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UNIVERSITY OF VIRGINIA LIBRARY
JOURNAL ASIATIQUE

TOME CCXVI
JOURNAL ASIATIQUE
RECUEIL TRIMESTRIEL
DE MÉMOIRES ET DE NOTICES
RELATIFS AUX ÉTUDES ORIENTALES
PUBLIÉ PAR LA SOCIÉTÉ ASIATIQUE

TOME CCXVI

PARIS
IMPRIMERIE NATIONALE

LIBRAIRIE ORIENTALISTE PAUL GEUTHNER


RUE JACOB, N° 13 (VI")

MDCCCCXX X
-- -
JOURNAL ASIATIQUE PJ
RECUEIL TRIMESTRIEL J52
DE MÉMOIRES ET DE NOTICES 216
217
RELATIFS AUX ÉTUDES ORIENTALES 1980
PUBLIÉ PAR LA SOCIÉTÉ ASIATIQUE

TOME CCXVI

N° 1 - JANVIER -MARS 1930

Tableau des jours de séance pour l'année 1930.


Les séances ont lieu le second vendredi du mois à 5 heures, au siège
de la Société , rue de Seine, nº 1.
AV MAI. Jenn. | JOLL.-ACT.-SEPT.-OCT. nov. dc.

119 Béance Vacances. 1412


1014 générale
Bibliothèque.
La Bibliothèque de la Société , rue de Seine, nº 1 , ost ouverte lo vendredi,
de 2 heures à 4 heures, et le samedi, de 9 heures à 6 heures.

PARIS
LIBRAIRIE ORIENTALISTE PAUL GEUTHNER
LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ ASIATIQUE

RUE JACOB, Nº 13 (vrº)


A Les collaborateurs du Journal sont instamment priés d 'adopter
la transcription précédemment indiquée (annexe du fascicule janvier
mars 1923), qui, pour l' alphabet arabe, est la suivante :
ub,wl, 1, 7j,zh, żb, sd, sd, , , jx , ww 8, 8,
108, wd,bl, b ?, ¿ of, ök, uk, Jl, pm , un,sh,
, , s y, 8 : état absolu a , état construit at.
Voyelles et diphtongues : 6 ba; w bi, be; & bu, bo; \ bā ; a bi,
be ; ‫ و‬ba , ba ; bag : ‫ بو‬bate ,

La Société Asiatique faitfaire de chaque article et mélange publiés dans


le Journal 50 suites de tirage avec couverture imprimées qui seront
gracieusement adressées à l'auteur. Un plus grand nombre de tirages
peuvent être faits aux frais des auteurs, pour ceux de nos confrères
ou rédacteurs du Journal qui le demanderont, soit personnellement,
soit par l'intermédiaire de notre libraire ou de tel autre libraire pari
sien , en renvoyant les placards corrigés.
Chaque compte rendu donne droit à 5 exemplaires en bonnes feuilles.
JOURNAL ASIATIQUE.
JANVIER -MARS 1930 .

SAKW A - L -GARIB ANI L - AWTAN


' ILA ULAMA - L - BULDAN ,
DE

AYN NL -QUDAT AL-HAMADANI


. (+ 525-1131),
ÉDITÉE ET TRADUITE , AVEC INTRODUCTION ET NOTES ,

PAR

MOHAMMED BEN ABD EL -JALIL .

TRANSCRIPTION .
6.:m
38
39

a
ina

‫ح‬ ‫ا ا‬ ‫س‬
zc

IATIONS .

Voms propres.
*Ay : Ayn al- Qudat.
A. G . : Ahmad Al-Gazāli.
Darg : ad-Darguzini.
M .: Muhammad.
COXFI.
AAMIRIP ATONIN
JANVIER - MARS 1930.

Titres d'ouvrages.
Essai : Essai sur les origines du le.rique technique de la mystiquemusulmane
de L . Massigoon.
Fusaņā : Majma' al-Fusaņā de Hidayat at-Tabaristāni (Téhéran , 1295 ).
Goldziher : Le dogme et la loi de l’Islam d'l. Goldziher, traduit en français
par F . Arin (Paris, 1920).

-
Hallāj ? La passion d ’Al-Hallāj de L .Massignon .

-
-
J. R. A. S. : Article de M . Nicholson in J. R . A .S. : Origin and develop

-
-
ment of Sufism , 1906 , p. 303 et suiv.

-
kašf : Kašf al-Mahjūb d'Al-Hujwirí (+ c. 470), Irad. Nicholson.

-
kalābādi : Kitāb al-'ihbār biſawa'id al-' Ahbar de Abū-Bakr al-Kalābādi
(+ 380/990), B . N., arabe 5855.
Lawāgih : Lawācīḥ al-'anwār ſi tabaqāt al-'ahyār de 'Abd al-Wahbāb aš
Safrāni (+ 973/1565); Caire, 1305 .
Luma' : Kitāb al-luma' d'as-Sarraj (+ 378 ) éd . Nicholson.
Majālis : Majālis al-'uššāq ( écrits en gog/1503) de Ba’iqaya (+ 9111
1505) , B . N ., sup. persan 776 .
Maktūbāt : B . N ., A. F. persan 35 , recueil d'épilres dont la plupart
sont de 'Ayn al-Qudāt.
Miškūt: Miškātal-'anwār d’Al-Gazāli, Caire, 1322 (a été traduitet com
menté en anglais par Gairdner ap. Asiatic Society Monographs,
vol. XIX , 1924 ). .
Mungid : Al-Munqid min ad-dalal d'Al-Gazāli, édité au Caire en 1309
avec d'autres traités d’Al-Gazālī, dont ’Iljām al-'awāmm ).
Vafaḥāt : laſaḥāt al-’uns min hadarāt al-quds de Jāmi (+ 898 ), Cal
culta , 1858.
Vußrat: Nusrat al-fatra de'lmād ad -din al-'Isfahāni (+597/1 201). B. N.,
arabe 21 45 .
Qüt : Qüt al-Qulüb de ’Abū-Talib al-Makki (+ 386/996 ), éd . du Caire ,
1310 , en 2 vol .
Risala : Ar-risàla al-Qusayriya de ’Abū-b-qāsim al-Qušayri (+465/1072),
éd . du Caire 1319.
Riyad : Riyad al-'ārifin de Hidāyat at- Tabaristāni ( Téhéran 1305 ).
7. A. : Tadkirat al-'awliyā de Farid ad-din al-'attār (+ c. 620/1223 ou
627/1229 ), éd . Nicholson .
Tabagāt : Tabaqāt as- Şahāba d'Ibn Sad, éd . de Leyde.
Tară’iq : Tarā'iq al-haqā'iq de‘Ali Šāh as-Širāzi (Ilāj. Ma'sām ), Téhéran ,
1316 -1318.
LA ŠAKWA. 3 .
Tartes : Recueils de textes relatifs à l'histoire des Seljoucides, t. II (Leide ,
1889 ), où se tronve le résumé de Vusrat ( supra ) fait par al-Bundāri
sous le titre de Zubdat an -nusra wa nuhbat al ‘usra .
T.K.: Tabaqāt aš-šāfiya al-Kubra de Tāj ad -din as-Subki (+779/1370);
Caire , 1324.
T. T. : A dictionary of the technical terms used in the sciences of the musul
mans ( en arabe) , Calcutta , 1862 (ouvrage utilisé dans l'appendice ).
Yaqut : Mujam al buldān de Yāgūt, Leipzig , 1866.
Zubda : Sup. persan 1356 (B. N.) de la Zubdat al-ḥaqā'iq ; s'il s'agit de
l'ouvrage en général, le titre sera donné en entier .
JANVIER -MARS 1930.

INTRODUCTION .

Vie de ‘AYN -Al-QupĀT.


Vulle part la vie de Aq n 'est donnée d'une façon complète ,
Les livres sufis signalent ce qui les intéresse de cette vie : le
sufisme de Aq , l'importance de cet homme, sa lin cruelle .
Certains livres d'histoire donnent la date de sa mort et font
allusion à son exécution. Mais la plupart des ouvrages qui
parlentde lui, ou puisent à une source commune ou se copieni
les uns les autres.
Sources arabes.
4 . Mirʻūt al-janān d 'al-Yāfi79), B . V.,arabe 1590, fol. zlı vº.
b . Nusrat, fol. 177 vº(2) et 18 , vº.
c. T. K ., IV , 236 -23713).

I 1l-Yaliti ( + 768/1367); cité ap. Tarā'ig , II, 155. Gl. BROCK BLMANN ,
Geschichte , II , 176 -177, nº 13. — Le n° 1590 (B . N .) comprend Já deuxième
partie de Mir’āt al-janăn , allant de 399 à 760 (H .).
3 Rapporté in Texles, II , 151.
13. As -Subhidonne comme source Ibn as-Sam 'āni. C'est de l'auteur des
Insāb qu'il s'agit vraisemblablement. On ne parle pas,cependant, de ‘Aq dans
ce dernier ouvrage. Mais il y est question de son père , de son grand'père , de
leur grande culture et de leur mort violente. Le texte ( fol.51; rº du fac-similé
ap .G B , M . Series, t. XX ) n'est pas clair et renvoie à Al-Maqdisi. Le kitab
al-'ansâb ( éd. du Di P. de Jong sous le titre d'Homonyma inter nomina relativa .
Leide. 1865) d'al-Maqdisi (connu sous le nom d'Ibn al-Qaysarāni) ne contient
rien s. r. al-Hamadānı.Le texte d'As-Sam 'āni est exactement, pour une partie ,
le même que celui de Pāgūt (IV , 710). Il aurait été intéressant de trouver la
source commune des deux auteurs.
Mais as-Sam 'āni a écrit d 'autres livres que l'Ansab. On connail de lui un
LA ŠAKWA.
d . Ynqul , IV , 710 (1) ſet I, 225 ; IV , 103 ).
P. H. Halla mentionne Aq à deux reprises avec la date
ile à mort ; éd. de Flugol . III , 536 , n° 6810 , et IV , 69 ,
n° 7635.
Sources persones.
a . Fusahi , I, 340(2 .
b. Habīb-as-siyar(3 de Khondémir (* 9:27 15. 1). Téhéran ,
1971 (in-fol.),p.1806 , l. 16 abf.
c . Majālis , fol. 86 19-881 .
d. Vaahal, p. 1475-477.
ľ . Riyūd, p . 107-108 .
appendice au Tarih de Bagdad d 'Al-Halıb, al-Bagdadı (BROCKELMANA, Geschi
chir , 1 . 330 : Fortsetzung der Geschichte Bagdádi yon al-Ila !ib ) dont, «l'après
. Massignon , il existe un fragment dans le ms. 62 de la Zahiriya de Damas
( section d'histoire ). As-Sani'āni a pu y parler de 19 puisque celui-ci a été
Imprisonne à Bagdad. Mais il semble plus probable que la Sakwă a dû être
classée par as-Sam 'āni dans la catégorie des livres de ļlanin ila-l-awļān. As
Sam 'ānia écrit, précisément, un livre de ce genre . Cl. Wistenfeld , Geschicht
schreiber der Araber (Göttingen , 1882) , nº 251 (p . 88 ) : an-nuzū ila-l’awęän :
Desiderium ad loca patria redeundi ( H . Malla , 136141). C 'est le début de la
Sakwa qu'as-Sam 'āni doit citer dans cet ouvrage si l'on en juge par l'impres
sion d'attendrissement que cette citation laisse à as-Subki et par le vers qu 'il
lui emprunte ( 1. K ., IV , 236:237).
(0 Le texte parle de la mort de Aq et de celles de son père et de son
grand père et ajoute : kama dakarna ſi kitabina ' Ahbär al-'udabā. Il ni a
rien dans Mu'jam al-'udabi , édité par Margoliouth . NiWüstenfeld , ni Bror
helmann ne signalent un 'Ahbar al-'udaba attribué à Yaqut. Mais il en existe
lin , mentionné par !!. Ilalla : 1, 601, n°179 ( cf. Wüstenfeld , p . 138 ), écrit
par Tāj ad-din 'Ali b . 'anjal il-Bagladi ['ilon as-Sā'i] (+ 68 ,1285 , soixante
ans après Yaqut). On peut supposer que l'un des manuscrits sur lesquels
iédition de Mu'jam al-buldan a été faite , appartenait à Ibn as-Sa'i ou dérive
d'un manuscrit qui lui appartenait. La phrase kamā dakarna .. . serait line
addition , une glose qui a fini par s 'incorporer dans la listen, close aisée dans
non dictionnaire .
? Fusaha ne contient pas grand'chose ; mais il donne la source de Riyad :
les Nafahat.
** Citó ar. Țară’iq , 11 , 2511.
JANVIER.MARS 1930.
f. Safinat al-'awliya de Dārā Šiku . B . N ., Sup.persan 146 ,
fol. 199 v°.
g. Țară”iq , II, 254- 554). .
Le nom complet de Aq , donné d'une façon fragmentaire
dans lous les ouvrages qui parlent de lui, est le suivant(2; :
Abdallah b. M .(3) b. Ali b . al-Hasan b. ‘Ali Al-Mayāniji, al
Hamadīni, surnommé Abū -l-Ma'ālē( ) b. Abu-Bakr, Ayn ala
Qudāt.
Il est né à Hamadan (5) en 4921098 . Dans la Sakwi, il
parle de cette ville avec tendresse et lui applique quelques-uns
de ces clichés poétiques que l'usage a consacrés au pays natal.
Nous ne savons pas grand chose sur sa famille . Elle paraît avoir
été à Hamadān depuis longtemps et y avoir jouid 'une grande
considération . Le grand-père de ‘Aqy a exercé les fonctions de
gūdī et y estmort de mort violente . Son père Abu-Bakr M . .
semble avoir eu des accointances avec les Sūfīs , avoir pris part
à certaines de leurs réunions et goûté leurs idées(6). Comme
son père, Abū-Bakr périt d 'une façon violente 7).

(1) Țara'iq puisent largement dans Nafahat et donnentdes passages dont


le parallélisme avec les pages de Riyad est frappant.
Il reste à consulter les Tamaral al- fu ’ād de Sāri 'Abdallah ( en ture ) ,
signalé in ļallāj , 55* , où, d'après 1 . Massignon , il est question de 'Ayn al
qudāt.
(2) C 'est sous le nom de 'Aq que l'auteur est cité le plus souvent et qu'il
est le mieux connu. C 'est d'ailleurs ce nom que lui donnent le plus aisément
les Persans et les Iranisants de nos jours.
43;• In Riyad : M . b. Abdallalı, qui doit être une erreur.
In Safinal aluwliya : abu-l-fadā'il, au lieu d'abu-l-Ma'ali. Abu -Bakr est
bien la kunia de son père (Yaqūl, IV , 710 ; 'Ansab , 547 r.° l. 5, ab fine ).
(5) Al-Mayāniji est le nisba de Miyane ( Yaqut, ibid .); c'est le lieu d 'origine
de sa famille.
(6) Cf. Nafahal,176 , d'après Tamhidät ( Zubda,79 vº, fine . . .).
.? 'Ustushida , disent Yaqut et as-Sam 'ani. On sait que le všhd quidonne
l'idée de témoignage et de martyre , a fini par désigner le fait de ne pas
mourir de mort naturelle , mais par exemple de périr dans un accident, en
LA ŠAKWA.
Le peu donc que nous savons de la famille de Aq nous le
montre comme ayant été assez en vue à Hamadän et comme
ayant eu une histoire assez tourmentée mais qui demeure mys
térieuse pour nous. Au moment où nous faisons connaissance
avec elle , en la personne de Aq, elle appartient au rite
safi'ite (1). .
Nous ne savons rien , non plus, d 'explicite et de précis sur
la jeunesse de 'Aq , sur les éludes qu'il fit et les maitres
qu'il fréquenta avantde s'adonner au şiiſisme. La culture très
vaste dont il fit montre a dû nécessiter de longues années de
travail entrepris très tôt, et témoigne d'une intelligence rare
et très précoce (2)
Bilingue , il connaissait parfaitement la langue arabe et sa
littérature et y ajoutait toute la richesse et toute la force intel
lectuelle que luiprocuraient la race et le génie persans. C 'était
un esprit d 'une grande curiosité (3); il tâla de tout et goûta à
tombantau fond d'un précipice , en succombant sous les ruines d 'une maison ,
en mourant de chagrin d'amour ou même du mal de mer. - - Voir, pour l'évo .
lution de l'idée du martyre en Islām , le chapitre d'al-Buhari sur ce sujet .
Kalabadi , 284 vº; Maktūbāt , 36 rº ; Țabaqal, III, 81.
1 La liste des noms des ascendants de '1q peut faire supposer qu 'ils ont
elé si'ites. Le passage du ši'isme au šāfi'isme ne doit pas étonner : celui-ci
permet la taqiya. C'est dans ce rite que les šiřites se réfugieront plus tard .
On peut aussi se demander, sans recourir à ce passage du šiʻisme au sali
'isme, si la famille de Aq n 'a pas embrassé un inoment avec beaucoup d 'ar
deur la cause 'alide , un peu comme le fondateur du rite šafi'ite lui-même.
? Si l'on en croit un texte de la Sakwa (30 vº 12 ; trad. p. 209), c'est à
l'age de treize ans que 'Aq aurait écrit sa Risäla , c'est-à-dire en 505/1111,
année de la mort d'Al-Gazāli. Et comme elle traite de şufisme, cela suppose
que 'Aq avait connu l'Ihya et Ahmad al-Gazali quelques années auparavant :
re qui parait invraisemblable. Il faudrait ou bien corriger ‘išrin en 'ašr
comme une faute de copiste , ou bien considérer ce mundu 'išrin comme une
maladresse d'expression de l'auteur : au lieu de dire que su Risala avait été
composée à l'âge de vingt ans, il a écrit qu'elle avait été rédigée depuis vingt
ans (voir Šakwa , b ' prº 7 , p . 260 de la trad .). Cette Risala pourrait être alors
la Zubdat al-ḥaqā'iq puisqu'il l'a écrite à l'âge de vingt-quatre ans ( 1184 ra 17,
Irad. p. 261).
; Al-Gazali le futaussi; cf. le debut du Vunqid .
JANVIER -NARS 1930.
tout. Ce fut l'un de ces esprits universels que le moyen âge ,
tant oriental qu’occidental , a connus.
Aq a dû faire des études de loutes sortes : Qoran , hadit ,
liltérature ; poésie , histoire et même philosophic et sciences
exactes . On peut en juger par les listes demots techniques qu 'il
a dressées en sa Sakwii (1) : petit étalage d'érudition assez
innocent, mais qui montre que l'auteur n 'était étranger à
aucune de ces branches du savoir. La variété des ouvrages
qu'il avait écriís ou qu'il se proposait d'écrire (2) en sont aussi
une preuve et témoignent chez '19 d 'une grande facilité d 'assi
milation .
Il devint qūdī de sa ville natale et même gādi important et
très aimé puisqu'il fut surnommé " ayn al-qudāt e la perle des
qādīs » . Nous ne savons pas à quelle date précise il recul cette
charge(3). Il semble qu'il faille la placer après son initiation au
şūfisme qui a dû commencer assez tôlin).
C 'est que, comme al-Gazāli qui allait devenir son maître par
ses écrits , Aq , après avoir essayé toutes les sciences de son
époque et peut-être déjà composé des ouvrages , se sentil lassé,
insatisfait, dégoûté (malūl)(5) de toutes ses études; et , comme
al-Gazāli, il se tourna vers le şufisme:
C 'est dans l’Ihyū qu'il chercha la nourriture substantielle
dont il rêvajt. Les sciences profanes et même religieuses —
creuses elles aussi quand elles sont prises comme ſin — - ne
remplissaient pas le vide de son âme. Il nous dit lui-même
qu'il avait lu et relu l'Ihya(0), qu'il avait passé plusieurs années
Sakwa. 34 rº , trad . p . 286 (à l'appendice ).
2 lbid ., 64 pro 10 ( trad. p . 261).
les La chronologie de Aq est difficile à vitablir ; beaucoup de dates sont
discutabios; l'autres demeurent obscures.
Dès la puberte - ( Sakwa , 01" 1 :?; trad . p . 90.) ).
1, Tafahat, 476 , d'après Zubdat al-maya'iq . La crise a les plus aiguë cher
11-Gazalı, qui était déjà mür . C1. Munqid .
19 Vofahal.
LA SAKILI. 9

à en scruter le contenu ; mais toujours le sens se dérobait au .


point qu'il fut près d'en désespérer. Il dût passer une année
dans cet état de souffrances morales , sentant dans ce livre,
l'objet de ses convoitises (maqsūd-i-hod)(1) et ne pouvant l'en
extraire 2).
Il rencontra alors A. G. 13 . C'est à lui qu'échut le rôle de
l'aider à sortir de cette impasse. Durant son séjour à Hamadan ,
celui-ci lui révéla , par ses entretiens, commentaires et écrits ,
le précieux contenu de l'Ihyî . Pris d'enthousiasme, Aq , nalure
généreuse el exaitée, se donna complète.nent à la découverte
qu'il venait de faire : il rechercha e fani dar 'in cīz ; même, dit
il, si je devais vivre la vie de Noé(4)7 .
Il devint un sūfi en renom . Tous les ouvrages qui le men
tionnent, parlent de lui avec une grande vénération . On lui
attribue mêmedes miracles : des personnes meurent et ressus
citent à la prière qu'il en adresse à Dieu (5). Tous disent qu'il
eutde grandes grâces et parvint à un hautdegré de perfection ,
10 Nafahat.
? Avicenne, luiaussi,avait lu et relu la Métaphysique d'Aristole sans pouvoir
la comprendre. Un écrit d 'Al - Fārābi, acheté par hasard , fut pour lui ce
que les commentaires d 'A . G . seront pour 'Ag. Cf. Avicenne , Garra de Vaux ,
p . 134-135.
iste Vafahat (p. 175 ) parle d'un autre maitre de ‘Aq : Abu Abdallah M . b.
Hamawaylı al-Juwayní, auquel ce livre consacre une notice (n° 455 à la même
pare ). Il fut un grand sufi , dit Jāmı, et il composa un ouvrage sur le sufisme
intitulé Salwat a!-!alibin .“Aq l'aurait mis au rang d'Al-Gazālı et de son frère
Ahmad . Il le cite en effet avec ce dernier in Maktūbal, 36 vº. Mais c'est A . C .
qui revient le plus souvent. Aq et lui s'aimaient beaucoup l'un l'autre.
Cf. Nafahat, 576 ; Maktubal, 359 10 et 361rº. C'est pour Ag (bimuhabbal-e
rey ) que Aḥmad al-Gazālı écrivit les Sawāniḥ al-'uššaq, cf. Riyad , 107. - -
Cf. infra , p. 19 , n . 3 ).
! Nafuḥät , 576 ; allusion à Qorun , xxx , 13.
u li est intéressant de remarquer que ce ne sont pas des miracles e passe
parluut, comme le ţayy, le jeune, la possession de richesses naterielles in
risibles, souvent attribuées aux saints de l'Islam . D 'autre part, c'est lui
méme qui rapporte ces faits dans Zubda , for, Pp termes susperts,
Cf. p. 17, et n . 3.
JANVIER-MARS 1930.
qu'il exposa , élucida et expliqua des problèmes et questions
dilficiles de e la Science des réalités » .
Sous la direction et par l'enseignement d’A. G ., Ayn al
Qudät acquit une profonde connaissance du șulisme. Il semble
même devoir être considéré comme le premier fruit de l'effort
de conciliation tenté par le grand Al-Gazāli, la première réac
tion considérable produite par ses auvres.
Il est vrai que l'on ne reconnaît pas habituellement à l'Ihyii
un caractère de profond şūfisme. Aq lui-même semble n 'y
voir qu'un traité de morale pratique(1) et omel de ciler Al
Gazāli parmi les écrivains suſis (2), ne voulant voir en lui que le
grand docteur : hujjat al-Islām . .
Mais il faut, semble-t-il, aller plus loin que 'Aq et alliriner
quc l'Ihyū est plusmystique qu'on ne le croirait tout d 'abord
et qu 'il renferme toute la substance du şūfisme, sous une
forme, à vrai dire, quelque peu édulcorée et très prudente .
C'est d'ailleurs l'un des aspects du caractère d'Al-Gazali :
la prudence. Sauf dans quelques-unes de ses petites risāla - -
que 'Aq a connu vraisemblablement en majeure partie --
petites risīla où il parle plus ouvertement, c'est toujours avec
circonspection qu'écrit Al-Gazāli. Ce n 'est que lentement
d'ailleurs qu'il s'imposa à la communauté musulmane. Etl'on
sait que l'opposition en Occidentmusulman alla jusqu'à livrer
l'Ihyā aux flammes(3)
. Cf. Šakwa , 3/1 1 0 ( trad. p. 210 ). Cette définition estexacte .
(2) Al-Gazali est classé parmi les hukama in Majālis al-milminin ,sup. persan
( B . N .) 190 , tol. 2181 . - 1 pensait sans doute , que le vrai ṣūli, rétail
A . li., plus que son frère .
3 Cf. MacDonald . The lifi of Il-Ghazali (cf. J. 1.0 . 5., t. II . first hall .
1899 ), p . 110. Cf. l'introduction de Goldziher au Livre d 'Ibu Toumeri
( Alger, 1903 ) , p . 8 . Sur le peu de faveur que la doctrine d 'Al-Gazāli ren
contra chez les Malikites. Voir ibid .. p. 37. Al-Gazali eut une sorte de
revanche avec le troisième prioce almohade qui cetira les conséquencesextrêmes
des idées que l'étude de la doctrine de Ghazali avait inspirées à Ibu
Toumert» , en livrant aux flammes les livres du Rite (Malékite )" , ibid . ,
LA ŠAKWA. 11
Aq , lui, semble avoir voulu vivre la substance de la doctrine
de l'Ihyā , présentée et commentée par A . G . Et si Al-Gazālı mit
quelque prudence à dire certaines choses , Aq, au contraire ,
en exprime naïvement le fond , et permet ainsi de saisir sur le
viſ, ce qu'un contact prolongé et assidu avec ce livre peut pro
duire dans une ane préparée et ardente. Et“Aq aura , comme
on le verra, à subir cruellement les conséquences de cette trop
grande franchise et de ce manque de souplesse (0)
Peut-être même, aussi, faut-il supposer que ce n'est qu'à
travers l'Ihyā et les commentaires d'A. G . que, d'abord et sur
tout, 'Aq a connu les grandsmystiques qu'il cite familièrement
et qu'il admire. La manière un peu trop globale dont il ap
précie , par exemple , le Qut(2, inclinerait à faire croire qu'il
n'a pas commencé par connaître directement ce livre. Et s'il l'a
ronnu plus lard , la lecture a dû lui en être facilitée par la
grande familiarité qu'il devait avoir avec son contenu , grâce à
Tihyâ et à A . G .
Par la même voie, 'Aq a connu et aiméAl-Hallāj. Si la Sakwa
ne le nomme pas, ce silence n 'en est que plus significatif ,
lorsqu 'on feuillette le Zubilat al-hagi'ig , où le nom d 'Al-Hallāj

p . ' . De nos jours , Al-Gazalı parait étre condamné à avoir de moins en


moins de partisans. On se tourne de plus en plus vers Ibn Hazm et Ibn
Taymiya .
Les accusations qu'on portera contre lui peuvent être motivéesmème par
les sufis si l'on tient compte d'une règle célebre : miſšā 'sirr ar-rububiya kufr .»
(« C'est une impiété que de révéler au peuple le secret de la puissance di
vinen ), énoncée par Abu- Talib al-Makki et reprise par Al-Gazali (cf. Jallaj, 363).
14 connaît cette règle et la cite in Zubda , 86 )", début, et aussi in Lawa'ih
( d 'après Majális , 88 rº). Aq se traite lui-même de bavard , d 'espion i de
inauvaise langue, cf. Zubda , 86 rº et 1'.
if; Sakwå, 31°18 ( trad . p . 219) 61 38 r" 1 ( trad. p. 213). In Maklu
bat, le Qüt et l'Ihyā sont cités ensemble ( 25 pº et 631° ). On sait que la
grande source de l'Ihya est le Qul ( cf. Goldziher, p. 278 , 1 . ile , et Essai,
470 ). Rien ne s 'oppose à ce que les emprunts , même textuels , soient faits
par voie orale et que les expressions laudatives et admiratives soient de
simples échos de celles d 'A . G . et que 'Ayn al-Qudalfait siennes .
12 JANVIER -MARS 1930 .
se rencontre bien souvent' ). Aq ne se contente pas de le citer :
il défend en outre plusieurs de ses thèses. Le texte le plus
extrémiste d 'Al-Hallāj , le Ta sin ül-azal(2 , lui était connu : il en
cite un passage célèbre(3). Et c'est encore par A . G . qu'il a
connu ce texte. Celui- ci devait posséder des manuscrits des
écrits d'Al-Hallaj dont ilcitait des fragments dans ses sermons
et qu'il y commentait :").
Al-Gazāli , lui, fut plus prudent. Il ne se laissa pas entrainer
par son frère dans cette voie .Mais c'est par lui qu'il a connu
certains textes d'Al-Hallāj qu'il utilise dans la Miškai ). L'un
d'eux, lā huwa 'illii huwa, sera repris par Averroès dans le
Tahiſut at-tahāfut et appliqué à l'intellect agent dans la vie
future, un peu dans le même sens que celui de l'immortalité
impersonnelle du vraidont parlait Renan
Les auteurs şufis n 'ont point inéconnu ce côté hallajien de
la hliation de Aq. Ils disent qu'il lut : mansūri-i-madhab ou

" Le silence de la Sakwa ne doit pas vitonner. Elle fut écrite on prison par
un liomme dont la vie était en jeu. Le nom d 'Al-Hallāj était trop compro
mettant. Il est passé sous silence comme celui d'A G . Cependant'Ag cite dans
la Sakwa deux vers célèbres d'Al-Hallāj (Sakwa , 42 rº 13 et 18 . trad .p . 252.
Mais il évite le fameux 'anā-l-ħage que l'on associe habituellement au Subhani
d'abu-Yazīd (Miškat , 19- 20 ). Zubda (88 rº) les unit aussi ( voir n . 3 . p . 52
et 253 de la traduction ).
-2, Cf. Hallāj , 807 .
Billy Cf. Zubda , 7010 et 90°; Maktūbal, 126 \". Il s'agit du fameux : Ma
suhhat al-fuluwa liahad 'illa li Iblis wa ’Ahmad (mil n 'y a pas eu de prédica
tions légitimes excepté celles de Satan el de Mohammadı , traduction de
M . Vassignon , in plallāj· 867 ). Le passagn list pas transcrit exactement
aux endroits indiqués. Un autre manuscrit de la Zubdat al haqā'iq , Ind . Office ,
Whi, d 'après M . Massignon , le cite correctement au chapitre x après l'avoir
donné sous une forme moins exacle au chapitre 11.
i Ce meine passage du Ța Sm al-azul avait fait l'objet d'un sermon d 'A .
0 ., cf. Hallaj. 871. D 'après V. Mass ynon. J'authenticité de ret écrit d'A. G .
est attestée par Ibn al-Jawzi ( Qussos, fol. 116-1171 onors termes: gaul kaimba,
'ala -1-juz'i bihattihi höda kalamı.
Cl. Hallaj, 8:12 . . .
* Rapprochements faits par M . Massignon dans l'un de ses cours.
LA ŠAKW i.
maslak . Et ils associent toujours cette expression avec cette
autre : fisawi-i-masrab ou mashad (1). De fait , on trouve, dans la
Zuhdat al-haqñ'iq de 'Aq el aussi dans les Maklūbit , des em
prunts lextuels et expressément attribués à 'Isä (2) ou bien sub
stantiels etdéviés de leur origine(3),
Toujours est-il que Aq est considéré par tous, comme un
grand sūſi. Il s'assimila en elfet très vite la sulistance du sol
fisme. La risala pour laquelle il sera condamné et qui l'amé
nera à écrire la Sakwā porte sur ce sujel. Il adopta tout du şu
fisme: la science commel'esprit(a),le somn etle rags et jusqu'à
son esthétisme un peu inquiétant(5).
Aussi ne manqua-t-il pas d 'attirer l'attention. Ses leçons
étaient goûtées ; on aimait à le voir, à l'approcher et à obtenir sa
bénédiction . Il écrivit aussi, et ce fut avec tout l'enthousiasme
et loule l'exaltation de son âge et de son temperament. Les
théologiens en prirent ombrage. Sa fameuse risäla où , comme
il le dit lui-même, il avaitmis sous une forme différente , un
fund substantiellement identique à l'enseignement d'Al-Gazali ),
suscita leur indignation. Ils relevèrent les mots , expressions et

! Cr. Riyad et Tarä’iq .


: In Zubda , 5 " (Sain ! Jean , 1 , 8 ) , cf. Logia , Asin Palacios ( cf. Patro
legia orientalis , t. XIX , fasc . 6 ), n " igo et 207. Voir in Maklúbal (117 1°,
128 ", 251 1° ) un texte curieux , qui est attribué à Muhammad lui-meme in
Kasi al-Mahjūb ( éd . Joukovsky), p.119, 1. 12.
Un hadit faisant allusion à la Résurrection du Christ et où le Prophète
parle de lui-même, Zubda , 52 r". Cf. Šakwā , 112 1° fine ( trad., 255 ), une autre
déviation.
" Il désirait ardemment, dit Riyad , la séparation de l'oiseau divina
1son ame) d'avec ela cage humaine» (son corps). – Cf. Hallāj, 791.
. Cf. Majālis , 86 rº et 88 rº ; voir in Nafahäl, 77 et Țarā'iq les vers de
Táşir-i-Hosrow rapportés in Jami, le Béharistan ( trad. H . Massé ) ,p. 179. Pour
Ihmad al-Gazāli , cf. Essai, p . 88.
* Cf. T. K . , IV , 23 : ora kän hasan al-kalam . .. ma kan annāsu ya 'tagidünahu
da yatabarrakāna bihi in zahara lahu - l - qabule -t-tāmmm 'inda-l-hässi ma
L' amm .
Šakma , 311" 13 ( trad., p. 209 ).
14 . JANVIER -MARS 1930 .
propositions condamnables et accusèrent 'Aq d'hérésie doctri
nale ; ils allèrentmême jusqu'à dire qu'il avait prétendu être
chargé d'une mission prophétique (nubuwa) " , bien plus ,être
divinisé (’ulūhiya)(2).
Ils portèrent la cause devant le vizir Seljucide de l' Iraq ,
en ce temps-là : ad-Darguzini, hommeavide du sang des justes ,
dit la Nusrat(3). Celui-ci le fit mettre en prison à Bağdad .
C'est là qu'il écrivit la Sakwā. Puis Darg. le fit conduire à
Hamadan , où il demeura vraisemblablement chez lui , sous la
surveillance de la police (1, jusqu'à l'arrivée du sultan Mahmud
en cette ville. La nuit même, Aq fut repris et exéculé (5).
Si l'on en croit certains ouvrages(6), toute la responsabilité
de la mort de ‘Aq doit retomber sur ad -Darguzini. Ce ne doit
ètre , croirait-on , qu'une affaire de jalousie politique ayant re
vêtu une forme religieuse et doctrinale grâce aux machinations
d 'un vizir envieux et sanguinaire. Ce serait ad -Darguzini qui
auraitsuscité à Aq des ennemis parmiles théologiens,dans le
but de nuire à Al- Aziz (7), protecteur de ´Aq (8) et favori du sultan
Mahmūd.
1 Sakwā , 33 vºz ( trad., p. 216 ).
9 Cf. Riyad et Țarā’iq. Cf. Zubda , 80 rº. Voir sur crs termes Hallaj ,
p . 192 , n . 1 .
.) Nusrat , 135 r : . . .kān . . . lid -dimā’i saffāka(n ), ma bil-kirāmi fat
tākain ).
(4) Le mot eruddan de T.K ., IV , 237, n'implique pas nécessairement
liberté totale.
Á Vusrat , 1821.
6, Nusrat et T.K .
1. Al-aziz > ‘aziz ad-din ; voir sa biographie ap. Terle , II, p . XIX.
5 T.K ., IV , 236 : wa kān ya'laqidu fihi iliqadan härijan an -l-hadd .
Entre Al-'aziz et Darg. il y avait une rivalité (ibid .). In Nusrät ( fol. 173 pollet
1711r1° ), il est dit qu'Al-'aziz se défait de Darg . et l'évitait. C 'est, dit T.K .,
lors de la disgrace d'Al-'azīz , arrivée par les soins de Darg. d'ailleurs, pour
une affaire compliquée de perles el d'héritage , que Darg . aurait machine
l'exécution de'Aq. Al-'azīz fut lui-même mis à mort,en 597 1133 ( Textes, II ,
XXVII ) peu avant la fin atroce de Darg. ( ibid . , p . 168 ).
LA ŠAKWA. 15
Le portrait que la Vușral (!, fait de Darg. et que rapporto
al-Bundāri n 'est certes pas à prendre au pied de la lettre; il
rappelle celui que les historiens fabbassides ont laissé d’Al
Hajjaj; et l'on aurait raison de mettre en question l'impartialité
de 'Imnād ad-din (2). Il y a sans doute un fond sérieux aux acril
sations lancées contre ad-Darguzinı,mais serait-ce seulement à
la demande du ministre tout-puissant et pour le servir et lui
plaire que les théologiens auraient déclaré une guerre qui
parait avoir été acharnée, à ´Aq ? Il faudrait alors croire que
l'autre version est entièrement l'æuvre d 'une légende forgée
par les şūſis pour auréoler une figure par elle-même sans im
portance ?
Cela paraît invraisemblable (3). C 'est là , plutôt, semble -t-il,
un épisode de la vieille et actuelle querelle des théologiens
étroits(4) et des sūtīs , ct Aq est , lui-même, un nouveau « mar
tyr mystique de l' Islām ,.
On pourrait distinguer dans la vie de Aq.trois étapes. La
première comprendrait la partie de sa jeunesse consacrée aux
i Cf. notamment fol. 138 rº, 170 1°, 171.7", 173 r" ( ses rapports suspects
avec les Bāliniya) et 178 v°, 179 rº et 1° (son peu de reconnaissance pour Al-'aziz
qui l'avait jadis sauvé ) et 137 rº ( ses machinations pour le faire arrêter et dispa
raitre ). Voir les éclaircissements qu'apporte à ce sujet M . Houtsma in Textes ,
II , p . xix et suiv. Cf. un petit détail amusant sur ce vizir in Yaqūt, II , 569 ,
à propos de son nom .
19 Cf. Textes , II , XXIX.
3; La Šakwà s'y oppose. La Zubdat-al-ḥaqā'iq et les Maktūbåt sont déjà des
ouvrages où l'auteur essaye de s'expliquer avec des adversaires dont les noms
de certains d 'entre eux sont donnés : le qādi Sa'd allah (ou Sa'd ad-din ) ; le
hāja Imām , 'Izz ad-din ; l'Imām Divā 'ad-din ; le hāja Kāmil ad-dawla wad-din
(cf. Zubda , 6 vº; FLOGEL , Catalogue de la Bibliothèque de Vrenne , III, 413
914 ). Le quatrième, Kāmil ad -dawla wad -din , parait avoir été le plus acharné,
à moins qu'il ne fut le plus disposé en faveur de 'Aq ( il assistait à une
séance chez les süſis , cf. Zubda , 80 rº) ; 'Aq. lui adresse quelques-unes de ses
Maktubat et parle souvent de lui ( 178 v°, 236 rº, 261 rº 286 1 , 589
290 V , 291 rº ). Il nomme une fois Diyā' ad-din ( ibid ., 1781 ).
) Il parle souvent des 'ulamā ct de leurs responsabilités , dans la Sakwā.
Cl. aussi Maktūbat , u18 rº, fine.
JANVIER -MARS 1930
études profanes et religieuses à la fin de laquelle , insatisfait de
sa science , il lut l'Ihyri.
La seconde serait celle où il se mit à l'école d 'A . G . Il appril
alors à connaître non seulement la doctrine d’Al-Gazāli , mais
encore celle d 'Al-Hollaj et des grands șūlis .
La troisième partirait de la mort de son maitre (517/1123).
Ag publia alors la doctrine privée de celui-ci, avec un peu trop
d'enthousiasme peut-être. Il se vit attaqué, critiqué et blâmé
d'autant plus qu'occupant une magistrature religieuse, il avail
autorité pour enseigner. If dut s'expliquer : d 'où la Zubdat al
hagi 'iq où il développa sa pensée et essaya de la défendre .
Ce qui le mena en prison , où il rédigea la Sakwii. .
Ainsi peut se trouver justifiée l'opinion qui met‘Aq dans la
catégorie des șūſis persécutés pour leur doctrine et exécutés pour
chle , comme Al-Hallāj. Nous avons même un texte où il aurait
lui-même demandé le martyre sur cele gibet de l'annihilation ,
et désiré e goûter le sabre et le feu ; et il trouve que tout cela
tarde trop . Il y fait aussi allusion à Al-Hallāj et pense que le
même « potage », avalé par celui-ci , lui sera versé à lui dans
a une coupe » ; et c'est pour lui une espérance (2).
Car si la doctrine que l'on peut extraire de la Sakwā est

" La Zubdat al-haqa'iq serait-elle de la fameuse risalo incriminée ? La


question est trouble. D 'une part, Aq dit que cette risala a été écrite
fiḥāli-ş-şibă (38 vº 7 , trad. p.936 ), et il ne cherche pas à en tirer une excuse
pour attendrir ses juges puisqu 'il se vante de posséder des dons supérieurs des
l'âge de 20 ans illi no 7. trad . p. 260 ). D 'autre part il ne désigne pas d 'une
lacon esplicite l'ouvrage incriminé. Enfin il donne la Zubdat al-ḥaqā 'iq pour
son dernier écril, terminé à l'age de ' ans ( 11rº 17, trad. p . 261). Il parait
invraisemblable que l'on ait attendu neuf ans pour mettre à exécution une
condamnation de cet ouvrage , comme on pourrait le croire d'après Zubda,
80 rºoù 'Ay est censi dire : rè bigail-i-man Jatra dādand après avoir raconté
deurmiracles opérés par lui. La solution serait dans l'étude de l'authenticité
de la Zuhdat al-ḥaqā'iq . Peut-être trou era-t-on des interpolations.
2 C1. Riyad ol Majālis ( celui-ci 86 1. -87 r. ). Pour la coupe" , voir
ļlallaj, p. 301.
LA ŠAKWA. · 17
modérée (1), il ne faut pas oublier que les attaques sont dirigées
contre un écrit antérieur qui avait déjà suscité une polémique
et conduit Aq à la prison .
Cette modération n'est d'ailleurs qu'apparente .‘Ayn al-Qudāt
veut ménager ses ennemis et éviter d'aviver les blessures de leur
susceptibilité. Mais il n 'atténue pas les thèses extrémistes de
ses ouvrages antérieurs qui l'avaient fait traiter de Zindiq (2).
Souvent, pour se justifier, il se contente de signaler et de
souligner par des citations son accord avec les grands e sayhn.
Mais pour qu'il n'y aitpoint d'équivoque sur son attitude reli
gieuse , il a tenu à formuler une proſession de foi orthodoxe
en trois parties , où il insiste particulièrement sur les points
doctrinaux qui ont servi d'appui à sa condamnation .
Le point de départ de son procès pourrait être, comme le
rapporlerait ‘Aq lui-même(3), ces faits d 'apparence miracu
leuse dont il aurait été l'auteur pendant une séance de samā et
de raqs.
Il n'y a pas moins lieu d'attribuer à ad-Darguzinī une part
active dans la condamnation de 'Ayn al-Qudāt, surtout dans la
dernière phase des événements et dans l'exéculion . Il pouvait
éprouver quelque satisfaction de faire disparaître un homme
remarquable , susceptible de devenir dangereux pour son auto
rité morale. En mêmetemps il nuisait à Al-^Azīz et le compro
mellait définitivement aux yeux du sultan Mahmud en dévoi
lant à celui-ci ses rapports d 'affection avec 'Ayn Al-Qudāt.
11) Al-Hallāj et A . Al-Gazāli ne sont pas nommés. Les textes trop compro
mettants sont passés sous silence. Les Lawā’ih ne figurent pas dans la liste
de ses ouvrages , donnée par l'auteur.
(2) Voir pour l'histoire de ce mot, Hallāj, 186 et suiv. Le mot Zindiq dé
signe dès l'époque abbaside, mentre tous les musulmans hétérodoxes.. .
celui dont l'erreur est une menace pour la sûreté de l'État» (p. 188 ). D 'après
Al-Gazāli, la Zandaqa « expose à deux conséquences : [1 ] . . . confiscation des
biens et effusion du sang , et [2 ] . . . présomption de dam éternel ( p . 189 ) ;
cf. aussi ibid ., les pages 189-194 sur la Zandaqa et le sufisme.
(3) Cf. Zubda , 80 rº, et supra , p . 9 , n . 5 .
CGITI .
IMPRINNSIS SATISALA .
18 JANVIER -MARS 1930 .
Nous n'avons aucun détail sur le procès. On nous dit que
Mahmud le fit exécuter la nuit même de son arrivée à
Hamadan (1). Le récit de samort est donné dans Riyad et Țaráig ,
à peu près dans les mêmes termes.
- Comme Al-Hallāj, il subit de cruelles tortures , avant d'aller
le rejoindre dans le fana tant convoité. Écorché vif, il fut mis
au pilori(2). Puis , détaché, il fut enroulé dans une natte de
jonc imbibée de pétrole , et brûlé .
Il aurait lui-même prédit cette fin dans un rubā'i : « Nous
demandons à Dieu la mort et le martyre . . . Nous demandons
le feu , le pétrole et la natte de jonc (3), . Il fut exécuté la nuit
du mercredi 7 Jumādā i de l'an 525 (7 mai 1131 )(4).
As-Subki ajoute (5) que lorsque Aq fut approché du gibet ,
il récita ce verset du Qoran (dernier de la surate xxvi) : « Et
ceux qui commettent l’injustice sauront quel sort leur est
réservé (6),

(1) ll semblerait donc que le sultan Mahmud eut pris une part active à
l'exécution de 'Aq ; cf. Nusrat, 182 v°. Par ailleurs , on fait du même sultan
un portrait flatteur : on le représente comme un ami et protecteur averti et
généreux des gens de lettres et de science (cf. Mir’āt al-janän d 'al-Yāfi'i, B . N .
arabe 1590 , fol. 74 vº ; Kitab ar-rawdatayn d'al-Muqaddasī (Caire , 1987) ,
II, p. 31; Tārih d'Abu-l-Fidā (Constantinople , 1968 ), t. III (9 vol.), p . 5 .
Maḥmūd a dû être un faible et se soumettre souvent à la tyrannie d'un vizir
qui avait l'appui de Sanjar.
(2) VŞIb , cf. Hallāj , 322.
(3, Cf. Riyād et Țară’iq. ..
(1) Cf. T.K ., IV, 237. --- Riyad donne 533 ; Safinat al'awliya , 530 ; deus
erreurs , dont la première est courante.
(5) D 'après un certain Abū-l-Qāsim Mahmud b -Aḥmad ar-Rüyāni(? ) , qui
aurait été à Andrāya (?).
(6) La chute et l'exécution de Darg. survinrent quelque temps après (cf.
Textes , II, 168-169). Les auteurs șūſis n 'ont pas manqué d'y voir le châti
ment de tant de sang versé (Tarā 'iq , II , 254 , citant Habib as-Siyar,
p . 1806 ).
LA ŠAKWĀ.

LES OEUVRES DE AYN AL-QUŅĀT.

De la liste de ses ouvrages ( Sakwā, l ' r°, trad. p. 261 et


suiv . ), seule la Zubdat al-ḥaq’āiq — appelée ailleurs Tamhīdīt
- est bien connue. On en trouve un grand nombre de manu
scrits dans diverses bibliothèques d'Europe et d'Asie , avec
aussi des traductions et des commentaires (1). .
Aq ne parle pas des Lawă'iḥ (2),ouvrage que l'on s'accorde
à lui attribuer. C 'est moins une traduction qu'une sorte de
paraphrase des Sawānih ul 'aššāq de son maître, A . G . (3).
Il y a en outre lesMaktūbāt. Il ne semble pas que ce soit
uniquement la correspondance échangée entre le maître et le
disciple .
Enfin on cite un grand nombre de ruba'î(4) de Aq . L'au
teur devait avoir une grande facilité de versification comme
nous le prouve la quantité de poèmes et de vers dont il a orné
la Šakwi(5)

(1; Par exemple B. M ., a.I. persan 36 ; Sup. persan , 1084 et 1356.Vienne,


1932-1933 ; Berlin , 1727 ; India Otlice , 445 ; Calcutta , 1219, 1168 (M . Mas
signon).
(2) Riyād; Țarā'iq ; Majālis. Ce dernier en cite des fragments (86 rº-yº;
88 rº). — Il existe un manuscrit des Lawā’ih à la Bibliothèque Nationale ,
A . f. persan 38.
3) Cf. ce manuscrit fol. 1 vº; 17 rº. Une note marginale (fol. 105) l'attri
bue à A . G . luimême. Nous savons que ce dernier écrivit ses Sawan'iḥ « bi
mahabbat-in Ag (voir p. 9 , n. 3) Par ailleurs 'Ayn al-Qudat aurait écrit les
Larā’ih dar bayān -i-'isq-i-javān -i-zargarin (Majālis, 86 r" ).
* Cf. Majālis 86 vº ; Riyād ; Fusahā ; Parā 'ig ; manuscrit persan Bodl.
366 , fol. 319 7°, 320 rº; 330 rº ( ces dernières indications sont dues à
V . Massignon.)
(5) On lui attribueaussi un commentaire arabe des Paroles brèves ([al] Ka
limät (al]-Ķişār ) de Bābā Tāhir (cf. article de M . Minorsky in Encyclopédie
de l'Islam sur Bābā-Tāhir ). 'Aq est souvent associé dans les légendes avec
Bābā Tāhir , et celui-ci aurait même été présent lors de l'exécution de 'Ayn
al-Qudāt. Nos suspicions sur certaines parties de l'auvre de. Aq telle
JANVIER -MARS 1930 .

LA SAKwĀ.

Elle date de l'année de la mort de ‘Aq (525/11 31). Le seul


manuscrit que nous en connaissionsest à Berlin sous le numé
ro 2076 . Il a été décrit par Ahlwardt dans son Catalogue
(1889, VIIlter Band , p . 442 ) et signalé par Brockelmann ,
Geschichte , I , 391.
Ahlwardt le date approximativement de 600/1203 et le
décrit ainsi : c'est le n° 5 du manuscrit, fol. 28 re-48 r°, taché
en haut,même sur le texte . Le papier est jaune , lisse, fort.
Le nom de l'auteur manque; il n 'y a point de Bismillah . . .
L'écriture est petite , agréable et les lettres portent souventdes
voyelles. Il renvoie enfin à H . Halfa , IV , 7635 . Alhwardt
donne en outre une courte mais très bonne analyse de la
Šakwà.
L 'authenticité du texte de la Sakwā ne paraît pas douteuse .
On pourrait bien se demander si l'on n 'a pas affaire à quelque
exercice de rhétorique ou développement littéraire dont il fau
drait rechercher les frères , rares ou encore inconnus.
Mais à l'encontre de cette supposition , il faut noter que
Yaqūt, mort cent ans après ‘Aq ( 6 26 /1 2 29 ) , parle de la
Sakwā comme d'un écrit bien connu et en cite des extraits (1).
As-Subki, un siècle plus tard , mentionne celle-ci et lui em
prunte quelques passages d 'après un ouvrage d 'As-Samfāni
( + 562/1167; trente ans après ‘Aq), dans lequel, dit-il , se
trouve une bonne partie de la Sakwā. Enfin il y a le texte ,
qui est lui-même une preuve de sa propre authenticité , par
l'homogénéité du ton , du style et de l'esprit et par la sincé

qu'elle nous est parvenue ne peuvent qu'augmenter à cause de ces détails lé


gendaires.
•{I) Yāqūt, 1, 225; IV ,603. Il est intéressant de noter qu'il y a déjà des
variantes.
LA ŠAKWA. 21

rité vraie qui s'en dégage. Il y a un petit fait qui, semble-t-il,


ne seraitpas venu à la pensée d'un faussaire. L'auteur se surpre
nant en flagrant délit de erhétoricisme , désavoue ce qu'il
considère comme une faiblesse , indigne d'un şūfi , qui avait
renoncé à ce genre de littérature, pourtant e si attrayant pour
la nature humaine et si doux aux oreilles » (1).
La composition de la Sakwā est assez logique. Il ne faut pas
oublier que c'est une šakwā, une plainte écrite en prison par
un homme très sensible , particulièrement au traitement qui
lui est infligé. Il souffrait beaucoup d' être jeté si bas et il
n'était pas assez maitre de soi pour dresser un plan de défense
pl choisir entre les pensées qui se présentaient à son esprit.
L 'où des longueurs , des digressions, des insutlisances . L 'au
teur fait appel à un grand nombre d 'éléments et effleure une
multitude de questions qui auraient, s'il en avait eu le loisir
et lesmoyens,constitué lesmatériaux d 'une bonne défense des
thèses incriminées . Déjà malgré cette accumulation d'idées et
defaits , il y a un certain fil conducteur. D 'une part , l'auteur
n 'oublie jamais ce pour quoi il écrit, d'autre part , il fait con
stamment appel à la tradition , aux précédents historiques , à
lapreuve par l'antiquitédes origines etparle temps.Cela donne
une certaine autorité à la Sakwā.
Il faut remarquer, à la louange de Aq , que le ton de la
Sakui n 'est pas violent. Parfois , l'auteur lance des pointes
d'ironie ; parfois encore, il dit un peu vivement certaines vé
rités (2).Mais en général , il se montre maître de sa plume et
ne recourt pas aux expressions injurieuses et aux anathèmes hai

Sakoa, 30 m 8 ; trad ., p . 202. L'auteur continue, malgré ce désaveu, à


recourir au saj", comme par une habitude indéracinable.
En réalité , il ne ménage pas les ‘ulamā et nemêle pas toujours à l'idée
de sa dignité la modestie inséparable de la vraie noblesse de caractère ; on
peutinvoquer pour lui l'excuse des circonstances ; en tous cas, il ne manquait
pasde courage.
JANVIER -MARS 1930.
neux que l'on trouve, par exemple , dans un ouvrage du même
genre que ‘Ayn Al-Qudāt a peut-être connu : Šikāyatahl as
sunna (1) d ’Al-Qusayrī, écrite un demi-siècle auparavant, comme
défense de l'ašʻarisme. .
Il est vrai que parfois aussi, 'Aq refuse de s'expliquer sur
certains points et se contente de dire , d 'une manière assez
ssez

générale : « La réalité de ces choses est claire chez ceux qui


les connaissent, (2). Al-Gazāli, lui aussi , arrête bien souvent,
dans ses petits traités, le cours de ses développements pour
dire : re Tu ne pourras pas me suivre plus loin , je m 'en tien
drai là . . . ; j'ai tant de choses à dire encore , mais il faut en
rester là . . . " . Il y a en plus chez Aq une certaine fierté un
peu meurtrie ; celle de quelqu'un qui se croit dans le vrai, se
voit persécuté pour cela et se sent abandonné de tous; aussi
‘Aq n 'hésite-t-il pas à faire un rapprochement quelque peu pré
e Un ra

tentieux entre son cas et celui des grands persécutés de l'Islām ,


şūfis ou non.
Le style est riche. La phrase est bien faite et claire. L'en
semble estagréable. La prose presque toujours rimée ( saj )
est souvent entrecoupée de vers. Il s'y mêle parfois de la re .
cherche ou de la banalité , rarement de la lourdeur, jamais du
mauvais goût(3).
(1) Ap. T. K., JI, 275 -988, écrite en 446 /1054. Al-Qušayrī rey disculpe
l'aš'arisme des conséquences hétérodoxes tirées de ses propres principes méta
physiques , Hallāj, p. 405. L'auteur de cette sikāya commence par donner
son isnād et emploie au début un saj affecté et creux. Il adresse son écrit à
al-'ulamā’-l-a'lām , bijami'i bilād al-'islām . Le ton en est violent et injurieux
( p . 282). Al-Qusayrī parle aussi des termes techniques usités dans chaque
branche du savoir (p. 287 ) ceux des mutakallimūn , des fuqahā , des nahwi
yun , des taşrifiyūn , des naqalat al 'ahbār, mais pour dire que si le halaf
emploie ces termes techniques , cela ne doit pas être considéré comme une
infériorité , un motif de mépris , pas plus que pour le salaf le non-usage de
ces termes. Il y a donc des ressemblances entre le Sikāya et le Sakwä. Il est
possible que l'auteur de celle-ci se soit inspiré de l'autre .
(9) Šakwa, 39 vº 1 et suiv.; trad., p. 236.
(3) Cf. supra , p. 21 et n . 1. Voir quelques exemples de mauvais saj ;
LA ŠAKWA. 23

Aussi doit-on reconnaître en lui un bon écrivain , par la lour


nuredesa phrase et la clarté de sa pensée. J'aimêmel'impression
que sa prose persane n'atteintpas l'élégance et la limpidité de la
Sakwă, seul écrit arabe qui nous soit parvenu ; ce qui n'est
pas sans importance . A cette époque on n’écrit pas encore cou
ramment en persan , surtout quand il s'agit de questions théo
logiques et mystiques . Ayn al-Qudāt représenterait donc une
période de transition : le şūlisine commence à s'iraniser . Ce
sont d'ailleurs ses cuvres persanes qui ont été les plus con
nues ! )et qui sont les plus répandues(2).
C'est pourquoi la physionomie de notre auteur ne serait
pas complète d'après la Sakwā seule ; il faudrait étudier la
diffusion de ses écrits persans et rechercher les traces de son
influence.
Au point de vue des idées , il est éclectique. On peutle con
sidérer comme l'un des précurseurs secondaires du mouve
ment moniste . Nulle part , iln 'affirme cette doctrine, mais la
pente, depuis al-Wāsili, véritable précurseur du mouvement(3),
continue dans le sens d'Ibn Al-'Arabi. Ayn al-Qudāt ne l'a pas
nettement précipitée, mais il s'y est aventuré(1).
Sakwa 34 v , 2 ; 45vº, 12; 18 ; (sur l'appréciation de saj , cf. les règles données
in Kitāb as-sinā'atayn d'Al-'askarī (Constantinople , 1320), p. 199 et suiv.,
reprises, avec quelques divergences, in Şubḥ al'a'šā (Le Caire, 1331/1913),
II. p. 269 et suiv.
9) Aux Indes, par exemple , d 'après M . Massignon .
19 Cf. le grand nombre de manuscrits de Zubdat al-ḥaqā'iq , en face de
l'unique manuscrit connu de la Sakwā.
Al-Wăsiți : † 331/942. Cf. Essai, p. 285.
!“ 'Aq ne dit pas , comme al'Attar (Hallāj , p . 436 ), que Dieu est al-wu
jūdu kulluh .
Celte évolution , d 'après M . Massignon (Essai , p. 285) , parait logique.« La
synthèse , dit-il , que Ghazali avait lant méditée , se trouve , à cause des
nécessités de la lutte contre les Qarmates, faire de si graves concessions
aus Salimiyah , qu'elle ramène comme à reculons, les théologiens vers les
solutions monistes.
‫‪JANVIER -MARS 1930.‬‬

‫‪TEXTE ARABE DE LA ŠAKWA‬‬


‫‪D 'APRÈS LE MANUSCRIT DE BERLIN .‬‬

‫تنبيه‬

‫النسخة للطية حسنة الهيئةلم يؤثر فيها القدم وفي غالبا سهلة‬
‫القراءة وجلها مشکول والاغلاط والسهو فيها قليل واني اود ان اكون‬
‫مصيبا فيما صاخته او اضفته لتتميم المعنى وقد وحدت صورة الالغاظ‬
‫فكتبت مثلا لخيوة بالواو لا كما في النسخة مرة بالواو واخرى بالالف رادا‬
‫النقط للاحرف المحكمة التي أهلت سهوا ماحيها عن الاحرف المهملة التي‬
‫اجمت خطا في النسخة كالطاء والصاد وغيرها وموردا الالفاظ‬
‫المختصرة تامة وبالله التوفيق‬
‫‪. LA SAKWA.‬‬

‫‪ 283‬الرسالة الموشومة بشكوى الغريب عن الأوطان إلى عجاء البلدان كتبها‬


‫ايام حبسه ببغداد(‪)2‬‬
‫احقا عباد الله أن لست صادرا ولا واردا الا على رقيب‬
‫هذه لمعة أصدرهاإلى الموقين من العلماء والمشهورين فيما بين‬
‫القادم أدام الله ظلالهم ممدودة على أهل الافاق ولا زالت أقطارها‬
‫مشرقة بانوارهم غاية الإشراق تحريك عن وطنه ومبتلى بضروف الزمان‬
‫يه عن جفي يلازمه الأرق ووساد لا يفارقه القلق وبكاء طويل وزفرة‬
‫وعويل وهم أخذ بجامع قلبه وزاده كريا إلى كيه وفؤاد يشرق‬
‫بالكم ارجاوه ويضيق عن تباريحه ويداوه وقلب أحرقه الغراق‬
‫بنیرانه صبابة إلى أحبته وإخوانه ولوقة تتلظى في الواح نارها‬
‫وتظهر على مرالأيام أثارها مادمت للكواكب ومناجاة لها بالدموع‬
‫التواكب ( شعر)( طويل‬
‫أبجد‪ ،‬وقيداواشتياقاوغربة وأى حبيب ان العظيم‬
‫ومع هذا فلاصديق له بعض التجانيه ويسترو اليه عمايقاسيه من‬
‫إخوانه ولا أخ يشكولا) اليه ضروف الدهروشتی بو على ما‬

‫(‪ )1‬في الاصل علامة تدل على اسم المولف وانبيت الموالي طويل الجر ‪.‬‬
‫‪26 :‬‬ ‫‪JANVIER-MARS 1930.‬‬
‫يعالجه من شدة الأمرفهو شهر الليل الطويل وبښي نهاره بما‬
‫قیل (شعر) [ طويل‬
‫وفي الدار من لا أحب كثير )‬ ‫أكرر طرفی لاأرى من أحبه‬
‫وإذا اشتد به ضيق الصدرتعلل بانشاد هذا الشعر طويل‬
‫وأنزلني طول النوى دار حرب إذا تلاقیت افراد شايلة‬
‫أكايته حتى يقال بتجنية وكان ذا عقل لكنت أعاقلة‬
‫‪ .‬واذا تذكر عرار اروند وحوذانها وهمدان وبها أضعته تيات الجمال‬
‫البائها تحتدموعه وتصدعت أكبادة وضلوعه وتوی وجدا عليها‬
‫وأنشد شوقا اليها (شعر) طويل‬
‫ر ‪8‬‬
‫ألا ليت شعري هل ترى العين مو ڈی قلی ژوند من همدان ‪۱۰‬‬
‫يدبها نيطت علت تمامی واضفت من عقاتها بلبان‬
‫واذا تذكر إخوانه أخفى بقول ابن الطرية لانه (کامل)‬
‫وإذا التريا يجئنا بكيهم جئنهم منا يرجعکدم‬
‫بائل يمرضناووائل يشفينامن غلةوهيام‬
‫م دا بقول حبيب وهوتحت حنین مشتاق كيب(شعر) بسيط‬
‫ماأقبلت أوجه التذاي سارة مذ أذبت باللوى ايامناالأول‬
‫(‪ )1‬يوجد في هامشة النسخة الخطي ‪ :‬کلمات بعضها من ‪.‬‬
‫(‪ )9‬في اسفل الوجه احرف لم استطع ضبط قراءتها ‪.‬‬
‫‪LA ŠAKWĀ.‬‬
‫ولا غرو أنيغلب الصبر ويضيق عن كتمان سترة القدر فالمكروب اذا‬
‫ترققت فرائه نمت على أشراره عبراته وليس بلانسان بما لايطيقه یدان‬
‫وما أنصف من قال وبين هذا الحال شعر طويل )‬
‫كم الهوى يوم التوى فتقت به زفرات ما به خاء‬
‫يكن قطعى للازيم كتما تمطت به الوفرة الممتداء‬
‫والمرحوم من ازدحمت الهموم عليه فلم يجد من يتشتی ببر كما أشار‬
‫مشار اليه طويل)‬
‫هنمما أنتجع‬ ‫وأبن عمروابعض مافي جوانحي وج م‬
‫ولابد من شكوى إلى ذي حيظة إذا جعلت أسرار نفس تطلع‬
‫وهل يستور الطريق من وجد الرفيق أو يتمبثنایی داره من ظور‬
‫من يشاكهفي جواره ألا ترى إلىقؤل في القروح وهو في نزع‬
‫الروح اطويل )‬
‫"و أجارتناإن المزار قريب وإني مقيم ماأقام عسيب‬
‫أجاننا إلا غريبان هاهنا كل غريب للغريب نسيب‬
‫فإن تصليتا فالوده بيننا وإنتيتا فالغريب غريب‬
‫وقد ذكرت بشعر ابن جبر قول طهمان بن عمرو (طويل‬
‫ألا كذاوالله لو تغمايه ظلما أيها العمان‬
‫‪: (..‬كنت في اسفل النسخة تحت ذي القروح امرو القيس ‪.‬‬
‫‪JANVIER -MARS 1930.‬‬

‫اما القديم الذي لؤشه بی صالب التى إذا لشفایی‬


‫فاني والعبسي في أرض م ج غريبان شئى الدار مصطبان‬
‫غریبان جوان اكتب هنا دمي مطايانا بكل مكان‬
‫فمن يرممشانا وملقي رحالنا من الناس يعلمأنا شبعان‬
‫وماكان له الطري منا تجية ولكننا في مذج بان‬
‫وكانی بالب العراقي اقوى همدان و ظون رحالهم في محاني‬
‫ماوشان وقد اخترت منها البلاغ والوهاد والبسها التبيغ جبرة‬
‫يشدها عليها البلاد وي تفوح كاليشك أنهارها جرى بالماء الزلال‬
‫انهارهافنزلوا منها في رياض مونة واستظلوا بظلال النجار‬
‫مورقة جعلوا يكررون إنشاد هذاالبيت وهم يتتون بتوح للحمام‬
‫تغريد الكعیت (کامل )‬
‫قال يا ماوشان القطر من واير (‪)1‬‬ ‫كيا يا همدان الغيث من بكي‬

‫(‪ )1‬اطلب معجم البلدان لياقوت ( طبعة لم يك ‪ )1866‬ج ‪ 1‬ص ‪ 403‬نجد فيه‬
‫الاسطر السابقة منقولة ما يلى وكاني بالراب العراقي بوافون‪ ،‬همدان ومطون‬
‫رحالهم في كانی ماوشان وقد أخضيت منها التلاع والوهاد والبه ها الربيع حبرة‬
‫مدحها عليها البلاد وفي تفوح كالمسك ازهارها وتجري بالماء الزلال الهارها فنزلوا‬
‫منها في رياض مونقة واستظلوا بظلال النجار موقة فجعلوا يكررون اندهذا البيت‬
‫وهم يتغدوا هكذا في الأصل ) بنوح الحمام وتغريد الهزار‬
‫حياك ياعذای اخ‬
‫ويستقيم لمن اراد قراءة حباك عوض حياك ما في كتاب‬
‫‪BARBIER DE MEYNARD, Dictionnaire de la Perse, p. 512.‬‬
‫‪LA ŠAKWA.‬‬ ‫‪29‬‬

‫ثم استقبلهم الأخوان وسائلهم عن أحوالنا الشيب والشبان وبلغت‬


‫القلوب الناجر ‪،‬واخدت عبراتهمالتاجر وقالوا اطويل )‬
‫‪ ۱۳۰‬به وقالت نساء الى أن ابن أخينا ألا أخبرونا عنه حييم وقد‬
‫عاة مان الله هل في بلادكم أخوكم يوقی لبنی حسب عهدا‬
‫فأن الذي خلفتموه بأرضكم فتى م الأحشاء هجرانه وجدا‬
‫بغدادكم تنیسي ژوند معا الاخاب من يشری ببغداد اروندا‬
‫ى گل چيد من تهيها وقدا *‬ ‫قدته تقیسی توسعى بما أرى‬
‫كيف انتى أخوان ود أحن إلى أوطان وقد قال رسول الله صلى الله‬
‫عليه وآله حب الوطن من الأيمان ولا خفاء بأن حب الأوطان جون‬
‫بفطرة الإنسان ( طويل‬
‫أحب عباد ال ما بين منه ‪ .‬وحة تيتي أن تصوب ابها‬
‫باد تلگتنی پهن قوالی وال أرض مش جلدی ترابها‬
‫ولما قدم أصيل الواعي من مكة على رسول الله صلى الله عليه وآله قال‬
‫له صف لنا مكة عل يصتها له حتى قال أبرم لمها وامرإذها‬
‫فقال له عند ذلك يا أصيل دع الواد يقر مع صلى الله عليه بالا‬
‫ينشد طويل )‬
‫الاليت شعري هل أبين ليلة بؤاد وحولى إذج جليل‬
‫وهل اكن يوما میاد يجة وهل يبدو لي امه طفيل‬
‫(‪ )1‬قرآن ‪ :‬سورة الاحزاب ( ‪ , xxxiii‬الاية ‪.10‬‬
‫(‪ )9‬اورد هذه ادبیات یاقوت في معجمة ج ‪ 1‬ص ‪.995‬‬
‫‪30‬‬ ‫‪JANVIER-MARS 1930 .‬‬
‫فقال له كنت يا الى السوداء واذاكان أمالهمإلى الأوطان يجون‬
‫ويظهر على السنتهم ما يضمرون في قلوبهم ويحبون فکیف بي على ‪303‬‬
‫ضعني إذاميت بالمحبة وشدة التربة وبدء الجن ودوام‬
‫الحزن أوافر)‬
‫توانى وقلبي من خيريد تداب على بني البريد‬
‫ولو أن الغراب افتم تمي وفكرفكرتي شاب العراب (‪| )1‬‬
‫وقد ادتالهموم علي ولوت أعناقها إلي وارت الأسماءلها مﺅيد‬
‫فلا يجد الشواليها بيد وصرت أرى العدو كان صديقة إذ حملتني‬
‫نبات الدفرما لاأطيقةفلو كان ذلك بالجبال تضع أو بالضم‬
‫القلاب إذالتقطت طويل‬
‫وبالرج له يتم هتي هبوب‬ ‫فلو أن ما بي بالحمى قلق الحصى‬
‫أجل وهذاالفني من العلم وإن كان أغلق بالطباع واخله على التماع‬
‫نقد وقته وفارقته من قاربت البوغ وافقته فأقبلت على طلب‬
‫العلوم الدينية واشتعلت ب ولي طريق الصوفية وما أقبح بالشوی أن‬
‫يعرض عن شيء ثم يعود اليه ويقبل بتدبير عليه وير خاني أن من‬
‫ي رى العلوم واطلع على سرها المكتوم له يعاود اباجاد في‬
‫(‪ )1‬بين البيتين علامة معناها آخر‬
‫وفي كل النسخة احرف اجمت من غير استحقاق کا" طاء والدال في اسفل والحداد‬
‫وا سين والياء من اعلى وكذاك القاف وهذه النقطة الزائدة تشبه غا‪..‬ما علامة‬
‫اتضعيف ( التشدي )‬
‫‪LA SAKW 1.‬‬ ‫‪31‬‬

‫مساعدة توم أوغاد معلوم عند العاقل أن الطبع يابى على الاقل‬
‫فمن البه ار مغلوبا ومتى يكون الموب عنه مطوبا وقد أفي‬
‫البدوي عن خاله في هذه الأبيات حيث التفت قلبه إلى البداوة أشد‬
‫الأليقات وكان أقل الحضروالله المدربیرون بتعلم الكتابة ووح‬
‫الى البدو شوق إليه حتى راجع المألوى في بداوة وقال فيما غلبة من‬
‫غباوته‪[.‬وافر )‬
‫أتيت مهاجرين قعون تتة أشطر متوالا‬
‫‪ 3000‬كتاب الله في رقني وايات تلم لات‬
‫وخطوا إلى اباجاد وقالوا تعلم عنا ريښتيات‬
‫وما أنا والكتابة والتي ما حظوا البنين من البنات‬
‫وهاأنا أعود إلى ما هوالف المنشوة واطالع أهل العلم و الت‬
‫مشاربهم العذاب شارع الواد وأكتافهم الرحاب مراتع الواد بجلية‬
‫أمري وحقيقة كالى وما ابتان به التقديرمالم يخطر ببالی‬
‫وأنهمأشاعهم لأققها بانجان قلب دائم أنهم ما قاله الطاي أبو‬
‫تمام طويل‬
‫أكابراعطفاعلينا أنا ‪ .‬بنا بنا برئ أنتم مناهل‬
‫فرعى الله من القى معه إلى ذاليره ببعض ما جئت أيدي المقادير‬
‫على فقد أنكر على طاﺉفة من علماء الغضرأخشى الله تويتهم‬
‫تنقل إلى خير اللهاین طريقهم وفترة الغل من صدورهم وهي لهم‬
‫(‪ )1‬قرآن ‪ :‬الاعراف (‪. 130 ,) 11‬‬
‫‪JANVIER-MARS 1930.‬‬

‫شذا فيأمورهم ‪ ،‬كلمات متوفيرسالة عملهامن عشرين سنة‬


‫وكان مقصودی من إملائها شرح أحوال يدويها أهل التصوير‬
‫وهوها موقوف على ظهور طور وراء طور العقل والفسفةلتلك‬
‫الأحوال اجاگون تهم بهشون فيميق العقل واللي عندهم‬
‫عبارة عن شخص بلع أقصى درجات العقل و ذلك من الأيمان‬
‫بالبنوة في شيء وإنما اللبوة أنواع کمالات تحصل في طور وراء طور‬
‫الولاية وطور الولاية وراء طور العقل وتغنی بطور الولايةأن الولى بجور‪۳.‬‬
‫أن يكاشف معان لايتصور العالي الوصول إليها والتموربضاعتي‬
‫عليها كماأن أبا بكر الصديق رضوان الله عليه كوښف في مرض موته‬
‫بأن امرأته تلد بنتا حتى قال لعائشة إنما هما أختا وله يكن إذ ذاك‬
‫من الأخوات إذأشاء فعلم أنه كوشد بذلك وكذلك قيل له ی‬
‫مرضته هذه ألا تدعو لك طبيبافقال جنی طبيب الأطباء فقال (د)‬
‫أنا الفعال لما أريد فعلم من هذا أنه كوش بمونه ومن ذلك قول‬
‫عمر رضوان الله عليه وهو يومئډ بخطب على المنبريا شارية‬
‫الجبل وارية أمير جنده بنهاوند إن إحاطة عليه بأحوال شاربة‬
‫وقومه وهو بالمدينة وهم يتهاوند وبلوغ صوته الى سارية ومعرفة أبي بكر‬
‫و‬

‫بأى امرأته تلد بنت وبانه يموت في مرض مان شريفة وأمور عالبة‬
‫د تصور الوصول إلى أمثالها بيضاعة العقل بل بور إلهي وراء القتل‬
‫ومن هذا القبيل أن بعض التعابير دخل على من كان قد نظري‬
‫(‪ )1‬قران ‪ :‬الاعراف ( ‪ ; ) vii‬المجر (‪ ; 47 ,)17‬الكهف (‪ ,)Avit‬و‬
‫(‪ )2‬لفظة جاهلون اضيفت ليستقيم المعني ويمكن أن يستعاض عنها بمنکرون او‬
‫غير ذلك‬
‫(‪ )1‬تران ‪ :‬هود ( ‪ ; 109 ,) 11‬البروج ( ‪.16 , LXxxv‬‬
‫‪LA SAKW .4.‬‬
‫طريقه إلى امرأة فقال له ثم ما بال أحدكم يدل على وفي عينيه‬
‫أثر الزنا فقال له أوحى بعد رسول الله فقال لا ولن تبور ها‬
‫را صادقه أماسنت رسول الله صلى الله عليه وآله و‬
‫اتقوا فراسة المؤمن فانه ينظر بنورالله وخرج على علوالشام‬
‫من منزله صبيحة يومي الذي قتل فيو تجعل ينشدويكر‬
‫( شعر)آهنج)‬
‫شده يازيمك للموت فإن الموت لاقيك‬
‫ولا تجزع من الموت إذا حل بواديك‬

‫ولما قدم هرم بن حيان الكوفة لزيارة أويس القرن وكان قدقده‬
‫‪ ۲۰‬مي مه له بل يطلبه كى ؤبير فلاتنمعنه قال له أوبس‬
‫وعليك الشم یا هرم بن حيان فقال له هرم من أي وقت اشمی‬
‫والتم أنى وما رأيتك قبل اليومولارأيى قال ‪ ،‬تبان العليم الخبير‬
‫فٹ وچی ژو چین كلمت نفسي نفسكإن الأرواح لها أنش‬
‫أنفس الاجساد وإن المومنين ليغرى بعضهم بعضا والمنضود أن‬
‫هذه أمور تكببضاعةالتغير قد أنكرعلماء المرعى‬
‫ذلك فيما أنكروه ظلا منهم بأ من اقي طورا وراء طور العقل‬
‫فقد شد على الكاقة طريق الإيمان بالتبوير إذ العقل هو الذي دل على‬
‫صدق الأنبياء ولشتأيأن الإيمان بالبنوة موتوث على ظهور طور‬

‫(‪ )1‬قرآن ‪ :‬التحريم ( ‪.3 ,)17‬‬


‫)‬ ‫‪,‬ا‬

‫‪II‬‬‫‪:‬‬ ‫‪Toil,‬‬
‫‪34‬‬ ‫‪JANVIER-MARS .193 0 .‬‬

‫وراء طور العقل بل أدعي أن حقيقة النبوة عبارة عن طور وراء طور‬
‫الولاية وأن الولاية عبارة عن طور وراء طورالعقل كما سبقت‬
‫شارق الي تريقة الشىء غير طريق الإيراني غيرجو أن يخل‬
‫العاقل من طريق العقل تضييق طور لم تبلغه فينفسهبعد ما‬
‫أن من حرم ذوق الشغر فقد يحصل له تضييق بوجود شيء لصاحب‬
‫ذوق مع أنه معترفي بأن دختر جنده من حقيقة ذلك الشيء على أن‬
‫الكمالات التي أنكروها على كلها موجودة لفظا ومعنى في كتبالامام‬
‫حجة الاسلام أبي حامد الغزالي وذلك كقولنا في صانع العالم انه ينبوع‬
‫الوجود ومصدر الوجود وانه هو الكل وه الوجود ل یتى وإن ما‬
‫سواء من حيث ذاټو باطل وهالك وان ومدوم وانما كان موجودا من‬
‫حيث أن الكرة الأزلية تقوم وجود هذه الألفاظ مدوره في‬
‫مواضع كبيرة من إحياء علوم الدين وفي مشكاو الأنوار ومضاة الأشرار‬
‫وفي المني من الله والمقيع عن الأحوال و لك منمتات‬
‫الغزالي( رحمه الله وقولنا مصدر الوجود وبنبوة الوجود كقولنا‪ar .‬‬
‫خالق كل الشىء "فمن أوله على غيرذلك فهوخطی؛ دون القائل‬
‫والكلام الجمل الما يرجع في بيان إلى الجمل لا إلى ضيه المتعنت‬
‫والمو بؤ تخت لاني لا تحت ألسنة تمضي ولست أنكر أن قولنا‬
‫مصدر الوجود وينبوع الوجود كلمات جمله تولة لمعان‬
‫(‪ )1‬بالتشديد هكذا في الأصل وفي السطر الرابع من الوجه الموالي ‪.‬‬
‫(‪ )9‬في الهامشة الجود وفي السطر الموالي جزمت واو دون ‪.‬‬
‫‪ ،‬ويمكن أن يستقم المعنی بدون اضافة لفظة ميء بان تقرأ لقطة كل بالتنوين‬
‫‪35‬‬
‫‪LA ŠAKWĀ.‬‬
‫ن‬ ‫ع‬

‫بعضها خطأ بعضها صواب وأتمنى أن الغوالى له يرد إلا لك‬


‫‪.‬‬ ‫( شعر) اوافر )‬
‫أتاك المتجون يرحم غيب(‪ )۱‬علی دهش جئتك باليقين‬
‫وكيف وفي رسالتي ما لو تأمله المنصف علم أن الخضم ممتع و الخضم‬
‫إن كان يفهم من قولنا مصدر الوجود ممنوع الوجود تغريضا بودم‬
‫العالم فقد ذكرت في تلك التالة قريبا من عشرةأوراق في حدث‬
‫العالم وأقمت على ذلك البرهان القاطع وإن كان يهم منه تعريضها‬
‫في علم باياي افقد أب يناقه وتهنت على ذلك بحي د‬
‫يتم فيه عاقل ومما أنك على طول كزت فيها حاجةالمريد الى شين‬
‫يشلك ير طريق الحق وتهديد البين القويم حتى لا يصل عن سواء السبيل‬
‫كما كت عن ممول الله صلى الله عليه أنه قال من مات بغير امام مات‬
‫منة جاهلية وكما قال أبويزيد البسطامی من له يكن له اشتا‬
‫امامه الشيطان وقال عمرو بن سنان المنبجي وهو من كبار المشاح‬
‫من له يتأدب بأستاذ فهو بطال وقد أجمع أرباب الحقيقي من أهل‬
‫التصوير على أن من لا شي له قد دي له هذا هومادي في تلك‬
‫القول ولخصم له على مذهب القايلين بالتعليم وفهم من ذلك‬
‫القول بالإمام المعصوم وأتىيتب له هذاالبيت وقد اشتمل الممل‬
‫الثاني من تلك الرسالة على أتبات وجود الباری جل و من طريق‬
‫(‪ )1‬قرآن ‪ :‬الكهف ( ‪(21 ,) Avil1‬رجا بالغيب )‪.‬‬
‫(‪ )2‬اضيف ليتضح المعنى وتكمل ! ملة ‪.‬‬
‫( ا في الأصل شيء والصواب شیخ ‪.‬‬
‫‪30‬‬ ‫و‬ ‫‪JANVIER-MARS 1930.‬‬
‫النظر العقلي والبرهان اليقينی ومعلوم أن التعليمى ينكر الظر‬
‫القق وهم أى طريق معرفةالله تعالى هو التبئ أو الإمام المعصوم‬
‫في يشجير لمأمثال ذلك رسول الله صلى الله عليه وآله وستم ‪ .‬و‪3‬‬
‫يقول يا معشر من آمن بلساني ولايدخل الإيمان قلبه لا يغتابوا‬
‫المسلمين ولا تتبعوا عوراتهمفإن من يشيع عورة أخيه يتبع الله‬
‫عورته ومن يتبع الله عورته ينهولو في جوف بيتو ومن أين يجوز‬
‫العلماء أن يقولوا مثل ذلك وبنوا في حقمیم ضاد من عالم‬
‫هذه المسالك وقد قال سيد الأنبياء مد لى الله عليهوتم من‬
‫كده بما رأت عيناه ومعت أنا كتبه الله من الذين يحبون أن‬
‫تشيع الفاحةفي الذين آمنوا لهم عذاب إليم ‪ ،‬ثملن يقتصروا على‬
‫مجد الإنكار حتى تبوني بهذاالشبي إلى كل قبيحةوحملوا أرباب‬
‫المناصب على أن توفي أشد فية ( طويل‬
‫أشاعوا لنا فيالليأشنع قصة وكانوا لناسيا تناژوا لنا كتبا‬
‫وهذهشهقديمهوله تعالى في بادو اؤ لة ل القاضي مشواوبأنواع‬
‫الهدايا من العوام والعلماء م ودا(شعر)(منسرح‬
‫د قيل إن الإكة و ولي وقيل ان التى قد تها‬
‫الله يشتم الله من مائدة الملقورشتهفكيد أنا‬
‫وهب أن أتكاب الفرات وجدوا في القاها النجمة مجال الإغتراض‬
‫(‪ )1‬قران النور ‪.18 , xxtv( :‬‬
‫‪LA ŠAKWĂ.‬‬ ‫‪37‬‬

‫فماذايقولون في نضوجها الشريحة التي لاتقبل التاويل وقد حضرنی‬


‫فيماأنا بصدده الشعر الذي ټيل (كامل )‬
‫هل تطيرون من الماء جومها بأكفكم أثم تشترون دلها‬
‫تولعين دماءكم أشبالها‬ ‫فدعوا الأسود واورا في محلها‬
‫وما بيأتبعد ذلك والقرآن ينطق بالحق ‪ ،‬وتقول لقد كان في وشف‬
‫‪ .‬إخوتي آيات الشالين ‪ ،‬وغير خاف أن السد دعا إخوة بوش إلى‬
‫م‪ 33‬قتي؛ حيث رأوهأحب إلى أبيهم منهم ‪،‬وبواأباه يعقوب عليه‬
‫الدم مع ذلك إلى الممل كما حكى عنهم في القرآن إن أبانا لفي‬
‫ادل مبين ‪،‬واذا كان أولاد الأنبياء يجترون في حق أخيهم وأبيهم‬
‫سبب الخبرعلى مثل ذلكقدعين لو أقدم أمثالافي حق الأجانب‬
‫على أعافه وقال أبو طالب المكي رحمه الله قد عدت على إخوة‬
‫يوسف من قولهم لو وأخوة أحب إلى( أبينا منا إلى قوله وكانوا‬
‫فيه من الاهدين ‪،‬نيتاوأربعين خطيئةبها من الغائر وبعضها‬
‫من الكبائر قد تجتمع في الكلمة الواحدة خطيئتان و ثوأربع‬
‫استخرجتها بدقيق النظرفي خفايا الذنوب ولدمن كبائر‬
‫المهلكات و بجو منه أحد بنص رسول الله صلى الله عليه حيث‬
‫(‪ )1‬قرآن ‪ :‬المومنون (‪ ; 6 ' , ) 881‬للانية ( ‪.98 , 1.7‬‬
‫(‪ )3‬قرآن ‪ :‬يوسف ( ‪7 , x11‬‬
‫(‪ )3‬قرآن ‪ :‬یوسف ( ‪.8 , )sun‬‬
‫(‪ )4‬قرآن ‪ :‬يوسف ( ‪.8 , 11‬‬
‫(‪ )5‬في الأصل الينا وصوابه الى أبينا ‪.‬‬
‫(‪ )9‬قرآن ‪ :‬يوسف ( ‪ 7 )x‬الي ‪.20‬‬
‫‪38‬‬ ‫‪JANVIER-MARS 1930.‬‬

‫يول تنة لا يجوا ينهى أحد الظ والطيرة ولدوقد‬


‫ورد في رواية أخرى إمكان الجاف‬
‫حيث قال صلى الله علیه وستم لهقل من يجو(ا) منه وقال عليه‬
‫الشملحديأكل الستات كما تأكل النار الحطب وقال عليه الدم‬
‫ستة يدخلون الا قبل الحساب بيت الدين بالجور والعب‬
‫والعصبية والدهاقين بالكبر وأهل الشوالي بالجهل والتجار بالخيانة‬
‫والعلماء بالخيروقال صلى الله عليه واله كدالأسد يغيب‬
‫القدر ولي أمر الله تعالى جدابالاشتعادة منه فقال جل من قائل قل‬
‫أعوذ برب الفلق إلى قوله ومن شركابيإذا ك د ما على من السيد‬
‫وعرض القاسية ويكفيه ما ابتلى به من هذه الوذيةومعاداته‬
‫لأهل القضيةولداء هذاالخلفي وكل من أفسده قال‬
‫الشاعر متقارب‬
‫أقل لمن ياي لي كادا أتدرى على من أسأت الأدب‬
‫أسأت على الله في عدو بأن له تر لي ما وهب‬
‫مجازاك عنه بأن زادني و علي طريق الطلب‬

‫ولا غرو أن تنشدوني أو ترى قول الشاعر طويل‬


‫وليس بعار أن يبمود‬
‫‪33 v9.‬‬
‫يد العود في موضع القطب‬

‫(‪ )1‬في الاصل منه ‪.‬‬


‫ا‬
‫ا‬
‫‪LA SAKWA.‬‬

‫ن ا‬
‫ولا ذنب للعود وقد أتاه الله فضله ولودذلك لما تمنى للحاسد‬
‫أن يكون مثله و عتب على من حسد مرموقا قادر من سابقه في‬
‫كلبات العلم مسبوقا وقد ولى بقدمه ممم الكواكب كى صار مرا‬
‫بايد والأقارب فما أبعد عن الكمال من يعادي الحاد ولقد أحسن‬
‫من قال هذا البيت وأجاد بسيط‬
‫در كودك فيما قد خضت به‬
‫إن العلى شئ في متيها الد‬
‫هذاوقد تسبون إلى قوى الثبوة أيضابسبب كلمات من مصطلحات‬
‫الصوفية كلفظ التلاشي والفناء ( شعر) ( طويل‬
‫كل عصا كى ميت بيغه‬ ‫لقد بون في هوى أتم جعفر‬
‫وماأرد التعب إذا انتهى إلى هذا للد وماأقته للدولا سيما‬
‫بالعالم إذا مضى على أمثال ذلك تم لايشيى أن ينشب مسلما‬
‫قضا کن عالم إلى قباح معتقدات يشنه أن يعتمدها الوش‬
‫والضاري الذي يكون سيد الأنبياء لا بل ولا تتردها الباهمة‬
‫الذي هو ضير البو منکرون والنادقة الذين ينكرون الموت مع‬
‫اللي طويل |‬
‫موني وإياها بشنعاء هم بها أىأدال الله منهم نجد‬
‫د عيان قاما عن جد‬ ‫بأمرناه ب‬
‫(‪ )1‬قران ‪ :‬آل عم ان ( ‪ ,) 11‬أنا ; لحديد ( ‪.29 ,)Ly11‬‬
‫‪JANVIER-MARS 1930.‬‬
‫وأما قډير التمويهات لاتخفى على من جالس العلماء وزاحمببو‬
‫القادم كى وقف على الفرق بين الباطل ولق و المذاهب‬
‫الدقةوالأباطيل المحترقة حقق ما أوج عليه للخلف »القاع‬
‫من شوك الټراط المستقيم ومرمة المنع التنويم وما اليق ما قال‬
‫الكوفي بهو ال فقد بين أن أهل الفضل لايهم ما يقول حد‬
‫الجهال ( شعر)(کامل )‬
‫وإذاأتكممي من ناقص نهى الشهادة لي بأني قال ما‬
‫وكأنه نظر لاالأولوهالأغر الممل (شعر)(کامل)‬
‫طويت أنا لهالان خود‬ ‫يلة‬ ‫ش‬ ‫وإذاأراد الله‬
‫وغيرخاني على العلماءأن كل فريق اصطلاحا متفق عليه فيما بينهم‬
‫و يتم اصطلاحات كل فريق الآ من سلك طريقهم قربما لايعى‬
‫الوی اصطلاحات التشابين من الشعب والقبيلة والبطن والتي‬
‫بسكون الخاء والعشيرة والعمارة والتذييل وضرب الياء كما لايغ‬
‫التشابه اصطلاح التاني من المغرب والبني والمبدا ولقبرولم‬
‫المرةمن الفعل والفاعل والمعرفة والنكرة واللازم والمتعدى والمفرد‬
‫والمضاف والمتمم والمفعول له ومعه والأسماء المنصرفةوير‬
‫المنصرفة وكذا الضريق دير اضطح المتكلم من الجوهروالعرض‬
‫والترولجتي والكون والحركة والسكون والأجتماع والكتبكما‬
‫(‪ )1‬في الأصل العمل و الهامشة للخلف وهو الصواب ‪.‬‬
‫‪LA ŠAKWĂ.‬‬ ‫‪1‬‬
‫يقين المتكلم اضطلاح أهل الريف من ذوات التة وذوات الأربعة‬
‫والأجوف والناقص واللفيف والريادة والأبدال والأدام اللهم إلا اذا‬
‫نظر في العلمين جميعا يكون عارفا بالاصطلاحين وكدلك الفتربة‬
‫لا يعني اصلاح المني من المميز والمتروك والغريب والغير‬
‫والمشهور ودالتي يتم اصطلاح الفقهاء من العند والشفة‬
‫والفرائض والدور والاثه والظهار والكتابة وكذلك العاب لا يتم ما‬
‫اضطح عليه الأولون من الترع والضل والعلة و تم والواجب‬
‫والمندوب والمكرو والحظور والنجاح والتنوع والمضيق والمبهم‬
‫والتمروالمي․ والمطلق والخاص والعام والتاسع والمنسوخ والتقليد‬
‫والإجتها․ كما لا يعنياولى مضطي شاب من الجمع والريق‬
‫‪: ۱۰‬وليدروالكتب والأموالمفتوح والقيء والمال وأموال الأموال وكتاب‬
‫القاب والعروضي يعرف مراد المنطقي بالمول والتنوع والشلب‬
‫والأيجاب والكلى والشرطى والشب والشكل كما لا يغرى المنطقي‬
‫مراد العوضي من السبب والوتير والقالة والبحر والضرب والطويل‬
‫والمډیډ والبسيط والتقارب والمقصود من تمهید هذه القاعدة‬
‫ا لكل علم رجالا عليهم مكاره ويجب التنوع في تعني اضطلاحاتهم‬
‫اليه فكذا الصوفية لهم اصطلاحات فيما بينهم لا يعرف معانيها‬
‫يرهم وأعني بالوفيني أقواما اقبلوا بكذو الهمة على الله واشتقوا‬
‫بوبي طريقه وال طريقتهمتجاهةالعدوومرمة التكرم‬
‫الموعودون في الكتاب العظم بهداية الشبيلي كماقال تعائى )والذين‬

‫(‪ )1‬قرآن ‪ :‬العنكبوت ( ‪.96 ,)mix‬‬


‫‪JANVIER -MARS 1930.‬‬

‫جاهدوافينا لنهدينهم سبلنا من له تؤ من المجاهدين و أول‬


‫طريقة الصوفية الا انها فكيف يجوز أن يتمم في اضطلاحاتهم التي‬
‫يتم معانيها الا المنتهون منالله يعرف من الله الاالام كي‬
‫تجوز لهأن يتصينفي القاظلا يتم معاها ان الأكابر من‬
‫الفقهاء ولم يكن المماليكون طريق الله في الأفصار الالقة والممون‬
‫الأول يعون باسم التموين وإنما الوفي لفظاشترى القرن التالي‬
‫وأول منمی داد بهذا الإسم عبد القوي وهو من كبار المشائخ‬
‫ودمائهم وكان قبل بشربن الحارث الكافي والشتی بن المغلس الشطى‬
‫والمجاهدة لفظ كالفقير والطين والو وكما لايعني معاني هذه‬
‫الألفاظ الا مننظر في هذه العلومنامحيط بجمله تفاصيلها‬
‫فكذلك المجاهدةعلم برأسهاولا يعرفهالا من نظريهنظرا شافيا‬
‫وعلى هذا العلم يشتمل إحياء علوم الدين من أوله إلى آخره ولم‬
‫يصنف في بدء الإسلام في هذاالعلم مثل قوت القلوب لأبي طالب‬
‫المكي على ماأۍ ته علم الجاهدة إذا حصل الطالب لهم في ذلك‬
‫عنه شی ‪،‬دون أن يجاد كما أن المريض وإن كان كاذف في الطب ‪۱۰‬تن‬
‫لم يكفه ذلك دون أن يشرب الدواء الكرية المداق ثم إذا حصل‬
‫علم المجاهدة وجاهد في الله حق جهاده هداه الله بده وقدمه‬
‫ما لم يكن يعلم كما قال تعالى(ه) إن تتقوا الله لجعل لكم فرقانا قال‬
‫(‪ )1‬في الاصل شیاء‪.‬‬
‫(‪ )2‬فاعل جاهد هو الطالب المذكور في السطر الأخير من الوجه السابق ‪.‬‬
‫( ) قرآن ‪ :‬العنكبوت ( ‪ ,)xxix‬و ‪ ;6‬العلق ( ‪.5 ,)871‬‬
‫(‪ )1‬قران ‪ :‬الانفال ( ‪.29 ,) vil‬‬
‫‪3‬‬ ‫‪.‬‬ ‫‪،‬‬
‫‪LA ŠAKWA.‬‬
‫ابن عباس أي تورا تفرقون به بين الحق والباطل وإلى هذا المعنى‬
‫يشير قوله ) وإن تطيعوه تهتدوا وقوله " ولو أن أهل القرى أموا‬
‫واتقوالفتحنا عليهم بركات من الماء وهذه فيالحكمة المشار اليها في‬
‫قولهتعالى( يوق الحكمة من يشاء ومن يوت الحكمة فقد أون خیرا‬
‫كثيرا ولكمة كل من القال والنيل بل میرا اللهمت كما قال‬
‫علیه السلامإذارأيتم الرجلصوت قوافاقتروا منه فإنه ي ن‬
‫الحكمة او يلقى على اختلاف الروايتين ورأس الحكمة مخافة الله كما‬
‫يشهده كه تش الزبور ولم تخل في الأشدم قرن من القرون عن جماعة‬
‫كانوا يتكلمون بهذه العلوم فكان بعضهم يتكلم في علم الشوك‬
‫وبعضهم في علم الوصول وبعضهم كان يتكتم على الناس عامة وبعضهم‬
‫على أمتابه ځاة وقال المتيد رضي الله عنه صاحبتافي هذاالأمر‬
‫المشارالذي أشار إلى ما ضممته القوب وأومأ إلى حقائقه بعد‬
‫نبينا صلى الله عليه واله على بن أبي طالب علیه السلام و‬
‫الجنيد عن علي بن أبي طالب عليه السلام ومعرفته بعلم التصوف فال‬
‫امیرالمومنين علي عليه الدم لو تفت إلينا من الحروب لنقل عنه‬
‫إلينا من هذا العلم ما لا يقوم له التوب اك ان أعطى العلم‬
‫اللدنى وقال الجنيد لو علمت أن ا له تعالى علمنا تحت اديم الماء‬

‫(‪ )1‬قرآن ‪ :‬النور ( ‪.53 ,)AXIV‬‬


‫(‪ )2‬قرآن ‪ :‬الاعرن ( ‪.. . , v11‬‬
‫(‪ )5‬قرآن ‪ :‬البقرة ( ‪.272 ,)1‬‬
‫‪44‬‬ ‫‪JANVIER -MARS 1930.‬‬

‫اشرق من هذا العلم الذي تكلم فيو مع أتعابنا وإخوانا ل عيت‬


‫اليه وقصدته وكان التي ينشد كثيرا (شعر )(بسيط‬
‫علم التصوير علمليس غرقه‬
‫الأأوفطنة بالفهم موضو‬
‫وليس بعرفه من ليس يشهده‬
‫وكيف يشهد ضوء الشمس مكفوف‬

‫وكان الجنيد وأحمد بن وهب الريات يتكلمان في علمالصوفية‬


‫ولاني يستفيد منه وتقدمه على نفسه ولم يتكتم الجنيد على ‪50‬‬
‫الناس في الجامع حتى مات أحد وكان يقول ف داعلوم القائق‬
‫بموت اجير الزيات وقال الجنيد سألني أبوبكر الكائي عن الف‬
‫مسئلة وددت أنها لم تقع في أيدي الناس وابو بکر هدامن كبار‬
‫المشائخ وهو الذي قال فيه الجنيد لم يقطع الينا كسر النهروان‬
‫مثل أبي بكر الكسائي وها أنا أن جماعة من تكلم في هذه العلوم‬
‫العلم أنه لم يحل عصر عنهم فمن تكلم على الاس عام إمام‬
‫الأيةأبو سعيد الحسن بن أبي الحسن البصري وكان يومي في قضره‬
‫بمذهب التدرية وهو أكل قدرا من أن يظى به ذلك وما أصدق‬
‫‪-‬‬ ‫القائل (شعر) [ كامل)‬
‫ما تغلب وائل جوتها أم بلت كي تناط البران‬

‫وقد ين أبو نعيم الإصفهان کتابا وسماه بي القدر عن الحسنبن‬


‫‪LA SAKWĀ.‬‬ ‫‪.‬‬ ‫‪5‬‬
‫ابن الحسن ولما رآه على بن أبي طالب علیه السلام( أعجب به وأثنى‬
‫عليه وأذن له في الكيم ومن جميع من كان يتكلم على الناس بالبشرة‬
‫وقال هذه بدعة لم نعهدها في القصر الأول وكان الشئ يشبه كلمه‬
‫يكديم الأنبياء وهديه بهدى اللهابة وكان أنس بن مالك إذا سئل عن‬
‫‪ ،‬يقول سوا مولانا الحسن وكان أكثرية في آفات الأعمال وايي‬
‫الدور وخفايا الصقات وشهوات التوس وقيل له يا أبا عید نواك‬
‫تتكلم بكادم ليس شمع من غيرك فمن أين أخدته قال من حديقة‬
‫ابي اليمان وكان حديقة يتكلم بكيم مع من غيره من الابة‬
‫قيل عن ذلك فقال كان الابن يستون (‪ )9‬رسول الله صلى الله عليه‬
‫عن الخيرويقولون يا رسول الله ما من عمل كذا وكذا وكنت اسأله‬
‫عن الشر وأقول ما يفسد كذا وكذافلاز انی رسول الله صلى الله‬
‫عليه وآله أشال عن آفات الأغمال ختمي بهذا العلم وكان يتممی‬
‫صاحب البروقد أفرد من بين التابة بعلم اليرقاق وهو فيماقاله‬
‫حلاونا بعون بابا لا يغرق دقائقها ووايضها الا المخوضون به من‬
‫الشاكين الراسخين في العلم وكان عمر ثمان وأكابر العالية يسألونه‬
‫‪ 36 3 .‬من الفتن العامة والخاصة فيخبرهم بها ومن قدماء الوعاظ‬
‫الذين يتكلمون على الناس ابو السواركان بن حريث العدوى‬
‫طلق بن حبيب وهوالذي قال فيه التاني مارأيت أعبد من طلق‬
‫ومنهم فقد الىوهو الذي اعترض على اليمن في كلامه چین‬
‫سمعه نه فقال ما هكذا يقول فقهاونا فقال له المسى بيت أمك‬
‫(‪ )1‬في الاصل ‪ :‬علقم ‪.‬‬
‫(‪ )9‬في الاصل يسئلون عن رسول الله و( عن ) سهو لذلك حذفتد ‪.‬‬
‫‪h6‬‬ ‫‪JANVIER -MARS 1930.‬‬

‫فيد هلرأيت بعينيك قطفيها الفقيه من فقه عن الله أمره ونهيه‬


‫ومنهم أبو عاصم المذكروهو من قدماء مشائخ الشام وصالح التي‬
‫الذي تمرمجله شفيى الورى فأجبه كلامه وقال هونډي قومه‬
‫ي مجلس‬ ‫ومنهم عبد العزيز بن سلمان وهو الذي قالم في‬
‫فانضر إلى أفيير ماشيا ومنهم الفضل بن عيسى القاشیون‬
‫مي متجد‬ ‫مشاهيرالمناخ ابو علي الى الموجي كان يت ف‬
‫المدينة وكان الجنيد يحضر جيشه واخد عنه الاانه كان لايتكتم في‬
‫علم الوصول بل في علم المملوك ومنهم أبو شعيب المادي وامه‬
‫المع خيري بغض مكافاته بين اشياء اختار من جملتها البدء‬
‫ذهبت عيناه ويداء ورجاده ومن كبارهم محمد بن ابراهيم المعروف‬
‫بأبي حمزة البغدادي البزاز وكان له في جميع علوم الشوفيني ل ان‬
‫وكان أحمد بن حنبل يسأله عن اشياء وتقول ما تقول في كذا وكذا‬
‫یا وغ وهو أول من تكلم ببغداد في هذه العلوم وظهرهبطوس‬
‫قبول عظيم وأقبل عليه الا م يرموا منهفي حالة شكرهكما‬
‫شهدوا علي بالندقة ومذهب الحولية وأخرجوه من ط وس وأعير‬
‫على دوايه ودى عليها هډو دوات التنديق ولاأخرج من البد‬
‫جعل ينشد (شعر) إخفیف‬
‫لك من قلى المكان المضون كل عتب على فيك يهون‬
‫ومنهم العلم المشهور ابو القسم الجنيد بن محمد ونضربن رجاء وهو‬
‫من أقران الجنيد ومنهم ابو عبد الله جي وابو الحسين بن مغون ‪ ۱۰۰‬زان ‪.‬‬
‫‪LA ŠAKWA.‬‬
‫وكان يتكلم على الناس في مسجد بغداد وابو حسين عمرو بن‬
‫عثمان المصرى وله في علم التصوير واو كثيرة ومنهم موسىال‬
‫وهو أول من تكلم بالبصرة في علوم التول والمحبة والشوق وكان‬
‫طريق أهل البصرة قبه التهد والاجتهاد ولوم الكسب تمام‬
‫الصمت كى تم الله علوم التجاري على موسى الأنتج ومن مشائخ‬
‫البرةفهران الوفاء تكلم على الناس ببغداد ومن كبارهم ابو جعفر‬
‫الصيدلاني وكان يتكلم على الناس بمكة ومن مشاهيرهم ابوالحسن دی‬
‫سالم وهو من أتاب هل بن عبد الله التشترى وإليه ينب‬
‫انتابه وقال لهم الممالية ومنهم أبو على الأشواري وأبو بكربن عبد‬
‫العزيز وهو من مشامج مكة وأبو سعد القيسي التيسابوری جبی‬
‫بن معاذ واعظأهل زمانه وأبو عثمان سعيد بن عثمان الواعظ الازيان‬
‫وأبو الشرى منصور بن عمار البوجي وأبو بكرالشاي وابو سعید‬
‫الأعلموأبو بكر البيلي وابو العباس محمد بن محمد الډيوى كان‬
‫له في قهالعلوم لسان حسن وأبو عبيد الطوسي وابو على التقني‬
‫وهو من كبار العلماء اسان واسمه محمد بن عبد الواب هو‬
‫القائل لو أن جاد جمع العلوم كلها حب طوائد الاس له بلغ‬
‫مبلغ الرجال الا بالزيادة على يدی شي ومن كبارهم على‬
‫الطيان ومى القویان لدينا ابو الحق ابرهیم هولاء أكانوا‬
‫يتكلمون على الناس عامة ومنهم من لم يكن يتكلم على الناس عامة‬
‫بل على أنكابه خاصة ومنهم عامر بن عبد الله ابن قيس وقد أننى‬
‫عليه أمام الأئمة الحسن البصري ومالك بن دينار وهو من كبار‬
‫‪ :7 .‬المتنبيين والمتكلمين في الحقائق وأبوالشاء جابر بن زيد و‬
‫‪h8‬‬ ‫‪JANVIER -MARS 1930.‬‬
‫الذي يقول فيه ابن عباس لو نزل أهل البصرة عند فتيا جابر بن‬
‫زید لوعتهم وأبو عمران الجوني وكان كلامه في الحكمة وابو وايلة إياس‬
‫ابن معوية وهوالقائل من لا يعرب عيبه فهو اجق وأبو م اهرریاح‬
‫القيسي وكان كلامه في أعالي المقامات من المحبة والشوق والرب‬
‫والفضيل بن عياض وعلي بن المدني وأد بن وهب الزيات وعبد الله‬
‫الشاح وعلي بن عيسى وابوالحسن متون بن جزة وأبو سعید‬
‫القرىوابو الحسن بن صديق وزيا بى محارب وأبو الحسن )واو‬
‫على الوراق وابو على بى زبرا وهو من كبار العاب الجيد وأبو القاسيم‬
‫الدقاق وكانايتكلمان في علوم الأطرات وأبومحمد المرتعش الخراساني‬
‫وهو القائل من لم يكن على الله غيورا لم یکن الله عليه ورا وأبو‬
‫على الشكمي وعلى المال وهو القائل ذهبت حقائق الفوبقيت‬
‫شرائطها وجاءت طائفة يطلبون الراحة ويتوقون ذلك معرفة فانا له‬
‫وانا اليه راجعون ‪،‬وأبو ها الزاهد ابرهيم بن فاتك وكان الجنيد‬
‫يكرمه واحد بن عطاء الروذباری وابو الفيض ذو النون المصرى وأبو‬
‫سليمان العبسي المعروف بالداراني واسمه عبد الرحمن بن اجد‬
‫واخوة داوود بين أجد وسهل بن عبد الله التستري وأبو عبد الله بن‬
‫مایك وله رسالة معروفة وابو الأديان وابو اللیث المغزى وابو عید‬
‫التوني وهو من كبار صوفية البشرة وابو حاتم العطار وجبيل بن‬
‫الحسن العتی وابو جعفر الواوي واسمه محمد بن المعيل وابوبشر‬
‫[‪]1‬بن منصوروثمن بن مخر العقيلي وأبو سعيد العضرى وشليمان‬
‫(‪ )1‬ابو الحسن كتب هاهنا سهوا على ما اظن ‪.‬‬
‫(‪ )9‬قرآن ‪ :‬البقرة ( ‪. 51 ,)1‬‬
‫‪LA SAKW ..‬‬
‫كار وأبو وابة الرى وابو يعقوب الأبتي وعبد الله بن عفان وأبو‬
‫عبد الله البصري وكتد بي الى عائشة وعمرو بن عثمان المي وعبد‬
‫‪ 370.‬العريز البراني وأبو الحسن علی بن بابويه وأبو بكر الوسطى والبيع‬
‫[‪]1‬بن عبد اللآن وهو القائل إن لله عبادا هم في الدنيا كتبون إلى‬
‫الآخرة متطلعون قد تقدت أبصار قلوبهم في الملكوت فرأت فيها ما‬
‫و من ثواب اللي فازدادت بذلك جدا واجتهادا عند معاينة أبصار‬
‫لوبهم فهم الذين لا راحة لهم في الدنيا وهم الذين تقرأتهم‬
‫دا ‪ ،‬ومنهم أبوعبد الله السندي وهو من أتاب أبي يزيد ‪،‬وأبو بكر‬
‫الزنجانی و وابرهيم بن يحيى البریری ‪،‬وأبو العباس الان ‪،‬وحاتم‬
‫الأم ‪ ،‬وأبويزيد البسطایی ‪ ،‬وأبو أحمد الغزال النيسابوري ‪ ،‬وجعفر‬
‫التسوى ‪ ،‬وأبو الحسين أحمد بن محمد الخوارزمي ‪ ،‬وعبد الله بن محمد‬
‫ابن منازل ‪ ،‬وأبو شرف الدي ‪ ،‬وأبو بكر الطمستان ‪ ،‬وأبو الحسين‬
‫إبن هند القوي ‪ ،‬وأبو الحق ابراهيم الدباغ ‪،‬ولی بئ وه‪،‬‬
‫وأبو بكر محمد بن ابوهيم الجوري ‪ ،‬وأبو عبد الله محمد بن ابرهیم‬
‫اشويي ‪ ،‬وأبو عبد الله النار ‪ ،‬وابن بطة ‪ ،‬وهما من أجاب على‬
‫ابن شهل وأد بن شعيب ‪ ،‬وعبيد الملقب بالجنون ‪،‬نهوده‬
‫لهم كانوا يتكلمون في هډءالعلوم لهم انقوا قبل ال مائة‬
‫وقليل منهم كانوا بعدها‪ ،‬وقد تكلم باقة من النساء أيضاعلى‬
‫الرجال والبناء رابعة العدوية وكان الكبار من التي يتمون‬
‫مها كغين الورى وقد شملها ذلك وي التي قالت إشفين يغم‬
‫الرجل أنت و لا أتك تحب الدنيا وخطبها عبد الواحد بن زیدمع‬
‫علو شأنيفنهايام حتى شفع له إليها إخوانهفلما دخل عليها‬
‫‪0.‬‬
‫‪01.‬‬
‫‪IMPAIHTI‬‬ ‫‪TITI01E‬‬
‫‪JANVIER -MARS 1930.‬‬
‫‪II‬‬

‫قالت له با شهوانی اطلت شهوانيه مثلك ‪ ،‬وملهى شعونة الأبية كانت‬


‫تتكلم على العباير بلغ بها خشية الله مبلغاأمرها عن العبادةثم‬
‫رأت رؤياقرى عنها ورجعت إلى ما كانت عليه من البادة ومنه‬
‫بحرية الموصلية كت حتى ذهببها ‪ ،‬وتمتدة جد أبي الخير‬
‫التيتاني الأقطع كان لها ش مائة تلميذ من الرجال والياء ‪ ،‬وقائية‪1983.‬‬
‫النيسابورية امرأة الحمد بى الشتری فكانت تتكتمعلى النساء‬
‫بنیشابور تدبت بأبي عثمان ‪،‬ونهين فاطمة بنت أبي بكرالكتاني‬
‫ون وهويتكلم في العين ومات معها تت تﺅر‬ ‫ماتت بين يد‬
‫من الرجال ‪ ،‬ومن مشاهيرمن ضت في هذه القوم وقدمائهم‬
‫الحارث بن أشد المحاسبي ‪ ،‬وأبو الحق بن أحمد الخواص ‪ ،‬وأبو القيم‬
‫الجيد سيد الطائفة والمشار اليه والمعول عليه ‪ ،‬وعلى بن ابرهیم‬
‫الشقيق ‪ ،‬وخت العسكري ‪،‬وأبو عبير الله محمد بن على الترمذی‪،‬‬
‫وهو القائل ما تفت خوفا من تدبيرولكن كنت أتممت بمقاني‬
‫إذا اشتد على الوقت ‪ ،‬ومنهم أبو بكر محمد بن عمرالوراق الترمذی ‪،‬‬
‫وأبو جعفر النيسابوري ‪ ،‬واسمه أجد بى دان (‪)1‬بن على بن‬
‫ستان ) وكان الجنيد كاتبه ‪ ،‬واجد بن محمد الفرخکی ‪ ،‬وأبو عبير‬
‫الله محمد بن يوسف الباء الإهاني ‪ ،‬وأبوعبير الله محمد بن‬
‫خيت ‪ ،‬وابو تضرالشراج الطوسي ‪ ،‬وأبو طالب المكي ‪ ،‬وله في هذه‬
‫العلوم ادم له يبق إلى مثلهفيما رأيت وقتى ما أظن وهدا‬
‫حيث يطول وأنا راجع ماكنت بصدد؛ وأقول كماأن كلي قوم من‬

‫‪ : 10‬سنان ‪.‬‬ ‫(‪ )1‬في الاصل سمنان وفي لوات الانوار للشرافی ج ‪ 1‬ص‬
‫‪LA ŠAKWĀ.‬‬
‫العلماء ألفاظامصطك عليها ولا بد من الجوع إليهمفي معانيها‬
‫كذاإذانوع من الوفية مضطاتهم ينبغي أن يرجع البهم في‬
‫بیان حقاﺉقها لفظ البقاء ‪ ،‬والقاء‪ ،‬والعدم ‪ ،‬وال تي ‪ ،‬والقبض ‪،‬‬
‫والشط‪ ،‬والشكر‪ ،‬والنمو ‪ ،‬والأثبات ‪،‬والنمو ‪ ،‬و ور‪ ،‬والغنية‪،‬‬
‫والعلم ‪ ،‬والمعرفة ‪ ،‬والوكير ‪ ،‬والكشف ‪ ،‬والمقام ‪ ،‬و ا ‪ ،‬والفراق ‪،‬‬
‫والوصال ‪ ،‬والأشقا ‪ ،‬والاتصال ‪،‬ومع‪ ،‬والفرقة ‪ ،‬والدي ‪،‬‬
‫والفهم ‪ ،‬والوصول ‪ ،‬والشتوي ‪ ،‬والشوق ‪،‬والأنس ‪ ،‬والقرب ‪ ،‬والجلي ‪،‬‬
‫‪ 183‬والية ‪ ،‬والمشاهدة‪ ،‬وكقولهم بقى فاى بد هو وانجمن جلديه‬
‫وينبغي إلعاقل المنصف إذا مع هذه الألفاظ أن يراجع في معازيها‬
‫القائد وتقول له ما الذي عنيت بهذه الألفاظ والحكم على التاد قبل‬
‫استفسار عن المواد بهيره الألفاظبالدقة والاكابر في عمانية ‪،‬‬
‫وكتب بعض الصوفية الى بعض الأئمة أبياتا ئهفيها عي‬
‫معاني القاظ من مصطكاتهم ولم أر فيها ما يصلح لهډه اللمعةا‬
‫هذا البيت ( شعر) ( خفیف )‬
‫وأنا لا أنا ماذا يريد‬ ‫وإذاقال قائل هوبد هو‬

‫والغرض من هذا كله أن الرسالة التي عينتها في حال البيبى‬


‫فاتحها لابيدون من أدائی ربقة توتنوا بهاإلى إيذائی قد "‬
‫كرت فيهامن ألفاظ الصوفية طوفت كولى فيهاالشرقت تطنة‬
‫(‪ )1‬في الاصل ( وقد) والصواب حذف الواو ‪.‬‬
‫‪2‬‬ ‫ا‬ ‫‪JANVIER -MARS 1930.‬‬
‫الليلة الأزلية فبقي القلم و الكايبوقولي ح تى الهوية‬
‫القديمة اشتفقت هوتي الحادثة وكولي طار الطاير إلى فقه وقولي لو‬
‫هر مما جرى بينما در لتقى العرش والكرسي إلى كلمات أخرين‬
‫هذا الجنس قد شددوا على الأفكار في تلك الكليمات وزعموا أن ذلك‬
‫و رندةودعوى النبوة وانا اگر طرفامن حكايات المشائخ‬
‫والفاظهم ليشتدل بها على أن الصوفية يطلقون هذه الألفاظ فيما‬
‫بينهم قاتها عندهم تقافة ولايلزم منها ‪،‬وتهم بها ملونة‬
‫من ذلك قول الواسطي إن الله تعالى أثر من صنعه ما أبرز دلالة على‬
‫بوبينه ثم أبطل ماأدى فقال ك تء هالك الا وجهه ‪،‬ولخلق في‬
‫عظمهكهباء لا خطرله وليس للحلق إليه طريقي إلا من حيث جعل‬
‫لهم من طريق العلم أن أثبتوه كما عمموه وهداالمغنى هو الډي‬
‫أوردته في قصير من تلك الرسالة وكتبت فيه إلى أن الله هو الكي وف‬
‫والكل وأن ماسواه هو الواحد ولوو معناه أن كل الموجودات‬
‫بالشبة الى عظم داية كاليء بالنسبة إلى الكلي وكالواوير باليشيرإلى‬
‫الكثير اذ كل الموجودات قطرة من بر درته ولم ارد بذلك أن الله‬
‫كني بأجزائه تعالى الله علوا كبيرا )عن قبول الإنقسام ويقترب من‬
‫ذلك قولهم إن جبرئل والعش والكرسى مع المتوت ها مدة‬
‫فيماوراء الموت بل أقل من ذلك وليس المراد من ذلك أن الله‬
‫أكبر مى العالم بكثرة الأجزاء بل قمة الذاتي والمقصود من ال‬
‫(‪ )1‬قرآن ‪ :‬الانص ( ‪.88 ,)17‬‬
‫(‪ )3‬قرآن ‪ :‬الاسراء ( ‪.45 ,)111‬‬
‫‪LA ŠAKWĀ.‬‬ ‫‪| 53‬‬
‫على العديقة حيث قالوا إن اللهله ق ا شیا واجدا وكند‬
‫يشتيم هذا الأفتوا وقد ذكرت في مواضع كثيرة من تلك التالي‬
‫أن القديم لا يتصور فيه اثنينية ألبهوكذلك ت وا في بعض‬
‫القاها دعوى الرؤية القيقية التي طلبها موسى عليه الدم فقيل له‬
‫تن ترانی(‪)2‬ولوا عن التين الشريح الذي لا يقبل تأويدأن الله‬
‫لا يتصور أن يراه أحد في الدنيا لا لي ولا نبي محمد صلى الله‬
‫عليه وسلم وذكر في الروح اما مطابق لكلام المشائخ من حية‬
‫المعنى وأن كانا لا يتفقان في اللفظ وقد كثر كلام الصوفيةفي الروح ‪،‬‬
‫ومن ذلك ما قال الواسطى أظهر الله الروح من جلووالو لو أنه‬
‫شترلتجد له كل كافر فمتى خرجت أنوار الممول والهوم تلاشت في‬
‫انوار الروح تايى أنوار الكواكب والقمر في نور الس ومنها ي ق‬
‫أنهم لايعنون باللاتي عدم الشىء في دايو بل اختفاؤه بالنسبة إلى‬
‫مدريد‪ ،‬وقال أبو عبد الراز إن الله جد أرواح أوليائه إليه‬
‫ولدها بذكر؛ وهذا مطابق لقول في تلك الرسالة طار الطائر إلى خښه‬
‫وقال أبو الطيب الشامري المعرفة طلوع الحق على الأسرار بمواصلة‬
‫‪ 30 00‬الأنوار وقال الواسطى إذا ظهر كق على الشائر لم يبقفيها فضل‬
‫رجاء ولا خوف وهذا هو مرادی من قولي غشيته الهوده الآلية ال‬
‫اندنقش الشوق إذا هاج من الفؤاد له يابي على شىء إلا وأخته‬
‫حى العرش واحتراق العرش كتاشيه ومن غاب عن نفسه فقير ا ل‬
‫پرته واحترق في كتو كل ماسواه كما حكى عن أبي سعيد‬

‫(‪ )1‬قران ‪ :‬الاعراف ( ‪ ,) 1‬و ‪13‬‬


‫‪JANVIER-MARs 19)3 (0).‬‬

‫ازفي حكاية انه قال به في الباديةفهته بي هابي وقال‬


‫( شعر)( طويل)‬
‫فلو كنت من أهل الوجود حقيقة‬
‫لعبت عن الأكوان والعز والكرسي‬
‫ومن اتقى الله في خواته أفضى به ذلك إلى هذه الحال كما قال ابو محمد‬
‫الجريرى بصفو العبودية تتال التربة والحرية ال البيتى والرؤية ولي‬
‫المرادبهالرؤية ما طلب موشی من رته بل شىء آخر ظاهرالحقيقة‬
‫عند أهلها وإلى هذا أشار لإيرى أيضابقوله من لم كم فيما‬
‫بينه وبين الله بالتقوى والمراقبة لم يصل إلى الكشف والمشاهدة‬
‫وقال أبو بكر التليسى الضو حال قه له قلب و عقل وقال أبو‬
‫الليشي متون التو و حال و ما بل إشارة متينة ولوائے‬
‫محرقة وقاللدى الممو حال تظهر فيها عن الربوبية وتضل‬
‫فيها عين العبودية وهذاهو مادي حيث أقول قتادتني العلم والممتل‬
‫والقلب بقى الكاتیب باد هو وقال المنعش الممون خل ضمن بها‬
‫صاحبها على الكونين دهب إلى التي وهب عن هاي؛ فكان له‬
‫عز وجل ولم يكن وقال أبوالحسن الأسواری الو هو هوى عني‬
‫تيقظى بري وقال و الثون المصرى إن ييرعادا ينظرون بأغين ‪40 .‬‬
‫القلوب إلى جوب الغيوب فني أرواحهم في ملكوت الماء ثم تعود‬
‫اليهم بأطيب جني من ثمار الشرور وهدا هومرادی ممن قولي طار‬
‫(‪ )1‬في الاصل لن وفي الهامشة ضن وهو احسن ‪.‬‬
‫‪LA ŠAKWA.‬‬ ‫‪-‬‬ ‫‪55‬‬

‫الطائر إلى محشه ثم رجع إلى القنص ومن ذلك أنه تواجد رجل في‬
‫مجلس يحيى بن معاذ فقيل له ما هذافقال ابت چقات الإنسانية‬
‫وظهرت أحكام الترابية وسئل أبو القاس الكردي عن التوحيد فقال‬
‫مابق منه عليك لابك وقال شلمان بن عبد الله كل ت يكون‬
‫فيهذكر اللهفهومتصل بالعرس وقال أبو حامد الأضرى سألت أبا‬
‫يعقوب المزابلی( عن التخوف فقال هو أن يضع عنك عين‬
‫الإنسانية ومعاله الأية قال حبشی بن داود التي هوإرادة في‬
‫في الخلق بد خلق وقال يحيى بن معاذ من رأى مع الحبيب غير حبيب‬
‫له يرطبيب وكني من تلك الرسالة يدور على هذه القواعد و‬
‫لفظ من هذهالحكايات تحتاج إلى تمهيد قوادوتأسيسأول من‬
‫علم الصوفية حتى فيمتاها ولست الان اشرح ذلك فانه‬
‫يشتدجي فراغ القنب و الهم وأنا م ول الخاطر معبر‬
‫فيما ابتيبه النډير من الحب والتي سائرالأنكال‬
‫(شعر)[كامل ]‬
‫بت على مصائب و أنها تمت على الأيام تحدى ليالينا‬

‫ولم أن تلك الترسالة إلا متوقعا محشي الأمر في اليوة وتم يلي‬

‫(‪ )1‬في الأصل الزابلی والدواب المزابلی ‪.‬‬


‫‪56‬‬ ‫‪JANVIER -MARS 1930.‬‬
‫من يطالعهابعد الممات ولو خطرببالي أنه عقبني ما رأيته وأراه لما‬
‫أقدمت عليها قط(شعر) ( طويل ‪.‬‬
‫غت غوستا كنت أرجو لقاحها « |‬
‫وأمل يوما أن تطيب جناتها‬
‫فإن أثمرت غيرالذي كنت امد‬
‫فلا ذنب لي إن كنت تحتها‬
‫وإذ لم يجب أحد من العلماء والصوفية عن تلك الكيماي ليعذر‬
‫لهم عنډیمول ولا ي يذكره فانه وعوض وطول تناولت‬
‫القلم ومعول عليهوأجبت عن قول المفترض معتوابهذهالتراكة‬
‫اليه ( شعر)( طويل‬
‫ومن يرج مروة البعيد قاما بدی قوتو الاثبات على بوی ‪00:‬‬
‫كيف و كلمات الصوفيةاشیاء لونظر فيها الناظرمن طريق‬
‫العنت والأنکار کو جدفيها مجال الاعتراض حبا كما حكى عن‬
‫معروف الكرخي أنه قال لرجل ادعالله تعالى أن يرد علىذرة من‬
‫البشرية فاته شييع الظاهر اذ يقول المتعنت اله ق لنفسه على‬
‫محمد المطفى صلى الله عليه واله انه قال أنابشرأغضب كما‬
‫غضب البشر وقد ادعى معروف أنه لم يبق فيه أثر البشريةوهذا‬
‫عند أهل القيفي ظاژولكن لا يعرفه عيهم إذ ك علم لا يعرفه إلا‬
‫(‪ )1‬في الهامشة كاقها‪.‬‬
‫‪LA ŠAKWA.‬‬
‫من بخوض فيه وفي غمرة في البحين عن حقائقه ومعانيهولم‬
‫الصوفية أشرف العلوم وأغمضها ولا يترى كلیه و فيه غيره وأنا‬
‫أورد اشکا دي ا في علمهمليظهر للمدعى أنه لا تخبروندهمن‬
‫لوبهم فقد م عن رسول الله صلى الله عليه وآله أنه أخبرغر‬
‫عن تفسدون غيره من العاب كاب بكروم مان وقلي رضيالله‬
‫عنهم بأنهم من أهل الجنة وقد ورد في القاح أن رسول الله صلى الله‬
‫عليه وآله قال في حدي كه طويل فأدخل على وتي قاله اجدا‬
‫وأشفع تي وقد ورد في العينعنه أيضاأنه قال وهو على المنبر‬
‫والیتفش تخت ب هد آدري أين أهلي كتة أنا أم من أهل النار‬
‫وهذا إشكال واقع وجوابه ظاهر جند من سلك طريق الصوفيةو‬
‫يعى الشطبيات )[الاهم) وقول أبييزيد إن الله تعالی اطلع على العالم‬
‫تعال يا أبا يريد لهم عبيدی يك فأخرجني من العبودية نون‬
‫الظاهراتي المتعنت لوقال كان رسول الله صلى الله عليه وسلم يقول‬
‫أناعبد ر عن الأنبياء أنهم قالوا واجعلي بركمن عبادك‬
‫تكيف بجور بغيرهم أن يقول أخرجني منالعبوديةوهذا مايشكل‬
‫على من لم يشتك طريق الصوفية وجوابه عندهمأظهر من الشمس‬
‫وأظهر من قول أبي يزيد قول التبلي كيث مع ما قاله أبو زيد فقد‬
‫اتمنى لقى بأقل من ذلك فقال كل الحق عبیدی غیك فان أقاء‬
‫‪ ۳۰‬وين لك قول اللي لاقيل له هل تعلم ينيك فرحا فقال نعم إذا‬
‫لم أجد له ايرا فلو قال المتعت هذاځف في الأنبياء كلهم بعثوا‬

‫(‪ )1‬هكذا في الأصل والمعني يقتضي تكميلي الجملة والجافة (ا ) لوما بان معناه‬
‫‪JANVIER-MARS 1930.‬‬
‫دعوة للقلق ‪ ،‬إلى الله وإلى ذكره وماكانوا ي كون إلا بإجابة دعوتهم‬
‫فكيف يجوز لښتلیأن يقول لا تفرح تنسى إلا إذا كله يكر الله أسمه‬
‫وكذلك كان البيبلي في دقائه يقول اللهم اسكن أغدای جنةعدن‬
‫ولا خلني منك طرفة عين فلو قال المتعنت إذا كان رسول اللهصلی‬
‫الله عليه ثميقول في دعايه اللهم إني أسألكالجنة وأعود بك من الار‬
‫فكيف يتم لغيره أن يقول ما قاله الشبلى وكذلك تقل عن غير‬
‫واحد من الكبار الهم قالوا من عبد الله بعوض فهو يم وقال كليب‬
‫الساري وهو من أهل البدء لو كان أيوب في الأيوة ل ارفته و‬
‫قال المتعت هذا القاﺉل قد قار الأنبياء في بيوتهم وهو وكان‬
‫من حيث الظاهر يد واجب من هذا ما حكي عن شقيق البلخی‬
‫أنه سأل بعض المشائخ کن صفة العارفين فقال الذين إذا أعطوا شكروا‬
‫واذا منعوا بها فقال له شقيق هذه صفة الكدب عندناببلغ قال له‬
‫فماصفة العارفین فقال إذامنعوا شكروا وإذا أغطوا آروا لو قال ابن قد‬
‫انتي الله في كتابه غير مرة على أهل البر والشكر فكيف يجوزلشقيق‬ ‫م می‬ ‫ه‬ ‫از‬

‫أن يتموهمبالكلاب كان له في القلوب تأثير عظيم اللهم إلاعند من‬


‫ع مذاهب القوم وعاداتهم في المخاطبات ‪ ،‬ولما دخل الواسطى‬
‫مالوا‬ ‫نیشابور قال إمكاب أي من بماذاكان يامشي ق‬
‫بالتزام الطاعة ووية التقصير فيها فقال كان يامكم بالوية القصة‬
‫قد أمركم بالغيبة عنهابؤ منها وتجريبهافقال معترض هذا‬
‫فوفاته أدعى أى مكرمة الطاقات جوية عضله ها نماد ما قال‬

‫‪ . )! .‬في الامان الحق والصواب لخلق ‪- .‬‬


‫‪LA SAKTV.1.‬‬
‫الله تعالى وقال شوله عليه الدم فإن القران من أوله إلى آخره ماء‬
‫على الطاعة والمطيعين لكان قوله من حيث النظر الى ظاهر الأمر‬
‫والاقار علیه حقا واعلم أن علم التصنيف أقسام ك ير و قسم‬
‫‪ ۱۱۰‬منها يقوم بها‪،‬قوموقل من يحيط علما بتلك الأقسام ومن جملة‬
‫تلك الأقسام وتم ينهى علم المملوك وهويشتمل على مجلدات‬
‫كبيرة وإلىبعض تلك الأقسام يشير قول الشبلي حيث يقول كنت‬
‫أكتب الديك والوقة تليين سنة حتى أشقر الضم جئت إلى كل من‬
‫كتبت عنه فقلت أريد فقه الله تعالى ما كلمني أحد مما أنكروه‬
‫على في تلك الرسالة أن الله تعالى منزه کن أن يدركه الأنبياء فضة‬
‫عن روم والإدراك أن يحيط المدك بكمال المد وهد؛د‬
‫صور الا يه فاذا لا يتم الله غير الله كما قال الجنيد وقد جاء في‬
‫تفسير قوله تعالى وماقدروا الله حق قدره ( أي ما عرفوه حق‬
‫معرفته قال رسول الله صلى الله عليه و عرفتم الله حق معرفته لالت‬
‫بدعاكم بال ولميتم على الكور لو خفتم الله حق ځوفه لعلم‬
‫العلم الذي ليش معه جهل وما بلغ ذلك أحد قيل ولا أنت يا ممول‬
‫الله قال ولا أنا الله أعظم من أن يبلغ أمهأ ؛ وقال الصديق بنى‬
‫الله عنه كان من الله جعل يتخلق بيد إلىمعونهالابالعينعن‬
‫معينه وقال أمد بن عطاء لاسبيل إلى معرفة الله أحد وذلك‬
‫الامتاع ضميريي ځيني وبينه ويل لأبي بين الثوری کنید‬
‫تدركه العمل ولايرى الا بالعدول فقال كيف يدرك ومدى من لا‬
‫(‪ )1‬في الاصل بها‪.‬‬
‫(‪ )3‬قرآن ‪ :‬الانعام (‪ ,)11‬ان‬
‫‪JANVIER -MARS 1930 .‬‬

‫مدى له وقيل لأبي العباس الدينوری بم عرفت الله قال بأني لا أعرفه‬
‫وقال و الون ما عين الله من عرفهولا وجده منانهه و حتمية‬
‫أصاب من مثله وإنما أشكل ذلك (على من أشك من حي ظن أن‬
‫العلم بوجود الله وبوجود صفاته من العلم ‪،‬والقدرة و وة والإرادة‬
‫والدموالسمعوالبصر هو معرفة الله وإدراك حقيقيه ليس كذلك‬
‫قال الصوفية فهم " يقرون فرقاعظيما بين العلم باللير وي‬
‫‪ :‬معرفة الله والعلم بوجود القديم قريب واليه يشير قوله تعالى ‪ ،‬أفي الله‬
‫شك فأما إدراك حقيقة الذاتي والمعرفة الحقيقيةفي ذلك لا يلد ‪۱۹ ۲۰‬‬
‫واليهتشير الكلمات الواردة في ذلك كما ذكرته أنفها ولي العلم‬
‫وجود صانع قديم لهذا العالم مايشد على أهل الحقائق بل دل‬
‫عندهمأظمى المي وكي يتم من ذوي الخضار متنازع في‬
‫وجود الس تعم يحتاج العميان إلى ذلك حتى يصل لهمبطريق‬
‫السمع ذلك كيف يتصور الشك في وجود من هوالموجوداى به‬
‫يظهما يواه عنه يوجد ولولاه لم يكن في الوجود موجود أصد‬
‫والبتة ولو تصوله عدم تعالى الله عن جواز العدم لبطل وجود كل‬
‫یه والعارفون بنون إلى الله من الأشياء بل ينظرون في الله الى‬
‫الأشياء كما قال أبو بكر الصديق رضي الله عنه مانظرت في نىء الا‬
‫ایت الله قبله وليست هذه الرؤية و التربية الخاصةفيالاخرة‬
‫في شيء بل الروبة لفظمشترك يطلقها الفقهاء والصوفية لمعان كثيرة‬
‫(‪ )1‬ما بين المعكدين نسي ثم اضيف في الهامشة ‪.‬‬
‫(‪ )9‬اضفته ليتغم المعني ‪.‬‬
‫(‪ )3‬قرآن ‪ :‬ابرهم ( ‪.11 ,)41‬‬
‫‪LA ŠAKWA.‬‬
‫ولا يتعلق عرضتا بشرح ذلك وللوفية كما هونها شطئاوهو‬
‫عبارة غريبةتصدرممن قالها في حالة الشعروشدة ليان‬
‫الوجد والإنسان في تلك الحالي لا يقدر على إما تيهكما بني‬
‫(شعر) (طويل )‬
‫وفي وقالوا لاتتم ولؤوا جبال روی ما سويت لعنت‬
‫وذلك كقول أبي يزيد انتمن نفسي كما تنس الي من‬
‫جيرها فتت اذا أنا هو قوله اللهم تنی بودايري والبشي‬
‫أن نيتك وارفعني إلىأديتك حتى إذارآني خلقك قالوا أتيناك‬
‫تكون أنت ذلك له أكن أنا هاك وأشتال ذلك كثيرة وقد ورد في‬
‫كلامهم ذلك منظوم أيضاكما قال بعضهم (شعر) بسيط‬
‫بيني وبين إ تازگى قازقغ باك إنتي من البين‬
‫وإلى مثل ذلك يشيرقوله صلى الله عليه لايزال العبدت الى‬
‫‪ ۲.‬و بالوافل حتى أحبه اذا أحببته كنت سمعه الذي يتم به صرة‬
‫الذي يبصر به ولسانه الذي ينطلق به والمقلوب في هذه الحال إذا‬
‫شيب عنه عقله وتدعى فياشراق شطان أنوار الأرك لو قال تعي ما‬
‫أعظم اني مايشبه ذلك مما سبقت الإشارةإليهلله واخذ به‬
‫كلام العاق يطو ديوي كما يرى أن فاته كان بادها‬
‫زوجهاعن نفسهاو تمتنع عنه قال لها إن أطعيني ولا قلت منك‬
‫شيمان ظهرا لبطى فتلقت التي لامهالى شتم فاشتدعاه وقال له‬
‫في ذلك فقال يانبى الله كلام العشاق وبیفاش شى ذلك شيمان‬
‫‪(52‬‬ ‫‪JANVIER-MARS 1930.‬‬
‫عليه التهم على أن تلك الكلمات مبوتة فيما بين فصول أن تضت‬
‫ما قبلها وما بعدها علم أنه لا مجال عليهاللاغراض ففيكلام الله‬
‫تعالى وكلام شوله ألفاظ متفرقة دث في صفات الله عز وجل ولو أنها‬
‫جعت كرت دفعة واحدة كمافعلهاأهل الضلال كان لهامن‬
‫التلبيس والإيهام والألغاز تایی عظیم واذا رات كل كلمة في موضعها‬
‫الأثق بها مع القرائن المقترنة بها لم تمها الأسماء ولم تنب منها‬
‫الطباع فقد ورد في حق الله تعالى جده القا جم غايةالأهال‬
‫خوله للواب لطاءأظهر الإحتمال الاشياء‪ ،‬والول ‪،‬‬
‫والغضب ‪ ،‬والى‪ ،‬والكبير‪ ،‬والشوق ‪،‬والفرح ‪ ،‬وال ‪،‬والكراتية‬
‫والده ‪ ،‬وكلا الصورة والوجه‪ ،‬والعين ‪ ،‬واليد‪ ،‬والأصبع ‪،‬‬
‫والبيع ‪ ،‬والبصر‪ ،‬وكقوله ) من ذا الذي يت الله قرضا حسنا‬
‫وقوله( وهو الذي يقبل التوبة عن عباده ويا القاب قوله‬
‫يموت صلى الله علیه مرگ قلم تعدنى وجعتقمتطعتني حتى اضطرب ‪13 .‬‬
‫مومی وقام وقد وقال الهی او تموم وجوع فقال مرض عبدی ان‬
‫وجاء عبدی این ولو أطعمت هذا وعدت ذاك لوجدتني عندهما‬
‫وهذا مطابق لما أوحاه إلى داود علیه السلام حيث قال يا رب أين‬
‫أطلبك فقال عند المنكسرة قلوبهم لأجلي وهذا كقولهتعالى في الكتاب‬
‫المنزل على نبينا محمد صلى الله عليه " إن الله مع الذين اتقوا‬
‫والذين هم خ ون وإن الله مع الادقين والضابرين وان الله مع‬

‫(‪ )1‬قرآن ‪ :‬البقرة ( ‪ ;2 6 ,)1‬لديد ( ‪.11 ,)1vi1‬‬


‫(‪ )2‬قرآن ‪ :‬التوية‪ ; 105 , ) 18 (.‬الشورى ( ‪.: h ,)11‬‬
‫(‪ )3‬قرآن ‪ :‬لنحل ( ‪.18 . )xvi‬‬
‫‪LA ŠAKWA.‬‬ ‫‪(13‬‬
‫التسنين هيره القاضا جملة وقع بشبيها خلق كثير في القالود‬
‫بها قوموقالوا لو كانت البوه حقالاو شول الله صلى الله عليه‬
‫صانع العالم بأان تدل على الجسمية فإن شيرية تدل على الحدث‬
‫وهولاءالما أتوا من قبل علومهم وقتيباعتهم في علوم العربيةكما‬
‫قيل أوافر)‬
‫وكم من عائب ولاميتا وافته من القهم القيم‬
‫وإلى هولاء يشير القرآن حيث يقول ( بل كذبوا بما لم يحيطوابعلو‬
‫عليهم ينته حيث يقول " وإذ له يقتدوا به ق ولون هدا اقل‬
‫قديم والعلماء الراسخون في علمهم لا يخفى عليهم تاويل قډه الألفاظ‬
‫بل فيأظهر من الي عندهم وأكثر الخلق تاهوافيها حيوان‬
‫‪.‬‬ ‫معانيها (طويل‬
‫ى غمات الموت ثم يزورها‬ ‫ديكش الغاء الا ابى كة‬
‫ولوكان الوصول إلى معرفة تاويل هذه الألفاظ الجملة هاه لما‬
‫شول الله صلى الله عليه وآله بر الأمير عبد الله بن عباس في دقائه‬
‫يقوله اللهم فقهه في الدين وعلمه الاول وي على صعوبتها عند العموم‬
‫يسهل دركها على الخصوص كما قيل بسيط‬
‫شهر لخلق جاها ختم‬ ‫أنام ملء جوني عن شواردها‬
‫(‪ )1‬قران ‪ :‬یونس ( ‪.!10 ,)1‬‬
‫(‪ )2‬قرآن ‪ :‬الواقعة ( ‪.10 , XLv1‬‬
‫(‪ ) 3‬ق آن ‪ :‬آل ؛ آن ( ‪ ; 5 ,) 11‬النساء ( ‪.100 ,) 1‬‬
‫‪JANVIER-MARS 1930.‬‬
‫م هذه الألفاظ الله المنيةفي القرآن والدي لؤعها متد‬
‫واشتنتی إماما وقال ما تقول فيمن يدياللبوة ويزعم أن الله يجوع‬
‫مض وفض وتفرح وتيك يجت وبعضوتقرين منالخلق ‪۱۰‬‬
‫وياخد الدقة وينزل من علوإلى شغل وصورته صورة الادميين وله وجه‬
‫مع تصود وأشبع فرما قل الإمام المستفتي عن مقصود‬
‫هذا المجد وأنه ي حشوا في الإرتقاء فأطلق القول بان من قال‬
‫ذلك قد خبرونده من حقيقة الحق واتهمطل في دلخواه له ين‬
‫لقوله هذا سبب الا ان الميدعبين كلمات كان من حقها‬
‫أن تكون متفرقة تراها عن قرائن كان الواجب أن تذكر تلك‬
‫الكلمات الا مع تلك القرائي كي تكون مهمة فإن من القرائي التي‬
‫تدعاحتمال الطاء في هذهالألفاظ قوله تعالى ( ليش گوئیه ؛‬
‫وقوله ‪ ،‬فمن يخلق من يخلق وإذا كان لد مع هذاالايز‬
‫فما الى إذابدل لفظامكان لفظ بدل الترول باليوالإستواء‬
‫بالاستقرار وذكر الله والشايد مكان اليد والأذن والصماخ مكان‬
‫البيع او اللحم والعظم مكان الوجه او البد مكان التنفس فإن لفظ‬
‫التزوير والاستواء والي الوجهوسائر الألفاظ الملة إذا ځکت على‬
‫ما وردت في القرآن والحديث من غير تغییر و تبديلي ود بشع ولا‬
‫تفريق ولا تيادة و تقاي ولا تجيد عن الكيمات التي بها‬
‫وبعدها ولا تغية عن القرائي التي اقترنت بها زال عنها الإبهام‬
‫و فيها الإبهام وما أبعد عن التحويل من لا يدرك الفرق بين‬
‫(‪ )1‬قران ‪ :‬الطور ( ‪9 ,)aLii‬‬
‫(‪ )9‬قرآن ‪ :‬المد ( ‪.17 ,)avi‬‬
‫‪LA ŠAKWA.‬‬ ‫‪| 65‬‬
‫بعهذه الكلمات في ورقة واحدة وذكرها دفعة واحد وي يكا‬
‫‪ 443‬فيما بين كلمات لعلها تزيد على ألف ألف كلمة وما لي أستبعد من‬
‫علماء العصر إنكارهم على وله ل أكابر العلماء في كني عضرمودین‬
‫وبأنواع الى مقصودين كمالك وأبي حنيفة والشافعي وأكد سفین‬
‫وا الله عليهم أين وكذلك كان مشائ الصوفية كاتيد‬
‫والقبلي وأي يريد البسطایی وذي النون البصري وسهل بن عبدالله‬
‫التشترى وأبي الحسن الثوری وفنون الت وقد ند وين‬
‫الإختصار دكوت من ذلك طرت ولك الوقت له يتحتمل التطويل‬
‫أرض عن ذلك وتمل ماقيل [بسيط‬
‫تعرض البوق بجديا فقلت له بأنها البوق إني عنك مشغول‬
‫و ترو أن أحد وقد صنفت وأنا يافع لأخلاق العشرين فما فوقها‬
‫اضع ب يرأبناءالين واليمين عن تفهمها فضلا عن اليفها‬
‫وتصنيفها بسيط‬
‫إن خسوفي أنى عيريهم‬
‫تلى من اللي أقل القلي قد سدوا‬
‫من أراد أن يقف على يمة ما ذكرت في جيع ماأوردت وأصدرت‬
‫يتوب به معانيها‬ ‫طلب مفاتي نظرفيها و هاتا‬
‫وشوفيها كرالي الموشومة يقرى العاشي إلى معرفة الوان والأهالي‬
‫و لي العﻻية والمفتلذ من الريف وهما من مختصواب‬
‫التصانیف والوالي الملقبة بأمالي الإشتياق في ليالي الفراق والكتاب‬
‫‪COSTI.‬‬
‫‪66‬‬ ‫‪JANVIER-MARS 1930.‬‬
‫التىمنية يشوب وهو في عمل الشاب الهندسي الرسالة التي‬
‫بنتها غالية البحث عن معنى البعث والأخرى الممتاة صلةالبازل‬
‫الأمون على ابن اللون والتاب الذي لقبته بزبدة الحقائق وهدا‬
‫آبنما صفته من الكتب وكنت إذ ذاك من ابناء أربع وعشرين سنة‬
‫وفي هذه السنة التي ابتكن فيها التقدير بهذه الفتنة بتغ ‪۸۸۱۰.‬‬
‫لناولين وفي الأشد الذي ذكرها الله جل في قوله تعالی( حتى‬
‫إذا بلغ أشده وانمايستوي الرجل عند بلوغ الأربعين ومن مولدات‬
‫خاطرى ال بيت في السيب سم بها القاطري عشرةأيام وی‬
‫مجموعة في حيفة تقر بهة العشاق وهةالمشتاق وهذه‬
‫الأرجوزة منها‬
‫غادةمن تقى معة تعزى إلى خير أب و‬
‫يكتتها اجئے اشد فروالعدى على جاد جد‬
‫بكل صمام ممتيل تي وابل من الرماح التي‬
‫دارت ومخبي مع ب ير في فترات من ځواني ډ‬
‫و هامات الرى والوفد إلى جيب الباعوارى النډ‬
‫ير فيت في عيش لذيذ في‬ ‫يلبس تى كرم‬
‫وي كدكن وهن ندى ألتها م ابالن‬
‫وأجنبني بالتتم ورد الخد‬ ‫‪..‬‬
‫لقد خضت في تنی کتابین مشوطين كانت نيتي أن تكون كل‬

‫(‪ )1‬قرآن ‪ :‬الاحقاف ( ‪. 14 ,)171‬‬


‫‪LA ŠAKWĀ.‬‬

‫واحد منامشتمد على عشرمتدات أحدهما في علوم الأدب‬


‫كنت قد تمته بالمدخل إلى العيد ورياضة علومها الأبنيه والأخرى‬
‫تفسیر حقائق القرآن ثم عافني مات البنين والإقبال على ما هو‬
‫قوش ممي عن إتمام التابين وى تقف حقيقة أخوالىمني د‬
‫متايهله ولدوقلة الأناني ع مصداق هذه الدعاوى التي‬
‫أرى هذه لال ما أنا عليه من ضيق القدر تشت الأمر وتشب‬
‫الخاطر وتوزع الفكر عن إقامة هان عليها قلبيض من أراد ذلك عنايته‬
‫إليها (شعر)[كامل ]‬
‫سال ضاعة هل وفيت بذمة أم هل وضعت الأمرچین ولی‬
‫فكر كنش كتيبةأجرته جی وار روپ صلی‬
‫وكريم أبطال لتیت بيدهم فسقيتهم كاس الودي وشقي‬
‫وأخ يجيب المستضيف إذا دعا الخيل يعرف التاج زيت‬
‫فطلب المد غیرمتر إن مم مم وإن حييت كييت‬
‫ومما لا بد من ذكره في هذهالتعة حقيقة مذهب الشتی فان‬
‫الحاجة ماسه إليه وأنا أذكر ذلك في كتة فصول كنأول الأيمان هو‬
‫الإيمان بالله شوله وباليوم الآخروأنا أدري كين أضير ق دكاودا‬
‫له ملياعلى المصطفى محمد وعلى سائر أنبيائه والله يعصم من الكل‬
‫منه وفضله‬
‫‪68‬‬ ‫‪JANVIER -MARS 1930 .‬‬

‫الفصل الأول في الإيمان بالله ووقاته‬


‫اعلم أن الله تقائی موجود لايتمم عليه الدم واحد لا يتصور یہ‬
‫الجني فهوالملك الكريم الرمحن الرحيم و الجلال والإكرام ‪،‬والأبناء‬
‫العظام قلوب الخلق بيده وتواصى العالمین إلیه د بشهشان عن‬
‫شان وقد خضع لتيائه ل سلطان کلا شريك له في وحدانيته ولا‬
‫مثل له في قوانينه ولا ضد له في ميريهولا يد له في أحديته‬
‫له الملك ولموت تحت سلطانه الو بوت أول ك ئه وقبل‬
‫كل شىء وهو الباقي بعد فناء كل شى قهو الحميد الجيد والفعال لما ‪ ۱۰‬تا‬
‫بريد(‪ )2‬علاودوه ونا في مملوه ظهر في بطونه وبطن في ظهوره‬
‫والحجب عن اليق لشدة اشراق توره وهو بار النهار واليوم‬
‫القادر والأخري أولين والأول فيآينه أحاط بكل ى‪ ،‬حتماووسع‬
‫مه ولاقد فاض في اليمني والموت‬ ‫أهل الماء وا‬
‫خيره ونده مقام الغيب لا يعلمها غټهده وله العم المتظاه‬
‫والي المتواترة والفضلازيل والشنع الجميل والع النيع والتقال‬
‫البيع والضع الكريم والإحسان القديم والكرم الفاخروالملك‬
‫الظاهر والعين الباذخ والسلطان الشامخ خلق الأرض والماء و‬
‫المقاديرفيها كيف شاء قدرهاوبها أح تقدیروترتيب كمله‬
‫(‪ )1‬قران ‪ :‬الرجی ( ‪.97 ,)17‬‬
‫(‪ )3‬قران ‪ :‬هود ( ‪ ; 109 ,) 11‬البروج ( ‪.16 ,)Lxxxv‬‬
‫(‪ )3‬قرآن ‪ :‬الانعام (‪.. ,) 1‬‬
‫‪LA ŠAKWA.‬‬ ‫‪69‬‬

‫في كل ذرة من بير نجيب سيء إليه العباد وهو يزداد إخافتا اليهم‬
‫وتبون بالمعاصى واى إلاتطفت عليهم لا خييمممهولا‬
‫تعد اباديهولايطاق النظر إلى كمال إشراقه ولا إلى مباديه تى‬
‫منقاد لعظمته واون والبنات في بنته وقدرته قديم وأول‬
‫قدمه باق لاآخرلبقائه دائم الوجود من غير زوال کامل الذاتي على‬
‫كل حال الموصوف بصفات الكمال الموت بتموت الجلال والجمال و‬
‫الأسماء التي والصقات الغلى لا يمال الأجسام ولا يقبل الإنقسام‬
‫از الذات تنمى التيفات كان قبل أن تخلق الأرضين والموات‬
‫هو الان على ما كان من أوصانيه التامات وتعونه الكادت لايشبه‬
‫الموجودات في دايير ولا في صفاته بل الموجودات كلها قطرة من بحر‬
‫قدرت وآية من آياته لايعرب عن نمو اللي م ا رو‬
‫منه كالهباءبل علمه بما تمت أرښهکلمه بمافوق الماء والموجودات‬
‫لها في عين عليه كقطرة في بحار ومة في قارو تخرج عن إرادته‬
‫نظرة ولا عن مشيئينه خطرة فما شاء كان وما لم يشألم يكن ود‬
‫حادث من الكائنات يوجد في أجيه المعدوم كما أراد في الأول‬
‫ولمه في القدم من غير زيادة ونقان ولاتقدم ولا تأسر وهو‬
‫الشييع العليم الذي لا يتم عن سموه ممنوع ولا عن تصرة مبر‬
‫بل سواء عنده من جهربالقول واسه ماأضمرة القلب وأظهره‬
‫أسرار المائر عنده علانية وأفهام الخلق دون إدراك آمال صفاته‬
‫وانية وهو المتكلم بالكلام القديم القائم بذاته المنهعن أن‬
‫را‪ ،‬قرآن ‪ :‬سبا ( ‪ ;3 ,)117‬يونس ( ‪.63 ,)1‬‬
‫(‪ )2‬قرآن ‪ :‬الرعد ( ‪,11 ,)1‬‬
‫‪JANVIER-MARS 1930.‬‬
‫يشبه كام المخلوقين وجميع ما قاله من المحكم والمتشابه )على ما‬
‫قاله وكما أراده أمره ونهيه حق ووعده وعیدهصدق تومن بير‬
‫إيمان تحقيق ويقين وتصدق به تصديقا لايانا فيه ريب جل‬
‫وجهه وتعالى جده من كي لا يعارضه موت وباق لا يتمهفناء أظهر‬
‫الموجودات بقدرته اختراعا واشتدبخلقها ايجادا وإبداعا‬
‫سبحانه شبانه ما أعظم شانه وأظهر بهانه وأحشطائه وأجزل‬
‫خانه وأتم امښتانه لا تقتدي القلوب لوضين بهائه وعظمتهولا‬
‫طمع طامع في الأحاط بكمالهإنه شات حضرته فما أنه‬
‫في جادله وأنهاة في ماله وأعظمه في كبريائه وأظهرة في الشراق ضيائه‬
‫وأثبته في بوبيهوأدومه فيكوليته وأعهفي واحدانيته واجهفي‬
‫مدايته وأقدمه في أولهوأشبهفي أزليته هو الوارث إقلي‬
‫أرضهوماليه وهوالى حين لا تي في ديمومةمتهوبقائه ع‬
‫أن يصد كمال ذاته لسان أو يفى بنه صفاته العلى بيان‬

‫الفصل الثاني في الإيمان بالبنوة‬

‫غم أن الله جل جلالهتتم الأنبياء مبشرين ومنذرين ‪،‬وأزد ‪16۱۰‬‬


‫دا إلى كافةالى العرب منهم والمالأسود والأحمر وأيده‬
‫والممرات الظاهرةوالايات الاهرة فس بشعه من الشرائع ما‬
‫(‪ )1‬قران ‪ :‬آل عران ( ‪.5 ,)1‬‬
‫(‪ )9‬قرآن ‪ :‬البقرة ( ‪ ,)1‬و‪ : 20‬وغيرها‪.‬‬
‫‪LA SAKWA.‬‬

‫شاء وقرر منها ما شاء وهو خاتم الأنبياء سيد البشر‪ (،‬شعر) )‬
‫[كامل ]‬
‫ليد‬
‫هيهات أن يد الا نظيره إن المالى بيته‬
‫والتنوير عبارة عن كمالات تصل الأنبياء ولا يتصور الوصول اليها‬
‫بياعةالعقول ولي العقل إلاأن يصدق بذلك تصديق يشتيده‬
‫من طريق النظر في البراهين الواحة والدلائل البينةفأماأن يوف‬
‫عاقل ببضاعة عقله إلى تلك الكمالات فكاد وحاشي طور النبوة وراء‬
‫طور الولاية ونهاية الأولياء هي بدايةالأنبياء وطورالولاية وراء طور‬
‫ه‬ ‫العقل ونهايات العقلاء بدايات الأولياء ومن ذهب مذهب الق‬
‫وظن أن الليبي عبارة عن شخص بلغ أقصى درجات العقل و‬
‫بضاعة قلبي في الأوامر والتوالي وزعم أنها أوضاع وضعها البي وشواها‬
‫على الحكمة فقد انخلع من ربقة الأشدم والحطفي بيت أهل‬
‫الغباوة بل له ينطق عن الهوى وان كامه وحي يوحي ‪ ،‬والإمام‬
‫اللى بعد رسول الله صلى الله عليه وسلم أبوبكرثم عمرثم ثمن ثم‬
‫على رضى الله عنهمأعين علماذلك بالاجماع القاطع الاب ‪-‬‬
‫بطريق التواتروقد كت في عنوان القى قصيدة أحلى من المني‬
‫في الواد وال من وصال الأحبة بعد طول البعاد مدحت بها رسول‬
‫الله صلى الله عليهولقاء الراشدين رضى الله عنهم أ ين بل‬

‫(‪ )1‬هنالك في النسخة الخطية احرف كاد يذهب اثرها لم أقف على مذاها‪.‬‬
‫(‪ )3‬قرآن ‪ :‬النجم ( ‪.3 ,) Lun‬‬
‫‪72‬‬ ‫‪JANVIER - MARS 1930 .‬‬

‫مدحت نفسي وشعري جي تصديت يديك و تتو على شبين‬


‫بيتاوهذه الأبيات منها شعر طويل‬
‫شرجي اليه يعملات سواهما( طلا أناها التوق والوخد ‪7 .‬‬
‫وأحد أجفان الرجاء بتربة توی جته فيها فأجفانه مد‬
‫وإن لله تبغيإليو کائي قد هامحشب و ضتها ود‬

‫الفصل الثالث فيالإيمان بالاخرة‬


‫اعلم أن القبر أول منزل من منازل الآخرين وقد ورد الأخبار بشوالي‬
‫منكرونكير ولا نتصو في ذلك ببضاعة ولنا الشيقة فاكتر حوال‬
‫الآخرة إنما يدرك بثور النبوة وقليل منهايدركه أفراد الأولياء‬
‫وأكد الراسخين من العلماء والقبر اما روضة من رياض الجنة أو‬
‫حفرة من حفر النيران وقدم الحفرة والروضةومنكر ونكير‬
‫لايدل على عديم رؤية الميت إذ نحن في عالم المثير والشهادة‬
‫والميت في عالم الملكوت والفيب وقد قال النبي صلى الله عليه وآله‬
‫اما هما مكان قطان غليظان أزرقان يبحثان الأرض بأنيابهما‬
‫يطان محورهاأواما كالغد القايد وأبصارهما كالبرق‬
‫الخطف وجند ذلك قال عمر بن الخطاب يا رسول الله أفيون معى‬
‫عقلي هذا قال نعم قال إذا أكفيها م يبعث من في القبور يض‬
‫ما في الصدور ‪،‬ورد الأرواح إلى الأجاير والاش يمشون ما راه‬ ‫ه‬
‫و‬

‫حشرون على صعيد القيامة اشتاتا فييوم كان مقداره سين‬


‫(‪ )1‬قرآن ‪ :‬العاديات (‪ ,)6‬و‬
‫‪LA ŠAKWA.‬‬
‫ألي سنة( وليس يعقل ان الضيق بهډهالأمور الممكنةتماما‬
‫أن يدرك ذلك بيضاعته د بل إذا أدرك العقل صدق الأنبياء وأنه و‬
‫تو عليهم الكذب كان مضطرا في تصديقهم بجميع ما أخبروا‬
‫عنه ومن ذلك أخوال الأبية كل ذلك في الميزان وهو الذي‬
‫يعرف العباد مقاديرأعمالهم المئات منهاوالشيئا وكذا الواط ‪.‬‬
‫‪،‬وه جشرمندو لى متى جهت كالشيو في جدهوالشرف‬
‫دينه والا متفاوتون عليه فين طائر يطير وين اريسيروحاب ‪.‬‬
‫بو وهاو يهوي به الى النار في مكان تحيق ‪ ،‬وكذاالجنة والنار وما‬
‫فيها من انواع الالام وأشدهاالكود في النار مع الحجاب وأقسام الداي‬
‫وأغلاها النظر إلى رب العالمين وجميع ما و في القرآن وقطتبه‬
‫الأخبار النجاح فهو حق وهد دوي به إيمانا د تمارى فيه وكا‬
‫الو الورود الذي من شرب منه شربة لله يظمأ بعدها أبدا‬
‫أحلى من العسل وأشد بياضا من اللبن وكذلك الشفاعة فهى كى‬
‫يشفع الأنبياء ثم الأولياء تم العلماءثم الشهداء ثم موم المومنین‬
‫ولكن وين شفاعةكما قال رسول الله صلى الله عليه هذاهو‬
‫الاعتقاد الى الذي أععليه الشلف الصالحون والأمة المنقرضون‬
‫ولا فيهم اسوة حسنة وقد مضية وقد قلت فيبل أصول الإيمان‬
‫أيات وي ( طويل |‬
‫ينت بالبرهان من طق الثل‬
‫وجود قديم د دوى إلى هب‬
‫(ا قرآن ‪ :‬المراج ( ‪. .)Lan‬‬
‫(‪ )9‬ترآن ‪ :‬اج ( ‪ ,)nu‬و ‪.3‬‬
‫‪JANVIER-MARS 1930.‬‬
‫بيعبصيرعالي متكم "‬
‫مرید قدیردی كيوة وفي فضل‬
‫يقوم بومافي مواته العلى‬
‫وفي اژيه التى من الحزن والهير‬
‫وليس لنا من خالي وصور‬
‫سوى الواجي اليوم في الغلو والتنقل‬
‫ولا ريب لي في أثة هي الورى‬
‫خيهمفهو المجدوالمبلى ‪.‬‬
‫أن رسول الله أنه ختوو‬
‫قول و قصير وما هو بالهزل (‪)1‬‬
‫وان اليأدي الياد‬
‫ما قاله كل من الفزع والأضد‬
‫وان الذي بعد الممات جميعه‬
‫على ما حكاه المصطفى خاتم الشل‬
‫هااعتقادی واغتقاد مشایخی‬
‫وأدى المانيين والله من قبلي‬
‫‪8r .‬‬
‫فهل بين شرق الأرض والعبميم‬
‫بحالف فيه من ذوى العقل والنقد‬
‫ماؤه‬ ‫وكم من في بودي‬
‫بعراء من قولي وشنعاء من فعل‬

‫(‪ )1‬ق ان ‪ :‬الطارق ( ‪.13 , )Lilv1‬‬


‫|‬ ‫‪LA SAKWA.‬‬
‫‪ .‬مالى ورب الراقصات إلى منى‬
‫سوى دعوة أدعو بها الله من غير‬
‫الهى طټر وجه أرضك منهم‬
‫وإنمما قالوا فطهره من مثلي‬
‫والأولىأن أفت على هذاالقدر وأن تد طول الكلام مع ما أنا فيه‬
‫من ضيق الصدروأنا أشكو(‪ )1‬إلى الله أقواماأفكروا حتوى العلم‬
‫والخدوا غير المعروف من سجاياأولى ليتم وتنعوا بي إلى الشلطان‬
‫واختتموا على عظيم البهتان ولله تم بواجب حتى علماء الفرق ولا دو‬
‫الممرات ورق وأشمون يصوم أبنادقهم وأعاديهم فما أجدهم أن‬
‫نشد قول الشاعرفيهم (کامل)‬
‫ما هذه الرحم التي لا ترحم‬ ‫ما هذه القرى التي لاتقي‬

‫والله يعلم أني لم أزل أعينهم على مطالبهموأقوم بمقاوم تحصيل‬


‫ماربهم وأنهم باليد والإيمان وأجازی مسیئهم بالأخشان وأجبر‬
‫سيره أف أسير وأضل قادهم وأدفع عنهم حاسدهم وأحوى‬
‫ظنونهم وامالهم وأعلم مما علمني الله جهالهم وأن أتماعهم غرائب‬
‫الكلم وهم لطا الكم(بسيط‬
‫لا ذنب لي غير ما تميزت من محور شرقاوغرباوماأحكمت من غق‬
‫(‪ )1‬في الأصل الذي ‪.‬‬
‫‪JANVIER-MARS 1930.‬‬

‫فالله حسيبي وحسيبهم يوم لا ينطقون ولا يوځ لهم يقدرون (‪)1‬‬

‫الحمد لله رب عالمي علىويه المعاهرةوالصلاة على محمد وعرفه‬


‫الطاهرة وحسبناالله ونعم الوكيل‬
‫(‪ )1‬قرآن ‪ :‬المرسلات ( ‪.35 ,)Livn‬‬
‫معن(ا‪9‬ه) قرآن ‪ :‬آل عمران ( ‪ - .167 ,)1‬ويليه في النسخة العطية رمز لم اقل على‬
LES

ACHÉENS D 'ASIE MINEURE


ET LES PROBLÈMES
DE L'ARRIVÉE ACHÉENNE SUR LA MÉDITERRANÉE
AU [[E MILLÉNAIRE ,
PAR

RAYMOND WEILL .

Ayant été conduit, en 1921 ct 1922 , à effectuer une revi


sion générale de ce que nous savions sur les Peuples de la Mer ,
connus par la documentation égyptienne , que les pharaons
Ramsès II , Mineptab et Ramsès III eurent comme adversaires
ou qu'on rencontre parmi les mercenaires de leurs ennemis ,
quelquefois commemercenaires dans l'armée égyptienne même,
et cherchant à préciser la localisation des pays d'où tous ces
Marilimes dont nous avons les noms étaient originaires (1), j'ai
porté une attention particulière sur l'une de ces dénomi
(1) Weill , Phéniciens, Égéens et Hellènes dans la Méditerranée primitive,dans
Syria , II (1921), voir p. 130-141, 194; Sur la dissémination géographique du
nom de peuple dans le monde égéo-asianique , dans Syria , III (1999 ), .p . 27
38 ; J. As., 11° série , XIX (1922 ), p. 141-164 ; cf. , antérieurement déjà .
Revue archéologique , 1904 , 1, p. 61-69.
JANVIER -MARS 1930 .
nations, celle des Akaiounša qui figurent dans la liste des étran
gers auxquels Mineptab cut affaire , vers l'an 1230 . Depuis
longtemps, comme on sail , l'égyptologie a reconnu dans
leur nom celuides Achéens, et l'on a toujours pris en considé
ration en même temps le nom des Dainiouna ou Dainiou ren
contrés dans les rangs des Peuples de la Mer repoussés par
Ramsès III, et qui plus évidemmentencore sont les Danaens.
Nous avonsnoté que les deux noms, dans les conditions où les
documents égyptiens les enregistrent, désignent le plus vrai
semblablement des Égéensou des Asianiques commetous leurs
voisins du tableau général de ces Maritimes, et analysé la par
ticularité significative de la désinence ethnique asianique, -aša
ou - ena , qu'ils présentent l'un et l'autre , Dainiou-na (= Dainiou)
comme dans Sard -ina ( très connu chez Ramsés II, Mineptab et
Ramsès III), Akaiou -aša comme dans Tour -ša (Mineptah et
Ramsès III), Kerke-ša (Ramses II), Šakal-aša (Mineplah et
Ramsès III), Quas-aša (Ramsès III).
En opposition ,disais-je, avec la situation ethnique et géo
graphique ainsi exprimée , il y a cet autre fait, qu'Achéens ou
Danaens de la tradition grecque sont, non des Asianiques ,
mais des Hellènes de la Grèce continentale . Et j'essayais de
montrer que ces témoignages discordants se pouvaient conci
lier dans le cadre même de la tradition grecque, informée que
les vieilles villes du nord -est du Péloponèse, Argos,Mycènes ,
Tyrinthe, auraient été fondées par des gens venus de la mer,
Inakhos , Danaos , Pelasgos, — et Danaens, Argiens , Achéens,
dans le vocabulaire de l'épopée , sont exactement des syno
nymes — à qui se rattache ensuite Pélops, l'éponyme de la
presqu'île , l'aïeul des Achéens caractéristiques de l'épopée,
Agamemnon et Menelas, et qui, trouvons-nous ailleurs , avait
eu pour père le Phrygien Tantale : de telle manière qu'il
semblait apparaître , en fin de compte, qu'Agamemnon et
Menelas étaient d'extraction phrygienne.
LES ACHÉENS D 'ASIE MINEURE. 79

Ainsi formulée , toutefois , cette dernière conclusion estdan


gereusement simple et sommaire, trop précise sans nul
doute , car elle ne saurait valoir que pour le stade de l'élabo
ration légendaire complètement achevée, et perd de vue que
si Pelops a toujours été d'Asie -Mineure. — nous n 'en avons pas
la preuve, mais , comme on va le dire, la chose estextrêmement
probable , — il est reconnaissable par contre qu'Agamemnon
descendant de Pelops est loin de remonter au stade traditionnel
le plus ancien que nous arrivons à atteindre. On accède à ce
ncie

stade en séparant, par analyse progressive , dans le complexe


légendaire de la tradition de l'épopée , les éléments primitive
ment indépendants qui sont venus se souder ensemble. Au
premier degré, comme on sait, expliquant la formation de
I'Iliade, il en faut ôter tout ce qui concerne l'intervention
d'Ulysse, représentant de l'archipel de l'Ouest, etl'on se trouve
alors devant un corps de récit d 'une cohésion excellente :
L ’lliade authentique se résume dans l'alliance d 'Achille ,
d'Agamemnon etde Menelas, représentants des trois fractions
de la Grèce mycénienne les plus intéressées à la disparition de
Troie , 1). C'est cela sans doute ; mais le tissu de cette Iliade
authentique, se prête à la décomposition à son tour, suivant
uneméthode(2) qui consiste à libérer la narration primitive de
noyau historique, celle d'une guerre du roi d 'Argos contre Troie,
en la débarrassant des éléments mythiques associés, ceux de la
légende thessalienne d'Achille etceux de la légende spartiate du rapt
de la déesse Hélène. Or, dans une des versions de l'histoire
d'Hélène, les sauveurs de la déesse étaient deux frères Aga
memnon et Menelas, dont le dernier fut promu, de très bonne
heure, à la qualité héroïque ou divine d 'époux d'Hélène ,
d'ailleurs roi de Sparte comme successeur de Tyndare. Aga.
(1) FOUGÈRES , etc., Les premières civilisations, 1926 (dans Peuples et civila
sations , t. 1), p . 217.
(23 Je suis ici Ed.Meyer , Gesch. d . Altertums, II , 1 (1928 ), p. 296-302.
80 JANVIER -MARS 1930.
memnon , cependant, restait sans emploi , et quand la légende
deSparte vint à être nouée à l'histoire de la guerre de Mycènes
contre Troie , en même temps que du ravisseur d'Hélène on
faisait un Troyen , on confiait le personnage du roi de Mycènes
à Agamemnon. Ainsi ces deux figures de la légende religieuse
laconienne se transposèrent en celles de deux rois (1), cheſs de
l'empire ou de la confédération péninsulaire de l'épopée , en
quelle qualité ils arrivèrent immédiatement à être les des
cendants de Pelops. Toute cette fusion , et l'organisation gé
néalogiquecorrélative, étaientconsommées au stadede l'épopée .
Mais pour le stade primitif, comme on voit, il convient de
séparer Agamemnon de Pelops, qui seul, dès l'origine, se pré
sente comme recouvrantce que désignent les noms de Danaens,
d 'Achéens ou d 'Argiens du vocabulaire de l'épopée, c'est-à-dire
les populations prédoriennes de la Grèce et notamment de la
presqu'île . Et la question de Pelops asianique en prend plus
d'intérêt encore . Sa bliation d'Asie n 'est attestée que long
lemps après l'épopée(2) : il est phrygien chez Sophocle , Héro
dote , Bacchylide , lydien chez Pindare. Mais au ve siècle , en
pleine atmosphère hellénique, pareille tradition si opposée aux
générales prétentions d 'autochtonic des Grecs ne peut être in
ventée de toutes pièces , et il est comme nécessaire qu'elle soit
acquise d'époque très ancienne. On pourrait même se deman
der si cette tradition d'un Pelops préhellénique n 'avait pas le
londement d 'une siluation historique positive , observant que
la formedu nom permet de douter qu'il appartient à une langue
grecque(3)

(1) D 'autres historiens ne croient pas devoir s'engager si profondément dans


la voie de l'analyse légendaire. Glotz , Histoire grecque , I (1995 ), p. 340 ,
visant l'épisode de Menelas succédant à Sparle à Tyndare , père d'Hélène
( Paus., III , 1, 5 ) , y voit simplement l'arrivée en Arcadie des Achéens.
12) Voir Glotz , loc. cit. (1995) , p. 81, n . 67; MeyBR , loc. cit. (1928 ) ,
p. 250 , n . 1 .
. 3 Meyer, loc. cit. (1928) , p. 250 , 270-971, sur Pelops et autres noms
LES ACHÉENS D'ASIE MINEURE. 81

Pelops = Danaen , ou Achéen , Pélops et Danaos venus d 'outre


mer,Achéens rencontrés parmiles Asianiquesde la Méditerra
née orientale au xuiºsiècle , ces informations concordent, et
le renseignementqu'elles comportent serait assez simple et très
acceptable du point de vue de l'histoire , si l'on ne devait tenir
compte en même temps de ce que Pelops , Danaens et Achéens
de l'épopée sont hellenes de manière essentielle et caractéris
tique, et qu'il paraît subsister dans les termes , de ce fait, une
contradiction non résolue. Dès 192 1 , toutefois , l'on était am
plement en mesure de reconnaitre qu'il n'y avait point là
d 'opposition irréductible, le mot d’Achéens désignantun objet
ou un ensemble d'objets indiscutablement hellénique,mais cet
ensemble , d'autre part, considéré dans loute l'étendue de son
domaine historique , se trouvant embrasser de vastes régions
du sud de l'Asie Mineure. Ce que les Grecs de l'époque histo
rique , en effet, comprenaient sous la dénomination achéenne,
est un ensemble linguistique constitué par les parlers grecs
arcadien , cypriote et pamphylien , dont on constate par ail
leurs que la couche sous-jacente a été recouverte par les par
lers doriens de l'époque historique(1). Ces vestiges de langue,
îlots géographiques , semblent effectivement correspondre aux
aires de quelques territoires reculés et peu accessibles où la
population de la langue primitive, cela est clair surtout pour le

formés avec le vieux suffixe ethnique -on, qu'on rencontre assez souvent en
Grèce propre , en Macédoine et en Épire : cette formation pourrait être em
pruntée à une langue antégrecque. Mêmes lumières et conclusions plus affir
matives chez EISLER , Die Seevölker n -namen in den altor . Quellen , dans Cau
casica , nº 5 (1998), voir p. 76 -79. Cf., antérieurement, AutRAN, Suffixes
pluriels asianiques et caucasiens, dans Babyloniaca , VIII, 3 , et Le nom propre
grec (1997) , p. 46o.
(1) MEILLET, La place du pamphylien parmi les dialectes grecs , dans Rev. des
Et. grecques, XXI (1908), p. 413-425 (cf. Dussaud, Les civilisations pré
helléniques , 1914 , p . 441-442 ;Glotz , La civilisation égéenne , 1923 , p. 64
65 , et Hist. grecque, I, 1925, p. 88 ; JARDÉ, La formation du peuple grec ,
1923 , p . 79) ;MBYER, loc. cit. (1928) , p. 380, 548,
CCXVI. 6
INPAINERIS JATIONAL . .
JANVIER -MARS 1930.
plateau arcadien central , a été refoulée par l'invasion des Hel
lènes de l'époque suivante, de sorte qu’on induit sans peine
que ces survivances achéennes sontcelles d 'un monde hellénique
du premier stade qui comprenait la Grèce tout entière.Mais ,
d 'après l'emplacement même de ses ruines , cette Grèce ou
< Hellade, proto-helléniques'étendait sur la Pamphylie et sur
Cypre, c'est-à-dire, apparemment, sur tout l'ourletméridional
maritime de la grande péninsule , si bien que l'idée se pré
sente , très généralement, que dans l'esprit de la légende
grecque primitive , les provenances orientales des fondateurs
n 'exprimaientpeut-être rien d'autre que ce fait , dont on avait
souvenir ou connaissance , de la parenté de ces « Hellenes >>
anciens établis des deux côtés de la mer Égée. Nous revien
drons, de manière plus précise , à ces parentés de peuples ;
nous verrons qu'elles embrassaient, par rapport aux Hellenes
de Grèce , non seulement le bord sud , mais aussi l'ouest et le
centre de l'Asie Mineure , et que la légende exprimait remar
quablement bien, parfois , une situation positive et certaine,
comme on s'en rendra compte notamment dans le cas de
Pelops venu de Phrygie ou de Lydie. Pour le moment, il suf
fira d'avoir montré quedepuis longtemps déjà , l'historien pou
vait concevoir un monde proto-hellénique achéen , celui même
de l'épopée , mais plus vaste géographiquement que l'épopée ne
le connaît, et s'étendant, en Asie Mineure, au moins tout le
long de la bandeméridionale.
Car la question se pose immédiatement, dès lors , de retrou
ver sur ces rives de l'Asie Mineure quelque grand réservoir
achéen , en situation de parenté démontrée ou probable avec les
Achéens péloponésiens de la période hellénique ancienne, et
susceptible en même temps d 'avoir fourni les guerriers rencon
trés dans la Méditerranée orientale au xı°siècle. Pour le plus
grand nombre des autres, parmilesPeuples de la Mer des listes
égyptiennes , la localisation géographique originelle estacquise ,
LES ACHÉENS D'ASIE MINEURE. 83
et souventnous conduit, pour lemieux des faits historiques ,sur
la côte sud de l'Asie Mineure ou bien en Crète , face à l’Egypte
même. Tel est le cas pour les Loukou , Lyciens, les Kirkiša ,
Ciliciens, les Tourša qui sont Tarse , c'est-à-dire la Cilicie en
core une fois , les Poulousati dont les Philistins portent le nom ,
et qui vinrent de Créte ; tandis que les Sardina de Sardes
avaient leur berceau , en Asie Mineure, dans un nord -ouest
plus lointain , que les Ouašaša se retrouvent dans la ville
d 'Oasassios et les Sakalaša à Sagalassos dans la Pamphylie
intérieure. Par contre , les Dainiouna -Danaens ne se rencontrent
pas, jusqu'ici, dans la toponymie de la grande presqu'île. Et
le cas des Akaiouaša - Achéens se présente dans des conditions
que nos vues historiques sur les provenances et les migrations
achéennes ont toujours rendu assez particulières et difficiles.
Le nom des Achéens, en effet, qui à l'époque historique
désigne encore , du côlé européen de la mer Égée , la région
la plus méridionale de la Thessalie et la côte nord du Pélo
ponèse , en même temps qu'il persiste en Béotie comme déno
mination cultuelle (1), se rencontre d 'autre part tout autour
des côtes de l'Asie Mineure : à Cypre dont on са connaît la côte
nord achéenne, où des Grecs installés s'appelaient achéens, où
le même nom était conservé dans certaines mentions reli
gieuses(2); puis à Rhodes , où l'on sait que Achaia reste le nom
de l'acropole d'Ialysos(3); face à la Grèce, en pays ionien , où
(1) Demeter achéenne de Béotie : renseignements chez Meyer, loc. cit. (1928 ),
p . 281, n . 4 .
(2) Côte achéenne de Cypre : Strabon , XIV , 6 , 3 , Ptolémée, V , 14 , 4 . De
meter à Paphos et les À xaloudyteis à Cypre : voir Glotz , loc. cit. (1925 ) ,
p . 86 , 107 et n. 147 , et Meyer , loc . cit. (1928), p . 281 et n . 4. Un Grec de
Cypre , dans une inscription trouvée à Abydos, se disant À youwos : Meillet,
Aperçu d'une histoire de la langue grecque (1920) , p. 60, cf. Glotz , loc. cit.
(1925), p. 107, n . 147.
(3) Diodore, V, 57, 6 ; Athénée, VIII , 61; C.I.G ., XII, fase. 1, nº 677.
84 JANVIER -MARS 1930.
l'on connaft une domination coloniale achéenne(1) et un éta
blisseinent, au fond du golfe en arrière de Lesbos, qui est
appelé portdes Achéens (2); dans l'extrême nord-ouest, enfin , en
Troade, où se trouve un autre port des Achéens, ou camp des
Achéens, ou bien Achaion (3). Etil y avait des Achéens à bien
plus grande distance, en plusieurs régions du bord nord de
la mer Noire, un port des Achéens encore, dans les environs
d 'Olbia et du Borystènes (“), puis, au delà du Bosphore cim
mérien , des Achéens parmiles peuplades sauvages du Caucase
et de la rive(5), où l'on signale en outre une bourgade
achéenne (6), d 'autre part une vieille Achaia maritime qui est sans
doute la même chose , et l'embouchure d'un fleuve Achaion
dans la même région (7). Peut-on retrouver , dans ce vaste
domaine, les anciens Akaiouaša du Pharaon Mineptab ? Comme
lieu de provenance de ces guerriers de la mer , le Pont et même
la Troade sont évidemment trop lointains, plus lointains en
core que les foyers achéens de la Grèce européenne ; l'Achaie
de la côte ionienne irait mieux,mais surtout Rhodes et Cypre
conviendraient à merveille du point de vue de la situation géo
graphique. Dans cettemanière d'expliquer les choses, cepen
dant, il fallait tenir compte du jugement unanime et comme
naturel des bistoriens, qui pensaient que les centres achéens
desdeux grandes îles étaient les résultats de colonisations par
ties de la Grèce européenne , de même d 'ailleurs que l'autre
centre achéen de Pamphylie attesté par la parenté linguis
tique. Mais il n 'y avait pas là de difficulté positive ou même

(1) Strabon , Viit, 5 , 5 .


(2) Strabon , XIII , 3 , 5 .
(3) Pline, V , 33, 1; Strabon , XIII, 1 : 31, 32, 36 , 46, 47 .
(6) Pline , IV , 26, 2.
(6) Diodore, XX , 25, 2 ; Pline, VI, 5 , 9 et 12, 1 ; Strabon , XI, 1 , 19-13 ,
XVII, 3 , 24 ; Ptolemée , V , 9 , 25 ; Scylax, 75 .
(0) Ptolémée, V , 9 , 8 .
(7) Arrien , Périple du Pont, 27- 28 .
LES ACHÉENS D'ASIE MINEURE. 85

affirmée par les circonstances; les Akaionaša de la relation


égyptienne pouvaient fort bien être venus des grandes îles
achéennes, au prix seulement d'être des Hellenes, et qu'il fût
admis, comme bien on faisait, que leurs pères dans les îles
étaient arrivés du Péloponèse. Le plus grand nombre des his
toriens ont raisonné ainsi (1), et ce n 'était point si mal, comme
la suite devait le montrer, en dépit de cette complication de
l'histoire de la migration achéenne dont les récentes acquisi
tions historiques, on va le voir, semblent nous permettre au
jourd 'hui de nous affranchir.
Quant à moi-même, en 1921, je commis la faute de rai
sonner par apalogie, trop exclusivement, et d'induire que les
Akaiouasa asianiques , de même que leurs compagnons les
Toursa , les Kirkiša, les Ouašaša et tous autres , étaient des
aborigènes anciens, que l'on ne pouvait donc identifier avec
les Achéens hellenes de Cypre ou de Rhodes. L 'erreur consistait
peut-être , au fond , à récuser le témoignage grec sur les
Achéens de la Méditerranée orientale , le tenant pour valable
en ce qui concernait la seule époque grecque historique; je
notais comme une lacune documentaire que le nom des
Achéens, sur ces rivages , ne fût pas rencontré de source an
cienne ou locale , dans quelque vieux nom de ville ou quelque
relation historique indigène ; en toute vraisemblance, arri
vais- je à conclure(2), « des Achéens et des Danaens, que nous
ne connaissons pas, ont existé sur la côte sud de l'Asie Mineure
ou dans la mer Égée : attendons qu'une heureuse trouvaille
épigraphique nous les rende» .
113 Par exemple Maspero, qui en 1897, dans sa carte de l'Asie Mineure vers
le rir' siècle (Histoire , II , p . 361), couvrait du même nom d 'Agaiousha toute
la Grèce européenne et la côte nord de Cypre .
(4) Loc. cit. dans Syria , III (1929), p . 35.
86 JANVIER -MARS 1930 . .

