceux -ci lui envoyèrent une dé- elle se compose , comme les Sociétés an
putation dont Bowdich fit partie ; on ac- glaises , d'une classe de souscripteurs et
quit alors des notions certaines sur le pays d'un comité qui publie le journal. Elle a a

des Achantis, et sur Comassie leur capi- favorisé et facilité, en outre , la publica
tale. Quelques années après , une autre tion de plusieurs ouvrages orientaux ou
ambassade fut envoyée ; Dupuis en a pu relatifs à l’Orient. Les Anglais, ne vou
blié la relation. On ne craint plus cette lant pas rester en arrière des Français ,
nation féroce et turbulente ; mais l’An- se hâtèrent de fonder aussi une Société
gleterre vit en paix avec elle et son com- à Londres, quand celle de Paris eut com
merce échange avec la poudre d'or , l'i- mencé à être mise en activité. La Société
voire , le coton des Achantis des armes , asiatique de Londres ( Royal asiatic so
du tabac, de la poudre à tirer, et d'autres ciety ofGreat Britain and Ireland) date
productions de l'Europe. Les Achantis de l'an 1824 et compte un grand nom
trafiquent aussi avec les peuples venus bre de souscripteurs. Ses mémoires ou
du nord de leur royaume ; et par leur in- transactions paraissent depuis 1824 ; ses
termédiaire , les marchandises anglaises membres les plus célèbres sontMM. Cole
peuvent se répandre dans l'intérieur de brooke, Ouseley, Wynn , Staunton , John
l'Afrique . D - G. ston , Haughton , etc. Elle a un musée et
ASIATIQUES (Sociétés), instituées une bibliothèque. Plusieurs années après,
pour recueillir et publier les résultats des il se forma à Londres un comité pour la
recherches des savans sur la géographie, publication des manuscrits orientaux et
la littérature, les langues , et les religions pour des traductions de ces manuscrits.
de l’Asie. La plus ancienne de ces socié- C'est à ce comité, soutenu par les dons des
tés est celle que William Jones fonda en amateurs de la littérature asiatique , que
1784 à Calcutta, et qui, depuis, a publié sont dûs maints ouvrages historiques et
dans cette ville les Asiatic Researches, géographiques, qui auparavant n'étaient
1799-1828, tom. I-XVI. Jones ne put connus que de peu de savans. L'Allema
s'affranchir entièrement des préventions, gne, sans avoir une Société spéciale pour
et mêla des hypothèses à ses observations. l’Asie, a offert aussi un foyer de lumières
Quelques autres membres en ont fait au- aux orientalistes par le savant recueil
tant ; néanmoins cette Société de savans connu sous le nom de Mines de l'Orient.
et d'amateurs a recueillidesmatériauxpré- Enfin la Russie, possédant une partie con
cieux. A son exemple , il s'est formé à sidérable de l'Asie , a voulu contribuer
Bombay une Société semblable , dont les aussi à la propagation des connaissances
Mémoires contiennent également des ren- relatives à cette partie du monde , en fon
seignemens utiles. Les Hollandais ont, à dant, à Pétersbourg , un établissement
Batavia ,uneSociété académique à peu près pour les langues orientales , attaché au
aussi ancienne que la Société de Calcutta. département asiatique des affaires étran
ASI ( 377 ) ASI
gères , et un musée d'objets provenant | l’est , il en faut ajouter deux autres for
de l'Asie. D-G . mées par des lignes que l'on tire du nord
ASIE . Cette immense partie du mon- au sud :: ce sont l'Asie antérieure ou oc
de,la plus anciennement connue, forme, cidentale , à laquelle appartiennent les
avec l’Europe, un seul continent, mais pays situés de la mer Noire à celle d’A
divisé en deux par les chaînes de l'Ou- rabie , et dont le Tigre trace la limite
ral et de Verkhotoure : tandis que , sépa- vers l'Orient ; et l'Asie postérieure ou
rée de l'Afrique par les mers,, elle y orientale , qui comprend la Chine, pro
tient uniquement par l'isthme de Suez. prement dite , avec la presqu'ile de Co
L'Asie s'étend depuis le 24e jusqu'au rée , le Japon et les iles circonvoisines.
187€ degré de longitude orientale; et On ne connait pas avec exactitude l’o
du midi au nord , depuis le 10€ jusqu'au rigine du nom de cette partie du monde :
78€ parallèle. En tirant une ligne droite il nous a été transmis par les Grecs; mais
de l'isthme de Suez au détroit de Bé- d'Homère à Hérodote , ils entendaient
ring , on a une distance de 7370 milles parAsie,non pas tout le continent orien
anglais , et la largeur du nord au sud , tal , mais une faible partie de ce conti
>

depuis le cap Comorin, dans l'Inde , jus- nent , la Natolie ou l'Asie - Mineure, à .
qu'à celui de Taïmoure , en Sibérie , 'est laquelle ils donnaient pour limite le
de 4230 milles anglais. On évalue la sur- fleuve Halys. Peu à peu ce nom prit plus
face totale de cet immense continent à d'extension , et dans la suite des temps il
768,000 milles carrés géographiques , finit par désigner cette partie du monde
ce qui fait cinq fois la superficie de l’Eu- tout entière. Comme il ne paraît pas formé
rope. d'une racine grecque , on a supposé qu'il
Les bornes de l’Asie sont , au nord , avait été emprunté par les Hellènes, soit
à partir du détroit des Dardanelles , la aux Phéniciens, soit aux Égyptiens,soit
mer de Marmara , la mer Noire , le Cau- à quelque peuple de l'intérieur de l’Asie.
case en Russie , la mer Caspienne, où Bochart , voyant que Pomponius Méla et
se décharge le fleuve Oural qui, avec la Pline regardaient l'Asie comme située au
chainede montagne du même nom , est milieu des autres parties du monde ,
considéré aujourd'hui comme formant chercha à expliquer le nom d'Asie du
la limite entre l'Asie et l'Europe, et l'O- phénicien Khaisia ( syn ), qui signifie
céan -Arctique; à l'est , le détroit et la milieu. Court de Gebelin, au contraire,
mer de Bering , et le Granıl-Océan ; au l'a dérivé de esch ( DX ), feu , comme le
sud , la mer de la Chine et l'Océan - In- pays du Levant. Le savant professeur
dien qui , formant des golfes très consi- | Wahl se livre , dans la grande Encyclo
dérables, prend différentes dénomina- | pédie allemande d'Ersch et . Gruber, à
tions ; enfin à l'ouest, le golfe d’Arabie, d'autres recherchés étymologiques , et ,
l’Égypte, la mer Méditerranée et l'Ar- suivant lui, ce nom parait avoir sa source
chipel. dans le sanscrit , comme dérivé de as ,
L'Asie forme une masse compacte | être assis,établi, racine qu'on retrouverait
ayant des côtes peu découpées, si ce n'est dans d'autres idiomes de l'Asie et qui
au sud , mais arrosée par beaucoup de désignerait ce continent commela terre
grands fleuves, et renfermant dans son des premiers établissemens.
sein des lacs dont plusieurs portent le Depuis le plateau de l'Asie centrale ,
nom de mer. Ses divisions naturelles sont l'un des plus élevés que l'on connaisse ,
les suivantes : l’Asie centrale , immense des montagnes étendent dans différens
plateau qui forme, en quelque sorte , la sens leurs nombreuses ramifications.L'Al
charpente de toute cette partie du monde, taſ semble en être le centre : il entoure
et que bordent , au sud et au nord , des les sources de l'Irtyche et du Iénicei, et >

chainesde montagnes considérables ; l’A- se prolonge de l'est à l'ouest , par une


sie méridionale qui s'étend au sud , et chaîne de coteaux et de montagnes bas
l'Asie septentrionale, au nord de ce pla- ses , sur une étendue de 160 milles géo
teau. A ces trois divisions , formées par graphiques (voy. l'art. Altaï). De là s'é
des lignes imaginaires tirées de l'ouest à l tendent, vers l'ouest, l'Hindoukousch
ASI ( 378 ) ASI
ou Paropamisus , le Taurus , les monts la richesse des eaux de ce continent. Il
Arméniens , le Caucase , le Mouz-Tag ou au nord-est , mais sans renfermer
Imaüs, etc.; vers le sud , le Himalaia ; à dans ses limites, le plus grand lac connu,
l'est , le mont Céleste ou Thian Chan , à la Mer-Caspienne, qui a ,du sud au nord,
la latitude ,moyenne de 42 degrés ; les près de 150 milles géographiques , et en
monts Saianes et Iablonnoi; vers le nord largeurde50 à 80 milles . D'autres grands
se dirige l'Oural. Entre ces montagnes , lacs sont la mer d'Aral , à l'est de la Cas
sont d'immenses steppes comme celles pienne ; le lac Baikal , en Sibérie , au
des Kirghiz , à l'est du lac Aral ; le désert nord des montagnes Saianes ; la Mer
de Kobi:dans la Mongolie, ceux de l'A- Morte, dans la Palestine; le lac Goktcha,
rabie , de la Mésopotamie et de l'Irak , dans l'Arménie russe; celui de Vån,plus
et les solitudes incommensurables de la à l'ouest ; le Tchoung - Thing et le Dzaï
Sibérie. Voir le Mémoire de M. A. de sang, dans l'empire chinois.
Humboldt Sur les chaînes des monta - 1 Quant aux fleuves, quoiqu'ils soient
gnes et les volcans de l'Asie intérieu- | inférieurs à ceux de l'Amérique , l'Asie
re , etc. en offre de très considérables : ils for
La majeure partie de l'Asie est située ment un réseau du côté du sud et de
dans la zone tempérée : ses extrémités l'est; quelques-uns coulent vers le nord,
méridionales seulement dépassent le tró- mais aucun ne prend la direction de
pique , et les pays situés dans la zone l'occident. L'Ob , l'Iénicei et la Léna se
glaciale sont encore moins considéra- jettent , après un long cours du nord au
bles. Cependant, les nombreux plateaux sud , dans l'Océan -Arctique; l'Amour ,
et la direction des différentes chaines de le Fleuve - Jaune et le Fleuve-Bleu , deux
montagnes dont quelques- unes , couver- grands courans d'eau de la Chine, ont
tes à leurs pieds de la plus riche et de leur embouchure dans le Grand-Océan.
la plus riante végétation ont leur front Le Gange et le Brahmapoutre , le Sind
dans les glaces >, sont cause que les climats ou Indus, l’Euphrate avec le Tigre, se dé
physiques répondent peu aux climats as- chargent dans différens golfes de l'Océan
tronomiques. La région centrale , quoi- Indien. Mais outre ces grands fleuves ou
que placée entre le 28° et le 50 degré grands systèmes d'arrosement, l'Asie est
de latitude, est généralement froide ; de sillonnée par une multitude de rivières
fortes chaleurs y succèdent à un hiver affluentes de ces fleuves , ou qui se réu
long et rigoureux. La région du nord est nissent aux grands lacs , comme , par
tout-à-fait glaciale, et ses fleuves sont en- exemple, le Tarim termine son cours dans
chainés, la plus grande partie de l'année, le lac Lop de l'empire chinois.
par une glace épaisse. La région mé- La végétation se trouve , en Asie , à
ridionale , au contraire , qui comprend tous les degrés ; au nord , les frimas et
les Indes , l’Afghanistan et la Perse , est les glaces arrêtent son développement et
chaude et presque sans hiver ; la saison ne laissent croître que des mousses , quel
des pluies y succède à la saison sèche, et ques arbustes rabougris et des fruits
la chaleur, quoique forte , n’ydevient ja - sauvages. Au centre , on rencontre alter
mais excessive. Il n'en est pas de même nativement des steppes salines et des
de la région occidentale où les plateaux pâturages étendus couverts d'une herbe
sablonneux de l'Arabie etla proximité de élevée. Mais l'Asie méridionale offre, en 7

l'Afrique entretiennent une grande sé- même temps que les végétaux les plus
cheresse et de très fortes chaleurs. Enfin, gigantesques et les plus magnifiques, les
la région occidentale , en partie très hu- productions les plus riches et les plus
mide, offre tous les différens climats de exquises , les parfums, les baumes sa
> >

l'Europe. On peut consulter sur cette lutaires , les épices , le thé , le riz ,
9 >

matière , pour plus de détails , le savant le vin , le palmier , le sucre et le café.


ouvrage de.M. A. de Humboldt, Frag- C'est à l'Asie que l'Europe doit la plu
mens de géologie et de climatologie part de ses fruits, ungrand nombre de ses
asiatiques , t. II , p. 339-344.
2 légumes, et peut-être même le blé qui
>

Nous avons déjà dit combien est grande se trouve, dit-on, à l'état sauvage sur le
ASI ( 379 ) ASI
plateau central. Il en est de même de la indices de vie que des ossemens d'hom
plupart de nos animaux domestiques , mes ou d'animaux, ou la fiente des bêtes
dont quelques-uns ont dégénéré dans nos de trait qui les ont parcourues. Cette
climats , et qui , comme l'âne, le renard, population est variée comme le climat ;
certaines races de bêtes à cornes, se trou- on y trouve toutes les nuances , depuis
vent là dans leur beauté et avec leur le type de la beauté humaine jusqu'à
énergie primitives . Mais d'autres qua- | l'extrême laideur . Généralement l'hom
drupèdes non moins utiles s'y joignent , me , dont on place le berceau dans cette
le chameau, la chèvre d’Angora, les bre- partie du monde , y appartient à la race
bis du Tubet et même l’éléphant,qui s'as- blanche , et les Caucasiens , les Turcs ,
souplit au commandement de l'homme. les Perses, les Afghansse distinguentpar
Le cheval se montre là dans toute sa per la majesté de leurs formes et la beauté de
fection, ardent , courageux , infatigable , leurs traits ; c'est cette race caucasique
et d'une grande beauté de formes. Mais à que l'on met au premier rang de l'espèce
côté de ces animaux utiles , l'Asie nour- humaine et que caractérise la figure
rit des animaux malfaisans dont les ar- ovale , avec de grands yeux , le nez ar
deurs du soleil entretiennent la rage : le rondi , les cheveux épais , lisses et longs.
lion , le tigre , le léopard , la panthère , La race mongole forme avec celle-ci un
l'hiène, le rhinocéros. On y trouve l'her- contraste frappant ; ses caractères sont
mine et la zibeline , le musc , le pango- le visage aplati , le nez écrasé , les yeux
lin, le casoar , le gnous , le zébus , les
petits et très fendus , les cheveux rares ,
antilopes , le renne , etc.; puis des co-courts et raides. Entre les deux est placée
quilles à perles, des vers à soie, de beaux
la race malaye à la figure épatée , au nez
perroquets , des faisans , des paons , etc.
| large , aux yeux enfoncés, aux cheveux
Les richesses minérales de l'Asie sont épais et crépus. Quant à la couleur de
considérables, mais imparfaitement con- la peau, les peuples de race turque, semi
nues : l'or et l'argent s'y trouvent dans tique et caucasienne sont blancs ; les Si
différentes régions ; l'Inde produit bean - bériens,les Mongols , les Tubétains , les
coup de diamans ; d'autres pierres pré- Chinois , etc. , sont d'une teintejaunâtre,
cieuses y sont recueillies, ainsi que dans et les Indiens ont la peau d'un brun clair.
la Perse , dans la Chine et dans les mon- On compte jusqu'à 180 principaux
tagnes de la Russie asiatique. Il y a , en idiomes, au sujet desquels nous ren
outre , de l’étain , du cuivre , du mer- voyons nos lecteurs à l’Asia polyglotta ,
cure , du fer et du plomb ; et le sel s'y aux Mémoires relatifs à l'Asie et à
trouve en abondance. d'autres savantes recherches de M. Klap
L'Asie est de toutes les parties du roth . Cependant on peut diviser les peu
monde celle qui' offre la plus grande ples , suivant leurs langues , en un cer
masse depopulation ; les géographes va- tain nombre de familles dont nous devons
rient à l'égard du chiffre, mais il ne sau- nommer les plus importantes. A la fa
rait être réduit à moins de 400 millions. mille sémitique appartiennent les Juifs ,
Il en résulte cependantque la population les Syriens et les Arabes ; à la famille
y est , en général, bien moins compacte persane , les Persans , les Afghans et les
qu'en Europe, où , relativement, elle est Boukhares; à la turque, les Turkomans,
plus que le double ; car l'Asie n'offre les Osmanlis , les Kirghiz et les Tatars
généralement que 520 habitans par mille de la Sibérie. Les peuples du Caucase ,
carré géographique. On sait toutefois que leurs voisins , forment différentes fa
la population est plus agglomérée dans la milles dont la géorgienne , l'arménienne
Chine et dans quelques autres régions et l'abassienne sont les plus essentielles.
asiatiques qu'en aucun pays européen ; D'autres familles importantes sont : la
mais, en revanche, le plateau central laisse tubétaine , l'hindoue dont le sanscrit est
le champ libre aux courses vagabondes la langue primitive, la malabare , la ma
des nomades, et dansles immenses soli- laye, la chinoise, la japonaise, la tun
tudes du nord le voyageur avance des gouse ou mandchoure , la mongole , la
journées entières sans trouver d'autres / samoyède , l'ouralienne ou finnoise , la
ASI ( 380 ) ASI
kourilienne , etc. Nous sommes dispensés | nisme des peuples de la région arctique.
>
d'entrer dans aucuns détails sur chacune Les Parse's ou Ghèbres, en petit nombre,
de ces familles par la nécessité de leur ont conservé les antiques traditions de
consacrer à toutes des articles particu- Zoroastre et le cultedela lumière, comme
liers. principe de vie. Plus de 70 millions
Toutes les principales religions sont d'hommes professent le mahométisme ;
originaires de l'Asie , patrie des fictions s'ils ne forment pas la majorité en Asie,
merveilleuses et des rêveries mystiques. ils sont au moins les plus répandus ; le
La civilisation y remonte aux temps les même culte se retrouve dans toutes les
plus reculés et se conserve chez différens parties de ce continent. Quoique bien in
peuples antiques qui , comme les Chi- férieur, pour le nombre ( 17 millions en
nois et les Japonais, résistent à toutes viron ) , le christianisme s'y propage de
les tentatives de la curiosité et de la con- plus en plus , d'une part à travers les so
voitise des Européens , tandis que chez litudes de la Sibérie , et de l'autre par
d'autres , par exemple chez les Hindous , | l'Inde où la domination anglaise l'a éta
elle est déchue de son anciennesplendeur bli. Ici ce sont des protestans de l'église
et tend à se renouveler par des élémens anglicane , là des sectateurs de l'église
hétérogènes . On sait aussi quels progrès orientale , et les Arméniens , peuple mar
elle a faits, à différentes époques, chez les chand et disséminé , ont porté leur pro
Arabes , chez les Persans et chez les pre croyance au sein des populations
Turcs. Mais elle se trouve à tous les de musulmanes.
grés sur ce vaste continent : à l'extrêmeToutes les formes de gouvernement se
enfance chez les peuples de la Sibérie rencont rent en Asie , et l'on s'est trop
adonnés au chamanisme ; encore en lutte pressé de porter à cet égard des juge
avec la simplicité et la rudesse primitives mens généraux . Si d'un côté on y trouve
chez les tribus nomades du centre , et le despotisme le plus écrasant fondé sur
trèsavancée chez les Chinois et dans les la plus servile, obéissance des peuples ,
possessions anglaises des Indes. On peut on peut y voir aussi , de l'autre, la liberté
diviser toute la population asiatique en sauvage du désert , l'égalité absolue telle
nomades et en habitans à demeures fixes; qu'elle règne chez les Seikhs , et des mo
les premiers sont les représentans des narchies , tempérées ou par l'empire des
>

temps anciens et les restes des races pri- usages , ou par certaines classes intermé
mitives que le besoin ou la guerre a jadis diaires , ou par l'influence de la religion.
+
poussées en avant, et qui se sont succes- A côté de formes théocratiques , exclusi
sivement établies dans les plaines dont ves dans certaines contrées , il existe dans
elles avaient fait la conquête. Quant à la d'autres des aristocraties , des démocra
religion , la plupart sont adonnés au ties , etc. Les mæurs tiennent à la reli
bouddhisme, dominantdans l'Inde trans- gion et aux institutions politiques : la
gangétique , dans le Tubet, dans la Mon- manière d'être de l'Indien et du Chinois
golie , dans le paysdes Mandchoux , dans est très différente de celle du Persan , de >

la Chine et le Japon . Il est beaucoup plus l’Arabe et du Turc , qui sont devenus
répandu que le brahmanisme dont on le pour nous les types des Orientaux ; ici
suppose issu , et qui règne dans tout le une imagination embrasée produit les
reste de l'Inde. Le peuple chinois pro- créations poétiques les plus fantasques et
fesse le culte de Fo et des esprits ; la re- les plus pittoresques ; là un esprit rêveur,
ligion plus épurée de Confucius est ré- profond et mélancolique , s'abandonne
servée pour l'empereur et ses mandarins . de préférence aux idées religieuses et aux
La religion dominante au Japon est celle combinaisons philosophiques; plus loin
du Sinto ( voy. tous ces mots). Une véri- une intelligence bornée réduit toute l'ac
table idolâtrie souvent grossière et bru- tivité de l'homme au soin de satisfaire
tale règne dans la Sibérie , parmi les les besoinsnaturels. La polygamie règne
Tungouses , les Samoyèdes , etc. Le dans une grande partie de l'Asie ; le brah
fétichisme n'est pas étranger même à manisme veut que les femmes soient brû
ļa Chine et se confond avec le chama- lées vives sur le bûcher de leurs maris,
ASI ( 381 ) ASI
êt généralement leur sexe vit dans une suivant elle , d'une famille qui se multi
9

dépendance absolue des hommes , qui le plia rapidement en conservant les mêmes
renferment ici dans l'intérieur des mai- mours et la même langue ; mais pour se
sons , tandis que là ils lui laissent plus disperser ensuite lorsque l'unité fut rom
de liberté. Parmi tant de peuples divers pue et que la confusion et la discorde
il est difficile de saisir quelques caractè- eurent , à l'occasion de la tour de Babel,
res qui leur soient communs à tous , et préparé les émigrations auxquelles divers
la tendance de généraliser amène une peuples ont dû leur origine. C'est à 4,000
foule d'erreurs que la routine s'empresse ans avant notre ère que ces mêmes docu
trop de consacrer. mens font remonter l'histoire de notre
Les notions nous manquent pour don- espèce ; mais les annales des Chinois et
ner une idée exacte de l'industrie et du des Indiens, comme celles des Égyptiens,
commerce dans cette partie du monde ; lui assignent un commencementbien plus
mais pour faire apprécier l'importance de reculé.Ce commencement, inappréciable
la première, il suffit de rappeler les pré- pour nous, se perd dans la nuit des temps,
cieux tissus de l'Inde et du Tubet, les par- ainsi que l'origine de ces vieux états de
fums et les tapis de la Perse, les porce- l'Asie orientale et de l'Inde, dont l'étude ,
laines etles soieries de la Chine , et toutes toute nouvelle du sanscrit nous dévoile
les inventions dont on a fait honneur à aujourd'hui les antiques traditions. Ce
cet empire. Relativement au commerce , fut par la Bible et par les Grecs que la
nous citerons les Arméniens , les Bou- connaissance de l'Asie arriva aux Euro
khares et les Persans , nations essentiel- péens ; long-temps ces sources furent les
lement trafiquantes; nous ferons mention seules , et leur autorité incontestée ré
de ces anciennes routes commerciales pandit sur cette partie du monde des
exploitées , de concert avec les Asiati- idées fausses et des faits erronés , en
>

ques , par la Ligue Anséatique , par Ve- même temps que les vérités historiques.
nise , etc .; nous rappellerons ces carava- L'empire de Ninive est le plus ancien
nes nombreuses qui sillonnent dans tous état dont elles eussent connaissance ; Ni
les sens ce vaste continent ; et l'impor- nive et Babylonesont les premières villes
tance des échelles du Levant, de Calcutta, dont elles donnent la description. Cet
de Macao, de Canton , de Kiakhta , Bok- empire de Nembrod ou de Belus remonte
hara , etc. à 2,500 ans avant notre ère ; sousSemi
Quant aux sciences et aux arts , les nou- ramis il s'étendit , assurent les historiens
velles découvertes faites dans l'Inde nous grecs , depuis l’Euphrate jusqu'à l'Indus.
révèlent de plus en plus unė civilisation Après une durée de plus de quinze siè- 1
primitive , poétique, philosophique, et cles, il tomba en ruines sous Sardanapale,
telle qu'un grand nombre de nos systè- et de ses débris se formèrent un nouveau
messemblents'y rattacher. Les lois de Ma- royaume assyrien et un royaume de Ba
nou et de Confucius remontent aux âges bylone. A côté de ces vastes empires,
les plus reculés ; le système graphique les Grecs fleurirent par les lettres aux
des Chinois exige une science extraor- quelles ils durent leur Homère; les Hé
dinaire , et les littératures arabe et per- breux , par des idées réligieuseshaute
épurées
sane ont jeté 2, comme tout le monde sait, furent redevables
dont ils à la sa
un brillant éclat dont les traces lumineu-gesse de Moise et aux inspirations de
ses sont encore recherchées par les Euro- leurs prophètes ; les Phéniciens , par le
péens. commerce du monde ; et déjà étaient je
HISTOIRE DE L'ASIE . Plus qu'aucune tées les bases du royaume lydien qui ar
autre partie du monde , l'Asie a été riva sous Crésus à sa plus grande splen
le théâtre de grandes révolutions poli- deur. Mais l'empire babylonien et l'em
tiques. C'est à elle que se rattachent pire assyrien furent de nouveau réunis
nos plus anciennes traditions ; c'est dans sous un même maître , et les petits états
son sein que l'Écriture-Sainte, monu- succombèrent sous les armes d'un voisin
ment asiatique d'une haute antiquité , si puissant. Vers le commencement du
place le berceau du genre humain, issu, vie siècle avant Jésus- Christ une nou
ASI ( 382 ) ASI
velle révolution éclata : Babylone recou- que que l'existence de la Chine devient
vra l'indépendance, et les rois de la Médie sensible à notre partie du monde.Avares,
ou de l'Aria, qui régnaient sur ce peu- Boulgars , Madjars , Quigours , Alains,
ple zend dont Zoroastre était le législa - Goths, etc., se pressent sur le Caucase et
teur , commencèrent à se placer au pre- entre ces montagnes et l'Oural ; le flot
mier rang en Asie. Mais la domination des barbares menace de tout engloutir.
des Mèdes fut de courte durée; le Fars ou Pendant que leurs hordes sauvages sil
la Perse , province montagneuse et fai- lonnaient le nord et le centre de l'Asie,
blement peuplée , mais dont les habitans faisant trembler d'un côté l'empire ro
étaient braves et vigoureux , secoua leur main et de l'autre l'empire chinois , une
joug et leur donna des maîtres ; telle fut, nouvelle puissance s'éleva sous le soleil
l'an 553, l'origine de la monarchie per- brûlant de l'Arabie : le khalifat, fondé
sane fondée par Cyrus. Elle s'étendit de en 632 , refoula de toutes parts l'empire
toutes parts , se posa comme limite à l'est romain d'Orient. Soumis par ses armées,
le fleuve Indus, franchit au nord l'O- les peuples de la Perse et de l'Inde adop
xus , et arriva sur l’Iaxarte ; se soumit à tèrent l'islamisme , et cette religion do
l'ouest les côtes de la Méditerranée et de mina long-temps en Asie. Mais ce ne fut
l'Archipel , traversa l’Hellespont , rendit point au profit des Arabes , car leur kha
tributaire la Macédoine , et se heurta lifat, tombé en ruines , avait bientôt fait
contre les Grecs en leur demandant la place à de nombreuses dynasties ; leurs
terre et l'eau. Les Grecs répondirent par héritiers furent les Turcs , peuple venu
des victoires , et à la tête de leurs guer- de cette région occidentale de la Tatarie
riers >, un Macédonien , homme de génie qu'on appelle encore le Turkestan etqui
et à conceptions colossales, alla mettre fin franchit l’laxarte pour s'établir à Sa
à cette monarchie en brûlant Persépolis. marcande, un peu plus de mille ans avant
Alors l'empire de l'Asie jusqu'au-delà de Jésus- Christ , sous le commandement
l'Indus devint le partage des Grecs et des de l'émir Seldjouk. Ils embrassèrent l'is
Macédoniens qui se confondaient avec lamisme ,> conquirent le Khorasan sous
eux. Mais comme il n'avait d'autres fon- Togroul-Beg , et , appelés par le khalife
demens que la vie d'un grand homme, lui-même , ils marchèrent sur Bagdad où
il s'écroula après sa mort. Diverses mo- ils s'établirent, et fondèrent, sous Alp
narchies se formèrent de ses débris et Arslân et Malek-Chah >, une vaste domi
étendirent encore , avec la domination des nation , après avoir chassé les derniers
Grecs , la connaissance de cette partie khalifes Gaznévides ( voy. ce mot ). De
du monde qui fut le précieux résultat de puis l'Asie -Mineure et la Syrie jusqu'à
leurs conquêtes. Mais deux rivaux gran- la Chine , tout reconnut leur autorité.
dirent à la fois : les Parthes à leur tour C'est à cette époque que l'Asie commen
aspirèrent à l'empire de l'Asie , et , après ça à entrer en communications avec l’Eu
une longue lutte , les puissans rois de rope par les croisades et par le commerce
Syrie succombèrent sous les armes des des Vénitiens et des Génois. Les Arabes
Romains. Depuis , ces deux peuples ,,en- avaient déjà préparé par leurs écrits une
nemis par leur voisinage , se partagèrent connaissance plus étendue et plus exacte
toute l'Asie que l'Europe connaissait ; les de cette partie du monde , nommément
Romains s'arrêtèrent sur l’Euphrate où | Massoudi Kothbeddin et Ibn Haukal ,
l'empereur Adrien avait porté leurs aigles. au commencement du Xe siècle. Ibn al
Depuis l'an 395 de notre ère , toutes les Vardi marcha sur leurs traces en 1232 ,
provinces en deçà de l'Euphrate firent par- et bientôt leur exemple fut suivi par des
е
tiedel'empire d'Orient.Cependant,au ive Européens, tels qu'Ascalin, Plan - Car
>