On ne pouvait se douter , alors , que le væu ainsi formulé


recevrait satisfaction aussi vite , et beaucoup plus complète
ment qu'on n 'eût osé le désirer, par la découverte historique du
grand foyer achéen qui nous manquait sur la côte sud de l'Asie
Mineure , et l'acquisition de ce fait considérable que les
Achéens d 'Asie Mineure que nous allions connaitre se présen
tent à nous comme des Indo-européens , de proches parents
des autres Achéens de la rive opposée de l'Egée. Ce qui n'im
plique point, disons-le tout de suite , qu'on les doive propre
ment appeler Hellenes , car très vraisemblablement ils ne sont
pas venus de la Grèce européenne.
La découverte est due à l'acquisition et au déchiffrement
des tablettes cunéiformes de Boghaz-keui, qui nous ont appor
té par ailleurs tant de choses nouvelles. Les faits intéressants
pour notre objet consistent dans la rencontre, en ces textes
historiques de l'empire hittite , de renseignements développés
sur un grand état achéen qui a existé dans la région pamphy
lienne au xivºet au xın° siècle. Les documents ont été rassem
blés et discutés attentivementà plusieurs reprises , notamment
par Forrer (1) en 1924, dès 1924 également par Dhorme(2),
signalés brièvement en 1925 par Meillet(3), puis longuement
étudiés, de 1926 à 1929, par Forrer, Friedrich, Götze ,
Hrozný(4), cependant que les historiens les présentaient en ré
(1) FORRER, Vorhomerische Griechen in den Keilinschrifttexten von Boghazköi,
dans Mitt. d . deutschen Or.-Ges., n° 63 (mars 1924 ); Die Griechen in den
Boghazköi-texten , dans 0 .L .Z ., XXVII (1924 ) , col. 113-118.
(2) R . P . Duome, Les Achéens dans les textes de Boghaz-Keui, dans R . B .,
33 (1924), p . 557-565 .
(3) Meillet, Les Achéens au xiv siècle avant J.- C ., dans Bull. de l'Associa
tion Guillaume Budé, juillet 1925, p. 11-12.
(1) FORRER, Forschungen , I, fasc. 1, Die Arzaova -Länder (1926), fasc. 2 ,
LES ACHÉENS D'ASIE MINEURE. 87
sumé(1). A leur suite à tous , il est aisé d'esquisser un tableau
rapide des événements dans leur cadre.
A l'empire hittite , qui remplit toute la moitié orientale du
continent d 'Asie Mineure dans sa masse intérieure, confine au
sud un grand pays d’Arzawa, connu depuis longtemps par
les lettres d 'Amarna , et dont on sait, à présent, qu'il comprend
toute la Cilicie et peut étendre sa domination , par moments ,
à l'ouest , sur la Pisidie , dans l'arrière-pays de la côte pam
pbylienne. Sur les côtes de l'Arzawa cilicien , des places impor
tantes sont Vilousa , à l'est , l'Elaiousa connue , et à l'ouest ,
près de la Pisidie, Karkisa , qui est Korakésion , et dontle nom
se rencontre identique , Kerkeša , dans les relations de Ram
sès II; on sait que ce nom est celui même de la Cilicie (2). La
moitié est de la Pisidie , au contact de l’Arzawa propre, s'ap
pelle Seha ; l'ouest est le Millawanda (Milyas), arrière-pays de
la Lycie maritime, laquelle paraît dans les documents hittites
sous la forme Lougga , notée depuis longtemps, par ailleurs ,
Loukki dans les lettres d'Amarna , Loukou parmi les Maritimes
connus de Ramsès II et de Mineptah. Dans les mêmes docu
ments hittiles on rencontre , sous la forme Dalaova , Tlos
de la Lycie occidentale. Le long de la côte , enfin , dans l'inté
rieur du cercle dessiné par Lougga (Lycie ), Millavanda , Seha
et Arzawa maritime à son extrémité de Karkisa (Korakésion ),
c'est-à -dire couvrant l'aire de la Pamphylie , est le pays d 'Ahhi
jawa.
Dans ce nom , on s'accorde unanimement à reconnaître

Die Nachbarländer des Hatti-Reiches , etc. (1929); Friedrich dans Kleinasiat.


Studien , I, p . 87 et suiv.; Görze , Madduwattaš (1928; Mitt. d . vorderas.-äg.
Ges., t. XXXII , fasc. 1) ; HROZNÝ, Hethiter und Griechen , dans Archiv Orien
tálni, I (1929), p. 323-343 , et son compte rendu deGötze , Madduwattaš,
dans 0 .L .2 ., XXXIII (1930), col. 33-35.
(1) Glotz , Hist. grecque, I (1925), p . 89-93 ; Meyer , Gesch . d. Altertums,
IT , 1 (1928) , p . 546-550.
(9) Weill , loc. cit. dans Syria, III (1922), p. 38-31.
JANVIER -MARS 1930.
celui d'Achéen, ẢxaFa.Au temps du grand Hittite Morsilis II
(1340-1315 environ ), les rois de ces Achéens sont un certain
Antarawas, puis son frère Tawagalawas, qui est le grand guer
rier du royaume à cette époque. En Tawagalawas on incline
fort à voir un EteFoxhe Fns, Etéoclès, et dans Antarawas un Áre
Spéus , bien que ces transcriptions ne soient pas évidemment
sûres. Au débutdu règne de Morsilis , l'Ahhijawa et le Lougga
ayant été atlaqués par le Millawanda, qu'Arzawa poussait en
avant, le Hittite se porte au secours des Achéens et les gens de
Millawanda sont repoussés. Une douzaine d 'années après ,
Morsilis et Tawagalawas ne sont plus alliés; ils se montrent en
position de concurrence du côté de Millawanda et traitent lon
guement ensemble; le roi hittite appelle l’Achéen son frère ,
comme on parle à un grand roin de domination impé
riale (1).
Peu de temps après , sous Mouwattalis , successeur de Mor
silis II, on voit paraître un roi Aleksandous de Vilousa , dont
le nom , lui aussi, a bien l'apparence d 'être grec.
Au siècle suivant, on a un traité du roi des Hittites Dodha
lias IV (1263- 1 225 ) avec le roi d 'Amourrou de la Syrie du
Nord , dans lequel des précautions sont spécifiées contre quatre
grandsrois, ceux d ’Egypte , de Babylonie , d’Assour et d ’Abhi
jawa , témoignant par là que cette dernière puissance ,
(1) On a noté, dans le même texte , que l'Achéen serait appelé « roi ajawa
lasn, ArForos, Eolien : Forrer ,mémoires cités, Glotz , loc. cit. , p. 89-90 ,
FOUGÈRES, loc. cit., p. 200 ; mais cette interprétation du mot dans le cunéi
forme est nettement contestée par FRIEDRICO , Kleinas. Studien , I, p . 97 et
suiv., et Meyer , loc. cit. , p. 549. De même Glotz , loc. cit., FOUGÈRES , loc.
cit., p. 365 , Hrozný, loc. cit. (1929), p . 339, 340, suivent Forrer dans
l'identification d'un pays de Laaspa des textes du temps de Morsil II , qui
serait Lesbos, se présentantdans de telles conditions que le roi achéen de
Pamphylie aurait Lesbos dans son domaine ; Meyer, loc. cit., considère les
avoisinants probables de ce Laaspa , d'après les textes , et trouve peu vraisem
blable qu'il puisse s'agir de Lesbos, beaucoup trop éloignée dans le nord
ouest , totalement en dehors de l'orbe d’Ahhijawa etde ses partenaires .
LES ACHÉENS D 'ASIE MINEURE. 89

l'achéenne, est considérée sur le même plan d'importance que


les grands empires de cette époque. Ces Achéens étaient bel
liqueux et agressifs, comme nous en informe longuement, un
peu plus tard, la plainte de Maddouvattas . prince d 'un Zip
pasla maritime qui, voisin de Dalaova, est en Carie méridio
nale ou à Rhodes. Ce Maddouvattas, au temps de Dodhalias IV ,
avait été chassé de son pays par l’Achéen Attarissijas, puis
réintégré par l'intervention du roi hittite , qui avait exigé de lui
l'engagement de ne plus accepter la suzeraineté achéenne.
Mais Attarissijas avait réattaqué, par la voie de la mer ; Dodha
lias étant revenu à la rescousse , l'Acbéen avait perdu une
grande bataille , et Maddouvattas avait pu rentrer dans son
pays. Parmi les contrées en la possession de Maddouvattas on
relève , bien intéressante par le nom grec qui la désigne, celle
de Hoursanašša , très probablement la Chersonèse de Carie.
Ultérieurement, poursuit le récit du prince carien , sous
Arnouanda IV (1925- 1200), fils et successeur de Dodhalias,
le même Attarissijas s'était porté à l'attaque deCypre, ancienne
possession hittite cependant; du lexte mutilé et des faits qu'il
conserve , il semble ressortir qu'à cette époque, une partie de
Cypre appartint au roi achéen ou à l'un de ses vassaux. On
notera sans imprudence , semble-t-il, que la côte achéenne de
Cypre dans la géographie grecque remonte bien probablement
à ces événements de conquête (1).
Ces entreprises maritimes n 'étaient point les seules où les
Achéens d’Attarissijas donnaient leurs efforts. La guerre se
poursuivait sur le front de terre , où l'on croit comprendre
qu'Achaïe et Arzawa avaient partie liée pour résister à l'avance
hittile : nous sommes instruits, en effet , que vers la fin du
règne de Dodhalias, sous la co -régence de son fils Arnouanda,
(1) Tout à fait ainsi pense Fougères, loc. cit. (1996 ), p. 316 , all; et
Ed. Meyer n 'en est pas loin (loc. cit., 1928 , p . 553), assignant à l'Achaïe de
Pamphytie le rôle d'un centre d'essaimage.
90 JANVIER -MARS 1930.
les Hittites chassèrent les gens d’Arzawa des pays occidentaur
de leur domaine et réduisirent le Seha à soumission ; après
quoi « le roi d'Abhijawa se retira . . . n. La fin manque.
On veut généralementqu'Attarissijas soit un Atreus; cela est
tentant et probable , bien que sujet à contestation , autant que
les autres transcriptions d' Antarawas en Andreuset de Tawagala
wasen Etéoclès. Cette dernière est jugée douteuse par Meillet
(loc. cit.). Glotz les trouve toutes e moins aventureuses en réa
lité qu'en apparence » , et portant son attention sur les deux rois
d'Achaže , les deux frères , l'Andreus et l'Etéoclès probables , il
signale cette curieuse rencontre des deux noms des documents
hittites avec ceux des rois Andreus et Eléoclès , le père et le fils,
que conservait la légende d 'Orchomène(1).Meyer penche à ap
prouverl'équation Tawagalawas = Etéoclės, mais touchant Attaris
sijaset Atreus, il voit à l'équivalence des noms des difficultés
linguistiques sérieuses(2); il nole , à ce propos , qu'absolument
rien , dans les textes hittites , ne se rapporte au roi Atreus de
Mycènes , non plus qu'au fait de rel'expansion d'un grand em
pire achéen qui, de la mère-patrie , se serait étendu sur les
côtes de l'Asie Mineure », et il met en garde les historiens
contre le danger de constructions trop rapides dans cet ordre.
C 'est l'évidence même, surtout en ce qui concerne les person
nages , avec qui il serait absurde d 'identifier les figures des

(1) Glotz , loc. cit., p . 89-90 ; voir Pausanias , IX , 34 , 9 et suiv.


(9) Meyer, loc . cit., p . 549-550. Les mêmes difficultés vues par Sayce , qui
pensait reconnaître que la superposition d'Attarisijas et Atreus était phonéti
quementimpossible , lui avaient donné lieu de proposer, assez singulièrement,
d 'identifier cet Attarissijas avec Perseus, pour des raisons fondées sur certains
traits communs de la relation cuneiforme et de la tradition grecque (Sayce ,
Perseus and the Achaeans in the Hittite tablets, dans Journ . of Hell. Studies ,
XLV (1925 ], p . 161-163). Notons, en parenthèse , que dans ce curieux
article Sayce voit avec faveur l'identification , mise en avant par Cowley,
d 'Achéens avec Ha-hiwi de la Bible : identification même qui avait été pro
posée , dès 1980 , par Autran , Phéniciens, p . 72 et n . g.
LES ACHÉENS D 'ASIE MINEURE.
légendes grecques(1); toutefois , il n 'est point sans intérêt , et
nous y reviendrons plus loin , de pouvoir retrouver dans la
légende de Mycènes , de Thèbes ou d'Orchomène les noms
d 'Achéens historiques de la côte d’Asie Mineure.
Quant à l'équation fondamentale Ahhijawa = $ xasoi, on
s'accorde à la considérer comme toutà fait sûre. Ces Achéens
parlaient-ils grec ? Nous n'avons point encore d’écrits émanant
d'eux, mais sur la langue de leurs voisins d’Arzawa nous
sommes éclairés par deux lettres d'Arzawa, au grand dossier
d 'Amarna , que Knudtzon , dès 1902, signalait comme écrites
en une langue indo-européenne et qui ne sont autre chose,
effectivement, que du hittite (2). Il semble qu 'on puisse penser
sans témérité que dans le cercle d 'Arzawa-Ahhijawa, c'est- à
dire toutle long de la côte cilicienne-pamphylienne , à partir
du xive siècle , on parlait ou le grec, ou des langues étroite
ment apparentées.
Dans l'ordre proprementhistorique,d 'autre part, la royau
té achéenne de Pamphylie se manifeste comme tenant une
place honorable parmiles grandesdominations du mondeorien
tal et méditerranéen . Que ces navigateurs guerriers , limités à
droile et à gauche par les Ciliciens et par les Lyciens, soient bien
ceux quiparticipent, avec Lyciens , Ciliciens et tous autres, aux
attaques contre Ramsès II et Mineptah , cela ne fait évidem
(1) Après Forrer lui-même, on note Fougères et ses collaborateurs de 1936
parmi ceux qui semblent incliner à cette erreur, enregistrant la « réalité his
torique de diverses généalogies et personnalités princières jusqu'ici reléguées
dans le domaine de la légenden (FOUGÈRES, etc., Les premières civilisations,
1936 , p. 200 ).
(9) Knudtzon, Die zwei Arzawa-Briefe (1902), où il rappelait que, dès 1894 ,
des fragments analogues avaient été trouvés à Boghez-keui par l'expédition
Chantre . Les deux lettres sont celles des numéros 31 et 39 de la grande collec
tion : KNUDTZON , Die El-Amarna- Tafeln (1915 ), p .270-277 et le commentaire de
0 . Weber, ib., p. 1074-1076. On pouvait reconnaître , dès lors , que la langue
était en relation étroite avec celles du Mitani et des Hittites ; on sait aujour
d 'hui qu'elle n'est autre chose que le hittite indo- européen même.
R
92 JANVIE -MARS 1930 .

ment aucun doute ; mais ce sont là menues entreprises , sans nul


doute laissées à quelques bandes de corsaires ou de merce
naires, et fort négligeables au regard de l'activité du royaume.
L'Achéen de Pamphylie nous apparaît,au long d'une centaine
d'années, comme un grand roi indépendant, l'égal en dignité
de l'Egypte , de Babylone et de l'Assyrie , quelquefois l'allié , le
plus souvent le concurrent redoutable des Hittites sur leur
frontière du sud-ouest , et sur mer , à 150 kilomètres de dis
tance tout autour du centre , l'agresseur de la Carie et le suze
rain d'une partie au moins de l'ile de Cypre. Il serait sans
doute excessif de décorer celte domination du nom d 'impé
riale, mais elle fut remarquablement développée et vigou
reuse .
Quels étaient ses antécédents ? Pour Forrer, cette organisa
tion est trop importante pour avoir eu son centre dans le petit
pays de Pamphylie , qui ne serait qu 'une annexe , un organe
excentrique dépendant d 'un ensemble beaucoup plus vaste ,
l'empire dont le souverain est désigné commeun un des grands
rois du monde par le traité de Dodhalias IV avec l'Amourrou ,
lequel empire aurait été la Grèce elle-même. Nous avons vu en
quels termes fort justes Meyer reproche à Forrer la création
de pareilles images chimériques. Mais Forrer a-t-il fait autre
chose qu 'accentuer une formule dès longtemps et très généra
ralement acceptée , celle de la provenance grecque, d 'Europe ,
de toute la civilisation hellénique d 'Asie Mineure et des îles ?
Ces vues sont fondées sur des considérations linguistiques que
nous avons rappelées plus haut, et avec lesquelles les nouvelles
acquisitions historiques se sont parfaitement accordées; voyons
Meillet, à propos des Achéens de Pamphylie au XIV° siècle ,
nous rappelant(1) que « les parlers pamphyliens , quoique mal

(1) Meillet , Les Achéens au xir siècle avant J.-C., dans Bull,de l'Association
Guillaume Budé, juillet 1925 , p . 11-12.
LES ACHÉENS D 'ASIE MINEURE. 93

connusetsous une formetrès dégradée,appartiennentaugroupe


arcado -cypriote des parlers grecs , c'est-à-dire au groupe
achéenn, et expliquant qu'à présent voici la ce confirmation his
torique que les Acbéens se sont étendus, du xv° siècle au xinº,
du Péloponèse à Cypre , , le pamphylien qu'on observe à date
historique étant la dernière trace de cette colonisation grecque.
Meyer lui-même , en dernier lieu , raisonne et s'exprime exac
tement de la mêmemanière (1) : « Etvoici qu'on sait positivement
que la Pamphylie a été occupée, à l'époque mycénienne, par
des Grecs venus du Péloponèse ...» Sur les mêmes bases, tous
les historiens des années qui précèdent immédiatement avaient
dit la même chose; Jardé : « Dès le milieu du xie siècle, les
Achéens sont maîtres de la Crète , d'où ils partent pour leurs
expéditions d'Égypte. Vers le xirº siècle , ils atteignent Chypre ,
etdans lemême temps ils occupentla plupart des Cyclades(2) ,
Glotz : « Une grande partie du littoral compris entre la Cilicie
et la Troade s'ouvre . . . à partir du xivº siècle , aux tentatives
des Occidentaux. . . En Pamphylie se répand un dialecte ap
parenté à ceux de Cypre et d'Arcadie . . . (3), Fougères , qui
après le premier slade, préhellénique, d'influx méditerranéen
dans la Grèce continentale ,voit se produire en mouvement con
traire , au temps des Hellenes arrivés en Grèce , rel'expansion
achéoéolienne dans la mer Égée et en Asie Mineure (1400
1100) . . . La Grèce , du xive au xie siècle , avait reflué sur les
fles, l'Asie et l'Égypte , avec . . . les Achéens de Phthie , d ’Ar
golide, de Laconie et de Messénie. On avait vu alors les prin
cipautés achéo -éoliennes s'installer . . . à Laspa (Lesbos ) .. .
en Cilicie, à Rhodes et à Chypre . . . ( g . Et voici en dernier
(1) Mergr , loc. cit. , p. 548.
My JARDÉ, La formation du peuple grec (1923), p . 230.
Glorz , Hist. grecque, I ( 1925 ) , p . 88 , cf. p . 523-524, et Civ. égéenne
(1993), p. 65.
(4) FOUGÈRES , etc., Les premières civilisations (1926 ) , p. 198 et suiv., 365.
Va relrouve l'influence , en cet exposé , d 'Etéoclès l'Eolien et de Lesbos dans
94 JANVIER -MARS 1930.
lieu Hrozný, qui ne croit pouvoir éviter d'admettre que l'em
pire achéen d 'Asie Mineure est purement asianique et propose
- cela est intéressant — d'identifier sa capitale Ahhijawa
Ahhija avec l'Achaia connue de Rhodes ,mais n'en continue pas
moins à croire que ces Achéens de Rhodes, eux-mêmes , pro
venaient d'une émigration de Grèce (1).
Est-il donc absolument nécessaire que les Achéens qui
occupent l'Asie Mineure et les fles, au xivº siècle , soient arri
vés de la Grèce européenne, et n 'y aurait-il pas là un long
malentendu qu'on pourrait éliminer à cette heure ?
*
*

C 'est une question , tout d'abord , de savoir si l'on est dans


la ligne vraie des choses lorsque, avec certains historiens(2),
on assimile les fondateurs légendaires des villes grecques ,
venus de la Méditerranée orientale , aux populations préhellé
niques qui ont occupé la Grèce primitive. Les faits généraux du
peuplement de la Grèce avant les Hellènes sont nettementper
ceptibles et assez bien définissables historiquement, dans le
cadre de la tradition grecquemême et en s'aidant de moyens
dont les principaux sont ceux de l' archéologie ; on arrive à
voir qu'au commencement et au cours du III° millénaire plu
sieurs flots d 'invasion se sont recouverts sur le pays , arrivés
par la voie de la mer Égée ou descendus du nord , venant des
Balkans et de la Thrace; et le tableau qu'on obtient de cette

les textes de Boghaz-Keui, où ces deux interprétations sont le plus probable


ment des erreurs : voir ci-avant, p . 88 , n . 1 .
(1) Hrozný, loc. cit. (1929) , p . 333-334 , 343. Ses vues sontapprouvées , dans
un mémoire additionnel et voisin , par A . Salać,Griechen und Hethiter (Archio
Orientální, même vol., p. 344 -349 ), voir p. 345 , 347.
(2) Notamment Fougères et ses collaborateurs de 1926, loc. cit., p . 365 .
LES ACHÉENS D'ASIE MINEURE . 95

Hellade « pélasgique , des abords de l'an 2000 n'est pas très


différent, suivant qu'on se borne à y évoquer le grand mélange
confus de ces peuples que les Grecs appelaient Pélasges,
Gariens, Lélèges , Dryopes , etc.(1), ou qu'on cherche à distin
guer, côte à côte, les Pélasges, d'origine asiatique probable,
les Caro-lyciens et les Lélèges certainement anatoliens, et les
arrivés du continentdu nord à la même époque (2), ou encore
que plus précisément, sur la base de l'analyse toponymique ,
on arrive à séparer les strates de l'alluvion humaine , tout au
fond les Pélasges et Lélèges venus d'Asie Mineure, au -dessus
d 'eux, Asianiques également, les Etéocrétois , Lyciens et Cariens,
puis l'apport de l'étage illyro-thrace , que suivent immédiatement
les premières arrivées hellenes (3), Telle est, approximativement,
l'histoire. Reste-t-on , après cela , dansune méthode historique
saine lorsque, sur le même plan que ces Lyciens, Cariens et
Pélasges et dans le même cadre d'événements, on inscrit les
noms des fondateurs et pèresdedynasties légendaires,Kekrops,
Inakhos, Danaos, Pelops, Kadmos ?
Il est difficile de répondre certainement. Certains de ces
noms ont une forme qui permet de les croire empruntés à
une langue non - grecque ,ce qui accuserait une appartenance
préhellénique; Kadmos , bien qu'originaire de Phénicie dans
les combinaisons légendaires qui nous sont parvenues, est un
Béotien très pur(5),mais Grec ou anté- grec ? Au fond , pour
l'objet qui nous occupe, la vraie manière de poser la question
paraît être de nous demander comment les Grecs eux-mêmes
imaginaientla posilion ethnique de tous ces fondateurs , et ici,
la réponse n 'est guère douteuse . Kadmos fondateur de Thèbes

(1) Glotz , Hist. grecque, I (1995), p. 68-70 .


(2) FOUGÈRES , etc., loc . cit., p . 119-120.
(3) Dossaud, Les civilisations préhelléniques ( 1914 ), p. 440-444 .
(6) Pour Kekrops et Pelops, voir ci-avant, p. 80 , n. 3 .
(5) Meyer, loc. cit. (1928), p . 254 , n. 3 , 256, n. 1. . .
96 JANVIER -MARS 1930.
est inconcevable s'il n 'est Hellène , même venu de Phénicie ;
Kekrops fondateur d 'Athènes arrive d'Égypte , Inakhos à Argos
vient d'Égypte ou de Libye , tous deux sont forcément Grecs ;
et la même situation est plus nécessaire encore pour Danaos
l'Argien , l'ancêtre de Perseus fondateur de Mycènes, et pour
l'asianique Pelops, père du roi deMycènes Atreus, car Danaos ,
Argien et Mycénien sont d 'exacts synonymes de l'autre appella
tion d 'Achéen , plus générale .
Le cas de Pelops est particulièrement significatif. Cet épo
nyme de la Grèce achéenne vient d 'une Asie où nous savons ,
aujourd'hui, qu'il y avait, à l'époque des premiers Hellènes ,
un centre achéen important, qui parait bien avoir tenu à un
monde indo-européen beaucoup plus vaste , confinant à l’Ar
zawa et à la masse profonde du continent hittite . On croit com
prendre qu 'au même stade, des Indo-européens occupaient
également d 'autres régions de la grande péninsule : l'Achaže
de Troade ,dontnousavonsnoté l'existence à l'époquehistorique,
pourraitêtre unerémanence des arrivées achéennes des premiers
jours, et l'on observe alors que le Pelops traditionnel de
Phrygie ou de Lydie , c'est-à -dire du grand quart de cercle de
l'Asie Mineure sur son bord ouest et nord -ouest , se rencontre
avec le nom des Achéens au centre même de ce territoire d 'ori
gine. On vient à penser que dans l'esprit des élaborations
légendaires primitives, la provenance phrygo - lydienne de
l'éponyme achéen a signifié essentiellement qu 'il y avait rela
tion de parenté entre les premiers Indo-européens dont les
peuples, à l'est et à l'ouest de la mer Egée , se faisaient face .
On sait d'ailleurs que cette parenté est assurée historique
ment. Les Indo-européens descendus de la péninsule des Bal
kans peuvent être distingués en un flot occidental, arrivé par
l'Illyrie , l'Epire et la Thessalie et qui fournit les Hellènes , et
un flot oriental qui peupla la Thrace et, les détroits fran
chis, sur l' autre rive du nord de l’Egée , la région phry
LES ACHÉENS D 'ASIE MINEURE.
gienne(1). Les premiers sont ceux qu'on appelle les Achéens;
les Thraco-pbrygiens sont, comme on voit, les proches cousins
de ces Hellènes de la rive d 'Europe , et la parenté des langues
le confirme. Mais la parenté linguistique va beaucoup plus
loin dans cette direction en Asie Mineure : elle s'étend à l'ar
ménien , assez complètement pour que Meyer n'hésite pas à
y voir la confirmation de la parenté thraco -phrygo- arménienne
que la tradition atteste , et du fait que les Arméniens avaient
eu leur berceau en Phrygie -Bytbinie avant de se transporter
dans le paysoriental où on les rencontre(2).
Cette dernière conclusion semble être infirmée dans sa base ,
très remarquablement, par l'acquisition de la langue bittite ,
nettement apparentée , comme on croit voir, aux groupes de
la famille indo-européenne ; car les relations du hitlite ne sont
pas avec l'indo-iranien de la grande branche de l'est : « Au lieu
de se rattacher à l'indo-iranien , les éléments indo-européens
de la langue hittile se rapprocheraient, d'après certains lin
guistes, de ceux qu'on retrouve dans plusieurs langues de
l'Europe, notamment dans les langues italo-celtiques(3). Or,
pour l'arménien , même différenciation probable du côté de
l'indo-iranien , même constatation de parenté avec les groupes
indo-européens d'Europe( ).Mais on ne voitpas qu'il puisse être
question de faire venir de l'Egée occidentale ou de Phrygie les
composants indo-européensdes Hittites ; peut-être conviendrait
il de ne pas traiter les Arméniens différemment, et, confor
mément d 'ailleurs à la situation géographique réelle , demettre
Arméniens et Hittites ensemble dans un même groupe de la
famille indo-européenne.

(1) MEYER , Gesch . d. Alt., I , 11 ( 1909 ) , p . 613-614 ; JARDÉ, La formation


du peuple grec (1993 ), p. 96 .
(9) Meyer , loc. cit. (note précédente ), p . 613-617.
(9) Fougères , etc., loc. cit. (1926 ), p. 135, 137.
(1) Meyer , loc. cit., voir notes précédentes.
CCXVI.

EXPBINERTE LATTUALE .
98 JANVIER-MARS 1930.
Les constatations qu'on vientderappeler, touchantle hittite ,
sontde haute importance pour l'histoire des migrations indo
européennes et l'assignation des parentés des peuples. Les
Indo-européens hitlites , c'est-à-dire ceux qui vinrent se mêler
au vieil élément indigène de la moitié orientale du continent
asianique, ne peuvent être arrivés que par l'est de la mer
Noire , en concordance avec la descente parallèle de ceux de
leurs congénères qui recouvrirent de leur alluvion la Syrie
centrale du nord au sud et toute la Palestine , ou fournirent
par fusion avec l'élément asianique la substance du Mitani
euphratéen , peut-être des Kassites du Zagros conquérants de
la Babylonie dès le xviiiº siècle (1). Ces divers rameaux forment
ensemble , dans la famille indo-europénne, un seul groupe
du centre, encadrégéographiquement par le groupe indo-iranien
de l'est et le groupe helleno-italo-celtique de l'Europe. A ce
groupe du centre on donne quelquefois le simple nom de
hittile, à quoi une désignation commecelle de babylono-asianique
serait sans doute préférable. A l'ouest, d'après ce qui précède,
mmun
la délimitation du groupe sur son bord commun avec l'hellénique
est quelque peu imprécise : le hitlite et l'arménien sont en
analogie avecles langues de l'Europe, et l'on peut se demander
si l'arménien tient plutôt au hittite , ou bien au phrygien du
côté hellène. Les choses se présentent comme si les flots des
cendant du nord qui se sont séparés pour encadrer la mer
Noire à l'est et à l'ouest, avaient été deux bras d'un seul cou
rant, assez semblables pour que , se retrouvant au sud de la
mer Noire, dans la grande péninsule, ils pussent être confon
dus encore .
Dans le cadre ainsidéfini, c'est à une place très remarquable
que nous trouvons cette Achaïe de Pamphylie à quoinotre dis
cussion veut en venir , sur la frontière même du courant de

(1) FOUGÈRES, etc., loc . cit. (1926 ) , p . 135 , 140.


LES ACHÉENS D 'ASIE MINEURE. 99

l'ouest (européen ) et du courant de l’est ( anatolien ) de la mer


Noire , et en pointe extrême de quelque façon qu'on la veuille
rattacher , poste avancé des Indo-européens hittites ou poste
avancé des Grecs par delà la mer ; à moins encore que nous
puissions considérer ce peuple comme arrivé en droite ligne
du nord par une routemédiane, indépendante des deux autres.
Quelle que soit la relation qui vienne à se manifester comme
la vraie , on a la certitude qu'elle comportera de profondes
affinités avec l'hellénisme, on ne s'étonne point de rencontrer
dansle pays, dès à présent, des noms de personnes que la lé
gende, en Argolide et en Béotie , possède d 'autre part , et
quant à la langue, que pour le temps des origines nous ne
connaissons pas encore , on la retrouve dans le pamphylien
de l'époque historique, qui est de l'eeachéenn. D 'après ce qui
précède , cependant, il ne semble plus que ces caractères de
parenté doivent impliquer une communauté immédiate d'origine.
Si l'on veut bien , considérant d 'ensemble le monde achéen du
IIV° siècle , faire table rase de l'axiome universellement admis
d'une provenance centrale européenne, on verra qu'en toute
rigueur nous pouvons former trois hypothèses :
- ou les Achéens d'Asie Mineure sont venus de la Grèce
européenne;
- ou les Achéens de Grèce procèdent d 'un grand foyer
d'Asie Mineure, plus ou moins complètement décelé à l'heure
présente ;
- ou bien des Achéens, tous apparentés entre eux , sont
arrivés de côté et d 'autre , en Asie Mineure et en Grèce , par
des voies indépendantes.
Est-il nécessaire , en principe, que tous les peuples du nom
achéen soient sortis d'un foyer méditerranéen unique ? Alors il
nous faut choisir entre les deux premières hypothèses, et tout
de suite la première seule , celle de la théorie courante, se
montre acceptable , à cause de l'impossibilité de révoquer en
100 JANVIER-MARS 1930.
doute que les Hellènes soient bien arrivés en Grèce venant du
nord par la voie continentale . Il subsiste à l'encontre, grande
ment significative, l'origine phrygo-lydienne de l'ancêtre
achéen Pelops;mais nous rappelions, un peu plus haut, que les
Phrygiens des origines indo- européennes sont proches cousins
des Hellènes proprement dits , soit des Achéens. Et d'ailleurs ,
la tradition de l'immigration pélopide pourrait aussi se réſérer
au souvenir ancien demouvements de peuples en sens divers,
d'une rive à l'autre de l'Egée encadrée de tous côtés par les
nouveaux occupants qui parlaient la nouvelle langue. Cette
dernière explication nous met sur le chemin de la troisième
hypothèse énoncée tout à l'heure,celle d 'arrivées indépendantes
et parallèles des Achéens de Grèce et des Achéens d'Asie
Mineure , dont il convient de peser les possibilités et les carac
tères plus larges , mieux adaptés peut-être à l'explication des
présences achéennes qu'on rencontre largement disséminées sur
la carte du monde gréco-oriental,
Mettons-nous dans l'esprit de cette hypothèse , et suivons
alors les lignes de la grande migration telle qu'on peut la
comprendre.
Les masses indo-européennes qui se répandront sur la
Grèce et sur l'Asie Mineure descendent du nord , au droit de
la péninsule des Balkans et de la région au nord de la mer
Noire. Plusieurs courants parallèles, au sein desquels le nom
ou la qualification d’Achéen est fréquente et remplit peut-être
la fonction d 'une désignation commune. Carle flot occidental ,
qui entre en Grèce par la voie de l'Illyrie et de l'Epire, est
celui des Achéens traditionnels , qui recouvrent toute la Grèce du
nord et le Péloponèse, et dont le nom , dans la géographie de
l'époque historique,restera attaché à des parties de la Thessa
lie , de la Phthie , peut-être aussi , de date ancienne même,
à la côte nord du Péloponèse; cependant que du côté de l'est ,
où les nouveaux venus alteignent le littoral nord de la mer
LES ACHÉENS D'ASIE MINEURE. 101
Noire , ils sont Achéens également, à en juger par les survi
vances du nom aux alentours de la mer d'Azov et dans le
Caucase . A droite et à gauche de cette vaste zone de la mer
Noire , cependant, des fleuves humains contournaient le bas
sin dans les deux sens. Celui de l'ouest envahissait la Thrace ,
contribuait peut-être au peuplement de la Grèce, et pour
une partie , passait les détroits et couvrait les régions phry
giennes : le souvenir de ces gens est peut-être conservé
dans le nom des Achéens de la Thrace, et il est également pos
sible que des Achéens du même courant soient descendus le
long de la côte ionienne, jusqu'aux golfes où la tradition con
naît leurnom , et que d'autres encore , poussant en ligne droite
au sud et à l’est, aient atteint, passée la Lycie , cette côte
pamphylienne où la dénomination achéenne sort en lumière
comme nom de nation .Mais ces derniers Achéens de Pamphy
lie sont aussi bien , peut-être, arrivés de la direction exacte
ment opposée. Car le flot de l'est de la mer Noire , qui pénètre
en Asie Mineure par les montagnes , est particulièrement
nombreux et dense ; il fournit la substance des Arméniens, de
la grande masse hittite par mélange avec la population indi
gène, atteint le fond du golfe méditerranéen où l’Arzawa de
Cilicie paraît élre de son appartenance, et à l'ouest de là c'est
lui encore qui pourrait s'étendre sur la région pamphylienne.
Dans cetle zone entre Cilicie et Lycie , en tout état de cause ,
se seront rencontrés les deux courants qui avaient contourné la
mer Noire par les deux côtés. Et l'histoire des Achéens établis
à cette place se laisse entrevoir durant un siècle , autour de
l'an 1300 ; ils s'installent à Rhodes et dans l'île de Cypre,
où leur nom subsistait dans la toponymie de l'époque grecque
historique, cependant que ce nom était oublié en Pamphylie
même.
Que les événements se soient déroulés le long des lignes
d'un réseau semblable , et que toutes les Achaies connues de la
102 JANVIER -MARS 1930.
géographie grecque, autour de l'Asie Mineure , ne doivent rien
en réalité à une colonisation venue d'Europe, nous en trouvons
la conGrmation , par une sorte d 'argument d'omission , dans le
fait que l'histoire de la colonisation de l'Asie Mineure , chez
les Grecs eux-mêmes et dans la tradition grecque, semble
ignorer l'action des Achéens primitifs , et surtout ne cherche
point à expliquer l'origine du nom des Achéens dans les plus
remarquables des établissements de la côte méridionale .
Comme on sait bien , cependant, dans l'amas des vieilles tra
ditions qui furentmises en ordre aux temps historiques, e une
foule de légendes . . . nous font voir des héros grecs sur les
rives méridionales de l'Asie Mineure (1),. Toutes les histoires
de ce vaste cycle furent certainement recueillies et développées
avec une extrême complaisance , en raison de leur parallélisme
avec les grands faits historiques de la colonisation grecque
dans l'Orient méditerranéen à partir du vuiº siècle , et durant
plusieurs centaines d'années d 'un mouvement intense jusqu'au
fond du Pont-Euxin ; et il paraîtrait extrêmement naturel de
trouver chez lesGrecs des relations, authentiquement anciennes
ou simplement tendancieuses, de la prise de possession de
00 S

Rhodes , ou bien de Cypre, par les Achéens d 'une primitive


époque. Or, de ce côté , rien de semblable. Si l'on parle ,
quelquefois, des migrations des Achéens de Phthie ou du Pélo
ponèse , c'est pour consigner que, chassés par l'arrivée des
Doriens, ils allèrent s'installer dans cette partie de l’lonie
« qui à présent est appelée achéenne (2)» , ou que, d 'après cer
taines relations, les Achéens du Pont-Euxin avaient été les
colons, très anciennement, des Achéens de Phthie ou bien
de la ville d’Orchomène (3). Mais aucune explication n 'est
tentée de l'Achaion de Troade , non plus que de ceux de Cypre

(1) Glotz , loc. cit. (1995) , p. 105-107.


(2) Strabon , VIII, 5 , 5 .
(3) Strabon , XI, 2, 12 , IX , 2 , 42.
LES ACHÉENS D'ASIE MINEURE. 103

et de Rhodes , et bien qu'on trouve encore mention d'une


grande ville de Cilicie , sur l' Issus, qui aurait été fondée par
les Achéens et les Rhodiens(1), : car ces dernières gens
semblent être simplement les Achéens de Rhodes, dont l'écrivain
connaît bien l'existence , mais que la géographie grecque ne
prend poiut souci de rattacher à la Grèce par quelque histoire
de provenance hellénique.
Ilsemble que les dépositaires de l'information grecque soient
toujours restés libres de ne point inscrire les Achéens de ce
domaine excentrique parmiles vieux Hellenes. Formulaient-ils
clairement un énoncé de classification de cet ordre? L 'historien
et le géographe antique se souciaient peu de raisonnement
logique , à quoi ils préféraient l'observation directe ou la cita
tion directe d 'une source. Mais commeun faitmême, touchant
les Achéens, ils savaient — Diodore , Strabon — que ceux de
la mer Noire étaient brigands etpirates particulièrement redou.
tables, et ils semblent bien imaginer que ces ce Barbares » n'ont
jamais été autre chose que des Barbares , en dépit de la tra
dition légendaire qu'ils enregistrent aussi et d 'après laquelle
ces Achéens du Pont seraientles descendants de colons béoliens
ou phthiotes. Quant aux Achéens de Rhodes et de Cypre ,
il est bien probable que les Grecs n 'ont pas eu lieu , à l'époque
historique tout au moins , de les regarder comme de dange
reux sauvages, mais il subsiste qu'ils n 'enregistrent pas que
ce sont des Hellènes , si bien que lorsque nous, modernes ,
voyons en ces Asianiques des Achéens venus de la rive occi
dentale de l'Egée à la première époque, nous créons peut-être
de toutes pièces une situation et des relations que la Grèce
historique n'avait jamaisimaginées. Y a-t-il bien lieu que nous
nous donnions cette peine ?
Car il apparaît , en fin de compte , que si l' on rattache les

(1) Strabon , XIV, 5 , 8.


104 JANVIER -MARS 1930 .
Achéens de la côte sud de l'Asie Mineure , à la fin du 11 millé
naire, à une provenance de l'Hellade occidentale achéenne,
c'est seulement parce que le nom d'achéen est commun , à ce
moment, aux peuples des deux côtés de la mer, et qu'en même
INI
temps il y a parenté linguistique, constatée d'après les survi
vances des parlers grecs d 'Arcadie, de Cypre et de Pamphylie.
Au cours des pages précédentes , nous avons cherché à montrer
que le dernier argument philologique n'était plus probant,
depuis la découverte des affinités européennes de la langue
hittite , qui, jointes aux affinités de même sens de l'arménien ,
permettent d'induire que le cypriote , et aussi le pamphylien
(achéen ) apparenté avec l'arcado- cypriote, peuvent être arrivés
sur la Méditerranée dans les grands courants de peuples
descendus par les routes mêmes de l'Asie Mineure . Nous pro
posons de nous arrêter à cette explication. Pour en avoir le
droit , il nous faut encore porter notre attention sur le phéno
mène de l'identité nominale de tous les Achéens qui auraient
inondé tout le pourtour de la mer Noire , par l'ouest et par
l'est, traversé le continent asianique et peuplé l'Egée sur ses
deux rives. La grande généralité du nom et sa conservation
dans des conditons de dispersion extrême sont-elles dans la
nature des choses de ce monde et de cette époque , et en pou
vons-nous corroborer l'hypothèse par la constatation de phé
nomènes de même ordre et demême étendue?
La réponse est affirmative. Aux siècles mêmes des Peuples
de la Mer et parmi eux, on connaît bien le cas des Tourša de
Cilicie ( 1 arse ) rencontrés en Égypte , dont des congénères
furent les Tyrsènes ou Tyrrhènes d'Italie (1), des Sardina du pays
de Sardes, présents en Égypte et qui sont les Sardiniens en
Sardaigne , des 'Sakalaša de la relation égyptienne, dont le
no
nom paraît être celui des Sicules,des Poulousati, enfin ,gens de
(1) Weill, loc. cit.,dans Syria, II (1991), p. 131 et n.2,
LES ACHÉENS D 'ASIE .MINEURE. 105
Crète dont quelques bandes furentrepoussées par Ramsès III ,
cependant qu 'une entreprise de conquête et de colonisation
était menée à bien par eux, d'autre part , en Philistie-Palestine.
Presque aussidispersés sontlesLoukou desrelations égyptiennes ,
originaires de Lycie ou de Lycaonie , si l'on observe que l'on
rencontre d 'autres Loukkien Syrie dans les lettres d'El- Amarna ,
et loin de là une Lycie en Crète et une autre Lycie en Attique.
La géographie de ce nom est remarquablement parallèle ,
comme on voit, à celle même du nom achéen , bien qu'à une
échelle moindre, et l'on peut se demander s'il n 'y a pas lieu
de croire à un essaimage en tous sens, du centre asianique ,
vers la Syrie , l'Egypte aux temps des agressions, la Crète et la
Grèce continentale. D'autres explications seraient à considérer
commepossibles , toutefois, ainsi qu 'on la noté à propos d'un
autre nom de Maritimes des listes dc Ramsès II , celui de
Pidasa , qui est le nom de nombreuses villes de Pedasos en
Troade et en Propontide, en Carie , en Messénie , et aurait été
signalé, chez les Anciens, comme signifiant emontagne, dans
quelque langue préhellénique(1), Par où l'on voit que l'appa
rente dissémination d 'un nom de peuple peut n 'être autre chose
que la rencontre multiple , en pays diversement situés , d 'une
mêmedésignation inhérente à la situation et tout à fait indé
pendante des occupants. Tel est le cas, d'ailleurs, à n'en pas
douter, pour un dernier nom du tableau des Peuples de la mer
que nous allons évoquer, parce qu'il se rencontre sur tout
le pourtour des côtes de l'Asie Mineure , et fort loin en arrière ,
dans des conditionsgéographiques qui rappellent extrêmement
celles de la dissémination toponymique achéenne et nous in
duisent à faire un rapprochement.
Il s'agit du nom de la Cilicie, Kinexia , chez les Égyptiens
du Nouvel Empire Kerke (papyrus Anastasi 3 et 4 ), Kerkeša
(1) Voir MASPERO , Histoire , II, p . 364 , n . 1.
106 JANVIER-MARS 1930.
(avec l'ethnique ) chez Ramsès II, et tout à fait de mêmeKerkeša
dans les documents de Boghaz-keui, où le nom est celui du
port de l'extrémité ouest de la côte cilicienne , Korakésion de
la géographie grecque(1). Hors de la Cilicie , le nom se ren
contre en Troade , celui des Gergithes et de la ville de Gergis ,
Kelekesh d'aujourd 'hui, et au fond de la mer Noire, sur son
littoral sud dans la moitié cst, où l'on connaît un Kidíxwv
vñoos(2); à l'extrémité opposée de l'horizon , dans le nom des
Gergésiens de Canaan , qu'a enregistrés la Genèse. En plein
continent asiatique à l'est , d'autre part, on a le nom même du
port de la côte cilicienne, Kirkesion chez les Grecs , désignant
la place au confluent du Khabour et de l'Euphrate , Sirki
d'aujourd'hui, et plus au nord , Kerke- en composition dans le
nom du célèbre Carchémis du gué de l'Euphrate au passage
de la grande route de Syrie. A la suite deMaspero , nous avonsns US

expliqué(3) que le vocable trouvé à l'état pur, Kerke , ou que


l'on extraitde la forme ethnique asianique avec suffixe Kerke-ša ,
est un mot sémitique signifiant eforteresse » , dont la ren
contre comme nom de lieu est très naturelle en d'anciennes
places du cours des fleuves ou des lignes de rivages, toutes
situées, à l'origine , de manière à commander la navigation ct
les passages.
On voit que la dispersion du nom de la Cilicie , Kerke, de
l'Euphrate à la mer Egée et tout autour des côtes du fond de
la Méditerranée au fond de la mer Noire, ne correspond pas
à la dissémination d 'un peuple et ne décèle rien de semblable.

(1) Les commentaleurs des textes de Boghaz-keui semblent ne pas aperce


voir que le nom de ce port de Kerkeša -Korakésion est le nom de la Cilicie
même (voir Forrer dans 0 .L . Z. , XXVII (1924 ), col. 113 , et Forschungen , I
[ fasc. 1, 1926 ], p. 81-82 ; Dhorme dans R .B ., 33 ( 1924 ), p. 559). -
Pour documentation en général , voir Weill , loc. cit. dans Syria , III (1922 ),
p . 27-31.
(9) Arrien , Périple du Pont-Euxin , 23.
(3) Loc. cit. dans Syria , III (1992) , p . 30 -31.
LES ACHÉENS D'ASIE MINEURE. 107

Ne faudrait-il pas envisager qu'ilpût en être de même ponr cet


autre nom d'Achéen , qui au IIe millénaire se répand dans un
orbe d'étendue comparable et en grande partie le long des
mêmes lignes ? On a cherché, il y a longtemps déjà , à voir
ce que ce nom signifie , et pensé en trouver l'étymologie dans
un vocable appartenantà l'une des langues caucasiques , ágwâ,
signilianl ce habitant du littoral, (1). Les Achéens historiques,
partout où nous les rencontrons, occupent effectivement la
côte ; se seraient-ils généralement appelés les e descendus aux
rivages n , et , continentaux invétérés, comme on sait , au point
d 'avoir manqué d'un mot, dans leur langue, pour nommer la
mer, auraient-ils emprunté cette désignation de Maritimes,
pour eux-mêmes, à la vieille langue indigènc? Une telle ma
nière de choisir un nom , par une sorte d'antiphrase ou d 'op
position intentionnelle et novatrice , serait fort singulière et
peu confornie , semble-t-il,aux procédés habituels del'instinct
national. En tout cas , et comme le phénomène d 'un pareil
choix ne pourrait s'être accompli , semblablement et spontané
ment, en tous les points du mondemaritime où l'appellation
est parsemée , il serait nécessaire d'admettre que son élabora
tion et sa fixation étaient consommées dès avant la dispersion ,
c'est-à -dire au stade même de l'arrivée de l'invasion descendue
du nord au contact des rives nord de la mer Noire. A partir
de là , dans toutes les directions, les hommes auraient emporté
le nom avec eux , comme une désignation attachée désormais
à eux-mêmes, non à la nature du site ; ce qui revient à dire que
nous nous retrouverionsdans l'ordre de l'habituel phénomène
du nom de peuple véritable , mobile avec le peuple. Et c'est
tout au moins ainsi, remarquons-le , que le nom est compris
par toute la tradition grecque.
(1) Tomascbek dans Paulr-Wissowa, Real.-Enc., I, col. 204, citant
Schiefner et son dictionnaire de l'abchase (Mém . de l'Acad . de Saint-Péters
bourg )
108 JANVIER -MARS 1930.
Si d'ailleurs les branches d 'un même peuple , comme on
est en définitive conduit à le croire , ont directement apporté
et enraciné le nom en tous les points du monde de la Grèce
enropéenne, des rives de la mer Noire et du pourtour de l'Asie
Mineure , ilne faut peut-être pas que ce domaine d'occupation
nous paraisse démesurément vaste ; le nom de peuple est suscep
tible de couvrir , sans se perdre, des espaces bien plus grands
encore , et dans la famille indo-européenne même on connaît
un autre peuple , les Celtes , dont les migrations ont propagé
le nom , de la Gaule à la Galatie , en des régions distantes de
toute la largeur de l'Europe.
NOTE ADDITIONNELLE. — Dans les langues indo-européennes de date
ancienne que nous possédons aujourd'hui, tokharien et hittite , se ren
contrent des archaïsmes qu'on trouve conservés, loin de là géographi
quement et beaucoup plus tard , dans l'italique et le celtique. M . A .Meillet
est conduit, aujourd 'hui, à penser que ces états anciens se sont con
servés dans celles des langues ultérieures qui se sont détachées le plus
anciennement du tronc indo-européen commun , et que ces langues tôt
séparées sont celles des domaines géographiques excentriques , indo-ira
nien , italique, celtique, tandis qu'au contraire les langues de la région
centrale , slave , baltique, germanique et grec ,ayant continué d 'évoluer,
présentent des types simplifiés et normalisés (récentes communications
de M . A . Meillet à l'Académie des Inscriptions et à la Société Asiatique).
Cette théorie nouvelle expliquerait , notamment, que l'arménien et les
langues italo -celtiques, langues des domaines excentriques, eussent en
commun les éléments dont on a signalé l'existence , et une parenté
arméno-hittite , d'autre part, se présenterait comme toute naturelle,
LA

PRÉHISTOIRE INDO -IRANJENNE


DES CASTES ,
PAR

GEORGES DUMÉZIL .

On s'est demandé jadis si le système hindou des quatre


castes n'était point un héritage des temps indo-iraniens. Quel
ques textes avestiques et pehlevis , quelques mots des histo
riens et des poètes musulmans de la Perse , tentaientl'imagi
nation . Aujourd'hui, on semble d'accord pour répondre par
la négative . Non seulement le système des castes est propre
ment bindou , mais il n 'a même pas dû régir d 'abord la société
védique, puisque la théorie traditionnelle des castes ne s'ex
prime pas avant l'hymne célèbre du sacrifice humain , au
X° livre du Rg Veda . Or cet hymne est relativement jeune; non
certes qu'il ne reste point de souvenirs e primitifs» dans la
OU

matière barbare de ce poème; mais il trahit des soucis pbi


losophiques nouveaux, étrangers aux autres livres du Rg Veda,
Pas plus que les nombreux passages des Brāhmaṇa , des épo
pées, des Purāņa qui décriront plus tard le même fructueux
démembrement de l'Homme- Victime, ce premier texte ne
110 JANVIER -MARS 1930.
prouve grand chose quant à l'antiquité, quant à l'aryanisme
des castes. Etle silence detous les livres du Rg Veda antérieurs urs

au dixièmerègle la question .
Mais en même temps on admet, depuisFr. Spiegel(1), que,
dès l'époqueindo-iranienne, il y avait entre les ceconditions ,
les états sociaux », des différences — au moins théoriques
— assez nettes, que le système des castes a un peu retouchées,
mais surtout durcies à l'extrême, et traduites en pratiques
rigoureuses. Telle était l'opinion de M . E . Senart(2), telle reste
l'opinion du dernier auteur qui ait traité de lamatière, M .L .de
la Vallée-Poussin (3). En effet , l'Iran connaît assez régulière
ment une division de la société,en trois ou quatre états , qui
rappelle de près l'énumération hindoue classique; les désac
cords des textes ne portent guère que sur le bas de la hiérar
chie, où l'on rencontre tantôt deux échelons, tantôt un seul.
La plupart des passages de l'Avesta ( d'ailleurs peu importants
et peu nombreux) qui mentionnent cette division nenomment
que trois états : les Abravan ( vieux nom aryen d 'un prêtre du
feu ) , les Rabaēšlar (guerriers , monteurs de chars ) et les Vās
triyő-Fsuyant (agriculteurs). Le Vendidād , par exemple, indi
quant le nombre de gens frappés par la druj Nasu quand
un être vivantmeurt dansune assemblée mazdéenne , distingue
les cas où l'être en question est un prêtre , un guerrier ou un
agriculteur; puis il passe sans transition aux diverses espèces
de chiens(4) : le quatrième état est donc absent(5), Yasna , XIX ,

(1) Eranische Altertumskunde, JII (1878 ), p . 551 et suiv . .


(9) Les Castes dans l'Inde (Annales du Musée Guimet, Bibl. de vulgarisation ,
1896 ) , p . 140 et suiv.
(3) Indo-européens et Indo-iraniens . . . (Hist. du monde de E. Caraignac , III ,
1924 ), p . 150.
(6) V, 28 -29 ; cf. Spiegel , op . cit., p. 550.
(6) Vendidād, XIII , 44 (le chien a les caractères de huit sortes d 'êtres :
d 'un prêtre, d'un guerrier, d 'un agriculteur, puis, péle-mêle , d'un chanteur
ambulant, d 'un voleur, d 'une bête sauvage, etc.); ibid ., XIV , 8-10, voir ci
LA PRÉHISTOIRE INDO-IRANIENNE DES CASTES. 111
16-17, est seul à connaître en bas de l' échelle sociale les Hui
tiš ou artisans.
La littérature pehlevie , elle ,mentionne assez régulièrement
quatre classes (1);par exemple le Menõke- Xraténumère les devoirs
des quatre classes(2), puis les vices que chacune doit éviter(3).
Les hommes de la dernière classe, au-dessous des prêtres , des
guerriers et des agriculteurs, sont nommés ici hütūkhšīn e arti
sans » .
Il en est de même chez les auteurs d'époque musulmane.
Firdousī, au début de son poème, montre Jemšid rassem
blantles hommes en quatre classes dont les nomssontmalheu
reusement corrompus et n 'offrent plus de sens(4) : les Amuziân
ou prêtres , qui servent Dieu sur les montagnes ; les Nīsariān
ou guerriers; les Nasūdī ou cultivateurs; enfin les gens de mé
tiers,âpres au gain , Ahnüxūšī. D 'autres livrespersans ou arabes
parlent aussi de quatre classes ,mais , chose curieuse , disposées
selon un plan assez différent; par exemple , dans la célèbre
Lellre de Tansar, ce sont le clergé, les gens de guerre , les
dessous, p. 120 ; cf. peut-être (8) ibid ., 1, 16 (où le second bon pays créé par
Ahura Mazda est « Ragha des trois racesa , que Darmesteter explique par
les trois classes ). Darmesteter rappelle aussi que , d'après Masoudi, II, 162 ,
les proclamations d'Ardašīr, ale roi selon le cæur de l'Avestan , s'adressent
aur docteurs , aux cavaliers , aux laboureurs (Z.A. , I, 1892 , p. 169 , n. 59).
La classification sociale qui apparait dans les Gāthā est d'un autre type (Yasna ,
XXXII, 1; XXXIII, 3).
(1) Cependant il y a au moins la trace d'incertitudes ; le Šāyast-në-šāyast ,
XUI, 8 (Phl. T. de West, I = S.B.E., V. p. 357), parlant de certaines récita
tions pendant le pressage du haoma, dit que « trois, répétitions rituelles de
Ya savištö ( Yasna , XXXIII, 12) sont le fait des e quatren classes ; West, loc. cit.,
n . 4 , a raison de souligner l'incohérence de ces chiffres. D 'autre part le Bun
dahiến ,x1, 5, citant les classes issues des fils de Zoroastre , n'en nomme
que trois; mais peut-être la quatrième n'était-elle simplement pas jugée digne
d'une si illustre origine ?
(3) IX ] , 1 -12 ; XXI11 , 1- 7 ( Phl. T. de West, III = S.B .E . , XXIV, p .67-69 ).
(3) Lix , 1 -10 ( Phl, T. de West , III = S.B . E ., XXIV, p. 105-106 ).
(5) VULLERS, Šahn., 24 , 18-30 ;Moul , Livre des Rois , Djemchid , IV, 17 et
suiv .
112 JANVIER -MARS 1930 .
scribes et les gens de service (ces derniers comprenant indis
tinctement celes marchands, cultivateurs , négociants et tous
les autres corps de métiers n )(1); ou encore Al-Thaʻālibi, con
temporain précieux de Firdousī, énumère de la façon suivante
les quatre classes fondées par Jēm : guerriers; prêtres etméde
cins; scribes et calculateurs; commerçants et artisans(2). Dans
ces textes, dont l'accord est remarquable , la classe des scribes
( 3º classe ) n 'est évidemment qu'une subdivision de la classe
des prêtres (1 ro de Tansar, 2° de Al-Thaſālibi), et la dernière
classe ( 4°) se trouve confondre en elle , tout comme la der
nière ( 3 ) de l'Avesta , les classes 3° ( cultivaleurs) et 4° (arti
sans) des textes pehlevis et de Firdousī(3). Il doit s'agir là
d 'une tradition artificielle , datant de l'époque où les scribes
élargissaient leur place au soleil.
Ces accords d 'ensemble , et ces désaccords de détail en bas
de la hiérarchie , attestent une division dont les deux premiers
échelons (prêtres et guerriers) étaientnets,etdontles troisième
et quatrième restaient peu distincts et prêts à se fondre en un
seul, ce qui était sans doute l'état de choses ancien . Spiegel a
supposé que les hūitiš existaient déjà du temps de Zoroastre ,
mais que la langue les confondait , dans une sorte de tiers
état, avec les chefs de familles : les conditions de vie en Iran ,
explique-t-il, étaient telles que l'artisan ne pouvait subsister
que s'il demeurait en même temps agriculteur ou pasteur ; il
devait donc s'agir de deux subdivisions d 'un même « Nähe

(1) DarmesteTER , Lettre de Tansar au roi de Tabaristan , chap. iv, dans J. As. ,
1894 , 1; texte , p. 213 ; traduction , p . 517.
(2) Histoire des rois de Perse , texte arabe et traduction de H . Zotenberg ,
1900 , p . 12.
(9) DARMESTETER, Lettre de Tansar. . ., p. 527, n . 1, a fait cette juste
remarque ; mais il ajoute : eil y a peut-être là quelque confusion du fait du
traducteur (de la lettre en persan , à l'époque musulmane ), ; l'accord de la
Lettre avec l'Histoire de Al-Tha'ālibi rend invraisemblable cette hypothèse
d'une erreur ; il s'agit vraiment d'une tradition artificielle.
LA PRÉHISTOIRE INDO-IRANIENNE DES CASTES. 113
stand , subordonné au « Lehrstand , et au « Wehrstand » (1).
D 'autres ont proposé d'expliquer l'instabilité du quatrième état
par le fait qu'il s'agissait primitivement de routcasts or abori
gineso (2); c'est peu vraisemblable. Tenons-nous en au fait et
notons, après M . Senart, que l'Inde, avec son opposition fré
quente des çūdra (allogènes ou non ) aux trois autres classes ,
avec la variété de ses considérations sur le mot çūdra, montre
en bas de l'échelle sociale une incertitude , de forme différente ,
mais peut-être de sens et d 'origine semblables (3).
Un autre désaccord , auquel Spiegel prêtait attention , me
semble au contraire fort naturel : alors que Firdousi (auquel
il faut joindre Al-Thaľālibi )attribue au fabuleux Jemšī (= Yima
Xšaēta ) l'établissement des ce états » , les textes mazdéens trans
portent tous ce mérite à Zoroastre, en général par l'intermé
diaire de ses fils(4) : Isat-vastra fut chef des prêtres , Urvātat
nara ful agriculteur, le chef de l'enclos souterrain de Yima (5);
Hvara-ċibra fut guerrier et commanda la croisade du saint roi
Pašõtanu. Un autre texte dit, en plus bref, que Zoroastre fut
e le premier prêtre, le premier guerrier, le premier labou
reuro (6). Quoi de plus attendu ? Toutes les églises, toutes les
sectes concentrent ainsi sur leurs grands patrons les exploits
historiques ou légendaires des temps passés , présents et futurs.
Une rencontre de vocabulaire prouve d'ailleurs combien toutes
(1) SPIEGEL , op. cit. , p . 551.
(3) West, Phl, T ., III ( S .B . E. , XXIV ), p . 68 , n . 6 .
(3) SENART, op. cit. , p . 141.
(5) Bundahiến , xxx , 5 (Phl. T. de West, I = S. B. E., V, p. 142); les noms
pehlevis sont Isadvästar , Aúrvatadnar, Khūršedčihr; les formes avestiques sont
dans Yašt XIII ( Y . des Farvardin ) , 98 ).
(5) On notera que Yima reparaît ainsi à un détour de la tradition maz
déenne ( d 'ailleurs sans souci de la chronologie , même mythique); c'est un
indice que la tradition prézoroastrienne devait bien attribuer ( comme le font
Firdousi et Al- Tha'ālibi ) la fondation des quatre classes à Yima (Jemšid , jem ).
(6) Fravardin Yast , 88-89; au verset 98 , les trois fils de Zoroastre sont
nommés ,mais il n 'est pas question des classes.
CCXVI .
INIRINARIO IDIOMIL . .
114 JANVIER -MARS 1930.
ces variantes, mazdéennes ou musulmanes, sont parentes pour
l'essentiel : Firdousī appelle ces classes pište , tout comme
Yasna , XIX , 16 les appelle pištra (1). Qu'importe que le héros
fondateur soit resté dans un cas l'antique Yima-Xšaéta et que
dans l'autre il ait cédé sa place au prophète ? Le sens, le nom
même de l'institution sont les mêmes, et cela seul est impor
tant.

Dans ce débat, jusqu 'à M . Christensen , tous les auteurs ont


limité leur enquête à l'Inde età l'Iran .Or lerameau occidentaldu
groupe aryen ne s'est pas cantonné, tant s'en faut, sur le pla
teau de l'Iran ; ses enfants perdus ont touché le cæur de l'Asie
et couvert de leurschevauchées de vastesprovinces européennes .
Scythes et Sarmates, Alains et Roxolans, s'ils n'ont pas eu le
destin brillant des Mèdes et des Perses , occupent leur digne
place dans l'histoire. Au point de vue de la religion et du folk
lore , nous accédons à ces e Iraniens d 'Europe , par deux voies :
les notices que les écrivains anciens ( surtout Hérodote ) leur
ont consacrées; les observations faites au xix° siècle par les
ethnographes sur leurs descendants caucasiens, les Osses.
Nul ne doute plus en effet, depuis que les démonstrations
de Vs.Miller(2) ont confirméle sentiment de J. Klaproth (s) et
(1) Les auteurs d 'époque musulmane emploient pour désigner les quatre
« états» ou e conditions, des mots de sens très général ; par exemple Al- Tha
'ālibi dit wlüb eecouches sociales» ; l'auteur (ou du moins le traducteur) de
la Lettre de Tansar s'est ingénié à varier ses expressions, ce qui n 'est pas fait
pour en préciser le sens; il dit successivement les membresn , wilio
se classes » , elese espèces , et läb recouchesn , pour désigner les quatre e con
ditions, et leurs subdivisions.
(2-3) (2) Démonstration au Vº congrès archéologique à Tiflis; voir compte rendu
de L . Majkov dans XMH [I. , févr. 1882, p . 38. De Vs. Miller lui-même :
Əthorpaonyecrie cababi upaucrba ha fort Poccin , MHI ., sept. 1886 , et
surtout Ocer, DT104b1, III (1887), chap. in : Ucrop . cbbabuix 06 Oceth
haxb u Boopocb o poncxoxeuju proro hapoma, p . 70- 101; cf. les deux
LA PRÉHISTOIRE INDO-IRANIENNE DES CASTES. 115
de H . Mullenhof(1),que les Osses (ou les Irons, les « Aryens» ,
comme se nomment encore une partie d'entre eux ) ne soient
les ultimes débris des Alains, eux-mêmes issus des Sarmates ,
frères jumeaux des Scythes, cousins des Perses. Vs. Miller
a commencé un travail fort utile, que j'ai tâché de continuer ,
en confrontant ce que les anciens ont dit sur les maurs ,
croyances et légendes des Scythes , Sarmates , etc., avec les
mæurs, croyances et légendes des Osses(2) ; les résultats obte
nus sont encourageants , et confirment une fois de plus l'excel
lence des enquêtes d'Hérodote ; ils attestent d'autre part que
le folklore des Osses — et de leurs voisins Tcherkesses —
a conservé plus d'un trait d'une grande antiquité. Dans la
question des classes indo - iraniennes, je crois que les vieux
Scythes et les modernes Osses doivent et peuvent être con
sultés. Pour les Scythes, M . A . Christensen , il y a douze ans,
a montré le chemin que je crois bon (3). Comme je me sépare

BKCkypcb : 3. o Boarapaxá 1 A.jahaxb, p. 103-116 , et 3. o Crnoaxh, p. 117


174 ; enfin Die Sprache der Osseten , dans le Grundriss d . iran. Philol. (1903).
- L'origine scythique des Osses est enseignée officiellement, avec raison ,
dans les milieux osses eux-mêmes; par exemple Vano, Ipv icropia , paræ hvp
uæj kya gæquæ æpqvavcTV (Vladikavkaz, 1913 ), notamment p. 27- 30 : crior
Ayr ; on imagine difficilement la piété des intellectuels osses envers la mémoire
de Vs. Miller. -- (3) Reise in dem Kaukasus und nach Georgien , I (1812 ),
p . 66 et suiv. ; II (1814) , p . 577 et suiv. ; et Anhang : Kaukas. Sprachen
( p. 176 et suiv.) ; surtout Mémoire dans lequel on prouve l'identité des 088e8 ,
peuplade du Caucase , avec les Alains du moyen âge (1822 ).
(1) Über die Herkunft und Sprache der pontischen Skythen und Sarmaten ,
dans Monatsber. d . k . preuss. Akad., 1866 , p. 549-576.
(9) Yeptú crapuhbi B’b ckazaniaxó a óbitt Ocetuh ) ,XMHII., août 1882 ,
p . 191-207. Cf. mes Légendes sur les Nartes ( Bibl. de l'Institut français de
Léningrad, t. XI, 1930), p. 151 et suiv.
(3) Le premier homme et le premier roi dans l'histoire légendaire des Iraniens, .
I , Uppsala , 1918 (Archives d 'études orientales de Lundell, t. XIV ) , p . 137 et
suiv. Je dois à l'obligeance de M . Benveniste de n'avoir pas ignoré ce travail
dans ma solitude de Constantinople. M . Christensen renvoie à un sien article
auquel je n'ai pas eu accès : I'rebrödre og Tobrödre Stamsagn (Danske Studier ,
1916) , p . 56. M . Benveniste , qui m 'a fait la faveur de lire et de nettoyer
8.
116 JANVIER -MARS 1930.
de cet auteur sur divers points importants , je me permets
d'exposer ici un peu longuementmon argumentation .
Voici comment les Scythes , au témoignage d'Hérodotell),
expliquaientl'origine de leurnation , la plus jeune du monden .
« Le premier bomme qui parut dans leur contrée jusqu 'alors
déserte se nommait Targitaos; on le prétendait fils de Zeus et
d 'une fille du fleuve Borysthène; lui-même eut trois fils , Lipo
xaïsº (var. Nitoxaïs) , Arpoxaïs et, en dernier, Kolacaïs ; pen
dant leur vie (2), il tomba du ciel sur la terre de Scythie des
objets d 'or : une charrue, un joug , une hache et une coupe.
A cette vue, le plus âgé se hâta pour les prendre ;mais , quand
il arriva , l’or se mit à brûler ; il se retira et le second s'avança ,
mais sans plus de succès ; les deux premiers ayant ainsi renoncé
à l'or brûlant, le troisième survint, et l'or s'éteignit; il le prit
avec lui et les deux frères, ayant connu ces choses, abandon
nèrent toute la royauté à leur cadet. De Lipoxaïs sont nés
(yeyovéval) ceux des Scythes qui sont appelés la race (yévos)
des Aukhatai; du second frère, Arpoxais, ceux qui sont appelés
Katiaroi et Trapies ( var. Trapioi, Traspies); et, du dernier, le
roi, ceux qui sont appelés Paralatai; mais tous ensemble se
nommenl Skolotoi d'après le nom de leur roi; Skythai est le
nom que leur ont donné les Grecs . . .(3).,
On comprenait, jusqu'à M . Christensen , cette division des
Scythes en Aukhatai, Katiaroi, Tra(s)pies et Paralatai comme

mon article , n'admet ni les interprétations de M . Christensen , ni les miennes :


ce qui m 'inquiète fort quant à la valeur des miennes.
(1) iv , 5 - 6 .
(2) Certains manuscrits ont επί αυτών αρχόντων au lieu de επί αυτών ; cela
va moins bien pour le sens, mais ne touche pas au fond des choses. .
(3) Sur les éléments folkloriques de cette légende (les trois frères dont le
plus jeune seul réussit, etc.), voir Spiegel , Eran . Altertumskunde , I (1871) ,
p. 544 ; Minns, Scythians and Greeks (1913 ), p. 43; W . Aly, Volksmärchen ,
Sage und Novelle bei Herodot und seinen Zeitgenossen (1921), p . 115; et Gün
Tert, Der arische Wellkönig und Heiland (1923), p. 340 et r. 3 .
LA PRÉHISTOIRE INDO-IRANIENNE DES CASTES. 117
une division géographique, chacune de ces e tribus» ou « na
tions» (yévos ) ayant dû occuper un territoire délimité. Mais
cette interprétation soulève nombre de difficultés.
D'abord Hérodote lui-même, après avoir minutieusement
rapporté l'origine de ces quatre « nations» (et d'elles seules
parmilesnations scythes!) , s'empresse de les oublier ; cette sin
gularité a déjà été observée , et l'on en a conclu un peu vite que
c'étaient là des peuples disparus » : « Les nomsdes Auchates ,
des.Catiares , des Trespies et des Paralates — lit-on dans les
Antiquités de la Russie méridionale(1) — viennent attester l'anté
riorité du mythe rapporté par Hérodote, car l'historien lui
même ne fait plus mention de ces tribus dans sa description
détaillée de la Scythie et des pays avoisinants.» Ce silence sur
la position géographique des quatre « nations» est d'autant
plus remarquable qu'à l'exception (d'ailleurs peu claire ) de
Pline, qui semble en connaître deux, aucun géographe, aucun
historien ne cite aucun de ces noms(2). Et pourtant il devait
s'agir d'une partie de la race scythique active et civilisée , for
tement attachée à la vie agricole, comme l'a justementsouligné
Latyšev (3), et sûrement en contact avec les Grecs( ). Comment
surtoutadmettre le silence de l'histoire sur les Paralatai , qui,
d'après l'interprétation courante , devaient être e la tribu-chef» ?
En second lieu n 'y a -t-il pas soit contradiction , soit subti
lité, à admettre que les deux frères de Kolaxaïs , après lui avoir
abandonné la royauté entière, sans partage ( thy Baoianiny
(" KONDRAKOV, J. Tolstoi et S. Reinach, Antiquités de la Russie méridionale
(1891), p . 160.
121 Ce silence presque complet des autres auteurs est noté par Minns, op .
cit., p. 13. Les Cotieri et les Euchetæ de Pline (VI, 7 ) , qui figurent dans la
liste des Scythes e celeberrimin , pêle-mêle avec les Sacæ , les Massagetæ , les
Arimaspi , etc. , risquent de venir en droite ligne d 'Hérodote .
By lovrıxd (1909) , article : Hacenenie zepcohcroi ry6ephin 3a 2400
тъ до нашего времени.
( Cf. Miščenko, KMHII., janv. 1886 ; Minns, Scythians and Greeks(1913),
p .43.
118 JANVIER -MARS 1930.
wãoav)(1), donnent aussitôt naissance à des e nations» ? Est-il
naturel qu’une légende qui prend d'abord si expressément
soin de respecter l'unité de la couronne , la rompe si légère
ment à la phrase suivante ? Que signifie ce e royaumen uni
taire où une nation , descend directement du roi et trois
autres « nations , de ses frères? Voilà du moins un concept de
ce nation » qui ressemble fort à celui de classe .
Enfin , dans le chapitre qui vient après ce que j'ai cité (2),
Hérodote parle bien d 'un morcellement des terres des Scythes
en trois royaumes , mais ces trois royaumes se forment à la
génération suivante , sous les trois fils de Kolaxaïs ; si donc on
tient à donner aux quatre yévn qui nous occupent une valeur
géographique, on se trouve devant l'imbroglio suivant : deux
divisions territoriales se seraient superposées et entrecroisées ,
l'une ethnique et l'autre politique, l'une en quatre e nations ,
sous Kolaxaïs et ses frères, l'autre en trois e royaumes , sous les
fils de Kolaxaïs; c'est bien compliqué pour une légende d'ori
gine ; et quel sens même peut avoir, dans l'antiquité bar
bare , une division géographique en nations coexistant, mais
ne coïncidant pas , avec une division également géographique
en e royaumes , ? Si la légende avait entendu Aukhalai, Ka
tiaroi , etc., au sens de « nations» , ou bien elle aurait fait des
cendre ces nations des premiers rois , les fils de Kolaxaïs , ou
bien elle aurait nommé pour leurs premiers rois leurs propres
fondateurs , Kolaxaïs et ses frères ; de toutes façons, les deux
divisions n 'en auraient fait qu'une, et nous n'aurions pas deux
générations de répondants mythiques.
Tous ces embarras disparaissent si l'on interprète yévos

(1) Cette expression s'accorde mal avec l'hypothèse de trois « tribus, vas
sales (Aukh ., Kat., Trasp.) opposées à une tribu suzeraine (Paral.) : 718 Ba
olaniny wãoav n'est pas suzeraineté , mais royauté totale , et par conséquent
unique.
(3) iv , 7.
LA PRÉHISTOIRE INDO-IRANIENNE DES CASTES. 119
au simple sens de descendancen , et si l'on voitdans Aukha
tai,Katiaroi, Tra(s)pies et Paralatai non des divisions géogra
phiques ( ce qu 'Hérodote ne suggère nullement) , mais des
divisions sociales à la manière des reclasses , iraniennes issues
légendairement des trois fils de Zoroastre. Un point essentiel
du récit d'Hérodote recommande, je crois, cette interprétation.
Là où elles se forment, les e classes » ou les « castes » -
commeles métiers, les ghildes, commeles sociétés secrètes , les
groupes d'âge , les pbratries et les clans totémiques — en
arrivent vite à se donner, sinon des armoiries, du moins des
symboles, des emblèmes ; c'est là un phénomène si largement
bumain qu'il requiert à peine une explication , et ce n 'est
point ici le lieu d'en envisager les composantes psychiques et
sociales. Je soulignerai seulement que, dès les plus vieux textes
et de façon évidemment indépendante , ni les castes hindoues ,
ni les classes iraniennes n'ont résisté à ce penchant : elles
s'exhibent volontiers , se schématisent, dans les rites et dans
les mythes, sous les espèces de leurs attributs naturels , de
leurs instruments de travail ou de règne.
Par exemple un des passages des Brāhmaṇa qui relatent
l'institution des deux premières castes montre le brahman
(neutre , représentant la caste brahmanique ) et le kşattra
(neutre , représentant la classe guerrière) naissant « à la
suite du sacrifice; or ces deux entités s'avancent, « le brahman
avec les āyudhāni qui lui sont propres ; le ksattra avec les āyu
dhāni qui lui sont propres; les ayudhāni propres au brahman
sont les ayudhāni du sacrifice ; les āyudhāni du kşattra sont le
char et les chevaux , l'armure , l'arc et la flèche . . .(1), Ainsi,
telle Pallas, les castes font leur entrée dans le monde toutes
mupies de leurs tangibles raisons d 'être .
10 Ait. Br., VII, 19 : texte capital , pris aux chapitres de l'Ait. Br. qui, à
propos du rājasūya , prétendent régler de jure et de facto les rapports entre
les deux premières castes.
120 JANVIER -MARS 1930.
De même l'Avesta , dans un des rares passages où il men
tionne les classes, ne le fait que pour énumérer complaisam
ment leurs attributs symboliques ; c'est dans le Vendidād(1), au
ſargard XIV , le second de ces e fargardsdu chien » quisuffiraient
à faire douter que le code religieux du mazdéisme ait jamais
recouvert unecoutumeréelle. Il s'agit du châtiment de l'homme
qui a tué le chien d 'eau , le plus sacré des chiens : crime
inouï, qui visiblement met en péril les assises de la création ;
aussi toute la création a -t-elle besoin d'être consolidée. Le
châtiment corporel est formidable , même si l'on traduit les
nombres de coups en chiffres d'amende selon le taux tradi
tionneldes Parses. En outre le coupable doit tuer 10 .000 vers de
terre, 10.000 serpents , apporter aux feux sacrés 10 .000 char
ges debois tendre et autant de bois dur, etc. Enfin il doit faire
trois séries de présents aux trois se classes» , sans doute pour
confirmer dans leur existence ces piliers de l'édifice social
ébranlés par son attentat: or ces présents sont justement les
instruments symboliques de l'activité des trois classes; aux
ce hommes de Dieu » , il doit donner quatre coupes (pour le
haoma , pour le myazda, pour le jus, pour le lait sacré ) , un
mortier, un voile de bouche , un barəsman , divers fouets sa
crés ; aux hommes de guerre il doit donner un javelot, une
épée , une massue , un arc, des flèches , et cuirasse , et hau
bert , et casque , etc.; aux hommes des champs il doit donner
un soc de charrue avec joug , un aiguillon à bauf, unmortier de
pierre , un moulin à main pour le blé , etc . Ainsi , aux yeux du
législateur et du fidèle , au moment pathétique où il faut en
quelque sorte reconstituer — en même temps que tout l'ordre
de l'univers — le système des classes et symboliser matériel
lement cet effort , ce qu'il convient de faire apporter par le
coupable , ce sontles e instruments , des classes.
(1) xiv, 8-10. Bien entendu, pas plus que dans les autres textes avestiques
sauf un , il n 'est question d 'une quatrième classe .
LA PRÉHISTOIRE INDO-IRANIENNE DES CASTES. 121
N 'est-ce pas à la lumière de ce symbolisme si naturel qu 'il
faut comprendre la légende qu'Hérodote a recueillie chez les
Scythes?(1) L 'or ecéleste et royal» qui descend au moment où
s'organise la société et que, plus tard, les rois garderont soi
gneusement, n'est ni un bloc sans forme, ni un objet quel
conque ; il se matérialise en quatre objets précis : une char
rue , un joug , une hache, une coupe. Qu'est-ce là , sinon les
instruments et les emblèmes des principales activités sociales ,
de celles-là même qui sontà la base du système indo-iranien
des classes et des castes? La charrue et le joug(2) relèvent évi
demment de l'agriculture; la hache (odyapıs ) est , avec l'arc ,
l'arme nationale des Scythes(3); quant à la coupe ( Praan ) qui
descend du ciel, elle risque fort d 'avoir une
le valeur sacrée ,
d'éire un instrument liturgique ou magique. Sur ce dernier
point, les présomptions sont nombreuses et diverses; c'est
d'abord l'importance extraordinaire des offrandes de boisson
dans le culte indo - iranien (*sauma) et déjà indo -européen
(ambroisie , bière de non -mort) (4); mais c'est surtout l'impor
(!) Vs. Miller , Oc. or., III , arckypcu o Ckuwaxb, p. 127, a rapproché Ven
didād , 11, 7 et 18, où l'on voit Ahura Mazda remettre un aiguillon et un soc
d'or à Yima comme signes de sa puissance sur terre. En réalité il s'agit
d 'un anneau (d'un sceau ? ) d'or et d'une épée incrustée d'or (Vend..
JI , 7 ) dont Yima se sert pour presser et percer la terre ( Vend., II, 18 ),
Peut-être en effet est-ce , dans l'Avesta , la trace d'une légende analogue à la
légende scythe d'Hérodote : on se rappelle que , dans la tradition prézoroas
trienne , c'était sans doute Yima qui passait pour avoir fondé les classes ; il est
possible que , sous une forme ancienne, la légende ait fait tomber devant
Yima les symboles d 'or des trois classes ; seulement le mazdéisme, séparant
Yima du système des castes , aura du même coup réduit la chute de l'or céleste
à de bizarres e instruments agricoles) .
(2) M . Christensen interprète le joug , comme la hache, en instrument mi
litaire et pense pouvoir déterminer une classe agricole et deux classes guer
rières. L'analogie des faits indo-iraniens conseille plutôt de reporter la bipar
tition à la plus basse classe.
(3) Cf. Hérodote, vii , 64 , les armes offensives des Scythes-Saces : . .. TOEx
δε επιχώρια και εγχειρίδια , τσρός δε και αξίνας σαγάρις είχον.
(5) Ainsi s'explique que, dans le texte avestique cité plus haut, p. 120
122 JANVIER-MARS 1930.
tance de la coupe dans les mythes etdans les cultes des Scythes
eux-mêmes : Hérodote , traitant des Scythes , mentionne fré
quemment des coupes sacrées. Par exemple , dans la seconde
légende qu'il rapporte au sujet de l'origine des Scythes,nous
voyons Héraclės remetlant à la mère de ses fils un arc et une
coupe d'or attachés ensemble (1); ailleurs Hérodote décrit le fes
tin annuel des guerriers scythes , festin où une coupe magique
sert à discerner les héros des lâches, ou du moins ceux qui ont
tué des ennemis de ceux qui n'en ont point tués (2), — et sur
ce point le folklore des Osses est venu confirmer merveilleuse
ment le renseignement d'Hérodote (3); ailleurs encore il décrit
le colossal vase d 'airain , évidemment religieux, que le roi
Ariantas aurait bizarrement fait fabriquer et consacrer (dvadez
val ) au lieu dit les Saintes Routes, entre le Borysthène et
l'Hypanis (4); enfin les Osses savent encore que leurs héros des
(Vend., XIV , 8 -10), les principaux outils-symboles de la classe-prétre soient
quatre coupes. Cf. Ait. Br. , VII, 19 : etāni vai brahmaņa āyudhāni yad yajñā
yudhāni.
(1) Hérodote , iv, 9- 10 . Minns , Scythians and Greeks (1913) , p . 43 et suiv. ,
a souligné l'importance de cette coupe qui , comme le thème des trois fils dont
le dernier seul réussit dans une entreprise , est commun aux deux légendes
d 'originen que consigne Hérodote , et atteste qu'il s'agit de deux doublets. Je
croirais volontiers que « l'arc et la coupe, qui tiennent dans la seconde légende
la même place que les quatre objets d'or de la première sont, comme ces
quatre objels , des symboles de classes, ou du moins d ' activités sociales , ;
seulement le symbolisme est plus réduit, il ignore la classe agricole et ne con
naît que guerriers ( arc) et magiciens ou prêtres ( coupe). Ainsi s'expliquerait
que jamais (ce qui a étonné certains auteurs ) arc et coupe attachés n 'appa
raissent sur les monuments figurés : le détail que consigne Hérodote serait
non un trait de meurs , mais un trait de mythe.
(9) iv , 66 .
(3) Vs.Miller , Yeptú crapaub Bb Crazaniaxb u Obrt Ocethyb,XMHII. ,
août 1882, p . 177 et suiv., a rapproché de cette coutume une légende osse
recueillie dans ses Oc. ət., I, p. 169 : on y voit les Nartes fabuleux attablés à
un festin , et disputantde leurs exploits ; leur coupe magique (Nart-amonga )
se porte d 'elle-même à la bouche de ceux qui sont véritablement des ehéross ,
Cf.mes Légendes sur les Nartes , p . 136 -137 et 163- 164.
(4) iv, 81.
LA PRÉHISTOIRE INDO-IRANIENNE DES CASTES. 123

anciens temps, ceux qu'ils nomment les Nartes ( et qui vivent,


ancien

dans les légendes, à la manière des anciens Scythes), possé


daient en commun une coupe merveilleuse (le Nart- amonga
ou Uas - amonga), où l'on pouvait puiser indéfiniment sans
jamais la vider , ou bien qui se remplissait d'elle-mêmeaussitôt
vide , et certains récits décrivent les rivalités des principaux
héros Nartes pour la possession , ou du moins pour la garde
de ce trésor commun (1). Toutes ces coupes sacrées engagent à
prêter une valeur analogue à la coupe d'or brûlant tombée du
ciel au temps des fils de Targitaos : à côté des outils agricoles
et de l'arme de combat, c'était l'instrument par excellence du
culte et de la magie quidescendait en cette heure solennelle .
Comment cette rencontre serait- elle fortuite ? Dans une légende
de ce genre , un détail aussi précis doit avoir son utilité. La
quelle ? Evidemment justifier l'institution de re classes» corres
pondant aux e activités » et à leurs symboles : les quatre yévn
ausquelles donnent naissance Kolaxaïs et ses deux frères me
semblent inséparables de ces quatre symboles célestes et les
expliquent fort bien. Sous des noms sans doute mal transcrits
et pour nous incompréhensibles, ils doivent désigner les ma
giciens(2), les guerriers et les agriculteurs , et de même que,

(1) Voir le conte 0 coope HaptoBb 3a Amohra , dans les llamathuku hap .
TBOP 9ectba Ocerah , haprobckue nap. cka3ahun (Vladikavkaz , 1925 ), nº 13 ,
p . 75 , 76 et n . 1 ; d 'après Vs. MILLER , Oc. 91. , I, p . 14g et n . 20 (récit sur
le héros Batraz ), le Nart-amonga (ou Uas-amonga) serait simplement une
coupe qui se porterait d 'elle-même aux lèvres des vrais héros (voir avant-der
nière note ); elle serait exactement, étymologiquement, la « révélatrice des
( vrais ) Nartes (ou saints ? )" ; cf. le verbe amouve ceHaftutb , pokazatbn.
(9) Sur ces magiciens et leurs pratiques, voir Hérodote , IV , 67 : divination
à l'aide de bâtons disposés à terre ; les magiciens d 'Ossétie procèdent encore
exaclement de même : voir B. Gatibv, Có. coba. O kalk. ropgaxb, IX (1876 ),
m , 1 ; S. V. Koviev, 3an, o Obrt Ocetuub , dans Co. mat. no 9thorpaoin ,
134. apu Aam KOBCKOM’D OTH . Myzet , I (1885 ) , p . 108 -109 (rafanie na na
do karb ). Vs. Miller a souligné cette rencontre : Yeptui crapuhbl. . .
KMHO., août 1882, p . 301. Cf. mes Légendes sur les Nartes , p . 155-156.
124 JANVIER-MARS 1930.
parmi les objets d 'or, le joug et la charrue font à peu près
double emploi( ), de même un des trois frères donne naissance
à deux yévn jumeaux : le lecteur voudra bien se rappeler à ce
propos que l'Iran , lui non plus, n'a jamais bien sa jusqu'à
quel point sa quatrième classe se distinguait de sa troisième.
En ce cas on comprend que ces objets d 'or aient été , par
dessus les frontières des étals scythes, un trésor commun ,
sans patrie , et qu'ils aient rayonné pacifiquement, comme
l'affirme Hérodote (2), d'un royaume à l'autre. S 'ils avaient
signifié et garanti proprement le pouvoir politique, l'historien
aurait dû plutôt enregistrer de perpétuelles compétitions , cha
que roi lâchant de prendre ou de garder pour lui un si puis
sant gage d'empire. Au contraire, si ces quatre objets symbo
lisaient et garantissaient une organisation sociale semblable
dans tous les états , quel intérêt aurait eu le plus ambitieux
des princes à accaparer un bien si évidemment international
et si anodin ?(3)

(1) A moins que le joug ne symbolise une condition servile ? C'est peu pro
bable ; le symbolisme de ces divers objets ne peut guère être que de même
ordre : instruments , outils de travail ,représentant le travail et les travailleurs.
(2) iv, 7 .
(3) M . Benveniste m 'objecte que les objets tombés du ciel ne se distribuent
pas entre les trois frères , commeon devrait l'attendre dans mon hypothèse ,
mais au contraire qu 'ils font un tout, remis aux mains du seul Kolaxais et
fondant ainsi sa suprématie , sa royauté . Parfaitement. Hérodote dit lui-même
formellement tily Baoianiny wãoav. Mais je ne vois pas là de difficulté : cette
concentration du joug , de la charrue , de la hache et de la coupe aux mains
de Kolaxais signifie seulement la suprématie d 'une classe sur toutes les
autres , la classe guerrière ayant pas et pouvoir - -- comme c'était sans doute
la pratique réelle chez les Scythes - - sur celle des magiciens et sur le menu
fretin agriculteur et éleveur : de façon parallèle ,Jes Brāhmaṇa hindous, dans
l'instantmême où ils opposentles castes l'une à l'autre , s'empressent d 'ajouter
et répètent à satiété que « toutn , ou que le «kșattra , appartient aux brah
manes. Bref, ce qui tombe du ciel sous les fils de Targitaos , ce ne sont pas
simplement les classes une à une, en suite anarchique, c'est leur ensemble
hiérarchisé , c'est le système social en un tout cohérent, dont la classe-chef
devient naturellement dépositaire et garante . Les tentatives infructueuses
LA PRÉHISTOIRE INDO -IRANIENNE DES CASTES . 125

Les Osses enfin confirment cette interprétation (1) : ils savent


encore que leurs héros des temps anciens, les Nartes, étaient

d 'Arpoxais et de Lipoxaïs , le succès de Kolaxaïs , sont destinés à expliquer


pourquoi la classe -chef n 'est ni celle des agriculteurs , ni celle des magiciens,
mais celle des guerriers.
(1) Les Osses , jusqu'à l'abolition de l'esclavage , étaient divisés en quatre
classes : nobles, hommes libres, inférieurs et esclaves.Mais c'est là une divi
sion d'un type féodal, assez différente de celle qui nous intéresse ici ; il y a
d'ailleurs de fortes raisons de croire que les Osses ont emprunté ce système
à leurs voisins kabardes : M . KOVALEVSKY, Coutume contemporaine et loi ancienne :
droit coutumier ossétien éclairé par l'histoire comparée (Paris, 1893) , p . 16 et
suiv. - - Il n'est d'ailleurs pas absurde desupposer que le système des classes
tcherkesses soit lui-même un vieil emprunt fait aux Scythes : le prince
N . Troubetskoy ( Remarques sur quelques mots iraniens empruntés par les langues
du Caucase septentrional, dansMém . Soc. Ling.Paris, 1921, p . 248) amontré que
tout au moins le nom de la première classe tcherkesse, p'çi ( cf. abhaz p'çuym
homme richen ) rappelle de près l'avestique fšumā « riche en bétailn ; le fait
est d'autant plus curieux que c'est la troisième classe des Scythes qui aurait
ainsi donné son nom à la première des Tcherkesses. — M . Dirr (Caucasica ,
IV et V, dans son vocabulaire, sub verbo ) vient de donner les noms des
quatre classes ubyh parallèles aux quatre classes tcherkesses : 1° à tch . p'çi
répond ub. ca e princen (xy serait plus exact); 2° à tch. work répond ub.
k 'wošta « petit noblen ; 3° à tch . tfoko , répond ub. wayəš“ re homme libre
ordinaire, ( Benediksten avait noté en 1898 waraš" ; j'ai entendu à Kirk
Pınar et à Yanık waya:"a); 4° à tch . přçià répond ub. gera resclaven , avec g
très mouillé (qui s'apparente sans doute étymologiquement à tch . Jär captif
de guerren ; cf. armén . geri). Cette division n 'est, bien entendu , chez les
Ubyh comme chez les Tcherkesses de Turquie , qu'un Jointain souvenir , et
souvent, quand ils en parlent, les Ubyh mêlent les noms des classes des
deux langues. Voici une déclaration que m 'a faite récemment un Ubyh de
Yanık , liyas bey ; elle est peu conforme à l'histoire, mais précise bien la
valeur de g'era ; les caucasologues seront sans doute contents de la lire dans
cette langue , dont on ne possède encore que quelques pages de texte : Rusi
yaya , Adyyas“ sbläya , Adyyənən anc" giyya zejä äjnašõta ahähaya dāk’ähänün,
psy , vork' ve ag'era aqaja šäna ägäränasqa : wazejäya aqwoqana t`it'non ag'era
anaqaqa , c'est-à-dire : xen Russie , en pays tcherkesse, les Tcherkesses , dans
des temps très anciens, quand ils allèrent dans la montagne, pour faire la
126 JANVIER -MARS 1930.
divisés en trois ce familles», dont chacune avait sa spécialité :
une d'agriculteurs, une d'intellectuels, une de guerriers. Voici
par exemple une formule prise à la tradition populaire , el que
M . Tuganov a eu raison de meltre en évidence : « Les Boriatä
étaientriches en troupeaux; les Alägatä étaient forts par l'in
telligence; les Äxsärtägkatä se distinguaient par leur héroïsme
et par leur vigueur, c'étaient des hommes forts (1). » C 'est exac
tementl'état de choses indo-iranien sous sa forme la plus claire
et la plus simple , l'élevage n'ayant même pas encore cédé sa
place à l'agriculture. La seule différence est que les divisions
des Nartes sont non plus des classes (endogames, etc. ) , mais
des familles ( exogames, etc.) : différence grave , assurément,
mais explicable par la diversité des temps et des mœurs ; com
ment les Osses, qui depuis longtemps ne connaissent plus de
classes dans leur pratique sociale , en attribueraient-ils à leurs
héros ? Le souvenir des e divisions par spécialités , a gurvécu ,
mais s'est adapté aux cadres sociaux modernes.
Celte déclaration est d'autant plus intéressante que, dans
l'ensemble des récits recueillis depuis soixante-dix ans, les
caractères de ces trois familles ne sont pas très nets : tous les
Nartes se ressemblent plus ou moins. Cependant, ce qu'on
Ou

entrevoit justifie dans une certaine mesure le ceprincipen sou


ligné par M . Tuganov :
1° La position des reintellectuels » Alägatä est partout res
guerre , se divisèrent en trois ( classes ] dites p . , v., g': ; ce sont les hommes
qu'ils prirent dans ces guerres qu'on nomma g'era.»
(1) M . S. Tuganov, kto takue Haptúı ? dans 134 . ocet.uuctutyra kpaelle
nenus , I (Vladikavkaz, 1995 ), p . 373 : Boriatä ädtâncä fonsäj häzdug ; Ala
gatä ädtäncä zundāj tuzgin ; Aysärtägkatä ädtäncä bähatär äma qarwögin ,
lägtäj tuxgin . Cf. mes Légendes sur les Nartes , p . 19. - De ces trois noms
( où -tä est la terminaison normale du pluriel), le troisième (Axsärlägkatä )
vient sans doute de oss. äzsarä - bravouren ; M . Tuganov rapproche le second
d 'un nom propre encore vivant en Ossétie , Aläg ; le premier ( qu 'on rencontre
d 'ailleurs souvent sous la forme Borätä , Baratä ) dérive peut-être de oss. bor
s jaune .
LA PRÉHISTOIRE INDO-IRANIENNE DES CASTES. 127
tée claire; ils ignorent guerres et exploits et n 'apparaissent
dans les contes qu'en une seule circonstance , à vrai dire fré
quente : c'est chez eux qu'ont lieu les beuveries solennelles des
Nartes, ces beuveries où se produisent les merveilles de la
Coupe Magique et où se fait et défait le prestige des chefs (1).
Chez tous les demi-civilisés et chez quelques autres (chez les
Perses, notamment, au dire d'Hérodote ), beuverie et sagesse
font bon ménage, et les brahmanes organisateurs des orgies
somiques aideront à comprendre l'alliance narte de la coupe et
de l'esprit.
2° Si les plus fameux des pourſendeurs narles (Uryzmag ,
Hamyc , Batradz , Sozryqo.. .) sont,dans beaucoup de contes,
des Borialä , il est remarquable que les récits qui décrivent les
guerres inexpiables entre Borialä et Axsärlägkatä en font assez
régulièrement, comme on doit s'y attendre, des Axsärtägkatä ,
c'esl-à-dire des « guerriers , par excellence(2). Peut-être est-ce
l'état ancien de la tradition. En ce cas , pourquoi les Osses ont
ir .
ils fait passer leurs héros favoris d 'une famille à l'autre, pour
quoi les ont-ils cedéclassés » de guerriers, en « agriculteurs»,
ier en SN .

sans d 'ailleurs rien leur ôler de leur caractère belliqueux?Mys


tère. Mais n'oublions pas que de nos jours les contes sur les
Naries sont des contes populaires , racontés chez les humbles
autant et plus que chez les grands.
3“ Dans ces mêmes contes sur les querelles sanglantes
entre Aysärtägkatä et Boriatä , les hostilités éclatent parce
qu'un jeune héros belliqueux de la première famille tue les
bæuſs gras et épuise les chevaux de la seconde : forme nalu
relle d 'un conflit entre « guerriers» et « éleveurs» (3).

(1) Légendes sur les Nartes , contes nos 15 , 17, 23, 25, 26 c; on trouvera
là les références aux originaux.
(2) Ibid . , contes 1 6 , 46b, b bis.
(3) En tout cas, les recueils de contes osses s'accordent à ranger tous les
Nartes dans l'une ou l'autre des trois familles ici mentionnées. Seul le dernier
128 JANVIER-MARS 1930.
Ainsi les Osses s'accordent avec Hérodote pour établir que
les Scythes , tont comme les Perses, divisaient leur société en
trois grandes classes , dont la dernière , à en juger par Héro
dote , se subdivisait en deux sous-classes jumelles.

* *

Deux remarques s'imposent. D'abord , pas plus chez les


Scythes qu'en Iran , cette division ne semble avoir eu grande
importance, ni même pleine application. Sans doute s'agis
sait-il d'un cadre social traditionnel, affirmédans les légendes
et dans les rites, mais sans définitions rigoureuses ni par con
séquent cloisons étanches. Hérodote , nous l'avons dit, ne ren
contre pas une seule occasion d'y revenir, et les autres auteurs
anciens sont muets à ce sujet. D 'ailleurs, dans les légendes
recueil (digorien ) publié à Vladikavkaz, IISMATHUKH Hap. Tbopyectra Oretou ,
Bb1o . 3 : Auropcioe wap. TopTeCTBO B 3arach Muxaja Tapaahtu (éd. de
l'Institut des Recherches Scientifiques d 'Ossetie, 1997), semble placer d 'au
tres familles nartes (par exemple les Asätä ) sur le même plan que les « trois ..
Mais ce recueil , d'ailleurs fort important, présente la plupart des légendes
sous une forme plus altérée que celles qu'on possédait jusqu'alors. Et c'est
naturel : partout les légendes sur les Nartes sont en passe de se décomposer.
- Les autres peuples caucasiens qui connaissent les légendes sur les Nartes,
et qui les ont sans doute prises en grande partie aux Osses, ignorent absolu
ment la tripartition , de cette race fabuleuse : c'était donc bien là une tra
dition spécifiquement osse , scythique, aryenne. Cependant les Alägatä parais
sent chez les Tcherkesses ( abzah Alajuk'.. .), chez les Tatars (balkar Aly
glar .. . ). Le nom des Äxsärtägkatä , à ma connaissance , est inconnu partout.
Quant aux Borata , leur nom ne s'était pas rencontré jusqu'à présent hors de
l'Ossetie ,mais tout récemment ( janvier 1930 ) j'ai eu la surprise d'entendre
chez les Tcherkesses (Šepsug) émigrés à Adliye (près du Sakaria, vilayet
d'Ismit) un récit sur Borež ( = e le vieux > l'héroïque Boren ) qui reproduit ,
avec d'importantes variantes , mais de façon très reconnaissable , deux célè
bres récits osses sur Uryzmag , l'un des Boratä ( l'inceste , le meurtre du fils );
j'ai entendu peu après, à Uzun Tarla , une version abzah toute voisine , où le
héros s'appelait Boroqo ( = e fils de Bor(e)» ) et où intervenait , à une articula
tion importante, la théorie tcherkesse des classes; je publierai prochainement
ces textes avec plusieurs autres.
LA PRÉHISTOIRE INDO-IRANIENNE DES CASTES. 129
des Osses sur les Nartes, on vient de voir que les distinctions
entre les trois familles sont plus théoriques que réelles. De
même, dans l'Iran , en dehors de quelques règles religieuses
toutes théoriques , en dehors des divers récits de l'institution
même du système, la division en classes n'intervient jamais,
et la Lettre de Tansar atteste assez qu'au momentde la réaction
sassanide les classes n 'existaient plus que s
t ome uunn vvague
comme ague
violente quCe
souvenir. videmmen pa
ait eévidemment
'ellen 'est tte réaction tardive , si
pass cecetle
violente qu'elle ait pu être , qui aura donné de la consistance à
une théorie depuis longtemps vaine. A ce pointdevue , Scythes
et Iraniens d 'Asie ressemblaient sans doute à leurs frères orien
taus des premiers temps védiques, aux Hindous d 'avant la
Caste : neuf livres du Rg Veda sont muets sur l'existence du
rājanya,du vaiçya et du çüdra.
Deuxième remarque : la légende scythe sur l'origine des
quatre yévn est du mêmetype que les légendesiraniennes. Dans
un cas Targitaos et ses trois fils, dans l'autre Zoroastre et ses
trois fils ( et sans doute primitivement Yimu et ses trois fils ? 1)
sont les ancêtres ou instituteurs des diverses sections de la
société , et dans les trois cas l'institution est , pour une grande
part , d'initiative humaine : Yima, ou les fils de Zoroastre , ou
ceux de Targitaos, les ont sciemment décrétées ou normale
ment engendrées; dans la légende scythe elle-même, la plus
merveilleuse des trois , tout le rôle du ciel consiste à avoir
fait un geste symbolique que les hommes ont aussitôt com
pris. Or l'Inde connaît une tradition analogue, consignée
dans des livres tardifs, mais peut-être ancienne, car elle se
recommande parfois de Grtsamada , un des plus vénérables
sages des temps védiques, à qui d 'autres légendes — sûre
ment anciennes celles-là — attribuent en effet un rôle impor
lant à l'origine de la fortune de la caste brabmanique(1). Le

(1) Sur ces traditions, voir Muir , Sanskrit Texts, I, p. 226 et suiv.
CCXVI.

INPRIMERIE NATIONALE
130 JANVIER - MARS 1930.
Harivamça, par exemple , dit : « Vitatha fut père de cinq fils ,
Suhotra , Suhotr, Gaya , Garga et le grand Kapila . Suhotra eut
deux fils, l'illustre Kāçaka et le roi Gytsamati; les fils de ce
dernier furent les brahmanes, les ksattriya et les vaiçya(1). » Le
Visņu Purāņa dit de même: « Ksatlravrddha eut un fils Suna
hotra qui eut trois fils Kaça , Leça et Grtsamada; du dernier
naquit Çaunaka qui institua les quatre castes(2).» Le Bhagavala
Purāņa (3), le Vayu Purāna(1) ont des textes parallèles. Les
castes sont ici d'institution humaine, et quelquefois de 6lia
tion humaine , issues de frères . Cette explication d 'allure histo
rique est toute différente de l'explication merveilleuse, divine,
qu'on trouve à des dizaines d 'exemplaires à travers toute la
littérature brahmanique, depuis l'hymne X , 90 du Rg Veda :
les castes issues desmembres del'Homme primitif (sacrifié par
les dieux ou dissocié de lui -même). Mais justement parce
qu'elle apparaît sans nulle raison , en marge de l'explication
officielle et orthodoxe, je ne pense pas que celte explication
plus humaine soit inventée de toutes pièces : elle doit prolon
ger une tradition populaire , celle-là même sans doute qui expli
quait les trois ou quatre « classes » védiques et prévédiques ,
avant qu'elles ne fussent devenues des castes. Bref il devait cir
culer dans toutle vieux monde indo-iranien un certain nombre
de légendes d'un même type (peu ambitieux) pour expliquer
la division (peu importante) de la société.
Constantinople, février 1929 .

(1) IXXII , 1732.


(2) IV , 8 , 1- . Ce Kaça eut un fils, Kaçirājā , père lui-même d'un Dirgha
tamas qui fait un pendant presque exact au Targitaos scythe : Targitaos <
* Tirgataos ( cf. l'héroïne Tirgatao) < * Dirga-tayas ? Voir à ce sujet la disser
tation hardie de H . BRUNNHOPER, Arische Urzeit, Berne, 1910, p. 199-209
(qui ne fait pas intervenir les castes).
(3) IX , 17, 2 et suiv .
(1) Cité par Wilson , V. P., 4° édit, p . 406 .
- NATURE
DES SACRIFICES AU PAYS DE SUMER,
D 'APRÈS LES TEXTES SUMÉRIENS
ANTÉRIEURS À LA DYNASTIE D'ISIN ("),
PAR

CHARLES-F . JEAN.

A Uruk , à l'époque séleucide, on offrira, chaque jour,


quatre repas aux dieux : le grand et le petit repas du matin ,
le grand et le petit repas du soir. Et chacun de ces repas se
composera de boisson , de pain , de fruits et de viande(2).
Les textes de l'époque sumérienne ne sont pas si précis ;
ils ne permettent pas même de nous assurer que le rituel fût,
sur ce point, définitivement établi. Impossible de savoir si ou
dans quels cas les e victimes » du sacrifice étaient cuites (3), de
façon que les dieux pussent se délecter de leur fumet, si ou
dans quel cas la victime étant entièrement consumée par le
feu pour le dieu , quelle part revenait à l'offrant, aux prêtres

(1) Dynastie d 'Isin 2186-1961 (Meissner ).


(9) CF. THUREAU -Dangin , Rituels accad. , p. 74.
( ) Si l'interprétation du cylindre archaïque 45, pl. XXX des Découvertes
en Chaldée , donnée par Heuzey (loc. cit:, 277 -278 ), est exacte , nous avons
là une sorte de marmite dans laquelle cuit la matière du sacrifice dont le
dieu aspire le fumet.
132 JANVIER -MARS 1930.
ou aux autres employés du temple, ni dans quels cas il y
avait effusion de sang ; mais il est certain que, dès l'époque
proto -sumérienne , il existait des sacrifices alimentaires.

1 . SACRIFICES ALIMENTAIRES .

Un hymne d'Eridu chantait :


*En-ki dans le sanctuaire (") de Nippur
à son père 'En-lil le repas prépara(?).
An à la place d 'honneur(3) s'assit.
Près d'An, "En-lil se mit ;
“Nintu à côté (4) s’assil.
Les A -nun -na-ki, en cercle , vis-à-vis s'assirent :
la bière ils sirotent; le vin et la nourriture ils savourent( ).

A la période la plus ancienne(6), avant Ur-'Nina , les cy


lindres -cachets représentent quelqueſois deux déités assises
l'une vis-à-vis de l'autre ; entre elles se trouve une large jarre
IS - a - V uve u

dont elles aspirent le liquide au moyen d'un long tube : il


s'agit, très probablement, de deux dieux absorbant le vin ou
la bière qui leur ont été offerts. Sur la Stèle des Vautours(7),
Eannatum nous dit qu 'il coffrit des bæufs en nourriture , au
dieu 'Babbar, dans son temple de Larsa .
A l'époque néo -sumérienne, on mentionnera i mouton
si -duga de nourriture divine(8), au temple de Be-lat-suh-nir(9).
(1) Unu.
(2) Ninda mu-un-kú -e.
(3) Ki-mah.
(a) Zag-gal.
(5) O .C . T., I , pl. IV , col. iv, 5 -11.
(6) Plus tard , la scène le plus souvent représentée sera, au contraire, celle
d 'un fidèle se tenant humblement, en prière , devant un dieu assis.
(7) Rev. , I , 36 -40.
(8) Si tel est bien le sens : sá-dug, ninda-kú-an-na.
(0) LEGRAIN , Ur, 272.
NATURE DES SACRIFICES AU PAYS DE SUMER. 133
Au ki- a -nag (1), les dieux a boivent l'eau , de la libation (2).
Après la restauration de l'é-ninnû par Gudea , le dieu Ningirsu
et sa parèdre prirent place sur leur couche, dans le lieu de
repos, la déesse de grandes victimes (3) pures mangea(4).Gudea
fait dire à Nin -gir-su : cele temple ba- ga , le lieu de ma table
à offrandes (5), les grands dieux de Lagaš s'y rassembleront(6), .
Et, ailleurs , il parle de vases en cuivre ce qui conviennent pour
le ciel , qu'il fit faire pour le temple de Lagaš, e afin que la
pure table céleste en fût chargée ; il parle aussi de miel,
beurre , vin , grain , figues, lait, dattes, etc. , e aliments pour
la nourriture des dieux(8)n .

2 . Nig-giš-TAG-GA.
Ces mots paraissent exprimer l'idée de ce sacrificen propre
ment dit, avec cedestruction » de l'offrande pour le dieu , et,
par conséquent, implicitement, de sacrifice sanglant quand il
s'agit d'animaux. En effet, tag signifie « frapper, abattre,
mettre en pièces» ; GIŠTAG , akkad. mahâșu sa isi « abattre , en
parlant d'arbres n ; par extension : GIš-Tag , akkad . mahasu ša
mimma e abattre , en parlant de n 'importe quoi» ; NIG -GIŠ-TAG -GA
s ce que l'on frappe, met en pièces» (9), etc.
(1) Ki-a-nag : lieu de libation , endroit où l'on fait la libation. LANDSBERGER,
Kultkal., 5 , n. 1, etc.
(2) Gudea , Cyl. A , XXII, 15 .
(3) Il semble bien que zabar signifie « victime" ; cf. zabar-dib , zabar-lú -dib ,
akkad. : zabardibbu e prêtre (sacrificateur ?), . Notons que, dans notre contexte,
1. 5 , sacrificateur est rendu par ne-sag . Parmi les « familiersn du ki-a-nag , il
y a , non seulement le zabar -dib , mais aussi le lú gú-ne-sag ( Inv. Tello , 731).
(4) Cyl. B , XVII, 4 .
(5) Bansur -ra -mu.
(6) Cyl. A , X , 27-99.
(7) Cyl. B , XIV , 13-17.
(8) Ibid . , III , 18 -26 . Cf. Hymne à Šulgi (dans 0 .C .T .) W .-B . , 171, col. II ,
27-28 ; ce texte est de Larsa , peut-être fut-il composé sous la dynastie d'Isin .
( ) Ou «ce qui est frappé, mis en pièces .
134 JANVIER -MARS 1930.
A l'époque proto -sumérienne, nous avons des nig -gis-tag-ga
de farine, de bière, de dattes, de bétail pour les fêtes du
bulug-kú(1) et du še-kú de "Ningirsu (2), pour la fête de "Ba- ú (3)
et pour d'autres dieux (4.) Rien ne prouve que ces animaux
aientété effectivementoccis et cuits et ces aliments préparés(5),
cuisinés pour le dieu.
A l'époque néo-samérienne, l'expression est très rarement
employée; son sens n 'est pas clair (6). A Umma, un texte (7)
mentionne des dattes nig-giš-tag-ga lugal; un autre(8) paraît
distinguer sá -duga , nig -giš-tag-ga , máš-da-ri-a ; mais un troi
sième(9), de même époque et du même lieu , est bien moins
précis, si nous le comprenons bien . Nous y trouvons, d'abord ,
(1) V. S. , XIV, 5 ; cf. col. XII-XIII.
(2) V .S. , XIV , 119; cf. X-X1; 130 : bétail, bière, huile , dattes , etc. nig-giš
tag-ga isag-ki-kam Da -du sangu mu- ma -túm ; texte analogue D. P., 40 , passim ,
résumé dans col. ix-X1. A la même époque et dans les mêmes cas, au lieu de
nig -gis-tag-ga , on dit , en parlant des mêmes objets d'oblation , gis-bi-tag
( T.S .A . , 1; Nik., 23 ; cf. 25 Rev. , IV , 2 ; 28 Rev. , III, 2 ; 148 Rev ., III, 2 ;
149, II, 2 ; 150, II, 3 ; 151 Rev., III, 4 ) , var. : giš-e-tag-gi (Nik., 33, II ,
12) ou encore, dans une même phrase , on dit que ces objets nig-giš-tag-ga
sont ... gis-bi-tag (Nik . 25 Rev .). Le bétail nig -giš-tag -ga de Bár-nam -tar-ra ,
femmede Lugal-an -da, est ba -ša(g ) par le sanga pour la fête de "Ba-ú ( R . T.C .
46 ).Gen. ( T.S.A., p. xii, n. 1) a traduit nig-giš-tag -ga par «a sacrifién et
ba-sa(g) par ea fait égorgern . S'il s'agit de sacrifices, on pourra être surpris
d'un sacrifice à l’é-mu de l'isag (loc. cit., col.v). .
(3) D.P., 67; 196 , VII-VIII; 197, xIv ; cf. 56, vı : ibid ., ki-a-nag En-e-tar-zi-és
giš-e-tag ; var. giš-e-tag-gi , Nikolsky, 23, II , 12.
(0) D .P ., 48 passim , et résumé col. vı ; Nikolsky, 27, 29. Pour la fête de
Lugal-mu-ki, Nik., 25, Rev., III-16.
(5) Les monuments représentent, surtout sinon exclusivement, à l'époque
néo-sumérienne , la celibation » , c'est- à-dire des liquides versés devant le dieu .
Voir infra.
(6) Gudea (Cyl. A , II , 8 et , parallèlement, IV , 6 ) ne précise pas. Son « sacri
fice, est accompagné de libation. Remarquons qu'en d 'autres passages où il
s'agit bien de cesacrifices (Cyl. A , VIII . 6 -9 ; cyl. B , V , 20 ), Gudea n'emploie
aucun terme techniquen.
(7) Gen., Umma, 6040 , III , 26 -27.
(8) Ibid., 5667, 1. 6 , 7, 12 ; Rev., 6-10 .
(0) Ibid ., 5672 .
NATURE DES SACRIFICES AU PAYS DE SUMER. 135
un gros lot de peaux sá -dú (g ) à Šara, d 'Umma(1); suit une
liste d 'autres peaux à des dieux divers ; puis(2) :
sá -dug, dingir-e-ne Sá-dug , aux dieux :
10 lal 2 kus-há 38 peaux
ša (g ) nig -giš-tag-ga dans(3) le resacrificer ;
2 kuś sá-dug, isag-gu-la 2 peaux sá-dug , du grand isag ;
4 kuś zúr mar-sa 4 peaux zúr mar-sa .

Le premier sá -duga — quine se rapporte pas, sansdoute , à


ce qui précède, puisque une case en blanc l'en sépare —
paraît s'appliquer à l'énumération qui va suivre. Or un sá -duga
de peaux est énuméré entre les peaux nig-gis-tag-ga et les
peaux zúr mar- sa .
3 . Zúr.
Que signifie ce mot?
Les valeurs qu'il recevra, au cours de l'histoire , seront
nombreuses. Prier et prière ( ), ceferveur de la prière , (5),
# orant, (6), « faire une libation , et « libation » , « offrir un sa
crifice , et ee sacrifice , (7), Mais à quelle époque l'idéogramme
a-t-il pris ces valeurs?
A l'origine, le signe est formé de amar, , avec du grain ,
še <« , à l'intérieur et écrit deux fois M , L. ; mais on
ignore ce qu'entendait représenter le premier signe, qui devint
classique pour signifier cebæuf sauvagen.
Au cours de la période proto-sumérienne, nous ne l'avons .
(1) Col. I, 1 - 3 .
(2) Col. II, 4 -8 : de même Rev . I, 3 13. Deux de ces peaux (1. 8 -9 ) sont
nam -ne-ru kud-du ( Br. 2 180 , 2182 ) sib áb-ku « promises par serment par le
påtres, pensons-nous ( l. 9 ).
(3) Pour le sacrifice ? ou bien s'agit-il des peaux des animaux immolés ?
(1) Sullü , teslitu ; suppú , sipû ; karábu , ekrebu .
(5) Teméqu .
( Karibu.
(7) Nagú , neqů.
136 JANVIER-MARS 1930.
pas rencontré une seule fois (1); il est fréquent, au contraire,
à l'époque néo-sumérienne.
A Lagaš, dans un texte contemporain de l'isag Nam -mah
ni(2), et surtout dans Gudea(3), il signifie nettement ce prière (6).
Quand il s'agit de bæufs et de vaches à "Ninni-5), de dalles,
de graisse(6), demoutons devant des statues(7), de bétail pour
divers dieux à Lagaš, sous "Gimil-'Sin (8), ou à Drehem au
mois ezen-an-na(9), au mois d-ki-ti(10), ou au mois Nin-a-zu (11),
au mois Šes-da-kút12),aumois šu -es-ša(15),au mois še-gur 10-kud(14);
ou bien , à Lagaš, de farine et de grain pour ér-zúr-ra(15), le
(1) Dans Délég . VI, au n° 319 Rev. 5 , le signe peut représenter autre
chose ; du moins l'élément intérieur du complexe est bien différent de la gra
phie du še qu'on trouve ibid. n° 214 , 3 , et Découv. en Chald. XXXV, n . 3 ;
f. 11 , 3, etc.
(9) Statuette de femme, 1. 6 .
(2) Cyl. A , II, 21; IV, 1 ; B , III , 3. Mais notons que dans B , III le scribe a
employé le mot sub avant la formule de la prière ( col. II, 15 ) et qu'à la fin
il dit zúr.
() Cyl. B, I, 14 ; VIII, 12 ne sont pas évidents , puisque les termes ni ne
précèdent, ni ne suivent ; Cyl. A , XIII, 38 ; XIV, 3 :
ud zúr-ramu-na-a-gál
gig sub-bimu-na-zale;
on peut se demander s'il n'y a pas là un parallélisme simplement synony
mique.
(5) C . T., XXXII, pl. XII , III , 12-14 ; Gen. , Tabl. Drehem , 5527.
(6) R.Tln ., 297, Vs. 3.
(7) Uzu -a-bal zúr alan -as-aš lugal-tur -ra. C.T., XXXII, 17 et 18 col. 18-v.
(8) Gen., Tello V, 6823.
(O) LEGRAIN , Ur, 284 .
(10) ID. , ibid . , 323.
(11) ID., ibid . , 363.
(12) Gen., Tabl. Drehem , 5501.
(13) Ibid ., 5513 ; Trouvaille , 3, 12.
(14) Trouvaille , 16 , 3 et 11 (zúr giš nad gub-ba); 77 ; LANGDON, Archiv ., 7
(zúr šu-nir " Nanna(r)); 49 ( zúr a-šu -elteg -a = zúr de purification (des sta
tues ) des dieux). Cf. C .T. , XXXII , pl. XII , IV , 2 -3 , bien que le mot zúr ne
soit pas écrit; Tello V, 6739 , 4 .
(15) Gen ., Inv . Tello II , 796 , 6.
NATURE DES SACRIFICES AU PAYS DE SUMER. 137
mot zúr ne peut guère signifier autre chose que cesacrificen,
mais pas nécessairement sacrifice sanglant, puisque , à Lagaš,
sous la troisième dynastie d'Ur, nous avons du bois mi-ri-za(1)
qui est zúr, dans le gi-gur,(2), des farines zúr gi-gur,-lugal pour
le šu -ga-lam et pour le temple d'Uruk (3), zúr de corbeille ou de
tout autre objet en roseau(“). Zúr signifie , sans doute , libation
quand il s'applique à de la bière(5) ou à de l'huile (6).
Ainsi, à l'époque où il est documenté , zúr signifie tantôt(7)
ce prière, , tantôt cesacrifice en général» ou ee simple oblation , (8),
sans que l'on puisse savoir quel est celui des deux sens qui a
précédé l'autre (9)
(1) Peut-être s'agit-il, ici, d'un bois odoriférant (le sapin , d'après CAMPBELL
THOMPSON , Herbal); par conséquent zúr pourrait impliquer l'idée de destruc
tion , car, dans ce cas , ce bois était brûlé, sans doute , afin qu'il exhalât
mieux son parfum .
(2) Gen., Tello V, 6888.
(3) JD., Inv. Tello , II, 796.
(1) Sutuk (GI-PAD) gúg-u -a. R .Tlh. 128 , IV 20-21.
(5) R.Tlh. 112 , 1 14-15, II 5-6 , IV 14 , 16; Hussey, II, 93; Gen ., Tello , V,
6925.
(6) R .Tlh . 297, Vs. 3 .
(7) Mais les textes ne font pas ces distinctions; on dira , par exemple
( R . Tih . 112) zúr de graisse , dattes , bétail, farines diverses , grains, bière,
huile .
(8) Il peut être question de bæufs ou de vaches reçus en don pour les parcs
sacrés, afin qu'on les sacrifie (gis-bi-tag ) quand il y aura lieu , bien que ,
dans les cas semblables, on n 'indique pas le caractère des oblations; voir Gen.,
Tabl. Drehem , 5884; etc.
(0) Voici un exemple des textes rapportant ces zúr (Gen., Tabl. Drehem ,
5501 — pour le 21° et le 22 jours du mois šeš-da-kú ) :
Col. I. [....] à "Nusku
i . . . .jà 'Nin -urta
[ . . . . ] à En -lil
[. . .] hur-sag-ga-lam
Nin - lil
[. . . ] brebis 1 agneau à "Nanna(r)
. . .j brebis à "Nisaba
i brebis à "Nin-ti(n )-ugs-ga
( Voir la suite et la fin de la note aux pages suivantes.)
138 JANVIER -MARS 1930.

4. Káš-Dé-a.
On n'a rencontré, jusqu'à ce jour, celte expression káš
dé-u qu'à l'époque néo-sumérienne. Elle signifie étymologi
1 brebis à "Nin -hur-sag
dans le temple de “Nin-lil
2x Dunků
1 brebis à "Nin-hur-sag
1 brebis à "Nusku
1 brebis à «Nin -urta
1 brebis à "Ninni
1 brebis à Nin -sún
1 brebis à "Lugal-banda
1 brebis à "Nin-ti(n)-ugs-ga
zúr gu-la
1 brebis à la grande porte
4 brebis belles (?) pour le temple de 'Nin -lil
1 brebis 161-GAL ,1 brebis , 1 (tête de) petit bétail à "Nin-pisàn + gi
zúr suh -suh
1 brebis, 1 (tête de) bétail gišerin -ku
1 brebis, 1 (tête de ) bétail bár-ri-a.
2 brebis, 1 agneau à "Nusku
2 brebis , 1 agneau à "Sa-dir-nun -na
1 brebis à "Nusku
2 (tétes de) petit bétail à la porte d'' En -lil
1 brebis à "Kal-kal
i agneau, 1 (tête de) petit bétail au zu-ab d ' Enlil
48 brebis , 1 agneau , 1 (tête de) petit bétail à 'En-lil
2 brebis , i agneau au hur-sag -ga-lam -ma
2 brebis à la statue du roi
dans le temple d ' Enlil
1 agneau , 1 (tête de) petit bétail au zu-ab de "Nin -lil
36 moutons, 13 (têtes de) petit bétail
1 agneau à "Nin -urta
2 moutons, i agneau à "Nanna(r)
1 (tête de) petit bétail pour le gišsun
1 mouton à Nisaba
1 mouton à 'Nin-ti(n )-ugs-ga
2 (têtes de) petit bétail au gišbür-a
1 (tête de) petit bétail au tympanum
NATURE DES SACRIFICES AU PAYS DE SUMER . 139
quement : nigû ša šikari ou re libation de boisson fermen
tée » (1),
1 (tête de) petit bétail au char
1 mouton à 'Ur-"En-zu
1 mouton à En- lil-lá-zi
1 (tėte de) petit bétail au gišapin
3 moutons à la statue du roi
dans le temple de 'Nin -lil
lugal LIL
5 moutons, 3 agnelles
4 chevrettes au Dur-ki
1 agneau à Nanna(r)
i agneau à "Ninni
Verso . Col. I. 1 agneau à l'é-ha-nu-kú de 'Nin -urta
1 (tête de) petit bétail pour l'edin -na
jour 21%
1 agneau à "Nusku
i agneau à "Nin-urta
i agneau à 'Enlil
1 agneau au hur -sag -ga-lam -ma
1 agneau à 'Nin -lil
1 brebis , 1 agneau à "Nanna(r)
i brebis à Nisaba
1 brebis à "Nin -ti(n)-ugs-ga
1 brebis à Nin-hur-sag
1 brebis à Nin-lil
1 brebis à "Nusku
1 brebis à "Nin -urta
i brebis à "Ninni
1 brebis à "Lugal-banda
1 (tête de) petit bétail à "En-zu
1 (tête de) petit bétail à 'Nin -ti(n)-ugs-ga
zúr gu-la
1 brebis, 1 agneau à "Nin-urta
1 brebis, 1 (tête de) petit bétail à Nin -en-lil-ki
1 agneau à "Nusku
1 agneau à "Sa-dir-nun-na lugal lil
1 mouton à "Lú-ni-si-su
1 agneau à Nin- lil
i agneau à "En -lil , etc.
jour 22
(1) II R ., 45 6, f. 41.
140 JANVIER-MARS 1930.
Il peut paraître étrange que jamais on ne signale de bois
son fermentée apportée comme káš-de-a , mais que , chaque
fois(1) que cette expression figure dans les textes , il s'agisse de
bétail. On peut, naturellement, expliquer ce fait en ce sens
que ce bétail, gros ou petit, était offert à l'occasion de la
libation — bien que la libation fût sans doute moins coû
teuse et donc moins méritoire et moins importante que l'obla
tion de bétail. Quoi qu'il en soit, il n'est pas douteux qu'en
certains cas il s'agisse effectivement de libation ; ainsi, au
Cylindre B (2) de Gudea, nous lisons : rafin qu'il répande de
la boisson fermentée hors du vase , afin qu'il répande du vin
avec la boisson fermentée . .
On mentionne du bétail pour káš-dé-a d' Enlil et de 'Nin
lil(3) du bétail kúš-dé-a d 'An-nu-ni-tum , dans Nippur(9), káš-de-a
royal dans Tum -ma-al(5), et káš-dé-a de l'alal-mah (6) de 'Nan
na(r) (7) et du bétail kúš-de-a de l’é-mu(8); du bétail ( redevance
de l'isag de Gir-su ) káš-dé-a de la néoménie (9); du grain kás
dé-a uru- gab-ba (10).

(1) Dans Gudea, Cyl. B , V , 21, il est question de la libation de vin ,mais ce
n 'est pas exactement kaš-de-a qui est employé; on dit din mu -ni-de-de; ibid .,
VI, 1 : din bur-gal-la im -ma-de.
(2) ID., ibid ., VI, 26 : káš bura de-da din káš-a -de-da. ( Il s'agit du dieu
Šul-ša(g )-ga chargé de veiller, dans la maison de son père Nin -gir-su , aux
libations de vin et de bière.) Cf. ibid. , V , 21; VI, 1 .
(3) Gen ., Trouvaille , nº 9 .
(4) LANGDON , Archiv. , nº 59 , 6- 7.
(5) Loc. cit., 1. 3.
(6) Ou é alal-la-mah , a sanctuaire de la main sublimen.
(7) Gen ., Trouvaille , 11.
(8) ID . , ibid . , nº 2 .
(9) S .A ., 134, in R .A . , IX , Pl. IV .
(10) Gen ., Umma, 6040 , II , 18'-19'. - Textes analogues, LANGD., Archiv.,
53 , 4 ; Gen ., Tabl. de Drehem , 4687; Umma, 5672 , 14 ; Legrain , Ur, 279 ,
373 , 284 .
NATURE DES SACRIFICES AU PAYS DE SUMER . 141

5 . Maš-DA -RI-A .

A l'origine , il s'agissait de l'« oblation de bétail, : la com


position de la formule et ses variantes (1) paraissent le prou
ver(2); mais, dans certains textes, des mas-da-ri-a consistent en
huile , boisson , etc.(3); et, en d'autres, on a mas-da-ri-a
l- au lieu
de nig-gis-tag-ga(4). Des e matières » mas-da-ri-a sont appelées ,
dans un même contexte , quelquefois nig -giš-tag-ga(5) et, quel
quefois s.-dug,(6), de sorte qu'en définitive , dès l'époque
proto-sumérienne, les trois expressions mas-da-ri-a , nig -gis-tag
ga et sa-dug, sont pratiquement synonymes.
Mas-da-si-a désigne simplement l'ceoblation sacrée » (7) et ,
quelquefois, la redevance due au Palais(8).
• (1) Maš-da-ri-ri-a , D .P ., 408 , III, 7 ; mašmaš-da-ri-a , D . P., 87, VI, 1;
V.S. , XIV, 54 , III, 4 -5 ; 60 , V, 1-2. Rappelons encore maš-nita -da-ri-a , gud
da-ri-a , udu-da-ri-a ( cf. Schell , Mémoires Délég. X , 21-29); maš-da-ra-a , Gen.,
Umma , 5667 , 12; mas-da-ri-a-an , D. P., 62, V ; 333; maš-da-ri-an , R.T.C .,
20 , IV, 1 ; mas-da -ri-a-ni, R . T.C ., 40 , IV, 1 et VI , 4 ; D .P ., 84 : bétail maš
da-ri-a é- gal- a mu-na-túm ) ; T.S. A ., 50 : 31 talents de poisson , plus 339 pois
sons mak-da-ri-a N. bu-ba ab-ba-ge mu-na-tum – sans indication de destina
tion .
(2) Cf. LANDSBERGER, Kutkal., 44 , n. 2.
(3) R . T .C ., 59.
(*) R . T . C ., 60.
(5) Période proto-sumérienne, D .P. ,62, V : giš-bi-tag maš-da-ri-a-an.
(6) Même période, D.P., 82, passim , et VIII, 1; 215.
(7) Période proto-sumérienne : D . P., 59, XV (bétailmaš-da-ri-a au ki-a -nag
EZEN “Ba-ú ); 62 (maš.. . maš-da-ri-a pour la fête du še-kú de Nin -gir-su ) ; 49
(bétail , farine, bières, huile , pain , dattes, etc.,mas-da-ri-a pour "Lugal-uru
bar-ra ) ; 205 ; 207 ; 209 ; 211; 213 ; 212 , I- II (bétail maš-da-ri-a mu-na-DU
DC-na-an au ki-a-nag pour la fête de 'Lugal-uru ).
(8) Période proto -sumérienne, D .P ., 82; 84 (é-gal-la mu-na-túm ); 214
(bétail) ; 90 (bétail maš-da-ri-a é-sal mu-na-túm ). - - Période néo -sumérienne :
à Drehem , LBGR ., Ur, 85 (bétail mas-da-ri-a des pâtres ) ; à Lagaš, GEN ., Inv .
Tello , V, 6986 (maš-da-ni-a de sa-gi-sid ); Inv. Tello , II, 3410 :maš-da-ri-a de
poisson rôti.
142 . . JANVIER -MARS 1930.

6 . SA-DUGA

Sá-dug , estune expression assez vague. Étymologiquement ,


elle peut signifier « ce qui est prescrit, (1).
En fait, à l'époque proto -sumérienne, elle désigne, en cer
tains cas, des redevances profanes : on connaît des sá-duga
de céréales et de bière é-gal-la ba -túm (2), du grain sá -duge pour
l'é-mù et pour l'é-ninda(3), d'autres sri-duga pour les anes( );
sih-duga de grain pour faire de la bière(5); en d'autres cas,
sú -duga désigne sûrement des redevances sacrées : sá-duga de
céréales pour le dieu (6), pour les dieux "Mes-an -du (7) et "Nin
girsu (8), pour la fête de dBa-ú (9), pour le ki-a -nag(10); sá-duga
de bière et de pain pour les dieux(11). Urukagina se félicite
d'avoir construit pour "Gán-gir e le bur-sag , son temple où les
sá -duga an -na sont présentés (12)9.
"On ne saurait donc définir en quoi consistait exactement
le si-dug, de boisson et de comestibles à des statues , statues
de vivants (13) ou statues de morts(11).

(1) Cf. Delitzsu ,Glossar, 147 et 229.


(9) D . P. 166 . R . T.C ., 66 v 1- 2 : har-har sá-dug, é-gal-la -kam .
(3) D . P , 149 , cf. col. vii et vill.
(4) V.S ., XIV, 77, II , 6 ( sá-dug, anšu-kam ); 92 , II, 11; R . T.C ., 51, II, 11.
(6) R .T .C. ,51; V. S ., XIV , 92 , III , 5 . Sur ce sens, voir Hrozny, Getreide ,
109-110. Kaš-kal et kaš- gig , cf. Z .A . , XXXI, p. 145.
(6) R .T .C. , 55 , I, 3 ; V. S. XIV, 101, III , 3 .
(7) R . T.C ., 51, V , 10 ; 55 , III, 3 ; V.S ., XIV , 9 , IV , 9.
(8) V. S., XIV , 14 , II, 4 -5 ; D .P. , 153, III.
(9) D . P . , 59 , passim . Pour dBa-ú . D . P . , 154.
(10) R . T.C ., 51, V, 18'; 55, Rev., I, 1; 66 , II, 4 ; V. S., XIV , 9 , V, 4. Textes
analogues, V. S. , XIV, 77; 92 ; D .P ., 59, I-IV.
(11) D . P ., 156 .
(12) Pierre de seuil , 31- 33 .
(13-14 ) (13) Farines, bières, dattes, bétail sá-duga de Sagšag pour sa propre
statue, T.S.A., 34 , VI, 12-13; 36 , VI,11-12 ; D.P., 54 , VI, 5 (le mot sa -dug,
NATURE DES SACRIFICES AU PAYS DE SUMER. 183
A l'époque d 'Ur(1). Sá -dug, indique quelquefois (2) des obla
tions ou des redevances sacrées; telle l'orge provenant du
champ du dieu (Sara, à Umma(3); ou , à Umma encore(4), du
bétail su -duge pour dSara, pour 'Im -hu-lah-lah , et d'autre
bétail pour 'Lama-lugal ' Im -gig-hu-lah-lah(5); sá -dug, de deux
peaux , en relation avec une incantation ou un serment : nam
ne-ru kud-du , d'un påtre (6) et d'autres sá -duga de peaux pour
les dieux dont il est question dans ce long texte d'Umma.
Nous avons déjà noté qu'il s'agit là , quelquefois de peaux sú
dug, de l’isag(7), quelquefois de peaux zúr(8), et d'autres fois,
de peaux ša(g ) nig - gis-tag- ga (9) ou ša(g) nig-gis-tag-ga -lugal(10).
A Drehem , sá -dug de bétail à "Gula (11), à An-nu-ni-tum (12),
mouton sú -duga de nourriture divine pour le temple de "Belat
suhnir (13). A Lagaš, Gudea fixe pour le dieu Ningirsu des
n 'est pas emplové, mais la tablette finit ( col. xv ) par gis-bi-tag ). On se rap
pellera que le ki-a -nag est près de la statue de Gudea , à l'époque néo-sumé
rienne (Statue B , VII , 55 ). Sá-duga semblable à la statue de Bar-nam -tar-ra
D . P ., 54 ); mais , ici, il n 'est pas sûr qu'elle vécût encore ( c'est Sagšag qui
offre ). — (14) Huile , dattes , bières sá -dugt à la statue d 'Ur- Nina, sous
Lugal- an -da son 8e successeur. T. S.A . , 1, et texte analogue, D .P ., 53 , IX.
(1) Legrain traduit ordinairement par « offrande régulièren; quelquefois par
rations ; quelquefois par « taxen ( p . 194).
(9) Gen., Umma, 5667.
(3) H. E.U., nQ 5.
(6) GEN ., Umma, 5664.
(6) ID ., ibid . On dirait que le bon génie du roi est 'Im -gig-hu-lah -lahy; ce
n 'est pas sûr, car dans un texte du règne de "Šulgi (Gen., Tabl. Dreh ., 5531)
et dans un autre du règne d' I-bi- Sin (C.T., XXXII, pl.41-43, Rev., IV, 7),
on dit seulement “Lama-lugal.
( Gen ., Umma , 5672, Rev., III , 8 -9 . Cf. Br. 2182-2183 : nam -ne-ru
kud-da.
(7) GEN ., Umma , 5672 , II, 8 , et Rev. , 1, 4 .
(6) Ibid . , II , 9 , et Rev . , 1 , 12.
(*) Ibid . , II , 7 .
(10) Ibid . , Rev ., 1, 6.
(11) LEGRAin , Ur, 276, 1; 283, 11; 330 , 1-2.
(19) ID ., ibid ., 334 , 1-2 ; Nies, Ur, 147.
(13) Legr., 272, 7 .
144 JANVIER-MARS 1930.
sá -dug, que personne ne devra révoquer (1), à 'Nin -mar-ki (2),
à Si-sa -kalam -ma(3), à "Na-ru-a (4), à "Ma-sag-pa-ė(5).
De même qu'à l'époque proto-sumérienne, il s'agit quelque
fois de redevances qui ne sont pas directement sacrées ; par
exemple : céréales provenant du moulin , sá -dug, des ânes (6);
céréales su -dug, del’isag(7);mouton sá-duga pour le roi(8); 3 indi
vidus sá -dug, de ( ou pour ?) la reine(9); mouton sá -dug, d 'Inim
Nanna(r), fils du roi(10); 30 moutons gras, sá -duga des esclaves
de 'Nin -lil (11)
En certains cas, rien ne permet de savoir si les sá -duga sont
sacrés ou s'ils sont profanes (12); et, d'autre part, il n'est pas
facile , à cette époque, de distinguer entre e redevances , pro
prement dites et ceoblations» (13).

Il semble que les sd-dug sacrés aient presque toujours été


(1) Statue B , I, 12. Voir aussi Statue K , II , 9, et contexte.
(2) Inv. Tello , II , 695 , 3 , 7; aux lignes 11 et 12, il s'agit de Nin-mar-ki
d 'Um -hati et de Hu-ne-ru" .
(3) Id., ibid . , 695 , 15.
(4) Ibid. , 1. 4 .
(5) Ibid ., I. 22. — Autres sá -duge sacrés, Legrain , Ur, 287.
(6) H . E.U ., 39.
(7) Nies, 6 , 1 - 2 ; 38 .
(8) Nies , Ur, 128 .
(*) Nies , 41 , 12.
(10) Legrain , 330 , 4-5. – Nies , 125 (bétail sá -dug , kud-du du 29 jour),
Legrain , 153 (106 moutons sá -duga kud-du de chez Ab-ba-šá(g)-ga). Legrain
( p. 63) a rappelé , à propos de ce texte , les valeurs akkadiennes makásu ,
makisu — qu'il a traduit par e publicain » ; Landsberger ( Z .D .M .G . , 69, 503
in 1) paraît préférer e Abgabeninspectors — et renvoyé à une recension du
Journal asiatique, 1910, p. 346, où il signalait Qud -du , fils de Lú-dingir-ra ,
qui prélevait du blé dans la ville de Tum -ma-al, sous Sulgi.
(11) Legrain , 278. — Cf. Legr., 356 : mouton sá-dug, mu -du-lu-éš.
(19) Gen., Trouvaille , 29 ; LANGDON , Archiv , 27, 8.
(13) Par exemple , à Umma, H .E . U ., 4 , 7 , 10 , 15 , 17, 47 , 94 ; CONTENEAU ,
Umma , 5 , 16 , 20. — Offrande régulière, Cont., Umma , 8 : depuis le mois
Sig«-giš-i-sub-ba, jusqu 'au mois Še-gur,-kud (c'est-à-dire pour chaque mois de
NATURE DES SACRIFICES AU PAYS DE SUMER . 145
des sacrifices alimentaires, puisqu'ils consistaient surtout(1) en
comestibles et en boisson, et que l'on dit mêmeexpressément,
une fois : sá-duge de nourriture divine. Ces sacrifices, insti
tués par décret(2) ou par fondation pieuse , étaient offerts aux
dieux surtout el aussi aux statues de princes ou de princesses
morts ou vivants (3)
Ces sacrifices alimentaires étaient-ils consommés réellement
ou mystiquement ? Si réellement, par qui ou comment? si
mystiquement, à qui revenaient les matières offertes ? On ne
saurait le dire.

En finissant, signalons quelques termes vagues que l'on


traduitsoit par ceoblation ou offranden , soit par cesacrifice, (4):
nig és-es(5), šá (g)(6), nig -ba (7) et sar-sar (8),
Ainsi, en résumé, aucun texte , aucun mot n ’expriment
nettement l'idée d'« holocausten.
l'année) 27 gur de céréales; ibid ., 11 : 19 gur de grain pour 9 mois; ibid.,
19 , 24. De même, Gen ., 5664.
(1) Pas exclusivement. Rappelons les sá -dug, de peauxpour les dieux.
(2) Par exemple, les sá -duga fixés parGudea en l'honneur de Ningirsu .
(3) D 'après Genouillac ( T .S. A ., p . LVI), le sá -duga était le sacrifice men
suel établi par décret ou fondation pieuse . . . n. On peut dire mensuels de
certains sá -duga, par exemple : T.S .A ., 36 , vi : sá -duga-itu -da : e fixation
mensuellen ;mais le sacrifice de la nouvelle lune , donc mensuel, était appelé
nig -giš-tag-ga , dans D .P ., 44 , ix ; et, à l'époque néo-sumérienne, le sacrifice
du 15 du mois est appelé zúr (LEGR., Ur, 284 ; cf. 367) ; inversement, les
sacrifices annuels de la fête de "Ba-ú sont appelés sá -dug, dans T.S .A ., 4 .
(1) Relevons Am ., 6 , 3- 3, in - R.A ., IX , pl. III : 7 agneaux de lait ka-izi-éš
(trad . Dhorme : s pour l'holocauste n , loc. cit. , p . 48 ) ka -izi = akkad . :
hamálu sa všati.
(5) Gen., Tello , V, p. 34 : « sacrificer; Gudea, Cyl. A, II, 23, trad. Th.
Dang . : offrander.
(6) Akkad . : serigtu re don ou offranden. Employé en ce sens dans Vautours,
XIX , 18 ; ba-šá (g ) = probablementcoffrir en sacrifice» , I.S. A ., p. 134 , n . 3.
(7) Gudea , Cyl. A , VI, 26 ; Cyl. B , II, 13; LBGR., Ur, 157, 14 ; etc.
(8) Gudea, Cyl. A , I, 13, expliqué sans doute par la ligne suivante : il
amena de beaux boufs et de beaux chevreaux.
CCXVI. 10

IMPRIMEBIR NATIONALE .
146 JANVIER -MARS 1930.
Nulle part, on ne rencontre de distinction entre « sacrifice
alimentaire, et ce sacrifice pour le péchén.

Il est impossible de préciser en quoi, exactement, se diffé


renciaient les oblations désignées par les expressions que nous
venons d ’étudier; il semble même qu'aucun terme n'existât
pour signifier tel ou tel sacrifice spécifiquement distinct.
L 'oblation est, incontestablement, un caractère commun
qui convient à tous, et l'on peut admettre qu'elle avait pour
but de satisfaire les plaisirs des dieux (1) et que, par consé
quent, elle impliquait une certaine destruction , quand il s'agis
sait des jouissances du palais, de l'odorat ou de tel autre
sens; mais aucun terme n 'exprime ni n 'implique clairement
que les Sumériens aient considéré tel sacrifice plutôt que tel
autre comme le sacrifice par excellence.

(1) Soit directement, comme les aliments, la boisson , les essences aroma
tiques ; soit indirectement , tels les ustensiles , récipients , etc., qui étaient né
cessaires.
DOCUMENTS ARAMÉENS
DU XVIE SIÈCLE ,
PAR

MARCEL COHEN .

André Thevet, « premier cosmographe du roi» , a laissé,


en plus de gros ouvrages imprimés (Cosmographie universelle ,
2 vol. in -fol., Paris, 1575 ; Cosmographie du Levant, in -4',
Lyon , 1554 ) , un ouvrage manuscrit en deux volumes qui est
conservé à la Bibliothèque nationale , fonds français, 15452
15453; il est intitulé Grand insulaire et pilotage. En dehors
des descriptions géographiques, il contientdivers vocabulaires
et textes. P . Boyer, étudiant le cevocabulaire moscovite » dans
le Recueil demémoires orientaux publié par l'Ecole des Langues
orientales en l'honneur du Congrès des orientalistes d'Alger,
Paris , 1905 , a signalé , p. 440 , le vocabulaire présumé éthio
pien .
A l'examen , le vocabulaire du volume I , fol. 380 , intitulé
« moresque et éthiopique» , s'est révélé être de l'arabe, ainsi
que la première partie du vocabulaire en langue des Arabes»
10 .
148 JANVIER -MARS 1930.
des folios 359 et 360. Ces vocabulaires arabes sont étudiés
par Georges S . Colin , qui s'est efforcé de démêler les sources
urces

de Thevet et de reconnaître comment celui-ci mêlait les rensei


gnements de seconde main à ce qu'il avait vu dansses voyages ,
ceux-ci ayant été moins étendus qu'il ne voulait le laisser croire.
Je renvoie à son article à venir et me borne au vocabulaire
araméen .
En effet, le vocabulaire intitulé arabe se continue sans in
terruption par un vocabulaire araméen , à partir du treizième
mot du folio 360 vºet ( après deux feuillets blancs ) sur le
folio 363 rº. Ces mots araméens sont annoncés au folio 359 rº,
dans une introduction passablement embrouillée, où Thevet
oppose au langage de la péninsule arabique en général ceune
langue des arabes comprise es royaumes de Bertera [?] qui
avoisine l' Arabie déserte », la langue de Dyarbech [Djarbekir )
et,« toutes les autres comprises en la Judée et Samarie que les
mesmes arabes disent estre une langue bastarde et corrompue» .
Il ajoute qu'il en cite quelques mots pour qu'on puisse appré
cier la différence entre le vraiarabe et cette langue e bâtarden ,
différence comparable à celle qui sépare le grec ancien du grec
moderne.Mais il ne dit pas d'où il a reçu ses documents , qui,
d 'après cette confuse note géographique, pourraient provenir
aussi bien du domaine araméen occidental que du domaine
oriental.
L 'examen des mots montre qu'il s'agit d'un dialecte ara
méen oriental, probablement de la région de Mossoul.
Le vocabulaire est reproduit ici avec une numérotalion ,
ajoutée par moi, de 1 à 36 . Le français de Thevet figure tel
quel, les mots araméens (en minuscule dans le texte , avec
initiale majuscule) sontmis en petites majuscules.
Les mots syriaques donnés dans le commentaire avec un
simple chiffre sont pris à Arthur John Maclean , A dictionary of
the dialects of vernacular Syriac , Oxford , 1901. Le manque
DOCUMENTS ARAMÉENS DU XVI SIÈCLE. 149
d 'une telle indication veut dire que Maclean n'a pas donné le
moti!).

1. vn chien QuiLUA, 132b kalbā. - Remarquer dans The


vet la voyelle fermée i et la prononciation spirante de b notée
par u .
2 . vn grand chien CHOUPPATH . — La seule explication de ce
mot paraît être le rapprochement avec le turc Ji , prononcé
en osmanli Köpäk'. M . V . Minorsky, qui me le suggère , ajoute
qu'un dialecte turc de turcomans est parlé à Tell Afar , près de
Mossoul. La mouillure de k en š à l'initiale n 'est pas éton
nante ; la finale est moins claire. Les voyelles n 'ont pas non
plus le timbre attendu.

3. vn chameau GAUMBLA. — En syriaque classiquegamlā.Le


timbre que note sans doute au se trouve encore plus fermé
dans gúmla de Sachau , Skizze der Fellichi-dialekte von Mossul
(Berlin , 1895 ), p . 15. La voyelle e sertsans doute seulement
à indiquer que m est prononcé .

4 . vn cheval soucy. — 2934 sūsi.

5 . De la chair ait. — S'explique par le turc wl (pro


nonciation osmanlie et) ce viander. La lettre h serait une ten
tative pour noter la longueur de a ou un timbre spécial, qui ne
serait pas e.

6. Du feu hocht. — Je ne trouve pas le mot en araméen


moderne. Déjà la langue classique avait nūrā ;mais on y trouve
(1) Qu'il me soit permis de remercier ici particulièrement M . l'abbé Fran
çois Nau , de qui j'ai mis plusieurs fois à contribution la science et la complai
sance pour l'élaboration de ces notes , et M . V . Minorsky, qui s'est intéressé
efficacement à la recherche.
R
150 JANVIE -MARS 1930.
pešåtā e fièvre » , correspondant à hébreu peš ce feu » , etc . Thevet
a -t-il conservé une forme altérée de ce mot ? Le timbre o est
étonnant. D 'autre part , il faut peut-être penser à une forme
altérée de turc atļš ſeu » [G .- S. Colin ).
7. Femme batha. — 32b baktā « femme(mariée) ». On peut
se demander si k est resté non poté, th exprimant une spiran
tisation de t , ou si au contraire h représente une notation de k
insérée à une mauvaise place.

8 . Homme Mache. — 16° našā ; Thevet aurait une forme à


l'état non-emphatique, comme le classique (3 )nås. Mais il reste
à expliquer m pour n (peut-être d'ailleurs la source de Thevet
avait-elle in ou ni, qui ne seraient pas corrects non plus).

9 . Poule guettaca. — Ce mot ne s'explique par aucune


forme connue de l'araméen . Il s'éclaire sans doute par un lerme
d'arabe moderne, qui est en maghribin sattūga, voir W . Mar
çais , Textes arabes de Tanger , 1911, p. 377 , et E. Lévi-Pro
vençal, Textes arabes de l’Ouargha , 1922, p . 190 , bas. Le g
initial serait donc une notation de < (mais on trouve dans le
vocabulaire arabe de Thevet atoche sepoulet » , où x n'est pas
représenté).
· 10 . Esclauegesira. — - 121°yisůrà e lien » , montre un y ini
tial au lieu de 3 de la racine classique ysr e lier » . Le début ge
noté par l'enquêteur représente sans doute že-, donc une pro
nonciation forte ou mal reproduite de y-. La concordance exacte
pour le reste du mot et le sense captif» ne semblent pas laisser
de doute sur l' étymologie.
11. Nauetz chirgueme. —- 312' sirgimiou šarigmece navets » ;
le mot de Thevel ne correspond exactement, par sa finale , ni
à l'une ni à l'autre de ces deux formes dialectales.
DOCUMENTS ARAMÉENS DU XVI SIÈCLE. 151
12. Carrottes GUYZERA. — 50' gizārā « carotten.

13. Raisins annone. - 2415 çünwītā , çinwītkā , şinwā, şunwi.


Thevet ajoute une nuance de plus à ces variantes dialectales.
Il est probable que-ne est fautif pour -ue (-we); voir nº 24.
14 . Grues LACLAQUETY. — 1505 lůqlāgisī oie sauvage ,
gruen. Le t est-il unemauvaise notation pour » ou est-il l'in
dication d 'une variante dialectale ? Voir ci- dessous, n° 24.

15 . PigeonshyONA. — 118* yönä с pigeon n. Thevet a mis à


tort le pluriel dans la traduction. Pour h initial, voir ci-des
sous, nº 19.

16 . Tourterelle CHOCHA-BNY. — Ceci représente un mot qui


a dû subir des transformations variées dansson aspect imitatiſ;
le syriaque classiquea šūpnīnā ; Rhétoré , Grammaire de la langue
soureth , Mossoul, 1912 , p . 29, donne šapšapinā (comparer
126b čūčā « poulet» ).

17. Aigle Nicera. — 219* nišrā . On peut se demander si


- l'enquêteur n 'a pas entendu č et essayé de le noter par c ; c'est
peu probable (voir cesdans le n° 4 ); il est possible qu'il y
ait influence de l'arabe (voir nº 34 ).

18 . Ris RESELA. — 291b rizā ce riz » ; rūzā et rāzā sont attes


tés dans les textes classiques. L'addition de l ne s'explique pas
par des formes connues.

19 . Mer hyama. — 120b yāmā « mer, lac» .

20 . Nauire MARCAPTH . —- 1995 merkwā. La forme de Thevet


avec - - (qui cause l'assourdissementde b enp), mais sans -ā de
152 JANVIER-MARS 1930.
l'état emphatique, représenterait un état construit. C'est peut
être une formedialectale intéressante. Pour l'absence d 'a final,
voir nº 6 , 8 , 22, 24 .

21. Eglise houMERA. — 237* sümrā céglise , monastère» .


Ici h semble vouloir noler s; voir nº 29.

22 Euesque abouNE. — 1b abūnā « évêque, (mot à mot


« notre père » ).
23 . Prestre CAACHAR. — 287* gāšā « prêtre» . L 'enquêteur
a noté le premier ā par deux aa ; il a dû avoir l'illusion qu'il
entendait r après l'a final.

24 . Croix scelyNE. — 2655 slīwā. Il est probable que n est


une erreur pour u , voir nº 13. L'initiale sc- paraft être une
tentative pour noter s (voir nº 14).
25 . Balajne hyounous. Le syriaque classique a nūnā « pois
soon, nūnåsā , nūnūsā « petit poisson » . D 'autre part , le turc a
yonos baligi e poisson de Jonas» pour désigner le « marsouin n .
26 . vne vache TAUERTA. – 3184 tūrā taureaun ; syr.
class. tūrtā vachen ; Sachau , Schizze , p . 15 , tūrātkā e vacher » .

27 . vn veau CHERQUA. — 312 ' šerka aveau » .

28. vn porc zauura. — La forme classique ḥzīra ne suffit


pas à expliquer cette forme moderne ; je n 'ai rien trouvé dans
les ouvrages sur l'araméen actuel.
2

29. vne cheure neza. — 2376 çizā; pourh-, voir nº21.


e HEZA . VOIT
DOCUMENTS ARAMÉENS DU XVI SIÈCLE. 153
30 . vn lieure toutta. — Désignation quireste à expliquer;
il y a des mots proches , comme 110° tutī ce perroquet» ,mais
pas de même sens. M . V . Minorsky indique qu'en corrigeant
le t (hors de doute sur le manuscrit) en l, on serait près de
tawlai « lièvren en mongol.

31. huille d'oliue zetøy. — 86 . zetā ceolivier, huile d'olive ».


La finale -i n 'appartient pas à la pure forme araméenne.

32. une montaigne ThOURA. — 110° ļūrā « montagner. Icith


ne représente pas un taspiré ou une spirante, mais une empha
tique.

33. Lesmontaignes THOURB-REBBE. — 288 rābā, rībā , rūbā,


rābe c beaucoup » . On peut se demander si bb de Thevet note
une gémination qui n 'apparaît plus actuellement, ou seule
ment un b non altéré à l'intervocalique.

34. Le Ciel SCYMEHYA. — 308b šmeya. Dans le n° 24 , sc note


$ ; il est peu probable qu'ici il note š. Sansdoute y a -t-il con
fusion avec le mot arabe de même sens avec son initiale s (voir
n°17 ). Remarquer que y est noté hy comme à l'initiale n° 15 ,
19, 25 .

35 . Les Estoiles QUEQUENY. — 126b kõkwa , kikwa , kakwa


ceétoiles; le pluriel classique est kawkbe que reproduit sans
doute Thevet, avec n fautif pour u (w ), voir ci-dessus nº 13
et 24 .

36 . La Lune Sara. — 221 sahrā , sārā.

La Cosmographie universelle (1575) de Thevet contient elle


aussi quelques documents utiles pour l'étudedel'araméen (ils
154 JANVIER-MARS 1930.
m 'ont été signalés par Georges S. Colin ). Ils sont réimprimés
ici à l'intention des spécialistes, qui y trouverontdes spécimens
de prononciation syriaque au xvi° siècle , tant pour la tradition
orientale (nestorienne) que pour la tradition occidentale (jaco
bite , maronite).
Les trois textes liturgiques nestoriens figurent au volume I,
fol. 350 rº et vº, à la fin d'un chapitre intitulé De l'isle de Gisire
posée dans le grand fleuue Phara , ou d 'Eufrate ; le chapitre sui
vant est intilulé : Epistre du peuple Nestorien enuoyée par leur
Patriarche siyd ou svlacha avec leur profession de foy prononcee
deuant le Pape Jules troisième, le tout traduit de languesyriaque en
François.
Ces petits textes sont reproduits ici sans commentaire , tels
que Thevet les a donnés, seulement en transcription , et dé
pouryus de traduction . On notera que quelques finales en -0 ,
donc occidentales, se sont introduites dans le début du Bene
dicite au lieu de finales orientales en -a.

Aue Maria en langue Nestorienne.


Golonta el Mariam sulta : Æschlemlec cadischta Mariam , Eme dalaha
malecta , deschemaia taraha , paradeisa morteph alma , quia ahide enti.
O eptoulta , enti ephtenti, Iesui edela hetita enti hileti Brouha , hou parouca ,
edkolma ouabhode lo ethechel, Bo houhou pason nien colbicha houetcachap
helop etili.
Le Benedicite des Nestoriens.
Epchout moran oualohen lamino Dammarach -mononto , mononloch -men
merahomna & contechoch oubarech ou cadeschel, mecóulta ode Sogoudech
hou chartehoi eb to boto ou a bourcoto ed men elouhotocq, Aba ou abara
ourouha cadissa elholmin .

Graces des Nestoriens apres le repas.


Oleph , olpin ourebou rebouron , Coubal taibon Lallaha morecoul, nesgue
· mozonna hanna hounetiatar houencaue houla nehessard , bassela houolehon ,
DOCUMENTS ARAMÉENS DU XVI SIÈCLE. 155
dachelihe etherehesard ou dabahata quine hou zadique descheparthou chop
perin elmorehon eb coldor hou dor nehnhe potoura hana hac potoure dabon
abrohon edela hoser houla Bosel men tabata , Echemaion iata coule zabena
ed Cahian be holma hacha houab coullesban el holen holmin .

Le document de tradition jacobite figure au t. II , fol. 474 rº.


Les curieux de mystifications historiques pourront s’alta
cher à l'analyse de ce texte et des circonstances de sa décou
verle , d'après le fol.473 v°. Des esclaves fouillant près de Cor
doue , en 1543 , eles fondements d 'une masure , trouvèrent
dedansune grotesque troismonuments faits à l'antique ». Pour
le premier, on indique une inscription d'un seul mot arabe;
pour le second , cinq mots arabes altérés. Ensuite il est écrit :
quant au troisième, quiétait élevée environ de 6 pieds de haut,en
dosd 'asne, et soustenu de quatreſorts piliers , c'était la sépulture
d 'un Roy Arabe, nommé Zabdiel, qui vivail du temps d'An
liochus Griphus, Roy syrien , et du grand astrologue Hippar
chus, quelques cent neuf ans devant notre Seigneur : contre
laquelle était gravé un Epitaphe en langue syriaquen.
L 'épitaphe est reproduite , en caractères syriaques , sur la
gravure du folio 474 , dans un encadrement en forme de por
tique au bas duquel on voit des gens en bateau .
En dessous, figurent la transcriplion en caractères latins et
la traduction française qui sont reproduites ici.
On observera que, si on lit la date 5072 de la création du
monde dans le comput juif , on est amené à l'année 1312 après
J .-C . pour la date de l'enterrementdu roi Zabdiel.

Epitaphe antique de Zabdiel, roy Arabe.


Thamon eth kevar pagró de Zabdiel, Malchó de haraboié turano chatiró
ou mechabló , ou nevil libbo veholuvó dezavaá le nigdó de guadakbir badmé
de hamó Franc ousliró , vezareb oufagher karté ou vourguenin ou vothar
ken beas gehouthó d 'Alohé rabbé Sultan Atissim nezzach ve katel leh. Hodó
havó behanisçó alfé ou sçbein te ren men Beriouthó de holmó.
156 JANVIER-MARS 1930.
L'interprétation dudit épitaphe en français est telle.
Icy est enseuelie la charongne de Zabdiel roy des Arabes , tyran su
perbe et corrompu, et laschede cueur et cõuoiteux, qui a teint la riuiere
deGuadalquebir du sang du peuple Franc et libre , et ars et destruit
les citez et bourgades , et depuis par la prouidence des Grands Dieux
Sultan Atissim le vainquit, et occit. Cecy aduint l'an cinq mil et septante
et deux de la création du monde.

Le texte et la traduction sont corrects . D 'où Thevet tenait-il


en vérité ces documents ?

(Les textes d 'étude des pages 154 et 155 se trouvent être en petit
texte par suite d'une erreur d'interprétation d'une tradition typogra
phique. ]
SOCIÉTÉ ASIATIQUE .

SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 1929.

La séance est ouverte à 5 heures , sous la présidence de M . Sylvain


Lévi, président.
Etaient présents :
MW Gallaud, HOMBURGER , Lalou, Meyer ; Mme Massieu ;MM . Bloch ,
Bouvat, Cogen, Eisler, FADDEGON , FERRAND, FOUCHER , HUMBERT,
Hussain , MeilleT, MINORSKY, NAU , NIKITINE , Rıza Nour Bey, Pelliot,
PrzylUSKI, Renou, SAUBIN , SIDERSKY, Smith , Vosy-BOURBON , Ware ,
membres ; BENVENISTE, secrétaire.
Le procès- verbal de la séance du 10 mai 1929 est lu et adopté.
M . LE PRÉSIDENT exprime les regrets que cause à la Société la mort
de l'un de ses plus anciens membres, M . Ravaisse . Il informe en outre
les membres présents que l'Imprimerie nationale seconde diligemment
ses efforts en vue de mettre à jour la publication de notre Journal.
Enfin , il annonce que, grâce au dévouement de M . Guérinot, les livres
ancien président Sansférés dans le local bibliothèque un e
que notre ancien président Émile Senart avait si libéralement réservés
à la Société ont été triés et transférés dans le local dont Senart lui-même
nous avait assuré la jouissance. C 'est pour notre bibliothèque un enri
cbissement considérable.
Ouvrages offerts à la Société : SIDERSKY, Onomastique hébraïque des
tablettes de Nippur, et Notice sur le marquis de Vogüé.
Les membres sortants de la Commission du Journal sont réélus à
l'unanimité.
Sont élusmembres de la Société :
MM . S . CHAKRAVERTI , présenté par MM . Sylvain Lévi et Bloch ;
H . FUKISHIMA , présenté par MM . Sylvain Lévi et FOUCHER.
158 JANVIER-MARS 1930.
M " . HOMBURGER qui a constaté
Sy par ailleurs hque
ié le copte est continué
mandé dudu Soudan
par les dialectes mandé es, les rconsidérés
llabiquoccidental oglypbes recomme
gu types
peules correspondent qrégulièrement esembre : 21°0 que les consonnes
ue eentuesl , montre
de langues africaines monosyllabiq
:
,à l eà ddes hiéroglyphes égyptiens de
valeur reconnue; 2° que, à l'aide de correspondances régulières, on
peut déterminer un grand nombre de mots et d'éléments morpho
logiques communs; 3º que le mot peul représente la syllabe à voyelle
forte de l'égyptien ; 4° qu'il y a accord entre les voyelles du peul et du
cople dans les verbes actifs trilitères à la forme simple : 5° que l'étude
des mots peuls permet de reconnaître d 'autres formes verbales caracté
risées par des voyelles propres. Le peul continue donc l'égyptien de la
période dite ancienne et peut éclairer la vocalisation et la valeur sylla
bique de certains hiéroglyphes.
Observations de M .Gaden.
M . Meillet résume le développement des recherches de M " . HOMBURGER
et insiste sur l'importance qu'elles offriraient et pour l'histoire des
langues africaines et pour la théorie générale des langues.
La séance est levée à six heures et demie.

SÉANCE DU 13 DÉCEMBRE 1929.


La séance est ouverte à 5 heures , sous la présidence de M . Sylvain
Lévi, président.
Étaient présents :
M 'le Lalou ; MM . ALLOTTE DE LA FUE, BASMADJIAN , Boreux , Bouvat,
P . Borer , Eisler , Faddegon , FERRAND , Février , FOUCHER , GROUSSET,
HADJIBEYLI , HUMBERT, Jean , Macler , MARÇAIS , G . MASPERO , MINORSKY,
NIKITINE, Pelliot, PRZYLUSKI, Renou , Riza Nour Bey, SakisiaN , SIDERSKY,
TOPTCAIBACHY, VIROLLEAUD , Vosy - BOURBON , membres ; BENVENISTB , secré
taire.
Le procès-verbal de la séance du 8 novembre est lu et adopté.
Sont élus membres de la Société :
M " G . Porés, présentée par MM. Sylvain Lévi et Pelliot ;
MM . R . GÉRARD , présenté par MM . Sylvain Lévi et GROUSSET ;
DRIOTON , présenté par MM . BOReux et CONTENAU ;
Klimas , présenté par MM . Pelliot et GROUSSET ;
SOCIÉTÉ ASIATIQUE. 159

MM . LOURETTE , présenté par MM . Sylvain Lévi et GROUSSET;


RIVIÈRE , présenté par MM . Bacot et Grousset.
Ouvrage offert à la Société : Graffiti de Persépolis, par M . ALLOTTE
DE LA Fuſe.
M . FADDEGON expose l'état actuel de l'astronomie en Égypte , dont il
cherche à établir les tendances en se fondant sur les traités du général
MOUKHTAR et du géomètre Moustafa El -Falaki ainsi que d'après ses
propres entretiens. Il examine ensuite les notions que Mahomet pouvait
avoir de la cosmographie. Ces points éclaircis, il fait la critique d'un
écrit du cheikh Ahmad Mousā cz-Zarqāwi dans lequel ce professeur,
interprétant différents passages du Coran , prétend y lire la prédiction
des découvertes du xixº siècle. M . Faddegon estime cette étude d'exé
gèse nuisible à l'avancementdes sciences en Orient.
Observations de MM . FouchER , Marçais , SIDERSKY, Eisler.
M . Eisler analyse les récentes publications de M . Forrer sur la ques
tion hittite et critique une interprétation de ce savant qui voudrait
retrouver dans un texte diplomatique hitlite une allusion à la circon
cision .
La séance est levée à 6 heures et demie .

NOUVELLES ACQUISITIONS DE LA BIBLIOTHÈQUE (1).


AboŮ'L-FARADJ Al-Israuậni. Kitab al-Agháni. T. II et III. – Le Caire ,
Imprimerie de la Bibliothèque Égyptienne, 1346-1347 (1928 -1929);
2 vol. gr. in -8°. (Dir.)
ABÜ'L -Manâsin IBN Taguri Birdi’s Annals. . . Edited by William
POPPER ( vol. VII , part 3 ; 865-872 A. H .). – University of Berkeley
Press , Berkeley , California , 1929; gr. in -8°. (Dir. )
Actes du premier Congrès national des historiens français. Paris , 20
23 avril 1927. Publiés par le Comité français des Sciences bistoriques.
– Paris , Les Éditions Rieder, 1928 ; in -8°. (Dir.)

(1) Les publications marquées d 'un astérisque sont celles qui sont reçues par
voie d 'échange. Les noms des donateurs sont indiqués à la suite des titres :
A . = auteur; Éd. = éditeur; Dir. - Direction d 'une Société savante , d 'un
établissement scientifique ou d'une revue ; M .I. P . = Ministère de l'Instruction
publique.
160 JANVIER -MARS 1930.
ADRIANI (Dr.N .). Bare’e-Nederlandsch Woordenboek , met Nederlandsch
Bare’e Register. Uitgegeven door het Bataviaasch Genootschap van
Kunsten en Wetenschappen . – Leiden , E . J. Brill, 1928 ; gr. in -8°.
[ Dir. 1
'Alī ben Suleiman , The Karaite. The Arabic Commentary on the Book
of Genesis, edited . . . by Salomon L . Skoss. – Philadelphia, The
Dropsie College, 1928 ; in -8°. (Dir. ]
Alt- und Neu -Indische Studien herausgegeben vom Seminar für Kultur
und Geschichte Indiens an der Hamburgischen Universität. I. ZIESENISS
( Alexander ). Die Rāma -Sage bei den Malaien , ihre Herkunft und
Gestaltung. — II. ALSDORF (Ludwig ). Der Kumārapālapratibodha. Ein
Beitrag zur Kenntniss des Apabhramsa und der Erzählungs- Literatur
der Jainas. – Hamburg , Friedrichsen , De Gruyter und Co., 1928 ;
2 vol. gr. in -8 . [ Ed. ]
Ananda Ranga Pillai. The Diary . . . translated from the Tamil by
order of the Government of Madras. Edited by H . Dodwell. Volume XII.
– Madras, Government Press, 1928 ; in -8°. (Gouvernement de l'Inde. )
Annalesdu Musée Guimet. Bibliothèque d'art.Nouvelle série. II.SIRÉN
(Oswald ). Les peintures chinoises dans les collections américaines. – Paris
Bruxelles ,, LLesesbÉditions
et Bruxelles BiblioOest
e GuimeGt.. Van thèq, ue1928de;s5 cofasc.
mmentagr.ires.
in -fol.
Tra(Ed. ]
*Annales du Musée Guimet. Bibliothèque d ' éludes , t. XXXVII. THONMI
SAMBHota . Les Slokas grammaticaux avec leurs commentaires. Traduits
du tibétain et annotés par Jacques Bacot. — XXXVIII. RENOU (Louis ).
Les maitres de la philologie védique. – XXXIX -XL . GrousseT (René).
Histoire de l'Extrême-Orient. – Paris , PaulGeuthner , 1928-1929 ; in -8°.
Annual Report of the Archæological Department of His Exalted High
ness The Nizam ’s Dominions. 1336 F./1926-1927 A . C . – Calculla ,
BaptistMission Press, 1999; in -4°. [Dir.]
*Annual Report of the Archeological Survey of India, 1925 -1926 .
– Calculla , Governnient of India Central Publication Branch , 1928 ;
in -4°.
Annual Report of the Imperial Household Museums, Tokyo and Nara ,
for the year 1927. – Imperial Household Museum , Tokyo, Japan , s.d . ;
pet. in -8°. (Dir. )
Annual Report of the Mysore Archæological Department for the year
1928. With theGovernment Review thereon. – Bangalore , Government
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* Annual Report of the Smithsonian Institution , 1927. – Washington ,
United States Government Printing Office , 1928 ; in -8°.
Archeological Survey of Ceylon . Epigraphia Zeylanica , III, 1. -
SOCIÉTÉ ASIATIQUE. 161
London, Humphrey Milford, Oxford University Press, 1928 ; in-4°.
Dir.
*Archæological Survey of India . New Imperial Series , Vol. LIII,
Part, iv , Copperplate grants from Sinnamanur, Tirukkalar and Truch
chergodu .. . edited and translated by Rao Bahadur H . Krishna Sastri. ,
- Madras,Government Press , 1929; in -4°.
Archivio di glottologia e filologia africana , publicato da Benigno
FERRARIO. Vol. I. – Montevideo , 1923; in-8°. [ A.]
*Arends (A . K .). Persidsko-rousskii Slovar fizidskikh terminov. –
Leningrad , Académie des Sciences de l'U.R.S.S., 1928 ; in -8°.
ARNOLD (Sir Thomas W .). Painting in Islam . A Study of the place of
pictorial art in Muslim culture. - Oxford , at the Clarendon Press ,
1928 ; in -4°. (Dir.)
Ars Asiatica , XIII. COOMARASWAMY (Ananda K.). Les miniatures orien
tales de la Collection Goloubew au Museum of Fine Arts de Boston .
- Paris ct Bruxelles , Les Éditions G . Van Oest, 1929; gr. in -4°.
SÉd.
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gr. in -4º. (Don de M . D. Sidersky.]
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nomini ebraici ( Extrait). – Roma, Giovanni Bardi, 1928 ; in -8°. [ A.
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édition illustrée par les soins de Frédéric MacLER . – Paris , Paul Geuth
der, 1928 ; pet. in -4°. [Don de la Bibliothèque de l'Union générale
arménienne de bienfaisance. ]
Ašvaghosa. The Saundarananda. Critically edited with Notes by E . II.
Johnston. Published by the University of the Panjab , Lahore. – Oxford
University Press , London , Humphrey Milford , 1928; in-8°. [Dir.]
BARENTON (Hilaire de). Le texte étrusque de la momie d'Agram . Rituel
funéraire ou « Livres achéroniques, des anciens Etrusques. – Paris ,
Éditions Ernest Leroux, 1929 ; in -8°. [A.]
BARNETT (L. D.). A supplementary Catalogue of the Sanskrit, Pali and
Prakrit Books in the Library of the British Museum acquired during the
years 1906-1928. – London, sold atthe British Museum , 1928 ; in -4°.
[ Dir.]
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Press, 1928 ; in -8°. [ Dir.]
Benveniste ( E .). Sur la syntaxe du vieux perse (Extrait). – S. l. n .d .;
in -8 '.
CCXVI. 11

IMPRTNER NATIONALE
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Tipografia Classica, 1929; in -8°. [ A .]
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butions towards the first critical and illustrated edition of theMabābhā
rata or the great Epic of India. - Issued by the Mahābhārata Editorial
Board , 1928 ; in -4°. [ Dir.]
*Bibliotheca Buddhica. XXIII. Abhisamayālankāra - Prajñāparāmitā
Upadeša-Sastra. The work of Bodhisatva Maitreya , edited , explained
and translated by Th . STCHERBATSKY and E . OBERMILLER . Fasciculus I. -
OBERMILLER (E .). Indices verborum . . . 10 the Nyayabindu of DHARMOT
TARA. II. Tibetan-Sanscrit Index. – Leningrad, 1928 -1929; in-8°.
Bibliothèquede l'École des Hautes Études. Sciences historiques et philo
logiques. 250° fascicule. Lévy (Isidore). La légende de Pythagore de
Grèce en Palestine. - Paris, Honoré Champion , 1927 ; gr. in - 8 '.
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Bibliothèque des Écoles françaises d 'Athènes et de Rome, fasc. 133.
Pocquet Du Haut-Jussé (B .-A .). Les papes et les ducs de Bretagne. –
Paris , E . de Boccard , 1928 ; 2 vol. in - 8 . [ M .I.P.
Bier und Bierbereitung. II. Die Völker unter babylonischem Kultur
einfluss, Auftreten des gehopften Bieres. — III. Der ferne Osten und
Äthiopien . – Berlin , Institut für Gärungsgewerbe , 1927 -1928 ; gr.
in -4'. [ Don de M . D. Sidersky.]
Blake (Robert P .). The Georgian Version of Fourth Esdras from the
Jerusalem Manuscript (Extrait). - S. 1., 1926 ; in -8°.
- Ancient Georgian Versions of the Old Testament (Extrait). - S .I.,
· 1920 ; in -8°.
– The Athos Codex of the Georgian Old Testament. The Georgian Text
of Fourth Esdras from the AthosMs. (Extrait). – S. l., 1929; gr. in -8°.
The Board of Economic Inquiry, Punjab. Rural Section Publication .
19. STEWART ( H . R . ) and Karm Rasch. Farm Account in the Punjab ,
1926-1927. -- S .1., 1928 ; in -8°. [Dir.
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Erde. VI. - Luzern , E . Haag , 1929 ; in-8°. [ A .]
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Library, Bankipore. Volume XIII (ArabicMSS ). Súfism . — Volume XIV
(Persian MSS). Commentaries on the Qurân, Hadis, Law , Theology
SOCIÉTÉ ASIATIQUE. 163
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in-8 . [Gouvernement de l'Inde.]
CHATTERJI (Suniti Kumar ). Linguistics in India . .. -- Calculta , Uni
versity Press, 1928 ; in - 8°. [ A .]
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Telugu Literature. Foreword by the Honble Mr.C .R. Reddy. – Calculta ,
The Association Press ; London , Oxford University Press , s. d .; in -16 .
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chinois. Nº 1 -6 , 8- 9 , 12-18. – Pékin , Albert Nachbaur, 1921-1922;
pel.in -4°. [Don de Mme L . Saissel.
*Columbia University Indo- Iranian Series , edited by A. V. Williams
Jackson . Vol. XII. JACKSON ( A . V . Williams). Zoroastrian Studies. The
Iranian Religion and variousmonographs. – New York , Columbia Uni
versity Press , 1928 ; in -8°.
Il Corano. Nuova versione lelterale italiana, con prefazione e note
critico-illustrative del Dott. Luigi Bonelli. – Milano , Ubrico Hoepli,
1929; in -16. (Ed.]
Corpus scriptorum christianorum orientalium . Scriptores arabici, Versio .
Series tertia , tomus XIX. — Synazarium alexandrinum , interprelatus est
J.Forget. Lovanii, Marcellus Istas , 1926 . -- Scriplores syri, Textus,
Series tertia , tomus I. — Chronicon alexandrinum , Pseudo-Dionysianium
vulgo dictum , edidit J.-B. Chabot. – Parisiis , e Typographco Reipubli
cae, 1927 ; in - 8°.

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Imprimerie de la Bibliothèque Égyptienne , 1346 (1928); gr. in-8°.
(Dir.)

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The Mathnawi, edited . .. by Reynold A. Nicholson . – Leiden , E. J.
Brill; London , Luzac and Co., 1929; in -8°. [Dir. ]
11 .
164 JANVIER -MARS 1930.
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Paris, Auguste Picard , 1929; gr. in - 8°. [Dir. ]
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PinassEAU. – Paris ,41, rue d'Ulm , 1928 ; in -8°. [Don de M . Pinasseau .]
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Clère , avec la collaboration de M . Ét. Driton. — 2° partie . Deir el
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privée. – Paris, La Renaissance du Livre, 1929 ; pet, in -8°. [Ed.]
Hasan Banni (Sayyid ). Al-Birûni. – Aurangabad , Anjuman Taraqqi
Urdu , 1927 ; in - 8°. (Dir.]
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Leiden , A. Vros, 1929; gr. in-8°. [A .]
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SOCIÉTÉ ASIATIQUE. 165
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Les Editions G . Van Oest , 1928 ; in -8°. [Ed .).
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Orient, II. Le temple d 'Angkor Vat, I, II. - Paris et Bruxelles , Les
Éditions G . Van ( est, 1929 ; 2 vol. gr . in -4°.
*Mémoires de la Commission Orientale polonaise des Sciences et des
Lettres. N° 11. Kowalski ( Tadeusz ). - Karaimische Texte im Dialekt
von Troki. - W Krakowie , Nakladem Polskiej Akademji Umiejetności,
1929 ; in -8°.
Mémoires de la Mission archéologique de Perse , t. XX. Mission en
Susiane. Numismatique , par le colonel Allotte De La Fuïe. — Épigra
phie grecque, par Franz Cumont. — Céramique élamite, par R . De Mec
QUENEM . -- Paris , Librairie Ernest Leroux , 1928 ; gr. in -4°. ( Ed . )
*Mémoires de la Section orientale de l'Académie polonaise des Sciences et
des Lettres. Nº 12. Willman -Grabowska (Helena ). Les composés nominaux
dans le Sutapathabrāhmana, 2° partie. – W Krakowie, 1928 ; in -8°.
*Mémoires de la société finno-ougrienne. LVIII. Juhlakirja yrjö Wich
mannin kuusikymenvuotispaiväksi. – Helsinki, 1928 ; in-8°.
SOCIÉTÉ ASIATIQUE. 167

*Mémoires publiés par les membres de l'Institut français d'archéologie


orientale du Caire, sousla direction de M . Pierre Jogurt.XXVII. Chassinat
(Émile). Le temple d'Edfou , X , 1 . - LII. Wiet(Gaston ).Matériaux pour
un Corpus inscriptionum arabicarum , 1" partie , Égypte, t. II , 1er fasc. —
LV. Kuentz (Charles). La bataille de Qadech , fasc.1-2. — LVII. Tombes
thébaines, par G . FOUCArt, avec la collaboration de M " Marcelle Baud
et de M . Et. Drioton. – Le Caire, Imprimerie de l'Institut français
d'archéologie orientale, 1928-1929; gr. in -4°.
Memoirs of the Archeological Survey of India . V° 35. HARGREAVES (H .).
Excavations in Baluchistan 1925 . – Nº 36 . ANGLADE ( The Rev. A . )
and Newtoy ( The Rev . L . V.). The Dolmen of the Pulney Hills. –
Calculta , Government of India Central Publication Branch , 1928 ;
in -4°.
MEYER (J. J. ). Gesetzbuch und Purana. – Breslau , M . und H . Mar
cus , 1929; in -8°. (Éd.]
Mission Pelliot, Il. Le Súlra des causes et des effets , II, 2. – Paris ,
PaulGeuthaer, 1928 ; in -fol. [Don de M . Pelliot. )
La Mitologia giapponese secondo il I libro del kojiki. Prefazione, intro
duzione e note di Raffaele PETTAZZONI. – Bologna, Nicola Zanichelli ,
s .d . (1929 ); in -16 . [Ed.]
Modi (Dr. Jivanji Jamshedji). Cama Oriental Institute Paper. -- Bom
bay , The British India Press , 1928 ; in -8°. [A.]
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Terte und Untersuchungen zur vormassoretischen Grammatik des Hebrä
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Paul Kaule.Mit Beiträgen von Dr. Israel Rabin und 30 Lichtdruck
lafeln. - Stuttgart, W . Kohlhammer , 1927 ; gr. in-8°. [ Ed.]
Textes chinois donnés par l'Institut franco-chinois de l'Université de
Lyon :

Che king heng kiai. 5 vol. in-8°.


Chou-king heng kiai. 6 vol. in-4°.
Fa yen houei ts'e. 2 pen x 5 vol. in -4°.
K’an yin pien Ichou tche. 4 vol. in -8°.
Li ki heng kiai. 2 pen x le vol. in -8°.
Sseu chou heng kiai. 2 pen x 5 vol. in -8°.
Tcheng wai, 3 vol. in -hº.
Tcheou kouan kong kiai. 6 vol. in -8°.
Tch’ouen tsieou heng kiai. 8 vol. in -8°.
Vi-king heng kiai. 4 vol. in-8°.
Yu-li heng kiai. 6 vol. in-8°.
The Tokio Imperial University Library . - S. I. n . d . (Tokyo, 1928 );
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A Triennial Catalogue of the manuscripts collected during the triennium
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PUBLICATIONS DU ROYAL INSTITUTE OF LITERATURE,


ARCHÆOLOGY AND FINE ARTS DE BANGKOK.

CHILALONGKORN ( H . L . King ). Record of the Royal Tours in the Malay


Peninsula in 1898, 1899 and 1900 1. D . With a Preface by H . R . H .
Prince Danrong RAJANUBHAB. B . E . 2468 ; pet. in-8°
- Record of various tours . . . With a Preface . . . B . E. 2469;
in -16 .
- Vongs Devaraj. A Play . .. With a Preface . . . Vol. I. B . E .
2469 ; in-8 .
A Collection of Chronicles. Vol. XXXI. B . E . 2468; in-8°.
SOCIÉTÉ ASIATIQUE. 173

A Collection of Songs. With a Preface . . . Part I. Lullabies. B . E .


2469; in -16.
A Collection of Tales, With a Preface. . . Vol. IV. B .E . 2468 ; in -8°.
The FuneralCeremonies and the Kathin Ceremony as performed by the
Annamite Priests. With a Preface. . . B . E . 2469; in -8 '.
[ Hitopadeca ] An ancient Siamese Translation of the Hitopadesa. With
a Preface. . . B. E . 2469; in -8°.
HLUANG BHADANABONGS Bhakti. Vongs Devaraj. A Play . . . With a
Preface. .. B. E . 2469; in -8°.
The Jataka. Translated into Siamese (Cattalisanipāta ).With a Preface
by H . M . King Rama VI. B . E. 2 /166 ; in -8°.
The Jâtaka. Translated into Siamese (Catukharipāth ). B . E . 2469;
in -8°.
Kathakusamamañjari. Translated from the Sanskrit into Siamese .
With a Preface by H . R . H . Prince DamroNG RAJANUBIAB. B . E . 2467;
in -16 .
LAUNAY (A .). Documents translated from Histoire de la Mission de
Siam . . .» With a Preface. .. Part I. B. E . 2468 ; in -8°.
Mārkandeya Purāna ) The Story of Haris'candra from the Markandeya
Purāna. Translated from the Sanskrit. With a Preface. B. E. 2 /169;
in -8°.
Mongkut ( H. M . King Rama VI ). Letters.With a Preface . .. 4th
Series. B. E. 2469; in-8°.
Orders relating to the Buddhist Community , issued during the Reign of
H . M . King Mongkut. With a Preface. . . B . E . 2468 ; in -8'.
Paññasajataka. . . Translated into Siamese. With a Preface . . . Vol.
VI-IX . B . E. 2468 ; in -8°,
Para DHARMAPĀMOKKIA. Câturangasannipata . A Sermon . With a Pre
face . .. B. E. 2468 ; in -8'.
Para MauĀ ĀMĀTYADHIPATI. The courts of Justice in Burma. B. E .
2469; in -8°.
Points of Interest concerning The National Library and The National
Museum . – Bangkok , The Royal Institute , 1926 ; in -8°.
PUSSADEVA . Cakkavattisutta . A Sermon . . . With a Preface. .. B . E .
2469; in -8°.
174 JANVIER -MARS 1930.
- Desanā Ratanattayaparitta . Three Sermons. . . With a Preface by
H . R . H . Prince BIDYALANKARANA. B . E . 2469; in - 8 ".
- Pāsādikasutta . A Sermon . . . With a Preface.. . B . E . 2468 ;
in -8°.
– Sampasādaniyasutta. A Sermon . . . With a Preface . . . B . E.
2468 ; in-8°.
RAJANUBHAB ( H . R . H . Prince Damrong ). Siamese Buddhist Icono
graphy. B . E . 2469 ; in -8°.
- Various Comments on the Royal Chronicle of Siam . B . E . 2469 ;
in -8°.
Report of the Vajirañana National Library for the years. B . E . 2461
2467 (1918-1925 ). – Bangkok , s. d .; in-fol.
Somdet Para Vanarat. A Sermon on the biography of H . M . Phra Pin
Klao, Second King of Siam during the Reign of H . M . King Mongkut.
With a Preface. . . B . E . 2469 : in -8°.
Treatise on Military Art (in Verse). With a Preface by H . R . H .
Prince Damrong RAJANUBHAB . B . E . 2469 ; in -8°.
COMPTES RENDUS.