siècle, l'Asie , que des hordes de Scythes pin, Lucimel, Rubruquis et surtout Marc
avaient ravagée à différentes époques, Pol. Cependant le principal mérite fut
lança sur l'Europe ses enfans du désert. réservé à Aboulféda : ,sa Description de
Les Hiongnou ou Huns , repoussés de la terre habitée répandit une vive lu
leurs,steppes sur le plateau central , don- mière sur des contrées presque incon
nèrent l'impulsion ; et c'est à cette épo- nues avant lui ,
ASI ( 383 ) ASI
Au nord desTurcs s'était formée dans contrées , et bientôt furent découverts les
l'intervalle une puissance encore plus Moluques, les îles Philippines , le Japon
formidable , celle des Mongols de Djin- et les iles de la Sonde . Des factoreries
ghis-Khan ; elle embrassait tous les pays portugaises furent établies jusque dans
depuis le mont Oural jusqu'à la partie la Chine. Les Hollandais et les Anglais
seplentrionale de la Chine, et elle pénétra, s'associèrent plus tard à cette riche ex
dans la suite , d'un côté jusqu'aux envi- ploitation , et en 1600 se formala Com
>

rons de Novgorod-la-Grande, et de l'au- pagnie anglaise des Indes-Orientales qui,


tre jusqu'à Bagdad et à Péking. Mais cet d'abord presque exclusivement livrée au
empire si étendu auquel, depuis les sour commerce , fonda peu à peu , par un
ces du Volga jusqu'à l'Océan - Pacifique, système de division qu'elle adopta à l'é
tout était soumis, ne tarda pas à s'aſfaiblir gard des états de l'Inde , un puissant em
par la discorde et les démembremens . pire auquelon donne 53,000 milles carrés
Les Othomans, qui depuis 1299 étaient géographiques avec 123 millions d'habi
la branche la plus redoutable des Turcs, tans , dont 83 millions sont immédiate
en profitèrent pour s'étendre à l'ouest. ment soumis à la couronne d'Angleterre .
Déjà ils avaient conquis l'Asie-Mineure, Voyez, pour l'histoire de cette puissance,
le Bosphore et une grande partie de l'em- | l'art. INDE.
pire de Byzance , où Andrinople était D'un autre côté les Russes , depuis le
devenue leur résidence , lorsque parut milieu du xviº siècle , se soumirent
( 1369 ) Timour ou Tamerlan qui s'était par degrés toute l'Asie-Septentrionale.
élevé au trône du Djagatai et avait éta- Novgorod avait déjà fait plus ancienne
bli sa résidence à Samarcande. Ce Mon- ment le commerce avec des régions si
gol marcha sur les traces de Djinghis- bériennes , et en 1483 les troupes de Mos
Khan , et fit la conquête de tous les pays,
> cou étaient arrivées sur l'Irtyche. Ivan IV
depuis la muraille chinoise jusqu'à la Vassiliévitch envoya en 1567 deux ata
Méditerranée , l'Inde et la Perse com- mans pour reconnaitre la partie méri
prises. La victoire d'Ancyre , remportée dionale du Sibir, et le 1er septembre 1581
sur Bajazeth auquel ses propres conquê, l'ataman Iermak partit pour conquérir
tes avaient valu le nom de la Foudre , le royaume tatar qui subsistait encore
lui aurait livré la Turquie d'Europe si de l'autre côté de l'Oural. Cette con
Timour en avait profité. Depuis,la puis- quête eut d'immenses résultats ; elle s'é
sance des Mongols est déchue ; cepen- tendit de l’Altai au Kamtchatka , et nous
dant leur dynastie produisit encore dans avons vu à l'article Amour qu'elle em
la suite deux hommes célèbres , Akbar brassa aussi la Daourie que les Chinois
et Aureng-Zeyb. En 1750 il ne leur resta forcèrent les Russes de leur abandonner.
plus que la ville de Delhi , et les Mah- Depuis , Chardin , Tavernier, Kæmp
rattes recueillirent une grande partie de fer, Niebuhr, Deguignes , Pallas , El >

leur héritage. Toute l'Asie antérieure phinstone et une foule d'autres voyageurs
resta au pouvoir des Turcs ; les Persans anglais , français, russes et allemands ,
et les Afghans se disputèrent les pro- ont fait faire d’immenses progrès à no
vinces à l'est de celles où ce peuple do- tre connaissance de l'Asie , progrès que
mina , et dans le nord et le midi vinrent l'étude des langues chinoise , mongole ,
bientôt s’établir des étrangers , aux pro- tubétaine , sanscrite, zend , etc. , favori ,
>

grès successifs et à l'infatigable persévé- sent de plus en plus , et que la puissance


rance desquels est due la connaissance, des Russes et des Anglais dans cette par
il est vrai encore incomplète , que nous tie du monde , les relations des premiers
avons maintenant de l'Asie. avec l'empire céleste et la bonne intelli
En 1498 le navigateur portugais Vasco gence des autres avec les Persans et les
de Gama, après avoir doublé le cap de Afghans , promettent d'accélérer encore
Bonne-Espérance, aborda à Calicut, sur au profit de la science , du commerce et
la côte de Malabar. Le grand Albuquer- de la civilisation . J. H. S.
que et ses successeurs étendirent ensuite ASIE-MINEURE , nom qu'a reçu ,
la domination des Portugais dans ces à l'époque de la décadence de l'empire
ASI ( 384 ) ASI
romain , la partie occidentale de l'Asie , ménie. Dans le midi de l'Asie -Mineure
appelée, dans les temps modernes, Nato- étaient les royaumes de Lycie, de Carie ,
lie ou Anatolie . C'est une grande pres- de Pamphylie et de Cilicie. Enfin le royau
qu'ile qui , aà l'est, s'étend jusqu'à l'Ar me de Crésus , la Lydie , s'étendaitdepuis
>

ménie et à la Syrie , et qui, sur les côtes, les colonies grecques jusque dans l'inté
est baignée par les eaux du Pont-Euxin , rieur. Tant de petites cours , tant de
de l'Hellespont , de la Propontide et de places de commerce , tant de villes or
Ja mer Égée. Ce beau pays est très varié nées de beaux monumens et d'établisse
d'aspect et de culture. Le long de la côte mens utiles, rendirent l'Asie-Mineure cé
du Pont - Euxin il est traversé par la lèbre. Les iles qui en dépendaient , tel
chaine du mont Taurus ; l'ouest et le les que Lesbos, Cos, Chios, Samos, etc. ,
centre sont également hérissés de mon- continuaient , pour ainsi dire , la Grèce.
tagnes ; les plaines entre ces montagnes Toute cette splendeur s'est évanouie.
sont d'une grande fertilité. L'Halys, qui Ces belles villes , si renominées dans
se jette dans le Pont-Euxin, était un des l'antiquité, n'ont laissé que des souvenirs
principaux fleuves de cette contrée ; son et quelques ruines ; les plaines sont de
cours longe la chaine des monts des venues incultes , les rivières ont perdu
Amazones ; il y a d'autres fleuves moins leur cours. Sous la domination turque
considérables. Les montagnes donnent les restes de l'ancienne prospérité de ces
naissance à une quantité d'eaux vives contrées se sont éteints ; il n'y a que les
qui entretiennent, dans les vallées sur- ports et les plaines voisines de la mer de
Marmara qui rappellent ce qu'était au
tout , une très belle végétation . Située
auprès des confins de l'Europe, et pou- trefois presque toute l'Asie - Mineure.
vant aisément communiquer par les mers Éphèse, la plus belle ville de ce pays , a
>

avec les contrées qui dans l'antiquité disparu ențièrement ; mais Smyrne est
étaient les plus florissantes de la terre , plus importante qu'elle ne l’était du
l'Asie-Mineure eut de bonne heure une temps des Grecs. Broussa est peut- être
population nombreuse et une civilisation plus riche que l'ancienne Prusa; la Troade
très avancée . Les Grecs , qui n'avaient a changé de face; Trébizonde continue le
que l'Hellespontà traverser pour attein - commerce de Trapezus ; mais il n'y a
dre les côtes de l'Asie , y établirent des plus de royaume dans l'Asie -Mineure ;
colonies le long de la rive orientale. On cette belle partie du monde des anciens
y distinguait les colonies éoliennes , io- n'est plus qu'une province de l'empire
niennes et doriennes , où se développa le turc . D -G .
goût des arts et du luxe comme dans la ASIENTO . Ce mot >, d'origine espa
mère-patrie. Éphèse, Phocée , Halycar- gnole, employé dans un sensabsolu, sert
nasse pouvaient se comparer aux villes à désigner le traité que l'Espagne con
de l’Attique. Dans le nord de l’Asie il y sentit au xviº siècle avec diverses puis
eut quatre royaumes : ceux du Pont , de sances pour approvisionner d'esclaves
la Paphlagonie , de la Bithynie et de la africains ses colonies transatlantiques .
Mysie , tous ayant des villes grandes et C'est depuis l'avénement de Philippe
riches , telles qu'Amisus, Sébaste , Néo- d'Anjou au trône d'Espagne que ce mot
Césarée, Amasie, Sinope,Trapezus,Nicée, est passé dans la langue française, légè
Nicomédie , Chalcédoine , Pergame , etc. rement modifié ( assiente), mais avec la
C'est dans la Mysie qu'était située la même acception.
Troade ou l'ancienne ville de Troie, avec Lorsque Pédro d’Ésiença eut intro
le mont Ida et les rivières du Simoïs et duit la canne à sucre dans les posses
du Scamandre. Deux autres royaumes sions espagnoles , on s'aperçut bientot
>

occupaieut le centre : c'étaient la Phrygie que le manque de bras forcerait d'aban


et la Cappadoce; la première compre- donner cette riche culture. Pour obvier
nait aussi la Lycaonie et la Galatie et pos- à cet inconvénient, on songea à y envoyer
sédait les villes d’Ancyre , d’A pamée , de des cultivateurs d'Europe ; mais à cette
Laodicée,deDorylée. La Cappadoce, ar- époque les Européens n'émigraient pas
rosée par l'Halys, s'étendait jusqu'à l’Ar- pour aller cultiver la terre; ce n'était que
ASI ( 385 ). ASI
pour découvrir de riches mines d'or qu’on a enseveli dans les Antilles ou sur le
se rendait en Amérique. Ainsi les nou- continent américain plus de 10,000,000
veaux possesseurs , ne pouvant pas se d'Africains. Voir le Diccionnario de l’A
procurer des colons libres , songèrent à siendo, publié par M. José Canga-Ar
>

mettre à profit le trafic des 'esclaves qui güelles , à Madrid. L. G.


se faisait sur les côtes d'Afrique , et dont ASILE , lieu de refuge où les crimi
les Portugais commençaient à retirer de nels cherchent un abri contre les pour
grands avantages. La marine espagnole suites. Chez les anciens c'étaient les tem .
était trop peu considérable alors pour ples, les images, les autels des dieux ,
fournir aux planteurs le nombred'escla- certaines forêts, ou bois sacrés, etc., qui
ves nécessaire; aussi la cour de Madrid servaient de lieu de refuge,et c'était une
s'empressa d'accorder aux Anglais et aux offense envers les dieux que d'en arra
Hollandais , moyennant certaines rede- cher celui qui s'était ainsi mis sous leur
vances,le priviléged’approvisionner d'es- protection. Cependant les abus qui en
claves les colonies espagnoles : c'est ce résultaient furent cause que la sainteté
privilége qu'on nomme asiento, de ces lieux finit par ne plus être res
Lors de l'avénement de Philipped’An- pectée : c'est ainsi que les Lacédémo
jou , les Anglais étaient seuls possesseurs niens violèrent le droit d'asile à l'égard
du privilége ; mais ce prince , jaloux de de Pausanias, refugié dans le temple de
2

favoriser ses compatriotes , les en dépos- Minerve.