C . BOYER , CONTRIBUTION À L'HISTOIRE JURIDIQUE DE LA 1" DYNASTIE BABY LO


NIENNE. - - Paris, P . Geuthner , 1928 ; vi + 86 pages et 22 planches.
Autographie , Iranscription , traduction et commentaire presque exclu
sivement juridique, en style juridique, de cinquante tablettes de la
collection de l'École des Hautes - Études. La plupart de ces tablettes
proviennent de Senkereh ; sept avaient été publiées et étudiées par le
P. V. Scueil dans la Revue d'Assyriologie.
Le ductus donne bien l'impression , en général ("), de la graphie des
scribes de Larsa. Pour la transcription , B. ne se préoccupe guère des
sigles en usage (2,moins encore de ceux proposés récemment par Thureau
DANGIN , et, à un autre point de vue, tantôt il conserve la transcription

(1) P. ko, nº 130, 5 , B.a dessiné 6 šu qu 'il lit nig -šu ; le dessin de 139, 2
n 'autorise pas lib kaspi; n° 205 , 1. 2 , tim (?) ; 1. 5 , uh (?) ; nº 131, 5 , ša (!);
1. 7, sag (!); nº 208, 7, as-šum (!), pu (?), tum (!); cf. 1. 13. P. 10, n° 130,
1. 2, ne pourrait-on pas lire gišba dMarduk ? (Cf. Contrats de Larsa : gišba ,
giba uru , gišba gi-na); ibid . I. 7, šu (?), nous lirions : id-di-nu-šum . P. 16 ,
n° 205 , 1. 2 , au lieu de giš aš, nous lirions : , gur 1/5 3 sat, ce qui fait
le liers , ( à 3 sat près ), des70 gue de dattes. P . 47, nº 135 , 1. 1 : au lieu
de A (?) -Ra (?), peut-être nig- šit (nikasu ); nº 212 , ce n 'est ni sag, ni surtout
gal que donne le dessin de l. 2 , fin .
(2) Par exemple : p . 42, n° 124 , giš bar pour gis bán ( R . A .. XVI, 133).
P . 16 , n° 205 , lál au lieu de lal; p . 61, nº 139, 4 : mu-du pourmu- túm ; et
passim , dam -gar au lieu de dam -qar ou dam -gàr, elc . Pour la lecture : p. 17,
1. 1 et 25 , 9 et 14 uh-me au lieu de guda. (Nous pouvons signaler ici șiditu
pour şiditu , p. 38 ; šibuti pour šibuti, p . 68 ; mubalit pour muballit, p. 69 ;
sipat pour sipat n° 133, 15 ; urudi pour urudi n° 109 passim . )
176 JANVIER-MARS 1930.
šumérienne et tantôt ilrend le terme en akkadien (!). Pour la lexicologie ,
on peut hésiter en certains cas, à suivre B.(2).
Quand à l'interprétation ou commentaire , voici quelques remarques .
Sep- Sin est-il toujours le même personnage, un grand négociants de
Larsa (s)? Sép - Sin , fils de Samaš-muballit est en effet dam -qar de
Larsa ("), mais qu'est-ce qui prouve qu'il soit identique au pašišu de
Samaš (5), ou que le dam -qar et le pa dam -qar( ) soient le même indi
vidu ? Les homonymes n 'étaient pas rares , à Larsa . Est-ce toujours le
même qui-joue le rôle de banquiers et qui verse " à Babylone, à Inu
Sin , 5 sicles d'argent qu'Idin - Enlil devra payer à Larsa ?
P. 53, n . 4. L 'année é-meslam n'a -t-elle pas été identifiée par le
P. Scheil (8)?
P. 85. Dans la Revue d'Assyriologie, XXIV , on ne dit pas que les den
rées vendues sont« les produits que tire le Palais de l'exploitation de
(1) Par exemple , p.44 , Seim ; ailleurs še ,nºs 126 , 131, 133 etc.; igi , nº 120 ,
22 , généralement mahar ; 129, 8 :kaspam 1-LAL-B ; voir 139, 5 ; 120, 17-19 ; etc . ;
12!1 nikasi mais Gis-Bar E -Gal; nº 125 , akkad. siqlim , zitti, duppi, etc.; mais
1. 14 , šumer., LUGAL ; le nom du mois est rendu généralement, en akkadien ,
mais , p. 15 , aš-a , trad. « Sabat» ( sic ), mais p . 4 , Šabați, trad. « Sabat» ;
et p. 7. Sabatu , trad .- Sabat»; p. 2 Se-kin -kud, trad . « Addarn (le nom de ce
mois est écrit Addar p . 52 ; Adar, P. 58 ; Addari , 6 et 45 ; Addarium p . 36 .
Nous avons Warahsamna p. 57, mais Warahsamni, p . 50 .
(2) P . 61-62, mušaddinu nadânu : fonctionnaire chargé des ventes , comme
l'indique son nom (!). Cemot est traduit Steuerheber dans Hammurabi's Gesetz ,
VI, 155-156 (références ). P. 13, au sujet de baqáru , ou paqaru , dans les
textes édités par Chiera , sous le titre Inheritance Tearls (de Nuzi, voisinage de
Kerkuk ) en 1927, on trouve sept fois ba-ki-ra-na et trente trois fois pa-ki-ra-na .
P . 38 , nous ne voyons pas pourquoi zu-ut, tu -ti ou şu -ut, su - ti parait peu dif
férent de şiditu . Est-il bien vraisemblable que les deux mots se rattachent à
la même racine ( avec assimilation du d , sans doute , pour le premier ) ? Le
sens de ce mot ne parait pas définitivement établi. Nous ne tenons pas spécia
lement à celui de « redevance , comme l'insinuait déjà la note 2 de R . A ., XXIV ,
p . 3.
(3) P. 19 et 26 .
(6) Nº 111, p. 28 , et 113 , p . 33.
(5) N° 107.
(6) N° 130 , p . 40, on ne donne pas le nom de son père ; ni au n° 137 ;
p . 36 ; ni au 124 , ni au 135 .
(7) P . 53 et 61 = nºs 140 et 139.
(8) Chronologie rectifiée etc. p . 10 et 13. (Extr. des Mémoires de l'Ac. Insc .
et B.-Lettr., t. XXXIX (1912]).
COMPTES RENDUS. 177
ses domaines n. Le traducteur estime que le Palais touche le tiers on
environ du produitdes denrées de ceux de ses domaines quiétaient loués
à des recolons, (!).
P. 85 , n . 2 . Ce n 'est pas par des hypothèses entièrement gratuites,
que l'on fait payer la redevance par Ib .ni--Mar - Tu (?), au nº 193 des
Contrats de Larsa . On lit en effet(3) :
1 ma-na 14 gin kubabar ka-ni-ik Martu -la -a-a-ar
il n 'est pas absolument gratuit de voir là un élat construit, et, si Mar
To - ta -a-ar est au génitif ,il ne peut être sujet de i- pa -al quisuit. (Au
n° 210 , il s'agit, en effet, du moment où lb -ni-dMartu devra acquitter
la redevance .)
Dans sa traduction , B. ne suit pas l'ordre des planches ; on regrettera
qu'il n'ait pas dressé une concordance : il est malaisé de se reporter des
planches aux traductions et commentaires. Et l'on peut regretter aussi
l'absence de toute table des matières.
Ces diverses remarques ne veulent pas contester que M . Boyer nous
ait donné un excellent travail.
Charles- F . JEAN .

D ' G . CONTENAU , Conservateur adjointau Musée du Louvre , Manuel d’Arcuko


LOGIE ORIENTALE , I, Notions générales ; Histoire de l'Art. — Paris , 1927 (4),
in-8°, 545 pages, 347 figures.
L 'auteur a défini nettement son but: écrire une auvre de synthèse ,
présenter les progrès des peuples de l'Asie occidentale dans leur en
semble et dans leurs rapports et rechercher l'origine de cette civilisation
en faisantaux - Asianiques , et aux Sumériens la part qui paraît leur
revenir .
Nous souscrivons aux élogesmérités que l'on a faits de ce premier
(1) Cas analogue pour les dattiers : R . A . , XXI, p. i et suiv.
(2) L . 24 et 27.
(3) L. 23-27.
(6) Première partie, Notions générales. Chap.1 : Les sources. — Chap . 11 .
Le milieu physique. – Chap. 11 : Le milieu ethnique. - Chap. IV : Histoire
et Chronologie. – Chap . v et v : Les Moyens d 'expression : le langage,
l'écriture. – Chap. yıl : Les liens entre les Sociétés : la Religion , les Lois. —
Deuxième partie , Histoire de l'Art. Chap. 1 : Considérations sur l'art de l'Asie
occidentale ancienne. — Chap. ii : L'art archaïque de l'Élam et de Sumer. -
Bibliographie : p. 491-521. — Table des illustrations.
CCXVI. 13
INPRIMERIE NATIONALE
178 JANVIER-MARS 1930.
volume. A notre sens, les pages les meilleures sont celles qui trailent de
l'art. On se rend compte que l'auteur a été formé par de vrais Maîtres el
qu'il a lui-même longuement et souvent médité devant les monuments.
Nous noterons ici quelques -unes des réflexions que nous a suggérées la
lecture attentive du volume.
Au sujet (1)du dieu Asar ou Amar-ud, C .ne laisse pas deviner la com
plexité de la question . On pourrail en dire autant de l'idée qu'il exprime
sur le vieux fond de la religion sumérienne. Il seraitdifficile de prouver
que les Sumériensaient adoré avant tout le principe de fécondité( ) et
non pas la Lune, le Soleil et, antérieurement, An dont l'hiéroglyphe
servit, dès les plus hautes époques, à déterminer les êtres divins sinon
à représenter l'idée de rdieu n. — Il ne nous paraît pas démontré que
Sara fût, du moins à l'origine , un dieu de la fertilité , ni que son idéo
gramme (lagab + igigunu) signifie e verdure, (3), et nous ne croyons pas
que l'on puisse , actuellement, citer un seul texte prouvant que Ningirsu
fut d'abord e dicu de fertilité , et que , plus tard seulement, il devintdieu
de la guerre(s).
Pour prouver qu'à l'origine le principe créateur était de sexe indé
terminé, C . rappelle les divinilés, soit masculines soit féminines, dont
le nom commence par nin qui signifie tantôt dominus, tantôt domina 5).
— Mais l'usage d'appeler nin des déités masculines n'est pas primitif ,
puisque le signe archaïque de nin estconstitué par l'image du sexe fémi
nin > , plus un autre signe # ; par exempledans Lugal- Zaggisi(6) : >
C . admet que rela déesse conserva presque en tous lieux la place pré
pondérante ( ), . 7 La déesse Antu n 'est qu'un simple doublet d 'An, un
desdieux les plus archaïques ; celle de Babbar, quand on lui en altribua
une 8),n'eut qu'un rang très effacé ; de même celles de Nanna(r), ou
d'Éa. Et ce sont bien là quelques-uns des dieux les plus anciens de
Sumer.

(1) P . 269.
(9) P. 269-271; 337; 355. Moins catégorique , p. 430.
(3) P . 272 .
( ) P. 475.
(5) P . 270 .
(6) Hilprecht, Old Babylon Inscript., 87, 1, 29 , 32.
(7) P . 293.
(8) Les parèdres de Babbar et de Nanna(r) ne sont actuellement docu
mentées qu'à partir de la dynastie d 'Ur; celle d 'Éa – soit sous le nom de
Nin -ki, soit sous celui de Dam -gal-nun-na — ne figure dans aucan texte anté
rieur à l'époque d’Agadé.
COMPTES RENDUS. 179
Ce qui est dit de la magie nous paraîtun peu exagéré, dans quelques
uns des exemples choisis (?). Représenter une chose ou l'appeler de son
nom , c'est lui donner l'existencer. — Oui, quand il s'agissait du dieu ;
mais la moindre expérience suffisait évidemment au Primitif pour lui
prouver que cereprésenter , un lroupeau ne lui procurait pas ce troupeau .
Aux yeux des Pharaons, représenter les batailles sur les murs d'un
temple, c'étaitmagnifier la puissance du dieu qui avaitdonné la victoire .
Les Primitifs ont pu s'inspirer du mêmemotif quand ils dessinaient sur
les parois des cavernes le troupeau de bisons.
Que le tatouage eût un but magique , soit ! mais il n'est pas prouvé
que ce but fût premier et essentiel. Qui sait si l'on n 'entendait pas ex
primer par là , avant tout, de quel totem on se réclamait ou à quel clan
l'on appartenait !
C. parle dedynasties divines qui, ren Égypte et en Chaldée (?), ont
soumis la terre au ponvoir des dieux et , insensiblement, fait place au
règne des héros; et il note qu 'en Sumer les dynasties étaient composées
mi-partie de dieux et de héros , mi-partie de rois véritables, avant le
début de l'histoire. — Cette rédaction donnerait aisément à entendre
que tout cela est également avéré. En réalité, les deux seules listes (3)
attestant la tradition sumérienne : 1° ne furent rédigées que vers la fin
de la dynastie d'Isin , au plus tôt; 3° trois noms seulement sont pré
cédés du déterminatif divin :Lugal-banda, Dumuzi et Gilgames. Ce der
nier représente un héros divinisé. Rien ne prouve que, dans la plus
haute antiquité, Lugal-banda et Dumuzi ne fussent pas , eux aussi,
considérés commedes héros divinisés ; 3º Il n'est pas démontré que le
signe an eût toujours le sens strict de dieu , qu'on ne l'ait pas employé
pour caractériser des êtres qui semblaieņt refléter d'une manière spé
ciale la nature divine. En pleine histoire , en Canaan , les Hébreux par
leront de cèdre de «dieu -, de fleuve de redieu », de fils de redieu ,, dans
des contextes où il n'est sûrement pas question de nature divine.
Les créations parlées sont un progrès notable; ce sont elles que
nous retrouvons dans la Genèse (6) . — Dans la Genèse , il y a deux
récits de la création ; le premier, chap . 1-11 4*, et le second, chap. 11 646
24 . Or, le second admet de véritables actes : Yahwé Elohîm zey, 739
(bêtes , oiseaux, homme), 1732, etc.

(1) P . 355 et 407-408.


(9) P . 304 -305 .
(3) Nous omettons celle de Bérose , rédigée à l'époque grecque.
( ) P . 310 .
12 .
186 JANVIER -MARS 193 0.
Il n'est pas prouvé que, dès les plushautes époques, la fête Akitu eût
exactement ce sens, ni qu'elle fût célébrée exactement de cette ma
nière(").
Ni Giš-zi-da, ni Nin-giš-zi-da ne sont documentés, jusqu'ici, anté
rieurement à l'époque d'Ur. Des influences non sumériennes ont pu
s'exercer, à ce point de vue (?), au cours des siècles précédents.
Ce n'est pas l'ordre suivi par Lugal-Zaggisi dans son énumération (3)
qui peut prouver qu'il s'était rétabli une certaine hiérarchie dans le
Panthéon " , car , sur 10 ou 11 énumérations postérieures à Uru -kagina,
nous trouvons, par exemple , en tête de clister : 4 fois An , 2 fois Nin
girsu , 2 fois En-lil , 1 fois Nina , 1 fois En -ki, 1 fois Nin -a-gal. Les
autres dieux ne paraissent pas non plus, dans un ordre fixe; par
exemple : En-ki est, tantôt le 4€, tantôt le 5*, tantôt le 6°, tantôt le 1e",
et quelquefois ne figure pas du tout (ainsi en est-il dans une liste de
Gudéa () qui compte pourtant sept dieux). De plus, Lugal-Zaggisi ne
place pas en tête Nidaba (6); (l'énumération commence , à la ligne 14 ,
par An, En - lil, En-ki. . . 6° Ninni, 7* Nidaba , 86 Ninhursag , elc.).
L 'ouvrage de M . Contenau, étant un Manuel, s'adresse plus direcle
ment à des gens qui ne sont pas encore ou ne seront jamais assyrio
logues; aussi peut-on regretter, nous semble-t-il, que, d 'une manière
ou d'une autre , l'auteur ne leur permetle pas toujours de distinguer aisé
ment entre ce qui est fait acquis et ce quin 'est , à l'heure actuelle , qu'hy
pothèse ou opinion ;mais il faut lui savoir gré du service qu'il rend à
Tous ceux qui s'intéressent au Proche-Orient et le féliciter d 'avoir si bien
réussi ce premier volume.
Charles.-F . JEAN .

J. Mucas 1 VALLIGROSA. Notes SEMÍTIQUES (Extrait des Estudis Universitaris


Catalans, XII ). - Barcelona, 1927; u pages.
Sousce titre , le jeune sémitisant del'école catalane publie deux notes.
Dans la première , il étudie desbillets ( ceduletes) d'origine aragonaise et
rédigés dans le dialecie arabe bispanique; dans la seconde , il donne
(1) P . 319-320.
(9) P . 322 .
( 3) P . 272.
(4) Statue D , 1 , 108.
(5) P . 272 ; 286 .
COMPTES RENDUS. 181
une liste de noms de débiteurs chrétiens établie en caractères hébraïques
par un prêleur juif de Catalogne. La première série de documents pro
vient des archives de la cathédrale de Barcelone; quant au dernier, il a
été découvertdans la reliure d'un livre conservé dans les archives muni
cipales de la même ville .
Les dix-sept billets , dont M . M . donne, outre la traduction , la repro
duction photographique et la translittération en caractères arabes, sont
de brefs reçus attestant la réception de certaines quantités de blé et
d'avoine apportées par des chrétiens et des musulmans de Turbena, de
Plasencia et de Bardalur, localités de la province de Saragosse. Il doit
s'agir de redevances en nature versées par des colons à une autorité
religieuse suzeraine, dans des conditions analogues à celles qu’atteste ,
pour la Navarre, la charte hispano-arabe de 1312 que j'ai moi-même
étudiée (cf. Islamica , III, 1927).
La brièveté du texte des billets limite leur intérêt documentaire his
torique ;mais, comme ils sontrédigés dans le dialecte arabe d'Espagne
et presque entièrement vocalisés , ils présentent un grand intérêt au point
de vue dialectologique. Aucun d'eux n'est daté , mais leur éditeur est
porté à les attribuer au xivº ou au xv° siècle.
La liste des débiteurs du prêteur juif est précieuse par les transcrip
lions phonétiques qu 'elle fournit de nomsde personnes etde lieux pour
la Catalogne du xivº siècle. On y trouve l'attestation de prononciations
réelles, dégagées des influences orthographiques traditionnelles que su
bissaient trop les scribes chrétiens.
Les dialectologues arabisants et romanistes trouveront de précieuses
indications dans les deux notes de M . M . , à qui l'on souhaite la décou
verte de nouveaux documents.
Georges S. Colin.

G . Hug et G . Habacut. Pour APPRENDRE L’ARABE (Manuel du dialecte vulgaire


d'Egypte). — Paris, 1928 ; 1x-135 pages.
Depuis longtemps , le besoin d'un manuel français pour l'étude de
l'arabe d'Egypte se faisait sentir, et c'est cette lacune que ce manuel se
proposait de combler.
Dès l'Avant-propos (p. II)les auteurs préviennentqu'ils se sont occupés
seulement du parler du Caire . Tous les mots arabes sont donnés exclu
sivement en transcription latine, ce qui serait excellent si la transcrip
tion adoplée était correcle et pratique; mais, comme trop souventdans
182 JANVIER-MARS 1930.
les ouvrages de ce genre, sous prétexte de simplification, les auteurs
sont tombés dans la confusion . C 'est ainsi que les emphatiques ne sont
pas différenciées; dans la classe des laryngales, une même lettre h tran
scrit le q, le s et aussi le 8 final, alors que ce dernier, en dehors du cas
d'état construit, ne sonne jamais autrement que -a (-a); c'est ainsi que ,
p . 114 , n . 1, la transcription wehchah correspond à un réelwehša mlaiden.
On sait qu'au Caire, le ö est prononcé à peu près comme un hamza ;
méconnaissant complètement la nature de ce phonème,on affirme( p . 3 )
que con ne le prononce pas, mais qu'on allonge la voyelle suivantes;
cette façon inexacte de rendre la prononciation du ü amène d 'ailleurs
des graphies insolites quand ce phonème est en finale; on trouve ainsi
zor-é (p. 118 ), bélobro -é (p. 122 ), sá-e (p . 124) pour zor' bleus,
belobro' - il fait des éclairs“, sā' ntronca ; ce sont là des tentatives peu
heureusesderendre lehamza final que l'on retrouve dans baty -e (p. 115 )
pour bati' relents.
Parmi les lettres ( solaires» (p . 3 ), le g est oublié, alors que la pro
nonciation cairoteçg -gomrok est correctement donnée dans le vocabulaire
( p. 50 et 53).
La transcription des voyelles n 'est guère plus rigoureuse. Le kasra est
donné ( p . 3 ) comme se prononçant i, alors que, bref, il sonne ę, très
près du e fermé français. La lettre y transcrit aussi bien la voyelle i que
la consonne y ; cette transcription imprécise remonte d'ailleurs à Spitta ,
et elle a été adoptée par Spiro dans ses vocabulaires. Quant à la voyelle ē ,
elle a été transcrile à tort par ey,
Pas un mot n'est dit sur l'accent, si intense et si important en cairole ;
rien non plus sur les voyelles de liaison (ou de disjonction ) que l'on
trouve cependant attestées dans l'exposé grammatical et le vocabulaire
(cf. p. 15 : nafs-à -ha , nafs-o -kom , nafs-ó-hom ). Or, avec l'accent, ce
sont ces voyelles secondaires enchaînant les mots qui caractérisent la
prononciation cairole.
Au paragraphe de l'accord de l'adjectif (p. 9 ), on a oublié de préve
nir que lesadjectifs ethniques étaient invariables dans l'usage réellement
vulgaire. Au chapitre des pronoms relatifs (p. 16 ), rien n'avertit le
lecteur que ylli ne s'emploie qu'après un antécédent déterminé.
Le suffixe personnel de la 3 personne masculin singulier est transcrit
-ouh (p. 13), alors que sa prononciation est -o.
Dans leur Avant-propos , les auteurs s'excusent rd'avoir été un peu
longs, dans leur exposé des principales règles grammaticales du cairote.
Le verbe y est en effet présenté longuement, mais sans clarté ; l'em
ploi de l'imparfait précédé de be- n'est pas indiqué; l'existence du verbe
COMPTES RENDUS. 183
esourd , qui est peut-être le plus rirréguliers , n'estmême pas men
tionnée.
Malgré les défectuosités de leur transcription , les vocabulaires et les
conversations qui constituent la deuxième partie du Manuel sont netie
ment supérieurs. La matière en a été intelligemment choisie , les tra
dactions sont simples etdans une langue réellement parlée. Quelques
termes sont à relever, dontplusieurs néologismes :
P. 50 : šešnagi vérificateur de la douanen ;
P . 51 :moftahar etrain rapidem ;
P. 63 : sakar! ta rtussor, doit dériver de l'ilalien seta cruda resoje
écrue ) ;
P. 64 : abbāra - porle -aiguilles ;
P. 68 : sokkar santerfiš esucre cristallisén , apparenté au français
(sucre) centrifuge (anglais centrifugalsugar).
P. 87 :meqazęzāti - vitrier » ;
P . 87 : kahrabā'i mélectriciens,
P. 116 : sarrif «prodigue; généreuxr ;
P. 117 : ębn hazz jovials.
On y relève aussi quelques inexactitudes ( p. 112) : ni'cyūn seyeux» ,
ni wedān oreilles , ne sont des duels .
P. 110 , le proverbe 38 : ęl-balāš , kattar menno signifie exactement :
+Ce quiest gratuit, prends en beaucoup! .
En un mot,ce nouveau Manuel ne peut constituer pour les Français
établis en Égypte l'instrument de travail commode et sûr comparable à
celui que Nallino a donné aux Italiens ' ou Willmore aux Anglais.
Souhaitons qu'une deuxième édition permette à ses auteurs d'en améliorer
la forme et le fond .
Georges S. Colin .

Ram Babu SAKSENA , A HISTORY OF URDU LITERATURE. - Allahabad (Ram Na


rain Lal), 1927; in -8°, 1v-379 pages.
Voici enfin un tableau de la littérature ourdoue qui n 'est pas une
simple série alphabétique de biograpbies agrémentées de citations. Des
biographies. M . Saksena donne l'essentiel , et il caractérise les æuvres ,
mais en mêmetemps il groupe les auteurs d'après les genres , les écoles,
les époques , et veut avant tout montrer le développement de la littéra
lure depuis ses débuls jusqu'à aujourd 'hui.
Née peu avant 1600 non à Delhi, mais au Deccan ( intéressantes
184 JANVIER -MARS 1930.
remarques sur ce point page 32 ) à la cour de souverains lettrés, elle ne
produit un véritable maître qu'avec Wali, qui l'implante à Delhi au
début du xvı°siècle. La grande époque est le milieu de ce siècle ; les
nomsdominants sont ceux de Mir et de Sauda, tempéraments vigoureux
autant qu'habiles écrivaios. Puis la ruine des sultans de Delhi chasse un
grand nombre de poètes auprès des nawabs d 'Aoude; l'école de Lakhnau
ainsi fondée est particulièrement savante ; mais le goût des marțiya ,
développé sous l'influence des nawabs chiites , fait entrer dans la poésie
une émotion plus humaine. Après la Mutiny, Delhi et Lakhnau aban
données toutes deux , les écrivains se dispersent; ils vont surtout à
Rampur et à Haiderabad , qui reste aujourd'hui encore un grand centre
de culture et de diffusion de l'ourdou . Mais à cette époque l'influence
anglaise élargit la vision , et permet à chaque écrivain de développer son
originalité : Hali est le grand poète national ; Azad instaure la poésie
de la nature; Sarur est le maître du sentiment et de la description ;
Akbar est unique en son genre: Iqbal cultive la philosophie .
L'influence anglaise crée aussi la prose; avant le xix° siècle on n 'a
en prose que quelques biographies de soutis et des contes romanesques .
C' est sous l'influence de Gilchrist, au collège du Fort William à Calcutta ,
c'est aussi chez les missionnaires de Serampore — au Bengale égale
ment — que se constitue une prose moins artificielle que celle des écri
vains de Lakhnau ; elle se substitue au persan dans les actes publics en
1832 et ouvre des champs nouveaux à la littérature. M . Saksepa a étudié
la prose dans des chapitres spéciaux; cette dérogation à son principe
s'excuse parce qu'elle n 'a pas produit de chefs-d'ouvre et que le princi
pal intérêt en est de caractériser une période et d'annoncer l'avenir.
En ce qui concerne la poésie , M . Saksena , si patriote qu'il soit, n'en
dissimule pas les limites ; essentiellement courtoise, elle raffine sur le
goût des princes qui la protègent; la Perse fournit les modèles, le voca
bulaire, une partie de la grammaire, et jusqu'aux règles de la prosodie
et de la métrique; aujourd 'hui encore , un Iqbal, plus musulman qu'in
dien , écrit une langue très persisée,quand il n'écritpas en persan. Aussi
bien l'intérêt humain d'un grand nombre de ces æuvres est-il faible ;
M . Saksena le laisse entendrell), et en outre il juge chacun avec une indé
pendance et une franchise rares ;les connaisseurs discuteront peut-être
(1) Il n 'est pas seulà le faire , même dans l'Inde : M . Sayyid Abdul Latif ,
qui avait déjà protesté contre les enthousiasmes exagérés de la critiqnemusul.
mane dans son Influence of English literature on Urdu literature (Londres ,
1924) , est revenu tout récemment sur ce sujet dans un petit livre intitulé
COMPTES RENDUS, 185
certaines de ses appréciations : ils reconnaîtront qu'elles sont dans l'en
semble justes , nettes et motivées.
Par l'esprit historique et par l'indépendance du jugement, ce livre
prend donc une place à part el mérite le succès. M . Saksena annonce en
outre une bibliographie raisonnée , dont on a grand besoin , et surtout,
ce qui lui vaudra la gratitude d'un plus grand public, une anthologie
ourdoue avec traduction anglaise .
Jules Bloch .

Sudhindha Nath BuaTTACHARYYA , A History of Mughal North -EASTERN PRON


TIBR POLICY. — Calcutta (Chuckervertty, Chatterjee and Co.), 1929; in -8°,
III -434 pages.
En présentant dans sa préface cette renarration politiquen , M . Bhatta
charyya la juge lui-même run sec compendium de faits, de lecture exces
sivement fatigante, sans rien qui relève la monotonie du récits ; les répé
titions s'y accumulent au détriment de l'intérêt historique et de
l'agrément littérairer.
Ne l'en croyons pas trop vite ; c'est là peut-être un appåt pour les sols.
Son livre se lit fort bien , malgré les répétitions que le sujet impose en
effet ; et du reste les événements et les gens y sont caractérisés dans leur
variété réelle. Il témoigne, non seulement d'une érudition approfondie
(puisée dans des sources persanes et indigènes, complétées par l'épigra
phie et la numismatique), mais d 'un jugement critique toujours prêt,
et d'une vue perspicace des circonstances dans leur ensemble ; ce n'est
pas non plus en vain que l'auteur a parcouru la valléedu Brahmapoutre :
le premier chapitre où il en décrit les diverses régions, leurs ressources
et leurs babitants , est par lui-même fort intéressant; de plus il fait pré
voir , et les raisons que les puissances maîtresses du Bengale auront de
vouloir y pénétrer, et les difficultés qu'elles y rencontreront (une carte
précède ce chapitre; elle aurait été moins rationnellement, mais plus
commodément placée à la fin du volume).
Il y a par contre une objection qu 'on peut faire , sinon au livre, du
moins à son titre. L'histoire de la politique de la frontière nord-est ,
qui est essentiellement celle des relations entre les empereurs mogols et

Ghalib (Hyderabad , 1928 ), où il se montre beaucoup moins tendre que


M . Saksena lui-même pour ce poète .
186 JANVIER-MARS 1930.
les états mongoloïdes de Koch Bibar, Kamrup et Assam (1) pendant plus
d'un siècle (1576-1682 ) peutse comparer à un grand drame en plusieurs
actesn . En effet : cela commence par une alliance; puis les Mogols , avides
de terre et d 'expansion commerciale , se font agressifs ; mais échouant
en Assam ils reviennent à l'offensive et à la conciliation ; de nouveau
sous Mir Jumla , le Koch Bibar est annexé, l'Assam soumis ; à la suite
d'un nouvel échec en Assam , nouveau recul, et le Koch Bihar lui-même
recouvre son indépendance pour un lemps. Un drame, soit :mais est-ce
là une e politiquen ? Précisément le livre de M . Bhattacharyya montre
qu'il n 'y a pas de politique continue chez les Mogols , et que leurs repoli
liques, dépendentdes circonstances et des hommes. Par exemple ce qui
détermine l'alliance entre Akbar et Nara Narayan de Koch Bihar en
1578 , c'est l'anarchie du Bengale et la résistance des chefs afghans
d'une part , d'autre part les inquiétudes qu'éprouve Nara Narayan du
côté des Ahoms. Mais la révolte du neveu deNara Narayan et le partage
du royaume, puis les caractères mêmes du fils et du petit-neveu de Nara
Narayan sont l'origine des nouvelles phases des rapports entre les puis
sances musulmanes de l'ouest et les principautés indigènes.
Sous cette réserve , qui ne touche pas le fond, le livre de M . Bhatta
charyya est donc recommandable. C 'est un travail d 'ambitions bornées ,
mais approfondi et intelligent. La sévérité que l'auteur affecte à son
propre endroit est-elle un signe qu'il projette des travaux plus amples,
moins exclusivement politiques et militaires ? Nous en acceptons l'augure
avec reconnaissance .
Jules Bloch .

Surendra Nath Sen ,Military system of the Manatuas. – Calcutla ( The


Book Co.), 1928 ; in-8°, xl-297 pages.
L'auteur reprend ici une partie des questions examinées dans un
autre livre dont il a été rendu compte en son temps (J.A., 1923, II,
p. 178 ); l'ouvrage actuelmarque un grand progrès sur le précédent, et
ce n'est pas seulement par l'approfondissement de la matière. L'autre
était un manuel d 'institutions; celui-ci est le livre d 'un historien , qui

(1) La formule revient au moins deux fois, p. in et xxl : voilà le type


d 'une répétition qui n 'était pas nécessaire . La plus grande partie de l'intro
duction aussi devrait rejoindre la bibliographie .
COMPTES RENDUS. 187
cherche le lien entre les institutions et les faits , et veut non seulement
décrire mais expliquer.
Pour M . Sen , l'empiremarathe est avant tout une puissancemilitaire,
et c'est la constitution , l'administration et la direction de l'armée qui
rendent compte et de la fortune de Shivaji, et de la ruine de l'empire
sous les Peshvas.
Shivaji ramène tout sous son commandement;il réduit le nombre des
volontaires nobles et les subordonne à l'armée des mercenaires ; il orga
nise un cadre régulier d 'officiers , qu'il paye non plus en fiefs , mais en
argent et en nature; par là il se fait une armée forte et disciplinée en
même temps qu'il empêche le royaume de s'émietter . Quant à l'argent,
il viendra de l'impôt et en particulier de l'extension du quart, cauth :
qui payait cette contribution de guerre était protégé par Shivaji contre
ses ennemis et contre les razzias de son protecteur même. La vigueur
mise par Shivaji à instituer et appliquer ce système a fait bien plus
selon M . Sen que la renaissance du sentimentreligieux et national chez
les masses , à quoi Ranade et d'autres ont attribué tant d'importance.
Après Shivaji viennent des hommes non seulementmoins énergiques ,
mais moins fidèles à ses méthodes ; la distribution des fiels reprend , et
ils deviennent héréditaires; leurs possesseurs lèvent le cauth pour leur
propre compte ;l'armée s'accroît d'éléments étrangers , Rohillas, Arabes,
Abyssins, Portugais de Goa, qui coûtent cher et n'en sont pas plus
fidèles ;appauvrie, elle organise des razzias chez les amis comme chez
les ennemis, et y consacre un temps et une énergie qu'elle refuse à la
lutte contre la puissance mogole de plus en plus pressante. Dans les
disputes et les rapines, la valeur militaire se perd ; les successeurs de
Shivaji sont incapables de renouveler franchement les méthodes de guerre
au momentopportun : ils développentl'artillerie ,mais plus pour le pres
tige que pour l'usage : il y a plus de bois que de fer dans les canons;
pas de pionniers pour faire la route à ces lourds engins traînés par
cinquante ou soixante buffles , et qu'il faut plus d'une demi-heure pour
mettre en position ; pour cette artillerie on néglige la cavalerie même,
gloire de l'armée marathe, au lieu d'en combiner la légèreté avec la
puissance de l'engin nouveau. Même manque d'adaptation dans la ma
rine : contre les Européens armés d'une bonne artillerie , les Marathes
utilisent toujours la lance, l'arc et même la pierre.
A propos de la marine, M . Sen ajoute un chapitre pour défendre les
Marathes contre l'accusation de piraterie : il est vrai que les passeports
( cartaz) et le droit de naufrage élaient usuels à l'époque. Ce chapitre
fait un peu hors-d'æavre dans un livre aussi bien construit que celui-ci;
188 JANVIER -MARS 1930.
on le pardonnera à l'auteur en raison de l'intérêt que présente la démon
stralion.
Une belle conclusion termine dignement ce livre mûrement pensé ,
solidement construit, lucidement écrit.
Jules Blocu ,

Sarat Chandra Roy, ORAON RELIGION AND customs. – Ranchi, 1938 ; in-8°,
XV-418 pages et 33 planches hors texte.
M . S.-C. Roy avait déjà publié en 1915 un excellent volume où il
décrivait surtout l'habitat, l'organisation sociale et la vie économique
des Oraons; voicimaintenant le tableau de leurs coulumes et de leurs
conceptions religieuses : on y voit tour à tour les dieux et les esprits ,
les rites et les feles, la magie blanche et la noire , enfin les e revival
movements, du dernier siècle.
Le livre est, à de très rares exceptions, exclusivement descriptif.
M . Roy, quinon seulement connaît les peuples du Chola Nagpour comme
pas un (outre les Oraons, les Mundas et les Birhors en témoignent), est
aussi l'auteur d'un manuel d'anthropologie estimé et l'éditeur de Man
in India ; il lui serait donc facile de dépasser souvent son cadre — et le
lecteur ignorant aimerait à lui poser maintes questions. Les rares fois où
il le fait, l'interprétation reste nettement distincte de la description ;
c'est à faire celle-ci claire, précise, vraie que va son effort.
On remarquera par exemple comme il aime noter ce qui change :
p. 87, comment l'usage des bull-roarers se vide de signification (il fallait
donc ligne 7 du bas écrire « the object of this exhibition was to scare
away spirits ); p. 21 la transformation du Biri-belas Dieu -Soleil, en
Dharmes hindou etabstrait; p . 138 les progrès dans la moralité sexuelle
et les usages matrimoniaux ; surtout, dans le dernier chapitre, les
diverses adaptationsà l'bindouisme, l' influence du christianisme( curieu
sement mêlé aux revendications agraires ), enfin le mouvement des Tānās
bhagat de 1914 -1915 , au fond social et économique, en pratique,
parti de la sorcellerie pour aboutir à la constitution d'une secte à
préoccupationsmorales.
M . Roy sait qu'il serait particulièrement imprudent d'échafauder des
systèmes au lieu de décrire, ou surlout de mêler le système à la descrip
tion , lorsqu'il s'agit d'un milieu si pénétré d 'hindouisme (le calendrier,
par exemple , est purement hindou ; Devi-măi est la seule divinité qui
ait quelque chose quiressemble à un temple , p . 53), et par lui-même
si mélangé : car les traditions, et surtout la toponomastique et des
COMPTES RENDUS. . 189
Iraces archéologiques indiquent que les Oraons ont succédé aux Mundas ;
en fait les deux races cohabitent souvent, et dans ce cas le prêtre de vil
lage (dont les noms, pahān , naigā, sont aryens) est Munda; d'après les
Oraons eux-mêmes, leur panthéon serait presque exclusivement Munda
(mais on peut voir p . 341 que c'est un thèmede propagande) : en effet,
M . Roy nole que le Munda est plus proprement religieux, l'Oraon plus
préoccupéde magie.
La langue porte trace de ces mélanges ; le Linguistic Survey , IV ,
p . 79, nous informe que les Oraons des environs de Ranchi parlent
mundari dans leurs propres maisons. A vrai dire les textes cités par
M . Roy (et ils ne donnent pas l'impression d'être en une langue reli
gieuse spéciale : une langue religieuse serait plus pure et surtout plus
fixe ) sontdu dravidien , très mêlé d'hindi local (et, par l'bindi, de sans
krit ou même de langues musulmanes : cf. najar remauvais cil » ). A ce
propos, on saura un gré particulier à M . Roy d 'avoir constamment donné
les noms indigènes des choses et des notions qu'il étudie, et aussi, de
nombreux textes traduits. On se trouve parfois embarrassé quand il a
omis d'obéir à sa propre règle : page 85, le fait que les jeunes gens
réparent les cônes de terre surmontés d'une boule qu'on voit à la figure
19 en urinant dessus suffit-il à prouver que ce sont des symboles phal
liques? On urine aussi dans un trou placé près de la pierre qui symbo
lise la divinité femelle Candi; du reste Candi n'a rien de sexuel , et la
pierre en question a la même forme que celle de Mahadeo (p. 54 , 60 ,
217 ); M . Roy donne bien le nom de ces e pyramides , mandarsala, mais
sans l'interpréter; les dictionnaires ne le font pas davantage, et ne
donnent rien sous sala , quia une figure aryenne : quantà mandar, c'est
le nom ordinaire du cemédicament, ( tamoul marundu, canara maddu ,
tel.mandu , kuvi mīni; ajouter telugu matu ; est-ce skr. mantra ?). –
P. 231, dans l'unique fête relative au bétail, les Ahirs hindous, bergers
de village, tiennent une grande place : cela suffit-il à prouver que la
fête en question est d 'origine hindoue ? Trois obviously, accumulés
p. 234 me mettent en déliance; je voudrais le nom hindou de la fête, et
surtout une analyse du nom oraon : or Grignard m 'apprend que sohra
veut dire renvelopper de la tête aux pieds , et en effet page 232 des
jeunes garçons Oraons (non Ahirs ) enveloppés ainsi jouent un rôle dans
la cérémonie ( )

1 ) Annexons aux faits de langue deux fautes d'impression : p.39, 1. 5 du


bas, lire nin taram e de ton côtén ; em taram serait de mon côtén ; p. 135
lire juro 'enā ; le second mot est une forme brève de he'enā e attacher , .
190 JANVIER -MARS 1930.
Mais ce sont là difficultés accessoires; on doit surtout savoir gré à
M . Roy de nous rendre capable de les apercevoir grâce à la richesse et
à la précision de ses descriptions.
Jules Bloch.

P. LEANDER. LAUT- UND FORMENLEHRE DES ÄGYPTISCH - ARAMÄISCHEN (Göteborgs


Högskolas Arsskrift , XXXIV). -- 1928; in -8°, 136 pages.
Après sa grammaire de l'araméen biblique (1927) , écrite en colla
boration avec H . Bauer, P. Leander nous donne aujourd 'hui les premiers
éléments d'une grammaire de l'araméen d'Égypte.
Tandis que l'araméen biblique n 'est représenté que par quelques
chapilres des livres d'Esdras et de Daniel , nous possédons, pour l'ara
méen d'Egyple , des documents nombreux et divers : ostraka , monu
ments épigraphiques, papyri, elc. Certains d'entre eux présentent
l'inestimable avantage d'être datés. Ces textes donnent au grammairien
une base sûre , en même temps qu'ils lui fournissent d 'abondants maté
riaux. Ajoutons enfin qu'un recueil récent de A. Cowley ( Aramaic
Papyri of the 5th century B. C., Oxford , 1923) en a rendu l'accès parti
culièrement aisé. On doit espérer que M . P . Leander se laissera lenter
à nouveau par un sujet aussi riche et qu'il écrira quelque jour une syn
taxe de l'araméen d 'Égypte.
Le livre dont nous rendons compte ici est construit sur le plan clas
sique, qu'on retrouve dans la plupart des grammaires des langues sémi
liques. Il témoigne non seulement d'une connaissance approfondie du
sujet,mais d'une érudition vaste el sûre en matière linguistique .
La phonétique n'y tient qu'une place relativement restreinte. Il ne
saurait guère en être autrement, alors que nous ignorons à peu près
tout du vocalisme de ce dialecte . Quant au consonantisme il ne diffère
guère de celui de l'araméen biblique. Notons cependant les quelques
points suivants.
La spirante dentale d est rendue tantôt par z , tantôt par d . P . Lean
der ne voit dans la première graphie qu'un pur archaïsme, ne corres
pondant pas à une prononciation réelle.
Certains verbes à première radicale ' assimilent ce ' au t des formes
relatives (cf. verbes assimilés en arabe ). P. Leander montre que cette
assimilation ne s'est faite d 'abord qu'en présence d'un shew ..
Dans la morphologie on remarquera au passage que le verbe uwina
pas 1 pour préformante à l'aoriste , comme en araméen biblique, mais
COMPTES RENDUS. 191

hien y ; que la mater lectionis , pour la terminaison du féminin à l'état


absolu , est -- et non -'; qu'on trouve au moins un exemple d'un mas
colin pluriel à l'état emphatique en x - ; etc.
Il est à regreller peut-être que l'auteur ait aulant restreint les dimen
sions de son index. D'un point de vue plus général, le non -spécialiste
aurait sans doute soubaité de trouver groupées , en quelques pages ,
à la fin du livre , les remarques , fort pertinenles d'ordinaire, sur les
influences étrangères.
Il est en effet à peine besoin de souligner, par exemple, l'importance
historique que présente l'étude des hébraïsmes dans les papyri d'Ele
phantine . Ces hébraïsmes ne sont-ils qu'un héritage en voie d 'amenuise
ment progressif ? Supposent-ils au contraire , de la part des soldals juifs
de la Haule-Égypte, un commerce intime et fréquent avec les livres
sacrés de leurs ancêtres ?
Ces quelques réserves n'enlèvent rien , comme on le voit, à la valeur
d 'un livre solidement documenté et qui sera d'un grand secours à tous
ceux qu'intéresse l'étude de l'araméen d'Égypte .
J.-G . FÉVRIER .

W . S . URQUHART. THE VEDĀNTA AND MODERN THOUGHT (Oxford University Press ).


– Humphrey Milford , 1928 ; in -8°, XVI- 256 pages.
M . Urquhart a écrit sur la plus vulgarisée des philosophies indiennes
un ouvrage qui, malgré son allure touffue, n'ajoute rien à nos connais
sances. Aucun effort systématique n'est entrepris pour dresser le bilan
des sources upanişadiques , pour déterminer les rapports avec la Pūrvā
Mimāņsā (les trois lignes de la page 83 sontinsuffisantes), même pour
serrer de près le sens des Brahmasūtras. Comme jadis chez Deussen ,
Çankara éclipse toute autre doctrine védāntique, et ce qu'on nous dit de
Ramānuja reste rudimentaire . Madhva , Vallabha , Nimbārka semblent
ignorés.
Non seulement le livre de nous apporte point de nouveau , mais il se
trouve fort en retard sur les résultats obtenus par l'indianisme européen.
Les quelques pages sur Gaudapāda fournissent peu de substance auprès
de l'ouvrage de Walleser, qui remonte à 1910 (Der ältere Vedānta ,
Heidelberg), mais que l'on passe sous silence. De même l'excellente
thèse de Ghate sur les cing commentaires des Brahmasūtras (Tours ,
1918 ) demeure inconnue à M . Urquhart , qui ne mentionne pas davan
192 JANVIER -MARS 1930 .
lage l'examen par Sicherbatsky des relations entre le Védānta , soit des
sülras , soit de Çankara , et le Bouddhisme.
Ce que Urquhart appelle la pensée moderner , c'est la réflexion
occidentale depuis Descartes. Nous regrettons qu'il n 'ait pas laissé à
Deussen l'indication de prétendues affinités entre le Védānla et le kan
lisme. L 'avidyā n'équivaut pas à notre agnosticisme européen , ni la
māyā à notre idée d'une création , démiurgique ou divine, non plus
qu'à notre conception de la relativité. Le Dieu cartésien est géomètre ,
l'Esprit kantien législateur de règles formelles; seulou presque , l'absolu
de Novalis opère par des prestiges magiques de l'ordre de la māyā :
c'est à lui qu'il faudrait se référer pour trouver des analogies occiden
lales à quelques convictions indiennes fondamentales.
P . Masson-Ourset..

Le gérant-adjoint : Le gérant :
R . Grousset. Gabriel Ferrand.
LIBRAIRIE 13ORIENTALISTE PAUL GEUTHNER
, rue JACOB. - PARIS VI

HISTOIRE POLITIQUE ET RELIGIEUSE


DE L'ABYSSINIE
DEPUIS LES TEMPS LES PLUS RECULÉS JUSQU'A L'AVÈNEMENT DE MÉNÉLICK II
Par le R . P . COULBEAUX
ois volumes, gr. in-8, 1929. Prix... . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . 100 fr.
TOME 1 " , 1 portrait, XXVII et 356 pp., TOME II, 493 pp.. TOME III, 6 cartes à dé
ants, dont 1 carte en couleurs, 220 figures sur planches.
TONE 1 : Préface. - Bibliographie. - Introduction. Première période : I. Esquisse
inographique. - II. Esquisse ethnologique. - III. L 'Ethiopie, colonie de Thebes. IV .
rmation du royaume d'Aksoum . - V . La reine de Saba et la critique. - VI. Le
aume d'Aksoum jusqu 'à l'ère chrétienne. – VII. Le royaume d'Aksoum jusqu 'à
int-Frumence. — Deuxième période : I. Conversion au Christianisme. - II. Successeurs
ibraha-Atsbaha. - III. Les neufs saints Romains. - IV. Règne de Kaleb . -- V. Règne
Chebré-Meskel. - Troisième période : 1. Effacement de l'Ethiopie. - II. Conquêtes
usulmanes. - III. Résistance de l'Ethiopie. - IV. Dans la nuit du ix siècle. - V. Révo
ion . Les Zagoué. - VI. Règne du Mar ou Teklé Haïmanot. - VII. De Wedem à
enouda. – VIII. Règne de Chenouda. - IX . Règne de Lalibela. — X . Abba Teklé
imanot. - Quatrième période : 1. Règne d'Ikouno Amlak . - - II. Expéditions contre les
as - HT. Yagba- Tsion et ses cinq fils. - IV. Règne de Wedem -Raad . - V . Règne
mde- Tsion . - VI. Guerres d'Amde-Tsion. - VII. La guerre en pays Adal. - VIII. Les
cesseurs d 'Amde- Tsion .
TOME II. Ginquième période : I. Regne de Zerea -Jacob . - II. Concile de Florence. -
Règne de Beedè et d'Eskander. - IV . Règne de Naod. - V . Règne de Lébne
aghel. - VI. Ambassade portugaise en Abyssinie. – VII. L 'Ambassade recue par
snė-Denghel. - VIII. Départ de l'Ambassade. - -- IX . L 'Abyssinie à la veille de l'inva
Sixième période : I. Campagnes de Gragne. - II. Recours à Rome et à Lisbonne.
Dernières années etmort de Lebnè Denghel. - IV . Règne de Claodios. - V . Querelles
eieuses. - VI. Arrivée des Jésuites en Ethiopie. --- VII. Règne de Minas. - VIII. Règne
Sertse -Denghel. - IX . Campagnes de Sertse-Denghel. -- X . Gouvernement de Sertse
hel. - XI. Regnes de Jacob et de Ze-Denghel. - XII. Règne de Socinios. - XIII.
byssinie Catholique. - XIV. Guerres civiles. - XV. Critique des appréciations de
ers écrivains. - Septième période : 1. Regne de Fasilides. - II. Regne de Johannes Jer
II. Regne de Yassou 1° - IV. Expéditions de Yassou 1" - V. Réformes et insti
ans. - VI. Politique intérieure et extérieure de Yassou 19 - VII. Regne de Tekle.
manot et de Thèwoufilos. - VIII. Règnes de Yostos et de Daouit III. IX . Règne de
affa . — X . Règne de Yassou II . - XI. Yoas 1" . L 'oligarchie . - XII. L'oligarchie (suite).
GIL L 'oligarchie (suite). - Huitième période: I. Fin de l'oligarchie. Cassa. II Guerres
Cassa . - III. Dernières années de Théodoros. - IV . Campagne anglaise . - V . Règne
Teklé-Chiorghis. - VI. L'empereur Yohannes IV . - VII, Politique intérieure et reli
ese du roi Jean .
TOME III, illustrations et cartes.
Bien des livres ont paru déjà touchant l'Abyssinio ; leur seule nomenclature forme un volume. La plupart
des récits de voyages, ou des études d'une époque ou d'un règne.
A part Morié (dont l'esprit critique laisse par trop à désirer), aucun auteur n 'a encore donné, jusqu'icime
care complète d'Abyssinie, depuis les âges les plus lointains juseu 'à époque contemporaine. Aucun, non
unir et souder, dans une même etude, les deux facteurs principaux et absolument inséparables de
$lument
l'histoire Ethiopienne : la politique et le religion. Et pourtant, sans ce dernier facteur, le premier est
incomplet, parfois même incompréhensible. Le Père J.-B . Coalbeaux, Missionnaire Lazariste et
rienr de la Mission d'Abyssinie , que l'on a pu, à bon droit, appeler le plus grand éthiopisant de notra
de, & consacré son existence entière à cette étude qui devint le passion de sa vie. Connaissant à fond les
Ipales langues du pays, les gens, los mours, les coutumes : ayant réussi à pénétrer tous les replis de l'ame
si anda, si fermée pourtant et si complexe, il a pu nous donner une cuvre absolument hors pair. Son
oires pleine d'sperçus nouveaux, de jugements fortement frappés, de détails inédits, passée au crible
critique rigoureuse à laquelle les manuscrits éthiopiens eux-mêmes n'ont pas échappé, révèle un Maitre
erle ex -professo d'un pays qu'il a fait sien , d'un sujet qu'il possède à fond et que personne ne passe
fa mais comme il l'a possédé. C 'est cet ouvrage que nous offrons au public. L'impatience avec lequel il
tendu, présage son succes.
TABLE
DES MATIERES CONTENUES DANS CE NUMÉRO .
Payon
Šakwā-1-jarib ani l-'awtān 'ila fulama -1-buldan de 'Ayn al-Qudāt al- Hamadani
(Mohammed ben Abd EL-JALIL ). . ..
Les Achéens d'Asie mineure et les problèmes de l'arrivée achéenne sur la Méditer
ranée au nº millénaire (Raymond Well ) . . . . . . . .
La préhistoire indo-iranienne des castes (Georges Dumézil ).. . .. .
Natures des sacrifices au pays de Sumer , d'après les textes sumériens antérieurs à la
dynastie d'Isin (Charles-F. JEAN ). ...
Documents araméens du xvi' siècle (Marcel Cohen ). .. .. .
Société asiatique : Procès-verbal de la séance du 8 novembre 1929. - Procès- verbal
de la séance du 13 décembre 1929. -- Nouvelles acquisitions de la bibliothèque . . . 15
Comptes rendus. ... . .
C . Boyer, Contribution à l'histoire juridique de la dynastie babylonienne; - D ' G . CONTENAU
Manuel d 'archéologie orientale (Charles- F . JEAN ). J . MILLAST VALLICROSA , Notes semi
tiques; - G . Hoc et G . HABACHI, Pour apprendre l'arabe (Georges COLIN ). - Ram Babu
SAKSENA, A history of Urdu literature; Suddhinha Nath BHATTACHARYTA, A history of
Mughal North -Eastern Frontier policy ; - Surendra Nath Sen, Military system of the Mara
thas; - Sarat Chandra Ror, Oraon religion and customs (Jules BLOCK ). - P. LEANDER,
Laut-und Formenlehre des Ägyptisch-Aramäischen (J.-B . FÉVRIER ). - W .-S. URQUAINT,
The Vedanta and modern thought ( P. Masson-OURSEL ).

Nota. Les personnes qui désirent devenir membres de la Société asiatique doivent adresser
leur demande au Secrétaire ou à un membre du conseil.
MM. les Membres de la Société s'adressent, pour l'acquittement de leur cotisation an
nuelle (60 francs par an pour les pays à change déprécié , 120 francs pour les pays à change
élevé) au Trésorier de la Société Asiatique, Musée Guimet, Place d'lena, 6 , Paris (xvi"),
pour les réclamations qu'ils auraient à faire , pour les renseignements et changements d'adresse,
au Secrétaire de la Société Asiatique, rue de Seine, 1, Paris (v1"), et pour l'achat des ouvrages
publiés par la Société aux prix fixés pour lesmembres , directementà la librairie Paul Genthner
rue Jacob , n° 13 ( v1%).
MM . les Membres reçoivent le Journal asiatique directement de la Société.
Pour les abonnements au Journal asiatique, s'adresser à la librairie Paul Geuthner,
libraire de la Société.
Abonnement annuel : go francs pour les pays à change déprécié. - Pays à change élevé,
150 francs.

IMPRIMERIE NATIONALE.
JOURNAL ASIATIQUE
RECUEIL TRIMESTRIEL
DE MÉMOIRES ET DE NOTICES
RELATIFS AUX ÉTUDES ORIENTALES
PUBLIÉ PAR LA SOCIÉTÉ ASIATIQUE

TOME CCXVI

Nº 2. — AVRIL -JUIN 1930

Tableau des jours de séance pour l'année 1930.


Les séances ont lieu le second vendredi du mois à 5 heures, au siège
de la Société, rue de Seine, n° 1.
avail . MAI. JOIN . JUILL.-A007.- SEPT.- OCT. soy . Déc .

Séance
14 | 14 | 11 générale
Vacances . 12

Bibliothèque.
La Bibliothèque de la Société, rue de Seine , nº 1, estouverte le vendredi,
de a hepres à 4 heures, et le samedi, de 2 heures à 6 heures.

PARIS
LIBRAIRIE ORIENTALISTE PAUL GEUTHNER
LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ ASIATIQUE

RUE JACOB , Nº 13 (viº)


t Les collaborateurs du Journal sont instamment priés d'adopter
la transcription précédemment indiquée (annexe du fascicule janvier
mars 1923) , qui, pour l'alphabet arabe, est la suivante :
‫ ء‬, ‫اب‬, ‫ات‬, ‫ ن‬, ‫ ج‬, ‫ ح‬, ‫ خ‬h , ‫ د‬d , ‫يذ‬, ‫ ر‬, ‫ ز‬: , ‫ س‬, ‫ ش‬,
‫ می‬, ‫فی‬ , ‫! ط‬, ‫ع ب ظ‬ ‫غ‬ ‫ف‬ ‫ ! ق‬, ‫ اك‬, ‫ ل‬, ‫ م‬, ‫ ن‬, ‫ لا‬,
, w , sy, 8 : état absolu a , otat constrail at.
| Toy elles et diphtongues : ‫ ب‬ba ; ‫ ب‬bi, be; ‫ ب‬bn ,bo; ‫ با‬b ; ‫قا في‬,
bē; gu bū , bõ ; 3 bay; baw .
JOURNAL ASIATIQUE.
AVRIL-JUIN 1930.

ŠAKWĀ-L-GARĪBANI L -AWTĀN
’ILĀ ‘ULAMA - L-BULDĀN
DE
DE

‘AYN AL-QUDĀT AL-HAMADĀNI


(+ 525 -1131),
ÉDITÉE ET TRADUITE , AVEC INTRODUCTION ET NOTES ,
PAR

MOHAMMED BEN ABD EL- JALIL .


(suite. )

TRADUCTION .

ÉPitre intitulée :
Plainte de l'exilé ( adressée aux
aux ‘ulamā des contrées ,
écrite, pendant son incarcération à Bagdad par . ..(1)
« N'est-il pas vrai, 8 Serviteurs de Dieu , que je ne peux,
) Caractères illisibles , représentant, vraisemblablement, le nom de l'au
leur,
Il convient de signaler que, dans cette traduction , les formules courantes
CCITI. 13
IMPRIMERIS NATIONALE .
194 AVRIL -JUIN 1930.
dans mes allées et venues, échapper au regard d'un surveil
lant?(1),
Voici un petit opuscule qu'adresse aux ‘ulamā honorés et
aux hommes debien célèbres — que Dieu donne à leur ombre
de couvrir perpétuellement les horizons , et puissent les con
trées de la terre demeurer fortement éclairées par leur lu
mière ! — un homme éloigné de sa patrie , frappé par les
malheurs du sort et les persécutions. Son @ il a pour com
pagne assidue l'insomnie ; l'agitation ne quitte jamais sa
couche; ses larmes sont continuelles et ses soupirs mêlés de
gémissements ; son cæur est dans l'étau de l'angoisse qui
l'étreint de plus en plus; son âme est sillonnée par les éclairs
de l'affliction dont les accès violents meurtrissent son cœur
incapable de les supporter. Et ce cœur, consumé par le
feu de la séparation , brûle du désir de voir les amis et les
frères. La flamme redouble d 'intensité dans les entrailles et
avive de jour en jour les effets de son ardeur. Ayant, pour
amies fidèles, les étoiles, il se confie à elles avec des flots de
larmes :
reHélas ! prison , liens, désirs ardents, solitude, éloigne
ment des amis ! Oh ! que cela est accablant ! (2) ,

Et dans cet état, il n 'a point d 'ami à qui il confierait les


peines de son cæur, et auprès de qui il trouverait quelque
dont on fait suivre habituellement les noms des prophètes, des grands per
sonnages et des morts n 'ont pas été traduites. Le mot Prophète a été adopté,
presque uniformément pour rendre les diverses expressions dont on se sert
pour désigner Muhammad . Demême le mot Qoran remplace la grande va
riété de noms que la piété musulmane donne à ce livre.
(1) Ce vers semble être une allusion préliminaire à la malveillance des
adversaires de ‘Ayn al-Qudāt et au laxisme de leur conscience malgré le
Qoran , 1, 17. Mètre : țawil.
(3) Cité in T, K ., IV, 237 ; ce vers doit être de 'Ayn al-Qudāt; mètre : ļawil.
LA SAKWA. 195
soulagement des souffrances que la main même des siens
lui inflige. Il n'a point de frères à qui il se plaindrait des
revers du sort et sur qui il s'appuierait pour supporter le mal
heur accablant.
Il lui faut veiller la nuit longue, et passer le temps, le
jour, en répétant ce vers :
ce Je tourne mon regard de tout côté , et je ne vois aucune
personne amie , alors qu'il y a , dans la maison , grand nombre
de ceux que je n'aime pas(1).»
Et lorsque l'angoisse du cæur l'étreint plus fortement, il
adoucit sa peine par ces vers :
« La durée de l'éloignement m 'a conduit dans une terre
d'exil, où , lorsque je le veux, je rencontre mon dissem
blable .
pe Je rivalise de folie avec lui au point de porter les gens à
dire que ma folie est naturelle . Mais s'il avait quelque peu
de raison , je me serais montré raisonnable avec lui(2).,
Et lorsqu'il se rappelle les fleurs d'Arwand(s), et Hamadān ,
(1) Mètre : țawil.
(2) Ces vers , du mètre țawil, sont cités dans la Risāla d’Al-Jāḥiż intitulée :
Al-Hanin ‘ila-l ’awțān , Le Caire , 1333, p. 29, avec un troisième vers.
(3) Pour Arwand , cf. Yögūt , I , 252-256. Nom d'une montagne qui sur
plombe Hamadán. Les habitants de cette ville en parlent souvent, l'aiment et
la mentionnent dans leurs vers. Il s'y trouve une eau thérapeutique qui sert
de terre à une époque déterminée de l'année et qui serait plus ou moins
abondante , proportionnellement au nombre des pèlerins. C 'est une source
venant du Paradis , lit-on in Bibliotheca geographorum (de Goeje ), V , 290.
Cette montagne, ajoute Yāqūt, est mentionnée par 'Abdallah al Mayaniji
( i. e. 'Aq ) dans une Risäla (i. e. Šakwā) écrite par lui aux habitants de Ha
madan pendant qu 'il était en prison . . . Cf. BARBIER DE Meynard , Diction
naire . . . de la Perse ( Paris , 1861) , p . 27 -28 . — Le mot « fleurs , de la tra
duction est représenté dans le texte arabe par ‘arār et ḥawdān. Pour le
premier, cf. Kitāb annabāt wa s-šajar d 'Al-'Aşma'i ( éd . Haffner ), p. 27 et
n . 7 . Pour le deuxième, cf. ibid ., p. 15 et n . 7 et Lisān . XVI, 264 . Belot tra
duit par epénuphar» .
13 ,
196 AVRIL - JUIN 1930.
où les femmes aux anneaux d'argent l'ont allaité, ses larmes
coulent, sa poitrine se fend et ses entrailles sont tordues par
la douleur, et il récite , pour exprimer l'ardent désir qu'il res
sent, ces vers :
ceOh ! est-ce possible que l'æil revoie une fois les sommets
d 'Arwand, près de Hamadān !
ce Pays où mes amulettes me furent suspendues et où je fus
allaité par des femmes pures .(1) ,
Le souvenir de ses frères lui met continuellement sur la
langue ces vers d'Ibn at- Tatriya (2):
Que le vent nous apporte leurs paroles et leur reportent
nos réponses.
e Missives qui nous rendentmalades , recettes qui pansent
notre mal et notre amour éperdu » .

Puis il clame ce vers de Habīb (3) avec la voix gémissante


de sa tristesse et de son désir :
« Les visages des joies ne se sont point tournés vers nous ,
sans voile , depuis que nous ont montré leur dos, s'en al
lant, nos premiers jours. . .
Il est tout naturel que la patience soit vaincue et que la
poitrine ne puisse plus contenir son secret. L'homme mal
(1) Cités in Yaqut, I, 225 et attribués à ‘Aq avec une variante. Le premier
hémistiche du dernier vers est attribué à un autre poète ailleurs : Yaqūt , II ,
350-251. Mètre : ļawil.
(2) Ibn al-Tatriya [Yazid b . Al-Muntašir, surnommé abū Riyāš), est un
poète connu . Cf. Aġ , V , 38 ; VII , 110-124 ; XI, 153 ; XV, 166 ; Hizānat al
'Abdab , II, 48 et IV , 34, 117 et 315 (Indices de Guidi), At-Tatriya est sa
mère, dit Al-Hamāsa (Freytag), p. 588 ; elle appartenait à une branche de
Qudā'a appelée Tatr. Mètre : kāmil.
(3) Habib , c'est Abū-Tammām at-Tä’i ( + 231), cité encore infra , 385, 8 .
Son Diwān a été publié à Beyrouth par Muhammad Jamāl; notre vers s'y
trouve à la page 226.Mètre : Basit.
LA SAKWĀ. 197
heureux, lorsque ses soupirs s'élèvent, laisse ses larmes livrer
tous ses secrets. L 'homme ne peut rien contre ce qui dépasse
ses forces.
Combien parle justement celui qui a dit ces vers et exposé
cet état :
« J'ai masqué mon amour, le jour de la séparation , mais
il soulevait ma poitrine par de violents soupirs qu'il était
impossible de tenir secrets.
« Soupirs qui faisaient presque éclater le sein , lorsque l'un
deux s'y coulait pour s'exprimer (1). »
L 'homme digne de pitié est celui qui est assailli par les
malheurs et qui ne trouve aucun consolateur, comme le dit
Baššār (2) dans ces vers :
* J'ai déversé dans le cæur de ‘Amr un peu de ce qui rem
plit ma poitrine, et je lui ai fait boire un peu de la boisson
amère que j'avale.
« Il est bien nécessaire de se plaindre à une âme discrète,
lorsque les secrets du caur se mettent à bouillonner. ”
Peut-il trouver le chemin difficile celui qui le partage avec
un compagnon ? Et peut-il se plaindre d'habiter au loin ,
celui qui a eu la chance de trouver un voisin qui lui con
vient.
Pensez aux vers que Dū-l-Qurūḥ a dils au moment de son
agonie (3) :
Ô ma voisine! ma visite est proche, et je séjournerai
tant que durera 'Asīb .

(1) Mètre : țawil.


(2) Il existe un petit Diwān de Baššar publié par Ahmad al- Qarani au
Caire. Ces vers ne s'y trouvent pas , ni dans Aġ. Mètre : țawil.
(3) Sous Dū-l-Qurūḥ le copiste a écrit , au bas de la page, 'Imru ' al-Qays.
Ces vers sont dans AALWARDT, Diwans , p . 196 et aussi dans l'appendice ,
198 AVRIL -JUIN 1930 .
Ô ma voisine ! nous sommes deux exilés , en ce lieu , et
1
US

l'exilé n 'est-il pas le parentde tout autre exilé.


Si tu acceptes mon amitié , l'affection sera mutuelle ,mais
si tu me laisses solitaire, l'exilé demeurera exilén .

Les vers d'Ibn Hujr m 'ont rappelé ceux de Țahmān b .


‘Amr/1) :
Oh que je l'aime, je le jure ! si vous le saviez ! votre om
bré, ô les deuxmontagnes !
e Et votre eau tellement douce que si je la buvais, pendant
un accès de fièvre , elle m 'en guérirait. .
pe Car le ‘absī et moi, nous sommes dans la terre de Mad
hij , deux exilés , éloignés de leurs foyers, en compagnie l'un
de l'autre(2).
. ice Deux exilés , objets de mépris et de dureté, notre plus
grand souci est de pousser nos montures, partout [où nous
nous trouvons
ceMais ceux qui verraient nos soirées et nos lieux de cam
pement, sauraient que tous les deux nous sommes des
lions.
< Baisser les yeux n 'est pas chez nous, un mouvement
naturel ; mais nous sommes, dans Hadḥij, deux exilés.»
Je me représente la caravane 'irāquienne arrivant à Hama

p . 99, 1. 6. Cf. aussi Aġ , VIII , 73 ; Ibn Qutayba, Si'r (de Goeje ), p . 67 ( les
deux premiers vers seulement). Ces vers sont souvent cités.Mètre : ļawil.
(1) Quelques-uns des vers de Țahmān b . 'Amr ont été publiés par Wright
sous le titre de Diwān de Ț. b. ‘A. in Opuscula arabica (1859 ) avec le com
mentaire d’Al-Hasan b. Al-Husayn as-Sukkari. Ce Diwān a été traduit par
Recher in Orientalische Miszellen , Constantinople , 1925 , p. 178 et suiv.
Mètre ; țawil.
(2) Ce vers, comme le dernier de cette pièce , sont in Lisān , II, 132, à pro
pos de ġarib = ġurub. Il y a une variante pour le troisième vers. Țahmān b.
'Amr est dit être Kilābi.
LA ŠAKWĀ. 199
dân ; elle campe sur les déclivités de Mawašān (1); les bau
teurs et les vallées sont verdoyantes et revêtues d 'une robe
printanière que lui envient toutes les contrées. Elle dégage
commeuneodeurdemusc , le parfum de ses fleurs; et abrite dans
le lit de ses rivières , une eau claire et limpide. Les voyageurs
descendent dans des jardins élégants , à l'ombre d'arbres au
feuillage abondant. Ils se mettent à répéter le chant de ce
vers, imitant le roucoulement des colombes et le chant du
rossignol(2) : :
Que la pluie t'arrose , ô terre de Hamadan , que l'eau te
féconde, ô vallée de Māwašān !
Puis les amis les approchent, et, jeunes et vieux , les as
saillent de questions à notre sujet. « Les cæurs montent jus
qu'aux gosiers 7 (3), et les flots de larmes envahissent les yeux.
Ils disent( ) :
« Les femmes de chez nous demandent : « Où est le fils de
(1) Cf. Māwasan in Yaqūt, IV , 403. Cette partie de la Sakwā y est citée
jusqu'au vers (mètre : kāmil) inclus, avec quelques variantes. Cf. BARBIER DE
Mernard, Dictionnaire... de la Perse , p. 519-511, où il y a quelques fautes
d'imprimerie ou de copie.
193 Al-Ku'ayt , pl. al-Kitân ; cf. Hayāt al-ḥayawān d'ad -Damiri, II, 377.
(3) Qoran , XXXIII , 10.
( Ces vers du mètre ļawil sont de 'Aq. Ils sont dans Yaqūt, I, 225 , avec
une petite variante pour le dernier vers. Dans Mägūt, les gens de Hamadan
sont loin d'être présentés sous un jour si delicat. Au contraire, ils sont, dit
il, eles hommes les plus farouches et les plus brutaux de caractèren ('ajjā n
nāsi wa 'ağlażuhum ļab'an ). Cela est d'ailleurs dû à un ļalsam qui se trouve
sur la montagne d'Arwand (IV , 988 ). Et ce n 'est pas l'unique talsam ; il y en
a d'autres , en particulier un contre le froid ( un lion en pierre sur la porte
de la ville ); un pour les guerres , ce qui fait que cette région est toujours
infestée de guerres. . . Un croit encore aujourd 'hui que si l'on ne peut pas
faire l'ascension du Demawand , près de Téhéran , c'est parce qu'il y a un
ļalsam .
Cf. aussi sur les habitants de Hamadan , Bibliotheca geographorum , III ,
393-393 et V, 209-211.
C'est un genre qui a eu grande fortune dans la littérature arabe depuis le
200 AVRIL -JUIN 1930 .
re notre seur ? Oh ! donnez - nous de ses nouvelles , que le
e salut soit sur yous, ô gens de cette caravane !
Que la protection de Dieu le couvre ! Votre pays contient
cil un hommede noble caractère , fidèle aux promesses des gens
e distingués. .
re Cạr celui que vous avez laissé derrière vous , dans votre
re ville , est un enfantdont l'éloignement a rempli nos entrailles
cede feu .
« Est-ce que votre Bagdad lui fait oublier la terre d'Arwand ?
c Malheur à qui échangerait Arwand contre Bagdad !
< Oh ! que mon âme leur soit rançon ! Si elles savaient ce
ce que moi j'endure, chaque poitrine ferait éclater son collier à
re force de soupirs !»
Comment oublierai-je mes frères et n 'aimerai-je pas tendre
ment ma patrie ? Le Prophète n 'a-t-il pas dit : « L 'amour de la
ce patrie est de foi» ? Personne n 'ignore que l'amourde la patric
est pétri dans la nature humaine(1).
eJ'aime le plus parmiles créatures de Dieu , celles qui se
trouvent entre Man‘aj et Harrat Laylā ; que les nuages s'y
déversent!
ce Terre où m 'accueillirent les sages-femmes; et premier sol
dont mon corps ait touché la poussière(2), ,
Lorsque ’Uşayl al-Huzā'i, venantde la Mekke, arriva auprès
du Prophète , celui-ci luidit : « Fais-nous une description de

þauit jusqu'à la littérature populaire que celui des mérites respectifs des
villes et contrées et les appréciations contradictoires que celles-ci suggèrent.
(1) Cette expression est attribuée à « un certain philosophe, par al-ħanin
'ila-l’awtan d 'Al-Jāḥiż, p. 7. C'est un cliché que l'on retrouve par exemple
dans les éditions du Kašf al-Mahjūb de Joukovsky, p . 262, l. 18.
(2) Vers très souvent cités et avec de nombreuses variantes. Cf. Kāmil
(Wright), p . 106 et 676 ; Yaqūl, IV, 666 ; al-ħanin d'al-Jāḥiż , p . 11-22 ,
où ces vers sont attribués Hammad b. Ishāq al-Mawşili. Mètre : fawil.
Pour Harrat-Laylā , cf. Yaqūt, II, 250.
LA ŠAKWA. 201
la Mekken. 'Uşaył s'exécuta ; lorsqu'il dit ces paroles : « Les
branches du salam (1) y sont tordues, et le ’rdhir(2) a des feuilles
naissantes » , le Prophète s'écria : 0) ’Uşayı , laisse le cour
reprendre sa paix !»
Le Prophète entendit Bilal réciter ces vers :
Oh! Cela me sera-t-il donné de passer la nuit dans une
vallée entourée d 'idhir et de jalil ?
« Boirai-je un jour de l'eau de Mijanna, et verrai-je appa
raitre Šāma et Tafil(3) ?,
Le Prophète lui dit : « Tu m 'attendris, ô fils de la né
gresse ? »
Si donc des hommes tels que le Prophète pensent avec émo
tion à leur patrie, et rendent manifestes les sentiments que
renfermentleurs cæurs et l'amour qu'ils recèlent, à plus forte
raison, moi , avec ma faiblesse ( je peux exprimer mes senti
(1) Arbre dont l'écorce sert à tanner.
(3) 'Idhir, sorte de jonc , est la seule plante que le Prophète ait permis de
couper dans le Haram ; elle était utilisée pour les terrasses et les tombeaux.
Cf. Buhārī, III (Kitāb al-buyā ); al-Waqidi, 338; Lisān , V, 389 ; Kitāb an
nabāt va-t-šajar d 'al-Așma'i (Haffner ), p . 22. — L'anecdote de 'Uşayl et du
Prophète est rapportée avec variante et d 'unemanière fragmentaire in Lisān ,
V, 390 , et XII , 109.
( ) Les vers de Bilāl sont cités dans Yaqut, à plusieurs reprises et avec des
variantes (III, 244 , 854 ( le premier vers]; IV , 421-422; 618 ). Cf. Luma',
275 ; Thyā, 11, 372 ; Lisān , XVI, 286 ; Kitāb an -nabāt wa-š-šajar (Haffner) ,
p. 29- 30 . Mètre : țawil.
Jalil est une plante , d'après ce dernier.
Il existe un dū-l-jalil près de la Mekke ( Yāgūt, II , 111). L 'exclamation
touchante du Prophète est rapportée in Yāqūt, III, 854 ; Lisān ( supra ).
Mijanna est un des süqs célèbres de l'Arabie antéislamiquc comme dū-l
majáz ,'Ukāz; cf. Yaqūl, IV , 121.
Le premier hémistiche , banal, devait s'emprunter facilement. On le trouve
ailleurs , cf. Yaqūt , II, 250.
Les hadits font rivaliser le Prophète d'amour pour la Mekke et pour
Médine, mais il semble avoir gardé beaucoup de son cæur pour la Mekke ,
cf. Yaqūt (pour la Mekke) , III , 244; IV, 460-461; 618 et619, etc.
202 AVRIL-JUIN 1930 .
ments), éprouvé que je suis par l'exil,la violence de l'afflic
tion , le malheur de la prison et une tristesse perpétuelle.
Si mon cœur était de fer, le fer fondrait malgré sa soli
dité.
Et si un corbeau endurait mes souffrances et avait des
soucis tels que les miens, le corbeau blanchirait comme un
vieillard (1). ,

Les chagrins m 'assaillent de tous les côtés et se sont tournés


vers moi, choisissant, pour demeure , mes entrailles et ne
livrantpassage à aucune consolation. J'en suis venu à voir mon
ennemi et à le prendre pour un ami; car les vicissitudes du
sort m 'accablent au delà de mes forces. Si cela avait alteint les
montagnes , les montagnes se seraient fendues; ou frappé les
pierres résistantes , les pierres se seraient rompues.
Si ce que je supporte , s'abattait sur les pierres , il les
aurait émiettées ; ou s'emparait du vent, il en aurait étouffé le
souffle (2).,

Oui, mais ce genre de littérature , bien que très attrayant


pour la nature humaine et très doux aux oreilles , je lui ai fait
mes adieux et l'ai délaissé depuis que j'ai atteint l'âge de pu
berté. Je me suis alors adonné à l'étude des sciences religieuses

(1) Ces deux vers sont du même mètre (wāfir ) mais non sans doute des
mêmes poète ou poème. Le corbeau qui blanchit est un cliché courant; cf. par
exemple Şubh alašā , Caire, 1903 , t. I, p . 398. Le Qoran parle des enfants
et non des animaux : LXXIII , 17.
(2) Mètre : țawil. On peut rapprocher cette première partie de la Sakwa
d 'un écrit d’Al-Jāhiż , que 'Aq a pu connaitre , al-ḥanin 'ilā-l’awtān, qui a été
amplement utilisé par l'auteur du pseudo- Jāņiż : al-maḥāsin wa-t 'addad
(Caire , 1324 , p. 77 et suiv.). L'écrit d'Al-Jāḥiż , à l'inverse de celui de ‘Aq ,
est un recueil de vers , d'adages et d'anecdotes se rapportant à ce sujet et
non pas la description d'un état personnel.
LA ŠAKWA. 203
et mis à l'école des şūfis ; et c'est très mal pour un şüfide se
détourner d'une chose , puis d'y revenir et d'y appliquer de
nouveau tout son cour.
Maniſestement, l'homme qui a approfondi les sciences et a
pénétré leur secret intime, ne se met pas à reparler d'reabījād ,
pour donner satisfaction à de sottes gens. Mais il est clair
aussi, aux yeux de tout homme intelligent que le naturel est
opiniâtrement rétiſ; qui cherche à le vaincre est lui-même
vaincu par lui. Et quand donc a -t-on vu ce quia été l'objet du
dédain , devenir l'objet du désir ?
Un bédouin a bien traduit son état d'esprit à ce sujet dans
les vers qui suivent. Son cœur s'était tourné [de nouveau avec
passion vers la vie bédouine. Les citadins, les habitants des
maisons de boue, lui conseillaientd 'apprendre l'écriture, pen
dant qu'il soupirait à la pensée de la vie bédouine , jusqu'à ce
qu'il pût la reprendre. Voilà ce qu'il dit alors, parlant de
son ignorance invincible (1) :
« Je suis venu trouver des Muhājirūn ; ils me montrèrent
trois lignes successives ;
C 'est le livre de Dieu , écrit sur du parchemin immaculé ;
versels clairs de la révélation.
Ils m 'ont tracé un « abājād , et m 'ont dit : « Apprends
Safaş et des qurayšiyāt(2)9 .

(" On croit que ce bédouin vivait au temps de'Umar ,ce qui prouverait que
l'abajad était connu dès cette époque. Cf. l'Histoire de la littérature arabe (en .
arabe ) des Frères des Écoles chrétiennes (Alexandrie ), p. 25-26. — Cf. aussi
Adab al-kultāb d 'Aş-Şūlī (Bagdad , 1341), p . 3o et n . 3 ( les vers y sont),
renvoyant à Täj al - 'Arūs et à Şubḥ al - 'Ašā . Pour ce dernier , cf. t. III,
p. 93 (éd. du Caire , 1331/1913). On y trouve le premier et le troisième
vers.Mètre : wāfir .
C'est le cinquième groupe de l'abajad oriental. Cf. Şubḥ , III, 22, pour
la façon occidentale ('ahl al-ġarb) de disposer ces lettres. -- Qurayšiyāt <
qurayš (des singularités de la tribu de Qurayš).
204 AVRIL -JUIN 1930 .
re Qu'ai-je à faire avec l'écriture et la lecture épelée ? et que
m
m 'importe la partdes garçons et des filles ?(1),
Je reviens donc à l'objet que je m 'étais proposé : faire con
naître aux gens du film — que leurs sources délicieuses de
meurent les fontaines de ceux qui veulent se désaltérer ! et que
leurs larges ailes soient le refuge sûr de ceux qui cherchentun
campement! — [leur faire connaître ] exactement mon cas et
nettement ma situation et l'épreuve dont le sort m 'a affligé et
que je n 'aurais jamais pu imaginer.
Je leur demande de me prêter leurs oreilles afin que jy
fasse résonner les mélopées d'un cæur ensanglanté , leur réci
tant ce vers d 'abū -Tammām at- Tā’i(2) :
ce O nos grands [hommes), penchez-vous sur nous, car nous
avons une soif terrible , et vous êtes des fontaines» .
Que Dieu protège celui qui tendra son oreille vers moi afin
que je lui confie les crimes dont le sort s'est rendu coupable à
mon égard !
Un groupe de ‘ulamā de notre époque — que Dieu les se
conde parfaitement, leur facilite la voie d'accès aux biens des
deux vies, ôte la hainede leur cæur et leur accorde le triomphe
de la droiture dans toutes leurs actions(3) — m 'ont reproché
certaines propositions contenues dans une Risāla que j'ai écrite ,
il y a vingt ans. Je voulais , en la composant, expliquer des
états que les şūſis s'attribuent et dont la connaissance nécessite
l'existence d 'un stade ce superrationnel » .
Les philosophes ignorent ces états. Car ils demeurent pri
sonniers du défilé étroit qu'habite la raison. Le prophète ,

(1) Allusion à Qoran , iv, 11.


(9) Cf. supra , p. 196 , note 3 ; Diwān , 259 , pour notre vers. Mètre :
ļawil.
(3) Expressions qoraniques : v11, 41; XV, 47 et xvii, g.
LA ŠAKWĀ. 205

pour eux(1), est un homme qui possède le maximum de la puis


sance de la raison(2); etcela n'a rien de la foi au ceprophétisme,
( nubuwa).
Le véritable e prophétisme, consiste en perfections(3) que
l'on oblient dans un stade au delà de celui de la sainleté (wi
lāya ), lequel est« superrationnel».
Pour nous ,le stade de la sainteté (wilāya) est celui où le
saint (wali) peut avoir la révélation de vérités qui ne peuvent
être alteintes par la raison ou découvertes par l'usage de cette
faculté.
Ainsi en est-il pour Abū -Bakr aş-Şiddiq ; il eut la révélation ,
pendant la maladie de sa mort , que sa femme mettrait au
monde une fille , car il dit à ‘A ’iša : « Ce sont tes deux sæurs » ,
bien qu'elle n 'en eût alors qu'une : ’Asmā(“). On sut ainsi que . .
cela lui fut révélé.

(1) Cf. Aš-ŠAHRASTĂNÍ. Milal (Cureton ), II, 391 et suiv.; principalement :


394.
(2) Le mot ‘aql est difficile à traduire ; c'est suivant les cas, intelligence ou
raison . C 'est le mot qui désigne l'intellect dans la philosophie arabe. Cf.
dans Hallāj , 518 , n. 2 , le parti que des mystiques musulmans ont tiré
d 'une théorie médicale des deux tajwif du ceur et le sens que l'on y donne
au mot 'agl.
(3) Cf. infra , 41 vº 8. Cf. Risāla , p . 128. In Mungid , Al-Gazālimet le țawr
an-nubuwa au -dessus de celui du ‘aql mais ne parle pas du stade intermédiaire ,
celui de la wilaya, ni de la prééminence de la nubuwa par rapport à celle-ci. Le
sujet dont parlait al-Gazāli n 'appelait pas cette précision ; cf. Mungid , p. 24
25. Cf. aussi Miškāt, p . 39 et suiv.Mais dans Ar-Rīsāla al-laduniya du même
auteur, celui-ci parle de film al ’anbiyā et de film al-'awliyā et établit une dis
tinction entre les deux, p . 33 et suiv., et particulièrement p. 28 et suiv . —
Cette Risāla emprunte son titre au Qoran xvii, 64 : wa 'allamnāhu min
ladunnā filman . L'expression 'ilm laduni est célèbre en mystique musulmane.
Al-Gazāli en parle dans cette Risāla , p . 28 et suiv. Il est question de ce film
dans la Sakwa ( 35 rº 13; trad ., p. 221) à propos de ‘Ali. J'ai pensé un
moment écrire le nūn avec un šadda et donc al-ladunni pour insister sur
l'étymologie du mot (dans le Qoran : ladunna ). C 'est peut-être un peu
forcé.
(6) Cf. Luma', p. 123.
206 AVRIL -JUIN 1930.
Dans cette même maladie , on lui dit : « Ne veux -tu pas que
nous fassions venir un médecin ? — J'ai, répondit-il , auprès
de moi , le médecin des médecins qui m 'a dit (1) : « Je suis celui
« qui fait ce qu'Il veut(2) , . On comprit que sa mort prochaine
lui avait été annoncée .
Demême, 'Umar s'écria du haut de la chaire où il faisait
un discours : re 0 Sāriya , la montagne!» , Sāriya commandait
alors les troupes du Calife à Nehavend (3). Le fait que 'Umar
vit la situation de Sāriya et de ses hommes alors qu'ils étaient
à Nehavend et le fait que sa voix parvint (malgré la distance
aux oreilles de Sāriya , le fait aussi qu'Abu-Bakr sut que sa
femmemettra au monde une fille et qu 'il mourra de la mala
die qui le tenait alors, voilà des traits sublimes et des faits
remarquables dont on ne saurait concevoir l'appréhension par
l'usage de la raison , mais bien plutôt grâce à une lumière di
vine e superrationnelle » .
On rapporte aussi (4) qu’un şahābi entra chez 'Utmān , après
avoir regardé une femme sur son chemin . 'Utmän lui dit :
Qu'avez -vous,ô gens, que l'un de vous pénètre auprès de moi
ayant dans les yeux des indices d'adultère ? , L 'autre lui dit :
« Quoi ! y a-t-il encore des révélations après la mort du Pro
phète ? — Non , répondit 'Utmān ; mais c'est une perspicacité
et une manifeslation , une intuition juste. Ne connais-tu pas la
parole de Prophète : « Redoutez l'intuition du croyant, car il
re voit par la lumière de Dieu (5) ?»

(1) Qoran , x1, 109, et lxxxv, 16 .


(9) Cf. Qut, il 23 , et Ihyā , IV, 499.
(3) Cf. Luma', p . 125 et 321; 'Usd al-ġāba (Caire , 1986 ) , t. IV , p .65 ;
l'aqüt ( iv , 827 et suiv.) ne parle pas de Sāriya . La ville fut prise en 19-20
( H .). L'armée était commandée par an -Nu'mān al-Muzani puis après sa mort,
par Hudayfa b . al- Yaman .
(d) Cf. Rasāla , p . 118. Le sahābi v est nommé : ce serait ' Anas b . Mālik .
15) Hadit cité in Luma', 123 et 226 ; Qūt, 1, 120 ; Risala , ub; Nihaya
( Ibn al-'Atīr, Caire 1311) , t. III, p . 191, 1, 3 ab fine; Kalabādi , fol. 9 vº.
LA ŠAKWA. 207

Ali (1) sortit de sa maison , au début du jour où il devait


périr, en récitant et répétant ces vers :
eCeins-toi fermement pour la mort , car la mort vient à ta
rencontre.
« Et ne crains point la mort, lorsqu'elle pénètre dans ton
domaine(2) ,

Lorsque Harim b. Hayyān (3) arriva à Kūfa , en visite pieuse


auprès de 'Uways al-Qarani — et il était parti de la Mekke
exprès pour cela — il le chercha longtemps et finit par le ren
contrer. Lorsque Harim lui eut dit la formule de salut, 'Uways
répondit : « Et sur toi soit le salut, ô Harim b . Hayvān ». Ce
lui- ci de s'écrier : - Comment as-tu pu savoir mon nom et celui
de mon père, et c'est la première fois que je te vois et que tu

(1) Le nom de 'Ali, quand il est cité seul, est toujours suivi de la formule
alayhi-8-salām , dans la Sakwā ; et parfois , ailleurs (Maktūbāt, 180 v°, 218 vº) ,
ce qui est plus grave, de cette autre formule : 'alayhi-s-salātu wa-8-salām .
Quand son nom est cité avec celui des autres Şaḥāba , c'est simplement le
ridā que l'on demande pour lui comme pour eux. Par contre , on oublie , par
fois , dans la Šakwā de joindre au nom d'un compagnon même éminent, la
pieuse prière habituelle (exemple 31 rº 11: 47rº 12). Le nom de 'Alī, lui, est
toujours entouré d'une grande considération : influence šī’ite sans doute ,
sensible aussi dans d'autres ouvrages ; dans Aġ par exemple où l'on trouve
non seulement le nom de ‘Ali, mais encore celui de ses descendants accouplés
avec la formule 'alayhi as-salām , théoriquement réservée aux prophètes et
aux archanges (cf. Aġ , 1, 11 et 13).
(9) Cf. Ihyā , iv, 503; 'Usd , iv, 35. Dans cedernier, les circonstances ne sont
pas celles que rapporte la Šakwā. Mètre : hazaj.
(3) Harim est cité in Luma', 322, comme objet de Karāmāt ( auteur de
miracles ). Son anecdote avec 'Uways est rapportée dans Kašſ , 84-85 (voir
l'édition de Joukowsky , p . 335 ) , dans Kalābūdi, 283 v°. Elle est aussi dans
le livre d ’Al-Hasan an-Nisābūrī (+ 406 ) , intitulé ‘Uqalā’-l-majānin (cles Fous
sensés » ), Caire , 1924 , p. 45-46. A propos de sa folie , sur laquelle on avait
insisté devant 'Umar , on rapporte un ḥadit, d'après le calife qui s'était atten
dri jusqu'aux larmes en le disant; c'est celui-ci : « Par Dieu , grâce à l'inter
cession (de 'Uways), il entrera au Paradis autant de gens qu'il y a de Rabi'a
et de Mudarn. (Maktūbāt , fol. 174 v9).
208 AVRIL -JUIN 1930.

me vois. — Je l'ai appris, répondit’Uways, de Celui qui sait


tout et qui est informé de tout(1). Mon esprit a reconnu le tien ,
lorsquemon âme a parlé à la tienne; car les esprits ont une
âme comme les corps en ont une; et les croyants se recon
naissent les uns les autres (2). ,
Ce que je veux montrer par ces citations, c'est qu'il s'agit
de choses que l'on ne peut atteindre par les moyens de la rai
son .
Les‘ulamă de notre époque ontblâméma pensée , parce qu'ils
croyaient que le fait d'admettre un stade e superrationnel,
ſerme, pour le commun des hommes, la voie d 'accès à la
croyance au e prophétisme» , puisque c'est la raison qui prouve
la véracité des Prophètes.
Mais ce que j'ai voulu dire ce n'est pas que la foi au pro
phétisme» nécessite l'existence d'un stade e superrationnel » ,
mais que la nature même du « prophétisme» se traduit par un
stade qui se trouve au delà de celui de la sainteté qui est lui
· même e superrationnel» , comme j'y ai déjà fait allusion . Autre
est la nature d'une chose , autre le moyen dont on se sert pour
la connaître (3). Il est possible à un esprit raisonnable d 'arriver
à croire par le moyen de la raison, l'existence d'une chose dont
il n 'a pas lui-même l'expérience. Ainsi en est-il du goût poé
tique; on peut en être privé, mais reconnaître l'existence d'un
(1) Qoran , lxvi, 3.
(2) Kalābādi , 284 vº, ajoute : cet que s'aiment par (ou en) l'esprit de
Dieu . .. Aq connaît cette expression , qu'il tait ici ; il la cite ailleurs sous
forme d 'un autre ḥadit : Je sais, dit le Prophète , de science sûre qu'il y a
des gens dont le rang est semblable au mien auprès de Dieu et qui ne sont
ni prophètes, nimartyrs. Ceux-ci les envient pour le degré dont ils ontreçu
le privilège auprès de Dicu . Ce sont ceux qui s'aiment par ( ou en ) l'Esprit de
Dieur. La traduction persane donne az bahri-z-Hodā, ce qui n 'est pas tout à
fait le mot à mot. (Zubdat al- Haqā'iq , A . f. persan 36 , fol. 13 r"). Les
paroles de 'Uways citées dans le Sakwā font allusion à un ḥadit bien connu :
Kašf, 261 (de l'éd. de Joukowsky, à la page 335 ); Qüt, 1, 235 .
(3) L'exemple suivant se trouve aussi in Miškāt , 41.
LA ŠAKWĀ. 209
quelque chose chez autrui bien qu'on ne puisse pas se rendre
compte de sa nature,
D'ailleurs les propositions que l'on m 'a reprochées se
trouvent toutes cependant, telles quelles ou en substance ,
dans les æuvres de l'Imām , Hujjat al-'Islām , Abū Hamid al
Gazālī(1).
C 'est le cas des expressions suivantes : « Le créateur de
l'univers est la source de l'être et son principen ; « Il est le
tout» ; « Il est l'être réel ; « Ce qui n 'est pas Lui, est en soi,
vain , périssable , éphémère, néant; et s'il existe c'est parce que
la Puissance éternelle soutient son être ."
Toutes ces propositions se trouvent à plusieursreprises dans
e Ihya ‘ulüm addin » , « Miškāt al-anwār wa misfāt al-asrār , et
dans Al-mungid min ad-dalāl wa-l-mufsih 'anz-t'aḥwāl» , tous les
trois écrits par al-Gazāli.
Notre proposition : « Dieu est la source de l'être et son prin
cipen , équivaut à dire qu 'Il est le créateur de toutes choses.
L'interpréter autrement, c'est se tromper soi , et l'erreur n 'est
pas imputable à l'auteur.
En face de paroles équivoques, c'est à leur auteur qu'il faut
s'adresser pour en avoir le sens précis et non à son adversaire
de mauvaise foi. L 'homme est caché sous sa propre langue(2) et
non sous celle de son adversaire .
(1) Le z est surmonté d'un šadda ( 31 vº 18 , et 32 rº 4 ). On ne se met
pas d 'accord sur la prononciation de ce grand nom . Le mondemusulman et
une bonne partie des orientalistes prononcent encore avec le tašdid . La thèse
adverse s'appuie sur un texte d'As-Sam 'ānī (Ansāb, s. v°) qui fait remonter le
nom d 'Al-Gazāli à Gazāla (nom de lieu ) et non à gazzāl. Cependant notre
manuscrit qui est ancien – et un certain nombre d 'autres exemples (cf. Mak
tūbāl , 33 vº ; 36 rº; 44 r° ; 63 vº; 315 rº) militent pour le tašdid . Le contraire
parait préférable parce que ce signe est souvent placé à contretemps sur les
lettres dans les manuscrits persans; la Sakwā en est un exemple frappant pour
diverses consonnes (r , q ) et parce qu'il semble probable que la prononciation
avec tašdid , quoique fautive, a dû se fixer très anciennement,
(2) Parole attribuée à ‘Ali in Lawāgih , 1, p. 19,
CCXVI.
210 AVRIL- JUIN 1930.
Je ne nie pas que ces expressions a principe de l'étren ,
ce source de l’être , ne soicnt équivoques, susceptibles d'avoir
plusieurs interprétations dont certaines fausses et d 'autres
exactes. Je suis d 'ailleurs convaincu qu'al-Gazāli ne voulait que
cela (1).
« Les menteurs t'ont fait part de conjectures sur l'inconnu ,
[agissant) par surprise; etmoi je t'apporte la certitude.o .
Comment ( peut-on m 'accuser ainsi), alors que ma Risāla
contient des choses qui , bien examinées par un homme impar
tial, lui feraient connaître la mauvaise foi de l'adversaire ?
Car si celui-ci veut considérer cette expression e principe de
l'être et source de l’être , comme une insinuation de la théorie
de l'éternité du monde, [ qu'il veuille bien se reporter ) aux
quelques dix feuilles que j'ai consacrées à la contingence du
monde, avec des preuves irréfragables à l'appui de cette thèse.
Et s'il y veut voir une allusion à la doctrine qui refuse à
Dieu la connaissance du détail des choses(2), eh bien , précisé
ment, j'ai soutenu dans ma Risāla la thèse inverse et l'ai dé
montrée si solidement qu'un homme intelligent ne peut en
douter.
Parmi ce que l'on m 'a reproché se trouvent quelques cha
pitres dans lesquels j'ai dit la nécessité pour le novice d'avoir
un directeur qui le conduise dans la voie de la vérité et le
guide vers le droit chemin , afin qu'il ne s'égare point hors du
sentier de la rectitude.
On rapporte dans les Şaḥīḥs ces paroles du Prophète : « qui
SU

(1) Ayn al-Qudat veut peut-être dire qu'al-Gazāli maintenait les sciences
religieuses inaccessibles à tous de peur qu'elles ne soient profanées. Cf., pour
le vers , Aġ , xv, 87, avec un second vers. Mètre : wāfir.
(2) Pour cette question comme pour celle de l'éternité du monde,
cf. Munqid , p . 12, qui renvoie au Tahāfut ( cf. Gazāli de Carra deVaux p .62).
Cf. Qut, II , 88 , cf. Hallāj, 560 , n . 6 ; 562, et 564 , n . 16
LA SAKWĀ. 211
conque meurt sans Imām , meurt d'une mort païenne» (1).
Abu Yazid al-Bisțāmía dit (2) : « Quiconque n'a pas de maitre ,
son Imām est satan n . Amr b . Sinān al-manbiji , un grand sayh ,
dit : Celui qui ne se met pas à l'école d'un maître , est vain » .
Les gens de la réalité parmi les sūfis sont unanimes pour dé
clarer que tout hommesans šayh est un homme sans religion (3).
C 'est ce que je voulais dire dans les chapitres incriminés
L 'adversaire les a interprétés comme inspirés par la doctrine
des Ta'limites et affirmant l'Imām impeccable.
Comment peut-il se permettre une pareille mauvaise foi alors
que le chapitre second de cette même Risāla est consacré à la
démonstration de l'existence du Créateur,démonstration fondée
sur l'examen rationnel et l'usage d'arguments ( générateurs de
certitude? — et l'on n 'ignore pas que l'adepte du Ta'limisme
rejette toute spéculation de la raison , prétendant s'en tenir,
pour la science de Dieu , au Prophète et à l'Imām impeccable .
Comment l'adversaire peut- il se permettre de semblables
procédés alors que le Prophète a dit(W) : 0 mes frères qui
(1) Cf. ŠAHRASTÁNI, Milal, éd . Cureton , I, 147.
(3) Abü Yazid : # 261/875. M . Nicholson rapporte ces paroles in J.R .A .S .,
1906. p . 321 et soutient l'idée , - que ’Aq rejette , – d'une connexion entre la
nécessité du Sayh et le Ta‘limisme. — Cf. Risāla , p. 197. - Al-Gazāli consacre
tout un chapitre de son Munqid aux Ta'limites et renvoie aux autres ouvrages
où il a traité la question plus amplement (al-qistāsal-mustaqim ; al-Mustażhiri ;
Hujjat al-Haqq . . . ) Al-Mustachiri parait bien être l'ouvrage édité par
GOLDZIHER : Streitschrift des Gazāli gegen die Bāținiya Sekte. Cf. La Bibliogra
phie des Ouvrages de Goldziher, par Heller, p. XII (introd . de M . Massignon ),
et p. 68 , n° 356.
(3) Cf. Zubdat al-Haqā'iq , A . f. persan 36 , fol. 5 rº. Dans Țarā'iq (II , 254) ,
ouvrage relativement récent, ces paroles sont attribuées au Prophète. A .G . les
aurait interprétées ainsi : qui n 'a point d 'amour n 'aura point d'unionn. Les
Țară 'iq donnent comme source les Tamhidāt ( i. e. Zubdat al-Haqā'iq ). Sauf ce
passage que je n 'ai pu retrouver tel quel dans lesmanuscrits consultés, ainsi
que quelques autres (Zubda , fol. 91 rºet 102 v°), les Țarā'iq citent les Tamhidāt
d'après Nafahāt (celui-ci, p. 476 -477); cf. infra , p. 47.
(6) Cf. Ihya, III , 99 ; Kalābādi, 161 v°.
212 AVRIL -JUIN 1930.
croyez de bouche, et dans le cæur de qui la foi n 'a point péné
tré , nemédisez pas des musulmans et ne vous acharnez pas
contre leur réputation , car quiconque s'acharnera contre la
réputation de son frère , Dieu s'acharnera contre la sienne et
quiconque méritera cette sévérité de Dieu , Dieu le confondra ,
même au fond de sa propre maison » .
Et coinment les ‘ulāma en arrivent-ils à dire de pareilles
choses et à adopter de telles attitudes, à l'égard d 'un musul
man — et surtout d'un musulman alim — alors que le Pro
phète a dit(1) : « Quiconque rapporte ce que ses yeux ont vu ,
et ce que ses oreilles ont entendu, Dieu l'inscrira parmi(2)
ceux quiaimentvoir se répandre l'immoralitéparmilescroyants ;
il leur est réservé un châtiment douloureux» ?
Et puis mes adversaires ne se sont pas contentés de me
blâmer ; mais ils ont fait de moi, pour celle raison , l'auteur
de toutes sortes de mauvaises actions et ont incité les détenteurs
du pouvoir à m 'infliger la confusion la plus honteuse.
re Ils ont fait répandre — dans la tribu — sur notre compte,
l'anecdote la plus abominable (3). Ils étaient en paix avec nous ;
les voilà maintenant en guerre .

C'est là une loi très ancienne de Dieu à l'égard de ses servi


teurs : l'homme de bien est toujours l'objet de la jalousie et
de toutes sortes de persécutions que lui infligent tous ses sem
blables , ‘ulamā et autres(8).
« On a bien dit que Dieu avait un fils , et que le Prophète
était un sorcier.

(1) Cf. Qut, I, 98 (11 ab fine).


(3) Qoran , xxiv , 18.
(3) Le deuxième hémistiche est in Ağ , XVII, 8. Mètre : ļawil.
(6) Cf. les paroles attribuées à Moïse in Risāla . p . 121, et in Qut , II , 234 ,
Mètre : munsarih .
LA SAKWA. 213
« Ni Dieu , ni son Prophète n'ont échappé à la malice des
hommes, comment le pourrai-je moi?,
Admettons que lesgens de parti-pris aientpu trouver dansles
expressions concises dema Risāla un sujet de désapprobation ,
que pensent-ils des principes clairs qu'elle contient et qui
n'admettent pas d'interprétation . Cela me remet en mémoire
ces vers :
Effacerez -vous du ciel ses étoiles avec vos mains, ou bien
en masquerez -vous le croissant de la lune ?
< Laissez les lions paisibles dans leurs tanières; (craignez ]
qu'ils ne donnent votre sang à boire à leurs petits» (1).
Qu'ai- je d 'ailleurs à m 'étonner de cette situation alors que le
Qoran , organe devérité(2), dit : «Le cas de Joseph et de son
frère contient des signes (nombreux ) pour ceux qui inter
rogent(3). , On n 'ignore pas que la jalousie incita les frères de
Josepb à tuer celui-ci, lorsqu'ils virent qu'il était le préféré
de leur père. Et ils déclarèrent leur père — Jacob - cou
pable d'égarement, comme le rapporte le Qoran : « Notre père
est dans un égarementmanifeste (4), .
Si donc des fils de prophète en arrivent, par jalousie , à
oser agir ainsi à l'égard de leurs père et frère , quoi d'étonnant
que des hommes comme nous, en fassent le centuple (pour
nuire à des personnes qui leur sont étrangères .
Abū Talib al-Makkia dit(5) : re J'ai complé à l'actif des frères CS

. de Joseph , depuis le verset : e certes , Joseph et son frère sont

(1) Mètre : kāmil.


(3) Coran , xxIII , 64 ; XLV, 28 .
(3) Qoran , XII, 7 .
(6) Qoran , m , 8 .
(5) Je n 'ai pas trouvé ce texte dans le Qūt. Est-ce un enseignement oral ou
bien ai-je laissé passer ces paroles ?
214 AVRIL-JUIN 1930.
plus aimés que nous de notre père , jusqu 'au versel : « Et ils
firent peu de cas de lui(1), , plus de quarante péchés , certains
légers, d 'autres graves , le mêmemot pouvantrenfermer deux,
trois ou quatre péchés; je les ai découverts grâce à un examen
minutieux des secrets des péchés n .
La jalousie estun des plus grands fléaux de perdition. Per
sonne ne peut en être exempt comme le prouve cette parole du
Prophète(2) : « Trois choses sont le lot de tout homme : le
soupçon , lesmauvais augures et la jalousie. » Une autre version
admet qu'il y ait exception , en ces termes : « Trois choses sont
le lot de presque tout hommen.
Autres ḥadīts : « La jalousie dévore les mérites des bonnes
@ uvres comme le feu dévore le bois(3),, e Six [ catégories de
gens entreront en enfer à cause de six catégories de péchés ),
avant la reddition des comptes : les souverains à cause de l'in
justice , les Arabes à cause de la ‘aşabiya (s), les propriétaires
terriens à cause de l'orgueil, les gens de la masse à cause de
l'ignorance , les commerçants à cause de la tromperie, les
‘ulamā à cause de la jalousie (5)., « Peu s'en faut que la ja
lousie ne triomphe de la destinée (6),»
C'est pour cela que Dieu ordonna à Muḥammad de luideman
der refuge contre la jalousie , dans ces versets : « Dis : je me

(1) Qoran , XII , 7-20 .


(2) Cf. Thyā . III , 128. A rapprocher de ḥadīt rapporté in Kalābādi, fol. 18 vº :
ce Il n 'y a pas un croyant qui n 'ait des pensées de jalousie , de méfiance et
de crainte des auguresn .
(3) Cf. Thyā , III , 128 .
(4) Solidarité tribale ; echauvinismen tribal.
(5) Ct. Thyā, III, 129 ; variante pour ahl as-sawād , ahl ar-rustāg. Les deux
expressions sont synonymes et désignent les gens de la campagne; le mot
rustāq vient du persan rūstā , qui veut dire « paysann , cf. les rapprochements
que fait Fiqh al-luga (Beyrouth , 1885 ), p , 13.
(6) Cf. Ihyā, III , 129 Kalābādi donne le ḥadīt complet : « Peu s'en faut que
la pauvreté soit kufr (infidélité ), , puis notre ḥadit.
LA SAKWA. 215

réfugie auprès du Dieu de l'aurore contre la méchanceté du


jaloux quand il jalouse (1) .
Qu'ai-je à me soucier de l'homme jaloux et de son but vicie ?
Ne lui suffit-elle pas d'ailleurs , comme punition , cette vilenie
qu'est la jalousie elle-même, outre son inimitié pour les gens
de bien ? C 'est à cause de la laideur de ce défaut et de l'égare
ment de celui qui subit son action corruptrice , que le poète a
dit :
Oh , veuille bien dire à celui qui est jaloux de moi : sais-lu
à l'égard de qui tu te montres insolent?
« C'est à l'égard de Dieu et de son cuvre, puisque tu récri
mines contre ce qu'Il m 'a Lui-même donné.
« Il t'a rétribué sur ce point en m 'augmentant Ses dons,
et en te rendant inaccessible la voie de la demande(2). »
Quoid’étonnant que je sois l'objet de la jalousie ? Ne vois-tu
pas ce que dit le poète :
ceCe n 'est point une honte qu'un homme de valeur soit in
sulté et soit l'objet de la jalousie, car l'homme jalousé tient la
place d'un qutb 18) s.
Et de plus, celui qui est l'objet de la jalousie n 'est pas
pécheur puisque c'est Dieu qui le comble de bienfaits ( );
s'il n 'en était pas ainsi , le jaloux ne désirerait pas être comme
lui. Aussi ne faut-il pas blâmer la jalousie suscitée par un
homme célèbre qui laisse , dans sa course , ses rivaux bien
loin derrière lui et qui foule aux pieds lessommets des étoiles

(1) Qoran , cxi .


(2) On trouve un grand nombre d 'adages qui expriment la même pensée .
Cf., par exemple , Risāla , 79. Ils sont parfois attribués à une révélation anté
rieure à l'Islām : à Zacharie in Ihyjā , III , 129.
(3) Mètre :ļaw l.
(1) A rapprocher de Qoran , 111, 66 et lyi, 29.
216 AVRIL -JUIN 1930.
au point d'être devenu la fierté de ceux qui lui sont étrangers
comme de ceux qui sont ses proches. Bien loin est-il de la
perfection celui qui considère les jaloux comme des ennemis.
Le vers suivant exprime admirablement cette idée :
Excuse celui qui te jalouse pour les dons qui sont ton pri
vilège; quand il s'agitde perfections, il est bon d'être l'objet
de la jalousie» (1).
De plus , [ ces ‘ulama) m 'ont attribué la prétention à une
mission prophétique da'wā-n -nubuwa, parce que j'ai fait usage
de quelques termes techniques du sufisme comme « l'anéantis
sement, et ce l'annihilation » .
ce Ils m 'ont frappé , à cause de l'amour d 'Umm Ja 'far, avec
toutes sortes de bâtons au point que je dus être jeté au loin
à l'aide d'une grande cuiller (2).,
Bien froid est le parti pris qui atteint cette limite ! Et bien
basse est la jalousie — surtout chez un 'ālim lorsqu'elle le
pousse à attribuer à un musulman - à plus forte raison à
un musulman ‘ālim ( comme lui] — des croyances détestables
qui répugnent non seulementaux Mages et aux Chrétiens —
eux qui n 'ajoutent pas foi à la mission du plus grand des
Prophètes — mais encore aux Brahmanes qui nient tout pro
phétisme(3) et aux zindiqs qui ne reconnaissent ni l'Envoyeur ni
les Envoyés.
« Ils nous ont accusés , elle et moi, d'une chose abomina
ble, qui est plus leur propre que le nôtre); que Dieu la leur
transfère au plus tôt !
re Chose dont — je le jure par le Dieu de Muhammad –
(1) Mètre : basit.
(2) Mètre : ļawil.
(3) Cf. Ihyā , I, 123; Milal (Cureton ), II, 445.
LA ŠAKWA. . 217
nous nous sommes détournés nettement; que ne montrent
ils) un peu de décence ou bien (au moins) de la courtoi
sie ! (1)
De pareils subterfuges n'ont pas de secrets pour quiconque
a fréquenté les ‘ulamā et a coudoyé les gens de bien et qui a
appris à distinguer le vrai d'avec le faux, à connaître les théo
ries inventées et les mensonges forgés et à se rendre compte
de la façon dont la postérité vertueuse continue la marche
dans le droit chemin et l'attachement à la voie véritable.
A notre sujet convient parfaitement ce vers où al-Küſi
montre que les gens de bien ne peuvent recevoir aucun dom
mage des dires jaloux des ignorants.
Si tu vois
01 que je suis blâmé par un homme inférieur ( tu
en tireras) le témoignage véritable en faveur de ma supério
rité(2),
Ce poète semble avoir pensé à son prédécesseur et à son
vers si bien fait(3) :
« Si Dieu veut qu'une vertu soit connue — alors qu'elle
était cachée — il excite à cet effet la langue d 'un jaloux .
Les ‘ulamā n 'ignorent pas que chaque science a ses termes
techniques conventionnels dont on ne connaît le sens que si
l'on s'adonne à l'étude de cette science. -
Ainsi les grammairiens peuvent ne pas connaître les termes
techniques des généalogistes , et vice versa . Et de même, les mor.
phologistes, les théologiens, les juristes , les traditionnistes,
(1) Ces vers (du mètre ţawil) sont attribués in Aſ , XV, 92, à Muḥammad
b . Şāliḥ al-'Alawí.
(3) Mètre : kāmil.
(3) Ce vers (du mètre kāmil) est dans 'Uyūn al-'Ahbār d'Ibn Qutayba (Caire,
1928), t. II, p. 8 ; il y est attribué à at-Tâ'i ( abū-Tammām ) avec deux autres
vers.
218 AVRIL - JUIN 1930.
les mathématiciens, les principaux spécialistes de la science
des principes , les logiciens, les e prosodistes » ne connaissent
les termes techniques les uns des autres que s'ils étudient les
sciences qui les emploient(1).
Je veux en venir par l' exposé de ce principe à montrer que
chaque science a des hommes qui s'y adonnent spécialement
et à qui il faut revenir pour le sens exact des termes techniques
qu'elle utilise .
Il en est de même pour les șūfis. Ils ont des termes tech
niques dont ils ont convenu entre eux et dont eux seuls con
naissent le sens.
J'entends par şūfīs des hommes qui se sont tournés du fond
de leur volonté (2) vers Dieu et se sont préoccupés de suivre le
chemin qui mène à Lui.
Le point de départ de leur itinéraire est la mujahada, la
lutte contre l'ennemi, et la fidélité constante au souvenir de
Dieu.
A eux revient la promesse , dansle Coran , (de la grâce] de
la rectitude dans le chemin , d'après ce verset(3) : « Ceux qui
luttent à notre sujet , ceux-là certes nous les guiderons vers nos
voies» .
Or, si on ne connaît de la mujāhada - - point de départ des
şūfis — que le nom , comment peut-on s'octroyer toute liberté
à l'égard de leurs termes techniques dont le sens n 'est ouvert
qu 'aux şūſis, touchant déjà au but ?
De même, si l'on ne connaît du Fiqh que le nom , il n 'est
pas permis d 'user en toute liberté des termes techniques de
cette science dont la connaissance est réservée aux grands ju
ristes (fuqahā ).
(1) Pour chacune de ces catégories, 'Aq donne une liste de termes tech
niques que l'on a préféré mettre en appendice.
(9) L'espression est in Mungid , p. a .
(3) Qoran , XXX, 69.
LA ŠAKWĀ. 219
Ceux qui suivaient la voie de Dieu , dans les temps passés
et dans les premiers siècles , n'étaient pas connus sous le nom
de şūſi. C 'est là un mot qui devint célèbre au mº siècle (1). Le
premier qui le porta à Bagdad est ‘Abdak aş-Şüfi(2) — un des
grands et desplus anciens šayhs — qui vécut avant Bišr b .
al-Harit al Hāfi (3) et As-Sirrī b. al-Mufallas as-Saqatī (4).
La mujāhada est un substantif singulier comme les mots
figh , tibb, naḥw . Demême que seul connaît le sens précis de ces
mots celui qui a fait des sciences qu'ils désignent une étude
ample de façon à en embrasser les généralités et à en péné
trer les détails , de même la mujāhada est une science sui
generis dont la possession est réservée à ceux qui en ont fait une
étudeapprofondie.
C 'est de cette science que traite Ihyā ‘ulüm ad-dīn depuis le
commencement jusqu'à la fin .Mais , à mon avis , rien ne fut
écrit , sur ce sujet , dans les premiers siècles de l'Islām , de
comparable à Qüt al-Qulub d'Abu -Ţālib al-Makki(5),
Puis il ne suffit pas à l’étudiant d 'acquérir cette science, il

(1) Cf. Essai, 133. Cf. Carra de Vaux, Gazali, p. 179. .


(2) 'Abdak est le fondateur de la secte végétarienne des 'Abdakiyah ;
cf. Essai , 148. « C 'est par une sorte de veu perpétuel, de végétarianisme (qût )
que la secte Shi'ite mystique des ‘Abdakiyah de Koufah témoignait son
attente ardente de la venue imminente du Mahdin . Ibid . , p . 13.
(3) † 227/841.
(6) † 251/865 ( in Lawāgih ).
(5) L'auteur doit beaucoup au Qut, comme Al-Gazāli lui-même. 'Aq en fait
des extraits textuels dans sa Sakwa. Cf. 35 vº 12 in fine , ici p . 224 , n . 6 et 7 .
Abū Tālib al-Makki est mort en 380 . Il appartient à l'École des Sālimiya .
Les membres de cette école , cemalgré le ton grossier de certaines invectives
ridicules contre leur antropomorphismen,... tant par leur haute piété que par
leur activité intellectuelle , s'étaient fait respecter de beaucoup d'adversaires :
Ibn al-Farrā, au paragraphe même où il les condamne, exprime son admira
tion pour Abū ſālib al-Makki; et l'on sait l'influence des auvres de ce der
nier sur Al-Gazālī, pendant la seconde période de sa vien , cf. Essai, p . 267
et 270 ; cf. aussi Goldziher , p . 278, n . 140. L 'æuvre d'Abū-Țālib paraît être
elle-mêmeun aboutissement.
220 AVRIL -JUIN 1930.
lui faut aussi lutter ( Jjhd)(1); de même qu'il ne suffit pas au
malade d 'être très habile en médecine pour guérir : il lui faut
encore avaler des médicaments désagréables au goût.
Et lorsque la science de la mujāhada est acquise et que
l'homme a combattu dignement le combat de Dieu (2), Dieu le
guide vers Ses voies et lui apprend ce qu'il ignorait (3); Il l'a
dit : Si vous craignez Dieu , Il vous donnera un moyen de
salut(a)y, ce qui signifie, dit Ibn 'Abbas : « une lumière qui
vous fera distinguer le vraidu faux» .
C'est à ce sens que fait allusion cet autre verset : Si vous
Lui obéissez, vous vous dirigerez vers la bonne voic (5), ; et cet
autre : « Si les habitants des bourgs croyaient en Dieu et le
craignaient, nous ouvririons sur
10US OUV ir eux
6 S
les bénédictions du
Ciel (6) .
C'estbien là la sagesse à laquelle il est fait allusion dans ce
verset :« [Dieu ] donne la sagesse à qui Il veut; et quiconque
reçoit la sagesse , reçoit un bien insigne (7), .
Et la sagesse n'est pas le fruit du bavardage(8), mais au
contraire l'héritage du silence. Le Prophète a dit(9) : « Si vous
voyez un homme silencieux et digne, approchez-vous de lui,
VOV VO

car (à cemoment ), on lui communique la sagessen, ou bien


(1) Voir sur le même sujet un passage d 'Al-Gazāli in Mungid , 20 -21.
(2) Expressions qoraniques : xxix , 69; XXII, 77. Voir le petit commentaire
que le Qūt (1 , 119-120 ) fait de xxx, 69.
(3) Qoran, xcvi, 5 .
(4) Qoran , viii, 29. L'interprétation d'Ibn 'Abbās est citée aussi in Maktū
bât, fol. 121 v°. Furqān a été traduit par cemoyen de salut, pour tenir compte
et de son origine araméenne (salut) et de l'étymologie qu 'on lui donne en
arabe ( frq).
(5) Qoran , xxiv, 53.
(6) Qoran , vii, 94.
(7) Qoran , II , 272 .
(8) Al-qil wa-l-qal. Cf. le mot d'Al-Junayd in Risala , p. 20. Cf. aussi T. A.,
II , 87, 1. 11.
( ) In Qüt, I , 133 ; 243 ; Ihya , III, 80-81; Kalābādi, 133 r” in fine .
LA SAKWA. 221
son la lui présente ,suivant les deux versions. « Le commence
ment de la sagesse est la crainte de Dieu » comme en témoigne
le verset du Psautier (1).
Aucune époque de l'Islām ne fut dépourvue d'un certain
nombre de ces hommes parlant de nos sciences , les uns de la
science du sulūk (l'itinéraire), les autres de celle du wusül
(l'arrivée), certains en public ,tandis que d'autres ne s'adres
saient qu'à un cercle fermé de disciples.
Al-Junayd a dit : « Notre Maître en cette science sublime,
celui qui a dévoilé ce que les cœurs renferment et qui a mon
tré les vérités de cette science , après le Prophète , c'est 'Ali b .
Abū- Țālib .,
Al-Junayd fut interrogé sur 'Ali et sa connaissance du
Tasawwuf, il répondit(2) :« Si ‘Ali, l'Émir des Croyants ,avait
eu quelques loisirs loin de ses guerres, il nous aurait légué
de cette science un trésor qui dépasserait les capacités de nos
ceurs ; cet homme avait reçu le don d 'eeal-'ilm al-ladunī n .
Autre parole d'Al-Junayd : « Si je connaissais sous l'azur
du ciel une science plus noble que celle qui nous occupe avec
DO
nos disciples et nos frères, je la rechercherais et la poursui
vrais n . Et il répétait souventces vers:
« La science du Tasawwuf est une science que seul connait
l'homme intelligent et dont l'esprit est compréhensif.
(1) Ps. cx , 9 et Ecclésiastique, 1, 14 . In Kalābādi, il est attribué, comme
hadit , au Prophète , d'après Ibn Mas'ud (171 rº fine).
(2) Cette parole d 'Al-Junayd est citée dans Luma', p. 129; Majālis al-Mūminin
de Šuštari (livre nettement ši'ite ) : B. N ., Sup. persan 190, fol. 195 pº fine.
L 'expression alʻilm al-laduni doit se référer à Qoran, svını,64, où intervient cette
idée à propos d ’Al-Hidr, Cf. supra , p. 305 , n. 3. C'est seulementau vº siècle de
l'hégire ( = 1° siècle ) que 'Ali fut placé en tête de l'isnād initialique des şūtis
( cf. Essai, 108-110, et en particulier 109, 1. 5). Il est curieux denoter que dans
l'ienād donné à cette dernière page et où figure 'Ali, al-Junayd est absent, tan
dis que dans celui de Fihrist, p . 183, al-Junayd constitue l'un des chaînons,
mais on ne parle nullement de ‘Ali. Pour la place de ce dernier dans le şü
fisme, cf. Goldziher, p. 131.
222 AVRIL -JUIN 1930.
ce Il ne le connaît pas celui qui n 'en voit pas [l'éclat ); com
ment un aveugle pourrait-il voir la lumière du soleil (1)? ,

Al-Junayd et Ahmad b . Wabb az-Zayyāt s'entretenaient


tous les deux de la science des şūſis ; et Al-Junayd tirait profit
des paroles d'Ahmad et mettait celui-ci au-dessus de lui-même.
Il n'enseigna jamais en public , à la mosquée , avant la mort
d 'Aḥmad , et il disait, après cette mort : « Nous avons perdu
la science des réalités par la mort d ’Aḥmad.
Al-Junayd a dit : « Abū-Bakr al-Kisā 'ī me posa mille ques
tions que j'aurais souhaité ne voir jamais tomber entre les
mains du public ». Cet Abu-Bakr al-Kisā 'i était parmi les šayhs
éminents. C'est de lui que disait Al-Junayd :« De tous ceux qui
CLIP
ont traversé les Nahrawān, aucun ne vaut Abū-Bakr al-Kisā’in.
Je vais maintenant mentionner un certain nombre de ceux
qui ont enseigné ces sciences , pour montrer qu'aucune époque
n 'en fut dépourvue.

A . Ceux qui ont parlé en public(2).


2° [ 36 vº8 ] Abu -Bakr b. Abd-al-^Aziz, un des sayhs de la
Mekke.
2° [36 vº 1 ] Abū-l- Husayn b. Sam ’ün (3) quienseigna dansla
mosquée de Bagdad.
3° [36 v°7] Abū-l-Hasan b. Salim (M), l'un des disciples de
(1) Cf. Qut, I, 159; mètre : basit.
(9) Les grandes divisions sont de l'auteur. Mais les noms, dans la Šakwā , ont
été donnés sans ordre aucun ; ici, ils sont classés alphabétiquement. Les textes
qui accompagnent certains d 'entre eux appartiennent au corps même de la
Šakwā. Les chiffres entre crochets indiquent les folios et les lignes.
(3) † 297/909. Pour les Sālimiya , voir Essar.
(6) Abū l-Husayn b. M . b . Sam 'ün ( et non pas Šam 'ün ), + 386/996 ; cf. Hal
lāj , 11 * •
LA SAKWĀ. 223

Sahl b . ‘Abdallah at- Tustarí; c'est de lui que les Sālimiya


tiennent leur nom .
6° [36 v°8 ] Abū ‘Alial-'Aswārī.
50 (36 vº 3 ] Al’Ašajj (Mūsã) qui, le premier, parla à Başra
de la science de l'abandon , de l'amour et du désir (1); avant lui,
les habitants d’Al-Başra ne suivaient que la voie de l'ascétisme,
des efforts personnels, du travail pour la subsistance et de la
fidélité au silence jusqu'à ce que Dicu eût ouvert à Mūsā Al
’Ašajj (le trésor) des connaissances (surnaturelles).
6° [36 vº 10) Al- A'lam (Abū-Sa'id).
7° [36v°10] Al-Bušanjī(abū-s-Sirri Manşür b.‘Ammār).
80 [36 rº 11] Al-Bagdādi(2) (Abū Hamza, M . b. Ibrāhīm al
Bazzar). Il est parmiles grands sayhs. Il était maître dans
toutes les branches du sufisme. Aḥmad b . Hanballe consultait
sur divers problèmes en ces termes : « Que penses-tu de ceci et
de cela, ô şūli? , (3). Le premier il enseigna le şūfisme à Bagdad.
A Tarasūs( ), il rencontre une grande faveur, et le public allait
à lui. Mais on entendit de sa bouche , pendant un moment
d'ivresse (mystique),des propos qui le firent condamner comme
impie (zindig ) et comme partisan de l'incarnation (hulūl). On
le chassa de Țarasūs et on s'empara de ses bêtes de somme que

) Voir, pour les deux élapes que décrit ici nettement Aq, ce que dit
M . Nicholson à J.R . A. S., 1906, p . 304. Au sujet des econnaissances surnatu
rellesa (ulüm al-ma'ārif), cf. Qüt, I, 119.
0†969/883 ( Lawāqiḥ , I, 98 , et J.R .A .S., 1906 , p. 322 , donnent 289).
Cf. Essai , 135 : les premières chaires doctrinales de sūhisme sont celles de
Yahyā ar-Rāziau Caire ( infra, p . 226 , n . 5 ) et d’Abu-Hamza , à Bagdad.
(3) Cf. Lawaqih , I, I, 98.
{") C'est la vocalisation de Yaqut (III,536 ). Je n'ai pas retrouvé cet épisode
de la vie d'Abu-Hamza .
224 AVRIL -JUIN 1930.
l'on promena en criant : « Ce sont les bêtes de l'impie ». Lors
qu 'on l'eut conduit hors de la ville , il se mit à réciter cevers (1) :
Pe A toi appartient dans mon cæur la place préservée. Tout
blåme lancé contre moi à ton sujetmeparaît sans importancer .

9° [35 vº 5 ] Al-Bușrī(2) ( Abu -Sa'id al-Hasan b . abu-l-Hasan ),


LeMaître des Maîtres (’Imāmu-l'd’imma). On l'a accusé , durant
sa vie, de qadarisme(3). Il est bien au- dessus de pareilles
suspicions; et comme le poète dit vrai(4) :
« Il n'estpas plus nuisible à Taglib de Wā'il que tu fasses
des satires contre elle ou que tu urines au confluent des deux
mers » .

Abū Nu'aym al-Isfahānī(5) a composé un ouvrage qu'il a


intitulé : Lerejet du Qadar loin d 'Al-Hasan b.abi-l-Hasan .
Lorsque‘Ali vit [al-Baṣrī], il l'admira, lui fit des compli
ments et lui permit d 'enseigner alors qu'il en avait fait la
défense à tous ceux qui assumaient cette tâche à Al-Başra ,
disant : « C'est là une innovation , que nous ne connaissions
point aux premiers temps, (6). .
On comparait l'enseignement d ’Al-Hasan à celui des Pro
phètes et sa manière d'être à celle des compagnons (de
Muḥammad]( .
(1) Ce vers (du mètre hafif) , avec quatre autres, est in Al-maḥāsin wa-l
'addad ,pseudo al-Jahiż, Caire , 1324, p. 145, avec une petite variante pour
notre vers (lawm pour ‘atb ). .
(2) Cf. Essai, 152-179; (né 31/643; † 110/728).
(3) Cf. Hallāj, p. 612.
(W) Vers d'Al-Farazdaq; cf. IBN -QUTAYBA , Sir (de Goeje), 119. Il ne se trouve
pas dans le diwān édité et traduit par Boucher . Mètre : kāmıl.
(6) Né 336 /948; † 430 /1039; auteur de plusieurs ouvrages, dont Al-Hilya,
des Țabagāt; cf. Lawāqiḥ , I, 61.
(6) Cf. Qül , 1, 148 , deux lignes ; I, 194-195.
(7) Cf. ibid ., 1, 149, 1. g , ab fine.
LA ŠAKWĀ. 225
Lorsque 'Anas b . Mālik était interrogé sur quelques ques
tions, il disait :« Demandez à notremaître Al-Hasan , (1),
Son enseignement se rapportait surtout aux déformations
des actions, aux suggestions des poitrines, aux qualités cachées,
aux passions de l'âme. . . (2). On lui dit : re 0 abū-Said , nous
voyons que tu as une doctrine qui t'est particulière , où l'as-tu
puisée? — C'est,répondit-il, auprès de Hudayfa b . al-yamān(3)
que je l'aiapprise.
Hudayſa abordait des questions dont les autres compagnons
ne parlaient jamais. On lui en demanda la raison , et il dit :
« Les compagnons posaientdes questions au Prophète disant :
* Quelle sera la récompense de celui qui aura fait ceci ou
e cela ?» Moi,au contraire, jel'interrogeais toujours surlemal,
voulant savoir quel dommage apporterait telle ou telle chose.
Lorsque le Prophète vit que je lui posais des questions sur les
déformations des actions, il m 'a donné, en privilège, cette
sciencen . Hudayſa était surnommé: « le possesseur du secret»
( Şahib as-sirr)(). Ce fut l'unique(5) compagnon qui eut la
science del'hypocrisie (nifāg) laquelle — comme le disent nos
‘ulamā — comprend soixante-dix chapitres dont les finesses et
les profondeurs sont réservées à ceux qui en reçoivent le privi
lège parmi les itinérants affermis dans la science
science .
. — 'Umar et

(1) Cf. Ibid . , 1 , 147, 1. 6 , ab fine, qui ajoute : Ja’innahu qad ḥafiżo wa
nasaynā (car, lui , il a gardé dans sa mémoire (toute la vérité) et nous, nous
avons des oublis); cf. par ailleurs Fihrist, 183.
(2) Tout le passage qui suit jusqu'au début de 36 r' est une citation presque
textuelle de Qūt, I, p. 150, 1. 4 à 12 et 16-17. Ayn al-Qudāt devait savoir
par cour une notable partie du Qüt, qu'il a en si haute estime.
(3) + 36 ; cf. Tabaqāt : vii , 11, 64 ; vi, 8 ; v, 385 (et ouvrages similaires
'Usd al-gaba , Caire , 1286, I, 391); cf. aussi Goldziher , p . 274, n. 77.
( ) C 'est 'Alī qui lui aurait donné ce titre ; Qūt, II, 67. Ces mots Sāḥib-as
surr sont donnés par des hadits tendancieux à Mu'awiya , cf. ar-Riyād an-nadora
fi manāgib al- Ašara d 'at-Tabarī, au début.
* ) Cf. Luma', p . 19 et 378 ; Kalābādi, B . N . arabe 5855 , lol. 64 rº.
CCXVI. 15
IONIN NATIONAL
226 AVRIL -JUIN 1930.
‘Utmān ainsi queles grandscompagnonsinterrogeaient Hudayfa
sur les épreuves générales et particulières , et il les instruisait.
10° [36 vº1 2 ] at-Taqafı(1) ( abū ‘Ali M . b. Abd al-Wahhab ).
C 'est l'un des plus grands ‘ulamā du Hurāsān. C'est lui qui a
dit : Si quelqu'un acquiert toute la science des hommes et
se met à l'école de toutes les confréries , il n 'alleindra le niveau
des véritables hommes que s'il s'exerce sous la direction d'un
šayh » (2).
11° [36 rº i 8 ] al-Junayd(3) (abū-l-Qāsim . M .), le sommet
fameux(al-alam al-mašhūr).
12° 36 vº 1 ] al-Halanji (abu-Abd Allah).
13° [36 vº 10] Ad-Dabili (abū-Bakr ) [Fihrist, 190?).
14° [36 v° 1 ) ad -Dīnawari(4)(abū-l-Abbās Aḥmad b. M .) qui
était un bon maitre en ces matières.
150 [ 36 vºg? ar-Rāzī (abū ‘Utmän Sa'id b. Utmān), le prédi
cateur.
16° [36 vºg] ar-Rāzī(5) (Yahyā b.Mu'ad )le prédicateur par
excellence de son temps.
17° [36 v° 5] ar-Rajā (Fahrān), un des šayhs originaires
d'al-Başra ; il enseigna en public à Bagdad.
18° [36 rº8 ] ar-Ragāžī(@) (al-Faậlb. Isa).
19° [36 r°3) as-Sabahi? (Farqad ). C'est lui qui contredit un
(1) + 328/940 , Lawāqiḥ , I, 106 .
(9) Comparer cette citation à Šakwā, supra , 32 rº 10 et suiv., trad . p . 210.
(3) + 398/911; cf. infra , p . 259 , n . 6 .
(4) Mort après 340/951; cf. citation : Sakwā, 41 vº 13, trad . p. 79.
(6) + 358/879 cf. supra , p . 223, n . 2 .
(6) Chef de l'École Fadliya ; ef. Essai, 145. (Souvent les qäf sont surmontés
d 'un šadda indu par les copistes persans, ainsi que d 'autres lettres de l'alpha
bet comme le r ).
( ) C 'est l'orthographe du manuscrit. C 'est aussi celle que donne as-Sam 'ani,
LA SAKWA. 227
asan
jour al-Hasan en disant : « Ce n'est pas ainsi que parlent nos
juristes (fuqahā ); al-Hasan répondit: « Puisse ta mère te perdre,
ô Furayqid (1), as-tu jamais de tes yeux vu un Faqih ? Levéritable
Faqih est celui qui apprend Vfqh auprèsde Dieu les comman
dements etles interdictions de celui-ci(2).,
20° [36 v°10] aš-Šāšī (abw-Bakr).
21° [36 v°6] as-Şaydalāni (Abü-Ja'far)(s) qui enseigna à la
Mekke .

22° [36 vº11 ] at-Tusi(abū ‘Ubayd ).


23° [36 r° 3] Țalq b. Habib. C'est de lui que disait ’Abů
'Ayyūb as-Sāhtiyāni( t 131/748 ] : « Je ne connais pas d'homme
plus pieux que Țalq » .
24° [36 rº7] ‘Abd-al-Azīz b. Salmān qui pria, au cours de
l'une de ses leçons, pour un paralytique, et celui-ci s'en
retourna chez lui, sur ses pieds.
25° [36°1) al- Adawi(abū-8-Sawwar Hassān b. Hurayt) c'est
l'un des premiers prédicateurs publics.
36° [36 v°15) al-Fasawi('abū-Isḥāq 'Ibrāhīm ).
27° [36 vº14] al-Fasawi(Ali at- Tayyān).
28° [36 v°14) al-Fasawi (Yumn).
Ansab, rº 288 v° (fac-similé de Gibb M . Series , t. XX), de même que, d 'après
Schaeder (in Der Islām , XIV , 1924 , p. 74 , et n . 3 ), Ibn Sa'd et le Mu'jam de
Yaqūt. Par contre on a habituellement lu as-Sinji.
As-Sam 'ani dit que Farqad as-Sabahi estmort antérieurement à la peste qui
eat lieu avant 1 ' 11:49. Farqad n 'est pas sûr dans la transmission du Hadit;
mais on ne lui en tenait pas rigueur car il n 'y mettait pas de mauvaise foi.
Fihrist, p . 183, le donne comme disciple d 'Al-Baṣrī.
(1) Al-Hasan al-Baṣrī affectionnait les diminutifs , cf. Essai, 173.
133 Cr. Luma', p. 17, et Qut, I, 153, 110 ab fine.
® On ne peut vraisemblablement pas l'identifier avec celui de Hallāj. 338
et 15* (+ 464/1074), Aq n'a pas dù le connaitre. 'Al-Qusayri ( + 465) n'est
pas cité , ni al-Hujwiri, auteur du Kašf (+ c. 470),
15 ,
228 AVRIL -JUIN 1930.
29° [36 rº 5 ] al-Mudakkar (abū ‘Aşim ), un des plus anciens
nciens

Sayhs de Syrie.
30° [36 rº 10 ] al-Murādi (abū-Šu'ayb , al-Muqafa') qui eut ,
dans l'une de ses visions, à choisir entre beaucoup de choses;
il préféra l'épreuve ; il perdit alors la vue, les jambes et les
mains(1)

31° [36 rº6 ] al-Murri (Şāliņ)(2). C'est luiqui eut, à l'un de


ses cours, la présence de Suſyān at-Tawrī lequel fut émerveillé
ses

de ses enscignements et dit : « Voilà le rare prodige de son


peuple. »
31° [36 rº8] al-Masūḥī(3) (abū ‘Ali al-Hasan ) qui professait
dans la mosquée de Médine. Al-Junayd allait à ses leçons et
s’instruisait auprès de lui. Il ne traitait jamais dela science de
l'arrivée (wuşūl),mais seulement de celle del'itinéraire (sulūk).
TO

33° [36 vº 2] al-Mișrī (abū-l-Husayn 'Amr b. ‘Utmān) qui a


laissé de nombreuses exhortations (sermons) sur le şūfisme.
34° [36 rº18 ] Nasr b. Rajā , contemporain d’Al-Junayd .
35° [36 vº8] an-Nisābūrī(abū-Sa'd al-Qalānisi).
B . Ceux qui ont réservé leur enseignement
à un groupe de disciples.
1° [37 rº17] Al’Ubulli (abū-Ya'qüb).
20 [37rº 14] ’abū-l’Adyān .
30 [37 rº 16 ] ’abū-Bišr b . Manşür.
(1) C'est exactement l'une des phases du supplice que l'on infligea à Al
Hallāj.
(2) † 172/789, disciples de Y. ar-Raqāší : Essai, 145.
(3) Cf. Nafaḥāt, 104 -105.
LA ŞAKWĀ. 229
40 [37 rº6] ’abū-l-Ħasan b. Şadiq.
5° [37rº 13] ’abu-'Abdallah b. Mānik, auteur d'une Risāla
bien connue (1).
6° [37rº7] 'abū - Ali b . Zirā , l'un des plus grands dis
ciples d'al-Junayd et qui parla de la science des mouvements
de l'âme.
7° [37 v°10] ’Aḥmad b. Šu'ayb.
80 (37 v°6 ] al-'Aşamm (Mālim )(2).
gº [37rº11] ’Ibrāhīm b. Fātik (3); al-Junayd l'appréciait.
10° (37 rº 3 ] ’Iyāsb . Mu'awiya (Abu-Wățila ); c'est lui qui
a dit : « L'homme qui ne connaît pas son vice est fou » .
11° [37 rº 18] al-Baħrūni ( abd al-Azīz).
19° [37 rº17] al-Başrī (abū “Abdallah).
13° [37vº9] ’ibn Batļa, disciple de ‘Ali b. Sahl.
14° [37 vº6] al-Bistāmi (abū-Yazīd)(a).
15° [37 rº 13] al-Tustari ( Sahl b. Abdallah)(5).
16° [37 v°5 ] at-Tibrīdī (*Ibrāhīm b. Yahyā ).
17° [37 vºg] al-Jūrī (abū-Bakr M .6.’Ibrāhim ).
18° [37rº 2 ] al-Jūnī (abū-Amrūn) qui parlait de la Sagesse
dans son enseignement.
(1) Cf. Hallāj, p. 806, note ; Nafaḥāt , p. 300. M . Massignon renvoie à un
manuscrit du Caire : Jawhar farid .
(3) † 237/853.
(3) Cf. Hallāj , 47-48.
(1) † 260/874.
(5) Le véritable père de l'école Sālimiya, qui porte le nom de son disciple
abū-l-Hasan b . Sālim (supra); cf. Essai , 264-270.
230 AVRIL - JUIN 1930.
19° [37 rº 1] Jābir b. Zayd (abū-s-Ša’tā )(1)quimérita cette
appréciation d'Ibn `Abbās : « Si les gens d 'al-Başra s'en tenaient
aux décisions de Jābir b . Zayd , cela leur suffirait, (2).
20° [37 v°8] al-Hasan b . Hamawayh.
21° [37rº9] al-Hammāl ( Ali), c'est lui qui a dit :
ceLes réalités du șūfisme se sonl évanouies; seules les condi
tions en ont subsisté. Des hommes sont venus qui recherchent
le repos et s'imaginent que c'est encore reconnaîtren. Nous
sommes à Dieu et c'est à Lui que nous retournerons» (3).
29° 137 rº 16 ] al-Haffär (Sulaymān).
23° [37rº8] al-Hurāsāni (abu-M . al-Murtais)(*). C'est lui
qui a dit : « L'homme qui n'est pas jaloux de Dieu , Dieu ne
ne

sera pas jaloux à son sujet» .


24° [37 vºg ] al-Hušū’i (abū ‘Abdallah M . b. 'Ibrāhīm ).
25° [37 v°7] al-Huwūrizmi (abū-l-Husay Ahmad b. M .).
(1) Il parait avoir été une personnalité importante du premier siècle de
l'hégire. Les Sunnites et les Abādites se le disputent. Cf. pour ces derniers :
a . Kitāb as- Siyar d'aš-Sammāhi, p . 70 et suiv.; b. la 'Aqida abādite , publiée
et traduite par Motylinski dans : Recueil de Mémoires et de Textes (XIV° Con
grès d 'orientalistes), p. 510 (texte arabe), et p . 525 ( trad .), où Jābir est
dit avoir pratiqué le kitmān ; c. résumé et références de sa biographie dans
al-Jāmi' as-Saḥih , musnad d'Ar-Rabi' b. Habib , le Caire (imprimerie abādite
appelée al-'azhar al-Barūniya), 1326 (hég . ), p. 7-8 . — Cf. Țabagāt, VII, 130
et suiv .
(?) Rapporté in Kitāb as-Siyar et Țabaqāt (ut supra) et in Qüt, 1, 167,
1. 8 ab fine.
(3) Si on réunissait la littérature de ce genre, on ferait peut-être des
volumes. Déjà , ’Abū-Bakr et ‘ A’iša , nous dit-on , ont poussé des hélas! répétés
sur leur époque, pourtant la plus belle , la meilleure (al- qarn al- fädil).
Cf. An -NÁBulusi, Sarḥ at- tariqa al-muhammadiya , Stamboul, 1290 , 1, 156 ,
début. Cf. pour le șüfisme, par exemple , Qut, II, 34 , 77; Luma', 37 (vers
d 'al-Qannād ). Voir les remarques de Goldziher, p . 139 et n . 106 ; p . 346 et
n . 138. La dernière phrase est tirée du Qoran , 11, 151.
(6) † 328/940; cf. autre citation de lui : Sakwā, 39 vº 16 ; trad., p. 241.
LA ŠAKWA. 231

26° [37 v°8 ] ad-Dabbāğ (abū="Isḥāq 'Ibrāhīm ).


37° [37 rº12) ad-Dārānī(1) (abū-Sulaymān al- Absī, ‘Abdar
Raḥmān b. Ahmad ).
38° [37 rº 1 3) ad-Dārāni ( Dāwūd b. Ahmad, son frère).
29° [37 rº 7] ad-Daqqīq(2) (abū-l-Qāsim ) qui parla de la
science des mouvements de l'âme.
30° [37 rº 12] ar-Rudbārī (Ahmad b.‘Aļā)(3).
31° [37 vº 1 ] ar-Rabi' b.‘Abdar-Raḥmān ; c'est lui qui a dit:
e Dieu a des serviteurs qui passent , tristes, ici-bas, et qui
fixent avidement les yeux sur l'au -delà ; les regards de leurs
ceurs ont percé le Royaume supérieur et y ont vu une eau
jaillissant de la récompense divine ; ils ont alors redoublé
d'efforts dans la lutte , après que les regards de leurs cæurs
aient joui de cetle vision . Ceux-là n 'ont pas de repos dans ce
monde ; ce sont eux qui auront les yeux chauds de joie ,
demain n .
32° [37rº6 ] Zakariyā b. Muḥārib.
33° [37 rº11) az-Zahid (abū-Hūšim ).
34° [37 v°5 ] az-Zinjānī (abū-Bakr).
35° [37 rº 5] az-Zayyāt(Ahmad b.Wahb)(“).
36° [37 rº 9] as-Sulami (abū ‘Ali).
37° [37 rº6] Sumnun b . Hamza (abū-l-Hasan )(5).
38° [37 rº 5 ] as-Să ih ("Abdallah ).
39° [37 v°6 ] as-Sammān (abū-lʻAbbās).
(1) † 205/820 ; Fihrist, p . 184.
(2) Maitre d ’Al-Qusayri; + 405/1014 .
(3) † 309/929; cf. Hallāj , 43-47.
(1) Voir ses rapporls avec al-Junayd in Sakwa , 35 rº 19 ( trad . p . 222).
(5) † 303/915 , cf. Sakwā , 44 rº 12 ; trad ., p. 360.
232 AVRIL -JUIN 1930 .
10° [37 vº5] as-Sindi (abū-Abdallah ), disciple d'Abu-Yazid .
41° [37 vº 8 ] at-Țamastānī (abu-Bakr ).
43° [37 vº 10] 'Ubayd dit Al-Majnûn .
43° [37rº16] al-Usſuri (abu-Sa'id ).
44° [37 rº 17 ] Abdallah b.‘Afān .
45° [37 v°7] ‘Abdallah b. M . b.Manūzil(1).
46° [37 rº 15 ) al- Ataki (Jamil b. al-Hasan).
47° [37 rº 15] al- Attar (abū-ħātim ).
48° [37 rº 16] al-Aqili (*Uļman b. Şahr).
49° [37 rº 18 ] Ali b.Bābawayh (abül-Hasan).
50° [37v°10 ] 'Ali b. Sahl.
. 51° [37 rº 5 ] ‘Ali b. ‘Isā.
52° [37 rº 5 ] ‘Ali b. al-Madani.
53° [35 vº 161 ‘Amir b. ‘Abdallah b. Qays , qui fut élogieu
sement apprécié par le Maitre des Maîtres, al-Hasan al-Basri.
54° [37 rº 5 ] al-Fudayl b. lyąd(2).
55° [37 r° 4] al-Funūnī (abi -Sa'id), l'un des plus grands
sūſis d ’Al-Basra .

56° [37 v°7] Fath an-Nadā (abū-Nasr).


57° [37v°8] al-Fasawīabū-l-Husayn b. Hind).
58° [37 v°7] al-Fasavi(Jaʼfar).
59° (37 rº 17) al-Quraši (abū-Tuāba).
(0) + 329/939 , s'il faut l'identifier avec'Abu 'Abdallah Muhammad b . Manā
zil an -Nīsābūri ( Lawāgih , 1, 106 ) , maître des Malamatiya. Pour ces derniers ,
voir quelques lignes dans Goldziher, 139-140.
(2) † 187/803.
LA SAKWĀ. 233

60° [37 rº6] al-Qurašī (abu-Sard ).


61° [37 rº 3] al-Qaysi (aba-Muşāhir Riyāḥ ).
62° [37 rº 18] Muḥammad b. ’abū ‘A’iša.
63° [37 rº14] al-Maġză (abu-b-layt).
64° [37-rº 18) al-Makki ("Amr b.‘Utmān)(1).
65° [36 yº 17] Mālik b . Dīnar(2), l'un des plus grands as
cèles et des plus grands révélateurs des réalités.
66° [37 rº 12] al-Misri (abū-l-Fayd dũn-Nün)(3).
67° [37 vºg) an-Najjār (abū ‘Abdallah ).
68° [37v06 ] an-Nisābūri (abū-Aḥmad al-Gazzāl).
69° [37rº 7] al-Warrāq (abū- Ali).
70° [37 rº15] al-Wasāwisi (abū-Ja far M .b. Ismä'il).
71° [37vº4] al-Wāsiti (abu-Bakr)( ).
Tous ces şūſīs parlaient de nos sciences , et tous, sauf
quelques-uns, sontmorts avant la fin de la troisième centaine
( ivº siècle ).
C . Les femmes.
Des femmes eurent aussi des disciples , et des deux sexes.
1° [37vº 16 ] al-Ibiliya ( Ša'wāna )(5), qui enseignait en pu
(1) † 297 /90g (in Lawāqih : † 291).
(2) † 128/746 (in Lawāgiḥ : + 131; cf. p . 37).
(3) † 243/859 ( 245 in J.R .A .S. , 1906 , p . 330 ); « The man who above all
others gave to the şūſi doctrine its permanent shaper. Mais c'est à Al-Gazāli
que le şūfisme doit d 'avoir été tiré de la position isolée où il se trouvait
par rapport à la conception religieuse dominante , et d'être devenu eun élé
ment normal de la vie croyante dans l'Islām » , Goldziher , p . 149.
(6) + 331/942.
(5) Cf. Lawāqiḥ , 1, 66.
234 AVRIL- JUIN 1930 .
blic. La craintede Dieu s'était tellement emparée d'elle qu'elle
ne pouvait même plus accomplir ses devoirs religieux; puis
elle eut un songe qui la soulagea et elle revint à ses anciennes
pratiques de piété.
2° [37 vº 18] 'Unayda , grand’mère d'Abu-l-Hayr at-Taynāni
al-'Aqta'( ),qui avait cinq cents disciples, hommes et femmes.
30 [37 vº 1 2] al- Adawiya (Rābia)(2).Les hommes les plus
remarquables parmiles anciens écoutaient ses enseignements :
Sufyān at-Tawrī , par exemple. Elle fut reconnue capable d 'as
sumer cetle lâche. C 'est elle qui dit à S . at-Tawri : Quel digne
homme tu serais , n 'était ton amour pour ce bas-monde! » .
'Abdal-Wāḥid b . Zayd, cet homme d 'une si grande impor
tance , lui demanda sa main ; comme réponse , elle le bouda
plusieurs jours, jusqu'à ce qu'il eût mis en @ uvre l'intercession
de ses amis. Lorsqu'il rentra auprès d 'elle , elle lui dit : 0
esclave de tes passions, recherche une femme qui soit , aussi,
esclave des siennes » .
4° [38 rº 2] Fățima b abū-Bakr al-Kattānī(s), qui mourut
devant Sumnūn alors qu'il parlait de l'amour; trois hommes
moururent en même temps qu'elle .
5° [37 vº 18 ] al-Mawsiliya (Buhayra), qui pleura tant
qu'elle perdit la vue.
6° [38 rº1] an-Nisābūriya ( A’iša), femme d’Ahmad b. as
Sirri (?), quiparlait aux femmes de Nīsābūr et eut pour maître
abū ‘Utmān.

(1) Abu-l-Hayr est connu. Cf. Lawaqih , p. 108 -109; + 340/950.


(2) + 185 /801. Cf. in Qut, II, 57, les anecdotes rapportées ici à propos
d 'At-Tawrī et de 'Abd-al-Wāhid b . Zayd . Ce dernier parait en effet avoir eu
quelque importance; cf. Essai, particulièrement : 95 ; 135 ; 191-192.
(3) Pour abū-Bakr al-Kattāni , + 321/934 , cf. Lawāgih , 1 , 109.
LA SAKWA. 235

D . Les auteurs.

Parmiles plus célèbres et les plus anciens d'entre eux :


gº [38rº 9] al´Isfahani (abū Abdallah M .b . Yusuf al-Banna ).
20.138 rº 7] at-Tirmidi(1)('abū-Bakr M .b.‘Umar al-Warrāg).
30 [38 rº67 at-Tirmidī(2) (’abu-'Abdallah M . b.‘Ali); c'est lui
qui a dit : « Je n'ai rien écrit avec préparation; mes ouvrages
me servaient de réconfort lorsque le temps me pesait , (3),
40 [38 r 5] al-Junayd ('abū-l-Qāsim )(4), le plus éminent de
tous, le plus qualifié et le plus sûr.
5° [38r® ] al-Hawwās (’abū-Isḥāq b. Ahmad )(5).
6° [38 rº 9] as- Sarrāj ('abū-Nasr at-Tūsi)(6).
7° [38 rº 5 ) as-Saqiqi ("Ali b. Ibrāhīm ).
8° [38 rº 6] al- Askari ( Saht).
gº [38 rº9] al-Farhaki (Aḥmad b. M .).
10° [38 rº4 ] al-Muḥāsibi (al-Hārit b.’Asad )(7).
11° [38 rº9] Muhammad b.Hafif ('abū--Abdallah)(8).
avis
1 30 [38 rº10] al-Makki('abū-ſalib)(®),quieut,à mon avis, non

(1) Cf, Risāla , 24 .


(2) + 285 /898 ; cf. Essai, p . 256- 264.
(3) Cilé in Risāla , 24 , et Lawāqih , I , go.
(5) † 298/911; cf. Essai , 273 et suiv . "
(s) † 291/904 ; cf. Risāla , 26.
(6) † 378/988 , auteur des Luma'. .
(7) + 243/837; cf. Essai, 221-225 et passim . Son influence sur Al-Gazāli,
ibid . , 234 med .
(8) (Ad-Dabbi], + 371/981.
( Auteur du Qüt ; † 380/990; cf. Sakwā (supra ), 34 vº 18 , trad ., p. 219.
236 AVRIL - JUIN 1930.

dans ces sciences , un enseignement sans précédent, à en juger


par ce que je connais.
13° [38 rº 8] an-Nisābūrī(1) (abū Ja'far Ahmad b. Hamdan
b. 'Ali b. Sinān), avec qui al-Junayd a échangé des lettres.
Ce sujet nous entraînerait fort loin ; c'est pourquoi je reviens
au but que je me suis assigné. De même, donc , que chaque
groupe de ‘ulamā se sert d 'un vocabulaire technique conven
tionnel pour le sens duquel il faut se référer à ces ‘ulama, de
même, c'est aux sūfīs qu'il faut demander l'éclaircissement
desvéritésqu'exprimentleurstermes techniques comme al-baqā ,
al-fanā (2), etc.
L 'homme sage et impartial doit, lorsque ces termes par
viennent à ses oreilles, en demander le sens à celui qui en
est l'auteur et lui dire : « Que veux-tu signifier par telsmots ? »
Mais le juger sans lui avoir demandé raison et le traiter d'athée
(zindiq) et d'impie (mulḥid), c'est lancer des flèches à l'aveu
glette . -
Un şūſi envoya à un grand Imām des vers pour lui deman
der la signification de quelques termes techniques şūfis ; seul
ce vers
ce
me paraît convenir à cet aperçu :
vers m ven

« Et si l'on dit : « Lui sans Lui» et « moi sans moin que


veut-on exprimer ?(3) ,

Le but de tout cet exposé est celui-ci : la Risāla que j'ai


composée dans ma jeunesse et que mes ennemis , poussés par
la jalousie , ont utilisée pour me nuire d'une façon efficace,

(1) † 311/924. Cf. Lawagih , 1, 102-103. Aš-Safrāni écrit Sinān et non Sam
nān comme paraît le porter le manuscrit de la Šakwā.
(2) Cf. l'appendice.
(3) Mètre : hafif
LA SAKWĀ. 237
contient un certain nombre de termes et expressions en usage
chez les șūfis. Par exemple :
« La puissance de la Majesté éternelle a rayonné : la plume
subsiste , mais l'écrivain est anéanti. ,
reLe cesoin éternel m 'a pénétré et a submergé mon « moin
contingent.”
« L 'oiseau s'est envolé vers son nid (1).,
Si un atome de ce qui s'est passé entre eux deux se mani
festait , le trône et l'escabeau deviendraientnéant » , etc.(2).
Mes adversaires ont montré une très grande sévérité dans
leur blåme, voyant dans ces propositions l'æuvre de l'hétéro
doxie (kufr ) , de l'athéisme (zandaqa ) et d'une usurpation du
« prophétisme, (da'wā-n -nubuwa).
Je vais citer un certain nombre de formules ayant pour
auteurs de grands sayhs pour montrer que les şūſis se
servent entre eux couramment, de pareilles expressions et en
usent fréquemment sans que cela leur mérite le blåme;
leurs ouvrages en regorgent.
Al-Wāsiți a dit :« Dieu manifesta de son œuvre ce qu'll mani
festa , comme preuve de sa divinité; puis Il anéantit tout, par
cette parole (3) : « Tout est périssable excepté son visage». Les
OL
créatures , par rapport à son immensité , sont comme
neu
un atome
de poussière sans importance; elles n 'ont d 'autre voie vers Lui
que celle qu'Il leur a tracée : voie de la science qui Le leur fait
affirmer tel qu'ils L 'ont compris » .

(1) Cf. 39 rº 17 et 40 rº 3-3 ( trad ., p. 239 et 241) [formule complète ]. Le


mot ļā'ir (oiseau ) représente l'âme qui aspire à l'union avec Dieu , par oppo
sition au qafas ( cage) qui est le corps; cf. Riyad , p. 107, à propos de ‘Aq,
dont le ļā'ir -i-lāhūti aspire à se dégager du qafas-i-nāsūti. C'est l'une des thèses
qui furent condamnées chez al-Hallāj, qui n'a pas employé les mêmes termes ;
cf. Hallāj, 791.
(9) Cf. plus loin le sens de taláši, employé ici (39 rº 15 ) trad., p. 259.
(3) Qoran , xxvIII , 88.
238 AVRIL - JUIN 1930.
Le sens de ces paroles est celui que j'ai voulu exprimer
dans un chapitre de ma Risāla , en ces termes : « La vérité
est que Dieu est le tout et le multiple ; ce qui n'est pas Lui
est l'un et la partie (1).» Le sens en est que tout le créé est,
par rapport à l'immensité de l'essence divine, comme la par
tie à côté du tout et l'un à côté du multiple ; car toutes les
créatures réunies ne sont qu'une goutte de l'océan de sa Toute
Puissance. Mais je n'ai nullement voulu dire que Dieu est
multiple par ses parties . e Dieu s'élève bien haut au-dessus de
toute possibilité de divisibilité(2) ,
On peut rapprocher de ce texte , cet autre : « Gabriel , le
trône, l'escabeau et le Royaume supérieur, tout cela est comme
un grain de sable dans ce qui est au delà , et mêmebien moins
qu'un grain de sable (3)n . Ce quine veut pas dire que Dieu est
plus étendu que l'univers , par la multiplicité des parties ; Il
est grand par l'immensité de son essence . Affirmation qui a
pour objet de réfuter cette thèse des philosophes : Dieu a
créé seulement une chose unique(4).
• De plus , l'accusation qu 'on melance est injustifiée, puisque
j'ai écrit , dans la même Risāla , que l'on ne pouvait absolument
pas concevoir une dualité dans l'Éternel.
On s'est imaginé aussi voir dans certains passages de la
dite Risāla , une prétention à la vision réelle demandée par
Moïse , demande qui reçut cette réponse (5) : Tu ne Me ver

(1) Cf. Miškät, p . 10 et 22 : huwa -l-kull, huwa huwa.


(9) Expression qorapique : xvii, 45.
(3) Cf. Luma', p. 35 et 399 , où intervient Ibn 'Abbās. Pour ce qui suit ,
cf. Miškāt , p . 19.
(4) Cf. Aš-ŠAHRASTÁNÍ, Milal (Cureton ), II, 380. C 'est la théorie à tendance
émanatiste d'Ibn Sinā qui est visée ici. Cf. aussi l'Avicenne de Carra de Vaux ,
p. 241, 245 et suiv., où l'auteur n 'utilise pas le terme d'émanation . 'Aq con
naissait les écrits d'Avicenne; il en cite des passages in Zubda , fol. 109 ve
in fine et suiv. et fol. 114 rº in fine et suiv., en nommant le philosophe.
(5) Coran , vii, 139.
LA ŠAKWA. 239

ras point» . Pour avoir cette pensée, il faut que l'on ait oublié
ce principe clair et qui n'admet pas l'interprétation : « il est
inconcevable que quelqu'un puisse voir Dieu ici-bas, ni saint,
ni prophète , sauf Muhammad (1)g .
J'ai écrit à propos du rūḥ(2) des choses identiques aux ensei
gnements des šayhs, par le sens, quoique différentes par la
forme.
Les şūſis ont beaucoup parlé du rūḥ. Ainsi al-Wasiti a dit :
re Dieu a manifesté le rūḥ, (le tirant de sa propre majesté et
de sa propre beauté ; et s'il n' était voilé , tous les infidèles se
prosterneraient en adoration . Et lorsque les clartés des intel
ligences et des facultés compréhensives apparaissent, elles
s'anéantissent dans les lumières du rūḥ , comme s'anéantissent
les clartés planétaires et lunaires dans la lumière du soleil».
On peut tirer de ces paroles la signification exacte du mot
talāší, qui est donc non point l'anéantissement de la chose en
soi, mais le fait qu'elle se cache à celuiqui l'appréhende.
Abū Sa'id al-Harrāz a dit : « Dieu a attiré à lui les esprits
de ses amis et leur a fait savourer son souvenir et la mention
de son nom ., C'est exactement identique à ce que j' ai voulu
exprimer par ces paroles : « L'oiseau s'est envolé vers son
nid . ,
Abū-t-Tayib as-Samarri a dit : « La connaissance est le lever
du Réel sur les consciences intimes par la succession ininter
rompue des lumières(3) ,
Al-Wasiti a dit : « Si le Réel se manifeste aux consciences

(1) Cette formule , un ḥadīt sans doute , condense la croyance qui rallie ,
semble-t-il, la majorité des musulmans orthodoxes. Cf. pour cette question de
la ru ya , bien discutée , les pages de Hallāj, 695 et suiv.
(9) Une question encore plus épinense : cf. Hallāj , 376 ; 407; 481; 483;
518. Luma' consacre un chapitre à cette question (le dernier ).
2 . ) Cf. Risāla , 155. Le Kašſ al-mahjūb ( éd . Joukovsky), p . 352 , l'attribue
à Dü-n-Nun al-Misri.
240 AVRIL - JUIN 1930.
intimes, Il n'y laisse de place nià la crainte niàl'espérance (11.9
C'est ce que j'ai voulu exprimer par la proposition du cesoi éter
nel pénétrant le moi contingent» .
Al-Junayd a dit : « Le souffle du şūſi , lorsqu'il est en effér
vescence et qu'il se précipite du cæur, ne touche rien sans le
brûler , même le trône(2).„ L 'incendie du trône équivaut à son
anéantissement( talāší ) ; et quiconque se perd soi-mêmede vue ,
s’unit à son maître, et tout le reste pour lui est finexistant),
consumé par un feu. Comme le prouve cette anecdote d 'abú
Sa'id al-Harrāz. Il raconte lui-même : « J'errai dans la cam
pagne , lorsque j'entendis une voix qui disait :
se Si tu étais véritablement du monde de l’être , inexistants
seraientpour toi et tout le créé ceet le trône et l'escabeau (3),,
Et vraiment, celui qui craint Dieu dans le secret des ré
traites , finit par arriver à cet état (de libération comme l'ex
prime Abū-Muḥammad al-Jurayrī dans ces paroles : « Par la
pureté de la servitude s'acquiert la liberté et par la libération
s'obtiennentla manifestation et la vision . » Cette vision d'ailleurs
n 'est pas celle demandée par Moise , mais autre chose dont la
nature est bien connue de ceux qui la possèdent. C'est à cela
que fait allusion le même al-Jurayrī en disant : « Celui qui ne
fonde pas ses rapports avec Dieu sur la piété et la vigilance ,

(1) Cf. Risála , 66 . Dans cette maxime, comme dans bien d'autres du
şūfisme, même le plus épuré, on ne peut s'empêcher de remarquer la ten
dance antinomisle qui perce çà et là . Cf. Goldziher , fol. 138 in fine et suiv .
Cf. Hallāj, 772-775.
(2) Voir in Luma', 397, une citation d 'As- Šibli qui ne manque pas d'affinité
avec celle d’Al-Junayd , mais qui est plus nuancée et où nafs et sirr sont mis
en une opposition très nette : « ...Mon nafs (moi charnel) désire un morceau
de pain et cependant, si mon sirr ( conscience intime) se tournait vers le trône
et l'escabeau , il serait consumén.
(3) Cf. Risāla , 36-37, où l'anecdote est plus circonstanciée. Notre vers y est
le second de trois. Mètre : ļawil.
LA SAKWA. 241

celui-là n 'arrivera pas à la disparition du voile et à la contem


plation (1).,
Abu-Bakr at-Tiflisi a dit : «at-tasawwuf est un état que ne
peuvent porter ni le cæur ni la raison » .
Abu -l-Hasan , le sayb Sumnūn (2) a dit : « at-tasawwuf n 'est
pas un état, ni une durée mais un signe qui affole et des
éclats qui brûlent.»
Al-Huldi(3) a dit : « at-tasawwuf est un état où se manifeste
l'essence de la divinité et où l'essence de la servitude n'est plus.»
C 'est ce que j'ai voulu exprimer par ces paroles : « La connais
sance , la plume et l'intelligence furent anéanties ; seul l'écri
vain resta ,mais sans cesoin .
Al-Murtaʻiš a dit : at-tasawwuf est un état voilé jalouse
ment à l'univers par celui quien bénéficie; allant vers le réel,
il ne voit pas même qu'il va versLui; et le Réel était,mais lui
pas (4) ,
Abu-l-Hasan al-Aswārī a dit : « at-laşawwuf, c'est l' oubli de
moi et mon éveil à mon Maître. »
Dū-n-Nun al-Misri a dit : « Dieu a des serviteurs qui re
gardent avec les yeux du cæur les choses voilées de l'inconnu ;
leurs esprits errent (un moment] dans le Royaume supérieur
du ciel, puis leur rapportent une cueillette plusagréable que
les fruits de la joier. C'est ce que je voulais exprimer en écri.
vant ceci :« L 'oiseau s'est envolé vers son nid , puis il est revenu
à la cage(5)gs.

(1) Risāla , 56 et 95; Luma', 346.


(9) Le manuscrit porte : « Abū-l-Hasan šayh Sumnūnr. Ce sayh sans article
est-il un reste persan dans la façon arabe d'appeler abū-l-Hasan Sumnūn ,
chez 'Aq ? Ou bien est-ce pour désigner un maitre de Sumnūn qui s'appel
lerait abū-l-Hasan ? Sumnûn : + 393,915. Voir p . 231, et infra , 44 rº 4 . •
(3) + 348/959. Cf. in J.R .A .S. une définition d'at-tasawwuf par al- Huldi,
en persan , qui parait identique à la nôtre.
(6) Cf. T.A ., 11, 87. Al-Murta iš est classé à al-Hurāsānī, supra , p . 230.
(5) Cf. p. 237, supra.
CCXVI. 16
IMPRINERIR SATIJALA .
242 AVRIL-JUIN 1930 .
On rapporte aussi cette anecdote : « Un homme se mit à
montrer les signes de l'extase, auprès de Yahyā b . Muād; on
lui dit : « Qu'est-ce que cela ? — C 'est que, répondit-il, les
re attributs de l'humanité s'évanouissent et les lois seigneuriales
rese manifestent, . :
On interrogea abū -1-Fawāris al-Kurdi(1) sur al- tawḥīd ;
e c'est, répondit-il , ce que tu reçois gratuitement, sans toi
( sans que tu aies joué un rôle ).
Sulayman b . Abdallah a dit : « Tout souffle contenant la
mention du nom de Dieu est relié au trôner.
Abū-Hamid al-Istahiri a dit : « J'ai interrogé abū-Ya'qub al
Mazābili(2)sur at-tasawwuf; « C 'est, me répondit-il, le fait que
e l'essence de l'humanité s'anéantit pour toiainsi que les signes
e de l'ce où » .
Habaši b . Dāwūd a dit : « At-tasawwuf, c'est la volonté du
Réel dans les créatures, sans les créatures n .
Yahyā b . Muād a dit (s) : « Celui qui voit avec le Bien -Aimé
autre que le Bien -Aimé, ne voit pas le Bien- Aimén.
Une grande partie de ma Risāla tourne autour des prin
cipes (qui inspirent ces citations). Chaque expression de ce
genre nécessite un prélude et une étude préliminaire expo
sant les règles et montrant les fondements de la science des
şūſis, pour que l'on puisse en connaître réellement le sens. Je
ne m 'occuperai pas maintenant de ce travail qui exigerait la li
berté du cœur et la tranquillité de l'esprit; car je suis accablé
de soucis , et tout désemparé devant la malheureuse destinée
qui m 'est faite : prison , chaînes et toutes sortes de tourments.
« On a déversé sur moi des calamités qui si elles avaient

(1) Maître d 'abū Yazid al-Bīstāmi, J.R .A .S., 1906 , p. 325.


(2) Philosophe mystique contemporain d'Al-Hallāj; cf. Hallāj , p. 530 , fin de
la pole 3 de la page 599.
(3) Hallāj, 516 , n . 3.
LA SAKWA. 243
coulé sur les jours , leur auraient donné la couleur des
nuits (1),
Et je n'ai, pourtant, écrit cette Risāla qu'avec l'espoir d'ac
quérir un bon renom ici-bas et d'obtenir de mes lecteurs ,après
ma mort , une prière implorant pour moi la bonté divine. Si
j'avais pu penser que cette Risāla serait pour moi l'occasion
de ce que je souffre, je n'en aurais jamais abordé l'exécu
tion .
* J'ai planté des plants ; j' espérais qu'ils prendraient et qu'ils
donneraient de bons fruits.
« S 'ils portent des fruits autres que ceux que je souhaitais, la
faute n 'est pas mienne que l'essence en soit devenue amère (2).,
Et puisque personne parmi les ‘ulamā et les șūſis n 'a ré
pondu aux accusations lancées contre moi — pour une excuse
à laquelle je fais droit, mais sur laquelle je ne puis insister car
elle a une longueur et une largeur — j'ai pris moi-même la
plume — c'est sur elle que je compte — et j'ai répondu au
contradicteur par cette Epitre lui offrantmes excuses.
« Celui qui compte sur les services d 'un homme lointain ,c'est
mamain qui, dans les difficultés, compte sur mamain (3), ,

Quoi donc ! n'y a-t-il pas dans l'enseignement des sūfis des
choses qui, examinées par un esprit partial et contradicteur,
donneraient large prise à la critique.
Ainsi, on rapporte que Maʻrūf al-Karhi(4) a dit à un homme:
< Prie Dieu qu 'ilme rende un atome d 'humanité ! , Voilà une

(1) Mètre : kāmil.


(3) Mètre : fawil.
(3) Mètre : tawil.
(1) † 200 ou 201/816 . C 'est à lui que remonte , d'après J.R .A . S., p . 306, la
plus ancienne définition du şūfisme. Voir sa place dans l'isnăd şūfī, ap.
Fihrist , p . 183.
26 .
244 AVRIL- JUIN 1930 .
chose dontle sens littéral est abominable ; car l'adversaire de
parti-pris pourrait dire : « C'est là un homme qui s'est placé
au-dessus de Muḥammad , l'Élu . Car celui-ci a dit : « Je suis
homme; je me mets en colère comme un homme se meten co
lère », et Maʻrūſ prétend qu'il n 'y a plus rien en lui d'humain .
Mais le sensde cette expression est clair pour les gens de la
science du réel , et personne d 'autre qu'eux ne le connait : la
possession de chaque science est réservée à ceux qui s'y appli
quent et usent leur vie à étudier ses réalités et ses secrets. Et
la science des şūſis est la plus noble de toutes les sciences et
la plus profonde ; seuls ils en connaissent le sens manifeste et
le [ fond ] caché.
Je citerai mêmeune difficulté dont la solution ne se trouve
que dansleur science; (mon adversaire ) prétentieux se rendra
compte qu'il ne connaît rien de celle-ci(1).
Dans un ḥadit saħiħ , il est rapporté que le Prophète déclara ,
à maintes reprises , que lui-même et certains saḥāba, comme
Abū -Bakr, 'Umar, 'Utmān , ‘Ali sontparmi les élus du Paradis .
On trouve encore dans les Şihaḥ que le Prophète a dit , dans .
un long hadīt : « J'entrerai auprès de mon Maître, je me pros
terneraidevant Lui et j'intercederai pour ma communautén.
Mais, d'autre part, dans les deux Saḥīḥ , il a dit : « Je le
jure par celui qui tient l'âme de Muḥammad dans sa main ,
je ne sais si je suis parmi les gens du Paradis ou parmi ceux
de l'Enfer (2)
N 'est-ce pas là une difficulté manifeste ? Mais la solution en
est claire chez ceux qui ont suivi la voie des şūſis où le cas des
(1) Les șūſis n 'ont pas hésité à dire que le Prophète a eu des sathiyat.
L 'auteur y fait allusion infra , (42 rº fine , ici p. 253); il y assimile les Hadit
qudsi aux discours des sūfis en extase . Ici c'est une contradiction apparente
entre des ḥadīt différents qu'il rapproche de la manière de parler des şūfis.
(2) C'est un thème courant de méditation chez les şūfis que ces paroles
opposées du Prophète. Voir un assez grand nombre de ḥadīts de ce genre
et de versets qoraniques cités in Maktabät , 181 rº-182 r .
LA ŠAKWĀ. 245
paroles extatiques est bien connu , à l'exclusion de toute autre
voie .
Abū -Yazid a dit (1) : « Dieu a regardé l'univers et m 'a parlé
en ces termes : « 0 Abū- Yazid , ils sont tous mes serviteurs sauf
e toin, m 'exceptant ainside la servitude» . Il estmanifeste que si
l'adversaire disait : « Le Prophète répétait souvent ces mots :
« Je suis un serviteurs, et on rapporte que les Prophètes di
saient : « Fais-nous la grâce [ ô Dieu de nous compter parmi
e tes serviteurs », comment d'autres peuvent-ils se permettre de
se déclarer exclus de la servitude» , il pourrait spécieusement,
ſaire impression .Mais cela gêne seulement ceux quine connais
sent pas les şūſis ;chez ceux-ci la difficulté a une solution plus
claire que le soleil.
Plus frappantes que les paroles d'Abū-Yazid sont celles d'aš.
Sibli(2). Ayant entendu celles d 'Abū -Yazid , il dit : « Le Réel
m 'a fait la révélation de quelque chose de moins grand ; il a
dit : e tous les êtres créés sont mes serviteurs , sauf toi, car tu
e es Moi.»
On peut citer encore d'aš-Šibli la réponse qu'il fit à cette
question : « Connais-tu une véritable joie pour ton âme? –
Oui, dit-il, lorsque je ne trouve personne qui mentionne le
nom de Dieu (3) 9 . Si l'homme de parti pris disait : « C 'est un
blasphème (kuſr), car tous les Prophètes furent suscités pour
appeler les créatures à connaître Dieu , et à bénir son nom , et
ne se réjouissaient que si l'on se montrait docile à leur appel,

(1) Cf. Essai, p. 246 .


(2) D'après M . Massignon , les paroles attribuées à as - Sibli se trouvent
données sous une autre forme comme étant de Nībājī , par Sahlagi, Kitāb an
Nür (fol. 82 du manuscrit de M . Massignon ). Cf. Essai, 247. Il semble que
Sahlagi se trompe, car Nībāji est contemporain d'Abū-Yazid , s'il n'est pas son
ainé . . .
(3) Cf. Risāla , 126 ; Lawāgiḥ , I, 104 . Voir ce qui est dit à ce sujet in Mak
ūbāt, 57 vº : mentionner vocalement Dieu souvent prouve que l'on est novice
dér bidāyat) dans la vie spirituelle.
246 AVRIL - JUIN 1930.
comment aš-Šibli peut-il dire : « Mon âme n'est heureuse que
re lorsque personne ne nomme Dieu » ? » , il aurait encore là un
argument spécieux.
Aš-Sibli disait aussi, dans sa prière : « O mon Dieu , fais
habiter mes ennemis dans le jardin d'Éden et ne me prive pas
de Toi,un clin d'ail» . L'adversaire de parti pris pourrait dire :
ceSi le Prophète répétait habituellement dans ses prières ces
paroles : « O mon Dieu , je Te demande le Paradis , et je me
e réfugie,auprès de Toi, de l'Enfer », comment d'autres peuvent
ils dire ce qu'aš-Sibli exprime dans sa prière ? ,
On rapporte aussi que plus d'un grand şūfi aurait dit :
reQui sert Dieu en vue d'une récompense , est vil ».
Kulayb as-Sinjāri — un des hommes que les épreuves n'ont
pointménagés — disait : Si Job était en vie , j'aurais lutté
en duel (de tribulations avec luin . L 'adversaire de parti pris
pourrait spécieusement triompher en disant : 4 Voilà un
homme qui se dresse contre les Prophètes dans leur mission
même, et c'est du ku /r . »
Plus étonnante encore est l'anecdote que l'on rapporte au
sujet de Saqiq al-Balhi(1). Il demanda un jour à un šayh de lui
donner la caractéristique de ceux qui connaissent Dieu . « Ce
sont ceux qui, répondit le sayh , lorsqu 'on leur donne , rendent
grâces et lorsqu'on les prive, se résignent. — C'est là , dit
Saqiq , la caractéristique des chiensde chez nous, à Balh . -
Et quelle est donc la véritable caractéristique , demanda le
(1) Cf. Risala , p. 114, où l'anecdote est substantiellement identique, mais
racontée d'une façon différente , tendant à souligner la précellence de Ja'far,
Ibn bint Rasul Allah . — Šaqīq est le premier à avoir défini comme « un état
mystique, le concept idéal du Tawakkul, résignation , abandon permanent à
Dieu , nié par Thawrî. . . C'est la thèse caractéristique de l'École khuraså
nienne . . . Théoriquement, c'est nier que l'homme puisse rien désirer, acqué
rir ; pratiquement , c'est un væu de mendicité volontairen , Essai, 328-929.
La note , de la page 229 fait remarquer que Šaqiq combinait avec ce vau
le tafdil al-faqr. Saqiq est mort en 194/810.
LA ŠAKWA. 247
šayb? — Ceux qui connaissent Dieu ,répondit Šaqiq , ce sont
ceux qui rendent grâces lorsqu'on les prive et qui, lorsqu'on
cen

leur donne, préfèrent subvenir aux besoins d 'autrui plutôt


qu'aux leurs propres » .
Si quelqu 'un disait : « Dieu , dans son Livre, a loué plus
d'une fois les hommes résignés et reconnaissants , comment
Saqiq peut-il lesmettre au niveau des chiens? n , il ferait certes
grande impression sur les côurs , excepté sur ceux des hommes
qui connaissentles enseignements de nos gens et leurs habi
tudes d'expression.
Lorsque Al-Wasitī(1) entra à Nisābūr, il dit aux disciples
d'Abū-Utmān : « Que vous ordonnait votre Maître ? — Etre fi
dèles à l'observance ,répondirent-ils, et veiller à éviter toute dé
faillance en cela . — Mais il vous donnait de purs préceptes de
Mages, dit Al-Wasitī. Que ne vous a-t-il ordonné d'oublier
l'observance pour ne voir que son auteur et son inspirateur !
L 'adversaire pourrait dire que cela est kufr ; puisqu'Al
Wăsiți a déclaré qu'être fidèle à l'observance c'est être un pur
Mage, et cela est contraire à ce que Dieu et son Prophète ont
dit ,car le Coran, du commencement à la fin , est une louange de
(1) Al-Wasiti est mort en 331 942. Pour notre anecdote , cf. Risāla , 34 .
Il y a un mot d'Al-Ħallājqui ne manque pas de similitude avec celui d’Al
Wāsiți et qui se trouve traduit in Essai, 99 : Quand on considère ses œuvres
on perd de vue Celui pour qui on les accomplit; quand on considère Celui
en vue de qui on agit, on perd de vue la considération de ses ouvresn . Cf. aussi
Hallāj, 869, n . 1, une citation d ’Al-Wāsiti lui-même: « garder l'intuition de sa
propre dévotion , c'est garder l'intuition de ses propres mots , de son propre es
pritr. On peut rapprocher de ces citations un prétendu ḥadit : « Si la lecture
du Qoran te plaît, tu dois la délaisser :'idā 'a jabatka qirā’tu ---Qur'ān fa 'alayka bi
tarkihān. Maktūbāt , 186 v°. - Le şūlisme n 'a pasmanqué de connaitre , et très
vite , la tendance anomiste et antinomiste ; cf. Goldziher , 138-139; 146-147.
Non qu'il faille en accuser lous les șūſis , même les plus grands. Al-Wasiti ,
cependant, ne semble pas y avoir échappé. Certaines de ses paroles sont
du moins équivoques. Cf. Hallāj , p . 784 , 819 ... Comme le dit M . Mas
signon , Al-Wasiti dévie vers le Qarmatisme. Nous savons d 'autre part
qu'il est le précurseur véritable du monisme d 'Ibn al-'Arabī, Essai, p. 285.
248 AVRIL- JUIN 1930.
l'observance et de ceux qui y sont fidèles» , cet adversaire au
rait pleinement raison , si l'on se contentait d 'examiner l'exté
rieur des choses.
Sache que la science du sufisme se divise en plusieurs
branches ; et chaque branche est l'objet des études d'un groupe
spécial d 'hommes. "Rare est celui qui connaît parfaitement
toutes les branches. Parmi ces branches se trouve la science
de l'itinéraire (“ilm as-sulūk ), qui est contenue dans un grand
nombre de volumes.
C 'est à l'une de ces branches que fait allusion as-Sibli en ces
termes(1) : re J'écrivis le ḥadīt et le figh , pendant trente ans,
jusqu'à ce que la lumière de l'aurore se fit (dans mon âme);
je vins alors trouver tous lesmaîtres sous la dictée desquels
j'avais écrit, disant: « Je désire le figh de Dieu »; aucun d 'eux ICU

ne me répondit.»
Parmi ce que l'on m 'a reproché dansma Risāla , il y a cette
proposition : e Dieu est au -dessus de la possibilité de l'appré
hension des Prophètes , à plus forte raison de celle du commun
des hommes (2).,
Or appréhender signifie que le sujet qui appréhende saisit
la totalité de l'objet appréhendé. Cela , en ce qui concerne l'es
sence divine, ne peut être conçu que de Dieu lui-même. Donc
re seul Dieu connaît Dieu (3), comme le dit Al-Junayd. On a

(1) Aš-Šiblī ,né 247/861; + 334/945. Pour cette citation , cf. Luma', 404 .
Au sujet de la vanité des sciences profanes et même religieuses étudiées pour
elles-mêmes , cf. Goldziher, 271, n . 35 . Peut-être faut-il comprendre dans ce
sens ces paroles de Aq , lui-même : muddati bovad kè dél-i-'in šifte az zabān
šanīdan : zabān qa'il büd va dėl mustami'. . . 'Aknün , muddati 'āmad kè zaba
nam az dėlmi sanavad : dėl qā'il ast va zabān mustami' (Zubda , 6 vº ).
(2) Cf. Miškāt , 19 (voir ici p. 250 , n . 2 ,etIljām al 'avāmm d'Al-Gazāli aussi
(Caire , 1309 ), p . 22.
(3) Ce mot d'Al-Junayd (cité sans référence in al-Madnün bihi ‘alā gayri
'ahlihi d 'Al-Gazāli (Caire, 1309, p. 9 ]) semble avoir pour origine la célèbre parole
d'Abū-Bakr citée infra 41 vº 10 , ici p . 249, parole qui a eu un grand succès
LA SAKWĀ. 249
aussi interprété ce verset(1): « Ils n'ont pas évalué Dieu à sa
valeur , avec ce sens : « Ils n'ont pas connu Dieu de la connais
sance qu'il mérite .»
Le Prophète a dit :« Si vous connaissiez Dieu de la connais
sance qu'il mérite , les montagnes se déplaceraient à votre
prière et vous marcheriez sur les eaux(2). Et si vous craigniez (3)
Dieu de la crainte qui lui convient, vous auriez la science
qu'aucune
ucune ignorance ne peut accompagner;
dance CON personne d'ail SON

leurs n'a atteint ce degré, — Même pas toi, ô Envoyé de Dieu,


demande-t-on ? — Même pas moi, répondit-il. Dieu est trop
grand pour quequelqu'un atteigne son Essencen.
Aş-Şiddiq a dit(4) : « Louange à Celui qui n'a laissé de voie
aux créatures pour le connaître que celle de l'impuissance où
ils sont de le connaitrer .
Ahmad b.‘Atā (5)a dit: Il n'y a aucune possibilité pour qui
(Hallaj , 887, n . 7). On peut en rapprocher la parole d 'Ad-Dinawari (ici infra ,
p . 250, Sakwā , 41 vº13) et ce mot d 'A . G . : Là yu'rafu l-Haqqu 'illā bil
Hagg (Zubda , 91 rº, et aussi au fol. 58 rº de l'ancien fonds Persan 36 du
même). On attribue des paroles substantiellement équivalentes aux précé
dentes à presque tous les grands şūſīs, par exemple in Risāla , 155 ; Lawa
qih , 1, 75. On trouve in Maktūbāt , 92 vº : wa-llahi ma ‘arafa-llaha gāyru
llahi walā gāl allaha 'illā-llahu. Voir Šarh -i-lama'ôt- - Irāgi , B. N. Persan 19,
fol. 30 rº. Ce 'Irāqi est un disciple de ‘Aq; il est mort en 709/1309. Les
interprétations erronées de pareilles formules étaient possibles. De fait, dès
Aq, on proteste contre celle-ci : Qowmi gūyand Hodā-i-ta 'ālā joc hodrā nadā
nad (Maktūbāt , 69 v°).
(1) Qoran , vi, 91. La même interprétation est in Zubda, 82 v".
(9) Ce ḥadit est cité in Kašf al-mahjūb (Joukovsky), p. 341, et in Qūt, II,
3 avec : law lawakkaltum ‘alā-llahi haqqa tawakkulihi. . . à la place de law
‘araſtum . (Marc, X1, 22-24 ; Matth ., XVI, 19 ; Matth ., xiv, 25-32; Marc, vi,
38 ; Jean , vi, 19 ).
(3) A rapprocher de deux hadits, l'un in 'Iljam al'awamm (Caire, 1309).
p. 7 ; l'autre in Kalābādi,61 r .
(6) Cf. Qūt, II , 87 ; Luma', 30; Kašf al-Mahjūb (Joukovsky), p. 365;
Risala , 148 ; Maktūbāt, 149 rº.
(5) † 309/923 (mis à mort : Essai, 96 ). Cette citation est in Luma',
p . 35, avec un contexte.
250 AVRIL - JUIN 1930.
que ce soit de connaitre Dieu à cause de son impénétrable
impassibilité et de la fermeté de sa Seigneurie.
On demanda à Abū-l-Husayn an -Nūrī(1) : Comment se
fait-il que l'intelligence ne peut le saisir alors qu'il ne peut
être connu que par elle ? — Comment, répondit-il, le limité
peut-il saisir l'illimité ? ,
On posa cette question à abū-1- Abbās ad Dinawarī : Com
ment as-tu acquis la connaissance de Dieu ? — Par le fait que
je ne Le connais pas, répondit-il » .
Dū-n-Nūn a dit : « Il ne connaît pas Dieu , celui qui Le con
naît; et il ne l 'a pas trouvé celui qui pénètre son essence; et il
n’a recueilli aucune parcelle de vérité celui qui Le représente
sous une forme ou sous une autre » .
L'équivoque vient d 'ailleurs , dans l'esprit de ceux qui en PIX

sont victimes , de ce qu'ils croient que connaître l'existence de


Dieu et de ses attributs : science , puissance , vie, volonté ,
parole , vue, ouïe, équivaut à connaître Dieu et à appréhen
der son essence . Ce ne fut nullement l'enseignement des şūfis.
Ceux-ci ſont une distinction nettement tranchée entre savoir
Dieu et Le connaître(2).
Savoir que l'Éternel existe est chose simple . C'est à cela que
fait allusion ce verset du Qoran (3) : « Peut-il y avoir du doute au
sujet de Dieu ?
Mais appréhender la réalité de [Son ] essence et avoir la

(1) † 295/907. La citation est in Luma', p. 37, avec variante. Cf. infra ,
p. 260, n . 3.
(9) Voir, en appendice , le sens des mots 'ilm et ma'rifa. A la ma'rifa est
réservé de cesaisir l'essence de la sainteté divinen. Cf. T. A ., II , 274, cité
in Goldziher , 146 , avec ce mot de Jaläl ad-Dīn ar-Rūmi, rautre chose est
la science qui s'acquiert dans les medrasas , autre chose est l'amourn; car,
comme le dit al-Karhi, d'après Maktūbāt, 58, r', [la science de ] l'amour ne
s'acquiert pas auprès des hommes , mais auprès de l'Ami divin » .
(3) Qoran , XIV , 11.
LA ŠAKWĀ. 251
connaissance véritable, cela n'appartient qu'à Dieu. C 'est ce
qu'expriment les citations rapportées plus haut.
:: Savoir qu'il existe un artisan éternel (auteur de cet uni
vers, ne fait pas difficulté chez les gens des réalités ; bien au
contraire , c'est, chez eux, plus clair que le soleil. Et peut-on
concevoir que des yeux sains discutent l'existence du soleil ?
Mais les aveugles ont besoin de preuves pour que cela leur soit
acquis par la voie auditive. Comment peut-on concevoir la pos
sibilité du doute au sujet de l'existence de Celui qui est l'Etre
Réel et par qui se manifeste ce qui n'est pas Lui; c'est de Lui
qu'il vient et sans Lui, il ne saurait exister de quelque ma
nière que ce soit. Si la non-existence était concevable au sujet
de Dieu — bien haut est-Il au-dessus de tout cela ! — l'être
de toutes choses s'évanouirait(1).
Ceux qui connaissent (vraiment Dieu ne voientpas Dieu à
travers les choses , mais celles-ci en Dieu . Abu-Bakr as-Siddiq
a dit :« Je n'ai rien vu sans avoir vu Dieu auparavant(2)9 .
Cette vision n 'a rien de commun avec celle de l'au -delà ; le
mot vision est commun à la terminologie de plusieurs sciences;
les şūſis et les juristes l'emploient pour signifier diverses
choses que nous n 'avons pas l'intention d 'exposer en ce mo
ment.
Les șūfīs appellent certaines de leurs expressions šath (3). Ce
(1) Voir à ce sujet les développements de Miškāt (18-19), qui n 'est pas sans
influence et sur le fond et sur la forme de Aq.
(2) Cf. Miškāt, p . 25 . Cf. des formules parallèles in Kašf al-Mahjūb (Jou
kovsky) , p . 46 , 1. 16 ; 111, 1. 18 ; 128 , 1. 1 et 3 . D 'après An-NĀbulusſ , Sarh
at Tariqa al-Muhammadiya ( Constantinople, 129) , t. I, 313,chacun des quatre
premiers califes a eu sa formule. Celle d 'Abu -Bakr est dans notre texte. Voici
celle de 'Umar et de 'Utmān. Pour 'Umar : eJe n 'ai rien vu sans avoir, im
médiatement après, vu Dieu ; pour 'Utman : Je n 'ai rien vu sans avoir, en
même temps , vu Dieun , Quant à Ali , il disait : « Nous n 'adorons pas un Dieu
que nous n 'avons pas vun . Ailleurs 'Ali aurait dit : Je n 'ai rien vu sans y
avoir vu Dieu , (Zubda , 89 v°).
(3) Cf. Irma', 375 . Voir ce qu 'en dit le judicieux Ibn Haldūn dans sa Mu .
252 AVRIL -JUIN 1930.
sontdes paroles étranges proférées dans l'état d'ivresse (mys
tique) et de bouillonnement intense de l'extase. L'homme,
dans cet état, n'a pas le pouvoir de se retenir, comme on l'a
dit (1) :
ceļls m 'ont donné à boire et m 'ont dit : ne chante pas; s'ils
av
avaient servi à boiree aux
aux monts
n Sarawrā ce que j'ai bu , ceux-ci UX - CI

auraientchanté .»
Exemples de Šath . Abū-Yazid a dit :« Je me suis dépouillé de
mon moi comme le serpent se dépouille de sa peau , puis j'ai
regardé, et voilà que moi c'est Lui(2), . Il a dit aussi :60 mon
Dieu embellis-moi de Ton unicité, revêts -moi de Ton ipséité et
ravis -moi en Tamonéité afin que Tes créatures, en me voyant,
disent : nous Te voyons; et ainsi Tu seras Toi cela, et moi je
ne serai point là (3), .
Des paroles de ce genre sont très nombreuses. On en trouve
mêmedesexemples en vers. Un şūſi a dit (6) :
« Entre moiet Toi (il traine) un « c'est moi! , qui me tour
menten .
qaddima , à la fin du chapitre consacré au Tasawwuf. Cf. des paroles qui
indiquent une réaction contre les excès de sath et qui sont attribuées à des
personnages du 1" siècle , comme à Qatāda, par exemple, in Sarḥ al-Tariqa
al-Muhammadiya d'An-Nābulusi, I, p . 59 : « La qualité des amis de Dieu
('awliyā ), celle par laquelle Dieu lui-même les désigne, est qu'ils frissonnent
d 'émotion et se laissent envahir par la paix du cœur quand ils se souviennent
de Dieu et mentionnent son nom [Qoran , xxxix , 24 et xi , 38 ). Il ne les a
pas caractérisés par la perte de connaissance , l'évanouissement. Cela , c'est le
fait des innovateurs et a Satan pour pèren . Cf. Tablis ' Iblis d 'Ibn al-Jawzī,
sub verbo.
, Vers célèbre d 'Al-Hallāj, cité in Yaqūt, III , 283. Mètre tawil.
(2) Cf. Essai, 246 ; Hallāj, 512.
(3) Cf. Luma', 382 ; Essai, 248. A rapprocher de Qoran , xLvIII, 10 (cf. Qut
II, 66 ). On attribue au Prophète cette parole : man ra’āni faqad ra’ä-l'Haqq,
Zubda , 67 rº et 88 rº. A ce dernier folio , 'Aq le rapproche de Qoran , iv,
82, et ajoute . : ele ’Anā-l-Haqq de Husayn et le Subḥāni de Bāyazid erpri
ment la même penséen .
(W) Vers d'Al-Hallāj; cf. Hallāj, 535 . (Cf. Zubdat al-ḥaqā'iq , B. N. Suppl.
LA ŠAKWĀ. 253
ce Ah ! enlève, par Ton cec'est toi !» , ce « c'est moi!» d'entre
nous d'eux.

Analogue à cela est la parole du Prophète : « [Mon] servi


teur ne cessera de se rapprocher de Moi par des pratiques suré
rogatoires jusqu'à ce que je l'aime; et lorsque Je l'aurai aimé,
Je deviendrai son ouïe par laquelle il entend , sa vue par la
quelle il voit , sa langue par laquelle il parle (1) g .
L'homme est victime dans cet état; sa raison lui est ravie ;
et il s'anéantit dans les désirs de la majesté des lumières éter
nelles ; s'ildit :« Louange à moi, que magloire est grande!(2),
ou d'autres paroles de ce genre (s), commej'y aidéjà fait allu
sion , il n'est pas blâmable , carles dires des amoureux doivent
être tenus secrets( ). On rapporte , à ce sujet , que la femelle
d 'un ramier était sollicitée par son mâle à l'acte conjugal(5) et

pers. 1356 , fol.80 vº (variantes) avec les autres vers de la pièce. On retrouve
souvent ces vers.Mètre : basīt.
(1) Hadīt célèbre que l'on retrouve à satiété ( Qut, II ; 67 ; Luma', 383 ;
Kalābādi , 21 vº; Risāla , 56 ; Miškät , 24 ; Goldziher, 37-38 , etc.). Ibrāhīm b .
'Adham est considéré comme responsable de ce Hadit qudsi ; cf. Essai, 107.
Ibn 'Adham semble hésiter et le donne (in Qut, II, 67) comme un simple
habar. Dans la Mahabba d’Al-Muḥāsibī( fol. 12), il l'attribue à une révélation
faite à Jean , fils de Zacharie ( cf. Essai, p . 109 et p . 226-927). Voir supra,
p . 221, n . 1 , un verset du psaume cx, attribué au Prophète dans le texte de
Kalābādi qui est relativement ancien . Il est plus aisé de comprendre l'attri
bution d 'un texte évangélique (p . 355 , n . 4 ) à la révélation mosaïque; ailleurs
c'est au Prophète Muḥammad qu'on fait remonter ce texte, Miškāt, 24 .
(3) Le mot est fameux; il est d’Abū-Yazīd . Voir l'étude détaillée qu'en fait
M . Massignon in Essai, 249-251.
(3) Cette formule vague est voulue , semble - t-il. Car in Miškāt, 19-20,
subhāni est accompagné de 'Anā-l-Haqq et de Māfi-l-jannati 'illa-llah , dont
Zubda cite le premier, 88 rº, en compagnie du Subhāni, et dont le second est
cité in Maktūbāt, 13 vº et 47 rº.
(5) Cf. Miškat, 19- 2 ) .
(5) Zawjuha yurdwiduha 'an nafsihā ; cf. Risāla , 161, qui raconte la même .
histoire de deux hirondelles . Pour la souveraineté de Salomon, cf. Qoran , XXI ,
81, 82 ; XXXIV , 11- 13 ; XXVII, 15 -45 ; etc.
254 AVRIL -JUIN 1930 .
elle s'y refusait. Il lui dit un jour : « Tumedonneras satisfaction
ou bien je mettraile royaumede Salomon sens dessus-dessous» .
Le vent fit parvenir ses paroles à Salomon qui l'appelle et lui
en demande compte. Lemâle répondit : « O Prophète de Dieu ,
les propos des amoureux ne doivent pas être dévoilés. » Cette
réponse plut à Salomon .
De plus , les expressions blåmées sont encadrées par de
longs développements : et si on avait lu le contexte , on aurait
vu qu'il n'y avait pas de place pour la critique.
D 'ailleurs on trouve dans la parole de Dieu et celle du Pro
phète des mots et expressionsdispersées çà et là , concernant
les attributs de Dieu. Si on les réunissait de façon à les donner
d'un coup — commel'ont fait les égarés (1). — cetensemble ferait
une impression saisissante par son apparence ambiguë , sus
pecte et obscure.Mais si chaque expression est donnée à sa
place convenable , avec le contexte qui l'accompagne , elle ne
choque pointl’oreille et n'offusque point les caractères.
Nous connaissons, au sujet de Dieu, des expressions équi
voques et qui peuvent manifestement être bien ou mal com
prises. Ainsi en est-il de
alfistiwà, la position assise ,
an-nuzūl, le fait de descendre ,
al ġadab, la colère,
ar-rida, la satisfaction ,
al-mahabba, l'amour,
as-sawq, le désir,
al-faraḥ, la joie,
ad-daħik ,le rire ,
al-karāhiya , la répugnance ,
at-taraddud , l'hésitation ,
as-şūra, la forme,

(1) Peut-être s'agit-il des chrétiens,


LA SAKWĀ. 255

al-wajh , le visage,
ałayn , l'ail ,
al-yad , la main ,
aluşbu", le doigt,
ns-sam ', l'ouie ,
al-basar, la vue (1)

Demême ces versets du Qoran :


« Quidonc fera à Dieu un bon prêt !(2),,
« C 'est lui qui accepte le repentir etreçoit les aumônes (3),,
Et cette parole qu 'll adressa à Moïse : « J'ai été malade et tu
ne M 'as point visité , et J'ai eu faim et tu ne M 'as point
nourri . . .(4), au point que Moïse en fut troublé et extrême
ment agité , et dit : 60 mon Dieu ! quoi? est-ce qu'il t'arrive
d 'être malade, d 'avoir faim ? - Mon serviteur un tel , répon
dit Dieu , a été malade et tu ne l'as point visité ; etMon serviteur
un tel a eu faim et tu ne l'as point nourri; et si tu avais nourri
celui-ci et visité l'autre, tu M 'aurais trouvé chez eux. »

Et cela est identique à ce qui a été révélé à David. Celui-ci


avait dit : « O mon Seigneur, où dois-je Te chercher ? —

(1) Ces mots se trouvent dans le Coran ou dans le Hadit. Cette question est
familière d 'Ayn al-Qudāt, il y revient à plusieurs reprises dans les Maktūbāt.
Cf. sur le même sujet Kalābādi, fol. g r°, 100 rº, 102 rº. ‘Aq paraît faire auto
rité , puisqu'il est cité dans l'ouvrage relativement récent d’An-Nabulusi : Šarḥ
at- Țariga al-Muhammadiya (Constantinople , 1290), I, à propos des attributs
de Dieu.
(2) Qoran , 11, 226 ; LVII , 11.
(3) Qoran , ix , 105 ; XLII, 26.
(1) Cf. Maktūbāt, 14 vº; Miškāt, p . 24 , l'attribue au Prophète Muḥam
mad. Cf. Math. , xxv, 35-40 (voir p , 253, n . 1 ). Comparer au habar mātür cité
in Qüt, II , 5 : Al-halgu 'iyālu -llah , fa 'aħabbuhum 'ilā -llahı 'anfa'uhum li'iyalih ;
et à un autre habar in Maktūbät, 141 rº.
256 AVRIL -JUIN 1930.
Auprès de ceux dont les ceurs sontbrisés pour Moin , lui fut
il répondu(1).
C'est ce qu’expriment ces paroles de Dieu , qui se trouvent
dans le Livre révélé à notre Prophète Muḥammad : « Dieu est
avec ceux quiont la crainte et avec ceux qui font le bien (2) ;
re Dieu est avec les hommes sincères, les hommes patients , Dieu
est avec les hommes de bien . . . .
Ce sont là des expressions équivoques; à cause d 'elles un
grand nombre d'hommes tombèrent dans l'égarement , d'autres
dans l’athéisme en disant : « Sie le prophétisme» était une réa
lilé, le Prophète n'aurait pas donné à l'Artisan de l'univers des
caractéristiques qui désignent la corporéité , car la corporéité
implique la contingence » . Ces hommes ont été perdus par leur
propre science et leur mince bagage de langue arabe. C'est ce
que signifient ce vers :
Que d'hommes blament une parole exacte ! leur faute vient
d 'une compréhension défectueuse (3),s.

C 'est à des hommes semblables que le Qoran fait allusion en


cestermes (4) : « Ils ont traité de mensonge ce dont ils n'ont pu
embrasser la connaissance ». C'est eux qu 'il signale par ce ver
set (5) : « Et comme ils ne le prennent pas pour guide, ils
diront : c'est là un mensonge antiquen.
Les hommes affermis dans leur science n 'ignorent pas la
(véritable interprétation des expressions citées. Bien au con
traire, elles sont pour eux plus claires que le soleil, alors que

(1) Cf. Maktabāt, 140 vº; in Qüt, il y a hésitation : une fois (I, 264) il
s'agit d 'Ismaël; l'autre ( II , 60), c'est de Moïse ; mais je n 'ai pas trouvé men
tion de David . A rapprocher de Ps. XXXIII , 19.
(9) Qoran , xvi, 128 ; les versets suivants : passim .
(3) In Taj al-'arūs, 38 ou 42 , suivant l'édition . Mètre : wāfr,
(6) Qoran , x, 40 .
(5) Qoran , XLVI, 10 ,
.LA SAKWÅ. 257
la plus grande partie des hommes s'égarèrent à leur sujet et
mm

furent tout désemparés (1).


« Seul éclaircira le nuage épais, le fils d'une femme de
condition . Il voit les abimes de la mort et il s'y jelte. »
Et s'il était aisé de parvenir à trouver l'interprétation
[ exacte ) de ces paroles équivoques, le Prophète n'aurait pas
pensé à donner au Docteur de la communauté (musulmanel,
*Abdallah b.‘Abbās ,le privilège de cetle prière : « Mon Dieu !
instruis-le de la religion et apprends-lui l'interprétation (2)g.
Donc ces expressions — quoique diliciles pour la masse —
peuvent être aisément appréhendées par les privilégiés, comme
on l'a dit :

reJe dors tout plein mes paupières sans me soucier des


and
anomalies, pendant que la masse des hommes veillent les
nuits pour les poursuivre et se disputent (à leur sujet] (3),,
Si un athée rassemblait ces expressions équivoques qui se
trouvent dans le Coran et dans le Hadit et consultait un
grand Imām , disant : « Que penses-tu d'un homme qui se
prétend Prophète et qui enseigne en même temps que Dieu
subit la faim et la maladie , se met en colère, éprouve de la
joie , rit , aime, hait , emprunte aux créatures , reçoit l'aumône,
descend de haut en bas, a une forme comme celle des fils
d 'Adam , avec visage, ouie , vue , mains, doigts ? » , l'Imām
consulté pourrait ne pas deviner la (mauvaise ] intention de
son interlocuteur et (ne pas s'apercevoir ] qu'il a des arrière

(1) In Hamása (Freytag ), p . 31, attribué à Ja'far b . 'l'bla al-Hāriți, avec un


second vers. Mètre : țawil.
(2) Cf. Țabaqāt, II, 11, p . 120 (variantes, p. 119-120).
(3) Mètre : basit.
Ссху .
H INWU ATIONAL
258 AVRIL- JUIN 1930.
pensées perfides (1); il pourrait alors donner libre cours à sa
parole, disant: « Celui qui a enseigné des choses semblables
ne connaît absolument rien de la réalité de Dieu ; sa préten
tion est vainen.
Une telle condamnation n 'aurait aucun fondement , sauf ce
fait que l'athée aurait uni des expressions qui devraient être
maintenues séparées et qu'il les aurait dépouillées de contextes
qui devraient toujours les accompagner afin que ces expressions
ne soient pas ambiguës (2).
Parmi les contextes qui ôtent toute possibilité d 'erreur au
sujet de ces expressions, il y a ces versets : « Rien ne Lui
ressemble(3), ; < est-ce que Celui qui crée ressemble à celui
qui ne crée pas (a)? ,
Si donc le fait de rassembler ainsi des expressions produit
un effet de ce genre, quelle impression ne pourrait-on pas
engendrer en faisant des substitutions : le mouvement (al-ḥa
raka ) au lieu de la descente (an -nuzūl), le repos (al 'istigrār)
au lieu de la session (al'istiwā) , la paume de la main (al-kaf)
et l'avant-bras (as-sā'id ) au lieu de la main (al-yad ), l'oreille
( aludn ) et le canal de l'ouïe (as-simāḥ ) au lieu de l'ouïe (as
sam "), la chair (al-laḥm ) et l'os (al-'aim ) à la place du visage
(al-wajh ), le corps (al-badan ) à la place de l'ame (an-nafs) !
Mais la descente , la session , la main , le visage et les autres
expressions équivoques , lorsqu'elles sont citées telles quelles
sont dans le Qoran et le Hadit, sans changement, nimutation ,
ni union , ni séparation , ni addition , ni suppression , ni dé
pouillement des contextes, ni oubli des principes généraux

(1) Asarra haswan fi-l'irtiġā , proverbe (in Lisān, XIX , 46 ) pour désigner
une perfidie masquée .
. ( ) Voir les principes posés par Al-Gazālī, à ce sujet, dans Iljām al-'awāmm
(Caire , 1309 ), p . 17 et 19.
(3) Qoran , ILII, 9.
(*) Qoran , IT , 17.
LA ŠAKWA. 259
qui les régissent, l'ambiguïté n'entoure plus leur sens et l'ob
scurité y devient faible .
Et comme il est loin de la science , celui qui ne distingue
pas entre le fait de rassembler ces expressions sur une seule
page, en bloc, et le fait de les donner à leur place avec
leur contexte général qui compte peut-être plus d 'un million
de mots !
Qu'ai-je à m 'étonner que les ‘ulamă de notre époque me
blâment, puisque, de tout temps, les ‘ulamă de renom ont été
l'objet de la jalousie et de toutes sortes de persécution. Ce fut
le sort de Mālik (1), d 'abū-Hanifa (2), d'aš-Šāfi'i (3), d'Ahmad (Ⓡ)
et de Suſyān (5). Le même lot échut à de grands sayhs şūſis
comme al-Junayd(6), aš-Šibli(7), abu-Yazīd al-Biştāmi(8), Dū

(1) Mālik († 179/795) fut flagellé à Médine . Fihrisl , 198-199 , et Lawa


qih , 1, 52.
(8) Abū-Hanīſa ( + 150/767) fut tourmenté à plusieurs reprises , torturé et
incarcéré pour avoir refusé obstinémentde devenir gādi. Il fut peut-être mêlé
aux luttés politiques lors de l'agitation de Kūſā à la fin des Omeyyades ; voir
Encyclopédie de l'Islam , I, 93.
(3) Aš-Safi'i (+ 204 /820 ) eut une vie très agitée , mais ne fut pas gravement
persécuté (Encyclopédie de l'Islām , livr. E , p . 261) ; Fihrist, p . 209, le donne
comme ši'ite fanatique ( sadid ).
( ) Aḥmad ( ibn Hanbal] ( 7 341/855 ) subit la persécution mu'tazilite
célèbre au sujet de la question de la création du Coran ; cf. Lawāqıh , 1, 54 ;
et l'ouvrage important de Patton , Aḥmad ibn Hanbal and the Miḥna (Leide,
1897).
(5) Sufyān al-Tawri (+ 171/778 ) a failli étré mis au pilori (Vşlb , voir
sur ce mot Hallāj, p . 322 ), à la Mekke. Cf. Lawaqiḥ , I, 46
(6) Al-Junayd (+ 298/911). La campagne contre les şūſis l'amène à cesser
son enseignement, cf. Hallāj, 192. ell se rélugia alors dans le fiqh (pour
échapper à la persécution ) (tasattar bi-l-fiqh ), dit l'auteur des Lawāqih ,
1 , 15.
17) As-Sibli ( + 334/945 ) a été arrêté pour ses prédications. « Il renie sa doc
trine de l'union substantielle (ʻayn al-jam ') au cours du procès . . . , et se
laisse interner comme fou au Māristān ; Hallāj, 42.
(6) Abū -Yazid Al-Bistāmi ( + 264/875 ) futbanni plusieurs fois de Bistām :
Lawāqiḥ , I, 14 ; Essai, g6 et 247.
260 AVRIL-JUIN 1930.
n -Nun al-Mișri(1), Sahlb .‘Abdallah(2), abû-l-Hasan an -Nürī(3),
Sumnūn l'amoureux (al-muhibb ) ( ). On a même écrit des
ouvrages sur les persécutions officielles (5). J'en aurais bien
cité quelques-uns; mais le temps ne peut supporter les lon
gueurs ; je m 'en suis détourné, suivant en cela l'exemple du
poète :
« L'éclair m 'aborda venant du Najd; je lui dis : 0 éclair !
quelque chose d 'autre que toi me préoccupe(@).
Au fond, il n'ya rien d'étonnantque je sois jalousé puisque
j'ai écrit , dans ma toute jeunesse, alors que je savourais en
core le lait de mes vingt ans et un peu plus, des ouvrages
que des hommes de cinquante et de soixante ans ne peuvent
pas comprendre, à plus forte raison écrire et composer.
« S 'ils me jalousent, je ne les en blåmerai pas ; avant moi
des gens de bien ont subi le même sort(7).
Celui qui voudra vérifier la justesse de ce que j'avance ,
dans tout ce qui précède et qui suit fera bien de recourir à
(1) Dū -n-Nun al-Mișri ( † 245 /857) fut amené, dit- on , du Caire à Bagdad
en présence du Caliſe Al-Mutawakkil et fut renvoyé absous : Hallāj, 192.
Voir un autre démêlé : Lawāqiḥ , I , 15. .
(2) Sahl at- Tustari ( + 283/896) fut taxé de kufr et banni d’Al-Ahwáz et
dut mourir à Al-Başra. Ce fut une victime des fuqahā . Cf. Hallāj, 193, n. 5 ,
1. 13 ab fine ; Lawaqih , 1, 15.
(3) An-Nüri (abū-l-Hasan (ou Husayn , voir Sakwā, supra, 41 I. 12. Trad .
p. 250 ]) ( † 295/907 ), cf. Hallāj, 39-40.
(6) Sumnūn (+ 303/915 ), arrété sur l'ordre d'Al-Muwaffaq par le Muhta
sib , fut semnoncé etmenacé de mort; cf. Hallāj, 3y.
(5) Il y a en effet des ouvrages de ce genre. Cf. Halāj, p. 9 *, 1 . 142°.
Mihan aş-Şüfiya , par as-Sarrāj (+ 337/987), perdu , mais cité au n° 634º,
p. 32* , dans les Fawā'iḥ de 'Abdarraḥmān al-Bistāmi ( + 858/1454) ('iḥlidār :
faire venir pour un procés ). .
(6) Mètre : basit.
(7) Ce vers se trouve avec deux autres in 'Uyūn al-Ahbar d 'Ibn Qutayba
(Caire, 1928 ) , t. II, p. 10. Mètre : basit.
LA ŠAKWĀ. 261
mes ouvrages, de les examiner, les feuilleter de façon à en
pénétrer les idées et à les connaître toutes. Ce sont :
[a.) Ma Risala nommée Qirā-Tāšī ’ilā ma'rifati-l-ūrān ua-L
'a’āšī (cenourriture d 'hôte du voyageur nocturne pour connaître
les borgnes et les hommes qui ne voient pas , la nuit» ).
-- [6.] Ma Risāla al-alãiya.
- [c.] al-Muſtalad min at-Tașrīſ («Petit traité de morpholo
gieº).
Ces deux ouvrages sont peu étendus.
d .) La Risāla appelée : ’Amali-lištiyaq fi layāli-l-firāq (« Dic
tées du désir du cœur pendant les nuits de séparation » ).
[es] Munyat--haysūb (« l'objet des souhaits du mathémati
cien » ) , sur la géométrie.
1 .] La Risala que j'ai nommée : gāyatu -l-baht‘an manā-bba't
(« La recherche ultime sur l'idée de la résurrection » ).
[g. Une autre Risāla a été appelée : Şaxlatu-l-bāzili-l 'amūn
'alā-bni-L-labūn (c Assaut de l'homme expérimenté et sans crainte
contre l'enfant d'un an » ).
Th. Le livre intitulé : Zubdutū-l-haqā'iq (« la crème des réa
lités » )(1). C 'est mon dernier écrit; j'avais alors vingt-quatre
ans. Et, en cette année où la destinée m 'éprouve , j'ai atteint
ma trente-troisième année; c'est l'âge mûr dont parle Dicu
dans le Qoran où il dit (2) : « Jusqu'au moment où il eut atteint
sa maturitén. Mais l'homme n 'a son véritable équilibre que
lorsqu'il parvient à la quarantaine.
(1) Connue aussi sous le nom de Tamhidāt; H.H (Flugel) cite cet ouvrage :
III , 536 , n° 6810 .
(2) Qoran, alvi, 14. C'est l'âge que donnent aussi les commenlateurs.
262 AVRIL-JUIN 1930.
[i ] Parmi les filles de ma pensée , je signalerai mille vers
érotiques qu'ilme fut donné de faire en dix jours; ils sont réunis
en un ensemble connu sous ce nom : Nuzhatu -l-ʻuššāg wa
nahzatu - l-muštāg ( Plaisir des amoureux et stimulant(?) de
l'homme rempli de tendresse » ).
Ces vers du mètre rajaz sont :
C 'est une jeune Glle issue de Ma'add par son père et sa
mère; à qui l'on fait l'honneur du meilleur des pères et du
meilleur des ancêtres.
Elle est gardée par des guerriers puissants comme des
lions, quifontdes razzias contre leurs ennemis , montés sur des
chevaux de race, en troupe compacte.
reMunis de sabres bien trempés , aux lames bien fourbies et
de lances brillantes et souples.
« Elleme fit visite , pendant quemes compagnons dormaient
sur un tapis ; elle était accompagnée de suivantes pudiques de
la tribu de Sad.
Elles ont foulé les sommets des hauteurs et les vallées
(pour se rendre auprès de l'homme généreux et puissant.
se Qui revêt les deux vêtements de la générosité etde la gran
deur. Elles passèrent la nuit dans une vie de délices et de
bonheur.
re de la passai heureux ayant Hind à moi ; je l'embrassais
ceint de lauriers ;
« Et je cueillais par mes baisers la rose de ses joues .
1 Je m 'étais occupé aussi de la composition dedeux ou
vrages étendus que j'avais l'intention d 'écrire chacun en dix
volumes.
. [a. L 'un devait porter sur les belles lettres avec ce titre :
Al-madhal ’ilā-l-'arabiya wa riyadatu 'ulūmihā -l-'aliya ( < Porte
d 'entrée de la langue arabe et l'étude de ses sciences élevées » ).
LA ŠAKWA. 263
[B .] L'autre devait s'occuper de l'exégèse des Réalités qora
niques (Haqā'iqu-l-Qur'ān ).
Quiconque voudra connaître la réalité de ma conduite ,
sans se laisser entraîner par l'ignorance, la jalousie et la
partialité , saura la vérité de ces affirmations qu'il m 'est im
possible de prouver dans l'état où je suis, avec une poitrine
oppressée , un esprit éparpillé, perplexe et plein d'angoisse.
Que l'on veuille bien , si l'on en a le désir, faire soi-même la
vérification .
« Demande à Qudá'a si j'ai accompli mon devoir, ou si j'ai
failli à ma responsabilité , lorsque j'étais en charge.
Nombreux sont lesbéliers des troupes guerrières auxquels
j'ai fait traîner ma lance; et nombreuses les fournaises de
combat que j'ai endurées !
Nombreux sont les héros à qui j'ai fait rencontrer leur
semblable ; je leur ai fait boire à la coupe de la défaite , où j'ai
aussi bu moi-même.
« Nombreux sont les frères que j'ai perdus , frères qui ac
cueillaient l’hôte quand il appelait; je les ai perdus pendant
queles chevaux trébuchaient dans la poussière.
« C'est que je recherche la gloire , sans rien négliger ; si je
meurs jemourrai et si je vis je vivrai(1), .

Ce qui s'impose maintenant, dans cet aperçu , c'est un


exposé de la réalité de l'enseignement traditionnel ; car le
besoin s'en fait vivement sentir. Je le ferai en trois parties, les
principes de la foi étant au nombre de trois : croire en Dieu ,
en
en son Prophète et au jour dernier. Chacune de ces parties
sera traitée en un chapitre , louant Dieu et bénissant son élu ,

(1) Mètre : kāmil.


264 AVRIL -JUIN 1930.
Muhammad et tous les prophètes. Que Dieu nous préserve de
l'erreur par sa bonté et sa faveur (1),

Chapitre premier. — De la croyance en Dieu et en ses attri


buts.
.: Sache que Dieu est un être au sujet duquel on ne peut con
cevoir la non-existence . Il est un , en Lui on ne peut imaginer la
division . Il est le Roi généreux, le clément et miséricordieux.
A Lui la grandeur et la vénération (2) et les nomssublimes. Les
ceurs des créatures sont en Sa main et les fronts des mondes
sont dirigés vers Lui. Aucune chose ne L 'empêche de s'occuper
d 'une autre chose . Sa majesté s'est soumis toute souveraineté.
Il n'a pointd'associé dans son unicité ; point de pareil dans la
simplicité [de Son essence ), point de semblable dans Son im
pénétrabilité ; point de rival dans Sa monéité. A Lui appar
tient la royauté d'ici-bas ainsi que le royaume supérieur; Il
a sous Sa souveraineté la grandeur et la toute-puissance. Il est le
premier de toute chose , antérieur à toute chose et c'est Lui qui
demeure après l'annihilation de toute chose. C'est Lui qui est
digne de louange etde gloireetquifaitloujours ce qu'Il veut(3),
Il est hautdans Sa proximité et proche dans Sa bauteur; appa
rent dans Son invisibilité et invisible dansSon apparition. Il est
voilé aux regards des créatures par l'extrême rayonnement de
Sa lumière (4). Il est le souverain , le fort, le durable , le tout
puissant; Il est postérieur dans Sa priorité , premier dans Sa
postériorité. Il a la science parfaile de toutes les choses et Sa
bonté embrasse amplement les habitants des cieux et ceux de
(1) M . Carra de Vaux a consacré à la ‘agida en Islam un article intéressant
in Encyclopédie de l'Islam , I, 239. Plusieurs expressions employées par 'Aq
dans sa 'aqida se retrouvent in Thyā , par exemple , I, 97 et suiv., et in Qūt,
II , 87 et suiv.
(3) Qoran , LY, 27,
(3) Qoran , XI , 109 ; LXXXV , 26 .
. (*) Cf. Miškát, 26.
LA ŠAKWA. 265
la terre , et de même Sa science. Ses bienfaits inondent le
royaume visible et le royaume supérieur. C 'est lui qui a les
clefs de l'invisible et Lui seul le connaît (1). Il est l'auteur des
faveursmanifestes et des grâces ininterrompues. Il a une géné
rosité sans fin et montre envers ses créatures une adorable
bienveillance . A Lui appartiennent la grandeur sublime, les
actionsmerveilleuses , le pardon généreux , la bonté éternelle ,
la générosité fastueuse , la royauté maniſeste , la splendeur
éblouissante , la souveraineté suprême.
- Il a créé la lerre et le ciel et y a fixé les destinées selon
Son bon vouloir, dans l'équilibre et l'harmonie les meilleurs .
Et combien a -t-il enfermé, dans chaque atome, de secrets
merveilleux ! Les créatures L 'oſſensent et Il redouble de bonté
à leur égard. Elles s'exposent à Sa haine par leurs péchés et Il
ne cesse de Se pencher bienveillamment sur elles. Ses bien
faits sont sans nombre et ses faveurs incalculables. Il est
impossible de soutenir des yeux l'éclat de Sa splendeur tout
entière , même pas de ses premiers rayons. Toute chose obéit
aux rênes tenues par Son immensité. Les terres et les cieux
sontdans la poigne de Sa puissance .
Il est éternel et Son éternité n 'a pas eu de commmence
ment; Il est permanent et Sa permanence n 'aura pas de fin . Son
existence est éternelle et sans terme. Son essence est parfaite
à tous les points de vue. A Lui reviennentles attribuls de l'in
fiuie perfection et les épilhètes de grandeur et de beauté. Il a
les noms les meilleurs et les attributs les plus hauts. Il ne res
semble pas aux corps et n'admet pas la divisibilité . Il est éter
nel dans Son essence, perpétuel dans Ses attributs. Il était
avant qu 'il eût créé les terres et les cieux , et Il est maintenant
comme Il était avec Ses attributs achevés et Ses qualités par
faites. Il ne ressemble aux créatures ni par Son essence ni par

(1) Qoran , 11, 59.


266 AVRIL-JUIN 1930.
Ses attributs. Bien au contraire , toutes les créatures ne sont
qu'une goutte de l'océan de Sa puissance et un signe d 'entre
Ses signes.
Rien n'échappe à Sa science éternelle , pas même le
poids d 'un atome, semblable à un souffle (1); mais , au con
traire, Sa science de ce qui est sous la terre équivaut à Sa
science de ce qui est au-dessus du ciel. Toutes les créatures
réunies sont — dans l'étendue de Sa science — semblables à
une goutte dans les mers et à un grain de sable dans les déserts.
Pas un regard n 'échappe à Sa volonté et pas une pensée qui
ne dépende de Son vouloir . Ce qu'Il veut, arrive; ce qu'll ne
veut pas, n'a pas lieu . Chaque événement dans l'univers se
produit en son temps e préconnu , et comme Il l'a voulu dans
l'éternité . Sa science absolue n 'est susceptible ni d 'addition ,
ni de diminution , ni d 'avance , ni de retard .
Il est celuiqui entend et qui voit. Rien de ce qui s'entend
n'échappe à Son ouïe , nià Sa vue rien de ce qui se voit. Au
contraire , égal est chez Lui celui qui parle secrètement à celui
qui élève la voix(2), égal aussi ce que cache le cœur à ce qu'il
exprime. Les secrets des consciences sont pour Lui comme les
choses exposées au grand jour. L 'intelligence des créatures
reste en deçà de la possibilité d 'appréhender la perfection de
Ses attributs.
C 'est Lui qui parle avec la parole éternelle , qui Lui est co
essentielle et qui est au-dessus de toute ressemblance avec la
parole des créatures. Toutce qu'll a dit, ce qui est clair comme
ce qui est équivoque , est suivant qu'll l'a dit et comme Il l'a
voulu . Ses prescriptions et Ses interdictions sont la vérité; Ses
promesses [de récompenses ) et Ses menaces ( de châtiments ]
sont des réalités . Nous croyonscela d’une foi faite de certitude

(1) Qoran , x ,62; XXXIV, 3 .


(2) Qoran , xii , 11.
LA SAKWA. 267

et de conviction ; et nous y adhérons avec confiance sans laisser


subsister en nous le moindre doute.
Bien haut soit Son visage ! et exaltée soit Sa dignité ! Lui,
le vivant que la mort n'aborde pas, le permanent qu 'au
cune annihilation n 'atteint. Il a fait apparaître les créatures
par Sa puissance, les inventant et se réservant à Lui seul
le droit de les créer et de les produire de rien. Louange à
Lui! Louange à Lui! Comme Sa gloire est grande(1) ! Sa
preuve manifeste ! Sa souveraineté imposante ! Sa bonté im
mense ! Sa faveur éternelle ! Les cæurs ne peuvent se procurer
le moyen de décrire Sa splendeur et Sa majesté. Dès qu'un
ambitieux hausse ses désirs jusqu'à celui de connaître tota
lement Sa perfection , il est mis en déroute par les flots majes
tueux de Sa présence. Comme Il est haut dans Sa grandeur !
Splendide dans Sa beauté ! Majestueux dans Sa magnanimité !
Manifeste dans le rayonnement de Sa lumière ! Ferme dans Sa
seigneurie ! Perpétuel dans Son être ! Élevé dans Son unicité !
Haut dans Son impassibilité ! Éternel dans Sa priorité ! Anté
rieur dans Son éternité ! Il est l'héritier des habitants de Sa
terre et de ceux de Son ciel. Il est le vivant quand il n'y a plus
de vivant, dans l'éternité de Son royaume et de Sa permanence.
Il est trop grand pour qu'une langue puisse décrire la perfec
tion de Son essence , ou pour qu'un exposé donne une idée
complète du fond de Ses attributs sublimes.

Chapitre second . — De la croyance au « prophétisme» .


Sacbe que Dieu a envoyé les prophètes comme porteurs de
bonnes nouvelles et d'avertissements (2). Il a envoyé Muhammad

(1) C 'est l'expression même d 'Abū-Yazīd (cf. supra, p. 245 , n . 1 , et p. 253 ,


n . 2 ; cf. Qül, II, 75 , où il est dit que le tawḥid d'Abū -Yazīd n'en est pas
entamé.
(9) Coran , 11, 109 , etc.
268 AVRIL - JUIN 1930.
à l'universalité des créatures : arabes et non -arabes , noirs et
rouges; et Il lui a donné l'appui de miracles manifestes et de
signes éclatants. Il a abrogé par la loi apportée par Aluhammad
ce qu'll a voulu abroger des autres lois et en a maintenu će
qu'll a voulu maintenir. Muḥammad est le sceau desprophètes
et le prince des hommes 2).
« Impossible ! Les siècles n 'engendreront pas son pareil;
les siècles sont avares de son semblable. ,
Le ceprophétismen estun ensemble de perfections qui sont
données au prophète et que l'on ne saurait atteindre au
moyen de la raison. Celle-ci n 'a pas d'autre rôle que celui
d'ajouter foiau re prophétisme, en s'appuyant sur l'examen des
preuves éclatantes et des arguments clairs. Mais qu'un homme
puisse atteindre ces perſections au moyen de la raison , voilà
quiest impossible et irrévérencieux !
Le stade du ceprophétisme, se trouve au delà de celui de la
sainteté. L 'extrémité supérieure de celui-ci est le commen
cement de l'autre. Le stade de la sainteté est lui-même au
dessus de celui de la raison ; et l'extrémité supérieure de celui
ci en est le commencement(2).
Quiconque suit la doctrine des philosophes et croit que le
prophète est un homme dont la raison a atteint le degré
extrême de puissance et peut alors élaborer des prescriptions
et des interdictions , et croit aussi que ces prescriptions
et interdictions sont des lois créees par le prophète et ajustées
par lui sur la sagesse — [ celui qui croit tout cela ) a déposé
le joug de l'Islam et s'est engagé dans la voie des gens de l'in
intelligence.
Bien au contraire ,« il ne parlaitpas, en s'inspirantdela pas

(1) Taj al-'arūs, I, 37 (variante ). Mètre : kāmil.


(2) Cf. Risāla ; 128; Kašf, 236 .
LA SAKWA. 269
sion , mais sa parole était une révélation qui lui était révé.
lée (1) ,
Les véritables imāms après Muḥammad sont ’Abū-Bakr, puis
'Umar, puis 'Utmān , puis ‘Ali. Nous l'affirmons
on d 'après l'una
la

nimité absolue et certaine que nous transmet la chaîne ininter


rompuede la tradition .
J'ai écrit,dans ma pleine jeunesse, un poème plus dous au
caur que toute chose désirée et plus agréable quel'union avec
les amis après une longue séparation . Dans ce poème, j'ai fait
le panégyrique du Propbète , et des califes orthodoxes, ou
mieux ,mon propre panegyrique etla louangedemes vers puis
que je me suis appliqué à un tel sujet. Ce poème comprend
soixante-dix vers dont je cite les suivants (2) :
ce J'irai vite vers lui, sur des chamelles, autres que des mon
tures lasses, épuisées par le trot et le galop .
e Je me passerai commede la poudre d'antimoine, dans les
yeux malades , la poussière de la terre où repose son corps,
car les yeux sont affectés de chassie.
eEt simes montures ne peuvent pas me faire parvenir jus
qu'à lui, qu'elles soient à jamais privées du pâturage ou de
la réunion autour d 'un abreuvoir !,
Chapitre troisième. — De la croyance à l'au-delà(3).
Sache que la tombe est la première des demeures dans l'au
delà ; la tradition nous a transmis l' annonce de l'interrogatoire
fait par Munkar et Nakir. Nous n 'avons pas à manier cela avec
notre raison si faible ; car la plupart des états de l'au -delà ne
sont appréhendés que par la lumière du « prophétisme» , et un
? ) Qoran, Lili, 3-4 .
(3) Mètre : ļawil. Le premier hémistiche n 'est pas très clair en arabe.
(3) Cf. Ihyā , IV , in fine; et ad-Durra al Jāhira d'al-Gazālī , éd .Lucien Gautier
(Genève, 1878). A comparer avec l'écrit publié par Wolf intitulé : ’Aḥwal al
Qiyāma , Leipzig , 1872.
270 AVRIL - JUIN 1930 .
petit nombre de ces états peut être saisi par de rares walis
(amis de Dieu ) et par quelques-uns de ceux qui sont enracinés
dans la science.
La tombe est soit un des jardins du Paradis , soit une des
fosses de l'enfer. Le fait que nous ne voyons ni la fosse , ni le
jardin , niMunkar, ni Nakir ne prouve pas que le mort lui
aussi ne les voit pas. Car, nous, nous sommes dans le royaume
d 'ici-bas, qui est sensible , et le mort est dans le royaume su
périeur, qui est invisible . Le Prophète a dit : « Ce sont deux
anges, aux cheveux crépus, gros, bleus ; ils ſouillent la terre
avec leurs défenses et marchent sur leurs cheveux ; leur voix
est semblable au tonnerre qui gronde, et leurs yeux sont
comme l'éclair éblouissant» . 'Umar dit alors : 0 Prophète ,
est-ce que j'aurai présente , en moi , ma raison-ci ? – Oui,
répondit le Prophète - Alors , dit 'Umar, je me charge de cette
épreuve !,
rePuis ceux qui seront dans les tombes , en seront extraits ; et
ce qui est dans le secret des cæurs sera mis au grand jour(1)g ;
les âmes seront restituées aux corps; les hommess'en iront nu
pieds et sans vêtements , et ils seront rassemblés sur le plateau
de la Résurrection « en groupes dispersés » ; « et ce jour aura la
longueur de cinquante mille ans(2),..
La raison n 'a qu'à s'incliner devant ces choses possibles,
mais , les atteindre par ses propres forces , elle ne le peut pas .
Car lorsque la raison a prouvé la véracité des prophètes et s'est
convaincue qu'il n 'est pas possible de concevoir le mensonge
en eux, la raison est obligée de croire tout ce que les pro
phètes ont enseigné; les états de l'au-delà font partie de cet
enseignement

(1) Qoran , c , 9 -10 .


(1) Qoran , Lxx , 4 .
LA ŠAKWA. 271
Tout ce qui s'y rapporte est vrai : la balance — et c'est ce
qui fera connaître auxhommes la valeur de leurs actions, les
bonnes et les mauvaises; - le şirāt -- et c'est un pont établi
sur la vallée de la géhenne, tranchant comme un sabre,mince
comme un cheveu ; les hommes le traversent plus ou moins
vite : les uns volent, les autresmarchent, certains se traînent,
d 'autres sont projetés en Enfer, e dans un abîme profond(1),..
- Il faut croire aussi au Paradis et à l'Enfer; à toutes les
sortes de peines que renferme celui-ci, et la plus accablante
d 'entre elles est le séjour éternel dans ce lieu avec la privation
de Dieu ; à toutes les espèces de jouissances que contient le
premier, et la plus haute d 'entre elles est la vision du Maître
des mondes.
Tout ce que révèle le Qoran et rapportent les traditions au
thentiques est réel et véridique; nous y croyons d'une foi où
ne se mêle pas de doute.
[Nous croyons) au ħawd où l'on boira . Quiconque en
ra .
en aura
aura
bu une fois, n'aura jamais plus soif; [c'est une boisson) plus
douce que le miel et plus blanche que le lait. La safắa (l'in
tercession ) est aussi objetdenotre foi; c'estune réalité : ce sont
les prophètes qui intercéderont d'abord , puis les saints, puis
les ‘ulamā, puis lesmartyrs, puis enfin , ce sera chaque croyant
à son tour, car chaque croyant aura le droit d 'intercéder une
fois, suivant les paroles mêmes du Prophète.
C 'est là la véritable croyance qui a été l'objet de l'unaniinité
nous
de nos pieux ancêtres et des Imāmsdéfunts . Ils sont pour nous
un beau modèle et des guides satisfaisants .
J'ai composé sur l'ensemble des principes de la foi quelques
vers que voici (2) :
« Je me suis convaincu , avec des preuves , par la voie de la
(1) Qoran , ui , 33.
(9) Mètre : fawil .
272 AVRIL - JUIN 1930.

raison , de l'existence d'un Étre éternel; et cela n 'a rien d'une


prédication aberrante .
Être qui entend et voil, qui est savant et qui parle ,
qui a une volonté et une puissance , et qui possède une
vie et une bonté.
« C 'est par Lui qu 'existent les habitants de Ses cieux élevés ,
ceux de Saterre la plus basse , dans les lieux accidentés et dans
les plaines .
« Tout cela n'a point d'autre créateur et d'autre artisan
que lUnique, le Permanent, autant en haut qu'en bas.
« Je n 'ai aucun doute qu'Il fera périr les créatures et les res- ·
SU
suscitera ; c'est Lui qui crée de rien et qui anéantit.
« Je crois aussi que l'Envoyé de Dieu est la plus excel
lente de Ses créatures ; ret ma parole est décision et n 'est point
un amusement(1).
çe Toul ce que nous a transmis Muhammad est comme Il
la dit , el vrai dans les principes et dans leurs dérivés.
« Tout ce qui se produira après la mort, entièrement, sera
comme l'a rapporté l'Élu de Dieu , le sceau des prophètes .
« C 'est là ma croyance et celle de mes maîtres et de mes
ancêtres défunls ; je le jure par Dieu , ils l'ont cru avantmoi.
ceEh bien , y a t-il entre l'Orient et l'Occident terrestres
quelque musulman qui y contredise , s'il est parmi les gens de
raison et de tradition ?
« Et combien les ennemis de celui que couvrent mes véle
ments ſid . e. mes ennemis lui ont-ils imputé de paroles borgnes
et d 'actions détestables !
seje n 'ai pas d'autre chose à faire — je le jure par le Sei
gneur des chamelles qui dansentdans leur marche vers Minā !
--- qu'à faire cette prière à Dieu :
« Mon Dieu , purifie le visage de cette terre en les anéantis

(1) Qoran , LXXXVI , 13-14.


LA ŠAKWA. 273
sant; et s'ils disent vrai, purifie-le de la présence d 'un individu
commemoi ! »

Il vaut mieux que je m 'en tienne là , et que je n'allonge pas


davantage cet écrit, avec toute l'oppression qui élouſſe ma poi
trine.
Jeme plains à Dieu de ces hommes qui ont violé les droits
du film ( science ) et n'ont point pratiqué ce qui est le propre
des gens du ħilm (mansuétude . . . ). Ils n 'ont calomnié auprès
du pouvoir et ont inventé àmon sujet lespires mensonges. Ni
les ‘ulamā des sectes, ni les porteurs de Crocs rapiécés (muraq
gaat) et d'habits religieux n 'ont pris ma cause en mains. Ils
m 'ont livré aux adversaires ,me laissantà mes propres moyens
pour me les concilier ou vivre dans leur inimitié. Ils sont bien
dignes de ce vers :
Qu'est-ce que cette parenté qu'on ne respecte point? et
que sont ces liens du sang pour lesquels ne s'émeut point la
bonté ? (1) ,
Et Dieu sait que je n'ai pas cessé de les aider dans leurs ve
recherches , de satisfaire leurs désirs, de les faire parvenir à
leur but, de les faire triompher par la main et par la langue,
de rendre le bien à celui qui d 'entre eux me fait du mal , de
relever ceux que le malheur a brisés parmi eux, et de délivrer
celui que le sort a jelé dans les fers ; je n'aicessé de remédier
à leur mal, de repousser loin d'eux les jaloux, d'affermir leurs
opinions, d'encourager leurs espérances , de faire part de ce
que Dieu m 'a appris à leurs ignorants et de remplir leurs
oreilles de paroles précieuses et leurs ceurs d 'enseignements
délicats et pleinsde sagesse(2).
pe Je n 'ai point commis d 'autre faute que celle d 'avoir rayonné
{!} Mètre : kāmil.
* Mètre : basit.
CCXVI . 18
IMPRIMERIE NATIONAL
274 AVRIL -JUIN 1930.
des splendeurs en Occident et en Orient et d 'avoir solidement
confectionné des colliers (de sagesse). »
Dieu sera leur juge et le mien , « le jour où ils ne parle
ront point et où ils n 'auront pas la permission de s'excuser(1)» .
Louange à Dieu , Seigneur des mondes pour Ses bienfaits
manifestes ! Et que Sa bénédiction soit sur Muhammad et sa
descendance sans tache.
« Dieu nous suffit, et quel excellent protecteur!(2),

(1) Qoran , LIXVII , 35-36.


( ) Qoran , ii, 167.
LA ŠAKWA. 275

INDEX.

A. INDEX DES VERSETS QORANIQUES.


11, 151. . . . . . . . . . . . . 37 r 1 , 45 . . . . . . . 39 rº
11, 209, etc. 46 r® wi, 9.. .. .. Ba vv

11, 246 . . 4oro XVIII, 64.. 35 po


11, 972. . . . . . 35 rº XXII , 32 . .
11 , 5.... .. et 46 rº XXIV , 18 .. .. . . 33 v
II , 66 . .. .. . 33 vº XXIV, 53. .. . .. 35 r
m , 167 UVII, 88. . 38 vº
IV, 160. . . . XIX, 69. .. .. 34 ve
V, 65 et 81 . XIIX , 69 .. .. .. 35 r
11, 59 . . XXXIII , id 29 rº
VI, 91 . . . . . XXXIV, 3.. . .. .. 45 v
m , g4 . . XLII , 9 . . . . . . .
FII, 139. ILII, 94 . . . . .. 42 vº
VII, 41. XLVI, 10 . . . . . . . . . 43 rº
, 29 . . .. XLVI, 14. . .. . .. . hy
11, 105.. . .. L , 17 . . . . . . . . .
11, 109.. .. 31 rº LII, 3 et 6 .. . . 46 vº
1, 40 . ... 43 rº LV, 27 . .. .. 45rº
1,62... .. LVII , 11 . . . . 49 vº
11, 109... . . 45 vº LIII, 29 . . . . . . . . 33 v
in , 7.. ... 39 vº LXVI , 3. . .. . .. .. 31 v
III, 7 à 30 33 pe LIX , 4 . . . . . . . . . 47 rº
II]. 8.. . . . 33 rº LXXVII, 35 et 36. . .. . 48 rº
IN , 8. .. .. 33 rº LXXXV, 16 . .. .. . .. .. 46 vo
IMI, 11 16 rº LXXXVI , 13 et 14 . . .. 47vº
IV, 11. . . 41 vº xcvi, 5 . . . .
IT, 47 .. .. . . . 30 vo C, 9 et 10 . .. . .. . . 47 rº
II, 17. . . . . . . 43 v CXUI. . . . . . .
177, 128 . . . . . . | 63 rº |

Podume cx , 10.. . . . . . .. . . . .. . 35 rº 11
Matth., IIV, 35-40 (“Ayn al-Qudāt cite ce texte d'évangile comme
une révélation faite à Moïse).. . . . . . . . . . 42 vº ai
Praume xxxIII , 19 . . . . . . . 43 r.° 4
18 .
‫‪278‬‬ ‫‪AVRIL- JUIN 1930 .‬‬

‫‪B. INDEX DES HADITs.‬‬

‫‪ h137‬اللهم اني اسالك الجنة واعوذ بك من النار‬


‫و‪ h33° 2‬اللهم فقهه في الدين وعيه التاوبل‬
‫‪ hov6‬أنا بشر اغضب کا يغضب البشر‬
‫دو * ويا أنا عبد‬
‫‪ 31317‬اتقوا فراسة المومن فانه ينظر بنور الله‬
‫‪ 35r10‬اذا رأيتم الرجل صموتا وقورا فاقتربوا منه فانه يلقن‬

‫‪( 31‬أن الأرواح جنود مجندة فما تعارف منها ائتلف ‪)...‬‬
‫‪ 173 12‬أنما ها ملكان قطان غليظان ازرقان يبحثان الارض‬
‫بانیابهما ‪. ..‬‬
‫ثلثة لا ينجو منهن أحد الظن والطيرة ولحسد‬ ‫‪33r11‬‬
‫ثلث قل من ينجو منهن ‪...‬‬ ‫‪3333‬‬
‫حب الوطن من الايمان‬ ‫‪2018‬‬
‫لسد ياكل للحسنات کا تاكل النار الحطب‬ ‫‪33r1‬‬
‫كنت يا ابن السوداء ‪-‬‬ ‫‪ *18‬وو‬
‫دع الفؤاد يقر‬ ‫ود‬
‫ستة يدخلون النار قبل لحساب بست السلاطين‬ ‫‪33315‬‬
‫بالمجور‪...‬‬
‫‪LA ŠAKWĀ.‬‬ ‫‪277‬‬
‫‪ 33316‬کاد للحسد يغلب القدر‬
‫و‪۲۰‬وا لا يزال العبد يتقرب إلي بالنوافل حتى أحبه‪...‬‬ ‫د همو‬

‫‪ 1710‬لو عرفتم الله حق معرفته لزالت بدعای کم لجبال ولمشيم‬


‫على البكور‪. ..‬‬
‫‪76‬و‪ 3‬من حدث بما رأت عيناه وسمعت أذناه كتبه الله من الذين‬
‫يحبون أن تشیع ‪...‬‬
‫‪ 33317‬من مات بغیر امام مات ميتة جاهلية‬
‫‪ 40 41‬والذي نفس محمد بيده لا أدري أمن أهل الجنة أنا ام من‬
‫أهل النار‬ ‫‪:‬‬
‫و ‪ 307‬يا معشر من آمن بلسانه ولما يدخل الايمان قلبه لا تغتابوا‬
‫المسلمین ‪. . .‬‬

‫‪C . INDEX DES VERS.‬‬

‫البسيط‬
‫‪ .‬و‪ 33 *8-‬لشد‬
‫‪ ۳۶13-1‬ما قد حسدوا‬
‫‪ 48 re 1‬من غير‬
‫‪1-37‬و ‪ 353‬وضو ‪ ،‬مکفوف‬
‫و اما مشغول‬
‫‪877‬و الأول‬
‫‪278‬‬
‫‪AVRIL-JUIN 1930.‬‬

‫او ‪ 433‬يختصم‬
‫وموا من البين‬

‫‪ 388‬يريد‬
‫‪3‬و ‪ 36‬يهون‬
‫‪ .‬الرجز‬

‫‪3‬‬
‫وجد ‪ ،‬جد ‪،‬المني ‪ ،‬غد ‪ ،‬الزني ‪ ،‬رغد ‪ ،‬بالني ‪،‬‬ ‫ا‪7-1‬‬
‫الد‬
‫الطويل ‪.‬‬
‫‪.‬‬
‫خفاء ‪ ،‬الصعداء‬ ‫‪8‬‬ ‫و ‪11 -1‬‬

‫‪ 3or 10‬هبوب‬
‫‪ 29 31-3‬عسيب ‪ ،‬نسيب ‪ ،‬غريب‬
‫‪ 1833‬رقيب‬
‫‪.‬‬

‫‪39v1‬‬
‫‪33‬‬ ‫‪..‬‬
‫‪ 17‬رو لغت‬
‫‪ : 1-3‬الوخد ‪ ،‬مد ‪،‬و‬
‫و ‪ 19‬وفدا‪ ،‬عهدا ‪ ،‬جدا ‪ ،‬اروندای‪ ،‬عقدا‬
‫‪ to‬یډی‬
‫‪18‬مې ‪8‬د کنیر‬
‫‪LA SAKWĂ.‬‬ ‫‪.‬‬ ‫‪279‬‬
‫و ‪ 28‬و‪ 3‬والکرسی‬
‫‪ 181 15-16‬اتجرع ‪،‬تطلع‬
‫‪ ۱۰16-17‬وو جلیل ‪ ،‬طغيل‬
‫و ‪ 30‬مناهل‬
‫‪ 33۲۰19-90‬فد‪ ،‬تماد‬
‫‪ h7 16-31 -‬الجهل ‪ ،‬فضل ‪ ،‬والشهير ‪ ،‬والسير ‪ ،‬والمبلي ‪ ،‬بالهزي ‪،‬‬
‫والأضل ‪ ،‬الرسل ‪ ،‬قبلى ‪ ،‬والنقل ‪ ،‬فعل ‪ ،‬شغل ‪،‬‬ ‫‪183 1-8‬‬
‫مثلي‬
‫‪ 98313‬لعظيم‬
‫‪ 1834-‬من هذان ‪ ،‬بلبان‬ ‫‪ 8 v‬د‬ ‫‪-‬‬

‫‪5-10‬م وو العجان ‪،‬لشفانی ‪ ،‬مضطبان ‪ ،‬مکان ‪ ،‬بعان ‪ ،‬بان‬


‫‪900-11‬و ‪ 2881r‬أشاكلة ‪ ،‬أعاقلة‬
‫او ‪-‬‬

‫و ‪ 330‬مغرقة‬
‫‪۷ 10-11‬وو حاثها‪ ،‬تراثها‬
‫‪ 29-25‬م‪ hor‬جناتها ‪ ،‬تختها‬
‫و ‪ 33‬يزورها‬

‫الكامل‬

‫‪ 4530 5-9‬وليت ‪ ،‬لیث ‪ ،‬غيت ‪ ،‬زيت ‪ ،‬حييت‬


‫‪ 3433‬حسود‬
‫‪ 317‬وو واد‬
‫‪280‬‬
‫‪AVRIL -JUIN 1930.‬‬

‫‪ 676‬لبخيل‬
‫فاضل‬ ‫‪34r‬‬
‫دركم‬ ‫‪15‬م ‪18‬‬
‫کلام ‪ ،‬وهيام‬ ‫‪387 -5‬‬
‫البكران‬ ‫‪35711‬‬
‫‪ 347 19-10‬هلالها ‪ ،‬اشبالها‬
‫‪ tor 18‬لياليا‬
‫المتقارب‬
‫‪ 3332 3335‬الأدب ‪ ،‬ما وهب ‪ ،‬الطلب‬
‫المنسرح‬
‫‪ -‬او ‪ 397‬كهتا ‪ ،‬انا‬
‫الهزج‬ ‫و‬
‫‪ 300‬للاايك ‪ ،‬واديك‬
‫‪ 0 -21‬و ‪31‬‬
‫و‬
‫الوافر‬

‫‪ 2015‬العاب‬
‫‪ ( 3033ov29 -1.3‬متواليات ‪ ،‬مفضلات ‪ ،‬وتريشيا ‪ ،‬البنات‬
‫و ‪ 303‬الحديد‬
‫‪ 43r13‬الشويم‬
‫‪ 3038‬بالیقین‬
‫‪LA SAKWA.‬‬ ‫‪281‬‬

‫‪D . INDEX DES SENTENCES DES SUFIS‬‬

‫‪CLASSÉES DANS L'ORDRE DE L'ALPHABET ARABE .‬‬

‫‪ hova‬أدع الله أن يرد على ذرة من البشرية ( معروف الكرخي)‬


‫‪ 38001‬أشرقت سلطنة لجلالة الازلية فبقى القم وفنى الكاتب‬
‫‪ ( 1390 00‬عین القضاة)‬
‫‪17‬م‪2‬و‪ 3‬أظهرالله الروح من جلاله وماله ولولا أنه ستر‪...‬‬
‫(الواسطى )‬ ‫و‬
‫‪ 35 19‬أمير المومنین على لو تفرغ الينا من الحروب لتول عنه‪...‬‬
‫(الجنيد)‬ ‫و‬
‫‪71‬و‪ 3‬إذا ظهرالحق على السرائر لم يبق فيها فضلة لرجاء ولا خوف‬
‫‪.‬‬ ‫الواسطى)‬
‫‪ ha *18‬انسلخت من نفسی کا تنساخ لحية من جلدها‪( ...‬ابو‬

‫‪r6‬و‪ 3‬إن جبريل والعرش والكرسي مع الملكوت كلها کرملة‪. ...‬‬


‫‪ 38 19‬إن الله تع ابرز من صنعه ما أبرز دلالة على ربوبيته‪...‬‬
‫الواسطى )‬
‫و‪2‬و‪ 3‬إن الله جذب ارواح اولیائه اليه ولدها بذكره (ابو سعید‬
‫الخراز)‬
‫‪ to19‬إن الله تع اطلع على العالم فقال يا أبا يزيد ‪( ...‬ابو یزید)‬
‫‪ . 393 13‬ان الله لا يتصور أن يراه احد في الدنيا‪...‬‬
‫‪. 282‬‬ ‫‪AVRIL -JUIN 1930 .‬‬

‫‪ 1006‬إن الله منزه عن أن يدركه الانبیاء فضلا عن غيرهم‬


‫(عين الغضاة )‬ ‫ا‬
‫و ‪ 37‬إن الله عبادا هم في الدنيا مكتئبون والى الأخرة ‪( ...‬البيع‬
‫[‪]1‬بن عبد الرجن)‬
‫دو ‪7‬و‪ 8‬إن لله عبادا ينظرون باعين القلوب إلى محجوب ‪( ...‬ذو‬
‫النون المصرى )‬
‫‪711‬و‪ 3‬بصفو العبودية تنال الحرية‪( ...‬ابو مجد الحریری)‬
‫(بم عرفت الله قال أبو العباس الدینوری ) بأني لا أعرفه‬ ‫‪18‬‬
‫‪ 717‬و‪ 3‬التصوف حال تظهر فيها عين الربوبية وتضعت ‪...‬‬
‫الدی )‬
‫‪ 397 19‬التصوف حال ضن بها صاحبها على الكونين فذهب‪...‬‬
‫المرتعش )‬
‫‪715‬و‪ 3‬التصوف حال لا يقوم له قلب ولا عقل (ابو بكر التغليسي)‬
‫‪ 3919‬التصوف لا حال ولا زمان بل اشارة ‪( ...‬ابو الحسن شیخ‬
‫سمنون )‬
‫‪( tor :‬التصوف هو أن يضل عنك عين الانسانية‪( ...‬ابو‬
‫يعقوب المزابلی)‬
‫‪ ho 10‬التصوف هو إرادة الحق في الخلق بلا خلق ( حبشی بن‬
‫داود )‬
‫‪ 1991‬و‪ 3‬التصوف هو سهوی عني وتيقظي لربي (ابو الحسن الاسواری )‬
‫‪ lo37‬التوحید) مايغ منه عليك لا بك (ابو الغوارس‬
‫الكردی )‬
‫‪LA SAKWA.‬‬ ‫‪283‬‬

‫‪ 39r1‬الحق أن الله هو الكثير والكل وان ما سواه‪ ...‬اعين القضاء )‬


‫در ‪ 373‬ذهبت حقائق التصوف وبقیت شرائطها وجاءت ‪( ...‬على‬
‫المال )‬
‫‪73‬دا سبحانی ما اعظم شاني (ابو يزيد)‬ ‫و هم‬

‫!! ! سبحان من لم يجعل للخلق سبيد إلى معرفته الا‪...‬‬


‫الصديق )‬
‫‪ 353 15‬صاحبنا في هذا الأمر المشار الذي أشار إلى ما ‪( ...‬الجنيد )‬
‫‪ hr 15‬صفة العارفين اذامنعوا شکروا واذا أعطوا ‪( ...‬شقيق‬ ‫‪10‬‬

‫البلخی ) ‪.‬‬
‫‪( 38 ) 13‬‬
‫في اطار الطائر الى عشه (عين الفضاء )‬
‫‪ or3‬ا‬
‫‪ 3174‬عرفت روحي روحك حین کلمت نفسي نفسك أن ‪( ...‬أويس‬
‫القرنی )‬ ‫و‬
‫و ‪۳‬دا العارفون لا ينظرون إلى الله في الاشياء‪...‬‬
‫‪ hor :‬غابت صفات الانسانية وظهرت أحكام الربانية‬
‫‪. ( 38 v12‬‬
‫غشيتني الهوية القديمة فاستغرقت ‪( ...‬المولف )‬ ‫*‬
‫‪ lio *95‬فقد كاشفني لحق باقل من ذلك ‪ ( ...‬الشبلی)‬
‫‪ 4037‬كل نفس يكون فيه ذكرالله فهو متصل بالعرض (سلیمان بن‬
‫عبد الله )‬ ‫و‬
‫‪ 173‬كنت أكتب الحديث والفقه ‪(...‬الشبلی )‬
‫‪ ۱۰:‬و کلام العشاق يطوي ولا بروی‬
‫‪ h 117‬كيف يدرك ذو مدى من لا مدي له (ابو الحسين النوري )‬
‫‪284‬‬ ‫‪AVRIL -JUIN 1930 .‬‬

‫‪ 4 15‬لا سبيل إلى معرفة الله لاحد وذلك ‪( ...‬اجد بن عطاء)‬


‫‪ h78‬لا يعرف الله الا الله (الجنيد )‬
‫‪ 135‬اللهم اسكن أعدائي جنة عدن ‪( ...‬الشبلی)‬
‫‪ la3 19‬اللهم زينی بوحدانيتك والبسني ‪( ...‬ابو یزید)‬
‫‪ 367 17‬لو أن رجلا مع العلوم كلها ومب طوائف ‪( ...‬ابوعلى‬
‫الثقفی )‬
‫‪ 38 *13‬لو ظهرها جرى بينهما خرة لتلاشى العرش والكرسی‬
‫عین القضاة )‬
‫‪ 353 31‬لو علمت أن الله تع عها تحت اديم السماء ‪( ...‬الجنيد)‬
‫‪ A310‬لو كان ايوب في الحياة لصارعته (كليب السنجاری )‬
‫و ‪ 383‬ما صنف حرفا عن تدبير ولكن كنت ‪( ...‬محمد الترمذی)‬
‫و‪ 11‬ما عرف الله من عرفه ولا وجده من اكتنهه ولا‪( ...‬ذو‬
‫النون )‬
‫‪۴ 10‬وا ما نظرت في شيء الا ورايت الله قبله (أبو بكر الصديق)‬
‫امو‪ 3‬المرؤ مخبو تحت لسانه علی بن ابی طالب‬ ‫و في‬

‫‪ 393 33‬المعرفة طلوع الحق على الاسرار بمواصلة الانوار (ابو الطيب‬
‫السامری‬
‫‪ tor1‬من رای مع الحبيب غير لحبيب لم ير لحبيب ( يحيى بن‬
‫معاذ)‬
‫و ما من عبد الله بعوض فهو لئيم‬
‫و ‪2‬و‪ 3‬من لا شيخ له فلا دين له‬
‫‪ 323 30‬من لم يتادب باستاذ فهوبطال‬ ‫مد‬
‫‪LA ŠAKWĀ.‬‬ ‫‪285‬‬

‫‪ 390 13‬من لم يحكم فيما بينه وبين الله بالتقوى ‪( ...‬ابو مهد‬
‫الحریری )‬
‫‪ 373 11‬من لم يكن على الله غيورا لم یکن الله عليه غيورا‬
‫المرتعش )‬
‫‪ 30318‬من لم يكن له استاذ فاماة الشيطان (ابو یزید)‬
‫‪ 393‬نفس الصوفي اذا هاج من الغواد ‪ ( ...‬لنبد )‬
‫‪ ho‬هل تعلم لنفسك فرحا) قال (الشبلی ) اذا لم اجد لله‬
‫ذاكرا‬
‫هلا امكم بالغيبة عنها بروية منشئها‪( ...‬الواسطى )‬
‫و ‪ 37 ۲۰‬یا شهوانی اطلب شهوانية مثلك (رابعة العدوية)‬
‫‪PROVERBES.‬‬

‫‪ 3۱۰۸‬أمر حسوا في الارتغاء‬


‫‪18‬ود حب الاوطان معجبون بفطرة الانسان‬
286 AVRIL -JUIN 1930.

APPENDICE.

Termes techniques utilisés par: Ayn Al-qudāt


in Šakwā, 34 po et suiv. (trad ., p. 218)(1).
al- uns, la joie qui provient del'intimité (2),
al-'ajwaf, le verbe concave.
al-'aşamm , le nombre irrationnel, ex. 7 (3).
al- aşl, le principe : élément générateur de la loi.
al- ibdal, la permutation .
al-'iblā ( )
al- ittişāl, rla tangence » , le contact , l'arrivée à l'union.
Syn. :wasl etwişāl (infra )(5).
al-ilbāt, l'affirmation (6); que l'on oppose à nafy (négation ).
al- idġām , la pénétration (assimilation ou contraction ).
al- ījāb, l'affirmation ; contraire : as-salb (infra ).
al- ijtimă , la réunion (7); c'est l'un des quatre types possibles
de changement, tous d'état local : al - haraka , as-sukun
(1) Le classement dans l'ordre de l'alphabet arabe n'est pas de Aq. L'au
teur de la Sakwă a cité ces termes techniques par ordre de matières , sans
les expliquer et uniquement pour prouver que chaque e discipline, a son
lexique conventionnel.
(2) Cf. Qut, II, 64. (Sufisme = Suf.)
(3) En grammaire , le même mot désigne le verbe dont les deux dernières
radicales sont semblables.
(0) Je n 'ai rien trouvé pour ce mot. Mais , in T. T. , I , 158 , on donne al
ibtilă avec cette définition : chez les gens d'aššar', c'est le miracle qui se
manifeste de la part de celui quiest uni à Dieun. (Fiqh = F .)
(5) Suf. Cf. T. T., II, p. 1506.
(6) Suf. Cf. al-maħw ( infra ).
(9) Kalām .
LA ŠAKWĀ. 287
(cf. infra ), al-ijtimă (ici) et al-iftirāq (dont Ayn al-qudāt
ne parle pas ) (1).
al-'ijtihad , le fait de faire effort pour atteindre la vérité ou pour
trouver le solution d 'une difficulté(2).
al-'isgāt, la caducité ; état où les moyens termes tombent(s).
al- ism al-ġayr al-munşariſ, le nom imparfaitement fléchi.
al- ism al-munsarif, le nom parfaitement fléchi.
'insalaha min jaldatihi, il s'est dépouillé de sa peau ; allusion
à la parole célèbre d'abū -Yazid (4) signifiant le renoncement
enoncen

plénier, l'annihilation de soi.

al-batn , subdivision de la imāra (exemple : banū ‘abdmanāf)(s).


al-baħr, le mètre en prosodie.
al-basīt, l'un des seize principaux mètres : mustaf'ilun fáilun
( 4 fois ).
al-bast, l'expansion : état où , tout en étant uni à Dieu , on
n 'est pas e abstrait , du monde extérieur (6).
al- baqa, « la pérennisation ,(7),

at-tajalli, le rayonnement extérieur, l'adaptation , la trans


figuration (8).

(1) Cf. Hallāj, p. 527.


(2) Cf. Majmū' al-mutün al’uşūliya , éd. de Damas ( = Majmū') , contenant
quatre écrits de quatre Imāmschacun représentantl'un des quatre grands rites
musulmans. Pour cette question , cf. p . 219.
(3) Suf. Cf. une définition moniste de ce terme in T . T ., I, 666.
(*) Cf. Šakwā , trad . , p . 352.
(5) Cf. T . T ., I, 733 , pour tous les termes usités chez les généalogistes
(an -nassābūn ).
( Suf. Cf. Luma', p. 343 ; Kašf, p. 374 ; Risala , p . 35 ; Qoran , II, 246.
(7) Suf. CL Essai, p. 271. Pour le contenu précis de ce mot, ainsi que de
son opposé (al-fanā , infra), cf. Luma', p. 213 ; Kašf, p. 242 ; Risala , p . 39-40 ;
GOLDziuER , ap. La Bibliographie . . . , de Heller, n° 242 , p . 55 ; et Goldziher ,
p . 135 .
(0) Suf. Cf. Luma', p. 363; Kašf,p. 389; Risala, p.42.
288 AVRIL - JUIN 1930 .
nut-taħayyuz, le fait d'occuperun lieu (1).
at-tadyżi 12).
at-tafriga , la séparation (cf. al-jam ', infra , 2º).
at-tafrīg , la soustraction (en arithmétique).
at-laglid , l'acquiescement sans critique à la tradition ou à la
parole d'autrui (3).
at-talāší, l'anéantissement (renon pas de la chose en soi,mais
par rapport à celuiqui l'appréhende »)().
al-jumla al-murakkaba min -al- fifl wa-l - fail, proposition com
prenantle sujet et le verbe (par opposition à la proposition
constituée par un mubtada et un habar ou bien par un verbe
à sujet pronominal implicite ).
al-jadr, la racine ( en arithmétique).
al-jam ' : 1° en arithmétique, l'addition de deux nombres in
égaux (5 + 6 ) ; car 5 + 5 se nomme at-tad iſ (le redouble
ment); gº dans le sufisme, la réunion , par opposition à
at-tafriga ( supra ). Al-jam ' consiste à penser au Réel en fai
sant abstraction de tout ce qui n'est pas Lui; at-tafriqa,
c'est penser à ce qui n 'est pas le Réel, à la création , qui
n 'a de réalité que par la toute -puissance du Réel et non en
soi. Ces deux termes sont inséparables : car celui qui
emploie le premier sans penser au second nie la toute
puissance de Dieu ; et celui qui pense au second séparé du
premier, nie Dieu lui -même; mais celui qui pense aux
deux en même temps, est le véritable muwaħħid (5), , dit
l'auteur des Luma'.

(1) Cf. T. T. , 1, 300 .


(2) 'Aq cite ce terme dans la liste des généalogistes (an-nassābūnnas). Je
n 'en ai pas trouvé la signification technique.
(3) Cf. Majmū', p . 38.
(1) Cf. Sakwā , 39 rº 15 ( trad ., p . 237, n . 2 ).
(6) Cf. Luma', 339, et le chapitre consacré à l'hérésie de 'ayn al-jam "
(l'union substantielle ), p. 431.1-- Cf. Risāla , 38.
LA ŠAKWA. 289

' al-jawhar, la substance (in Kalām ).


al-jism , le corps (in Kalām ).
al-ḥudūr, la présence (cont. : al-ġayba) ( ).
al-hukm , le jugement à porter sur une action (2).
al-ḥaraka, le mouvement; cf. supra : al-'ijtima'.
al-hal, l'état ( au point de vue mystique)(3).
al-ḥamli : 1° le syllogisme simple ( catégorique)( ); 2° au fé
minin , la proposition qui affirme ou nie un altribut d 'un
sujet(5)

al-habar , l'énonciatif (naḥw ).


al-hāss : tout ce quidésigne un objet déterminé individuelle
ment (genre , espèce ou individu) (6).

ad-dawr, chez les philosophes, les théologiens et les şūſis, c'est


le fait qu'une chose a nécessairementbesoin d'une autre (7);
cf. l'expression : ad -dawr wa-l-tasalsul.
du - l -'arba'a : verbe défectueux, ayant quatre consonnes au
passé , y compris le pronom sujet.
dū-t-talāta , verbe concave , ayant trois consonnes au passé.
ad-dawg, le goût; c'est le commencement du šurb (le fait de
boire)(8)

(1) Suf. Cf. Luma', p. 340 (à propos d'as-sukr et d 'as-saħw , infra). Cl. aussi
Kašf, 248 , et Risāla , p. 40.
(9) Cf. Majmu', p . 25 et 82.
(3) Cf. Luma', 334 ; Risāla , 34 ; et infra : al-magām .
(5) Cf.Miyär al-'ilm d'Al-Gazāli, Caire, 1329 , p . 77.
(s) Ibid ., p . 64 .
(6) Cf. Majmū', p. 3 et 31.
(3) Cf. T. 1. , 1, 467.
(8) Cf. Luma', p. 372 ; Risāla , 42. Pour le Kašſ ( p . 392), ad-dawq est
commun aux joies et aux tristesses, tandis qu'aš-šurb est réservé aux joies .
CCXVI. 19
EN PAINERIE NATIONALE .
290 AVRIL- JUIN 1930.
ar-ru'ya , la vision (1).

az-ziyāda < zāda, ajouter explétivement ou pour produire la


dérivation .

as-sukūn, le repos (cf. supra : al- ijtima').


as-sukr, l'ivresse (mystique)(2).
as-sulūk, l'itinéraire (la marche, par opposition au wuşül
ce l'arrivée » ).
as-sabab , a la corden ; en prosodie , un pied de deux brèves ou
d'une longue.
as-salb , la négation (en logique ), par opposition à al-’ijāb .
aš-šuf‘a, le droit de préemption (3) (F .).
aš-šarti, le syllogisme e conditionnel » (hypothétique )( ).
as-šakl, la figure du syllogisme, qui dépend de la place du
moyen terme dans la majeure et la mineure (5),
as-sawg, le désir ( ardent de la tendresse ).
as-say', l'équivalent algébrique d'al-jadr (la racine), comme
l'estad-dal en géométrie (6).
aš-ši-b (ou aš- šab ), le peuple : tout groupement humain
remontant à un même père (exemple : ‘adnān ).

as-saħw ,le dégrisement (mystique)(?).


darb an-nisa (ou an -nasā )(8).
(1) Cf. Šakwa , trad., p. 251, et 952 , n. 3. Cf. Hallāj, p. 695 .
(2) Cf. Luma', p. 340.
(s) Cf. T. T., 1 , 763.
(3) Cf. Mi'yār al-' ilm d'Al-gazāli, p. 88 .
(W) Cf. ibid., p. 79. Voir un autre sens in 7 . T., I, 783.
(6) Cf. 7. T., 1 , 301-209.
(7) Cf. Luma', p . 340 .
Je n 'ai pas pu savoir ce que représente ce terme des Nassābūn .
LA ŠAKWA. 291

ad-darb : 1° en logique, le mode d'union de la majeure et de


la mineure dans le syllogisme catégorique (1); 2° en pro
sodie , le dernier pied du second hémistiche.
ad-da if, le faible (dans leḥadīt)(2).
al-tawil, l'un des 16 principaux mètres : (le long) : fa'ilun
mafáilun (4 fois).
ai-zihār , le fait pour un musulman doué de toutes ses facultés
Ve
mentales et parvenu à la puberté de considérer sa conjointe
comme une femme qu'il ne lui est pas permis d'épouser (3),

al-'adam , le néant.
al-'arad, l'accident,en face d 'al-jawhar ( supra ) e la substancen.
al-'azīz , le précieux ; ḥadīt rapporté par deux ou trois per
Son
sonnes d 'après deux ou trois autres, etc . ).

al-'ašira, la subdivision d'al-fahd (infra ). Exemple : Banū


l 'abbās.
al-'aqd, le fait d 'accepter une chose dans les conditions ré
clamées par la loi (aš-šar')(5),
al-'amm , ce qui désigne deux choses ou plus, à l'inverse d 'al
hāss (supra ) , qui ne désigne que l'individuel (6).
al-'illa,la cause; ce dontdépend al-ḥukm (supra)( ).
al-film , la science; cf. infra , al-ma'rifa .

(1) Cf. T. T., 1, 872.


(3) Cf. Taqrib de M . Marçais , p. 28 et note ; 7. T., II, 887.
(3) Cf. T. T., 11 , 931 ( Coran , Lyu , 2 et 4 ).
(1) Cf. T . T., II, 977. Voir discussion de cette définition in Taqrib ,
903 , n . 1 .
(5) Cf. T. 7. , II, 953.
(6) Cf.Majmū', p. 31.
(2) Ibid ., p. 19. Cf. Lumu', p. 363.
292 AVRIL -JUIN 1930.

al--imāra , subdivision d'al-qabila (la tribu). Exemple : Qays.


al-ġarīb, le rare: ḥadit rapporté par une voie unique(1).
al-ġayba, l'absence ; contraire d'al-hudūr (voir supra ).
al-ġayr al-munșarif, cf. supra , al-'ism . . .

al-fahd , subdivision d 'al-batn (supra). Exemple : Banū Hāšim .


al-fară’id , la science du parlage des héritages (2),
al-far', la règle dérivée d'al- aşl (le principe ); le droit propre
mentdit.
al-lāşila , la division ; en prosodie , pied de trois syllabes dont
la dernière est longue (c'est al-fāşila as - suġrā , la petite
division ) ou de quatre syllabes dont la quatrième est
longue (c'est al-fāşila al-kubrā , la grande division ).
al-fanā, l'annihilation (voir supra : al-baqā ).
al-fahm , la compréhension , et aussi (3) le sens qu'il faut retenir
d'un texte.
al-firāg , la séparation ; contraire : al-wisāl ce l'union » .

al-qabīla, la tribu; subdivision : aš-ši*b (supra ). Exemple :


Mudar, Rabi'a .
al-qabd , la contraction ( au point de vue mystique); état où
l'union avec Dieu ceabstrait» l'homme du monde extérieur
(voir supra : al-bast).
al-kasb , notion très importante et très subtile de l'As'arisme,
elle permet , à l'encontre du Qadarisme et du Muʻlazilisme,
qui affirment la liberté totale de l'homme, de parler de
la dépendance de celui-ci à l'égard de Dieu dans tous ses
(1) Cf. Tagrib , p. 63 et 202 ; T . T ., II, 1087.
(9) F . Cf. T . T. , 1 , 32.
(3) Cf. Hallāj, p. 704 .
LA ŠAKWA. 293

actes sans renoncer à lui reconnaître la liberté et la res


ponsabilité (1).
al-kašſ, l'illumination de ce qui était caché à l'intelligence et
son apparition à découvert. C'est plus parfait que la con
templation : al-mušāhada (infra )(2),
al-kab, le cube (en mathématique).
kab al-kab (plur. : kiab al-kiřāb), x®; (x = as-say', supra);
[205 = mâl-al-kab).
· al-kawn, synonyme d'al- ayn , d'al-makān , d'al-kayniya , lieu :
localisation propre de l'existant.
Au lieu des cinq universaux ( al-mufradāt), il n'y en a
plus qu'un, l'accident (alarad ). Au lieu des dix catégories
( al-maqūlāt) , il n 'y en a plus que deux : la substance ( al
jawhar, l'atome) et la localisation (al-kayniya). Al- kawn
a aussi le sens de la nalure créée(3).
al-kitāba, l'acte passé entre un maître et son esclave , par
lequel celui-ci s'engage à payer une somme à son maître
comme prix de son affranchissement et par lequel le maitre
s'engage à affranchir cet esclave contre ladite somme(4).

al-lazim , le verbe intransitif.


al-lafif, en morphologie , le radical doublement faible.
al-mubāḥ, ce qui est permis; on n'est pas puni si on ne le fait
pas, ni récompensé si on le fait (5), Synonyme : al-ja'iz ,
al-ḥālal(6).
al-mubtada , le nom indépendant.
(1) Kalām . Cf. T. T., II, 1243; Ihyā , I, 190 ; Carra de Vaux , Gazāli, p . 21 .
25 et 103.
(2) Suf. Cf. Luma', 335 ; Risäla , 43.
(3) Cf. Hallāj, 552 , 553 , 559 et 622 . .
(4) Cf. T. T. , 1242 (cf. Qoran , xxiv, 33).
(5) Cf.Majmū'al-mutūn al-'uşūliya ( = Majmū') , p . 28.
(6) Ibid . , p . 86.
294 AVRIL -JUIN 1930.

al-mubham , le vague ; toutwājib (infra ) peut être quant à l'acte


lui-même : a . soit mubham (vague ) lorsque son mode
d'accomplissement est vague; ainsi la réparation ( kaffāra
« pénitencen) peut être faite de diverses manières dont une
seule suffit; b . soit mu'ayyan (précis) : c'est le wājib dont
le mode d'accomplissement est précis et immuable (comme
la prière , le jeûne . . .) (1).
al-muta'addi, le verbe transitif.
al-mutaqärib, l'un des 16 principaux mètres : faülun (8 fois). ·
al-muhayyar, la prescription où l'on garde une certaine liberté
de choix (2).
al-murahham , le vocatif apocopé.
al-mušāhada, la contemplation ; cf. supra : al-kašſ.
al-mudāj, le substantif annexé.
al-mudayyaq, c'est le wājib qui doit être accompli en un temps
limité et qui exige tout ce temps (le jeûne de Ramadān , par
exemple ); cf. al-muwassa', infra .
al-mutlaq , l'absolu ; tout objet considéré en soi (s),
al-mu'rab , le vocable fléchi.
al-mufrad , le singulier.
al-muqayyad, le relatif,par opposition à al-mutlaq (voir supra).
al-munsariſ, cf. al-ism . . . (supra).
al-muwassa', le large; c'est le wājib dont l'accomplissement
n 'exige pas tout le temps accordé pour le faire. Exemple :
chaque prière rituelle doit être faite entre tel et tel moment
de la journée, mais peut ne prendre que quelques minutes
pour être accomplie ( ).
al-mabnī, le vocable infléchi.
al-matrūk , le négligeable; ḥadīt dont le rapporteur est soup

(1) Ibid ., p. 83.


(3) Ibid .
(3) Cf.Majmu', p. 45 , ainsi que pour al-muqayyad. •
(4) Cf. de même que pour al-mudayyaq (supra ), Majmū , p. 83.
LA ŠAKWĂ. 295

çonné de mensonge , quand ce hadīt n 'est transmis que par


une voie (1).
al-madid , l'un des 16 mètres principaux : fā'ilātun, fā'ilun ,
failātun (2 fois ).
al-mahżūr, ce qui est interdit. Si l'on obéit à l'interdiction on
reçoit une récompense ; sinon , on subit un châtiment.
Synonyme : þarām (2).
al-mahmūl, l'attribut.
al-maħw , l'effacement; on l'oppose à al-'ibāt (supra )(s), ainsi
qu'an -nafy ( la négation ) ; mais al-maħw ' est plus fort que
celui-ci; il est a total loss , tandis qu'an -nafy eis applicable
only to the attributso (4). Il y a un terme plus radical qu’al
maḥu , c'est al-maħq ; il indique un maḥw plus rapide (5)
al-mašhūr, le célèbre; ḥadīt d 'abord rapporté par une voie
unique ; puis , s'étant répandu , il se trouve rapporté par un
groupe d'hommes que l'on ne peut convaincre d'erreur :
il serait ainsi comme al-mutawātir (6).
al-ma'rifa , 1° le substantif déterminé; gº dans le sufisme,
c'est« la gnose , la sagesse » ; cf. supra : al-'ilm . Ces deux con
cepts sont très importants ; ils ont créé des dissensions entre
les sūfis (7). Les saints şūſis sont appelés ahl al-ma'rifa et
al-'ārifūn . . .
al-maftūh, par opposition à al-asamm (supra); c'est le nombre
dont la racine est parfaite.
al-maſ'ul lah , le complémentde mobile.
(1) T. T., I, 169.
(9) Cf.Majmu', p. 28 et 85.
(3) Comme parait le faire 'Ayn al-qudāt dans sa liste , où il accouple les
deuxmots ; cf. aussi Luma', 355 , et Qoran ,XII , 39.
(6) Cf. Kaff, p. 379.
(5) Cf. Luma', p. 355. Voir pour ces mots, Risāla , p . 12 .
(®) Cf. T. T., 1, 749, et Taqrib , 300.
(7) Cf. Halāj , 545 et 777. Pour les définitions de ces deux termes
cf. T. T., II , 996 ; Kašf, 382; Hallāj, 537, et aussi p. 32 et 545,
296 AVRIL -JUIN 1930 .
al-maf®ül ma'ah, le complément de concomitance .
al-maqām , la station ; elle est entre al-ḥāl (supra) et al-makan
(le lieu ) (1).
al-makrūh , c'est une interdiction dont l'accomplissement ou la
transgression n 'entraînent ni récompense ni châtiment(2).
al-māl, ce qui, en algèbre , désigne le carré d 'un nombre, n ?.
mal al-māl, le produit d'un nombre n par son cube (kab) n *.
al-mandūb, toute prescription dont l'accomplissement mérite
une récompense , mais dont la négligence n 'est pas l'objet
d'une punition (3).
al-mansuh, l'abrogé (dans le Coran et la Sunna ); cf. an-nāsih
(infra )( ).
al-mawdū , le sujet; voir al-maħmūl (supra ).

an -nāsih , l'abrogeant.
an -nagis , le verbe défectueux.
an-nakira , le substantif indéterminé.

huwa bila huwa , c'est le tafrid at-tawḥīd : affirmer que Dieu esl ,
sans que la langue prononce « Il est " , saps que la main
l'écrive , sans le secours des deux syllabes huwa juu (5).

al-wuşūl, l'arrivée ( après as-sulūk, l'itinéraire ). .


al-watid , le pieu ; en prosodie , pied composé soit de deux
syllabes dont la seconde est longue ( le pieu conjoint,
al-walid al-majmū'), soit de deux syllabes dont c'est la

(1) Cf. Luma', p. 61 et p. 335. La station (al-maqām ) est au delà d'al-hal


(l'état), en deça d'al-makān ( le lieu ). Pour le Kašf (p . 371), les trois étapes
sont al-maqām , puis al-ḥāl, puis at-tamkin .
(2) Cf. Majmū , 28 et 85 .
(3) Majmu', p. 28.
(1) Ibid ., 58-60 , 114. Cf. Tagrib .
(5) Cf. Luma', p. 361.
LA ŠAKWĀ. 297
première qui est longue (le pieu disjoint, al-watid al
mafrūg).
al-wājib, la prescription dont l'accomplissement entraîne une
récompense et le non-accomplissement une punition (1).
al-wajd, l'extase (2)
al-wiāl, l'union, par opposition à al-firāq(3).
NOTE ADDITIONNELLE .

M . Louis Massignon avait fait faire une photographie du texte arabe


de la présente édition et en avait amorcé l'élude. C'est par lui que j'ai
connu et l'auteur et son Epitre.
Aussi ce travail lui doit-il , directement, beaucoup. Qu'il veuille bien
trouver ici l'expression de ma profonde gratitude.
Ma reconnaissance va de même à mes autres Maîtres, à M . W . Mar
çais , et , particulièrement, à M . Gaudefroy-Demombynes , qui a bien
voulu revoir et corriger le manuscrit et les dernières épreuves .
M . B. A.
(1) Cf. Majmu', p. 28 et 83.
(3) Cf. Risāla , p. 37. Cf. Sakwā, trad., p. 252.
(3) Les renvois au texte arabe se rapportent aux folios du manuscrit qui
sont indiqués en marge du texte imprimé ici, et aux lignes du manuscrit
qui correspondent, approximativement, à celles de l'imprimé.
LA DANSE RITUELLE

DANS LA CÉRÉMONIE DU CHINKONSAI,


PAR

M . C . HAGUENAUER ,
PENSIONNAIRE DE LA MAISON FRANCO - JAPONAISE ( TOKYO ) .

LISTE DES ABRÉVIATIONS EMPLOYÉES.

B .É.F. E .- 0 : : Bulletin de PÉcole française d'Extrême-Orient, Hanoi.


B.G . T.K . : Nihon Bungakutaikei B * t , collection d 'ou
vrages littéraires.
G .S .R .J. : Gunshoruijū # , collection raisonnée de textes
divers.
H . Q .S. R. : FLORENZ , Historische Quellen der Shinto Religion (1919 ).
K .C . : Kojiki # * l , traduction de CHAMBERLAIN (édit. 1920 ).
K .S. K .D . : Kokushokaidai # 1 , bibliographie raisonnée ( édit.
1909 ).
K. S .K . K . : Kokushokankokai A t , collection de la Société
d 'édition des textes historiques et littéraires.
K . S. T.K . : KokushitaikeiE t , collection historique en 17 vol.
(éd . 1898).
N . A . : Nihongi * C (ou Nihonshoki * ĀL ) , traduction
d 'Aston , 2 vol. (1896 ).
T .A .S.J. : Transactions of the Asiatic Society of Japan.
Z.G . S.R .J. : Zokugunshoruijā * # * te , suite du G .S .R .J.
300 . AVRIL -JUIN 1930 .

SORCIERS ET SORCIÈRES
DANS LE JAPON ANTIQUE.

On connaît le thème général de la légende par laquelle


s'ouvre la mythologie japonaise : Susanowo no Mikoto
ŽE est en rivalité avec sa seur Amaterasu Omikami #
hot pins pour la possession du pouvoir au Ciel(1) et , sur
terre , dans le « Pays du milieu de la plaine de roseaux, Ashi
hara no naka tsu kuni, * , le Japon.Mais cette riva
lité ne se traduit pas par une lutte à main armée . Le frère ,
appelé aussi 0 mono nushi no Kami t u jb, le Grand
maître des choses,(2) est, en même temps qu’un dieu , un sor
cier. Ainsi s'explique la dualité de son caractère de génie tour
à tour guérisseur et malfaisant, d'inventeur et de destructeur.

(1) Haguenauer, L’Adresse du dignitaire de la province d'kumo, p. 7-9, in


Bulletin de la Maison franco-japonaise , I, n° 4 ( Tokyo , 1929).
(2) Mono , les chosesn , désigne ici les puissances surnaturelles et dange
reuses. On notera les expressions : utoburu mono to , les choses étran
gères à l'hommen , les choses tabouées n , celles dont il doit se tenir à dis
tance. Mono s'écrit aussi ; il désigne dans ce cas les démons malfai
sants yoke:妖鬼 ; cf .TsueITA Jun 水田潤 , Norto shinks 祝詞新講,
p . 99 . Lesmonoshiri-bito lo LED sont ceux qui connaissent les choses) ,
les sorciers , les tireurs de sorts ; cf. Tsugita , op . cit., p . 175 . Monoimi dhe
s'appliquait aux garçons et aux filles impuberes qui servaient dans les temples
shintoïstes ; leur pureté leur permettait de servir les dieux ; cf. TSUGITA ,
op. cit., p . 400. De nos jours , monoimi désigne l'abstinence rituelle , la con
trainte physique et intellectuelle qu'on s'impose, dans certains cas , afin de ne
pas donner prise sur soi aux puissances néfastes, au malheur. Les Mononobe i
AB , la e corporation des monon, étaient les ritualistes par excellence; cf. plus
loin , p . 328 et 338 .
LA DANSE RITUELLE DANS LE CHINKONSAI. 301
Il vit entouré d 'êtres puissants, d'animaux possédant des facul
tés extraordinaires et même d'un nain -sorcier( ). Son rôme
douce n nigimitama Foreign (2) peut quitter son corps pourle guider
et le protéger. La seur, déesse solaire et prêtresse bienfaisante ,
a aussi ses aides dans la lutte incessante qu'elle doit soutenir :
des dieux connaisseurs de formules , de rites, ainsi qu'une sor
cière , Ame no Uzume no Mikoto F * . La lutte
comporte de nombreux épisodes. Susanowo a recours à des
talismans, à des ruses ou à des violations de tabous. Amate
rasu , pacifique et de bonne foi , car elle est sûre de ses droits ,
a d'abord le dessous; son frère ravage les rizières sacrées, il
ose souiller le lieu saint de la fête des prémices Onie * * = n
( voir p . 334 , n . 1). Son audace , qui ne connaît bientôt plus
de bornes, le pousse à commettre un nouveau sacrilège : il
jette un cheval écorché vif dans la chambre où tisse sa sæur.
Celle-ci, effrayée, se blesse aux parties sexuelles avec sa navette .
C 'en est trop. Amaterasu en colère se retire dans la « caverne
céleste , ame no iwayato X 5 F . La nuit enveloppe l'uni
vers. L 'instant est critique. Susanowo va - t - il l'emporter ?
Non . Les suivants de la déesse entrent en scène. Pour aider

(1) H.Q.S.R., p. 30 à 44 et 147 à 175.


(2) Les Japonais avaient de l'âme, tamashii,mitama , tama i une
notion très complexe. Les textes anciens nomment plusieurs åmes : l' âme
ruden aramitama , l'«âme doucen nigimitama lain , l’eâme protec
tricen sakimitama , l'«âme intelligenten kushimitama . Motoori
Norinaga * E et Hirata Atsutane l voient dans la
première une ame inculte , par opposition au nigimitama , l'âme raisonnable .
Les deux autres âmes ne seraient que des émanations de cette e âme doucen :
le sakimitama veillerait à la sûreté du corps, le kushimitama le guiderail,
cf. H .Q .S.R ., p . 173, n. 45. Cf. aussi Jingijiten jaft * , article
mitama, p. 677-678. Cette division dualiste , de création récente , ne peut
donner qu 'une idée imparfaite de la notion d'âme chez les habitants du
Yamato des premiers siècles de notre ère. L 'âme peut quitter le corps ;
cf. plus loin , surtout p . 388 -339 etles notes. Sur la notion populaire de l'âme
boule (tama), consulter Aston, Shinto , p . 97 et suiv., 49.
302 AVRIL-JUIN 1930.
leur maîtresse , ils mettent en æuvre des moyens extrêmement
puissants. Ils exposent des talismans, récitent des formules et
des prières. Ame no Uzume no Mikoto exécute une danse
devant la ce caverne célesten :
Ame no Uzume no Mikoto passa (sur ses épaules et fixa à ses poi
gnets ) un cordon rituel tasuki (1) € * fait de lycopodiacées hikage(?)
célestes ( cueillies aux arbres ) du céleste mont Kagu ( )F u Ź
F Z O E . Elle se fil une couronne kazura de feuilles de fusain
masuki(") # céleste. Elle lia une touffe de sasa (5) elo fos du mont
kagu , la prit à la main , puis renversa un recipient (de bois) uke f
ú , qu'elle plaça à la porte de la céleste caverne. Elle monta sur ce
récipient et le frappa du pied en cadence. Possédée par un esprit kamu
gakari ei , elle sortit ses seins et abaissa le cordon de son
vêtement jusqu'à son sexe hoto # Alors la Plaine du haut Ciel
Takama no hara F s'agita , les huit cents myriades de dieux
rirent ensemble( ).

L 'événement décisif se produit : Amaterasu est attirée hors


de sa retraite. Les dieux rassemblés sont unanimes à condam
ner Susanowo; il est banni du ciel et de la surface de la terre ;
il résidera désormais dans le monde souterrain Yomi tsu kuni
E L . Seuls les descendants de la déesse solaire régneront
sur le Japon (7).
L 'un des épisodes les plus importants de ce drame mytho
logique est, on le voit, la danse exécutée par Ame no Uzume
à l'entrée de la caverne » où s'était cachée la déesse solaire .

() H .Q .S.R., p . 39, 11. 19; K .C., section XVI, n . 29.


(1) Sorte de lycopodiacée. Le lycopode est un dessiccatif et un insecticide
efficace. Il se peut que les anciens Japonais l'aient estimé pour ses vertus
purificatoires. Je dois cette suggestion à M . L . Bjaringhem , directeur de la
Maison franco -japonaise.
(3) Dans la province de Yamalo .
(6) Evonymus japonicus Thun., sorte de fusain .
• Sorte de petit bambou.
16) Ce texte est extrait du Kojiki $ # ; cf. K .S. T.K ., VII, p . 97.
( H . Q . S . R ., p . 162 et 164 , n . 46 .
LA DANSE RITUELLE DANS LE CHINKONSAI. 303
Or cette danse , les descendants d'Ame no Uzume passaient
pour s'en être transmis la pratique de génération en généra
tion ; elles l'exécutaient à la cour impériale lors de la cérémo
nie destinée à cefixer l'âme de sa majesté » ( voir p . 308 , n . 1 ).
Ces descendantes formaient un clan de sorcières. La danse
dansée par leur ancêtre céleste était par conséquent une danse
de sorcière. Cela n'a rien d'étonnant, car les sorciers et les
sorcières ont joué un rôle important dans la civilisation de
l'ancien Japon comme dans beaucoup de civilisations antiques.
Au Yamato , le sorcier était un personnage puissant. Susa
nowo n'est qu'un type de sorcier ; il n 'est pas le seul dont
les Annales ont conservé le souvenir. Hosusori * M (le
Hosusori du Nihonshoki(1), Hoderi d 'après le Kojiki(2)) et son
frère cadet Hobodemi * * (ou Howori) possédaient
des talismans : l'ainé un hameçon , le cadet un arc et des
flèches. Ils les échangèrent, mais sans succès. Hosusori, chas
seur bredouille , réclama son hameçon. Hohodemi, qui l'avait
laissé happer par un poisson, en fabriqua un autre et le pro
posa à son frère. Hosusori n 'en voulut point et pour cause :
Je n'aurais pas cédé mon hameçon pour une grande quan
tité d'autres» , répondit-il. Hohodemidésespéré errait au bord
de la mer, quand il lui arriva une aventure étrange. Un mys
térieux vieillard lui conseilla de se rendre au palais du Dieu
des mers Watatsumi no Kami no Miya (3) ih je z $ . L 'ado

(6) H .Q .S.R., p. 204-991.


(2) Ibid ., p. 76-84.
Le terme watalsumi s'explique ainsi : wala « mern + isu , particule
archaique du génitif + uni «mers . Wata , apparenté à hate , pate , patai ,
pata des dialectes des iles Ryü-kyu, est à rapprocher du coréen pata ela
mern, et peut-être des mots polynésiens wasa , basa , bata , qui désignent
aussi l'étendue d 'eau salée. Les mots suivants : coréen pat , patchi , patki ce
qui s'étend à l'extérieur, un champs , et japonais hata e bord extérieur, lisieren ,
hata , halake « champs , appartiennent sans doute au même groupe seman
tique .
304 AVRIL -JUIN 1930.
lescent y alla . Comme il était très beau , son hôte lui donna sa
fille en mariage, l'aida à recouvrer l'hameçon perdu et lui fit
don de deux talismans qui avaient le pouvoir, l'un de faire
monter les flots, l'autre de les faire descendre . Au moment de
quitter le palais , le beau-père donna ce conseil à son gendre :
< Remets l'hameçon à Hososuri, mais avec mépris; s'il se met
en colère , tu le noieras à l'aide du talisman qui fait monter
les flots. » Tout se passa comme le dieu des mers l'avait prévu ;
le frère aîné, sur le point d 'être noyé, implora la vie sauve en
ces termes : « Ton serviteur sera désormais , jour et nuit, ton
gardien mamori-bito * , ( Kojiki, K . S. T . K . , VII, p.59).
- Désormais , nous serons tes sujets et bouffonswazaogi no
tami B Z E » (Nihonshoki , I, K .S. T .K ., p . 63 ). — Moi
et mes descendants pendant quatre-vingts générations nous te
servirons désormais comme bouffons wazabito , (ibid . ,
K .S . T . K ., I, p. 68 ). - r Me voici sans ressources, (ibid .,
ns resso

K .S . T . K ., I , p . 70 ). — * Tu possèdes un art merveilleux


yokiwazai . . . Moi et mes descendants . . . nous ne nous
éloignerons pas de ta demeure. Nous te servirons de bouffons ,
(ibid., K .S . T.K ., I, p . 73-74 ). L'aîné, convaincu de la puis
sance miraculeuse ikioi (1) fites de son jeune frère, fit sa soumis
sion . « Il (ne) garda (qu')un cache-sexe. Il se barbouilla les
mains et la face avec de l'ocre soho . Il déclara solennelle
ment à son cadet : « (Vois) comme je me souille le corps !
ce A jamais je serai ton bouffon » , et il mima sa noyade (ibid . ,
K .S .T .K ., I, p. 74 ). Depuis ce jour, Hosusori servit son vain
queurcomme un bomme-chien inu-bito foi] 1 . Hohodemiest le
grand-père de Jimmu Tenno je i F , le premier empe
reur-homme; Hosusori, l'ancêtre des Hayato (2).
(1) Un autre passage (ibid ., K .S. T.K ., I, p. 68) donne la variante ayashiki
ikioi jub a puissance surnaturellen.
(9) Plus loin , p . 333-334, n . 1 (f ). On lit quelqueſois hayabito , hayahito .
Aussi HAGUENAUER , op. cit. , p . 41, n . 84 .
LA DANSE RITUELLE DANS LE CHINKONSAI. 305
Au Japon , la sorcière a toujours eu beaucoup plus d'impor
tance que le sorcier . Les sorcières japonaises, les miko , ont
joué dans le Yamato un rôle analogue à celui des mutang (1) en
Corée et des noro(2) aux îles Ryū-kyū . Le rapprochement n 'est
(1) La revue coréenne Kyei myæng men og , nº 19, mai 1927, a publié un
numéro spécial consacré aux sorcières. La deuxième partie , intitulée Goson
mu-sokko 9 Al ta , est due à M . Li Næng-hoa # WE 7E . J'en
extrais les passages suivants; ils indiquent comment opère la mutang : in
# BA . Dee o I i * . ETTO AL 3
# ** * (p. 35). A to the ho # # # to
L LOR # # # Leto Z 1* 1
1 Ato . It
Z # Footi A (p. 42) : « Elle agite des
grelots vers le Ciel , dit beaucoup de paroles étranges pour prier les esprits de
venir. Soudain la sorcière ( possédée par l'esprit) parle : « Me voici ! Me voici in
- La sorcière de nos jours tient à la main des grelots dorés au nombre de
sept; elle chante , elle s'agite ; elle tient un éventail ( orné de) dessins qu'elle
fermeet qu'elle ouvre. Sa danse est échevelée , elle marmotte des formules
d 'incantation. Si l'on considère l'antiquité coréenne, (on voit que ) Mahan
rendait un culte aux esprits démoniaques ; il y avait la méthode de So-to de
dresser un arbre et d 'y attacher des grelots. Pu-yo rendait un culte au Ciel,
(là ) aussi il y avait le rite des grelots et des tambours.
Les mutang tiennent une grande place dans la vie du peuple coréen . Elles
rappellent les esprits des morts et les apaisent; elles guérissent les maladies .
A Quelpaert, j'ai vu des mutang pratiquer leur art dans les maisons des
paysans. Les sorcières de Séoul forment une espèce de syndicat. Elles ont
leurs temples dans des endroits un peu à l'écart. Le hasard m 'a fait décou
vrir des sorcières en train d 'opérer au son des gongs, dans une excavation
située au sommet du Pai-han -san H XL , au nord de Séoul.
La sorcière coréenne danse au son d 'un tambour, identique à celui qu'em
ploient les ki-sèng the # , d'une flûte, et parfois d'un hyæi-keum ,
sorte de violon à deux cordes assez semblable au hou -k’in chinois. On
consultera : MARTIN , Le Shintoïsme, t. II , p . 363 et suiv. , et Toru Ryüzõ , Ni
honghumanzoku genalishakyo鳥居龍藏 ,日本周圍民族原
há , p. 71-74 (une reproduction photographique au débutdu volume).
Cf. aussi HAGUENAUER , Sorciers et sorcières de Corée , in Bulletin de la Maison
franco-japonaise , II , nº 1.
(2) Les sorcières des Ryū-kyū Lt sont assez bien connues. On consul
tera M . H . Simon, Beiträge zur Kenntnis der Riū -Kiū Inseln (1914 ), surtout
p . 170-173 , et Richard GOLDSCHMIDT, Neu Japan (1927), p . 174-177 (photos),
CCXVI. 30
306 AVRIL - JUIN 1930.
pas arbitraire, car le shintoïsme resta, jusque vers la fin du
ve siècle très proche des pratiques dites chamanistes(1). Comme
ses collègues d'outre -mer, la miko avait la faculté surhumaine
de se mettre en rapport avec les esprits kami w et les âmes
tama défuntes. La danse était son grand art; le miroir, les
grelots , le sabre ou la lance ses instruments préférés .
La sorcière avait le don surnaturel de se faire descendre les
179 , 181, 198-200. Outre les références japonaises anciennes citées par ces
deux auteurs, je tiens à signaler : SuiGENO YŪKo # Amami
Oshima minzokushi # * Rete , p. 179 et suiv.; lra Forü F#
f Ryü -kyū kokonki 5! A 2 , p. 438, 366 et suiv.;
Sari i Ko Ryū-kyū no hyõbutsu lo yuta t th
, ce dernier in Minzoku to rekishiR S , juillet 1992, p. 313
et suiv. Les sorcières des Ryū-kyū sont à la fois des devineresses et des gué
risseuses. Elles peuvent entrer en communication avec les esprits et les faire
edescendren.
Voici les principaux noms de la sorcière aux Ryū -kyū : noro , yuta , noroku
moi, yabu , odonganashi, duta-munuts’i, hodun , hozan , kamukakara (jap. kamu
gakari, kangakari ), m ’iko (jap, miko), mununsi , mun's'i, nuru , tots'i.
Le mot miyarabi # , dont le sens premier est « vestalen ( cf. les an
ciens monoimi du Japon et les miko modernes), désigne aujourd 'hui les prosti
tuées des petits villages; cf. Nakayama Taro * B, Baisho sanzen
nenshi賣笑三千年史 , p. 97.
(1) Sur les chamanes , cf. M . A. CZAPLICKA, Aboriginal Siberia (Oxford ,
1914 ) , p. 168 et suiv . Les chamanes attachent des grelots à un bouleau
(p. 188). Ils emploient des tambours (p. 203 et suiv.), des grelots (p. 212 ,
219 , 225 , 239) , des masques ( p. 219-225 ). Les grelots jouentun grand rôle
dans les danses tibétaines; cf. une photographie reproduite dans le Pictorial
Supplement du Times of India Ilustrated Weekly, vol. XLIX , n° 21, 20 mai
1928 . Le chamane est à la fois un magicien , un médecin et un faiseur de
tours. Sur l'importance accordée aux parties génitales, cf. op. cit., p. 249 .
Je n'ai fait mention ni des sorciers hi mi ni des sorcières wou A chi
nois. On consultera : Henri MASPERO , La Chine antique (Paris , 1997), p. 195 ,
309 , 487, 601. Cet ouvrage donne les références essentielles. Cf. aussi :
DE GRoot, Religious System of China , V, VI; GRANet, Danses et légendes de la
Chene ancienne, vol. II. Les essais de Kano Naoki # F t dans son Shi
nagakumonso # * contiennent des considérations intéressantes,
notamment p . 23 et suiv, et ho à 77.
La sorcière chinoise était aussi un médecin ; le caractère yr «médecin ,
s'écrivait anciennement , avec un wou rsorcièren.
LA DANSE RITUELLE DANS LE CHINKONSAI. 307
esprits , kami woʻorosu , et de rendre les oracles takusen
it . Une impératrice ou une princesse pouvait avoir ce
don '). Le Kojiki (K .S. T.K ., VII, p. 107 ) montre l'empereur
Chūai fob (192-200 A . D .) jouant du luth mikoto .
Son ministre, debout dans une cour purifiée pour la circon
stance, le saniwa * , invoque les esprits. L'impératrice pos
sédée kamugakari , prononce l'oracle. Ainsi, pour con
sulter les kami, il fallait au préalable les attirer, soit en jouant
d 'un instrument à cordes , d'un luth par exemple , soit en fai
sant résonner un instrument de percussion , une e planche à
faire venir les esprits , kami-yose-ita (2) jp 13 top ou un tam
bour. La présence d'un ritualiste et d'un médium , une femme,
était indispensable . La consultation avait lieu dans un endroit
consacré.
Les miko de la cour impériale constituaient de véritables
corporations. C'étaient d'abord les Mikanko ou Mikumino ko(3)
2 , les vestales chargées du culte dans le Hasshinden itiba
* , le Temple des huit esprits-protecteurs de la famille impé
riale (4). Elles disposaient les offrandes et exécutaientdesdanses
sacrées.
Venaient ensuite les Sarume no kimi tek ou ,
descendantes d'Ame no Uzume. Celles- ci participaient, lors de
la cérémonie destinée à « fixer l'âme de sa majesté , Mitama
shizume, à l'exécution de la danse que leur ancêtre avait jadis

(1) Tsupa NOBITAKE T HE TX , Shinto kigenron mbi ili te A,


p . 235. Les vestales du temple d 'Ise étaientdes princesses impériales.
(3) Tsupa NORITAKE , op . cit. , p . 231; une figure p . 232.
^ On donne l'étymologie suivante : enfant (ko) d'(no)honorable (mi) dieu
(kami). Sur ces sorcières , cf. Jingijiten , p. 870 , et A . Q.S.R ., p. 434 , n. 132.
Les Mikanko participaient à la cérémonie destinée à cefixer l'âme, de l'empe
reur. A l'époque de Heian , c'était une Mikanko qui dansait la danse attribuée
à Ame no Uzume , l'ancêtre des Sarume ; cf. le texte p . 315 , n . 2 et li.
Pour les noms des huit esprits protecteurs, cf. plus loin , p . 316 , le
passage de l’Engishiki.
20 .
308 AVRIL -JUIN 1980. . . .
dansée à l'entrée de la cecaverne céleste y( ).Elles figuraient aussi
dans la Fête des prémices(2).
Le clan uji & des Asobi-be(3) i B prenait part aux funé
railles des princes du sang shinno XLI. Un texte définit
ainsi sa fonction : « C'est un clan qui (sert d'intermédiaire )
entre le (monde) obscur et le monde) clair; (les Asobi-be )
apaisent shizumeru i les esprits impurs et empestés (causes
demaladie ou de mort)!“).» Les femmes jouaient un grand rôle
(1) On lit aussi Chinkonsai film . .
Je traduis cefixer l'âmen. Je préfère le singulier au pluriel; il rappelle qu'il
ne s'agit parfois que d'une seule des âmes. Le verbe shizumeru veut dire
a placer au repos, fixer en paix , calmern.
(2) La présence des Sarume à la Fête des prémices, est indiquée dans le
Jingijiten , p . 328 , art. Sarume.
(3) Ce terme s'appliquait à une catégorie déterminée de fonctionnaires
mentionnée dans le Ryo no Gige A * ; cf. K .S .T .K ., XI , p. 271-272.
La compilation de cet ouvrage fut terminée sous la direction de Kiyohara
Natsuno ,mort en 837; cf. K.S.K.D., p. 2022. Le Kokushi
daijiten t , p. 2368 , dit que le Ryo no Gige futmis en cir
culation en 834 .
( ) Ryö no Shüge A , Commentaire des codes ; cf. K.S.K.K., II,
p . 471; attribué au savant juriste Koremune Naomoto e t * ; cf. Ko
kushidaijiten . op. cit., p. 2349. Cf. aussi Dainihonjimmeijisho #
& , 1, p. 1073 et suiv . Koremune vécut dans la seconde moitié du
11° siècle. Le texte est cité par Ban Nobutomo I te ti (mort en 1846 )
dans son Hikobae It ☆ ☆ ; cf. Ban Nobutomo Zenshû , t. IV ,
p . 218 et suiv . Voici la suite de ce texte :
* Jusqu'à la fin de leur vie ils sont oisifs , voilà pourquoi on les appelle
Asobi-be (le clan oisif ). Des documents anciens disent : « Les Asobi-be résident
e dans le canton de Takaichi iti , dans la province de Yamato tle ; ce
e sont les descendants de l'empereur Ikime & (Suinin Tenno E *
d'après Ban Nobutomo, op. cit., p. 290). La raison d'être de leur charge
e c'est qu'un descendant de l'empereur Ikime, Marume no Ō D. E
ce( cf. Ban Nobutomo, op. cit. , p. 220-2:21), épousa la fille de Hitsukiwaki It
Fu (cf. Ban NobUtomo, op . cit., p. 221) de la province d'Iga ##
re har . En général, à la mort d'un empereur, les Hitsukiwaki allaient à l'en
pedroit où se faisait l'ensevelissement et accomplissaient leurs fonctions avec
serespect. Aussi prit-on deux hommes du clan qu'on appela negi 1
* et yoshi A d . Le negi porte un sabre et une lance ; le 'yoshi offre
: * (j'adopte la correction proposée par Ban Nobutomo et remplace par
LA DANSE RITUELLE DANS LE CHINKONSAI. 309
dans ce clan. C'étaient des sorcières chargées de distraire
asobu # de consoler nagomeru et d'apaiser l'âme du défunt.
* ) du vin de riz et des aliments ; il porte aussi un sabre . Is entrent dans
l'enceinte et accomplissent respectueusement leurs fonctions. Seulement les
formules que dit le negi on ne les fait pas connaître aux gens. Dans la
suite , lors de la mort de l'empereur Hase À (probablement l'empe
reur Yüryaku te m ), on supprima les Hitsukiwaki. Pendant sept. jours et
e sept nuits on n'offrit pas de nourriture (à l'empereur défunt). A cette occa
asion Aramitamahiki bo X M JE Hot fit rechercher les gens du
clan dans toutes les provinces. Quelqu'un dit : « Marume no 0 a pris comme
femme ( la fille de ) Hitsukiwaki. Cet ő , il faut l'interroger., Alors on lui
- demanda si c'était exact. Il répondit : « Certes.» On appela sa femme, on
l'interrogea. Elle répondit : « Mon clan est mort, il a cessé (d 'exister ); il n 'y
a plus que moi seule.” Alors on voulut lui confier les fonctions. Elle dé
clara : « Une femme ne peut ni porterdes armes ni accomplir des rites envers
- l'Empereur., On transmit alors l'exercice de ses fonctions à son mari Ma
- rume no Ō . Le mari les accomplit à la place de sa femme. On assura ainsi
-la paix (à l'âme de l'Empereur). A cette époque il y eut un décret impérial
disant que désormais (les gens du clan ) pourraient rester oisifs asobu jus.
e qu 'à l'âge de la vieillesse; de là le nom d 'Asobi-be no kimi. Mais, dans ce
achapitre sur les Asobi-be il est dit qu'ils ( forment une corporation ) semblable
( à celle des) gens de l'utagaki (chants alternés) dalk to de Furuichi
iti à Nonaka * (province de Kawachi yo H ).
Le texte continue en se répétant. J'abrège et ne cite que ce passage im
portant :
Dans le peuple il y a des personnes qui savent apaiser les âmes néfastes
et causes de maladies. Elles forment un clan. Cela ( est écrit) en détail dans
d'anciens documents privés. Ces personnes savent bien apaiser les pestilences
néfastes , voilà pourquoi elles restent toute leur vie sans charge. Elles sont
exemptes de taxes et de corvées. Elles peuvent circuler à leur guise.
Ainsi les Asobi-be participaient aux funérailles des anciens empereurs et
non pas seulement à celles des princes du sang comme l'indique le Ryo no
Gige ( op . cit., K. S.T.K ., XII, p . 271). S'il faut en croire le texte ci-dessus,
les emplois tenus à la cour par les sorciers ou les sorcières seraient devenus
plus rares dès la seconde moitié du v siècle ; les Asobi-be n 'auraient pas par
ticipé aux rites accomplis sur la tombe de Yüryaku Tenno , mort en 179 ;
ef. N .A ., t. I, p. 369. A cette époque, ils étaient dispersés, et on fut obligé
de rechercher la descendante de Hitsukiwaki, qui s'étaitmariée. On lui pro
posa d'accomplir les fonctions tenues autrefois par ses ancêtres , mais ello
répondit que la coutume le lui interdisait. Ainsi, à l'époque de la rédaction
310 AVRIL -JUIN 1930 .
Elles lui offraient à manger , à boire, pour l'amadouer. Pour
l'effrayer et l'écarter, elles dansaient, le sabre ou la lance en
main . Des formules magiques reuforçaient l'effet terrifiant des
passes. Ainsi le rôle de ces sorcières était double . Comme le
sorcier , être à la fois redoutable et bienfaisant, la miko était
une e charmeusen asobi-me # gi aimée et redoutée des dé
mons.
Ce caractère en apparence contradictoire de la sorcière s'ex
plique facilement. Les sociologues ont signalé un caractère
analogue pour les rites funéraires. Les parents d'un défunt

des e documents anciens” , que Ban Nobutomo date avec raison d'avant Hökı
t t , c'est-à-dire d'avant 770 de notre ère (cf. op. cit., II, p. 290), les
fonctions rituelles des Asobi-be étaient remplies par des hommes, et on croyait
qu'elles l'avaient toujours été. Cette opinion n 'était pas exacte , car les usume
et les nakime qui « consolèrent, asobitariki l'åme d'Amewakahiko étaient, de
toute évidence , des femmes ; cf. H . Q .$ .R ., p. 63 et n . 20-22, p . 178-179 et
les notes 17-30. Cf. aussi Tsogita Jon , Kojikishinko ALF . p. 193
194. Ce sont les idées chinoises qui firent donner de plus en plus la prépon
dérance à l'élément masculin , mais celle-ci ne fut jamais aussi complète au
Japon qu'en Chine. Dans le cas présent, nous assistons à une abdication de
sorcière mariée en faveur d 'un ritualiste . (A propos de la transmission des
pouvoirs de femme à femme, à l'exclusion des hommes, dans les clans
de sorcières , cf. plus loin , p . 313 , en note.) Les rédacteurs des textes incor
porés dans le Ryō no Shuge n 'avaient qu'une idée très inexacte du rôle des
Asobi-be. Ils savaient que les membres de ce clan étaient experts en ma
tière de sorcellerie , mais ils ne comprenaient plus la valeur rituelle du
terme asobu. Ce mot, encore exactement compris des compilateurs du Kojiki
- ils écrivent que les parents d'Amewakahiko e consolèrent » asobitariki
son âme pendant huit jours et huit nuits – ne l'était plus des auteurs
du Nihonshoki, puisqu'ils déclarent que les parents poussèrent des cla
meurs rituelles 92 ( terme technique des rituels chinois) et chantèrent avec
tristesse pendant huit joursn . Si on ne comprenait plus le sens premier du
mot en 720 , date à laquelle le Nihonshoki fut terminé, il n 'y a rien d'extra
ordinaire à ce que les rédacteurs des documents utilisés par le Ryo no Shüge
l'aient ignoré tout à fait. lls faisaient des Asobi-be des e oisifs » ( asobu a aussi
le sens d'retre sans occupationn), des chanteurs ou des chanteuses d 'utagaki.
Ils raisonnaient par analogie et n 'imaginaient de sorcières que celles qu'ils
avaient sous les yeux. Sur l'utagaki , consulter Graner, Fétes et chansons,
appendice .
LA DANSE RITUELLE DANS LE CHINKONSAI. 311

sont plongés et dans la peine et dans l'angoisse . Ils ont non


seulement à pleurer le disparu , il leur faut aussi apaiser l'âme
libérée par la mort, cette âme, ou plutôt ces âmes, à laquelle
le corps décomposé n'offre plus de demeure. Il est nécessaire
d'empêcher l'âme d'errer, d'être une source de malheurs.
Pour cela on l'attire, on lui assigne un séjour nouveau et on
l'y fixe. Faire revenir l'âme est chose relativement facile ; des
victuailles, des chants et des danses y suffisent. Il est plus
périlleux d'entrer en contact avec elle. C'est s'exposer, vu l'im
pureté de la mort, à la contamination et à la souillure. Voilà
pourquoi on a recours aux services de la sorcière . Elle seule
sait maîtriser et faire reposer les esprits.

LE MITAMA SHIZUME OU CHINKONSAI.


(LES TEXTES .)

Les Asobi-be prenaient part aux funérailles des princes. La


participation des Mikanko et des Sarume au rite du Mitama
shizume rentre , elle aussi, dans le cas général. Le premier
texte un peu détaillé où il en soit question est une description
de cette cérémonie donnée par le Gishiki z ou Jogan gishiki(1)
貞觀儀式, le eRecueil des rites de Tere de Jagun 貞觀
(859-876 A . D .)(2) :
Ce jour-là des fonctionnaires de la maison impériale tsukasa ā pré
parent et tendent le shinza m (endroit consacré au culte ) dans les
(1) Le Jõgan gishiki fut terminé en 871, par conséquent avant la fin de
l'ère de Jõgan , cf. Sandaijitsuroku = f f , in K. S. T. K ., IV , k . 20 ,
p . 346 , col. 10 -11. Cf. aussi Ikeda Koen je SE Nihonjidaishi
* H , IV , Heian , p. 309 et suiv., et Õta Ryū , Nihon bun
kashi * * it , IV , Heian , p , 185.
(9) K. S.K .K ., BAN NOBUTOMO , op. cit., II , p . 629-630,
312 AVRIL- JUIN 1930. .
bureaux chõjill) du ministère de la maison impériale Kunaisho ga ng
. Ensuite on établit les emplacements réservés au ministre et à sa
suite dans le pavillon de l'ouest. Le chef haku 1h du ministère du culte
Jingikan (?) the et sa suite (entrent) précédant les maîtres de
luth (s), les Mikanko, les ritualistes kumube with this , les devins uraben
is , etc. On fait apporter les offrandes, (les nouveaux arrivants) se par.
tagent en deux files à droite et à gauche, ils entrent et se liennent
debout dans la cour. Un ritualiste monte par les degrés de l'est et dé
pose les trésors divins shimpā (4) Tas au bout de la salle. Ensuite il
apporte une table divine(5) juillo #r , il monte jusqu'à l'autel goza
et offre (la table ). Ensuite (enlrent) quatre kamube tenant chacun un
luth ; ils se partagent en deux files à droite et à gauche , montent et
placent (les luths) au bout de la salle . Les fonctionnaires du Jingikan
du cinquième rang et au -dessus montent par les degrés de l'ouest .. .
Ensuite le préposé à la nourriture daizenshiki t , et le préposé
à la fabrication du vin de riz sake tsukasa i j o , offrent les huit
substituts divins ro) H . La directrice du bureau de la coulure
Nuido no Ryō() ( entre) précédant les Sarume(8), monte par

(1) Kanshokuyoge de Wada Hidematsu FU *


p. 125 : « Les anciens appelaient chõji les bureaux gouvernementaux. »
(2) Kanshokuyoge , op. cit., p . 28.
(3) Il s'agitdes maîtres du Gagakuryo 5 * , le bureau de la musique
noble.
() Sans doute les trésors auxquels fait allusion le Kujuki, cf. plus loin ,
p . 328. On ne voit pas quel rôle ces trésors jouaient dans la cérémonie. Ils
ne sont mentionnés dans aucune description postérieure.
(3) La table sur laquelle on dépose les offrandes.
(6) Je ne sais pas ce que désignait au juste cette expression . Le Dainihon
kokugojiten donne : « yatsumono l ; les huit substituts kawarimono ft
qu'on offrait aux kamin . Cinq nattes et trois rideaux, d 'après un texte .
(7) Ce haut fonctionnaire féminin était chargé de la surveillance des fonc
tionnaires femmes du palais et des ateliers où l'on confectionnait les vête
ments impériaux ; cf. la fin de la note suivante .
(6) Les Annales disent qu'Ame no Uzume prit le nom du dieu Sarudahiko
( cf. H .Q . S.R ., p . 73) ; de là le nom de ses descendantes (Saru -me : singe +
femmes). Cette explication n 'a absolument aucune valeur. Le mot saru n 'est
pas à prendre dans son senspropre; comme dans sarugaku le , il indique
seulement que la danse exécutée devait être désordonnée . C 'est bien le cas
pour celle d 'Ame no Uzume, terminée sur un geste obscène qui provoqua
los rires des dieux. On comparera le verbe sarugau rse démener, faire du
LA DANSE RITUELLE DANS LE CHINKONSAI. 313
les degrés de l'est , puis prend place. Ensuite une dame de l'entourage
de l'empereur naishi HJ A doit offrir la Boite au vêtement Mikoromo
bako tu * ; elle sort du palais à reculons, monte par les degrés de
l’est et prend place. Les officiers du ministère du protocole Jibusho in this
(entrent) précédant les chanteurs utabito et les chanteuses
tapagen. Cf. aussi Martin , op. cit., II , p. 31, 30-32; l'auteur résume des
lectures d 'ouvrages japonais modernes, mais mélange les faits.
Le Ruijūsandaikyaku K E F # ( cf. K .S. K .D ., p . 3030), in K .S .
T .K ., XII , p . 362 , contient un passage important, daté de 813 , pour l'étude
des Sarume :
« L'histoire relate en détail la prospérité des Sarume et celle-ci n'a pas
cessé dansla suite ; elle dure encore. Il existe des rizières yöden X [le
Nihonseidotsu 8 * , de MM . Hagino Yoshiyuki F Ź
et Konakamura Yoshikata ifo # , p. 206 , ne signale que des
Miko -den AL ] de Sarume au village de Wani Fuit , dans la province
d'Òmi i I , et dans la commune d 'Ono f , dans la province de Ya
mashiro I trie. Mais ce sont là des irrégularités. Parmi ces clans de Sarume
il en est qui n 'ont pas d 'origine historique. Il est à redouter qu'avec le temps
( ces abus) ne deviennent une habitude invétérée, aussi les fonctionnaires
locaux devront faire une enquête , examiner les documents et statuer . . .
D 'après ce qui précède , le premier ministre décrète qu'on devra faire un rap
port indiquant les réformes à faire. De plus les deux clans de Sarume ( en
question ) sont supprimés à partir de la prise (du dit décret)n .
Le texte appelle ces clans Sarume no ko no uji, il dit ko , et non plus
kimi ; un décret daté de 758 avait en effet supprimé ce dernier titre pour
les clans, et l'avait remplacé par celui de kõ, cf. BAN NOBUTOMO , op. cit., II,
p . 643 , col. 15 - 16 en haut.

Le texte continue :« Une femme de chacun de) ces clans sera envoyée au
Nuido no Ryō. Elle sera remplacée si elle vient à manquer. n Ainsi , à l'époque
de Heian , les Sarume dépendaient du Nuido no Ryō. Ce fait est confirmé par
les textes , qui indiquent que la directrice de ce département entrait à la tête
des Sarume lors de la cérémonie du Chinkonsai. Dans les clans de Sarumela
succession se faisait de femme en femme. Deux textes, l'un de gao , l'autre
de 955 , signalent le remplacement de Sarume décédées par des Sarume de
même clan ; cf. Ban NobUtomo, op. cit., II , p. 643. Le premier de ces deux
textes mentionne un clan de Sarume portant le nom de Hieda . Ban
Nobutomo rapproche ce nom de celui de Hieda no Are Bo , consi
déré lui-même commeun descendant d'Ame no Uzume. Il est intéressant de
savoir que celui qui récita les traditions anciennes aux compilateurs du Kojiki,
314 AVRIL -JUIN 1930.
utame it g du bureau de la musique noble Gagakuryo " ;
ils montent par les degrés de l'ouest et prennent place. Cela fini.. . le
ministre donne l'ordre de remettre la couronne(2) kazura et les yufu (*)
* . Un fonctionnaire adjoint au chef du ministère de la maison
impériale ( entre ) précédant des fonctionnaires du trésor roku , des
secrétaires shisho t et des employés du trésor kurabe() B . Il
met les yufu dans la boite qu'il donne d'abord à un fonctionnaire du
Jingikan. . . Le chef du Jingikan appelle par leur nom les deux maitres
de luth ; tous deux acquiescent(5). Le chef ordonne aux luths et aux

appartenait peut-être à un clan de sorcières. Certains auteurs aflirment même


que Hieda no Are était une femme.
(1) Ce bureau fut fondé en 702 sur l'ordre de l'empereur Mommu * 7 .
(2) 1 s'agit d'un kazura de feuillage analogue à celui qui couronnait la tête
d'Ameno Uzume.
(3) Les yufu étaient fabriqués avec la partie intérieure de l'écorce du kaji
le mûrier à papier (on écrit aussi * ; il existe une deuxième Jec
ture kozo ). Dans l'antiquité ,cette fibre servait à fabriquer des vêtements. A la
suite de l'introduction du coton , elle ne fut plus employée qu'à la fabrication
du papier . La graphie est chinoise. Les Japonais connurent 'de bonne
heure l'usage du coton ; il est possible qu'il ait existé au Japon une espèce de
cotonnier nain . Le Wei tche terminé en 439, mais compilé d'après des
documents très antérieurs , atteste que les habitants de l'ancien Japon produi
saient des cotonnades; cf. op. cit., k. 30, Wo tchouan Le coton se dit
wata en japonais, mais ce doit être un mot d 'origine étrangère (hindoue ? );
cf. Nihon gairaigo jiten * 3 p . 36o. Le wata aurait été
introduit accidentellement en 799 ; le Ruijūkokushi ITX ( cf. Ency
clopaedia Japonica , X , p. 455 ) dit qu'un navire fut jeté par la tempête sur la
côte de la province de Mikawa E o ( entre les villes actuelles de Nagoya et
de Shizuoka). Il y avait à bord un homme des pays des mers du Sud Kon
ronjin , porteur de graines de cotonnier. Ces graines furent plan
tées l'année suivante. Le climat japonais n 'est pas favorable à la culture du
coton ; la température est assez chaude, mais trop humide en été. En 1599
(cf. Encyclopædia Japonica , X , p. 455 ), les graines de coton manquèrent et
on fut obligé d 'en faire venir de Chine.
Actuellement , les yufu sont remplacés par des bandes de papier. Cf. Aston ,
Shinto , p. 215 -216. Ils portent un nom différent suivant l'emploi rituel auquel
on les destine. Cf. Jingijiten , op . cit., p. 724.
(0) Pour ce qui concerne ces fonctionnaires , consulter le Kanshokuyoge,
op. cit., p . 89-92.
(5) F ME . Cette expression indique que l'interpellé a compris et qu 'il est
prêt. Elle équivaut au hai ! de la langue parlée moderne.
LA DANSE RITUELLE DANS LE CHINKONSAI. 315
flûtes de jouer à l'unisson "); les quatre joueurs acquiescent. Les flûtes
jouent d'abord un air , ensuite on accorde les luths. Quand c'est fini, les
maitres de luth pincent les cordes et les kamube chantent ensemble deux
strophes. Ensuite les chanteurs du bureau de la musique noble chantent
ensemble deux strophes sur le même ton. Un kamube les stimule en
frappant la mesure dans ses mains. La doyenne des Mikanko danse.
A chaque danse , les a devins, urabe A B la félicitent(º). Elle danse à
trois reprises. Ils la félicitent en disant: « Ne vous arrêtez pasn anata yamezu .
Les secrétaires du trésor prennent deux yufu d'Aki(*) et les met
tent dans la boîte , ils s'avancent et placent (la boîte ) devant le chefdu
Jingikan . La Mikanko place à l'envers le récipient ukebune * *
Elle monte dessus( ) et le frappe avec une lance (8). Après chaque coup
(de lance ), le chef noue musubu les yufu (™).. . Cela terminé, les
Mikanko dansent, puis c'est le tour de toutes les Mikanko et Sarume de
danser. Cela fini, un adjoint au chef de la maison impériale, deux
fonctionnaires jöjū (7) # (du ministère du palais (8) Nakatsuka
sasho * ), deux officiers utoneri( HJ , puis deux offi

(1) Mikoto mifue awase e unir le luth et la flûten.


(9) Ainsi c'était, non pas une Sarume, mais une Mikanko, qui ouvrait la
série des danses.
Le moturabe s'écrit tantôt B, tantôt z B .
(3) Nom d'une province correspondant à la partie méridionale de la préfec
ture actuelle de Hiroshima.
( ) Le fait que c'est la Mikanko quimonte sur le récipient et accomplit les
rites que la tradition affirme étre le monopole des Sarume est intéressant. Le
texte datant du début de la seconde moitié de Heian , il faut en conclure qu'au
11° siècle les Sarume étaient de simples fonctionnaires du Nuido no Ryö. Les
Mikanko dépendaient au contraire du Jingikan ; elles étaient chargées du
culte au Hasshinden et, de ce fait , avaient le pas sur les Sarume. Nous avons
ici une preuve des remaniements administratifs qui eurent lieu au début de
l'époque de Heian , après le transfert de la capitale de Nara à Kyoto (794).
Dans la suite , les Sarume comptèrentaussi parmi les fonctionnaires du Jingi
kan ; cf. Kokushidaijiten D * , art. Sarume.
(5) Ce détail ne se trouve pas dans le Kojiki.
(6) Ici le texte contient un caractère incompréhensible .
(7) Les jijā , au nombre de huit , étaient attachés au service de l'empereur,
ef. Kokushidaijiten , op. cit., 1274, .et Kanshokuyõge, op . cit., p. 54.
(8) Kanshokuyõge , op . cit., p . 53.
(0) On lisait aussi uchitoneri. Ces officiers formaient la garde d 'honneur au
palais ; cf. Kanshokuyoge, op. cit., p. 57.
316 AVRIL -JUIN 1930.
ciers otoneri(!) t , dansent. Cela terminé, ils retournent à leurs
places.
Un repas accompagné de sake, mais très formaliste , termine
la cérémonie .
Un passage de l’Engishiki (2) BE X , Recueil des rites de
l'ère d'Engi BE (901-922 A. D.), vient compléter les ren
seignements donnés par le Jõgan gishiki. Voici l'essentiel de ce
passage :

Mitama SHIZUME (CAINKONSAI).

Les divinités invoquées sont les huit esprits-protecteurs de


la famille impériale (3) : Taka mimusubi Tag HD , Kamumi
musubi jus Tama tsume musubin i Iku musubi #
i , Taru musubi F , O miya no me no Kami t
jo , Koto shiro nushi * zł E , Mike tsu kami Hiper
auxquels s'ajoute un neuxième kami, Onaobi no Kami tt
mimba .
(1) Les otoneri formaient la garde d 'honneur lorsque l'empereur se dépla
çait; cf. Kokushidaijiten , op. cit., p . 472.
(2) K . S. T.K ., XIII, p. 128 et suiv. L'Engishiki fut terminé en 927. L 'ou
vrage comprend cinquante volumes. Il fut compilé sur l'ordre de l'empereur
Daigo e A (898-930), d'abord sous la direction de Fujiwara Tokihira
# , mort en gog dans sa 399 année , puis sous celle de Fujiwara
Tadahira # # , frère cadet du précédent; cf. K.S.K.D., p. 227. Le Chin
konsai y est classé commecérémonie de la onzième lune.
Je n'ai pas jugé utile de traduire le texte intégralement, mais mon résumé
suit l'originalde près.
(3) Pour les noms qui suivent, cf. H. Q.S.R., p. 433, n. 131, et p. 434
435 , n . 133 , 137. Le culte de ces huit esprits a été supprimé lors de la res
tauration de Meiji. En ce qui concerne Õnaobi no Kami, cf. Ban NOBUTOMO ,
op. cit., II, p. 632. Le temple des huit esprits s'appelait le Hasshinden. Cf. HA
GUENAURR, op . cit., in Bulletin de la Maison franco-japonaise , I , n° 4 , p. 41,
n . 84 .
LA DANSE RITUELLE DANS LE CHINKONSAI. 317
Au cours de la cérémonie , on utilise les objets suivants :
un sabre tachi * ) , un arc, deux flèches, vingt grelots ,
vingt clochettes sanaki , un rouleau d'étoffe grossière, cinq
livres de yufu , dix livres de chanvre , une boîte (1), une cor
beille , une corbeille A] t , une corbeille de riz d’of
(rande, deux gerbes de riz d'offrande, une table , un récipient
uke no fune * , un mortier à piler usu , deux pilons kine ,
quatre fagots de chêne, une natte grossière , un foyer ( avec sa
marmite ), quatre cuillers, deux jarres à col large, quatre
creusets , une natte à envelopper.
Le jour de la cérémonie, une Mikanko pile le riz au Kan
no saun (2) BE, elle le vanne avec la corbeille , le
fait cuire sur le foyer ; lorsqu'il est (cuit) complètement, elle
en remplit le panier de jonc tressé , le met dans la corbeille
* (et ) le place sur la table . Deux ritualistes l'y prennent et le
présentent en offrande.
Participent au Chinkonsai : le chef haku du Jingikan assisté
de fonctionnaires subordonnés : un miyaji (3) # , deux cheſs
devins , deux joueurs de luth sacré, un ritualiste kamube et un
devin » urabe ALB , quatre secrétaires shisho , treize ritua
listes kamube , douze devins urabet , trois officiers du pa
lais shibu 11 $B , une Mikanko, une Mikado no Mikanko(4) BEN
PY 4 , une Ikushima no Mikanko ! , une Ikazuri no Mi
karuko 座摩巫,
Au jour naka na tora * , à l'heure du singe(5) saru no

} , Le texte de Ban Noutouo, op. cit., p . 630, donne quidésigne une


boite ou une corbeille.
(3) Il faut comprendre lae partie ouest, du ( Jingi)-kan ; on écrivait aussi 2
saiin ; cf. Serine BD H et Kato top , Yushokukojitsujiten &
# , p. 367, art. Jingikan.
3) Fonctionnaire du lingikan chargédes opérations de divination .
( Sur cette catégorie de Mikanko et les deux suivantes , cf. H . Q .S. R .,
p . 434 , 435 , n . 134 , 135 , 137.
(5) C 'est-à-dire entre 3 heures et 5 heures du soir.
318 AVRIL -JUIN 1930.
toki #* , les dignitaires du cinquième rang et au-dessus. . .
s'assemblent au ministère de la maison impériale . . . Les
ritualistes shikibu & AB inspectentles rangs comme d 'usage.. .
Les fonctionnaires du Jingikan . . . , les kamube. . . , précédant
les Mikanko entrent dans la salle et prennent place .
Une damede l'entourage de l'empereur naishi apporte le vête
ment impérial Miso e le . Le préposé à la nourriture daizen
shiki et le préposé à la fabrication du vin de riz sakelsukasa
entrent... . La directrice de l'atelier de couture Nuido no ryo
ordonne aux Sarume d'entrer . Le ministre daijin gagne sa place
et s'asseoit. Il fait appeler par un serviteur les shikibu . . ., les
jibu (1) cine te . . . et fait dire aux chanteuses utame(2)
d'entrer . . . , au chef du trésor Okurashot de remettre
la couronne kazura et les yuſu . . . Alors le chef du Jingikan
appelle les deux joueurs deluth puis les deux joueurs de flûte.
Il leur ordonne de jouer à l'unisson . Les flûtes débutent par
un air, puis on joue du luth . Les chanteuses commencent à
chanter . Les kamube , au boutde la salle , stimulent le chant
en frappant dans leurs mains ( en cadence ). Les Mikanko et les
Sarume de dansent comme d'habitude. Quand c'est fini
plusieurs dignitaires dansent, chacun à leur tour, seuls ou par
couples , dans la cour niwa . Une distribution de sake et
d'aliments termine la cérémonie .

On possède d 'autres documents. L 'un d 'eux, une citation


donnée par le Konin jingishiki(3) 5L E mitt , le recueil des

(1) Ces fonctionnaires avaient des emplois divers. I doit s'agir ici demusi
ciens; cf. Kanshokuyōge , op . cit., p. 77.
(2) Ces chanteuses faisaient partie du bureau de la musique noble.
(3) Cette citation est extraite du Ono no Miya no Nenchūgyöji by
F * ; cf. Ban NOBUTONO, op. cit., II, p. 635. Cet ouvrage étant tardif,
j'ai jugé préférable , malgré la date du texte cité , de ne mentionner la citation
qu'après les textes plus importants. Le passage décrivant un Chinkonsai ere
LA DANSE RITUELLE DANS LE CHINKONSAI. 319
rites du ministère du culte pour l'ère Konin L E (810-823),
décrit le rite du Chinkonsai accompli pour l'âme d'une impéra
trice . La cérémonie comporte des danses et de la musique. Plu
sieurs fonctionnaires femmes y participent, mais il n'est parlé
nidu ministre ni du chef du Jingikan. Il est question d'un
récipient sur lequel on monte. Pendant qu'on le percute , un
fonctionnaire femme de la garde-robe (1) kurõdo e prend
la boîte au vêtement placée sur une table , l'ouvre et l'agite
furi-ugokasu te . Le rite est exécuté même si l'impératrice
est enceinte.
D 'après le Kökeshidai(2) 1 * te , attribué à Oe no Ma
safusa t E , mort en 1111 à l'âge de 71 ans, la direc
tion du Chinkonsaiest confiée au jõkei(3) E Sp. Le texte indique
les emplacements occupés par les participants. Un fonction
naire femme jokan apporte la boîte au vêtement. Le jõkei
ordonne qu'on remette la couronne et les yuſu . Les musiciens
du bureau de la musique noble jouent un air de danse kagura.
La Mikanko percute le récipient(4).Un fonctionnaire du Jingikan
s'avance ensuite ; il noue le fil(5) et lemet dans la boite tsutsura

cuté pour l'âme d'une impératrice , n'a du reste pas la même valeur que les
textes précédents.
(1) A cette époque, le Kurõdo-tokoro il était à la fois une sorte de
garde-robe et de secrétariat du palais ; cf. Kanshokuyôge, op. cit., p. 183 et
suiv.
(2) Cf. K .S.K .D ., p. 315 , cité par Ban NOBUTOMO , op. cit. , p . 635 . Cf. aussi
Kokushidaijiten , op . cit., p . 1014 .
(3) Ce titre désigne le chef du Kirokusho FF , cf. Kanshokuyôge,
p . 178 .
(6) Une note ajoute : « C 'est un rite de Kagura. . . On percute (le récipient)
avec un sakaki Te ou tip (Eurya ochnacea Szyse). . . , on noue un fil (en
comptant) d 'un jusqu'à dix .. . C 'est parce qu'Umashimaji agita les dix trésors
divins pour rappeler (à la vie ) les morts. Cette note ne se trouve pas dans les
livres anciens., La dernière phrase est importante, car l'explication référant à
Umashimaji est un emprunt au Kujiki; cf. plus loin , p. 327-328.
(5) Une note ajoute que pendantce temps on compte d 'un jusqu'à dix.
320 AVRIL -JUIN 1930.
bako (1). Pendant ce temps un fonctionnaire femme(2)
nyokurõdo ouvre la boîte au vêtement et l'agite. Cela
terminé, le fonctionnaire du Jingikan regagne sa place. Les
Isukasa offrent de la nourriture(3). La cérémonie se termine
par un banquet suivi de danses (Kagura et Yamatomai ).
Un autre passage du Kokeshidai( ) précise que « la Mikanko
danse au pied de l'autel. Un Nakatomi * 2 noue le fil. Pendant
que ( la Mikanko ) percute le récipient, un fonctionnaire femme
ouvre la boîte au vêtement et l'agiten.
Le Hokusansho # i Holz(5) de Fujiwara no Kimito (ou
Kinto ) A E (966 -1041 A . D .) énumère les partici
pants. «Le Jokei ordonne de remettre la couronne kazura
et les yufu . . . Ensuite a lieu un Kami-asobi jimbo . Une note
ajoute : « Pendant qu'on percute le récipient, le fonctionnaire
femme ouvre la boite au vêtement et la secoue.» Le Kagura
( Kamiasobi) fini, (on danse) le Yamatomai le
Le Shinzangyoki(6) Lep dit : 1164, seizième jour
de la onzième lune. Jour de la cérémonie Chinkonsai. . . On
commence par un Kagura . . . Pendant ce temps le fonction
naire du Jingikan et un devin prennent le récipient(7) et le
(1) Le caractère désigne une sorte de rotin . Le mot toulsura ou tsuzura
a le sens de « rotinn et de « panier en rotinn. Il doit s'agir ici d 'une boite faile
en rotin .
(2) Ce terme désigne les fonctionnaires femmes du Kökyü t ; cf. Kan
shokuyoge, op . cit. , p. 207.
(3) Une note ajoute : « On emploie un fil, (on compte ) d'un jusqu 'à dix , on
remet le couvercle de la boite tsutsura-bako...
(a) Je ne cite que ce qui m 'a paru intéressant; cf. Ban NOBUTONO, op. cil.,
p . 637, col. 7 et suiv ., en haut.
(6) K . S. K .D ., p . 1792. Cité par BAN NOBUTOMO , op. cit., p. 638 etsuiv.
(6) Cité par BAN NOBUTOMO , op . cit., p . 639, en bas. Une figure sommaire
donne une idée des places occupées par les participants.
(3) Une note dit : Sa forme est celle d 'un coffre plat, sa hauteur est de
trois ou quatre sun of (une dizaine de centimètres ) , sa largeur d 'environ
deux shaku R (un peu plus de o m . 65). On étend une natte ( sous le réci
pient ?).,
LA DANSE RITUELLE DANS LE CHINKONSAI. 321
placent à l'ouest de la ce montagne , yama w . Ensuite la Mi
kanko arrive par le nord-est, monte sur le récipient et s'y tient
debout face au nord (1). Ensuite le devin prend le fil Mita
maito (2) E . .. Ensuite le shinryū #lik (3)s'approche et
se place devant la dite boîte. Il s'agenouille , son shaku (4) en
main shishaku hi . Il prend le fil et le noue. Pendant ce
temps, avec la hampe d'une lance , la Mikanko percute le
dessus du récipient. Cela au son des luths et des flûtes . Alors
un fonctionnaire femme se lève, ildénoue le cordon de la boite
au vêtement,entr'ouvre le couvercle,puis recouvre(la boite)(6).
(1) Une note précise qu ' elle arrive tenant à la main quelque chose ayant
l'air d'un rocher dessiné à l'encre de Chine sur du papiern. La même note
signale l'emploi de grelots et d'un sakaki. Dans le rite chinois, le rappel de
l'âme se fait aussi face au nord ; cf. par exemple Li ki , Sang ta ki pa
t e , trad. Couvreur, II , p . 204 .
2) Mot à mot :mi (honorifique) + tama e jade , objet précieux , âmen + ito
filn . On lit aussi Ontama no wo, cf. D . C . HOLTOM , The Japanese Enthronement
Ceremonies , qui traduit : « The Emperor's life-cord » . B s'agit du æfil à nouer
l'àmen .
(3) Je n 'ai pas trouvé de renseignements concernant les attributions de ce
fonctionnaire .
1 ) Le shaku (ou saku ) man est une mince palette d 'une trentaine de centi
mètres de longueur, faite en bois de chêne, d 'olivier (hihiragi, osmanthus
aquifolium Sieb.), de cerisier ou de sugi (cryptomère du Japon ). L'officiant
shintoïste tient habituellement le shaku à deux mains contre son ventre ; c'est
l'attitude e correcten shoshaku F . S'il le maintient entre le pouce et la
face interne des autres doigts de la main droite , c'est le shishaku .
Jishaku # tits désigne le shishaku porté à la hauteur de la hanche droile.
Passer le shaku , dans la position verticale , de la main droite à la main gauche,
puis le placer à hauteur du genou droit en le tenant verticalementpar chacune
de ses deux extrémités, porte le nom de chishaku . Le hashaku te
consiste à passer le shaku , tenu par l'extrémité supérieure , de la main droite
dans la main gauche, pour le reprendre par l'extrémité inférieure avec la main
droite. Quand il ne tient pas le shaku à la main , l'officiant le glisse dans l'ou
verture de son kimono sur la poitrine; c'est le kaishaku letme ; cf. Jingiziten ,
op. cit., p . 355 ; cf. aussi ci-dessous, p. 322 , n . 1 . Le shaku ne semble pas
avoir d 'autre signification que de faire ressortir l'attitude rituelle de l'officiant.
Le shaku est aussi employé par les chanteurs rituels de la cour, notamment lors
du Kagura.
(5) Une note précise qu 'on agite la boite avant de la refermer.
CCXVI . 21
PRIN RIK ARIONAL .
322 AVRIL - JUIN 1930 .
Tout cela en mesure . Quand le shinryū a noué le fil , il
reprend (1) son shaku et se retire. Luths et Mates s'arrêtent. La
Mikanko se retire. On enlève le fil honorablement lié. Le fonc
tionnaire femme enlève la boite au vêtement. . . Des danses
terminent la cérémonie.
Un passage du Miyaji hijikoden 3 TB 16 (2), ouvrage
compilé en 1362, apporte quelques précisions sur la façon
dont avait lieu le Chinkonsai au xivº siècle : On tendait deux
rideaux à l'ouest et à l'est du ministère de la maison impériale .
C 'était à l'intérieur de ces limites tsuma # que se déroulait la
cérémonie . Les fonctionnaires entraient. On apportait la cou
ronne et les yufu . Les Mikanko entraient, suivies des musi
ciens et des chanteurs du bureau de la musique noble. On dé
butait par un Mikagura li je . Le miyaji prenait le Fil
pour attacher l'âme » Mitama musubi ito t i et le dépo
sait devant le jõkei. Un Nakatomi s'approcbait et faisait dix
næuds au fil. A ce moment le maître de luth sacré pinçait son
luth . On comptait d'un à dix et on nouait dix fois. Après quoi
le Nakalomi regagnait sa place. Pendant ce temps un fonction
naire femmeposait la boîte au vêtement sur une crédence à
huit pieds yatsuashi(3) ile, qu'elle plaçait en face du jõkei.
Pendant qu'on comptait elle se levait, ouvrait un peu le cou
vercle de la boîte et agitait la boîte . « Ces dernières années,
ajoute le texte , ce rite n 'existe que de nom , il n 'existe pas de
fait( ). , Une cérémonie identique avait lieu ensuite pour låme
de l'impératrice .
(1) Shaku wo nuku # i . Avant de prendre le fil, le shinryū avait glissé le
shaku dans l'intérieur de son kimono; maintenant qu'il a les mains libres, il le
reprend .
(9) BAN TOBUTOMO, op. cit. , p . 640-641. J'ai jugé inutile de donner une tra
duction intégrale.
(3) Sorte de crédence servant à déposer des offrandes et des objets rituels ;
cf. Dainihonkokugojiten. Le mot est quelquefois lu hassoku .
(6) Cette remarque prouve qu'au milieu du anv° siècle , une partie au moins
des rites du Chinkonsai était négligée.
LA DANSE RITUELLE DANS LE CHINKONSAI. 323
Le rite du Chinkonsai était accompagné de chants. Ceux-ci
ont été transmis dans le Nenjūgyöjihisho (1) to F # Feb ka ,
Notes privées sur les cérémonies annuelles (2) (cf. G .S.R .J., V ,
(1) Compilé entre 1293 et 1328 , cf. K . S.K .D . , p . 1581.
(2) Ce chant a été traduit en français par M . Matsumoto Nobuhiro dans son
Essai sur la Mythologie japonaise , p . 83-85. L'auteur a donné une transcription
en caractères latins. Il a suivi le texte de Suzuki Shigetane * L,
mort en 1863à l'âge de 50 ou 51 ans; cf. Suzuki, Norito Kõgi , II, p. 112-113.
Dans ce texte , les paroles du chant sont transcrites à l'aide de caractères chi
nois employés phonétiquement; la lecture en kana est indiquée sur le côté droit
des caractères. Le texte publié dans le G . S.R .J. d'après un manuscrit ancien , et
celui que donnc Ban Nobutomo, mort en 1846 à l'âge de 72 ou 73 ans, sont
au contraire en katakana ; le sens du chant étant indiqué par endroits à l'aide
de caractères chinois. Ce fait n 'aurait pas d'importance si la lecture était la
même dans les trois textes. On verra que ce n 'est pas le cas. Suzuki a probable
inent remanié son texte. Quand le texte du Nenjūgyõjihisho n 'était pas clair,
j'ai adopté la version proposée par Ban NOBUTOMO, op . cit., II, p . 649 , qui est
plus près du texte du G .S .R.J. que celle de Suzuki. Voici la transcription du
texte du G .S . R.J. :
1 . Achime (une fois ). 0 , 0 , 0 , 0 (trois fois).
Ame tsuchi ni kiyurakasu ha. sayurakasu . kami waka mo, kamikoso ha.
kine kikou,kiyura naraba.
2. Achime (une fois). 0 , 0, 0, 0 (trois fois ).
Iso no kami. furu yashiro no. tachi mo ga to.negafu sono ko ni. sono late
matsuru.
3 . Achime. . . Jd.
Satsumora ga. motaki no mayumi, okuyama ni. mikari su rashimo. yumi
no hazu miyu .
11. Achime. . . Id .
Noborimasu toyohirume ga. milama hosu . moto ha kanaboko, sue hu ki
boko.
5 . Achime. .. Ja .
Viwa yama ni. arimeleru chigasa rro. imasakaede wa. itsu ka sakaemu.
6. Achime. .. Id.
Wagimoko ga. anashi no yama no yama no moto . hito mo miru ga ni.
miyama kazura seyo.
7. Achime. .. Id.
Tamabako ni. yuu torishide. tamachi oraseyo. mitamagari. tamagarima .
shishi kamiwa. ima zo kimaseru .
(Voir la fin de la note à la page suivante.) 91 .
324 AVRIL - JUIN 1930 .
k. 86 , p. 385 -386 ), qui les donne sous le litre de Chinkonka
, Chants du Chinkon(sai) :
Achime !( 0 , 0, 0 , 01 0 , 0, 0, 0 ! 0 , 0, 0 , 0 !
Au ciel et sur terre il est clair, clair (?). Les esprits ( Kami) et moi (s),
les esprits mêmes , nous entendrons(4)le pilon s'il est clair (5).
Achime! 0 , 0 , 0 , 0l .. .
Le grand sabre du temple de Furu Iso no Kami() qu'elle dit désirer,
nous le lui présentons avec respect.

8. Achime. . . Id.
Mitama mi ni. imashishi kami ha. ima zo kimaseru. tamabako mochite.
sarikurushi mitama. tama kaheshi su na ya.

* -- SEMI I1. * Ett to


+ Zo * Et teo
(1) Le mot Achime reste incompris. Les 'commentateurs cherchent à l'expli
quer comme une contraction du nom de la déesse Ameno Uzume.
(2) On ne sait comment traduire; le texte donne un kiyurakasu qui ne se
trouve pas dans les dictionnaires. Le Dainihonkokugojiten nedonne quekiyoraka
reclair, purn. Admettre qu 'on est en présence d 'une forme archaïque ne sup
prime pas la difficulté ; elle subsiste quand il faut traduire sayurakasu . Kiyura
me semble être l'équivalent de la forme kiyora e clairn donnée par les diction
naires.
(3) Le texte en katakana donne wa ka ; on fait lire waga emon , mien, moin ,
alors qu'on attendrait plutôt ware e moin .
(6) On a kikou + 74 , alors qu'on devrait avoir kikoyu # 71 .
(5) Kiyura naraba ; ces mots ne se trouvent pas dans la transcription de
M . Matsumoto. Il doit s'agir du pilon avec laquelle la Mikanko pilait le riz
d 'offrande; cf. ci-dessus, p . 317. On ne se servait pas du pilon pourpercuter le
récipientpendant la danse , mais des pieds, d'une lance ou d 'un sakaki.
(6) Il est aussi question d'un sabre dans le texte de l'Engishiki. L 'er
pression iso no kami E est une épithète descriptive makura kotoba
(pour le sens de cette expression technique, cf. FLORENZ, Geschichte d . Japa
nischen Litteratur, p . 25 ). Elle sert à introduire le mot Furu. Il s'agit du
sanctuaire Iso no kami jingū ti I ( cf. Kokushidaijiten , op. cit.,
p. 161) de Furu à Tamba-ichi 4 tie iti , au sud de Nara. L'ancien nom du
sanctuaire était Furumitama Jinja ou Furu no Yashiro. On y conservait un
sabre sacré qui avait la « vertun de maintenir en paix le pays. D 'autres légendes
veulent que les trésors célestes remis à Umashimaji y aient été déposés. La
LA DANSE RITUELLE DANS LE CHINKONSAI. 325
Achime! 0 , 0, 0 , 0 ! . ..
Les chasseurs portent des arcs de bois. Au cour de la montagne, il
semble qu'on fasse la Chasse mikari! Les bouts des arcs se voient(i).
Achime ! 0 , 0, 0, 01 . . .
Désirons l'âme de la déesse solaire Toyohirume quimonte. A la base ,
la lance demétal. Au bout, la lance de bois (M).
fondation du temple remonterait à l'empereur Sujin e j (97-30 avant l'ère
chrétienne? ). En 804 , l'empereur Kwammu to iť donna l'ordre de prendre
les armes kijā une faut déposées dans le sanctuaire et de les transporter dans le
district de Kadono , dans la province de Yamashiro i tot , endroit
plus proche de la nouvelle capitale . Le transfert fut effectué en 805 , mais le
toit du bâtiment kura , construit pour abriter les armes, s'étant effondré
sans cause apparente , et l'empereur étant tombé gravementmalade , un décret
donna l'ordre de remporter les armes sacrées au sanctuaire de Tamba-ichi. Le
temple existe toujours. On y conserve des magatama ) I et une grande
jarre à sake déterrée lors de fouilles faites dans l'enceinte du temple ; cf. Tsoda
NORITAKE, op . cit., p . 911 (une illustration ). L 'épisode du transfert des armes
dans la province de Yamashiro est raconté dans le Nihonköki 8 * ;
cf. K.T.S.K., II , p. 34 et 44-45 : Une sorcière révéla qu'une souillure était la
cause de l'effondrement du kura et de la maladie de l'empereur. On demanda
à la sorcière d 'accomplir un mitama shizume pour apaiser les divinités du sanc
tuaire d 'Iso no kami et rendre la santé à l'empereur. La sorcière entra en
transe , opéra toute la nuit, et, au matin , réussit à calmer FU * les esprits.
Pour plus de sécurité , on doubla cette opération de sorcellerie d'une céré
monie bouddhique, L 'empereur avait69 ans; on fit venir soixante-neuf bonzes,
auxquels on fit lire les sūtras devant le sanctuaire shintoïste . Cela n 'empêcha
pas l'empereur de mourir l'année suivante. Ces détails montrent que la Mi
kanko , sorcière du palais, de dansait pas avec un sabre quelconque, mais avec
un sabre-trésor, un des palladia. Ce sabre aurait dû lui être remis par un fonc
tionnaire du palais en même temps que la couronne et les yufu. Il est curieux
qu'on n 'en trouve pointmention dans les textes. Le chantdu Chinkonsai est le
seul document prouvant qu'on remettait le sabre à quelqu'un , sans doute à la
Mikanko. M . Matsumoto est aussi de cet avis ; il traduit : eaux prêtresses n.
Les sorcières coréennes dansent souvent le sabre en main ; cette arme passe
pour redoutée des démons.
(1) Une certaine catégorie de sorcières, les azusa miko to A , appelait les
esprits à l'aide d 'un arc en bois de catalpa ( azusa ) , dont elles faisaient vibrer
la corde. On croyait que l'esprit venait se poser à l'extrémité supérieure de
l'arc. Il s'agirait donc ici d'une chasse à l'âme, symbolique. Un arc et deux
fèches sontmentionnés dans le texte du Engishiki; cf.ci-dessus, p. 317. Pour
la traduction de motaki, cf. plus loin , p . 340 , n . 1 ; il faut lire motase.
(2) Il n'est point question de lances dans l'Engishiki, On trouve mention
326 AVRIL-JUIN 1930 .
Achime ! 0 , 0 , 0, 0 ! .. . .
Les chigasa (") qui se dressent à Miwa la montagne, s'ils n'abondent
pasmaintenant, quand abonderont-ils ?
Achime ! 0 , 0, 0, 0 ! . .. .
Mamie ( ), comme les hommes » (peuvent vous) voir, les hommes
de la montagne d'Anashi, faites-vous donc une couronne miyama kazuru .
Achime ! 0 , 0 , 0, 0 ! .. .
A la reboite à ámen (3) suspendez les yufu , prenez l'àme( ). Les esprits
dont les âmes élaientmontées, dont les âmes étaient montées , mainte
nant, voici qu'ils viennent(s).
Achime ! 0 , 0, 0 , 0 ! .. .
Les esprits qui étaient (partis ) pour voir (“) l'âme, maintenant! voici
d'une lance dans le Nihonshoki ; d . l'Appendice . Le kogoshūi parle d'une lance
et d'un bouclier.
6 ) On ignore quelle plante désigne le mot chigasa . Miwa se trouve dans la
province de Yamato ; cf. H .Q.S.R.,p. 95 , 97, 295 , et les notes. Cf. aussi HA
GUENAUER , op. cit., p. 110 , n . 79 . Ban Nobutomo corrige ari meteru et lit ari
tateru . J 'ai adopté cette correction .
(2) Mamien traduit wagimoko i to F . C 'est le sens ordinaire du mot
en poésie. On le trouve déjà dans les poésies du Manyōshi. Un saibari licen
cieux débute ainsi :

Wagimoko ni hito ya hadafure ,aito ...


Avec mamie toute une nuit peau contre peau, olle ...
Le mont Anashi se trouve dans la province de Jamato. Yamabito il
(texte de Ban Nobutomo) désignerait les cimmortels , Illi à la chinoise ,
qui étaient censés résider dans cette montagne.
(3) C 'est le premier texte où il soit fait mention d'une e boite à âmen tama
bako (t o , précisent les caractères chinois ajoutés au texte du chant). Il ne
peut s'agir ici que de la boite où l'on plaçait le fil qui avait servi à nouer l'âme
tama musubi ito . Le texte donne yuu 1. ; il faudrait 17 yufu . Les caractères
chinois sont + (yufu ). Les faules de kana sontassez fréquentes dans les
textes du moven âge.
(6) Tamachi torase yo. En traduisantainsi ,je ne fais que suivre l'opinion des
commentateurs qui donnent à tamach le sens de tama câme, ,
(5) Je pense qu'il s'agit des huit esprits (kami) protecteurs de la famille
impériale invoqués au début de la cérémonie ; cf., ci-dessus , le début du texte
de l’Engishiki.
“) Mi ni. Est-ce 1 pour voir ?
LA DANSE RITUELLE DANS LE CHINKONSAI. 327
qu'ils viennent. Tenant la « boite à ámen, l'âme partie , l'âmerappelez
( la )").
Puis : Un , deux , trois , quatre, cinq , six , sept, huit, neuf, dix. On
lit dix fois cette ( formule ). A chaque fois un Nakatomi noue l'âme tama
wo musubu E "S).
L 'explication du rite de compter jusqu'à dix se trouve dans
le Kujiki(3) # # # (cf. K.S.T.K., VII, p. 321 et suiv.):
Le quinzième jour de la onzième lune, Umashimaji no Mikolo
A révéra religieusement au palais les palladia (mol à
mot : les trésors - emblèmes du Ciel, Amatsu shirushi no mizu * *

17) Le texte est certainement corrompu . La lecture des kána donne :


sarikurushimitama ,tama kaeshisu na ya.
Les caractères chinois qui accompagnent les kana : * ' ,i li
, donnent le sens : c l'âme qui est partie , on en fait le rappeln . Sarikuru
veut dire carriver, yenir » , surtout en poésie . Mais le passé étant sarikishi ou
sarikoshi, la forme sarikurushi est inexplicable. Les savants modernes , Ban
Nobutomo en particulier, lisent saritaru ; ils supposent une faute de copiste ,
et remplacent ) ku par ta . C'est très possible , mais que devient alors la
finale du passé shi ? Le cas de su na ya est plus embarrassant. Kaheshi su na
ya ne peut vouloir dire que : « il ne faut pas renvoyer ; sens possible si l'on a
traduit : « l'âme qui vient, ( sarikuru ), mais tout à fait impossible si l'on a
compris : « l'âme partien ( saritaru ). Suzuki a tourné la difficulté; il a dù
admettre une autre faute de copiste ( interversion de deux signes ) et lit nasu
ya , ce qui donne le sens : « faites le rappel de l'âmer . Ban Nobutomo, op. cit.,
p . 659, a adopté une autre lecture : tama kayashi su ya na e rappelez l'âme!n .
(2) Le texte du G .S .R .). donne les caractères i E E . Ban Nobu
lomo et Suzuki écrivent I et non E ; c'est la seule lecture possible.
Le chant ne comporte que huit couplets. Comme l'indique le texte ( puis :
1, 2 , 3 , . . .), on ne comptait pas à raison d'un næud par couplet; on réci
tait la formule numérale quand le chant et la danse étaient terminés. Par
contre, la Mikanko percutait dix fois le récipient. J'en conclus que le chant
était destiné à accompagner les évolutions de la Mikanko. La danse et le chant
appelaient l'âme. Les autres opérations (coups de pied et de lance, mise en
boite du vêtement, neuds faits au fil , récitation de la formule numérale )
la maintenaient captive.
(3) Le Kujiki, sous sa forme actuelle , est un ouvrage apocryphe qui date .
rait du ix° siècle. Cf.MAITRE, in B .E .F .E .-0 ,, IV , p . 598.
328 AVRIL - JUIN 1930 .
P ). Il accomplit pour l'empereur(1) et l'impératrice (la cérémonie )
de vénérer et de Exer en repos l'âme impériale Mitama wo agame shi
zume in the hilli . Il pria pour leur longévité et leur prospérité. De
là date la cérémonie pour fixer l'âme en repos. Tous ces trésors célestes
sont les dix trésors célestes reçus et apporlés par Nigihayabi no Mikoto
, père d'Umashimaji no Mikoto. A savoir : le miroir
Okitsu no kagami 1 , le miroir Hetsu no kagami is , le
sabre Yatsuka no tsurugi t , le jade Ikutama # E , le jade
Tarutama & E , le jade qui fait revenir les morts Shinigaeshi no tama
E F E , le jade(9) qui fait rebrousser chemin (aux démons) Chi
gaeshi no tama it F E , le voile hire the contre les serpents
Orochi no hire ht H le voile contre les guépes Hachi tere no hire ,
le voile tout puissantKusagusa no mono pot no hire. Les dieux du
Ciel (lui) avaient enseigné le moyen (de s'en servir ) : Si on souffre en
quelque endroit , alors ces dix trésors qu'on les agite ſurue, qu'on les
agite fortement yurayura , en comptant: « Un , deux, trois , quatre , cing ,
asix , sept, huit, neuf, dix., Si l'on fait ainsi, un mort reviendra à la
vie., Telle est l'origine du mot furuu Hi I Telle est la raison d'être
de la cérémonie pour fixer l'âme. Le jour de cette cérémonie , les Sarume
no kimi, à la tête d'un grand nombre de chanteuses momo no ulame, se
basent sur ce récit et chantent et dansent le Kagura juba
Le texte ajoute que l'empereur Jimmu récompensa Uma
shimaji , l'ancêtre du clan des Mononobe to AB , en lui accor
dant une fonction héréditaire.

En possession de tous les textes , il est possible d'essayer de


reconstituer la cérémonie du Chinkonsai :
A un jour fixé de la onzième lune, les ritualistes se réunis
sent au ministère de la maison impériale . La cérémonie débute
(1) Il s'agit de l'empereur Jimmu hii iť qui, d 'après les Annales , aurait
fondé l'empire en 660 avant l'ère chrétienne.
(9) Les anciens Japonais accordaient au jade des vertus purifiantes. Il n'est
pas impossible que cette croyance soit d'origine chinoise; cf. HamaDA KÕSAKU
W 1€ ,une Conférence à l'Association d'archéologie orientale , in J. as.,
t. CCXI, 1 , p . 146 .
LA DANSE RITUELLE DANS LE CHINKONSAI. 329
vers le moment où le soleil se couche. Les fonctionnaires
prennentplace . Leurs allées et venues sont soigneusement orien
tées par rapport à un bâtiment principal où est dressé l'autel
des esprits-protecteurs de la famille impériale. Les ritualistes
apportent et disposent les offrandes et les objets sacrés qu'on
emploiera au cours de la cérémonie . Les danseuses Mikanko
et Sarumeentrent avec les musiciens, les chanteurs et les chan
teuses. On apporte la couronne kazura et les yufu .Un fonction
naire du sexe féminin apporte la boîte au vêtement. La Mi
kanko en chef, face au nord, danse sur une sorte de baquet
renversé. Pendant la danse, on chante le Chinkonka. Ce chant
indique qu'on rappelle l'âme du soleil. La Mikanko frappe dix
fois le fond du baquet avec la bampe d 'une lance . Un fonction
naire du sexe masculin noue un fil ou des yuſu en comptant
jusqu 'à dix. Le fonctionnaire du sexe féminin agite dix fois la
boîte au vêtement. Le fil noué estmis dans une boîte. Ces rites
terminés, on emporte les deux boîtes avec leur contenu. Un
banquet et des danses, Kagura et Yamatomai, exécutées par des
dignitaires du sexe masculin , terminent la cérémonie , qui
prend fin à l'aurore . Le Chinkonsai avait pour effet de rap
peler, d'apaiser l'âme de l'empereur et d 'assurer à ce der
nier une longue vie. Le lendemain , on faisaitun rapport pour
annoncer la réussite de la cérémonie (1). Un peu plus tard , à
la douzième lune, l'âme nouée était placée au repos dans
l'Iwaido, un sanctuaire situé près du Hasshinden . Ce rite final
portait le nom de Mitama-shizume Iwaido no Matsuri(2) felep
F
(1) Cf.un passage du Kõkeshidai, op . cit. (cf. Ban NOBUTOMO , op. cit., p. 636 ,
col. 15 , en haut) : « Le lendemain au point du jour AJ , on fait un rap
port à l'empereur sur le « rappel (de l'âme)n.
(9) Engishiki, K .S. T.K . , p. 132. On explique que le do d 'Iwaido F
a le sens d'« endroit , tokoro ; cf. Jingijiten , op. cit., p. 81. Ce bâtiment
était construit , comme le Hasshinden , dans la partie occidentale Saiin du
Jinjikan. Au cours du rite, on récitait un norito dont le texte se trouve dans
330 AVRIL -JUIN 1930.

LE CHINKONSAI.
( EXAMEN CRITIQUE.)

La reconstitution du Chinkonsai d'après les textes ne va pas


sans quelques graves difficultés : les documents officiels du
vuº et du début du ix° siècle ne mentionnent que le nom de
la cérémonie. Les premières descriptions datent de l'époque
de Heian , mais elles diffèrent entre elles sur bien des points.
Nous avons dû avoir recours à des documents d'âge très diffé
rent, puisqu'il s'est écoulé plus de cinquante ans entre la com
pilation du Jõgan gishiki et celle de l’Engishiki, et plus de
trois cent cinquante ans entre la publication de ce dernier
recueil de rites et celle du Nenchūgyõjihisho. Les derniers
textes décrivent une cérémonie évidemment remaniée. L'exis
tence de joyaux célestes susceptibles de rendre la vie à un
mort quand on les agite (Kujiki) et l'emploi de deux lances
symboliques ( Chinkonka ) ne sont signalés que dans des textes
relativement tardifs. La prolixité de détails de l'apocryphe Ku
jiki, comparée au laconisme ou au silence des autres textes ,
n'est point non plus faite pour calmer les doutes. Avant d'es
pérer voir ce qu'était le Chinkonsai sous sa forme la plus an
cienne , il est nécessaire de reprendre les textes et de les sou
mettre à une analyse critique détaillée .
Le Kojiki et le Nihonshoki ont été compilés par des lettres

l'Engishiki; cf. K . S. T. K . , XIII, p . 972 et suiv. On priait l'âme impériale ,


a fixée, et apaisée , de rester en paix dans l'Iwaido de la douzième lune de
l'année présente jusqu'à la douzième lune de l'an suivant; cf. Tsugita JUN ,
Noritoshinko, p . 388.
LA DANSE RITUELLE DANS LE CHINKONSAI. 331
de la cour de Nara, dont la mentalité nous est assez bien
connue. La vague d'idées chinoises qui avait atteint le Yamato
au plus tard dès le début du vi° siècle , avait peu à peu trans
formé les mœurs à la capitale . Les courtisans s'étaient mis à
l'école des étrangers venus de Corée et de Chine. Ils avaient
appris d'eux l'usage de l'écriture et du calendrier chinois (1).
La réforme politique du pays avait suivi celle des mæurs. La
puissance impériale avait augmenté ; des alliances ou des
expéditions militaires avaient assuré la paix deKyūshū jusqu'à
Izumo, le fief des descendants de l'impétueux Susanowo(2).
Les Ainu avaient été refoulés jusque dans la région au nord
de Sendai , où l'on venait de construire le fortin de Taka(3)
try home. Le moment était venu de mettre par écrit l'histoire de
la dynastie et de fixer les institutions de l'empire . Les décrets
officiels devinrentde plus en plus nombreux; les premiers élé
ments d'histoire furent compilés(4). L'effort se poursuivit mé
thodique : le « Code de Taiho » , Taihõritsu # # # , paruten

(1) L'écriture chinoise passe pour avoir été introduite par des Coréens dans
les premières années du ve siècle de notre ère; cf. N. A., I, p . 262 , et
MAITRE , B .E . F .E .-O . , III, p . 582 et suiv. Le calendrier est mentionné pour
la première fois en 553 ; cf. N .A ., II , p . 68. Toutefois , la calligraphie et la
science des caractères ne commencèrent à se répandre au Yamato que vers
la fin du ve siècle . L'emploi du calendrier ne devint constant qu'à partir du
début du yn siècle.
(2) HAGURNAUER , op. cit., in Bulletin de la Maison franco-japonaise , 1, n° 4 ,
p . 10 .
(3) Près du village actuel d 'Ichikawa iti Ji , à environ 4 kilomètres au
sud-ouest de Shiogama, le petit port où s'embarquent les touristes qui visi
tent les iles de Matsushima. Le fortin fut construit entre 729 et 724 ; cf. Koku
shidaijiten , op. cit., p. 1670. Une stèle élevée sur l'emplacement du fort
donne la date de 724 comme celle de l'achèvement de la construction . La
stèle elle -même date de 762, époque à laquelle le fortin fut remis en
état.
(1) Des documents importants furent rédigés dès le vuº siècle ; les premiers
essais d'histoire sont dus au prince Shotokutaishi m t F (mort en
621) ; cf. N .A ., II, p . 148. Les premiers documents concernantla religion shin
332 AVRIL- JUIN 1930.
701. Il fut suivi quelques années plus tard (712 ) du Kojiki.
En 717, le Yoröritsu * 10 ou Code de Yoron vint com m

pléter le précédent. La première histoire rédigée en chinois ,


le Nihonshoki, fut terminée en 720.
Plusieurs spécialistes ont affirmé que les Annales avaient
été rédigées dans un but politique " . L 'invraisemblance de la
chronologie pour les premiers règnes , l'imitation assez fré
quente des bistoires chinoises(2), la préoccupation constante de
ne rien négliger qui put servir à préciser les origines de la
dynastie et ses rapports avec les grands clans(8), ont suffi en
effet à donner l'éveil aux historiens impartiaux.
Les compilateurs des Annales ont été dominés par le
souci d'établir une relation entre les institutions, les person
nalités de l'âge de Nara, et les coutumes , les héros légen
daires de la haute antiquité. Loin d 'avoir respecté la forme
décousue sous laquelle les vieilles légendes avaient dû être
transmises , ils ont cherché à les enchaîner entre elles de façon
à composer un récit logique. Les clans principaux ont été rat
tachés à des personnages sacrés. Les scribes n'ont retenu des
mythes quece qui cadrait avec leur travail. Bien souvent, l'em
ploi de caractères chinois a caché le sens premier du mot qui
désignait l'institution indigène. Quand un mythe transparaît ,

toiste furent achevés de compiler seulement au début du vmº siècle (Taiho


* * 701-703), cf. Kogoshūi, op . cit., trad . Kato Genchi top ,
p . 44.
(1) Consulter, parmi les auteurs japonais : Matsumoto Yoshiwo * *
* Shindaishikenkyū jih # of chap. In et v.
(2) Aston , Early Japanese History, in T .A .S.J., p. 40-60 , et BRAMSEN , Japa
nese Chronology and Calendars and Japanese Chronological Tables , in T .A .S.J. ,
Supplement of v. XXXVII, p . 31-37. Cf. aussi les introductions d'Aston , de
Chamberlain et de Florenz à leur traduction des Annales. Cf. Maitre, B . É. F .
E .- O ., III , p . 564 , 596 ,et IV , p . 580 et suiv.
(3) Cf. Maitre, B.E .F. E.- O. , IV , p . 581, 593, 600-601. M . MATSUMOTO Nobu
HIRO, op. cit., p. 70-71, conclut que le culte du Soleil n 'occupait pas une
place prédominanten dans toutes les régions du Japon antique.
LA DANSE RITUELLE DANS LE CHINKONSAI. 333
il est si défiguré qu'on a peine à l'interpréter(1). Les rites subi
rentun remaniement analogue. Dès le viº siècle , on commença
(1) C 'est le cas pour l'épisode de la lutte entre Hosusori et Hohodemi(“). On
trouve à la base un mythe dont le thème est connu de ceux qui ont étudié le
folk -lore malayo-polynésien (b). Mais qu'il a conservé bien peu de sa simplicité
première ! Sous le pinceau des compilateurs japonais , il a grandi démesuré
ment; on lui a ajouté des éléments empruntés au merveilleux chinois (9). Il y a .
eu aussi contamination : à l' époque de Nara, la tradition voulaitque les Hayato ,
danseurs privés et gardiens des portes du palais , fussent les descendants de
Hosusori. Pour ne pas la contredire, les deux frères prirent l'aspect des sor
ciers -danseurs wazabito de 1 (d) de l'ancien Yamato . Les compilateurs ont
interposé entre une légende antique et les institutions qu'ils avaient sous les
yeux , des souvenirs de la civilisation Yamato, interrompue dans son développe
ment normal par l'invasion des idées et desmœurs étrangères . La légende des
dew frères devait faire partie à l'origine du cycle légendaire propre aux po
pulations maritimes de Kyūshū (®). Les scribes de l'époque de Nara lui don
nèrent un cachet littéraire et par conséquent chinois. En cela ils ne firent que
se conformer aux idées de leurs contemporains. Les historiens modernes
donnent aux Hayato une origine beaucoup plus simple : ce seraient des des
cendants deroitelets de Kyūshū soumis par les premiers empereurs. Guerriers
farouches , ils composaientune sorte de garde barbare attachée à la personne
impériale. C'est pour rappeler leur soumission qu'ils dansaient, à la mode de
leur pays , lors des grandes cérémonies, et poussaient des cris de chien quand
les dignitaires entraient dans la salle du trône(6).
1o Ci-dessus, p. 303.
MATSUMOTO NOBUHIRO , op. cit., p. 110.
14 Harada KrÕICA Ě , Kinsei Nihon engeki no genryū if ff
* N i it , p. 34. Les scribes japonais se sont peut-être inspirés de la
légende du voyage du prince Pou-che ti me k + au Palais du dragon. Le
- palais aux hautes tours, des Annales n 'est certainement pas le produit d 'une imagi
nalion japonaise ; c'est un souvenir emprunté à un récit chinois .
(4) Cette expression chinoise recouvre un mot japonais de sens assez différent;
bazaogi ne signifie pas racteur, mime, jongleur » , mais désigne e celui qui, par des
gestes ou une action appropriée (waza ) invite (ogi 8 ) les esprits " ; cf. HARADA
Kroica , op. cit., p. 37 et suiv. Le mot perdit très tôt sa signification première,
puisque le Shakunihongi # , K.T.S.K., VII, p. 60% , en donnait déjà
ane explication , tout à fait à côté , empruntée au Kia yu H et au Lie niu
Ichouan kuts . La restitution du sens du mot semble due à Motoori Nori
Gaga.
foy C'est la conclusion à laquelle aboutissent les spécialistes japonais.
Y MAITRE, B.R.F.E.-O., IV, p. 583; aussi MATSUMOTO N., op. cit., p. 104 -109.
Pour l'histoire des Hayato, consulter l'article du Kokudaijiten , op. cit., p . 2037. Les
334 . AVRIL-JUIN 1930.
à les classer et à les épurer.On s'efforça surtout de leur donner
un cachet d'institutions particulières, de rites d 'état qu'ils
n'avaient jamais eu jusqu'alors (1). N 'en fut-il pas demême du
Chinkonsai ?
(1) Un exemple expliquera ce que je veux dire : la fête des prémices Ō nie
nomatsuri , n'était pas à l'origine une prérogative impériale ; c'était une fête
saisonnière, une sorte d'agape quisuivait la récolte (“). Au vue siècle , les choses
changèrent. On affubla la fête de noms à la chinoise : Jõsai , ſète du
goûter des prémices , Shınjāsai #F # ou Daijõsait , grande fête
du goûter des prémices , employés concurremment (b), Le premier Daijõsai se
rencontre dans le Nihonshoki (K.S.T.K., p.506 ) à la date suivante : deuxième
année du règne de l'empereur Temmu (674 A . D .)(C), cinquième jour de la
douzième lune. On ne trouve plus mention de la cérémonie jusqu'en 677 et
678 A. D ., années où elle fut célébrée, sous le nom de Shinjõsai, respective
ment le premier et le vingt et unième jour de la onzième lune(d). La distinc
Hayato , très turbulents puisqu'ils se révoltèrent plusieurs fois , notamment en 790 ,
servirent à la cour dès le début du ve siècle ; cf. N.A., I, p. 305 ; mais leur soumis
sion définitive ne date que du milieu du vue siècle. Il se peut qu'ils aient été sacri
fiés rituellement à la mort d'un empereur ; cf. N.A., I, p. 376. Les sacrifices hu
mains abolis , on se contenta de sculpter des Hayato sur quelques -unes des dalles
verticales qui entouraient la base des tumulus impériaux. Un estampage reproduisant
une sculpture provenant du tombeau de l'empereur Shomu (794-748 ) a été
exposé à l'Université de Waseda lors de la Nihon jõdai kinsekibun takuhon tenrankai
* E # Tot fa # (20-22 octobre 1928); cf. n° 38
du catalogue publié à cette occasion .
(0) Pour les différentes lectures et le sens du mot © nie, cf. Tsogita Jon , Norito
Shinkő , p. 363 et suiv. , 368. Ō ( Oho ) signifie « grandn et nie « festin , ou coffrander .
Cette fete , au cours de laquelle on mangeait du riz nouveau , date au plus tard de l'ère
chrétienne , puisqu'on a retrouvé des grains de riz dans les lombes préhistoriques ;
cf. Nishimura Saingi ng tit i K , Nihontosaku no jinruigakuleki kenkyū
P TEONT W H , in Bungaku shisõ kenkyü * of
, édit. Université Waseda, t. VIII , p. 79 et suiv. Le Wei tche , op . cit., k. 30 .
atteste l'existence de la culture du riz dans l'ancien Japon , du moins à Kyūshū .
Dans la haute antiquité , la fête n'était pas une prérogative impériale ; cf. TSUGITA
Jer, op . cit., p . 367-368 ; elle n 'avait pas forcément lieu au palais, même quand
c'était l'empereur qui l'accomplissait; ibid ., p. 366 .
{") TSUGITA JON , op. cit., p. 365 : en Chine, la Fête du goûter des prémices célé
brée par l'empereur en automne , s'appelait ich 'ang. L'expression ich 'ang
sin , cf. Li ki , trad. Couvreur, I, p . 376 , correspond parfaitement au japo
nais Shinjo , qui n 'est qu'une inversion conforme au génie de la langue.
(0) N .A., II , p. 324 , donne 673 A . D.
{"} N .A ., II , p. 335 et 338 , et Nihonshoki, K.S.T.K., I, p. 512 et514 .
LA DANSE RITUELLE DANS LE CHINKONSAI. 335
Lesmikodes petits sanctuaires du Japon antique dansaient
pour réjouir les esprits kami, pour les e fixer» dansleur re hono
rable demeure , miya (temple). Elles savaientaussi ce rappeler»
les ames défuntes(1). On les consultait pour s'informer des
tion qui subsiste aujourd'hui entre le Daijõsai « grande fête des prémicesn,
célébrée seulement à l'occasion de l'accession au trône d'un empereur, et le
Shinjõsai e fête annuelle des prémices» , est bien postérieure; elle ne fut stric
tement observée qu'à partir de la fin du ix® siècle (~). Il y a donc eu élévation
d'un rite agraire et saisonnier, très important dans la civilisation agricole de
l'ancien Yamato , au rang de rite dynastique.
(1) De nos jours , le nom de miko est réservé aux jeunes vestales des sanc
tuaires, mais des vieilles femmes appelées ichiko iti F ou des bonzes font
encore le métier de sorcières ou de sorciers. Je citerai quelques faits tels qu 'ils
m 'ont été rapportés par des témoins, des personnes habitant la campagne :
Un soldat disparut au cours d'une patrouille pendant la guerre russo-japo-
naise . Ses camarades dirent qu 'il était resté un moment en arrière pour assu
jettir sa guêtre et qu'ils ne l'avaient plus revu . Laguerre finie , les parents du
soldat firent venir une sorcière et lui demandèrent de « rappeler l'âme, du
disparu. On ne savait pas s'il était mort ou s'il avait été fait prisonnier . La
sorcière commença par réciter des incantations. Tout à coup sa voix se fit
rauque comme celle d'un homme. L'âmefit savoir que le disparu avait été fait
prisonnier par une patrouille russe et fusillé pour avoir refusé de répondre
aux questions de l'ennemi. Elle remercia les siens de leur piété. La sorcière
renvoya l'àme.
Le fils ainé d 'un ménage de fermiers était atteint de pleurésie et souffrait
atrocement. Ses parents attribuérent la maladie à un mauvais sort jeté par
une voisine. Celle-ci avait vu passer aux mains du malade un champ qu'elle
désirait acquérir; pour se venger, elle avait dû demander norou pe aux démons
lamort de son rival. Les parents firent venir un bonze-magicien , versé dans le
Shingon ésotérique, Shingon himitsu no ho ) . Le bonze
reconnut qu 'on avait jeté un sort au patient ikiryo ni kakareta # 1C
a tz (mot å mot : qu’une âmes'était attachée à lui, qu'il était pos
sédé). Il fit venir une femme sans relations, ni avec la famille du malade ni
avec la voisine, et la pria de « faire fonction de sorcière , miko ni tatle morau

het Tsogita Jon , op. cit., p. 365 et suiv . Dans les codes de Taiho (701) et de Yörő
(917-793) , la fête annuelle est toujours appelée Daijõsai. C'est seulement dans l'En
gishiki que Daijõsai désigne la fête des prémices célébrée à l'occasion de l'avènement
d'un empereur.
336 AVRIL -JUIN 1930 .
besoins des disparus , savoir s'ils n'étaient pas irrités , auquel
cas on leur offrait des victuailles ou des danses. Mais la sor
cière était encore une guérisseuse ; elle était capable , d'une
part, d'expulser d'un corps l'âme errante qui s'y était intro
duite et le rendait malade , d'autre part, de ranimer et de rap
peler l'âme kon it , qui, en quittant le corps où elle aurait dû
rester, l'avait affaibli. En agitant l'âme tama furi, la sorcière
assurait le retour des forces et de la santé . Une poésie du Ma
nyoshū(1) * * * (k .xv) apporte la preuve de la popularité de
cette coutume :
Tamashiiwa ushita yube ni tama furedo"aga mune itashi koi no shigeki ni.
Matin , soir, je fais le tamaſuri ; ma poitrine débordante d'amour ne m 'en
fait pas moins mal.
Mais le rite prit peu à peu un caractère officiel. Il fut
exécuté, pour la première fois , en l'an 685 de notre ère(2), à

A 1C C L La femme se plaça près du malade. Elle tenait


d 'une main un gohei Hip Hop (ustensile sacré composé d'un manche de bois
duquel pendent des bandelettes de papier ). De l'autre elle touchait la poitrine
du malade. Le bonze lut certains passages des sūtras. Tout à coup , la esor
cièren fut prise de tremblements , elle murmura des paroles incohérentes, sa
voix changea de façon étonnante ; l'esprit la possédait. Le bouze interrogea
l'esprit. Celui-ci répondit par la bouche de la sorcièren. A force de questions
le bonze reconnut que le malade était la proie de plus de cinquante démons.
Il chercha à l'en débarrasser. ll en fit entrer noriutsuru (monter + passer par
contagion ) dans le corps de la sorcière , mais ils étaient si nombreux que le
bonze se déclara impuissant à les expulser tous. Le malade mourut bientôt
après. La esorcière, possédée par les démons dit d 'une voix menaçante : « Je
Luerai le second fils. , La prédiction se réalisa : le cadet mourut de la même
maladie que l'aîné.
Un fils n 'obéissait pas à sa mère, une veuve. Celle -ci fit venir une sorcière
qui rappela l'àmen du père défunt; celui-ci admonesta son fils par la bouche
de la sorcière.
(1) Le Manyoshū « Collection de dix mille feuilles» ou e de dix mille généra
tionsn , car on n'est pas bien fixé sur le sens à donner au titre, est une grande
anthologie poétique achevée durant la seconde moitié du viu siècle.
(2) Nihonshoki, K. S. T.K ., p. 539.
LA DANSE RITUELLE DANS LE CHINKONSAI. 337
la date du sixième jour de la onzième lune, sans que rien
n'indique qu'il ait précédé la Fête des prémices; de cette
dernière il n'est pas fait mention. Le rite continue à porter le
même nom : mitama furi(1), mais rendu par les caractères
chinois # in tchao-houen (2). La graphie etles lectures
Chinkonsai ou Mitama shizume no matsuri sont plus tardives;
on ne les rencontre que dans le Ryo no gige(s). Le Sandaijitsu
roku (4) Ell mentionne le rite de façon régulière, à la
date habituelle et suivi de la Fête des prémices. Dans l’Engå
shiki(5), le Chinkonsai est catalogué comme rite de la onzième
lune précédant la Fête des prémices.
Ainsi le Chinkonsai, en tant que rite impérial, ne remonte
pas forcément au temps de l'empereur Jimmu. Le rite a évolué.
L'examen des textes de l'époque de Heian révèle un Chin
konsai très complexe, une véritable cérémonie à la chinoise ,
dans laquelle on distingue sans peine cinq rites différents
accomplis en même temps et dans une intention quasi iden
(1) Mi, particule honorifique , précise que le rite est fait pour l' empe
reur.
(3) L 'expression chinoise a à la fois le sens de rappeler l'âme d 'un homme
qui vientde mourir, dans l'espoir de le voir ressusciter, et celui de rendre la
santé à quelqu'un en rappelant son âme; cf. To'eu yuan. Dans la Chine mo
derne, on pratique encore le tchao-houen pour des malades ou des personnes
dans une position critique. Un Chinois de Pékin m 'a dit que sa femme avait fait
faire le rite pour leur enfant dans les circonstances suivantes : le petit avait été
si effrayé que sa mère craignit qu'il ne perdît la raison. Elle fitappeler une sor
cière pour « rappeler l'àmen de l'enfant. La sorcière traîna par terre les vête
ments du bambin à l'endroit où celui-ci avait eu peur. Ce faisant elle cria le
nom personnel ming de l'enfant. Détail intéressant : en temps de pluie ,
on doit se håter de e rappeler l'âmen , car elle retrouve difficilement son
chemin .
(3) Op. cit., K .S. T.K . , XII , p . 70 .
(6) K. S. T.K ., IV , p. 70. La cérémonie eut lieu le quatorzième jour de la
onzième lune de l'an 860. L 'ouvrage, terminé en 908 ( cf. K . S.K .D ., p. 835 ) ,
couvre trois règnes, de là son titre d'« Annales authentiques de trois iègness ,
et une période de trente ans (858-888 ).
(6) Op. cit, K . S. T.K ., p. 128.
CCXVI .