séda pour l'accorder à la Compagnie Pour rendre illusoire la protection que
française de Guinée. C'est en 1702 que les dieux voulaient accorder aux mal
cette société commença ses opérations. heureux , on les força souvent par la fa
Les principales clauses du traité étaient : mine à en sortir , ou on mit le feu tout
que la compagnie livrerait par an de 38 autour. Tous les temples et tous les lieux
à 40,000 esclaves 9, et qu'elle paierait au saints n'avaient pas le privilége de servir
roi d'Espagne 33 piastres į par nègre im- d'asile; ce privilege appartenait à des
porté. Après la paix d'Utrecht, en 1713, | lieux qui étaient spécialement consacrés
la France ayant abandonné la fourniture à cet objet. L'empereur Tibère l'abolit
de noirs aux Anglais, les Espagnols trai- généralement et ne le maintint que pour
tèrent avec cette puissance , et lui ac- les temples de Junon et d'Esculape.
cordèrent le privilege de l'asiento pour Cet usage paien s'introduisit ensuite
30 ans , aux mêmes conditions de la dansle christianisme, et déjà, sous Cons
Compagnie française , en y ajoutant tou- tantin-le-Grand , les églises chrétiennes
tefois la faculté d'envoyer tous les ans devinrent des asiles pour les malheu
dans les colonies espagnoles un vaisseau reux , poursuivis par la justice civile ou
du port de 500 à 650 tonneaux , chargé par la violence de leurs ennemis . En
de marchandises anglaises. 431 , Théodose-le -Jeune étendit ce pri
Telles étaient les bases de ce nouveau vilége à tous les murs , allées , jardins et
traité qui subsista jusqu'en 1739 , épo- maisons dépendant des églises; les Francs
que où la guerre éclata entre l'Espagne le confirmerent, et le concile de Tolède
et l'Angleterre ; mais en 1748 , après la étendit le droit d'asile autour des égli
paix d'Aix-la-Chapelle , l'Espagne con- ses jusqu'à trente pas de distance.
sentit à ce que l'Angleterre continuat son Le droit d'asile , source d'abus multi
traité pour les quatre années quirestaient pliés , était néanmoins un remède à l’im
à remplir. Cependant , comme , durant puissance des lois pour protéger des in
la guerre les Vénitiens , les Portugais et fortunés opprimés par les grands; ce fut
les Espagnols s'étaient emparés du com- un bouclier opposé par le clergé, défen
merce de la traite , les Anglais se virent seur des classes intermédiaires contre le
forcés de résilier leur marché , et l’Es vandalisme et la barbarie des mœurs au
pagne leur accorda une indemnité de moyen-âge. Mais en empiétant sur la ju
500,000 piastres. Voilà quels ont été les ridiction des magistrats civils , ce privi
commencemens de cet odieux trafic des lége étendit outre mesure les limites de
noirs qui , dans l'espace de trois siècles, la juridiction ecclésiastique. C'est une des
Encyclop. d . G. d . M.Tome II. 25
ASI ( 386 ) ASI
raisons qui firent abolir le droit d'asile | ligions, a consacré le droit d'asile ; mais
par, la plupart des souverains. C. L. m. avec le christianisme le droit d'asile
ASILE, poy. CHAMP D'ASILE . prend un caractère particulier qu'il faut
ASILE (droit). Un asile n'est tel que remarquer soigneusement. Les systèmes
parce que les lois de la société outragée religieux et civil étant confondus dans
n'y sauraient être en vigueur. Ainsi une l'antiquité païenne , le droit d'asile n'y
portion de territoire étranger où règne fut pas un moyen de lutte entre les deux
un souverain étranger forme nécessaire- systèmes, comme cela est arrivé depuis
inent un asile. L'asile peut être de deux l'établissement du christianisme. Depuis
sortes, selon que le lieu où il est accordé lors, en effet, les puissances civiles et re
será sous la protection d'un prince ou ligieuses, séparées, furent et sont encore
d'une divinité. Dans le premier cas , qui aujourd'hui deux puissances rivales ,
est très ordinaire, il s'agit d'un individu presque toujours aux prises.On a doncvu,
9

réfugié en certain pays étranger qui lui dès le commencement de l'ère moderne ,
sert d'asile. Ce sujet important sera traité le pouvoir temporel en état permanent
au mot ExTRADITION. C'est là que vien- d'hostilité contre le droit d'asile , dont
dra paturellement se placer l'examen du s'armait le bras religieux . C'est ainsi que
droit d'asile dans les hôtels des ambas- les temples chrétiens ont été des asiles où
sadeurs. Ici sera plus particulièrement la puissance civile venait expirer. Non
considéré l'asile sur le territoire où règne seulement les temples furent des asiles ,
une divinité (voy. l'art. précédent). mais on vil les évêques et les inoines at
On comprend facilementque l'homme, tacher ce droit à tous leurs domaines.
réfugié dans la demeure de Dieu , de- Ils plantaient des poteaux qui marquaient
vait s'y trouver à l'abri de toute atteinte. les frontières d'un nouveau territoire.
L'y poursuivre aurait été transporter la Louis XII fut celui qui , le premier, osa
souveraineté humaine du territoire voi- le plus contre le droit d'asile ; il le sup
sin sur un territoire où Dieu seul règne prima entièrement dans ses domaines
en maitre. Toutefois, on pourrait dire que immédiats et tint la main à ses ordon
les criminels , en horreur à la divinité , nances. Peu à peu le pouvoir des rois, en
ne sauraient raisonnablement trouver un s'agrandissant, leur permit de supprimer
asile aux pieds des autels de çette divi- les asiles presque partout en France ; ce
nité. Les hommes ne feraient donc , en que fit Francois jer .
portant la main sur un meurtrier réfu- En Italie , les papes, notamment Ur
gié , qu'exécuter l'ordre même de Dieu bain V et Benoit XIV cherchèrent à dé
et purifier le temple. Montesquieu va truire les asiles dont ils favorisaient l'é
répondre à cette observation : « Comme tablissement en pays étranger. On en sent
la divinité , dit-il , est le reſuge des mal- la raison . Le pape , souverain dans ses
heureux et qu'il n'y a pas de gens plus états , s'efforçait naturellement à en com
malheureux que les criminels , on a éié prendre tout le territoire sous sa puis
naturellement porté à penser que les tem- sance. Le droit d'asile , attaché par les
ples étaient un asile pour eux , et cette cardinaux à leur domaine privé et at
idée parut encore plus naturelle chez les tribué naturellement aux temples, cons
Grecs, où les meurtriers, chassés de leur tituait autant de petites portions de ter
ville et de la présence des hommes, sem- ritoire enlevées à l'autorité temporelle,
blaient n'avoir plus de maisons que les et d'ailleurs spirituelle aussi, du chef de
temples , ni d'autres protecteurs que les l'église. Mais en même temps que le chef
Dieux, » Cependant, on entrevoit tout de l'église travaillait ainsi à régner sur
l'inconvénient qui devait résulter de sem- tout son territoire , il s'efforçait d'y
blables idées. Aussi l'histoire du droit ajouter encore , pour ainsi dire, en lavo
d'asile n'est-elle que l'histoire des con- risant le droit d'asile dans les états voi
cessions plus ou moins grandes faites sins. Un temple en France, l'enclos d'un
par l'esprit humain aux idées que nous monastère, etc. , étaient considérés , en
verons d'exposer, effet, comme des portions du territoire
Le christianisme, comme toutes les re- | romain ,
ASI ( 387 ) ASI
Avant 1789, le droit d'asile n'existait gratuitement ou moyennant pension ou
déjà plus en France. Cependant, de nos portion de pension . L'hôpital royal des
jours, nous voyons l'article 781 du Code Quinze-Vingts, à Paris, établissementdont
de procédure civile consacrer une res- nous n'avons pas à faire connaitre ici l'or
triction, mais uniquement fondée surde ganisation, doit, sous certains rapports,
simples motifs de convenance et même être considéré comme un asile. En quel
d'intérêt civil. On ne peut , d'après cet ques lieux de l'Allemagne et de l’Angle
article 781 , arrêter un débiteur dans les terre , les aveugles reçoivent, avec l'hos
édifices consacrés au culte et pendant pitalité >, des moyens de travail qui en
l'exercice religieux . On ne peut encore doublent pour eux le bienfait. 2 ° Des
le faire arrêter le dimanche et autres établissemens où l'on recueille des aliénés
jours de fêtes légales. Auciennement, on pour y être soignés et traités, soit à titre
aurait pu prétendre que le dimanche gratuit , soit comme pensionnaires. Ces
étant consacré à Dieu , Dieu était censé établissemens sont malheureusement en
régner partout et exclusivement ce jour- core trop rares en France : on fait en ce
là, de telle sorte que la souveraineté hu- moment quelques efforts pour les multi
maine devait se taire. Ce n'est plus le plier.Ily a à Charenton, près Paris, un asile
temps de pareilles interprétations. Des pour les aliénés de la France entière qui
motifs >, également d'intérêt civil , établis- a le titre de Maison royale de Charenton .
saient anciennement, en faveur des pay- Les hospices de la Salpêtrière et de Bi
sans de Cambrai , le privilége de porter cêtre reçoivent les aliénés de la capi
le jeudi, sans crainte d'être arrêtés pour tale , et des ateliers de travail leur sont
dettes , leurs herbes au marché. Que ouverts à Bicêtre et à la Ferme Sainte
d'exemples nous pourrions citer de pa- Anne. On cite, dans les départemens, l'A
reils sauf-conduits (voy. ce mot). v. sile de Saint- Yon à Rouen, l'Hospice des
ASILES . On comprend sous ce nom aliénés de Bordeaux qui peuvent servir
des établissemens fondés par la ph lan de modèle aux établissemens de ce genre.
thropie publique ou privée , dans le but Les frères hospitaliers ont aussi fondé
d'offrir une hospitalité momentanée ou dans les départemens, notamment à Lyon
durable ; soit pour soulager les infirmités et à Lille, des maisons où ils reçoiventgra
humaines , soit pour assurer à la vieillesse tuitement des aliénés pauvres, et,moyen
les soins que réclame un age avancé , soit nant une rétribution , ceux qui ont les
pour régénérer les êtres corrompus , soit facultés nécessaires. 3 ° Des établissemens
pour préparer les individus punis et flé- où l'on recueille des sourds et muets ,
tris par la sociétéà revenir y prendre place après leur sortie des maisons d'éducation,
sans honte , soit pour détruire les habi- afin de leur procurer du travail. Il y a à
tudes de la mendicité et les vices qui l'ont Paris une maison de travail fondée dans
fait naitre ou qu'elle a développés , soit l'impasse des Feuillantines pour les jeunes
pour assurer les bienfaits de l'éducation sourdes et muettes, par une association de
aux enfans orphelins, soit pour préparer, dames charitables. 4° Des établissemens
sinon commencer, dès l'âge le plus ten- où l'on reçoit les indigens des deux sexes
dre, l'éducation des enfans des classes la- attaqués d’infirmités graves et incurables.
borieuses ; enfin , il nous semble qu’on C'est ce qu'on nommeles Hospicesd'Incu.
doit ranger parmi les asiles les établisse- rables. 5° Des établissemens où l'on re
mens destinés spécialement à recueillir çoit gratuitement ou moyennant pension
les militaires des armées nationales à qui des femmes grosses et des femmes en cou
de graves infirmités ou un grand åge ren- che. Il y a à Paris, rue de la Bourbe, nº 3 ,
dent nécessaires des secours et des soins une Maison d'accouchement, gratuito ,
particuliers que l'insuffisance de leurs destinée à recevoir des femmes grosses
pensions de retraite ou le manque de fa- dans leur huitième mois ou qui sont sur
mille ne leur permettent point de trou- le point d'accoucher. Ces femmes sont
ver en dehors des établissemens publics. soignées et nourries ; elles s'occupent à
C'est ainsi qu'il existe : 1° des établis- des travaux pour lesquels elles sont
semens où l'on recueille des aveugles, I payées, 6 ° Des établissemens où l'on re
ASI ( 388 ) ASI
cueille des personnes âgées de l'un et de nombreux en Allemagne, notamment dans
l'autre sexe , soit gratuitement, soit à le royaume de Wurtemberg et le grand
charge de payer une pension annuelle ou duché de Bade ; et en Suisse , notamment
une somme fixe. A cette classe d'établis- à Buch , Beuggen , etc. 14 ° Des établis
semens appartient l'Institution de Sainte- semens où les jeunes condamnés , qui
Périne à Chaillot, près Paris, l’Asile de par leur conduite ont mérité d'être tirés
la Providence , l'Hospice des Ménages, des prisons , sont admis , avec la permis
l’Hospice de la Vieillesse à Paris , etc. sion de l'autorité , à terminer le temps
7° Des établissemens où l'on accorde de leur condamnation . Ces asiles ont
l'hospitalité pour une nuit, avec nourri- pour but, après avoir arraché les jeunes
ture et quelques secours , aux voyageurs condamnés à la contagion des mauvais
indigènes de passage, commeàBerne, Stutt- exemples , de leur procurer les bienfaits
gard , etc. 8 ° Des établissemens où l'on d'une éducation élémentaire et de les
reçoit les filles et les femmes désordonnées mettre à même d'apprendre un état de
qui y sont envoyées par leur famille ou leur choix . Il existe à Paris rue des Grès
par décision des magistrats, pour être ra- Saint-Jacques , sous le nom de Maison
menées aux bonnes mæurs. Telles sont , de Refuge pour les jeunes prisonniers,
en France, les Maisons du Refuge Saint- un établissement de ce genre où les jeunes
Michel, établies à Paris et dans quelques condamnés peuvent rester , même après
villes des départemens. 9° Des éta- l'expiration de leur peine. 15° Des éta
blissemens où les filles repentantes vien- blissemens où l'on reçoit les femmes et
nent chercher volontairement l'habitude les filles qui , après avoir été condamnées
d'une vie meilleure et le retour à la vertu à des peines afflictives et infamantes et
par le travail , la sobriété , le silence , la les avoir subies, veulent se réhabiliter mo
prière et la privation des plaisirs mon- ralement par les habitudes d'une vie vera .
dains. Telles sont les maisons du Bon- tueuse. Une institution de ce genre , di
Pasteur , à Lyon , et à Paris rue d'Enſergne à tous égards de servir de modèle ,
Saint-Michel n08 83 et 85. 10° Des éta- est établie à Lyon sur le coteau de Pierre
blissemens où les filles se réfugient pour Scize ; elle porte le nom de la Solitude.
se prémunir contre les dangers de la sé- 16º Des établissemens où l'on reçoit les
duction ou de la corruption . 11 ° Des pauvres mendians , non criminels, pour
établissemens où les filles entièrement re- les ramener ,> par le travail, aux sentimens
venues au bien se vouent à la retraite, en de dignité humaine que les habitudes de
expiation du scandale de leur vie pas- la mendicité leur ont fait perdre , et , au
sée *. 12 ° Des établissemens où les filles besoin, pour les corriger des vices dont la
de mauvaise vie, après avoir été enfermées mendicité est ordinairement la suite , la
par mesure de police, sont admises à une compagne et la source . Tel était le but de
réclusion momentanée pour purifier des la maison de refugefondée à Paris , rue de
ames flétries par la débauche et se mettre l'Oursine , en 1828 et 1829 , sous le titre
de Maison de refuge et de travail. Cette
en état de reparaître dans la société. Tel
est l'établissement de Sainte-Pélagie à maison, qui n'était soutenue que par des
Lyon. 13 ° Des établissemens où l'on re- souscriptions volontaires, a succombél'an
cueille les enfans chez lesquels se sont née dernière après des essais qui pourtant
manifestés les germes d'une corruption attestaient l'heureuse influence qu'elle de
précoce , ou pour lesquels on pourrait vait avoir pour le bien public. 17 ° Des
craindre dans leur famille la contagion établissemens où l'on recueille des orphe
des vices; ou qui appartiennent à des dé- lins des deux sexes pour leur assurer les
tenus, à des condamnés , à des vagabonds; bienfaits d'une bonne éducation et les
ou que leurs parens laissent sans éduca- mettre à même d'exercer une profession .
tion. Des établissemens de ce genre sont On trouve ces établissemens dans la plu
part des contrées de l'Europe ; quelque
(*) La maison du Bon Pasteur ou du Refuge fois ces asiles sont fondés par des sous
Saint-Michel à Lyon , tenue par les dames St
Thomas-de -Villeneuve, renferme les quatreder criptions ou des associations particulières.
niers genres d'établissemens. Telles sont par exemple, à Paris, l'institu
ASI ( 389 ) ASI
tion de Saint-André,
- rue de Vaugirard ; et des leçons appropriés à leur âge. Les
la Maison des orphelines de la Croix, rue leçons sont courtes , variées , amusantes ,
Servandoni , n° 14 , pour les jeunes filles. coupées fréquemment par des jeux et des
L'hospice des Orphelins, rue Saint-An- récréations. Plusieurs méthodes ingé
toine , n ° 126, àà Paris, est une institution nieuses d'éducation élémentaire ont été
publique où l'on adınet les orphelins indi- inventées pour les salles d'asile.
gens des deux sexes, pour les placer ensuite Les dépenses que nécessitent ces salles
chez des particuliers, à la campagne ou se rapportent au local, à l'ameublement, à
en apprentissage. En d'autres pays les la direction . La dépense du local est peu
orphelins reçoivent dans ces établisse- considérable. Une grande salle peut re
mens le bienfait d'une éducation com- cevoir de 50 à 100 enfans; elle suffit pour
plète. Les maisons d'orphelins de l'Alle- les leçons; il ne faut plus qu'un préau
magne et de la Suisse offrent des modèles pour les jeux. Si les bâtimens communaux
de ce genre. 18 ° Des Salles d'Asile où n'offrent point de local convenable , on
l'on reçoit les enfans de 2 à 3 ans jusqu'à peut en louer un . L'ameublement consiste
6 ou 7 . principalement en gradins pour placer
Voici quelques détails sur ces établis- les enfans, en un lit de camp pour qu'ils
semens que l'on peut regarder comme puissent dormir dans le jour, en tableaux
la pierre angulaire de l'éducation po- noirs, en tableaux de lecture, en bouliers
pulaire. Le but des salles d'asile est : d’é- compteurs. Quant à la direction, un maitre
carter des enfans des classes laborieuses et un aide suffisent pour une salle d'asile.
les accidens ou la contagion des mauvais Il est des pays où tous les enfans sont
exemples auxquels ils sont exposés lors- admis gratuitement; il en est d'autres où
que leurs parens les laissent des journées les enfans indigens sont seuls exempts
entières errer dans les rues ou les con- de payer une rétribution .
fient , soit à des enfans d’un âge presque C'est à Paris , au commencement de ce
aussi tendre qui auraient eux -mêmes be- siècle, que les salles d'asile ont pris nais
soin de surveillance , soit à des voisins sance . Un établissement de ce genre fut
négligens ou occupés eux -mêmes à gagner créé dans le faubourg Saint -Honoré par
leur vie ; de préparer dès l'âge le plus madame la marquise de Pastoret ; mal
tendre l'éducation des enfans et de faire heureusement il subsista peu de temps .
principes Les salles d'asile, après avoir prospéré en
dereligion, demoraleet de vertu;'de Angleterre sousle nom d'Infants schools,
et en Suisse sous celui d'Écoles depetits
permettre aux parens d'employer tout
leur temps , de tirer parti de toute leur enfans, nous sont revenues en France
industrie, ce qui les met à même de pour- il y a quelques années seulement. Paris
voir par eux-mêmes aux besoins de leur en compte aujourd'hui dans ses 12 arron
famille. Les enfans sont reçus dans les dissemens municipaux ; il en existe plu
salles d'asile dès le matin ; les parens peu- sieurs à Strasbourg et dans d'autres villes
vent venir les chercher dans le milieu de des départemens, où la philanthropie, se
la journée pour diner ou les laisser la condée par l'autorité , s'occupe active
journée entière, en leur donnant le matin ment de les multiplier.
leur provision dans de petits paniers. Il 19 ° Enfin ,> il existe à Paris un Hótel
y a des salles d'asile danslesquelles les en- royal des Invalides, avec une succursale
fans peuvent trouver, moyennant une ré- à Avignon , pour servir d'asile aux mi
tribution légère , une nourriture simple, litaires que l'âge et les infirmités rendent
mais saine. Les enfans sont confiés à des incapables de continuer à servir l'état.
maitres et à des maitresses (ce sont autant Des établissemens semblables se trouvent
que possible des mères de famille) dont dans d'autres contrées de l'Europe. L'An
la capacité, la douceur et surtout l'amour gleterre a son Naval Hospice, à Green
de l'enfance ont été mises à l'épreuve. wich ; en Allemagne, il y a des hôtels d'in
Ces maîtres s'efforcent de seconder le dé . valides à Stuttgard , à Vienne , à Berlin ,
veloppement des forces physiques et de etc. Nous terminerons cet exposé par une
l'intelligence des enfans par des exercices réflexion. Rien n'est plus juste que d'ac
ASI ( 390 ) ASI
corder l'hospitalité au malheur, à la vieil- | Parthes, il reçut de lui le commandement
lesse, à l'enfance, abandonnés et sans re- de l'Espagne ultérieure où il demeura jus
fuge ; rien n'est plus nécessaire que d'ap- qu'à la bataille de Modène. Les trois let
peler dans un asile les êtres menacés des tres qu'il a écrites à Cicéron ( les 798€,
dangers du vice , de la corruption , de 833€, 848€ de l'édition de Schutz et de
l'infarnie , comme dans un port de salut : celle de Panckoucke) font connaître son
mais il n'est pas moins important de se caractère, bien plus encore qu'elles n'ex
garantir des excès d'un zèleaveugle qui, pliquent sa conduite. Si l'indépendance
en exagérant ces institutions, encourage- républicaine y parle un langage presque
rait l'imprévoyance, la fainéantise, et sublime , on voit aussi que l'orgueil et le
affaiblirait. les liens sacrés de la fa- besoin de s'élever entraîneront bientôt
mille. D. G- o. l'auteur de la lettre vers un autre parti .
ASINIUS POLLION (Caius), guer- S'il eût été appelé, dit-il, la république
rier, homme d'état, orateur, historien et n'aurait point souffert l'échec de Mo
poète tragique. Tacite pense qu'il par- dène. Cependant il se rangea bientôt.
vint aux premières dignités par la seule sous les drapeaux d'Antoine qui lui con
puissance de son éloquence et de ses ver- féra le commandement des légions sta
tus. Il n'avait pas encore l'âge des ma- tionnées près de Mantoue. S'il est vrai
gistratures que déjà il s'était distingué qu'il eut le bonheur de sauver Virgile de
dans l'art de la parole. Quintilien dit de la fureur des soldats, s'il fit connaître ce
lui qu'il était toujours prêt,etque,soit qu'il poète à Mécène, la postérité doit bénir sa
voulùt plaisanter, soit qu'il eûtà discuter prompte soumission au triumvir, dont
sérieusement, c'était l'homme de toutes au surplus il était l'ami. Pollion fut con
les heures. Il entremêlait ses discours de sul en 714 , mais il n'acheva point l'année,
citations de vieux poètes , et souvent les et fut contraint d'abdiquer, ainsi que son
vers d'Ennius , de Pacuve , de Cæcilius, collègue. Il vainquit les Parthinéens, et ce
venaientreposer l'oreille de ses auditeurs, fut l'occasion de son triomphe sur les
fatigués de la sécheresse de la discussion : Dalmates. On attribue à Pollion la négo
Ce genre de citation qu'il avait adopté ciation d'un traité entre Octave et Antoine,
tenait à son affectation d’archaïsme,défaut traité qui différa et ne prévint point l'ef
dont Quintilien rapporte des exemples, fusion de sang ; mais il ne voulut prendre
en déclarant qu'il semble avoir précédé aucune part à la guerre d'Actium , décla
Cicéron de tout un siècle, tant il est loin rant qu'il serait la proie du vainqueur.
du charme que procure la lecture de ce- D'abord cette conduite lui attira l'inimi
lui- ci. Nous n'avons plus que les titres de tié d'Auguste qui composa des épigram
quelques-uns des discours de Pollion : ils mes contre lui . On le pressait d'y répon
avaient été rédigés pour Scaurus, pour As- dre : il s'y refusa , disant que ces assauts
pienus, pour Liburnia, pour la succession
poétiques pourraient mal tourner contre
celui qui s'attaquerait à un adversaire
d'Arbinia , cause dans laquelle il compta,
parmi les preuves de la mauvaise foi de jouissant du droit de proscrire. Pollion
son adversaire , le choix que ce dernier se tint éloigné des affaires; mais l'estime
avait fait de Labienus pour défenseur. que l'empereur avait pour lui lui rendit
En général , il y avait dans le caractère l'influence qu'il devait avoir dans le
d'Asinius Pollion quelque chose de cha- monde romain . Il reconstruisit de ses
deniers l'atrium qu’un incendie avait
grin qui se manifeste surtout dans sa car-
rière politique. L'amour-propre le do- autrefois détruit , et il fonda et ouvrit à
minait'; lui qui par caractère et par tous la première bibliothèque que l'on
inclination était pourle maintien des ius- ait jamais possédée. Pollion y fit placer
titutions républicaines, servit néanmoins les statues et les images de beaucoup de
la cause de César , et dans une lettre à grands hommes etmêmecelle de Varron ,
Cicéron on voit qu'il n'avait pu résister quoiqu'il vécût encore et qu'il fût son ri
aux prévenances de ce grand homme. Il val. Ainsi, selon la belle expression de
le suivit au Rubicon et à Pharsale, etquand line, Pollion futle premier qui fit entrer
César se disposait à marcher contre les la pensée dans le domaine public. Tout
ASI ASK
( 391 )
entier à l'étude , il écrivit en 17 leçons zione al bel canto , contenente molti
l'histoire des guerres civiles depuis le solfeggi d'armonia. Depuis 1813, il
consulat de Metellus jusqu'à l'avénement vécut dans son pays natal où il mourut
d'Auguste. La manière dont Horace en en 1832. Quoique très savans, ses ou
parle doit nous faire vivement regretter vrages sont peu connus hors de l'Ita
la perte de cet ouvrage. Il y avait dans lie. C. L.
son style une recherche d'atticisme qui ASKEW ( Anne ), fille d’uv gentil
l'égarait quelquefois et le conduisait à l'é- homme anglais , du comté de Lincoln ,
trange, au bizarre. Cela ne l'a pas empè- née en 1521 , reçut une éducation dis
>

ché d'être sévère envers tous les grands tinguée, et montra, dès sa première jeu
historiens de Rome, de blâmer la manière nesse , une prédilection pour les études
de Salluste, celle de César, enfin de rele- théologiques quilui devint funeste. Ses
ver dans Tite-Live ce qu'il appelle sa idées s'étaient déjà tournées vers la ré
patavinité. L'injustice de Pollion fut bien forme, quand son père , déterminé par
plus grande envers Cicéron, dont la gloire des considérations de fortune , l'accorda
l'importunait. Dans un âge avancé il se en mariage à un homme entièrement dé
remit à fréquenter le barreau et ouvrit voué à la communion romaine . Anne fut
une école de déclamation . Nous ne con- non -seulement contrariée dans ses senti
naissons plus les titres de ses tragédies , mens religieux , mais chassée , et même
nous n'avons pas son livre contre Salluste ; dénoncée par son mari à l'ombrageux
mais le suffrage d'Horace , mais l'amitié roi Henri VIII , qui la fit examiner par
2