• HIDAL
338 AVRIL -JUIN 1930. .
tique : 1° une opération consistant à agiter tama furi , 2° une
autre qui consiste à nouer , 3° la récitation d'une formule nu
mérale à valeur magique, 4° un chant, 5° une danse. La
difficulté consiste à expliquer comment une telle cérémonie a
pu se constituer . Voici commentje voudrais la résoudre :
Le premier de tes cinq rites est certainement très ancien. Il
n 'estpas nécessaire de lui attribuer la haute antiquité à laquelle
le fait remonter le Kujiki, où l'épisode de la remise des tré
sors sacrés a pu être introduit à seule fin d'expliquer l'origine
d'un rite pratiqué à l'époque de Heian et d'augmenter le pres
tige du clan qui était censé l'avoir accomplide toute antiquité ,
celuides Mononobe(1). Il n'en reste pas moins vrai qu'il était en
ura
usage à la cour avant la période de Nara et il est possible que
les Mononobe aient été chargés de l'accomplir à cette époque(2).
Le deuxième rite , celui qui consiste à nouer, à attacher
musubu, est pour le moins aussi vieux que le premier . Cinq
sur huit des esprits -protecteurs de la famille impériale portent
le titre de musubi , rendu par la graphie chinoise (ame).
L'emploi d'un tel mot n'a rien d'étonnant si l'on se rappelle
quelle conception les anciens Japonais se faisaient de l'âme.
Pour eux, c'était quelque chose d 'attaché au corps, mais de
(1) Les Mononobe prennent dans le Kujiki , ouvrage apocryphe, une impor
tance que ne leur avaient donnée ni le Kojiki ni le Nihonshoki : d'après ce
livre , l'ancêtre des Mononobe , Umashimaji , à peine mentionné dans les Annales ,
aurait célébré en l'honneur du premier empereur non seulement le rite de la
remise des palladia , mais aussi joué un rôle de premier plan dans la céré
monie d'accession au trône.
(2) L 'accaparement des fonctions rituelles par les Nakatomi à la fin du
vnu siècle , accaparement dénoncé par le Kogoshūi ( cet ouvrage est un réquisi
toire contre les Nakatomi), n 'est peut-être pas étranger à l'absence de ce rite
dans les descriptions données par les recueils de rites de l'époque de Heian :
le Jogan gishiki (cet ouvrage mentionne les trésors célestes , mais n 'indique pas
qu'on s'en soit servi au cours de la cérémonie ) et l'Engishiki. Notre hypothèse
aurait l'avantage d'expliquer pourquoi le Kujiki, dont certaines parties sont
un plaidoyer en faveur des Mononobe, tient tant à donner une origine divine à
ce rite.
LA DANSE RITUELLE DANS LE CHINKONSAI. 339

façon si précaire qu'il pouvait le quitter. L'âme était censée


aller et venir , par la bouche(1). Cette croyance était si répan
due qu'on avait inventé des moyensdece retenir l'âme en l'atta
chant, musubi todomeru(2). Un procédé consistait à nouer un
des pans du vêtement de la personne dont on voulait retenir
l'âme, pendant qu'on récitait une formule , celle-ci par exem
ple : re J'ai vu l'âme de quelqu'un que je ne connaissais pas,
mais j'ai attaché le bas du vêtement (3). On pouvait aussi lire
un passage d'un écrit(4) approprié. Dans le rite du Chinkonsai,
on nouait des yufu ou un fil. Le couvercle de la boîte au vête
ment étaitmaintenu par un cordon .
La formule numérale doit être, elle aussi, fort ancienne; sa
simplicité suffit à le prouver . Le verbe renforçait la puissance
magique du geste. Ban Nobutomo(5) fait remarquer judicieuse
(1) Un texte cité par Ban NobUtomo, op. cit., II, p. 629, dit : « Un enfant
sur le point d'être dévoré par un ours déclara à l'animal : Si j'ai quelque
partie du corps inutile pour soigner mon père, je te l'abandonnerai ; mais les
pieds sont utiles . . . ; sans bouche , l'âme par où pourrait-elle aller et
venir ? .. . ,
(2) Cf. un passage du fameux Genjimonogatari, éd. Kokubunkankokai, I ,
p . 272, col. 3 et suiv. On disait aussi tama musubi suru ; cf. un passage de
l'Ise monogatari, in B .G . T.K . , II, p . 88 ; cf. BAN NOBUTOMO , op . cit., II, p . 629,
col. 13 et suiv . Musubi todomeru se rencontre aussi dans un passage du Sago
romo monogatari, in B.G . T.K ., V, p. 463-464 ; cf. Ban NOBUTOMO, op. cit., loc .
cit., col. 10. Ces trois ouvrages datent de l'époque de Heian . Des procédés
analogues sont encore en usage aux îles Ryū-kyū.
(3) Fukuro no soshi de Fujiwara no Kiyosuke ( cf. K.S.K.D., p. 1717-1718),
mort en 1177 ( cf. K .S. K .D ., p. 6 , art. Ögisho) : Tama wamitsu wa tare 10
wa shiranu to mo musubitodometsu shimo kai no tsuma ; cf. Z .G . S . R .J., XVI,
k . 460 , p. 816 -817. Je ne comprends pas le mot kai. Le texte ajoute : « On
récite trois fois cette (poésie ); pour un homme on noue le tsuma de gauche
( tsuma désigne le bas d'un vêtement japonais ), pour une femme le tsuma de
droite. (On laisse ) passer trois jours (après quoi) on peut défaire le næud.»
(8) Un passage d'un autre texte dit : Si l'on veut fixer l'âme au repos tama
wo shizumen to , qu'on lise souvent un passage hilo kudarı d 'un écrit mifumi
(c'est-à-dire d'un sūtra , probablement d'un sutra tantrique) ; cf. BAN NOBUTOMO ,
op. cit., II, p. 629.
(5) Op. cit. , II, p. 651.
340 AVRIL -JUIN 1930.
ment que, dans cette formule , a dix» n'est pas lu tõ , mais tari ,
sans doute afin d 'évoquer le verbe taru , tari suffire, être
plein » . Répéter dix fois la formule (10 X 10 = 100 ans) ,
équivalait évidemment à accorder au souverain l'âge maximum
qu'un mortel puisse espérer atteindre.
Que penser du Chinkonka ? Est-ce vraiment un chant
archaïque oublié lors de la rédaction des Annales et des
Recueils de rites , mais conservé par bonheur dans le Nen
chügyõjihisho ? Je ne le crois pas. J'ai signalé une ressem
blance de vocabulaire entre ce Chinkonka et les cechants de
Kagura » Kagurauta just Ce n'est pas le seul rappro
chement possible ; à regarder le chant d'un peu plus près , il
m 'a semblé qu'il pourrait bien n'être qu'une composition tar
dive faite à l'aide d 'anciens « chants de Kaguran juxtaposés de
façon plus ou moins arbitraire. La troisième strophe n 'est en
tout cas pas autre chose que la seconde partie d'un des rares
Kagurauta conservés (1). Ces chants ayant été classés et remaniés
à une époque relativementtardive (2), il est très probable que
le Chinkonka sous sa forme actuelle , date de la même époque ,
c'est-à -dire du ix° siècle. Quelle que soit du reste la date du
texte , la rédaction , fautive en bien des endroits , montre qu'on
ne faisait plus guère attention au sens des paroles à l'époque où
il fut transcrit. La valeur magique que la tradition attribuait

(1) Voici ce chant; cf. Kojiruien & # , , vol. I ,


p . 158 :
Satsuwora ga motase no mayumi oku yama ni mikari su rashimo
Yumi no hazu miyu , yumino hazu miyu .
La seule différence est que le texte du Nenchūgyöjihisho , traduit ci-dessus ,
donne motaki pour motase. Motase est la forme correcte ; motaki ne s'explique
pas. Le sens est : « Les arcs mayumi que portent les chasseurs. Au cœur de
la montagnen , etc.
(9) Takano Tatsoroki Ź , Nihon kayoshi 8 # . p.121
et suiv., et Iba Ko ## , Nihon ongaku gairon * tot M A ,
p . 618.
LA DANSE RITUELLE DANS LE CHINKONSAI. 361
au chant importait plus aux ritualistes de Heian que sa signi
fication . Ils considéraient qu 'il contribuait au rappel de l'âme
impériale ; en le chantant, ils ne faisaient que se conformer à
l'usage. Le Chinkonka a une importance beaucoup plus grande
pour le critique moderne; c'est le seul texte qui renseigne de
façon précise sur l'intention dans laquelle on pratiquait le
Chinkonsai : on désirait (prendre) l'âme de la déesse so
laire , (1) en même temps qu 'on rappelait celle de l'empereur.

Ainsi les quatre premiers rites avaient une valeur identique;


chacun d'eux était capable de « rappeler l'Amen , de la mainte
nir e attachéen, et par suite de fortifier le corps dans lequel
elle résidait. N 'est-il pas naturel que les ritualistes de la cour
de Heian aient songé à les combiner pour former un rite plus
laboré et plus efficace ? Ce rite unique , accompli pour le béné
fice particulier du souverain , devait assurer avec le maximum
d 'intensité le renouvellement de son énergie vitale . Mais sa
simplicité laissait trop paraître ses origines populaires. Les
spécialistes à la chinoise de la cour impériale en firent une
cérémonie . Is remanièrent les rites pour leur donner un aspect
plus solennel. On écrivit le nom du tamafuri à la chinoise : #B
, on lui donna un nom chinois : Chinkonsai, on l'accom
plit à la chinoise en agitant un vêtement. L'exécution des
danses fut confiée à des sorcières officielles , celle des airs de
musique et des chants aux musiciens et aux chanteurs du
bureau de lamusiquenoble. Un fonctionnaire femme fut chargé
de agiter le vêtement» . Les rites qui consistaient à cenouer
l'âme , mitama musubi et à réciter la formule numérale , prirent

{") Noborimasu toyohirume ga mitama hosu , au début de la quatrième


strophe.
342 AVRIL -JUIN 1930 .
place dans la cérémonie . Ce nouveau Chinkonsai fut célébré à
peu près régulièrement jusque vers le début du xv° siècle (1). Le
rite pratiqué actuellement à la cour semble être un compromis
entre la cérémonie décrite dans les textes et ce qui en subsis
tait à la fin de l'époquedes Tokugawa : il n 'y figure plus qu'une
seule femme. Elle tient d'une main des grelots , de l'autre une
pique , et danse sur un baquet posé sens dessus dessous(2). Les
autres rites sont exécutés par des ritualistes du sexe masculin .
La durée de la cérémonie a été considérablement réduite .

IV

LE CHINKONSAI ET LA DANSE D’AME NO UZUME.


CONCLUSIONS.

Je viens d 'expliquer comment je concevais la constitution du


Cbinkonsai. Dans cette explication , je n'ai tenu compte que
des quatre premiers des rites qui le composent; reste le cin
quième : la danse . De quelle sorte de danse s'agit-il ? Quel en
est le sens ? Comment se fait-il qu'une danse exécutée d'après
la tradition , lors de la retraite de la déesse Amaterasu dans la
(1) Le rite ne fut plus accompli intégralement dès la fin du XIV° siècle ;
cf. ci-dessus , p . 322 , n . 4 . Je me demande si lc Chinkonsai ne suivit pas le
sort du Shinjõsai. Ce dernier rite , mal observé à l'époque des empereurs
Toba T et Sutoku t , c'est-à -dire de 1108 à 1141, fut délaissé
complètement de 1460 à 1688 , date à partir de laquelle il fut remis en pra
tique. Il fut remanié et restauré définitivement en 1740 ; cf. Tsugita JUN,
Norito shinko, p. 371-372.
(9) D . C . HOLTOM , op. cit. , p . 109-112. Cet ouvrage a été compilé d 'après
des travaux japonais modernes , à l'occasion des fêtes de l'avènement de Sa
Majesté l'empereur actuel. Aussi Jingijiten , art. Chinkonsai. Depuis l'ère de
Meiji, la cérémonie a lieu chaque année le 22 novembre , date purement arbi
traire.
LA DANSE RITUELLE DANS LE CHINKONSAI. 348

recaverne célesten , ait pu être incorporée dans la cérémonie


destinée à re fixer l'ame impériale » ? La critique des textes l'ap
prendra peut-être .
L'examen des quatre versions de l'épisode de la retraite de
la divinité solaire (1) révèle que l'ordre observé dans leur rédac
tion est pour ainsi dire le même. On indique les forces mises
successivement en jeu par les coadjuteurs d 'Amaterasu . Le mé
rite d 'avoir fait sortir la déesse solaire de sa retraite ne revient
pas uniquement à Ame no Uzume. La réapparition de la déesse
est due tout autant à la valeur des talismans et des prières
qu'à la puissance d'attraction de la danse. L 'interprétation
semble dès lors facile ; nous aurions affaire à une série d 'actions
magiques : les cris des coqs appellent le soleil au dehors, la
sorcière qui danse en brandissant un attribut solaire incite
Amaterasu à ouvrir la porte , le miroir supprime pour la déesse
toute raison de rester cachée . Ne possède-t-on pas d'elle une
image parfaite ?
Une telle explication a le défaut d 'être incomplète et super
ficielle ; elle n 'indique pas pourquoi le soleil s'était caché. Elle
oublie qu'il ne s'agit nullement de mythes à l'état pur, mais
au contraire de légendes profondément remaniées et semi-his
toriques. Pour y voir clair, il importe d'éliminer tout ce qu'il
peut y avoir d 'historique dans les récits.
Les chroniqueurs de Nara avaient, on le sait, des préoccu
pations politiques. Elles se laissent déceler aisémentdans l'épi
sode de la retraite de la déesse solaire. Plus que de raconter
une légende, il s'agissait pour les compilateurs de montrer
pour quelles raisons l'exercice des fonctions sacerdotales à la
cour était le monopole de trois clans, à l'exclusion de tout
autre. C'est à mon avis la raison pour laquelle Ame no Koyane
no Mikoto , l'ancêtre des Nakatomi, Futotama no Mikoto , l'an

(1) Voir l'appendice à la fin de cet article , après la page 350.


344 AVRIL -JUIN 1930 .
cêtre des Imibe , et Ame no Uzume, l'ancêtre des Sarume, sont
seuls cités commeayant aidé l'ancêtre impériale dans une occa
sion aussi grave. Ce sont là des projections sur le plan mytho
logique des fonctions tenues par ces clans à l'époque de la
rédaction des Annales.
Les compilateurs obéirent aussi à des préjugés. A une société
plus cultivée, il fallait une littérature officielle plusmorale et
plus grave . Les historiens expurgèrent les récits avant de les
mettre par écrit : le Nihonshokipasse sous silence les gestes im
pudiques d'Ame no Uzume. Il convenait demettre en relief le
prestige grandissant de la dynastie ; sur ce point, le dernier
venu , le Kujiki, renchérit encore sur ses devanciers. Il affirme
que Susanowo souilla le palais au moment où sa sœur allait
célébrer le Daijõsai et le Sbinjõsai. Qu'importe une invraisem
blance si elle augmente l'horreur du sacrilège commis ? Ama
terasu n'est plus traitée comme une déesse solaire sans rapport
1e

avec les affaires de cemonde; les scribes parlent d'elle comme


ils parlent de l'empereur, les aides de la divinité agissent exac
tement comme des fonctionnaires de la cour. Ce respect crois
sant est visible dans les textes : on n'écrit plus que l'ancêtre
auguste s'est blessée ; si elle s'est retirée dans la caverne , c'est
parce qu'elle est tombée malade, parce qu'elle est courroucée.
Il est toutefois un point de la légende que les chroniqueurs
n 'ont pu inventer : la retraite du soleil , quinécessita l'emploi
de rites spéciaux pour le faire réapparaître. Faut-il admettre
qu'il s'agit d 'une éclipse (1)? Certainement non ; on ne com
prendrait pas alors commentun rite purement accidentel aurait

(1) Motoori admet la disparition du soleil , mais ce fait le rend perplexe :


Si le dieu solaire mourait , ce serait la fin du monde , anashiko , anashiko !
( ah ! quel malheur, les dieux nous en préservent!)» ; cf. Kojikiden , VIII , à la
fin du commentaire du premier texte. Les commentateurs modernes , cf. par
exemple Tsugita Jun, op. cit., p. 105 et 114 , ne cherchent plus à expliquer
la disparition du soleil par une éclipse, Ils pensent que la déesse solaire serait
LA DANSE RITUELLE DANS LE CHINKONSAI. 345
donnélieu à la création d'un rite annuel, Ne serait-ce pas plu
tot un rite agraire ?
réellement morte ; la « caverne céleste , serait son tombeau. Voici sur quoi
ils fondent leur opinion :
1° On trouve dans le Manyōshū l'expression iwa-gakuru ,qui signifie
amourirs , en parlant d'une personne de très haut rang. Dans l'antiquité, les
grands personnages étaient ensevelis dans des cercueils de pierre placés dans
des chambres funéraires souterraines . Chaque chambre, dallée , était recou
verte d'un tumulus de pierres et de terre. La « porte de la caverne , serait la
dalle qui fermait l'entrée du tombeau ou le couvercle de pierre du cercueil.
gº Les textes disent que la seur et les compagnes de la déesse solaire se
blessent et meurent. Amaterasu s'étant blessée , les commentateurs en con
cluent qu'elle meurt elle aussi.
3* Les cérémonies faites par les dieux et par Ame no Uzume seraient des
rites funéraires.
Je ne crois pas devoir me ranger à l'avis des commentateurs japonais. En
effet :
1° Je ferai remarquer que, dans le cas supposé, il s'agirait d 'un enterrement
définitif , et que par conséquent, dans un tel cas, il serait vain d'essayer de
rappeler à la vie la personne ensevelie. On pourrait tout au plus rappeler son
åme. Il ne faut pas non plus faire dire aux textes ce qu'ils ne disent pas; les
Annales portent : ame no iwaya-to wo tatete sashi-komorimashimashiki - elle
ſerma (sur elle ) la porte de la demeure -rocher du Ciel et y resta recluse»
(Nihonshoki). On n 'y trouve pas le verbe kakureru , qui seul pourrait donner
le sens de ese cacher, mouriro ; les textes disent seulement qu'Amaterasu fit
retraite dans sa demeure. Iwato (Kojiki) désignait les portes du palais" ;
cf. Kogoshũi, trad . Kato GENchi, op . cit., p. 70 , n . 60. Le Nihonshoki parle
d 'une grotten; j'ai traduit redemeure- rochern. Cf. un autre exemple in
Kojiki, K.S.T.K., VII, p.67.
gº Le fait que les compagnes de la déesse solaire se blessent et meurent
n'autorise nullement à conclure qu'Amaterasu meurt aussi. La blessure , la
maladie d 'Amaterasu indiquent seulement une diminution momentanée de
vitalité. Il s'agit du soleil au moment du solstice d'hiver ; cf. plus loin , p . 317
etsuiv.
3° Je ne pense pas que les rites faits à l'entrée de la caverne célesten
soient des rites funéraires. Motoori a donné à ce sujet une explication fausse :
cherchant à expliquer les e réjouissances » (mauvaise explication du mot asobu )
qui suivirent la mort d 'Amewakahiko , cf. Kojiki, K.S.T.K ., VII, p. 46 , cet
auteur dit que les parents du dieu imitèrent ce qui s'était passé lors de la
346 AVRIL - JUIN 1930.
La civilisation du Yamato était essentiellement une civilisa
tion agricole , mais les anciens Japonais n'avaient aucune idée
du calendrier . Leur vie d 'agriculteurs suivait tant bien que mal
la marche des phénomènes naturels. Leur année était une
année agricole , comprenant non pas quatre saisons bien déter
minées , mais deux périodes de travaux champêtres essentiels ,
semailles et récolte du riz , séparées par deux intervalles de
repos, l'un avant, l'autre après la moisson. L'apparition des
pléiades subaru ( bo nm ) à l'ouest annonçait l'approche de la
récolte du riz précoce!!). Celle du riz tardif se faisait en au
tomne, au moment du cepetit printemps» koharu o , l're été
de la Saint-Martin » japonais(2).La moisson engrangée ,l'année
disparition du soleil : en se réjouissant, les dieux avaient fait réapparaître
Amaterasu; la famille d'Amewakahiko espérait faire renaitre son parent en
employant le même procédé; cf. Harada Kyuichi, op . cit., p . 46. Motoori a
évidemment tort de respecter l'ordre chronologique des mythes dans les An
nales. Il n 'a pas vu qu'il s'agissait de pratiques de sorcières dans le cas de
la retraite d 'Amaterasu comme dans celuide la mort d 'Amewakahiko. L'analogie
des personnes explique l'analogie des rites. Ces rites n 'ont rien de funéraire ;
les sorcières les pratiquent au contraire pour rappeler une âme, c'est-à-dire
pour empêcher la mort.
Les commentateurs n 'avaient pas encore cherché à interpréter le sens de la
danse d'Ame no Uzume. M . Matsumoto Nobuhiro , op. cit., p. 81-90 , vient
d 'en proposer une explication. Il pense que « la danse de la déesse Ama-no
Uzume fut . . . célébrée pour rappeler l'âme de la Grande Déesse. En effet ,
dans ce mythe se trouve l'idée de la mort de la Grande Déesser, op. cit.,
p. 87-88. Il admet comme certain qu'Amaterasu estmorte , et en conclut que
cela danse était nécessaire pour faciliter l'auguste naissancen des âmes impé
riales. Cette théorie est ingénieuse ,mais elle ne montre pas nettement com
ment une danse destinée à faire renaître Amaterasu défunte a pu être mise
en relation avec la danse exécutée lors du Chinkonsai, rite annuel destiné à
donner de l'énergie à l'âme d'un empereur vivant.
(1) Ces renseignements se trouvent dans le Nihon minzoku shi 8 *
to de M . Nakayama Taro tu te 3 , p. 209 et suiv. On distingue
trois sortes de riz : le riz précoce wase , le riz de mi-saison nakate , et le riz
tardif okute; cf. NISAIMURA SHindi , op. cit. , p . 281.
(9) Le riz tardif était coupé à la fin du dixièmemois lunaire et koharu
désignait couramment la dixième lune. La fête des prémices pouvait donc avoir
LA DANSE RITUELLE DANS LE CHINKONSAI. 347
agricole était terminée (1). La période hivernale commençait.
Le phénomène naturel le plus saillant de la fin de l'année était
certainement le solstice d 'hiver(2). Les habitants de l'ancien
Yamato n 'avaient pas été sans remarquer que l'activité solaire
diminuait graduellement après les grandes chaleurs de l'été.
Ils avaient constaté qu 'à un moment correspondant à la fin de
décembre de notre année solaire, le soleil paraissait se lever et
se coucher plusieurs jours de suite au mêmepoint au-dessus de
l'horizon. A ce mêmemoment, l'activité humaine était ralentie ,
la terre était dénudée, les animaux comme engourdis. Tout
cela sans doute parce que le soleil faisait retraite . Qu'arrive
rait-il si l'astre de vie ne reprenait pas ses forces au plus vite ?
Les anciens Japonais durent chercher un moyen efficace pour
parer à un événement aussi néfaste . Ils n'en trouvèrent point
demeilleur que celui employé par les sorcières pour rendre la
santé aux malades et la vie auxmoribonds. En dansant, la sor
cière rappelait l'âme dans le corps. Elle se servait au cours de
sa danse d'une lance , d'un miroir etde grelots. On la pria , une
fois par an , de danser pour rappeler l'âme du soleil et la rani

lieu dès le début du onzième mois lunaire . Il est impossible de savoir si, au
Vuº siècle , elle devançait ou non le Chinkonsai ; elle le suivit en tout cas à
partir du commencement du 11° ; cf. Ryo no Gige , op. cit. , K .S . T .K ., XX ,
p . 70 .
(1) Le T'sin chou , cf. Ishū-nihon-den # * in Shisekis
hūran # , XX, p . 19 , dit expressément : e Ils (les Japonais ) ne
connaissent pas les quatre saisons de l'année correcte , mais comptent les
récoltes d'automne, et c'est ce qui représente (pour eux) le nombre des
années . .
(1) Le solstice d'hiver tõji Ķ avait une importance exceptionnelle pour
les Chinois. A partir de ce moment de l'année, le Yin , principe femelle ,
qui avait atteint son plein développement, était battu par le Yang Ba, prin
cipe måle , qui « revenait, lai fou 7 , renaissait. Cette conception a pu
contribuer à l'élaboration de la cérémonie japonaise du Chinkonsai : l'âme
rappelée étant yang (cf. BAN NOBUTOMO, op. cit., II, p. 634, col. 14
15 , en bas) , il était naturel qu 'on la rappelât au moment où le Yang e reve
paitn.
348 AVRIL -JUIN 1930.
mer. Telle est, je pense , la raison d'être de la danse d 'Ame
no Uzume dans le Chinkonsai célébré chaque année , du cou
cher au lever du soleil, entre le sixième et le vingt-troisième
jour de la onzième lune, c'est-à -dire justement entre le 15 et
le 31 décembre de notre calendrier moderne.
Les rites qui accompagnent la danse d'Ame no Uzume ser
vent à renforcer l'effet de la danse : le chant des coqs appelle
le soleil levant; le soufflet , le feu , sont destinés à lui redonner
chaleur et souffle ( vie ). Lemiroir à l'image du soleil garantit
à l'homme la possession , de l'astre et lui donne un moyen
de le commander. Les sauts, les coups de pied et les coups de
lance de la danseuse sont autant de manifestations de sa vo
lonté de ranimer l'astre du jour. Elle « désire » , comme le dit
le Chinkonka, e l'ame du soleil qui monte ». Le mot employé
pour désigner la mimique de la sorcière ne laisse aucun doute
sur ce point; c'est le même que celui qui sert à qualifier la .
danse de Hosusori, waza -ogi su . Le terme désigne la mimique
particulière du sorcier ou de la sorcière(2), lorsqu'ils rappel
lent les esprits , kami wo maneku 18 ja, le kami du vent par
exemple . Quoi d 'extraordinaire à ce que la sorcière ait fait les
mêmes gestes pour « appeler , le kamisolaire ?
Il est un aspect de la danse dont notre explication n 'a pas
encore tenu compte ; son aspect sexuel et .comique. Quel rap
port concevoir entre l'acte décrit dans le Kojiki : « possédée par
un esprit kamugakari, elle sortit ses seins et abaissa le cordon de
son vêtement jusqu'à son sexen et le rite solsticial dont il vient
d'être question ? Motoori(2) fait remarquer que la sorcière
est sous l'empire de la possession . C'est, dit-ii, parce qu'elle
est possédée qu'elle se livre à des contorsions. Si elle fait des
gestes obscènes, c'est parce qu'elle a perdu tout contrôle
(1) Kasa-wogi su , cf. Harada Krbichi, op . cit., p. 38.
(3) Kojikiden , VIII, vers la fin du commentaire du même passage du Kojiki,
LA DANSE RITUELLE DANS LE CHINKONSAI. 349
d'elle-même. Motoori a raison . Je crois pourtant qu'on doit
attribuer une signification plus profonde aux gestes de la dan
seuse. Commebien des rites , la danse d'Ame no Uzume a un
double aspect : elle contribue, d 'une part à entretenir la vie ,
de l'autre à repousser la maladie et la mort. La pantomime,
obscène à nos yeux , devait avoir une valeur toute différente à
ceux des anciens Japonais : montrer ses seins, exhiber son
sexe, c'était affirmer magiquement la fertilité de la terre ; elle
venait de donner une récolte , réchauffée par les rayons du
soleil ranimé, elle en donnerait encore une l'année sui
vante ). C 'était aussi un moyen puissant de terrifier les dé
mons : Ame no Uzume l'employa pour subjuguer le dieu
Sarudahiko(2) ; pourquoi n'en aurait - elle pas usé
pour écarter les esprits démoniaques du lieu où se fit le
rappel de l'àme? Il reste enfin un point auquel on ne saurait
trop faire attention . Les textes disent que les exhibitions de la
sorcière provoquèrent l'hilarité des dieux. Ne peut-on pas voir
là une violente rupture de tabou , destinée à amener la fin
d'une situation angoissante ? Les dieux rient, alors qu'ils de
vraient être dans l'anxiété. Ameterasu intriguée sort immédia
tement. Le rire a provoqué une détente et mis fin à une situa
tion anormale .
Il reste à expliquer comment une pratique destinée à rani
mer le soleil au moment du solstice d'hiver a pu devenir un

(1) Aux Ryūkyū , la fête de la récolte se passe près du temple et la noro y


joue un rôle essentiel ; cf. NISHIMURA SHindi , op. cit., p. 311.
(3) H .Q.S.R ., p. 190. Les sorcières dansaient souvent dévêtues devant les
kami, cf. Ira, Ryūkyū kokonki, op . cit., p. 366 et suiv. L'auteur rappelle le
cas d'Izumi Shikibu Fu ť B , à laquelle la miko du temple de Kifune
# conseilla de danser nue devant l'autel. Cf. Nakayama Tano, Baisho
ranzennenshi, op. cit., p . 72, aussi la revue Minzokugeijutsu E PÀ ito ,
1, p . 69 , et la revue Minzoku & te , II, 3 , p. 451. Les parties sexuelles de
la femme passaient pour être redoutées des démons; on les appelait oni wo
kuu kuchie la bouche qui mange les démons» .
350 AVRIL -JUIN 1930 .
rite pratiqué exclusivement pour l' empereur. J'aimontré que no
le Chinkonsai n 'était devenu une prérogative impériale qu'à
l'époque historique,vraisemblablement vers la fin du viie siècle
de notre ère. La savante théologie qui ft d 'Amaterasu la divi
nité suprême datant vraisemblablement de la même époque,
il n'est guère difficile de deviner ce qui a dû se passer : d 'après
la conception nouvelle , l'empereur détenait le pouvoir de son
ancêtre céleste , il avait sur terre des droits et des devoirs
identiques à ceux d’Amaterasu au ciel. Sa personnalité était
de même essence que celle de la déesse . N 'était-il pas naturel
dès lors que l'existence de l'empereur suivît le rythme de la vie
de sa divine parente ? Puisqu'en l'animant le soleil au moment
du solstice d 'hiver on lui redonnait des forces pour toute l'an
née suivante , il était logique de ranimer en même temps l'âme
impériale . On la « rappela , par une danse et des chants , on
la « secoua , et on la « noua » en récitant une formule numérale .
Ainsi s'expliquerait la transformation , un peu inattendue , de
l'ancien rite du solstice, populaire et agricole , en un rite im
périal.
* *

En résumé, le Chinkonsai que font connaître les textes, est


un rite complexe composé de cinq rites anciens, parmi lesquels
la danse d’Ame no Uzume occupait une place très importante .
Cette danse était à l'origine une mimique de sorcière, à la
quelle on attribuait le pouvoir de cerappeler , et de fixer au
repos» l'âme d'un vivant. Le fait qu'elle se trouva associée à
un rite solsticial devenu par la suite une prérogative impériale
lui assura une destinée inattendue. Elle futregardée dès lors
comme la danse sacrée par excellence. Ainsi s'explique que la
con e

Tradition fasse dériver d'elle , non seulement les danses reli


gieuses , le Kagura par exemple , mais aussi l'art dramatique
japonais, le No te en particulier.
ino) ; 3° c
SOCIÉTÉ ASIATIQUE.

SÉANCE DU 10 JANVIER 1930.

La séance est ouverte à 5 heures , sous la présidence de M . S . Lévi,


président.
Étaient présents :
MllesGALLAUD , Lalou ; M * Porée ; MM . Alcotte de la Fuře , Bas
MADJIAN , A .-M . BOYER , Bouvat,Durr , Eisler , FADDEGON , Favre, FERRAND ,
Février , GAUDEFROY-DEMOMBYNES, Grousset, HUMBERT, Jean , Jouveau
DUBREUIL , MARÇAIS , MASPERO, Masson-OURSEL , Meillet, Nav , NIKITINE,
Rıza Nour, Pelliot, PRZYLUSKI, SIDERSKY, Takaïchvili, TOPTCHIBACHY,
VIROLLBAUD , Vosy-Bourbon , Weill , membres ; BenvenisTe, secrétaire.
Le procès- verbal de la séance du 13 décembre 1929 est lu et adopté.
Est élu membre de la Société :
M . Hilnı Ömer Bey, présenté par MM . Boyer et Dumézil.
Présentation d'ouvrages : Oughouz-Name, par Rıza Nour Bey ;Nakaya,
Study of the Stone AgeRemains in Japan , par M . S. Lévi.
Le Conseil de la Société désigne comme trésorier M . Bacot, avec tous
les pouvoirs afférents à ce titre , pour la durée de l'absence de M . Hackin .
M . R.Weill entretient la Société des problèmes que pose l'arrivéedes
Achéens sur la Méditerranée au II° millénaire. A l'aide des vestiges topo
nymiques de leur colonisation , il essaie de déterminer les voies de leur
progression en Asie Mineure et leurs relations avec les Hiltiles.
Cette communication amène M . Meillet à indiquer ce que la réparti
352 AVRIL -JUIN 1930.
tion des dialecles grecs enseigne sur le peuplement achéen de la Grèce
et de l'Asie Mineure.
La séance est levée à 6 heures 30 .

SÉANCE DU 14 FÉVRIER 1930.

La séance est ouverte à 5 heures , sous la présidence de M . S. Lévi,


président.
Étaient présents :
Mºe Gallaud , LALOU ; MM . Bacot, BASMADJIAN , Bloch , Bouvar, Caba
TON, COHEN , Eisler , FADDEGON, Favre, FÉVRIER, GRENARD , GROUSSET,
HADJIBEYLI, I. Lévy, LOURETTE , Macler, Marçais , Masson -OURSEL,
Minorske, NIKITINE, Pelliot, Renou , DES ROTOURS, SAUBIN , TakaïcaVILI ,
TOPTchibachy, Virolleaud , Vosy-BOURBON, Ware,membres; BenvenisTE ,
secrélaire.
Sont élusmembres de la Société :
M " LAVERGNE , présentée par MM . S . Lévi et Masson -OURSEL;
Mes Cuisinier, présentée par MM . CABATON et GROUSSET;
• Nitti, présentée par M ** STCHOUPAK et M . J. Bloch ;
MM . Buhot, présenté par MM . Bacot et Grousset;
DUCOURNAU , présenté par MM . Renou et BENVENISTE ;
JABLONSKY, présenté par MM . Pelliot et FERRAND;
Millor, présenté par MM. Renou et GROUSSET;
Mossé, présenté par MM . Boyer et SIDERSKY;
Posener , présenté par MM . I. Lévy et Weill ;
Scuunt , présenté par MM. S. Lévi et Masson-OURSEL .
Présentation d'ouvrages : 1.STCHOUKINE, La peinture indienne à l'époque
des Grands Mogols , par M . FERRAND.
M .MINORSKY fait part de la perte qu'éprouvent les études orientales
par la mort de J. Markwart. M . Lévi exprime les regrets que cause à
la Société le décès prématuré de M ". Linossier.
M . GRENARD est élu à titre provisoire membre de la Commission des
fonds , en remplacement de M . Bacot, trésorier. Cette élection devra
être ratifiée , selon la règle, par l'assemblée générale.
SOCIÉTÉ ASIATIQUE. 353
M . Ch. VIROLLEAUD fait une communication sur les tablettes cunéi
formes découvertes en mai 1929 à Ras- Shamra (Haute-Syrie) par
MM . Schaeffer et Chenet. La plupart des tablettes, qui remontent au
XII° ou au xirº siècle avant J.-C ., sont rédigées en une écriture cunéi
forme inconnue, quicomprend 26 ou 27 signes et doit être alphabétique.
Les mots sont séparés et leur brièveté fait croire que les voyelles n'étaient
pas notées. Malgré la difficulté actuelle d'un déchiffrement, il faut pro
bablement orienter la recherche vers Chypre etle monde égéen .
Observations de MM . Eisler, FORRER el SIDERSKY .
M . Forrer , dans une communication faite exceptionnellement le
21 février, expose ses vues sur la stratification des langues et des peuples
dans l'Asie Mineure ancienne. Il essaie de démêler les rapports et l'im
portance respective des éléments luwi et hittite en Asie Mineure, ainsi
que leurs relations avec l'égyptien et le sumérien. Il termine en résu
mant chronologiquement le peuplement de l'Asie Mineure depuis les
temps les plus anciens jusqu'aux Grecs.
La séance est levée à 6 heures 30 .

XVIII' CONGRES INTERNATIONAL DES ORIENTALISTES

[Secrétariat : Musée ethnographique,


Rapenburg , 67 /09, Leiden (Pays- Bas).]

Première communication ,
En vertu de la décision prise le 1er septembre 1928 à la dernière
réunion du XVII° Congrès international des Orientalistes à Oxford , le
XVIII Congrès devra se réunir aux Pays -Bas.
Un comité s'est formé dans la ville universitaire de Leiden pour
organiser la préparation du prochain congrès. Ce comité a décidé pro
visoirement que le XVIII°Congrès se réunira à Leiden (lieu de réunion
du VI° Congrès en 1883) dans la semaine du 7 au 12 septembre 1931.
Le comilé adresse celle première communication aux orientalistes
et aux sociélés orientalistes en les priantde lui accorder leur collabora
tion , pour que le congrès soil assuré d'une réussite complèle. Nous
CCXVI.
INRIsaia JATIGUALE ,
354 AVRIL -JUIN 1930.
espérons qu 'on voudra donner au contenu de la présente communica
tion une publicité anssi grande que possible.
Le comité se propose de faire paraître dans quelques mois une
seconde communication , accompagnée de l'invitation définitive pour le
congrès.
Leiden , avril 1930.
J. H . KRAMERS ,
Secrétaire .
COMPTES RENDUS .

H . L. Rabino di Borgomale. MÁZANDARĀN AND ĀSTARĀBAD ( E. J. W . Gibb


Memorial, New Series, vol. VII). -- London , Luzac and Co., 1928 ;gr. in-8°,
IXN + 171 + 235 pages.
Vice-consul d'Angleterre à Recht de 1906 à 1912, M . H. L. Rabino,
maintenant consul général à Salonique, avait recueilli, pendant son
séjour, une documentation des plus complètes sur les provinces cas
piennes. Il l'avait utilisée , en partie , pour son grand ouvrage sur le
Gīlān (1), et pour quelques études sur diverses questions, l'agriculture
en particulier. Nous regretlerons avec lui, et encore plus que lui , que
la cherté de l'impression ne lui ait permis de donner, dans ce volume
sur le Māzenderān et Asterābād , que le tiers des matériaux qu'il avait
réunis de 1906 à 1922 , et pour lesquels il avait mis à profit deux
voyages ,faits au printemps de 1908 et à l'automne de 1909, des chro
niques à peine connues et les renseignements dus à l'érudition de
MM . E . G . Browne et Nicholson .
Le Māzenderān , ainsi nommé depuis l'invasion mongole , correspond
au Țabaristān e pays montagneux » , district de l'ancienne province de
Faršvadgār , et doit son nom , primitivement Mūz-Andarūn , à la mon
tagne de Mūz , située sur les confins du Gilān (p. 3). Il forme actuelle
ment treize districts ; dans plusieurs d'entre eux , la charge de gouver
neur est héréditaire. Les principales villes sont avec Sārī, la capitale ,
Bărfurūš, centre commercial, Mešhed-é Ser et Ašraf. Les habitants ,
considérés comme les Béotiens de la Perse , et dont Fraser fait un por
trait peu flatlé ,mais exact d'après M .Rabino (p. 11), sont plus vigou
(1) Les Provinces Caspiennes de la Perse. Le Guilan . Paris , Librairie Ernest
Leroux, 1917, 2 vol. gr. in - 8°. Forme les tomes XXXII ( texte ) et XXXIII
( illustrations ) de la Revue du Monde musulman.
23 .
336 AVRIL -JUIN 1930 .
reux , mais moins intelligents que ceux du Gīlān . A part un petit
nombre de Kurdes 'Ali-Allāhis ou Sunnites , et les 700 juifs de Bār
furūš, tous sont des musulmans chiites ; beaucoup d'entre eux reven
diquent le titre de Seyyed . Leur langue usuelle est le māzenderāni,
vieux dialecte persan ; ce n'est que dans les villes que l'on parle le persan
classique ; le dialecte gilek est en usage à Tunekābun. Les tribus d 'ori
gines variées (turque, kurde, arabe, béloutche, afghane) de la pro
vince ont en général oublié leurs anciens idiomes ; quelques -unes
seulement parlent encore le turc ou le kurde. Les 30 ,000 familles
arméniennes ou géorgiennes amenées par Sāh 'Abbās sont aujourd 'hui
éteintes ou fondues dans le reste de la population , évaluée à 250,000
ou 300,000 âmes. D 'accès difficile , couvert de broussailles au Nord ,
de forêts au Sud , le Māzenderān est un pays malsain , mais fertile et
abondant en productions de toute sorte : la pêche , la culture du riz ,
la sériciculture y sont d'un bon rapport, et les fruits de la province
sont renommés . Ses revenus annuels sont évalués à 150,000 tomans.
La province d'Asterābād est comprise entre la rivière Gurgān ,
l'Elburz , la Caspienne, le Māzenderān , le district deJājarm et le khanat
de Nārdin . Elle forme septdistricts. Fertile et cultivée , elle se compose ,
sauf au Sud , de plaines traversées par plusieurs cours d'eau et où l'on
trouve de magnifiques forêts. Ses habitants sont surtout des Tājiks,
auxquels se joignent quelques tribus turques ou kurdes , comme les
Girayli ( turcs ) et les Hājīlar (turcs ou béloulches d 'origine ?). A part
un petit nombre de Turkmènes, tous sont chiites. Ils parlent, avec les
dialectes māzenderāni et tale , le persan classique, le turki et le turk
mène. Les nombreuses invasions dont la province a été victime ont
donné à sa population un caractère belliqueux.
L'ouvrage de M . Rabino comprend deux parties, l'une en anglais ,
l'autre en persan. La première est ainsi composée : une courte préface ,
unebibliographie (p. XVII-XXII), des notes sur l'Histoire du Gilān et du
Deülemistān de Mir Zahir ed-Din , et onze chapitres traitantdes matières
suivantes : 1° Tabaristān (description générale); 2° de Rechtà Hurre
mābad (districts de Sahlsar et deGulayjān ); 3º districts de Tunekābun ,
Kujūr et Nur ; 4° d 'Āmol à Bārfurūš ( histoire d 'Āmol , ses monuments ,
description d 'Ibn Hauķal, districts de Lāhijān et de Savādkūh ); 5° Bār
furūš,son district, ses habitants, ses monuments, district de Farahābād ;
6° Sārī et son district , histoire et archéologie , les districts de Hazār
jarīb ; 7° de Sārī à Bandargaz par Nārinjbağ et Ašraf, le district de
Kulbād , routes et monuments; 8º la baie d'Asterābād et le comle
Voïnovitch , Ašūrāda, les districts d ’Anazan et de Sadan -Rustāk , la ville
COMPTES RENDUS. 357

d'Ăsterābād et son histoire , notice d’Al-Mokaddasi, archéologie et épi


graphie; 9° description de la province d'Asterābād , Aga Mohammed
Han et les Turkmènes , districts de Sahkūb-Săvar, Anazān-Rustāk,
Kalūl, Findarisk , Kühsar,places fortes, la tribu des Hājīlar; 10° d'As
terābād à Gunbad-é Ķābūs : la région du Gurgān , son climat, ses villes,
ses ruines , descriptions d'Al-Mokaddasi et de Mostawfi ķazvini; le
Dahistān et ses vicissitudes ; 11° de Gunbad-é Ķābūs à Unšali : les
tribus turkmènes, leurs meurs, leur mode de gouvernement, leurs
occupations; il est possible de les rendre pacifiques, Radkān , sa tour et
son caravansérail, voyage de Radkān à la Caspienne. Deux appendices
contiennent : l'un des listes , par districts, des localités des deux pro
vinces ; l'autre, la chronologie des souverains et gouverneurs du Mäzen
derān . De nombreuses notes (p. 150-166 ) sont suivies de la liste des
ouvrages de l'auteur et de deux index : l'un pour les noms propres ,
l'autre pour les noms ne figurantpas dans l'index persan .
La partie persane est un recueil des inscriptions relevées par
M . Rabino dans les provinces caspiennes : presque toutes existent sur
des édifices religieux , et il fautmentionner en particulier celles du tom
beau de Zeyn el-'Ābidin à Sārī (p . 21) et du wakf destiné à alimenter en
eau la ville d'Asterābād (p. 46 ). Au total, 44 inscriptions, dont 1
pour Tijin Gūka, 3 pour Lāhijān, 1 pour Sayhānbar, 2 pour Āmol,
5 pour Bārfurūš; 1 pour le tombeau de Sultān Mohammed Țāhir,
1 pour Abū 'l-Hasankalā , 1 pour Meshed -é Ser, 3 pour Sāri , 1 pour
Āzādgala, 1 pour Nikā , 13 pour Āsterābād, 1 pour Herābė- Šahr,
1 pour Rawšanābād, 1 pour Lāmisk , 1 pour Sumām , 6 pour Recht,
1 pour Fildih . Deux index, l'un pour les noms de personnes , l'autre
pour les noms géographiques , aident pour les recherches dans les deux
parties.
Deux cartes accompagnent le texte , l'une pour l'ensemble des deux
provinces, l'autre pour la région comprise entre Firūzkūh et Bārfurūš.
Joint aux deux volumes consacrés au Gilān , cet ouvrage est appelé à
rendre les plus grands services à ceux qui s'occupent des provinces cas
piennes.
Lucien Bouvat.

Julián RIBERA Y TARRAGÓ , de las Reales Academias Española y de la Historia.


Disertaciones y Opusculos. Edición colectiva que en su jubilación del prole
sorado le ofrecen sus discípulos y amigos (1887-1927). Con una Introduc
358 AVRIL -JUIN 1930 .
ción de Miguel Asin Palacios, de las Reales Academias Española , de la
Historia y de Ciencias Morales y Politicas. - Madrid , Imprenta de Esta
nislao Maestre, 1928; 2 volumes in-8°, cxv1-637 et 797 pages, portrait.
En dehors de ses ouvrages de longue haleine, M . Julián Ribera avait
publié , au cours de sa carrière, nombre d'études sur les sujets les plus
divers : histoire , littérature , philosophie , pédagogie, questions poli
tiques et sociales , musique. La plupart de ces travaux,qui contiennent,
avec des thèses originales, tant d'idées neuves, étaient épuisés : on
saura donc gré à ses élèves et amis d'en avoir publié un recueil au mo
ment où le maitre, quittant sa chaire de l'Université centrale après qua
rante ans d'enseignement, allait se consacrer exclusivement à ses
recherches scientifiques.
Le premier volume, contenant les travaux relatifs à la littérature ,
l'histoire et la civilisation arabe et à l'élément scientifique dans l'histoire ,
s'ouvre sur une introduction dans laquelle M . Miguel Asín , élève de
M . Ribera à l'Université de Saragosse et plus tard son collègue à celle
de Madrid, a donné un aperçu excellent de la vie et de l'œuvre d'un
arabisant qui est aussi un historien, un philosophe et un sociologue, et
qui a exercé une heureuse influence sur ses compatriotes. Il leur a mon
tré l'importance du côté minterne" , ou culturel, de l'histoire , trop long
temps sacrifié au côté « externen, ou politique, et la continuité dans la
civilisation :c'est ainsi que telle institution de l'Espagne chrétienne, le
justicia (magistrat chargé de réprimer les abus de tout ordre ) d'Aragon
par exemple , vient de l'Islam , qui l'a lui-même empruntée à la Perse.
En pédagogie , ce qui importe , à ses yeux, n 'est pas la manière d'en
seigner,mais celle d 'apprendre. Toute son ouvre est dominée par celte
pensée : connaître les causes et les principes. Après celte introduction
viennent :
El Cancionero de Abencuzman (p. 3-92), discours de réception à l'Aca
démie espagnole ,le 26 mai 1912, suivi de la réponse de M . Alejandro
Pidal y Mon . Il y a un siècle, Conde avait attribué aux Arabes l'origine
de la prosodie des langues de l'Europe moderne. Celte thèse , vivement
attaquée par Dozy ,semblait condamnée. L 'étude du Divan d'Ibn Guzmān ,
poète qui ne s'inspirait que de sujets grossiers, mais qui, plus que tout
autre, possédait la science du rythme, a convaincu M . Ribera que Conde
avait dit vrai.
Epica andaluza romanceada (p . 93-150) , discours de réception à
l'Académie de l'Histoire , 6 juin 1915 , suivi de la réponse de Francisco
Codera. Un passage de la Dāhira d 'Ibn Bassām , auteur arabe de la fin
du ix° siècle de notre ère , alteste l'existence d 'une littérature purement
COMPTES RENDUS. 359

romane en Espagne à cette époque. L'épopée n'existant pas dans la litté


rature arabe de l'époque classique, l'Espagne aurait tiré de son propre
fond ses chansons de geste , et M . Ribera, comme Menéndez Pidal ,
ferait venir d'Espagne les réminiscences de l'Orient que l'on trouve dans
les chansons de geste françaises.
Origenes de la filosofía de Raimundo Lulio (p . 151-179), mémoire pu
blié dans Homenaje a Menéndez y Pelayo (Madrid , 1899). La vie et les
doctrinesde Raymond Lulle ont été fortementinfluencées par le soufisme;
il était lui-même une sorte de soufi chrétien ; ce n'est pas dans sa langue
maternelle , le catalan , qu'il a pu faire ses études philosophiques , mais
dans les auteurs arabes, qu'il lisait à livre ouvert.
Bibliófilos y bibliotecas en la España musulmana ( p. 181-828 ), lec
ture faite à la Faculté de la Médecine et des Sciences de l'Université de
Saragosse en 1896 . Savantes recherches sur le goût, les industries et le
commerce des livres ; les Musulmans espagnols et, en particulier, les
khalifes de Cordoue, étaient des bibliophiles passionnés.
La Enseñanza entre los Musulmanes españoles (p . 229-360), leçon
d 'ouverture à la Faculté des Lettres de Saragosse pour l'année 1893
1894. Travail entièrement nouveau et original , et le premier que M . Ri
bera ait consacré à l'histoire de la civilisation . D 'après lui, le magnifique
développement de l'enseignement dans l'Espagne musulmane serait dû
à la liberté qui lui était laissée , alors qu'en Orient il était placé sous la
dépendance de l'État. Depuis de longues années,M . Ribera prépare une
Historia de las institutiones de enseñanza entre los imperios musulmanes.de
Oriente, pour laquelle il a réuni une masse énorme de documents. Un
seul chapitre en a été publié ; c'est la
p r Terénndee1904).
Origen del Colegio ieNidami
t que co(Saragosse,
l'Homenaje a iCodera :pBagdad
our sLes uerches ddee, l'al'auteur
es (pinrecherches
st. it361-383) parue
nteur dans
ans
dont
abouti à une conclusion imprévue: pour ses institutions d'enseignement,
l'Islam n'a fait que copier les pays d'Orient, la Chine par exemple , et
surtout la Perse ; l'organisation de la Nizāmiya de Bagdad , la plus an
cienne des Universités musulmanes , en est la preuve .
La Crónica de Aljoxaní ( p. 386-416 ). Introduction à l'histoire des
cadis de Cordoue, Historia de los juecesde Córdoba , d’Al-Hošānī, publiée
par les soins de la Junta para ampliación de los estudios (Madrid , 1914).
Una colección de manuscritos árabes y aljamiados (p . 417-433). Intro
duction , faite en collaboration avec M . Miguel Asin , aux Manuscritos
árabes y aljamiados de la Junta (Madrid , 1912). On sait que les livres
aljamiados sontdes oeuvres de Musulmans espagnols en langue espagnole
et en écriture arabe.
360 AVRIL -JUIN 1930.
Abenalcotia y su Crónica ( p. 435-456). Introduction à la Historia de la
conquista de la España (Madrid , 1926 ) d'Ibn Al-Kūtiya, le plus grand
écrivain espagnol du x siècle : des déclarations nationalistes , anti-omey
yades et anti-arabes attestent, dans son ouvre , l'influence de la Perse
et du Chiisme (t. I , p. 452 ).
El arabista español (p. 457-488). Réponse au discours de réception
de M . Miguel Asín à l'Académie espagnole , le 26 janvier 1919 : La
Escatologia musulmana en la « Divina Comedian , ouvre d'un grand inté
rêt dont M . Cabaton va nous donner bientôt la traduction française.
M .Miguel Asín , tout en admettant que les éléments orientaux de la
Divine Comédie ont pu venir par plusieurs voies : le nord de l'Europe .
les Croisades et la cour des souverains normands de Sicile, estime ce
pendant que c'est surtout à l'Espagne qu 'est due la diffusion en Europe
des mythes orientaux et, en particulier, de la légende sans doute per
sane de l'Ascension .
Elpseudoarabista (p:489-492). Critique, parue dans la Cultura Espa
ñola de février 1906 , du livre de M . Ramón Martinez y Martinez , His
toria del reino de Badajoz durante la dominación musulmana.
- Superstitiones moriscas ( p . 493-527) , conférence faite à l'Université
de Saragosse en 1898. Dans les pratiques superstitieuses des musulmans
espagnols on reconnaît parfois l'influence de la Perse et celle de l'Inde
(t. I, p. 505).
Lo científico en la historia (p . 529-637),mémoire paru dans la Revista
de Aragon de 1906 et tiré à part. OEuvre profonde, mais sans préten
tion aucune, dans laquelle l'auteur a posé , vingt ans d'avance , les prin
cipes recommandés pour l'étude des religions, dit M . Miguel Asín .
L 'histoire n'est pas une science autonome; il faut savoir délimiter son
domaine propre et le domaine de la philosophie , et appliquer dans les
deux la méthode cartésienne (Introduction , p. LXII-LXV).
Le tome II est ainsi composé :
Historia de la música (p . 3-174). Réunion de six études sur des ques
tions dont M . Ribera s'occupe encore activement, après leur avoir con
sacré douze ans d'un labeur acharné. Ses recherches sur Ibn Guzmān lui
avaient fait reconnaître l'origine orientale de la prosodie de l'Europe
moderne;de nouvelles recherches lui firent attribuer la même origine
à la musique occidentale du moyen âge, dont voici la hliation : la Perse
emprunte à la Grèce ses principes musicaux et les transmet aux Arabes ,
qui les apportent en Andalousie sous les Omeyyades ; de là ils se répan
drontdans l'Europe entière. Ledéchiffrementde la nolation des Cantigas
COMPTES RENDUS. 361
d'Alphonse le Savant a permis à M . Ribera de constater l'accord complet
de cette notation avec la musique arabe , à laquelle le célèbre Ziryāb ,
venu en Espagne sous Al-Hakam II , avait donné sa forme définitive .
Contrairement à un préjugé trop répandu , la musique du moyen âge
connaissait l'harmonie.
Historia Árabe-Valenciana (p. 177-362), parue dans El Archivo de
Denia , t. II, n° 6 , 7 et 8 , année 1887. Les premiers travaux de M . Ri
bera ont été consacrés à l'histoire du royaume de Valence, son pays
natal : il a utilisé , pour eux , les archives de la couronne d'Aragon , à
Barcelone, si précieuses pour la connaissance des relations de l’Aragon
avec l'Orient, le Maghreb et Grenade, ainsi que des textes arabes d'un
accès parfois difficile.
El problema de Marruecos (p. 365-480). Après le conflit deMelilla et
le meurtre du général Margallo , en 1893, l'Espagne, obligée d'inter
venir au Maroc , n 'était nullement préparée à ce rôle , et ne possédait ni
compétences, ni arabisants. Pour y remédier, M . Ribera proposa de
créer un Centro arabistan , organisation simple, pratique et peu coû
teuse; il attira aussi l'attention sur la nécessité d'instruire les indigènes .
Au début, les pouvoirs publics parurent disposés à suivre les conseils de
M . Codera; malheureusement, leur bonne volonté ne dura guère.
Enseñanza (p. 483-635 ). Réunion de cinq études dans lesquelles
M . Ribera , après avoir examiné les théories pédagogiques du xviº au.
xx° siècle, critique l'enseignement contemporain , ce qu'il appelle la rsu
perstition pédagogiques et l'abus des examens : on ne peutsupprimer
ceux-ci , mais l'importance exagérée qu'on leur donne a pour résultat de
vicier complètement l'enseignement. Rejetant les théories d'Herbert
Spencer, M . Ribera estime que pour bien enseigner un art ou une
science , il faut les exercer soi-même; le travail pédagogique n 'est que
routine. La liberté et l'initiative privée sont, pour lui, deux conditions
essentielles du travail scientifique.
Miscelánea (p. 639-796 ). Sous ce titre ont été réunis vingt-six
articles sur des questions philosophiques , politiques et sociales , parmi
lesquels on remarque La clinica del D ' Bráyer, observations sur l'Es
pagne parues dans la Revista de Aragon de 1900 à 1905. Le D ' Brayer,
dans le nom duquel il est facile de reconnaitre celui de M . Ribera , donne
à ses compatriotes, qui viennent d'éprouver un désastre, colonial, des
conseils salutaires ; il leur dit , avec une rude franchise , ce qu'ils devront
faire pour se relever .
Lucien Bouvat.
362 AVRIL -JUIN 1930.
Julián RIBERA Y TARRAGÓ , LA MÚSICA DE LA JOTA ARAGONESA. Ensayo histórico.
- Madrid , 1928 ; in-8° (Instituto de Valencia de Don Juan ).
Complétant ce qu'il avait exposé dans La música de los Minnesinger
y sus relaciones con la popular española ( Disertaciones y opusculos,Madrid ,
1928 , t. II , p. 79 ) et De música y metrica gallegas (op . cit., t. II .
p. 89), le savant auteur a voulu , par un essai historique sur quelques
mélodies espagnoles : 1° démontrer la continuité des traditions musi
cales de la Péninsule ; 2° donner un spécimen de l'évolution des mélodies
populaires. Beaucoup d'erreurs avaient cours sur les origines de la danse
aragonaise dite jota , donton faisait venir le nom du vieux castillan sotar ,
correspondant au latin saltare « danser . M . Ribera y voit un dérivé de
l'arabe espagnol et maghrébin šataha, qui a le même sens, et a donné
plusieurs dérivés , tels que le galicien choutera mchansons, usité au
xvn°siècle (p. 15-16 ).
Un vif prélude, exécuté sur des instruments à cordes , un chant plus
long , une finale très vive et d'accent pathétique sont les éléments mu
sicaux de la jota , dont l'air se retrouve, avec des variations plus ou
moins grandes , de la Sicile aux Açores, parfois sous d'autres noms :
les malagueñas, granadinas et rondeñas, ainsi que les chulas portugaises ,
sont en réalité des jotas. Cet air, qui figure dans le Cancionero de Palacio ,
publié par Barbieri, est extrêmement ancien ; les Cantigas d 'Alphonse
le Savant montrent qu'il était déjà populaire au xı°siècle. Les trouba
dours , trouvères et minnesinger le connaissaient. Il vient d'Orient; son
type le plus ancien est arabe; on en connait d'autres qui sont persans,
comme la rabalera, mais l'Espagne les a modifiés , substituant leschæurs
aux solos.Guerrière au début, langoureuse dans la suite , la jota a con
servé en Aragon son caractère énergique, cette province ayant su choi
sir, adapter et conserver le genre musical qui convenait le mieux à sa
mentalité; mais elle n 'est pas propre à l'Aragon; la musique venue de
la Perse et de Byzance par l'intermédiaire des Arabes a essaimé partout.
Lucien Bouvat.

INSTITUTO DE VALENCIA DE Don Juan. UN TEXTO ARABE DE LA LEGENDA DE


Alexándro según el manoscrito ár. XXVII de la biblioteca de la Junta para
ampliación de estudios. Edición , traducción española y estudio preliminar,
por Emilio García GÓMEZ, profesor auxiliar de la Facultad de Letras de la
COMPTES RENDUS. 363
Universitad de Madrid . - Madrid , 1929 ; in -8°, cuxi + in + 73 pages,
avec plusieurs fac-similes.
On connaît la prodigieuse diffusion de la légende d 'Alexandre dans
l'antiquité et au moyen âge. Dans son introduction , M . García Gómez
montre ce que donna le roman du pseudo-Callisthène, assemblage inco
hérent formé en Égypte, pays qui était alors le réceptacle de toutes les
traditions orientales , en Orient et en Occident. L 'Islam , qui réunissait
toutes les cultures antiques , reçut ce roman , étrangement déformé par
ses traducteurs , de la Perse , par l'intermédiaire d'une version syriaque,
le modifia lui-même profondément et le transmit à ses adeples et à leurs
voisins (p. XXI-XXIV ). Sous le nom de Dū 'l-Karnayn , qu'il porte dans le
Coran , les Arabes connaissaient déjà Alexandre, qu'ils prenaient parfois
pour l'un des leurs; ils distinguaient même un rgrands et un petit ,
Dū’l-Ķarnayn ( p . XLIII). Traduit par les Arabes d'Orient, le pseudo
Callisthène l'a été aussi par ceux d'Espagne et de Sicile : peut-on
expliquer par les versions orientales lous les éléments de ces derniers ?
M . G . G . pe le pense pas. En Espagne, la légende coranique de Dū’l
Karnayn s'est combinée, au moyen âge, avec le pseudo-Callisthène,
donnant naissance à une littérature populaire dontles productions étaient
récitées sur les places publiques , comme nos romans de chevalerie
( p . LXVII- LII). La coexistence, en Espagne, de cette littérature musul
pane avec une littérature chrélienne du même genre, dont le Libro de
Alixandre publié par Morel-Fatio est un spécimen , pose des problèmes
que nous n'avons pas , actuellement, les moyens de résoudre.
C'est pourquoi M . G . G . a entrepris une série de publications com
prenant les textes arabes -espagnols relatifs à la légende d'Alexandre , et
se terminant par un volume qui sera, en quelque sorte , la synthèse de
leur contenu . Pour commencer, il a donné, dans le présent volume, les
plus anciens (ils sont probablement du xv° siècle ) et les plus imporlants
de ces textes. Ce sont un hadīt et une histoire, kissa , de Dū ’l-Karnayn ,
conservés dans un manuscrit de la Junta provenant de la trouvaille faite
à Almonacid de la Sierra ( Aragon ) en 1884 . Ils se réfèrent au r petit ,
Dū’l-Ķarnayn et au pseudo-Callisthène. Sans valeur littéraire , ils sont,
par contre , d 'un puissant intérêt au point de vue de la philologie et du
folk -lore, car ils montrent, d'une part, ce qu'était devenu l'arabe
classique parmi les Morisques aragonais , d'autre part , il forme une
véritable anthologie de la légende musulmane d'Alexandre qui, au
Maghreb, ne s'est pas morcelée comme en Orient, et contient des
passages de la version arabe primitive , faite sur le syriaque et perdue
• aujourd 'hui (p. CLVIII-CLVII ). M . G . G . a reproduit ces textes avec une
364 AVRIL -JUIN 1930.
disposition typographique facilitant leur lecture , mais sans change
ments , et les a fait suivre : 1° d'une version espagnole aussi serréo que
possible ; 2° denombreuses notes ; 3º de comparaisons avec une rédaction
waljamiada , de la légende d'Alexandre dont nous reparlerons.
Un autre texte arabe formera le second volume de la série ; il se
rattache au « grand » Dū’l-Karnayn, a la Bible et au Coran , et sera pu
Gayandego la Bibliothèque nationale
blié d'après le manuscrit 5379
dice.des
Jon Gayangos); Alic de Madrid
andremanuscrits
eney d'autres
Ona,extraits jacob,y de
( nº LXI de la collection
espagnols seront donnés en appendice. On a, enfin , la rédaction ralja
miadan ; elle est intitulée Recontamiento del Rey Alixandre , et a été
publiée par Guillén Robles dans ses Leyenda de José , hijo de Jacob , y de
Alejandro magno, sacadas de losmanuscritos moriscos de la Biblioteca na
cional de Madrid ( Saragosse , 1888 ). Très éclectique , cette version offre
un amalgame plus ou moins heureux de la Bible , du Coran et du
pseudo-Callisthène. Le terrain étantdéblayé par la publication de tous
les textes connus, M .G . G . donnera,dans'un troisième volume, les con
clusionsde leur étude comparative.
Il est question de l'Espagne, désignée par son nom arabe, Andalus,
dans le Sāhnāmé de Firdawsi ( éd. Mohl, t. V, p. 159-191) ; c'est à l'une
des plus étranges déformations du pseudo-Callisthène qu'on le doit.
Firdawsi, qui raconte tout au long l'épisode de Candace, fait de cette
reine deMéroé, qu'il appelle Ķeydāfa , de même qu'il appelle Keyderūš
son fils Candaule , une reine d'Espagne. Le fait est difficilement expli
cable , mais il méritait d 'être signalé.
Lucien Bouvat.

Jaime Oliver Asin . ORIGEN ÁRABE DE REBATO , ARROBDA Y SUS HOMÓNIMOS . Con
tribución al estudio de la historia medieval de la táctica militar y de su
lexico peninsular. – Madrid , tipografia de la Revista de Archivos, 1928;
in -8°, 114 pages.
Publié d'abord dans le tome XV (1928) du Boletín de l'Académie
espagnole , ce travail sur la philologie hispano -arabe, l'histoire militaire
du moyen âge et aussi, comme on le verra plus loin , sur son bistoire
religieuse , a valu à son auteur, qui le présentait comme thèse à la
Faculté de Philosophie et des Lettres de Madrid , le gradede docteur avec
la mention « très honorabler. Les recherches de M . J. 0 . A. ont donné
des résultats des plus intéressants , et parfois inattendus.
Rebato attaque brusquée , surprise , alertes , est un terme propre à
la Péninsule. En portugais, probablement aussi en galicien , il est
COMPTES RENDUS. 365
devenu rebate ; en catalan rebat, en valencien arrebata ,rebata ,arrebato ,
rebato , arrebate, rebate. L'espagnol le connait dès le xiº siècle sous
diverses formes ( arrebata et rebata dans le Cantar de Mio Cid ) ayant des
sens un peu différents. Au début, il désignait les attaques brusquées des
Maures ; aux xviº et xviie siècles, il s'appliquait aussi aux incursions des
pirates barbaresques et turcs;avec le temps, ila fini par signifier mattaque,
surpriser . De Covarrubias à Körting ,diverses étymologies romanes ont
été proposées ; aucune n'est satisfaisante , et c'est dans l'arabe qu'il faut
chercher la véritable origine de rebato . Le mot ribāt ne signifie pas seu
lement relieu où l'on place des troupes» , comme le traduit Dozy; il est
aussi le nom d'action de rābața , verbe à la III forme que l'on peut
rendre par e faire profession dans un établissement destiné à garder les
frontières contre les infidèles n. Au point de vue phonétique, cette éty
mologie ne soulève pas de difficultés.
Etablissement militaire et religieux à la fois , le ribāğ était une for
teresse rappelant plus ou moins , par son architecture , les constructions
byzantines. Les cellules de ses habitants entouraientla cour centrale , la
mosquée ou l'oratoire qui en tenait lieu ; une haute tour permettait de
faire des signaux aux ribāțs voisins, et , si l'établissement était proche de
la côte , un arsenal pour équiper et réparer les embarcations y était
joint. Les Musulmans de toutes classes y aflluaient en vue de la guerre
sainte , partageant leur temps entre les exercices militaires et les pra
tiques ascétiques. En lemps de paix , les ribāts élaienttrès fréquentés;beau
coup de gens pieux y venaient passer le ramaņān ou faire des retraites
religieuses.Au xn°siècle , les progrès du mysticisme en firent de véritables
couvents , auxquels étaient annexés des cimetières et des zāwiyas. Les
guerriers musulmans donnèrent alors le nom de ribāt à leurs attaques
brusquées , dans lesquelles de petits groupes de cavaliers surprenaient
un village ou un camp, y faisaientdu butin et prenaient la fuite (p . 38
29 ). Ils employaient aussi l'expression al-karr wa’l-farr, que les Espa
gnols traduisaient par torna fuye. Leur tactique, fort ancienne, était
familière aux Berbères, d'après le témoignage de Salluste ; en Espagne,
elle dura aussi longtemps que la domination arabe.
Chez les Chrétiens, tocar el rebato signifiait sonner le tocsin pour
appeler aux armes : chaque camp , chaque forteresse avait une cloche,
campana del rebato , à cet effet. Mais les cloches étant insuffisantes , on
construisit partout de hautes tours dites almenaras, sur lesquelles des
feux étaientallumés en cas de danger . Toutle long de la côte valencienne,
aux xvi et avnº siècles , on voyait de ces tours , occupées par des soldats
d'une milice spéciale.
366 AVRIL -JUIN 1930.
Robda ou arrobda se ditd'un groupe de cavaliers surveillant les abords
d'une forteresse ou d'un camp, et vient du pluriel arabe rubț. Ce terme
a des homonymes venant de rutba, qui désignait, dans l'Espagne mu
sulmane, certaines organisations économiques , concernant les douanes
et la perception des impôts. Il existe encors des formes rolda et ronda qui
ont donné le français ronde et l'italien ronda (p. 87-91).
En Espagne, le ribāt a conservé, plus longtemps qu'ailleurs, son
caractère militaire , et M . J. 0. A. croit que les ordres militaires espa
gnols , qui font leur apparition dès le xiº siècle , ont été créés à l'imita
tion des Musulmans; il insiste sur le contraste qu'ils présentent avec les
ordres hospitaliers chrétiens, dont l'introduction en Espagne n'eut lieu
qu'au siècle suivant. Mais l'Espagne chrétienne, en prenant modèle
sur les guerriers musulmans, a adapté leurs institutions à la vie chré
tienne (p . 95-97 ).
Lucien Bouvat.

Miguel Asin PALACIOS. ComentaRIOS DE Don GARCÍA DE Silva Y FIGUEROA DE LA


EMBAJADA QUE DE PARTE DEL REY DE España don Felipe III 9120 ÅL REY XA
Abas de Persia. – Madrid , Tipografia de Archivos , 1928 ; in -8°, 18 pages
(Extrait du tome XCII, année 1928, du Boletin de l'Académie de l'Histoire ).
Cet opuscule est le rapport de M . M . A. P. à l'Académie de l'Histoire
sur l'édition princeps du texte original de l'Ambassade de García de
Silva auprès de Sāh 'Abbās, texte publié de 1903 à 1905 par la Société
des Bibliophiles espagnols, et dont Wicquefort avait donné une traduc
tion française , d'ailleurs médiocre, dès 1667. M . M . A. P. a très exacle
ment jugé l'auteur et son cuvre. Esprit curieux , bon observateur qui,
ne se contenlant pas de connaître la Perse par les auteurs classiques el
la Bible , se faisait traduire les historiens persans, García de Silva nole
tous les fails intéressants et fait des rapprochements ingénieux entre
l'Espagne et la Perse , comparantla légende d' Ali à cellede saint Jacques,
celle de Hidr à celle de saint Georges, le jeu du polo à celui de la
chueca , etc. L'un des premiers , il a reconnu une écriture dansles inscrip
Lions cuneiformes. Ses renseignements sur l'Inde sont également sérieux :
il a pu se tromper sar l'antiquité de l'alphabet deva-nagari,mais signale
la grande différence qui existe entre le sanskrit et les idiomes modernes
de l'Inde.Sa relation soutientavantageusement la comparaison avec celle ,
justement célèbre, de Clavijo.
Lucien Bouvat.
COMPTES RENDUS. 367
Kern Institute , Leyden . Annoal 'BIBLIOGRAPHY op INDIAN ARCHAEOLOGY FOR
THE YBAR 1997. – Leyde, E. J. Brill , 1929 ; in -4°, A-143 pages, avec
12 planches et 6 figures dans le texte.
Le premier volume de cette bibliographie annuelle a paru l'an dernier
et il en a été rendu compte dans le Journalasiatique de juillet-septembre
1928 qui, malheureusement, n'a pas encore paru au moment où j'écris
(novembre 1929 ) et est actuellement sous presse (p. 187-188 ). Dans
une lettre personnelle datée de mai 1929 , M . J. Ph. Vogel a l'obli
geance de m 'informer que le gouvernement de l'Inde britannique contri
buera désormais à la publication de la bibliographie pour une somme
annnelle de six cents roupies. On enregistre avec plaisir cette appré
ciable subvention et il est à souhaiter qu'elle ne soit pas la dernière .
Le plan adopté pour le premier volume de la bibliographie était
parfait et on l'a unanimement approuvé; la forme et le fond ne pou .
vaient que recueillir tous les suffrages. Le tome II reproduit naturelle
ment toutes les dispositions du premier volume, sauf une très légère
modification .
L'introduction de M . Vogel rappelle les principales découvertes effec
tuées en 1927 : la civilisation préhistorique de l'Indus (résultat des
fouilles de Mohenjo-daro ; on avait , un peu prématurément, donné à
celte civilisation le nom d 'indo-sumérienne qui a été heureusement
changé en celui de mcivilisation de l'Indus“ , environ 3500-3500 avant
notre ère ); cinq sculptures gréco-bouddhiques récemment découvertes ;
autres découvertes sur le site de Nāgārjunikonda, sur la rive droite de
la Kistna ; la descente du Gange à Māvalivaram (la théorie émise ici
même, en 1914 , par notre confrère M . Victor Goloubev, se trouve
désormais pleinement confirmée et acceptée par le plus grand nombre
des spécialistes ); les fouilles etlecluées à Pong Tük (notre confrère
M . G . Cædès, auquel on doit les fouilles elles-mêmes et la conservation
des importants objets qui ont été trouvés, a publié un article à ce sujet,
avec de nombreuses illustrations, dans le Journal of the Siam Society );
les principales découvertes effectuées en Indonésie et en Irān (p . 1 -25 ).
Suit la bibliographie proprement dite : travaux généraux (périodiques ,
livres et articles ), Inde (périodiques , livres et articles : archéologie et
histoire de l'art en général, architecture et sculpture, peinture , icono
graphie, paléographie , épigraphie, chronologie, histoire ancienne,
géographie ancienne et numismatique); Ceylan (périodiques, livres et
articles ); Inde transgangétique; Indonésie (périodiques , livres el
articles; il y a lieu de signaler iciun invraisemblable travailde E . E . W .
Gs. Schröder : Uber die semitischen und nicht indischen Grundlagen der
368 AVRIL - JUIN 1930 .
malaiisch -polynesischen Kultur. Buch I : Der Ursprung des ältesten Ele
mentes der austronesischen Alphabete. L'auteur croit que les alphabets
austronésiens dérivent directement (sic ) des alphabets phéniciens du
vu siècle avant notre ère [sic ]); territoires voisins (Irān , Turān , Tibet
et Afganistan; Extrême-Orient : Chine, Japon et Corée). Addenda et
corrigenda. Index.
La présente bibliographie contient 721 numéros. Dans nombre de
cas, ses éditeurs ont indiqué l'opinion exprimée sur les volumes et
articles dont il s'agit. On ne saurait souhaiter mieux. Le premier volume
de la bibliographie a été on ne peut mieux accueilli. Celui-ci mérite les
mêmes éloges : l’Annual bibliography of indian archaeology est désormais
indispensable à tous ceux que les pays envisagés intéressent à quelque
titre que ce soit; c'est un instrument de travail de premier ordre qu'on
ne saurait trop recommander et qui s'impose par sa perfection même.
Le présent volume contient une feuille d'addenda et corrigenda pour
le volume précédent.
Gabriel Ferrand.

Lieutenant-colonel J. STEPHENSON. THE ZOOLOGICAL SECTION OF THE Nuzhatu


l-qulüb of HAMDULLAH AL-MustawFI AL- QAzwini, edited , translated and
annotated ; xix-100 pages + 127 pages de texte persan ; Oriental transla
tion fund, new series , vol. XXX , imprimé et publié sous le patronage de
la Royal Asiatic Society. – Londres , 74, Grosvenor street , W . 1, 1928 ;
in - 8 .

Grâce à notre confrère M . Guy le Strange, nous possédons déjà , en


texte persan et traduction anglaise (Gibb memorial, old series , XXIII ,
texte en 1915 , traduction en 1918 ), la partie géographique du Nuzhat
ul-kutub de Hamdullah Mustawfi. L 'ouvrage a été compilé en 740/1360.
La publication de l'éminenl persisant faisait désirer que les autres
parties du texte fussent éditées et traduites. Le lieutenant- colonel S . qui
a appartenu au service médical de l'Inde vient, pour sa spécialité , de
donner suite à ce veu en éditant, traduisant et annotant la partie 200 -
logiquedumême ouvrage.
Hamdullah Mustawfi vivait au xivº siècle de notre ère ; il est né en
680/1281- 1282. C'était un compilateur intelligent qui a fait office de
vulgarisateur. Son Agrément des cæurs n'est pas autre chose qu'une
encyclopédie scientifique à l'usage de ceux qui veulent acquérir des
notions générales de omnibus rebus scibilibus. Ces travaux ne sont pas
COMPTES RENDUS. 369
négligeables. S'ils contiennent beaucoup de redites qui nous sont
connues par ailleurs, on y trouve quelquefois des informations emprun
tées à des textes perdus ou non encore retrouvés : ils peuvent ainsi
rendre de signalés services. Dans le cas présent, par exemple , Ham
dullah a beaucoup emprunté aux Ajā'ib al-mahlukāt de Ķazwini et à la
Jami' al-ḥikāyāt (p. XII). Celui-là nous est bien connu ; mais celui-ci
n 'existe encore qu'en manuscrit (sur ce dernier ouvrage, cf. l'excellente
Introduction to the Jawāmi'u'l-ħikāyālwa lawami'u 'r-riwāyāt of SADĪDU
'D- Dīn MuŅAMMAD AL- Awfi by Muhammad Nizāmu'd-din , que vient de
publier le Gibb memorial, nouvelle série, t. VIII, Londres 1929, in-4*,
XXW -316 pages ). L'auteur persan nous donne quelques renseignements
sur l'usage médical qui était fait au XIV° siècle des différentes parties du
corps des animaux dont il s'agit. C'est ainsi une sorte deMateria medica
persane et elle est la bienvenue pour l'bistoire des drogues. Le présent
texte a été soigneusement édité d'après l'édition lithographique de
Bombay qui est médiocre et six manuscrits de Londres , Paris et Vienne.
Les animaux sont divisés en trois catégories : I. Les animaux ter
restres (domestiques, sauvages , bêtes de proie, animaux venimeux et
choses (sic ) rampantes , animaux dont quelques-uns ressemblent à
l'homme); II. Animaux marins; III. Oiseaux. A peu près chaque nom
d'animal est donné en persan , en turk et en mongol. On sait que
Hamdullah était mustawfi rfonctionnaire des finances, de l’ llhān
mongol Abū Saîd . Ainsi s'explique que cette dernière langue lui ait été
familière .
Le rhinocéros figure dans la liste des animaux terrestres sous trois
noms différents : p. 18 : shin sinād ; p. 25 : wuss que le traducteur
a transcrit karkaddan (sic ) ; et p . 28 : jags þarīš. Les renseignements
donnés sous ces trois rubriques se trouvent généralement réunis ailleurs
sous l'unique nom de karkadan ou karkadân (cf. mes Relations de
voyages et textes géographiques arabes, persans et turks , à l'index du
tome II, s. vº rhinocéros). Sur le hutú , cf.même ouvrage, t. II , p.679 ;
la nole en question pourrait être aisément augmentée ; j'ai trouvé depuis
l'impression de ce volume plusieurs ouvrages où le hutū est mentionné.
D 'une façon générale , l'annotation de cette partie zoologique du Nuzhat
al-kulüb n'est pas aussi développée qu'elle pourrait l'être. L'étude de la
littérature géographique arabe aurait fourni au lieulenant-colonel S .
matière à de nombreuses comparaisons et l'utilisation du Traité des
simples de Ibn al-Baytār s'imposait également. Quoi qu'il en soit, on
doit remercier l'éditeur et traducleur de cet extrait de l'encyclopédie
de Hamdullah Mustawfi qui apporte des informations appréciables
CCITI .
IIRIMKRIR NATIONALE .
370 AVRIL -JUIN 1930.
et remercier également la Société asiatique anglaise d'avoir publié
ce travail.
Gabriel FERRAND.

Biren Bonnersea . L'ethnoloGIE DU BENGALE. – Paris , Librairie orientaliste


PaulGeuthner; 1927, pet. in -4°, xvm + 169 pages.
Le Bengale est habité par des Aryens,des Kolariens et des Dravidiens
(p. 2). M . B. a l'intention de nous renseigner sur leurs mæurs et cou
lumes et surtout leur folk -lore. Son programme n 'était pas réalisable
dans un volume de dimensions restreintes, et il ne l'a pas rempli. Une
monographie detaillée sur l'une de ces trois communautés nous aurait
été plus utile en apportant des informations nouvelles qu'un hindou seul
peut nous donner. Les sept pages de bibliographie ( p. XIV -IX ) ne doi
vent pas nous donner le change : elles semblent indiquer que l'auteur
a étudié comparativement le folk -lore bengali et marqué sa place dans
les traditions populaires universelles. Il n'en est rien cependant et les
nombreuses notes au bas des pages n 'en tiennent pas lieu . Ce livre, en
somme, promet plus qu'il ne donne; c'est plus un travail d'érudition
qu'une cuvre vraiment originale.
Les deux premiers chapitres sont consacrés , celui-là aux Aryens,
celui-ci aux Kolariens et Dravidiens. Pour les Santalis , il aurait fallu
consulter la belle publication de M . P. 0 . Bodding : Santal folk lales
parue en 1925 et dont j'ai rendu compte dans le Journal asiatique (jan
vier -mars 1926, p. 147-149 et avril-juin 1928 , p. 374-376 .). Les cha
pitres suivants traitentdes sectes, culte de la nature et divinités infé
rieures; des rites et coutumes ; des démons; du folk - lore animal et
végétal; de la magie , des présages et de la divination , et enfin de la
médecine populaire.
En appendice , l'auteur donne un tableau de la population du Ben
gale par races et communautés, des cartes ethnographiques ; un tableau
des Bengalis (80 millions) par religion dont 48 millions , en chiffres
ronds, d'hindous et 27 millionsde musulmans; un tableau des langues
parlées au Bengale ; et six tableaux anthropométriques. Le volume se
termine par un index.
Cette thèse de doctorat d 'université réunit ainsi des renseignements
qui ne sont pas négligeables.Mais, je le répète , ce vaste sujet est trop
sommairement traité. M . B . rendra un véritable service à la science s'il
reprend le sujet de sa thèse en des monographies séparées sur les races
COMPTES RENDUS. 371
et communautés qui peuplent le Bengale. Une étude poussée à fond sur
une petite tribu peu connue du Bengale , serait , par exemple, la bien
venue et il est à souhaiter que lui-même ou l'un de ses compatriotes l'en
treprenne.
Gabriel FerraND.

BEITRÄGE ZU HISTORISCHEN GEOGRAPHIE , KULTURGEOGRAPHIE , ETHNOGRAPHIE UND


KARTOGRAPHIE VORNEUMLICH DES Orients, publiés avec la collaboration de
plusieurs savants par Hans Mžik . — Leipzig et Vienne , Franz Deuticke ,
1929; gr. in-8°, 202 pages avec 13 illustrations et 6 cartes.
Ce volume de mélanges a été offert à M . Eugen Oberhummer, pro
fesseur de géographie à l'Université de Vienne, à l'occasion de son
soixante -dixième aniversaire. Il contient les mémoires suivants :
L'Atlas Blaeu de la Bibliothèque nationale de Vienne par Karl AUSSERER.
Cel atlas fameux se composede46 volumes, plus 4 volumes complémentai
res , de format grand in -folio , et d'un portefeuille contenant 28 dessins.
C'est l'oeuvre de Laurent van der Hem et l'allas devrait équitablement
en porter le nom . Suivent des renseignements sur cette famille patri
cienne d'Amsterdam (p. 3- 9), sur les dessinateurs (p. 15 et suiv .) et
des indications sur son contenu (Espagne, France, Italie et Sicile , Malle,
Suisse , Belgique, Pays-Bas; Angleterre, Écosse et Irlande; Europe sep
tentrionale et pays polaires , Suède et Pologne , Russie , Autriche et Alle
magne, Hongrie, Grèce et Turquie , Afrique , territoires auxquels
s'intéresse la Compagnie hollandaise des Indes orientales , Chine, Asie
[de l'Inde à l'Asie antérieure), Amérique, etc. ).
La mer dans l'histoire et la civilisation de l’Islām par Hébert Jansky.
L'auteur développe le point de vue de Martin Hartmann qu'il adopte :
dans l'ensemble , l'Islām a eu peur de la mer (wasserscheu ). Le sujet est
trop vaste pour être traité dans un compte rendu. Ce mémoire est à
lire, bien que les conclusions ne m 'apparaissent pas décisives.
Piri Re'is et son Bahriyye par Paul Kaule. M . K . a entrepris la publi
cation et la traduction des célèbres Instructions nautiques turques sur la
mer Méditerranée appelée Bahriye is . Le premier fascicule du texte et
de la traduction , excellemment annótée, a paru récemment et j'en ai
parlé icimême (t. CCX , avril-juin 1997, p . 334 -335). Entre temps,
M . K . eutconnaissance d'une seconde édition du Bahriyye qui se trouve à
Constantinople . Celle-ci contient une introduction en vers qui intéresse
la géographie générale. Il y est question des mers de Chine , de l'Inde,
21 .
372 AVRIL -JUIN 1930.
du golfe l'ersique , de la mer des Zengs ou mer de la côte orientale
d 'Afrique, de la mer du Mağrib , de Rūm = Méditerranée et de la mer de
Ķulzum = mer Rouge. Dans les chapitres 28-42 consaci és à la mer des
Zengs, sontmentionnés des ports bien connus et des iles de celle mer :
Zanzibar, les quatre îles de l'archipel des Comores et Madagascar. Il est
dit de la grande ile africaine que son ancien nom est iis , Tinku. Autant
que je sacbe, linku est inconnu par ailleurs et apparait ici pour la pre
mière fois. Dans ses Beiträge aus arabischen Quellen zur Kenntniss des
negerischen Afrika (Kiel , 1929 , in -8° p . 29), M . Ernst Dammann
explique Tinku par le swahili septentrional ti < *ni-ti e pays , et ku (plu
tôt khu) < khulu « grand» . Cette interprétation ne me parait pas satis
faisante. Sans doute , les Malgaches des petiles îles du nord-ouest de
Madagascar désignent la grande ile voisine sous le nom de tani-be
rgrande terre, grand pays“ ,mais un terme équivalent n'a pas été, àma
connaissance , signalé en bantou oriental et on ne conçoit guère que les
nègres de l'Afrique orientale voisine aient appelé aiosi l'ile de Madagas
car. D 'autre part, M . K . m 'a fait savoir par lettre personnelle que,
d'après Piri Re’īs , Tinku , dans la langue de Mogadišo (Magadoxo de
nos cartes , sic ), signifie smsn o Slaub von Menschen , Unrat von
Menschen 5 . La véritable explication reste donc à trouver .
M . K . donne ensuite en traduction, les chapitres XX et XXI consacrés
à la mer de Chine et qui sont pleins d'intérêt. On ne peut que sou
haiter que le savant professeur de Bonn publie bientôt la suite des
premiers fascicules du Bahriyye : ils sont impatiemment attendus.
Neue Quellen zu den Entdeckungsfahrlen der Portugiesen im Indischen
Ozean von D ' Christine Rour Freiin von Denta. M . C. R . a découvert dans
la Bibliothèque nationale de Vienne un manuscrit avec texte portugais
et une très médiocre traduction allemande, qu'elle a heureusement iden
tifié : c'est la relation du second voyage dans l'Inde de Vasco de Gama,
jusqu'à présent inconnue. Elle donne le sommaire des deux textes et
nous en fait espérer la publication prochaine. Aucune indication ne pou
vail nous être plus agréable et ce travail sera le bienvenu. M “ C . R .
est admirablement préparée pour nous donner une édition parfaite de
ce texte révélé par son article.
Der Bericht des arabischen Geographen Ibn ul-Wardi über Konstanti
nopel, von Franz Tarschner. Excellente monographie, de M . T ., qui
s'est heureusement spécialisé dans l'étudegéographique de la Turquie.
Magna Hungaria , von Julius Németh . Il s'agit de l'ancienne Hongrie
qu'ont connue ou dont parlent les géographes orientaux sous le nom de
COMPTES RENDUS. 373
Bašgird (et non Bašğird , cf.les graphies széülı var. sygeól ). Aux géo
graphes arabes cilés , ajouter la mention de la Hongrie dans le Tuhfat
al-albāb de Abū Hāmid al-Andalusi al-Garnāți (mon édition dans J. A .,
juillet-septembre et octobre-décembre 1925 ).
Panchaia , von Georg Hüsing . D 'après cet article, l'ile d'Evemère, l'ile
de Panchaia , serait une réalité géographique et non une tradition pure
ment légendaire.
Irrtümliche Namensversetzungen : Die Herkunft der Namen Rotes Meer,
Ägypten und Phönizien aus dem tritonischen Kulturkreis von Albert Herr
MANN . La première partie de cet article a traitaux déplacements de noms
dans la géographie des peuples orientaux; et il s'agit surtout de la Chine
(pourquoi l'auteur transcrit-il le caractère * par une sonore [da] au
lieu de la sourde habituelle ( ta ]? D 'autre part,t e st Ta-ts’in et
non Da Tsin ). Le meilleur exemple à citer était le transport de la topo
nomastique de l'Inde dans les pays qu'elle a colonisés ( cf. notamment
Ch. DUROISELLE, Noles sur la géographie apocryphe de la Birmanie à pro
pos de la légende de Purna, dans B. É.F .E .-O ., t. V , p. 146-167). La
seconde partie est consacrée aux déplacements de noms dans la géo
graphie grecque en général et de la région tritonique vers l'Ouest et
vers l'Est.
Ueber die Grundlagen der Terminologie in der Geographien des Pto
lemaeus von Karl Kraus. Très intéressante étude de certains passages de
la Γεωγραφική υφήγησις.
Orissa und die Mundvölker im « Periplus des Erythräischen Meeres , von ,
Robert Heine -Geldern. Bonne étude bien documentée .
Parageographische Elemente in den Berichten der arabischen Geographen
über Südostasien von Hans Mžik. J'ai une particulière estime pour les
travaux de M . M . Egalement familier avec les géographes classiques et
musulmans, éditeur et traducteur de textes géographiques arabes, loules
ses publications ont une importance hors de pair pour la masse d'infor
mations, souvent inédites, qu'elles utilisent. Son présentmémoire sur le
Sud-Est de l'Asie , où sont mis en parallèle les données de Plolémée et
celles de Huwārizmi ( dont il vient de publier le texte dans le tome I de
sa Bibliothek arabischer Historiker und Geographen , 1926, Leipzig chez
Ollo Harrassowitz ) est aussi parfail que ses publications antérieures et
on ne peut que le remercier des informations qu 'il a réunies et met ainsi
à notre disposition ( ).
(1) M . M ., qui a très aimablement cité (p . 173) mes Relations de voyages
et textes géographiques arabes , persans et turks, remarque que j'ai renoncé à
374 AVRIL -JUIN 1930 .
Tel est, en résumé, le contenu de ce beau volume. Il fait autant
d'honneur au jubilaire, aux savaots qui ont ſété ainsi le soixante
dixième anniversaire de M . Eugen Oberhummer, qu'au géographe émi
nent sous la direction duquel ce volumea été publié.
Gabriel Ferrand.

Helène de Willman -Grabowska. LES COMPOSÉS NOMINADX DANS LE ÇATAPATHA


BRÄUMAŅA.( Thèse principale pour le doctorat és lettres.) – Cracovie , 1998.
Le travail de M® G . se compose de deux parties, paginées séparé
ment : la première est un « Index de la composition nominale du Galapa
thabrāhmanan ; la seconde, une étude sur Le rôle de la composition
nominale , dans ce texte .
L'Index fournit la liste alphabétique des composés , avec la traduction
d'après Eggeling , l'indication des passages et la mention du cas auquel
se présentent les formes.
Cet Index n'est pas complet et, par suite, ne rendra pas tous les ser
vices qu'on était en droit d'en attendre. En premier lieu , des catégories
entières ont été exclues , à savoir celles où le premier terme est soit un
préverbe, soit une préposition , soit un préfixe , inséparable (a [n ] ou
su ); exclusion qui n 'est d'ailleurs pas absolue, en sorte que la lacune
s'aggrave d 'une inconséquence ( ). Passe encore pour les dérivés verbaux
du type adhişávana- : et pourtant, la distinction sémantique entre la
valeur nominale et la valeur verbale étant flotlante dans ces formations,
leur étude promettait d'être fructueuse. Mais les combinaisons pure
ment nominales , du type ánuvrata -, ont été , elles aussi, laissées à
l'écart. Il s'ensuit qu'on ne peut se faire une idée complète des fails
par l'Index ; ainsi, on ne verra pas figurer la forme adikka- ( XIII, 8 , 1,
identifier un certain nombre de toponymes de l'océan Indien et de la mer de
Chine. C'est que cette publication est restée incomplète. Le troisième volume
qui devait contenir les excursus nécessaires n'a pas paru : la période de 1914
et années suivantes m 'a fait négliger ce travail pour des occupations officielles
d 'une tout autre nature. Je ne désespère pas de combler cette lacune quelque
jour, en utilisant les belles études de M . M ., qui faciliteront considérablement
ma tâche.
(1) Il va sans dire que les raisons fournies par l'auteur, p. xIv et xvi, ne
sont pas valables.
COMPTES RENDUS. 375
5) : premier exemple dans la langue d'un élargissement ku- fixé sur
thème en consonne.
En second lieu , l'Index laisse apparaitre des erreurs nombreuses (1);
les références fausses ou incomplètes abondent. D 'une manière générale ,
on constate que les dictionnaires de Saint-Pétersbourg donnent plus
de formes que MmeG ., et il faudra vérifier par ailleurs avantde déclarer
qu'un motmanque dans le Çatapathabrāhmaṇa parce qu'il manque dans
l'Index .
En revanche, l'Index contient un certain nombre de composés ima
ginaires,des formes à suffixe, girvan- devátāt- asmayú - (p. 133 )õrnavalá
(ibid .) samvatsaratamí(2) tredhá ( et analogues ) ); un participe de déno
(1) Au hasard de sondages, j'ai relevé l'absence des composés suivants , que
donne le texte de Weber (réimpression 1924 ) : ánupriyamgu - (XIV , 9 , 3 , 22) ,
adyährtá - (III , 9 , 3 , 29) , açvatthá- passim (chez BR.) , asmátpreșita- ( VI, 3 ,
2 , 3 ) , ātmaniškráyana- (XI, 7, 1, 2 ), ādityésți- (XI, 5 , 2 , 4 ), ähanasyavādin
IX , 3 , 1 , 24 ) , udagayaná- (XIV, 9 , 3 , 1 ), udaháraņa- (1X , 1 , 2 , 6 ; 9 ) ,
udumbhára - (VII, 5 , 1, 32), ubhayatahparigshitá - ( II, 3 , 1, 33) , ubháya
taḥpráüga- (VI, 7, 2 , 8 ), ekavimçatigrhila - (1X , 2 , 2 , 6 ), goaçvá - (XIV , 9 ,
1, 10) , grāmaņi passim (BR.) , divásprthivyoḥ (1, 9, 1, 4 ), devajá- (III, 4 ,
2 , 16 ), nabhyasthá - (III , 5 , 3 , 30 ), naştaişá - (XIII, 1 , 4 , 3 ), nividdhấna
(XIII , 5 , 1 , 12 ), paricáraņa - ( IV , 6 , 8 , 17) , parivyáyaņa- ( III, 7 , 2 , 4 ) ,
páriosta - (II , 6 , 1, 20 ), páriçrita- (XIV , 1, 3, 15 ), párihāra - (XIII , 8, 1,
16 ), páryāpti- (II , 1, 4 , 8), pumskótya (IV , 5, 8, 10), pratikrámaņa- (IV ,
4 , 5 , 5), (sú )pratigrhita - ( I, 1, 4 , 23), prátişthili- ( III , 6, 3, 4 ) , pratyarşa
(XIII , 8 , 1, 8 ), pratyúttabdhi- (XIII , 1 , 7 , 4 ), pratyusya- (I, 9 , 3, 3 ), prä
gapám (VIII, 1, 4 , 2 ), prātaryávan- ( III, 9 , 3 , 8 ), brahmadattá- (XIV , 4 .
1 , 26 ), mitrágupta - (VI, 5 , 4 , 14 ), yajñatanú ( IV , 5 , 7 , 3 ), rathanemi
( XIV , 5 , 5 , 15 ) , vägbhít- (VIII , 1, 3 , 6 , 7 ) , valagá - (III , 5 , 4 , 2 ) , cankha
dhmá- (XIV, 5 , 4 , 9) , cándāmárka- (IV , 3 , 1, 4 ), samsthilayajús- (IX , 5 ,
1 , 29) , sajanú - ( V, 3, 5 , 25 ), sadhána - (III , 9 , 3, 34 ), sarvahút- ( voir
chez BR.) sāmısamsthila - (IX , 5, 1, 28 ), susú (III, 9, 4 , 5), svāpyaya
X , 5, 1, 14 ), sváhākrti- (XIII , 5 , 2 , 11 ).
Op n 'ira pas chercher pürváhuti- ( IV , 5 , 7, 7) sous pūrvåhuti- ; ni ūruba
lín - sous uruº; ékapadā (VIII, 2 , 4 , 1), sous ékapad-; ányatojyotis- sous étojyo
tis-; tádvidvāms- sous tádvrdvant- (sic ); manojavá - tatpur, etmánojavas- bahuvr.
sous manojavas- (sic ).
(9) Faussement interprété t. II, p. 57 ; il est fâcheux que l'affirmation du
caractère récent du sufixe tama- soit reproduite à propos d'un texte où appa
raissent, dùmentattestés , trimçattamá-, sahasratamá-, etc. (références chez BR .),
sans compter , dès le Rig Veda , çatatama-.
(3) La présence dans l'Index de ces adverbes à suffixe dhā est expliquée
p. 19% par une théorie de pure fantaisie.
376 AVRIL - JUIN 1930.
minatif, devayánt-; enfin , des termes qui dans l'état actuel de nos con
naissances ne sont pullement résolubles , laspūjant chágā náka - ádhri
gu-,(") etc. D'autre part, on a une liste inutile de « verbes composés, ;
expression dont il est malaisé de savoir en quel sens l'auleur l'enlend , si
l'on observe que, sous la mention « le premier terme est un thème no
minal, p. 119, figurent des formes en artáḥ apí amá álam tiráḥ , etc.
Le travail d'interprétation qui constitue la deuxième partie de cet ou
vrage a été exécuté suivantun plan qui laisse voir dès l'abord un grave
défaut. On a examiné en premier lieu les composés d'usage courant,
ensuite les composés resporadiques» ; parmi ceux-ci, ceux dontle dernier
terme est de sens effacé ou affaibli, puis les autres : à savoir des noms
rituels; puis , à partir de la page 165 , une série héléroclite, qui reçoit
des matériaux qu'on n'avait pu classer ailleurs; par là-dessus enfin , de
nouvelles séries fondées sur des critères formels. Au total,plusieurs prin
cipes de classement juxtaposés, aucun conduit à terme. Le résultat était
prévisible : après s'être attardé sur les types fréquents , sur les grands
groupements , au sujet desquels il n'y avait le plus souvent rien à dire ,
on n'avait plus de place pour trailer des formations isolées, d'autant
plus intéressantes que le motif de leur création n'était pas évident.
Ainsi , en dépit de l'apparence massive de l'ouvrage, on peut affirmer
sans exagération que le sujet, dans sa partie individuelle et originale ,
n 'est pas véritablement traité ("),

(1) Il n 'y a aucune raison pour que yathestyä soit un composé. La finale
inusuelle d'instrumental indique bien , ainsi que me le communique obli
geamment M . Caland , que la formule où cette locution apparaît par trois fois
( V , 4 , 5 , 16 et XI, 1 , 3 , 1 ne figurent pas dans l'Index ) doit s'entendre yáthā
is!yā ( yajeta ) , evám yajate. Le sens, de toute manière , est bien clair et l'ob
servation que fait Mº G ., p . 293, sur cette formule , est sans objet.
(2) Par suite du manque de plan , des inconséquences choquantes se pré
sentent : evamvid - est étudié p . 38 et séparé des autres mots en vid -, p . 183;
il est parlé , p. 98 , des formations en vidha- dont il a été déjà question
p. 74 à propos de rūpá -, en sorte que púruşavidha- , par exemple , est
commenté aux deux passages. A la faveur d 'un emouvement circulaire, (sic )
indiqué p. 171, on traite à nouveau ici des composés à dernier terme effacé ,
dont l'étude semblait close p. 126 : étude au cours de laquelle les formes
les plus intéressantes, celles en dhéya- par exemple, ne sont même pas men
tionnées, bien que la recension Kāņva réponde par náma à nămadhéya de
Mädhyand., XIV , 9, 4, 35 , et qu'un Vārttika mentionne expressément cette
équivalence.
COMPTES RENDUS. 377
J'ai une critique plus grave encore à formuler : le travail a été fait
entre Roth , Eggeling et Wackernagel, sans presque aucune utilisation
de renseignements extérieurs (). Ceci est déjà sensible dans l'Index où
les mots sont donnés comme propres au Çatapathabrāhmaṇa quand au
cune référence autre n 'est fournie par les dictionnaires: en 1929, après
tant de textes védiques découverls, mieux connus ou indexés , c'est
quelque peu attristant(º).La bibliographiemoderne n'estpasmieux pour
vue : on ne voit cités ni utilisés les articles sur les composés védiques
de Richter ( I.F ., IX ) et de Reuter (K .2 ., XXXI), les contributions qui
ont été faites à la critique ou à l'exégèse des Br.; les leçons du Çatapa
thabrāhmaṇa apportées par Leumann ( K .Z ., XXXI, surtout p . 45 ) , et
dont certaines intéressent la composition ; on nous parle de nyúna-,
p . 121, sans lenir compte de Caland ( Z.D .M .G ., LXXII, 3 ); de prāņo
daná-, p. 16 , sans mentionner Caland , ibid . (LV, 261); de utsannaya
jñá-, p. 138 , sans faire état de Keith , ibid . (LXVI, 729). Les traduc
tions sont faites sans critique(s).Pāņini, duquel il était urgent de com
parer mioutiensement les données , si précises en ce qui concerne la
composition , avec les faits du Catapathabrāhmaṇa , n'a pour ainsi dire pas
élé cité.
La recension Kāņva n'a pas été examinée : Mme G . s’est privée ainsi
de l'instrument de comparaison linguistique le plus fécond dont on dis
(1) Je puis affirmer que ni le commentaire de Sāyaņa — plein cependant
d 'interprétations personnelles au sujet des composés — , ni, sauf exceptions,
l'apparat critique et les errata de Weber, n 'ont été utilisés. Sans quoi M® G .
eût certainement mentionné la variante rathaváhana - ( V , 4 , 3 , 23 ) , aurait
cité rétorüpa- (VII, 3 , 1 , 36 ), dvedhāvibhaktá - (II, 2 , 2 , 6 ) , ājisút- ( V, 1,
5 , 28 ), aindrávaişņavá- ( V, 5 , 5 , 1 ), et aurait lu yāvachó-yāvachaḥ ( II , 2 ,
3 , 4 ).
(2) L'examen , par exemple , de l'ensemble parallèle KS., XX , 5 = TS., V,
2 , 7 = MS., III, 2 , 6 aurait amené l'auteur à modifier certainement son
point de vue sur la nécessité de la formule rákşāmsi. . . ápahanti lorsqu'il est
question spécialement de la triştúbh ., p. 23.
3) Les erreurs d 'Eggeling , rectifiées par Whitney, tacitement reconnues en
suite par Eggeling, sont reproduites ; ainsi Mme G . continue à traduire kāma
dhárana- par « réalisation des désirsn , alors que d 'après le contexte il s'agit
évidemment de persistance de (ton ) affection (pour moi)n , comme l'indique
Waitney, Am . J. Ph., III, 401. Demême, anyatoghātin- signifie « en frappant
dans une autre directions, cf. Pr. A . O . S ., oct. 1882 , p . CXXXVI; et , plus
significativement encore, pínākāvasa -, traduit par Mme G . qui cache son
arc » , a été interprété de façon convaincante par Wutney :equi a pour (unique )
provision de voyage un bâtonn: cf. Am . J. Ph., III, 409.
378 AVRIL - JUIN 1930.
pose dans tout le domaine de la littérature védique. Or, précisément, la
version Kāņva a dans les composés des aspects propres (procédés d'élar
gissement, etc. ) et répond souvent par un groupe de mots à un compo
sé de la Vulgate.
Si M " G . avait regardé la recension Kāņva, elle se serait abstenu
d'avancer,p . 157, que le termeyāvaddevátyam est inutile (I , 2 , 1 , 22) :
car nous lisons dans Kāņva que cet adverbe est précisé par ekadevátyam
vā dvidevátyam vā ; ainsi se trouve confirmée la valeur propre de yāvat,
laquelle ne recouvre pas celle de yathā , contrairement à ce qu'affirme
M " G . (p. 158 , en haut).
La discussion gauchement menée , p . 47 et suiv., sur ánna - et annu
dya - aurait pu s'éclairer, si l'on avait confronté le texte Kāņva qui répar
lit parfois différemment les deux termes.
Mme G . se demande p. 89, pourquoi le Çatapathabrāhmaṇa a la forme
yaikā nyá au passage qu'elle indique,etnon yathākāmám commeailleurs,
etconclut qu'ron a fabriqué ces composés sans s'occuper autrement du
sens précis de leurs composants ». Il suffit de se reporter à Kāņva pour
voir paraître au lieu de yatkāmyá la locution yusmai kámāya : ce qui
montre que le yat du composé est en corrélation avec le tám qui
précède, etne saurait, par suite , dans ce rôle , céder la place à une forme
en yathā.
P. 141, MmeG . se pose avec sérieux la question de savoir si pūrváhu
tiḥ est ou non un composé , et fait appel , longuement, à l'accentuation
pour montrer que la forme est indécise ; or, justement, c'est l'accentua
tion qui pouvait déjà fournir la solution ; car il est clair, pour quiconque
connait les procédés toniques du Çatapathabrāhmaṇa, que si le mot pré
cédant pūrváhutih est atone; alors qu'il devrait avoir le ton sur la finale ,
c'est que pūrváhuti” est à lire párvā áhutiḥ et n 'est pas un composé. Il
était loisible à MmeG . de se reporter en tout cas à la version Kāņva, la
quelle présente pour les formes discutées p. 141 un aspect d'où ressort
du premier coup d 'ail qu'on n 'a pas affaire à des composés(?).
La partie morphologique du travail a été sacrifiée. Ou il fallait la
laisser de côté complètement, puisqu'aussi bien tout l'essentiel sur la
question a été dit , et de façon magistrale , par M . Wackerpagel ; ou il
fallait , à tout le moins, en donner un résumé correct. C 'est ce qui n 'a
pas été fait. Il n'est pour ainsi dire pas un point qui soit indiqué d'une
manière satisfaisante ; il serait cruel d'insister, mais il est trop clair que

(1) Voir par exemple Kāņva, 1, 3 , 1, 14 , et 20 ; je dois le renseignement


à M . Caland.
COMPTES RENDUS. 379
l'auteur n'a guère d'idée netle sur la structure du mot et sur l'expression
d'une loi morphologique(").
(1) Je me borne à indiquer les erreurs les plus ġrosses , afin de mettre en
garde les débutants qui auraient à se servir de ce travail :
P . 31, ce n 'est pas le « souci de précision et de beauté , qui a empêché la
création d'un *rakso 'pahantr -, mais seulement le fait bien connu que le san
skrit à date ancienne évite les composés en tr-, cf. Pān., II , 2 , 15 et 16.
P . 27, il ne s'agit pas d 'une e vieille conceptions dans le fait que dyává
p! thui est accompagné d 'une apposition au ſéminin, mais seulement du phé
nomène grammatical selon lequel, dans un dvandva , le genre du dernier terme
prévaut, Pāņ ., II , 4 , 26 .
P . 90, yatkāmya n'a naturellement rien à voir avec les mots à désinence ya
du Rig Veda ; il s'agit d 'une finale a d 'instrumental attachée au thèmekāmya-,
qui figure plusieurs fois en fin de composé dans les Samhitā et les Brāhmaṇa.
P. 110 , M® G . ignore que les composés adverbiaux se forment comme la
généralité des adverbes sur le neutre du nom qui est à leur dernier terme,
cf. Pāņ. , II, 4 , 18 ; en sorte qu 'elle se demande avec sérieux si, dans un
nom tel que yalhākarmá , le dernier terme est inscrit sous la forme du thème
ou sous la forme d 'un cas : comme si dans une phrase sanskrite , une pareille
forme pouvait être autre chose qu'un nominatiſ accusatif neutre employé ad .
verbialement. Ceci n 'est pas un lapsus isolé, car on lit, p . 130 , que pratiyoni
e ferait exception » à la règle générale , et p. 293 : les autres noms sont à l'ac
cusatif. Fontexception : yathāyoní. . . »
P. 171, daghná- n'est nullement eun participe passén , mais un thème de
présent, cf. Wackernagel , Ai. Gr., II , 1 , 181.
P. 233, MⓇ. G . parle des thèmes en -an- qui créduisent -an à -an , sans
même mentionner la forme ursanaçvá- , dernier exemple sans doute dans la
langue d'une finale -an - maintenue en cette position.
P . 235 , M " G . se représente la constitution des formes en 6-karoti, t-bha
vali par un passage de a > i > i : et le tout figure dans un chapitre intitulé
ele thème élargir , où l'on n'ira certes pas chercher pareille théorie!
P . 236 , la remarque sur ajaksirá - est intéressante ; il est dommage qu 'elle
porte à faux , et que la seule forme attestée dans la littérature , el précisément
dans le Çalapathabrāhmaṇa , soitajākşirá-, avec un å long.
P. 141, M . Wackernagel, pour lequel on n'a pas un mot d'éloge, encore
que sans lui, on ne sait ce qu'il fût advenu , est rendu responsable d'une
erreur, pour avoir lu madhye-samgrhitám . Par malheur, il estarrivé queMmeG .,
ici encore , n 'a pas lu les variantes de Weber, sans quoi elle aurait vu , comme
leçon autorisée , la forme telle que la cite Wackernagel.
P. 346 , les faits sont présentés avec une invraisemblable confusion. Sous
prétexte de nous parler de æl'élargissement ya-n , on cite pele-mêle (p . 246
et au bas de la page 247 ) des samāsānta, des noms d'action primaires , des
380 AVRIL -JUIN 1930.
Bref, un travail utile dans la mesure où il consiste en un répertoire
des faits , facile àmanier.Mais la partie interprétalive n'est guère qu'une
suite de discussions oiseuses et décousues. Faute de perspective, ſaute
notamment d 'avoir placé le Çatapaihabrāhmaṇa dans le cadre de la lillé
rature védique, l'ouvrage demeure sans portée historique et sans résul
tats appréciables.
Renou .

M . SchlesiNGER , SATZLEARE DER ARAMÄISCHEN SPRACHE DES BABYLONISCHEN TAL


MUDS (édition de l'Asia Major). — Leipzig , 1928; in-16 , 330 pages.
M . Schlesinger se défend , dès les premières pages de son livre,
une spoetude de la Pretend nous ournit assur
d 'avoir voulu écrire une syntaxe, au sens courant du mot. C 'est une
Satzlehre , c'est-à-dire une étude de la phrase , en tant qu 'organisme
complet et se suffisant à lui-même, qu'il prétend nous offrir .
Pour un pareil travail le Talmud de Babylone fournit assurément
une abondante matière. Le terrain d'ailleurs était, sinon vierge, du
moins peu exploré : ce ne sont pas les quelques pages consacrées par
Margolis à la syntaxe, dans sa grammaire de l'araméen du Talmud de
Babylone (collection de la Clavis), qui pouvaient épuiser un sujet d'une
telle ampleur.
M . Schlesinger étudie dans un premier chapitre la phrase simple
renuer : proposition nominale (sans verbe) et proposition verbale. Un
second chapitre est consacré à la phrase complexe : l'auteur distingue
les compléments du nom , les compléments du verbe, les formules de
négation et d'interrogation. Le troisième chapitre traite des phrases com
posées : c'est là que nous trouvons tout ce qui touche aux propositions
coordonnées, aux propositions subordonnées , aux conjonctions de coor
dination et de subordination. L'ouvrage se termine par un index des
passages du T. B. cités dans le texte .
Il est à peine besoin de souligner l'importance de ce travail, d'autant
qu'il concerne une des branches les moins étudiées, et pourtant les plus
intéressantes , de la grammaire des langues araméennes , nous voulons
dire la syntaxe. Le lecteur trouvera dans le livre de M . Schlesinger, soi
gneusement classé , un matériel neuf et aisément accessible.
abstraits , des adjectifs d 'appartenance , des verbaux, et l'on attire notre
attention par exemple sur le fait qu'il n 'y a pas de nom d'agent en regard de
páripaçavya -, dérivé de pari et de paçu - !
COMPTES RENDUS. 381
Citons, à titre d'exemple, le tableau des divers emplois du mot 73
(na au féminin ), fils, soit avec des substantifs , soit avec des infinitifs,
pour remplacer tantôt des adjectifs , tantôt des gérondifs. Il y a là une
création , ou toutau moins une extension d'emploi, à la fois originale et
intéressante (p. 89 -90)
On notera demêmele rôle considérable joué en araméen talmudigae
par la préposition 5 . Non seulement elle introduit tantôt le complément
direct , et tantôt le complément indirect ( commedans les autres dialectes
araméens), mais , employée avec un suffixe pronominal renvoyant au
sujet, elle donne très souvent au verbe un sens voisin du moyen en
grec. Pour distinguer entre les deux fonctions principales de 3 , on a dû
recourir à une forme composée 57792 spécialisée pour le datif (p. 126
et suiv.).
Les diverses' façons d'exprimer une interrogation (p. 154 et suiv.),
les emplois très variésde la conjonction ; et 7 méritent également de re
tenir l'attention .
En résumé les linguistes et plus particulièrement les sémitisants use
ront du livre de M . Schlesinger comme d'un répertoire commode et d'un
utile instrument de travail. Les orientalistes de lout ordre , que leurs
études amèneraient à s'intéresser au Talmud de Babylone, y trouve
ront un auxiliaire précieux pour la compréhension exacte du texte.
J. -G . FÉVRIER .

J. T . MARSCHALL , MANUAL OF THE ARAMAIC LANGUAGE OF THE PALESTINIAN TAL


MOD. --- Leyde, E . J. Brill Ltd , 1929; in -16, 260 pages.
Parlant de l'excellent manuel d'épigraphie nord-sémitique de
G .A .Cooke, Clermont-Ganneau disait un jour : « C'est un livre bien pra
tique, car il donne, non seulement les textes , mais aussi leur traduc
tions. S'il m 'était permis dereprendre cette parole à mon compte, je ferais
du petit ouvrage de T. Marschall un éloge analogue. En matière d'ara
méen talmudique, il fautsouvent plus de courage et de science pour
oser publier, avec leur vocalisation et leur traduction , de longs cxtraits
que pour présenter, avec un apparcilqui n'en impose qu'aux non -con
naisseurs , une volumineuse graminaire soi-disant scientifique.
Le manuel de J. T .Marschall s'occupe seulement de l'araméen deGali
lée, c'est-à-dire des passages araméens du Talmud dit de Jérusalem . La
grammaire proprement dite occupe à peine une trentaine de pages. Elle
382 AVRIL -JUIN 1930.
est purement descriptive, l'auteur s'interdissant presque tout rapproche
ment, non seulement avec les autres langues sémitiques, mais même
avec les autres dialectes araméens. La plus grande partie du livre est
donc constituée par une chrestomathie comprenant des fragments ara
méens extraits du Talmud de Jérusalem (p. 31 - 112), leur traduction en
anglais (113-200) et un glossaire.
Comme on le voit, l'auteur a cherché surtout à faciliter à ses étu
diants l'accès de la littérature talmudique. On sait que des soucis de cet
ordre inspirent souvent les sémitisants brilanpiques. Pour l'araméen tal
mudique, dont l'abord est difficile pour le profane ou le non -spécia
liste, on ne peut que se réjouir d'une pareille tendance.
J.-G . FÉVRIER.
TABLE DES MATIÈRES
CONTENUES DANS LE TOME CCXVI.

MÉMOIRES ET TRADUCTIONS.
Pages .
Šakwă-l-ġarib ‘ani l 'awțān 'ilà 'ulamā-'l-buldān de Ayn al- Qudāt al
Hamadani (Mohammed ben Abd EL-JALIL ) . . . . . . . . . . .
Les Achéens d'Asie Mineure et les problèmes de l'arrivée achéenne sur
la Méditerranée au Ilº millénaire (Raymond WBILL ).. . .. .. .. .. . .. .
La préhistoire indo-iranienne des castes (Georges Dumézil )..... ..... 109
Natures des sacrifices au pays de Sumer, d 'après les textes sumériens
antérieurs à la dynastie d'Isin (Charles-F . JEAN ) . . . . . . . . . . . . . . . .
Documents araméens du xvie siècle (Marcel Cohen ).... ...... ...... 147
Šakwā-l-ġarib 'ani L'awtān 'ilā ‘ulama-'l-buldān de 'Ayn al-Qudāt al-Ha
madāni ( suite et fin ] (Mohammed ben Abd El-JALIL ). . .. . . . . . .. . 193
La danse rituelle dans la cérémonie du Chinkonsai (M . C . Haguen
AUER ) . . . . . . . . . . . . . . .. 299

SOCIÉTÉ ASIATIQUE .
Procès-verbal de la séance du 8 novembre 1929... .....
Procès-verbal de la séance du 13 décembre 1929 ....
Nouvelles acquisitions de la Bibliothèque...... .....
Procès-verbalde la séance du 10 janvier 1930 ... . .. . 351
Procès-verbal de la séance du 14 février 1930.... ..... 352

XVIII° Congrès des Orientalistes : Communication. . . . . . . . . 353


384 AVRIL -JUIN 1930 .

COMPTES RENDUS.
Janvier-mars 1930 : C. Boyer , Contribution à l'histoire juridique de la
re dynastie babylonienne ; - Di G . CONTENAU , Manuel d'archéologie
orientale ( Charles-F . JEAN ). – J. Millas 1 VALLICROSA, Notes semi
tiques; - G . Hug et G . Habacui, Pour apprendre l'arabe (Georges
S . COLIN ). - Ram Babu SAKSENA , A history of Urdu literature ; -
Sudhindha Nath BhattaCHARYYA, A history of Mughal North -Eastern
frontier policy ; - Surendra Nath Sen , Military system of the Mara
thas ; - Sarat Chandra Roy, Oraon religion and customs (Jules Bloch ).
- P . Leander , Laut- und Formenlehre des Agyptisch-Aramäischen
(J.- B. FÉVRIER ). -- W . S . URQUHART, The Vedānta and modern
thought (P . MASSON-OURSEL ). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 175
Avril-juin 1930 : H . L. Rabino di Borgomale , Mazandaran and Astarā
bād ; - Julián RIBERA Y TARRAGÓ , Disertaciones y Opusculos ; - LE
MÊME , La música de la jota aragonesa ; - Emilio García Gómez , Un
texto arabe de la legenda de Alexandro ; - Jaime Oliver Asin , Origen
árabe de rebato , arrobda y sus homónimos; - Miguel Asín Palacios,
Comentarios de Don Garcia de Silva y Figueroa de la embajada que
de parte del rey de España don Felipe III hizo al rey Xa Abas de
Persia (M . Lucien Bouvat). – Kern Institute (Leyden ), Annual
bibliography of indian archaeology for the year 1997 ; - Lieut. col.
Stepuenson , The zoological section of the Nuzhatu -l-qulüb of Hamdul
lah al-Mustawfi al-Qazwīdi; - Biren BONNERJEA , L 'ethnologie du Ben
gale ; – Hans Mžik , Beiträge zu historischen Geographie , Kulturgeo
graphie , Ethnographie und Kartographie vornehmlich des Orients
(M . Gabriel FERRAND ). — H . DE WILLMAN-GRABOWSKA , Les composés
nominaux dans le Catapathabrnhmaña ( M . Renou ). — M . SCHLESINGER ,
Satzlehre der aramäischen Sprache des babylonischen Talmuds; -
J. T. MARSCHALL, Manual of the aramaic language of the palestinian
Talmud FÉVRIER
( M . J.-G . ). . . . . . ...... 355

Le gérant-adjoint : Le gérant :
René GROUSSET. Gabriel FERRAND.
LiRajkIE ORIENTALISTE Paul GEUTHNER , 13, rue Jacob. — PARIS, VI

BUDDHICA
DOCUMENTS ET TRAVAUX POUR L’ÉTUDE DU BOUDDHISME
PUBLIÉS SOUS LA DIRECTION DE
JEAN PRZYLUSKI

Première Série : Mémoires, in -8 raisin.


Voici dans l'ordre présumé de leur publication les premiers volumes de cette série :
1. Vijnaptimâtratâsiddhi, La Siddhi de Hiuan -tsang traduite et annotée, par M . Louis
DE LA VALLÉE POUSSIN , professeur à l'Université de Gand, tome 1 , IV et 432 pages,
n-8 , 1928 .. . . . . .. . . .. . . .. . . . .. .. . . . .. . . . 250° fr.
II. Le concile de Rajagrha, introduction à l'histoire du canon et des sectes boud
lhiques, par M . Jean PRZYLUSKI, professeur à l'École des langues orientales de Paris,
VI et 434 pages, 1926 -1928 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . 200 fr.
JII-IV . Ancient Buddhism in Japan : sûtras and ceremonies in use in the seventh and
eighth centuries A .D , and their history in later times by Dr. M . W . de VISSER , professor
of Japanese in the University of Leyden , 2 tomes.
Parus : fasc . 1-3 : IX et 336 pp ., in-8, 1928-1930, chaque fascicule . ... ... ... .. .. 62 fr. 50
L'ouvrage sera complet en 7 fascicules de uz pages chacun, au prix de 62 fr. 50 le fascicolo in -8.
La souscription à l'ouvrage complet est obligatoire.
V . Vijnaptimâtratâsiddhi, La Siddbi de Hiuan-tsang traduite et annotée, par
M . Louis DE LA VALLÉE POUSSIN , professeur à l'Université de Gand , lome II, 133-820
pages, in -8 , 1930 .. . . . . . . . . . . . . . . . .. . . .. . . .. . . . .. . . . .. . .. . . . 250 fr.
VI. L 'iconographie des étoffes peintes (pata) dans le Manjuçrímûlakalpa, par
Mille Marcelle LALOU, 7 planches, XVI et environ 140 pages, prix de souscription .. 75 fr.
VII. Extraits du Mani bka' 'bum , introduction du Bouddhisme au Tibet; mariages du
roi Sron bcan sgan po , par M . Jacques BACOT, chargé de cours à l'Ecole des Hautes-Etudes.
VIII. La Vie des Saints dans les Ecritures palies, par M . Helmer SMITH , de l'Uni
ersité de Lund .
IX . Buddhistica dans le Mahabharata , jar M . Paul OLTRAMARE , professeur à l'Uni
ersité de Genève.
X . Le traité de Vasumitra sur les sectes bouddhiques, par M . Louis DE LA VALLÉE
'OUSSIN, professeur à l'Université de Gand.
Deuxième Série : Documents, in -8 jesus.
Celle serie comprendra des documents de toute sorte ainsi que des études bibliogra
hiques donnant à propos de chaque catégorie de sources un inventaire accompagné de
férences et notes critiques :
J. Glossary of the Sanskrit, Tibetan , Mongolian and Chinese versions of the
asabbûmika Sûtra , compiled by J. RAHDER, VI et 203 pp., 1928 .. . .. .. .. . 200 fr.
11. Dictionnaire tibétain -sanscrit, par TSE-RING -OUANG -GYAL Che rim dban rgyal),
production phototypique publiée par J. Bacot, VI pages et 101 planches doubles en
tototypie, 1930. . . 250 fr.
III. Bibliographie bouddhique. 1. Janvier 1928 -mai 1929,par M . L.-G CLAUSON, N.DUTT,
J.-B . KEMPERS, M . LALOU , L , DE LA VALLÉE POUSSIN , E.-J. LÉVY, R . LINGAT, R . LINOSSIER ,
PRZJLUSKI, O .STEIX , E . TOMOMATSU, P . TUXEN, J.-R .WARE, XII et 64 pp., 1930.. 60 fr.
IV . Catalogne du fonds tibétain de la Bibliothèque nationale, tome I, par
lle Marcelle LALOU, 110 . pages autographiées, imprimées sur recto seulement, 1930 ,
ix de souscription . . . . 40 fr.
VI. L 'archéologie et l'épigraphie des monuments du bouddhisme indien ,
VII. Analyse et Bibliographie du Vinaya des Mülasarvastivadin .
TABLE
DES MATIÈRES CONTENUES DANS CE NUMÉRO .

Sakwa -l-ġarib uni l-'awlan 'ila 'ulama -l- baldan de 'Ayn al- Qurlat al-Hamadani
(Mohammed ben Abd El-JALIL ) [suite et fin ...
La danse rituelle dans la cérémonie du Chinkosai (M .-C. Haguenauer ) . . ... ... . .. .
Société asiatique : Procès-verbal de la séance du 10 janvier 193o. - Procès-verbal de
la séance du 14 février 1930. - XVIII Congrès des orientalistes : Communication.
Comptes rendus.. . 35
H .- L. RABINO di Borgomale , Mazandaran and Astarābād ; - Julián RIBERA Y TARRAG , Diseria
ciones y opusculos; - LE MÊME, La música de la jota aragonesa : - Emilio GARCIA GONE .
Un texto arabe de la legenda de Alexandro ; - Jaime Oliver Asis , Origen árabe de rebato .
arrobda y sus homónimos; - Miguel Asiy PALACIOS , Comentarios de Don Garcia de Silva
y Figueroa de la embajada que de parte del rey de España don Felipe III hizo al rey Xa
Albas de Persia (Lucien BouvAT). - Kera Institute , Leyden , Annual bibliography of indian
archaeology for the year 1927 ; - Lieut.-Col. J. STEPHENSON , The zoological section of the
Nuzhatu -l-qulüb of Hamdullah al-Mustawli al- Qazwini; - Biren BONNEREA , L'ethnologie
du Beogale ; - Hans Mžik , Beiträge zu historischen Geographie , Kulturgeographie , Ethno
graphie und Kartographie vornehmlich des Orients (Gabriel FERRAND). H . de WELLMANN
GRABOWSKA, Les composés nominaux dans le Calapathabrāhmana ( M .RENOO ). M . SCRLESINGER,
Satzlehre der aramäischen Sprache des babylonischen Talmuds; - J.-T . MARSCHALL , Manual
of the aramaic language of the palestinian Talmud (J.-G . Février ).

Nora. Les personnes qui désirent devenir membres de la Société asiatique doivent adressar
leur demande au Secrétaire ou à un membre du conseil.
MM. les Membres de la Société s'adressent, pour l'acquittement de leur cotisation at
nuelle (60 francs par an pour les pays à change déprécié, 120 francs pour les pays à chane
élevé) au Trésorier de la Société Asiatique, Musée Guimet, Place d' lena, 6 , Paris (xvi "). -
pour les réclamations qu'ils auraient à faire , pour les renseignements etchangemenls d'adress ,
au Secrétaire de la Société Asiatique , rue de Seine, 1, Paris (v1°), et pour l'achat des ouvrages
publiés par la Socielé aux prix fixés pour les membres, directement à la librairie PaulGeuthne .
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IMPRIMERIE NATIONALE.
JOURNAL ASIATIQUE

TOME CCXVII
JOURNAL ASIATIQUE
RECUEIL TRIMESTRIEL
DE MÉMOIRES ET DE NOTICES
RELATIFS AUX ÉTUDES ORIENTALES
PUBLIÉ PAR LA SOCIÉTÉ ASIATIQUE

TOME CCXVII

PARIS

IMPRIMERIE NATIONALE

LIBRAIRIE ORIENTALISTE PAUL GEUTHNER

RUE JACOB , Nº 13 (VI )

MDCCCCXX X
JOURNAL ASIATIQUE
RECUEIL TRIMESTRIEL
DE MÉMOIRES ET DE NOTICES
RELATIFS AUX ÉTUDES ORIENTALES
PUBLIÉ PAR LA SOCIÉTÉ ASIATIQUE

TOME CCXVII

Nº 1. - JUILLET-SEPTEMBRE 1930

Tableau des jours de séance pour l'année 1930 .


Les séances ont lieu le second vendredi du mois à 5 heures , au siège
de la Société, rue de Seine, n° 1.
JANVIER. IER . MARS , AVRIL. NAI. JUN, BILL.-SO0T.-SEPT.-OCT. nov. DG.

10 Séance Vacances.
générale 14 12
Bibliothèque.
La Bibliothèque de la Société , rue de Seine , nº 1, est ouverte le vendredi ,
de 9 heures à 4 heures, et le samedi, de 2 heures à 6 heures.

PARIS
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LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ ASIATIQUE

RUE JACOB , Nº 13 ( vrº)


Les collaborateurs du Journal sont instamment priés d'adopter
la transcription précédemment indiquée (annexe du fascicule janvier
mars 1923 ), qui, pour l'alphabet arabe, est la suivante :

‫ ء‬, ‫ا ب‬, ‫ ت‬, ‫ نت‬, ‫ ج‬, ‫ ح‬, ‫اخ‬, ‫ د‬, ‫ د‬, ‫ ر‬, ‫ ز‬, ‫ س‬, ‫ س‬,
‫يم‬ ‫ ض‬4, ‫ ط‬, ‫ ظ‬, ‫ ع‬, ‫ غ‬, ‫ في‬, ‫ اق‬, ‫ ك‬k, ‫ال‬, ‫ م‬m , ‫ ن‬, sh,
‫ ی ره و‬y, ‫ ة‬: état absolu a , etat construit al.
| Voyelles et diphtongues : ‫ ب‬ba; ‫ ب‬bi, be; ‫ ب‬bu , bo ; ‫ با‬ba ; ‫ بي‬bi,
be; ‫ و‬ba , b6 ; ‫ بی‬bag : ‫ بو‬bam .
JOURNAL ASIATIQUE.
JUILLET-SEPTEMBRE 1930.

LA

CAMPAGNE DU PRINTEMPS DE 1929


À TELLO ,
PAR

H . DE GENOUILLAC

Le Directeur des Musées nationaux , sur la proposition de


M . Dussaud, m 'avait fait l'honneur deme confier la reprise des
fouilles de Tello (1).

Le site de Tello s'étend sur une plaine de sable en forme


d'ellipse d 'environ trois kilomètres de long sur la moitié de
large. Ce minuscule désert est compris dans la boucle du ca
nal Abd-ul-Khufaif qui le sépare des champs cultivés (gú-edin ),
inondés tout l'hiver, verdoyants aux premiers jours du prin
temps. Les textes nous ontrévélé toute l'histoire de ces champs,
leurs anciens noms, leurs surfaces, jusqu'à leurs ensemence
ments et leurs récoltes, par suite leur rapport annuel.

(1) Le présent rapport a été lu à l'Académie des Inscriptions et Belles


Lettres le 26 octobre 1929.
CCXVII.
IMPRIMIBIE NATIONALS .
JUILLET-SEPTEMBRE 1930.
Les tells se voient de loin , de 15 kilomètres au moins, de
l'embranchement de la Badah , et sans doute des terrasses des
maisons de Schatra : les débris de briques et de poteries leur
donnent un aspect légèrement rose; ces déblais atteignent
15 mètres au-dessus de la plaine.
Arrivés au pied des tells , on distingue nettement quatre
groupes dans l'orientation N . 0 . - S . E . , le tell du « Palais » au
nord , les grands tells au centre , les deux tells e central , au
sud -ouest et des e tablettes » au sud-est ; un vallon sépare le
tell du palais des grands tells; une esplanade relie les grands
tells, le tell dit e central» et le tell des tablettes. — Une val
lée , inclinée N .0 .- S . E. sépare tout cet ensemble d'une série
de tells bas qui semblent appuyés à la partie est de l'enceinte
de la ville : je les ai nommés tells de l'est.
Les tells ont été explorés par de Sarzec et Cros de 1877 à
1909 en quinze campagnes de fouilles. Faute de matériel
capable de porter au loin les terres , ils recouvrirent les bords
des tells explorés de déblais formidables. Avant, pendant, et
après , principalement en 1924, des centaines d 'Arabes ont
labouré de leur bêche en tête de lance toute la plaine, si bien
qu'on peut se représenter Tello comme un champ dévasté ,
comblé de grands trous et grandes bosses – résultat des
fouilles françaises, — d'innombrables petits trous et petites
bosses , — souvenir des fouilles arabes. — Nulle part le sol
n 'est vierge : le problème est donc compliqué par les fouilles
précédentes. Pour entreprendre de grands travaux dans la
région des tells, celle des palais et sanctuaires, il faudrait com
m

mencer par enlever une grande partie des collines de déblais.


Par ailleurs, si l'on veut explorer la plaine , les demeures du
ce peuple » de Lagach , il faut accepter de remuer à nouveau
la surface des terres déjetées ici et là par les Arabes , risquer
de ne trouver que des tombes, des maisons, et des temples
violés.
LA CAMPAGNE DU PRINTEMPS DE 1929 À TELLO. 3
Mon embarras fut grand les premiers jours et il n 'est pas
complètement dissipé. A Kich, je n 'avais connu aucune hésita
tion ; à Tello , les hésitations m 'ont poursuivi toute ma cam
pagne passée, etme laissent encore indécis sur le programme
à entreprendre cette année.

Et cependant le sol de Tello reste riche, et des tombes


comme celles d'Our nous y cachent leurs trésors, la tombe du
réformateur Ourou-ka- gina , et celle du « prophète » Goudéa .

Période DES SONDAGes.


(Du 18 au 31 janvier.)

Comme je l'ai rappelé , mes prédécesseurs avaient recouvert


les bords des tells explorés de déblais considérables. Ces dé
blais rendent également difficiles et l'élargissement de leurs
recherches , et les fouilles plus profondes .
Cette considération et l'étonnant succès des fouilles arabes
en 1924 au sud du tell des tablettes , où ſurent mises à jour
huit statues de Goudéa , m 'amenèrentà commencermes travaux ,
- tant que la moitié de mes ouvriers étaient occupés au trans
port de briques pour la maison que nous construisions — par
divers sondages répartis un peu sur loute la concession, sur
tout au sud des grands tells.

A . Pour procéder chronologiquement, je dois mentionner


d 'abord une découverte faite le lendemain même de notre arri
vée à Tello , avantmême l'engagement des ouvriers. En explo
rant les tells , nous remarquames à fleur du sol le bord d'une
cuve de terre cuite émaillée. Avec mes collaborateurs, nous
entreprimes de la dégager : c'était l'orifice horizontal d'un
grand sarcophage en forme de botte , du type si connu depuis
JUILLET -SEPTEMBRE 1930.
les fouilles deMorgan à Suse . Il était, dans le bas, encastré
entre des briques , dont l'une était une brique bilingue d’Adad
nadin -ahê, le prince araméen constructeur du palais de Tello :
cette tombe ne pouvait donc être que contemporaine ou posté
rie
rieure à la période alexandrine. Le sarcophage fut vidé avec
ec

soin dans l'espoir d'y trouver le trésor funéraire de ce prince


lui-même : il ne contenait rien que des ossements , et rien
autre , ossements d'un adulte d'un age avancé comme le mon
trait le sternum développé. L 'orifice n 'était pas protégé par
un couvercle et des fragments de briques étaient tombés jus
qu'au fond.
La lourde masse de terre cuite fut enlevée avec mille pré
cautions, après divers encerclements ; mais , brisée ancienne
ment au bout et sur tout le fond , elle tomba en morceaux dans
la toile de tente que nous avions passée en-dessous. Ce beau
sarcophage aux teintes irisées jaunes et vertes, est resté à
Tello , auprès de la maison de la Mission.
Pour en achever l'histoire , j'ajouterai que nous reprimes
après l'enlèvement du sarcophage, les recherches tout autour,
en ouvrant une tranchée nord - sud de 12 mètres de long ,
et, à 135°, une autre tranchée , courte et profonde; dans la
première, on ramassa une figurine plate de cheval et cavalier ;
dans la seconde, on rencontra des briques posées sur le champ
formant un petit foyer , soit pour l'usage domestique soit pour
les rites funéraires.
Peu de temps après , en explorant les pentes de ce même
tell , je découvris au niveau de la plaine , les parois d 'un vert
éclatant d'une sorte de grande cuve oblongue, ouverte à l'un
des bouts. La matière était vitrifiée à l'intérieur par l'effet d 'un
feu ardent. Sous une couche légère de sable , je ramassais avec
précaution des fragments, la face vitrifiée au -dessous, qui ap
partenaient évidemment à la voute de cette sorte de four. En
continuant le déblaiement, je rencontrai la terre rougie par le
LA CAMPAGNE DU PRINTEMPS DE 1929 À TELLO. 5
foyer, puis la terre simplement noircie . La nature de la terre
cuite , les teintes émaillées obtenues à la cuisson , m 'ont fait
penser que c'était là le four même où avait été cuit le sarco
phage : on avait dû défoncer la voûte après coup , et l'inter
ruption de la courbe à l'un des bouts marquait la porte du
foyer.
Les cinq autres sondages du début de la campagne ont eu
pour emplacement le sud des tells.

B . J'avais appris par d 'anciens fouilleurs clandestins l'endroit


où avaient été trouvées les statues en 1924 : sanem ! Je pensai
utile d'ouvrir en partant de la vallée est une longue tranchée
est-ouest traversant toute la région privilégiée des fouilles
arabes. Deux tranchées parallèles et un tronçon transversal
furent commencés : l'effort de quatre journées, fut sans résul
tat, et abandonné. Une équipe d'anciens travailleurs avait
été laissée libre de travailler à un endroit de son choix : elle
creusa un grand trou , à la méthode arabe , sans rencontrer
que quelques briques, et une petite céramique brisée, repré
sentantdeux poissons.

C . Un essai plus important fut fait au N .-N .- O . de l'empla


cement choisipour la maison de la Mission , dansun endroit légè
rement surélevé : ce chantier porta le nom detranchées du ce fil
tren , à cause d 'une jarre de 100 litres placée là pour les besoins
des ouvriers. Trois équipes ouvrirent trois tranchées en T : les
deux tronçons central et droitne donnèrentjusqu'à la terre vierge
que du sable ; le tronçon gauche nous fit rencontrer un bon
nombre de poteries, des tombes en pleine terre, des ossements
d 'équidés tombés l'un près des autres commedans une bataille,
de nombreuses poches de cendres , un drain protégé de la fou
lée de la terre par une gaine de tessons, des bouts de murs
de briques crues que nos ouvriers novices ne surent pas recon
JUILLET-SEPTEMBRE 1930.
naître mais qui apparurent nettement après plusieurs jours de
desséchement de la terre. Malgré le découragement du chef des
travaux, je résolus de reprendre dans la suite (29-31 janvier)
cette fouille , élargie en un grand rectangle de 5 sur 10 mè
tres, et approfondie jusqu'à 5 mètres. Nous avions là un habi.
tacle probablement de l'époque de Goudéa ( figurine 115,
fragment 327). Nous aurions pu y poursuivre la récolte com
mencée de figurines (n° 9, 105 , 115 , 224 : figures de dieux,
de femme nue, de cheval) et de poteries ,mais d'autres travaux
nous retiennent ailleurs .

D . Dès le troisième jour des fouilles, j'avais suivi l'impulsion


quime portait à chercher le cimetière de Lagach — si cime
tière il y avait — dans la croupe de terrain que j'appelais le
tell est. Je m 'imaginais qu'il y avait là un rempart de la ville
et, des deux côtés de ces cefortifications» , des maisons pauvres
avec leurs tombes comme à Our.
Cinq tranchées furent ouvertes perpendiculairement à l'axe
du tell : un premier sondage ne s'étendit qu'à 20 mètres, trois
autres dépassèrent 30 mètres de long et a m . 75 de profon
deurmaxima ; un tronçon parallèle au tell, reliant deux courtes
tranchées, fit une cinquième tranchée en U . Les travaux
durèrent quatre jours (20-23 janvier) : dès le début on trouva
des outils de pierre (pierre à aiguiser,coup de poing, hache :
n° 86 et 94 ), des silex (nº 91, 92, 129), des meules plates
(83) , des perles. Plus bas , de 1 à 2 mètres , les ouvriers ra
massèrent, au milieu d'ossements , beaucoup de fragments de
poterie peinte (n°S 284 à 454) , fragments souvent fins, d'un
style sobre (une seule représention animale ).La terre est fine et
jaune, la peinture monochrome et noire , le style est géomé
trique,etsurtout parallèle : on l'appellera I bis, commeà Suse.
Pour moi, je ne crois pas pouvoir rien affirmer sur l'âge de
ces poteries : un lit votif à fond décoré trouvé avec les tessons
LA CAMPAGNE DU PRINTEMPS DE 1929 À TELLO . 7
imitant la sparterie me semble être de l'âge de Goudéa. Des
serpeltes de terre cuite , des haches (93), masses d'arme ( 7) ,
et marteaux de même matière , semblent des armes figu
rées à l'usage des morts , et posées dans des tombeaux. Ces
sondages intéressants ne furent pas continués dès que nous
pûmes travailler en grand au tell du sepalais » , — Un sondage
voisin devait se transformer en vrai chantier.
Le Musée d 'Iraq s'est réservé tous les fragments de poterie
peinte , mais j'ai obtenu de les faire voir à Paris pour étude.

E . Il existe au sud du groupe des grands tells , entre le tell


des tablettes à l'est et le tell dit e central» à l'ouest, une grande
esplanade à laquelle j'avais donné le nom lurc de meïdan e place
publiquer. C 'est l'un des rares endroits où l'on ne trouve pas
trace de fouilles. J'y ai ouvert, la seconde semaine des travaux,
trois tranchées beaucoup plus larges et plus profondes que mes
premiers sondages. Chose surprenante , ces recherches furent
complètement stériles, sauf pour une tombe : le corps y était
enveloppé dans une natte qui s'est imprimée dans la terre,
j'ai rapporté un échantillon de ces reliques sumériennes ( nº 32).
Partout ailleurs, on rencontra du sable , dénué de tout vestige
de vie. La donnée était négative.

F . A la suite de cet échec, j'entrepris encore un dernier son - .


dage (26 - 31 janvier) àmi-distance du tell Est et du caracol des
gendarmes, à un endroitoù j'avaisramassé un fragmentde statue
el que j'avais marqué d 'un roseau . Ce chantier s'appela le chan
tier du « roseau » . Nous y trouvâmes des tombes en pleine
terre , les morts enveloppés dans des linges et des nattes, ayant
près d 'eux, vers les mains, des écuelles renversées l'une sur
l'autre pour protéger le repas funéraire. Ce que mes fouilles
JUILLET -SEPTEMBRE 1930.
m 'apprirent par la suite me permet de dater de l' époque de
Naram -Sin ou d'Urukagina cet habitacle el ces tombes. On y V

recueillit en deux larges et profondes tranchées un mortier en


marbre gris , de petites figures animales en ronde-bosse
(n° 71), des écuelles en terre cuite rouge. Là aussi, nos pio
cheurs rencontrèrent desmurs de briques crues et des poches
de cendres .

LES FOUILLES AU « Palais n .

Il faut rappeler d'abord que le fameux « palais de Goudéa ,


n 'était ni un palais , ni une construction de Goudéa. Les beaux
murs à redans, relevés et photographiés par M . de Sarzec,
sont bien faits de briques à l'estampille de Goudéa, mais c'est
là un exemple de ces réemplois qui tronıpent parfois les fouil
leurs; de ci de là , une brique à inscription bilingue (ara
méenne et grecque) nous avertit que l'æuvre est d 'un dynasle
araméen de l'époque alexandrine, Adad -nadin -ahê. Adad
nadin -ahé a reconstruit avec les matériaux de Goudéa , sur
l'emplacement de l'E-ninnû dédié au grand dieu de Lagach ,
un nouvel édifice, mais nous ne savons ni si c'était un temple ,
ni à quel dieu il l'aurait consacré.
Lors de notre arrivée , les murs d ’Adad-nadin-ahê faisaient
piteuse figure , ce n 'était plus que de misérables ruines, et il ne
restait même plus rien de la partie sud-est. Cros avait sans
doute puisé , comme nous allions le faire, dans ce tas de
briques pour construire la maison qu'il bâtit en 1909. Le
caracol actuel des gendarmes, aux murs épais et élevés, avait
été fait lui aussi de prélèvements sur cette réserve opportune
de briques en plein désert. Et notre maison avec sa maçon
nerie de presque 100 mètres cubes allait achever le sort des
LA CAMPAGNE DU PRINTEMPS DE 1929 À TELLO. 9

briques façonnées , estampillées et cuites par le pieux Goudéa


pour son dieu et roi Ningirsou (1).
Pendant près de trois semaines , de trente -cinq à quatre
VI
vingt-quinze ouvriers furent employés au transport des briques.
Cette corvée utilitaire était en même temps un travail archéo
logique fructueux (2). Chose surprenante en effet, ce n'est pas
seulement dans les chambres mais dans la maçonnerie même
des murs d'Adad-nadin -ahê que l'on glana quatre fragments
de statues ( 5 , 160, 516 , 517 ) , l'un figurant un tiers du
corps et comportant une inscription , un fragment de petite
stèle (512 ) assez fine représentant un homme près d 'un tau
reau (l'offrant à côté de l'offrande), une grande figure en
pierre blanche de démon grimacant (peut-être un Humbaba de
l'époque de Goudéa ) , une masse d 'arme (502) et même un
sceau hémisphérique gravé (503).
Le 23 janvier , l'équipe de six ouvriers qui détachaient les
briques à transporter, attaquant le dallage de l'esplanade de
Goudéa , découvrait lout à coup deux cachettes de fondation
avec inscriptions et statuettes de bronze : trous de trente-cinq
centimètres de profondeur sur autant de long et vingt-deux de
large protégés par les briques du dallage. Le 24 janvier, je
découvrais moi-même une troisième cachette et pus relever ces
mesures : dans chaque cachette maintenant remplie de sable
par les infiltrations, reposait au fond vers l'ouest la statuette
de bronze figurant le dieu un genou en terre tenant à deux
mains un pieu de fondation ; le type en était déjà connu par
les découvertes de Cros et Sarzec; les statuettes avaient été
enveloppées dans un linge qui a laissé sa trace sur le bronze;
à côté , vers l'est, était l'inscription sur marbre blanc, avec le

(1) Une brique réservée dans le crépi le manifeste aux visiteurs.


(2) Dès les premiers jours, les ouvriers et les surveillants rapportèrent
des figurines de dieux, un cylindre d'argile, une masse d'arme (203 ), des
poids (285 , 206 , 248) , des silex (194 , 202 ).
JUILLET -SEPTEMBRE 1930.
même texte que les briques. Les trois cachettes sont sur une
même ligne, 1 et 2 vers l'est , 3 vers l'ouest, mais une qua
trième, explorée et détruite , avait dû exister entre 3 et 1 .

Dès le 30 janvier, les fouilles au Palais changèrent d'aspect :


grâce à l'énergie de mon secrétaire , M . Abéla , nous étions
parvenus à amener à travers les champs inondés les neuf truc
etwagonnets ainsi que les rails qui attendaient encore à
la Badab. Aussitôt pourvus de ce matériel , le terrain fut amé
nagé et les rails et dérailleurs mis en place, et le travail des
fouilles proprement dites commença .
Le travail au Palais me semblait le premier à s'imposer .
Or, puisque les murs apparents n'étaient pas de l'époque
sumérienne, il fallait les faire disparaître, après les avoir
repérés , et en laissant des témoins. Puisque l'esplanade située
1 m . 75 au -dessous de la dernière brique d ’Adad-nadin -ahe
était au contraire l'æuvre de Goudéa, il fallait essayer de
retrouver à ce niveau le reste de la construction de ce prince.
Enfin , puisque Goudéa ne se vantait que d'avoir restauré le
temple de Ningirsou , il fallait chercher dans des fouilles pro
ſondes tout ce qui pouvait dater d 'avant lui. Tels étaient les
trois articles du programme. Les fouilles au palais employèrent
125 hommes et durèrent du 30 janvier au 2 mars .

Une première voie Decauville vint prendre les terres dans


la cour B du plan de Sarzec et les évacuer par une faille des
déblais au loin vers le sud-ouest. On commença un grand
nettoyage à partir du mur nord -ouest du Palais ; on glana un
bon nombre de figurines de terre cuite en relief sur fond plat,
par exemple celle complète d'une danseuse nue au tympanon ,
représentation assez fréquente à l'époque d 'Our, et des têtes en
LA CAMPAGNE DU PRINTEMPS DE 1929 À TELLO. 11
ronde-bosse debasse époque, un petit pied humain en pierre
noire , un pied de bête en terre cuite et bitume.
De la masse de maçonnerie même on dégagea une grande
figure en pierre blanche de démon grimaçant, peut-être Hum
baba (560) , que j'attribue à l'époque deGoudéa ; dans lemur
aussi , un fragment de petite stèle assez fine (512 ) représen
lant un taureau accompagné par un offrant. On commença
dès lors à trouver aussi de tous côtés , jamais cependant in situ
VO

des clous d 'Ur-Bau (540, 760 ), de Soulgi (12 ) et de Goudéa


(541, 550 , 551, 721, 722), dédicaces à Ningirsou et divers
autres dieux, puis de nombreux fragments demarbre et d'albâtre
souvent gravés (80 ,81, 100, 183, 223 et 230, 201, 187,
188 , 145 , 4 ), toujours dansl'écriture del'époque deGoudéa .
Vers la face est, on tomba sur un gros fragment debois carbonisé
et de chaux (141, 146 ) provenant certainement de la ruine du
temple. Par contre , des perles de terre cuite (58 , 192, 193,
204 , 250) et des fragments de poterie émaillée (108, 189 ,
217) représentent l'époque d 'Adar-nadin -abê.

Au bout d'une semaine , une deuxième voie Decauville fut


installée , parallèle à la face nord -sud du e palais » , avec déga
gement vers le nord. Voici encore , pour nous redire la ruine
systématique des derniers jours de Lagach sumérienne , un
fragment de statue de pierre gris bleu (517, cf. 5 , 515 ).
9 février. ] Le chef de chantier ramasse cependant encore in
tacte une petite tablette de Goudéa en pierre (505 ) , prove
nant du mur d'Adad-nahin -ahê; puis [10 février ], c'est un
beau vase d'albâtre sculpté à quatre cupules , vase de sanc
tuaire ou de culte domestique.Mais à côté , c'est un pied d'une
grande statue deGoudéa d'un beau modelé et qui fait regretter
la statue elle-même (632 ), nous redisant le vandalisme des
destructeurs. Au coin de la cour C du plan de Sarzec , apparaît
bientôt la voûte en coupole d 'un puits de l'époque de Goudéa ,
JUILLET- SEPTEMBRE 1930 .
d'un appareil alterné briques sur le plat et sur le champ. Le
sommet est environ à o m . 60 au -dessous de la première bri
que d ’Adad-nadin -ahê.
Dans une jarre de céramique récente , à couvercle plat, on
trouve [11 février ) des ossements d 'oiseaux, peut-être la poule
au pot du dynaste araméen . De la terre jaillit et roule sur les dé
blais une toute petitestatuette (14millimètres)du style archaïque
sumérien , torse nu et jupe de kaunakès, que M . Abéla aper
çoit et ramasse curieusement, petite amulette , une des plus
précieuses pièces de notre butin de 1929.
Vers le sud du chantier , et presque au centre de l'ancien
temple nous trouvons [12 février ) un second puits; peut-être
celuisignalé par Sarzec correspond-il à une sorte de niche semi
cylindrique toute voisine , comme si une construction subsé
quente n'avait pas su retrouver l'axe du puits ancien . Ce puits II
fut creusé à 4 m . 50 de profondeur, mais à 2 mètres la brique
cesse; l'ouvrier rencontrant une poche de terre meuble ouvrit
une petite galerie horizontale et tomba sur un approvisionne
ment peut- être très ancien de boulets de terre cuite ou crue.
La cueillette des fragments continue [13 et 14 février :
albâtre et poterie émaillée (651,653), un beau fragment de
vase d 'albâtre (697) avecune inscription royale où il nemanque
que le nom du roi, sans doute Soulgi. Dans le puils nord , ce
sont de petites figurines animales et des fragments detabletles
(659) de l'âge de Goudéa , jetées postérieurement car elles
reposent dans un lit de terre riche en oxyde de fer .
On dégage ensuite (18 et 19 février ] jusqu'à la terre vierge
le sol des trois chambres nord du Palais, anciennes chambres
10 , 11, 12 de Sarzec ; ce long travail est presque tout à fait
stérile , on trouve cependant un petit cheval d'époque grecque
(746 ), une coupe émaillée (748 ) , des perles , une tête en terre
cuite (762), le toutde basse époque . Plus à l'ouest , dans la cour
B , on ramasse des figurines brisées (741, 753).
LA CAMPAGNE DU PRINTEMPS DE 1929 À TELLO. 13
Au coin nord -est de cette même cour, on découvre un nou
veau puits III , un vrai puits cette fois, que l'on creusera jus
qu'à l'eau , jusqu'à ce que, au bruissement des infiltrations qui
commencent à sourdre, l'arabe déclare qu'il a entendu des
djinns et refuse à continuer le travail.
Entre les cours B et C , sousl'ancien massif épais demaçon
nerie , on ouvre [20 -23 février une large et profonde tran
chée rectangulaire jusqu'à 4 m . 50 au-dessous de la base du
mur d 'Adad-nadin -ahê. Enfin , voyant qu'il ne restait plus de
l'E -ninnû deGoudéa que les trois puits et cette partie de l'es
planade au sud de la cour B , je décidais de la détruire à son
tour et de creuser au-dessous une excavation large et profonde
allant jusqu'au sol vierge. On n'y rencontra qu'une poche de
débris de poterie marquant un ancien sondage rebouché. Sur
la façade est , on ramassa un beau vase sphérique en marbre
blanc doré par la patine (775 ) , quelques fragments de feuille
d 'or (779 ) , el un éclat d 'une petite tête de Goudéa , le côté
droit de la tête avec l'oreille (756 ). Dans la chambre centrale
nord , c'est un fragmentde vase en pierre noire (1754 ). Au sol
de Goudéa appartient une patte de lion grandeur naturelle en
pierre blanche (763). Dans le puits nord -est (III), un frag
mentde terre cuite avec quelques signes d'écriture (757) , des
vases (760 ), unemasse d 'arme en bitume avec clou de bronze
du type encore en usage (765) , une épaule ( 858 ) et un bras(?)
de statue (769).
Nous reconnûmes le faîte du mur de la façade nord du
Palais , mur visible pour Sarzec et noyé seulement par ses
déblais.
Au coin de la chambre 29, on rencontre [25 février), au
niveau de Goudéa , une sorte de cheminée en terre cuite , tronc
de cône se continuant par un tuyau cylindrique, avec de petits
Irous d'aération. Après avoir photographié cette sorte de cloche,
on l'enlève avecprécaution ;on s'aperçoit alors qu'elle reposait,
12 JUILLET- SEPTEMBRE 1930.
d 'un appareil alterné briques sur le plat et sur le champ. Le
sommet est environ à o m . 60 au -dessous de la première bri
que d ’Adad-nadin -ahê.
Dans une jarre de céramique récente , à couvercle plat , on
trouve [11 février des ossements d'oiseaux, peut-être la poule
au pot du dynaste araméen.De la terre jaillit et roule sur les dé
blais une toute petitestatuette (14millimètres)du style archaïque
sumérien , torse nu et jupe de kaunakès, que M . Abéla aper
çoit et ramasse curieusement, petite amulette , une des plus
précieuses pièces de notre butin de 1929 .
Vers le sud du chantier, et presque au centre de l'ancien
temple nous trouvons [12 février ) un second puits ; peut-être
celuisignalé par Sarzec correspond-il à une sorte de niche semi
cylindrique toute voisine , comme si une construction subsé
quente n 'avait pas su retrouver l'axe du puits ancien. Ce puits II
fut creusé à 4 m . 50 de profondeur,mais à 2 mètres la brique
cesse ; l'ouvrier rencontrant une poche de terre meuble ouvrit
une petite galerie horizontale et tomba sur un approvisionne
ment peut-être très ancien de boulets de terre cuite ou crue.
La cueillette des fragments continue (13 et 14 février :
albâtre et poterie émaillée (651, 653) , un beau fragment de
vase d'albâtre (697 ) avecune inscription royale où il nemanque
que le nom du roi, sans doute Soulgi. Dans le puits nord , ce
sont de petites figurines animales et des fragments de tablettes
(659) de l'âge de Goudéa , jetées postérieurement car elles
reposent dans un lit de terre riche en oxyde de fer.
On dégage ensuite [ 18 et 19 février ) jusqu'à la terre vierge
le sol des trois chambres nord du Palais, anciennes chambres
10 , 11, 12 de Sarzec; ce long travail est presque tout à fait
stérile , on trouve cependant un petit cheval d 'époque grecque
(746 ), une coupe émaillée (748 ), des perles, une tête en terre
cuite (762) , le toutde basse époque. Plus à l'ouest, dans la cour
B ,on ramasse des figurines brisées (741, 753).
LA CAMPAGNE DU PRINTEMPS DE 1929 À TELLO. 13
Au coin nord -est de cette même cour, on découvre un nou
veau puits III , un vrai puits cette fois , que l'on creusera jus
qu'à l’eau, jusqu'à ce que , au bruissement des infiltrationsqui
commencent à sourdre, l'arabe déclare qu'il a entendu des
djinns et refuse à continuer le travail.
Entre les cours B et C , sous l'ancien massif épais demaçon
nerie , on ouvre 20 -23 février une large et profonde tran
chée rectangulaire jusqu 'à 4 m . 50 au-dessous de la base du
mur d 'Adad-nadin -ahé. Enfin , voyant qu'il ne restait plus de
l'E -ninnû deGoudéa que les trois puits et cette partie de l'es
planade au sud de la cour B , je décidais de la détruire à son
tour et de creuser au -dessousune excavation large et profonde
allant jusqu'au sol vierge. On n 'y rencontra qu'une poche de
débris de poterie marquant un ancien sondage rebouché. Sur
la façade est , on ramassa un beau vase sphérique en marbre
blanc doré par la patine ( 775), quelques fragmentsde feuille
d 'or (779) , el un éclat d 'une petite tête de Goudéa, le côté
droit de la tête avec l'oreille (756 ). Dans la chambre centrale
nord , c'est un fragment de vase en pierre noire ( 1754 ). Au sol
de Goudéa appartient une patte de lion grandeur naturelle en
pierre blanche (763). Dans le puits nord-est ( III) , un frag
mentde terre cuite avec quelques signes d'écriture (757), des
vases (760 ), une masse d'arme en bitume avec clou de bronze
du type encore en usage (765), une épaule (858) et un bras(?)
de statue (769).
Nous reconnûmes le faite du mur de la façade nord du
Palais , mur visible pour Sarzec et noyé seulement par ses
déblais.
Au coin de la chambre 29 , on rencontre (25 février ], au
niveau de Goudéa , une sorte de cheminée en terre cuite , tronc
de cône se continuant par un tuyau cylindrique, avec de petits
trous d 'aération . Après avoir photographié cette sorte de cloche,
on l'enlève avec précaution ; on s'aperçoit alors qu'elle reposait ,
JUILLET-SEPTEMBRE 1930 .
sertie dans unemaçonnerie de fragments de briques, sur une
sorte de petit puits paraissant comblé . L 'ouvrier pensant ren
contrer un sol résistant veut enfoncer sa pelle d'un coup éner .
gique, sa pelle disparaît toute entière et lui-même tombe dans
le trou , caché par une voûte de poussière. M . Walbert , archi
tecte de la mission , a relevé les détails curieux de ce drain aux
anneaux inégaux et désaxés, puits , four, ou plutôt caveau à
provisions(1)
A la fin de nos travaux au Palais (25 février au 2 mars ), après
un mois , le puits III était abandonné à la profondeurde 8 m .50
au-dessous de la margelle . Une petite tranchée voisine est ou
verte dans l'ancien angle nord-ouest du Palais.
Les chambres nord 10 , 11, 12 ont atteint 4 m . 50 ; dans
la chambre nord -ouest 12 , je recueille à 1 m . 70 et 1 . m . 80
au-dessous de la base du nur d’Adad-nadin -ahê deux petits
pots émaillés (793-794 ), rencontre assez remarquable (1).
Du puits III, sont sortis des fragments d 'une très grosse
masse d'arme, du temps de Goudéa .
Le Palais n'avait plus donné de statues , presque point
d 'inscriptions : l'héritage d 'Ernest de Sarzec était pauvre.

LE SANCTUAIRE DE GAL-ALIM .

En cherchant pour notre maison des briques à la surface


du sol, nous avions remarqué au sud du tell Est un premier
massif de maçonnerie de 1 m . 45 de largeur, et, un peu plus
loin , un autre murmoins large , ni parallèle ni perpendiculaire
au premier.
Aussitôt la glane des briques achevée, le 1er février, je
demandai à M . Gardinier de bien vouloir ouvrir une fouille

(1) A côté , un joli vase (795 ).


(1) Chambre 10, perles (792 ).
LA CAMPAGNE DU PRINTEMPS DE 1929 À TELLO . 15

autour de ces deux murs


murs A et D : trois équipes furent em
ployées à dégager leurs parois ; l'un et l'autre était appuyé
vers l'ouest par échelons à un massif de brique crue qu'il ne dé
passait guère d 'un mètre. Au mur A , en avançant, on put au
contraire descendre à 3, 4 , et 4 m . 50 sans rencontrer
la base de la construction ; puis , tout d'un coup , l'ouvrier
occupé à ce sondage déclara entendre des djinns et il fut im .
possible de le décider à continuer . Le tronçon sud (D ), de
moindre hauteur , apparut s'incliner au bout de quelques
mètres et former comme une rampe tournante . On recueillit
dans ces fouilles une figurine en demi-relief en forme de trône
reposant sur quatre pieds, des faucilles d'argile cuite , des
meules plates en pierre grossière , un mortier , des fragments
de poterie peinte analogues à celle des tranchées voisines , dites
du style I bis.
En élargissant la fouille autour du mur A , on rencontra,
d 'abord à droite , à faible distance , un mur B , de même appa:
reillage et descendant aussi profondément. Le chantier sem
blant devenir intéressant, des rails et des wagonnets y furent
amenés. Sur ces entrefaites, plusieurs clous du type de Goudéa
furent ramassés , trois auprès du premier mur ( A ), un au
mur tournant ( D ) : les trois premiers étaient au nom du dieu
Gal-alim , le quatrième au nom de son frère, le dieu Dun-šag
gana ,Gal-alim et Dun -saggana étant les deux fils de Ningirou et
de Baou. Cette trouvaille ne pouvait être un effet du hasard , et
je pensais que cette construction , quelle qu'en soit la destina
tion , était consacrée aux dieux frèresGal-alim etDun-saggana.
On avançait et descendait toujours : le mur A apparut
formant un croisillon (a) par le fait d 'un double élargissement
bien régulier, à 7 mètres de son point de départ. Le mur B ,
parallèle à droite, comportait un redan ou décrochement (6)
en face du croisillon , comme pour réduire le passage et en
faciliter la défense ; on pouvait penser à une double porte de
JUILLET-SEPTEMBRE 1930.
ville , car on rencontra également à gauche un mur C , paral
lèle à A et B et comportantun décrochement (c) parfaitement
symétrique à b. Mais quel ne fut pas notre étonnement en tom
bant bientôt sur un mur vertical (M ), barrant les deux pro
longements de couloirs et en faisant de petites chambres
profondes , où furent ramassés sur le dallage quelques frag
ments de poterie peinte .
Le mur tournant D fut suivi et dégagé : il rencontrait ,
avant d'atteindre le mur B , un massif E , sorte de terrasse

G H VA

intermédiaire, dont l'appareillage et la jonction à B dénotait


un travail postérieur. Le travail général fut interrompu le
2 mars, de simples nettoyages furent poursuivis avec quelques
ouvriers.
C 'est ici la seule construction en brique cuite un peu consi
dérable par sesses masses
I
de maçonnerie. Le travail de déblaie
ment et le relèvement des murs et de leur appareillage ont été
faits par un architecte. Malgré nos réflexions en commun ,
après avoir demandé leslumières de M . du Mesnilet de M . Syd
ney Smith , j'avoue n 'avoir trouvé aucune explication plausible
de cet ensemble . C 'est ici un sanctuaire (é ) dans le sens d'édifice
consacré aux dieux , mais ces petites chambres , sortes de
LA CAMPAGNE DU PRINTEMPS DE 1929 À TELLO.
cachots , peuvent-ils avoir été des lieux de culte , on en dou
tera. On pensera peut- être à un lieu de justice (1), peut-être
aussi à un bastion . Un ingénieur m 'a suggéré l'hypothèse d 'une
machine élévatoire ( d 'eau ). Une fouille en H et G symétrique
ment au mur tournant sud , l'enlèvement des terres entre B et
D , l'exploration derrière le mur M , même à défaut de textes ,
pourraientéclairer un peu ce problème très difficile .

SANCTUAIRE DE Baou .

En examinant le flanc est du tell des Piliers, j'avais remar


qué une dépression où des briques en place marquaient le
faîte d'un mur en double équerre. J'amenai (le 9 février ) une
équipe de 27 ouvriers : les murs de o m . 60 d'épaisseur,
dégagés à l'intérieur et à l'extérieur, laissèrent voir une courte
cella de 3 mètres sur o m . 80 , à laquelle on accédait par un
escalier de deux épaisseurs de briques cuites sur un massif de
briques crues. Trois briques à inscriptions trouvées à côté
remémoraient la construction par Goudéa d'un temple (é) à
Baou , dans la ville sainte » (uru-kú(g)-ga). Plus tard , une le

brique de Goudéa fut aussi trouvée non loin , remémorant une


dédicace à Ga-tum -du( g ) encore dans la ville sainte » . Cet
édifice faisait donc partie d'un sanctuaire dédié à Baou dans
le quartier de Lagach dit « la ville sainten.
La cella fut nettoyée : le mur qui faisait face à l'escalier
était percé de trois meurtrières réservées dans l'appareillage.
Cette chambre était, à o m . 60 au-dessous de la dernière
marche, dallée de la façon la plus irrégulière : quelle était sa
destination ? On aurait pu songer à un tombeau : huit étages
(1) Le temple de Galalim d 'Uru-ka-gi-na s'appelait en effet l'é-me-huš-ga
an-ki mle temple des sentences terribles et augustes du ciel et de la terren
( cône A , I.S.A ., 71). Le temple de Dunšaggana s'appelait Ki-ku akkil-li-ni
cla demeure des crisn : était-ce une maison de torture ?
CCXVII.
IMPRIMERIE NATIONAL . .
18 JUILLET- SEPTEMBR 1930 .
E
de briques furent enlevés sans laisser apparaître aucune voûte ,
M . S . Smith me proposa de voir dans cette minuscule cha
pelle un absu ou abime sacré comme les textes en mentionnent
pour quelques temples.
En dégageant le mur extérieur on ramassa divers vases de
l'époque de Goudéa , des écuelles , un mortier, une figurine de
femme nue , des re clous » , un fragment de stèle (68 , 459,
654 ).
Un petitmur adventice , partant du coin sud -ouest de l'esca
lier s'inclinait vers le sud-est. En le suivant on arriva jusqu'à

TUTTI

deux chambres fortpetites , dominées non plus par un escalier


mais par une terrasse dallée. Dans l'un des murs, j'ai remar
qué une brique brisée de l'é-ninnu : ces chambres sont donc
une n

au moins un peu postérieures à Goudéa . Le dallage des


chambres fut défoncé sur une profondeur de 10 épaisseurs
de briques, toujours dans l'espoir de rencontrer un tombeau
de prêtre ou de prince, toujours aussi sans résultat. A Our,
Woolley a ainsi fait creuser au ciseau un sondage de plusieurs
mètres dans d'épais piliers de l'esplanade de la ziggurat , il n 'a
rencontré jusqu'au fond que la maçonnerie. Ces dallages sont
faits de briques carrées et aussi de briques trapézoïdales , pro
venant évidemment d 'un puils voisin lombé en ruines.
En résumé, celte fouille nousavait permis : 1° de localiser
le quartier de la ville dit la re ville sacrée » ; 2° de localiser éga
LA CAMPAGNE DU PRINTEMPS DE 1929 À TELLO
TELLO .. 19

lement avec probabilité le temple de la déesse Baou dont cette


cella devait dépendre; 3° de décrire une construction spéciale ,
sorte de cuve à laquelle on accédait par un escalier , et qui
pourrait être l'absu , l'abîmedu temple figure de l'abîme cos
mique , et lieu probable des libations aux dieux et des ablutions
rituelles , – quelque chose ( sans comparaison des rites )
commeles baptistères .

FOUILLES AUTOUR DE LA MAISON DE LA MISSION .