de Virgile dontles églogues 4 et 8 lui sont le lord-maire >, les évêques et le chance
dédiées, sont d'assez beaux titres à l'im- lier. Elle fut inébranlable dans sa croyan
mortalité . Pollion mourut à sa campagne ce , et quelques plaisanteries qu'elle se
de Tusculum , en l'an de Rome 757. Au permit dans ses réponses durent irriter
siècle dernier , C. H. Eckhard etP. Éker- ses examinateurs. Dès lors la prison s'ou
man composerent chacun une dissertation vrit pour elle. Après l'avoir interrogée à
sur cet homme célèbre , et M. de Bugny diverses reprises et lui avoir demandé
a intitulé Pollion son tableau du sacre inutilement les noms de plusieurs per
d'Auguste. Le meilleur traité sur ce sujet sonnes de la cour avec lesquelles elle
a paru à Leyde en 1820 : Commentaiio entretenait une correspondance , on
de C. Asinii Pollionis vitá et studiis, auc- prit le parti de la mettre à la question .
tore J. R. Thorbecke. P. G- Y. Anne Askew la soutint avec courage.
ASIOLI ( BONIFACE ) , compositeur Le chancelier trouvant que le lieute
de musique , naquit à Corregio ,> duché nant la ménageait , se fit, dit- on, bour
>
de Modène >, en 1769. Dès l'âge de huit reau lui - même afin d'aggraver le
>
ans il composait , quoiqu'il n'eût aucune tourment. Tous les membres de la vic
instruction . Morigi de Parme fit son time furent disloqués ; elle perdit con
éducation musicale, et à douze ans il naissance et ne la reprit que pour expri
donna deux concerts à Vicence . Après un mer constamment ses convictions . On
séjour de quatre mois à Venise , il re fut obligé de la porter dans un fauteuil
tourna à Corregio , où il fut nommé mai-
> sur la place où le bûcher l'attendait ; elle
tre de chapelle , et composa des morceaux périt dans les flammes à l'âge de 25 ans,
de musique de différens genres . Dans sa le 16 juillet 1546. Les détails de sa con
18 € année il alla à Turin , où il résida férence avec les examinateurs , quelques
neuf ans pendant lesquels il travailla prières et d'autres écrits de dévotion
avec ardeur. En 1796 , il visita de nou- qu'elle avait composés dans sa prison,
veau Venise, et, en 1799, il vint à Milan furent publiés après sa mort. L. C.
où il resta jusqu'en 1813 ; il y fut nom- ASLANI. C'est le nom d'une ancienne
mé professeur de musique du vice-roi. monnaie d'argent , de Hollande , ainsi
Il devint ensuite censeur du conser- appelée d'un mot turc qui signifie lion ,
vatoire de Milan et écrivit plusieurs parce que cette pièceporteun lion pour
ouvrages , tels que , Trattato d'Armo- écusson et pour effigie. On fabriquait
nia ; Principi elementari; Prepara- aussi des aslani à Inspruck ; mais l'em
ASM ( 392 ) ASP
preinte du lion était tellement défec- ASPASIE , de Milet, était fille d'A
tueuse que les Arabes le prirent pour xiochus, et appartenait à une famille dis
un chien , et lui donnèrent la dénomi- tinguée ;; elle était remarquable par son
nation d’abukesb. Les aslani n'ont plus esprit, non moins que parsa beauté.Quel
cours aujourd'hui en Hollande. D. A. D. ques personnes qui entendent mal l'an
ASMODÉE , nom du démon qui ob- tiquité , l'ont rangée parmi les plus viles
sédait la fille de Raguel ( Tobie vi , 4 )
et
courtisanes , et cette grave erreur vient
qui fut ensuite chassé par le moyen d'un apparemment de ce que dans Athènes
fiel de poisson. Son nom lui vient , selon toute étrangère était maintenue dans une
Jes uns, de l'hébreu Eschmedaï, feu de condition inférieure à celle des citoyen
la Médie, parce que, dans ce pays, il ins- nes : à tel point que leurs enfans,fussent-ils
pirait le feu de l'amour impur; selonnés du mariage, n'étaient point regardés
d'autres , il vient de Chamad , extermi- comme légitimes. Aspasie , pour n'avoir
ner ; ce serait donc Haschmedaï, l'ex- pas joui des mêmes avantages que les
terminateur, l'ange exterminateur.Peut- Athéniennes , ne saurait être rangée par
être aussi que asch est l'article le pour mi les femmes de mauvaise vie. M. de
dire le Mède; et en effet ce mot paraît Burigny ( dans sa vie d’Aspasie ) dit
être persan. qu'elle courut à la gloire au travers de
Selon les rabbins, Asmodée est né de l'infamie ; mais il n'en demeurera pas
l'inceste de Toubalcain et de Noëma , sa moins vrai que celle qui inspira tant d'at
sour. C'est peut-être sur l'analogie qui tachement à Socrate , et que Périclès ju
existe entre Toubalcaïn avec Vulcain , gea digne de sa main , était une femme
dieu des forgerons, et de Noēma ( dou- d'un rare mérite. Sa maison était le cen
ceur ) avec Vénus , que se fonde l'opinion tre de la bonne compagnie. Socrate la
qui fait d’Asmodée le feu de l'amour fréquentait si assidûment qu'on l'accusa
impur. Les rabbins racontent encore que d'en être amoureux. On tenait chez As
ce démon, après avoir détrôné Salomon pasie des conférences dans lesquelles on
et pris sa place , en fut chassé à son tour traitait des matières les plus sérieuses. La
par Salomon qui l'enchaina et le força politique , la philosophie , l'éloquence et
>

ensuite à l'aider dans la construction la littérature , n'avaient rien qui fût au


du temple de Jérusalem. Ils ajoutent que dessus de sa portée. On alla jusqu'à dire
par le secret que ce démon enseigna à ce que Péricles lui devait ses plus beaux
prince, celui-ci parvint avec le schamir, mouvemens d’éloquence , et peut-être
>

espèce de petit ver , à bâtir le temple n'y a-t-il dans cette assertion rien d'é
sans employer le fer , ni sans faire du trange , car rien n'est propre à enflammer
>

bruit. S. C. le génie comme une noble passion pour


ASMONÉENS , voy. MACHABÉES. une femme douée elle-même de ce que
ASOF , voy . Azor. l'esprit et le goût ont de plus exquis. Ce
ASOPE >, nom commun à quatre pe- qui prouve que Périclès était sérieuse
tites rivières de l'antiquité. La plus con- ment attaché à Aspasie , c'est qu'après
nue est l'Asope de Sicyonie qui prenait avoir quitté sa femme pour l'épouser, il
son cours des frontières de l'Arcadie , conserva toujours pour elle les mêmes
près du mont Cyllène , et tombait dans égards et la même tendresse. Le peuple,
le golfe de Corinthe. On disait que c'é- qui exerçait sa vengeance contre ce grand
tait le Méandre qui traversait la mer et homme sur tout ce qui l'entourait ,
reparaissait dans le Péloponèse sous des avait prêté l'oreille à une accusation in
noms différens . Celui de la Béotie avait tentée contre Aspasie par le poète comique
sa source au Cithéron , et son embou- Hermippus : il la taxait d'impiété et pré
chure dans la mer , en face d’Érétrie . tendait qu'elle attirait chez elle des fem
>

Celui de Thessalie coulait du mont OEta mes libres pour les prostituer à Périclès.
jusqu'à la mer Égée où il se perdait en- Celui -ci la défendit avec chaleur , ré
tre le Sperchius et les Thermopyles. panditdes larmes au milieu de l’Aréopage ,
Celui de Phrygie joignait le Lycus près et obtint son absolution . Dans leurs traits
de Laodicée. VAL. P. malins les Athéniens le comparaient à
ASP ( 393 ) ASP
Jupiter Olympien et Aspasie à Junon. d'hui on ne distingue que trois as
On prétend qu'Aspasie fit déclarer deux pects , qu'on désigne ordinairement par
fois la guerre par son influence , d'abord leurs noms spéciaux de conjonction ,d'op
contre les Samiens pour venger Milet, sa position , et de quadrature. Deux astres
patrie ; puis , si l'on en croyait Aristo- sont en conjonction lorsque leurs longi
phane , elle aurait allumé la guerre dans tudes astronomiques ( voy. ASCENSION
le Péloponèse , en haine des Mégariens DROITE et LONGITUDE ) sont les mêmes ; en
qui , pour se venger d'un enlèvement opposition , lorsque ces longitudes diffè
fait chez eux par les Athéniens , auraient rent d'une demi- circonférence , ou que
à leur tour enlevé deux filles d’Aspasie . les rayons vecteurs de deux astres se pro
Aspasie avait eu un fils de Péricles ; mais jettent sur deux points opposés de l'éclip
après sa mort , celle qui avait été l'amie tique ; enfin , en quadrature, lorsque les
>

de Socrate , celle qu'Alcibiade avait en- longitudes diffèrent d'un quart de cir
tourée d'hommages , se prit d'amour pour conférence . Ainsi la lune est en conjonc
un homme obscur appelé Lysicles ; tel tion avec le soleil lorsqu'elle est nouvelle,
était l'ascendant de cette femme extraor- en opposition lorsqu'elle est pleine, en
dinaire qu'au lieu de s'abaisser , elle l'é- quadrature lorsqu'elle se trouve dans son
leva : il devint bientôt l'un des premiers premier ou troisième quartier . Pour la
personnages de la république ; Hesychius lune seulement, le mot de syzygies ( voy .)
dit qu'elle l'épousa. désigne d'une manière collective la con
Dans le Menexène de Platon se trouve jonction et l'opposition. Les astronomes
un discours composé par Aspasie en dans leurs éphémérides indiquent la con
l'honneur des guerriers morts pour la jonction, l'opposition et la quadrature par.
patrie à Lechæum . C'est un chef-d'auvre les signes o , o , J.
9 A. C.
d'éloquence dont on fait communément ASPERGE (asparagus officinalis),
honneur à Platon lui-même, bien que So- plante vivace de la famille des aspa
crate le rapporte comme l'ayant entendu raginées et du genre asparagus, qui
la veille de la bouche d’Aspasie. Cicéron ont pris l'un et l'autre son nom.
dit que les Athéniens, charmés de la L'asperge croit à l'état sauvage dans
beauté de ce panegyrique , le faisaient une grande partie de l'Europe ; assez
prononcer tous les ans, et que cet usage rare en France et en Angleterre , elle
durait encore de son temps. abonde à tel point dans les steppes de la
Le nom d'Aspasie devint bientôt pour Russie et de l'ancienne Pologne qu'elle
les femmes aimables ce qu'était celui y sert de fourrage. Jadis les Romains
d'Alexandre pour les guerriers conqué- en faisaient grand cas , ainsi que l'attes
rans. Le jeune Cyrus le donna à Myrto, tent les écrits de Pline et de Caton. Ce
sa maitresse ; Eschine , disciple de So- | dernier entre dans des détails si minu
crate , et Antisthène, le chef des Cyni- tieux sursa culture et sesavantages, qu'on
ques , avaient chacun fait un ouvrage a pu penser qu'elle n'était pas utilisée ,
intitulé Aspasie. Nous n'avons plus ni bien avant lui , commeplantealimentaire.
l'un ni l'autre. Voir Gilles Ménage , Il est à remarquer que , quoique cul
Histoire des femmesphilosophes; Bayle, tivée depuis fort long -temps , l'asperge
dans une note à l'article Péricles, et Bu- | n'a donné naissance à aucune variété
rigny dans les Mémoires de l'académie fixe. Celles qui ont été désignées comme
des inscriptions ; mais il ne faut lire ce telles ne sont dues, en effet, qu'au sol et
dernier qu'avec précaution . P. G- Y . au climat , puisqu'elles ne survivent pas
ASPECT DU CIEL . Le mot aspect au changement de localité.
se dit de la situation des planètes entre / On multiplie cette plante précieuse
elles , et relativement à la terre ou au de semis faits en place, qui donnent des
soleil. Lorsque l'astronomie était plus produits assez souvent plus beaux , mais
ou moins mélangée d'astrologie judi- plus tardifs d'une année, que les plan
ciaire , on donnait une très grande im- tations ; ou en pépinières , pour fournir
portance aux aspects , et on en distin- les pattes ou griffesqu'on est dans l'usage
guait de beaucoup de sortes. Aujour- de transplanter à demeure, en planches2
ASP ( 394 ) ASP
ou en carrés, lorsqu'elles ont atteint leur ceux qui entraient dans les temples des
seconde année . dieux. On se rappelle à ce sujet l'action
Les asperges aiment un sol léger et violente de Valentinien , depuis en pe
substanciel . Leurs racines ne vivent que reur . Allant un jour, à la suite de Julien ,
trois ans ; mais comme , pendant cet in- au temple de la Fortune, en qualité de
tervalle , il se forme au - dessus dechacune capitaine des gardes , il reçut l'aspersion
d'elles une nouvelle griffe , on peutcon- avec tant d'indignation , qu'il frappa ru
>

server une aspergière quinze ans et plus, dement le ministre chargé des lustra
en la chargeant annuellement d'une cou- tions, et puis il secoua sa main gauche et
che légère de terre préparée, et , de deux déchira son manteau , parce qu'il y était
en deux ans, d'un lit de quelques doigts tombé quelques gouttes d'eau lustrale.
de fumier consommé . Sous la loi de Moïse les aspersions
Il est facile d'obtenir pendant l'hiver étaient fréquentes ; voir les Nombres ,
des asperges que leur qualité médiocre chap. xix , v . 18 .
n'empêche pas d'être recherchées à cause Dans l'église catholique, il ne se fait
de leur rareté. Pour cela on les force sur presque aucune bénédiction qui ne soit
couches et sous chassis , ou en planches suivie de l'aspersion . Quand on dédie
également recouvertes de chassis et en- une église , on fait trois aspersions dans
tourées de réchauds de fumier qu'on re- l'intérieur et trois autour de l'édifice, avec
nouvelle au besoin , à mesure qu'ils se de l'eau bénite et de l'hysope. Quand on
refroidissent. O. L. T. consacre un autel, on l'asperge sept fois.
ASPERN , voy. EsSLINGEN. Le dimanche avant la célébration des
ASPERSION , du latin aspergere , saints mystères, suivant l'usage établi dans
e

arroser. L'aspersion se fait, sur les per- leix° siècle par le pape Léon IV, le prêtre
sonnes et sur les choses ,> avec une bran- asperge l'autel , l'église et les assistans.
che d'arbre , avec de l'herbe , avec un Celie aspersion varie, au gré des pas
instrument nommé goupillon , qui est teurs et suivant les diocèses.
une petite verge dont le bout est tra Aux enterremens , on asperge le corps
versé par des soies de cochon en forme de du défunt à plusieurs reprises. Le jour
croix ; ou un manche de métal , terminé de la Commémoration des fidèles tré
par une petite pomme qui est également passés , 2 novembre, l'aspersion se fait
de métal , creuse , propre à contenir une autour du cimetière et dans tous les
éponge , et percée de petits trous . Le lieux où reposent les cendres des catho
mot goupillon , suivant Ducange, vient liques. Il est des rituels où , pour conju
de vupilio , parce qu'une queue de re- rer les démons de l'air , on asperge la nue
nard servait jadis pour les aspersions à orageuse , quand le tonnerre gronde : on
Notre - Dame de Paris . Cet instrument est asperge aussi les cloches , quand elles
aussi appelé aspersoir, aspergès. sont baptisées, le pain-bénit , etc.
Presque tous les peuples ont pratiqué Hincmar de Reims recommande dans
l'aspersion comme supplément d'ablu- ses Capitules d'asperger souvent les mai
tion , et par conséquent comme moyen sons , les champs ?, les vignes >, les pâtu
d'expier , d'effacer les fautes légales et rages , les troupeaux . Cette aspersion
les impuretés religieuses. n'est guère usitée maintenant que dans
Dans la presqu'ile du Gange , il y a les octaves de Pâques et de la Pentecôte ,
quelques aspersions de tirtain ( eau lus- pendant les Rogations et à des fêtes lo
trale), dans lesquelles on emploie l'herbe cales. A Milan , conformément au rituel
>

Darba. Plus souvent cependant l'officiant du cardinal Monti,le curé asperge toutes
verse dans le creux de la main de chacun les maisons de sa paroisse la veille de
un peu de tirtam , et cette eau purifiante Noël. Cette cérémonie aa lieu dans d'au
est bue sur -le- champ. ( Voy. Mæurs , tres diocèses la veille ou le jour de l'É
institutions et cérémonies des peuples piphanie. J. L.
de l'Inde , par M. Dubois.) ASPHALTE , asphaltum , bitume
Les anciens Romains avaient leurs asphalte , poix minérale. C'est une va
aspersions, que les prêtres faisaient sur riété de bitume (voy. ). Il se rencontre en
ASP ( 395 ) ASP
Tatarie , en Suisse , et spécialementà la dans la respiration , devient incapable
surface du lac de Judée qu'on nomme d'entretenir la vie.
pour cette raison Mer-Asphaltite. Il est Quant aux symptômes qui annoncent
solide , noir , opaque , quand il se trouve les diverses espèces d'asphyxie >, et au
en masse ; il se montre rougeâtre et de- traitement qu'elles réclament , voyez les
mi-transparent sur ses bords , si on le articles CHARBON , Noyés , PENDUS ,
coupe par tranches minces ; il est très Plomb, SECOURS PUBLICS. F. R.
friable; il a une cassure brillante et ra- ASPIC , espèce de serpent du genre
boteuse ; il brûle aisément , produit une couleuvre ; c'est l'haie , vipera haia, des
flamme bleuâtre et répand une odeur bi- naturalistes. Pendant long -temps les sa
tumineuse, empyreumatique. Les anciens vans se consumèrent en recherches in
s'en servaient quelquefois pour embau- utiles pour retrouver l'aspic que les poèm
mer les cadavres; à cet effet, après l'avoir tes et les historiens avaient tant célébré.
fait fondre , on l'injectait dans les cavités Linnée avait cru rencontrer cet aspic his
du corps ; on emploie aujourd'hui pour torique dansun serpent du genre couleu
l'embaumement des substances d'une ef- vre,mais qui était tout-à-fait innocent; déjà
ficacité bien plus certaine. L'asphalte est la corbeille homicide de Cléopâtre avait
susceptible de fournir par la distillation perdu son prestige , et ce fameux aspic
>

une huile d'un blanc clair , qu'on a pen- était relégné parmi les fables des anciens,
dant quelque temps employée en méde- à côté des merveilles des salamandres ,
cine , dans les maladies nerveuses , mais des protées et des sirènes. Cependant ,
qu'on a abandonnée. S-N. lors de l'expédition des Français en
ASPHALTITE , voy .MORTE (mer ). Égypte , des naturalistes reprirent les
>

ASPHYXIE. L'asphyxie est un état recherches de Linnée et furent plus heu


de mort apparente dans lequel la respi- reux que lui: l'aspic fut retrouvé dans les
ration , la circulation etl'innervation sont lieux même où régna jadis la maitresse
suspendues, et qui, lorsqu'il se prolonge, d'Antoine.
peut se terminer par la mort réelle. Plu- La bouche de l’haie offre deux cro
sieurs causes peuvent produire cet acci- chets qu'on appelle crochets à venin ,
dent et nécessitent quelque différence sortes d'épines courbes conduisant à un
dans lesmoyenscuratifs. Tantôt , en effet, canal où se trouve une tumeur for
c'est un obstacle mécanique qui s'oppose mée par un organe placé à sa base. Or
à l'entrée de l'air dans le poumon, comme cette humeur est de nature essentielle
chez les noyés, lespendus;ou bien encore ment vénéneuse. Instillée sous la peau
ce sont des corps étrangers introduits d'un animal , elle détermine chez lui une
accidentellement dans le larynx et la sorte d'engourdissement qui te conduit
trachée -artère , ou développés dans ces plus ou moins rapidement à la mort,
canaux à l'occasion d'une maladie ( voy. suivant la réaction plus ou moins forte
CORPS ÉTRANGERS et Croup) ; tantôt c'est qu'il oppose à l'action de l'agent délé
l'introduction dans le poumon de gaz tère. Les jongleurs du Caire et d'autres
qui , sans être précisément nuisibles , ne villes d'Égypte lèvent un impôt sur la cu
sont pas propres à entretenir la respi- riosité du public à l'aide de l’aspic. Ils
ration ; tels sont les gaz azote ‫و‬, hydrogène, ont eu au préalable le soin d'arracher
hydrogène carboné , air atmosphérique les crochets du serpent , pour lui ôter
non renouvelé ; tantôt enfin ce sont des tout moyen de les blesser. L'expérience
gaz délétères , comme le gaz acide hydro- leur a appris qu'en exerçant avec le doig!
sulfurique, l'acide hydro-cyanique en une pression sur la nuque de l'animal ,
vapeurs ; mais cette dernière espèce d'as- celui-ci est frappé instantanément d'une
phyxie est un véritable empoisonne- roideur convulsive, et ils ne manquent
ment. jamais de se faire admirer par cette pe
Quelle que soit d'ailleurs la cause de tite mancuvre. On a beaucoup parlé il
l'asphyxie , elle a lieu lorsque le sang ' y a quelques années d'un prétendu aspic
veineux, ne pouvant plus se convertir en trouvé dans la forêt de Fontainebleau ,
sang artériel, par le contactde l'oxigène et qui avait déjà fait ou devait faire in
ASP ASS
( 396 )
cessamment de nombreuses victimes; ce et les derniers officiers , c'est -à - dire les
n'était qu'une variété de la vipère com- enseignes de vaisseau. Les aspirans de
mune : la frayeur qu'on en éprouvait seconde classe , quoique affectés au
était donc toute gratuite. même service que les aspirans de pre
On désigne encore sous le nom d'as- mière , étaient rangés dans la hiérarchie
pic une espèce de lavande qui croit prin- navale au-dessous des premiers maîtres.
cipalement en Provence , et dont on tire
> Celte classification un peu anormale don
l'huile d'aspic. S- N. nait lieu bien souvent à d'étranges inter
ASPIRANT . Comme adjectif , ce mot prétations dans la marche du service ma
se joint aux substantifs tuyau , pompe, etc. ritime. Un décret impérial de 1810 vint
(voy. ces mots); il désigne l'usageauquel metire fin à cette petite anarchie en fixant
ils sont employés et la propriété qu'ils le grade et les attributions des aspirans
ont d'élever l'eau à une certaine hauteurde première classe , et en faisant passer
en la tirant, à la différence des machines le plus ancien aspirantdeseconde classe ,
qui élèvent l'eau en la poussant. L'eau sous le nom d'officier de flottille, dans
dans les pompes ne peut guère être aspi- l'armée de réserve de la marine.
rée qu'à 25 ou 26 pieds de haut, quoi- La -restauration en 1817 changea le
qu'on puisse la pousser jusqu'à 32 pieds. titre d'aspirant et de sous- lieutenantde
Pris substantivement, aspirant se dit marine en celui d'élèves de première et
généralement de ceux qui veulent par- de seconde classes , et au lieu de l'épau
venir à quelque chose , et spécialement lette mélangée de bleu qui décorait ces
>

de ceux qui poursuivent leur réception jennes officiers , on leur donna l'aiguil
>

en quelques degrés dans une faculté : lette que portaient trente ansauparavant
aspirant au baccalauréat, à la licence, les gardes-marine.
au doctorat. Autrefois, dans les six corps Les fonctions des élèves à bord s'éten
des marchands de Paris, l'aspirant à la dent à tout ce qui a pour but de secon
maitrise était celui qui , ayant l'âge re- der le service des officiers. Les embar
quis , ayant fait son temps d'apprentis- cations employées à l'usage du bâtiment
sage, demandait à être reça maitre. Parmi sont commandées par les élèves , et leur
les religieuses on nommait aspirante celle place sur les navires de l'état est mar
qui , après avoir fait son noviciat, aspi- quée , selon une vieille maxime consa
>

rait ou était censée aspirer à prononcer crée dans la marine , partout où il y a


chose à faire et quelque instruc
solennellement les veux que son ordre quelqueacquérir
exigeait . R -Y. tion à . E, C.
ASPIRANT DE MARINE . Ce ti- ASPIRATION . Ce mot, qu'on em
tre , après la première révolution , rem-
> ploie dans les sciences physiques et phy-
plaça celui de garde -marine, par lequel siologiques, semblerait désignerune force
on désignait, sous l'ancienne monarchie, active , d'une nature analogue à l'attrac
les jeunes gens de famille destinés à de- tion ; il n'en est point ainsi. En physio
venir officiers de vaisseau . Plus tard , logie il est synonyme du mot inspiration,
lorsque la restauration sembla vouloir plus généralement employé , et qui dési
répudier jusqu'au nom des grades adop- gne un des mouvemens dont se compose
tés par le gouvernement impérial, on la partie mécanique de l'acte de la res
convertit les aspirans en élèves de la ma- piration ( voy. cemot ).En physique l'as
rine, et c'est encore sous cette dernière piration est le mouvement par lequel un
dénomination que sont connus à bord de fluide, liquide ou gazeux , obéissant à la
nos bâtimens de guerre les jeunes ma- pression atmosphérique, s'élève dans un
rins qui forment la classe ou , comme on espace où cette pression n'existe pas
dit , la pépinière d'où l'on tire les offi- | parce qu'on y a fait le vide , ou n'y pos
ciers de l'armée navale. sède au moins qu'une plus faible puis
Les aspirans de marine se divisaient sance . S-n.
en deux classes. Les aspirans de pre- ASSA , voy. Asa.
inière classe occupaient à bord le rang ASSAINISSEMENT , action d'as
intermédiaire entre les premiers maîtres / sainir un lieu quelconque, d'en écarter
ASS ( 397 ) ASS
les causes capables d'agir d'une manière de voir la vie humaine traverser heureu
plus ou moins fâcheuse sur les êtres ani- sement les écueils qu'elle doitparcourir,
més qui l'habitent. et ne se terminer qu'à la vieillesse. C'est
L'observation démontre à chaque pas en France, en particulier, que les travaux
que les animaux , et l'homme surtout , de ce genre ont été nombreux et fertiles
éprouvent continuellement l'influence dans leurs résultats ; et ces résultats ne
d'agens qui tendent à altérer ou même à
se sont pas uniquement bornés à notre
détruire leur santé ; et l'on a vu fré-
patrie.
quemment certaines dispositions atmo- Les grandes agglomérations d'indi
sphériques, certaines émanations,exercer vidus sont de puissantes causes de des
sur des populations entières une action truction > et les calculs démontrent
funeste si évidente qu'on n'a pu s'em- que la vie de l'homme est moins longue
pêcher de la constater à diverses épo- dans les grandes villes que partout
ques. C'est surtout chez les hommes ras- ailleurs ( voy. LONGÉVITÉ ). Une foule
semblés en société et soumis par une de causes partielles agissent incessai
civilisation plus ou moins avancée à ment et atteignent ceux même qui se
l'impression nuisible de causes uniformes , croient soustraits à leur influence. Le
que l'expérience a été faite et qu'est né défaut de circulation de l'air, occasionné
le besoin de se garantir de ce qu'on avait par des rues étroites et obscures, les in
reconnu comme dangereux . Dans l'état nombrables émanations qui s'exhalent à
sauvage , l'homme, endurci à la fatigue et chaque moment des ateliers, des fabriques,
vagabond par la nature même des cho- ne sont-ils pas les moteurs principaux
ses, s'est rarement fixé dans un lieu in- des maladies , soit épidémiques, soit en
salubre , ou, guidé par un instinct conser- démiques , qui moissonnent régulière
vateur , il a su abandonner des localités ment une partie considérable de la po
devenues malfaisantes et dans lesquelles pulation , et qui, de temps en temps ,
d'ailleurs aucun intérêt ne pouvait lere- prenant une énergie plus meurtrière , les
tenir. L'homme social au contraire, sou- déciment en quelque sorte d'un seul
vent enchainé par les institutions , les coup ? Et l'on doit remarquer qu'indé
besoins ou les préjugés, nait , végète et pendamment de leur action générale, ces
meurt souvent avant le terme prescrit causes destructives en ont encore une