Un chantier a occupé nos efforts persévérants presque


toute la campagne : ce sont les tranchées autour de la mai
son .
Un simple grattage du sol pour constituer un mortier de
boue avait fait apparaître dès les premiers jours divers objets
- lames de cuivre , petites poteries. Le creusement d'un
fossé de protection contre les loups, les hyènes et les voleurs ,
l'eau aussi, nous fit rencontrer un quartier très ancien . Les
fouilles restées fructueusesfurent continuées jusqu'à la fin .
Le caractère général du chantier de la maison , — ce qui
fait son intérêt — c'est la date reculée des documents recueillis :
les premières tablettes trouvées sont de l'époque présargonique
ou de celle de la dynastie d'Agadé; la poterie est simple ; les
morts ensevelis en pleine terre , enveloppés seulement de
linges et roulés dans une natte ; les figurines non plus en
demi-relief mais en ronde bosse ; le cuivre abonde, les perles et
les poids, voire les coquillages et les cailloux taillés.
Le première iranchée délimite un grand carré d'environ
40 mètres de côté qui est l'esplanade de la maison : c'est un
fossé de 2 mètres de profondeur et de 1 m . 20 de large. Dès les
premiers coups de pioche, nous sommes payés de succès : on
découvre une belle lame de lance ( 2 1 2 ) et une hache de cuivre
dans l'emmanchure de laquelle le bois pénétré d'oxyde de
20 JUILL -SEPT 1 .
ET EMBR 930
E
cuivre reste visible; puis, une herminette en terre cuite rouge
(172 ) et une hache en terre cuite jaune (524).Les vases sont
nombreus , urnes à liquide et gobelets à boire , je signale des
vases hauts et ouverts en calice de fleur, un grand vase en

lyter /
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VIT
Ler,

bis,

grès (566), un joli vase rond en marbre doré (553). En


mêmetemps , l'on dégage un puits couvert avec un long tuyau
(569 ) s'y terminant en entonnoir (568 ). A 1 mètre environ ,
on rencontre plusieurs petitesbrûleries en briques cuites posées
sur le champ formant un foyer en T, une au sud , une à l'est,
une au nord .
LA CAMPAGNE DU PRINTEMPS DE 1929 À TELLO. 21
Je citerai parmi les petits objets un char votif (174 ) de
forme animale , plusieurs cylindres en terre cuite (175 , 176 ,
178) , des silex taillés (177, 138 ) , une tablette de l'époque
d'Agadé ( 339). Au sud , on recueillit un étrange petit bélier
aux paltes perſorées horizontalement pour être montées sur
roulettes (580 ) ; or, de semblables roulettes abondent (508 ,
520). J'ai dit dans mes Premières recherches archéologiques à
Kich que les jouets étaient peut-être très anciens : pour moi ,
je ne puis voir des objets sacrés dans toutes ces petites figu
rines animales et les images de grotesques qui les accom
pagnent.
Lesrecherches autour de lamaison, interrompuesle 1 1 février,
furent reprises le 3 mars : une nouvelle tranchée II, parallèle
au côté sud de la tranchée I , futouverte derrière la maison . Ce
ne fut pas sans intérêt qu'on y recueillit une petite barque
assez semblable aux bélemsdu pays ( 867) ; à côté, on ramas
sait des sortes de pesons plats en terre cuite (845 , 846 ,
873 , 874 ) . La tranchée rencontra subitement une poche de
OS
sable, sans doute un sondage ancien , puis une sorte de cloche
en tonneau goudronné, rempli de poteries brisées; à côté
d'une nouvelle brûlerie en T, à faible profondeur encore , on
recueillit des vases (868 , 869), une figurine sans tête (870),
des poids (873 , 874 ), etc.
Les tranchées I et II sont rejointes [ 8 - 9 mars )par un tron
çon perpendiculaire ( II bis ). Je signale comme élément nou
veau un de ces petits lits-supports à pieds trouvé à 2 mètres
de profondeur (910) ; en dehors , voici une brique avec em
preinte goudronnée d'unenatte très fine (930),des contrepoids
en pierre (937),une plaquette de schiste avec emmanchure (à
rivets ] (930),des petits pots souvent faits à la main et incisés
(940, 941),des boulets (933 bis), jarres(932), grosse poterie
incisée (934), roues de chars (938), perles (933). J'attirerai
l'attention sur une petite statuette de femme à robe à volants ,
22 JUILLET-SEPTEMBRE 1930.
non seulement à cause de la forme du vêtement, mais pour
faire remarquer que dans les habitacles présargoniques, les
figurines sont toujours en ronde-bosse, et non moulées en demi
relief comme à l'époque de Goudéa.
Après les fêtesdela pâquemusulmane(16mars ], les fouilles
reprirent, une nouvelle équipe futmise au tronçon ouest de la
tranchée primitive (tranchée III] : ses efforts ne firent décou
vrir que des écuelles et des vases vulgaires. L 'équipe de la
tranchée JIbis ayant dégagé deux petites brûleries en contrebas
l'une de l'autre , trouva un caniveau dans leur prolongement,
avec déversement sous une cloche dans une sorte de tonneau.
Près d 'un tonneau goudronné de la tranchée II on trouva deux
tas de perles de cornaline, de lapis-lazuli et d 'argent, et, à
1 m . 80 , trois belles pioches de cuivre soudées ensemble par
l'oxyde et un poignard : je signale ces outils en rappelantleur
date , l'époque d'Agadé.Se trouvent également datés de cet âge,
deux vases (986 , 987) aux larges épaules sur une tige mince
évidemment inspirée par le torse humain ; un joli vase pointu
en terre cuite , trouvé à o m . 70 , n 'est pas aussi certainement
demême antiquité. Par contre les perles de cornaline sont
d 'un usage très ancien .
L 'équipe de la tranchée III a doublé [18 mars ] la largeur
de la tranchée ) , et descendra peu à peu à 5 mètres de proſon
deur : à 3 mètres, elle recueille une faucille de cuivre (1630) ,
des boulets (1032) ,une nouvelletablette del'époque présargo
nique (1037). L 'équipe II bis trouve à 3 mètres [19 mars ) un
nouveau couteau de cuivre , à 1 m . 80 : ces couteaux présargo
niques sont déjà à soie perſorée et rivets de cuivre. L'équipe III
détruitun drain conservé tout d'abord et récolte à l'intérieur
et sur ses parois quantité de poteries, écuelles vulgaires (1040 )
el corpets (1043 , 1044 ) , poterie peignée (1041, 1042 ) , en
fumée (1048 , 1049) ou moulée en corde (1046 ), quantité
aussi de boulets projectiles de pierre ou de terrecuite (1050 ).
LA CAMPAGNE DU PRINTEMPS DE 1929 À TELLO. 23
Je signale une masse d 'arme en croissant (1047 ) dont la forme
est documentée à Our et à Assur.
Le 20 mars, en présence de M . du Mesnil, l'équipe de la
tranchée II bis trouve à 2 m . 40 une tombe ( tombe 1 ]; le
corps est accroupi et couchésur le côté droit ; il était enveloppé
dans une fine natte collée aux os(169 ); c'est le corps d 'un jeune
adulte. Aux pieds , on trouva six vases , trois écuelles et trois
bols arrondis (1083-1088 ). Dans une écuelle , protégée par
une autre renversée , nous trouvámes le reste des mets du mort,
fèves et sauce (1 127-1128 ). Je crois pouvoir dire qu'à l'époque
présargonique les corps étaient ainsi ensevelis en pleineterre ,
tandis qu 'à l'époque de Goudéa ils sont d 'ordinaire enfermés
dans de grandes jarres qui protègent davantageles ossements.
J'avais cependant recueilli déjà une mâchoire bien conservée
(507) que j'ai donnée au Muséum . On a trouvé à proximité
de cette tombe Iune bulle empreinte d 'un style archaïqueana
logue au style de Suse (1082), une pierre à aiguiser à anneau
de cuivre (1080 ), une belle lance de cuivre (1 124 ) , des
perles en cornaline clairsemées. A la tranchée III , c'est comme
les jours précédents , une belle potiche (1121) , de la poterie
peignée (1090), des écuelles ( 1095 , 1096 ), de longs vases
caliciſormes (1097, 1094 ), des roues de char (1089, 1093 ),
des gobelets (1098 , 1099 ) et des bulles à empreintes
(1092 ). C 'est avec joie que nous recueillimes également un
grand hameçon de cuivre (1 122), exactement semblable aux
nôtres, tant pour la courbe que pour la pointe et l'aplatisse
ment de la tige à l'endroit de l'attache : de tels objets, moins
beaux , ont été aussi trouvés à Our.
Le 21 mars , cette même équipe se déplace vers le nord et
ouvre une large tranchée rectangulaire à la rencontre de tron
çons nord et ouest de la tranchée I. Elle rencontre un nouveau
drain et une sorte de cloche à cheminée (1155 ) avec une
seconde cloche intérieure; puis , de nouvelles tablettes et em
24 .. JUILLET-SEPTEMBRE 1930. :
preintes archaïques (1144-1146 ), des fragments de vase
à décor gravé (1151),de la poterie cordée (1153, 1154). On
atteint 1 m . 20 : on recueille à
1 mètre des outils de cuivre
(faucille et marteau , 1148 ,
1149, 1150), un joli vase à
silhouette ellipsoide ( 1161) ,
des galets (1162, 1163). Je
dois signaler un fait assez trou
blant, c'est la rencontre dans
ce site , pourmoi très archaïque,
de trois premières tablettes de l'époque d 'Our à 2 mètres de
profondeur(1141, 1142, 1143).
L'équipe de la tranchée II bis est passée par un mouvement
semblable en V , au nord de II : elle recueille des poids en
hématite (1 189-1195) , des bulles archaïques ( 1138 , 1139)
et un étrange manche d 'outil en pâte bitumeuse et en pâte de
lapis-lazuli (1140).
A la tranchée IV, nouveau drain , et , à quelque distance , à
1 m . 35 de profondeur, un paquet de détritus de céréales avec
vers (1185), immédiatement sous le sol ancien (on enterrait
sous ses pieds), on rencontre deux corps dans des linges ; non
loin ,ce sontdeux longs outils de cuivre ( 1 177, 1178 ) à 1 m . 20
de profondeur; puis à nouveau ces projectiles de terre cuite et
de pierre; enfin des bulles (1181- 1183, 1188 ), dont un très
beau fragment d'empreinte cylindre archaïque; un joli vase à
suspension en forme de gourde (1176 ).
A la tranchée II bis et IIter, quelques poidsd'hématite (1189.
1195 ) et un drain recouvert d'une cloche.
La tranchée IV s'élargit et donne deux nouvelles tablettes
de l'époque présargonique (1238, 1239) et un nouveau frag
mentde grosse poterie décorée à la pointe (1237) auxmotifs
champêtres.
LA CAMPAGNE DU PRINTEMPS DE 1929 À TELLO . 25
. La tranchéc V s'élargit et descend à 1 m . 75 . On y ramasse
un vase en pierre remarquable, le décor est fait de cupules
jadis incrustées sans doute dematières colorées , les anses de
suspension avaient été prises dans la masse (1212 ) : c'est
ensuite une coupe coquillage ( 1 214 ), un cylindre de coquille
(1217), des perles (1218, 1219), un petit pot à onguent
(1 222), un poignard de cuivre à deux rivets (1213), un sau
mon de cuivre (1 231), des vases en cornets (1232-1234) ou
piriforme (1228).
Une troisième équipe est amenée [25 mars ) et fait sauter
le pont à l'Est , elle élargit toute la tranchée I section Est :
elle trouve une nouvelle brûlerie et de petits vases bien con
servés dont une gourde à deux becs et trou de suspension
(1287).
L 'équipe de la tranchée IV ramène un contrepoids perforé
(1274), trois empreintes archaïques (1 276–1278), une anse
en tête de chien (1279 ) , un petit animal en terre cuite , le
tout à 1 m . 8o en moyenne. On creuse autour du drain de la
tranchée III et on y trouve un fragment de vase de marbre
(1273).
L'équipe de la tranchée V rencontre une cuve à feu (1281),
recueille quelques cailloux ouvragés (1286 ), un beau cylindre
archaïque malheureusement déjà attaqué( 1 284 ) , enfin encore
un vase à forme surbaissée (1282).
Le lendemain , la même équipe rencontre au pied du drain
une tombe (tombe III) avec trois très grandes écuelles (1290
1292) et une belle urne (1289).
L 'équipe IV trouve une coupe en cuivre (1303), une aiguille
(1304 ) , une bulle à empreinte (1307), une tablette de
l'époque d ’Agadé (1306) , deux vases en cornets (1312 ,
1313), une sorte depilon (1311) en terre cuite, etc.
L'équipe de la tranchée Est ( VI) trouve de 1 m . 85 à
2 m . 3o un cylindre (1293), un petit vase entier (1294 ) et
26 JUILLET-SEPTEMBRE 1930.
encore un de ces carafons de forme surbaissée (1275) qui
sont un des types céramiques de l'époque archaïque.
L 'équipe de la tranchée V met à jour une bulle (1296 ),
des nageoires de poissons imprimées et conservées dans la
glaise (1297), des outils de cuivre (1299-1302), et un
humble objet d 'argile crue bien intéressant, un dé comme on
en a trouvé également à Our : encore une fois, j'ai peine à
croire, même si l'origine en fut superstitieuse ,que ledé ne soit
devenu très vite le dé à jouer.
La tranchée est s'égalise et s'achève [27, 28 mars ).
La tranchée IV rejoint la tranchée III en gagnant vers le
sud : elle fait sortir du sol un beau vase d'albåtre (1337 ) de
om . 13de haut,appartenant peut-être à une tombe ſtombe ] de
femmemal explorée par les ouvriers , et à laquelle j'attribuerais
aussi une coquille (1338) contenant encore des matières ver
dies (parfum ou fard décomposé ); une belle coupelle plate en
cuivre avec petite queue (1339) et une bague d'argent à triple
anneau. La récolte s'augmente de bulles (1342-1346 ), d 'un
carafon surbaissé (1246 bis), d 'une petite figurine animale
(1346 bis ) , d 'une petite coupelle en cuivre à bord rabattu
(1348) , d'un tout petit vase en forme de cæur (1 348 bis ). Le
lendemain , c'est encore un fragment de tablette de l'époque
d'Agadé (1 4 24 bis), un petit bélier en terre cuite (1425 bis) ,
de la grosse poterie incisée (1423) , un vase contenant de
petits os (1425).
L'équipe V dégage à faible profondeur un très petit bracelet
de cuivre (1381), une lame de poignard (1350), un petit
buste en ronde-bosse (1352), et encore des cailloux taillés .
Je dégagemoi-même(tranchée II bis) tout le trésor (1437-1443)
d'une tombe [tombe V ] d'homme relativement riche: c'est une
grande coupe de cuivre , un grand vase d'albâtre cylindrique,
un autre rond d 'albâtre veiné, deux hauts cornets de terre
cuite , une très belle urne épaisse en terre cuite rouge, un
LA CAMPAGNE DU PRINTEMPS DE 1929 À TELLO . 27
tout petit pot fait à la main et incisé. — Une autre belle trouvaille
faite à 4 mètres était une sorte de long cylindre en os travaillé,
ayant encore une dernière incrustation de pâte de lapis -lazuli
malheureusement tombée au nettoyage (1435 ). A côté , c'était
toute une variété de vases d'argile (1427- 1433 ) et des frag
ments d 'outils de cuivre (1434 ). Au pied du drain de la tran
chée III, on trouve (?) — que vient-il faire ici ? -- un clou de
Goudéa (1336 ) , à 5 mètres de profondeur.
L 'équipe de la tranchée IV a rejoint [29, 30 mars ] la tran
chée III : elle trouve un nouveau fragment de cette grosse
poterie à décor incisé, sorte d 'entonnoir à jours,
cheminée de mangal (1471). Je note encore une fois
figurine en ronde-bosse (1472 bis), un outil de
cuivre (1472), un fragment d'estampille au nom de Naram
Sin (?) (1473 ), un contrepoidsde pierre (1479 ) , trois aiguilles
(1480-1482 ), un cylindre de coquille (1483).
Le puits (tranchée III) est porté à 7 mètres : on y ra
masse un lit-support (1474 ) et une coupe de terre cuite
(1485 ).
L 'équipe de la tranchée V trouve un beau cylindre archaïque
en coquille (1483) et un petit gobelet conique (1484).
L'équipe de la tranchée VI (à l'est) passe au sud et fait
rejoindre les tranchées I et II à l'est de II bis , c'est la tran
chée VII. Le premier jour, on n'y trouve rien ; le second, on
ramasse un contrepoids (1486 ), une nouvelle petite gourde à
double bec ( 1489) , un beau cylindre en hématite ( 1490) ,
deux beaux cylindres de formebien inattendue (1491 , 1492).
Je ferai deux remarques : les cylindres d 'hématite pourraient
donc être d 'un usage ancien , bien que rare; en second lieu ,
ces gourdes très petites ne peuvent avoir été utilisées que pour
un liquide précieux, quelque liqueur distillée .
A toucher la tranchée IIJ , l'équipe trouve [ 1 er au 3 avril
dans la tranchée IV quatre tablettes de l'époque d'Our (1508
E
LLET TEMBR 0
28 JUI -SEP 193 .

1511), sensiblement au même niveau que les tablettes et


bulles de l'époque d 'Agadé. La rencontre de deux écuelles
(1507 ) , d'une perle émaillée (1514 ) , d 'une bague encore au
tour d 'une phalange (1513) trahit une tombe ( tombe 0 ] , non
signalée par des ouvrierstrès méprisants pour les anciens osse
ments humains ( adhem !). Une inhumation profonde peut-elle
expliquer la présence de ces tablettes d 'Our ? Je n'oserai l'affir
mer . Plus loin en effet voici : 1° à 1 m . go une tombe
[ tombe VI) très riche en poteries (1529-1538 ), avec le cy
lindre (1541) qui accompagne déjà les tombeaux d'bomme et
un poignard (1540); 2° une autre tombe [tombe VII), où les
vases se trouvent placés entre lesmains et la tête (1543-1545 ) ,
avec un poignard (1542) , un petit pot (1543) et près d 'une
écuelle , des tablettes de l'époque d'Our (1548-1553) : mal
heureusement, l'on ne peut être partout et je n'ai pu examiner
moi-même ces deux tombes.
La tranchée V achevée au niveau de 4 mètres, l'équipe
attaque une nouvelle tranchée V bis : c'est à 2 m . 25 des bou
lets projectiles (1515) , une figurine de chien (1577), un
saumon de cuivre (1519 ), sorte de valeur de métal mis en
saum

réserve, puis une pierre à aiguiser (1516 ), de petits poids


(1518 ) et un gros peson de pierre (1517 ).
La nouvelle tranchée VII ( entre I et II) fournit une très
petite écuelle et un pot rond (1522 , 1520 ) , et à 2 m . 40 une
cloche à nervures.
Une nouvelle équipe reprend une tranchée II bis ou VIII
perpendiculaire à II : elle trouve une épée de cuivre (1558 ) et
un petit lion en ivoire (1600 ).
La fouille IV est très élargie [ 4 au 6 avril] et atteint 4 mètres
de profondeur : j'y dégage une tombe très pauvre tombe VIII ),
la tête du mort descendue en contrebas . La tranchée est en
suite abandonnée. La récolte recommence dans une tranchée
IV bis , elle se réduit à un contrepoids (1619 ) , des écuelles
LA CAMPAGNE DU PRINTEMPS DE 1929 À TELLO. 29
(1622 bis), des vases divers (1618 , 1621, 1632, 1624 ,
1662), des projectiles ovoïdes à o m . 80 (1660, 166 1).
La nouvelle tranchée V bis donne à moins d'un mètre de la
poterie (1605 , 1606 , 1607, 1608 ) et un cylindre à un
registre de décor géométrique et un autre de décor animal
(1609); à , m .40 , nous retrouvons des vases (1627-1630) ,
des cuivres (1635-1636 , barpon) , un marteau de terre cuite
(1633 ), un petit char à silhouette animale (1634 ); à 2 mètres,
presque rien .
La tranchée VII continue à être très pauvre ; l'équipe attaque
une nouvelle tranchée VII bis et y récolte silex , rondelle de
marbre, poids (1639-1641), puis un petit âne, figurine de
terre cuite (1638) et deux cylindres, enfin un nouvel hame
çon de cuivre : les Sumériens de Lagach sontdes agriculteurs
et des marins.
De la tranchée VIII , on m 'a apporté le 4 avril un bas de
figurine plate à relief (1604 ); je le note avec des réserves ;
l'objet a -t-il été trouvé ici même? Je n 'en suis pas sûr. Devant
moi, on tire du sol une très grosse bague de cuivre (1648) et
un bout de fil de même métal (1647). A son lour, l'équipe
attaque vers l'est une nouvelle tranche VIII bis et trouve un
petit vase d'albâtre rectangulaire à quatre compartiments
(1668) , des ornements de cuivre (bracelet et bague : 1670
1671),une perle d'agate (1672) et des vasesmortuaires (1678
p675 ) , comme si l'on avait rencontré là une tombe de femme
(tombe 00 ).
La tranchée IV bis s'élargit à son tour [ 8 et 9 avril] : elle
donne un bon nombre de vases (1701-1711, 1723- 1725 ),
dont un grand cornet d'albâtre irrégulier (1701), un fragment
de joli vase de marbre à liséré sculpté (1625) et une sorte
de timbale presque cylindrique de forme nouvelle (1724 ) :
elle rencontre également tombe IX une tombe (dont le corps
était tourné vers le S . E .) avec un pauvre cylindre (1712).On
30 JUILLET- SEPTEMBRE 1930.
vera
trouvera aussi un nouveau fragment de tablette de l'époque
1 nouvea

d'Our (1713) et, le lendemain , un petit bélier à roues (1726) ,


avec un beau cylindre à deux registres (1727) et un anneau
de coquille (1728).
Les ouvriers de la fouille V ouvrent une troisième tranchée
vers la fouille III; pauvre récolte : deux roues de char très
grandes (1729 ) el un fond de vase d 'albâtre ( 1 718 bis ).
Derrière la maison , la tranchée VII bis atteint 3 m . 50 ; on
glane une roue fine en terre crue, deux gobelets en tronc de
cône (1736 -1737) , un petit vase en terre crue incisé au col
(1734 ) et un tout petit bonhomme, figurine de terre cuite
(1739). :
L'équipe qui travaille perpendiculairementaux tranchées I
et II élargit maintenant vers l' est la tranchée VIII ter : elle
trouve trois roues (1716), un coquillage (1714), une urne,
un grand vase caliciforme (1715 bis) , de la poterie enſumée
noire ou grise (1717 , 1740), des silex-scies (1718), un poids
en forme de canard (1741).
Le lendemain (10 et 11 avril], l'équipe récolte encore une
pierre à aiguiser (1817) , quelques poteries (1818, 1821), du
cuivre (1819, 1820), dont un tout petit hameçon (1846) .
L 'équipe de la tranchée VII quitte l'arrière de la maison et vient
se placer entre V ter et III (tranchée IX ) : elle déterre un gros
pot arrondi (1831), un petit vase (1826 ) et quatre tablettes
de l'époque d’Our (1827-1830).
L 'équipe de la tranchée IV , ayant atteint l'aplomb de III ,
s'étend maintenant vers l'ouest : elle trouve un beau vase d 'al
bâtre (1815 ), plusdes fragments (1813, 1814) et deux cor
nets de terre cuite (1823 , 1824).
En V ter, on rencontre de la grosse poterie épaisse (1816 ).
Voici enfin quelques objets recueillis dans ce chantier sans
que, par accident, la provenance exacte ait été reportée sur
l'inventaire : deux bulles (1772 -1773), une barque en terre
LA CAMPAGNE DU PRINTEMPS DE 1929 À TELLO. 31
cuite (1775), un fragment de char (1764), une petite pas- .
soire en marbre vert (1768) , deux grands cornets (1769
1770).
Les travaux sentant leur terme [12 , 13 avril ], les travail
leurs sont impatients de trouver quelque chose de suite . Les
ouvriers de la IV ter ont ramassé un cylindre en lerre cuite non
gravé(1891), encore deux tablettes d’Our (1892, 1893),deux
écuelles ( 1896 , 1897 ) , un tout petit godet (1899) , un petit
mortier en marbre blanc (1894 ), des fragments épais incisés
(1900). A 4 mètres , ce sont encore une écuelle (1925) , un
petit vase arrondi (1926), un caillou perforé (1920),un frag
ment de lit-support (1928 ).
La V ter et la IX voisine donnent pasmal de petits objets :
un petit bonhommeen terrecuite (1901), un lit-support (1903),
un vase en forme de cæur (1905) , un cylindreà triple registre
(1910), un fragment de tablette d'Our et trois bulles (1914
1917 ), une palette de schiste (1918 ) , un petit vase à oreil
lettes (1930), trois tablettes d'Our (1933-1935), des perles et
cailloux (1937-1939).
Toujours derrière la maison , la tranchée VIII ter livre un
petit bélier de terre cuite (1940 ), divers objets de bronze ou
cuivre (outils, épée , anneau, clou : 1941-1946 , 1955), des
perles et des silex (1951, 1953, 1950), une petite amulette
avec trois signes (1954), un pendentif en marbre rose (1952).

Les « FOUILLES ARABES 9 .

Notre plus grand chantier, tant pour la largeur et la pro


fondeur des excavations que pour le nombre d 'ouvriers et le
matériel employés , ce fut celui situé au sud du tell des Ta
blettes. Nous reprenions ainsi, et la suite des travaux considé
rables exécutés par Cros et Sarzec dans ce tell, et l'exploration
32 JUILLET -SEPTEM
BRE 1930 .
.de la région voisine, où les fouilles clandestines arabes avaient
été couronnées de tant de succès.
On commença par l'ouverture de deux longues tranchées
orientées vers le centre du tell, celle de l'Est dans la direction
N . N . E .- S . S . E . , celle de l'Ouest dans la direction N . E .- S. O .
Chaque tranchée fut divisée en trois caissons; dans chacun
travaillait une équipe de vingt-cinq ouvriers. .
Dès la première journée, on dégageait dans la tranchée
0 - II une cloche bien ouvragée reposant sur un socle cimenté .
La cloche enlevée , on aperçut une jarre posée sur des cendres.
Cette jarre était un tombeau de jeune enfant (A ) enveloppé de
linges : des photographies sur place et à la maison permirent
de garder la vision de ces ossements et des tissus fragiles. La
même tranchée Ouest (III) nous livrait peu après un tombeau
de femme ( B ) avec trente-deux anneaux de coquille (839 et
suiv.) ,deux bracelets de bronze et des perles, une belle écuelle ,
divers vases : le corps était , comme à l'époque archaïque , seu
lement enveloppé dans une natte . Cf. tombeau C (n° 886 ).
Les poteries abondaient dans les deux tranchées : la terre
en est plus fine, les formes plus soignées qu'à l'époque pré
sargonique; cependant les vases arrondis et sans pied se ren
contrent encore.
Juste à l'aplomb de la tranchée Ouest, on ramassait un ad
mirable pied de taureau en pâte bitumineuse; la découverte de
la statue entière m 'aurait consolé de l'absence de statue de
Goudéa , mais l'élargissement de la tranchée , la recherche la
plus attentive du moindre fragment ne nous fit pas même
trouver un éclat de mêmematière.
Dans la tranchée Est , on dégageait une de ces constructions
eu briques que Cros avait comparées aux W . C . à la turque :
l'examen de cet ouvrage ne paraît pas confirmer dans ce cas
l'interprétation proposée.
Dans la même tranchée, on rencontra plusieurs murs et
LA CAMPAGNE DU PRINTEMPS DE 1929 À TELLO . 33
massifs de briques crues, et , dans les chambres formées par
ces murs, un bon nombre de vases entiers. Au bout nord , on
rencontrait
rel
une sorte de grilen rangées de briques posées sur
le champ et séparées par un espace. J'ai rencontré des appa
reillages semblables à Kich.
En descendant à 5 mètres , la même tranchée Est nous
livrait de nouveaux tombeaux (831-833; 887 et suiv.; 895
et suiv. ) sans jarre ; dans l'un d'eux, on ramassait un joli vase
à oreillettes et, pour la première fois, une toute petite figurine
grotesque en ronde-bosse, bien conservée. Je note aussi une
petite tablette de l'époque d 'Agadé, si bien que je medemande
après coup si, dans la couche profonde de cette tranchée Est,
nous n 'avons pas atteint l'âge archaïque des « tranchées de la
maisons.
En même temps, la tranchée Ouest donnait des figurines
de l'époque de Goudéa , telle une image de la déesse Baou
assise sur une oie , les pieds reposant sur une autre oie cou
chée; je note aussi quelques cylindres assez pauvres.
Entre les deux tranchées , à toucher le tell des Tablettes,
une troisième tranchée fut entamée (tranchée centrale ), qu 'on
devait poursuivre en profondeur jusqu'à 7 mètres.
Cemois passé avait été particulièrementpénible aux ouvriers ,
qui observaient sévèrementle jeûne du ramazan . Le travail fut
rama

interrompu pendant les six jours de la « Grande Féten.


La nouvelle tranchée Est, entamée après la fête , a produit
une pièce de premier ordre : c'est une coupe suspendue en
une UI

terre grise à décor incisé de figures géométriques et animales.


Cros avait trouvé un vase analogue, que M . Heuzey a décrit
avec amour. Celui-ci est presque intact : on y voit un canard
et deux félins à l'échine courbée en un mouvement bien rendu.
C 'est dans cette mêmetranchée qu'a été trouvée aussi une figu
rine plate avec une image très remarquable deGilgames , ceci
près d'une tablette de l'époque d'Ur qui la date; de même un
CCXVII. 3
INNITUS NATIONAL
34 JUILLET- SEPTEMBRE 1930.
poinçon en os à bout gravé. A côté , un petit entonnoir , un
vase en calice, des figurines et des tablettes fontmodeste figure .
La tranchée centrale , au ras du tell des Tablettes , a affecté
la forme d 'un grand trou carré. Elle a donné, à toutes les pro
fondeurs, un bon nombre de clous de Goudéa et de Soulgi:
quatre sont au nom de Meslamlaéa, ce qui ne peut être un
hasard ; un , au nom d 'un Tamuz féminin (Dumu-zi-abzu , la
fille , nin ). Presque tous mentionnent des sanctuaires situés
dans le quartier de « Girsun : ce quartier , comme celui de ela
ville sainte » , serait donc maintenant localisé . Les autres rap
pellent des dédicaces à Nina , Nin - hursag , Nin -giš-zi-da, Nin
šubur, Baou.
A 4 mètres , donc en plein niveau de Goudéa , nous avons
recueilli une tête de femme grandeur naturelle , en argile et
creuse. Le menton carré est analogue à celuides têtes de Gou
déa . Le double bandeau (au front et sur la tête) qui retient les
cheveux se retrouve dans une admirable petite tête en ronde
bosse (1 202 ) , que je prendrais volontiers comme celle-ci pour
un portrait de la femme de Goudéa. A 6 uiètres, on a rencontré
le sol d 'une chambre avec un dallage et deux petits murs : de
ce niveau proviennent une tablette de l'époque d 'Or, et un
grand vase cylindrique dans une gaine de lessons. A om . 50
plus bas, on a encore trouvé un petit animal en terre cuite .
On s'est arrêté à 1 mètre au-dessous des murels , à presque
7 mètres.
Pour les deux tranchées au S . O . du tell des Tablettes, jeme
contenterai de décrire quelques tombeaux et de signaler les
objets les plus intéressants.
C 'est d'abord , le premier jour, un tombeau d'homme ( II) ,
mal observé ,mais où l'on recueillit près des ossements et des
poteries un cylindre (1008). Voici non loin un tombeau de
femme ( III) , avec des perles et vingt-six anneaux de coquille ,
qui bien entendu ne sont pas des bagues , mais soit un collier,
LA CAMPAGNE DU PRINTEMPS DE 1929 À TELLO. 35
soit plutôt un frontal. L 'écuelle à bourrelet , un vase arrondi
au-dessus de la tête , une urne ovale aux pieds, complètent le
mobilier et le datent.
J'arrive à temps pour ouvrirmoi-même une tombe d'homme
( IV ) assez voisine : on y trouve un cylindre en pierre blanche
et un petit sicle en pierre dure , une écuelle près des mains,
aux pieds un vase à fond arrondi et bord plat( 1107 -1109 bis ).
Toujours aux mêmes abords, à im .40 de profondeur,
c'est un grand tombeau ( V ) en double cloche du type bien
connu depuis Cros. J'ai pu mesurer succinctement le crâne et
le bassin , qui m 'a indiqué un tombeau d'homme(1119 ). Chose
rare, ni vase ni autre objet.
Une très belle double cloche (VI) s'est rencontrée aussi
dans la nouvelle tranchée Ouest, à 1 m . 50 . La tombe avait
intérieurement im . 30 sur om . go. Comme on peut le voir
sur la photographie , deux urnes et un vase arrondi étaient
posés contre la paroi extérieure de ce cercueil d'argile . A l'in
térieur, on voit sur l'aquarelle très exacte de M . Walbert le
gobelet de cuivre , deux bagues de bronze et une d'argent au
même doigt, un bracelet de bronze et un d'argent au même
avant-bras , un bracelet de perles. Le corps était couché à
droite , le visage tourné vers l'O . S . O ., les mains devant la
bouche, les jambes repliées. Nous avons là unetombe de femme
aisée , noble dame ou prêtresse .
Assez près de cette tombe de femme, voici un tombeau
d 'enfant (VII ) : c'est une jarre brisée, le bord brisé passé au
goudron ; on l a renversée sur ce petit corps, qui repose sur
un lit épais de cendres (je pense que les lieux étaient préala
blement purifiés par le feu ). L'enfant était couché sur le côté
gauche, la tête tournée vers le Sud , les mains tendues vers
l'Ouest, l'échine recourbée fortement. Les phalanges sont encore
proches l'une de l'autre et en ordre ; il semble que la petite
main soit là . Aucun vase , aucun parement.
36 JUILL -S 1930 .
ET EPTEMBRE
Une dernière tombe (VII) en jarre fut rencontrée à 1 mètre
plus profond, sans rien de notable.
Voici quelques particularités à noter dans ces deux tran
chées, en dehors des très grandes jarres enterrées verticale
ment ici et là. C 'est d'abord deux bouts d 'une voie sacrée se
dirigeant en pente vers le centre du tell des Tablettes. Ce sont
aussi (tranchées VI et X ) deux drains en longs cercles de po
teries inégaux s'embottant l'un dans l'autre en télescope. C 'est
un grand tuyau en pente douce rencontré à 4 mètres et des
cendant vers le tell des Tablettes.

Voici une liste d 'objets remarquables : une brique ronde à


la titulature de Goudéa , élément d 'un pilier de sanctuaire ; un
fragment de brique en terre cuite rouge avec dessin en creux;
des tablettes de l'époque de Goudéa et des clous du même
prince; des figurines plates de dieux, déesses et héros; de
petits lits-supports; trois inscriptions sur albâtre au nom de
Goudéa , dont une dédicace à Ningišzida; une élégante et légère
boucle de bronze , partie de vêtement; des fragments de pote
rie fine incisée et incrustée ; un fragment de stèle ; un petit pol
à décor incrusté ; des perles; un petit panier de sparterie très
fine trouvé à l'intérieur d 'un vase d'argile ; une boîte rectangu
laire en terre cuite rose , ornée extérieurement d 'un relief de
serpents.

TEMPLE DE NINA.

La 30 mars, quinze jours avant la fin de nos travaux , l'équipe


travaillant le plus au sud-ouest du chantier des e Fouilles
arabes» rencontrait deux sortes de bancs de briques qui
n ' étaientautres que des murs bas, séparés par une porte : on
LA CAMPAGNE DU PRINTEMPS DE 1929 À TELLO . 37
eut dit des caniveaux, parce qu'il manquait en leur milieu une
épaisseur de briques. Devant cette porte , on recueillit précisé
ment quelques jours après une brique ronde (1573), du type
des éléments de colonne, avec une inscription d’Ur-Ningirsu ,
fils de Goudéa : le texte remémorait l'érection par ses soins de
la grande porte (ká-gal) du temple de la déesse Nina. L'édi
fice, dont nous allions en une semaine et demie mettre à jour
toutes les fondations, était donc un temple dédié à Nina par
le fils de Goudéa : encore une fois les pierres avaient parlé ,
disant par qui et pour qui elles avaient été placées là . Cette
porte , qualifiée cemagnifiquen , n 'est en réalité qu'un étroit
passage, et, chose curieuse , la seule ouverture sur le dehors
de cet édifice de douze pièces. Certains archéologues vous
diraient sans doute la destination de chacune des pièces :une
seule chose paraît certaine, c'est que la grande chambre VI
était une cour centrale .
Du 4 au 5 avril, on reconnut la surface du temple ; une
cinquantaine d'ouvriers suivaient les murs de plus en plus vers
ers

l'ouest ; nos wagonnets nous permirent d'activer le travail.


A faible profondeur, on glana entre autres un clou au nom de
Meslamlaéa , un grand cylindre avec la scène classique de la
présentation du dévot par le dieu personnel, une figurine de
déesse et un petit ours en terre cuite gris foncé à la pose très
naturelle.
La dernière semaine fut d'une grande activité : les deux pre
miers jours, on déblaya la cour centrale et les petites pièces
adjacentes. Je note la découverte d 'une coupe de bronze à fleur
de sol et d 'une tablette , exercice d'écriture, dénotant une école
de scribes. On découvrit aussi un premier tombeau B , le som
met arrivant au niveau des seuils de porte et du dallage con
servé dans un coin de la cour. C'est un tombeau à voûte à
encorbellement; on le trouva violé par un bout et vide , sauf
une grande jarre en terre cuite rouge.
38 JUILLET - SEPTEMBRE 1930 .
Le 10 et le 11 avril, l'effort s’intensifie : cent vingt-cinq
ouvriers travaillent maintenant au temple . Dans la grande
chambre ou cour, un deuxième tombeau apparaît vers l'entrée ,
c'est un petit tombeau en briques crues à toit de briques crues
posées à plat sur quatre ou cinq rondins dont la forme est
restée moulée dans la boue de cimentage. Cette tombe s'est
montrée riche en poterie : trois écuelles, un grand vase à
boire , une sorte de marmite pour les provisions, un caraſon
n

pour les liquides , sans compter une coupe de bronze . Le corps


était replié, l'échine courbée , les vases devant la poitrine et
sous les pieds, une écuelle derrière la tête .
SOU

Une autre tombe (dans la chambre VII) était curieusement


disposée : c'était une simple cloche, dont l'axe était horizontal
comme dans les tombes en double cloche . Elle contenait une
urne moyenne à fond plat. A côté une cloche verticale était
vide. Demême la tombe en briques H de la chambre V .
Dans la petite chambre X , l'occupant presque entière ,
c'était à nouveau une tombe en briquescuites, mais d'un appa
reil compliqué; tombe double : la femme portait au doigt une
bague triple de bronze , à la cuisse un grand anneau de cuivre ,
au front une petite plaque de cuivre; l'homme avait près de
lui un mortier en pierre grise , des poids ovales en hématite ,
un petit canard et du minerai vierge.
Dans la grande chambre ouest (XII) et sa petite dépen
dance (XI) , on ramassa un certain nombre de poteries enter
rées verticalement.
A l'extérieur de l'édifice , sur sa face ouest, on trouva deux
coupes de bronze et un fragment de cylindre-sceau royal (sans
doute de Soulgi ), partie d 'une des plus belles pièces de glyp
tique sumérienne : la poitrine et la chevelure du héros Gilga
mes sont d 'un travail admirable .
Le pourtour du temple déblayé , on travailla les deux der
niers jours à approfondir les chambres de l'ouest.
LA CAMPAGNE DU PRINTEMPS DE 1929 À TELLO. 39
A peine au -dessous du pavage, dans le coin de la longue
chambre XII, on trouva une jarre ovale et une sorte de cer
cueil d 'argile cuite à parois perforées. La jarre , vidée par moi
avec soin , contenait des os d'enfants nouveaux-nés (au Mu
séum , on m 'a dit « à peine à terme» ), au moins trois corps; le
cercueil, une dizaine de corps pour le moins, entassés , avec
quatre ou cinq tout petits coquillages comme les Arabes en
mettent au cou des petits enfants. Il semble évident que ces
enfants ont été sacrifiés et enterrés à dessein sous le pavage
d 'une des chambres les plus sacrées.
Mais la question se pose pour les autres tombes : comment
a -t-on pu souiller ainsi un temple avec des corps, chose im
pure ? Je répondraiqu'il n'y a pas à épiloguer et que les Sumé
riens, qui enterraient dans leurs maisons, ont bien pu enter
rer dans la maison de leur dieu .
On remarquera que ces murs bas ont uniformément sept à
huit assises de briques, le dallage étant au niveau de la cin
quième, par le bas. On remarquera aussi, comme je l'ai signalé
au début, que l'épaisseur du mur est réservée, les faces ayant
une brique de plus que le milieu . Il semble donc que le reste
de la construction n'était pas en briques, du moins en briques
cuites : terre crue ou bois, je ne saurais le dire. Le fait reste
visible et la conclusion presque certaine.

En trois mois , nous avions exécuté six séries de sondages ,


particulièrementau sud et à l'est des grands tells.
Nous avions ouvert cinq grands chantiers, quatre sur l'em
placement de temples.
Nous avions remué, avec nos deux cent quarante ouvriers et
notre matériel roulant, une masse énorme de terre et trouvé
plus de deux mille objets, ayant pour beaucoup un véritable
intérêt archéologique , sinon esthétique.
Mais nous n 'avions eu , ni la chance de Sarzec rapportant
40 JUILLET- SEPTEMBRE 1930.
la stèle des Vautours , les cylindres deGoudéa ou le vase d'ar
gent du Louvre ; ni celle de Cros retrouvant le corps de la sta
tue du jeune prince assis; nimêmecelle des Arabes nous don
nantla statue d 'albâtre noir du fils de Goudéa .
Ilme reste , pour la campagne qui va reprendre, de pareils
espoirs.
TRANSCAUCASICA " ,
PAR

M . V . MINORSKY.

LE NOM DE DVIN .

S 1 . Dvin dans les sources arméniennes.


S 2. Les duvin d’Astarābād.
S 3. Leur antiquité.
$ 4 . A quelle langue appartient duvīn ?
$ 5 . Sa transmission vers l'ouest.
S 6. Ancienne population de Dvin .
$ 7. Duvin au Kurdistān .
$ 8. Le nom Dvin dans les sources hétérogènes .
La capitale de la dynastie des Aršakides arméniens était à
Vaļaršapat. Lorsqu'en 426 le dernier Aršakide fut déposé par
le Sasanide Bahrām Gör , le marzpān de l'Arménie persane
s'établit dans la ville de Dvin , laquelle , après la conquête
musulmane, servit aussi de résidence aux wālis arabes. Après
de nombreux désastres , qui au cours du x° siècle frappèrent
Dvin du fait des invasions des princes musulmans venant
du côté de l'Azarbaijān (2) , le Bagratide Ašot III ( 96 1 -977 )
(1) Voir in fine les cartes accompagnant cet article. Les clichés en ont été
gracieusement prétés par la Revue des études arméniennes.
(2) Les Sājides , les Rawwādides , les amirs de Goltn . Voir l'histoire d 'Asoļik
de Taron, livre III, ch . 4, 5, 13, 18, 19 etc.
62 JUILLET -SEPTEMBRE 1930 .
fixa définitivement sa capitale à Ani. Le déplacement de la
route de commerce reliant Trébizonde à la Perse qui en fut
le résultat, paraît avoir porté le coup de grâce à la prospérité
de Dvin .
Si l'emplacement de la ville de Dvin doit être cherché à
l'intérieur du groupe des villages qui portent son nom et sont
situés près de l'endroit où la rivière Garni sort dans la plaine (1) ,
l'origine du nom de Dvin était restée jusqu'ici énigmatique(2).
$ 1. La première mention du lieu Dvin (ou Dəvin ) se
trouve dansFauste de Byzance (ve siècle ). L'aršakide Hosrov II
( 381-389 ) aurait fait planter dans la localité Ayrarat deux ſo
rêts dontl'une s'étendait reà partir du solide château royalGarni
jusqu'à la plaine de Metsamaur, jusqu'à la colline quis'appelle
Dvin et est située au nord de la grande ville Artašat, en suivant
le courant de la rivière jusqu'au palais Tiknunin. Cette forêt
reçut le nom de Tačar-mairi. L 'autre forêt s'appelant Hosrova
kert fut plantée au sud de la première. Ici fut construit le
palais royal(3).
Selon la version de Moïse de Khorène (vi-v1° siècle ?) Hosrov
planta une forêt près de la rivière Azat ( = Garni) et transféra
sa cour sur un point élevé de la forêt : « il y bâtit un palais.. .
(1) Lesruines Berd (w forteressen ) situées entre le hameau musulman Torpah
ķala et le village arménien Ardašar, à en juger d'après ce dernier nom , se
rapportent plutôt à l'ancienne ville Artašat. Les sondages que M . Marr y fit
en 1899 (jusqu'à une profondeur de 3, 3 à 5 mètres ) ontmis à jour quelques
objets de l'époque musulmane. Seule une entaille représentant un lion et un
bæuf (ailé ) a un caractère plus ancien . Otčet Imp. Archéol. Komissii ( pour
1899) , SPb. 1902, p. 91-94 .
(2) HÜBSCHMANN , vide infra ; TaoppscHJAN , Zeit. f. Armen . Phil., II, 1903 ,
p . 51, note 6 ; Streck , Dwin , dans l'Encycl. de l'Islam .
(3) Fauste , III , ch . 18. Voir la traduction de HÜBSCHMANN , Die altarmen .
Ortsnamen , Indogerm . Forschungen , XVI, Strasbourg 1904 , p . 434 , sub verbo
Xosrovakert. Cf. les traductions de J . B. Emine dans Fragm . hist. graec.,
éd . Müller , v/2 , Paris 1872 , p. 216 et de Lauer, Köln , 1879 , p. 14.
TRANSCAUCASICA.
qui en langue persane (parskakan ) s'appelle Dyin ce qui se
traduit par colline ( blur )» (1).
Hübschmann (2) qualifie d'erreur (Irrtum ), l’explication de
Moise de Khorène, car d 'une part il le croit inspiré directe
ment de Fauste et d'autre part il invoque le témoignage de
l'historien du x° siècle Thomas Artsruni, lequel aurait em
ployé le mot Blur comme le nom propre de la localité où était
située la ville Dvin (3).
Pour sa part Hübschmann déclare l'étymologie de Dvin
obscure et laisse sans commentaire l'allégation de Moïse de
Khorène quant à la signification du mot dvin en persan .
Libre à nous d'accepter ou de rejeter les conjectures de
l'historien arménien mais le fait est sûr qu'il a connu un mot
ç persan » dvin , jusqu'à présent ignoré aussi bien en iranien
ancien qu'en persan moderne.
$ 2 . Or le mot duvin e bulte , colline » correspondant de très
près à Dvin (4)nous a été conservé dans la toponymie de la pro
vince persane d 'Astarābād au sud-est de la mer Caspienne , et
plus exactement de la lisière des steppes qui s'étendent au nord
de la chaîne d 'Elborz . En allant de l'ouest à l'est on y trouve :
Girā-duvin , collineà l'ouest d’Astarābād , wuys ls de la géo
graphie persane moderne ( 1235 /1859) cilée par Dorn. Ce
point est bien connu par le meurtre de Muhammad Hasan
(1) Moise de Khorène , III, ch . 18 , trad. russe de N. Emine, Moscou , 1893 ,
p . 148 , cf. la traduction francaise dans Langlois , Collection des historiens . . .
de l'Arménie , II, p . 137.
(2) Op. laud., p. 422 : rein Irrtum , der durch die Quelle des Moses ,
Faustus Byz. 18 -21, veranlasst ist» .
(3) Toutefois la traduction de Brosset, Coll. d'hist. Arm . , I , St-Pétersbourg
1874 , p . 184 , porte : ce qu'on appelle le blour-plateau sur lequel est assise
Dovin du Chahastann.
(1) U bref, en dehors de la syllabe finale , devait disparaître en arménien ,
HÜBSCUMANK, Arm .Gramm ., I , p. 14.
JUILLET- SEPTEMBRE 1930.
hān Kājār, quieut lieu dans ses environs en 1711/1788, et
surtout par la tentative infructueuse des Russes d 'y créer un
point fortifié en 1782. Dans les relations contemporaines
russes le nom de ce point a d'habitude la forme rússifiée de
Gradovin ou Gorodovin (1). D 'après Melgounov(2), au-dessus de
la colline 'Imārattäpä , près de la rivière Gälūga » , est située
la butte (en russe bugor ) appelée Girey-dügün, où se trouvaient
les restes du bastion ( batareya? ), construit en 1782 par le
comte Voïnovitch » . Ce Girey-dügün , en turk rela noce de
Girey ” , n'est qu'une adaptation due aux Turks (dontune tribu
au Māzandarān porte justement le nom de Gireyli) , et il est
curieux de noter que les ruines de l'ancien Dvin figurent sur
les cartes ( voir Lynch , Armenia ) sousla même formeturquisée :
Dügün. Si la première partie du nom Girā-duvīn s'est obscur
cie au cours du temps(3), la finale -duvīn est pleinement con
firmée par les autres exemples.
Lälä -duvīn ,village sur le Kara-su , cf. Rabino, p . 80 et 125 .
Melgounov, p . 65 , transcrit le nom Läldabīn mais en carac
tères arabes donnewg Lälduvîn (?).
: Sultān-duvīn , butte entre les rivières Kara-su etGurgān . Son
nom est souvent mentionné dans l'histoire persane. Là fut tué
en 754/1353 le khan mongol Tuğā-Timur, dont c'était le
quartier d'hiver(4). Rabino, p . 128 , mentionne Sultān-duvin
dans la liste des buttes qu'on voit dans la steppe à l'est de la
route Astarābād-Ak-kala.

(1) Cf. grad , gorod evillen , Bootkov, Materiali po nov. istorii Kavkaza ,
Saint-Pétersbourg , 1869, II, 85. Dorn, Kaspü , 1875 ( éd .russe ), p. 26-27 ,
donne en plus les formes Gradovind , Gerey-dügün.
(2) () yužnom berege Kasp. mor'a , Saint-Pétersbourg , 1863, p. 47.
(3) Rabino , Māzandarān and Astarābād , 1928, p . 128 , écrit jagu Dj (?!)
en turk mle Duvin Noir ,
(4) Mon article Tugha-Tīmūr dans l'Enc. de l'Islam .
TRANSCAUCASICA. 45

Kâfir-duvin, butte dansle canton Kätülà l'est d'Astarābād (").


Säng-duvīn ( actuellement Nusrat-ābād), village du Kätül,
Rabino , p. 128(2).
Ainsi donc il est parfaitement établi que le terme duvin
avec la signification butte , collinen existe dans la toponymie
d 'une petite région clairement délimitée, tandis qu'il est
inconnu ailleurs en Perse. La seule exception est le village
Dawin que Yāķūt, II , 548, connaît au Khorasan dans les en
virons d'Ustuwā ( = Kābūšān , actuellement Kūčān ). Mais à la
rigueur ce *Duvin ,trèsproche des steppes d'Astarābād , appar
tientà la même région des prolongements orientaux de l'Elborz.
Le témoignage de Yāķūtmontre qu'au xulº siècle la série des
duvîn s'étendait un peu plus vers l'est. D 'autre part la présence
de ce Duvin près d 'Ustuwā paraît confirmer l'hypothèse énoncée
plus loin sur la voie de l'expansion de ce nom .

$ 3 . D 'après de Bode ce la plaine turcomane. . . contient de


62 à 65 tépés similaires dont les dimensions varient et dont
chacun porte un nom spécial» (3). En 1841 une découverte très
importante fut faite dans le Tūranj-täpä , situé à 12 milles
anglais au nord-est d'Astarābād , sur un ruisseau qui se jette
dansle Ķara-su .Les ouvriers quiy creusaient un canal auraient
remarqué une ouverture qui conduisait dans une chambre
(1) Häntzsche, Topographie d . Pers. Turkomanie, Zeitschr. f. Allgem . Erd
kunde, 1862, XIII , p. 100 : « Tepe (Hügel) Kaferdwinn.
(2) Il est probable que ces deux derniers villages sont identiques à Kāfir
duvin et à Säng-duvin (mentionnés dans un acle de 1581 ] que Rabino ,
p . 127 , inventorie dans le rustāķ d'Astarābād. Parmi les autres noms compo
sés avec -duvin on peut citer : 1. Tarduvinī ( sings ?) sur la rivière Miyān-du
rūd qui se jette dans la Caspienne à l'ouest du golfe d 'Astarābād (mentionné
dans Ibn-Isfandiyār (vers 1200 ), trad . Browne , p. 101 ); 2. Šahr-duvin , en
droit où se trouvait le fort ķal'a Valabun détruit par Šāh 'Ardašīr de Māzan
darān (mort en 602/1205 ) , cf. Zahir al-din , p. 253.
(3) Voir également de Morgan , Études géographiques, 1, 1894, p. 86 , 110.
46 JUILLET - SEPTEMBRE 1930.
souterraine où plusieurs jarres de cuivre étaient attachées au
mur par une chaînen . Des ossements humains et divers objets
en or et en cuivre ſurent trouvés à l'intérieur de la chambre.
Seulement une partie de ces objets fut dirigée vers le palais
du Chah à Téhéran , où le baron de Bode eut la chance de les
voir. Sa description et ses dessins sont les seuls documents
dont on dispose actuellement sur cette trouvaille (1). En 1900
M . S . Reinach , ayant retrouvé la planche oubliée de Bode , l'a
reproduite (2) en attribuant l'ensemble des objets trouvés à la
fin de l'âge de bronze et à l'époque mycéenne ( vers 1500
avant J.-C .). En 1920 , M . Rostovtsev a consacré au trésor
d'Astarābād une étude plus détaillée (3) dans laquelle il recule
la date du trésor à une époque encore plus ancienne en le
rattachant aux antiquités sumériennes (4), aux trouvailles de
l'expédition américaine de Pumpelly à Annau (en Transcas

(1) C. d. de Bode , On a recently opened tumulus in the neighbourhood of


Asterabad , forming part of ancient Hyrcania , and the country of Parthians ,
Archeologia . . . publ. by the Soc. of Antiquarians of London , 1844 , XXX ,
p . 248- 255. Bientôt après, de Bode visita la région d 'Astarābād mais toute trace
de la découverte et des hommes qui l'avaient faite avait déjà disparu ! Voir
DE Bode, Očerkiturkmenskoy zemli, Otečestv. zapiski , 1856 , n° 7, p. 152-160
(description du Turäng-täpä ).
(2) Revue Archéologique , 1900 , II , p. 253.
(3) Rostovtzbv, The Sumerian treasure of Astrabad , Jour. of Egyptian Archeo
logy, 1919, VI, p. 4 -27 ,résumé par M . S . Reinach dans la Rev. Archéologique ,
1920 , II , p . 382. M . Reinach ne mentionne que le nom du rédacteur de
Archeologia et même M . Rostovtzev n 'est pas renseigné sur l'identité de l'au
teur de l'article originel. Or C . A . de Bode, premier secrétaire à la Légation
de Russie à Téhéran vers 1837-1843 , étaitun explorateur très éclairé. On lui
doit de nombreux travaux en anglais , en français et en russe. Voir son
remarquable Travels in Arabistan and Luristan , L . , 1845 , 2 vol. , où dans les
chap. xiv et xvu il donne la description des bas-reliefs proto -élamites de
Tang-i Saulek et de Mālamir découverts par lui-même ; Apercu géogr. et stat.
de la province d'Asterabad , Nouv. Annales des Voyages , 1852 , I ; Les Turcomans
à l'Orientde la mer Caspienne, ibid ., 1852,II; une description du voyage aux
sanctuaires de la secte “Ali-Allāhi au Zohāb (en russe , 1854 ) elc.
(6) Ces rapprochements ont naturellement un caractère provisoire. M . Ros
TRANSCAUCASICA. 47
pienne) etc. Les problèmes préhistoriques dépassant le cadre
de la présente étude , on ne retiendra ici que le fait de la haute
antiquité des tertres de la région d 'Astarābād.
On peut seulementajouter que Dorn (1) avait déjà rapproché
le nom de Tūräng-täpä de celuidela ville fortifiée de l'Hyrcanie
Xúpıy (2)qu'Antiochus le Grand avait prise sur les Parthes en
209 avant J.-C ., Polybe, X , 31. D'après cette hypothèse , qui
n 'a pas perdu de sa vraisemblance (3), Tūrang-läpä ne serait
qu'une étymologie populaire turco -persane(“), où le dernier
élément täpä a facilement pu se substituer à l'ancien duvīn
tombé en désuétude. Tūrang-täpä est encore entouré de tertres
dont les noms sont composés avec duvin .
Les événements historiques qui se rattachent à Sulțān -duvin
et à Girā-duvin attestent également l'importance ancienne de
ces tells, au point de vue politique et militaire.
$ 4 . On connaît maintenant assez bien les caractéristiques
des deux dialectes différents du moyen persan : le pahlavik ,
langue du nord et plus particulièrement celle des Partes arša
kides , et le pārsīk , langue du sud et plus particulièrement
celle des Sasanides . La transcription Lätä -däbin (?), citée dans
Melgounov, pourrait représenter la forme méridionale , paral
tovizev Jui-même, p. 16 , admet que la rosette d 'Astarābād ne se retrouve pas
en Chaldée.
(1) Dorn, Kaspii , Saint-Pétersbourg , 1875 , p . 73, 207, 485 [ éd . allem .,
p .69 , 134 , 272 ]. D 'autre partMarquart , Unters. z. Gesch. v. Eran , II, 1905 ,
p . 62, rapproche Syrinx de Turunjē , Istahrī , p . 216 , Turunja , Ibn al-Faķih ,
p . 302, laquelle était située beaucoup plus à l'ouest d 'Astarābād , entre Amol
et Sāri. Toutefois les leçons du nom choisies par Marquart ne sont pas du
tout certaines. Dans les historiens du Māzandarān il a la forme Twjy ,
Tryča , etc. Cf. VASmer, Die Eroberung Tarabistans, Islamica , vol. III, fasc. 1,
p . 131-132.
(2) Plus souvent cette ville a été identifiée à Sāri.
(3) Pour la correspondance de sit voir le nom de la ville Covoia , Arrien
III , 25 , 1 , qui correspond à Tūs, voir mon article Tūs dans l'Enc. de l'Islam .
(4) Tūräng en persan « faisann , täpä en turk e collinen.
T MBRE 930
48 JUILLE - SEPTE 1 .
lèle à la forme septentrionale duvin , mais en général le mot
qui nous intéresse est assez incolore au point de vue dialectal.
Du reste dès le début il pouvait avoir un caractère strictement
local et provincial , indépendamment des nuances septen
trionale ou méridionale de sa prononciation persane(l! Dans
le domaine de l'iranien , et même de l'indo-européen , le mot
n'a pas de parallèle sûr (2).
La localité où duvin a survécu jusqu'à nos jours appartient
à l'ancienne Hyrcanie ( Vəhrkāna), région voisine de la Parthie .
Mais si géographiquement duvīn est un mot by
constatation ne nous avance pas beaucoup car nous ne sommes
pas renseignés sur la langue ancienne de cette région. Dans
la toponymie transmise par les Grecs (3) certains noms ont une
tournure iranienne (ÅSpalla, A Capbriva , Bapáyyn , Kaodan)
mais , dans l'ensemble , il est difficile de juger à quel point,
la province était iranisée. Dans le voisinage de l'Hyrcanie on
connaîtles peuples Mapdor ( ou Ăpapdou) et Té upou ( Téroupos).
Les premiers (a) se groupaient d'abord autour d 'Amol d 'où le
roi parthe Phradate Ier (vers 176 avant J.-C .) les transplanta
dans la région de Charax ( li ) près de Raiy. Les Tapyres(5)
du temps d'Alexandre vivaient dans la montagne au nord de
(1) Par exemple , le nom de la ville Amol au Māzandarān, dans lequel
Andreas , Pauly-Wissowa, Real-Encyclopädie ? , I, 1, 1729-173, et MARQUART,
Eranšahr, p. 136 , ont reconnu celui du peuple Adapdor , a une forme méri
dionale (l < rd), sans que cela préjuge de l'origine du nom lui-même qui à
la rigueur peut être non- iranien.
(9) Une note dans ce sens m 'a été très aimablement communiquée par mon
amiL .- H . Gray. [Note de correction . ]
(3) Les historiens d'Alexandre , Polybe, X , 29-31, Strabon, XI, chap. ru ,
Ptolémée , VI, chap. IX.
( ) Andreas , Amardoi, Pauly-Wissowa, 1, 1729-1733.Dans Die Assyriaca des
Ktesias , Philologus,Supplementband v1/2 , 1891-1893, p.648 , Marquart consi
dère les Mardes comme un peuple non-aryen à l'origine (cursprünglich -nicht
arischer Stammn). Cf. aussi Marquart, Untersuchungen , II, p . 57, Erän
šahr, p. 136.
(5) Marquart, Unters., II, p.28-29 ,57. Eranšahr, p. 136.
TRANSCAUCASICA. 49
Simnān (Ptolémée : Erfuva), mais plus tard prirent la place
des Mardes dans la région d 'Amol et donnèrent leur nom à la
province de Tabaristān . Un autre groupe des Tapyres parait
avoir vécu près de Tūs, où on trouve une ville Tābarān. On ne
sait rien de positif sur le caractère ethnique des Mardes dont
les colonies s'étendaient de l'Oxus ( une autre ville Amol = Cār
Jūy) jusqu'au lac de Van ( canton arménien Mardastan ), mais
on croit généralement (Marquart ) que les Tapyres étaient
d 'origine non-aryenne. La tradition avestique, qui peuple le
Māzandarān de daēva (1), indique aussi le caractère particulier
de l'ancienne population de cepays(2),
Il est par conséquent possible que le mot duvīn eût été
légué aux Iraniens par lesanciennes populations non-aryennes
quidans la haute antiquité devaient descendre jusqu'en Hyrca
nic. Les tells qu'on trouve maintenant dans cette région
représentent probablement les ancienspoints d'appui contre
les invasions, venant de la steppe, qui s'étend entre le Hwārizm
et l'Hyrcanie, et leur nom duvin , comme terme culturel ,
remonte peut-être à l'époque pré-iranienne.
$ 5 . Or si réellement la patrie de ce mot rare est aux envi
rons d 'Astarābād , il est assez inattendu de le retrouver
dès le ivº siècle à un millier de kilomètres vers l'ouest sur les
bords de l'Araxe , et il est surtout curieux qu'au XII° siècle
Moise de Khorène pût en connaitre le sens exact. La seule
explication plausible de ces faits serait que le mot eût été in
troduit en Arménie par les Aršakides sortis de régions proches
de l'Astarābād. La tradition arménienne elle-même n 'attribue
t-elle pas la construction de Dvin à un rejeton des Aršakides ?
(1) Māzainya dāeva , les références dans BARTHOLOME , Altir. Wörterb., coll.
1169 et 1371 (sub verbo varana ); cf. Geiger, Ostir. Kultur, 1882 , p. 184.
A la rigueur Vəhrkāna > Gurgān est également pays des loups » !
(2) Voir mon article Māzandarān dans l'Enc. de l’Islam .
CCXVII .
IN IN NATIONALE .
50 JUILLET-SEPTEMBRE 1930.
Les chefs parthes avaient occupé l'Hyrcanie dès 237 avant
J.-C .(1)Mais déjà avant cette date le terme duvīn pouvait leur
être familier par l'intermédiaire des Dahae. Ce dernier peuple
nomadisait sur l’Atrak (ancien Sépvios ) et devait bien connaître
le mot qui désignait les tertres appelés à défendre l'avant
montagne tout d 'abord contre les incursions des Dahae. Or la
dynastie parthe elle-même était issue de la peuplade dahienne
Parnoi et ces liens ont dû persister, car c'est parmi les Dabae
que fut élevé le restaurateur de l'empire parthe Artaban III
( 10 -40 ) , lequel suivant toute probabilité était l'oncle de Tiri
date (55 - 100 ) , fondateur de la dynastie aršakide d 'Arménie (2).

On ne sait rien sur l'époque de la fondation du village


Dawin (*Duvin ) près d'Ustuvā (voir plus haut), mais on
n'ignore pas que Åoróx, ville du fondateur de la dynastie
parthe, était justement sise dans la localité Ảolaunvý (= Us
tuvā )(3). Ce détailrenſorce les chances de la t
rieure du terme duvīn par les Aršakides. Ces derniers devaient
tenir à la terminologie géographique des lieux de leur origine.
C 'est ainsi que plus tard les Turks-Guzz , venus au xie siècle de
l’Asie centrale , importèrent en Azarbaijān persan et en Trans
(1) Justin , XL, chap . 1 , qui attribue la conquête de l'Hyrcanie au fondateur
de la dynastie parthe Arsaces , appelle ce dernier e duarum civitatum imperio
præditusn.
(2) GutscHMID , Geschichte Irans, 1873 , p. 29 et 110. Sur les Dahae voir
Tomaschek, Daai , dans Pauly-Wissowa?. Les Dahae sont pour la première
fois mentionnés à l'époque d 'Alexandre, Justin , XII, chap . 6 , 13. Ce peuple
scythique vivait à l'est de la mer Caspienne , au nord de l'Hyrcanie , ainsi que
le long de la localité parthe Nisaia arrosée par Ochos ( = Areios , actuellement
Tejen ). Le canton Dihistān sur l'Atrak doit son nom aus Dahae, voir BARTHOLD ,
Histoire de l'irrigation au Turkeslan ( en russe ) , Saint-Pétersbourg 1914 ,
p . 31 - 35 . Le Dihistān est constamment mentionné par Firdausī dans les
récits des luttes de l'Irān et du Tūrān , éd. Vullers, I, 175 , 251, 252 elc.
(3) Isidore de Charax (éd. Paris , p. 251) : addis Agadx , ey ✓ Apodxns
πρώτος βασιλεύς απεδείχθη και φυλάττεται ενταύδα συρ αθάνατον. Cf. ToAS
OILE, Zur hist. Topogr. v. Persien , 1883 , 1, p. 85
TRANSCAUCASICA.
caucasie le mot kand ce village , qu'ils avaient emprunté au soğ
dien ou à une autre langue de l'Asie centrale (1).

$ 6 . La localité riche et fertile d’Ayrarat où se trouvait Dvin


était habitée depuis une haute antiquité mais les Arméniensne
l'occupèrent que postérieurement à l'époque d 'Hérodote(2).
Ainsi le nom de la capitale la plus ancienne de la région au
nord de l'Araxe, Armavir, parait dater de l'époque pré-armé
nienne. On admettra également que dans les vieux pays les
villes surgissent rarement sur des emplacements vierges .
D 'habitude un village, un fort , un sanctuaire forment le point
de départ d 'un centre plus important. Tel est le cas de Tiflis ,
de Bağdād , de Téhéran . Il est donc possible que Hosrov II eût
Irouvé à Dvin quelque amorce de la future ville , d'un nom
pré-arménien assimilé plus tard à *duvin . Seulement on ne
saurait sacrifier l'explication de Moïse de Khorène à une possi
bilité purement hypothétique(3).
Quelle que fût l'origine du mot duvin , pour Moïse de Kho
rène il portait l'estampille de ceux qui l'avaient transmis. Il
l'appelle donc emot persan , et lui assigne une signification
conforme à celle qui résulte de la toponymie d'Aslarābād.
D 'autre part le témoignage de Fauste est formel quant à l'exis

(1) Voir les noms Taškend , Samarķand , et les nombreux noms à base de
-kal dans le bassin du Sir-Daryā , BARTHOLD , Turkestan , éd . angl. , 1928 ,
p. 161, 166 , 174. Le mot kand est inconnu en Perse dans les régions pure
ment persanes.
(2) HÜBSCHMANN , Die altarm . Ortsnamen , p. 207, 279.
(3) Dans son important travail Arménie à l'époque de Justinien ( en russe),
Saint-Pétersbourg , 1908 [ x1v-526 pages ], M . Adontz , p . 222 , à titre d'éty
mologie locale e pré-aršakiden , a proposé *dava , géorgien daba evillagen , avec
comme illustration le nom de la ville Dabana en Petite Arménie. Toutefois
dans Pauly -Wissowa?, iv , p . 1906 , Fraenkel explique le nom de Dabana
( Davana), château fort en Osrhoène; Amm . Marc., XXIII, 37, comme araméen
Dahewānā dorén . Un autre fort Adbava est mentionné dans PROCOPE, De
aedif., 0 , 4 , entre Dara et Amida; voir ibid .
5 .
52 JUILLET-SEPTEMBRE 1930.
tence d'une colline portantle nom de Dvin . Moïse de Khorène
aussi parle d 'un blur réel et concret. L'interprélation de Blur
comme d'un nom propre, si jamais elle a existé , est certaine
ment d'une époque tardive lorsque fut oubliée l'étymologie
aršakide de Dvin .

S 7 . A part la capitale arménienne, on reconnaît le même


élément duvīn dans deux places du Kurdistān : d 'après les
cartes anglaises un Duwiu -kala existe 40 kilomètres au nord
d 'Arbil, et une petite rivière Dara-Dowin (* Därä-Duvīn ) se
jette du côté droit dans le Diyālā (Sīrwān ) à l'endroit où cet
affluent du Tigre tourne vers le midi.
M . C . I. Edmonds me communique aimablement l'extrait
suivant de son journal de voyage 1926 : « Duwin -kal'a , a
typical fort of Muhammad-pāšā of Rowānduz, perched up on
the top of a ridge above the stream (that flows down from
Shaklava). The Kurds here say that Duwin was once a consi
derable town and was the original home of the family of Sa
laddin . There are certainly signs of many buildings, now in
ruins.» De cela il résulte : 1° que Duwin -kal'a est situé sur
une hauteur; 2° que la confusion de Duwīn -kal'a avec Dvin
témoigne de l'identité des deux noms pour l'oreille des indi
gènes .
En ce qui concerne le petit courant de Dara -Dowin , il est à
retenir qu'il traverse une localité très mémorable : il baigne le
pied sud du fameux monument de Paikuli érigé par le sasanide
Narsē (293-303) (1). Avant les Sāsānides , les Aršakides devaient
certainement utiliser la route importante(2) passant par le col

(1) Voir Herzfeld , Die Aufnahme des sasanidischen Denkmals v. Paikuli ,


Abh . Berl. Akad ., 1924 , n° 1, p . 1- 39, et Herzfeld , Paikuli, Berlin ,
1924 , 1.
(2) Elle bifurquait de la route royale (reliant la Mésopotamie à la Perse )
près de Hulwān pour se diriger vers le Šahrazūr, cf, mon article Shehrizūr
TRANSCAUCASICA. 53
de Paikuli, car, ainsi que le prouvent les documents d 'Awrā
mān , datant du jer siècle avant J.-C . (1), la domination des Par
thes s'étendait loin au nord du Sirwān.
Paikuli est certes un monument sāsānide, mais il est d'en
viron quatre- vingts ans antérieur à la date traditionnelle de la
construction de Dvin par un rejeton de la dynastie aršakide.
A l'instar de ses prédécesseurs Artašir et Sāpuhr, Narsē fit
rédiger son inscription en deux textes parallèles , pārsik et pah
lavik ; seulement l'inscription de Paikuli est la dernière connue
nue

dans laquelle le pahlavīk soit employé et elle se trouve très iso


lée des autres monuments sāsānides . Par conséquent, l'exis
tence d'une version pahlarik à Paikuli peut être rapportée au
fait qu'on entendait mieux dans la région du Diyālā cette
variété aršakide de la langue officielle moyen-persane.
La pénétration du terme duvīn , ainsi sur le Diyala que sur
l’Araxe, s'expliquemieux par l'influence aršakide que par l'in
fluence sāsānide. Et même si le terme Dara- Dowin , interprété
commecevallée dela colline (fortifiée ?]» avait un rapportdirect
avec l'édifice de Paikuli , construit sur une éminence, on pour
rait supposer qu'à une époque antérieure cette éminence devait
être couronnée d'un fortin contrôlant le col (qui se trouve juste
au nord de Paikuli ), et le gué de Bän -Hēlān ( à trois heures
de distance vers le sud-est) où la route passe de la rive gauche
à la rive droite du Diyālā .

S 8 . Il nous reste à considérer les formes étrangères du


nom Dvin . Les Byzantins appellent la ville tÒ Acúbios (2), *TÒ

dans l'Enc. de l'Islam . M . Herzfeld a aimablement attiré mon attention sur le


fait que cette localité se trouve déjà mentionnée dans le Kārnāmak -i Artašir-i
Pāpakān , voir trad. Nöldeke , p . 50 .
(!) E . H . Minns, Parchments of the Parthian period from Auroman in Kur
distan , 1915 , p. 41-42.
(2) PROCOPE , Persica , II , 24 -25 et 30 ( éd . Bonn , 1, 263, ; 263.; 2974 );
JUILLET-SEPTEMBRE 1930 .
T .6 /(1), *TÒ T /6100 (2). Les deux dernières formes supposent une
réduction du u (*duvīn ) que fait encore sentir Aoubios. Il n 'est
pas aisé de se prononcer sur la valeur de B (intervocalique !)
car, si, d'une part la transcription de ß par v arménien n 'est
relevée qu'à partir du x° siècle (3), d'autre part déjà Strabon ,
XI, 14, § 5 , rend Vaspurakan par Bacoponédav (restitué par
Kiepert en *Βασοπορακαν )(4).
Les transcriptions araméennes : ’dbyn (Dionyse de Tell
Mahrē, éd . Chabot, texte , p. 79 , sous l'année 649 -641),
Dwbyn , Dwyn , D’wyn (5), sont assez ambiguës à cause du carac
tère spirant du b araméen.
En arabe la forme ancienne est dws Dabīl (6). Seulementun
manuscrit d'Ibn Haukal, p. 240 d, donne wys (à côté de
Dabil ) et au xmº siècle Yāķūt transcrit séparément les deux
formes Dabīl et Dawin , comme s'il ne se doutait pas de leur
identité (7). Seule la dernière forme élait vivante comme le
montrent l'histoire seljukide Rāhat al-sudūr, Gibb Memorial,

ville distante de huit jours de Theodosiopolis (Erzeroum ), célèbre par le


commerce des Indiens et des autres gens.
(1) Éws ToŨ Ten , Hist. Haeresis Monothelitarum (vers 700), cité par Gelzer
dans l'édition de Georgius Cyprius, Leipzig , 1890 , p . Liv ; Const. PORPHYR .,
De admin.imp., cap . XLIV,mentionne T.66 parmi les domaines de Ašot leGrand
(862-890). Cf.MARQUART, Streifzüge, p. 463.
(2) Const. PORPHYR ., De admin . imperio , cap . xlv , parle sous 932 de l'expé
dition byzantine xard toŨ xdopou Tablou au delà du pays des Phasiens (Basiān
= Pasin , à l'est d 'Erzeroum ). Cf. également MURALT, Essai sur la chronog.
byzantine , p . 630 , sous les années 1045 et 1046 où il s'agit du šaddādide
Abū-Suvār, maitre de Tibion .
(3) HÜBSCAMANN , Arm . Gramm . , 1/2 , p . 326 .
(6) Cf. toutefois HüBSCHMANN, Die altarm . Ortsnamen , p. 210.
(5) GHAZARIAN , op . laud . , p . 209.
(6) Ibn Hurdādbih , 132, etc.; Balādurī, 199 ; Tabari, III , 1409 , Dubil
( sic) ; Iştahri, 198 , etc. ; Ibn Hauķal , 244 , etc. ; Muķaddasi, 51, etc .
(7) Sous Dabil, II , 548 , il mentionne : 1° une localité limitrophe de
Yamāna ; 2° la ville en Arménie ; 3° un village de Ramla ; - sous Dawin ,
II, 632 : 1° une ville de l'Arrān , sur les confins de l'Adarbaijān près de
Tidis et gº un village d'Ustuwā (= Kūčán au Horāsān ).
TRANSCAUCASICA. 56

p . 299, et Juvainī, même série, II, 160 , qui écrivent was


Divin .

Dans la forme traditionnelle Dabil, l'alternance níl est un


phénomène naturel et fréquent(1) dont on peut citer en arabe
de nombreux exemples :
Ardahan (?) aux sources du Kour (arm . Artahan, géorg.
Artan ), dans lesmanuscritsde Balāduri, p . 203, s'appelle ultijl
et Jleb , (2).
Manazkert < arm . plus ancien Manavazakert, Hübschmann,
D . Altarm . Ortsnamen , p , 449, estrendu par les Arabes tan
tôt comme salio ( Slo), Ist., 188, Ibn Hauķal, 245-246,
tantôt commesajšho (obilo), Ist., 188 , note o , Mukaddasī,
51, Yākūt, IV, 648 [etHamdullāh Mustaufi,p. 106).
Arduvān syl , Mukaddasī, p . 258 o , ville du Hūzistān
porte dans Yāķūt, I, 204 , le nom de Josyl.

Quant à b de Dabil, on peut le rapprocher de celui de Bus


furrajān . Dans cette dernière forme, par laquelle Balāduri,
p . 100, et Țabarī, III, 1410, rendent l'arménien Vaspurakan ,
b est la correspondance du v labio -dental, distinct du w bi.

(1) Cf. en géorgien amıralmumli curioghlu ( avec dissimilation ), ČUBI


NOV, Dictionnaire, p. 15.
(2) Yāķūt, I, 204 , mentionne une forteresse Ardahn appartenant à Raiy
(Rhagès ) et une nāhiya Ardahn entre Dunbāwand etle Țabaristān . Un village
Ardahan ( ) existe dans l'Azarbaijān entre Sarāb et Miyāna, et un autre Arda.
hen (8) à l'ouest de la route Hamadān -Zanjān (sur le parallèle de Bijār). Dans
la région de Raiy le nom sol que Hasan Rūmlu ( sous l'année gog/1503)
transcrit lissgl, cf. Dorn , Auszüge, p. 398 , se rattache à la série de Rūdi.
hin , Būmihin ( ancien Bāmihind , ainsi au lieu de goli dans l'édition de
Iştahri, p . 114). Mais aux sources du Kour le nom peut avoir une autre ori
gine, cf. la forme géorgienne Artan qui rappelle le nom de l'ancien peuple
Artan aux sources du Tigre , cf. Baladuri, p. 211.
56 JUILLET-SEPTEMBRE 1930.
labial arabe. Toutefois les Arabes n'ont pas été conséquents
dans la transcription du v arménien comme le montrent les
formes very , Balādurī, p . 195 , 200 , etging , Ibn Haukal ,
p.254, qui correspondent à Vayots (-berd ou -dzor ) armé
nien , Ghazarian , p. 216 . Il est vrai que le cas du b intervoca
lique de Dabil présente un caractère spécial, mais en arabe
dabil veut dire « endroit dépourvu de sable au milieu des
sables» (1) et, de toute façon , les Arabes devaient être influen
cés par cette étymologie populaire (2). Finalement,il ne faut pas
exagérer l'importance de la vocalisation Dabil, Dawin , car la
fatha n'est qu'un expédient pour résoudre le groupe conson
nantique à l'initiale des mots étrangers. Dans Țabarī on trouve
aussi la vocalisation Dubil , probablement plus ancienne.
au

Telles sont les pérégrinationsdans l'Occident du mot duvin ,


sorti des steppes du sud-est de la Caspienne, et tels sont ses
avatars dans des milieux hétérogènes .

(1) Cf. Yāķūt, II, 548, et les dictionnaires arabes , tels que le Taj al
'arūs.
(2) A la rigueur on pourrait égalementadmettre que ce b soit dû au milieu
kurde. La présence des Kurdes dans la région voisine de Dvin est un fait
historique. Moïse de Khorène , 1, ch . 30 , dit qu 'Artavazd , fils d 'Artašes, étant
allé parmi les Mars (Mar < Măd ceMède [ = Kurde]») bâtit Marakert sar la
prairie de Šarur ( immédiatement au sud de Dvin ). Habīb b. Maslama vers
32 /643-644 étant arrivé à Artašat (blwy ) cepassa la rivière des Kurdes (
ISVI) et descendit sur la plaine de Dabiln . Cette rivière peut correspondre
seulement à Azat, où Garni-čai de nos jours, qui coule immédiatement à l'ouest
de Dvin , cf. Balādurī, p. 200 , Tabarī , I, 2674. Au xie siècle le prince Abu
suvar, de la dynastie kurde šaddādide, était le maître de Tibion (Dvin ),
cf. Muralt, op . laud. Le grand Saladin était de par son origine un Ķurde de
Dvin ; voir Ibn Hallikān , trad . de Slane, IV , 48 , qui précise le lieu de sa nais.
sance à Ajdanaķān , cf. sur ce nom Moïse de Khorène , I , ch. 30. Encore de
nos jours un des villages surgis sur l'emplacement de Dvin s'appelle « Dvin
Kurdäkänd [ < Kurd -känd )» . Or en kurde , comme en persan , 6 correspond à
v initial plus ancien conservé dans les autres parlers iraniens. On pourrait
imaginer une étymologie populaire kurde où l'élément du- serait interprété
comme« deux» : *du -vin . Alors le v de -vin , passé à l'initiale , aurait pu abou
tir à *bin ,
TRANSCAUCASICA . 57

II. SOGDABIL ET ARDABIL .

$ 1 . Arabe Soġdabīl = géorgien Sagodebeli.


$ 2 . La prise de Soġdabil en 853 selon Țabarī.
$ 3. L 'élément -bil.
$ 4 . La forme phonétique du nom Ardabil.
$ 5 . L'étymologie d'Ardabil et le mont Savalān dans les légendes
zoroastriennes.

S 1 . Vis-à - vis de Tiflis sur la rive gauche du Kour, les géo


graphes et les historiens arabes du ix°-x° siècle mentionnent la
ville Sogdabil ‫ سغدبيل‬ou ‫)( صفدہیل‬1(. Ce nom disparatt de
bonne heure. Yākūt, III,396 , quile connaît encore ,ne fait que
transcrire les données de ses prédécesseurs (Balādurī), tandis
que Hamdullāb Mustaufi(2) place Soġdabil dans la e plaine des
Hazars» . Cette confusion de je: jurz e la Géorgien avec
si ( Hazar » , et l'adjonction gratuite du mot « plaine » (évi
demment en souvenir du Dast-i Kipčak !) montre à quel point
Soģdabil avait été oublié vers le xive siècle.
La forme du nom Soġdabil avait dû frapper l'oreille des
Arabes car déjà Balāduri, p. 195, l’explique par le fait que le
fondateur de la ville Hosrau Anūširvān (531-579 ) en aurait
fait une place d'armes et y aurait établi e des Sogdiens et des
Persans « ‫ وانزلها قوما من السغد وابناء الفارس‬. Cette phrase figure
telle quelle dans Ibn al-Fakih et dans Yākūt.
La mention des Soġdiens pourrait avoir l'apparence d 'un
argument en faveur de l'extension du pouvoir des Sāsānides

(1) Ibn Hordādbih , p . 129-123; Ibn al-Faķih , p. 287-288 ; Balādurī,


p . 195 ; Țabari, II, 1414-1416 (voir plus bas la traduction de ce passage),
Mas'udi, Al-Tanbih , p . 62.
(2) Nuzhat alkulüb, éd . Le Strange, dans le Gibb Memorial, p . 255.
58 JUILLET-SEPTEMBRE 1930.
jusqu'en Soğdiane , si elle n 'était basée sur une simple asso
nance. L 'affirmation de Balāduri avait déjà suscité des doutes (1)
mais la question de Soġdabil n 'a pas encore fait le sujet d 'une
étude , car la tentative de Ghazarian (2) de rapprocher Soğdabil
de Tsurtav(3) est aussi indécise qu’impossible.
La solution est fournie par les sources géorgiennes. Dans la
chronique dite Kʻart'lis Tshovreba le nom correspondant à Soğ
dabīl se rencontre deux fois :
7o Au commencem
commencement du règne de Tamar (1984 -120 le
chef des armuriers Kutlu Arsgan (4) s'étant mis en révolte ,
dressa ses tentes e dans la plaine d'Isani près de Sagodebel» ,
Brosset, op. laud., 1/1, 487, texte géorgien , p . 281, bagon
pyogena.
2° Le roi Vahtang III (1301-1307) étant parti contre
David VI de la localité Tabahmela (12 kilomètres au sud de
Tiflis ), passa le pont ( c'est-à-dire de la rive droite à la rive
gauche du Kour) et par Sahiudabel se dirigea vers Mahata. Ce
dernier nom est porté par le point élevé distant de 2 kilo
mètres de la rive gauche de la Koura (point de triangulation :
2140 pieds anglais).
L 'identité de Sagodebel avec Sahiudabel ( texte géorgien ,
p . 141, bsbogoodgmo) ne laisse aucun doute. De même il est clair
(1) Marquart, Erānshahr, p. 108, n. 2; BARTHOLD , Turkestan , trad. anglaise
dans le Gibb Memorial, p. 183 , n . 5 .
(2) GHAZARIAN, Armenien unter d . arab. Herrschaft , Zeitschr. f. arm . Philol.,
II , Marburg, 1903 , p . 224.
(3) Localité sur la rivière Ktsia (actuellement Hram ) , affluent droit du
Kour, cf. Brosset, Hist. de la Géorgie , 1/2 , p. 109. Toutefois , d'après la Géo
graphie de Vahušt, trad. Janašvili, p. 37, Tsortav est le défilé en face de
Ahtal , sur le Berduj.
(1) C'est-à-dire chwyl algjö , en ture e Lion féliciteux, avec le curieur pas
sage de ? à ġ , par fausse analogie avec les mots arméniens (voir plus bas sous
Kasal). Le nom a dû être transmis par un milieu arménien .
TRANSCAUCASICA. 59
que cette ville se trouvait sise dansle quartier de la rive gauche VP

qui s'appelle actuellement Avlabar et dont le nom ancien


Isani , Isni, Nisani se rencontre souvent dans la Chronique,
ainsi que dans la Géographie du Prince Vahust(1).
Mais plus important encore est le témoignage de la très
ancienne Vie de Saint-Abo(2), d'après lequel, à la suite de
l'exécution de ce martyr, son corps cefut transporté en dehors
de la ville scil. : Tiflis ) et apporté à l'endroit dit Sagodebeli
car là se trouvent les tombeaux des babitants de cette ville . . .
Le corps fut brûlé , après qu'il fut couvert de foin et de bois et
arrosé de naphte , à l'endroit qui se trouve à l'est de la forte
resse et qui est connu sous le nom de Sadilego , au bord du
rocher formant la rive du grand fleuve qui se dirige vers l'est
de la ville et qui s'appelle Mtkvari [Kour ]» .
Or Sa-godeb -eli veutdire ee (lieu ) relatif aux lamentations » ,
c'est-à -dire ce cimetière» , et Sa-dileg -o ce lieu de prison , (3), On
voit que Sadilego appartenait à Sagodebeli, — tandis que
cette dernière localité était adjacente à Isani (Avlabar) ou en
faisait partie. Par la forteresse à l'est de laquelle se trouvait
Sadilego il faut comprendre la forteresse de la rive gauche ,
c'est-à-dire Soġdabil (plus tard Metehi ?).
(1) Trad . Brosset , p . 189, trad . JANAŠVILI , Zap. Kavk. Otd . Geogr. Obšč. ,
Tiflis , 1904, x1v-5 , p . 57-58.
(2) Par son origine Saint-Abo était Arabe de Bagdād . Il se fit chrétien en
Géorgie et fut exécuté par l'amir arabe, probablement en 786 . Sa Vie fut
écrite par un de ses amis sur l'ordre du catholicos de K 'artólie Samoël (780
790). Voir son abrégé dans Brosset, 1/2, p. 132-130 ; traduction complète ,
Schulze, Das Martyrium d. hl. Abo , Texte und Unters. z. Gesch. d. altchr . Lit
ter. , Leipzig , 1905, ww , Heſt 4 , p . 1-45. Je dois la traduction du passage en
question à l'amabilité de notre confrère E . S . Takaïchvili.
(3) TCHOUBINOV, Dict. géorg.-russe-français , 1840 , p . 129 , 188 et 191, sago
debeli elamentablen (?). Ce nom paraît être un nom propre plutôt qu'une dési
gnation générale de cecimetièrer. Du reste la forme mutilée Sahiudabel de la
Chronique montre que le mot était assez inusité pour être oublié par les Géor
giens eux-mêmes. Quant à Sadilego serait-il un dérivé du persan dxs mencios
de nuit pour brebis , etc.n ? Cf. Vullers , I, 995.
60 JUILLET-SEPTEMBRE 1930 .
Cette forteresse défendait au nord les approches du pont qui
donnait accès à Tiflis et avait une grande importance militaire.
Du récit de Țabari (voir plus bas) il appert que les troupes de
Buğa en 853 s'emparèrent de Tiflis par une attaque venant
du nord-ouest et du sud -est (?) de la rive droite. La forteresse
de la rive gauche(1) capitula seulement après que la promesse
d'amnistie eût été donné à sa garnison . La colline d'où Buğa
suivait les opérations peut être rapprochée deMuhata (voir plus
haut) , quisurplombe la forteresse de la rive gauche.
En résumé, la ville de la rive gauche , fortifiée à nouveau
par Ishak ben Ismā'il (voir plus bas ) avait reçu son nom du
cimetière voisin . Les conquérants interprétèrent à leur guise
le mot géorgien sagodebeli qui prit la forme Soġdabēl.
$ 2 . Le passage de la chronique arabe de Țabari , III ,
p . 1414 - 1416 , relatif à la prise de Tiflis en 853 est impor
tant pour la topographie ancienne des villes situées sur les deux
rives du Kour.
A cette époque Tiflis était la capitale de l'amir arabe (kurai
šite ) Ishak ibn Ismā'il , qui, entre 2 15 -239/830-853, s'était
taillé en Géorgie une principauté indépendante de fait et s'était
créé de nombreuses relations locales (2). Son isolement parut
suspectà Bagdād. Déjà sous le caliſeWātik , Isḥak avec ses alliés
les Ts'anars (ägliall) avait essuyé une défaite , Yaľkūbi, His
toire, II , 567, 579 , 588 , mais l'anéantissementdu prince de
Tiflis fut seulement l'auvre du général turk Buğa que le calife
Mutawakkil expédia en 252/852 pour punir les Arméniens,
fauteurs du meurtre du wāli Yusuf ibn Muḥammad. Par le ter
ritoire des coupables huwaitiens(3) et par Albāk (aux sources
(1) Marquart, Skizzen z. hist. Topographie , Handes Amsorya, 1927, nº 11,
col. 839, confond Sogdabil avec ķala de la rive droite.
(2) Cf. Marquart, Streifzüge , p . 421-423 etmon article Tiflis dans l'Enc. de
l' Islam .
(3) ävel vivaient au Sasun , au sud -ouest de Bitlis, cf. le nom du canton
TRANSCAUCASICA. 61
du Grand Zāb ) Buğa arriva à Dvin . Au mois de Rabi' al-awwal
238 (automne 852) il expédia une avant-garde, sous le com
mandement du Turc Zīrak, qui passa sur la rive gauche ( sep
tentrionale)du Kour. Țabari continue :
Le Kour est un grand fleuve, pareil à Şarāt( canalde l'Euphrate au
Tigre ) près de Bağdād, et (même) plus grand. Il coule entre la ville (1)
de Tiflīs , (qui se trouve ) à son ouest, et Soġdabīl, (qui se trouve) à
son est. Le camp de Bugā était du côté est. Zīrak (de nouveau ) tra
versa le Kour et ( se dirigea ) vers le maidān de Tiflīs. Or il y a cinq
portes à Tiflīs : celle de maidān, celle de Ķarīs (?), la petite porte , celle
du faubourg (3) et celle de Soğdabīl.
Le Kour est le fleuve qui contourne la ville (“). Bugā envoya Abū
' -Abbās al-Wāritī(5), le chrétien , auprès des habitants de Tiflis origi
naires d'Arménie , aussi bien les Arabes que les Persans. Zirak s'appro
cha du côté du maidān, et Abū ’l-Abbāsdu côté du faubourg. Ishak , fils
d 'Ismā'īl sortit contre Zīrak et engagea une escarmouche avec lui, tandis
que Bugā restait sur la colline qui s'élève au-dessus de la ville du côté
de Sogdabil, pour surveiller ce que faisaient Zīrak el Abū 'l-'Abbās. Or
Bugā envoya les pétroleurs (nafſātin ) quimirent feu à la ville bâtie en
bois de sapin (6). Le ventsouffla sur le bois de sapin (en flammes). Ishak
s'approcha de la ville pour voir ( ce qui s'y passait), mais le feu avait
Hoit. Voir sur ce peuple TomascHEK, Sasun , Sitzungsb. Wien . Akad., cxxx111-4 ,
1895 , p . 21, et Marquart , Südarmenien u . d . Tigrisquellen , Handes Amsorya,
1915 , col. 220 - 231.
(1) Je corrige le texte qui porte mulig äit or lo en omettant l'article
et la conjonction wa.
(9) Evidemment le génitif géorgien du nom Kari e Erzeroum » , cf. arm .
Karin , arabe Ķālīcķalā .
(3) Dans la Géographie de Vahušt, trad. Brosset 130 , trad. Janašvili, p . 58 ,
le faubourg de Tiflis (Garet Ubani) au xviu siècle était situé extra muros ,
près de l'hippodrome (asparez ).
(1) bill o gusi, e descend avec la villen , c'est-à -dire sans s'en éloigner.
(5) C'est-à-dire le bagratide Smbat le Confesseur; chef des troupes d'Armé
nie , père d’Ašot le Grand , cf. Thomas Artsruni, trad . Brosset, p. 41 et Mar
QUART, Streifzüge, p. 465.
(6) D 'après le témoignage tardif de Zakariyā ķazwini, Ātār al-bilad , p. 348 ,
la ville avait seulement les toits en bois de sapin : ‫المدينة كانت مسقفة‬
isl . Mais Thomas Artsruni, ill , $ 9 , trad . Brosset , p. 141, confirme
qu’à Tiflis même les murs et les bastions étaient en bois de sapin .
62 JUILLET-SEPTEMBRE 1930.
déjà pris dans son palais (où se trouvaient) ses femmes. Etle feu entoura
Ishak. Ensuite vinrent les Turcs et les Maures, qui le capturèrent, ainsi
que son fils 'Amr('). On les mena auprès de Bugā qui donna l'ordre en
ce qui concernait Isḥaķ. Il fut conduit vers la porte des chevaux de
frise (?), où (après l'avoir ) lié on lui coupa la tête. On la porta à Buğā,
tandis que le corps fut pendu au -dessus du Kour. C'était un vieillard
obèse, à tête large , teignant (ses cheveux) de bleu , basané, chauve et
louche. Sa tête fut exposée au-dessus de la porte des chevaux de frise.
Celui qui le mit à mort fut Gamiš , lieutenant de Bugā (3). Environ
50.000 hommes brûlèrent mais après vingt-quatre heures le feu s'étei
gnit , car le feu de sapin n'est pas long. Lematin arrivèrent lesMaures ,
firent prisonniers les vivants et pillèrent les morts. La femme d'Ishaķ se
trouvait à Sogdabīl, qui est vis-à -vis de Tiflīs , vers l'est. Cette ville fut
construite par Kisrā Anūširwān. Isḥāķ l'avait fortifiée, fit creuser son
fossé , et cantonna (dans la ville ) des guerriers huwaitiens et autres .
Bugā leur donna l'amān à condition qu'ils rendissent les armes , et
(ensuite ) partissent où ils voudraient. La femme d'Ishaķ était la fille du
maître de Sarir ( ). Ensuite , dit-on , Bugā envoya Zīrak avec des troupes
vers la forteresse de Jardamān , qui se trouve entre Barda'ā et Tiflis.
Zīrak s'empara de Jardamān et ayant fait prisonnier son batrik Ķitrīj (5),
l'emmena au camp . . . .

(1) D 'après Thomas Artsruni, Ishaḥ , voulantse rendre à Zirak (arm . Žirak) ,
sortit par la porte menant à Šamšłte (Samšvilde). Ceci confirme indirectement
le fait que Zirāk opérait du côté sud-est de la ville.
)3( ‫ باب المسك‬ne peut se rapporter a aucune des portes enumerdees plus
haut. Hasak désigne un cheval de frise hérissé de clous [ cf. pers. hašak
a piquant» ], c'est-à-dire un appareil dont se servaient les assiégeants pour
embarrasser les sorties de l'ennemi et les tentatives de fuite des attaquants.
Isḥaķ paraît avoir été conduit vers le passage laissé entre les ḥasak.
(3) Les deux nomssont turks: buġa etaureaun, kamiš - roseaur.
(4) MARQUART, Streifzüge, p . 302 , avait donné la promesse de démontrer
dans son Ethnologie historique du Daġestān que le «Maître du trônen (valo
l) élait le roi des Avars du Dagestān. Marquart disparut le 4 fé
vrier 1930 avant que ce travail vît le jour. Sur la femme d 'Isḥaķ voir les
détails dans Thomas Artsruni, III, S 10 et 15 , tr. Brosset, p. 143, 168.
(5) Ce dernier nom arménien fait penser au canton Gardman ( à l'ouest de
Ganja ) plutôt qu'à la forteresse située au confluent du Kour et de Ktsia que
les Géorgiens devaient appeler Gardaban et que Marquart, Handes Amsorya ,
1927, col. 843, identifie à ulovis yläelä mentionné dans Iştahrī ,
p . 193 , etc.
TRANSCAUCASICA. 63

$ 3. L'étymologie populaire interprétait Sa-godeb -eli comme


Soğda-bel , dans le sens vague de ce lieu habité de Soğdiens» .
Or quelle pouvait être la valeur réelle de cet élément -bel, dont
la prononciation (avec e) est tout d'abord confirmée par l'ori
ginal géorgien ? Les Arabes et avant eux probablement les Sāsā
nides , devaient penser à l'élément bel/bil qu'on trouve à la fin
de certains noms de localitésdel'Iran et de sa périphérie.
Ardabil (*Ardabel), voir plus bas, p. 65.
Anzabil (*Anzabēl), dans le Halhāl d'Ardabil près de la
bourgade de Herow , cf. le Nuzhat al-Kulüb, p . 81. Sur la
carte russe Anzabil, sur la carte de Khanikov, A map of Azer
beijan, Zeit. d. Allgem . Erdkunde , 1863, pl. XIV : Andail.
Harzavil digje , cf. Nāşir-i Husrau, Safar-nāma, éd . Sche
fer, p . 4 :sur le col entre Kazvin et le Šāh-rūd ; cf. le nom du
village Harzān près de Harzavil(1), en amont du pont de Man
jīl. La date du voyage de Nāşir-i Husrau (1045 ) et la forme
-vil (*vel) garantissent qu'il ne s'agit pas ici du mot turc bel
e coln , qu'on trouve par exemple dans le nom d e « le
Col Bleu n sur la route Tabriz-Ahar , actuellement Göyja-bel,
cf. le Nuzhat al-Kulüb , p. 222 (avec la correction qui s'impose ).
Dabil Juws, ville d 'Arménie, Balāduri, p. 199, arm . Dvin ,
voir plus haut, p . 54 .
Sanbil, Ibn Haukal, p . 171, duiw , Mukaddasī , p. 407,
Jiw , ville au Huzistan, entre Rām -Hormuz et Arrajān .
Qandabil Judis , ville au Balūčistān , Iştahrī, p. 178 ,
186 , etc. correspondantà Gandāwaau sud-est de Kalāt, cf.Mar

(1) EASTWICK , Journal, 1854 , 1 , 313 : Kharzan ; Hanway, An histor . account,


1754 , I , 177 : Arsevil; H . Schindler, Zeitschr. d. Gesell. f. d . Erdkunde,
1879 , XIV , p . 121 : Harzabil. Ces deux dernières formes attestent un amuis
sement de h en h .
RE 930
64 JUILLET - SEPTEMB 1 .
quart, Eranšahr, p . 190 et 276 , et mon article ſūrān dans
l'Encyclopédie de l'Islam .
Armabil whyl sur la routemenant de Sind au Balūčistān ,
queMarquart, ibid , p. 189, identifie à Las Bela(1).
Pour des raisons tant géographiques qu'étymologiques, il
est absolument impossible de réunir en un seul groupe ces
noms dispersés et hétéroclites (cf. l'histoire du nom Dvin ),
mais il est probable que les noms de la Perse du nord-ouest :
* Arda-bēl, *Anza -bel, *Harza-vēl soient formés à l'aide du
même élément -bell-vēl(2).

(1) Pour les Arabes pouvaient également entrer en ligne de compte les
noms comme Arbil (plus tard Arbil, actuellement en kurde Haolēr) de sémit.
arba ilu e les quatre dieux» , et Sandābil Uleiw , capitale de la Chine d'après
Mis ar b.Muhalhil, cf.Marquart, Osteurop. Streifzüge, p. 89 (= la capitale
des Ouigours orientaux Kan-cóu ) , cf. la critique de Barthold sub Sandabil
dans l'Encyclopédie de l'Islam . On ne sait rien sur l'origine du nom Gergebil
au Dagestan (sur le Ķoy-su des ķazi-ķumuh). Kozubski, dans son Memento de
la province de Dagestan ( en russe ), Temir-han-šura, 1895 , cite une variante
du nom Gergebil : Hergeb (Xepreó ). La bourgade est habitée de montagnards
Avar. Quant au village Zarzebil au sud-est du lac Gökča , je pense qu'il doit
son origine au nom de la source paradisiaque Salsabil dans le Ķor'ān ,
LXXVI, 18 .
(2) La carte anglaise 1 : 253.440 donne égalementdans l'Azarbaijan : Kor
tebil (environ 15 kilomètres à l'est de Marāga) et Airandibil ( entre Julſã et
Marand), auxquels correspondent Kortevül et Eirandibi des cartes russes. La
carte de Khanykov (1862 ) a aussi Airandibi. Eiran -dibi, en turk mle fond du
petit lait (ayran ), couvre certainement un nom plus ancien. Le village appar
tient au petit ilot linguistique de Härzän où un dialecte iranien ( tāti ) est
parlé , voir mon article Tāt dans l'Encyclopédie de l'Islam . La première partie
du nom parait donc représenter le nom * Erān , dans une forme appartenant à
une époque, ou à un dialecte , où la distinction de é et de i n 'était pas encore
perdue. Le deuxième élément serait provisoirement à rapprocher de dabil
( voir Dvin ). Comme toutefois ni Kortevül, ni Eirandibi ne se trouvent dans
les géographes anciens , leur vérification d'après les listes cadastrales est tout
d'abord désirable. [ Note de correction . – On trouve aussi : Larandabil , au
sud d 'Astarā , sur la mer Caspienne; Andabil, près de Sofiyan , au nord
de Tabrīz , et la montagne de Haravīl (turquisée en Ara’ul), à l'ouest de
TRANSCAUCASICA. 65

$ 4. Quant à Ardabil, l'ancienne prononciation de ce nom


est indiquée par les auteurs arméniens : Levond (v11° siècle)
donne Artavēt, et Jean Catholicos ( x° siècle ) Artavel(1). La
forme de Levond est certainement archaïsante car les Arabes
ne connaissent que la nouvelle forme avec d et l : Just
*Ardabēl.
Pour l'évolution de ce nom est caractéristique la série
1 > 8 > l que Darmesteter a été le premier à reconnaître en
iranien. Mêmeen persan ce phénomène a plus d'extension que
ne le croyait P . Horn (2). Il est expressément connu au nord
ouest de la Perse . Le nom Mamlān who fréquent parmi les
princes rawwādites de l'Azarbaijān (Kurdes ?) au x°-xie siècle
correspond à Muḥammad (3). En kurde le passage d > l ne se
borne pas aux mots étrangers cités dans la grammaire de
Justi , p. 75 . Dans le dialecte Mukri (au sud du lac d'Ourmia )
Salmas. Cf. mes articles Lenkorān et Salmās dans l'Enc. de l’Islām . La ques
tion de -bill-vil devra être reprise lorsqu'on disposera de listes officielles de
noms de lieux persans. V. M .]
(1) MARQUART, Érānšahr, p. 108. .
(9) DABMESTETER , Études iraniennes , 1, 71, II , 195 -201, tout en considérant
le cas malah < madaha comme iranien oriental (r du même groupe que l'af
ghann), relevait aussi le flottement persan littéral *nād > nāynāl. Horn dans le
Grund. d . Iran. Phil., 1/2 , p . 57, croyait que le phénomène dl cinvolvirt
keinen persischen Lautwandel » (?). Voir toutefois sanbalid sanbalil, fenu
grecs , le village wil , entre Isfahan et Sirāz, qui est souvent appelé Aklila
cf. Ouseley, Travels, II , 443; kilil < kilid clefn ( chanson populaire de Sirāz),
cf. ROMASKEVIČ , Zapiski , 1916, XXIII, p . 24; le canton Mazlağan < Mazdakan
au nord de Sāva, etc. Cf. également hadang « nomen arboris durissimaen
( Vullers ) qui correspond à halanj des géographes arabes :carbor cujus lignum
est pretiosum . . . crescit in meridie maris Caspii, in Tabaristan . . . in Djor
djan . . . et , sed minoris qualitatis , ad orientem Ardebilin , Gobe, Bib .
Geogr . Ar., IV , p. 229. Dans ce dernier cas l doit avoir un caractère local
( caspien ) !
(3) Il a l'air d'élre formé à l'instar des formes arabes wilias islas qui
expriment la noblesse d'origine. Toutefois le 1 de Mamlān pourrait à la rigueur
s'expliquer par un suffixe hypocoristique. Un atābek de Marāġa'au xu° siècle
s'appeleit Ahmad-il; cf. le nom de village près de Marāga -Mamad -il, et le
nom de caresse persan Mämil pour Muhammad .
GCXVII.
IMPRIMIR NATIONALE.
66 JUILLE -SEPTE
T MBRE 1930 .
au persan hudā ce Dieu , correspond hută avec t de nuance
cérébrale , distincte de l'articulation vélaire de t russe.
De la même tendance il faut rapprocher le rhotacisme ( -:- >
r ) des parlers ce lāt, de la Transcaucasie et de quelques îlots
perdus de l'Azarbaijān persan en voie d'être submergés par le
turk -āzarī. Les spécimens les plus anciens de ces parlers pro
viennent justement des environs d 'Ardabil et datent du
XIV° siècle (1). Lemême phénomène s'observe dans les emprunts
faits par l'arménien à l'iranien (du nord -ouest ?). Cette parti
cularité devait donc exister pour le moins dès l'époque sāsā
nide. Les phénomènes 8 > let 8 > r, dus probablement à des
milieux différents mais proches , pouvaientse développer paral
lèlement(2)

En ce qui concerne le v initial, son passage en b est d 'habi


tude considéré comme le trait typique des parlers méridio
naux (du Fārs ), y compris le persan moderne, mais le même
(1) La découverte a été faite dans la vie des cheikhs d'Ardabil livell öges
par le savant persan Seyyid Ahmad Kasravi, ‫آذری یا زبان باستان آذربایکان‬
Téhéran , 1304/1927. Cf. les travaux persans du même auteur The forgotten
rulers, I-II, Téhéran , 1928-1929 ( études importantes sur les dynasties per
sanes du nord et du nord -ouest) et The names of towns and villages of Persia ,
Téhéran , 1929 (brochure , dont aussi bien la méthode que les conclusions
sont inacceptables ). Sur le tätä voir les travaux de V. F . Miller et l'étude
récente de B . V .Miller, Les Tâts , leur distribution et leurs parlers (en russe),
Bakou , 1929. Cf. ma mise au point Tāt dans l'Encyclopédie de l'Islam .
(2) Pour la région de Sistan on a le témoignage important du nom 'avest.
Haētumand e rivière aux barrages, qui dans les auteurs grecs a la forme
È púuavos (Polybe , XI, 34 , 13 ) à côté de Étúnavdpos ( Arrien , IV, 6 ).
Masʼūdi, II, p. 79 , donne Hirmand , tandis que Muķaddasi, p. 314 , Hidmand .
Encore dans le Nuzhat al-kulüb, p. 142, etc., on trouve Hirmand. Actuelle
ment la rivière s'appelle Hēlmand en Afghanistan et Hilmand en Perse.
Cf.MARQUART, Unters. z . Gesch. v. Iran , I, p . 235-236 : Erymandus. L 'évolu
tion générale est donc t > > r > l , mais on constate que les formes
parallèles ont longtemps coexisté , car évidemment, avant de se généra
liser, les changements phonétiques se limitaient à certains groupes de popu
lation .
TRANSCAUCASICA. 67
phénomène est largement connu en kurde où l'évolution v > b
a dû s'opérer indépendamment, — peut- être sous l'influence
de facteurs locaux ( voir plus haut, p . 56 ).
Puisque les phénomènes- -- > l et v > b s'expliquent bien
dans le domaine kurde, il convientde rappeler le témoignage
deBalāduri, p. 326 , selon lequel au momentde la conquête de
l'Azarbaijān par les Arabes,un nombre considérable de Kurdes
vivaientdans le voisinageimmédiatd 'Ardabil,près de Balasjān ,
de Sabalān (le mont s'appelle actuellement Savalan ) et de
Sātrūdān (?). Il devient probable , que les paroles de Strabon ,
XI, chap. 13, sur lesKúptioi nomadisant au nord de l’Azarbai
jān , et celles de Ptolémée, VI, chap. 2 , sur les Carduques (Kap
δούχαι) habitant a proximité des Cadousiens ( Καδούσιοι ) se
rapportaientaux ancêtres des Kurdes de Balāduri. Ainsi donc le
milieu localiranien , et surtout kurde , a pu jouer un rôle dans
la réalisation ou dans l'accélération du développement Arta
vēt > Ardabel.

S 5 . Si on passe maintenant de la forme phonétique de ce


nom à l'explication du sens, on ne doit pas oublier que parmi
no mi

les peuples énumérés au nord-est de l'Atropatène par Strabon


(XI, chap. 13) et par Ptolemée (VI, chap. 2 ), certains, comme
les Caspiens( et les Cadousiens? ] étaientprobablement d 'origine
non-aryenne. Aussi l'agglomération d'Ardabil a-t-elle pu surgir
et recevoir son nom avant que les Iraniens eussent colonisé
cette région . De ce fait nous pouvons être en présence d'un
nom ayant seulement subi une assimilation sémantique ira
nienne.
Cette réserve faite , on doit reconnaitre que, tel quel, le
nom d 'Ardabil a une apparence iranienne prononcée . La pre
mière partie du nom Arta -vēt s'identifie aisément au mot bien
connu avest. arata-, vieux-perse arta - « loi, ordre sacrén. Son
deuxième élément -vēt correspond le mieux à l'avestique vae
68 JUILLET-SEPTEMBRE 1930.
tay,moyen-pers. vēt cesaule ,rameau de saule ». Tout ensemble
le nom pourrait s'interpréter comme le lieu maux saules ou
aux rameaux de la loi sacréer.
L 'étrangeté apparente d 'une telle exégèse est affaiblie par
le seul endroit de l'Avesta , Videvdāt, 22 , 20 ( trad. Darmeste
ter, II, p. 291), où apparaît vaētay . Pour combattre les ma
ladies envoyées par Ahriman , Ahura Mazda invoque l'aide du
dieu Airyaman (1) qui arrive sur la montagne des Conversa
tions sacrées » ( sponto- frasan ) à l'arbre des Conversations
sacrées » , avec les paraphernalia de la purification . Entre
autre ceilapporta avec lui neuf rameaux, il traça neuf sillons» .
Comme les neuf rameaux vaētay avaient évidemment une des
tination magique(2), la composition moyen-persane arla -vêt
devient plus plausible(3).
- D 'autre part, le puissantmont Savalān , qui s'élève à l'ouest
d 'Ardabil et forme le trait le plus saillant de tout l'Āzarbaijān
oriental(4), ne pouvait manquer d'être associé aux traditions
zoroastriennes (du moins tardives!), où la région entre la
Caspienne et le lac d'Ourmia joue en général un rôle très
important(5). Le Videvdāt, 19 , 4 et 19, 11(6 )parle de la rivière
Drəjā sur laquelle se trouvait la colline de la maison de Pou
rušaspa , père de Zarathustra. Là le prophète de l'Iran fut
(1) Sur ce personnage, cf. maintenant Gray, Foundations of the Iranian Reli
gions , Bombay , 1930 , p . 131.
(2) Formation d 'un barsman ? BARTHOLOMAE, Allir, Wörterbuch , col. 948
et 1314 , s'abstient d'expliquer le rôle des rameaux dans ce passage du Vider
dāt.
(3) Comme parallèle d 'une composition semblable, voir arm . artahoir arta
hurak e diadème, tiaren , de l'iran. arta + röd « casquen , HÜBSCAMANN , Arm .
Gramm . , p . 150 et 160 , nº 230 et 280 .
(4) Damāvand , alt. 18.600 pieds anglais ; Savalān . alt. 15.800 pieds
anglais.
(6) W . Jackson , Zoroaster , 1899, p. 193-201.
(6) Trad . Darmesteter , II, p . 260 , 262.
TRANSCAUCASICA. 69
tenté par Ahriman et communia avec Ahura Mazda en pré
sence des archanges Amšaspentas. Les sources moyen-per
sanes (1) confirment cette tradition et le Bundahis dit expressé
ment que Dāraja (sic !) est une e rivière en Erān -vež, sur les
rives de laquelle se trouvait la maison de Parušasp , père de
Zaratust» (2)
Or, comme l'a montré Jackson (3), cette rivière doit corres
pondre à l'affluent droit de l'Araxe qui actuellement porte le
nom turk de Kara -su . Ce cours d'eau sourd au sud-est du
Sayalān , fait un demi-tour autour de ce montet, arrivé à son
nord-ouest, suit la direction nord sur une distance de 140 ki
lomètres(4). Les eaux descendant de la face nord du Savalān
nourrissent le cours moyen du Kara -su . Jackson par un mal
entendu l'appelle Daryai(5)mais en réalité le nom doit être lu
Darayurt,où Dara (6)peutreprésenter un ancien *Daraj(?), tan
dis que le turk yurt cepays , région » couvre un élément iranien
plus ancien . En effet le Nuzhat al - kulüb ( écrit en 1340 ) ,
p . 83 , mentionne le canton Sylys dans le toman de Biškin
(maintenantMiškin ) , situé immédiatement à l'ouest d ’Ardabil
et du Savalān . Cette forme (*Darāvard ) est certainement cal
quée sur le nom répandu Darābgird , dont Yāķūt, II , 560
561, indique justement la ſorme vulgaire Darāward. Cette
forme bien que plus ancienne que Dara-yurt, doit également
(1) Zat-Sparam , 32, 12; Bundahiš , 20 , 32; 34, 15 .
(2) BARTHOLOMAE, Altir.Wörterbuch , col. 777. D 'après le Bundahiš, Erānvēž
se trouve du côté de l’Azarbaijān.
(8) Op. laud., p. 19'.
?4) Les textes zoroastriens disent que la maison du père de Zarathustra
était située sur une zbarah cecolline (?)» . Or la rive gauche du ķara -su , adja
cente à la région montagneuse de şaraja -dag , s'élève de 3 à 45 mètres au
dessus de la rivière.
(5) Toutefois sur la carte de Keith -Jones , donnée en annexe au livre de
Jackson , on voit distinctement les lettres rd à la fin de ce nom .
(6) La quantité des voyelles n'est pas indiquée sur les cartes.
(7) Par analogie extérieure avec le nom fréquent Diza < Dizaj ?
70 JUILLET- SEPTEMBRE 1930.
être une adaptation du nom original car on ne la connaît que
dans le Nuzhat al-kulüb (1).
Il est possible que le nom Darāvard s'appliquait seulement
au cours inférieur du Kara- su . La Nuzhat al-kulüb, loc . cit.,
dit : « Darāvard était autrefois une bourgade et, actuellement,
c'est une localité (vilāyat) où hivernent certains Mongols. Ses
produits sontle froment, le coton et le riz ». Ces détails, qui
indiquent le climat modéré du canton , concordent avec la
carte russe où la légende Dara-yurt ne figure que sur le cours
inférieur du Kara-su , près de son embouchure dans l'Araxe.

Les sources musulmanes (2) sont unanimes à établir un


rapport entre Zarathustra et le Savalān . Toutefois le nom de
ce mont ne se retrouve pas dans les sources iraniennes . Spie
gel(3) avait proposé d 'identifierle Savalān au mont avestique
Asnvant. Le Bundahis place ce dernier en Azarbaijān en ajou
tant que là s'était posé le feu Gūšasp (Gušnasp ) après que
Kai Husrau eut détruit le temple d 'idoles du lac Cēčast (Our
mia ). Par suite il vautmieux ne pas trop éloigner Asnvant des
rives de ce lac ; aussi Jackson identifie-t-il Asnvand à Saband (4),
tandis qu'en Savalān il voit la montagne Spənto-frasan (« des
(1) On se demande quel pouvait être le nom de la rivière au temps des
Arabes ? Dans l'histoire de la conquête de l'Azarbaijān , Baladūrī dans la
région d 'Ardabil mentionne un ‫) ساترودان‬var . ‫ سانرودان‬, Yakat , ‫( میانرودان‬
occupé par des Kurdes. Ce Sāt - rūdan (*Šāt-rūdān ) peut être le nom de la
rivière principale de la région , en espèce du ķara-su de nos jours. L'élément
* šāt- e joyeux , contiendrait-il quelques allusions au Bundahiš , XXIV , 15 :
ceLa rivière Dāraja est le chef des rivières . . . Zaratust y naquits .
(2) Voir STACKELBERG , Bemerk. z. pers. Sagengeschichte : Der Berg Sabalān ,
W .Z .K . M . , 1898 , p. 230-234.
(3) Érān . Altertumskunde, I, 624 et 697, cf. H . BRUNHOFER , Vom Pontus bis
zu Indus, Leipzig , 1893 ( comme vol. II de son Urgeschichte d. Arier.), p. 73
83 : Der Sabelan als d . Heilige Offenbarungsberg Açnavanta des Avesta und
als der Göttersitz Açvattha des Veda.
(W) Qui sépare Tabriz de Marāġa et commande la rive orientale du lac
d'Ourmia .
TRANSCAUCASICA. 71

Conversations sacrées9(1), c'est-à-dire , justement, la montagne


sur laquelle Airyaman s'était présenté à Ahura Mazda.
Le mêmepassage du Videvdāt précise l'endroit de la ren
contre d'Airyaman avec Ahura Mazda en nommant à la suite
du eeMont des Conversations sacrées» l’reArbre des Conversa versa

tions sacrées n .
Or l'écrivain arménien Grigor Magistros (mort en 1058 )
parle d 'un e cèdre Sabalaon avec les branches duquel trois
villes furent construites , etc .(2). D 'autre part le voyageur arabe
du xı° siècle , Abū-Hamid al-Garnați, parmi les autres mer
veilles se rapportant au Savalān , mentionne à son pied ( s
Ju jenis ) ede grands arbres » (ou e beaucoup d'arbres» )
entre lesquels (bio ) pousse une plante qui met en fuite tous
les êtres vivants et occasionne la mort de ceux qui en mange
raient. Ces détails fabuleux qui ne sont que les échos d'an
ciennes traditions(3) abondent dans le sens de l'hypothèse de
(1) Il convient de rappeler que les Conversations sacréesn , d'après le com
mentaire zoroastrien , Darmesteter, II , 291, se rapportent aux entretiens
d 'Ahura Mazda avec Zarathustra, et non pas à l'épisode d ’Airyaman ! Ainsi
donc cette identification se trouve en harmonie avec la tradition dont font
écho les sources musulmanes (voir Stackelberg ).
(3) G . CHALATHEANTZ , Fragmente iran. Sagen bei Grigor Magistros , W .Z .K .M .,
X , 1886 , p. 220 : Die Ceder Sabalan , aus deren Aesten nach der Erzäh
lungen der Parther drei Städte gebaut sind , und aus deren Wurzel und
Stamm , welche versteinert waren , Spandiar sich ein Denkmal errichteten.
(2) Ce récit d'Abū Hamid (dont le Tuhfat al-albāb a été publié par M . Fer
RAND, J . As., 1925 , CCVII) est conservé dans les deux versions légèrement
différentes que cite Zakariyā ķazwini dans ses Ātār al-bılād , p. 189 , et‘Ajā'ib
al-mahluķāt, p . 163. A travers le ton merveilleux du récit d 'Abū Hamid on
reconnaît clairement les détails réels. Les sources chaudes autour du Savalan
sont celles du village Nir ; sur la source gelée au sommet de la montagne
voir le plan du Savalān avec un petit lac nourri par un minuscule ruisseau ,
dans KHANYKOV, Bull. phys.-math . de l'Académie de Saint-Pétersbourg , 1858 ,
p. 337 –352. Abū Hamid raconte que sur le Savalān se trouve le tombeau
de equelque prophèten . Or dans le cratère on voit un tombeau à l'est du lac,
ibid . L 'histoire sur la construction miraculeuse d 'une mosquée sur le flanc
du mont peut avoir pour source l'existence d'une mosquée à l'altitude de
19.289 pieds anglais.
72 JUILLET - SEPTEMBRE 1930.
Jackson . Du même coup il devient moins risqué de chercher la
réminiscence des rameaux (važtay) d’Airyaman dans le nom nom

d'Ardabil situéà l'ombre du majestueuxe Mont des Conversa


tionssacrées ».
Si pour Harzavil on ne dispose encore d'aucune précision
utile , le parallélisme des noms Anzabīl/Ardabil est probable ,
vu que Anzabil est situé immédiatement au sud d 'Ardabil.
Même quelques influences zoroastrientes dans la formation du
nom Anzabil ne seraient pas inattendues , car le chef-lieu de
ce canton sauvage (1) s'appelle se (prononcé actuellement
Hěro“ ), c'est-à-dire, selon la graphie administrative plus an
cienne ulang *Hēr -āb e rivière de l'école de prêtres? , (2).
- Pour Anza-, cf. avest. az rceindren, azah -rétrécissement, étroitesse ,
gorge de montagne, et arm . andz-uk métroit, etc., que Hübschmann ,
Arm . Gramm., p. 420 , place toutefois parmiles mots arméniens purs.
Le groupe -nz est caractéristique. Son alternance avec -nj dans lemoyen
persan n 'est pas très claire, car dans le mêmemorceau ( F . W . K . Müller,
Handschriftenreste , II , n° 98 ) on trouve pnz et pnč rcinq » . Dans la
toponymie iranienne ( remédique ?n ) on trouve le nom arménien de la
ville sacrée de l'Azarbaijān Gandzak (3), qui reflète certainement une
prononciation iranienne locale avec -nz : encore les auteurs arabes
(Iştahrī, p . 187,Mukaddasī, p. 51) donnent-ils à la ville homonyme en
Transcaucasie (arm .Ganzak ) l'appellation de Janza (özé ) et seulement
plus tard ce nom aboutit à Ganja (Ibn al-Atīr, X , 192, aşis ). Un vil
lage Gänza existe encore dans le canton d'Ordūbād au nord de l'Araxe,
Chopin , Pamiatnik , p. 623. Très bizarre est le nom de la petite ville
Natanz (entre Isfāhān et Kāšān ), dont le t- ( au lieu de d < - -)
s'explique probablement par le fait que le nom était senti comme une
composition na + tanz, et dont le groupe -nz reçoit une lumière du mot
genzä mchambre < trésors (persan gānj) qui existe dans le dialecte
nāyīnī parlé dans la même région.

(1) Voir mon article Tārom dans l'Encyclopédie de l’Islām .


. : 19) Cf. avest. aēdra -patay «maître de l'école des prêtres (?)n , persan mo
derne hêr-bad , BARTHOLOMAE, op. laud., col. 3o.
• (3) Šíz des musulmans. Ses ruines sont situées à Takt-i Sulaimān.
TRANSCAUCASICA. 73
· L'étymologie géorgienne du nom Soğdabil ayant été établie,
ils'agissait seulement d'examiner l'élément-bell-bil sur lequel
s’ était basée l'étymologie populaire musulmane , et probable
ment sāsānide, de ce nom . Cette analyse a montré que dans le
domaine iranien l'élément bel-bil ne saurait avoir le caractère
mécanique de l'ancien -karta (kird, gird , jird ) ou du moderne
- ābād, qui servent à former des noms de villes et de villages.
Cela nous ramène à la question de savoir si à l'origine loin
taine ce type de nomsne serait pas dû à une couche ethnique
préaryenne ? C 'est ainsi que Hübschmann (1) élimine du do
maine de l'arménien les noms Armavir et Aršavir, dont la
structure générale est parallèle à celle du nom Ardabil. Même
en géorgien le termerare Sagodebeline cacherait-il pas quelque
nom ancien oublié ?

III. KASĀL ET KAZAH .


S 1. Kasāl dans les sources arabes. ,
$ 2. Les origines du nom ķazah (Hazik ? Kazak ?).
$ 3 . Kasa! dans les sources arméniennes.
$ 4 . Qui sont les Hasagi?
S 5 . Kasāl = Ķazah .

S 1 . Les bistoriens arabes du 111 /1x° siècle font plusieurs fois


mention dela localité *Kasāl (Jhaws) en Transcaucasie (2).
1. Kasāl figure dans la liste des conquêtes de Habib b .
Maslama faites après la prise de Tiflis vers 25/245 , Baláduri,
(1) Die altarm . Ortsnamen , p . 380, 405. Cf. également le nom de la
rivière deMarand Zilvīr, Ātar al-bilād , p. 289; Nuzhat al-kulüb, p. 234 :
actuellement Zilbir.
(2) La vocalisation Kisālet Kusāl indiquée dans certains manuscrits n 'a pas
d 'importance car les noms caucasiens sont d'habitude très mutilés. La forme
Kisāl paraissait peut-être plus familière à l'oreille arabe.
74 JUILLET- SEPTEMBRE 1930.
p . 202. Dans cette énumération importante les noms sont
cités pêle-mêle , mais il convient de noter que Kasāl est nommé
à côté de Hunān (ulis ), lequel probablement correspondait
au fort géorgien du même nom dans la fourche formée par
le confluent du Kour avec son tributaire droit K 'tsia (Hram )(1).
2 . Marwān b .Muḥammad , nommé en Arménie du temps
du calife omaiyade Hišām (105-125/724-743 ), s'établit à
Kasāl et y bâtit une ville ( füisdo) dont la distance de Barda'a (2)
était de 40 farsahs et de Tiflis de 20 farsahs. Ensuite par la
porte des Alān Marwān envahit le paysdesHazar tandis qu'une
autre colonne marchait contre ce peuple par Derbend , Balā
durī, p. 207.
3 . Vers 2 1 3 /828-829 , Hātim b . Hartama, nommé wāli
d 'Arménie par le calife Ma'mūn , ayant quitté sa résidence
Barda'a descendit à Kasāl; il y bâtitun fort et par ses agisse ses isse

ments devint suspect de déſection (3).


4 . L'année suivante ( 2 14/829-830 ) le nouveau wāli Hālid
b . Yazīd arriva à Kasāl par la voie de Našawë (Nahičewān ),
Yaʻkūbi, ibid. De là , par des négociations diplomatiques, il
ramena à la soumission Muḥammad b . ‘Attāb qui s'était em
paré du pouvoir en Géorgie (uljz ) et entreprit une expédition
contre les Şanariens (au lieli), c'est-à-dire les Ts'anars (Pto
lémée , V , chap. vii, S 13 : UTEP de tnv Axbaviav Lavapaior),

(1) La Géographie de Vahušt , trad. Brosset , p. 169 et 179 , donne aussi


son nom turk tardif ķiz-ķal'a. Toutefois les itinéraires arabes , iştahrī,
p. 193 , Ibn Hauķal, p . 251, semblent indiquer pour Hunān une place à l’est
du Hunan géorgien .
(2) En arménien Partav, capitale de l'Arrān, située sur le Terter (Balá
durī, p. 203,y ul), à 20 kilomètres en aval de son confluent avec le Kour,
voir l'Encyclopédié de l’Islām (Barthold ).
1. En outre il entra en rapports avec Bābak, chef de la secte hurrami,
dont le centre était la ville Badd , dans le Ķaraja-dag de nos jours, sur la
rive droite de l'Arare , YA'KŪBĪ, Historiae, éd . Houtsma, II, 563.
TRANSCAUCASICA. 75

- peuple guerrier qui à cette époque vivait sur l’Alazan dans


la Kahétie (1).
5. Parmi les géographes arabes Ibn Hurdādbih , p . 123 ,
cite Kasāl dans une liste désordonnée des localités de l'Armé
nie (cf.Marquart, Streifzüge, p .175) et Ibn al-Fakih , p.292,
transcrit la liste de Balāduri,p . 202(2).
Très importante est l'indication de Balādurī, p . 207, qui
évalue la distance Barda'a-Kasāl- Tiflis à 40 + 20 = 60 far
saḥs. D 'autre part d'après Ibn-Hurdādbih , p . 122 , la distance
Barda'a-Tiflis était de 10 journées (also), tandis que Iştahrī,
p. 193, donne 62 farsahs et Ibn Haukal, p. 251, 52 farsahs.
Ibn Hauķal d'habitude corrige et complète Iştahri,mais même
si on retient les données de ce dernier, Kasālne devait pas se
trouver à un écart considérable de la grand'route.
En réalité, entre Barda'a et Tiflis il y a environ 245 verstes (3).
Appliquant à cette distance la proportion de Balāduri on ob
tient le tronçon Tiflis-Kasāl 78 versles , ce qui assez précisé
ment correspond à l'éloignement de Kazah, chef-lieu de canton
de nos jours situé sur la rivière Aķstaſa (4). Le choix de cet
endroit par les Arabes est parfaitement motivé par le fait que

(1) N. Y .Marr , Sur l'histoire des migrations des peuples japhétiques du sud
au nord du Caucase ( en russe ) , Izvestiya Akad. Nauk , X /12, 1916 , p. 1379
1408 , rapproche les Ts'anars de la peuplade T'uš apparentée aux Cečens
(peuple du bassin du Terek ).
(9) J'estimequedeLUI de Mas'udī, Tanbih , 184 , n 'a aucun rapport à
Jhs. Comme l'a montré MARQUART, Streifzüge, p. 479 , ce nom 'mentionné à
côté de ses (Kašak Cerkes ” , cf. russe Kacor) en doit être une simple
répétition .
(3) Je garde les verstes (chacune = 1066 m . 78 ) pour faciliter les recher
ches sur les cartes russes. Pour celte partie de la Transcaucasie i farsakh ,
d 'après Iştahrī , égalerait 3,8 verstes, et d 'après Ibn Hauķal 4 ,52 verstes.
(6) L'identification de Kisal à K 'ran (sur la rivière du même nom à l'ouest
de Mtsheta ) que Marquart fait en passant, Handes Amsorya , 1927, col. 944
et 856 , est certainement basée sur un malentendu .
JUILLET- SEPTEMBRE 1930.
Kazah est situé au point où la vallée d 'Aķstafa débouche dans
la plaine du Kour. On verra plus loin l'importance que la val
lée d 'Akstafa a joué pour les communications avec les régions
méridionales (le bassin de l’Araxe ). Les chefs arabes qui forti
fièrent Kasāl voulaient contrôler la route Tiflis-Barda'a tout en
restant sur la ligne de communications avec Dvin et Našāva
(Nahičevan ), cf. plus haut Yaʻkūbi, II, 563.

S 2 . Or, tandis que le nom Kasāl disparaît de la littérature


musulmane vers l'an goo de l'ère chrétienne et n 'est plus cité
nidans la grandecompilation de Yāķūt, ni dans le Nuzhat al
kulüb de Hamdullāh Mustaufi, — le nom géographique Kazāh
est atteşté seulement six siècles plus tard.
Selon la suite de la Chronique géorgienne , Sāh Țabmāsp se
retirant de Géorgie en 1556 (1) installa des khans à Kazah et
à Šamšadilo (2)et les fit relever du sultān , secapitaine, gouver
neur», de Ganja. Evliya Čelebi, II, 290, mentionne le khan
de Kazāḥ ( üljö ) parmiceux que Mustafa -pāšā battit en 1578
lors de la campagne otlomane en Transcaucasie .
De prime abord , l'interprétation de Kazah par le motturk
Kazak paraissait toute naturelle , tant au point de vue phone
tique qu'ethnologique. En dialecte turk de Transcaucasie
(āzärī ) les k finaux passent à ḥ ( almah , koruh , etc .). D 'autre
part il était certain qu 'une population turke( turkomane)s'était

(1) 964 A. H . ? La date n 'est pas sûre, voir mon article Tiflis dans l'Ency
clopédie de l’Islām . Selon le 'Ālam -ārā d ’Iskandar-munši , I , 44 , la dernière
expédition de Tahmäsp eut lieu en 961/1553. Vahust lui assigne la date
1558. La source principale du règne de Tahmāsp , Aḥsan al-tavärih (Bibl.
nat., supp. persan , 228), entre les années 961 et 970 , n'a rien sur ķazah ,
mais parle de nombreuses expéditions contre la Géorgie de Sāh -verdi-sultān
Ziyād -oğlu de Ganja . On trouve les mentions de Kazah dans Brosset, op .laud.,
II/1 , p . 118 et 348 , et 1I/2 , p. 118 et 253.
: (9) Šamšadilo > Sämsäddīnlü est la localité au sud du Kour entre les ri
vières Aķstafa et Dzegam .
TRANSCAUCASICA.
introduite et installée dans la région de Kazah (1) considérable
ment avant le xviº siècle .
Toutefois la valeur du terme Kazak/Kazah dans le cas pré
sent ne s'explique pas sans difficulté.
Güldenstädt et Klaproth avaient mentionné le district de
Kazah. D'autre part, Klaproth , Reise, II, 175 , dit que sous le
roi Giorgi JI (1072-1089 ) de nombreuses ehordes tatares ,
étant arrivées de Perse en Géorgie , s'établirent sur les affluents
gauches du Rour (Alazan et lor ). Saint-Martin combina ces
deux séries de faits avec les données de l'historien arménien
Étienne Orbelian (xiiiº siècle ) pour en tirer la conclusion que
les e Khazak » (Hazak ) au commencement du xiº siècle passèrent
l'Oxus avec les Guzz et entrèrent en Perse sous les ordres des
princes seljukides. « Comme des Kirghiz portent aussi ce nom ,
ces Khazaks ne sont peut-être qu'une division de ce peuple
puissant répandu dès longtemps depuis les bords de la mer
Caspienne (sic !) jusqu'aux frontières de la Chine. C'est la
(1) Les frontières du canton ķazaḥ ont plusieurs fois subi des changements.
Son territoire de fond parait comprendre la rive gauche de l'Aķstafa ainsi
que le bassin de Inja ( = ancien Kobop 'or de la géographie arménienne; le
village Ķulp < Kolb y existe toujours). Cf. KLAPROTU , Reise in d . Kaukasus
in 1807- 1808 , Halle , 1814 , II , 51; Brosset, op . laud., II/2 , p. 118 , et la
carte historique des divisions administratives au Caucase publiée à Tiflis en
1915 . Toutefois le ķazah devait empiéter vers l'est sur le canton voisin de
Šamšadilo , cf. Güldenstadt, Reisen durch Russland , Saint-Pétersbourg , 1787,
1, 361- 362 (données très détaillées et exactes) et EichwALD, Alte Geogr . des
Kasp. Meeres, Berlin , 1838 (où ķazah occupe l'espace entre le « Pont Rougen
et l'Aķstafa , ainsi qu'une bande plus étroite le long de la rive droite de l'Aķ
stafa ) ; d'après la délimitation nationale terminée vers 1925 , seulement le
' cours inférieur de l’Aķstafa fait partie du nouveau canton ķazah appartenant
à la république de l'Azarbaijān , tandis que tout le cours supérieur de cette
rivière est incorporé dans la république soviétique de l'Arménie . Le chef-lieu
portant le nom de Ķazah se trouve sur la rive droite du cours inférieur de
l'Aķstafa. On doit toutefois envisager la possibilité du déplacement du centre
à l'époque où l'apparition des Turks avait modifié la composition ethnique
du canton. En localisant Kasāl à ķazah on ne peut pas , sans des recherches
archéologiques préalables, étre sûr de l'emplacement exact de la ville arabe.
78 JUILLET-SEPTEMBRE 1930.
première fois [c'est-à-dire dans Orbelian ) qu'il est question
des Khazak dans l'Occident. Ils [ sic ! ) vinrent peu après s'éta
blir en Géorgie avec d'autres tribus latares sous le règne de
Georges II . . . Leurs descendants y habitent encore. . . Ils ont
donné leur nom à un district . . . entre Ktsia et Indja . . . Ils y
habitentmêlés avec des Arméniens(1). ,
Cette mise au point soulève des doutes considérables :
a. Saint-Martin force quelque peu le texte de Klaproth .
Du reste Klaproth lui-même ne pouvait se baser que sur la
Chronique géorgienne, dont voici la citation exacte d'après
Brosset, II/1, p. 348.Voyant la Géorgie dévastée par les Turks,
Giorgi II se rendit à Isfāhān auprès du seljukide Malik -šāh qui
caffranchit son royaume de toute incursion et le renvoya avec
une grande escorte de troupes n . Rentré chez lui, Giorgi e fit
présent aux Turks qui étaient avec lui de Sujet', de toute la
contrée de Kuhet', au bord de l'Ior » . . .
Sous le règne de David II (1084 -1125 ), successeur de
Giorgi II, la Chronique , ibid ., p. 352, parle encore des hiver
nages des Turks e à Av-č'ala , à Dijom , au delà du Kour et sur
les rives de l'Ior , où ils s'établissaient» . Tous ces endroits se
trouvent au nord du Kour et le texte ne contient aucune pré
cision sur la localité autour de Kazah.
b . On saitmaintenant que la confusion des Ķazak (2) (grou
pement d'Özbeks formé au xvi° siècle ) avec le peuple Kirgiz
pe

(nom mentionné déjà au n°siècle avant notre ère ) est d'une


date assez récente (3). Les Mongols occidentaux (Oyrat) en sont
responsables et on indique les années 1721 et 1734 comme
l'époque à laquelle le même emploi équivoque des deux termes
(1) Mémoires sur l'Arménie , II , 210.
(1) BARTHOLD , sub verbo , dans l'Enc. de l’Islām .
(3) BARTHOLD, Les Kirghizes , aperçu historique (en russe ) , Frunze [= Ver
nii ), 1927, p . 44 et 46.
TRANSCAUCASICA . 79
s'est glissé en russe . Jusqu 'à 1917 les véritables Kirgiz (en
mongol Burut) de la région du Tian-chan étaient désignés en
russe comme Kara-kirğiz , tandis que les Kazaķ portaient l'ap
pellation de Kirgiz-ķazaķ. Seulement, après la révolution , les
deux peuples turks ont rétabli leurs noms originaires Kirgiz et
Kazaķ sans aucune adjonction.
c. Le texte même d'Étienne Orbelian n 'inspire pas une con
fiance absolue. Selon lui, lorsque les troupes seljukides arri
vèrent devant Erzeroum vers 1049( elles comprenaient «une
immense quantité de Persans, de Khazak (fuwolwg), de Kha
rizmiens, d 'Arabes et de Scythes du Turkestan n .Or, si même
on considérait la forme* Hazak (Hazik ?) comme une corres
pondance possible du nom Kazak , ce qui paraît phonétique
ment difficile , il serait très étrange de trouver les Kazak ,
autrementinconnus dans l'Occident, figurant à côté des grands
peuples bien connus. Il est évident que l'énumération d'Orbe
lian est générale et approximative(2), A côté des Scythes » ,
purement traditionnels , on s'attendrait plutôt à trouver un
autre nom comme Hazar, d'autant plus que dans la littérature
musulmane « Hazar » parait encore jusqu'au xii° siècle(3).
Toutefois un fait nouveau qui ne figurait pas dans le rai
sonnement de Saint-Martin mérite d 'être étudié attentivement.

(1) Il s'agit de la bataille de 1048 dans le Bāsiān au nord d'Erzeroum , dans


laquelle les troupes byzantines furentbattues et le connétable géorgien Liparit
fait prisonnier, Brosset, 1/1 , p . 323. Cf. Ibn-al-Atir, IX , 372, sous l'année
440 .
(2) Voir l'appréciation de cet historien dans Brosset , 1/1, p. 337 : - Livre
d 'extraits mal soudés , plein de lacunes considérables et d'énormes ana
chronismes.
(3) Māķānī dans une ode parle de l'invasion au Širwān des Hazars et des
Russes (Rūs) du temps du Širwānšāh Absatān ( vers 1173-1175 ). A cette
époque le terme Hazar devait couvrir quelque autre peuple qui avait succédé
au Caucase du Nord aux véritables Hazars. Cf. Bulletin of the Schoolof Oriental
Studies, 1930 , vol. V, partie iv, p. 905.
80 JUILLE -SEPTE 1 .
T MBRE 930
· L 'histoire importante d’Asoļik de Taron ( commencement
du xie siècle ) contient un passage corrompu (1) qui a beaucoup
embarrassé les éditeurs. Selon lui, vers 980 , l'amir de Goļt'n
(région de Julfā , Akulis et Ordūbād à l'est de Nahičevan
Abutlup ( = Abu Dulaf)(2)marcha contrele Vaspurakan « avec
905 (?) hommes d'infanterie des Hazik . Le commentateur
arménien M . Norayr ( cité dans la traduction de M . Macler )
rappelle que le même nom étrange se rencontre une fois dans
la Lamentation sur la destruction d'Édesse de Nerses Snorhali
(1144 ) et deux fois dansl'histoire d 'Étienne Orbelian. On vient
d 'examiner la valeur du ténuoignage de ce dernier . Quant à la
Lamentation (atlendu que M . Norayr a en vue le vers 633),
Dulaurier en donne la traduction suivante : « [l'atābek Zangi de
Mossoul] m 'entoura de ses troupes d’Arabes maghrébins, que ,
certes , il serait impossible d'énumérer par leurs noms, d'Ely
méens et de Khétéens (Elimatsik 'ev K’etatsik )» (3).Dans une pièce,
destinée à frapper l'imagination des fidèles, il s'agissait de
choisir des nomsbizarres donnant l'impression de l'avalanche
qui s'était abattue sur Edesse.Simême les e Elyméens » dési
gnaient quelques auxiliaires de Zangi venus du Huzistān,
l'autre nom biblique (Khétéens = Hittites), progéniture de
Heth , cf.Genèse , X , 15 )(4) devait également être un déguise
ment d 'une peuplade réelle . Il est entièrement exclu que cette
énumération particulièrement vague puisse contenir des don
nées rares sur un peuple inconnu par ailleurs!
On est ainsi réduit au seul passage de Asoļik qui, malgré
son caractère mutilé , garde son importance . Or, M . Norayr a
(1) Asolik , livre III , chap. xi , trad . Macler, p . 54. Ce nom apparait dans
le texte au cas instrumental comme fuwyllop ou fuwq4wrop.
(2) Sur ce prince de la petite dynastie Saibānī, voir Aḥmad Kaskavi, Pad
šāhān -i gum -nām , II , Téhéran , 1308/1929, p . 52 , où toutefois le texte
d 'Asoļik est arbitrairement émendé de Plazkok'n en Tačkok 'n .
(9) Recueil des historiens des Croisades , Docum . arm . , I, 1869 , p . 246.
(4) Voir le commentaire de Dulaurier.
TRANSCAUCASICA . 81

essayé d'inclure ces Hazik dans l'arbre généalogique des gens


de Kazah.Mais , en 980 , on était environ un demi-siècle avant
l'apparition, en Asie antérieure , des Guzz , précurseurs des
Seljukides. Cette extension de la théorie de Saint-Martin
tombe d'elle-même. MM . Gelzer et Burckhard (1) paraissent
avoir raison lorsque, tacita manu, ils corrigent le fuwalok
< * Hazik en *Hazir, nom arménien habituel des Hazar, qui
revient quatre fois dans la partie précédente du texte d 'Asoļik (2).
Il est curieux de trouver en 980 une mention des Hazar
en Transcaucasie, mais comme le roi David II de Géorgie
(1089-1125 ) s'appuyait sur les Kipčaķ qu 'il avait fait entrer
par la passe de Darial(3), il n 'y a rien d 'impossible à ce que,
un siècle plus tôt, Abu Dulaf pût trouver en Transcaucasie
des mercenaires Hazar. Pour ne parler que des faits post
islamiques : Balāduri , 194 , dans l'énumération des villes de
la Transcaucasie dit : « la ville de Kabala — ce sont les Hazar ,
( , älö äido ,). En 853, le général du calife
al-Mutawakkil Buġa fit entrer par Derbend 300 familles de
Hazar qu'il établit à Šamkor (a).Sous 421/1030, Ibn al-Atir,
IX , 289 , mentionne une expédition du Saddādide Fadlūn
contre les Hazar; ces derniers répondirent par une contre
invasion , laquelle , suivant la teneur de ce passage, parvint
jusqu'à Ganja.
Sur les e Hazik » , Asolik donne un détail curieux et assez
inattendu en disant que c'étaient des fantassins (?)(5). Ce trait

(1) Des Stephanos von Taron Armenische Geschichte , Bibl. Teubneriana ,


1907, p. 132 : « Um diese Zeit marschierte Aputluph . . . mit 905 Mann (?)
Chazirischen Fussvolks nach dem Reiche von Waspurakan. ,
(2) Ibid ., p. 71,2; 7152 ; 1058; 106,3.
(3) Brosset, op. laud ., 1/1 , p . 362.
( ) Brosset, op. laud., I/ 1 , p . 267.
(5) Le complexe jehetevakažolovhazkok 'n paraît toujours douteux. Dans jehet
on a en vain cherché l'arabe zähid. Jāhid «qui s'appliquer , aurait plus de
chance à assurer la correspondance phonétique, mais seulement mujāhid
CCXVII . 6
IMPAN NATTAL .
RE
L L ET T EMB
82 JU I -SE P 1930 .
fait penser aux montagnards plutôt qu 'aux habitants des
plaines. Les possessions d'Abū Dulaf touchaient au Nord-Ouest
au pays montagneux entourant le lac de Gökčā (anc. arm .
celac de Geļam » ou Geļark'uni, cf. arabe wechs Istahri ,
p . 193). Ses auxiliaires pouvaient donc facilement venir auprès
de lui s'ils étaient établis, par exemple, dans la haute vallée
ey

de la rivière de Samkor.
Ainsi donc les arguments cités en faveur de la pénétration
du nom Kazak en Transcaucasie vers le xiº siècle doivent être
écartés. En effet, les grands historiens de l'époque seljukide
et mongole ne contiennent pas de mention des Kazaks(").
La seule exception est le nom personnel Gazagli, qu'à l'époque
seljukide plusieurs amirs ontporté dans l'Ouest(2).
Les mentions connues des Kazaks(3) commencent vers la
moitié du xivº siècle et il paraît que ce nom est employécomme
terme générique, en turc re brigand , révolté , aventurier » ,
Radloff, II, 364. Mais, même dans cette acception , le terme
ne se propage qu'à partir du 1x°/xv° siècle. Seulement, vers la
donnerait le sens suffisant de resoldat menant la guerre sainten . Le nombre
de 905 auxiliaires d 'Abū Dulaf est suspect à côté d'autres expéditions de la
même époque, auxquelles auraient pris part 100.000 hommes (Ⓡ), Asolk,
III , chap . XVIII.
(1) Bundari, Rawandi (Rāhat al-sudūr), Ibn al-Atir, Nasawi ( Sirat Jalal ab
din ), Juwaini, Rašid al-dīn.
(9) Un chefGuzz Manşūr b. Gazağlī passa l'hiver de 430 près de Jatira
(ibn al-'Omar), Ibn al-Atīr, IX , 269, 270, 272-275. Sous 496 est nommé
al-amīr Gazagli, chef de l'armée du sultān Muḥammad (à qui appartenait
Ganja et l'Arrān !), ibid., X , 248. En 513, lors de la guerre entre Sulţăn
Sanjar et Sultān Maḥmūd , l'atābek de ce dernier s'appelait Gazaġli. Sous la
même année l'amir Gazagli, chef des Turks Ismā'īliya , est mentionné dans la
région deBaşra , ibid ., X , 387 et 393. Sous 579 on trouve un général
Gazagli au service du calife , ibid . , XI, 292. Les Arabes rendent souvent le ķ
turk par ģ , cf. Țabarī, III , 1116 , Gāmiš = Ķamiš ( roseaun.
(3) Voir les citations recueillies par Quatremère dans l'édition de Rašīd al
din , p . 406. Elles se rapportent à l'Asie centrale. Les plus anciennes sont
celles de la soi-disant autobiographie de Timur (sous l'année 757/1356 ) et
du Matla ' al-sa'dain de 'Abd al-Razzāķ Samarķandī.
TRANSCAUCASICA. 83
moitié du xv° siècle, une partie des Özbeks forma le groupe
ment politique spécial qui fut désigné par le nom Kazaķ. Tel
est le point de vue établi actuellement(1), mais il est curieux
que sous 796/1393 , l'historien officiel de Tīmūr(2) faitmention
d 'une région des Cotur-kazak au Daġistān , c'est-à -dire à proxi
mité de la Transcaucasie. Gotur veutdire en turk reayant le nez
petit ou large » , Radloff, III, 2025 . Par conséquent, le terme
doit probablement avoir un caractère ethnique et se rapporter
à une peuplade non-caucasienne.
Toujours est-il que nous ne disposons pas de données his
toriques précises sur la pénétration en Transcaucasie des kazak,
quelle que soit l'acception de ce terme. Il paraît plausible
que les noms à base de kazak qu'on trouve dans la toponymie
locale (3) aient des origines multiples. Certains d 'entre eux
peuvent être dérivés du nom personnel Gazağlī, d 'autres de
celui de la bourgade Kazah , sans qu'on oublie les mystérieux
Cotur-kazaķs.Mais tant qu'on n 'a pas une explication certaine
de toute la série de ces noms, on a le droit de tenter une expli
cation du nom Kazah en partant de données purement locales .
Celle forme ne couvrirait-elle pas un nom plus ancien ?
$ 3. L'affluent gauche de l'Araxe qui s'appelle actuellement
Abaran , portait autrefois en arménien le nom de K ‘asa !.
D 'après Moïse de Khorène, III, chap . xvi, le roi Tigran (le
Moyen ) établit les captifs juifs à Armavir et dans la bourgade .
de Vardgēs ce qui est sur la rivière Kasal» . Ensuite , ibid ., III,
chap. liv, le roi Vaļaršak entoura la bourgade de Vardgēs
(1) Voir Barthold, ķazak ,dans l'Enc. de l’Islām .
(2) Zafar -nāma , I, 772 : ülesjy wysy .
(3) Au nord de la bourgade Ķazah, dans la direction du Kour, il existe
deux ķazah-begli et un ķazagli; à 12 verstes au nord-est de Ganja : Ķirmizi
ķazahlar et ķazablar -yägärči; deux autres Ķazahlar se trouvent l'un près de
Kedabek (anc. arm . Getabakk') .au sud de Ganja , et l'autre au nord de
Terter.
JUILLET-SEPTEMBRE 1930.
d 'un mur et l'appela Vaļaršapat. A ce propos Moise cite un
fragment du chantépique consacré à l'ancien héros :
Le jeune Vardgēs se sépara et alla
Du canton des Tuh [?] vers la rivière K 'asal.
Il vint (et) s'établit sur la colline Sreš,
Près de la ville Artimed , près de la rivière K 'asal ( ).
D 'après la Géographie de Vardan K ‘arsah ( sic !) est l'eau
de Karbi» . Le site de Vaļaršapat , dont on voit les ruines aux
environs d'Ečmiadzin , sur la rive gauche d'Abaran (2), ne laisse
pas de doute sur l'identité de K ‘asa ! = Abaran (3). Il est certes
impossible de rapprocher ce K‘asaļ arménien du Kasāl arabe(4),
Toutefois, les sources d ’Abaran qui coule vers le Sud touchent
de très près(5)aux sources de la rivière Akstafa qui se dirige
so

vers le Nord et passe devant Kazah.


Il serait tout à fait facile de s'imaginer que du bassin méri
dional le nom eût pénétré dans le bassin septentrional, d 'au
tant plus que ce phénomène est en accord avec la tendance
générale des noms caucasiens à remonter du Sud au Nord . Ce
mouvement de toponymie doit refléter les mouvements eth
niques. Or, une des nombreuses vagues d 'invasion déferlant
de la vallée de l'Araxe sur la Transcaucasie a facilement pu
charrier vers l'emplacementde Kazah un groupe d'anciens rive
ains de K ‘asa !(6).
(1) Je suis la traduction russe de N. Emine, Moscou , 1893, p. 69, 119.
Cf. la traduction de L . H. Gray dans Les mètres païens de l'Arménie , Rev . des
Et. arm ., VI/2 , 1926 , p . 161, 163.
(2) N. G . Adontz, L’Arménie à l'époque de Justinien (en russe ), Saint
Pétersbourg , 1908 , p. 303.
(3) Abaran se jette dans l'Araxe en amont de Hrazdan = Zengi (rivière
d'Érivan ).
(4) Iştahrī, p . 193 , Ibn Hauķal, p. 252 , et Muķaddasi, p. 381, décrivent
une route directe de Barda'a à Dvin (82 farsakhs) , mais ce détour, même
partiellement, ne pouvait desservir les communications directes entre Barda'a
et Tiflis , voir plus haut les distances de Balādurī.
(5) Seule la montagne Halhal les sépare sur une distance de 8 verstes.
(6) Cf. l'étude déjà citée de N . Y. Marr, Izv . Akad. Nauk. , 1916, p. 1379
TRANSCAUCASICA.
Les communications entre la vallée d' Araxe et celle du Kour
se faisaient précisément par la vallée d'Akstaſa. Dans son ingé
nieuse interprétation de l'itinéraire romain partant d ’Artaxata
( Artašat) Marquart (1) a tracé cette route le long des vallées de
Zangi et d’Akstafa. Hālid b. Yazīd qui (voir plus haut) arriva
à Kasāl de Nahčevān a dû la suivre également. Evliya Celebi,
II , 286 , paraît avoir choisi la même route au xvnº siècle . Jus
qu'à la construction (vers 1900 ) du chemin de fer Tiflis-Erivan
qui emprunte la vallée plus occidentale de Debeda (Borčala ),
tout le trafic partait également d 'Akstafa pour déboucher sur
Erivan . Or, la vallée d'Abaran (Kʻasa !) est voisine et parallèle
à celle de Zangi, et les mouvements se produisant dans cette
dernière pouvaient facilement se répercuter sur la population
de l'ancien K ‘asa!.
Le déplacement du nom doit être assez ancien pour que la
finale de K ‘asaļ fût entendue par les Arabes comme l. Du reste ,
Jus correspond rigoureusement à K ‘asa !. Non loin de Kazah ,
de nos jours , on trouve deux points babités, nommés sur la
carte russe Keisala et Kesala (2). Ces deux villages peuvent être
de petites colonies détachées de l'ancien Kasāl. C 'est un fait
fréquent en Transcaucasie que de trouver autour de l'emplace
ment d 'un centre disparu un faisceau de noms similaires con
servés par les débris de l'agglomération ancienne(3).
1400. On pourrait citer le nom de Gardman (ancien château fort au sud du
Kour) que porte maintenant la rivière coulant à l'ouest de Šamāḥi (au nord
du Kour). La même observation s'applique au nom Halhal.
(1) Skizzen z. histor. Topographie von Transkaukasien , Handes Amsorya ,
1927 , nº 11, p . 825 -866 . En tout cas la route romaine passait tout près du
bassin d 'Abaran .
(2) Keisala , à 19 verstes au nord de Ķazah ; Kesala , à 18 verstes au sud
est de Ķazah , sur la rivière Tā’ús (arm . Tauš). Kesala a déjà été turquisé
en Kizil-bulak.
(3) Cf. les traces de l'ancienne ville de Halhal (sur le Dzegam ) : une série
d'établissements Heiliņāna autour de la ville disparue, un Hilhina au nord
est de Ganja , un autre Hilhina au nord de Ķazah.
86 JUILLET-SEPTEMB 1930 .
RE
Si l'identité des noms K ‘asaļ et Kasāl, ainsi que la survivance
de cette dernière forme dans Keisala et Kasala , sont très pro
bables , que représente le nom Kazah ? Est-ce un fait nouveau
provenant de l'invasion turke, est-ce une déformation ulté
rieure de l'ancien Kfasa ? ? Selon Hübschmann , l'évolution
! > ģ ( > h devant sourdes et à la fin des mots ) est assez
ancienne(1). Elle est en tous cas postérieure aux premiers
siècles de l'Islam car les auteurs arabes rendent Karin -k'aļak '
par Kāli-kalā (2), Aļbak par Albak (üWI), Balāduri , p . 212 ,
Țabarī, III, p .1414 ; Saļamās par Salamās > Salmās, Istahri,
p .182; et Capal-jur par Jabal-jūr (w Balz), Ibn al-Ațir, X ,
270 , etc.(3). Ces exemples sont surtout convaincants comme
emprunts directs d’arménien en arabe(4). Toutefois, si on suit
l'hypothèse ingénieuse de Marquart, Streifzüge, p . 175 , 186 ,
qui restitue ibil de Mas udi en *manbaġi et rattache cette
formearménienne au géorgien mampali c roin , il faut en con
clure que le passage de ļ à ġ s'était accompli avant 943.
Dans la Géographie de Vardan ( xi1iº-xivº siècles ) la rivière
Kʻasaļ figure sous le nom mutilé Kʻarsah , où h provient de
l'assourdissement de ġ < !.Une autre forme vulgaire K‘atsah
(pwgwfu ), dontSaint-Martin , II,423,ne donne pas la source ,
est surtout proche de la formemusulmane Kazah .
En effet il est à supposer que, si les noms de K ‘asaļ et de
Kasāl sont de la mêmeorigine, leur évolution , dans un milieu
(1) De altarm . Ortsnamen , p . 393 : « das armenische dunkle ! schon recht
früh zu y , vor Tenues x geworden ist».
(2) Häls , Balāduri , 194 ; Ibn Hurdādbih , 132 ; Yāķūt, IV , 19.
(3) On trouve Jabal Jūr encore dans la Vie du Hwārizmšāh Jalal aldin , de
Nasawi (xın° siècle), éd . Houdas , p. 240-241, mais l'Histoire des Kurdes, de
Šaraf al-dīn (terminée en 1516 ), éd. Véliaminov-Zernov, I, p . 256-259 ,
emploie la forme vulgaires , Cabaķjūr < Cabagjūr.
(9) Par contre nous laissons de côté les formes transmises par Balāduri :
Taryālīt , Ķalarjīt , car leur désinence montre que l'emprunt a été fait au
géorgien (pluriel en -et'i) et non aux formes arméniennes Trēļk' et Klarjk'.
Cf. Juwaini, II, p. 170 . wwle , lire Jānit < čanet'i , « les Čan ou Lazes» .
TRANSCAUCASICA. 87

arménien , devait être parallèle et on sait que ,même après tant


d 'invasions, la population du bassin d'Akstafa garde son carac
tère mêlé arméno-turk.
Il faudrait donc croire que Keisala et Kesala reflètent l'an
cienne forme Kasāl ( K ‘asal) tandis que Kazah, — et probable
ment ses dérivés les villages Kazahbegli et Kazahli ce dernier
peut-être < Ġazagli, voir plus haut ), situés immédiatement à
son nord, — doivent leurs noms à la forme tardive * Kʻatsah.
Cette coexistence à la fois de la forme ancienne et de la
forme récente n 'a rien d 'anormal et peut s'expliquer par le
milieu allogène dans lequel pouvait survivre la vieille forme.
C'est ainsi qu'à côté d’Akstafa (avec ķ < g , cf. arm . Aļistev,
géorg . Ağstevi)(1) existe le village Kulp (avec l) qui est situé
dans le bassin de la rivière voisine Inja et correspond au can
ton Koļbop 'or de la géograpbie arménienne.

$ 4 . La question K ‘asal/Kazah est toutefois compliquée par


un détail dont la discussion a dû être réservée jusqu'ici. Nous
ignorons encore si le nom de la rivière K ‘asa ! est d'origine
ethnique, mais à proximité de Ķazah il existait autrefois un
élément ethnique ou politique ,dont le nom est transmis dans
la chronique géorgienne comme Hasgian , etc.
En 1165 , le roiGiorgi III passa à l'offensive sur toutes ses
frontières. Des forces importantes furent lancées sur Ganja :
« le généralisisme et les Arméniens(2) durent aller au delà de
Mtkuar [Kour ) jusqu'à Gandza ; le roi lui-même se porter à
Hasgian ; ceux du Liht-Imier et les K 'artls sur les deux rives de
ce fleuve , dans la direction de Gandza jusqu'à Holta, et ceux
du Heret' et du Kahet depuis l'embouchure de l'Alazan jus
(1) La forme Aķstafa a une assonance familière pour une oreille turke
musulmane : cf. ak « blanc , et le nom Mustafā !
(9) Il s'agit ici probablement des Somþétiens, habitants de la province
Somhétie (Arménie ) située sur l'affluent droit du Kour Debeda et relevant de
la Géorgie.
88 JUILLET-SEPTEMBRE 1930.
qu'au Širvan » (1). La seule indication concernant l'itinéraire du
roi est que, chargé de riche butin , il repasse les montagnes
pour rentrer à Gegut'. Ce dernier endroit est en Iméréthie
(près de la station de chemin de fer Rion ). L'hypothèse que
l'expédition de Giorgi III aurait été dirigée vers le sud de
Gegut' se heurterait au fait étrange que justement les troupes
de la Géorgieoccidentale (Liht-Imier ) eussent été envoyées vers
l'est contre Ganja . Il faut donc comprendre « les montagnes»
dans le sens habituel en géorgien , c'est-à -dire comme la chaîne
de Lih qui sépare la Géorgie occidentale (bassin du Rion ) de
la Géorgie orientale ( bassin du Kour ). Dans ce cas-là le roi
opérait conjointement avec le gros de son armée. Comme la
vallée du Kour était occupée par les autres colonnes énumé
rées , la seule direction indépendante pouvait être celle du sud
est , c'est-à -dire du pays montagneux d 'où sortent les affluents
droits du Kour. On verra plus loin le but d 'une telle diversion .
La même Chronique sous le règne de Tamar (1184-12 12 ?)
contient un récit très curieux sur la mort de l'atābek de l’Arrān
Amir Miran (2), A ce propos le mari de la reine T'amar e parta
geait les regrets des seigneurs hasagian et des sujets de ce
prince , (3). Cette fois-ci les événements se passent décidément

(1) Brosset, op . laud., 1/1, p. 366 . Cf. Ibn al-Atīr, XI, 213 , sous l'année
561.
(2) Les sources musulmanes inédites corroborent le passage de la Chronique
jusqu'ici obscur. Amír Mīrān 'Omar était le quatrième fils de Pahlawān , né de
l'aventureuse Inanj-hātün , épouse en secondes noces de Ķizil-Arslan , frère de
Pahlawān , et en troisièmes noces du Sultan Tugril II ; cf. HOUTSMA , Some
remarks on the history of the Saljuks, Acta Orientalia , III, p. 143.
(3) Brosset, 1/1, p. 447, note , ne fait que résụmer en quelques lignes le
passage intercalé dans un seul manuscrit où il occupe quatre pages. Ce pas
sage conclut l'histoire des luttes entre l'atābek de l'Azarbaijān Abū-bakr b .
Pahlavān b. Ildegiz (Eldiguz) et son frère cadet Amīr Mīrān (Amir Mirman ).
Ce dernier grâce au secours de la reine T'amar, avait réoccupé Ganja (9) et
Šankor ( arabe Šamkūr) mais Abū-bakr lui aurait fait donner le poison , Amir
Mirān , encore vivant, se réfugia sur la montagne Kpi(?), près de Ganja.
TRANSCAUCASICA. 89

dans la région montagneuse au sud du Kour, mais il est abso


lument impossible de rattacher ce nouveau terme ni à Hazik
d'Asoļik , ni à Kazah .
En géorgieu le mot apparaît la première fois comme hasgian
avec les variantes haragian et hasičan. Les variantes ne ré
pondent à rien de connu mais d'après haragian on peutrestituer
hasgian en hasagian , conforme à la formementionnée sous le
règnede l'amar. Cemot, comme l'avait déjà soupçonné Bros
set, correspond exactement à l'arabo-persan hāşagi avec la ter
minaison persane de pluriel -ăn ulos . Ce terme qui dési
gnait les courtisans intimes (« particuliers » ) d 'un prince est
bien attesté à l'époque dont il s'agit(1),
La configuration du pays au sud du Kour était propice à la
formation de petits fiefs. La montagne y est coupée par denom
breusesvallées étroites arrosées par le systèmedes affluents droits
du Kour(2). Cette partie de l'ancienne Albanie (Arrān ) relevait
aux ivº et v® siècles de l'Hégire de la dynastie kurde šaddādide dont
le siège était à Ganja Le seljukide Malik -Sāh (465 -485 /1072
1092 )mit fin à cette dynastie (3). Sous les Seljuks, les , Atā
beks, tantôt seuls, tantôt comme vassaux des princes selju
kides, gouvernaient ce pays. Depuis le règne d'Arslan b .
Tuğril (566 -573/ 1 16 1-1177) les puissants atābeks ildigizides ,
maîtres de l’Azarbaijān , s'établirent à Ganja . Le dernier d 'entre

Abū-bakr reprit Ganja et s'avança jusqu'à Sankor. Le manuscrit glisse sur la


suite des événements défavorables aux Géorgiens. C 'est ici qu'intervient le
passage sur le deuil causé par la mort d 'Amir Mirān. Les événements durent
avoir lieu vers 589/1 193.
(1) Rāḥat al-şudur ( terminé en 901/1904 ), p . 361- 366 , qui se rapportent
au règne de Tugril II (1177-1194 ).
(2) Injā , Aksibara , Aķstafa , Hasan-su , Tā'ūs-čai (uni à Hunzur-kut et
Aḥanja ) , Asrak-čai , Dzegam , Jāgir- čai, Šamhor, ķačķara, Ganja-čai , Küräk
čai , Göran-čai, Inja-čai, Terter, etc.
(3) Fadlūn , le Saddādide dépossédé, après de nombreuses aventures , finit
ses jours à Bağdād en 484. Voir DeFréMERY, Le règne de Barkiarok , Journ . As.,
1853, II, p . 245.
90 JUILLET - SEPTEMBRE 1930.
eux Özbek futdéloge de Ganja par le hwārizmšāh ſalāl al-din
en 622/1225 , mais, dix ans après, toute la Transcaucasie
rentra dans la sphère des conquêtes mongoles (1). Telle était la
succession des maîtres de Ganja qui certainement répartis
saient le pays avoisinant en petits fiefs (iktaat)selon le système
en vigueur. Sous la dénomination de hāsegi contre lesquels
guerroya Giorgi II il fautjustement comprendre les seigneurs
des petites vallées , les hommes- liges des maîtres de Ganja .
Le roi Giorgi en attaquant les hāsagiān voulait certaine
ment paralyser leur secours à Ganja contre laquelle marchait
le gros de l'armée. De même les e seigneurs ḥasagianx qui
regrettaient la mort d'Amir Mīrān étaient ses intimes qui lui
devaient leur nomination .
Toute connexion de hāsagi avec Kazah doit être écartée.
Même phonétiquement une telle évolution du terme bien
connu aux musulmans et assez bien transmis par lesGéorgiens
est totalement improbable .

$ 5 . Pour résumer : l'indication géographique précise de


Balāduri a permis de localiser Kasāl dans la région de Kazah .
Les données historiques ont montré le caractère illusoire de
l’explication ethnique de Saint-Martin : Kazah < turk Kazak.
Par contre l'hypothèse qui explique ce nom par l'arménien
K ‘asaļ est à la fois suffisante au point de vue des conditions
locales et permet de rétablir l'identité de Kasāl et de Kazah à
la lumière des lois phonétiques arméniennes. Les séries Hazik
(*Hazir) et Hasagi n 'ont aucun rapport à la questioniKasaļ/
Kasāl/Kazah.

(1) Cf. l'Enc. de l'Isl., Arrān, Ganja (Barthold ), Shaddădides ( Sir


D . Ross).
TRANSCAUCASICA.

IV . LA FORTERESSE ALINJAK
ET LA VALLÉE DE « HAMŠĀ ”.
S 1. Les campagnes de Tīmūr en Géorgie.
S 2 . La forteresse Alinjak .
$ 3. Son siège par Tīmūr et son débloquement par les Géorgiens.
$ 4 . Retour de Tīmūr et l'expédition contre Hamšā .
S 5 . Détails de l'expédition contre Hamšā .
$ 6. Hamšā = Eliseni, Hamša/Himšia ?
$ 1. Les nombreuses campagnes de Timūr en Géorgie méri
teraientune étude spéciale . Leur source principale est le Zafar
nāma de Saraf ad -Din ‘Ali Yazdi, dont la Chronique géorgienne
elle-même dépend directement dans l'exposé de l'époque timū
ride. Déjà Brosset l'a bien vu : « Si l'on compare le texte de
Chéref-ed-Din avec celui de l'auteur géorgien , on voit que
celui-ci suit l'autre pied à pied , et dans l'ordre des faits , et
dans la manière de les exposer , (1).
Les détails suivants peuventservir d'appui à celle thèse et donner une
idée des malentendus résultant de laméthoile trop serviledu compilateur
de cette partie de la Chronique.
a. La Chronique transforme le nom Joſis en Manglis sans se soucier
du contresens (voir plus bas : Min- göl).
b. La Chronique, Brosset , 1/1, p . 666 , reproduit le récit du Zafar
nāma, II, 242, sur l'expédition contre Jānī-beg , qu'elle se borne à
appeler vaguement « un mtavar de très haut rang n . Plus tard seulement
Vahušt a tenté de rapprocher ce nom de Jandieri.
c. La Chronique, 1/ 1, p. 670 , donne la liste complète des généraux
que Tīmūr avait envoyés contre Alinjak , d'après le Zafar-nāma, II ,
354.

(1) Histoire de la Géorgie, 1/1 , p . 393, n . 7 .


92 JUILLET-SEPTEMBRE 1930.
d. La Chronique , 1/1, p. 673, copie avec tous les détails le récit du
Zafar-nāma, II , 524-532, sur le siège de la forteresse (Kūrtin , Gūr
tēn ?), laquelle d'après Saraf ad-Dīn se trouvait rau milieu du pays,
) ‫( در وسط بلاد‬. La Chronique substitue a ce nom celui de la forteresse
connue de Birt'vis (1)mais laisse tel quel le nom du commandant Nazal (?).
Au grimpeur habile Begījān , qui pénétra le premier dans la forteresse ,
la Chronique attribue une origine égyptienne, par une étrange confusion
de e Merkīt , we go qui se trouve dansle texte (3) avec ceMișrīn Gyur plus
familier ! En caractères arabes ce qui-pro-quo est exclu. Il faudrait plu
tôt supposer que le compilateur opérait sur une traduction géorgienne
faite par quelqu'un d'autre, ou que le texte persan lui était interprété
oralement.
Pour illustrer la traduction de la Chronique Brosset a résumé
dans ses Additions (I/2 , p. 386-397) les passages de Saraf ad
Din. Malheureusementle grand géorgisantne disposait que de
la vieille traduction de Pétis de la Croix (4), entièrement péri
mée en tant qu'il s'agit des régions éloignées et peu explorées
à l'époque où vivait le traducteur. Delà des malentendus inévi
tables dans les éclaircissements de Brosset.

(1) Sur la rivière Alget', en aval de Manglis , voir la Géographie de Vahušt,


trad. Brosset, p. 175 ; trad. Janasvili, p. 69 : La citadelle de Birthwis ,
bâtie sur le roc , environnée de rochers à un edj [= un parasange ) et demi de
distance et inaccessible.» Brosset, 1/2 , p . 397, laisse l'identification Kūrtin
= Birt'vis sur la responsabilité de l'auteur. A l'époque şafavide on trouve dans
l'histoire de Šāh ‘Abbās "Alam -ārā , Téhéran , 1314 , p . 64 , le nom d'une for
teresse mergo *Bartīs = Birt'vis ? Au nom es correspond dans Ibn 'Arab
šāh , II, w to , c'est-à-dire en turk gäl, gör, git , interprété en arabe
e l tail she eviens, regarde, va -t-enn. Il est donc possible que nos
doive être lu . La forteresse de Säkki portait un nom pareil mais elle
n 'est pas eau milieu du paysn . Elle a pu recevoir ce nom en l'honneur de la
forteresse plus ancienne dont parlentles historiens de Timūr. Voir mon article
Šekki dans l'Enc. de l’Islām .
(2) En persan Jl , var. Jl . Serait-ce e natsval» , nom de dignité géorgien ?
(3) La tribu Merkit vivait à l'est de Baiķal, voir Rašid al-dīn , éd . Bérézine,
dans les Trudi Vost. Otd . , V, 70 , et VII, 9o. L 'habileté des Merkit à escalader
les rochers est plusieurs fois mentionnée dans le Zafar-nāma, I, 339 , white,
et I, 766 , avec une erreur, wys.
(6) Histoire de Timur-bec de Chérif-ed -din (sic), Paris, 1722.
TRANSCAUCASICA.
Cependant l'original même de Šaraf ad-Din contient des
points obscurs. Tel par exemple l'épisode de l'expédition
contre la vallée de Hamšā (? Laz ) , Zafar-nāma , II, 222-229 ,
dont par quelque accident la Chronique ne fait aucune men
tion . Cette opération est étroitement liée aux événements qui
avaient eu lieu sous les murs d 'Alinjak.

S 2 . Le nom ancien arménien de cette citadelle est Ernjak (1)


que össill Alinjak rend exactement. Plus usuelle toutefois est la
forme postérieure Alinja qu'emploient déjà Ibn 'Arab-šāh (2) et
Clavijo (3). La rivière Alinja-čai se jette dans l’Araxe à l'est de
Nahičevan . Près de son embouchure était située l'ancienne ville
Julfa ( ). La forteresse Alinja s'élevait sur la hauteur inacces
sible de sa rive droite près du village actuel Han -aġa (stälá
e couvent» ?)(5).
Les géographes arabes , y compris Yakūt, ignorent Alinjak ,
mais Hamdullāh Mustaufi le mentionne parmi les dépendances
de Nabičevan (6)
Dans l'histoire locale la forteresse a joué un rôle considérable. En
915 le Sājide Yūsuf b . Dēvdād métait allé attaquer la place forte d 'Ern
jak , où les femmes des nobles ( arméniens) avaient cherché un refuge
avec leurs trésors; il la prit et rentra à Dvin , (?).

(1) HÜBSCHMANN , Die altar . Ortsnamen , p. 347, 426.


)2( ‫ البا‬lui fournit un jeu de graphies avec ‫ النجاء‬al-naja rla fuiter .
(3) Ed. Sreznevsky, p . 162 : Alinga (lire : Alinza ).
(4) Arm . Juļa > Juga ; Zafar-nāma , 1, 399, Loya , Jūlāha.
(6) Sur la carte russe la montagne de la forteresse est marquée à vingt-six
versles en amont de l'embouchure d'Alinja-čai. I. Chopin , Istor. pamiatnik
armian. oblasti, Saint-Pétersbourg, 1852, p . 324 , dit que dans l'enceinte de
la forteresse on voit le couvent de Saint-Grégoire , lequel, d 'après Ališan ,
Sisakan , Venise , 1893 , p. 348-351, servit de siège épiscopal depuis le
x° siècle. (Le passage m 'a été aimablement interprété par M . Kevorkian.)
(6) Nuzhat al-kulüb , éd . Le Strange, p. 79 et 89. L 'auteur nomme un
autre öşil près de Tabrīz.
(7) Asoļik , trad. Macler, p. 18 -19.
94 JUILLET-SEPTEMBRE 1930.
Lorsqu 'en 1177 les survivants de la famille Orbelian durent se sau
ver de Géorgie , un d 'eux (Elikum ) se réfugia auprès de l'atābek ilde
gizide d'Azarbaijān (Pahlavān ) et celui-ci lui donna un fief dont Ernjak
faisait partie (1). A l'approche du Hvārizm -šāh Jalāl ad -din , l'atābek
Özbek se réfugia à Alinja et y mourut de chagrin en 622/12 251?).
Alinjaķ est souvent mentionné à l'époque des Ķara-ķoyuolu ( voir
addenda à la fin de cet article ).
Aucune des innombrables places fortes auxquelles Timur
s'attaqua , ne lui résista aussi opiniâtrement qu'Alinjak : à
quelques interruptions près elle tint quatorze ans durant.
La forteresse relevait de l'ennemi acharné de Timūr Sulțān
Ahmad Jalāyir, dont le fils Țābir resta longlemps assiégé dans
la citadelle. Il est possible qu'il y eût pénétré dans un moment
d 'accalmie car d 'après Ibn 'Arab -šāh la véritable âme de la ré
sistance était un certain Altun (3). Lui même originaire de ces
parages , il connaissait bien la localité et ayant à sa disposition
une garnison de trois cents hommes courageux harassait l'en .
nemi par ses sorties. Pendant une de ses absences , ſāhir con
vainquit sa mère de commerce illicite avec le frère d 'Altun ,
et les mit à mort tous les deux. Ensuite , craignant la ven
geance d ’Altun , il ne le laissa pas rentrer dans la forteresse.
De désespoir Altun se rendit à Marand où le gouverneur local
lui fit couper la tête qu'il envoya à son souverain .Mais Tīmūr
futmécontent de cette trahison et fit exécuter le gouverneur à
son tour.

$ 3. Selon le Zafar-nāma la marche des événements fut la


suivante :
La première attaque dirigée par Tīmūr contre Alinjak
occupé par celes hommes de Sultan Ahmad , eut lieu en 789)

(1) Brosset, 1/2 , p. 318-319, d 'après Étienne Orbelian .


(2) Juvaini, ed . Gibb. Memorial, II, 157; Nasawi, ed . Houdas, p. 118.
(3) Ed. Manger , Leovardiae , 1767, I, 275-301. Cf. A . K .Markov, Katalog
TRANSCAUCASICA. 95

1387. Les fortifications inférieures coses dues ) furent prises


mais les defenseurs s'enfermerent dans la citadelle ) ‫( بالای قلعه‬.
nd

Le manque d 'eau allait les contraindre à la reddition lorsqu'une


averse vint remplir les citernes. Tīmūr ordonna à Muhammad
Miräkä de commencer les travaux d'investissement (l dels
‫ ( حصار دهد‬, mais a la suite de l'offensive de Kara Muhammad
le Kara -Koyunlu , Miräkä fut rappelé dans le camp de Tīmūr,
op. laud ., 1, 416 -417. Le siège fut repris en 796 /1394 ,
lorsque, deMūš, Tīmūr expédia dans cette intention Muḥam
mad Darviš et le fit suivre de renforts, ibid., I , 687, 691 (1).
Vers la fin de 796 le prince Mirān-Šāh arriva dans le camp de
Tīmūr venant des environs d'Alinjak ( össis old jl). En 797
une nouvelle offensive de Kara-Yusuf le Kara -Koyunlu , menée
du côté d ’Ala-Tağ(2) entraîna la concentration à Tabriz de toutes
les troupes de la région , ibid., 757, et il est possible qu'à ce
moment le siège fut relâché, sinon levé. En 798 /1396 Mirān
mo

šāb nommé en Azarbaijān , reçut l'ordre d'assiéger Alinjak ,


ibid. , 784 . Sous l'année 799/1399 , notre source mentionne
la présence de Țābir dans la forteresse investie cedepuis long
temps». Les assiégeants avaient déjà érigé autour de la forte
resse un mur quimit fin aux communications des assiégés avec
le monde extérieur, mais à ce moment-là le blocus fut forcé
par les Géorgiens (voir plus bas ), et la place de Țāhir dans
la forteresse fut prise par Sidi Aḥmad Oğulšai ( külss ou
skülés) en compagnie de trois aznāurs («nobles géorgiens » ).
La forteresse continuait à résister même après la dévastation
de la Géorgie en 802/1400. Encore quittant Mārdin à la fin
jalair. monet , Saint-Pétersbourg, 1897, p . xxviii , qui utilise les histoires
manuscrites de al-'Aini (mort en 1451) et de al-janābi (mort en 1590 ).
(1) Ibn 'Arab -šāh , p. 282, mentionne ( après 795 ) l'envoi contre Alinjaķ
d 'un ķutluğ Tīmūr, accompagné de trois autres généraux et de quarante mille
hommes. Altun faillit tomber entre leurs mains mais échappa grâce à son
courage et même tua ķutluğ Tīmūr et -un de ses compagnons.
(2) Campements d 'été au nord -est du lac de Van.
96 JUILLET-SEPTEMBRE 1930 .
de 803/140 1 Tīmūr envoya trois princes royaux et trois géné
raux de haut rang avec l'ordre de mettre fin à la résistance
d'Alinjak, avant de continuer la marche sur la Géorgie. Mais
à ce moment la forteresse e assiégée depuis dix ans , (1) et
mman
réduite à toute extrémité avait déjà capitulé et son comman
dant fut mis aux fers (ais ) et envoyé auprès de Tīmūr, ibid . ,
II, 354 -355 . La même année, Tīmūr rentrant de Bağdād
visita en détail la place forte , e conquise si rapidement» , selon
l'expression épique de Sarafal-Din , ibid ., II, 377.
Parmiles nombreuses péripéties du siège, le débloquement
d 'Alinjak par les Géorgiens vers 799/1397 nous intéresse spé
cialement (2). Sa date ne peut être fixée qu'approximativement.
En automne de 798 /1366 le fils de Timür Mirān-šāh , maître
du vaste ce fief de Hülāgū » , qui s'étendait de Derbend et du
Gilān jusqu'à l'Asie Mineure , eut un accident de cheval qui le
laissa fou (3). En été (de 1397 ? ) il partit soudain contre Sultan
Aḥmad Jalayir, mais, ayant séjourné deux jours sous les murs
de Bağdād, revint sur ses pas en apprenant le méconten
tement qui régnait parmi la population de Tabriz ( ). Par des
mesures sévères il réprima l'opposition et en automne (1397) ,
sans aucune enquête préalable , envoya des troupes contre le
maître de Säkki Sidi Ali Arlat, dont les possessions furent
mises à sac , ibid ., II , 202(5)

(1) On a vu que la première tentative d'investissement date de 789/1387.


(3) Ibn 'Arab - Šāh n 'en sait rien . La fin de sa narration est très confuse.
D 'après lui, l'histoire d’Altun avait compromis la situation de Pāhir. Ses
hommes commencèrent à déserter et lui-même dut se retirer de la citadelle ,
dont Timūr s'empara sans peine (äßles meve). Pour des raisons de voisi
nagen , il la confia à son partisan fidèle Šaih Ibrāhīm de Šīrvān. L'auteur ajoute
que la forteresse avait résisté pendant douze ans. A le croire , Alinjaķ aurait
capitulé en 795, op. laud., p. 298 !
(3) Du moins momentanément.
(4) D 'après ſanābi, voir Markov, p. xxxii, Mirān fut battu à plate couture et
se sauva avec trois cents cavaliers. .
(6) Säkki , à l'ouest du Širvān , voirmon article Shekkidans l'Encyclopédie de
· TRANSCAUCASICA . . . 97

A Tiflis on devait attentivement suivre la marche des événe


ments. D 'après une chronique syrienne, Țābir, assiégé à
Alinjak , élait uni aux Géorgiens par des liens matrimoniaux (1).
Du reste le désir de s'emparer des trésors jalayirides (2), dépo
sésdans la citadelle ,deyait aussi jouer un rôle. Le roi GiorgiVII
(Gūrgin ), escomptant l'absence de Timūr qui guerroyait dans
l'Inde et le mécontentement que suscitait Mirān- šāh , attira à
son côté.Sīdi“Ali et (probablement dansl'hiver de 1397-1398 )
envoya des troupes pour libérer ſāhir. Non seulement cette
tâche fut accomplie avec succès, mais, lorsque sur son chemiņ
de retour l'expédition rencontra les renforts envoyés par Mīrān
šāh , elle leur infligea une défaite , bien que Sidi Ali fût tombé
dans la bataille , ibid . , II , 203-205. Tābir libéré s'était réfugié
à Tiflis, et plus tard le refus de GiorgiVIIde le livrer à Timur
servit de prétexte à la terrible dévastation de la Géorgie dans
l'été de 802/1400 , ibid ., II , 235 -241. . .

$ 4 . La victoire géorgienne sous Alinjaķ mit à son comble le


désarroi dans les domainesde Mirān -šāh (3). A peine rentré de
l'Inde au commencement de 802 (automne 1399), Timur
partit vers l'ouest. Il envoya des enquêteurs à Tabriz etlui-même
par Sulțāniya, Kara-därä , Ardabil et Mūğān gagna au débutde
l'hiver les campements de Ķara-bāġ , ibid., II, 222. 22 .

l'Islām . Déjà vers la fin de 796 /1393-1394 , Sīdi'Alī , ayant eu peur d'une
expédition de Tīmūr qui traversait ses possessions, s'enfuit de Säkki, après
quoi sa résidence fut brûlée et ravagée, ibid., I, 731-732. . ,
(1) Beunsch , Rerum seculo XV in Mesopotamia gestarum , etc., 1838 , p. 6 ,
sous les événements de 1712 A . G . ( = 1400 ). . ,
(2) Ibn 'Arab-šāh , 1, 284 : le clis lo. ,
(3) La femme de Mirān-šāh était aussi arrivée à Samarķand dénonçant les
intentions de révolte (milles nul) de son mari , Zafarnāma, II, 206.
Saraf ad-Din , ibid ., II, 213, parle ouvertement des « crimesn de Mīrān-šāh.
Voir le tableau de la situation que trace Barthold dans Uluğ-bek et son temps
( en russe ) , Zapiski Ross. Akad . Nauk, 1918 , vol. XIII , n . 5 , p . 30. . .
CCXVII.
tenmms NATIONALE.
98 JUILL -S 1 .
ET EPTEMBRE 930
Ici Tīmūr s'occupa de la liquidation finale de l'épisode
d 'Alinjak
Gråce à l'intervention de Šeih Ibrāhīm de Šīrvān , Sidi
Ahmad , fils de Sidi ‘Ali, trouva auprès de Tīmūr un accueil
bienveillant et obtint la confirmation de ses droits héréditaires :
les malheurs qui avaient frappé le Säkki ne laissant plus de
place à la rancune.
Mais ensuite l'ordre fut donné de choisir sur chaque dizaine
de soldats trois hommes et de les munir de provisions pour
dix jours. Après quoi, accompagné de tous les princes royaux,
ainsi que de Šeih Ibrāhīm et de Sidi Ahmad, Tīmūr marcha
vers le nord . Un pont de bateaux fut construit sur le Kour et ,
après le passage de ce fleuve, l'expédition se dirigea par Säkki
vers la « vallée de Hamšā » (1).
Cette localité était peuplée d’infidèles (uby.s ) et couverte
d 'une forêt épaisse (cimitix ), à travers laquelle même le
vent ne pouvait passer. Pendant dix jours l'armée de Timūr
travailla avec des cognées , des haches et des scies pour frayer
un chemin qui permit à cinq ou six hommes d'avancer de
front(2). En même temps la neigetomba sans interruption pen
dant vingt jours. Tous les infidèles qu'on avait rencontrés
furent passés par les armes. Leur chef Hamšā (3) se sauva en
abandonnant sa maison . L 'armée de Timūr le poursuivit
jusqu'à la vallée de Ak-su (amist odgo ) et s'empara d'une grande
quantité de bétail et de biens. Hamšā , e tel un chacal » , se
cacha dans la forêt, tandis que les envahisseurs brûlaient les
maisons et les villages.
(1) lag peut se lire également Humšā , Himšā , etc. On trouve la même
forme du nom dans le Habib as-siyar, édit. de Bombay, vol. III, partie 3 ,
p. 52.
(9) Ibid . , II, 224
V Ä . Mon savant ami Mohammad khan ķaz
vīni a partagé mon opinion sur la nécessité de traduire ķošun par «homme,
troupiern .
(3) Ibid., II, 224 : se sjej uſ yhw .....lig .
TRANSCAUCASICA. 99

· D 'après l'historien de Tīmūr, les habitants de ces parages


cesans vin ne voyaient pas d 'agrément dans la vie , voire, n 'en
terraientmême pas leurs morts » . Aussi , pour « leur occasion
ner des dommages et pour empoisonner leur existencen , leurs
jardins et les vignes furent partagés entre les troupes qui ,
montant sur les coteaux , arrachèrent les ceps avec racines,
coupèrent une partie des arbres et décortiquèrent les autres.
Les constructions, surtout les églises, furent rasées . Pendant
un mois les sabots des chevaux foulèrent le sol de ce pays.
Une multitude d'aznāurs et de bas peuple furent exterminés .
Le gouverneur ( 6 ) Hamšā errait on ne savait où . Finale
ment le froid devint excessif et la neige obstrua les routes. Les
soldats perdaient leurs forces et les chevaux , qui ne trouvaient
à manger que l'écorce des arbres, périssaient.
Timūr fit battre en retraite et ayant retraversé le Kour ren
tra à son camp de Kara-bāģ . Ici la cour suprême ( ulass
gesig )(1) se réunit sous la présidence du prince Šāhroh pour
examiner l'affaire des chefs qui avaient pris la fuite près
d'Alinjak . D'après sa décision , confirmée par Tīmūr, Hājī
'Abdullāh ‘Abbās et Muḥammad Kazgan reçurent la baston
nadepar devant et par derrière (ous; clubs wyz lo very cws),
et Yumn (?) Hamza Apardi, qui le premier avait quitté le
champ de bataille , fut condamné à mort ( ül ), mais sur
l'intercession des princes sa peine fut assimilée à celle de ses
deux collègues. Chacun des trois dut en outre offrir trois cents
chevaux. L'amende des autres généraux de Mirān-šāh variait
de cinquante à trois cents chevaux. Le troupeau ainsi formé
fut ensuite réparti entre les fantassins. Mirzā Abū.Bakr, fils
de Mīrān -šāh , dont la flèche avait terrassé Sīdi ‘Ali, reçut
diverses distinctions.

(1) Yarġu consistait en application des lois de Čingiz-ban ; voir MelioraNSKI,


Zapiski, XIII, 015-023, sur l'organisation du Yarġu sous les Šalāyirides.
100 JUILLET-SEPTEMBRE 1930.
S 5 . Telle est la relation de Šaraf al-Din (II, 222-229)
donton peut résumer ainsi les points clairs :
a . « Hamšā » peut être compris seulement comme le nom
personnel du chef local. « La vallée du géorgien Jāni-bek » ,
ibid ., II , 242, peut servir de parallèle à la « vallée de Hamšā n .
Il est donc inutile de chercher Hamšā sur la carte (1).
Or c'est justement la faute que commet Brosset , et qui est
encore aggravée par les graphies fantaisistes de Pétis de la
Croix. Ce dernier rend les par Comcha » , et cela suffit à
Brosset , 1/2 , p . 390 , pour chercher cette localité à « Boughaz
Com » au Daghestan; cf. Zafar-nāma, I, 772 :pöjlsg? Boğaz
Kum . .
De tels malentendus sont nombreux. Saraf al-Din , 1, 766 et 768 ,
mentionne au nord -est du Caucase la forteresse de Kūlā et Țāūs ,
mais ensuite explique que ces deux noms étaient ceux des deux com
mandants (delo Ubylo o ) ; Brosset, 1/2 , p. 389 , écrit : « Cependant Che
ref ad-Dīn dit clairement que Coulat ou Coula était du côté du Terek ,
non loin de Taous (1) le Thoucbeth » . La localité vläly ou Lülş au Da
gestan , Zafar-nāma , I, 768 , ne peut avoir aucun rapport avec Belaķan
(ulül dans le canton Zakāl- Ali, au nord de l’Alazan ), comme le sup
pose Brosset, 1/2 , p . 589, note. Dans le passage du Zafar-nāma, 1, 773 ,
il ne s'agit pas des miles de la Géorgien (!!) qui ont tellement embarrassé
Brosset , 1/2 , p. 390 , note, mais des iles où s'abritaient les pêcheurs
(balikči), c'est-à -dire, probablement, des iles à l'embouchure du Terek ,
car, après les avoir prises , l'expédition partit contre Astrakhan .
b. Le prince Hamšā , qui avait subi le premier choc de
l'armée de Tīmūr, devait certainement avoir un intérêt direct
au débloquement d 'Alinjaḥ, bien que Saraf ad-Din omette de
le dire (2). Comme la participation personnelle de Giorgi VII à
cette incursion n'est nulle partmentionnée , il est possible que

(1) Par conséquent, toutes les autres objections à part, on ne saurait rappro
cher « Hamšān de Hašmi, village sur le lor.
(2) li parle de l'expédition comme d'un simple ġāzū dicté par la religion .
TRANSCAUCASICA. 101

Hamšā eût conduit l'attaque , ou qu'il l'eût préparée en assu


rant le concours de son voisin , le maître de Säkki.
C. Ses possessions étaient situées au nord de l’Alazan , car
après que les troupes de Tīmūr eurent traversé le Kour et la
région de Säkki, on n'apprend rien sur leur passage d'une
rivière aussi considérable que l'Alazan (1)
d. L'abondance de neige pouvait être un phénomène parti
culier àl'année de l'expédition de Timur. Plus importante est
la mention de la richesse du pays en vignes et du rôle que le
vin jouait dans la vie de la population chrétienne. Ce détail
ne permet pas de placer la vallée de Hamšā au delà de la
chaine du Caucase (2).
e. Assez embarassante à première vue est la percée d'une
route e de dix jours» , car durant dix joursS
' Uune armée , surtout
à cheval(3), aurait facilement pu parcourir quatre à cinq cents
kilomètres et même plus. Toutefois, le terme de dix jours ,
pour lequel les troupes s'étaient approvisionnées , correspond
(1) On peut se rappeler les difficultés qu 'en 1578 éprouva l'armée de
Mustafā Lālā pāšā au passage de l'Alazan , Hammer, G .O .R .?, II, 483. Les
Musulmans apellent l’Alazan ķanuh ou ķanih . Ce nom se trouve dans la
Chronique Géorgienne , Brosset, 1/1 , p . 360 et 364 : Ganuh (sous les années
1118 et 1120 ). Toutefois le village ķapuh , s'il est identique à Tešnyk,
Tror nyk des cartes russes , se trouve sur un affluent droit de la rivière Agri
čai, laquelle , venant de l'est , se jette dans l'Alazan du côté gauche. Les indi
cations d 'Evliyā Čelebi , II, 289, sont très vagues.
(9) Brosset , 1/2 , p . 390 , avoue les difficultés de son interprélation : « En
tout cas Comcha (lire Li ] n'est pas dans la Géorgie proprement dite , mais
dans le Daghistan .. . Sans le mot aznaour, qui est souvent employé par Ché
rif-ed -Din , je ne pourrais croire que Timour eût trouvé des Géorgiens dans
les contrées si éloignées du Karthli, car toute histoire de la Géorgie montre
que ces peuples n'ont jamais colonisé ni fait d'établissement solide hors de
leur territoiren.
(3) Šaraf ad -Din mentionne des fantassins qui reçurent des chevaux après
le retour de l'expédition , mais , selon toute probabilité , c'était justement les
cavaliers dont les montures étaientmortes à cause du manque de fourrage.
102 JUILLET- SEPTEMBRE 1930.
exactement aux dix jours qu'il fallut pour ouvrir une route
dans la forêt, Ainsi donc , en comptant dix jours jusqu'à la
vallée de Hamšā , on doit penser à la progression des bûche
rons dans une forêt dense et non à la distance quepeut franchir
normalement une troupe en marche.
f. Le seul nom géographique précis qu'on trouve dans le
récit de Saraf ad -Din est Ak-su ce Eau Blanche » , point jusqu 'au
quel Hamšā fut poursuivi. Il est vrai que bien des rivièresdes
cendant de la chaîne du Caucase s'appellent dans la termino
logie turco -musulmane e blanches» ou « noires» , mais à l'ouest
de Säkki, le nom d 'Ak-su appartient à une des sources les
plus septentrionales de la rivière Kurmuh qui descend dans
l’Alazan par la vallée d'Eli-su (vieux géorgien Eliseni). Cet
Ak-su sort du col (1) de la chaîne du Caucase qui le sépare du
hassin de la rivière Sāmūr (dans le Dagestan méridional).
Cette mise au point projette quelque lumière sur la situa
tion , mais le fait même que la Chronique géorgienne, dans l'es
posé de l'époque de Tīmūr, dépend directement du Zafar
nāma, nous prive de l'aide qu'on pourrait attendre d 'une source
locale .

S 7 . Provisoirement on doit se borner à formuler deux


séries de considérations.
a . La solution la plus simple serait d 'identifier la vallée de
Hamšā au canton Eliseni des sources géorgiennes , situé
immédiatement au nord -ouest de Säkki, dans les limites de la

(1) Sa source sort de la montagno Ah-bulahan -yal, au nord de laquelle se


trouve la vallée de Ķurdul, affluent droit du Sāmūr. Un peu en aval, la
rivière d'Eli-su [* Eliseni] = Aķ-su reçoit du côté droit la rivière Ah-cai (près
du village du même nom ). Ainsi donc l'épithète ceblanc, (ak , ah ) s'applique
systématiquement aux cours d'eau de la vallée d'Eli-su , et ce fait est encore
relevé par le contraste avec la vallée voisine vers l'ouest , où coule un Ķara-su
(« Eau Noiren ).
TRANSCAUCASICA . 103
région de Zakāt-'Ali de nos jours(1). Le centre de l'Eliseni
[forme turquisée Eli-su ) est formée par la vallée de Ķurmuh ,
sur le cours moyen duquel se trouve une bourgade ancienne
appelée en géorgien Kaki (actuellement Kahi). D 'après la tra
dition Kaki servait autrefois de résidence au gouverneur local
et comptait environ mille maisons(2). Dans son voisinage on
trouve de nombreuses ruines géorgiennes(3).
Au ix®-X°siècle cette localité faisait partie d 'une principauté à part,
la Héréthie (M), qui avait ses propres rois, Histoire de Vahušt, Brosset ,
IV/1, p. 140. Au r° siècle la population locale qui appartenait au rite
arménien fut convertie à l'orthodoxie géorgienne, ibid ., 141. Au com
mencement du xi° siècle la Héréthie perdit son indépendance. Ensuite le
roi de Kabétie (le korikoz) Kvirike III (1011-1029 ) , ayant affirmé son
indépendance , annexa la Héréthie à la Kahethie , et y nomma quatre
eris -tav , dont deux avaient leur résidence sur la rive gauche ( septen
trionale) de l'Alazan : l'un à Stor, et l'autre à Mača ( sur la rivière
Mazim -čai, à l'ouest de Belakan ). La juridiction de ce dernier s'étendait
jusqu'à Šakib ( Šäkki ?) , ibid ., p. 143. A l'époque de Tīmūr toute la
Kahéthie faisait partie du royaume géorgien uni. Seulement après que
la Kabéthie eut formé un royaume séparé (vers 1466 ? ) son roi Giorgi,
fils de David (1471-1492), remplaça les eris-tav d'au delà de l’Alazan
par trois gouverneurs de rang inférieur (mo’urav ) ayant pour résidence
Eliseni, Ts'uk'eti et Ciauri , ibid. , p. 148. D 'après Vahušt, ibid ., p . 156 ,
Šāb ‘Abbās en 1602 enleva Kaki au roi de Kabéthie Alexandre II et y
établit comme « sultāns (5) un certain Vahabišvili devenu musulman en
1587 (6). Il est toutefois possible que ce fût un épisode passager, car
les ssultāns, d ’Eli- su faisaient remonter leur origine aux beksde Tsa

(1) En russe : Zakatalskiï okrug.


(2) Voir les notes de Janašvili dans sa traduction de la Géographie de Va
huśt , p . 116.
(9) On ne doit pas confondre ce Kaki avec la forteresse Gag , Târih-, guzida
édit. Gibb Memorial , p . 471 : Ju , qui était située dans la Somhéthie à l'ouest
de la rivière Eklets ( Tā'ús-cai , Aķslafa ?); cf. la Chronique géorgienne , Bros
set, 1/ 1, p . 390-391.
(") Her-et'i, où -et'iest un pluriel géorgien , « Pays des Hers.
(8) Capitainen, d'après la terminologie şafavide, voir plus haut, p. 76 .
(* Vagušt , Géographie , trad. Brosset, p. 307.
104 JUILLET-SEPTEMBRE 1930.
bur ("). Ce resultanat , fut aboli par les Russes en 1844 lorsque le der.
nier de cette dynastie Daniel-bek alla rejoindre Šāmil révolté au Dages
tan (3) ,

Ainsi donc à l'époque de Timūr l'Eliseni était un canton


georgien et chrétien . La distance à parcourir de Säkki(3) jus
qu'au centre de la vallée de Ķurmuh ne devait pas dépasser
40 kilomètres. Toutefois la lenteur du mouvement de l'armée,
à raison de 4 kilomètres par jour, est facilement explicable si
l'on se rappelle que l'Eliseni, jusqu 'au cours intérieur de ses
rivières, était recouvert d'une forêt épaisse( ), et que l'abatage
des arbres était une opération compliquée et pénible , surtout
à l'aide des instruments dont on disposait vers l'an 1400.
D 'autre part la vallée de Kurmuh , longue de 45 à 50 kilo
mètres , et ses ramifications étaient autrefois assez peuplées .
De les déyaster et de poursuivre Hamšā put bien occuper les
troupes expéditionnaires pendantun mois. Finalement la fuite
de Hamšā vers Ak-su est parfaitement compréhensible , car de
là il pouvait sans difficultés gagner le Tsahur (au nord du col),
ou les sources des vallées adjacentes à l'Eliseni vers l'ouest.
Que Tīmūr aitdévasté précisément l'Eliseni, c'est ce qu'on

(1) Le Tsahur, situé aux sources du Sāmūr, et l'Eli-su , étaient réunis en


une seule possession ,mais le Tsahur était plus ancien que l'Eli-su . On con
naît un firmān de Sāh Tahmăsp au nom du bek de Tsahur Adi-Ķurhul(?)
daté de 1562.
(2) Voir D . BAKRADZE, Notes sur la région de Zakāt- Ali (en russe ) , Zap.
Kavk . Otd . Geogr. Obšč , XIV/ 1, 1890, p. 248- 281.
(3) Le nom de Nühi, chef-lieu actuel du Säkki, apparaît seulement au
xvinº siècle. L'ancien centre du Šäkki était probablement situé au sud-ouest
de Nühi, plus près de l'Alazan , aux environs du village ruiné Säkili , voir
Yanovski , Sur l’Albanie ancienne (en russe), Žurnal Min. Narodn. Prosv., II ,
1846, p. 17-136 , 161-293.
(4) BAKRADZE , op . laud. , p . 278 : « lorsque Sari-baš fut colonisé , le cours
inférieur d'Eli-su et de Kara -su était couvert de forêts épaisses et n 'avait pas
de populationn ; ibid ., p . 372, sur les forêts qui couvrent la partie supérieure
de la vallée d'Eli- su .
TRANSCAUCASICA. 105

pourrait trouver confirmé par une tradition locale , selon la


quelle Sari-baš , le premier établissementdes Lezgimusulmans
aux sources du Kurmuh , fut fondé vers la fin du xv° siècle .
La pénétration (1) des Lezgi au sud de la chaîne du Caucase
aurait pu être facilitée par le dépeuplement de l’Eliseniaprès
les événements de 1399-1400. . .
Par conséquent, l'ensemble des conditions géographiques
est favorable à l'hypothèse , selon laquelle l'expédition de Tīmūr
était dirigée contre l'Eliseni, mais cette supposition ne suffit
pas à expliquer le nom de Hamšā .
b. Si d'autre part on cherche des analogies au nom leža
( Hamšā , Himšā , Humšā , Hamašā , etc. ), sa ressemblance avec
le nom de famille géorgien Himšia est évidente .
Or,un des documents décrits par Brosset, II/ 2 , p. 453-454 ,
serait susceptible d 'éclairer la question de « Hamšā » . Il s'agit
d 'un acte de donation en faveur de la cathédrale de Mtshet ,
dalé du 13 avril 1405. La traduction rectifiée que m 'a très
aimablement communiquée M . E . Takaïchvili, porte : « Moi,
d 'abord Abazadze Maraleli(2), etmaintenant . . . très exalté et
installé à la place d’Abuletisdze , amilahor et Himšia . . . je
t'ai fait don (3) à Dzaġnakorna du paysan Sergilašvili.,
Le savant traducteur donne le commentaire suivant de ce
curieux document féodal : « Cela veut dire que Abazadze Him
šia reçut le fief d 'Abuletisdze après l'extinction de cette famille
et hérita de son nom avec ses biens . . . Himšia fait don à la
cathédrale d 'un vilain , évidemment en signe de reconnaissance ,
pour avoir reçu un fief si important, et il faut croire que ce
vilain était un habitant de ce nouveau fief et originaire du vil
lage de Dzaġnakorva . . . qui est situé dans le canton de T'ia

(1) Qui ensuite a entraîné l'islamisation de toute la région de Zakāt-Ali .


(2) C 'est- à-dire , originaire de Marali.
(3) En s'adressant à la cathédrale . c.
106 JUILLET-SEPTEMBRE 1930.
neti, dans le voisinage du Tſezam , (1). D 'autres documents
montrent que le fief des Abuletisdze se trouvait en effet aux
environs du défilé de Tíezam . En ce qui concerne l'appella
tion de Himšia ceMaralelin , ce nom d 'origine, contrairement à
Brosset , doit appartenir au Marali de Suram (2), dont les
Abazadze étaient originaires.
La dignité d ’amilahor (pers. Lilymo « grand écuyer » )
était très élevée dans la hiérarchie géorgienne. Dans l'Ordon
nance de la cour royale (3), on lit : $ 18. L 'armée et le vézirat
dans les affaires militaires sont de la compétence de l'amirspa
salar (pers. Shunga gol . . . l'amirahor est le vézir de l'amir
spasalar . . . » .On ignore à quelle date Himšia avait reçu le
titre d'amilahor mais il est sûr que huit ans avant 1405 il
jouait déjà un rôle militaire assez important pour pouvoir
prendre une part active à l'expédition contre Alinjak (1397 ?).
Toutefois l'acte de donation de 1405 devait suivre de près
l'établissement de Himšia dans le fief d'Abuletisdze. Il ne
pouvait donc pas résider au défilé de Tezam au moment de
l’incursion de Timūr (hiver de 1399- 1400 ?). Comme d'après
Saraf al-Din « Hamšā , était étroitement associé à une vallée ,
dont il était le chefmilitaire ( sālār ) et le gouverneur (hakim ) ,
on pourrait supposer que ce même Himšia (*Himšā) était à
cette époque un des eris -tav d 'au delà l’Alazan , et plus particu
lièrement de l'Eliseni.
Lorsque Tīmūr quitta finalement la Géorgie au commence
ment de 1404, ses adversaires durentrelever la tête , et il serait
(1) Voir la liste de Vaạošt, Géographie, trad . Brosset , p . 481, nº 104. Sur
la carte IV annexée à cet ouvrage, Dzaġnakorna est situé dans le Saguramo, au
nord du défilé du Tezam , dont les eaux se jettent dans l'Aragva (du côlé
gauche, entre Mtshet et Dušet).
(2) Sur la face est de la montagne qui sépare la Géorgie orientale de la
Géorgie occidentale.
(3) Document géorgien du xın° siècle, publié par M . Takaïchvili , Tiflis
1920, p. 9 ( communication de M . Avalichvili).
TRANSCAUCASICA. 107

tout à faitnaturel que la personne qui avait subi le premier


assaut en 1399 obtînt une compensation dans les mêmes pa
rages, c'est-à-dire toujours en Kakhétie.
Pour conclure : ces deux séries de considérations sont par
faitement conciliables et nous pouvonsmaintenir l'hypothèse :
la vallée de Hamšā (*Himšā) = Eliseni, en laissant la solution
définitive aux savants qui possèdentla totalité des sources géor
giennes.

V . MIN -GÖL ET LES EXPÉDITIONS DE TIMUR.


Après le Kara -bāġ, le campement favori de Tīmūr en Trans
caucasie était à Min -Göl. Telle doit être certainement la pro
nonciation du nom Jalio qui se rencontre dans la deuxième
partie du Zafar-nāma, II, 250-252, 356, 399, 512, 514 ,
tandis que dans la première partie , I , 720, 725 , on lit sans
equivoque ‫ * مینك كول‬Ming-hkul)1(. ‫ا‬
La graphie Jolio avait embarrassé le rédacteur de cette par
tie de la Chronique géorgienne. Suivant de très près , comme
d'habitude, la narration de Saraf ad -Dīn il rend mécanique
ment JotieparManglis(2).Cette dernière localité est située sur
Alget', à 30 kilomètres à l'ouest de Tiflis, et ne s'accorde aucu
nement avec la description de Saraf ad-Dīn ( voir plus bas).
Brosset connaissait trop bien les choses géorgiennes pour ne
pas avoir compris(3) que e Mancoul, devait se trouver cau
voisinage de Kars , et non à Manglis » , mais il n 'a pas appro
fondila question .
(1) Que l'éditeur indien a défiguré en JScho.
- (3) Par deux fois , Brosset , op. laud. , 1/1 , p. 669 = Zafar-nāma, II, 249
350 , et Brosset, ibid . , p . 670 = Zafar-nāma , II, 356 .
(3) Brosset, 1/2 , 395 , n. 1; toutefois après des hésitations , 1/1, p. 669,
p . 1 et 4 , et 1/2, p . 393 , n . 7.
BRE
108 JUILLET -SEPTEM 1930 .
La situation de Min-göl ( Jolio) est déterminée par les don
nées suivantes :
a . Au printemps de 796/1394, Tīmūr, venant du côté
d ’Ala-taġ, arriva à Kars, d'où il passa à Min-göl (dixo cus
Jos ). Il quitta cette localité en automne (le 18 di-'l-ka'da
796/14 septembre 1394) et descendit sur le « col» (qës ).En
suite il s'engagea dans la région montagneuse de la Géorgie
) ‫( کوهستان گرجستان‬, fit une expedition contre les « Boucliers
Noirs» (kara-kalkanlik ) et finalement descendit de la mon
tagne pour arriver à Tiflis, Zafar-nāma, I, 720, 725, 730 0 .
b. En 802/1399 , Tīmūr, après avoir dévasté les domaines
de l'atābeg Ivané (la région Samtshe) et fait une expédition
contre les se Boucliers Noirs » , arriva aux campements d'été de
Min -göl, d'où il conduisit l'armée contre Farasgird (Panas
k 'ert). Ensuite pour laisser paître les chevaux, les troupes pas
sèrent encore deux mois dans cette prairie herbeuse ( lj ils )
de Ming-göl. De là elles partirent vers Sivas par la route
d'Avnik ( forteresse à l'est d'Erzeroum et au sud-ouest de Hasan
kala ), Zafar-nāma, II , 250, 252 , 263 .
c. En 803 (été de 1401), Giorgi VII, évidemment effrayé
par la chute d ’Alinjak , fit sa soumission aux fils de Tīmūr, qui
d 'Avnik se dirigeaient vers la Géorgie. Les princes s'arrêtèrent
alors dans la région de Min -göl et de ses environs, equi était
un yaylak commode» , Zafar-nāma, II , 356 .

(1) Les données du Zafar-nāma sont insuffisantes. Le ecol, (mis ow ) en


question doit être celui qui se trouve entre Kola et Ardahan. Comme l'histo
rien ne dit rien sur le passage du Kour, Tīmūr dut faire un demi-cercle en sui
vant la rive gauche de ce fleuve pour arriver dans les cantons géorgiens situés
au sud de la grande chaîne du Caucase. Selon Brosset, 1/ 2 , p . 388 , n . 4 , le
terme e Boucliers noirs , désigne chez les musulmans les montagnards géor
giens habitant près des cols de la grande chaîne, les Pšavs, les Hevsurs et les
Gudamaḥars. Ces peuplades ont en effet gardé jusqu 'au xırº siècle leurs an
ciennes armures (cottes de mailles , boucliers, etc.).
TRANSCAUCASICA. 109
d. En 804 ( été de 1402 ), Timūr arriva du Kara-bāġ à
Min -göl par Barda', Ganja , Samkūr et les rives de la rivière
Tbdr (Debeda) sur la frontière de la Géorgie (1). De Min -göl
une expédition fut envoyée contre la forteresse de Tortum qui
se trouvait «dans ces parages-là » (Galgj ulys). Ensuite, par
Avnik , Tīmūr marcha contre le Sulțān Bāyezid , Zafar-nāma,
II, 398-401.
è. En 805 , rentrant de la campagne de l'Asie Mineure et
ayantdécidé d'attaquer Giorgi VII, Tīmūr se dirigea d'Erze
roum à Min -göl,où l'atābeg de Samtshe Ivané et le frère de
Giorgi VII, Constantin (Judünys ) vinrent le saluer. Après cela
Timur assiégea la forteresse de Kürtin (wujos ) qui se trouvait
rau milieu du pays ». Parlant de cette dernière campagne ,
Saraf ad-Dīn dit clairement que Tīmūr était partie des enyi
rons de Kars », ibid., II, 512, 514, 521.

Pour résumer : Min -göl était une localité riche en pâtu


rages et particulièrement favorable aux campements d 'été; elle
était située dans le voisinage de Ķars, mais à l'écart de la
route qui y conduit directement, et plus près de la Géorgie ;
elle se trouvait entre le centre des possessions de l'atābek de
Samtshe (2) et les affluents gauches du Coroh , sur lesquels sont
situés Panask ert et Tortom . Par ces vallées, elle était en com
munication directe avec Erzeroum . .
Or, immédiatement au nord-ouest de Kars est situé un petit
canton verdoyant, où se rejoignent les nombreuses sources du
Kour, disposées en éventail. En géorgien il s'appelle Kola
SA

(1) Probablement la rivière Debeda , qui traverse la vallée de Borčalo pour


se jeter dans le Ktsia ( Hram ), avant son confluent avec le Kour. Le bassin
de Debeda est en effet considéré par Vahušt comme la limite de la Géorgie.
(9) Le Samtshe est la Géorgie du sud-ouest , comprenant les sources du
Kour et le bassin du Coroh. Son chef-lieu est Ahal-tsihe « la Forleresse Nou
vellen, que les musulmans appellent Ahisha. . .
110 JUILLET-SEPTEMBRE 1930 .
( gmoms) , en arménien Kol, et son nom est d'habitude men
n a nen

tionné conjointement avec celui d'Artan (Ardahan ) situé plus


en aval, c'est-à -dire vers le nord (1). Sa situation correspond
exactement aux particularités de Min -göl. Immédiatement au
sud-ouest se trouve le canton d'Olti(2), par lequel passent les
communications de Kola avec Erzeroum , en laissant Kars vers
l'est. A l'ouestKola touche à la région montagneuse des affluents
droits du Coroh . Au nord , au delà d 'Ardahan , la vallée du
Kour conduit au centre de Samtshe , d'où l'atābek Ivané était
venu auprès de Tīmūr. Encore plus au nord et vers l'est pas
sent les voies d'approche de la Géorgie Orientale (K 'art'lie)
avec sa capitale Tiflis.
En turk , Kola porte le nom de Göle(3). Cette adaptation
phonétique a dû en préparer la transformation ultérieure en
Min -göl eMille Lacs » , d'autant plus que dans le voisinage im
médiat de Kola (vers le nord-est dans la direction d'Abalk 'a
lak’i) s'étend la région des lacs de montagne. Elle devait éga
lement être comprise dans le terme de Min -göl : Saraf ad-Din
parle de Min -göl ceetde ses environs n.
Il nous reste à dire quelques mots de l'évolution JJ slivo >
Jolie. Lorsque pour la première fois les gens de Tīmūr con
nurent ces parages, ils durent, par étymologie populaire, en
entendre le nom sous une forme familière aux originaires de
l'Asie Centrale , *ming-kül(4). Plus tard il s'est adapté à la pro
nonciation locale (turkmène?) : Min-göl, et les deux termes
(1) Vagošt, Geographie , p . 107.
(9) Où est situéPanask'ert et par où on va à Torlom .
(3) Voir la carte dans Lyncı, Armenia , et le Türkiye jümhuriyeti devlet säl.
nāmesi , 1925-1926 , p . 330 : le kaza de Göle du vilāyet Ardahan ( cette région
se trouve parmiles cessions faites à la Turquie par l'U . R . S . S. en vertu du
traité du 6 mars 1921).
(*) Bīrūnī, Gull,Lyl , p . 264 , parle d'un lac situé sur une montagne au
pays des Gūz Kimāk qu'il appelle salio. Marquart, Uber d . Volkstum d. Ko
manen , p . 101, l'interprète par min köl (tag).
TRANSCAUCASICA.
furent probablement sentis comme un seul complexe rendu
par la graphie Jolio(1)

VI. BAB AL-LAL = LALVAR.


Dans son ingénieuse étude Das Itinerar von Artaxata nach
Armastica auf der römischer Weltkarte (2), Markwart a montré
que l'itinéraire de la Tabula Peutingeriana (segm . XI, 5 ) par
tant d 'Artašat et orienté vers l'Est , doit être en réalité orienté
vers le Nord pour aboutir à Armastica , qu 'il faut identifier à
Armazis-tsihe, près de Mtshet ( en amont de Tiflis).
De cette réadaptation de l'itinéraire résultent des consé
quences intéressantes pour la localisation des points intermé
diaires , etMarkwart prouve que Lalla mentionné dans la Tabula
doit correspondre à Lal que la Chronique géorgienne, Brosset,
I/ 1 , p . 228 , cite sur la route de l'empereur Héraclius au sud
de Berduj, à la passe (« porte» ) de Lāl(bab al-Lal), que Balā
duri, p . 203, mentionne parmi les conquêtes de Habib b .
Maslama, et à la ville Afāl(?) Lāl, qui, d'après Ibn al-Atīr, X ,
25-8 , fut prise par Malik-šāh en 456/1064.
Avec sa perspicacité habituelle , Markwart cherche l'endroit
de ce nom en Somhétie (« l'Arménie géorgiennen ), sur la
rivière de Berduj ou Debeda (actuellement Borčala ), mais
s'étonne de ne pas le trouver dans la Géographiede Vahušt.
Or justement Vahušt, trad. Brosset , p . 143 , 146 , men
tionne en Somhétie la montagne de Lelvar. Sur la carte russe ,
elle figure comme Lalvar. Cette importante montagne, qui

(1) Cette graphie peut être contaminée par le nom de la localité Jetis ,
que Ibn Isfandiyār nomme au Māzandarān , trad . E . G . Browne, p . 255. Ni
l'époque, ni la région ne permettent de voir dans ce *Mankūl(?) un nom
turk .
(2) Handes Amsorya, 1927, nº 11, col. 825-866 , et comme tirage à part.
112 JUILLET-SEPTEMBRE 1930.
domine toute la localité ( altitude 8 .386 pieds, soit 2 .642 mè
tres), s'élève sur la rive gauche de Debeda , en face du célèbre
monastère de Sanabin. Sur le versant sud -est du Lalvar se
trouvent les mines de cuivre d’Allaverdi. En toute probabilité ,
Allaverdi(*Allāh-verdi, en turk « Dieu a donnén) n'est qu'une
étymologie populaire et tardive de Lalvar.
C'estici qu'il faut chercher l'ancien Lalla/Lāl. L'importance
économique etmilitaire de cet endroit est évidente. La vallée de
Debeda , rétrécie par le Calvar, fait un coude, et ce passage a
bien pu valoir au déblé le nom arabe de « porte de Lālo (1).

ADDENDA À LA PAGE 94.

Alinjak est fréquemmentmentionné dans l'inédite Ta'rīh al


Turkmīniya de 'Ibād-allāh b . ‘Abd-allāh Nīšāpūri, dont l'exem
plaire unique appartient à l'India Office ( cat. Ethé, nº 573 ).
Après la prise d'Alinjak , Timur l'aurait fortifié pendant sept
ans. La forteresse fut confiée à Kādi 'Imād al-din Abmad de
Nahičevan. Les Turcomans que ce dernier avait admis dans la
forteresse se révoltèrent contre lui et ses Tajiksn et Alinjak
tomba entre les mains d’Iskandar , fils de Kara -Yûsuf, le Kara
Koyunlu (fol.153-159).
(1) Le mystérieux Afāl Lāl d 'Ibn al-Atir peut trouver une explication dans
le nom de la montagne Agal (Ağal ?) , que la carte russe place à une quin
zaine de kilomètres au sud du Lalvar. En caractères arabes , un seul point
distingue ‫ اعال‬de ‫ اغال‬Asal. .
DAHA

HYRCATE

MER
t-Türäng
äpä ASTAVENE

CASPIENNE
SudkaL-.äluvrshäini Säng
d- uvin
Kāfir
d- uvin Kūčano
Gir ă
uvin
d-Ast U() stuvā
MAZANDARAN pad rz
soooolbou

Journal asiatique , juillet-septembre 1930.


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Carte nº 9 .
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Carte n" 3.
QUELQUES
PUBLICATIONS SÉMITIQUES RÉCENTES,
PAR

M . FRANÇOIS NAU.

I. – A . Mingana et Rendel Harris , Woodbrooke Studies , vol. II. -


1 . Timothy's Apology for Christianity. - - 2 . The Lament of the Virgin .
– 3. The Martyrdom of Pilate. In - 8°, Cambridge, 332 pages ( re
printed from the Bulletin of the John Rylands library, vol. 12 , 1928 ).

MM . Mingana et Rendel Harris , auteurs déjà bien connus


par de nombreuses et importantes publications, se sont asso
ciés pour nous donner ce volume : M . Mingana donne les
textes , les traductions et les courtes préfaces, et M . Rendel
Harris donne les introductions, où sa grande érudition a libre
carrière pour l'étude intrinsèque de chaque sujet et les rap
prochements littéraires qu'il comporte.
1. — Les éditeurs supposent que le texte syriaque repro
duit par photograpbie , p . 91 à 162, est, sinon le mot à mot ,
du moins la reproduction exacte d'une controverse entre le
patriarche nestorien Timothée (patriarche de 780 à 823 ) et
le calife Mahdi, mort en 785 . Cette controverse aurait eu lieu
de 781 à 782.
CAIVI .
IuriNRISATIONALE
114 JUILLET- SEPTEMBRE 1930.
L 'ouvrage est certainement de Timothée. Il est conservé
parmi ses lettres comme étant une lettre adressée à l'un de ses
correspondants. Mais nous ne croyons pas qu'il ait jamais été
parlé. Nousavons montré longuement dans la Revue de l'his
toire des religions que les flatteries adressées à Haroun ar-Ra
chid (1) semblent bien établir que l'ouvrage a été écrit sous ce
calife. C'est en somme une réponse aux objections courantes
chez lesMusulmans, qui ont pu être adressées à Timothée par
Mahdi, surtout par le fils aîné et successeur de Mabdi, nommé
Hadi (785 à 786 ), et enfin par le second fils de Mahdi, Ha
roun ar-Rachid , successeur de Hadi de 786 à 809. Le fond
de l'écrit n 'en a que plus d 'importance, puisqu 'il devient un
véritable traité apologétique, mais il ne faut voir dans la
forme que des précautions oratoires et des flatteries pour con
server la faveur d 'un maître que l'on a souvent loué , mais qui
était cependant ombrageux et cruel.
Le père de Haroun est : e notre sage souverain . . . , notre
roi des rois . . . , notre souverain victorieux et puissant » , et
Timothée lui prêle toutes les objections usuelles chez les Mu
sulmans : après un préambule dedeux pages assez flandreux ,
où Timothée semble dire qu'il ferait mieux de ne rien écrire ,
parce qu'une polémique avec les Musulmans ne peut mener à
rien , mais qu'il se résigne cependant à écrire des choses que
tous les fidèles savent et dont il s'est occupé toute sa vie, pour
répondre ainsi aux veux de son correspondant, il introduit sa
fiction d 'une visite au calife , au courant de laquelle celui-ci
lui aurait dit : « Il ne convientpas, ô catholique , qu 'un homme
commetoi, qui sais parler de Dieu avec tant de science, dise
jamais de Dieu qu'il a pris une femme et qu'il en a eu un
fils.» C 'est une assertion qui figure en bien des endroits du
Qoran que Dieu e n ’a pris pour lui ni compagne ni fils » , sou

(1) Nous reproduirons plus loin la traduction de ce passage.


QUELQUES PUBLICATIONS SÉMITIQUES RÉCENTES. 115
rate LxxII , 3 ; cf. 11, 110 ; X , 69 ; XIX , 92-93 ; cxii, 3 . —
Timothée montre comment les théologiens nestoriens ont con
cilié la Bible , le texte de l'Évangile et la raison en disant que
le Christ est le Verbe de Dieu qui estapparu dans la chair (ou
qui a revêtu la chair ) ; il prête au calife des instances qui lui
font exposer toute sa christologie.
Ensuite ( texte , p . 13) le calife se fait exposer l'explication
de la Trinité : « Notre roi me dit : Tu confesses donc trois
dieux », sujet rebattu aussi dans le Qoran : « En vérité ils sont
incroyants ceux qui disent : Dieu est le troisième de trois » ,
sourate v, 77 ; cf. iv, 169;XXIII, 93. Timothée compare Dieu ,
son Verbe et son Esprit au soleil, ses rayons et sa chaleur, eta
dit plus loin qu'ils sont peut-être désignés par les groupes de
trois lettres mystérieuses qui figurent en tête de certaines sou
rates.
Timothée montre ensuite que Mahomet n'est prédit ni dans
la Loi ni dans l'Évangile , que les Livres des Chrétiens n 'ont
pas été altérés, et qu'il n'y a pas de miracle qui soit venu con
firmer le Qoran . — Un autre sujet de controverse est le mys
tère de la croix et de la mort du Cbrist : « Pourquoi adorez
vous la croix ? . . . Ils ne l'ont pas tué, ils ne l'ont pas cru
cifen, sourate iv, 156. Dans sa réponse (p . 47 ) Timothée
s'appuie sur sourate xix , 34 , qu'il nomme sourate de Jésus , et
non de Marie, comme on le trouve partout. - Pourquoi y
a -t-il quatre évangélistes; ne se contredisent-ils pas ? Parlent
iis de Mahomet ? N 'ont-ils pas été corrompus ?
Pour compléter ce qui précède, Timothée suppose un second
entretien dans lequel il revient sur la Trinité , l'incarnation ,
l'Evangile et le Qoran , et qu'il termine par des louanges hyper
boliques adressées à Haroun :
Un autre jour, comme nous entrions près de lui (Mahdi) — et ceci
avait lieu constamment, en partie pour ses affaires royales , en partie
aussi à cause de l'amour de la sagesse qui enflammait son cæur (ca.
116 JUILLET - SEPTEMBRE 1930.
c'était un homme aimable qui aimait la sagesse autant que personne),
en partie encore à cause de l'attaque des adversaires qui luttaient alors
contre nous() — après que nous eûmes invoqué sur lui la paix du roi
des rois , selon la coutume, il commença à parler avec nous et à s'entre
tenir, non avec dureté et avec sévérité , — car la dureté et l'insolence
étaient bien loin de son âme — mais (il nous parlait) pacifiquement et
posément. Notre roi des rois me dit: As-tu apporté l'Évangile, 6 catho
lique ?
Cela , écrit sous Haroun , lui était un exemple proposé sous
forme de louanges adressées à son père. Timothée cite d 'ailleurs
les deux frères Haroun et Mousa (Hadi) , texte , p . 128 (2), et
ensuite Haroun seul (p. 131-132, 133) :
De ce que le Christ a été nommé serviteur, il ne s'ensuit pas qu'il
était en réalité un serviteur, aparce que Haroun lui-même, la fleur et le
rejeton de Votre Majesté , qui est nommé maintenant par tous l'héritier
présomptif, et qui, après la longue durée de vos années, sera proclamé
par tous comme roi et tout puissant, jouele rôle de général et de soldat
dans cette expédition où il a été envoyé par vous contre Constantinople ,
contre les Grecs tyrans etrebelles , mais il n'est pas pour cela privé de
la filiation royale et de la noblesse ni de la grande splendeur et de la
gloire royale . . . Parmi ces Romains privés d'intelligence , ceux qui ne
remarquaient pas la royauté et la filiation de Haroun ne le connaissaient
que comme l'un des généraux et non comme un fils de roi et un roi,
mais ceux qui le connaissaient véritablement le reconnaissaient et le
nommaient fils de roi et roi.,

Ces louanges dithyrambiques n 'ont pas pu être écrites lors


que le fils aîné Mousa ( Hadi) était l'héritier présomptif; elles
l'ont été après que la mère de Haroun eût fait étouffer Mousa
(Hadi) , en 786 , sous des oreillers , probablement après 799 ,

(1) Timothée fait allusion aux difficultés rencontrées lors de son élection :
il avait promis de l'argent à ses électeurs et ne le leur avait pas donné. Il
avait donc dû lutter durant quelques années contre un anti-patriarche.
(2) Timothée nomme donc le second fils Haroun avant le premier, Hadi.
La traduction , p. 81, a rétabli l'ordre e Musa (Hadi) et Harounn , mais elle
n 'est pas conforme au texte.
QUELQUES PUBLICATIONS SÉMITIQUES RÉCENTES. 117
lorsque Haroun , satisfait des services que Timothée luiavait
rendus en traduisant Aristote du syriaque en arabe, lui don
nait des frais de voyage , des présents royaux et lui permettait
de se servir des animaux (de la poste) qui appartenaient à
l'État (1).

Le présent texte , très intéressant, doit donc être regardé


commeune réponse à toutes les objections que les musulmans ,
califes et autres , ressassaient contre les chrétiens. Elles avaient
sans doute été adressées bien des fois à Timothée : d'après les
historiens nestoriens Amr et Sliba , trad . H . Gismondi, p. 37
38, c'est le calife Hadi (Mousa), frère aîné de Haroun , qui le
faisait venir souvent pour parler de religion et d'autres choses ,
et qui lui proposait des problèmes ardus et des questions très
embrouillées, et Haroun ar-Rachid , plus tard , en avait fait
autant. Timothée a condensé tout cela dans deux prétendues
conférences avec Mahdi , et il a pu donner libre cours à ses
talents de courtisan , pour obtenir ainsi d 'être lu par Haroun
et par les musulmans, non qu'il ait espéré les convertir, mais
pour ne pas leur laisser croire que les Nestoriens professaient
textuellement les absurdités qu'on leur attribuait. M . J. La
bourt ne croyait pas non plus que cette apologie ait pu être
parlée devantMahdi(2), et M . O . Braun , qui édite les lettres de
Timothée , avait motif d 'écrire que la controverse avait eu lieu
en 804 -805 (3), c'est-à -dire sous Haroun. Cette date n'est pas
impossible , puisqu'il ne s'agit plus d'une controverse , mais
d 'une apologie sous forme de controverse.

(1) Voir les lettres éditées et traduites par Henri Pognon dans La version
syriaque des Aphorismes d'Hippocrate , 1, p . xvii, 1 . Timothée n 'avait pas
d 'ailleurs toute confiance en Haroun , car il ajoutait : « Prie pour que notre
voyage ait lieu pour le bien plutôt qu'au détriment de tout le monde.,
(9) Cf. De Timotheo 1, Paris , 1904 , p . 34-35.
(3) Ibid . , p . IIII.
118 JUILLET.SEPTEMBRE 1930,
Toutes les copies conservées dérivent d'un manuscrit sy
riaque du xmº siècle conservé au couvent de Notre-Dame-des
Semences, près de Mossoul: cf. Catalogue Vosté , nº 169, 23°
(Catalogue Scher, nº go). Timothée a certainement écrit en
syriaque, mais ce syriaque a dû être bientôt traduit en arabe.
On en trouve un résumé dans le manuscrit arabe de Paris ,
n° 82 du xivº siècle , fol. 73 à 95 , et dans le manuscrit n° 215
du xviº siècle ; cf. ms. arabe n°5140 de Paris.
M . Mingana nous apprend qu'il a collationné soigneuse
ment sur l'original la copie qu'il reproduit par la photogra
phie , et nous le croyons volontiers, car nous disposions d'une
copie partielle qui nous a du moins montré l'excellence de la
sienne. Cependant nous ne savons pas pourquoi notre copie
porte presque toujours le pronom séparé : No Rio; mooi
po; on pindel; oa . ; lorsque l'édition porte la forme
contracte plus correcte: prio ;fafai;godinil;o. ,p.2,
4 , 7. Tous deux portent pe piel , p . 4 .
_ Iire ‫ ܒܕܡܘܬ ܤܘܟܬܐ‬au lieu de ‫ ) ܒܕܡܘܬܐ ܣܘܟܛܐ‬p. ‫ܕ‬
1. 2 -3 ); alos pug au lieu dealas pues (p. 5 , 1.11);
quelques lettres ont d 'ailleurs disparu sur la photographie.
La traduction est faite avec soin et elle est comparée dans
de savantes notes à deux autres apologies, l'une d'un cbrélien
( al-Kendi), l'autre d'un musulman (ibn Rabban at-Tabari ).
Les compositeurs ont omis trois lignes , p . 40 , l. 10 à 12 :
« Et notre roi victorieux me dit : Et qui est le maître du cha
meau ? Nous avons répondu à Sa Majesté : Cette parole est du
prophète Isaïe , car il a dit. ,

2 et 3 . — Les deux dernières pièces sont d'origine égyp


tienne. Ce sont des homélies attribuées à Cyriaque (1), évêque

(1) Dans la Revue de l'Orient chrétien , t. XV, 1910 , p. 157 à 161, on trou
vera l'analyse de deux discours de Cyriaque sur la fuite en Égypte.
QUELQUES PUBLICATIONS SÉMITIQUES RÉCENTES. 119

de Bebnésa (Oxyrhynque), auteur copte assez fécond dontnous


ne connaissons pas l'époque, mais que M . Mingana place au
début du xv° siècle. Il semble se borner le plus souvent à tran
scrire des apocryphes attribués à Gamaliel , car celui-ci, dans
les deux pièces, parle à la première personne : « Etmoi , Ga
maliel, je suivais avec la multitude n (trad., p.207), cf. p. 267,
374 , 280.
La Lamentation de la Vierge, dans la maison de Jean , au
Golgotha et au tombeau du Christ, a le grand intérêt d'être la
source de deux fragments coptes édités et traduits par M . Re
villoutdans la Patrologia Orientalis , II , p. 169 à 174.
M . Mingana a édité l'ouvrage, p. 211 à 240 , d'après deux
manuscrits carchounis (arabe en caractères syriaques) de sa
collection . Il n 'a pu en trouver aucun autre exemplaire, dit-il,
dans les bibliothèques publiques de l'Europe.
A Paris cependant, La Compassion de la Vierge figure dans
lesmanuscrits syriaques 239 et 233, fol. 472-493 et 37-76
( carchouni). Voir aussi le manuscrit éthiopien 104 , fol. 39 ,
et le manuscrit arabe n° 4795 , fol. 160 à 190 , qui donne le
titre : Homélie de Jacques de Saroug sur Marie el ses pleurs au
tombeau de Jésus le matin de la résurrection.
On trouve déjà ici que Pilate est innocent de la mort du
Christ , ce qui est le sujet de l'écrit suivant :
LeMartyre de Pilate est édité par M . Mingana (p . 283 à
332) d 'après un manuscrit carchouni en sa possession , avec
les variantes d 'un autre de ses manuscrits carchounis et du
manuscrit arabe de Paris n° 152.
Tbilo avait déjà édité la traduction du début du martyre de
Pilate dans Codex apocryphus Novi Testamenti, Leipzig , 1832 ,
p . civil à clx, d 'après le manuscrit arabe n° 152, et il avait
fait remarquer qu'on avait à Paris un second manuscrit de cet
ouvrage : Syr. 273, fol. 22 à 17. Sylvestre de Sacy, qui a
étudié les deux manuscrits de Paris , tenait que le 152 était
120 JUILLET-SEPTEMBRE 1930.
plus prolixe et que son style s'approchait davantage de la
langue vulgaire ; il supposait donc que c'étaient deux traduc
tions faites assez librement d'après un original syriaque ("). Il
n'y a pas de chance qu 'une version syriaque ait existé ; nous
avons donc là deux traductions libres d'un texte copte , si Cy
riaque a pu écrire en copte , ou une paraphrase d'un original
arabe, si Cyriaque a écrit en arabe.
Enfin le manuscrit arabe 152 de Paris avait été édité et
traduit en français par M . Émile Galtier dans Mémoires de l'In
stitut français d'archéologie orientale du Caire , t. XXVII , 1912 ,
p . 31 à 103. Dans son introduction , M . Galtier étudie lous
les écrits parallèles et annonce que ce martyre de Pilate figure
aussi dans le manuscrit éthiopien de Paris n°62, miracles 34
et 35 (2).
Après la résurrection , la Vierge va au tombeau et le Christ lui appa
rait. La femme de Pilate , Procla , veut aussi aller au tombeau . Les Juifs
et Barabbas cherchent à la tuer, mais les soldats romains ont le dessus
et arrêtent Barabbas , que Pilate fait aussitôt crucifier. Les Juifs et Hé
rode se plaignent à Tibère , et l'empereur envoie un officier enquêter à
Jérusalem . Les Juifs s'entendent avec l'officier, qui fait flageller Pilate
et le fait crucifier, mais des couronnes descendent du ciel et , à la vue de
ce prodige, les Juifs détachent Pilate de la croix.
A Rome cependant, le fils de Tibère meurt subitement, et l'impéra
trice fait porter son corps à Jérusalem pour qu'on le mette dans le tom
beau du Christ. Les Juifs volent le cadavre et Joseph et Nicodème sont
accusés du vol, mais Gabriel apparaît et vient révéler où le corps est
caché. On le porte dans le tombeau du Christ , et il y ressuscite le qua
trième jour. Le fils de Tibère ainsi ressuscité retourne à Rome, où il
(1) Le ms. 373 , fol. 22, a pour titre : Histoire de Pilate , de Joseph d'Aris
mathie et de Nicodème; de la résurrection de Notre-Seigneur et de ce qu'il a
souffert de la part des Juifs, par Cyriaque, évêque de Behnésa. Il débute
par : Cyriaque , évêque de Behnésa , a dit : Quand Notre Seigneur Jésus
Christ a été crucifié à l'endroit nommé Cranion , etc.; comme Mingana,
p . 344 , dernière ligne.
(2) C'est un manuscrit des Miracles de la Vierge. Cette compilation est
conservée dans une cinquantaine de manuscrits , qui d 'ailleurs ne sont pas
identiques. L'un d'eux a été édité par M . W . Budge.
QUELQUES PUBLICATIONS SÉMITIQUES RÉCENTES.
fait une entrée triomphale, et l'empereur fait crucifier Pilate pour le
punir d'avoir laissémettre le Christ à mort.
L'impératrice envoie chercher la Vierge, mais elle était déjà montée
au ciel sur les ailes des Chérubins, et les soldats ne trouvent que saint
Jean , qu'ils conduisent à Rome. A la demande de l'empereur, Jeap fait
le portrait du Christ, après quoi un nuage lumineux l'enlève et le dé
pose sur la montagne des Oliviers. La Vierge apparaît ensuite aux apô
tres et leur donne l'assurance que Pilale , sa femme Procla et ses enfants
sont dans le Paradis.
Tel est le récit plein de ce merveilleux dont les Coptes
étaient si amateurs. Son intérêt tientà ce qu'il compile des
apocryphes plus anciensfavorables à Pilale : les efforts dePilate
pour sauver Jésus, les rapports favorables qu 'il envoie à Rome
existent sous diverses formes en toutes langues ; son martyre
est conservé en grec et en syriaque; il est l'un des saints de
l'église éthiopienne(1); sa femme Procla (ou Procula ) , que
l'Évangile a rendue si sympathique, est honorée parles Grecs
au 27 octobre ; les publications indépendantes de M . Galtier,
et plus tard de MM . Mingana et Rendel Harris, mettent à
notre portée la forme naïve et populaire que ces légendes ont
revêtue en copte sous le nom de Gamaliel, pour être plus tard
consignées, sans doute en arabe et souvent mot à mot, par
Cyriaque de Bebnésa.

II. – AxelMoberg . 1. Eine syrische Massora Handschrift in der Univer


sitäts-Bibliothek zu Lund , Lund , 1928, in -8°, 18 pages.
– 2. On some Fragments of the Book of Timotheos Ailouros against the
Synod of Chalcedon , Lund , 1928 , in -8°, 15 pages.
- 3. Ueber einige christliche Legenden in der islamischen Tradition ,
Lund, 1930, in-8°, 38 pages.
1 . — Pour faciliter la lecture de la Bible traduite en sy
(1) Les Éthiopiens fontmémoire de Pilate et de Procla le 25 Sané(19 juin ,
cf. Patr. Or., t. I , p. 674-675 .
122 JUILLET-SEPTEMBRE 1930 .
riaque (langue qui n 'écrivait que les consonnes), on a com
mencé , à partir du virº siècle , à indiquer la prononciation des
mots étrangers ou peu usités (voyelles et signesde prononcia
tion ). On ajoutait quelquefois en marge lemot grec correspon
dant ou l'explication du mot syriaque. On connaît septmanu
scrits de ce genre. M . A . Moberg vient d 'en faire connaître
un huitième, écrit en 1204 -1205 , de la main d'un scribe
qui écrivait en cette même année , le manuscrit Rich. 7184
du British Museum . On ne connaît pas sa provenance orien
tale , mais une note de l'année 1635 nous apprend qu'il a été
acheté en cette année pour trois piastres et demie à uo Arabe
qui l'avait emporté du Tour Abdin comme part de bulin , et
fait craindre à M . A . Moberg que le même manuscrit ne soit
encore une part d'un butin volé ces dernières années à l'occa
sion desmassacres de l'Arménie et du Kurdistan .
L 'intérêt du présent travail vient surtout de la comparaison
que M . M . a faite de son manuscrit avec les manuscrits connus.
Il a montré qu'aucun de ces huit manuscrits n 'est une copie
de l'autre. Ils ne suivent pas le même ordre ; ils ne ponctuent
pas les mêmes passages ; ils n'expliquent pas les mêmes mots ;
ils ont plus ou moins d 'additions; par exemple le manuscrit
syriaque de Paris nº 64 ajoute la ponctuation des mots grecs
ou rares qui se trouvent dans la version syriaque des écrits de
Denys l'Areopagite , de saint Basile et de Sévère d’Antioche.
La mention de la « tradition de Jacques d'Édessen se rapporte
sans doute à l'observation des bons conseils donnés par Jacques
aux scribes, dans une lettre qui est reproduite dans les manu
scrits de la Massore.

2 . — M . Gabriel Ferrand a exposé dans le Journal asia


tique, avril-juin 1925 , p. 303 à 310 , comment la couverture
d 'un manuscrit syriaque formée d 'une sorte de cartonnage de
feuillets de manuscrits ( et non de deux planches, comme lant
QUELQUES PUBLICATIONS SÉMITIQUES RÉCENTES. 123
de manuscrits éthiopiens), nous a rendu le Livre des Himya
rites , qui tranche la question jadis controversée des persécu
tions exercées par les Arabes-juifs contre les Arabes-chrétiens.
D 'autres feuillets du même manuscrit , comme l'écrit M . Fer
rand , ibid . , p . 303, contenaient le Livre de Timothée Ailure
contre le concile de Chalcédoine. C'est à l'identification et à
l'étude de ces fragments de Timothée ainsirécupérés que M .Mo
berg consacre ce deuxième opuscule. Il disposait d 'une version
arménienne et d 'une version syriaque contenue daus le manu
scrit du British Museum add. 12156 , écrit à Edesse avant
l'année 562. La version syriaque semble dériver d 'un texte
grec abrégé et un peu remanié après la mort de Timothée.
Elle débute par un florilège où les citations des Pères sont
choisies au point de vue monophysite , avec des extraits de
quelques lettres de Timothée. Nousavons édité jadis les feuil
lets de ce manuscrit qui nous semblaientles plus instructifs ,
fol. 11 à 13 et 39 à 42 , dans le tome XIII de la Patrologia
Orientalis, p . 202 à 236. M . M . a établi que les cinq feuillets
qu'il a ainsi trouvés dans la couverture de son manuscrit cor
respondent aux feuillets 1 à 3 , 5 , 9 , 11 , 13 , 15 -16 du
manuscrit du British Museum . Ce dernier manuscrit est d'ail
leurs lacunaire , et le principal intérêt de la nouvelle décou
verte est de nous avoir rendu la version syriaque d 'un frag
ment de la lettre de saint Ignace aux Smyrniotes qui manque
dans le manuscrit du British Museum .
M . M . compare la version syriaque ainsi retrouvée au texte
grec fournipar un papyrus du ve siècle. Cette comparaison lui
permet de conclure que la version syriaque n 'est pas seule
ment fidèle , mais donne souvent l'impression que le traduc
SO

teur cherchait à mettre un mot syriaque sur chaque mot grec


de l'original. M . Henri Pognon a déjà signalé cette pratique
des traducteurs syriens, qui donne tant de valeur à leur tra
vail, bien qu'au pointde vue linguistique il semble créer une
124 JUILLET- SEPTEMBRE 1930.

langue particulière que M . Pognon nommait du « syriaque de


traduction » .
Par un heureux hasard , le colophon est conservé et nous
apprend que le manuscrit a été terminé le 10 avril 932 . C 'est
donc l'un des plus anciens manuscrits datés écrits sur papier.
M . M . donne les fac-simile de la page qui porte le colopbon et
de celle qui porte la lettre de saint Ignace aux Smyrniotes.

3 . — L'islam primitif a puisé largement chez les Syriens,


les Perses et lesGrecs, mais il est souvent difficile de déter
miner ses sources, parce qu'elles ont été transmises oralement
avec de nombreuses modifications et additions fantaisistes.
M . M . étudie deux légendes musulmanes qu'il a rencontrées
à l'occasion de son édition du Livre des Himyarites, parce
qu'elles ont la prétention d'expliquer l'introduction du cbris
tianisme à Nagran . Il montre que ce sont des légendes chré
tiennes démarquées.

D 'après l'une, consignée par Ibn Hišam , édit. Wüstenfeld ,


I , 20-22, et Tabari, I , 924 -925 , le cbrétien Phémion cher
chait les endroits où il n 'était pas connu , travaillait la semaine
chez un potier et allait prier au désert le dimanche. Un babi
tant, nommé Salib , le suit et s'attache à lui lorsqu'il l'a vu
faire périr un dragon à sept têtes qui le menaçait. Tous deux
vont chez les Arabes , sont faits prisonniers et sont vendus à
des habitants de Nagran qui adoraient un palmier : Phémion
demande à Dieu de détruire ce palmier, et un vent violent
vientl'arracher , ce qui amène la conversion des Himyarites au
christianisme. M . M . dit que cette légende est toute chrétienne,
mais il ne semble pas en connaître la source exacte . C 'est la
Légende de Paul l'évêque et de Jean le prêtre , que nous avons ré
sumée dans la Revue de l'Orient chrétien , t. XV, 1910 , p . 56 à
QUELQUES PUBLICATIONS SÉMITIQUES RÉCENTES. 125
60 , et qui est conservée dans trois manuscrits syriaques du
vrº siècle ; elle est donc antérieure à l'hégire : Paul l'évêque
embrasse le monachisme, travaille pour gagner sa vie chez un
nommé Jean qui le suit lorsqu'il allait prier sur la montagne.
Arrive le serpent, qu'un éclair déchire. Jean s'attache à Paul ;
ils vont tous deux au Sinai , une tribu d 'Arabes les arrête et
les conduit à l'endroit appelé Himyarites. On les conduit au
milieu des palmiers pour les percer de coups , mais Jean fait
périr le plus beau des palmiers, r le dieu du campn, et les
Arabes se convertissent. Il y a donc identité , à l'exception des
nomspropres, puisque Paull’évêque et Jean le prêtre sont deve
nusFaimijūn (') (Phémion ) et Şāli”. La priorité du syriaque ne
faitaucun doute , puisque nousavonsrésumé la légende sur trois
manuscrits du British Museum quisont du vi° siècle ; l'un d 'eux
(Add. 14597) est daté de l'an 569. La légende syriaque est
d 'ailleurs très étoffée et semble un roman analogue à ceux de
saint Alexis, «l'hommede Dieu » , ou de l'empereur Julien ,
conservés aussi dans les manuscrits demême antiquité.
La légende de Phémion est racontée d 'après Mugira ben
Abi Labid , qui la tient de Wabb ben Munabbih . Il est donc
remarquable que ce dernier ait lu ou ait entendu raconter la
légende édessénienne de Paul l'évêque et Jean le prêtre .
La seconde légende, qui a pour but d 'expliquer l'introduc
tion du christianisme chez les Himyarites, est celle d 'Abdallah
ben at- Tamir. M . M . en donne les diverses rédactions et la
compare aux actes des martyrs perses Jazdin -Péthion . Nous
n 'avons ici rien à ajouter (2).
(1) Peut-on rapprocher ce nom de Frumentius, qui a prêché l'Évangile
aux Éthiopiens vers l'an 246 ?
(2) Nous avons cependant résumé la légende de cette famille (dontdescen
dait Yazdin , le grand argentier du roi Chosrau II) dans Etude historique sur
la transmission de l'Avesta et sur l'époque de sa dernière rédaction , dans la
Revue de l'histoire des Religions , mars-avril 1927, p. 181, 1 . 1 .
126 JUILLET- SEPTEMBRE 1930.
III. – Les Homiliae cathedrales de Sévère d 'Antioche. — 1 . Homélies 78
à 83, éditées et traduites par Maurice Brière dans Patr. Or., t. XX ,
p. 271 à 434 , Paris, 1928, Firmin Didot , 28 francs. — 2 . Homé
lies 99 à 103 , éditées et traduites en français par Ignazio Guidi dans
Patr. Or., t. XXII, p. 201 à 312, Paris, 1929.
1 . — Nous avons annoncé cette publication de M . Brière
dans la Revue de l'Orient chrétien , t. XXVII (1929-1930), p. 3
à 30. Nous avons montré, dès avril 1928 (ibid., p. 4 , n . 1),
avons

que le texte grec de l'homélie de Sévère sur les martyrs Tara


chos, Probos et Andronicos a été inséré, la plupart du temps
textuellement, dans la compilation du Métaphraste ; cf.Migne,
P . G . , t. CXV , col. 1067 à 1080 . Nous avons retrouvé ainsi
le texte grec d'une nouvelle homélie de Sévère. Nous avons
édité aussi, ibid ., p. 7 à 10 , de nouveaux textes grecs de Sé
vère, tirés des manuscrits de Paris et relatifs à l'homélie 81
sur Matth . , XVII , 27 , et à l'homélie 82 sur Matth , XVIII , 3 , 7 .
Un autre fascicule (homélies 84 à go ) est en cours d 'édi
tion . Nous avons encore édité , ibid. , R . O . C., t. XXVII , p. 11
à 30 , à peu près la moitié du texte grec des homélies 89 et 94
sur Luc, X , 25 à 37, et Matth ., I, avec des fragments des
homélies 84 et 85 .

2 . — Le fascicule édité et traduit par M . I. Guidi comprend


des homélies prononcées du 6 novembre 5 16 au 6 janvier 517
sur l'anniversaire de la consécration de Sévère , la martyre
Drosis , la Nativité , Grégoire le théologien et Basile le grand et
l'Épiphanie. Nous avons cherché dans ce fascicule l'expression 100

des sentiments (toujours mauvais ) de Sévère à l'égard de ses


diocésains, ce qui nous a permis de deviner, par réciprocité,
les sentiments de ses diocésains envers lui; cf. Revue de l'Orient
chrétien , t. XXVII , fasc . 1 -2 , p . 222 à 224 . Chaque fascicule
est suivi de tables des noms propres syriaques, des mots sy- .
riaques étrangers ou remarquables , des mots grecs cités dans
QUELQUES PUBLICATIONS SÉMITIQUES RÉCENTES. 127
les manuscrits , des citations de la Bible et des citations des
Pères de l'Église .

IV. – Jacobi Edesseni Hexaemeron seu in opus Creationis libri septem ,


edidit I. B. Chabot, in-8°, vi-398 pages, Paris, 1928 (C .S.C .O .,
Syr., II , 56 ).
Dans le cadre de la Création , les anciens meltaient tout ce
qu'ils savaient des sciences naturelles. Jacques d 'Edesse lui
aussi, suivant pas à pas les æuvres des six jours, traite en sept
parties : 1° De la première création , qui est celle des esprits :
2° Du ciel, de la terre et des éléments; 3º De la géographie
et des plantes; 4° Des astres et de la cosmographie ; 5° Des
animaux aquatiques et des oiseaux (ichthyologie , ornithologie);
6° Du bétail, des bêtes sauvages et des reptiles terrestres (200
logie ); 7° Del'homme(physiologie).
Jacques est mort en 708 , avantd 'avoir complètement ter
miné son ouvrage; les dix dernières pages (347 à 357) ont
été ajoutées par son amiGeorges, évêque des Arabes.
Cette édition sera bien accueillie, parce qu'elle vulgarise
un ouvrage qui a déjà préoccupé de nombreux savants : Ga
briel Sionita en a transcrit la plus grande partie ; sa copie est
à Paris (Bibl. Nat. , Syr. 240 ); un savant allemand l'a encore
transcrit , mais est mort avant d'avoir pu l'éditer ; sa copie est
à la Bibliothèque nationale de Berlin (syr. n° 337). M . l'abbé
Paulin Martin en a donné une description dithyrambique dans
le Journal asiatique , 1888 , 84 série , t. XI, p . 155 à 219,
401 à 440. Cet ouvrage a préoccupé aussi MⓇ Graffin , qui
l'a indiquécomme sujet de thèse à l'un de ses élèves, M . A . Hjelt ,
professeur depuis à Helsingfors. M . Hjelt a édité et traduit la
partie géographique et montré qu 'elle n 'avait rien d 'original,
comme l'avait cru à tort l'abbé P . Martin , mais qu'elle était
empruntée à Ptolémée.
128 JUILLET-SEPTEMBRE 1930.
Il ne reste que trois anciens manuscrits , l'un à Lyon daté
de 837, l'autre à Amid (Diarbékir ) daté de 822. Le troisième
manuscrit , daté de 1183 , est conservé à Leyde. M . Chabot a
reproduit, par la photographie , le manuscrit de Lyon et a
ajouté ( p. 361 à 397 ) les variantes fournies par le manuscrit
de Leyde; M . Vaschalde en prépare une traduction latine.
Nous avons déjà dit que cette édition sera bien accueillie , car ,
vu le grand nombre de noms et de détails compilés dans cet
ouvrage, bien des savants s'en serviront pour compléter leurs
travaux; par exemple on peut déjà s'en servir pour démontrer,
une fois de plus, que le Kenpai Šapokbin (ou K . S.] (Job ,
XXXIX , 13) n'était pas l'autruche, que Jacques d'Édesse con
naissait cependant très bien. On trouve en effet, p . 207 à
208 , que les oiseaux pacifiques et amis des hommes viennent
faire leurs nids jusque dans les maisons.
mais pour les oiseaux que le Créateur a doués d 'un grand corps et de
(grande) force, il les a faits doués de peu de prudence et dépourvus
d 'intelligence , de sorte qu'ils pondent leurs enfs même sur le chemin
dans la poussière et qu'ils les abandonnent, les hommes et les animaux
les foulent aux pieds, de sorte qu'ils sont privés de progéniture comme
ils le sont d'intelligence. Tel est cet oiseau de l'Inde weil i g
N owor, qui est nommé chez les Hébreux Kenpaï SaBokhin ( K . S. ) " },
c'est-à-dire l'oiseau illustre, qui se trouve dans le discours de reproche
parmi toutes les choses que Dieu demandait à Job, lorsqu'il lui disait là
sous forme d'interrogation :
Peux-tu résister au Kenpai Šapokhin ( K . S .), qui s'enorgueillit et
vole et vient et fait son nid et laisse ses aufs sur la terre et les échauffe
sur la poussière, et il oublie que le pied des voyageurs les dispersera (3)
et que l'animal du désert les foulera aux pieds. Il a multiplié des en
fants comme s'ils n'étaient pas à lui , mais c'est en vain qu'il a peiné

(1) On lit en marge : la sauterelle , c'est-à-dire le grillon n. « Le grillon ,


figure parmi les explications proposées par Jésudad de Merv, nous ne savons
à quel titre.
10) Jacques d'Édesse corrige ici la Pechitto.
QUELQUES PUBLICATIONS SÉMITIQUES RÉCENTES. 129
sans crainte, parce que Dieu a grandi la sagesse des animaux et aussi
des oiseaux ("), mais, pour lui, il ne lui a pas donné l'intelligence en
partage. A l'occasion, il s'élève en l' air et il se moque du cheval et de
son cavalier .
Quantà l'autruche (Na'ma), oiseau quimarche; à cause de la gran
deur de son corps , Dieu l'a même privée de pouvoir s'envoler, parce
qu'il ne lui a pas fait naturellement contre son corps des ailes qui puis
sent l'enlever (2); elle se trouve ainsi méprisée en sottise avec tous les
sots animaux de la terre.

En un autre endroit (p. 213), Jacques d'Édesse reproduit


la liste des oiseaux impurs (Lévit., xi, 13 à 23). Il utilise à la
fois le grec des Septante et le syriaque de la Pechitto . Il tra
duit le ypút du grec par cel'oiseau éléphant (llo 9 ).
Celui-ci est donc bien , selon lui,« le griffon ». Cette interpréta
tion d'ailleurs n 'est pas isolée , car nous avons à Paris une revi
sion du Pentateuque, faite par Jacques d'Édesse de 704 à
705 (ms. syr. n° 26 ), et nous avons constaté , p.210 et 370 ,
OUS avo ns C

qu'il traduit deux fois ypúų par « l'oiseau-éléphant , soit dans


le Lévit., xi, 13, soit dans le Deut., xiv , 12. Il mentionne
d'ailleurs, dans les versets suivants ,l'autruche (Na'ma), l'Anfå
et le coq sauvage. Il reste donc acquis que les commentateurs
orientaux, qui connaissaient l'autruche, ne l'ontpas reconnue
dans Job , xxxix , 13 à 18, mais y ont vu un oiseau mythique.
De ce qu'on peut aussi appliquer ces versets à l'autruche, il ne
s'ensuit donc pas en toute rigueur que l'auteur du Livre de
Job avait cet oiseau en vue.

(1) Sans la correction apportée ici à la Pechitto par Jacques d'Édesse, il


faudrait lire : Dieu a détournén d'elle la sagesse.
(9) Jacques d'Édesse connaissait donc très bien l'autruche. Il savait que
c'est un oiseau qui ne peut pas volern ( comme le savent ceux qui ont vu
des autruches dans les jardins d 'acclimatation ), tandis que l'oiseau de Job
s'élancera en haut, - et même s 'élancera dans les hauteurs des cieuxn ,
d'après des passages parallèles très nombreux. — Les partisans de l'autruche
doivent rédulcorer , ce passage.
CCXVII. 9
IMPRINERI artONALE .
130 JUILLET-SEPTEMBRE 1930.
Nousavons trouvé aussi que d'après l'auteur nestorien Jésu
dad de Merv , Jacques d 'Edesse aurait dit que le K . S . était
a l'oiseau Madai» (J. as., oct.-déc. 1939 , p . 198 et suiv .), et nous
ne pouvions pas expliquer cette dénomination. Grâce à l'édi
tion de l'Hexameron , nous pouvons dire que c'est une faute de
Jésudad et qu 'il faut lire ce l'oiseau- éléphants , car Jacques,
Hexam ., p . 213 , mentionne e l'oiseau Madain (wo ;
ainsi nommé, dit-il, parce qu'il vient de Médien — qui
truit les sauterelles ; mais il ne l'assimile en rien au K . S .
Nous pouvonsdonc, grâce à l'édition donnée par M . Cha
bot , compléter un de nos travaux précédents (1) et nous sommes
assuré que bien d'autres que nous y aurontrecours.
On trouvera encore , p . 192 , que le « léviathan , n 'est pas
le crocodile; c'est le grand serpent demer, dont certains indi
vidus atteignent deux centsmilles de longueur.
La seule recherche des sources de Jacques d'Édesse sera un
travail long et passionnant, car, s'il renferme peu de résultats
vraiment originaux, il semble du moins compiler tout ce qu'un
homme ce aimant le travail, — c'est le titre que prenait Jac
ques d'Édesse — peut accumuler en une vie de labeur.

V . – Harry Austryn Wolfson. Crescas’ Critique of Aristotle. Cambridge,


Harvard University Press , 1929, in -8°, xvi-760 pages (Harvard Se
mitic series , vol. VI).
Les savants juifs qui vivaient au milieu des Arabes, en
Égypte comme Saadia (882 à 942), ou en Espagne comme
Maïmonide (1 135 à 120 employaient la langue arabe. Ils
étaient ainsi conduits assez naturellement à appliquer à l'An

(1) Etude sur Job , XXXIX , 13, et sur les oiseaux fabuleux qui peuvent s'y
rattacher , dans J. As., oct.-déc. 1929 v 198 et suiv.
QUELQUES PUBLICATIONS SÉMITIQUES RÉCENTES. 131
cien Testament la philosophie aristotélicienne que les Arabes ,
héritiers des Syriens, avaient appliquée au Qoran (1). Maimo
nide en particulier, le plus grand philosophe du judaïsme, a
propagé les idées aristotéliciennes , s'en est servi pour coor
donner la Révélation et a semblé leur donner un rôle prépon
dérant dans l'exposé de la religion . Plus tard , les Juifs du nord
de l'Espagne et de la France , qui ne savaient pas l'arabe, ont
créé une littérature de langue bébraïque, et celle-ci a été d'or
dinaire une réaction contre la littérature de langue arabe et
contre les idées aristotéliciennes qui leur étaient venues par ce
canal. Les polémiques avec les scolastiques chrétiens, devenus
disciples d'Aristote , étaient d 'ailleurs plus pénibles si l'on
regardait Aristote comme le commun maître. Ces raisons,
entre autres , amenèrent une vive réaction contre Maïmonide
et son aristotélisme. Crescas ( Hasdaï ben Abraham Crescás, né
à Barcelone en 1340 , mort à Saragosse en 1410) est l'un des
meilleurs représentants de cette réaction. Son principal ou
vrage, Or Adonai « La lumière d 'Adonaï » , écrit en hébreu , a
déjà eu au moins deux éditions (Ferrare , 1555, et Vienne,
1859 ) , mais est resté assez inconnu , parce qu'il est souvent
très difficile à comprendre : il part de conventions connues de
tous à son époque, mais devenues inintelligibles pour nous.
Il suit la méthode dite talmudique — qui est d 'ailleurs celle
de bien des prédicateurs, en particulier de Sévère d 'Antioche.
- Elle suppose que tout texte étudié a été écrit avec un tel
soin et une telle précision que chaque expression a autant
d'importance par ce qu'elle semble contenir implicitement que
par ce qu'elle affirme explicitement. Le raisonnement doit

(1) Nous espérions trouver des traces des intermédiaires araméens qui ont
transmis le grec aux Arabes , mais il en reste fort peu. Les nombreux inter
médiaires suivants ( arabes et hébreux ) ont créé une terminologie qui est
vraiment arabo-hébraïque. L 'éditeur explique d 'ailleurs tous les termes rares
ou techniques.
132 JUILLET-SEPTEMBRE 1930.
tenir compte de la diction et de la phraséologie aussi bien que
des idées. Cette méthode, qui conduit à de longs discours sur
un seul verset de la Bible , a été étendue aux ouvrages des phi
losophes. Elle serait claire, bien que pénible à suivre , si tout
était mis par écrit, mais l'æuvre de Crescas semble avoir été
plutôt un résumé ou un aide-mémoire , pour être ensuite dé
veloppé et servir de base de discussion dans les classes. L'au
teur de la présente publication a donc pris le parti d'imiter
les élèves de Crescas, qui devaient préparer soigneusement la
leçon dont le maître leur avait donné le sommaire, pour venir
entendre ensuite toutes les longues explications que ce résuiné
comportait. Aussi il n'édite guère ici que le sixième de l'ou
yrage La lumière d'Adonai, etil entoure les 186 pages (93 de
texte hébreu et de variantes et 93 de traduction anglaise ) que
ce sixièmeoccupe,de130 pages d'introduction et de 585 pages
de notes et tables. Ces notes renſerment tous les textes d 'Aris
tote et des philosophes juifs ou arabes antérieurs à Crescas que
celui-ci pouvait connaître et viser .
· Algazel (Ghazali), né en 1039 , mort en 1111 de notre
ère, avait dirigé chez les Arabes le mouvement de réaction
contre la philosophie grecque , comme l'indique clairement le
titre de l'un de ses ouvrages : La chute (tahafut) des philosophes,
et l'on regardait cet ouvrage comme l'une des sources de Cres
cas, qui poursuit le même but,mais M . H . A . Wolfson montre
(p . 11 à 16) qu'il n 'en est rien . Il précise dans son introduc
tion (p . 1 à 128 ) les sources et la méthode de Crescas et ses
idées sur l'infini, l'espace , le vide, le mouvement, le temps, la
matière et la forme de l'univers. Il établit ensuite le texte hé
breu à l'aide de l'édition de Ferrare et de onze manuscrits ,
dont l'un est daté de 1457, moins de cinquante ans après la
mort de Crescas; la traduction anglaise est en face du texte
(p . 129 à 315 ). Viennent ensuite les notes (p . 317 à 700) et
enfin le bibliographie et les tables des auteurs etnoms propres ,
QUELQUES PUBLICATIONS SÉMITIQUES RÉCENTES. 133
des passages cités et des termes hébreux, arabes , grecs et la ->
tins (p : 701 à 760).
Voici maintenant ce que contient le texte hébreu édité et
traduit ici.
Pour démontrer que Dieu existe , qu'il est un et qu'il est
incorporel, Maimonide, dans son Guide des égarés(1), avait
commencé par formuler, sans démonstration , vingt-cinq pro
positions empruntées à Aristote. Maimonide ne les démontre
pas parce qu 'elles sont évidentes , dit-il, ou parce qu'elles
demandent de longues démonstrations qui ont été données
ailleurs(2), Crescas reprend chacune de ces propositions; il
commence par l'énoncer , puis , dans une première partie , il
rapporte toutes les démonstrations qui en ont été données et ,
dans une seconde partie , il critique les démonstrations qu'il
vient de consigner ; neuf de ces vingt-cinq propositions n'ont
pas de secondepartie ; mais ce n 'est pas en général parce que
Crescas les admet telles quelles , c'est parce qu'il renvoie à des
critiques consignées plus haut.
C'est donc un sujet important, trié par Maïmonide dans
Aristote , objet ensuite de nombreux commentaires , analysés
et critiqués ici par Crescas.
La première proposition : « L'existence d'une grandeur in
finie quelconque est impossible » , se prouve par quatre classes
d 'arguments (p . 137 et 179) critiqués un à un dansla seconde
partie qui suit aussitôt (p . 179 à 217). Les autres proposi
tions n 'occupent que de une à trois pages chacune; la neu
vième : Tout corps qui meut un autre corps ne meut cet
autre corps que s'il est mû lui-même au moment où il met

(1) Cet ouvrage a été traduit en français par S. Munk , 3 vol. in-8°, Paris,
1856-1866.
(9) On trouvera ces vingt-cinq propositions, traduites et annotées par
M . Moxx , loc. cit., t. II, p . 1 à 22.
134 JUILLET -SEPTEMBRE 1930.
l'autre en mouvement, est prouvée p . 253-255 et critiquée
p. 256 -257. Crescas trouve l'objection célèbre tirée de l'ai
mant qui meut le fer sans être mû lui-même. Il rapporte briè
vement les solutions déjà données et il ajoute la sienne. C 'est
ici que commence le travail de l'éditeur, car Crescas, même
lorsqu'il prend la peine de citer ses prédécesseurs , indique
rarement l'ouvrage qu'il vise et jamais la partie de l'ouvrage.
Il travaille d 'ailleurs sur des traductions bébraiques , ce qui
augmente la difficulté des traductions et des identifications.
au

M . H . A . Wolfson s'est très bien acquitté de cette tâche ( il y a


d'ailleurs une vingtaine d 'années qu'il a commencé son tra
vail) ; il renvoie , p . 546 à 568 , à tous les passages correspon
dants d'Aristote , et il rapporte toutes les théories , depuis celle
de Thalès qui attribuait une âme à l'aimant, jusqu'à celles des
commentateurs d'Aristote , de Maimonide, des Gersonides ,
d'Averroès et de Crescas. C'est donc un modèle de ces éditions
et traductions qui font bénéficier les lecteurs de tous les résul
tats accumulés durantde longues années par un éditeur.
MÉLANGES.

NOTE

SUR UNE ÉCLIPSE DU TEMPS D ’AÇOKA (?).


D 'après Vincent Smith (Early history of India , 3. édit.,
Oxford , 1914 , p . 158-159), Açoka aurait accompli, en 249
av. J.- C ., son pèlerinage connu aux lieux saints bouddhiques,
ce sous la conduite de l'arhat Upagupta .
La construction des 84 .000 stūpas légendaires et le dépôt
des reliques du Buddha dans ces stūpas se placentlogiquement
peu après ce pèlerinage. Or, suivant Hiuan -tsang dans la
version de Watters (On Yuan Chwang's travels in India , London ,
R .A.S., 1905 , t. II, p. 91), le roi voulut faire placer les reli
ques, le même jour et à la même heure , dans les stūpas épars
dans tout son royaume. Ne sachant comment s'y prendre , il
s'adressa à Upagupta , qui l'avisa de donner ordre de déposer
les reliques au moment précis où , grâce à l'interposition de sa
main , le soleil s'obscurcirait dans tout le royaume.
L 'idée d 'une éclipse de soleil se présente tout naturellement,
mais encore faudrait-il qu'elle fût totale , ce qui est assez rare,
Or le canon des éclipses d 'Oppolzer (Kanon der Finsternisse ,
1887) , ouvrage qui fait autorité, indique, le 4 mai 248 avant
J.-C ., une éclipse de soleil visible de l'océan Atlantique à tra
le
vers l'Afrique, l'Arabie , le nord de l'Inde , jusqu'à la Chine
ver
136 JUILLET-SEPTEMBRE 1930.
centrale , éclipse totale pour la vallée du Gange de 3 à 4 heures
de l'après-midi (renseignements de M . RaoulGautier, directeur
de l'observatoire de Genève , suivant lettre du 15 avril 1920 ).
Le récit de Hiuan -tsang peut reposer ou sur une tradition
orale , conservée au Magadha , ou sur une tradition écrite , peut
être retraçable dans les sources hindoues et surtout chinoises.
Il n'est, d 'autre part, pas exclu a priori qu’un savant bindou
du 1°siècle avant J.-C . fût capable de prédire une éclipse de
soleil totale (cf. Encycl. Brit., IX® édit., vol. I, p. 559 d ;
vol. II, p . 744 d et 746 b ; X® édit., sub Saros cycle ; cf. aussi
Alberuni's India , trad . E . Sachau , London , Kegan Paul, 1910 ,
p . 107, t. II, etc .). Si tel est bien le cas, le fait même de
l'éclipse étant avéré , la tradition peut avoir un fond de vérité ,
en cee sens
sens au
au moins
n qu'Açoka aurait rapporté des reliques,
qu'il les aurait distribuées aux principales villes de son royaume
et qu'il aurait voulu que la cérémonie de leur dépôt fût célé
brée le même jour, au mêmemoment, dans tout le royaume.
Il pourrait, en résumé, y avoir dans le rapprochement du
passage de Hiuan - tsang el du fait de l'éclipse de 248 , non
seulement une confirmation de la légende du dépôt des reli
ques , mais une précision , plus importante, sur la date appro
ximative de la conversion d’Açoka et de ses suites immédiates.
Tout ceci peut n 'être que coïncidence curieuse , mais vau
drait la peine d'être vérifié.
Robert Fazy.
MÉLANGES. 187

SUR

QUELQUES IMAGES DE NÂGAS


À SAMBÓR PREI KŮK.
Les någas n'apparaissent qu'exceptionnellement dans l'art
pré-angkorien . Cependant, la tour principale du groupe Sud à
Sambór Prei Kůk nous en offrent plusieurs représentations qui
méritent d 'être étudiées de plus près.
Au -dessus de l'unique entrée du temple , qui jadis abritait
une idole çivaite , se trouve un grand linteau décoratif soutenu
par des colonnettes rondes et dont les sculptures sont exécu
tées en haut-relief(1). Au milieu , dans la partie inférieure du
linteau , on reconnaît Indra , dieu des orages et gardien de
l'Est. Il tient la foudre et porte en guise de coiffure une sorte
de tiare cylindrique assez analogue à celle qui caractérise les
images de Vişnu dans l'art khmer se primitifn . Figuré de face
et à mi-corps, il est flanqué de personnages dont on ne voit
également que le buste , et qui tous se sont tournés vers lui
avec des gestes de supplication , les mains jointes. Au-dessus
de chaque tête , là où les soulptures sont restées intactes , on
distingue très nettement un capuchon de cobra. Il s'agit donc
d 'une tribu de génies-serpents ou någas anthropomorphes.
Les måles se tiennent à droite du dieu ; les nâgis se sont ran
gées à sa gauche. L 'une de ces dernières présente uu vase qui

(1) Reproduit par H . Parmentier dans l'Art Khmer primitif, Paris, 1997,
t I , fig . 27
138 JUILLET-SEPTEMBRE 1930.
contientpeut-être des perles et d 'autres joyaux,ou bien quelque
breuvage miraculeux. Au-dessus de cette scène sont sculptés
deux serpents polycéphales assaillis par des garudas, repré
sentés ici comme des êtres hybrides , mi-oiseaux , mi-hommes,
semblables aux kinnaras ou harpyes.
Dans la composition décrite par nous, Indra apparaît donc
comme protecteur des någas et leur puissant allié . Mais peut
être est-il permis d'attribuer à l'image en question une signifi
cation plus précise. Le fameux passage du Mahâbhârata , con
sacré au sacrifice des serpents (ādi-p ., XLIX -LVIII), relate
comment le någaraja Takşaka, après avoir tué de sa morsure
venimeuse le roi de Hastināpura , Parikşît , vient trouver Indra
et se met sous sa protection afin d'échapper aux flammes du
bûcher allumé par Janamejaya. Quel que soit le sujet évoqué
par le sculpteur, un fait paraît certain : l'un des principaux
temples élevés sous le règne d'Içõnavarman atteste, par le choix
du motif sculpté au-dessus de son entrée , l'étroite union entre
Indra et le peuple des serpents. On est tenté d'y voir une allu
sion à la généalogie légendaire des rois cambodgiens, qui se
disaient être, à l'instar des rois du Fou -nan , les descendants
d'un brahmane et d'une princesse de race ophidienne.
Sur un autre linteau du même temple , trouvé celui-ci en
terre , au cours des fouilles de 1927, on relève également des
motifs ayant trait à des légendes de serpents. Au centre est
figuré un Çiva dansant dont le buste est entouré d'un någa.
Le corps du serpent est traité avec un soin tout particulier, et
l'on a l'impression qu'il s'agit là , non pas d 'un simple détail de
parure , mais d'une indication importante sur laquelle il con
venait d'attirer l'attention du spectateur. Le même linteau
montre, à ses extrémités, deux någas anthropomorphes ren
versés par des garudas. La lutte entre någas et suparņas est
un thème familier aux sculpteurs hindous, mais ce n 'est que
dans l'Inde du Nord -Ouest que les någas revêtent parfois , dans
MÉLANGES. 139
les représentations de ce genre, l'apparence d 'êtres humains.
On peut donc supposer une filiation directe entre les sculptures
de Sambór Prei Kủk et la plastique post-gandharienne, sinon
encore gréco-bouddhique, du temps des Gupta.
Il serait intéressant, à ce propos, de savoir s'il existe une
ne

relation quelconque entre les images décrites plus haut et le


Kamratān añ Mucalinda, donateur généreux, dont le nom a été
relevé sur les fragments d 'une stèle extraite des éboulis devant
l'entrée de la tour. Cenom évoque celui du någaraja qui abrita
de ses replis le Buddha menacé par une pluie diluvienne. Ainsi
que le constate M . L . Finot, il est curieux de retrouver, associé
aux vestiges d'une capitale pré-angkorienne, « le souvenir de
l'antique légendebouddhique» (1).
V . GOLOUBEW .

(1) Nouvelles inscriptions du Cambodge, B. E. F.E .-O ., t. XXVIII , nº 1- 9,


p. 43.
SOCIÉTÉ ASIATIQUE .

SÉANCE DU 14 MARS 1930.

La séance est ouverte à 5 heures sous la présidence de M . S. Lévi ,


président.
Etaient présents :
M " Lalou;MM .de Blonay, Bouvat, A .-M . Boyer, Buhot, CavaIgnac,
COHEN , Eisler , FADDEGON , FERRAND, Foucher , Griaule, Grousset,
JABLONSKY, KhaïRALLAH , Macier , MARÇAIS , MINORSKY, Moret, Nao , Niki
TINE, Posener, Przyloski, Des Rotours , VIROLLEAUD, WARE, Weill,
membres ; Benveniste , secrétaire.
Le procès-verbal de la séance du 14 février est lu et adopté.
Sont élusmembre de la Société :
Mmes Schultz, présentée par M® STCHOUPAK et M . S. Lévi;
SCHNURRENBERGER , présentée par M . Meyer et M . Foucher;
MM . DUThuit, présenté par MM . Dussaud et GROUSSET;
MOHAMMED Atiya, présenté par MM . Laoust et GAUDEFROY
DEMOMBYNES;
Nykl, présenté par MM . Mançais et MassiGNON ;
L . Roussel , présenté par MM . S . Lévi et GRIAULE ;
Tomomatsu, présenté par M “. Lalou et M . PRZYLOSKI.
Présentation d 'ouvrages : Mosaiques de la Mosquée de Damas , par
M . FADDEGON.
M . G .-S . Colin étudie les chiffres arabes dits « de Fezn , usités princi
palementdans les actes notariés , etdéveloppeles raisons paléographiques
et historiques qui l'ontconduit à leur reconnaître une provenance grecque.
Il y aurait lieu de se demander si la numérotation de l'arabe classique,
BRE 930
· 142 JUILLET-SEPTEM 1 .
que l'on dérive généralement de l'Inde, ne procéderait pas , elle aussi,
en dernière analyse , de lettres grecques employées comme chiffres.
Observations de MM . Cavagnac , Eisler, A .-M . Boyer , S. Lévi,
MARÇAIS.
M . GRialle donne un aperçu des résultats de sa mission en Abyssi
nie , dans le Begamder. Il insiste sur les curieuses survivances de cultes
locaux (de la jarre, du serpent, etc.) que le christianisme a assimilés,
et sur les pratiques qui les caractérisent. Il montre des peintures
relevées dans les églises abyssines et qui s'inspirent de légendes chris
tianisées ou de la vie quotidienne.
Il a recueilli aussi un grand nombre de dessins enfantins qui con
trastentagréablement avec la manière stylisée des peintures et des mi
niatures classiques.
Observations de MM . Mançais , Ersler, Weill .
La séance est levée à 6 heures et demie.

SÉANCE DU 11 AVRIL 1930.

La séance est ouverte à 5 heures, sous la présidence de M . Sylvain


Lévi, président.
Étaient présents :
Mes Cuisinier , Gallaud , HOMBURGER , Lalou; M - STCHOUPAK ;
MM . BASMADJIAN , Bouvat, P . BOYER, FADDEGON , FOUCHER , DE GENOUILLAC ,
GRENARD , HUMBERT, JEAN, MINORSKY, Mossé, Nikitine, Pelliot, Przy
LUSKI, DES ROTOURS, SAKISIAN , SIDERSKY , TOPTCHIBACHY, Vosy-BOURBON,
membres; Benveniste, secrétaire.
Le procès -verbal de la séance du 14 mars est lu et adopté.
Sont élus membres de la Société :
MM . G . Sarton , présenté par MM . GROUSSET et Bouvat;
R . FOLLET, présenté par MM . Boyer et BENVENISTE .
M . SIDERSKY fait une communication sur l'époque des patriarches
hébreux, qu'il essaie de déterminer d'après une éclipse de soleilmen
tionnée dans la Genèse, chap. XV, 12. La seule éclipse de soleil qui,
du xxII° au XX° siècle avant J.- C ., ait été visible en Palestine, est celle
SOCIÉTÉ ASIATIQUE. 143
du 24 août1939. C'est donc dans la première moitié du xx° siècle
avant J.-C . qu'il faudrait placer la vie du premier patriarche hébreu.
Mº• HOMBURGBR étudie , à la lumière des constatations qu'elle a faites
précédemment sur les langues africaines , les rapports du nubien et du
vieil-égyptien , et fournit une série de correspondances qui unissent le
nubien à l'égyptien d'une part, au copte de l'autre.
Observations de MM . SIDERSKY el BenvenisTE.
La séance est levée à 6 heures et demie .

SÉANCE DU 9 MAI 1930 .

La séance est ouverte à 5 heures , sous la présidence de M . Sylvain


LÉvi, président.
Étaient présents :
Me Lalou, MEYER; MM . Bacot, BASMADJIAN , Béridzé, Bouvat ,
Boyer , Bunot, EISLER , FADDEGON, Favre, Ferrand, Follet, HUMBERT
KHiRaLLAH , MINORSKY, Nikitine, Pelliot, SIDERSKY, VIROLLEAUD,
membres ; BENVENISTE , secrétaire.
Le procès-verbal de la séance du 11 avril 1930 est lu et adopté.
Sont élus membres de la Société :
MM . DUFRESNE, présenté par MM . S . LÉvi et J. Bloch ;
KELLER, présenté par MM . S. Lévi et STCHOUKINE ;
Akashi, présenté par MM . S. Lévi et TomomatsU;
Kawasé, présenté par MM . S. LÉviet TomomatsU ;
GALBIATI, présenté par MM . BENVENISTE et Renou ;
Fazy, présenté par MM. S. Lévi et GROUSSET.
Ouvrages offerts à la Société :
S. TOMOMATSU et H . Meyer, Dignaga, par M . S. Lévi; Rocznik
Orientalistyczny, t. VI, et STCHOUKINE, Miniatures persanes du Louvre ,
par M . Ferrand ; Lettre turque à la Chambre de Commerce de Marseille,
par M . FaddeGON. A ce propos, M . EISLER informe la Société que
M . FORRER a généreusement offert à la bibliothèque de l'Institut la
grande carte archéologique de l'Asie Mineure qu 'il a dressée.
M . BÉRIDZÉ fait un exposé sur l'influence française au cours du
144 JUILLET-SEPTEMBRE 1930.
développement de la littérature géorgienne (voir l'annexe au procès
verbal ).
M . FaddEgon montre à la Société un agrandissement d 'une figure
tirée de Riefstahl, The date and provenance of the automata miniatures ,
XI, 2 (New York , 1929). Il y trouve un tableau des cryptogrammes
ayant vraisemblablement la signification non de lettres , mais de
chiffres , et correspondant à un abujād dont Al-Jazarī se serait servi.
M . Eisler propose de voir, dans les cryptogrammes du tableau de
M . Faddegon, des signes zodiacaux. Il développe à ce sujet des consi
dérations sur les noms et la valeur ancienne des lettres employées
comme chiffres en Grèce et à Rome.
La séance est levée à 6 heures et demie.

ANNEXE AU PROCÈS -VERBAL .

LA GÉORGIE ET LES LETTRES FRANÇAISES.

Depuis que la Géorgie existe , elle cultive la poésie. Ses chansons


populaires sont pleines d'ardeur poétique. Les chansonniers-improvisa
teurs du pays , de même que les trouvères provençaux , chantent la
grandeur de la Nature, la noblesse de l'Amour, l'odeur enivrante du
Printemps, le charme des Rossignols, toujours amoureux de la Rose ,
l'abondance de l'Automne et l’avenir de la Patrie.
L 'invention de l'alphabet (11° siècle avant notre ère) , l'introduction
du christianisme (Ivº siècle ), l'arrivée au pouvoir de la fameuse dynastie
des Bagration (vº-XVII° siècles ) contribuèrent au développement des
lettres géorgiennes.
Partout, dans les chansons, comme dans les æuvres littéraires, c'est
le vice qui est puni, c'est la vertu qui est récompensée.
Après des luttes innombrables , après une décadence momentanée , la
littérature acquiert une nouvelle force , et c'est ainsi qu'on arrive , vers
la fin du xiº siècle , au fameux Rousthaweli , dont le génie et les
maximes ingénieuses répandues çà et là dans sa Peau de Léopard, nous
font penser souvent aux idées de Pascal (sur l'amour ), de Rousseau
( sur la vie sociale ) , de Gérard de Nerval ( sur l'amitié) , et de bien
d'autres encore .
Le prince Mamouka Barathachwili (xvu siècle ), dans son poème
SOCIÉTÉ ASIATIQUE. 145
didactique : L'Échantillon (), assume le rôle d'un Boileau géorgien ;
vrai maitre des poètes, il précise , avec sa clarté et sa simplicité habi
luelles, les buts , le rôle social de la poésie , les moyens de simplifier la
versification géorgienne, jusqu'alors compliquée.
Saba Orbéliany, diplomate et écrivain , s'inspire des Fables de
La Fontaine (+ 1695 ) et compose son chef-d'oeuvre : Le Livre de la
Sagesse et du Mensonge, recueil de fables et contes didactiques , écrit en
excellent géorgien , où Maître Renard et le Loup , le Chameau et le
Léopard , le Cerf et la Tortue, le Serpent et le Faucon , etc., jouent le
rôle des hommes pour leur donner des leçons. L'auteur de cette œuvre,
grand patriote du xviie siècle , était venu en mai 1711 à Versailles ,
quelques mois avant la mort de Louis XIV, pour exposer, au nom du
roi Wakhtang VI (+ 1738 ), prisonnier des Persans, la véritable situa
tion du pays et pour demander au Roi-Soleil son intervention au profit
de la Géorgie, martyre séculaire de sa foi et de sa fåcheuse situation
géographique. C'est à cette époque qu'il fait connaissance avec les
@ uvres de La Fontaine à Paris, et devient son plus fidèle admirateur.
Le fabuliste et diplomate géorgien emploie toute sa prudence habi
tuelle pour arracher la Géorgie (par le moyen du Protectorat français )
aux mains cruelles de ses persécuteurs , mais la mort du roi de France
( septembre 1715 ) abrège son espoir ; il est persécuté lui-même, exilé
ensuite , et meurt à l'étranger, en 1725 , à Moscou .
Le poète Gouramichwili (+ 1774 ) compose des vers sonores, en sui
vant les conseils de Barathachwili, de ce législateur de la poésie géor.
gienne.
Les idées de ce poète du xyıuº siècle nous rappellent souvent celles
qu 'on trouve dans les vers qui ont envahi les Leltres françaises aussitôt
après la naissance des idées révolutionnaires en France.
Selon lui, les conditions de la vie sont pernicieuses , son aspect est
illogique et conçu pour le malheur des êtres vivants. Le corbeau caresse
souvent la rose , et le rossignol se marie fréquemment avec l'épine. ..
Les êtres invisibles, ennemis acharnés de l'humanité , ont introduit
dans cette vie agitée - la ruse et le mensonge, le dénigrement et la
guerren . . .
Une haine fâcheuse a pénétré dans la vie de toutes les nations. Les
réflexions profondes troublent le cæur sensible du poète ; il déplore a
détresse de sa lyre inspirée . Personne autour de lui : ni fils , ni fille ;
loin de son pays il brûle , tout entier, pour sa Patrie plongée dans la
(1) Tchachniki en géorgien .
CCXVII. 10
PRIMERET NATIONALE .
146 JUILLET-SEPTEMBRE 193 0 .
souffrance. Pessimiste convaincu , David Gouramiçbwili déverse toute sa
bile dans sa poésie tragique.
Un peu plus tard , le poète martyr André Chénier, se trouvant à
l'étranger, reproduira Gouramichwili sans le connaître, dans sa poésie
Sans parents (Londres, 1782) :
Sans parents, sansamis et sans concitoyens,
Oublié sur la terre et loin de tous les miens. . .
Je me plains du sort,
Je souhaite la mort. . .

Vers la fin du Xvu siècle on commence , en Géorgie , à s'initier aux


@ uvres littéraires françaises.
Les voyages au Caucase de Chardin , Tavernier et Tournefort contri
buent à faire connaître la Géorgie en France .
Les drames et les tragédies de Voltaire ( Alzire , un exemplaire à la
Bibliothèque nationale en manuscrit, ancien fonds Géorgien nº 12 ,
Zaïre ), de Corneille ( L'OEdipe , Cinna , Le Cid ) , de Racine ( Esther ),
sont plus tard traduits par les lettrés du pays,dont il font l'admiration
(xvulº- xıx° siècles ).
Le vrai fondateur du théâtre géorgien à Tiflis , Gerges Eristawi,
compose lui-même, au début du xix° siècle , plusieurs comédies, non
sans subir l'influence de Molière. La meilleure, son ehef-d'æuvre dra
matique, l'Avare , traite du même sujet, et s'indigne contre le même
vice que l'Avare de Molière.
Dans sa comédie en vers La Folle , le dramalurge géorgien pleure
avec émotion la mort tragique d'André Chénier et la fin déplorable de
Gérard de Nerval.
Les œuvres de Molière trouvent plus tard des traducteurs : 1° Dimi
tri Kipiany, patriole et homme de lettres; 2° le grand poèle Akaky
Tzérétély ; et 3º Jean Matchawariany ( XIX-XX° siècles).
A la tête des écrivains du xix siècle se place Alexandre Tchawtcha
wadzé, dont le chef-d 'æuvre poétique, les Différents ages de l'Homme
(1836 ) fut inspiré par unedes poésies de V. Hugo.
Dans cette æuvre admirable , le prince géorgien déplore la fragilité ,
l'incertitude de l'avenir de l'Humanité entière.
Le monde, selon lui, est né, comme un enfant, dans la souffrance ;
il est faux et difficile à comprendre. Ce sont les souffrances, les priva
tions qui peuplent le chemin hasardeux de l'Humanité et qui conduit
l'homme du berceau à la tombe. Aucun vice n 'est étranger aux
SOCIÉTÉ ASIATIQUE. 147
humains : ni la cupidité et les exigences exagérées , ni le désir d'une
gloire éphémère, ni la frivolité.
Le poids de l'existence pèse affreusement sur l'homme, l'inégalité des
âges, des chances et des fortunes le tourmente sans cesse. La force de
ses sentiments diminue et , enfin , la niort, précédée de maux de toutes
provenances , lui chuchote à chaque instant : «Né dans la tristesse —
tu disparaîtras dans la douleurl. ..'.
Le grand poète français, dont A . Tchawtchawadzé était un fidèle
lecteur, dans le texte original, s'exprimedans les mêmes termes dans sa
poésie : « Où donc est le bonheur ?» (1830) :
Ainsi l'Homme, ò mon Dieu ,
Marche sombre
Du berceau
Au sépulcre plein d'ombre. . . V . Hugo.
Ainsi qu'Hugo, le poète géorgien a connu les heures tragiques de la
disgrâce et de l'exil, ayant participé à la tentative de délivrance du pays
en 1832.
Le célèbre auteur de la fameuse poésie Pégase , Nicolas Baralha
chwili, de même que Lamartine, s'inspire de la poésie byronienne.
Il chante sa douleur, il contemple la grandeur de la Nature créatrice ,
comme le romantique français, il s'élève en songeant à l'amour.
Lorsque l'actualité brutale, injuste et incertaine se dévoile devant le
poète , il maudit l'existence et appelle Pégase , coursier ailé, à son
secours, pour s'éloigner de ces lieux tristes et remplis de vice .
Si je dois disparaître à mon heure dernière ,
J'irai seul, sans crainte , au devant de la mort,
dit-il.
C'est Pégase qui doit l'emporter dans le ciel , mais c'est le sinistre
corbeau , noir de corps et d'âme, qui l'escorte de ses cris cruels.
Vole , Pégase (1) – prie le poèle — , vole, ignorant la fatigue,
Plane , et disperse au vent mes souffrances infinies . . .

Ainsi que Lamartine, il appelle la mort pour ne plus subir les bles
sures des Mèches parfois mortelles de l'existence. Pessimistes – ils
nomment tous les deux la Terre leur « exil, , le ciel, leur eséjour , -
la venue de la mort est leur but final.

(1) Mérany en géorgien .


10 .
148 JUILLET- SEPTEMBRE 1930.
La beauté inspire profondément le poèle géorgien , et , comme Bau
delaire, il compose un hymne éternel à la nature ; il chérit la mer, il
caresse les flots de la Koura , qui divise en deux la ville de Tiflis ,
il écoute les oiseaux ( Au bord de la Roura , Esprit malin ), contemple
les astres et l'arc-en -ciel.
Ainsi que l'auteur des Fleurs du Mal, il aperçoit que « sans cesse à
ses côtés s'agite le Démonn.
C 'est l'idée de la mort qui « fait vivre , tous deux à cet instant cruel ,
ils ne songent qu'à l'autre monde inconnu, plus supportable que celui
d 'ici-bas.
Les poètes Orbéliany, A . Tzérétély, Elias Tchawtchawadzé, étaient
de grands admirateurs de la pensée et des lettres françaises.
Ce dernier, traducteur de poésies d'André Chénier, de Lamartine et
de Victor Hugo, consacre une de ses poésies à la ville de Paris. Il y
exprime sa profonde sympathie pour la nation française, héroïque
durant de longs siècles; il l'admire pour son ardeur chevaleresque ,
pour son empressement à servir sans cesse la cause sacrée de la liberté
et celle de la Patrie (Paris, 1898 ).
A . Tzérétély , prince de la Géorgie occidentale , traducteur de
La Fontaine et de Molière, promet dès le début de sa carrière poétique
une impartialité digne de foi. r Mon encre , dit-il, est composée de
larmes et de miel, de fiel et d'acide. Les uns seront contents en goû
tant les vers de ma poésie , les autres blessés et mécontents ; mais le
poète restera toujours impartial, car le rossignol fait vibrer également
bien ses chansons variées, fût- il sur la rose , fût-il sur les épines.
Lorsque des nuages politiques imprévus assombrissent le clair ciel
de son pays, dans les moments d'inspiration poétique, notre poète
s'éloigne de son entourage perfide et envieux, il s'empare de sa lyre,
symbole de sa puissance, il cherche ses images poétiques, ses rémaux
et camées , tel le grand poète français, et les découvre dans la nature :
Ma poésie n 'est nullement une chanson de rossignol, car la rose de mon
ceur est fanée . Les épines mortelles remplissent mon çeur blessé et le triste
corbeau m 'annonce le emalheurn . . .

L 'avenir est aussi incertain que le souffle du zephyr, le passé est


fâcheux, le moment actuel , anormal, indifférent parfois, et égoīste
presque toujours.
Dans sa poésie Les différentes Nations, Tzérétély nous caractérise en
quelques mots l'esprit pratique des Anglais, et la persévérance ,
SOCIÉTÉ ASIATIQUE. 149
l'énergie , l'héroïsme en cas de danger national des Français. Ceux qui .
ont choisi pour devise :
Liberté ,
Fraternité et
Amour.

Leurs sciences , arts , lettres, philosophie se sont partout répandus,


selon ce grand géorgien .
Il m 'est impossible , dans une brève étude, d'insister plus longue
mentsur les relations spirituelles et littéraires des deux pays,mais une
chose est certaine
ugo,infrançaises
Hscience hoprimessouvent
oltaire, Cs'exprime
pour nous
o:ul'amour
vent dansdes leslettres, de la langue et de la
écrits géorgiens; La Fon
laine, Voltaire , Chénier, Lamartine, Baudelaire, et surtout Victor
Hugo, influencent certains écrivains , provoquent leur admiration et les
touchent profondément.
[Nota : Parmi les philosophes et savants français, les plus populaires
en Géorgie , on peut citer : Pascal , Rousseau , Pasteur, Taine, Bergson
etGustave Le Bon.]
En revanche, la Géorgie attirera l'attention de la France dès que
Tavernier, et surtout Chardin , suivis de Tournefort (xvii'-XVIII° siècles )
auront publié leurs remarquables relations de ce pays.
Ces voyageurs , ainsi que Mirabeau (dans ses deux lettres sur
l'Orient), admirent entre autres choses la beauté des femmes , l'hospi
talité et la galanterie des habitants. Alexandre Dumas père y passe
plusieurs mois et dans ses trois volumes consacrés aux États du Cau
case l'appelle « le pays des beaux yeuxn.
Le célèbre orientaliste Saint-Martin attire l'attention de Brosset,
fameux linguiste français , un des fondateurs de la Société asiatique,
sur la Géorgie; ce dernier, ayant abandonné ses études chinoises ,
consacre toute sa longue vie ( 1800-1880) à la langue, à l'histoire et à
la littérature géorgiennes. Son Art libéral ou grammaire géorgienne
(1828 , Paris ), son Histoirc de la Géorgie (1848 -1858 ) et ses Recherches
linguistiques et archéologiques (1838 - 1858) sont devenues classiques.
Une des rues de Tiflis porle le nom de Brosset et il est considéré comme
le créateur de l'étude scientifique de la Géorgie et de l'Arménie .
Depuis lors la Géorgie se fait de plus en plus connaitre el plusieurs
lettrés géorgiens voguent, malgré les temps difficiles, vers la France
lointaine, assoiffés de la connaissance du français et des Lellres fran
çaises.
Théophile Gautier, dans son poème La Femme, nous présentera en
150 JUILLET - SEPTEMBRE 1930 .
quelques mots cette belle Géorgienne indolente , captive des ennemis ,
contemplant l'inévitable narghilé oriental.
C'est ainsi que, peu à peu , la beauté géorgienne devient proverbiale
et les nuances infiniment variées de la nature du pays, ses lieux poé
tiques servirontde canevas à certains romans contemporains (Dekobra ,
Keun , etc.), sans parler de la meilleure des tragédies de Crébillon père
Rhadamiste et Zénobie (1711), dont le sujet fut tiré par le dramaturge
français de l'Histoire géorgienne du 1e siècle de notre ère. Le héros
principal du drame est Pbarsman (+ 70 de J.- C .) , roi d'Ibérie, qui
occupe le trône géorgien à Artanis, alors capitale du royaume.
Cette tragédie a été traduite en vers géorgiens et éditée à Paris en
1929. )
Un autre Français, Achaz Borin , chercheur infatigable et intrépide
voyageur au Caucase , donne la traduction complète ( en prose) de la
Peau de Léopard de Rousthaweli , et la fait paraître à Paris en 1886 .
Celte traduction obtint un vif succès et fut épuisée en quelques mois.
Éloigné depuis plusieurs années de la Géorgie , en raison de sa
situation actuelle, il m 'est difficile de savoir quel intérêt porte la Géorgic
contemporaine aux Lettres françaises.
Ch . BéRIDZÉ.
COMPTES RENDUS .

Rudolph Said-Ruete. SAID BIN SULTAN ( 1791-1856 ), ruler of Oman and Zan
zibar, his place in the history of Arabia and East Africa. - Londres ,
Alexander -Ouselly, 1929 ; XVIII-200 pages , avec une carte et 6 planches.
Le golfe Persique, l'Arabie méridionale et la côte orientale d'Afrique
sont depuis longtemps en relations étroites et continues. Le régime des
moussons de l'océan Indien rend aisés les voyages annuels des voiliers
arabes de Mascate à Zanzibar et Madagascar, par exemple, en mousson
de nord -est, et leur permet de revenir à leur port d'attache par lamous
son de sud-ouest suivante. En fait , les Persans ont précédé les Arabes
dans cette voie , si tant il est qu'ils ne leur aient pasmontré le chemin :
on sait que la côte orientale d'Afrique était désignée à haute époque et
maintenant encore sous le nom de « pays du Zeng # j , ou des Zengs en
'omānais et en égyptien (« pays du Zenj ou des Zenjs , dans les autres
dialectes arabes ) et que si n 'est pas autre chose que le persan
e nègres, dont la prononciation avec palatale sonore cache la véritable
étymologie . Au x° siècle , Masʼūdí a voyagé dans le golfe d’Aden et sur la
côte africaine et nous serions mieux informédes ports qu'il visita si on
avait pu identifier son énigmatique île de glis ķanbalũ qu'on ne sait
encore où situer (Prairies d'or , t. I, p. 232 et suiv.). C 'est vers cette
époque, en 230/941, qu'aurait été fondée Mogadišo (le Magadoxo de
nos cartes) par des Persans zaydiyya de Sirāz qui, partis de l'île de Hor
muz , firent d'abord escale à Mogadišo et Brava où ils trouvèrent installés
déjà des Persans d'une autre secte. Continuant leur route , ils fondèrent
une dynastie à Kilwa. Quelques-uns d'entre eux allèrent s'installer dans
les iles Comores et même sur la côte orientale de Madagascar (1).
(1) Cf. Gabriel FERRAND, Les sultans de Kilwa dans Mémorial Henri Basset,
t. I, p. 239 -260.
152 JUILLET-SEPTEMBRE 1930.
Les ports des deux côtes du golfe Persique prenaient une part active
au commerce de l'Inde et de la Chine. Sīrāf fut d'abord le grand empo
rium de la région où fréquentaient les navires de la Chine; puis, les
circonstances firent émigrer marchands et marins en 'Omān. La situa
tion était difficile pour les uns et les autres : les petits sultans arabes
entravaient plutôt qu 'ils n 'aidaient les opérations commerciales ; les
pirates infestaient le golfe. Tout était prétexte à conflit : la race, la
religion et surtout les sectes religieuses : Persans et Arabes ; Sunnites ,
Cbiites , Wahhābites , Hārijites , sectaires de croyances d'autant plus
hostiles les unes anx autres qu'il s'agissait d'hétérodoxes d'une même
religion. A ces causes nombreuses demésintelligence et d 'hostilité active,
s'ajoute la présence de pirates redoutables aux populations côtières et
aux marins du commerce. Chaque petit sultan est un dangereux chef de
bande etla côte arabique à l'est du cap Musandam porte aujourd 'hui
encore le nom sinistre de : côte des pirates. C'est seulement dans ces
toutes dernières années que l'Angleterre a mis un peu d'ordre dans ce
chaos.
Depuis 1154/1741, règne à Mascate et à Zanzibar la dynastie des
Āi bū Sa'id . Cette dynastie et les précédentes nous sont bien connues
par la History of the Imāmsand Seyyids of Omān de George P. Badger
(t. XXXVII des publications de la Hakluyt Society, 1871 (1)). A cette
époque, jusque vers la fin du xvun° siècle , le souverain arabe est encore
imām abādite (ou ibāạite ).
Les règnes de ces souverains ont eu si peu d 'importance que dans
son Histoire des Arabes (t. II, p. 257-282), Clément Huart a pu
épuiser le sujet en un court chapitre. L'un deux mérite , cependant,
une étude particulière et tel est l'objet de ce livre. Il est dû à une cir
constance romanesque : un allemand établi à Zanzibar s'éprit d'une fille
du sultan et futpayé de retour. La princesse arabe lesuivit en Allemagne
après l'avoir épousé à Aden et s'être convertie au christianisme ).
M . Rudolph Said -Ruete , l'auteur de ce volume, est le fils de la princesse
Salma devenue Emily Ruete , et le petit-fils de Said bin Sultan ( lire :
Sa'id bin Sultān , le nom et le titre complets étant : Sayyid Said Ahmed
bin Sulțān , d'après le cachet reproduit sur la couverture (3)). Il naquit
(1) Par Salil ibn Razik. Elle va de 661 à 1856 et a été continuée par le
traducteur jusqu'en 1870.
(2) Cf. Emily Ruete , Mémoires d'une princesse arabe , trad. franç., Paris,
1905, in -8°.
(3) L'auteur qui n'est pas arabisant, a transcrit uniformément Said qui est
ſautil dans les deux cas , qu'il s'agisse de la Sayyid ou de keu Sa'id .
COMPTES RENDUS. 153

en 1791 et monta sur le trône de Mascate en 1209/1804 . Les premières


années de son règne furent employées à consolider sa situation , et à
lutter contre les pirates ķawāsim et contre les Persans, avec des aller
natives de défaites et de victoires. Ces opérations de guerre qui ont été
contées en détail, ne valent que d'être sigualées ici (cf. p . 18 et suiv.).
Mais Sayyid Saîd pensail à la partie africaine de son royaume et avait
sans doute hâte d'aller y faire acte de souverain ; il n 'avait pu jusqu'alors
que s'y faire représenter par un agent. Il se rendit personnellement à
Zanzibar en 1829, et essaya d 'imposer son autorité sur la côte orientale
d'Afrique; mais la campagne fut infructueuse et il retourna à Mascale
en 1830. Même insuccès dans l'attaque de Soḥār, au nord de Mascale.
Successivement, Sayyid Şaīd élait tantôt à Zanzibar, tantôt à Mas
cate ponr sauvegarder ses intérêts dans l'une et l'autre de ses deux
possessions; mais c'est Zanzibar surtout auquel il s’altacha. C'est là
aussi qu'il entra en relations avec les puissances étrangères : la France ,
l'Angleterre qu'il connaissait déjà , étant à Mascate , pour avoir eu de
fréquents rapports avec le gouvernementdel'Inde, et les États-Unis d'Amé
rique. Dans cette partie , la plusnotable de sa carrière (p. 130 el suiv .),
il semble avoir recherché le contact avec les Européens dont il appré
ciait sans doute les connaissances, avec l'intention de les acquérir et
les utiliser pour le bénéfice de son pays. Ceci est tout à son crédit ,
car il ne montra jamais la xénophobie de ses parents et compatriotes de
1"Omān . L 'hommeest sympathique : il fut généreux, libéral et juste , et
ce sont de remarquables qualités pour un souverain , surtout pour un
souverain oriental. Les relations des marios et voyageurs européens en
témoignent (voir p. 151etsuiv.). Bien qu'il eût épousé plusieurs femmes
arabes el persanes, il fit demander sa main à la reine de Madagascar ,
alors veuve, en 1833. Comme il réclamait en même temps l'aide de
2 .000 hommes à fournir pour faire campagne contre Mombasa , ce ma
riage n'eul pas lieu. Mieux renseigné sur les meurs malgaches, il n'au
rait pas risqué uneproposition de cette nature qui était inévitablement
vouée à l'insuccès (p. 91).
Sir Percy Cox a écrit pour ce volume une introduction dans laquelle
Sayyid Sa'id est dépeint comme one of the most remarquable and dis
tinguished actors who have crossed the stage of Arab history (p. XI)“.
Si Sir Percy connaissait mieux l'histoire des Arabes , il aurait été moins
dithyrambique : trop louer nuill Sayyid Saîd fut un souverain remar
quable dans la sphèremodeste où le fit évoluer le destin et c'est une
assez belle oraison funèbre.
Nous devons savoir gré à M . S.-R . de nous avoir donné celle utile
154 JUILLET-SEPTEMBRE 1930.
monographie du règne de son grand père qui méritait d'être exposé
en détail.
Gabriel FERRAND.

Walter GottSCHALK. KATALOG DER HANDBIBLIOTHEK DER ORJENTALISCHEN AB


teilung [der Preussischen Staatsbibliothek ). — Leipzig , Otto Harrasso
witz , gr. in -8°, x1 + 573 pages.
Ce catalogue des livres de référence de la Bibliothèque Nationale de
Berlin a loutes les qualités qu'on peut demander à une publication de
ce genre . Les livres de référence dont il s'agit sont divisés en huit sec
tions : I. Généralités (histoire de l'écriture et de l'imprimerie , histoire
de la littérature, bibliographie, biographie , histoire des sciences. L 'bis
toire de la littérature comprend : l'Asie occidentale , l'Asie orientale ,
l'islām et la littérature arabe, la Perse, la Turquie ; l'Asie Mineure ,
Syrie et Mésopotamie , l'Arménie , le Caucase, le Turkestan russe, la
Sibérie et les peuples turks , l'Inde et l'archipel malais; le Tibet, la
Mongolie et la Mandchourie , la Chine, le Japon et la Corée , le boud
dhisme, le manichéisme, le christianisme en Orient; l'Egypte et le Sou
dan égyptien , l'Abyssinie , l'Afrique du Nord; les langues africaines , le
judaïsme postbiblique).
II. Catalogues de bibliothèques et histoire des bibliothèques (biblio
thèques publiques et bibliothèques privées ); III- V. Langues et littéra
tures orientales ; VI. Langues et littératures africaines; VII. Histoire ,
ethnographie, religions nationales; VIII. Religions universelles (boud
dhisme, manicbéisme, islām , judaïsme postbiblique , christianisme en
Orient).
Suivent des additions el corrections. Un index alphabétique des noms
d'auteurs termine le volume (p . 485-573). Grâce à cet index et à la
table des matières détaillée qui ouvre le volume, on peut rapidement
Trouver l'ouvrage qu'on cherche , dont la cote est indiquée.
Ce volume fait honneur au bibliothécaire qui l'a conçu et en a sur
veillé l'impression. M . G . a doté sa bibliothèque d'un nouvel et excellent
instrument de travail. Qu'il en soit remercié , ainsi que le directeur gé
néral de la Bibliothèque prussienne et le directeur de la section orien
tale de l'établissementberlinois.
Gabriel FERRAND.
COMPTES RENDUS. 155
Konrad MILLER. MAPPAE ARABICAE, Arabische Welt- UND LÄNDERKARTEN ,
IV Band , Asia II, Nord - und Ostasien, mit Beiheft : Islamatlas nº XIII-XX,
herausgegeben von — , - Stuttgart, Selbstverlag des Herausgebers , 1929.
La publication de cet important travail se poursuit de la façon la plus
satisfaisante , et on ne saurait trop en savoir gré à l'auteur. Le fascicule
actuel traite de l'Arménie et Adarbayjān ; Jibāl et Irāk ‘ajami, Tabaristān
et Daylam , grand désert persan ; Seistan (arab. wlins , qui est à lire
Sagastān, ainsi que l'exige l'étymologie ); Horāsān , Huwārizm , l'actuelle
Khiva ; Transoxiane, en arabe fill Bly lo rece qui est derrière le fleuven ,
l'actuel Turkestan occidental. Ces pays et régions sont indiqués par les
géographes arabes comme pays d 'Islām . Suivent les pays hors de l'Islām
dans le nord-est : Turks occidentaux; les pays septentrionaux et les
peuples de l'Asie ,de la Caspienne à l'Altaï; les pays mythiques d'après
le récit de voyage de l'interprète Sallam en 842 et Ptolémée; le mur
des Mongols ou d'Alexandre le Grand et la limite de nos connaissances
dans le nord -est; au delà du mur ( p. 55- 96 ).
L'Islamatlas nº XIII contient les reproductions des cartes suivantes :
Adarbayjān , Šibāl ou 'Irāķ ‘ajamī, Tabaristān , mer Caspienne, grand
désert persan, Seistān , Horāsān , Transoxiane ( p. 59*-92*). Chacune des
cartes est reproduile en photographie , puis au trait avec transcription
des noms géographiques. Elles peuvent ainsi élre utilisées par les géo
graphes et historiens non orientalistes.
Dans le fascicule dont on a donné plus haut le contenu , on trouvera
un examen détaillé de la partie envisagée d 'après la carte d'Edrīsī. Elle
est d 'abord reproduite en noir , et une seconde carte au trait indique la
situation exacte des différents pays et villes mentionnés par Edrīsī.
Pour l'Arménie , par exemple , le commentaire énumère les pays inscrits
sur la carte : Ar-Rān , Adarbayjān , Haute Arménie , Basse-Arménie et
Petite-Arménie (l'auteur en donne quelquefois le nom ancien et les
principales villes ; les fleuves ou rivières ; les montagnes , les routes de
communication ). Chaque section est ainsi éludiée en détail, avec des
croquis spéciaux quand les circonstances l'exigent ( cf. par exemple ,
p . 68-69 pour le Seistān ; p. 70-73 pour le Horāsān ). Le croquis 164 ,
p . 84 , appelle quelques rectifications : il faut lire Hazar sur la Basse
Volga , au lieu de Hozar ; Kiſsağ est sans doute la transcription exacte
de la graphie orientale , mais il n'eut pas été inutile d'ajouter en des
sous Kipčak , que cette transcription représente ; Bagargar ses est une
graphie fautive pour
aphie fautive pour jesjö Tuguz-oguz, une peuplade turque bien con
malement déformé
nue, dont le nom a été généralement déformé par
par les for la plTibet
les Arabes. upart
w est à lire ce Tubbat, qui est la vocalisation donnée par la plupart
156 JUILLET - SEPTEMBRE 1930.
des textes arabes ; Hirhir by est sans doute ponr Hirhīz , jasne , les
Kirgiz .
M . K . M . tient (p . 91) le voyage de Sallam pour réel, et il a parfai
tement raison. L'article du comte Zichy dans le Körösi Csoma-Archivium
(Budapest , 1922, 1, 3 , 190/204 ), dont on m 'a aimablement fait par
venir un exemplaire , est tout à l'appui de cette opinion. Dans ce cas,
comme dans bien d'autres du même genre , les informations lacunaires
qui nous sont parvenues sont généralement la cause de notre incerti
tude, et tant de textes restent encore à retrouver !
La question du mur fameux de Gog et Magog est trop compliquée
pour être traitée dans un compte rendu . Je me contenterai de dire ici
que suivant les textes qui en font mention , il s'agit tantôt de la mu
raille de Chine et tantôt du mur élevé au Dagestan , dont Derbend est la
porte ( en persan e barrière , passe , défilén, en arabe al-bāb « la porte ,
et bāb al-abwāb « la porte des portes n). Dans les deux cas, il s'agit d'une
muraille de protection contre les incursions des Barbares.
Tel est, en résumé, le contenu de ce nouveau fascicule et de l'atlas
quil'accompagne. On ne saurait trop remercier M . K . M . d'avoir mis à
notre disposition ces précieux documents cartographiques éparpillés
dans un grand nombre de bibliothèques. Historiens et géographes du
moyen âge pourront ainsi les utiliser aisément, ce qui doit assurer le
succès de celle publication. Enfin elle touche à son terme, et nous pou
vons espérer recevoir bientôt les derniers fascicules de cette pnblica
tion , qui était depuis longtemps attendue.
Gabriel FERRAND.

Mathéa Gaudry. LA FEMME CHAQUIA DE L'AURÈs, étude de sociologie berbère .


Paris,librairie orientaliste PaulGeuthner, 1928; in -8° carré ,xvi-316 pages,
avec une bibliographie , 49 planches et 65 figures.
Après avoir situé l'Aurès dans son milieu géographique et exposé
brièvement son histoire, sa religion et son dialecte (p. 1-15 ), M - M . G .
étudie en détail l'habitat de la femme, ses vêtements et ses ornements
(hygiène et soins corporels , chevelure , parfums, tatouages et bijoux,
p . 40-48 ).
Le chapitre 1 traite de la condition sociale et juridique : constilution
de la famille, la fille, la femmemariée (formation du mariage, fêles du
mariage, vie conjugale , maternité , union libre , la veuve, la femme
libre , la femme au point de vue successoral, les funérailles de la femme,
COMPTES RENDUS. 157

p . 55 -133). L'activité de la femme : fonctions économiques ( travaux


domestiques; alimentation et cuisine; travaux agricoles et élevage : tra
vauxdes champs, jardinage, élevage; travaux industriels : travaux de
la laine,de l'alfa , fabrication des poteries, préparation des cuirs;séchage
des fruits et légumes, de la viande et de la graisse ; fabrication de l'huile ,
du goudron ; construction de la maison , montage de la tente, p. 135
229 ).
Chapitre 11. La femme et la religion : femmes et marabouts ; mara
boutes , sorcières et tbībat edoctoresses» ; les fêtes religieuses (p. 230
279 ).
Chapitre 11 . Notions générales sur les rapports des sexes en Aurès ;
conclusion (p . 280-288).
En appendice : la fabrication des bijoux, système de transcription ,
vocabulaire; table des gravures ( figures dans le texte et planches) et
table des matières.
Ce simple exposé montre combien l'information est abondante.
M " M .G .la recueillie sur place, mais elle était en quelque sorte pré
parée à cette minutieuse enquête , étant née dans le département de
Constantine , où elle a passé son enfance. L'étude entreprise embrasse la
vie tout entière de l'Aurésienne, de l'accouchement de sa mère à sa
mort , funérailles comprises. Les Berbères de cette région sont musul
mans, resans piété , mais avec un fanatisme qui fait d'eux la proie des
marabouts » (p . 14 ). La vie de la femme est contée dans les moindres
détails , el on ne saurait trop en approuver le plan et la réalisation .
Chaque trait de meurs a été noté , son nom berbère indiqué; d'excel
lentes photographies viennent utilement préciser l'emploi de tel instru
menl, le port de tel vêtement ou bijou. L'enquête est aussi complète
qu 'on peut le désirer.
Lemariage en Aurès est célébré soit devant le ķādī, qui l'enregistre
dans un acte , soit verbalement devant la jmā'a berbère, et on recourt
généralement à cette dernière, tant les mours indigènes conservent
d'autorité malgré l'islamisation du pays . Le divorce s'obtient facilement,
et il est prononcé pour les motifs les plus futiles : il semble même que
la nouvelle mariée fasse entrer le divorce dansses projets d 'avenir pro
chain . Un grand nombre d'entre elles ont surtout le désir d'être complè- ·
tement libres dès la rupture légale de l'union qu'elles viennent de con -.
tracter, et de rester un certain temps, plus ou moins long, 'azriya, Au
sens littéral du mol, la 'azriya est une femme qui n 'a pas de mari. Elle
n'a pas de situation juridique spéciale. En fait , c'est une courtisane,
(p . 121); cependant, wla 'azriya n 'est pas une prostituée qu'on relègue
158 JUILLET-SEPTEMBRE 1930.
dans la honte , c'est une courtisane qu'on adule el qui demain rentrera
dans la vie régulière , (p. 129 ). Le fait est tout à fait curieux et inat
tendu en pays d'Islām ; mais c'est là sans doute une vieille pratique indi
gène, qui a survécu avec assez de force pour contrebalancer victorieuse
ment l'influence musulmane, résolument hostile à de pareilles pratiques.
L'état de 'azriya a tant d'attraits pour l'Aurésienne que les mères l'es
comptent à l'avance pour leurs filles non mariées ( cf. l'anecdote de la
page 121 infra ). Dans ses Souvenirs et visions d'Afrique, Masqueray
rapporte le fait inattendu qu'en pays berbère du Djurdjura, la propre
fille du maître de maison dont on reçoit l'hospitalité est offerte à l'hôte ,
en l'espèce un officier en mission (cf. Paris , 1894 , in -12, p. 351
357), dans une région moù les femmes sont gardées par les hommes
avec une jalousie féroce, (ibid . , p . 251). Ces deux coutumes berbères,
actuellement encore vivantes , sont aussi étrangères que possible au
monde de l'Islām el valent d'être particulièrement signalées.
M ** M . G . ajoute même: Parmiles Aurésiennes , qui toutes jouissent
d'une situation prépondérante et ont une puissante influence sur les
hommes, les 'azriyat sont celles dont l'autorité est la plus forte., Au
moment où elle le juge convenable, la 'uzriya revient à la vie régulière
par un second mariage, et sa licencieuse conduite passée n 'entraine
pour elle aucune déconsidération .
J'ai insisté sur ce côté de la vie féminine aurėsienne parce qu'il est
inattendu chez des musulmanes; M " M . G . a eu parfaitement raison de
le mettre en lumière.
Ce volume, dont je n'ai pu qu'indiquer le riche contenu , est tout à
fait excellent, et son auleur doit en être chaleureusement félicitée. Doc
teur en droit et avocat à la cour d'appel d'Alger, Mme M . G . a eu la
main beureuse en traitant un pareil sujet. On ne peut s'empêcher de
souhaiter que cette élude de sociologie berbère ne reste pas isolée : la
matière est assez vaste pour que de nouveaux travaux lui soient consa
crés. L'anteur de ce beau volume est plus que personne qualifiée pour
continuer une enquête de ce genre.
Gabriel FERRAND.

Yusuf Husayn. L 'INDE MYSTIQUE AU MOYEN AGE , Hindous et Musulmans. — Pa


ris , Adrien Maisonneuve , 1929; in - 8°, XVI-211 pages.
Ce livre est divisé en neuf chapitres : 1. L 'arrivée de l'Islām dans
l'Inde; II. Les cultes bindo-musulmans dans l'Inde du Nord ; JII. La
COMPTES RENDUS. 159

bhakti; IV. Kabir et son enseignement; V . Les Kabīrpanthis (ou secta


teurs de Kabir ); VI. Nanak , le réformateur du Panjāb ; VI). L'influence
de l'Islām sur les poètes Bhagats ; VIII. Le soufisme dans l'Inde;
IX . L 'humanismemystique de Dārā Sikūh .
Le but que se propose l'auteur est de montrer quels ont été les résul
tats du contact religieux et culturel de l'Islām et de l'Hindouisme. A vrai
dire , ces résultats auraient dû être plus considérables encore que ce que
nous constalons à l'heure actuelle . En effet , la mort de Harșa , en 648
de notre ère , sembla déchaîner dans le nord de l'Inde toutes les forces ,
naguère latentes , de la désorganisation; le pays se trouva du jour au
lendemain en proie à l'anarchie politique et sociale , ainsi qu'à d'innom
brables discordes religieuses, (p . 5). Circonstances favorables pour les
Arabes qui viennent de débarquer au Mekrān et de s'en emparer en 23/
644 . L'Inde leur esl pratiquement ouverte. Sans doute la religion et la
vie musulmanes sont faites pour choquer des Hindous dans une large
mesure;mais l' Islām ne connaît pas les castes et laisse son fidèle circu
ler librement par terre et par mer au gré de ses besoins commerciaux
ou simplement de sa fantaisie. Ces deux particularités, qui ontune si
grande importance pour des Hindous, auraient dû les attirer en masse
à la religion nouvelle en pleine expansion à travers le monde. Ce ne
fut pas le cas , et on peut s'en étonner. Il semble que la pratique de la
liberté était moins indispensable aux Hindous que nous pouvons le sup
poser, et qu'ils supportaient autrefois assez allègrement la dure tyrannie
des brabmanes. En fait, après des siècles de souveraineté musulmane ,
l'Inde posséderait actuellement quelque 70 millions de musulmans
contre plus de trois fois le même nombre d'hindouistes ! Et ce qui est
plus grave, aucun accord sérieux et durable n'a pu s'établir entre ceux-ci
et ceux-là , au grand détriment des uns et des autres.
L 'islamisme embrassé par les Hindous ne s'est pas maintenu par de
tout alliage. Dans l'Inde, comme ailleurs, en Asie et en Afrique, la foi
nouvelle s'est indianisée. Le musulman hindou, quelle que soit la secte
musulmane à laquelle il prétend se rattacher , a conservé un grand
nombre de pratiques anciennes, qu 'il a inconsciemment incorporées à
la religion nouvellement adoptée. C'était également attendu , et on en
relèverait facilement des exemples identiques partout : en Perse , dans
l'Afrique du Nord et . . . eu Arabie même; le phénomène est humain.
Il est donc plus exact de parler d’hindo-musulmans,c'est-à-dire demu
sulmans ayant conservé un certain nombre de pratiques hindoues, que
de «musulmans de l'Inden , autrement dit de sunnites ou de chiïtes
nés et habitant dans l'Inde. Le culte des saints musulmans est général
160 JUILLET- SEPTEMBRE 1930.
dans l'Aryavarta: chaque localité , pourrait-on dire , a le sien ; quelques
uns sont même d'authentiques saints bindous, de même que de purs
hindouistes rendent également un culte à d'authentiques saints musal
mans. Le syncrétisme hindo-musulman est complet dans ce domaine.
Tout hindou qui pense a le sentiment profond de l'immoralité da
régimedes castes. Dans le passé , aucun brahmane n'a songé à le faire
disparaître , nimême à en atténuer les effets , et dans le présent très peu
d'entre eux sont disposés à abandonner en totalité ou en parties leurs
inconcevables prérogatives. Ainsi s'explique que la protestation n'est
venue que des basses classes (p . XIV ). Kabir ou Kabirdas est , d'après la
légende, le fils illégitime d'une veuve brahmane. Ponr échapper aux
conséquences de sa faute , elle jette le nouveau-né dansun étang , où un
tisserand musulman le recueille et l'adopte , d'où son nom arabe de
kabir rle grand ,. Il serait né dans les dernières années du xivº siècle. Le
guru Nānak a vécu au xv° siècle ; il s'est inspiré de l'enseignement de
Kabír.
L'influence de l'Islām a été considérable sur les Bhagats. Ces réfor
mateurs ont prêché leur foi ardente en un dieu personnel et en une loi
morale qui régit lemonde. Ce quiles caraclérise tous, c'est leur parchi
intellectualisme“ , ainsi que leur altilude envers l'orthodoxie » ( p. 118 ).
Et l'auteur montre à l'aide de textes les traces de l'influence islamique
sur les enseignements de cette école de la bhakti (ibid.).
La communauté d'idées et de coutumes due à l'origine commune
des Hindous et des Musulmans de l'Inde (il faut entendre que les uns et
les autres sont nés dans l'Inde a été fortifiée par l'écleclismedes Bha
gats et des Soufis qui cherchèrent, consciemment, à rapprocher les
deux religions sur des bases mystiques . . . Le jour où le mouvement
vers le rapprochement s'affirmera de nouveau , ce ne sera plus sur des
bases mystiques. „ Ainsi se termine ce livre, et la menace transparente
contenue dans la dernière phrase n 'est pas sans laisser le lecteur dans
l'angoisse.
Je n'ai examiné que les côtés les plus importants de cet excellenttra
vail. M . Thomas W . Arnold , qui l'a préfacé ,en dit le plus grand bien .
Je joins volontiers mon approbation à la sienne et en recommande la
lecture. Un grand nombre de textes serventde base à la démonstration
de l'auteur ; sa thèse n'en a que plus de prix. L' Inde mystique au moyen
åge fail honneur à M . Yusuf Husain et lui a justement valu le grade
de docteur de l'Université de Paris.
Gabriel FERRAND.
COMPTES RENDUS. 161
SUHRÅB. Das KITĀB ‘AGĀ'IB AL-AKĀLĪM 48-SAB'A , herausgegeben nach dem hand
schriftlichen unikum des Britischen Museums in London ( cod . 23.379 add.)
von Hans von Mžik . – Leipzig , Otto Harrassowitz , 1930 ; in -8°, xvut
201 pages de texte arabe.
Ce volume est le tome V de la Bibliothek Arabischer Historiker und
Geographen , publiée par M . von M ., dont deux volumes de textes (les
tomes I et III ) ont déjà paru " .
Le nom de Subrāb reste énigmatique et nous ne le connaissons pas
par ailleurs. S'agit-il d'un auteur de langue arabe de ce nom ou d'un
pseudonymede compilateur arabe ou de langue arabe? On ne sait ( p. v).
L'incertitude est d'autant plus grande que le Livre des merveilles des sept
climats est généralement et inexactement attribué à Ibn Serapion ( cf. t. I
de la Bibliothek , p. X-XI). D'autre part, le titre lui-même du présent ou
vrage prête à confusion : son contenu n 'a rien à voir avec les 'ağā’ib ou
mirabilia de la littérature arabe; c'est un traité géographique des sept
climats du monde connu à l'époque où il a été rédigé, entre 389 et
334 , c'est-à-dire entre gou el 945 de notre ère ( cf. t. I, p. x ). Dans la
préface du présent volume, l'éditeur a montré les relations étroites de
ce traité avec le Kitāb surat al-ard de Muhammad ibn Müsā al-Huwā
rizmi (t. III de la Bibliothek ).
Voici quel est le contenu du livre de Subrāb :
Après quelques pages de prolegomènes , l'auteur énumère les villes
des sept climats de l'æcoumène, chaque ville avec ses coordonnées; les
mers de l’ocoumène, qui comprennent : la mer .occidentale extérieure
du côté du nord ; la mer de l'Ifrikiya , de Barķa, deMişr, de la Syrie
et de Rūm = Méditerranée ; la mer de al-Kulzum , du Sind , de l'Inde et
de Chine, c'esl-à-dire la grande mer méridionale; la mer ténébreuse
Ailles amer séparée qui est située derrière l'équateurn; la mer du
Tabaristān et du Daylam = mer Caspienne.
La description des îles qui sont dans les mers est divisée en huit sec
tions : les îles de la mer nord -occidentale extérieure, les îles de la mer
de Rūm , c'est-à-dire de la mer de Tanger et de Syrie ; les îles de la mer
de Al-Ķulzum ou mer du Yémen , les iles de la mer Verte ou mer du
Sind , de la Chine et de l'Inde; une section spéciale est consacrée à l'île
de Ceylan ; les îles de la mer de Başra ou mer de Perse; les iles de la
mer du Gurgān , du ſabaristān et du Daylam = mer Caspienne; les
lacs.
(1) Pour ces deux volumes , cf. J. as., oct.-déc. 1926 , p. 340- 342, et
avril-juin 1928, p. 364.
CCXVII .

ONIKERTE RATIONALI.
162 JUILLET- SEPTEMBRE 1930 .
Suit la nomenclature desmontagnes des sept climats de l'oecoumène,
en commençant par celles qui sont situées au sud de l'équateur. Le
volume se termine par la description des sources el fleuves de la terre
babitée avec leurs affluents ( Tigre , Euphrate , Nil d'Égypte, Indus,
Gange, etc.).
Comme le Kitāb șūrat al-ard de Huwārizmi, l'æuvrede Suhrāb doit
beaucoup à Ptolémée, mais elle contient en outre des indications que ne
donne pas Huwārizmi et un grand nombre d'informations empruntées à
des sources musulmanes , surtout en ce qui concerne les monlagnes el
les fleuves (p. 1x ).
M . von M ., auquel nous sommes redevables de tant de beaux travaux
sur la géographie orientale , continue de nous rendre d'inappréciables
services dans ce domaine. On ne saurait trop lui en montrer de grati
tude. Ce volume de texte et les deux précédents (t. I et III) doivent
paraître en traduction . On fait des veux pour que l'éditeur de la Biblio
thek puisse, commeil l'annonce, nous donner la version allemande du
Kitāb sürat al-ard en 1932.
M . von M . a tiré, à son habitude, le nieilleur partipossible de l'unique
manuscrit qu'il a eu à sa disposition. J'y reviendrai quand paraîtra la
traduction.
Gabriel FERRAND.

ANNUAL BIBLIOGRAPHY OF INDIAN ARCHAEOLOGY FOR THE YEAR 1928 , publiée par
l'Institut Kern de Leyde. - Leyde, librairie E . J. Brill, 1930 ; 1 +
146 pages et 12 planches.
La bibliograpbie annuelle publiée par l'Institut Kern de Leyde con
tinue à paraitre régulièrement. Parfaite dès le début , la disposition pre
mière de la bibliographie a été naturellement conservée. Une courte
préface de M . Vogel nous informe que la subvention annuelle du gou
vernement général des Indes Néerlandaises a été doublée : elle est portée
de 1.000 à 2 .000 florins. L'Inde anglaise fournira désormais unc sub
vention annuelle de 600 roupies contre la remise par l' Institut Kern de
25 exemplaires de la bibliographie . Enfin , par un don de 500 florins ,
l'Institut royal de La Haye a permis de faire face à l'accroissement des
frais d'impression résultant du développement considérable de la biblio
graphie par rapportau premier volume.
L'introduction rend compte du résultat des fouilles de Sir John Mar
shall entreprises à Taxila , des récentes explorations de la mission fran
COMPTES RENDUS. 163
çaise en Afghanistan ( comple rendu de M . J. Barthoux) , des explora
tions de Sir Aurel Stein au Béloutchistan en 1927-1928 ; des murs de
bois de Pātaliputra , des fouilles à Nālandā, du temple en briques de
Pabārpur; des antiquités bouddhiques découvertes en Birmanie et des
nouveautés archéologiques de l'Indonésie et de l'Irān. Ceci et cela est
illustré par des dessins et croquis dans le texte .
La bibliographie proprement dite contient 721 numéros, contre 540
pour l'année 1926 et un nombre égal (721) pour 1927.
Le n° 27 : A . Cordier . Ser Marco Polo . Notes and addenda to Sir
Henry Yule's edition . .. , doit être rectifié et complété ainsi : in -8° de
161 pages, avec index et un frontispice, Londres, 1920 ( etnon 1928 ).
Le présent volume contient une page d'addenda et corrigenda qui
est à ajouter au volume précédent.
Ce m 'est un agréable devoir de répéter ici combien les rédacteurs de
cette bibliographie annuelle méritent remerciements et éloges. L'Annual
bibliography of indian archaeology est parfaite et on ne peut que lui sou
haiter longue vie.
Le comité de rédaction est actuellement composé de MM. J. Ph . Vo
gel , N . J. Krom , J. H . Kramers, professeurs à l'Université de Leyde ,
et de M . CI. Fábri, secrétaire .
Gabriel FERRAND.

Ting TCHAO - TS'ING. LES DESCRIPTIONS DE LA CHINE PAR LES FRANÇAIS (1650
1750). Préface de M . Henri Maspero. — Paris, Geuthner , 1928.
Si la Chine a été spécialement à la mode au xviº siècle , ce fut sur
tout grâce aux ouvrages écrits par les missionnaires français de Pékin .
Aussi, M . Ting a-t- il été particulièrement bien inspiré en tâchant de
nous faire connaître ces divers travaux.
Il passe en revue les principaux livres composés par les Français ,
surtout par les Jésuites , entre 1650 et 1750. Il nous fait remarquer
( p. 63) , à l'aide de quelques exemples , lamédiocrité des traductions qui
nous sont données dans ces ouvrages , mais il fait très justement une
exception pour le P. Gaubil (p. 34 et 41). M . Ting nous montre aussi
( p. 70) que du Halde n'a pas compris l'origine bistorique du sujet de la
pièce : « L 'orphelin de la maison Tchao n . Ailleurs, il nous explique d 'une
manière assez originale la politique des empereurs de Chine à l'égard
des missionnaires.
Il est regrettable que M . Ting ait limité son étude à la période com
164 JUILLET-SEPTEMBRE 1930.
prise entre 1650 et 1750, car il y eut encore des ouvrages français fort
importants postérieurement à 1750 , entre autres ceux du P. Amiot,
(arrivé à Pékin en 1751), et l'Histoire des T'ang du P .Gaubil, qui furent
imprimés à partir de 1776 dans les Mémoires concernant les Chinois.
M . Ting aurait dû, à mon avis, étendre ses recherches jusqu'à l'an
née 1793, date
palin
de la mort du P . Amiot, dernier survivant de la mission
française de Pékin .
Il est fâcheux aussi que M . Ting se soit parfois contenté de sources
un peu surannées telles que : le Christianisme en Chine du P . Huc. Ainsi
il nous dit que Jean du Plan de Carpin pénétra en Chine au xi ou au
x11° siècle; or, on sait d'une manière précise que le voyage eut lieu
de 1245 à 1247 .
Quoi qu 'en dise M . Ting (p. 44 ), le Père de Mailla n'a jamais e traduit
du chinoisen mandchou , le Tong kien kang mou. Il s'estborné à traduire
cet ouvrage en français en se servant du texte mandchou. En outre , le
Tong kien kang mou n'est pas l'œuvre de Sseu-ma Kouang. Il fut com
posé par Tchou Hi et ses disciples qui résumèrent le T'seu tche c'ong
kien de Sseu-maKeuang.
M . Ting exagère un peu ,me semble-t-il, en disant que, si lesmission
naires n 'ont pas parlé des philosophes chinois, c'est parce que les ridées
démocratiques et socialistes » de ces derniers les effrayaient. S'ils ont agi
ainsi, c'est plutôt, je crois, parce que les philosophes chinois, à l'excep
tion de Confucius, n 'avaient pas la faveur officielle , et étaient un peu
dédaignés par les Chinois de l'époque. Malgré ces quelques défauls ,
l'ouvrage de M . Ting estintéressant, car ilnous fail connaître la manière
dont un Chinois juge les premiers travaux des Européens qui furent
écrits sur la Chine.
R . Des Rotours.

Tcean TSOUN-TGAUN . Essai HISTORIQUE ET ANALYTIQUE SUR LA SITUA


TION INTERNATIONALE DE LA Chine (Etudes etdocuments publiés par l'Insti
tut franco -chinois de Lyon ). — Paris, Geuthner, 1929.
Dans cet ouvrage, M . Tchai retrace l'histoire des relations de la Chien
avec les puissances étrangères depuis la guerre de l'opium , en 1842,
jusqu'à nos jours (mai 1926). Puis il nous expose les principaux pro
blèmes internationaux sur lesquels la Chine fait porterses revendications,
tels que la question de l'exterritorialité ou du tarif douanier .
Dans l'ensemble , je comprends parfaitementl'indignation de M . Tchai
COMPTES RENDUS. 165
re contre la tutelle imposée à son malheureux pays par des traités où a
justice n'avait aucune parts. En effet, la politique des puissances à
l'égard de la Chine futgénéralement inspirée par des ambitions impé
rialistes qui ne tenaientaucun compte du droit des peuples à disposer
d'eux-mêmes. Mais il n'en est pas moins vrai que la Chine a eu aussi
ses torts , et l'on peut regreller que M . Tchai n 'en mentionne aucun ; un
peu d'impartialité ne donnerait que plus d'autorité aux jugements de
l'auteur.
Pourquoi ne mentionne-t-il pas les vexations subies par les commer
çants européens à Canton comme l'une des causes de la guerre de
l'opium ? Pourquoi ne parle-l-il pas du guet-apens de Tiong-tcheou
puisqu'il s'indigne contre l'incendie du Palais d'été ?
Enfin , même si l'on adoet en principe le bien -fondé des revendica
tions chinoises , il faut reconnaître que l'état de trouble de la Chine n'en
courage point les puissances à abandonner leurs privilèges, et je trouve
qu'étantdonné les circonstances, la Conférence de Washington de 1922,
ne fut pas mun échec pour la Chine presque égal à celui qu'elle avait
subi à la Conférence de la paixn.
On ne peut pas non plus souscrire au jugement de M . Tchai (p. 198 ):
La protection chinoise au bénéfice des étrangers a fait ses preuves et
suffit à justifier le retrait de toutes ces troupes (d'occupation), , lorsqu'on
songe aux événements de Nankin demars 1927. .
L'ouvrage de M . Tchai est cependant intéressant, car c'est l'exposé du
point de vue chinois sur la question des relations internationales de la
Cbine. C'est une bonne æuvre de polémiste , mais ce n'est pas celle d'un
historien .
R. DES Rotours.

TSEN PAK-LIANG 16 RECHERCHES SUR QUELQUES MINERAIS CHINOIS DE


TUNGSTÈNE ET DE MOLYBDÈNE (Études et documents publiés par l'Institut
franco-chinois de Lyon ). — Paris, Geuthner, 1928.
Chacun sait que la Chine est particulièrement riche en mines de
toutes sortes. M . Tsen a pensé qu'il serait intéressant de nous faire con
naitre l'emplacementdes gisements de tungstène et de molybdène ainsi
que la teneur de ces minerais. Je crois que ce travail pourra être appré
cié des spécialistes.
R . Des Rotours .
166 . JUILLET-SEPTEMBRE 1930.
Tsing TUNG-CHUN # , DE LA PRODUCTION ET DU COMMERCE DE LA SOJE
EN Chine. (Études et documents publiés par l'Institut franco-chinois de
Lyon). — Paris ,Geuthner, 1928 .
La Chine fut pendant longtemps le pays qui produisit le plus de soie
dans le monde; en 1870 elle exporlait 74.183 piculs de soie alors que
le Japon n 'en exportait que 11.810 . Actuellement, le Japon vient en
premier ; en 1925 il exportait 408.719 piculs alors que la Chine n'en
exportait que 127.982. M . Tsing désirerait voir le commerce de la soie se
développer en Chine comme au Japon.
Il nous renseigne tout d'abord sur la production de la soie. C'est dans
la région de Canton que se trouvent les principaux centres d'élevage du
ver à soie ; cette région produit à elle seule presque les 2/5 de l'expor
tation totale de la soie de Chine. Puis vient la région de Chang-bai. C'est
dans ces deux centres qu'on a installé des filatures à vapeur modernes ;
à Chang-hai et aux environs il y en avait 5 en 1890 et 98 en 1925 ;
dans la province de Kouang-tong il y a actuellement 167 filatures de
soie employant 84.000 ouvriers. La Chine a donc fait un cffort pour se
mettre au niveau des autres pays au pointde vue industriel.
Cependant, les conditions du commerce mondial rendent parfois diffi
cile l'écoulement de la soie. C'est ce que nous montre M . Tsing , dans la
deuxième partie de son travail en nous décrivant les divers marchés
mondiaux de la soie avec leurs goûts divers.
Il faut tâcher d'améliorer les conditions dela production de la soie en
Chine et surtout lâcher d'en abaisser le prix .
C'est encore la Chine seule qui fournit les soies les plus fines néces
saires à la fabrication des soieries légères et des bas de soie.Malheureuse
ment en Chine on ne sait pas encore se prémunir contre lesmaladies des
vers à soie eton ne procède que d'une manière imparfaite au sélectionne
mentdes espèces. Aussi a-t-on créé des écoles pour l'enseignement de la
sériciculture à Chang-hai, à Tchö -fou , à Nankin , à Canton et à Fou
tchéou. Ces écoles ont déjà forméun personnel compétent pour l'élevage
des vers à soie , et elles fournissent aussi des espèces sélectionnées.
Il reste encore beaucoup à faire et M . Tsing se rend compte que les
améliorations ne pourront pas êtremenées à bonnefin rapidementparles
seulsmoyens dont dispose la Chine, il préconise donc une collaboration
sino-française qui ne pourra s'exercer que pour le plus grand profit des
deux pays.
L'ouvrage de M . Tsing est bien rédigé et nous donne une bonne vue
d'ensemble sur l'état actuel du marchéde la soie.
Qu'ilme soit permis de regretter que l'Université de Lyon ail adopté
COMPTES RENDUS. 167
un système de transcription des mots chinois qui diffère de celui ensei
gnéà l'École des langues orientales vivantes de Paris et adopté par la
plupart des publications scientifiques relatives à la Chine.
R . DES ROTOURS.

Arménag Bey Sakistan . LA MINIATURE PERSANE DU XI AU XVII° siècle. Ouvrage


accompagné de la reproduction de 193 miniatures , dont deux en couleur.
– Paris et Bruxelles , les Éditions G . Van Oest , 1929 ; grand in -lº.
Dans ce volume, M . Sakisian a repris et complété plusieurs travaux
parus dans la Gazette des Beaux-Arts , la Revue de l'Art, La Renaissance ,
Syria et le Jahrbuch der asiatischen Kunst. Sa principale source a été le
chroniqueur turc 'Ali, grand amateur d'art qui écrivait à Bagdad dans
la seconde moitié du xviº siècle et avait à sa disposition des ouvrages
persans que nous ne possédons pas. Il a également tiré profit des sources
révélées par M . Blochet dans ses Notices sur les manuscrits de la collection
Marteau , el complété le tout par l'étude des plus importantes collections
deminiatures persanes qui soient : celles du Vieux-Sérail et de la Biblio
thèque de Yildiz , à Constantinople , sans négliger les ressources offertes
par les musées de Constantinople , notre Bibliothèque Nationale , le Bri
tish Museum , etc.
M .S. regarde la miniature persane comme uneouvre essentiellement
profane, pour ne pas dire anti-musulmane; l'extrême rareté des sujets
religieux trailés par des artistes musulmans, le fait qu'en Perse on ne
voit de représentations d'êtres animés , ni dans les mosquées , ni sur les
manuscrits du Coran , en serait la preuve . On a beaucoup discuté la
question de savoir, si oui ou non , l'Islam avait interdit la reproduction
de tout ce qui est doué de vie ; justifiée ou non , cette proscription a
exercé une influence certaine, même chez les Persans, qui, à l'encontre
des Turcs , n'étaient pas iconoclastes. Il faut distinguer les miniatures
an véritable sens du mot, c'est-à-dire les sujets à figures , des enlumi
nures , vignetles ou pages ornées dites tadhib : c'est à tort que le nom
de l'enlumineur,mudahhib , est parfois traduit par cedoreurs , et on devra
remarquer que rarement un artiste est à la fois peintre et enlumineur
(p. xii).
Des survivances de l'art sassanide sont manifestes dans la peinture
persane: des influences étrangères le sont aussi. Une tradition rapportée
par Firdawsî veut que Manī ait, sous les Sassanides , apporté la pein
168 JUILLET-SEPTEMBRE 1930.
ture de Chine en Perse ; cependant M . Von Le Coq a découvert à Kho
tcho, avec deux miniatures manichéennes où l'on reconnaît l'influence de
Bagdad , des fresques où l'art chinois se combine avec le style abbaside
(p. vii ). C'est au x° siècle de notre ère qu'il est , pour la première fois ,
question de peinture chez des Musulmans; à cette époque, des artistes
chinois auraient illustré la traduction de Bidpaï par Rūdegi. Les
fresques, au siècle suivant, décoraient les palais , et le célèbre calligraphe
arabe Ibn Al-Bawwāb , de Bagdad , aurait été, à ses débuts, peintre de
corateur ( p. vi).
On peut être surpris de voir la miniature présenter une pareille unité
dans un pays aussi morcelé que la Perse du moyen age. Dans son pre
mier chapitre M . S. n'a pas de peine à expliquer cette contradiction
apparenle par l'état social des conquérants , Turcs et Mongols . gens
primitifs qui adoptèrent facilement la civilisation iranienne et furent,
pour les artistes, des mécènes généreux. Le rôle des cours et des migra
tions artistiques qu'elles provoquèrent explique le développement har
monieux de la miniature jusqu'au xviie siècle. M . S. passe ensuite en
revue les diverses écoles : 1° orientale, ou prémongole, du xi siècle ,
qui survécut à l'invasion , et dont les représentants portèrent au loin
leurs méthodes, dont un extrême réalisme et une influence chinoise
marquée sont les traits dominants ; 2º de Bagdad , au XII° siècle : c'est
une école arabe très diſérente de l'école persane, sur laquelle elle a
influr, et qui a emprunté aux Byzantins les ombres ; elle disparait après
1258 , mais ses procédés ont été conservés dans les pays qui, comme
l'Égyple , n 'ont pas subi la domination mongole ; 3ºmongoledu xivº siècle ,
( chap. iv) , qui se crée après 1258 , persiste sousles Timourides et atteint
son apogée dans la secondemoitié du xv°siècle , en Khorassan : elle reste
soumise à l'influence chinoise et n'emploie pas les ombres; 4° timouride ,
du xv° siècle (chap. v) : localisée dans le Khorassan , où les centres artis
tiques et les princes amis des arts étaient nombreux , elle se distingue
par une grande finesse d 'exécution et une échelle très réduile des
figures ; 5° du livre, de Hérat : la polychromie en est le caractère essen
tiel, et l'influence chinoise y est d'autant plus marquée , que les rela
tions de la Chine avec Hérat étaient des plus suivies , et que les œuvres
chinoises étaient prises pour modèles. La calligraphie en couleurs,
rengnevīs, et l'introduction des ægrotrsques , dans l'ornementation y sont
d'un usage fréquent. Mohammed El- Hayyām , 'Abdul-Hayy et le
célèbre Behzad qui, sans être à proprement parler un chef d 'école, eut
une influence prépondérante sur l'école séfévie, et son élève Seibzādè ,
en sont les principaux représentants (chap . vi ). Au xvie siècle , les
COMPTES RENDUS. 169
artistes persans de Hérat et de Boukbara continuent la tradition limou
ride, et un merveilleux manuscrit de Mir 'Ali Sir, conservé à la Biblio
thèque nationale (Supplément person , 316 ) , montre quelle perfection
ils pouvaient atteindre (chap. viii). 5° séfévie , du xviº siècle : plus
souple et plus riche que celle de Hérat, dont elle procède, elle sabil des
influences variées : chinoise à l'Ouest, européenne avec Behzad , du
moins pendant un certain temps (p. 104 ). Nombreux sont les maîtres
d 'alors ; l'un d 'eux, Vélī, était considéré comme l'égal de Behzād ;
6° séfévie , du xviº siècle. C 'est une époque de décadence , et le plus
grand artiste d 'alors, en même temps le dernier des grands maîtres de
la Perse, appartient autant au xvi° siècle qu'au xvn . Ridāyi-Abbāsī per
sonnifie le mieux la peinture d 'alors , avec son manque d'harmonie, son
emploi arbitraire des couleurs , ses têtes modelées et ses ombres qui
dénotent une influence occidentale de plus en plus marquée : avec
l'Europe, les relations devenaient de plus en plus suivies ; peintures et
gravures européennes étaient recherchées en Perse , et Šāh 'Abbās ,
qui avait des étrangers à son service , fit appel plusieurs fois à des
peintres hollandais. Avec le lemps, la décadence ne fera que s'accentuer ;
on ne peutmentionner, au xviiº siècle, que quelques rares portraits ,
comme ceux de Nādir Sāh et de son arrière petite-fille , Quvres de grande
allure et de beau style .
Ignorées ou dédaignées il y a moins de trente ans, les miniatures
persanes ont obtenu , surtout après les Expositions d'art musulman de
Munich (1910) et du Musée des Arts décoratifs de Paris (1912 ), une
voguequi a pu diminuer, mais s'est toujours maintenue chez nous et
a provoqué de nombreuses publications, contenant des erreurs que
M . S. rectifie. On pourrait lui reprocher certaines transcriptions plus ou
moins exactes : muzéhab pour mudahhib (p. XII); nighar pour nigār
(p. 11); ces légères défectuosités ne nous feront pas oublier les mérites
de son cuvre.
Lucien Bouvat.

Lopes de CastanHEDA. HISTORIA DO DESCOBRIMENTO DA INDIA PELOS PORTO


GUESES (1553-1561). Thirty -one chapters of the lost - Livro IX , re-discovered
and now published for the first time by C. Wessels S. J. With a facsimiles.
– The Hague, Martinus Nijhoff', 1 129; gr. in -8°, 76 pages.
Le texte complet de l'Histoire de la découverte des Indes par les Por
tugais, par Lopes de Castanheda, n 'a jamais été publié. On a prétendu
170 JUILLET-SEPTEMBRE 1930.
que Dom João III avait interdit l'impression des livres IX et X , les der
niers de l'ouvrage, parce que l'auteur y avait parlé trop librement de
l'attitude de certains gentilshommes au second siège de Diu .Chargé, par
le cardinal Henriques , d'écrire l'histoire des découvertes et de la colonisa
tion portugaises aux Indes , et surtout de l'auvre desmissions chrétiennes ,
l'Italien Maffei vint en Portugal en 1580 recueillir les matériaux néces--
saires. A sa mort,en 1603, ses papiers furent versés dans les archives de
la Compagnie de Jésus, où le P . Wessels a retrouvé une copie de trente
et un chapitres du livre IX de Castanheda. Cette copie donne-t-elle le
texte original, sans retranchements , ni modifications ? L'éditeur pense
que oui. Les trente el un chapitres qui viennent d 'être publiés pour la
première fois comprennent toute l'année 1538 et le début de 1539,
soitquinze mois environ, période pendant laquelle Nuno da Cunha se
démitde sa chargede vice -roi , qui fut donnée à Dom Garcia de Noronha.
Le P .Wessels a publié ce texte important dans son orthographe origi
nale , et l'a fait précéder d'une savante introduction; mais on regrellera
qu'il n'y ait pas ajouté denotes.
Lucien Bouvat.

Ars Asiatica . Études et documents publiés par Victor GoLoubew sous le pa


tronage de l'École française d 'Extrême-Orient. XVII. Les miniatures orien
tales de la Collection Goloubew au Museum of Fine Arts de Boston , par
Ananda K . CoomaraSWAMY. Avec un avant-propos de Victor Goloubew. -
Paris et Bruxelles, les Éditions G . Van Oest, 1929 ; grand in -8°, avec
88 planches.
Formée de 1908 à 1911, la collection Goloubew , dont quelques
pièces avaient figuré à l'Exposition d'art musulman de Munich , en
1910 , et dont la totalité avait été exposée au Pavillon deMarsan , en
mai 1912 , fut acquise , en 1914 , par le Museum of Fine Arts de Bos
lon , qui, à la demande de M . Coomaraswamy, autorisa la présente
publication , dont toutes les notices seront reproduites dans le catalogue
général du musée . Dans l'avant-propos, M . Goloubew rappelle comment
les peintures du temps des Timourides et des Séfévis , ignorées, ou peu
s'en fallait , il y a peu d 'années encore, furent tirées de l'oubli par
quelques amateurs, et la vogue prodigieuse dont elles jouirent : « En
somme, ce fut comme la découverte , en pleine Asie musulmane, d'un
Quattrocento nouveau , absolument insoupçonné jusqu'alors et qui
avail connu, semble-t-il, le même idéal de beauté que le Quattrocento
COMPTES RENDUS. 171
prérapbaéliste de Ruskin .. . ( p. 6 ). Cette vogue, qui atteignil son apo
gée avec l'Exposition de 1912, dura peu : - Aujourd 'hui, la miniature
persane n'est plus un art d'actualité. Les Parisiennes ne s'habillent plus
à la façon des princesses tartares et nos bijoutiers ont cessé d'imiter les
parures du doux Hūmāyün . . .. (p. 9 ). M . Goloubew , en quelques
mots , définit une époque ou une école : une riche polychromie et la
pureté des couleurs distinguent Behzād et ses disciples ; l'excès de
lyrisme annonce la décadence, où dominent le clair-obscur et la perspec
live à l'européenne; trop mûri, l'art musulman de l'Inde est essen
tiellement éclectique et imprégné du syncrétisme mongol; malgré ses
défauts , il a produit des documents rétonnants de vie et de vérité ,
(p. 11). Il montre quelles influences étrangères subit l’art en Perse ,
dans l'Inde et en Asie ceotrale : Bagdad et la Palestine, le Khotan boud
dhique et le Tourfan nestorien , la Chine des Yuan et des Ming , Byzance
et Venise y ont leur part.
Les cuvres composant la collection Goloubew ont les provenances
suivantes : 1°Mésopotamie : deux pièces , dont un feuillet daté de 1222
(n ” 1-2 ); 2° époque de Timour et des Timourides , 1380 -1302 : les
numéros 3 , 4 , 5 , représentant des clepsydres et une machine à élever
l'eau , sont à signaler ; 3° époque séfévie, 1502-1722 : plusieurs
groupes ou portraits pouvant être attribués à Bebzād (nº 30 -34), une
page de mourakka' avec le portrait d 'Ustād Mohammedi par lui-même,
et le cachet de Sāh ‘Abbās (nº 43 ), une peinture exécutée par des
artistes du Hitāy, étudiée par Karabaček (n° 55 a et b), et diverses
euvres de Ridā -i-Abbāsī (nº 80-83); 4° Turquie : les funérailles de
Murād V, par un artiste dont la manière rappelle celle de Gentile Bellini
(nº99 a ); 4° Inde : un excellent portrait de Jahāngir, par Aķa Riņā
(nº 110), diverses scènes historiques , le portrait d'un gentilhommepor
lugais du début du xviiiº siècle (n° 128 ) et une curieuse copie, faite
vers la même époque, de quelque peinture chrétienne (n° 129). Les
écoles de Sāhjahān et d'Awrangzēb sont représentées par un certain
nombre de portraits de personnages historiques, contemporains ou
non .
Au total , la collection Goloubew compte cent-cinquante-huit quvres,
de provenances variées, allant du débutdu xiesiècle au milieu du xvnº.
M . Coomaraswamy, qui les a décrites avec toute la compétence et tout
le soin désirables , a trouvé dans notre confrère, M . N . Martinovitch , qui
a traduit les inscriptions arabes et la plupart des textes persans, un pré
cieux collaborateur.
Lucien Bouvat.
172 JUILLET-SEPTEMBRE 1930.
CEYLON ZUR Zeit des Königs BHUVANBKA BĀRU UND Franz XAVERS 1539-1552.
Quelle zur Geschichte der Portugiesen , sowie der Franziskaner und Jesui
lermission auf Ceylon , im Urtext herausgegeben und erklärt von G . Scuus
HAMMER und E. A. Voretzsch . — Verlag der Asia Major, Leipzig , 1928 ;
2 vol. in -8° à pagination continue, 11X111-727 pages, carte et fac-similé.
Cet important recueil est précédé d'un résumé de l'histoire de Ceylan
de 1539 à 1552 (p. 1-78 ), période très agitée où les gouverneurs , aux
prises avec toutes sortes de difficultés, ne restent pas longtemps en
charge. On voit se succéder D. Garcia de Noronba (1538 ), l'adversaire
des Musulmans; D . Estevão da Gama (1540) : de son temps commence
la compétition pour le trône de Köttē , que Māyādunnē s'efforce d'arra
cher au roi Bhuvaneka Bāhu ; D . João de Castro ( 1542 ); D . João de
Castro (1545 ) : en 1546 , a lieu l'expédition d'André de Souza , et ,
en 1547, celle de Moniz Baretto . En 1548 arrive un gouverneur paci
fique,Garcia de Sá , qui conclut la paix. En 1549 , Jorge Cabral le rem
place ; il est lui-même remplacé l'année suivante par D . Affonso de No
ronha. Bhuvaneka Bāhu est tué; en 1551, les Portugais font contre son
rival, Māyādunnē, une expédition malheureuse, à la fois pour la domi
nation portugaise et pour l'æuvre des missions chrétiennes : 25.000
convertis reviennent à leur ancienne religion .
Inédits pour la plupart, les documents publiés, avec beaucoup de
soin et de nombreuses notes , sont au nombre de 142. Ils proviennent
de divers dépôts de Lisbonne : a. les Archives nationales de Torre do
Tombo; b. de l'Ajuda; c. de la Bibliothèque nationale; d.du Ministère
des Affaires étrangères ; e. de l'Académie des Sciences; f. de la Biblio
thèque Palba. Castello Branco, les archives municipales de Cologne,
celles de la Compagnie de Jésus, en ont fourni plusieurs; une partie ,
enfin , avait été publiée dans divers recueils. Le plus ancien de ces docu
ments est une lettre de Miguel Ferreira à D . João III, datée de Goa ,
26 novembre 1539 (n° 1). On trouve treize lettres de saint François
Xavier (nº 3, adressée à Ignace de Loyola , 17, 18 , 19, cette dernière
étant pour D . João III, 20 , 21, 22 , 49, 62 , 74 , 103 , 104 et 115 );
cinq ont été écrites par divers religieux à Ignace de Loyola ( n " 3 , 28 ,
126 , 137, 138 ) ; sept sontde l'évéque de Goa (nº 80 , 81, 83, 87, 97,
98 et 110). Sous les nº 7-14 figurent huit décrets de D. João III con
cernant Bhuvaneka Bāhu , dont plusieurs lettres figurent dans ce recueil
(n° 4 , 15 , 34 , 54 , 75 , 111, 112, 117, 119 el 120); le numéro 94
est une lettre de son rival, Māyādunnē, à D . João de Castro. A mention
ner encore le centième de ces documents : c'est une protestalion vébé
mente des Portugais de Ceylan , victimes de dénis de justice el témoins
COMPTES RENDUS. 173
d'abominations qu 'ils dénoncent au gouverneur, D . João de Castro. Elle
est datée du 27 novembre 1547.
Lucien Bouvat.

JACQUES Bacot. UNE GRAMMAIRE TIBÉTAINE DU TIBÉTAIN CLASSIQUE. Les Slokas


grammaticauc de Thonmi Sambhota , avec leurs commentaires , traduits du
libétain et annotés (A .M .G ., Bibliothèque d'Etudes, t. 37). – Paris ,
Paul Geuthner, 1928; in -8°, iv + 234 pages avec 14 planches.
« Le tibétain classique, dit M . Jacques Bacol dans sa préface , est
comme ces jeux dont la règle est très simple ,mais dontla pratique est
très compliquée.» Quiconque, après avoir compulsé une grammaire tibé
taine conçue à l'européenne, s'est attaqué à un texte libélain bouddhi
que, sans le secours de l'original sanskrit ou d'une version chinoise ,
reconnaitra la vérité de cette réflexion .
En effet, la grammaire à l'européenne ne donne qu'une faible idée des
nuances , des subtilités de syntaxe auxquelles a eu recours le tibétain
classique,langue littéraire, créée pour traduire à l'aide d'un vocabulaire
assez pauvre, le style à rornements, des textes indiens.
Ce sont toules ces subtilités qui nous échappaient en partie ,' que la
grammaire indigène expose et qne M . B. traduit avec précision et clarté.
Dans une section (p . 181-223), intitulée trop modestement Conclusion ,
M . B. regroupe dans un cadre familier les éléments du tibétain littéraire
et en explique le mécanisme, de sorle que, indépendamment de sa valeur
historique et psychologique, cette grammaire, telle que M . B . nous la
présenle , est un merveilleux instrument d 'enseignement.

Marcelle Lalou.

GEORGES Marçais . LES PAÏENCES À REPLETS MÉTALLIQUES DE LA GRANDE MOSQUÉE


DE KAIROUAN (Contributions à l'étude de la céramique musulmane, IV). —
Paris, Paul Geuthner, 1998 ; gr. in -4°, 41 pages et 26 planches dont deux
en couleurs et 17 figures.
Dernier élat des connaissances, quant à l'origine et à la date des car
reaux de faïence à reflets métalliques, qui ornent la partie supérieure du
mihrab de la GrandeMosquée de Kairouan . M . M . discute la thèse ré
cente de A. S. Butler ( Islamic pottery , a studymainly historical, Londres ,
174 JUILLET -SEPTEMBRE21
930 .
1926 ) tendant à reporter au siº siècle la fabrication des carreaux, et
croit à la véracité de la tradition qui leur altribue une origine mésopo
tamienne.
Les éléments du décor : fleurons, palmes , jeux de fond , sont décom
posés en dessin linéaire et quelques motifs sont comparés au décor
sculpté de Samarra . Les planches tirées en noir sont excellentes et
olfrent, en dehors de leur valeur documentaire, des thèmes décoratifs
d'un grand intérêt.
En appendice : La céramique de Abbásiya. Étudedes fragments trou
vés dans un tell situé à 4 kilomètres au sud de Kairouan et conservés
actuellementau Musée du Bardo à Tunis. Rapprochement de ces tessons
lunisiens avec la céramique archaïque de la Perse.
Marcelle Lalou.

Fr. Weller. Tåusend BUDDHANAMEN DES BHADRAKALPA . Nach einer fünfsprachi


gen Polyglotte herausgegeben . — Leipzig , Asia Major, 1928; in -8°, INV
+ 269 pages.
Le travail de M . W . est une contribution importante à la lexicographie
bouddhique.Les mille noms des Buddha du Bhadrakalpa sont repro
duits d'après un recueil polyglotte et les formes, ingénieusement pré
sentées sur une seule ligne, sont immédiatement comparables en sans
krit, tibétain , chinois , mongol et mandchou. En dehors de son intérêt
linguistique, ce travail est précieux pour identifier les personnages des
peintures tibétaines. J'ai pu ainsi restituer rapidement, grâce aux index ,
les noms sanskrits de cent Buddha figurés sur une peinture de la Collec
tion Loo. Sans le travail de M . W ., l'identification des cent images eût
été longue et probablement incomplète et inexacte.
Marcelle Lalou .

E . H . Johnston. The saUNDARANANDA OF AśVAGHOşa (critically edited with notes);


Penjab University Oriental Publications, Oxford University Press. – Lon
don , Humphrey Milford , 1928 ; in -4°, x1 + 171 pages.
Édition du texte sanskrit du Saundarananda d'après deux manuscrits
conservés dans la bibliothèque du Mahârâja du Népal. Les travaux de
COMPTES RENDUS. 175
Baston , Speyer,Hultzsch, Jacobi, Gavroński, ainsi que les noles récentes
de Gurner ont été utilisées, mais M . J. parait avoir ignoré les Critical
Notes to Saundaranandakāvya de L .de La Vallée Poussin (B.S.O.S., 1918 ,
p. 133-140) qui contiennent pourtant plusdedeux cents corrections à
l'édition de H . Šāstrī.
Il semble aussi que les récits canoniques de la conversion de Nanda :
Nandagarbhāvakrāntinirdesasūtra du Ratnakūța et le passage correspon
dant du Vinaya des Mūlasarvāstivādin seraient à rapprocher de la version
poétique. Le traité d'embryologie qui est inséré dans ces récits est d'une
rédaction toute différente dans les trois traductions tibétaines ; la compa
raison des aventures de Nanda mettrait sansdoute en évidence des diver
gences notables et il serait intéressant de pouvoir rattacher le poème à
l'une ou l'autre source. Cette recherche fournirait peut-être de bonnes
indications pour la critique du texte, par exemple en ce qui concerne
la curieuse liste de disciples du chant XVI,87-91.
L 'édition de M . J. est suivie d 'un excellent index des noms propres et
des mots pris dans un sens technique.
Marcelle Lalou.

Louis DeLaPORTE. ÉLÉMENTS DE LA GRAMMAIRE HITTITE. — Paris, Adrien Mai


sonneuve , 1929; in -8°, 111 + 188 pages.
Dès les premières lignes de son avant-propos, D . nous avertit que le
seul but envisagé dans ces Éléments a été d'exposer d'une façon didac
tique les résultats obtenus par les nombreux travaux parus depuis 1917,
surtout en Allemagne , relativement à la phonétique, à la morphologie
et à la syntaxe bittites .
Et cela pour les débutants.
C'est donc uniquement à ce point de vue qu'il faut se placer pour
juger son ouvrage.
Le volumeest conçu d'une manière très claire , très pratique , et se
présente typographiquement( ) fort bien. Les paragraphes sont très
courts et les règles, sont clairement rédigées. Tout cela est parfaite
ment en rapport avec le but que s'est proposé l'auteur.
L 'ouvrage est suivi de la liste des principaux travaux relatifs à la
(1) Pourtant D . aurait mieux fait, pensons-nous, de choisir pour le texte
courant des petites capitales au lieu des grandes ; c'eût été moins désagréable
à l'oeil.
176 JUILLET-SEPTEMBRE 1930.
grammaire hittite. Neuf pages sont consacrées à l'énumération des
sources auxquelles sont empruntés les exemples cités dans le volume;
et cinquante-trois , à la table analytique.
D . écrit : « Il n 'y a pas lien , dans cette grammaire , de rechercher
comment sont formés les noms dérivés . . . . Cette remarque du para
graphe 76 nous surprend . La dérivation des noms est pourtant intéres
sante et nous paraît utile , même dans une grammaire élémentaire.
D. procède d'ailleurs autrement au sujet du verbe : il consacre à leur
dérivation les paragraphes 178 -190.
Il est avantageux, surtout sans doute pour les orientalistes non hit
titologues , de trouver logiquement groupés les résultats auxquels ont
abouti les recherches des spécialistes , même si des doutes subsistent
sur le degré de certitude de telles ou telles conclusions. C'est donc un
réel service que M . Delaporte a rendu à quiconque s'intéresse aux Hit
tites.
Nous laissons à d'autres le soin de préciser la valeur objective de l'ou
vrage.
Ch .-F. JEAN.

L . DELAPORTE. LE SYLLABAIRE HITTITE CUNÉIFORME. - Paris , Adrien Maison


neuve, 1929 ; in -8°, vi + 40 pages non numérotées.

Les Hittites ont utilisé deux systèmes de graphie ; l'on est constitué
par des signes hiéroglyphiques ; l'autre par des cunéiformes , empruntés
aux Babyloniens probablement à l'époque de Hammurapi. De ces der
niers signes, ils ne retinrent qu'un certain nombre de valeurs sylla
biques. Dans l'écriture, ils employèrent souvent des expressions baby
loniennes , qui étaient lues en langue hittite.
D . indique la manière adoptée pour transcrire les diverses sortes de
signes dontse servirent les Hittites; suivent les dessins de ces cunéi
formes, avec en face l'indication de leur valeur syllabique. Une pre
mière liste comprend 832 signes dessinés au trait. On peut se demander
pourquoi, au lieu de grouper ensemble les graphies d'un même cunéi
forme, D. les a disséminées , quelquefois à de grands intervalles , car il
ne s'agit en réalité que de simples variantes. Voir, par exemple : mun,
nº 8 et 11; ag , n " 28 , 30 , 48 ; gir , n° 12 , 17, 32 , 33 ; nar, nº 14 ,
15 , 35 , 49 ; sanga , n° 119 , 146 , 368, 383 , 438 , 443 , 514 .
Dans une deuxième liste , on trouve , en face de la valeur syllabique ,
COMPTES RENDUS. 177
le signe cuneiforme avec ses variantes, quelquefois quasi insignifiantes ;
par exemple : les 2 et 3. de a , les 6º el 8 de al.
Une troisièmeliste met sous les yeux les seules variantes des groupes
élémenlaires. Une quatrième et une cinquième sont consacrées exclusi
vement aux voyelles et aux syllabes simples lerminées par une voyelle
et aux syllabes simples commençant par une voyelle. Enfin une der
nière liste contient la graphie des syllabes complexes.
Les signes sont nettement dessinés.
Ce second volume(1) est indispensable au.. lecteurs de la grammaire
non initiés, s'ils veulent savoir ce que représentent, par exemple : sig ,,
W ,, LU,, pe , GI,, etc.
CH.-F . Jean .

H . Fréd . Lurz . OLD BABYLONIAN LETTERS. — California , Berkeley, 1929 ; in -8°,


86 pages.
Autographie , transcription et traduction avec notes de trente lettres
provenant, toutes sans doute , de Larsa. Ces textes sont analogues (2) à
ceux que M . Lulz édita , en 1917, sous le titre Early Babylonian Letters
froin Larsa. Elles sont écrites à peu près exclusivement(3) en akkadien ;
donc, à une époque postérieure à l'indépendance deLarsa.
L'autographie de l'éditeur est très nette .
Dans sa brève introduction , L . rejette , pour le mot awélum , le sens de
patricien , et adopte manor lord ("). Pour lui , le rêdu et le baʼiru étaient
avant tout, non pas des militaires, mais des feudal retainers.. . with
military obligation as an incident of their position(5), Cette opinion est di
rectement contraire, nous semble-t-il, à celle émise en 1924 par
M . Thureau -Dangin in R .A ., XXI, 1 el suiv.

(1) M . Delaporte annonce un troisième et un quatrième volumes , consa


crés , celui-là à des Textes hittites en transcription , et celui-ci à des Textes
hittiles en écriture cuneiforme.
(3) Les deux premiers sont du type des Lettres de Hammurapi à Samas
haşir , publiées par M . Thureau-Dangin en 1924.
(3) Il n'y a guère d'exception que pour les mots a-sa(8), kubabar, ka -lum ,sig ,
id , iá-giš , kur&
(0) P. 279. Pagination des University of California Publications in Semitic
Philology, t. IX , nº 4 , 279 - 365 , dans lesquelles ont paru ces Lettres.
(5) Loc. cit. et passim .
CCXVII. 12
IN PRIMEBIR SATIONALR .
178 JUILLET-SEPTEMBRE 1930.
L .admet que reto a certain extents , on marquait le corps de toutes les
classes : scribes ,prêtres, etc.(").
Voici quelques remarques que nous avons faites en lisant parallèle
ment les autographes et les traductions :
Nº 1, 15. L 'original n’autoriserait-il pas la lecture éš-qar ? au lieu de
cet étrange su -am ( traduit : 30 gan of field are his ).
N° 2 , 6 . Lire : 1 bur 1 ebel. — Nº 39, 5 et suiv. 6 bur, 3 bur , etc.
1 ikú , etc .
Nº 5 , 10. dSin -mušalim leur pa-nam -5. L : (at the head ) of 5 of
hem (?). Ce texte n'implique pas que "Sin -êreš eût cinq fils.
P. 289 , n. in 4. On peut ajouter R .A .,XV (1918), 193 et R.A. , XXI
(1922), p. 8 , n. 3 (cf. R .A ., XXIV , p. 6 ).
N° 6 et 15. Nous lirions volontiers :
6, 13be : iá -giš(o)é utúg a -de-é
15, 16 : pi-iš-ša-at bi-tim
Les deux textes seraient ainsi identiques et correspondraient exacte
ment aux quatre lignes qui précèdent :
še-a -am et suluppam pour la kurummat bitin ,
šamaššammam pour la piššat bitim ,
šipatam pour la kubuš bitim .
Nº 7, 8. I shall dispatch unto me (?).
14-15 : na -as-ba-ku i-ša-tam i-šu -ú (suluppu i-ha-li-qu ). Pourquoi
pas : r le grenier ( le tas) a pris feu (?), : (les dates sontperdues ). Nº g,
n. in 9 : i-mi-ir-ta : some special kind of fiefland , perhaps meadow
Jand. Voir Thureau-Dangin , in R . A . , XXI, 8 , n . 2 ; Chiera, Inheritance
Texis , 76 , 8.
Nº 10, 7 : palâku = délimiter.
Nº 11, 4 : aššum eqlim 'im (au lieu de a-ba-lim ) ša nar sarri, 1. 5 :
narta' (au lieu de når ša )mu-hu-ur-ma; l. 17 : nårlum ' m (au lieu denår
16 ). Pour nártu au singulier, cf. Z .A ., XXXVI, p. 127.
Ce doit être lemêmenom propre qu'on lit à la ligne 4 el à la ligne 12.
(ba-as ? ) N ., au lieu de Ba-az-"N .
N° 14 , 8 : i-na a-li-im sa aš-šu ba -ti-ku- nu , nous lisons ta-aš-šu -ba-ti
ku-nu ga-ag-ga -di, elc. : dans la ville de votre présidenccn, je suis. . .
(l. 13 : tandis que, dans la ville quej'habite . . .).
L . 14 : ta-am -qu-ta -am -ma : - Thou didst thrust thysell upon me ;
nous lisons: ša am -qu-ta-am -ma pa-ag-rina-di. . .
(0) P . 280 .
2) Au lieu de mildew .
COMPTES RENDUS. 179
L. 91 : L'autographie porte neltement di, non pas ki. L . :ú-še-ir-ri-e
bu-ki-i : they caused thee to enter; nous lisons : Ú-se-ir-ri-e pu-di-i.
18 , 10-15 : nous traduisons : 1 bur eqlimim mși-li-"A -hu-um iš-šu -ru
ma um -ma "A -ku-ga-mil ni-ši-ir-tam sa" Și-li-4 A -hu-um ta-as-šu - ra -a id
na-nim e 1 bur du champ de Şi-l1-4A-hu-um on a retranché. Ainsi (parle)
"A -hu-ga-mil : la partie retranchée qu'à Şi-lí-a-hu-um tu as retranchée
livre-moi..
20 , 8 : pu-hi-šu n'estpas traduit. Par svile, le sens allribué à 8 -11
est inexact.
32, 13 : ce doit être, non pas "Nin -si(?)-an -na,mais Nin-si -an -na.
Cf.Genouillac , Umma, 6053 Rev.,
v. , I,
1, 53..
25. Puisque L. voit, dans ces 9 erin'im , g sâbâtim 'im, à cause de sI-NI
quisuit (ašeśum g erin 'in - ša it-ti erin ši-ni a -saglam şa-ab-tu), pourquoi
ne pas lire,l. 7 : 9 şabátim šu -ut ?
Mais ši-ni ne s'impose pas; au contraire, le contexte nous paraît auto
riser lim -ni. Les conséquences sont: 1° Que l'irrégularilé de -ši-ni au lieu
de -ši-na n 'existe pas; 2° Que ces sortes d'amazones (sabâtim ) s'éva
nouissent. Si l'on doit lire 9 erintime sabûtim , on estimera que, dans le
même Lutz ( Early Babyl. Letters , n° 8 , 9), sa -bu -lim peut fort bien
signifier hommes de troupe, et que, par suite , la critique de Driver
(O .C . T., III, 37, n° 8 , n . 2 ) peut être écartée.
Notons que le pluriel de erin est indiqué ailleurs (n° 22, 33, et par
ticulièrement au n° 29) par le complément há .
30, 4 :maš-šu-gid-gid :bárů .
Nous relevons dans ces textes, et à des titres divers : n° 4 , 8 : Um
maki (ina ) ;n°8, 9 : am -ša -li-i-ma chier “; l. 13 : le substantif lu-ur-mi;
21, 4-5 : N . aš-šu -mi-ia: mu-uh-kam ; 22, 14 et suiv. : 1 bur e-și-du
um 4 bur 2 ebel ú -še-lu -ú ; cf. ibid ., 1. 9-12. (Voir Ungnad, Bab. Briefe ,
p. 253 (référ.], cas analogues.)
Charles- F . JEAN .

Jurgis 'BALTRUŠAITIS. ÉTUDES SUR L’ART MÉDIÉVAL EN GÉORGIE ET EN ARMÉNIE.


Préface par Henri Focillon. – Paris , librairie Ernest Leroux, 1929;
in -4°, xvii + 114 pages , avec 101 planches hors texte , 190 figures dans
le texte et 1 carte.
L'Institut d'art et d'archéologie de l'Université de Paris a entrepris,
sous la direction de M . H . Focillon , des recherches sur les origines at
les caractères de l'art roman .
12 .
180 JUILLET- SEPTEMBRE 1930.
M . Baltrušaitis est un rromanisten , comme nous l'annonce M . Fo
cillon ; il est donc l'homme tout désigné pour nous dire ce qu'est L 'Art
médiéval en Géorgie et en Arménie .
Les études et les observations réunies dans le présent volume sont les
résultats de deux voyages (en 1927 et en 1928) en Géorgie el en Ar
ménie. « Elles ont avant tout une valeur de comparaison , et c'est bien
dans cet esprit qu'elles ont été recueillies el qu'elles sont présentées au
lecteur., Et M . F. avoue sagement que : « Il parait difficile aujourd 'hui
d'adopter une autre méthode que celle de l'histoire de l'art comparé. Ce
serait d'ailleurs une erreur de croire que loule la technique de celle
science consiste en une formule , celle des influences unilatérales et mas
sives » ( p. vii).
L'art arménien ayant été, pendant longtemps, considéré comme un
art byzantin provincial , on est ainsi conduit à voir en lui, sinon le pro
pagateur des éléments essentiels, du moins un foyer original, doué
d'une grande puissance de rayonnement., L'Arménie n'a rien reçu de
Byzance ; au contraire. L'église de Pitzoanda (x®-XI° siècles ) et d 'autres
monuments situés sur les bords de la mer Noire rappartiennent à un
type byzantin d'importation » (p. XI).
Pour M . F ., l'art chrétien de la Transcaucasie a les mêmes antécé
dents que l'art roman : art hellénistique, art syrien , art sassanide; il a
les mêmes contacts : art byzantin , art arabe. « La période de sa plus
belle floraison est, à peu de chose près , contemporaine de celle de la
culture romane, ( p . viii). Ici je ne suis pas d'accord avec M . F.; car
l'église de Sainte-Rhiphsimé, à Vagharchapat, bâtie au iyº siècle , recon
struite en 618 , représentant par conséquent le plus ancien monument
de ce slyle en Arménie , est une cuvre d'avant l'apparition de l'art roman
en Europe. Ceci nous amène à reculer aussi la date des procédés de
structures, chez les Arméniens, malgré l'opinion émise par M . F. dans
ces phrases : « A la fin du xi° siècle , les Arméniens pratiquaient avec
sûreté et d'une façon systématique des procédés de structures qui n'ap
paraissent encore ailleurs qu'à titre d'expédients (p. x ).
On est arrivé aujourd 'hui à ce résultal qu'il y a une influence sassa
nide sur l'art georgien et sur l'art arménien . Si, dans la sculplure figu
rée , il y a une ressemblance frappante avec l'art roman , c'est que ces
exemples sont de date relativement récente ; par exemple les chapiteaux
de l'église de Saint-Grégoire -l'Illuminateur, à Ani, sontdu xiurº siècle.
Pl. I, fig . 1. « Erasgovor. Ceinture de bronze trouvée dans une lombe
lrittiten , hittite ! je ne puis le croire , car, malgré la photographie et les
xplications des planches données par M . Baltrušaitis (p. 99 ), les Hit
COMPTES RENDUS. 181

tites n 'ont jamais pénétré dans le Caucase. « Erasgovor (lire : Erazga


worq) , aujourd 'hui Bash -Shöréguel, est un village près de Léninakan
(Alexandropol).
11 est regrettable que la plupartdes noms propres aient étémal tran
scrits. Quelques exemples : Bossar-Ghetchar et Bessar-Ghetchar (même
p. 2), au lieu de Bassar -Guétchar ); Tigrana-Honenza = Tigrane Ho
nentz ; Gabique = Gaguik ; Arakelos = Aragélotz ; Kehardt et Khéhardt =
Guéghard ; Cerdat = Clédat. P . 104 et pl. LXXXVI, Kvirik II» , lire :
Kuriké Ier. Kuriké le n'est pas le « frère, de Soumbat , il est son neveu.
Il a régné à Lori, vers 1046 -1089.
Malgré ces quelques erreurs insignifiantes, le travail de M . Baltru
šaitis est un admirable monument, qui complète très beureusement les
fondations jetées par Kondakoff et par Strzygowski.
M . B . a bien rempli sa tâche, examinant et comparant minutieuse
ment : [ I. ] L 'Entrelacs en Transcaucasie ( p. 1 -20); ( II. ) L 'Ornement
géorgien (p . 21-42) ; [ III.] La Sculpture figurée en Géorgie et en Ar
ménie ( p. 43-68 ); et (IV.) Caractères atectoniques de l'architecture et
du décor en Géorgie (p . 69-98 ).
Nous félicitons bien vivement et très sincèrement M . B ., ainsi que
M . F ., pour ce beau et intéressant volume, véritable monument de
recherches précieuses pour les archéologues et les érudits.
K . J. BASMADJIAN.