par la nature , victime de maux que l'i- qu'elles exercent plus spécialement sur
goorance accumule autour de lui, et certaines classes d'individus qui leur sont
qu'il lui serait , dans la plupart des cas, plus immédiatement soumises . C'est ainsi
facile d'éviter. que tel ouvrier , après avoir subi l'in
De tout temps les médecins et les fluence fâcheuse de l'habitation d'un quar
hommes d'état ont été frappés de l'in tier humide et mal aéré , est encore , de
fluence remarquable qu'exerçaient, sur la plus, exposé dans son atelier à des éma
santé etsur la longévité des peuples,certai- nations putrides ou métalliques, capables
nes conditions de l'atmosphère, certaines dejà de détériorer sa santé et d’abréger
professions; et les écrits des anciens nous son existence , quand bien même elles ne
font voir que l'hygiènepublique et privée seraient pas aidées par la malpropreté ,
était connue et honorée chez eux. Leurs la mauvaise nourriture , et les excès de
coutumes et leurs monumens le prou- tout genre auxquels il se livre trop sou
vent jusqu'à l'évidence. Dans les temps vent. V. SALUBRITÉ .
d'ignorance et de barbarie , on ne re- Parmi les moyens d'assainissement les
trouve plus qu'à peine des traces de cette plus utiles et les plus généralement em
sollicitude active et bienveillante des gou- | ployés , on doit compter d'abord le re
vernemens pour la santé des peuples, et nouvellement de l'air , qu'on obtient de
il faut arriver à l'époque où nous vivons différentes façons, suivant les circon
pour voir l'assainissement devenir un art stances. Ainsi , relativement à une ville ,
complet , éclairé par les sciences physi- par exemple, on a souvent remédié à des
ques , et appliqué avec tant de succès maladies endémiques en abattant un bois
qu'il ferait naitre la séduisante espérance voisin, et en ouvrant ainsi un accès aux
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vents du nord ou de l'est qui vinrent agi- Quelle que soit l'échelle sur laquelleon
ter une masse d'air auparavant stagnante ; doit opérer, la propreté est un des moyens
comme aussi des plantations d'arbres ont d'assainissement les plus puissans qui exis
neutralisé l'influencedevents nuisibles; et tent , car il est généralement plus facilede
c'est encore ainsi qu'en détournant un prévenir que de combattre les accidens.
fleuve on a submergé des terrains maréca- Une police active et bien intentionnée
geux qu'on ne pouvait pas dessécher. Des veillera donc à l'observation des régle
feux allumés dans les places publiques mens sur la hauteur des maisons et la
avaient été employés par les anciens dans largeur des rues ; à l'enlèvement régulier
les cas de peste et avaient été utiles ; mais des boues et des immondices; à l'écoule
on conçoit combien un semblable pro- ment des eaux stagnantes et à la distribu
cédé est d'une application difficile et coû- tion d'une suffisante quantité d'eau pure.
teuse, et combien surtout son action est A ces précautions se joindront celles de
bornée par sa durée. S'agit-il de renou- reléguer hors des villes , à des distances et
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veler l'air dans un espace plus ou moins dans des directions telles que les vents
circonscrit , on y parvient plus sûrement les plus ordinaires ne puissent pas en
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et plus facilement encore , quel que soit rapporter les exhalaisons , tous les éta
le lieu auquel doit s'appliquer cette pré- blissemens qui donnent des émanations
caution sanitaire.Percer de nouvelles croi- nuisibles ; telles sont les voiries, les fabri
sées ou agrandir celles qui existent, en les ques de poudrette ,> de colle forte , de
prolongeant jusqu'au niveau du sol , éta- cordes de boyaux , les tueries, les fabri
blir des ventilateurs (voy.) et des four- ques d'acide, etc. Voy. Voirie ( grande
neaux d'appel (voy.), tels sont les moyens 'et petite.)
simples er efficaces dont on a su , dans Les mêmes soins se répètent en petit
ces derniers temps, tirer un si grand parti, dans les divers arts et métiers dont la pra
el qui ont été adaptés à des besoins si tique est plus ou moins insalubre.
divers qu'on semble les avoir multipliés. Mais de tous les moyens d'assainisse
Et ces procédés ne sont pas seulement ment, le plus puissant peut- être, ou du
applicables au renouvellement de l'air ; moins celui sans lequel tous les autres
ils sont également salutaires dans les cir- restent paralysés et stériles , c'est l'in
constances, très fréquentes dans les arts, struction répandue dans toutes les clas
où tantôt des poussières fines, tantôt des ses inférieures qui, par leur position ,
vapeurs malfaisantes, forment une atmo- sont les plus exposées aux accidens de tout
sphère qu'on ne respire pas sans danger, genre. L'ignorance des ouvriers non-seu
surtout lorsqu'on y est habituellement lement leur fait négliger les précautions
plongé. Mais la ventilation et l'appel ne qui pourraient protéger leur santé et leur
sont pas toujours suffisans, soit parce vie : mais encore elle leur inspire une
que les lieux sur lesquels on doit opérer sorte de vanité ridicule ,9 qui consiste à
sont très étendus ,7 soit parce que les s'exposer au danger sans défense, et qui
miasmes qui s'y exhalent sont trop abon- occasionne les déplorables événemens
dans. Alors on doit avoir recours aux qui arrivent si fréquemment dans les
agenschimiques ayant la propriété de les grandes villes. L'ouvrier éclairé, au con
décomposer. C'est ordinairement sous traire, sait que la propreté est la sauve
forme de vapeurs qu'on emploie ces sub- garde de la santé , et qu'elle doit être
stances ; dans cet état , elles vont se ré- d'autant plus scrupuleuse qu'on manie
pandre dans l'atmosphère et y saisir les habituellement des choses plus dange
émanations nuisibles qu'elles anéantis- reuses. Ainsi , il aura le soin d'avoir des
sent , ou , pour parler plus exactement , vêtemens de travail dont il se dépouillera
qu'elles forcent d'entrer dans de nou- en sortant de l'atelier , de sorte qu'il ne
velles combinaisons qui n'ont plus rien de transportera pas dans son habitation des
délétère. Ainsi agissent les fumigations causes de maladies auxquelles il feraitpar
de chlore , d'acide nitrique , auxquelles ticiper sa famille. Il se lavera fréquem
souvent encoreon ajoute les moyens phy- ment les mains et se baignera le plus sou
siques de renouveler l'air. vent possible. Enfin , comprenant le but
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et les avantages de la ventilation , de et qui est employé pour désigner les sub
l'appel et des fumigations, il veillera fidè- stances diverses dont on se sert pour don
lement à ce que ces appareils salutaires ner aux alimens une saveur plus agréable.
soient toujours en état de fonctionner L'état sauvage danslequel l'homme, sem
régulièrement; et loin de les négliger , blable aux animaux , mangerait ses ali
même d'entraver leur action, comme cela mens sans leur faire subir aucune pré
s'est vu trop souvent , il exigera du mai- paration , est peut-être impossible : on
tre cette garantie de sa conservation . a trouvé chez tous les peuples , non
C'est depuis que l'étude des sciences seulement l'usage de faire cuire les sub
physiques est devenue plus générale, et de- stances dont ils se nourrissaient , mais
puis que le savant n'a pas dédaigné de des- même celui de les assaisonner, soit avec
cendre dans la vie commune et de péné- certains sucs des végétaux, soit avec quel
trer dans l'atelier de l'artisan , que l'as- ques substances minérales , soit enfin
sainissement a fait de grands progrès . On avec des composés plus ou moins com
s'étonne de voir comment des choses si pliqués.
simples et si faciles n'ont pas été plus Les assaisonnemens , plus nombreux
tôt trouvées ; car on voit,dans la plupart chez les peuples civilisés , sont de deux
des cas , que le moyen de remédier aux sortes , les uns sont des substances non
plus funestes accidens peut s'établir pres- nutritives ; tels sont le sel marin , le ni
que sans effort et sans dépense. Le four- tre , le vinaigre et les autres acides vé
neau d'appel, qui a rendu de si grands ser- gétaux, le sucre, les huiles volatiles, l'al
>

vices et qui aurait suffi pour placerau rang cool . Les autres sont des matières alimen
des bienfaiteurs de l'humanité M. d’Ar- taires, telles que les graisses, le beurre ,
cet , son inventeur , est un appareil des les huiles fixes, certains fruits , certaines
>

plus faciles et des moins coûteux à éta- semences ou bulbes . Encore faut- il dire
blir, et cependant il conserve chaque jour que ces substances ne sont employées
la santé de plusieurs milliers d'hommes comme assaisonnement que parce qu'elles
condamnés à de graves maladies et à une contiennent une ou plusieurs des ma
mort prématurée. Les tisserands étaient tières précitées . Ainsi l'ail et l'ognon ne
obligés , pour que leur fil ne devint pas sont que des substances mucilagineuses
cassant, de travailler dans des caves, et se et sucrées , pourvues d'une certaine pro
trouvaient conséquemment exposés à tous portion d'huile volatile ; le citron fournit
les mauxque peuvent produire l'humidité, de l'acide citrique et aussi de l'huile es
le froid et l'absence de lumière. Un chi- sentielle .
miste imagine un enduit formé de sub- Voilà ce qui concerne les assaisonne
stances qui attirent l'humidité de l'air , mens considérés dans leur état de sim
et depuis ce temps les tisserands peu- plicité , état dans lequel on les emploie
vent travailler dans des lieux salubres souvent. Mais souvent aussi de leur com
sans que leur ouvrage en soit moins par- binaison variée résultent des assaisonne
fait. La profession de fabricant de cordes mens tout nouveaux et dont les annales
de boyaux entretenait des exhalaisons de la cuisine fournissent de nombreux
fétides et dangereuses : M. Labarraque y exemples. On pourra voir aux articles
introduisit les chlorures , et cette fabri- CUISINE et Mets que les goûts ont changé
cation non-seulement perd ses dangers à différentes époques , et que certaines
et ses dégoûts , mais même fournit des substances, que nous trouvonspeu agréa
produits plus parfaits. Ces exemples , bles, ont été chez d'autres peuples des
pris au hasard entre mille autres , prou assaisonnemens fort recherchés . On re
vent l'importance de l'assainissement. Il marque cependant que le sel , le sucre ,
serait facile de montrer aussi qu'il exerce les huiles , les acides végétaux et les aro
une influence morale sur les ouvriers . mates ont été de tout temps les assaison
V. OUVRIERS. G. A-L . nemens les plus usités.
ASSAISONNEMENS , mot dont au- On s'est fréquemment élevé contre les
cune étymologie connue n’explique la assaisonnemens, et on les a proscrits sans
signification d'une manièresatisfaisante , réserve. On a vu même des personnes
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s'astreindre à un régime composé d'ali- , salutaire cherche-t-il par les assaison
mens qui n'avaient subi aucune prépara- nemens les plus piquans à seprocurer une
tion ; on en voit d'autres redouter toute apparence d'appétit , la souffrance qui
espèce d'aliment sapide et ne se nourrir suivra ses repas devra l'avertir de son er
que de choses douces et fades. C'est l'a- reur ; trop heureux s'il comprend cet
bus et non l'usage qu'il faut défendre. avis de la nature , et s'il ne va pas cher
Sans doute il est bien vrai de dire que cher dans des excitans plus dangereux
des substances acres et irritantes, mêlées encore le remède aux maux que l'abus
en trop grande proportion aux alimens , des assaisonnemens a provoqués chez lui.
ont le double inconvénient de provoquer En résumé, sous le rapport de leurs
un appétit factice qui nous porte à sur- effets sur l'économie animale , les assai
charger notre estomac, outre qu'elles s'in- sonnemens sont des excitans qui ne
troduisent dans le sang où elles devien- présentent rien de particulier et dont
nent des causes puissantes de maladies ; | l'action salutaire ou nuisible dépend
mais il est également démontré que l'ad- toujours de la proportion et des circon
dition du sel , du vinaigre , des graisses , stances dans lesquelles l'homme en fait
des huiles , à divers alimens végétaux ou usage ( voy. Excitans ).
animaux , non -seulement leur donne une Les trois règnes de la nature fournis
saveur plus agréable, mais encore у dé- sent des assaisonnemens. Les minéraux
termine des modifications chimiques par en donnent peu : ce sont le sel marin
suite desquelles ils deviennentplus nutri- ( hydrochlorate de soude ), le plus em
tifs et plus digestibles, ployé de tous peut-être ; le nitre ( nitrate
L'usage des assaisonnemens simples de potasse ) et l'hydrochlorate d’ammo
dont nous venons de parler est très gé- niaque introduit tout récemment. Les
néralement répandu. Pour ceux qui sont végétaux en offrent un grand nombre :
plus compliqués, un petit nombre d'in- des acides, tels que le vinaigre, l'acide ci
dividus a continué de s'en servir et en trique, etc.; des plantes pourvues d’huiles
éprouve un détriment d'autant plus con- essentielles, comme la cannelle,> la mus
sidérable que,mêlés à des substances dé- cade , le gérofle, le gingembre , l'estra
jà très sapides et très nutritives par elles gon , l'ail , l'ognon, et toutes leurs varié
mêmes , ils en accroissent encore les tés , le persil, le piment, le poivre , le
qualités excitantes. Or il faut, pour que raifort, le safran , la vanille. Viennent
les alimens soient facilement digérés , ensuite les champignonset les truffes, en
qu'ils soient pourvus d'une certaine som- fin les huiles d'olives , de noix , etc. , et
me de molécules stimulantes , au - dessus enfin le sucre. Le règne animal nous four
et au-dessous de laquelle ils deviennent nit, comme assaisonnemens , le miel , le
impropres à nourrir et à réparer le corps lait , le beurre et le fromage, les vian
humain. C'est avec raison qu'on l'a dit: des et le poisson fumés et qui, par leur
la tempérance et l'exercice sont les meil- combinaison avec l'acide pyroligneux, ont
leurs assaisonnemens des mets. En vain pris des propriétés nouvelles. Voy , les
l'homme qui méconnait cette loi sage et articles de détail . F. R.

FIN DE LA PREMIÈRE PARTIE DU TOME SECOND,


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