Gabriel FERRAND , INTRODUCTION À L'ASTRONOMIE NAUTIQUE ARABE. (Bibliothèque


des géographes arabes publiée sousla direction de Gabriel Ferrand ,t.I.) -
Paris, P. Geuthner, 1928 ; gr. in-8°, figures.
Ayaut fait pendant des années un cours élémentaire de lecture de
cartes , j'ai toujours été surpris par le désir manifesté par mon jeune
auditoire de connaître la façon dont le marin se dirige sur la mer.
C 'est le sujet qui est suivi avec le plus d 'avidité ! Et cela n 'est certai
nement pas à lort, car, quelque simple que puisse paraître au mathé
maticien la détermination du lieu sur un sphéroïde entouré de signaux
extrêmement éloignés, il a fallu des siècles de recherches avant que les
hommes aient pu se lancer en dehorsdela vue de la terre ferme.
Et encore , avantde s'aventurer si loin , ils ont été obligés d 'observer
des suites de côtes , d 'amers et d 'aspects de la nature pour éviter des
catastropbes dans lesquelles la terre et la mer devenaient à tour de rôle
amie et ennemie.
182 JUILLET-SEPTEMBRE 1930.
Comment nos ancêtres sont-ils parvenus à vaincre ces premières diffi
cultés ? Voici un problème d'une importance capitale pour ceux qui ne
voient pas dans l'histoire une suite de faits isolés , mais qui veulent
rechercher le lien entre ces faits , ou qui essaient de mesurer leur impor
tance relative.
Enfin on trouvera des Problèmes, écrit de Mauperluis ("), dans
lesquels je ne suppose plus un astronome; mais un navigateur sans
science , sans industrie , dénué d 'instrumens, tel qu'il peut se trouver
après un Naufrage : je lui offre les dernières ressources qu'un état aussi
malheureux lui permet.
C'est dans cette catégorie de problèmes qu'il faudra probablement
classer le n° XVIII(2), Trouver la hauteur du Pole par le temsque le
soleil emploie à s'élever sur l'horizon ou à s'abaisser de tout son
Disquen.
L'énoncé est très simple , mais la solution a été obtenue par la géo
métrie analytique et il a fallu le xviºsiècle pour la trouver !
Pour ces questions simples il faut en outre des éphémérides astrono
miques et des tables de calcul et tout cela pour donner à des moribonds
une dernière illusion . . .
Cet exemple suffira à prouver que l'histoire de la navigation , surtout
l'histoire des moyens qu'elle a utilisés est extrêmement captivante et
cependant elle n 'a pas loujours rencontré l'intérêt qu'elle aurait mérité !
Pour ce qui regarde l'Orient, plusieurs sujets étaienttraités dans des
mémoires parsemés à travers des périodiques presque introuvables et
connus de quelques rares personnes.
Je n'ai pas besoin de dire , comment, dans ces conditions, on peut
accueillir avec joie l'ouvrage de M . Gabriel Ferrand , Introduction à l'as
tronomie nautique arabe ( ouvrage dont je savais la publication proche ).
M . Ferrand a eu l'heureuse idée de reproduire une série d 'études de
James Princeps et de H. Congreve , en les accompagnantde notes. Il a
réédité l'importante recherche de Léopold de Saussure , L'origine de la
rose des vents et l'invention de la boussole.
Enfin le savant éditeur donne une longue analyse des traités composés
par les pilotes Ibn Mājid (3) et Sulaymān al Mahri, précédée d'un com
mentaire sur cette matière par H . de Saussure.

(1) Astronomie nautique ou Elemens d’astronomie . . . Paris , Impr. royale,


1743 , in-8°, p. xi, introduction .
(9) Loc. cit ., p . 46.
(3) M . F. a pu identifier Ibn Mājid avec le marin arabe des textes arabes ,
COMPTES RENDUS, 183

Le lecteur qui aura suivi les différents exposés contenus dans cet ou
vrage aura une idée très nette des méthodes suivies par les navigateurs de
l'Orient et ( ce qui est généralement oublié dans les ouvrages de vulga
risation ) du degré de précision dont ces méthodes étaient susceptibles.
Dans l'état actuel de nos connaissances , le livre de M . Ferrand pourra
pendant longtemps former le point de départ de nos investigations.
Quantau nombre des faits nouveaux apportés, il est assez considé
rable. L'ingénieur Niebuhr(") avait déjà rapporté un certain nombre de
noms d 'étoiles qui ne s'accordent pas avec ceux donnés par les traités
qui formaient — ou plutôt, qui devaientformer – la base du catalogue
historique des étoiles ,mais, au lieu de quelques noms, on rencontre
dans l'ouvrage de M . Ferrand une suite de termes singuliers , spéciale
ment en usage chez les marins.
L'étymologie de ces noms, souvent bizarres, pourra exercer l'ingé
piosité des orientalistes.
Dans ses commentaires , M . Ferrand a eu soin d'éclaircir beaucoup de
points obscurs. Mais, quel que soit l'acharnement apporté à ce travail ,
il restera toujours un complément à fournir ; c'est la nature d 'une
pareille étude sur des matières en grande partie non explorées qui le
veut.
Il faut avouer qu'il ne reste presque nulle part de la place à l'incer
titude.
Il n'y a qu 'un seul passage où maint lecleur aurait désiré un exposé
critique de la matière et, comme elle semble assez curieuse, j'en dirai
quelques mots. Il s'agit du problème de la direction de la Mecque traité
par Šihāb ad -Dīn (2).
A l'heure actuelle , cette question constitue une des applications les
plus curieuses de la géodésie , car il faut considérer la position des deux
lieur sur l’ellipsoïde terrestre.
Les choses sont plus simples chez les auteurs musulmans, la terre
étant supposée sphérique et la solution demandée étant en plus ap
prochée .
Il s'agit du calcul el de l'opération suivants :
Soit P le pôle de la terre , M le lieu de la Mecque, L celui où l'on dé
sire regarder la Mecque.

turks et portugais, qui pilota la flotte portugaise commandée par Vasco de


Gama de la côte orientale d'Afrique à Calicut (p. 183 et suiv.).
(1) Dans les différentes éditions de sa Description de l'Arabie.
(9) Loc. cit., p . 309.
184 JUILLET-SEPTEMBRE 1930 .
On connaît PM , le complémentde la latitude de la Mecque, PL , celui
du lieu , l'angle LPM (différence en longitude).
Il faut : 1° calculer (ou construire) l'angle A de l'orientement
2° déterminer la direction PL sur le terrain , c'est-à -dire établir le nord
géographique du lieu ;
3º Appliquer l'angle A sur le terrain à partir de PL.

La façon dont Sihāb ad -Dīn expose cette matière est très confuse ; on
a l'impression qu'il croit savoir plusieurs moyens différents au lieu d 'une
suite d 'opérations.
Il commence par supposer connues les longitudes et latitudes des
deux pays ( M et L ) , mais il oublie de dire qu'il faut calculer l'oriente
ment A .
Il se sert de l'étoile polaire ,manifestement pour trouver la direction
LP, il met un signal quand cette étoile devient invisible (mais on ne
comprend pas pourquoi une figure humaine intervientni pourquoi il
faut prier dans cette direction ).
COMPTES RENDUS. 185
Il se tait sur la façon dont on dispose l'angle A à partir de la direction
LP, à moins qu'il faille entendre qu'il se sert de la rose des vents sans
l'aiguille.
Dans un passage suivant, il prend en effet la rose et cherche l'angle .
Tout cela semble constituer une méthodedans laquelle il compte trois
A moyensn .
Il paraît juxtaposer un quatrième moyen ce sont les côtés de la
ka’ba, c'est-à-dire les côtes de ka'ba (orientés d'après ) les quatre
vents », C 'est le plus médiocre ( litt. : le plus faible ) des moyens,
dit- il (').
Je dois à la vérité d'avouer que je ne comprends pas à quel résultat
Sabāb ad -Dīn compte arriver. Dans cet embarras, M . Ferrand propose
la seule explication possible : on résolvait le problème sur la carte .
Ces exposés défectueux proviennent très souvent du fait que la mé.
moire prend trop en Orient la place de l'analyse et comme les Orientaux
n 'osent pas saisir la question par sa base , les auteurs restent à ergoter
sur d'infimes cas particuliers, à tel point que le problème fondamental
est perdu de vue.
Sinous avons insisté si longuement sur ce passage, c'est parce que sa
lecture superficielle pouvait conduire à de fausses conclusions. L.-A . Sé
dillot n'aurait pas manqué de s'étendre sur les e multiples moyens, que
possédaient les Arabes pour déterminer l'azimut de la Mecque et le pré
sent ouvrage de M . Ferrand contribuera certainement dans l'avenir à
réfuter les thèses partiales de Sédillot qui encombrent encore nos traités
généraux.
J.-M . FADDEGON.

Gotthold Weil . Die KönigsLOSE, J. G . Wetzsteins freie Nachdichtung eines


arabischen Losbuches. Ueberarbeitet und eingeleitet. - Berlin und Leip
zig , W . de Gruyter und Co., 1999; in -8°, 70 pages.
Traduire un livre de bonne aventure de l'arabe en ïambiques alle
mands - que ce soient ou pon des vers de mirliton — est certainement
une entreprise dont l'idée ne viendra pas à l'esprit du premier venu !
Tous les goûts se trouvent chez les poètes ; nous avons salué souvent
un vénérable huissier hollandais , assistant à toutes les ventes de biblio
(1) Loc. cit.. p . 210.
186 JUILLET-SEPTEMBRE 1930.
thèques et portant le nom de van Overeem , si nous avons bonne mé
moire , huissier qui a mis le code civil hollandais en vers, imitant on
surpassant le pseudonyme D . .. mex-législateur» , dont on cite à titre
de curiosité la rédaction de la disposition par laquelle certains enfanls
naturels sont exclus de la succession :
. . . . . Jamais applicable
Aux enfants qui sont nés d 'un inceste coupable ,
Ou qui d 'un adultère ont emprunté les flancs .
La loi les a réduits aux simples aliments.
Quoi d'étonnant dans ces conditions que J. G. Wetzstein se soit livré
au même exercice littéraire sur un traité de bonne aventure!
Son travail est du reste présenté sous une forme très élégante dans
l'édition donnée par G . Weil. L'exécution typographique, très soignée,
contribue beaucoup à l'aspect sympathique de cette curiosité , qni de
viendra peut-être une rareté bibliographique : les deux rosaces , p . 28
29 , rappellent la bonne imprimerie allemande du xviº siècle, et la cou
verture , reproduisant un talisman d 'après un projet de MⓇ Rust,un
hexagramme avec l'appellation ya Fattaḥ et les nomsdes SeptDormants ,
donne à l'ensemble un effet décoratif assez distingué.
Notons en passant une singularité : ces saints orientaux, fétés le
27 juillet, que l'Islam a rincorporés » , portent sur cette couverture des
nomslégèrement différents de ceux qu'on retrouve dans Reinaud , Des
cription des monumens musulmans du Cabinet de M . le duc de Blacas,
Paris , 1828 , in -8°, t. II , p. 59. Les chins à la place des sins font penser
au syriaque. Ces noms ont-ils passé par l'intermédiaire de cette langue
pour rester dans l'arabe ? C 'est possible. S'il est facile de reconnaître
Costantinus dans ügblaais de notre brochure et joylalamis de Reinaud,
il est difficile pour deux ou trois de ces noms de deviner la relation , ou
plutôt la suite des transformations. Qu'on nous permette au même sujet
encore une réflexion : les Sept Dormants ont été rarement représentés
par les artistes chrétiens, tandis que leurs noms, et celui de leur chien ,
ont été souvent reproduits par les Musulmans adonnés aux pratiques
occultes.
La traduction « poétiquer est précédée d'une introduction très inté
ressante de Gotthold Weil. Du reste l'ensemble constitue un extrait des
Mitteilungen des Seminars für orientalische Sprachen , Bd XXXI, Abt. II,
1928 .
De nombreuses notes donnent des références concernant la littérature
des sciences occultes en Orient. L'auteur de cette préface y considère la
COMPTES RENDUS. 187
divination des Babyloniens; il discute les passages d'Ézéch ., XXI, 26 et
suiv., parmi lesquels figure le tirage au sort par la Mèche, resté long
temps en usage chez les Arabes , et cherche le rapport entre le petit ou
vrage Die Königslose et la divination à l'aide des osselets chez les Grecs.
Chez ces derniers, on trouve les osselets tali employés de cette ma
nière :
Ayant jeté 5 fois l'osselet , on obtenait 5 nombres qui étaient suscep
tibles de 56 combinaisons. Dans un livre établi à cet effet, chaque com
binaison correspondait à un vers de 5 hexamètres. Dans les deux pre
miers , le curieux pouvait rechercher la question posée, les trois autres
répondaient comme un oracle !
Il n'y a pas besoin de dire que les réponses étaient généralement un
peu vagues, un peu « passe-partouts, pour pouvoir s'adapter à lous les
cas . . .
La mêmepréface contient une étude assez longue sur la divination
chez les Musulmans. L'auteur en cherche la relation avec le pseudonyme
Astrampsychus, dit quelques mots sur l'art de discerner la personnalité
de quelqu'un d'après ses traces, de dévoiler l'avenir d'après des paroles
surprises furtivement, sur les augures etaussi sur les ouvrages du même
genre que celui dont Wetzstein a donné la traduction . Tous les procédés
sont examinés : tirer son sort d'une ligne du Coran ou de Hafiz et le
déduire à l'aide d'ouvrages après avoir jeté des osselets.
Personnellement, nous aurionspeut-être désiréune plus grande clarté
dans l'emploi au point de vue philosophique. Ainsi, quand plusieurs
personnes tirent au sort, ils contractent l'engagement réciproque de
demander unedécision à un événement purement fortuit et indépendant
de leur volonté. Le sort devient ainsi uneprobabilité , et leur action n'est
nullement comparable à celle d'un être incertain qui consulte les dés
pour savoir ce qui luiadviendra.
En comparant les augures aux flèches , on arrivera de même à éta
blir des distinctions, à définir ce qui constitue le hasard a priori que
nous faisons intervenir dans nos sciences exactes , et le sort quiinterve
nait d 'une façon plus ou moins directe et simultanément avec une volonté
divine chez les anciens.
Quant à Mahomet, M . Weil fait judicieusement remarquer (p. 9 )
qu'il défendit toutes les pratiques occultes provenant du paganisme,
tandis qu'il admit celles qui présentaient un caractère d'oracle.
Examinons après ces considérations le mécanisme de ce livre de bonne
aventure.
Dans un groupe de 6 cercles divisés chacun en 6 secteurs , le « devin ,
ET EPTEMBRE 930
188 JUILL -S 1 .
cherche le mot typique du sujet qu'il désire connaître;dans un groupe
analogue , il choisit un deuxième mot.
Chaque cercle lui offre en face du mot une lettre ; il joint ces deux
lettres et entre avec ces mêmes lettres dans un tableau encadré dans la
limite d'un cercle (il y a deux de ces cercles) pour arriver ainsi dans un
secteur qui porte un nom d'étoile , elc., et extérieurement un numéro.
A ce numéro il ajoute un certain nombre ( 2 à 10) obtenu en comp
lant les doigts des deuxmains droites que le devin et son clientmettent
au hasard en avant.
Avec la somme ainsi obtenue, il va faire quelques opérations super
flues :
1° Il lit l'intérieur du secteur pour y trouver le nom de l'étoile
( comme astrologue);
2° Il lit ce nom de nouveau dans une colonne en face du nom d'un
oiseau ( comme augure);
3° 11 lit le nom d'une ville (peut-être le lieu de l'oracle);
4° Il lit le nom d 'un roi (l'oracle), nom qui n 'a aucune relation avec
la ville précédente.
Chaque roi a un registre. Le client cherche sous le nombre de la
sommedes doigts avancés et lit sous ce nombre un oracle en deux versets.
Ces doigts avancés, dont il est ici question, nous suggèrent une autre
remarque : dans le livre Die Königslose , on introduit un chiffre obtenu
par cet artifice. On peut donc choisir le chiffre. Un devin astucieux et
doué d'une forte mémoire est par conséquent jusqu'à un certain point
maitre des réponses qui vont sortir comme «oraclen.
Selon les livres de l'antiquité au contraire , on jette un osselet et on
attend un oracle uniquement dicté par le hasard ; ce basard est nette
ment fortuit, et l'antiquité avait , dans sa soumission au sort , quelque
chose d'effrayant, mais , dans les produits arabes de ce genre, et celui-ci
en est un exemple , on semble tricher avec le hasard I l y a un certain
tragique dans le premier système, un certain charlatanisme dans le
second .
On peut se demander si l'osselet des livres de l'antiquité ne peut pas
être remplacé par le dé et pourquoi les traités contiennent 56 cas. Rap
pelons ici le petit problèmedes combinaisons à répétition de nos cours
d'algèbre. Admettons que l'osselet porte les lettres
- ab c d
successivement sur chacune de ses faces.
COMPTES RENDUS. 189
On le jette 5 fois; on aura ainsi des suiles qu 'on peut classer dans des
groupes :
α ο α α α
a aa a b
a a a as

d d d d d
Désignantle nombre des combinaisons à répétition par
Da ,

n indiquant le nombre des lettres de chaque combinaison ( ici 5 ), m le


nombre total des lettres (ici 4 ), on a , suivantune formule connue :
De _ m (m + 1)(m + 3) .... .(m + n — 1)
1 . 2 . 3 . . . in
Dans le cas de l'osselel on obtient :
ne _ 4 (4 + 1) (4 + 2) (4 + 3) (4 + 5 -- 1) _ RE
1 . 2 . 3 . 4 .5

Les livres de bonne aventure de l'antiquité contenaient 56 lignes à


réponse ; donc pous sommes en droit de conclure qu'effectivement ils se
rapportent, non à un dé avec six faces ,mais à un osselet à quatre faces;
le dé aurait exigé 252 réponses.
Bien entendu , l'osselel n 'est pas un tétraèdre , comme on serait tenté
de le croire ,mais un parallélépipède irrégulier dont les petites faces ne
comptent pas, altendu que l'osselet ne peut pas rester sur elles en équi
libre.
Reste maintenant à savoir comment les anciens out découvert le
nombre de 56. Ils ontprobablement écrit toutes les combinaisons pos
sibles, car il semble peu probable qu'ils aient connu une formule pour
calculer leur nombre .
Nous avons en la curiosité d'examiner quels sont les astres e de for
tunen qui figurent dans les tableaux de l'opuscule. On voit qu'ils peu
vent être partagés de cette façon :
7 étoiles errantes : les cinq planètes des anciens, le Soleil, la Lune;
1 étoile fixe : Sirius;
28 étoiles ou groupes d'étoiles zodiacales.
190 JUILLET- SEPTEMBRE 1930.
Comme ce dernier nombre fait penser aux mansions lunaires, il pa
rait naturel de rechercher s'il s'agit de ces mansions. Cela est effective
mentle cas, mais ce ne sont plus les nomstraduits de l'arabe de ces man
sions qu 'on trouve , au contraire leurs identifications avec les étoiles des
catalogues de Plolémée, etc. Ce fait est surtout frappant pour toutes les
mansions (22 à 25 ) qui portent le nom de lew . Or, on sait que la troi
sième mansion estappelée , et qu 'elle est constituée par les Pléiades.
Comment se fait-il qu'on trouve sur le tableau Himmelswagen (Grande
Ourse )? C'est un mystère qu'il est impossible de pénétrer en l'absence
du texte arabe et qui fait, comme toujours, désirer la publication des
textes joints aux traductions des ouvrages orientaux.
Quoi qu'il en soit , le petit ouvrage de Wetzstein et Weil n'en est pas
moins curieux et mérite bien de trouver la modeste place qu'il réclame
dans les bibliothèques. Le seul récit assez littéraire de la façon dont le
texte arabe est tombé entre les mains de Wetzstein ( p . 22 ) lui en donne
déjà le droit.
J.-M . Faddegon.

Étienne Lamotte , licencié en langues orientales , Notes sur la BHAGAVADGĪTĀ,


avec une préface de Louis de La Vallée Poussin. – Paris, Geuthner,
1929.
Je tiens à signaler l'originalité de cette nouvelle contribution à
l'élude, jamais achevée de la Gītā. La connaissance de la philosophie et
de la théologie occidentales qualifie l' indiaviste pour l'appréciation des
nuances de la pensée indienne et, plus précisément, pour l'analyse des
idéologies , souvent imparfailes et obscures , où la spéculation religieuse ,
plus spontanée que réfléchie ,encore que raisonneuse, affectede prendre
l'aspect de dogmes. L'examen de la Gilā , de ce pointdu vue, est besogne
délicate, et je louerai sans réserve la précision et le bon sens que
M . Étienne Lamotte y a apportés , évitant tout parti-pris et toute sub
tilité , et soucieux à bon droit de rester à la porlée du commun
des philosophes. Sion sent partout une profonde science du sujel, on
n'est nulle part gêné par le détail technique. — Soubaitons qu'il étudie ,
dans lemême esprit et avec le même succès, l'ensemble des spéculations
doctrinales du Vislinouisme, la distinctions des mūrtis, rformes , ou
« hypostases , , et des prādurbhāvas e manifestations, ou Avalars , la
variété des Avatars , le Krşņa tout court et le Krşņa-Svayambhū , les
vyūhus et le reste : large programme et digne d 'une activité si bien
COMPTES RENDUS. 191
orientée et si judicieuse. C 'est en ces termes que M . de La Vallée
Poussin présente au lecteur ce sobre et beau travail d'une si juste
mesure, et qui d'ailleurs est de ceux qui sont à eux - mêmes leur
propre louange.
Contre la thèse de Garbe, qui voit dans la Bh. G . actuelle une refonte
panthéiste et vedāntique d'un poèmeplus ancien d'inspiration théiste et
Krşņaïte , M . Lamotte , avec de bons juges, maintient l'unité de compo
sition de l'ouvrage. Il montre , du point de vue de la critique textuelle,
tout ce qu'a d'arbitraire le découpage du texte effectué par Garbe (voir
Appendice ), et , d 'une manière plus générale , que l'essence même de la
Gilā tient dans la conciliation spontanée et vécue de tendances philoso
phico -religieuses disparales, mais dont la désharmonie n'a pas rebuté
le poète, parce qu'il les a reçues précisément à ce point d'indécision ten
dancielle et polyvalente où , nulle systématisation n'étant venue accuser
les reliefs et creuser les différences , elles peuvent encore se laisser
porter ensemble par une pensée ample , plus qu'acérée , et composer par
une intention dominatrice. Philosophie en devenir et non philosophie
composile , selon l'expression de Deussen .
La voie du Salut qu'intègrent ces éléments divers est donc dans la
Gītā quelque chose de complexe où le jñāna des upanişad , le svadharma
du milieu kşatriya où a dû s'élaborer le poème, la bhakli des Bhāgavata
fidèles de Krşņa, s’nnissent et se compénètrent, sans perdre pourtant une
relative indépendance. Capable chacun d'assurer le salut, ils s'appellent
et s'appuient l'un l'autre , et s'enrichissent à cette collaboration . Le
jñāna, la connaissance intuitive du Brabman , doit s'étendre à Krşņa, qui
lui est identique, à ses divers modes de présence : dans les âmes indi.
viduelles , comme jīvabhūta , dans la nalure et ses guņa qu'il émet en se
conditionnant lui-même par un acte d'adişthāna, dans ses divers ava
tāra . La connaissance de la nature , activité perpétuelle, est indispensable
pour fonder le karmayoga , la voie de l'activité désintéressée qui sanc
tifie le devoir de caste . Les exigences de la bhakti font de l'âme indivi
duelle un point spirituel irréductible , totalement dévoué à la divinité
mais non anéanti en elle , qualitativement apparié à Krşņa, non iilen
tigé à lui, quoique demeurant en lui comme en son lieu propre , mais
d'une présence mal délinie. Et bien que le primat théorique n'en soit
point affirmé, c'est sans nul doute à la bhakti que revient en fait le rôle
demoteur et de fin . « L'unité de notre poème doit être cherchée dans la
tendance générale de l'auvre , dans le but poursuivi par l'auteur. Membre
de la secte des Bhāgavala , mais bien au courant des spéculations brah
maniques de l'époque ou , tout aussi vraisemblablement, brahmane
192 JUILLET-SEPTEMBRE 1930.
affilié à la secte des Bhāgavata , l'auteur est un prosélyte ardent qui
cherche à gagner à Krşņa le plus grand nombre possible de sectateurs
et d'adorateurs.. . Toutes ces doctrines , toutes ces croyances, sont
vivifiées et en quelque sorte unifiées par le souffle mystique et dévot
très puissant que la Bhagavadgitā leur insuffle. C'est parce qu'elle
forme une véritable « somme théosophiquer, miroir Gdèle de la menta
lité hindoue, que la Bhagavadgitā devait jouir d'un succès sans pareil
dans l'Inde ancienne, médiévale et moderne , tant dans les milieux intel
lectuels que populaires.
M . Ét. Lamotte s'est appliqué avec grande prudence et finesse à
suivre lous les méandres d'une pensée que le bon sens guide, comme
il le note excellemment, sans en briser pourtantl'élan et la ferveur.

Olivier LACOMBE.

Le gérant-adjoint : Le géranı :
René GROUSSET . Gabriel FERRAND.
LIBRAIRIE ORIENTALISTE Paul GEUTHNER, 13, rue Jacob. – PARIS, VI
A . KAMMERER
MINISTRE PLÉNIPOTENTIAIRE

PÉTRA ET LA NABATÈNE
L'ARABIE PÉTRÉE ET LES ARABES DU NORD
DANS LEURS RAPPORTS
AVEC LA SYRIE ET LA PALESTINE AVANT L'ISLAM
Préface par R . DUSSAUD, membre de l'Institut.
in volumede texte de 4 cartes originales, historiquesbroché,
et topographiques,
et un atlas deen16cou
pp.
leurs, 7 planches, 74 figures et 6.30 pages , gr. in -8,
et 152 planches formant 263 illustrations, gr. in -8, broché, 1930.
- : Prix : 300 francs :
Ch. I. Les sources de l'histoire de l'Arabie Pétrée et de la Nabatène. — Ch . II. Les origines
es Nabatéens. - Ch. III. Les Nabatécns routiers du désert. Pistes antiques et territoires. -
ih , IV . L'Arabie Pétrée au temps de Moïse. - Ch . V . Les Arabes, les Nabatéens et la Syrie. -
h . VI. Premiers contacts des Nabatéens avec les Grecs. Leur rôle dans les conflits entre
.agides et Séleucides. — Ch . VII. Les Nabatéens contre les Juifs et les Séleucides. -- Ch . VIII.
es interventions romaines. — Ch. IX . La dynastie de Pétra. Tableau généalogique et liste
es Rois. - Ch. X . Les successeurs d'Aretas III. Obodas II et Malichos II. La Judée et la
Tabatène jusqu'à Actium . - Ch. XI. Obodas III et Sylléos au temps d'Hérode le Grand.
'expédition d'Aelius Gallus en Arabie. - Ch . XII. L'extension de la Nabatène vers le Sud .
| Heger. Médain -Salih et Dédan- El-Ela-Hereibeh. – Ch . XIII. Le dernier siècle de l'indé
endance nabatène et de l'histoire juive. - Ch . XIV. La provincia Arabia . - Ch. XV. L'essor
e Palmyre et le crépuscule de Pétra. — Ch. XVI. Le système des Phylarches. - Ch. XVII.
!'étra à l'époque des Croisades. - Ch. XVIII. Les Nabatéens, mæurs et gouvernement. –
h . XIX . La religion. - Ch. XX. Les inscriptions et la langue nabatéenne. - Ch. XXI.
L'architecture et les monuments. -- Ch. XXII. La numismatique. -- Annexes. .
Depuis qu'en 1812 ont été retrouvés par Burckhardt les mausolées grandioses et presque inacces
sibles de Bétra, les recherches d'un siècle sur la Nabatène et l'Arabie Pétrée, éparpillées dans
es volumes précieux , souvent en langues étrangères, n 'ont jamais été exposées d 'ensemble , dans
n livre accessible au grand public et bien illustré .
M . Kammerer, dans la partie historique de son ouvrage, nous présente un tableau de l'histoire
atérieure et des rapports de la Nabatène avec tous ses voisins : Assyriens, Juifs, Syriens, Grecs,
omains. C'est donc une histoire résumée de tous les peuples sémitiques au contact direct de
Arabie Pétrée : Syrie -Séleucide, Palestine, Tribus arabes du Nord , etc. Des chapitres sont
onsacrés à l'annexion romaine, à la Province d 'Arabie, et au rôle des Arabes entre l'Empire
yzantin et l'Empire parthe. avec les Arabes du Sud ou Sabéens ont donné à l'auteur l'occasion
Les relations des Nabatéens
e publier une collection inédite, véritable révélation en France, d'objets appartenant aux civili
ations de l'Arabie méridionale . L'étude des routes commerciales et des pistes de grand parcours
amené un parallèle poussé entre Pétra et Palmyre. Un chapitre expose l'histoire et tout ce
u 'on sait d'après les recherches récentes de cette dernière et célèbre oasis.
La fin de l'ouvrage est consacrée à la civilisation nabatéenne proprement dite : l'organisation
volitique et la dynastie nationale ; la religion, son dieu Dusarés et ses sanctuaires ; la langue et
es inscriptions nabatéennes ; l'architecture et les monuments avec un essai sur l'évolution archi
ecturale, son origine et les sources auxquelles elle a puisé ; enfin la numismatique , élément
mportant de ce passé , avec les lectures de monnaies par M . R . Dussaud , membre de l'Institut.
Cet ouyrage, précédé d 'une préface de M . R . DUSSAUD, est richement illustré de 347 illustrations.
L'auteur s'est efforcé de ne rien omettre de ce qui, par l'image, peut éclairer le passé de la Nabatene
t des pays voisins. Plus de 40 planches originales, en partie tirées des clichés rapportés de ses
oyages, sont consacrées au site si remarquable de Pétra .
TABLE
DES MATIÈRES CONTENUES DANS CE NUMÉRO .

La campagne du printemps de 1929 à Tello (M . H.DEGENOUILLAC)...


Transcaucasica (M . V. MINORSKY)....
Quelques publications sémitiques récentes (M . F. Nau........
Mélanges : Note sur une éclipse du temps d'Açoka (O) (M . R . Fazy). — Sur quelques
images de någas à Sambór Prei Kúk (M . V.GOLOUBEW )... ... .. .. .. . . . . 135
Société asiatique : Procès-verbal de la séance du 14 mars 1930. – Procès-verbal de
la séance du 11 avril 1930 . - Procès-verbal de la séance du 9 mai 1930 ; annexe
au procès-verbal (M . CH. BÉRIDZE).. . 141
Comptes rendus... .. . . . . . .. . . . . . . . . . . 131
R . SAID -RUETE , Said bin Sultan ; - W . GOTTSCHALK , Katalog der Handbibliothek der orien
talischen Abteilung ; - K . MILLER , Mappae Arabicae, Arabische Welt und Länderkarten ;
M . GAUDRY, La femme chaouia de l'Aurès ; - Y. HUSAYN , L'Inde mystique au moyen âge : -
SUBRAB , Das Kitāb ağā'ib al-akālim as-sab'a ; - Annual bibliography of Indian archaeology
for the year 1928 (Gabriel FERRAND ). — Ting Tchao-Ts'Ing , Les descriptions de la Chine
par les Français ( 1650-1750 ); - Tchai TSOUN-TCHUN, Essai historique et analytique
sur la situation internationale de la Chine ; - Tsen PAK-LIANG , Recherches sur quelques
minerais chinois de tungstène et de molybdene; - Tsing TUNG-CHUN , De la production et du
commerce de la soie en Chine (R . DES ROTOURS). – A . Bey SAKISTAN , La miniature per
sane du xu au xvil siècle; - L. DE CASTANHEDA , Historia do descobrimento da India
pelos Portugueses (1552 -1561); - Ars asiatica ; - Ceylon zur Zeit des Königs Bhuvaneka
Bahu und Franz Xavers 1539-1552 ( Bouvar ). – J. Bacor, Une grammaire tibétaine du
tibétain classique; - G . MARCAIS, Les faïences à reflels métalliques de la grande mosquée
de Kairouan : - Fr. Weller, Tausend Buddhanamen des Bhadrakalpa ; - E . H . JOHNSTON ,
The Saundarananda of Asvaghosa (Marcelle Lalou ). - L . DELAPORTE , Éléments de la
grammaire hittite; - L. DELAPORTE , Le syllabaire hittite cunéiforme; - H . Fr. Lutz , Ola
babylonian letters (Ch.-F. JEAN ). – J. BALTRUŠAITIS, Études sur l'art médiéval en Géorgie
et en Arménie ( K .-J. BASMADJIAN ). - Gabriel Ferrand , Introduction à l'astronomie nau
tique arabe ; - G . WEIL , Die Königslose (J.-M . FADDEGON ). - Et. LAMOTTE , Noles sur la
Bhagavadgītā (0 . Lacombe).

NOTA. Les personnes qui désirent devenir membres de la Société asiatique doivent adresser
leur demande au Secrétaire ou à un membre du conseil.
MM . les Membres de la Société s'adressent, pour l'acquittement de leur cotisation an
nuelle (60 francs par an pour les pays à change déprécié, 120 francs pour les pays à change
élevé) au Trésorier de la Société Asiatique, Musée Guimet, Place d'Iéna, 6 , Paris (xyt"),
pour les réclamations qu'ils auraientà faire , pour les renseignements etchangements d'adresse,
au Secrétaire de la Société Asiatique, rue de Seine, 1 , Paris (vi ), et pour l'achat des ouvrages
publiés par la Sociétéaux prix fixés pourles membres, directementà la librairie PaulGeulhner,
rue Jacob , n° 13 (11 ).
MM. les Membres reçoivent le Journal asiatique directement de la Société.
Pour les abonnements au Journal asiatique, s'adresser à la librairie Paul Geuthner,
libraire de la Société.
Abonnement annuel: go francs pour les pays à change déprécié. - Pays à change élevé,
150 francs.

IMPRIMERIE NATIONALE.
JOURNAL ASIATIQUE
RECUEIL TRIMESTRIEL
DE MÉMOIRES ET DE NOTICES
RELATIFS AUX ÉTUDES ORIENTALES
PUBLIÉ PAR LA SOCIÉTÉ ASIATIQUE
O

TOME CCXVII

N° 2. – OCTOBRE-DÉCEMBRE 1930

Tableau des jours de séance pour l'année 1930 ,


Les séances ont lieu le second vendredi du mois à 5 heures , au siège
de la Société, rue de Seine , n° 1.
JANVIER, pdrarza. AVAIL , JUIN JOILL.-A00T.-SEPT.-OCT. nov. Die .
Séance
générale
Vacances . 14

Bibliothèque.
La Bibliothèque de la Société, rue de Seine, nº 1, estouverte le vendredi,
de a heures à 4 heures, et le samedi, de 2 heures à 6 heures.

PARIS
LIBRAIRIE ORIENTALISTE PAUL GEUTHNER
LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ ASIATIQUE

RUE JACOB, Nº 13 ( viº)


et Les collaborateurs du Journal sont instamment priés d'adopler
la transcription précédemment indiquée (annexe du fascicule janvier
mars 1923 ), qui, pour l'alphabel arabe , est la suivante :
‫ ء‬, ‫ ج ا ن ا ت ا ب‬j, ‫ ح‬, ‫ اخ‬, ‫ د‬d , 5 d , ‫ ر‬, ‫ رز‬, ‫ س‬, ‫ ش‬,
‫ می‬, ‫ ض‬, ‫! ط‬, ‫ظ‬ ‫ غ ع‬, ‫ في‬, ‫ اق‬, ‫ اك‬, ‫ال‬, ‫ م‬m , ‫ ن‬, sh ,
, w , ss y, ý : étatabsolu a , état construil at. .
Voyelles et diphtongues : ‫ ب‬ba ; ‫ ب‬bi, be; ‫ ب‬bu , bo; ‫ با‬ba; ‫ ا يبي‬,
le ; ‫ بو‬ba , b6 ; ‫ ي‬bag: ‫ بو‬bam .
‫عبد‬
JOURNAL ASIATIQUE.
OCTOBRE-DÉCEMBRE 1930 .
--

LE
TEXTE DU DRAXT ASURIK
ET LA VERSIFICATION PEHLEVIE ,
PAR 3
Tng
G

E. BENVENISTE.

Dans la littérature mazdéenne en pehlevi, le Draxt (7)


asūrīk se distingue par une double particularité. C'est l'unique
spécimen iranien médiévaldu genre ditee Rangstreitliteratury :
il rapporte une joute oratoire entre l'eearbre assyrien » (le pal
mier) et le bouc, qui se disputent la primauté. D'autre part,
c'est le seul texte littérairequi soitrédigédans le dialecte pehlevi
arsacide du Nord-Ouest , comme la reconnu Bartholomae(1).
Ilne s'agit pas d'en fournir ici une nouvelle édition(2), qui
exigerait une collation minutieuse des manuscrits de Bombay,
(1) BARTHOLOMAE, Zur Kenntniss der mitteliranischen Mundarten , IV , 1922 ,
p . 23 et suiv.
(2) Le texte a déjà trouvé trois éditeurs : E . Blochet, Revue d'histoire des
religions , XXXII , 1895 , p. 233-341, et 18-23 de l’Appendice ; ANKLESARIA ,
Pahlavi texts , II , p. 37-39; et J. M . Unvala, Bulletin of the School of oriental
Studies, II , 1923 , p. 637-678. C'est à cette dernière édition que toutes les
citations renvoient. Comme on le verra , nous nous sommes borné à l'examen
des passages qui intéressent la présente démonstration.
CCXVII . 13
INPRIN RRIE NATIONALS .
194 OCTOBRE-DÉCEMBRE 1930.
en particulier, mais d 'établir le principe qui rendra son aspect
authentique à un texte défiguré par la tradition et les éditeurs :
le Draxt(7 ) Asūrīk est en vers.
Ce qui d 'abord le suggère , c'est la répétition , dans le dis
cours du bouc (45 et 48 ), d'une phrase de conclusion qui
formeun hendécasyllabe :
ēvom apartar hač to draxt asūrik
seul je te suis supérieur, ô arbre assyrien
Aussitôt d 'autres phrases se ramènent aisément à des vers
de 11 syllabes :
8 damēnak hač man karēnd ährän -vazāk
11 rasan hač man karēnd kē to pad bandand
12 čūp hač man karēnd kē to gartan māčēnd
13 mēx hač man karēnd kē to sarkūn vazēnd [ ]
14 ēz(u )m hom äturān kē tā sēž brēzēnd
15 tāpastān (å > sāyak hom pa sar šahrdārān
16 āzātmartān tapangūk hač man karēnd
26 hakart passox" karom nangam bavēt grān
30 āšnõi dēv i buland-gad āz patkarom
ka dātar bay varčāvand bāmik x 'āpar
öhrmazd apẽbak dẽn mazdagasn ñaët
33 ăn čē bār i yāmak kē pa pušt dārom
yut hač man ke buz hom kartan nē šāyēt ( cf. 41 fin )
angustpān i husravān šāh-hamharzān
36 maškom karēnd apdān pa dašt u vyapān.
[u] pa garm rõč varfik sart āp hačman hast
38 pa šakõh äzarm andar kanār dārānd .
40 xik hač man karēnd ke bandand apar dron
41 šikanj hač man karēnd kē bandand zēnān
42 vas yāmak šāhvār patmõčan kanīkān
43 kustik hač man karēnd ānom spēt padām
ăn taºlil saltar patmoẺan Đazurkan
tan hubod bõdāt čiyön vul i gēhik
45 pēšpārak hač man karēnd anošak -x 'ar
mān kë x 'arēt šahrdār köfdār u āzāt
LE TEXTE DU DRAXT ASŪRĪK. 195

zvom apartar hač to draxtasürīk


47 mazdayasnān patyāp pa man post dārand
53 to kandēt kas ēlar kē gūrsakih mas

En revanche, dans la seconde partie , ce sont des vers de


6 syllabes qui apparaissent:
49 ka o väčār barēnd
u pa vahāk darand
hēr kė dram nē dārēt
frāč o buz nē āyēt
50 ēnam sõt nēvakih
ēnam dahišn u drūt
kē hač man be ayēt
tar im če pahān būm
ēnam zarrēn sox'an
kē man ō tō nihāt
čiyon kē pēš varāz
murvārīt afšānēt
52 giyāh tarun x 'arom
u hač cănik sart āp

Nous nous sommes limité aux phrases dont le mètre se


reconnaît aussitôt le principe posé, ou moyennant une très
légère modification.Mais il en est quantité d'autres qui retrou
vent leur rythme quand on les a débarrassées des gloses qui
les encombrent.
La première question , à cet égard ,est l'izāfet. On sait qu'un
des traits caractéristiques du dialecte pehlevi arsacide dont
notre texte demeure un vestige somme toute fidèle ,malgré un
mélange de formes inévitable , est l'absence d'izāfet(1). Or, non
seulementlemanuscrit de Paris du Draxt(7)asūrīk , qui se révèle
à tout point de vue le meilleur, omet presque toujours la par
ticule i, qui est au contraire de règle dans le dialecte sassa

(1) Cf. Tedesco , Monde oriental, XV, p. 218 et suiv.


196 OCTOBRE -DÉCEMBRE 1930.
nide, mais la forme métrique exclut à peu près partout les i
que le dernier éditeur a rétablis obstinément. Les besoins du
vers coïncident avec la règle dialectale. Le meilleur exemple
en est le vers deux fois répété :
ēvom aparlar hač to draxt asūrīk .
Dès lors , le texte a pour titre, non pas Draxt i asūrīk que
donnent les manuscrits , mais Draxt asūrīk , sous lequel nous
l'avons désigné, ou peut- être mieux encore Draxt asūrīk (u ) buz.
Également superflus sont les u eet» introduits par les éditeurs
dans une poésie qui procède par accumulation et juxtapose les
épithètes , les propositions , sans les lier.
Pour la mêmeraison , il faut se garder d'ajouter des prépo
sitions qui faussentune syntaxe parfaitement claire . Aux para
graphes 11 et suivants de son édition , M . Unvala lit : rasan
hač man karēnd ke to pad [ pataš) bandand « I am the cord, with
which they bind thy foot» . D 'une correction inutile sort une
interprétation inexacte. Le manuscrit fournit évidemment la
bonne leçon, quiest un hendécasyllabe :
rasan hačman karēnd kē to pad bandand
ils font demoi le(s) lien (s) qui attachent tes pieds.
Le vers reste correct grammaticalement quand , avec Bartho
lomae, on tient rasan pour un complément pluriel régissant
bandand par l'intermédiaire du relatif(1).
Rien nemontre mieux la vanité de ces additions que la der
nière ligne de la partie versifiée , qui, dans l'édition Unvala
( p. 666 , S53), se présente ainsi : tō kandēt ( har] kas étar ke
gūrsakih [i] mas dārēt). La métrique dénonce un hendécasyl.
labe irréprochable dans le texte traditionnel :
tő kandēt kas ētar kē gursakihmas.
(1) BARTHOLOMAE , op. cit. , p . 27.
LE TEXTE DU DRAXT ASŪRĪK. 1199

En effet : 1° har est inutile devant kas; gº l’izāfet, comme


nousl'avons vu , ne s’emploie pas en général; 3° il n'y a pas
lieu d'ajouter un verbe à cette phrase nominale : kè qursakih
mas « dontla faim (est) grande».
Aux mains de copistes sassanides , plusieurs passages ont
subi dès une époque ancienne des interpolations de particules.
Soit, au paragraphe 21, la phrase : to če 7 man rāneh , to če o
man nipartēh . La suppression de čē permet de lire :
to o man rānēh , to o man nipartēh

ce qui signifie , non pas : « Thou also disputest with me, thou
non

also fightestwith men (Unvala ) , mais , sur un ton d 'exclama


tion méprisante : « toi, tu veux te mesurer avec moi ? toi, tu
veux me combattre ? ,
Bien des passages restent corrompus, grossis d 'additions ou
de mots inconnus qui en obscurcissent la structure métrique.
Les copistes n 'ont à aucun moment remarqué qu'ils transcri
vaient un poème, et l'ont gâché à plaisir. Ainsi, au para
graphe 41, on discerne , dans un passage qui a fortement
embarrassé les éditeurs, trois gloses au moins : kē pa mas pil
zandpīl dārand ; il est évident que mas pīl ou zandpīl est de trop ;
- ka pa vas kāračār [ P. vas kār u kārəčār] andar kār dārand ,
les expressions pa kārəčār et andar kār fontdouble emploi; à la
suite de quoi on lit : hambun nē sīhet cene semble pas être de
même origine» , où il est surprenant qu'on n'ait pas reconnu
l'annotation marginale d'un commentateur .
En revanche, au paragraphe 42 , une longue énumération
de produits divers pourrait être un ajout tardif,mais on hésite
à l'affirmer devantles deux vers qu'elle forme, bien que le i les
rende suspects :
pist u panir mēš-rõyn x'artik u kapur
u mušk i siyā u xazz i tuzārik .
198 OCTOBRE -DÉCEMBRE 1930.
D'autres fois, c'est une partie du vers qui est tombée. Le
premier alinéa en offre un exemple relativement clair : draxt
i rust hast tar o šahr asūrīk būnaš husk hast saras hast tary u
rēšak nad mānēt barašmānēt angūr šīrīn bār awarēt. En interpré
tant le chiffre 1 par evak , on obtient un premier vers :
draxt evak rust hast tar ö šahr asürik

Puis une suite incomplète de 8 syllabes (ou un octosyllabe?):


bunaš hušk ast saraš ast tart .

Enfin un vers allongé d'une glose :


rēšak nad mānēt baraš mānēt angūr
( glose : šīrēn bār āwarēt ]

Sans prétendre remédier à toutes les altérations, il ne sera


pas inutile d'indiquer encore, par la discussion de quelques
passages mal établis, quel appui on peut attendre de la mé
trique.
Nous reproduisons la suite du paragraphe qui vient d 'être
étudié :
2 . martomān -dātastān (rād ] ān om draxt i buland būz ő ham nipartīt
ku : az hač to apartar hom pa vas-gõnak hēr.
3 . man pa x 'aniras zamāk draxtom nēst hamtan če šāh hač man x 'arēt
ka nok āwarom bār.
4 . makūkān -taxt hom .
5 . frasp hom [i] vālpānān .

De l'expression martomān dātostān , on traitera plus loin . “


Comme dans les cas précédents, l'izāfet entre draxt et buland
ne doit pas subsister , d'où un vers :
ān-om draxt buland buz ő ham nipartit.
LE TEXTE DU DRAXT ASŪRIK . 199

Le ku précédant le discours a été ajouté mécaniquement.


Dans la phrase suivante, il suffit de supprimer une syllabe pour
rétablir le vers : az ou hom pourraient être sacrifiés. Mais la
phrase nominale qu'entraînerait la suppression de hom se jus
lifierait mal à la gre personne du singulier. C 'est donc plutôt
az qui tombera pour laisser :
hač to apartar hom pa vas-gõnak hēr.
Au paragraphe 3 , la méconnaissance d 'une règle relative
aux enclitiques paraît avoir causé une addition ancienne dans
les manuscrits et une interprétation erronée :man pa x 'aniras
zamik draxtom nēst hamtan re I am the tree in the land of X 'ani
ras; there is no (other) like me , (Unvala ). Mais il est évident
que la phrase ne comporte qu'une proposition , etque draxtom
nēst hamlan forme un groupe sémantique, où le pronom encli
tique -ºm , dansle dialectearsacide en particulier, sertderégime
à hamtan : « il n 'y a pas d'arbre quime soit comparablen. On
retrouve plus loin un tour pareil ( 26 ) : nang-ºm bavēt grän ,
litt. : « dedecus mihi erit grauen. Le copiste , ayant pris -ºm
pour ham e je suis » , a cru devoir mettre un pronom man en
tête , ce qui arrête inexactement la phrase après draxtom . Nous
lirons donc :
pa x 'aniras zamik draxlom nēst hamlan
(même)au pays de X'aniras, aucun arbre ne m 'est comparable.
Il ne faut pas s'y méprendre : l'arbre ne prétend pas sortir
du pays mythique de X 'anirala ; il invoque le renom de cette
contrée, qui passait pour la plus éminente, au bénéfice de sa
propre supériorité.
Fidèle au style analytique de la prose mazdéenne, où les
phrases s'articulent étroitement, le copiste a fait précéder la
phrase suivante d'un čè explicatif.Mais la rédaction poétique
se passe aisément de conjonctions; les phrases sont juxtapo
200 OCTOBRE -DÉCEMBRE 1930.
sées sans autres liaisons que celles imposées par le mouvement
de la narration . Ce qui aboutit à :
šāh hač man x 'arēt ka nāk āwarom bār.

Enfin , les deux hémistiches d'un vers se trouvent séparés


aux paragraphes 4 et 5 . Pour le reconstituer, il faut remplacer
taxt par son doublet laxlak :
makōkān -taxtak hom frasp hom vātpānān.

Quant à martomān dātəslān que nous avons réservé, il ne


peut en aucun cas admettre le sens de cefor the judgement of
men , qu'on obtient en introduisant arbitrairement [rā8]. C'est,
comme au paragraphe 28 , une invocation aux juges du tour
noi, un vocatif qui, — la métrique le montre, — n 'appartient
pas à la rédaction ancienne et fait intervenir le narrateur. No
tons en effet que les arbitres sont désignés de manière diffé
rente , et qu'on s'adresse chaque fois à la profession qui est
directement intéressée au débat. S 'il s'agit de l'usage que les
chefs font des gants ou du musc , on en appelle aux āzālân
datəslān (S35) , aux dātastān-šahrdarān (S38). Quand il est
question de produits alimentaires ou autres au transport des
quels sert la peau du bouc, c'est le vāčarkānân -dātastān (S 42 )
qu’on sollicite . Mentionne-t-on l'usage religieux du patyāp , les
dātəstān yazišnkarān sont pris à témoin (S47). Tour à tour,
aux
les rivaux essaient ainsi de gagner à leur cause telle ou telle
partie du jury, nobles ,marchands ou prêtres.Mais ces appels ,
étrangers au poème, ne s'y sont introduits que tard et à la
suite de multiples récitations. Ils faussent un rythme encore
sensible .
Nous restaurons donc ainsi le passage en prose cité p . 198 :
ān om draxt buland buz ő ham nipartit :
hač to apartar hom pas vas -gónak hér
LË TEXTE DU DRAXT ASŪRĪK. 201

pa x 'aniras zamik draxtom nēst hamlan


šāh hač man x'arēt ka nõk āwarom bār .
makōkān-taxtak hom frasp hom vātpānān.

Le paragraphe 39 pose un problème assez délicat : nāmak


hač man karēnd frawartak [i] dipīrān [u ] diptar u 15-youregues
apar man nipēšand e they make from me the book. They write
on me the letter of the scribes and the register and the X ? X'».
Lameilleurepreuve quedipīrān diptar formeune glose est que ces
deux mots manquent dans le meilleur manuscrit , celui de
Paris. Il est également manifeste que le copiste a cru rendre
la phrase plus claire en ajoutant à la fin apar man nipēšand « ils
écrivent sur moin . Pour compléter lc vers , il s'agit de retrouver
un motde deux syllabes , équivalent de fravartak , dans l'obscur
So wguregues qui semblerait devoir se lire *pātəšir. Nous sommes
tenté d 'y voir une corruption graphique (*patšēn ? ) du terme
connu pačên , pažên « copie, exemplaire , (1).Le vers seraitdonc :
nāmak hačman karēnd fravarlak pačēn .

Comme on l'a vu ci-dessus ( p. 195) , les paragraphes 50


ct 51 forment des strophes de 4 vers à 6 syllabes. Mais , au
paragraphe 51, la strophemérite un examen particulier. L 'édi
tion Unvala donne :
ēnam zarrēn sox'an kē man o to nihāt čiyon kē pēš [i ] hūk u varāz
murvārit afšānēt adap čang 1 žanēt pēš i uštr i mast these [are) my
golden words, which are laid before thee by me, like (one) who strews
pearls before a pig or a boar, or plays the čang before a mad camel » .

Sans correction aucune , les deux premiers vers se déta


chent :
ēnam zarrēn sox 'an
kē man o to nihat

(1) Cf. Haug -West, Glossary and index , p. 95 ; Hübscumann, Armen .


Gramm. , p. 224.
202 OCTOBRE -DÉCEMBRE 1930.
Nousrestituons la suite en deux vers :
čiyon kē pēš varāz
murvārīt aſšānēt,

car le manuscrit P donne pēš hūk varāz, sans u , et c'est un dis


syllabe, varāz , que le mètre exige; hūk est ajouté en glose ,
soit pour expliquer varāz , soit plutôt que la locution ordinaire
fût pēš hūk murvārīt aſšūndan .
Mais un dicton en appelle un autre, et le narrateur veut
renforcer ses effets : il recourt donc à une seconde image
populaire : cou comme qui jouerait du čang devant un cha
meau furieux» . On pourrait à la rigueur couper cette phrase
en deuxmembres de 6 syllabes : adāp čang ev žanēt pēš iustur
i mast.Mais ce serait supposer gratuitement une prononcia
tion ustur pour uštr , et surtout introduire deux i contre une
règle donton a observé ci-dessus ( p. 195) la constance.
Après ces mots (851), il semblerait que le débatdûtprendre
fin : le bouc conclut sur une parole hautaine et attend avec
sérénité la sentence, qui consacre effectivement sa victoire .
Mais c'est seulement au paragraphe 54 que son triomphe est
proclamé : buz pa përòžih šut. Entre les deux paragraphes s'in
sère un passage qui contient des mots incertains et commence
par hač bun apāč karēnd. Cette phrase , jugée obscure, fixe en
réalité les limites de notre texte ; elle signifie : « ils recommen
cent dès le début». C'est une indication d 'un copiste , peut
être empruntée à la tradition orale des récitants , qui prouve
que le poème primitif se terminait bien là où nous l'avons
arrêté , mais que les rivaux reprenaient leur tournoi sur nou
veaux frais. De cette reprise , le début seul nous reste , mais
toujours versifié :
giyāh tarun x 'arom (6 )
u hač æānik sart āp (6 )
to kandēt kas ētar kē gursakih mas. (1
LE TEXTE DU DRAXT ASŪRĪK. 203

Puis le récit à peine amorcé s’interrompt, probablement


devant une lacune des manuscrits originaux, et trouve brus
quement sa conclusion dans : buz pa pērāžih šut « le bouc s'en
fut victorieux ,
Toutes sommaires et provisoires qu'elles sont, ces observa
tionsmontrent la nécessité de soumettre le Draxt asūrīk à une
critique sévère, et le secours qu'apporte la métrique à l'appré
ciation d 'une tradition défaillante . Le nombre des phrases
assujetties à un rythme manifeste est considérable; presque
tout ce qui se dérobe au mètre provient de gloses , de remanie
ments tardifs ou de termes obscurs. Une collation attentive
des différents manuscrits, quidivergent trop pour remonter à
une source commune, permettrait à coup sûr de restituer ce
petit poème presque entier dans sa teneur primitive . Alors seu
lement il pourra être question d 'en chercher l'origine. Jusque
là , des tentatives comme celle de M . S . Smith , qui y a com
paré l'affabulation de certains récits accadiens(1), ne gardent
qu'une valeur d 'hypothèse.
Le fait que les remaniements des copistes sassanides n'ont
pu effacer les particularités essentielles du dialecte arsacide ni
la forme métrique dans la plupart des passages, exclut l'idée
émise par M . Unvala d'un texte retraduit en pehlevi sur une
version persane. Que le traducteur dont on suppose l'inter
vention ait retrouvé pour un seul endroit , en un dialecte dont
il n 'avait pas l'usage , un rythme qu 'il ne soupçonnait pas, cela
suppose déjà une conjonction de chances singulières ; mais
qu'il ait opéré presque partout avec le même bonbeur, cela
défie toute vraisemblance . Tout suggère au contraire qu'il
s'agit d'un original; car les traits dialectaux que M . Unvala a
jugés persans sont ceux-là mêmes qui garantissent la rédaction
septentrionale du texte.

(1) S. Smith, Bull. of the School of orient. Stud., IV , 1926 , p . 69-76.


204 OCTOBRE-DÉCEMBRE 1930.
Nous n 'avons pu déceler avec certitude que des vers de 6 ou
de 11 syllabes ( 5 + 6 ou 6 + 5 ), ces derniers en grande ma
jorité. Peut- être trouvera-t-on quelques octosyllabes, mais les
endroits où ils semblaient figurer nous ont paru trop corrom
pus pour autoriser une affirmation . Nous n 'avons pas discerné
non plus de raison nette au changement de mètre. Notons
cependant le caractère plus familier des vers de 6 syllabes,
leur causticité (S 49), leur tour proverbial (S 52).
Ainsi établie en fait, la forme métrique de ce texte se jus
tifie aussi en droit : presque tous les spécimens de ces cedébats »
ou e controverses » en langues variées que Steinschneider(0) a
catalogués sont versifiés. A vrai dire , on ne conçoit même pas
énoncés en prose des discours qui doivent agir moins par la
logique de l'argumentation que par le nombre , la valeur sug
gestive ou allusive des images, et surtout par l'autorité presti
gieuse que le rythmeet le proverbe ajoutentà la parole(21.Mais
c'est avant tout à convaincre les juges que visent les adversaires .
Aussi le Draxt asūrīk ne fournit-il pas dedéveloppements pro
prement poétiques : chacune des deux parties fait valoir ses
mérites en brèves sentences , en formules souvent identiques.
Témoignage d 'une inspiration peu encline au lyrisme, certes ;
mais aussi image d’un débat entre des prétentions également
positives qui usentdu vers pour emporter plus facilement l'ad
hésion .
Si le principemétrique ne nous fournissait qu'un élément
(1) Rangstreitliteratur ( Sitz. der Wiener Akad ., t. CLV, 4 , 1908) ; cf. aussi
UNVALA, loc. cit., p. 638. A compléter, pour l'Occident, par la dissertation de
Hans Walther , Das Streitgedicht in der lateinischen Literatur des Mittelalters ,
Berlin , 1914 ; pour l'Orient, par les notes de 0 . Rescubr , Der Islam , XIV ,
1925 , p . 397 -401.
(2) On lira avec fruit les observations de M . Jean Paulhan sur la poésie
malgache (Commerce, cahier XXIII, printemps 1930 , p . 193-260 ) , où sont
révélés , en une subtile clarté , le mécanisme des duels poétiques et les lois
des hain -tenys.
LE TEXTE DU DRAXT ASŪRĪK . 205

de critique verbale, seul en profiterait l'établissement d 'un


texte restreint. Mais l'histoire littéraire de l'Iran mazdéen en
retire aussi quelque clarté.

Déjà , parmi les documents peblevis de Turfan , Salemann


avait su reconnaître desmorceaux de poésie. Ses arrangements
métriques sont souvent discutables , soit qu 'ils portent sur des
débris trop mutilés, soit qu'ils impliquent des vers trop longs
et d'un mètre très variable.
Il y a intérêt à reprendre , pour en fixer le mètre avec plus
de rigueur, les principaux de ces fragments versifiés en pehlevi
manichéen , où l'on n'a pas assez remarqué que le signe de
séparation des phrases coïncide toujours avec une fin de vers.

M . 789 - 551 v° (Müller, p. 68 ; Salemann , p . 29). Dia


lecte arsacide. Décasyllabes :
[ud? ] kutān būžān až marn ud aßnās :
dahān o (i)šmāh kē čašm padën nē dī8 .
göšān në išnud ud në grift pad dast ..
Lemètre 4 + 10 de Salemann est inexact.

M . 64 (Müller, p. 92; Salemann , p. 14). Dialecte arsa


cide impur. Ennéasyllabes reconnus par Salemann :
ayad až bayān mārī (māni]
yazd frēhnām ō vahištum raměd
ku vād anõšēn böy āßarēd . — 00

M .64 v° (Müller, p. 93; Salemann, p. 14). Hexasyllabes :


ayad yazd ardav .
až vahištav rēšan .
vahiyar vaxd kēr dēr ..
206 OCTOBRE-DÉCEMBRE 1930.
Contrairement à la coupe de Salemann , le premier vers
peut compter 6 syllabes, comme les suivants , si l'on donne
une valeur syllabique au - de ayad (cf. ci-dessous, p . 207).

M . 4. Dialecte arsacide en général, mais avec des emprunts ,


ou des graphies de l'Est. Suivant l'observation de Salemann ,
la deuxième partie de ce texte , le Frašəyirdiy bašā (pour le
début, cf. p. 219), ainsi qu'une grande partie de M . 4 a ,
46, 4c, consiste en citations rapprochées sans suite véritable .
Le mètre varie donc avec chaque extrait. Mais nous ne pou
vons admettre la succession proposée par Salemann ( 2 X10 ,
9 + 2 x8, 8 + 7) sans lui faire subir d'appréciables change
ments , que précise la restitution suivante :
āsmān padyām ud zamiy viyāßar 10

izyilāh to šahr 7 x'adāy sax'an .. 10


(ö ) yazdān vēndām kumān bāzēnd 8
až im bazay žaman istaft 0

istihay ud avāvarīy oo
0

ön frēštayān ön yamayan
0

božēdman až harva vidang . .


aya fraç hồKmãn &ẽ bỏkayar Biºt 12 (6 + 6)

M . 4 b (Müller , p. 52 -53; Salemann , p. 5. Pour le pre


miermorceau , cf. p . 219 ). Salemann nousparaît encore avoir
cherché ici une trop grande variété de mètres . Il hésite sur le
début et , à partir de giyānom , découpe le texte en : « 2 X 10,
8 + 9 , 11 + 10 , 5 ; 2 X 10 , 5 ; 10 + 4 , ? ». La disposition
suivantemontre plus de régularité :
ôn ô tô giãn rõxan
öcon
er

vas pand dahām ku böy vindāh .. - ..


āsēd giyānān o im nāv rõšan .. - ..
& ()yānom frēhistum
vxašmēd ud aryāv
LE TEXTE DU DRAXT ASŪRĪK. 207
207

er
er
et
ō ku franaft ē

er
aßāž izvrtáh .. – 00
viyrās frēh giyān
až xumro maslift
ku zufr istēh
arūs dušmanin
kēt * čahvār čavēd
marn padrāyanan
hazšāh 7 padišt
vāžāfrid zamiy
ku bud é až nux .. ~ 00

vvvo
až āz naßen až avaržāk vidēsgar
ud až ādur taßay vxarendaz
burz burmēd giyān vidrāy (?) - 00
frēšlay až vahišt ayad
azdējar až šahrdārift on — 00

Le second des morceaux que nous avons mis en pentasyl


labes (vigras, etc. ) se ramènerait à première vue à deux ennéa
syllabes suivis de pentasyllabes :
viyrās frèh giyān až xumr mastifi
ku xuft ištēh arūs dušmanin
kēt etc.

Mais xumr représentant, comme il a été établi ailleurs(1), la


forme arsacide, phonétique etmonosyllabique,de x 'afnae som
meil» , le groupe final -mr devant m - s’adjoint nécessairement
unevoyelled'appui (-mrºmas-),quidans la scansion prendra une
valeur syllabique. Rien ne s'oppose donc à une division en
deux pentasyllabes :vyrās frèh giyān | až xumrº mastīft. Dans
ce cas, le second ennéasyllabe reste isolé au milieu de penta
syllabes ; il y a avantage à en faire aussi deux vers de cinq
syllabes en prononçant xuſt . - Au vers suivant ket čahvār
čavēd , nousavons interprété en čahvār la graphie insolite čuvhr

(1) Bull. Soc. Ling., XXX , 1930, p . 77 .


208 OCTOBRE-DÉCEMBRE 1930.
qui remplace ici le čaſār arsacide. Il faut probablement en
chercher l'origine dans le sace tčahaur-, quisuppose un traite
ment -Au - > -hw -, différent de sogd . -Aw - > -tf-. Mais la forme
est purement graphique , comme le prouve l'interversion de
-hv- en -wh- fréquente dans la notation sogdienne. Si nous
avions du sace en écriture araméenne, nous verrions mieux
comment se sont influencés réciproquement les procédés gra
phiques du Nord , qu'ils fussentde l'Ouest ou de l'Est. On a un
autre exemple de čwhr dans le début d'un hymnemanichéen :
asēd vižidayān harv čwḥr (Mahrnāmay, l. 308 ) et l'ordinal
čwḥrum , čahvārom dans M . 34 , 1. 5 (Müller , p . 44). — Le
mètre de burz burmed giyān vidrāy reste incertain , faute d 'une
interprétation assurée pour le dernier mot : « . . . sous le feu
Sa

brûlant, dévorant, l'âme . . . se lamente fort» . En lisant


vidarāy (ou -e ?), on obtiendrait un octosyllabe.

M . 4 c (Müller, p. 54 ; Salemann , p . 5). Ce fragment, éga .


lement formé de centons, est encore moins régulier que les
précédents. Presque chaque phrase répond à un type métrique
distinct, mais généralement bien défini, ce qui a échappé à
Salemann .
aßištād hēm yud až niðāmay
pad ho čihray bayānīy
õm di3 6 bỏzaya
kad xandēnd o man nuvāžed . . - ..
ay(a )8 o man framanēvay
ku čið buð hēm aßēstaft
tāßās pad man vilāstift
višmēd kird ō man mānay oo — 00
āyad ray pad niðfār angāvay
čē man žīvahr būžom až vidang
istafr pad im rož izyāmiy oo - 00
āsāh man böžāyar pad (i)stāvišn
anlioay bay mãi mãi
ad hrë baypuhrān 00 - 00
LE TEXTE DU DRAXT ASŪRĪK . . 209
andēš yazd nēvyar
pad im vzēßēzāday
niyāšay g(i)yān āmust
kē ö lö kird padvāz oo - 00
yazd kirſakar andēš pad man
äßyādom bud õ rõž ( )zyāmiy oo - 00
avar bay o man vēn
hufriyādom pad im āyām
Des sept fragments juxtaposés dans ce morceau , le premier
et le quatrième sontdemètre irrégulier ; le dernier est incom
plet; mais les quatre autres présentent respectivement 4 hepta
syllabes, 3 ennéasyllabes , 4 hexasyllabes et 2 octosyllabes. La
ponctuation qui sépare les fragments définit chaque ensemble
métrique.

M . 311 (Müller, p . 66; Salemann , p . 22). Même dialecte


que M . 4 :
ooooo

mõni yazdān frazēnd x"adāy


ooo

anžīvayā dēn vazuryfik ? ]


o to vizīð barom namāž oo - 00
00
00
oo

frēhröd padān bavāh


māni x 'adāy zīndkar .. —
zīvēned 7 murdayānā
ud rõžēned ō tārīyān .. —
sēnām māni w 'adāy
u[8 kan]īyrõšºnā
padvāžom pad forēh
Salemann a reconnu deux séries d ’octosyllabes, mais coupe
à tort frehröd . . . zīndkar en 8 + 4 , quand le groupe fréquent
mānī x 'adãy zīndkar impose 6 + 6 . En outre , il n 'a rien pro
posé pour sēnom . . . frèh dont nous faisons trois hexasyllabes.
Il est vrai que le mélange des formes (zīndkar, zīvenes) et la
désinence sogdienne de murdayānā rendent ce morceau sus
pect , comme le suivant.
CCXVII. 14
IMPRIMERIE NATIONALR .
210 OCTOB RE- DÉCEMBRE 1930.,
M . 311 vº (Müller, p . 67; Salemann , p . 23 ). S'abstenant
de toute remarque, Salemann paraît voir de la prose dans ce
fragment : rūšnā mānī x 'adãy vxašnām zīndkar payom pad tanvār
yišo x 'asāyā būžā man ruvān až imīzādıurdā būž man ruvān až
im zādmurd 00 — o frèhyon to gāh nisãy. Mais la phrase būžā
mān ruvān až imīzādmurdā estsûrement interpolée ; elle anticipe
sur la suivante en y ajoutant des désinences pseudo-sogdiennes
( im -i, zādmurd-ā ). En la retranchant, on obtient quatre vers
alternés de huit et sept syllabes :
rõšnā māni x 'adãy vxašnām
zindkar pāyom pad lanvār
būž man ruvān až im zadmurd .. - .
frehyÖn tõ gặe nisãy 7

· Il faut analyser ici un fragment manichéen de Xojo ( T . II D


178), publié par H . H . Schaeder (dans Reitzenstein-Schaeder,
Studien zum antiken Synkretismus , 1926, p . 290-291) et com
posé de trois morceaux en dialecte arsacide, mais avec des
inconséquences de graphie . M . Schaeder n 'en a pas rétabli
le mètre, et l'a publié en respectant la disposition du manu
nanu

scrit. Les vers se décèlent aisément et s'ordonnent en groupes


réguliers :

1rº strophe : . . . . . . . . . . . . . . .vizið .


vād anāšay bõy vxaš .
fravarzēd o bayān .
ad zamiy ud drastän ..
g' strophe : čašmay rõšnên , dārāyān āfridayān .
kõfăn nisãy , viyāßaray ud bayčihr ..
3e strophe : radnēn ārām , ispur hamāvēnd vyāy .
šahrān anāsãy , mān mān ud gåh gūh [oo ] :
LE TEXTE DU DRAXT ASŪRĪK. 211
. 4 strophe : to sažēd aryāvīft , šahrdārāſn ) masišt .
namāž ud (r)stāvišn . [o] mar māni vzašnām .. .
5* strophe : äfóred aføres
pad nuvā ; rūž vazury .
is ; ) mar zākā (a )mõžay .
að hamay dâm [rö]šnên ..
La structure de l'hymne se dessine avec une telle netteté
qu'on aurait à peine besoin des signes de ponctuation pour la
reconnaître :
4 x 6
2 X 11
2 X 10
2 X 11
hx 6 .

Deux strophes de quatre hexasyllabes encadrent deux stro


phes de deux hendécasyllabes , qui à leur tour enferment une
strophe de deux décasyllabes. On peut à coup sûr'en inférer
que l'hymne est complet, saufles quatre premières syllabes du
premier vers, qui doit peut-être se restituer :
[namāž ō tō] vižid

Une fois dégagé, ce scheme aide aussi à l'établissement du


texte . Au deuxième vers de la première strophe , vxaš se trouve
écrit au -dessus de böy et M . Schaeder a cru y voir une inter
polation ; or le mètre exige précisément un monosyllabe que
le copiste avait omis et qu'il a judicieusement ajouté. — In
versement, str . , v. 2 , le manuscrit porte mar (māni), que
M . Schaeder a complété , suivant la graphie usuelle , en marī.
Mais c 'est mar seulqui convient au second hémistiche de l'hen
décasyllabe.Etd'ailleurs on lit, deux vers plus bas,mar (zākā).
- Nous avons conjecturé plus loin , pour "fryd , fryy!, une
prononciation āfures, qui est indispensable au mètre ; bien que
14 .
212 OCTOBRE - DÉCEMBRE 1930.
particulière au pehlevi sassanide, elle s'est introduite dans la
rédaction arsacide , comme on le voit dans M . 176 (Müller,
p. 60) , qui porte deux fois 'ſur'm . - La même raison a déter
miné notre lecture mūžay pour ’mwig; il a dû exister au Nord
Ouest, à côté de amôžăy (sass. hamāzāy ), une forme mõžay
garantie par sogd. mwčk-, qui est devenu ouig . mūžak et chin .
mou-chö. — Comme l'a vu M . Schaeder (p . 289) , les deux
derniers mots šahrdār nāzūy, écrits à l'encre rouge, n 'appar
tiennentpas à l'hymne.

āfrīnām ō tā pidar , bay raštēyar


1" strophe: giyānān padßos
dīdan ud framan< ēvay) 00
áfrīd āfrid ē .
to yazd huframān ..
gº strophe ; hamodām pad 17 .
vāž āfrid didan .
zāvar [i]škēßar .
žīvahrēn žīrīft oo 00
gº strophe : haštumiy nuxzād
tāvay framānay ..
yazd [m ]arī māni .
x "adāymān frēnyon oo 00
46 strophe : kē axšad vasnäd .
löyły brahm ist[äd) .
[u8] 7 marduxmān .
nīšān kird payday oo
50strophe : sax"an živanday .
ispur (čax ]šaßēd .
padmôžād ( o > āmā

Avec les menues restitutions de M . Schaeder , que nous


avons adoptées pour la plupart , le texte se compose d'un hen
LE TEXTE DU DRAXT ASŪRĪK . 213

décasyllabe liminaire , suivi de cinq strophes en pentasyllabes


réguliers. Une fois de plus, les repères de la ponctuation déli
mitent exactement les vers. Seule la cinquième strophe est pri
vée de son dernier vers .
On observera la distribution des strophes, qui comprennent
toutes quatre pentasyllabes, saufla première , réduite à deux
vers entre āfrīd et huframān. Cette irrégularité s'évanouit si on
admet un seul hendécasyllabe d'introduction, pour décomposer
le suivant , moyennant une correction , en deux pentasyllabes .
Le premier membre apparaît aussitôt : giyānān paspās; on ob
tient l'autre en lisant framăn au lieu de framanēvay :
giyānān padßos e
didan ud framan oo
āfrid āfrīd ē .
to yazd huframān ..

Une pareille modification au texte doit être légitimée par


l'interprétation .Lemot est écrit 1143970 et semble différent à
preinière vue de xorb. Aussi M . Schaeder, hésitant à l'assi
miler au jxo17 du quatrième vers , y a -t-il cherché inutile
ment un correspondant à av. framanah-, avec un suffixe -evay ;
il traduit hypothétiquement « Förderer (?) ». Andreas a vu le
sens exact de framāne-vay ce Befehlserteiler » ( cf. Waldschmidt
Lentz , Stell. Jesu im Manich . , p . 96 , n . 8 ) , avec d 'autant plus
de facilité que la deuxième syllabecomporte une graphiepleine
- JAD - dans le fragment en question . Mais il a donné une ana
lyse erronée de termes apparentés dont certains , en raison de
leur importance dogmatique, appellent un nouvel examen .
On se méprend sur le sens de ces graphies discordantes
tant qu'on ne les relie pas à leur origine. La négligence des
copistes n 'a pas tellemont brouillé les faits qu'on n 'en puissc
retrouver la répartition . En confrontant les notations du Nord
et du Sud-Ouest pour f , on observe que o est arsacide, et D
914 OCTOBRE -DÉCEMBRE 1930.
sassanide. Ainsi andinn et anund; 77970 et 7347D ; PXTD et
İND; fond et job; etc., bien que l'un soit souvent pris pour
l'autre. On est donc fondé à identifier 1970 et xong . Par suite,
jX07017 chez Waldschmidt-Lentz, op . cit., p . 117 , 1. 7 , doit
se traduire, non « mit guter Überlegung » , mais à la bonne
décision ». Et, en substituant pour des raisons métriques fra
mān à framanévay au début du fragment B , nous entendons
digan ud framân par vision et décision » , qualifications du per
sonnage invoqué. D 'ailleurs , après les abstraits pasBös et didan ,
on attend plutôt framān que framanëvay
Dès lors , on ne peut séparer de ce groupe la dernière des
cinq facultés del'âme :1970, que MM.Waldschmidt et Lentz
( p . 42) lisent e por(ë)mānoy , ( = par(i)mānay ) et rendent par
« Überlegung » , de * pari-mā- , d 'après Andreas. Plusieurs des
équivalents étrangers en suggèrent l'interprétation correcte :
le chinois donne se décision , (Entschluss ), le syriaque, taribā
e volonté » ; le sogdien ptBydyy , sur lequel les auteurs ne se
prononcent pas , remonte manifestement à * pativaid aya)- ( av.
paiti-vaedaya-) « faire connaître , proclamer, et répond à l'em
prunt arsacide en arménien patvēr « ordre , ( Hübschmann ,
Arm . Gramm . , p . 226 ). On n'échappe donc pas à la nécessité
de lire framānay « décision , volonté » , pour rétablir l'accord
entre les diverses langues, ou tout au moins entre le terme
pehlevi etceux qui ont été calqués directement sur l'original :
le sogdien , le chinois et le syriaque. Les listes arabe, grecque
et latine ( fitna , hoycouós, cogitatio ) montrent une ambiguſte
qui doit tenir à un intermédiaire (1).
Une restitution de M . Schaeder, à la troisième atrophe,
donne yazd [bay maļrī mānī; mais seul yazd [ma]rī māni est

(1) J'ai plaisir à constater que mon iqterprétation de ce terme manichéen


concorde avec celle de M . NYBERG , Monde Oriental, XXIII, p . 367. (Note de
correction . )
LE TEXTE DU DRAXT ASŪRĪK. 215
autorisé par le mètre. A moins d'une discordance inexpli
cable, la lacune du manuscrit, que nous n 'avons pas vu , ne
doit pas laisser place à plus d'un signe. Une vérification serait
souhaitable. On a pu relever ci-dessus (p. 2 1 a ) que le der
nier vers pasmāšād o āmāh semble introduire un bexasyllobe
au troisième vers d 'une strophe de pontasyllabes. En fait , la
transcription de M . Schaeder donne
‫פרמוצאר א [י] אמאה‬

et l'examen du manuscrit permettrait seul de voir si le « à la


suite duquel a été restauré 1 doit bien s'interpréter ainsi. Autre
ment padmôžād amâh e qu 'il nous revête » se concilierait aisé
ment avec l'emploi transitif de padmoč .
La dernière question , au point de vue métrique, touche le
rapport de B et de C . Elle ne peut être envisagée sans qu'on
ait au préalable dégagé le mètre du fragment C , qui est octo
syllabique.

taxtihā (a)šinā ēž aßeuvān ..


istāvišnapad don yoždahr .
ud afrin iy hamay šādik .
až kän šahryīri ir bārist ..
Il est donc invraisemblable que C s'enchaine directementau
dernier vers de B , comme l'a pensé M . Schaeder . On a vu
qu'ilmanque un pentasyllabe à la dernière strophe de B. En
outre , dans une suite de strophes de quatre pentasyllabes, l'in
trusion soudaine d'un octosyllabe déséquilibrerait le rythme.
D 'ailleurs , M . Schaeder est contraint d 'imaginer un emploi fau
tif de la ire personne aßzuvan au lieu de la 3° personne -ād,
pour relier la première phrase de C à la dernière de B . Quand
le manuscrit sera accessible , on verra peut-être s'il s'y trouve
216 OCTOBRE -DÉCEMBRE 1930.
quelque confirmation de la lacune que nous supposons entre
B et C .

Si, au cours des fragments analysés jusqu'ici, c'est surtout


la recherche de la variété qui se manifeste dans le rythme, il
fautd'autant plus nettementsouligner le choix de l’octosyllabe
régulier dans des textes assez longs, quoique toujours mutilés.
Commençons par un hymne arsacide dont M . Scheftelowitz ,
en le publiant, a discerné le mètre (Oriens christianus, 1927,
p . 262), mais non la séquence alphabétique des strophes :
ay kāmeð ötān aßdēsān
až viyāhift tašē pid (a )rān < hasēnayān ) .
böžāyar ardāvə zarhušt
kadēš vyāßard ad grēv vzēſē .
garān mastift ku xuft ištē
viyrāsāh ud õ man vēnāh .
drūð afar lo až šahr rāmišn
čē až vasnād to frašud hēm
havēč vyäßard sroš (an ) anāzār
ku az az hēm nāzúy zāday
vimēxt ištām ud zār vēnām
iz"vāyom až marn āyoz
zarhuỵt ô hô pas drug pursẽồ
važan hasēnay man an > handām .
živandayān zāvar ud masišt gēhân
drūd aßar to (a )ž padišt vxēßē .
haxšāh o man namrift zāday
pusayrošn pad sar avistā
tāvayān zāday kē < kird > ē (i)škõh
ku čed bizšēh pad harv vyāyān .

En tout vingt vers partagés en dix strophes de deux octo


syllabes. Le mètre dénonce un certain nombre d'additions,
dont l'examen suit, dans la mesure où il peut se concilier avec
un
notre dessein de ne pas faire intervenir ici de problème d 'in
terprétation. Dans l'espoir de revenir prochainement sur le
LE TEXTE DU DRAXT ASŪRĪK. 217

sens général de cet hymne, bornons-nous à dire que si les


conclusions de M . Reitzenstein ( Das iranische Erlösungsmyste
rium , p . 2 et suiv. ) comportent une part d 'erreur , celles de
M . Scheſtelowitz nous paraissent hautement critiquables.
Au vers 2 , hasēnayān est une glose, comme, au vers 9 , an .
- - M . Scheftelowitz lit aux vers 13-14 : zarahušt 7 ho pat
drūd | pursād vacan (hasenag) manān handām e Zarahušt richtete
an jenen als Heilsgruss das (alte) Wort : 0 mein Glied . . . .
M . Reitzenstein considère comme interpolée cette strophe,
qu'il traduit : « Zorohusht sagte zu ihm mit einem Heilgruss
den uralten Spruch : o mein Körper » . Les deux traductions,
d'ailleurs assez voisines , faussent le développement, comme
la coupe de M . Scheftelowitz dérange le mètre : il est inadmis
sible que le verbe pursād soit rejeté au second vers ; une suite
métrique complète doit respecter l'articulation de la phrase.
Le nom initial est à lire zarhušt , comme au vers 3 , ce qui dis
pense aussi de restituer, avec M . Scheftelowitz, un pat' imagi
naire au lieu de pad. Si donc le premier octosyllabe se détache
bien : zarhust ò hò pad drūd pursād, c'est que la suite forme le
discours introduit par pursūd, et n'en constitue pas le complé
ment grammatical. Pour traduire važan hasēnay par « das alte
Wort » ou « den uralten Spruch », il faut avoir perdu de vue
qu'il sert ici de vocatif , avec une valeur précisée par la pre
mière des invocations à Jésus : vazan hasēnay ce voix originelle !,
m

(Waldschmidt-Lentz , op . cit. , p . 85 ). La suite du vers : man


handām e ô mon membre!» ,est déformée par un redoublement
graphique sans valeur de mn en mn'n . Il semble en outre que
les épithètes živandayān zāvar udmasišt gehān e force des vivants
et le plus grand monde" , n'entrent pas dans l'octosyllabe ,
mais appartiennent à l'hymne, parce qu 'elles complètent les
appellations du vers précédent. La strophe entière, qui est
précieuse pour l'interprète , a chance d'être ancienne. Il faut
repousser la lecture de M . Scheftelowitz : živandagān zāvar ud
218 OCTOBRE-DÉCEMBRE 1930.
[masišt gehān]drūd | abar tā ač padišt vēbe, qui, comme plus
haut, ne fait pas coïncider la fin du vers et de la phrase, Le
sujet drūd doit accompagner son régime : Salut à toir :
drūd aßar to (a)ž padišt vxēße.

M . Scheftelowitz ampute l'avant-dernier versde son dernier


mot askõh ( sic ), pour en faire un octosyllabe. Mais la suppres
sion d 'un mot important ne va pas sans arbitraire. Usant de
la faculté de ne pas compter le :- prothétique, qui dans de
nombreux cas n 'a pas de valeur syllabique, nous préférons
éliminer kird. Le sens n'en souffre pas : « Fils des puissants,
qui es majestueux» , au lieu de cequi as été fait majestueux .

A en croire Salemann, il subsisterait un emploi de l'octo


syllabe épique dans le fragment S 8 (Manichäica , III/IV , p . 6 ,
a das erste Beispiel des mittelpersischen epischen Versmasses? ).
L 'observation prématurée de Salemann repose sur un décou
page assez libre du texte , et ne tient pas compte de la ponc
tuation , à quoi, répétons-le , doit s'assujettir toute restitution
dy mètre. Le texte se présente ainsi (dialecte sassanide) :
hryBtg 'n ( ) rõšnān im rāy kušt hënd ud abrānān im rãy māyand
vispān šahrān a 'ad sist dāred ud pad wad w[8)māh , a'ad || ispāzas
aßa[r] šahr , zēn ast ud nēzay iy öhrmizd bē kē tast dušmēn us kand as
bun , harvisp amāh viyrāð ēstām [0 ] ku padrõčay pad amāk boxsão [ ?]
tahm asl ud . . .

· C 'est-à -dire ,métriquement :


hreßatayān (?) rõšnān im rāy kust hēnd ,
COLO

ud adrõnān im rāy moyand .


000

vispār šahrān x"ad sist dāred


ud pad xºad (x'ar ? ) u[8 ) māh .
x "adſãy ? ) ispêzad aßar šahr .
zēn ast ud nēzay iy öhrmied bē
LE TEXTE DU DRAXT ASŪRĪK . 219

kē xast dušmēn uš kand az hun .


harvisp amāk viyrad ēstām
ku padrõzay pad amāk bõzsād (.] 9

Partout la ponctuation sépare correctement les phrases et


fixe des vers de 8 et 9 syllabes alternativement, avec un membre
DEo
de 5 syllabes, peut-être incomplet , au milieu . Rien ne sou
tientdonc l'idée d 'un octosyllabe régulier, et rien n'autorise à
reconnaître un caractère « épiquer à ce fragment. Les deux
derniers vers : « Demeurons tous éveillés , afin que d 'un jour à
l'autre la libération ait lieu pour nous» soulignent simplement
l'éloge d 'une divinité ,warme et lance du dieu Ohrmizd, qui a
frappé l'ennemi et l'a déracinén , --- Le sens du premier mot
reste douteux, ce qui affecte dans une certaine mesure lemètre .
Mais la lecture hreßatayan , en quatre syllabes , est celle qui
répond le migux à la graphie .

C 'est dans deux fragments de Turfan que se montre nette


meutl'octosyllabe :

M . 4 , 1re partie (Müller, p. 50; Salemann , p. 4). Dialecte


arsacide :
ārām kirßay čē bõdistan
bāvāh o man ārām kirßay co
aßāž āsāh pað man mānāh
bavām hamx'and pas to kirßay ..

Au dernier vers, h’m ’xwnd trisyllabe dy manuscrit fausserait


lemètre.

M . 4 a (Müller, p.51; Salemann , p . 4 ). Dialecte arsacide :


a8%ễrpanay tănöhray hăm
če ( } bāßel zamiy visprixt hem oo
220 OCTOBRE -DÉCEMBRE 1930 .
visprixt hēm až zamiy baßēl
ud pad rāštift bār av(i)štād hēm . . - . 0
s“rāvay hēm aßžērvanay
čē (a )ž bāßēl zamīy franafthem oo
franaft hēm až baßēl zamiy
ku xrõsāñ xros pad zambudiy .. - .
7 (i)šmā yazdān padvahām
harvīn bayan
hirzēdu o man astār
pad āmuždīft oo
Quatre strophes de deux oclosyllabes, suivies d 'une strophe
de deux hendécasyllabes (774). Nous avons gardé, à l'avant
dernier vers , la vocalisation anomale hirzēdu (au lieu de hirzed ),
qui est destinée à fournir trois syllabes, sans élision devantó.
- Le quatrième vers ud pad rāštīſt bār avištād hem compte en
apparence une syllabe de trop. Il est probable que la graphie
arsacide traditionnelle avištūď n'empêche pas ici une pronon
ciation av-štād requise par le mètre : le sogdien a en effet
’wsi't. — Comme en persan, la voyelle deaž peut s'élider après
voyelle.

M . 173 (Müller, p . 78; Salemann, p . 20). Dialecte arsa


cide. Pour n 'avoir pas observé la ponctuation et le sens, Sale
mann a disposé cemorceau en quatre dodécasyllabes ( 4 + 8 ).
Il s'agit manifestement de six octosyllabes :
älēj nax"ēnº lo x’adāy .
ud tā (i)stumēn pad to angad .
ud bud ispur to kām kirBay
bayān harvin ud šahrdārān .
yazdān rõšnān ud ardavān
dahēnd (i)stāvišn pad vas kadoš
Somme toute , la versification des fragments manichéens
comporte , avec une grande variété de mètres, une prédomi
LE TEXTE DU DRAXT ASŪRĪK . 221

nance d'éléments octosyllabiques. Abstraction faite de quelques


légères additions, les copistes ont pris soin de séparer les
phrases en membres métriques. Les licences paraissent rares
auprès de celles que s'accorde la poésie persane : faculté de
compter pour une syllabe la finale consonantique , d 'élider une
voyelle devant ou après uneautre, de compter ou non le i- pro
thétique qui sert d'attaque à un groupe consonantique initial.
Pareille richesse , pareille souplesse n 'appartiennent qu'à une
poésie affinée par l'exercice des générations. On serait donc
tenté de relier la versification peblevie à celle de l'Avesta ré
cent. Mais une différence essentielle subsiste : celle d'unemé
trique purement syllabique à une métrique accentuelle. La
place de l'accent, sinon la stricte prosodie , paraît pouvoir se
déterminer dans les principaux types de vers pehlevis :
Pentasyllabes : haxšáh o padišt
vāžáfrid zamíy
ku búd ē až núx
Hexasyllabes : vād anốšay böy vzás
fravarzéd bayán
ad zamíy ud draxtán
Octosyllabes : garán mastíft ku xúft iště
viyrásāh ús o mán vēnáh
drūð áßar tó až šáhr rāmišn
Hendécasyllabes : čašmáy rošên dárāyān áfrīdayán
kõfán nisay viyāßaráz ud bayčihr
to sážēd aryávīft šahrdárān masíši

* *

Il faut mettre à part le fragment 554 vº (11 syllabes


[5 + 6 ),dialecte sassanide) :
x 'arxšéd i rõšán ud purmáh i brāzáy
rôzénd ud brāzénd az tanvár i õy dráxı
BRE ÉCEMBRE 930
222 OCTO -D 1 .
murván bāmēvấn õi nāzēnd šāðihá
nãzend kakotdr frakẽmuro 1tsp[ráng] .
Le soleil lumineux, la pleine lune rayonnante
Resplendissent et rayonnent hors du tronc de cet arbre ;
Les oiseaux éclatants s'y pavanent pleins de joie ,
Se pavanent les colombes et les paons bigarrés.

Salemann ( p . 29) avait discerné le caractère particulier et


le mètre de ce morceau, et M .Junker, en le reproduisant, en
a bien marqué les ictus. Rien , à vrai dire, ne prouve que le
fragment soit manichéen , sinon l'aspect et l'origine du manu
scrit. Mais ce qu'il faut surtout en retenir , c'est sa rédaction
sassanide.

Dans le premier chapitre du Bundahišn , M . Nyberg a dis


cerné avec une rare perspicacité les éléments poétiques d 'un
hymne à Zrvān , défiguré par des additions de toute sorte ,
hymne composé de quatre strophes, les deux premières de
deux hendécasyllabes , la troisième de deux ennéasyllabes, la
dernière de quatre octosyllabes(2). La constitution des pre
mières strophes peut se comparer exactement à celle des vers
cités plus haut :
zamān +özömandlar hač har + , dāmān
zamān handāčak o +kārē dātastān (3)
zamān (hač ] x 'ayāpakān ayāpaktar
zamān hač pursišnikān pursišniktar

(1) Addition très vraisemblable de H . JuŅken , Wörter und Sachen , XII,


1929 , p . 132.
(2) Nyberg , Z.D .M .G ., 1998 , p . 223 , et J. As., 1929 , I, p . 21 .
(3) Nous gardons la restitution et l'interprétation de M . Nyberg , mais pré
férerions lire ő kār [ ] dātastān e ( le temps est la mesure ) de l'action de la
sentencen. Tohte la suite porte sur le rôle du temps comme justicier,
LE TEXTE DU DRAXT ASÚR.K . 228

Le temps estplus puissant que lesdeux créations;


Le temps est la mesure de l'efficacité des cuvres.

Le temps possède plus que les plus fortunés


Le temps s'informe mieux que les mieux informés.
Or ces verspeuvent s'accentuer de la mêmemanière que les
hendécasyllabes de Turfan :
zamấn öžõmándtar hač hár do dāmán
zamán handačák ő kāré dālastán

· Il en est visiblement de mêmepour les hendécasyllabes du


Draxtasūrīk arsacide :
zik háč man karénd kė bandánd apar drón
pēšpárak hač mán karēnd ánošak -x "dr
man kó x 'arēt šáhrdār kofdár u ārát
ēvóm apartár hač to dráætasūrík
Mieux encore : une particularité remarquable de l'hymne à
Zryān est que les vers riment deux à deux. Or la rime figure
certainement dans une des strophes indépendantes qui com
posent M 4 c ( ci-dessus , p . 208) :
ar (a )8 man framaněvay
ku čið bud hēm aßēstaft
tābād ö man vilāstīft
višmed kird o man månay

et aussi nettement à la quatrième strophe du texte de Xojo


(p . 912) :
kē atšad vasnad
loyiz brahm istād
ud 7 mardumān
nišān kird payday

Dans le premier exemple , les rimes composent le type abba ;


dans le second , aaba , avec une sorte d 'assonance de -ãy et -ād,
224 OCTOBRE -DÉCEMBRE 1930 .

Les deux systèmes de rimes sont usuels dans la lyrique per


sane. On relèverait , parmiles nombreux fragments manichéens
rétablis ci-dessus, mainte possibilité d'assonance assez précise
semblant préluder à la rime.

Que des œuvres aussi différentes qu’un hymne zervanite ,


un fabliau arsacide, un poème manichéen sassanide, usent
également de l'hendécasyllabe et éventuellement de la rime,
peut-on faire crédit de cette concordance au hasard ? De ce
vers moyen-iranien nous rapprocherons le mutaqārib persan ,
qui, dès Daqiqi et Firdousī , possède une forme achevée
luse luba Tubav ) et témoigne d'une technique si
précise qu'il ne peut avoir été inventé par les premiers poètes
persans, ni emprunté à des modèles arabes (1). Nöldeke écri
vait justement, il y a trente-cinq ans : « Auch das immerfort
ohne jede Abänderung gleich verlaufende Versmaass (Mutaqā
rib ) . . . war sicher schon vor Daqiqi für die Heldendichtung ,
wenn nicht überhaupt für die erzählende Prosa , gegeben , (2),
N 'oublions pas que le premier poète persan qui ait écrit en
mulagărib , Daqiqi, était mazdéen . Or voici qu'un exemple de
poésie narrative mazdéenne recule jusqu'au haut moyen âge la
tradition de ce mètre . Entre l'hendécasyllabe pehlevi et le
mutaqārib persan , il y a donc la même continuité qu'entre le
pehlevi sassanide et le persan littéraire. Firdousi a retracé la
geste nationale en un vers également national dont le X'adãy
nāmay usait peut-être déjà. La versification épique persane
prend sa source dans un vaste courant poétique, qui s'est ali
menté à diverses inspirations, mazdéenne ou manichéenne.
Ainsi se recompose , en plein moyen âge iranien , une per
spective sommaire de la poésie pehlevie , éclairée par l'Ouest
(1) Sur les particularités rythmiques du mutaqārib , cf. Gauthiot, M .$.L .,
XIV , p. 279-285.
(2) Grundriss der iran . Philol., II, p. 150 ; souligné par moi.
LE TEXTE DU DRAXT ASŪRĪK . 225

et par l'Est à la fois. Il a existé une lyriquemanichéenne , qui


employait les ressources d'une versification variée aux besoins
de la propagande et à la célébration du culte. Il a existé aussi
une poésiemazdéenne , non pas seulement religieuse ou épique,
mais narrative et familière ; non pas seulement quantitative,
mais accentuelle. Le Draxt Asūrīk en est jusqu'à présent
l'unique attestation . Il est significatif que ce précieux spécimen
vienne de la Perse arsacide,oùnous ramènent, commeau foyer
d'une intense création , tant de témoignages indirects. Cette
fois, nous en avons mieux que des reflets : une œuvre authen
tique.

CCXVII.
IMPRIMERIE NATIONALE,
STRATIFICATION
DES LANGUES ET DES PEUPLES
DANS

LE PROCHE -ORIENT PRÉHISTORIQUE ),


PAR

E . FORRER.

Je ne voudrais pas, en commençant, m 'attarder à discuter


les problèmes généraux de ce quej'appellerais l'ethnogonie, ni
les origines , l'évolution ou les mutations des langues par suite
de contacts et de conflits historiques : mélange de races, su
perposition de langues dominantes et dominées , etc. J'ai l'im
pression que les individualités ethniques — races , peuples,
langues --- ont une vie historique qu'il s'agit de bien com
prendre et de bien définir dans le temps et dans l'espace. Il y
a des gens qui s'imaginent qu'on peut parler par exemple des
Sémites, je ne dirai pas dès le jour de la Création , mais du
moins depuis le Déluge jusqu'à nos jours. Tandis qu'il me
semble qu'une race ou un peuple nait à une époque donnée
en fonction de certaines conditions géographiques , biologiques
et bistoriques. Quoique les circonstances de leur formation
soient difficiles à connaitre pour les plus anciens peuples ou

(1) Communication faite à la Société Asiatique le g1 février 1930.


15 .
228 OCTOBRE -DÉCEMBRE 1930.
races de l'histoire , nous pouvons parfaitement étudier ces
phénomènes dans d 'autres cas plus rapprochés de nos temps :
par exemple l'expansion soudaine de la langue russe de Kiew
jusqu'à Wladiwostok , ou l'expansion mondiale des peuples es
pagnol et portugais à travers ce qu'on appelle maintenant
l'Amérique latine et sa conséquence biologique : la naissance
des races créoles. Des phénomènes historiques de ce genre
produisent des changements profonds dans le type physique
et linguistique à une époque donnée, époque qui peut, bien
entendu , s'étendre à travers un ou plusieurs siècles , mais qui
reste pourtant une époque historiquement bien définie , ou
plutôt qu'il s'agit de définir aussi exactement que possible.
C'est ce que je voudrais essayer de faire aujourd'hui, dans
les limites de mes moyens. .
Vous savez tous qu'en fouillant le sol, nous commençons
par déblayer les couches supérieures , qui sont, évidemment,
les plus récentes. Ceci est le processus inévitable de la recherche
historique. Mais, pour ne pas perdre inutilement mon temps
et le vôtre , je me bornerai à vous décrire dans l'ordre inverse
les résultats ainsi obtenus.
On sait toujours qu'une campagne de fouilles est terminée ,
aussitôt qu'on voit que la couche archéologique est percée et
qu'on a atteint le sol vierge ou le fond rocheux. Malheureuse
ment, l'historien ethnologue est incapable de parvenir à la
couche primaire de ceux que les anciens appelaient les au
tochtones ou les e aborigènes » , qui seraient, pour ainsi dire,
nés από δρυός και από σέτρης.
Dans la limite de nos connaissances présentes, nous ne
pouvons dépasser une couche ethnique que je voudrais appeler
les Hatti-Songueriens. Voici les raisons pour lesquelles je me
permets de vous proposer ce termenouveau .
Nous connaissons en Cappadoce septentrionale une langue
d 'un type extrêmement original et différent de tout autre.
LANGUES ET PEUPLES DU PROCHE-ORIENT PRÉHISTORIQUE. 229
J'ai nommé cette langue , qui s'appelle elle-même hatti-li , le
protohattien , pour éviter une confusion avec les deux autres
langues qu'on appelle vulgairement hittites : 1° la langue in
connue des inscriptions pictographiques d'Asie Mineure et
de Syrie ; 2° la langue principale des tablettes cuneiformes
indigènes des archives de Boghazköi, que j' appelle canisien ,
tandis que M . Hrozný a proposé dans une publication récente
de l'appeler le nésite.
Parmi les tabletes de Boghazköi, l'ancienne Hattusas, j'ai
trouvé en 1919 plusieurs bilingues en protohattien et en cani
sien (ou , si vous voulez , nésite ), ce qui m 'a permis d'en déter
miner le caractère et la structure grammaticale : le protohat
tien est un parler où déclinaison et conjugaison se font
exclusivement par le moyen de préfixes, avec une constance et
avec un degré d 'agglomération inconnus ailleurs dans le mi
lieu que nous étudions.
Or nous possédons depuis les dernières fouilles d'Ur une
inscription d'un roi ( probablement Hammurabi) qui se vante
d'avoir conquis le pays Tugriš (l'Arménie ), «dont, dit-il, le
parler est extrêmement compliquén . Il ne me semble pas dou
teux que cette indication précieuse , qui d'ailleurs témoigne de
la curiosité linguistique et grammaticale bien connuedes scribes
babyloniens, se rapporte à cette complication surprenante de
la morphologie verbale et nominale du protohattien.
Aux temps historiquesmême, en plein xive siècle avant notre
ère, le peuple nomméGasga, qui parle cette langue protohat
tienne , s'étend encore depuis la Paphlagonie jusque dans la
Haute-Arménie .
En protohattien , « Dieu » , par exemple, s'appelle washaw .
Ce mot se retrouve dans un glossaire de la langue des Cas
sites , ou , si vous voulez, des Cosséens , c'est-à-dire des Kašši
des textes babyloniens, qui descendent, selon Hüsing, des
Caspiens riverains de la Caspienne (le pi n'étant que le suffixe
230 OCTOBRE-DÉCEM BİRE 1930,
bien connu du pluriel de ce groupe de langues). En cosséen ,
00 mot a la forme mashum , oe qui se prononce, selon une ha
bitude babylonienne bien connue, washuw . Comme il estextrê
mement improbableque les Cosséens, --- séparés qu'ils sontdes
Protohattiens par les Lulubiens, qui ont un autre nom , kit
rum , pour la divinite , - aient emprunté leur nom de dieu
aux Protohattiens, il semble qu'on puisse conclure à une
parenté originelle des Cosséens avec les Protohattiens. Cette
parenté admise , il en résulterait une extension des parlers du
type protobattien jusqu'aux confins de la région élamite.
Dans un texte connu sous le nom de Légende d ’un roi de
Kutha , que j'ai pu identifier par un doublet de Boghazköi avec
le roi Naram -Sin d 'Accad , les Lulubiens, que je viens de men
tionner, sont décrits comme ayant des visages de corbeau
(aribu panusun , litt. : r corbeau leur visage » , K . B . , VI , 1 ,
p . 292, l. 12). Cette qualification s'applique évidemment au
type de visage ornithoïde, à front etmenton fuyants , qu'on ap
pelle depuis Felix von Luschan le type arménoïde. Ceci semble
indiquer que les autochtones de cette région , donc probable
ment aussi les gens qui parlaient le protohattien , présentaient
oe typefacial.
Les Babyloniens, en désignant ainsi les Lulubiens , ne se
doutaient plus que dans leur pays mêmece type avait été très
répandu pendant la première période de l'âge sumérion , c'est
à-dire avant l'infiltration de l'élément sémitique,
A cette parenté de type physique correspond une curieuse
affinité linguistique; car le sumérien aussi se sert dans une
large mesure de nombreux préfixes , mais seulement pour le
verbe et non plus pour le substantif. Il me semble qu'on pour
rait expliquer l'emploi restreint des préfixes par des influences
allogènes, qui n 'ont pu manquer de se faire sentir chez un
peuple vivant dans une plaine fertile exposée à toutes les inva
sions, et différent en ceci des Protohattiens, cantonnés dans la
LANGUES ET PEUPLES DU PROCHE-ORIENT PRÉHISTORIQUE . 231
sécurité de leurs montagnes. En outre, il faut naturellement
observer que l'évolution culturelle des deux groupes de peu
ples, dans des milieux aussi différents ; a certainement joue un
très grand rôle dans la différenciation de leurs langues.
Pour ces raisons, je distingue deux groupes de soi-disant
autochtones : les Protohattiens, dans les montagnes du Nord ,
et les Songueriens dans les plaines de laMésopotamie.
Je dis Songueriens et non Sumériens : je pense reconnaftre
ce nom sous quatre formes dialectales différentes qui semblent
se rejoindre dans une forme initiale Songuer, désignant toute
la plaine qui s'étend depuis le Taurus jusqu'au golfe élamite.
Déjà , à la fin du xixe siècle , P . Jensen était d'avis que les
noms courants pour la Babylonie méridionale , Sanhara des
101

textes cuneiformes d'Amarna et de Boghazköi, et Sin'ar de l'hé


breu , qui traduisent en graphies différentes une prononciation
* Sayara , représentent la forme sumérienne proprement dite ,
tandis que la graphie Šu -me-rides Assyriens serait la forme du
dialecteappelé Eme-sal, c'est-à-dire de la « langue des femmesn .
Celte dernière est comparable à la D’Albe Sprache des patri
ciennes ultra -exclusives de Bale , qui ont conservé par leur
isolement social une forme archaïque du patois local qui ne se
trouve plus chez les hommes de la même classe , plus influen
cés par leur commerce avec le monde en dehors du faubourg
aristocratique de Saint-Alban . Demême le parler des femmes
sumériennes , qui ont conservé le dialecte Eme-sal , dont nous
avons des listes de mots , semble avoir été différent du parler
des hommes ; ce qu 'on comprend facilement , si l'on pense à
des mâles arrivés dans le pays en conquérants, épousant des
femmes indigènes de race différente et les gardant dans la réclu
sion de leurs harems.
Pour expliquer les deux formes *Sayara et Šumeri, il faut
supposer un prototype commun *Soyueri.
Or, dans un vocabulaire babylonien publié depuis long
232 OCTOBRE -DÉCEMBRE 1930 .
temps par Rawlinson , nous trouvons encore les équations sui
vantes , restées énigmatiques jusqu'ici :
sa -vir = Subartu ( = la Mésopotamie septentrionale);
su -nir = Subartu;
mais aussi :
sa-nir = Elamtu (la Susiane);
su -pir = Elamtu .

Sayir et Suyir ne sont évidemment que deux graphies diffé


rentes , reproduisant un nom Soyir . Soyir n ' était donc pas seu
lement le nom de la Babylonie méridionale, mais désignait
aussi bien le nord de la Mésopotamie et en outre la région
d'Élam . D 'où il résulte que Soyir était anciennement un nom
comprenanttoute la plaine centrale du Proche -Orient , du Tau
UX I
rus et du Liban jusqu 'aux montagnes de la Perse.
Ce nom a dû être en usage dans la période antérieure à
celle de nos plus anciennes inscriptions, c'est-à-dire en 2700 .
au plus tard; donc, au temps où la plaine centrale du Proche
Orient n 'était pas encore divisée en trois parties : Subartu ,
Babylonie et Elam ; à une époque où cette région était encore
unifiée , où l'on avait au moins gardé le souvenir d 'une ancienne
unité.
Ces dernières années semblent nous avoir apporté la con
firmation archéologique de cette ancienne unité de la culture
songuerienne. Le professeur Herzfeld a découvert dans les
montagnes limitrophes de la Perside un grand bas-relief ru
pestre avec des figures de type et d'accoutrement paléo -sumé
rien , mais encore sans légende cuneiforme. Les fouilles alle
mandes d’Assur ont fait surgir des plus anciennes couches de
la ville des statues paléo-sumériennes, elles aussi sans inscrip .
tion cuneiforme. En outre le baron d'Oppenheim a trouvé
des statues paléo-sumériennes sur la montagne Djebel el-Beida
de la Mésopotamie septentrionale , au sud du Tell Halaf.
LANGUES ET PEUPLES DU PROCHE-ORIENT PRÉHISTORIQUE. 233
Le nom même de* Songuer subsiste en deux endroits : non
pas , il est vrai, en Élam , mais en Mésopotamie ; je pense en
premier lieu au nom presque inchangé du pays ou de la chatne
de montagnes Singara , au centre de la Mésopotamie, lequel
figure comme nom de pays dans les inscriptions assyriennes ,
où la ville Singara s'appelle encore Raşappa. En second lieu ,
je rappellerai le nom sumérien Subir, en assyrien Subartu ,
pour la Mésopotamie du Nord.
ryons
Dans ce dernier cas, nous observons le passage de yu du
songuerien primitif à b (yu > b). Nous possédons en effet quel
ques autres correspondances semblables, mais qui jusqu'ici
n 'avaient pu être localisées. Par exemple les trois valeurs diffé
rentes , toutes sumériennes ou plutôt songueriennes : ya(1) en
sumérien , mall) en emesal, et ba , pour le même signe !
cemaison » ; on ne peut douter que ce signe se soit appelé pri
mitivement aussi ba(I). J'ai trouvé en outre dans un vocabu
laire d ’Assur la valeur sumérienne du signert pour « dieu , :
ce n 'est ni dingir, comme en sumérien , ni dimmer comme en
emesal, mais dibur.
Ceci nous prouve qu'il y a eu une langue apparentée de
près au sumérien , au nord de la Mésopotamie , et que cette
langue doit se dénommer le subirien . Elle n 'a d 'ailleurs rien à
faire avec le mitanni , qui devaitdevenir la langue dominante
de cette région de la Mésopotamie , et a été abusivement appelé
subaréen par le professeur Ungnad .
Puisque le vieux nom Songuer a survécu au centre de la
Mésopotamie et sous la forme Singara , il faut que nous suppo
sions dans cette région un quatrième dialecte du songue
rien .
Le mot pour cemaison » , qui se prononce gal en sumérien ,
mal en emesal et * ba(l) en subirien , peut nous faciliter le pas
sage à la branche protohattiennede ce groupe. Car dans cette
langue la maison s'appelle wil, ce qui se compare à un *quil
234 OCTOBRE- DÉCEMBRE 1930,
primitif à peu près comme Willehalm à Guillaume, ou Welf à
Guelfi , ou Walthari à Gualterio .
Ce groupe hatti-songuerien me semble former la couche
ethnique la plus ancienne que nous puissions atteindre; nous
pouvons le considérer provisoirement comme autochtone. Par
rapport à celui-ci , tous les autres groupes nous apparaissent
comme adventices.
On connaît la tradition de Bérose sur l'introduction de
l'écriture, de l'agriculture, de toutes les sciences et de tous les
arts en Babylonie , à la suite d 'invasions répétées venues
d 'outre-mer. Les envahisseurs se signalaient par ces costumes es

en peaux de poissons qui sont si souvent reproduits par la


sculpture et la glyptique babyloniennes. M . Eisler a pu mon
trer en 19a 1 que ces vêtements sont précisément ceux que
l'expédition de l'amiral Néarque, sous Alexandre le Grand ,
avait observés chez les Arbites, tribu brahui à l'est du Belu
čistan , près du delta de l'Indus. Par conséquent, les Sumé
riens ne pouvaient ignorer l'importance des apports culturels
qui leur venaient de cette région. Cette observation a été bril
lamment confirmée par les fouilles récentes de Mohenjodaro
et de Harappa , qui nous ont fait connaître une architecture,
une glyptique et une pictographie analogues à celles des Su
mériens et des Proto- élamites . On a encore vu , au moyen âge,
sous le califat d 'Al-Motacim , des pirates du Sindh et du Belu
čistan envahir ainsi par mer la Babylonie.
Des calculs très prudents nous conduisent à placer ces im
migrations, très pacifiques selon la tradition même, vers le
commencement, au plus tard vers le milieu du quatrième mil
lénaire . Je ne crois pas que l'écriture sumérienne ait été alors
importée toute faite et telle quelle ,mais j'en attribuerais volon
tiers la première idée à l'influence des immigrants. Car, quoi
que le système des deux écritures soit identique, les différences
sont assez profondes pour faire croire à un développement in
LANGUES ET PEUPLES DU PROCHE-ORIENT PRÉHISTORIQUE. 235
dépendant en pays sumérien . Il me semble que le dialecte des
villes méridionales de la Babylonie , le sumérien proprement
dit, doit à cette immigration son individualité tenace et persis
tante .
Quant à l’anzanite , comme le père Scheil a si justement
appelé la langued'Élam , il est caractérisé parl'absence presque
totale de préfixes, ce quile sépare radicalementdes deux bran
ches du groupe hatti-songuerien , Comme d 'autre part le bra
hui, au Belučistan , montre la même absence de préfixes et
aussi d 'autres ressemblances non négligeables , c'est probable
ment dans ce sens qu'il faudra chercher la parenté du parler
anzanite. Certes , le brahui est généralement groupé avec les
langues dravidiennes , mais il n'est pas du tout avéré que le
dravidien soit une langue autochtone de la péninsule indienne.
Il ne me semble pas impossible que ce groupe de langues,
non les races qui les parlent, ait été apporté par une invasion
antérieure aux Aryens, mais venue des mêmes régions, c'est
à -dire des alentours du plateau du Pamir. En admettant cette
hypothèse , on verrait dans cette invasion , et dans celle qui a
amené les Anzanites vers leur habitat historique , les premières
al

manifestations du groupe ethnique dont je voudrais vous par


ler maintenant, les Harri.

La langue des Harri nous est connue par la lettre dite mi


tannienne de la correspondance d'El-Amarna et par diverses
tablettes de Boghazköi, qui nous donnent des textes en une
langue qu'elles appellent harlili « dans la langue des gens
du pays Harrin .
Sous l'empire hittite , on considérait commepatrie des Harri
et comme« pays Harri» ce que la reine hittite appelle dans une
prière « la région des cèdres » , c'est-à-dire la Syrie centrale, le
pays d 'où l'on exportait les cèdres du Liban , de l'Antiliban et
de l'Amanus. Les Assyriens appelaient cetle région Amurru .
236 OCTOBRE -DÉCEMBRE 1930.
Or certains vocabulaires assyriens nous donnent la série
suivante de valeurs phonétiques pour le même idéogramme :
Tilla = . = Urțu ( = Urartu );
Uri = X . = Akkadi (= Babylonie septentrionale) ;
Ari = 1 , = Amurru ( = Syrie).
La forme Ari est celle qui correspond régulièrement, selon
les lois phonétiques assyriennes , à un Harri originaire. C 'est
pourquoi je préfère la lecture Harri à celle proposée par
M . Hrozný, qui voudrait lire Hurri. Cette discussion reste
d'ailleurs sans grande portée , puisque la valeur Uri se trouve
pour ce signe quand il signifie Akkadi. Toujours est-il que du
temps de l'empire hittite la forme þarri (avec a ) est la seule
attestée par les textes cunéiformes.
Ces trois équivalences se rapportent au peuple Harri à trois
moments de son histoire .
Nous le trouvons désigné par cet idéogrammes dans une
liste d'artisans et autres ouvriers fournie par une tablette très
archaïque de Farah ( environ 3000-2800 ). Il en est fait men
tion à côté des jardiniers. Ce devaient être, selon le contexte ,
des ouvriers de saison , quittant pour trouver du travail les
hauteurs où ils vivaient en nomades le reste del'année , comme
on voit aujourd 'hui les Kurdes et les Luris planter leurs
tentes jusque dans la plaine mésopotamienne, quoique leur
vraie patrie soit les pâturages des bautes plaines du Kurdistan.
L 'idéogrammedes Harri désigne donc Tilla et Urtu , la par
tie septentrionale du Kurdistan. A partir de 2500 , ils com
mencent à descendre dans la vallée du Tigre, où ils mettent
fin à la période sumérienne de la ville d ’Assur, ce qui se marque
à un changement très visible dans la construction des maisons :
les montagnards introduisent l'habitude d 'asseoir les murs sur
un soubassement de pierre , tandis que leurs prédécesseurs se
contentaient de briques.
LANGUES ET PEUPLES DU PROCHE-ORIENT PRÉHISTORIQUE. 237
Vers 2400 , ils ont conquis loute la Babylonie , qu 'ils ont
gouvernée sous le nom de la dynastie de Gutium pendant cent
vingt ans. L 'immigration au nord de la Babylonie a été si forte
que pas plus tôt que par la suite les Sumériens appellent ce
pays Ki- Uri (E X ) , c'est-à -dire le pays des Harri.
Expulsés de la Babylonie, ils se retirent en partie dans leur
ancien habitat au Kurdistan, et en partie se précipitent sur la
Syrie , où ils paraissent s'être emparés de la Syrie centrale.
Aussi leur ideogramme désigne-t-il la région d'Amurru .
J'ai trouvé deux textes inédits en langue canisienne, qui se
révèlent comme des traductions du þarri , au choix particulier
des noms divins. L 'un d'eux est un curieux texte historique en
forme de conte populaire, un genre de textes qu'on connaît
aussi en Égypte :
Il y avait une fois un homme nommé Abbus, demeurant à
Sudul dans le pays Lulluva, au bord de la mer ( la mer Cas
pienne). Il était très riche; il possédait beaucoup de bétail,
d 'or et d'argent, mais pas de fils. Il supplie alors le dieu du
soleil de lui en donner un. Un magicien intervient et couche
avec sa femme, « sans pourtant la toucher » , dit le texte . Par
la grâce du dieu — ou grâce au magicien - un fils lui naſt,
auquel il donne le nom de ce bâtard » . Mais quelques instants
lea
après naît un frère jumeau , auquel cette fois le père donne le
nom de « légitimer.
Après la mort du père , les deux fils se partagent les terres
de leur père e selon le cours des rivières et des montagnes
( l'exemple le plus ancien que nous connaissions d'un partage
fondé sur le principe des frontières naturelles ). Ce sont sur
tout les sanctuaires des dieux qu'ils se partagent. L 'énuméra
tion en est extrêmement curieuse .
Dans la partie qui revient au fils bâtard , nous trouvons le
dieu du tonnerre , Teššub , de la ville de Kummija , dieu su
prêmedu panthéon þarrien. Cette ville de Kummija est située
238 OCTOBRE-DÉCEMBRE 1930.
au nord -est de Ninue , dans le haut Kurdistan , aux environs
d'Urartu , site ancestral des Harriens et foyer de leur expan
sion ultérieure. A côté de ce Jupiter harrien , nous trouvons la
déesse Ištar de Ninua et le dieu Soleil de Sippar, au nord de
la Babylonie.
La part qui échoit au fils légitime comprend un certain
nombre de villes lulubiennes inconnues par ailleurs.
De cette division , une sorte de traité de Verdun préhisto
rique, il résulte que les terres de cet Abbus sont tout simple
ment un empire harrien d'un roi Abbus de Lulluva , qui s'éten
dait depuis la mer Caspienne jusqu'au golfe Persique.
Évidemment, Abbus ne peut être que le petit nom , l'hypo
coristique du grand roi conquérant Anu-banini, qui a érigé la
stèle commémorant sa conquête au défilé de Holwan , à la fron
tière du pays Lulluva et de la Babylonie. Sa popularité a dů
lui valoir d 'être appelé Abbus, comme Frédéric le Grand était
surnommé le vieux Fritz par ses Prussiens. Ge conte montre
en outre que les Harriens qui ont occupé le royaume d'Akkad
considéraient leur dynastie , dite de Gutium , sous laquelle cette
conquête avait été réalisée , comme une dynastie bâtarde, par
opposition à la famille légitime d 'Anu-banini, qui continuait
de régner en Luluwa.
Même pendant la période assyrienne, où Luluva s'appelle
le pays de Mannai, les rois du pays portent des noms nette
ment þarriens, comme Ahšeri, c'est-à -dire l'ancien Ahiš-ari , et
comme Erisinni = Ari-šedni, etc.
La seconde légende, tout aussi instructive , est une sorte de
prototype harrien de la théomachie homérique. On nous raconte
que le père céleste des dieux, Kumarbis , dont le siège se trouve
à Urkiš (aux environs de Kermanšah ), se prend d 'hostilité
contre le susdit dieu du lonnerre de kummija , qui est le roi
de tous les dieux d 'Akkad . Il s'allie au dieu -marin , qui réside
dans une île (probablement Tilmun , dans le golfe Persique ).
LANGUES ET PEUPLES DU PROCHE-ORIENT PRÉHISTORIQUE. 239
Dans leur colère, les dieux créent un nouveau dieu : la pierre
Kunkunuzzijas de la voûte céleste ou plutôt de l'arc-en-ciel.
Alors une grande bataille s'engage, où tous les dieux babylo
niens bien connus, Ea, Ninurta , Enlil, etc., combattent du
côté de Teššub de Kummija . Sa femme, la déesse-mère Hebat
( l'Ève de la Bible ), envoie sa servante sur une tour du palais
de Kummija et reçoit d'elle , au fur et à mesure , les dernières
nouvelles de la bataille. Les dieux harriens sont vaincus par le
nouveau dieu et perdent ainsi la souveraineté sur l'empire
d 'Akkad. Ils envoient des messagers au dieu de la sagesse Ea,
dans la ville Abzuwa des eaux inférieures , pour lui demander
s'il leur conseille de se retirer sur la montagne Gandurna ou
sur la montagne Lalapaduva.
Cette théomachie mythique reflète évidemment la chute de
la dynastie gutienne, la fin de la domination harrienne sur
Akkad et l'émigration des Harriens refoulés vers les montagnes
de Gan -Durna, c'est-à -dire les chaînes qui longent le cours de
la rivière Turnat, le Tornadotos des Grecs, la Dijala de nos
temps. L'autremontagne, nommée Lalapaduva , doit être cher
chée du côté de la Syrie.
Il est évident que les Harriens ont dû considérer le règne
de la dynastie de Gutium sur Akkad commela période héroïque
de leur histoire nationale. Sous l'empire hittite , on les voit
s'étendre au Nord vers l'Arménie, à l'Ouest vers l'Antitaurus.
Ils ont sûrement dominé la Syrie entière, qui figure pour cette
raison dans les textes égyptiens sous le nom de « pays Harun.
La langue des Harri est caractérisée par un manque total
de préfixes et par une accumulation singulière de suffixes. De
ce fait le verbe harrien montre une richesse inouïe de formes
diverses. Sans pouvoir discuter à fond le problème de la pa
renté , il me semble que la constitution de la langue ḥarrienne
rappelle de très près la langue turque. Aussi inclinerais-je à
chercher au Turkestan le point de départ de l'invasion þar
240 OCTOBRE-DÉCEMBRE 1930.
rienne. De là , ils paraissent s'être répandus , au quatrième
millénaire , vers l'Ouest jusqu 'au Kurdistan , et , en partie , vers
le Nord-Ouest , dans la direction de l'Oural, où ils semblent
avoir produit, en se superposant à une autre couche ethnique ,
le noyau du groupe finno-ougrien. J'ai l'impression que le gru
sinien ou géorgien est la branche la plus septentrionale du
lulubien , qui a recouvert un substrat protohattien .
Quand l'invasion des Assyriens, vers 1400 avant notre ère ,
eut provoqué la chute du royaume harrien des Mitanni en Méso
potamie , les restes de la population harrienne reconquirent
une dernière fois leur indépendance politique et culturelle
dans les montagnes sauvages de l'Arménie , où ils créèrent le
royaume d'Urarțu et laissèrent à l'étude des savants modernes
un nombre considérable d 'inscriptions cunéiformes en langue
dite chalde.
Au fond , la poussée des Harriens semble annoncer les im
migrations venues de l'Asie Centrale , qui ontamené au moyen
åge les Turcomans, les Turcs et les Mongols vers le Proche
Orient. La longue interruption de cesimmigrations, entre 2500
avant notre ère et 1200 après, s'explique par le fait que pen
dant ces trois millénaires et demi des groupes indo-européens
leur barraient la route de l'Ouest et refoulaient les hordes d'Asie
Centrale vers l'Est, c'est-à-dire vers la Chine et la Mongolie .
Dans la direction de l'Ouest les Harriens n 'ont jamais
franchi l'Anti- Taurus. Les régions au delà de l'Antitaurus ont
été occupées dès le quatrièmemillénaire par des peuples de
langue luvienne , qui s'y sont superposés directement à une
couche protohattienne.

La langue luvienne ne nous est connue qu'à partir du


XIV° siècle , par les textes cunéiformes de Boghazköi, qui nous
donnent des échantillons de ce qu'ils appellent le luvili, une
appellation dérivée du nom du pays Luvia, qu'ils identifient
LANGUES ET PEUPLES DU PROCHE-ORIENT PRÉHISTORIQUE. 241
avec la région d 'Arzawa , c'est -à -dire la Cilicie. En Cilicie ,
cette langue a longtemps dominé, mais elle a aussi été parlée
au pays deKizzuvadna, dans le Pont.
Que cette langue ait eu jadis une importance prépondérante
ie Mineure, cela résulte du fait que les noms de lieux
asianiques, dans la mesure où l'on en peut analyser la forme
et le sens , ont presque tous , sauf ceux qui dérivent d'une
langue protohattienne , un caractère luvien .
On connaît des cas où un peuple, par exemple les Turcs ,
traduit tous les noms de lieux dans sa propre langue ou en
forge de nouveaux. Mais en général les localités conservent les
noms qu'elles ont reçus des premiers habitants, et l'on peut
tirer de l'analyse linguistique des noms de lieux des indica
tions sur la nationalité des premiers colonisateurs d'un pays.
Cette multitude de noms de lieux luviens ne peut donc
s'expliquer que si l'on attribue aux Luviens la fondation des
villes d'Asie Mineure. Des noms de lieux de même origine se
trouvent déjà du temps de la dynastie d'Akkad, vers 2500
avant notre ère. Il semble d 'ailleurs que la construction de
toutes les villes du Proche-Orient accuse une certaine influence
de l'urbanisme sumérien . En tout cas , des raisons historiques
et archéologiques défendent de supposer que l'origine de la
culture urbaine en Asie Mineure soit postérieure à l'an 3000
au moins. Par conséquent, l'immigration des Luviens doit être
placée avant 3000 .
Cette immigration a couvert , toujours au témoignage des
noms de lieux , non seulement l'Asie Mineure et l'Arménie ,
mais aussi la Grèce, l'île de Crète, l'île de Chypre et la Syrie.
Je crois même avoir des raisons de penser que les Luviens ont
poussé leur expansion jusqu'en Babylonie , et même que la
différenciation du dialecte subirien de la langue songuerienne
dans la Mésopotamie septentrionale pourrait être due à une
infiltration luvienne.
CCXVII . 16
IMPRIMERIE NATIONALR .
242 OCTOBRE- DÉCEMBRE 1930.
L'expansion luvienne se place au plus tard au quatrième
millénaire. J'insiste sur la date reculée à laquelle la langue
luviennes'est propagée, quoique le luvieni s'apparente indubi
tablement sur plus d 'un point au groupe de langues dites indo
européennes.
Non seulement la construction grammaticale de la phrase ,
mais aussi plusieurs désinences sont communes au luvien et
aux langues indo-européennes , par exemple celles du pomi
natif et de l'accusatif singuliers et de l'accusatif pluriel du
nom , les désinences de l'impératif et du participe. Néuómoins
il faut reconnaître que le lexique contient, à côté de certains
mots apparentés, une masse d'expressions tout à fait hétéro
gènes. S 'il est impossible de nier la parenté du luvien et du
groupe indo-européen , la question est d'expliquer à la fois
cette parenté et les éléments étrangers du tocabulaire.
Le problème acquiert une complication et un intérêt sup
plémentaires , car j'ai observé qu'une série de mots luviens se
retrouve en vieil- égyptien sal
sans qu 'on puisse expliquer ce fait
par des emprunts isolés. Il s'agit de certains mots canisiens,
qui viennent dertainement du luvién , tels que :
pö bir, pir cemaison » . Pisidien baris = pixia ; dérivé cani
sien parnas e maison , fermen (d 'où le nom llapvacobs ), parna
viški-mi rje bâtis »; lycien prnavalo e il båtit», prnavazei rol
xemos. D 'autre part, en égyptien , pr « maison ». Dans l'impos
sibilité de supposer que les Égyptiens aient appris des Luviens
l'artde bâtir, ou vice versa, on ne peut admettre un emprunt;
2° Canisien hattus e argent » , hattallaš clair de lune» ,
hatnut eil clarifiait » , hattulatur e santé » , hattuleśmi e je deviens
sain » ; hattulahmie je fais sain » ; égyptien hd argent, brillants,
mot qui se trouve déjà dans les textes des Pyramides. Puis
qu'il n'y a pas eu d'argent en Égypte et qu'on l'a importé
d 'Asie Mineure, ce mot pourrait être emprunté au luvien . Mais
LANGUES ET PEUPLES DU PROCHE-ORIENT PRÉHISTORIQUE . 248
le fait que hd ne signifie que ceblanc, dans les textes les plus
anciens des Pyramides resterait inexpliqué;
3. Canisien hant-s = hanza e front », hanti «devant» , han
tezzis « le premiers ; égyptien hnt e face , devant» ,hntj devant,
antérieur » , hntw ce autrefois ,;
4° Canisien imija-mi « je mélanger; égyptien smj « mélan
ger , tandis qu'en indo-européen cette racine a la forme*mig -;
5° Canisien uva-mi a je viensn ; égypt. iw re venir ;
janisien UV ye

6° Canisien ištamaš-mi e j'écoute » , ištamanašre oreille » ;


égypt. śdm e écouter » ;
7° Canisien atta-s cepèren; égypt. it « pèren .
Au moins les cinq derniers mots ne sont pas des termes
qu'un peuple emprunte à l'autre, et l'exactitude des corres
pondances pour la forme et le sens semble exclure la possibi
lité d'une homonymie fortuite .
Nous sommes donc obligés de faire entrer également dans
la population de l'Égypte primitive un élément luvien . Mal
heureusementnous ne savons rien jusqu'ici du type physique
des Luviens. Mais la parenté de leur langue avec les langues
indo-européennes peut faire supposer qu'ils ont été des blonds
aux yeux bleus.
Si l'on se rappelle en outre les arguments de l'égyptologue
Möller,qui semble avoir prouvé que les Libyens de l'Afrique du
Nord sont en effet des blonds, on conjecturera sans invraisem
blance que les Luviens venus de l'Europe n 'ont pas seulement
colonisé l'Asie Mineure jusqu'à l'Arménie , la Grèce , les fles de
Crète el de Chypre, mais aussi le delta égyptien et la Libye.
La colonisation luviennede l'Asie Mineure se plaçant , comme
je l'ai dit, avant 3000 , puisque les Luviens ont fondé et
nommé les villes asianiques , il faudrait placer la colonisation
de l’Egyple et de la Libye à la même époque ou même plus
tôt. Gar la couche libyenne de la population égyptienne est
16 .
244 OCTOBRE-DÉCEMBRE 1930.
sans doute plus ancienne que la couche sémitique, dont l'in
vasion ne peut être postérieure aux environs de 3200 .
Quant aux Sémites , je vous étonnerai probablement beau
coup en disant qu'à mon sens leur langue originale n 'est pas
née avantle quatrième millénaire. J'en place l'origine en Arabie
Centrale et je la considère comme le résultat d'une superposi
tion d'une langue de type luvien à un substrat du type hatti
songuerien .
Le peuple hybride qui résultait d'un pareil croisement était
originairement bilingue ,puis de langue mixte, comme l'étaient
les Turcs avant la réforme puriste de leur vocabulaire , ou les
Persans. Des formes de caractère hatti-songuerien étaient dé
clinées et conjuguées à la songuerienne, des mots d 'origine
luvienne à la luvienne. Ainsi ont coexisté à l'origine des décli
naisons et conjugaisons d'origine différente. Ce n'est qu 'ensuite
que commença le procès d'amalgame qui forma de ces élé
ments disparates une langue de caractère homogène et d'un
systèmenouveau.
Quelques exemples illustreront ma pensée : en sumérien ,
šu signifie « la main , et dib « prendren ; šu -dib est donc a mar
cipere, prendre avec la main ». Et e prendre pour son propre
S

usage » s'exprime en ajoutant ta e côté , en tête du verbe : .


šu - ta- dib
manu
manu sibi capere.
main de côté prendre.

Une locution composée comme su -ta -dib est employée et con


sidérée comme un verbe unique, mais , dans cette fonction , le
préfixe ta devient ce qu'on appelle un infixe. Cette espèce de
verbes composites, dont la structure est strictement conforme à
la logique de la syntaxe sumérienne, explique, à mon avis ,
l'origine de l'infixe ta dans le thèmemoyen du verbe sémitique.
Le génie linguistique des Sémites a généralisé l'infixe après la
LANGUES ET PEUPLES DU PROCHE-ORIENT PRÉHISTORIQUE. 245
première syllabe dans la totalité des verbes , sans distinguer
ce OW
ceux qui sont, comme šu -dib , composés d 'un nom monosylla
bique et d 'un verbe à deux consonnes , et ceux qui ne le sont
pas .
Ce procédé a conduit très vite à unifier le nombre des con
sonnes dans les verbes, même dans ceux qui n ' étaient pas d 'ori.
gine sumérienne, mais luvienne. Nous avonsdéjà cité le verbe.
luvo -canisien ištamas-récouter » , en égyptien sdm ceécouter » .
En assyrien , « écouter , se dit šemû , comme šema en hébreu ,
mais très souvent on emploie la formemoyenneištemie il écouta ».
Je pense que c'est un verbe quadrilitère d 'origine luvienne
* štm ', soumis aux règles du système sémitique par suite d 'une
confusion populaire du t radical avec l'infixe du moyen . Là-des
sus on a construit un infinitif semů pour répondre à ce moyen
imaginaire ištemi. De cet infinitif factice sontdérivées réguliè
rement des formes comme išmê seil écoutait ..
De même, la jonction de plusieurs éléments hatti-songue
riens a donné des mots sémitiques de forme nominale : par
exemple le sumérien sa rjugement, et dug ebonn a donné
saduq « justen.
Je ne pense pas non plus que des correspondances comme
protohatt. binu enfant » = hébr. ben , ar. bin , ibn (aussi dans
l'arabe du Sud ), assyr. binbinu s petit-fils » ; protohatt. bi-vil
cedans la maison n = hébr. be-baith , puissent être attribuées à
un pur hasard.
D'autre part, il semble impossible de dériver le système
même de la conjugaison et de la déclinaison exclusivement
d 'une langue ḥatti-songuerienne. Il faut tenir compte de l'autre
source du sémitique , qui me semble être le luvien .
Probablement certaines correspondances indo-européennes ,
sémitiques, dontMöller a fait état pour étayer sa théorie d'une
parenté sémito -indo-européenne, s'expliqueront plutôt par des
affinités luviennes .
246 OCTOBRE-DÉCEMBRE 1930.
Le système grammatical des Sémites ne s'est évidemment
pas développé jusqu'à sa complication présente au cours de
quelques siècles. Au contraire, nous observons que le verbe
sémitique augmente considérablementlenombre de ses thèmes,
temps etmodes d 'un millénaire à l'autre. Ainsi le verbe arabe
est infiniment plus compliqué que l'accadien , etc .
· La première expansion sémitique , vers 3300 avant J.- C .,
a probablement déjà rencontré en Égypte une branche de la
race luvienne, qui s'était à son tourpeut-être superposée à un
élément nubien . La langue de ces Sémites primitifs n 'était cer
tainement pas encore aussi nettement caractérisée que celle
des Sémites qui devaient ultérieurement déborder de l'Arabie.
Le résultat de l'hybridation de ces Proto -Sémites avec les Lic
byens et peut-être avec un élément africain est l'égyptien ,
dont nous suivons l'évolution grammaticale depuis les textes
des Pyramides jusqu'au copte.
Les expansions ultérieures des Sémites, celle des Akkadiens
vers 2600 , des Amorrites vers 2200 , des Araméens vers 1 100
avant J.-C ., des Arabes vers 630 de notre ère , qui pourraient
être suivies d 'une dernière expansion wahhabite denos jours ,
dépassent les limites de notre exposé .
Comme les Sémites, les Luviens aussi semblent s'être éten
dus par vagues successives. On expliquera aisément ainsi que
les langues de ce groupemontrent des degrés différents d 'évo
lution et de parenté avec l'indo-européen .
· En outre, devant certaines ressemblances du lydien et de
l'indo-européen , on pourrait être tenté d'ajouter le lydien av
groupe luvien ; d'autre part, les préfixes du lydien tendraient à
indiquer que le lydien doit être le résultat d'une superposition
d 'un élément luvien à un substrat protohattien .
Quant aux Gariens, nous sommes trop peu renseignés pour
nous prononcer sur le caractère de leur langue.
La langue des tablettes crétoises de Knossos, Hagia Triada
LANGUES ET PEUPLES DU PROCHE-ORIENT PRÉHISTORIQUE. 247
et Mallia n 'est certainement pas grecque et, comme je crois
pouvoir le dire après une étude approfondie , ne semble pas
avoir eu de préfixes, quoique on y puisse distinguer des dési
nenees différeptes. Pour cette raison , et aussi parce que je
pense trouver des noms de lieux Juviens en Crète, je serais
porté à joindre cette langue inconnue au groupe luvien ,
La languedu disque de Phaistos possède des préfixes, comme
M . Ipsen la reconnu, et comme je l'ai dit moi-même il y a
quelques années. Il est possible que cette langue soit celle des
autochtones de la Crète , qui se seraient maintenus à l'ouest
de l’ile , et qu'elle appartienne, dy fait qu'elle se sert de pré
fixes, au groupe protobattieņ .
Lechaosdes peuplades méditerranéennes est trop compliqué
pour être débrouillé au cours de cette brève esquisse
La seconde ou la troisième yague des Luviens a amené sur
la haute plaine de l'Asie Mineure les Canisieņs; ils y fondèrent
vers 2009 l'empire bittite . M . Hrozný, qui a déchiffré le pre
mier leur langue, la appelée au commencement le hittite , et
voudrait maintenant changer ce nom en nésite , tandis que je
continue de l'appeler le canişien . Il faut en tout cas soigneuse
ment la distinguer de la Jangue que M . Sayce a dénommée
hittite et que tout le monde a conținué d 'appeler ainsi : la
langue inconnue des pictographies dites hittiteş.

Le canisien est la langue principale des tablettes cunéiformes


des archives de Bogbazköj. M . Fritz Hommel a été le premier
à signaler la parenté de cet idiome, connu d'abord par deux
lettres dites d ’Arzawa, avec les langues indo - européennes;
Knudtzon , en collaboration avec Bugge et Torp , a appuyé en
1909 cette hypothèse , qui fut confirmée par le déchiffrement
des textes de Boghazkoi par M . Hrozný,
En essayant de définir plus exactement le degré de cette
pareplé, je me suis rendu compte que le canişien n 'est pas
248 OCTOBRE -DÉCEMBRE 1930 .
parallèle au celtique, au latin , au grec , au germanique, etc.,
mais qu'il est sorti latéralement de la langue-mère de laquelle
sont nées les susdites langues indo-européennes. Cette théorie
a été acceptée par MM . Paul Kretschmer, de Vienne, et Stur
tevant, de Yale, qui ont proposé d'appeler « pré-indo-euro
péen , le groupe ancestral dont la fracture a donné le canisien
et la langue-mère des idiomes indo-européens.
Or je considère ces Pré- Indo-européens comme une branche
du groupe luvien . Le problème final se pose donc de la ma
nière suivante.
La grammaire canisienne est d'une limpidité et d'une sim
plicité parfaites. Pas de comparatif, pas de genre, quoiqu'il y
ait une espèce de neutre collectif. Pas de modes verbaux, pas
de redoublement. Il n 'y a que deux temps et deux voix : active
et moyenne. Par contre, le luvien et les langues indo-euro
péennes ont des degrés de comparaison , un genre , un passif,
des formations à redoublement. Mais ce qui est frappant, c'est
que tous ces éléments sont utilisés par le luvien d 'une manière
tout à fait différente de celle de l'indo-européen . Par exemple
le redoublement est employé, non au parfait,mais pour rendre
plus intense l'impératif, etc. Le superlatif luvien s'applique
aussi au substantif, à peu près comme en finno-ougrien . Ces
différencesm 'empêchentaussibien de considérer avec M . Hrozný
le luvien comme un dialecte du canisien , que de le ranger tout
simplement parmi les parlers indo-européens. Il reste donc à
expliquer cette différence fondamentale entre le canisien , si
simple, et la richesse d'éléments formatifs commune au luvien
et aux idiomes indo-européens.
ll y a deux possibilités. Le canisien peut avoir été simplifié
à l'excès par un autre peuple incapable d 'en manier et d'en con
server les finesses originales ; ou le canisien peut avoir con
servé la simplicité primordiale d'une langue élémentaire , et le
luvien , comme les langues indo- enropéennes, devrait sa com .
LANGUES ET PEUPLES DU PROCHÉ-ORIENT PRÉHISTORIQUE. 249
plication à un substrat allogène d 'intelligence plus nuancée.
Nous ne pouvons entreprendre ici la discussion des arguments
pour et contre chacune des deux solutions d'un problème
extrêmement délicat.
Nous sommes plus à l'aise pour déterminer la date de l'im
inigration des Canisiens en Asie Mineure. Cette date est réglée
par les mêmes considérations que celle de l'expansion indo
européenne.
Il est acquis que les Indo-européens, avant la période déci
sive de leur expansion , connaissaient le cheval , non seulement
à l'état sauvage, mais attelé au char de guerre, tandis que le
Proche-Orient n 'a connu le cheval et l'attelage que dans les
premières décades du deuxièmemillénaire
Il n 'est pas douteux que les Indo-européens apparaissent à
cette date aux frontières de la Médie . Vers 2500 , l'empire
d 'Akkad , sous Naram -Sin , a failli succomber aux attaques d'une
horde immense de Manda, venant de la Médie , lesquels re
broussèrent chemin au dernier moment sur l'intervention de
la déesse Ištar. Je maintiens toujours que le nom de Manda
désigne à toutes les périodes de l'histoire orientale les envahis
seurs aryens; Manda , Māda (avec réduction de la nasale ) et
Māda n 'étantautres que lesMèdes. Cette première vague aryenne
de 2500 n 'a pas encore importé le cheval domestique et le
char de guerre en Asie. Ce progrès technique n 'a donc été réa
lisé par les Aryens qu'entre 2500 et 2000 , et il est incontes
table que c'est cette armenouvelle qui les a mis en état d'effec
tuer à d'énormes distances ces grandes conquêtes qui ont pré
paré leur expansion mondiale.
Ces deux invasions indo-européennes de 2500 et de 2000
datent respectivement : 1° l'établissement du barrage aryen
contre l'infiltration des Harri émigrant de l'Asie Centrale vers
l'Asie Occidentale , et contre les liaisons commerciales entre
Sindh et Sumer, qui sont attestées jusqu'en 2200 par des
250 OCTOBRE-DÉCEMBRE 1930.
sceaux sindhiens trouvés en Babylonie; 2° le début de l'éta
blissement des Aryens dans l'Iran et dans l'Inde. On peut se
demander s'il est possible de distinguer dans les langues
aryennes deux couches successives, dont l'une correspondrait à
l'invasion de 2500 , l'autre à celle de 2000 .
Le foyer de l'immigration des Canisiens ne doit pas être
cherché très loin de la patrie des Indo-européens. Mais les
Canisiens n 'avaient pas encore importé le cheval en Asie Mi
neure, quand ils y apriyèrent. Autrement nous ne le verrions
pas amené pour la première fois de Médie en Babylonie vers
2009 avant J.-C . D 'où je conclus que les Canisiens ont quitté
l'Europe avant la domestication du cheval et l'introduction du
char de guerre. Considérant l’étroite analogie que je pense
apercevoir entre le développement de l'empire hittite et les
origines du royaumedes Francs depuis l'immigration en Gaule
jusqu'à Charlemagne, je pense devoir compter au moins quatre
ou cinq siècles pour la consolidation du royaume ganisien unifié
que Labarnas étendit jusqu'à la mer yers 1900 av. J.- C . Ce
quifait remonter jusqu'en 2300 environ la date de l'immigra
tion canisienne, mais guère plusbaut. Car nous obseryons ce
fait paradoxal, que les Canisiens , après avoir régi pendant près
de mille ans les destinées de l'Asie Mineure , n 'y ont pas laissé
un seul nom de lieu dérivé de leur propre langue. Il s'ensuit
qu'ils ont trouvé le pays colonisé et organisé, et que leur con
quête nemarque pas une rupture aussi brusque dans la culture
indigène que l’inyasion des Franes en Gaule ,
De même on peut ſonder des copelusions historiques sur le
fait que la langue nationale de l'empire hittile tire son nom de
la ville de Kanis ,qui a dû être la métropole des conquéranls; les
Babyloniens n 'auraient pas eu autrement l'idée de nommer
canisien cette langue. En effet Kanis apparait depuis Naram
Sin , en 2500 , jusqu'à Sarrukin d 'Assur, vers 2000 , comme
un royaume contrôlant un grand nombre de fondacchi de mar
LANGUES ET PEUPLES DU PROCHE-ORIENT PRÉHISTORIQUE . 251
chands assyriens. Malheureusement les textes en question ne
nous disent pas si à celte époque la ville de Kanis était déjà
occupée par des gens parlant ce que j'appelle le canisien . On
ne peut donc pas resserrer plus étroitementles limites de 2600
à 2300 pour la date de l'immigration des Canisiens.
Nous ne savons pas non plus si les Canisiens que nous con
naissons par les textes de Boghazköi sont les seuls membres
de ce groupelinguistique. Il est bien possible qu'il en ait existé
d 'autres , qui se seraient dirigés soit en Europe Occidentale,
soit en Asie Centrale. Mais ces problèmes ne pourront être
abordés utilement que lorsque le terrain de nos recherches en
Asie Mineure sera entièrement déblayé.
En tout cas, les Canisiens représententl'avant-dernière , les
Indo-européens, en Asie , la dernière expansion préhistorique
du groupe luvien , qui a finalement absorbé toutes les couches
antérieures de peuples apparentés.
Je termine en présentantmesrésultats provisoires sous forme
d 'un tableau chronologique :

Vers 5000 :
Luviens Hatti-Songueriens Harri 1 Dravidiens
en Europe dans au dans
occidentale. | le Proche-Orient. | Turkestan. I l'Inde .

Vers 4000 :
Expansion des Luviens au Proche-Orient Expansion
jusqu'en Arménie, en Arabie, en Égypte eten Libye. des Harri
du Turkestan
Naissance de la langue primordiale des Sémites jusqu'en
en Arabie, et du groupe libyo-berbère en Libye. Babylonie.
Vers 3300 :
Invasion d'une première vague de Sémites de l'Arabie en Babylonie
et en Afriqueméditerranéenne ; domination de l'Egypte .
252 OCTOBRE - DÉCEMBRE 1930.
Vers 2600 :
Seconde vague sémitique. Les Akkadiens établissent leur domination
sur la Babylonie.
Vers 2500 :
Première expansion des Manda aryens dans l'Iran .
Vers 2400 :
Domination þarrienne en Babylonie (dynastie de Gutium ).
Vers 2300 :
Invasion canisienne en Asie Mineure. La domination þarrienne en
Babylonie s'écroule et les Sumériens arrivent de nouveau au pouvoir.
Les Harriens émigrent et constituentun nouveau royaume dans la Syrie
du Nord et en Mésopotamie.
Vers 2200 ( 2188 ) :
L 'empire babylonien est conquis par la troisième couche sémitique,
les Amorrites.
Vers 2000 :
Consolidation de l'empire hittite en Asie Mineure sous la domination
des Canisiens. Expansion des Indo-Européens et introduction du cheval
dans le Proche-Orient.
L'histoire des peuples du Proche-Orient appartient dès lors
à la période historique et dépasse par conséquent les limites
que je me suis tracées .
LES MOTS MONGOLS
DANS LE LLKORYE så ,
PAR

PAUL PELLIOT.

M . Shiratori Kurakichi vientde consacrer, dans


le Toyo gakuhồ de décembre 1929 (XVIII , 149-944 ), une
étude auxmots mongols cités dans le te Korye să , ou
Histoire de Corée (dans la période dite du Korye), composé en
1451 par Tjyeng Rin -tji. Sans discuter tout le détail
des équivalences, je voudrais formuler de brèves remarques
sur les mots relevés par notre confrère, et surtout à l'usage
des mongolisants qui n 'ont pas accès au Toyo gakuhô lui
même(1)

1° B # Ngan -tou -tch'e. M . Shiratori rétablit adu’uči,


adūči , et y voit le même titre que los # a -ta -tch 'e , Pris

(1) Les transcriptions de mots mongols sont généralement données dans le


Korye să sous la forme qu'elles ont aussi dans les textes chinois ; je les indi
querai donc suivant la prononciation chinoise des caractères , qui est seule
conciliable avec les formes mongoles originales. Je garde la numérotation de
M . Shiratori, qui étudie parfois plusieurs mots sous une même rubrique.
254 OCTOBRE-DÉCEMBRE 1930.
Ti a-ta-tch’e, des textes chinois de l'époque mongole. Il y a là
une erreur. A-ta -tch’e ou a-t'a-tch’e représente aqtači , écuyern ,
bien connu en turc , et aussi en mongol ancien (cf. en dernier
lieu Toung Pao , 1930, 27). Par ailleurs, adu’učîn se rencontre en
effet dans l'Histoire secrète des Mongols et dans le vocabulaire
Houa-yi yi-yu au sens de gardien de chevaux , (de adu’un ,
e bétail» ), mais ngan-tou -tch’e supposerait *alduči ou * andučä et
ne peut guère lui être ramené. Ce prétendu mot n'apparaît
d'ailleurs qu'au chapitre 1 22 du Korye să , commele nom d'un
individu qui se sacrifia pour le prince, et le mot ngan y est
regardé comme un nom de famille. La forme est donc dou
teuse d 'origine et le sens reste indéterminé. Il est possible que
le texte soit fautif , par exemple pour * Ž teisiNgan Yun
tou-tch'e, le üldüči (mo. classique ildüči ] Ngan ; üldüči est le
titre régulier des « porte-glaive , sous les Mongols.

go mangai-ma , = mo. ayimay, e section » , « district, , déjà


donné dans l'Histoire secrète des Mongols. Le rapport entre mo.
ayimay et ma.ayiman est justement indiqué par M . Sh. Quant
au turc aïmaq , ce pourrait bien étre, dans les dialectes mo
dernes, un emprunt au mongol. La forme turque alternative
oïmaq, pour laquelle M . Sh . renvoie à von Hammer , Gesch . d.
Gold . Horde, 31- 33 , a été également indiquée par Quatremère
dans Not. et Extr . , XIV , 1, 77 , et recueillie dans le diction
naire de Vuliers, I , 144 , et dans celui de Pavet de Cour
teille , p . 88 ; son omission , avec ce sens, dans le dictionnaire
de Radlov ( 1, 987) paraft être accidentelle , car il y est ren
voyé dans I, 1166 , sous omaq (je crois d'ailleurs ce renvoi
injustifié si on identifie oëmag et aïmag , car omag répond non
à mo. ayümay, mais à mo. omogou oboq, « clan » , « nom de
clan » ; umag de Radlov , I, 1788 , semble mal vocalisé ). Oimaq
peut être simplement une prononciation élargie de aïmaq, et
l'hypothèse d'un emprunt au inongol n 'en est pas affaiblie.
LES MOTS MONGOLS DANS LE KORYE SĂ. 255
30 fol pick A -la -nou -t'ie-che-li(1), nom emongol,
d 'un des rois coréens; comme le dit M . Sh. , c'est une simple
faute de texte pour in # 1) # A-la-t'ie -na-che-li, Arat
naširi < Ratnaśrī.
4° # pa -tou-eul, = mo. ba 'atur, bātur, héros» ,
vieux mot qui, à travers les Tou-kiue , doit remonter aux Avars.
go to pa -ha -sseu . Doit bien représenter baqši comme
le dit M . Sh . ( cf. i wo # pa-ha -che à l'époque mongole dans
des textes chinois), encore que la finale fasse ici difficulté (la
transcription du Koryè så ramènerait normalement à * baqas ou
à la rigueur * bagsi)(2). M .Sh. suit le mot baqši dans les langues
altaïques , mais ne dit rien de son élymologie éventuelle soit
par le chinois , soit par le sanscrit ( cf. à ce sujet T’oung Pao,
1930 , 14-15).
(1) Dans les transcriptions de l'époque mongole , ( quand il n 'est pas
fautif pour uit na) répond à nu et non à no; d 'où la transcription nou que
j'adopte ici. M . Sh. a discuté seulement quelques noms propres d'origine
mongole , mais il y en a beaucoup d'autres à cette époque dans les textes
historiques coréens.
(9) On songe, sans pouvoir guère s'y arrêter, à une contamination du
' phags de 'phags-pa. Pour baqši, M . Sh. ( p . 163) invoqué entre autres le
chapitre 18 d’un jo-ho je-ki (et le chapitre 19 à la page 228 );
ce Journal de Jehol (?) , m 'est inconnu . Le nom complet du personnage
lamaïquementionné dans le Korye så (chap. 31; I, 482 ) est PE HT i
T A K 'i-tchö-8&eu -pa pa-ha -sseu . Par un résumé du Bull. of the Metro
politan Library de Pékin , II, 506 , je vois que M . Shiratori a consacré à ce
nom en 1998 un article publié dans le Shigaku zasshi (que nous n'avons
pas à Paris), et en rétablit le premier élément en erdes-pan , redigne d 'être
aimén ( PT k'o-ngai, # yeou -kouci ). « Rces-pas n'est pas correct , et
je ne suis pas sûr du mot que M . Shiratori a eu en vue réellement, mais
de toute façon une initiale en r- paraît exclue par la transcription chinoise .
Je me demande si tchö ff n'est pas fautif pour u la . On connait à l'époque
mongole un Ź ll # K ’i-la-sseu -pa-wo-tsie-eul, qui est à
rétablir soit en *bKras-pa 'Od-zer (bkras = bkrá-šis ), soit en *Grags-pa 'Od
zer . Le moine du Korye så serait alors à nommer *bKras-pa baqšī ou *Grags
pa baqšī,
256 OCTOBRE-DÉCEMBRE 1930.
6° mi po-wou -tch ’e et Bo top i a-kia-tch 'e. Il s'agit de
sections de la garde royale coréenne(1). M . Sh . rétablit pour
le premier terme bayurčin et ne sait que faire du second. Pour
M . Sh. ,bayurčin dérive de bayu- , a descendren, et il invoque
le bayurčin -u gär, « aubergen , du dictionnaire de Kovalevski
(1065 a ). Mais cette expression de Kovalevskiſ résulte d'une
confusion tardive entre ba’u - , « descendrer, et ba’urči , a cuisi
nier » ( cf. d'ailleurs l°oung Pao , 1930 , 26-27) . Po-wou -tch'e
supposerait en principe * bo’uči ou * boʻu [r ]či ( cf. n° 34) , et
a-kia-tch’e serait * aqiyači ou *aqači; le second terme reste à
expliquer, et l'équivalence du premier à ba’urči, quoique pro
bable, est incertaine (une prononciation élargie en *băurči ,
*bo'urči , n’a en soi rien d'impossible ).

7° 16 Po-yen -t'ie-mou -eul, = Bayan- Tämür (2)


C 'est un nom propre . M . Sh. fait l'histoire des mots bayan ,
ce riche » , et tämür , c fern.

8º it topi pa-kia-tch’e. Dans un passage du chapitre 81


( II, 642)(s), il est question de la suppression d 'un service de
fauconniers du palais, et ceux qui y étaient en fonction y
furent répartis d'une part parmi les 2 hou-tche, d 'autre

(1) L' édition du Korye så dont je dispose, et qui est celle publiée à Tokyo
en 190g en trois volumes in -8°, n'est pas d'accord ici ( III , 643) avec la
citation (peut-être fautive ) de M . Sh.; mais les termes restent les mêmes.
(2) Peut-être pourrait-on transcrire Pai-yen -t'ie-mou-eul; le mot 16 po re
présente toujours baidans les transcriptions de l'époquemongole , tout comme
s'il eût eu alors une double prononciation po et pai, comme c'est le cas au
jourd'hui pour et (cf. J. As., 1997, II, 266 ).
(3) M . Sh . cite encore au même propos un passage identique qu'il attribue
au chapitre 31, mais la référence est fausse, et je n'ai pas retrouvé ce
second texte ; en tout cas, si ce second texte existe , il s 'est produit dans la
citation de M . Sh . une confusion qui n 'est pas limitée au numéro du cha
pitre ; à la page 228 , M . Sh . fait allusion au mêmepassage en l'attribuant au
chapitre 29 , ce qui est faux également.
LES MOTS MONGOLS DANS LE KORYE SÅ. 257
part parmiles 37 i tchao-lo-tch ’e et les pa-kia-tch ’e. M . Sh .
identifie pa-kia-tch ’e à balqačï ou balyačin , nom d 'agent tiré de
balyasun , a enceinten , a ville " , et étudie à ce propos l'histoire
du mot balyasun ( en citant naturellement turc baliq ,mandchou
falga). Mais la solution demeure , à mon avis , très douteuse .
Les textes de l'époque mongole , aussi bien l'Histoire secrète des
Mongols que le Yuan che (cf. l°oung Pao , 1904 , 431) et les
inscriptions, ne connaissent alors que balaqačin ou balagači , et
on ne comprend bien ni la suppression de la seconde syllabe,
ni la transcription de -qa- (-ya-) par une forme palatalisée (kia
au lieu de ha). Pour hou-iche, voir nº 31; pour tchao-lo-tch’e ,
voir nº 39 .
gº 11 # pi-cho-tch’e, *bijaci (= ? * bičāči < * bičä'äči),
re secrétaire ) ; la transcription est celle même qu'on a dans le
Yuan che. M . Sh . donne quelques indications sur l'histoire du
mot; cf. aussi l°oung Pao , 1904 , 431; il y aurait beaucoup à
y ajouter.

10° $ # po-eul-tcha ; comme l'a vu M . Sh., c'est le


bu ’ulſar ou festin de fiançailles (sur lequel cf. T°oung Pao , 1930,
26 ).

11° # Pou -ta-che-li, = Buddhaśrī, nom « mon


gol , d 'un roi coréen . On a de même Dharmaśrī , Gautamaśrī.
On sait la fréquence, au Moyen Age, des noms bouddhiques
en -śrī (en tibétain -dpal, en chinois a ki-siang ; les Oui
gours et les Mongols gardaient -śrī passé chez eux à - širi).

12° Ul i t'a-la -tch ’e , = mo. darači , nom d'agent tiré de


darasun , cevin » . Le terme est connu par le Yuan che (cf. Tạoung
Pao , 1904 , 431); il n'apparaît dans le Korye să que comme
nom d 'homme.
CCXVII.
IX PAIVERIE NATIONALE
258 OCTOBRE -DÉCEMBRE 1990.
13º E Ti ta-lou-houa-tch’e , = mo. daruyačin . C 'est la
transcription chinoise ordinaire du mot. Les explications de
M . Sh. ne vont pas de soi, en particulier le rapprochement
de daruyačin (de racine daru -, a presser» ) avec tarqan , darqan .
14° # 1 Yi-tche-li-p'ou-houa; nom a mongol » d'un
roi coréen. M . Sh. rétablit ce nom en * Sjir-buqa , où le premier
élément est très incertain . On peut aussi bien songer par
exemple à *Ijil-buqa (1).
15° # IF yi-li-kan , = mo. irgän , a peuplen.

16° ETA DO k'ie-lien -k’eou . Ce terme, qui désigne une


catégorie de gens de basse classe , apparaît souvent dans les
textes chinois de l'époque mongole. M . Sh . a raison de rejeter
l'absurde čärük kün , gens de l'armée » , rétabli par les com
missaires de K ’ien -long , mais son gär-ün kőüt, a fils de la mai
son » , n 'est pas satisfaisant non plus. La question vaudra un
article spécial.
17° th k ’ie-k’ieou-eul, = kägül, « tresse de cheveuxn ,
de l'Histoire secrète des Mongols. M . Sb. y voit foncièrement le
même mot que celui qui est à la base de * Na kou -kou , etc.
( cf. n° 20 ) ; cela ne va pas de soi.
180 H P k'ie-li-ma-tch'e , - kälämäči de l'époque
mongole , en mongol écrit kälämürči ; c'est un très vieux terme,
attesté dès la fin du ve siècle dans la langue des Wei ; lui aussi
méritera une étude à part. Cf. T’oung Pao , 1930, 439.
19° Et k'ie-sie-tan et 5 k'ie-sie-tai, = käsiktän
et käsiktäi, la « gardedu souverain » . Outre les renseignements
de M . Sh ., cf. Toung Pao, 1930 , 27-29.
Sur ijil, cf. VLADIMIRcov, dans Doklady Ak. nauk, 1929 , 189.
LES MOTS MONGOLS DANS LE KORYE SA. 259
20° te kete kou -kou. Dans le Korye să comme dans les textes
chinois, c'est là le nom chinois du boytag , c'est-à -dire de la
haute coiffure des femmes mongoles de haut rang. L 'original
de kou-kou ne s'est pas encore rencontré dans un texte mongol
ancien ; M . Sh. indique kükül, comme je l'avais fait moi-même
en 1902 ( B.E .F.E.-0 ., II , 150); mais je doute que la haute
CO
coiffure féminine appelée kou -kou se confonde étymologique
ment avec la tresse des bommes ou kägül.

21° k 'o-touan-tch'e. C 'est une catégorie des gens


de la garde royale ; le nom se rencontre également dans le
Yuan che ( cf. T’oung Pao , 1904 , 431). L 'original est peut-être
kötöčin , malgré certaines difficultés; la transcription suggère
en réalité *kötölči.

29° A # 1 na-lin-ha -la , = mo. narin -gara, ale malin


noirn ; nom familier dont Kbubilai appelait un jeune Coréen .

23° # no-yen , = mo. noyan , « noble » .

24° ngao-lou . M . Sh , garde à tort pour ce terme la


mauvaise restitution aul, õl, des commissaires de K ’ien-long ;
l'original est ayruq, oyruq , pe camp à l'arrière» (pour les
bagages, les vieillards, les femmes).

25° I wou -to , transcription de ordo, e palais “ .

26° TE MER Pa-sseu -ma-to -eul-tche, *


Mi-sseu -kien -to-cul-tche,t Pa-tou -ma-to
eul-tche; M . Sh . rétablit ces nomsmongols de rois coréens en
'Phags-ma rDo-rje ,Mi-šig-kams rDo-rje et Padma rDo-rje. Le
dernier nom est bien Padma rDo-rje prononcé à la mongole
*Baduma-dorji.Le premier doit être plutôt'Phags-pa rDo-rje ,
17 .
260 OCTOBRE-DÉCEMBRE 1930 .
prononcé à la mongole * Basma-dorji (1). Quant à Mi- sseu -kien
to -eul-tche , la solution de M . Sh. me paraît invraisemblable ;
j'inclinerais plutôt à une forme du genre de *Mi-sgam rDo-rje
(je ne veux pas dire par là que *mi-sgam même fournisse un
nom satisfaisant; c'est une restitution théorique).

27º ti ho-pi-tch’e (ou plutôt ha-pi-tch'e, avec ho en


valeur de no ha ). M . Sh. veut rattacher ce nom propre à la
racine de qarbu -, « tirer [de l'arc ]» , et parle à ce sujet de
mots k’i-tan apparentés au mongol comme sawa, « oiseau »
(mo. šiba’un ) ou tauli, e lièvre» (mo. taulai). L'interprétation
de * Qabīčimeparaît douteuse .

28° A ho -han (ou plutôt ha -han) = mo. qayan , qa’an .


Discuteune foisdeplus l'originede qayan etde gatun, *qayatun
(sans faire état,pour gatun ,del'étymologie éventuelle, d'ailleurs
douteuse , par l'iranien ).

299 MB A # Ha-li-ha -tch'e. C'est un nom d'homme dans


le Korye să , mais ce nom d'homme lui-même est vraisembla
blement à l'origine un nom d'agent, comme l'admet M . Sh .
M . Sh . y voit qa'alyači, de qa’alya, a grand'porten, ce qui est
possible. Mais il n 'y a pas de raison de rapprocher avec lui
qa’alya de qalqan ,« bouclier » ; qa’alya est dérivé de qa'a-, & fer
mern , turc qawa- , etc.

30° KE ti houo-ni-tch ’e, = mo. qonūči, e berger » ;cf. Toung


Pao, 1904 , 431.

(1) M . Sh. a songé au féminin 'phags-ma de 'phags-pa , mais on ne l'attend


guère ici. Comme on a Pa-sseu -ma dans le Yuan tien -tchang pour 'Phags-pa
( 1, 3 a ) , je crois qu'il vaut mieux voir en *Basma une évolution phonétique
purement mongole .
LES MOTS MONGOLS DANS LE KORYE SĂ. 261
31° 3 mihou -tch’e, 2 hou-tche et * Ti houo-li-tch'e,
= mo. qorči, « porteur de carquois , ; cf. l°oung Pao , 1904 ,
431; l'équivalence est certaine, bien que les deux premières
transcriptions soient peu satisfaisantes. M . Sh . rattache à la
racine de gorči une série de mots comme goriyan, cenceinte
ne
retranchéer , qui sont à mon sens horsde cause ici. Je ne crois
pas non plus que le ha hou -lo-tchen de la langue des Wei
( fin du vo siècle ), qui suppose * yuraqčin ou *'uraqčin , ait rien
à voir avec qorčin .
32° Wil Hou-la -tch 'e . Ce terme n 'apparaît dans le
Korye să que comme un nom propre de femme. M . Sh . croit y
retrouver le mo. qulayači ou quliyači du Yuan che, « celui qui
attrape les voleurs n ; cf. T"oung Pao , 1904 ,431. Mais le mot
peut être tout autre, et en particulier être formé sur mo. hu
la'an > ulān , « rougen.
33° 2 # ti hou-lin -tch'e , = * qurimči. Le terme n'appa
raît que comme nom propre dans le Korye să ; M . Sh . veut y
retrouver un nom d 'agent qurimči tiré de qurïm , festin » (les
commissaires de K ’ien-long , 8 , 3b, y cherchaient un dou
bletde gürči [ < qu’urči),« joueur deguitaren ).Ce nom d'agent
ne s'est pas rencontré dans les textes. Par ailleurs , le nom
propre en question est fréquent à l'époque mongole sous les
formes Qurumči et Qurumši (souvent mal lu urmīši dans
l'édition de Rašīdu ’d-Dīn due à M . Blochet). A en juger par
lecQurumši» du paragraphe 263 de l'Histoire secrète des Mon
gols , il me paraît y avoir de grandes chances pour que ce nom ,
au point de vue étymologique, signifie seulement « Khwarez
mien » (avec métathèse du -zmi en -msï > -mši)(1).
(1) La vocalisation en lin (*lim ) de la seconde syllabe tient à ce que le chi
nois n 'avait pas de mot à voyelle labiale suivie d 'une nasale labiale ; c'est
avec le même lin (* lim ) qu'est alors transcrite la dernière syllabe du nom
de Qaraqorum .
262 OCTOBRE -DÉCEMBRE 1930.

34* # # # che-po-tch 'e, = mo. šiboči ( < šiba’učī), « fau


connier» ; cf. Toung Pao , 1904 , 431.

35° # sou -kou -ich'e , probablement mo. *sügürči ,


de * sügür , mo. classique šikür, « parasolo . M . Sh . s'est trompé,
je crois , en suivant les commissaires de K ’ien -long là où ils
ont tiré le termede šigür (šūgür, šū’ür), « balai». Sur *sükūrči,
cf. Chavannes dans l'oung Pao, 1904 , 431 ( où e k'o est
i fautif pour # kou , que l'original donne bien ); Blochet , Hist.
des Mongols, II, 532; c'est peut-être *sügürči qu'on doit recon
naître dans le zu-gur-che qui a embarrassé M . Laufer (Toung
Pao, 1907, 394). Les commissaires de K 'ien -long ( Yuan-che
yu-kiai, 8 , 76) n 'ontrétabli sou-kou -eul en sigur, e balai, , que
pour le titre du Toit 1 # sou-kou -cul-pi-cho-tch'e qui
apparaft dans une biographie du Yuan che (180 , 2 a ); mais
ce titre est anormal, et peut-être fautif pour sou -koueul- tch'e-]
pi-cho-tch'e , ou pour sou -kou -eul-tch’e tout simplement. Là où
on a sou -kou -eul-tch’e , les commissaires de K ’ien -long (8 , 2b)
l'ont interprété par «porte-parasol» ( * 1 tchang-san-jen ).
Il faut bien avouer toutefois que cette restitution elle -même
garde quelque chose de surprenant, car, dans deux cas, le
Yuan che (80 , 1a , et 99 , 1 b) spécifie que les sou -kou-eul-ich'e
sont les gens en charge de la garde- robe impériale , et il n 'est
pas question alors de parasols, mais de parfums ( hiang) 1).
36° Witch 'a-la et tch ’a -houen ; ce sont deux sortes
de ecoupes, tchan - eul): elles apparaissent dans le
Korye să (chap . 89 ; III , 21) à côté de « tasses » ( 7 tchong
tseu ) dites le tche-li-ma et po-louan-tche, et de

(1) Le mot mongol pour ce balain , au XIV° siècle , est donné sous la forme
ši’ürgä (* < sibürgä; cf. turc süpürgā) dans le Houa-yi yi-yu ; la finale et le
caractère quiescent de la pseudo-gutturale intervocalique me semblent
exclure tout rapprochement avec * sügürči.
LES MOTS MONGOLS DANS LE KORYE SÅ. 263

14 # Icha-sseu-ma d 'argent; le texte spécifie que tous


ces mots sont mongols. Dans le premier mot, M . Sh . voit avec
raison le mongol cara (connu également dans des dialectes
turcs et en mandchou ). Le mot désigne aujourd 'hui un assez
grand récipient, généralement métallique, mais je dois faire
та
remarquer qu'au XIV° siècle , le Houa-yi yi-yu , que M . Sh , n'a
pas invoqué dans le cas présent, rend čara par a bassine en
bois , ( * mou-p'en ), Tch'a-hauen , comme l'a yu M . Sh ., est
le čaqun qui entre dans le terme *čaqun ayaqa ( = * ćayun
ayaya ?) du Houa-yi yi-yu , « bol čaqun » ; mais la discussion de
l'obscur * ćaqun obligerait à entrer dans d'assez grands détails.
M . Sh . n 'a rien dit des autres mots. Leur restitution théorique
serait *jälma, *borolji ( ou *börölji) et * jasma; je n'ai pas fait de
recherches à leur sujet.

37° chö-pi- eul. Ce terme est donné dans le Korye


să ( chap. 88 ) comme le nom du rite selon lequel, quand
princes et dignitaires vinrent féliciter, pour son accouchement,
upe princesse mongole mariée en Corée, les assistants de la
princesse õlaient à la porte les vêtements des visiteurs (7 #
* tch’e k’i yi). M . Sh. y voit un rite de purification analogue à
celui qui consistait à ôter les vêtements lors du « tir sur le chien
de paille » ( My chở ts’ao-keou ) que décrit le chapitre 77
du Yuan che; j' en suis d'accord avec lui. Mais il me paraît
moins sûr que chö-pi-eul, valeur théorique *säbir , soit le mon
gol čäbär , ce purn , et surtout je ne crois pas que čäbär aít rien
à voir avec le turc süpür- ou sipir -, « balayer9 (1).
(1) Le mot chö-pi-sul peut s'appliquer au rite des félicitations à l'accou
chée d 'une manière générale , et pas spécialement à l'enlèvement des vête
ments. Le Yuan che (77, 8 a ) mentionne que lorsqu 'une impératrice ou con
cubine impériale devait accoucher, on la transportait au dehors dans une
tente spéciale. Sil'enfant était un fils ou petit-fils d'empereur, op faisait aux
fonctionnaires des cadeaux d'argent et de soieries , appelés li ti sg-ta
hai. Au bout d'un mois, la jeune mère rentrait au palais, et sa tente était
264 OCTOBRE-DÉCEMBRE 1930.
38° ti i tchan-tch’e = mo. jamči, service des relais pos
taux. Je me suis expliqué sur ce mot dans Toung Pao , 1930,
192- 195 . M . Sh. invoque ici en outre une forme dahur gamin
et un jučen ko-man (?) qui devront être discutés.

39° e t tchao -lo-tch’e ou B # tchao-lo -tch’e. Outre


le Korye să , M . Sh. invoque pour ce terme le Je-ho je-ki
( cf. supra , p . 255 ). M . Sh . rétablit le terme en * jaroči, qu'il
tire de jaru-, e avoir à son service» ; mais la dérivation serait
anormale, et de plus les transcriptions chinoises supposent
* ja'uroči, * jauroči.
40° Bake tche-souen , = mo. jisün. On sait que ce mot, dont
le sens propre est ce couleur » , était sous les Mongols le nom
.. technique des vêtements d'une seule couleur qu'on revêtait à
la Cour pour les banquets solennels. Ces vêtements étaient en
brocart ( i to *našiš < nasij; cf. J. as., 1927, II, 269
261; T ’oung Pao , 1930 , 203 ) , ou en velours (E L k 'ie
mien-li, = ? kämärlik)(1), ou á jupe [i lan ] ( * paoli,
* bauri ?)(2),portés avec une pelisse ta-hou , = mo. daqu ),
donnée aux fonctionnaires de l'entourage impérial. Je ne connais pas l'origi
nal de sa -ta -hai (* sadaqai ). Les commissaires de K ’ien -long ( 24 , 5 a ) , ne le
comprenant pas non plus , lui ont substitué un mot säbät, qui signifierait
sedons de félicitations pour la naissance d 'un fils » . Ce mot säbät m 'est mal
heureusement inconnu lui aussi, si bien que j'ignore si on doit chercher à
le rapprocher de * säbir .
(1) M . Sh. rétablit kämärlik d'accord avec les commissaires de K'ien-long.
Mais le kämärlik est aujourd'hui une soie brochée à fleurs , au lieu que le
sens de « velours , # tsien -jong) est donné formellement dans le Yuan
che. Par ailleurs k 'ie-men -li ramène normalement à *kämänlik ou à *kämällik ,
mais non à kämärlik . Enfin le mot a une apparence plus turque que mon
gole . Son histoire reste à faire.
(2) Les commissaires du K’ien - long ont rétabli ce mot en büriyāsün ou
bürigäsün et M . Sh. leur a donné raison ; mais büriyäsün signifie « houssen,
secouverturen , et l'équivalence est encore moins satisfaisante au point de vue
phonétique qu'au point de vue sémantique. Puisqu'il s'agit d'un vêtement
LES MOTS MONGOLS DANS LE KORYE SĂ. 265
ornés de grosses perles (tana; cf. Toung Pao, 1929 , 130 ) ou
de petites perles (subut); M . Sh . commente tous ces mots , et
parle aussi du blanc, couleur de fête chez les Mongols.

41° W * Boli to-t'o-houo-souen ; il s'agit de sortes d'in


specteurs des relais postaux, d 'un rang plus élevé que les sim
plesmaîtres de poste . Les commissaires de K 'ien -long ont res
titué toqto-qos (avec qos, «paire» ), ce qui est absurde. M . Sh .
propose *toqtoyosun , qui est assez vraisemblable, mais non
attesté ( on peut aussi songer à * totoyosun ou à *totyosun).

42° 7 t'ou -lou -houa , Ce sont les se fils de nobles ser


vant comme otages » ( 5 F ), et par extension le terme s'ap
plique à une section importante de la garde. M . Sh. a suivi
les commissaires de K 'ien -long qui ont restitué tülügä , e à la
place den, et étudie la fortune de ce mot en turc et en mon
gol. Mais les commissaires se sont trompés, et t'ou -lou -houa est
le turc turyag, passé en mongol; cf. Toung Pao, 1930 , 29-30.

43°Ū i yu -tan -tch ’e et F # # yu -ta -tch 'e. Dans ces


noms d'agents fournis par le Korye să , M . Sh. propose de
reconnaître d'autres transcriptions du titre deE t i yu-tien
tch’e , du Yuan che, c'est-à-dire de mo. ä'üdänči , ödänči, « por
tiern. Assez vraisemblable pour yu-tan -tch 'e , la restitution est
moins satisfaisante pour yu-ta -ich'e.

En résumé, beaucoup des mots étudiés par M . Sh . se ren


contraient déjà dans le Yuan che et dans d'autres sources de
l'époque mongole. Il en est d'autres qui, tout en paraissant
sous une forme plus ou moins aberrante , se laissent assez bien
long , à jupe, je me demande si nous n'avons pas là un emploi spécial de
ba'uri, qui signifie au propre « lieu de descenter , de ba’u -, e descendren ; ce
serait la robe qui « descend , assez bas ( ).
266 OCTOBRE -DÉCEMBRE 1930.
restituer. Quelques-uns enfin sont de grand intérêt pour la
lexicographie mongole , soit qu'ils viennent, tel čaqun , confir
mer des formes qu 'on ne connaissait jusqu'ici que par des lexi
ques, soit que, comme * filma, * borolji, * jasma ou * šäbir, ils
fournissent des termes toutà fait nouveaux.Même si nous diffé
rons de M . Sh .pour certaines de ses explications, nous devons
lui savoir un vif gré des matériaux qu'il a exbumés et groupés .
MÉLANGES .

LES STANCES D’INTRODUCTION


DE L 'ABHIDHARMAHRDAYAŚĀSTRA DE DHARMATRĀTA.

Dans ses intéressantes Notes bouddhiques, XVII ( extrait des


Bull. de la cl. des Lettres de l'Académie royale de Belgique,
5° série, t. XVI(1930), p. 15-19 ), M . de La Vallée Poussin
a repris, après M . Kimura , l'étude des stances d 'introduction
du Samyuktabhidharmahrdayaśāstra de Dharmatrāta (Nanjiö ,
n° 1287 ), traduit en 434 -435 . Je ne veux pas traiter ici en
détail de l'histoire du texte de l'Abhidharmahrdaya et de ses
gloses ; c'est un problème des plus complexes et qui touche à
bien des questions controversées , y compris celle de la date de
Vasubandhu. Dans la première moitié du vº siècle , on considé
rait que l'Abhidharmahrdaya avait été composé d'abord en
250 gātha ou stances eau temps des Ts'in et des Han » , c'est
à-dire entre la fin du 1°siècle avant notre ère et le début du
n° siècle de notre ère , par un certain a lot Fa-cheng (1), puis

(1) Aussi bien dans la liste des patriarches du chapitre 12 du Tch ’ou san
isang ki tsi que dans la dissertation finale du chapitre 3 du Kao seng
tchouan, le nom est transcrit sous la forme [ou P Ta
mo-che-li-ti. M . de La Vallée-Poussin a rappelé (p . 16 ) les diverses restitu
268 OCTOBRE-DÉCEMBRE 193 0.
que , vers 320 (1), Dharmatrāta avait ajouté 350 gātha , por
tant ainsi le total à 600 (2). Aussi le n° 1288 de Nanjio , tra
duit en 391 et qui donne le texte de Fa-cheng avec sa glose ,
aussi bien que le n° 1294 de Nanjio , traduit en 563 et qui
donne le texte de Fa-cheng avec la glose d'Upaśānta , portent-ils
seulement sur 250 stances , au lieu que ce sontbien 600 stances
qui sont traduites et glosées dans la traduction de 434 -435 ,
laquelle porte sur la rédaction de Fa-cheng accrue et glosée par
Dharmatrāta (d 'où le titre de samyukta ?). Il est plus difficile
de dire ce qu'était la recension en environ 6 .000 stances
que le pèlerin Fa-bien avait rapportée de Pāțaliputra au début
tions proposées, Dharmajina, Dharmakirti, Dharmottara , Dharmasreșthin ,
ajoutant que « Dharmasreşthin , du moins , n 'est pas impossible . Mais il ou
blie là , bien qu 'elle apparaisse incidemment p. 18 , la seule restitution qui
me semble vraisemblable , à savoir Dharmasri. La traduction de sri par
cheng se rencontre dans d 'autres noms (par exemple pour Bandhusri dans
B .E .F.E.- O., XI, 379 , ou pour Srīgupta dans JULIEN , Mémoires de Hiuan
tsang , II , 18 ). Par ailleurs , Ta-mo-che-li transcrirait très régulièrement
Dharmasri. Je suppose que le ti final de Ta-mo-che-li-ti s'est introduit
par erreur dans un des textes , qui, par une e correction savante ) , a conta
miné l'autre ; ou encore nos deux textes du premier quart du vi° siècle
remonteraient à une même source indéterminée où le nom était déjà altéré .
(1) A Z If , c'est-à-dire vers le temps où la dynastie des
Tsin orientaux s'établit (317) après les troubles qui avaient marqué la fin
des Tsin occidentaux.
(2) Ces renseignements sont ceux de la notice écrite par Tsiao
King pour la traduction de 434-435 , et qui est conservée dans le cha
pitre 10 du Tchou san -tsang ki tsi; je ne prétends nullement, en les repro
duisant, me porter garant de leur exactitude quant aux dates de Fa-cheng
et de Dharmatrāta. La notice de Tsiao King donne avec de grandes préci
sions les dates de la traduction de 434 -435 , et est à préférer aus sources
indiquées par Bagcai, Le Canon bouddhique en Chine , I, 377. Les mêmes
renseignements sur les 259 gātha de Fa-cheng et les 350 gātha de Dhar
matrāta , mais sans indication sur la date de ces deux auteurs, se trouvaient
quelques années plus tôt dans la notice jointe à la traduction entreprise en
1126 par Isvara et achevée en 431 par Guņavarman et qui est aujourd 'hui
perdue ( cf. cette notice au chapitre 10 du Tch ’ou san-isang ki tsi , et Bag
chi, 1 , 370 et 374 , où toutefois cette importante notice du Tch'ou san
tsang ki tsi a été omise).
MÉLANGES. 269
du vº siècle(1), et dont il avait dû faire une traduction en douze
ou treize chapitres , déjà perdue un siècle plus tard(2); le chiffre
de 6 .000 stances ne mérite pas moins d 'être retenu , car il
paraît donner quelque autorité à la recension en re 6 .000 stances,
qu'on verra plus loin attribuer à Vasubandhu , et où Péri, par
une correction querien n'appuie , avait proposé de voir un texte
en 600 stances , c'est-à -dire le Kośa śāstra traditionnel de Vasu
bandhu , qui contient600 stances tout comme la recension de
l'Abhidharmahrdaya due à Dharmatrāta.
Les premières stances d 'introduction de la version de 434
435 sont assez obscures , et elles sont suivies d 'une note ano
nyme en petit texte , d'origine inconnue, qui n'est pas toujours
des plus claires. L 'élucidation complète de ces textes demande
rait des recherches assez longues , que je n'ai pas entreprises.
Toutefois , M . de La Vallée Poussin , en publiant la traduction
des stances d'introduction et de la glose qui les accompagne,
veutbien rappeler qu'il m 'a consulté à leur sujet en 1922. Je
ne sais plus ce que sa traduction me doit; mais elle contient
deux ou trois détails d'interprétation auxquels , en y regardant
de plus près , je ne crois pas ou ne crois plus pouvoir meral
lier. Pour éviter tout malentendu , je vais donc traduire ici à
mon tour les mêmes passages , tels que je les entends actuelle
ment, et sous réserve de précisions ultérieures. Voici ma ver
sion des cinq stances initiales :
Les grands maîtres des temps anciens , – en ce qui concerne les

(1) Cf. Legge, The Travels of Fa -hien , p . 99 ; il n 'y a pas de raison de tra
duire PJ + F 1 par « about six or seven thousand gåthasr , et on ne
peut, avec Legge, renvoyer purement et simplement à Nanjiö 1287, puisque
celui-ci est le texte de Dharmatrāta en 800 stances , avec commentaire en
prose , au lieu des 6 .000 stances indiquées dans le récit de voyage de Fa
hien ; je reviendrai d 'ailleurs plus loin sur le sens dans lequel il faut vrai
semblablement entendre cette mention de 6 .000 stances.
12) Cf. Bagchi , Le Canon bouddhique, 1, 348.
270 OCTOBRE-DÉCEMBRE 1930.
dharma très profonds, - ayant beaucoup entendu et ayant vu les saints
vestiges, - ont déjà dit tous les sensM .
Avec les moyens (upāya ) du zèle (virya ), cherchant - des distinc
Lions quin 'avaient pas encore été obtenues , — dans (les ) Abhidharma
hrdayaśāstra – ceux qui ont beaucoup entendu (bahuśruta ) les ont
déjà dites(2).
Mais les uns sont concis ( lio ) à l'extrême, - les autres s'étendent
(kouang ) sans mesure; - les divers exposés de cette sorte — ne sont
pas l'expression fidèle ( chouen ) des sieou-to-lo (sūtra ).
Clair ( * kouang-hien ) et bien conforme ( aux sutra (
chan souei-chouen)(?), — seul ce traité ( śāstra )-ci l'est tout à fait m . -
Un traité sans appui et vide, - le savantmême
, m a i n t e nangoener ; le-comprend pas;
o trop étenda
Celui trop concis (lio) est difficile à expliquer — ddu
(kouang) le sage s'écarte. — Moi, maintenant, dans un juste milieu je
ens de la vibhāṣā ( t
dirai — l'ornement dduu ssens kouang
chouo yi ichouang-yen ,vibhāşārthālamkāra) (5).
L'introduction comporte encore deux stances et demie , où
Dharmatrāta rend hommage à son prédécesseur Fa-cheng et
- se nomme lui-même, et ensuite seulement vient la glose de
Dharmatrāta , en prose , sur l'ensemble des stances d'introduc
(1) J'entends qu'ils ont dit « tous les sens, des «dharma très profonds. .
(9) C 'est-à-dire que , cherchant à distinguer ce qui n 'avait pas encore été
distingué avant eux, les savants l'ont déjà exposé dans leurs recensions com
mentées de l'Abhidharmahrdayaśāstra .
(3) Dans le Mahāyāna-Sūtrālamkāra , souci-ahouen répond à pratipatti, que
M . S . Lévi (p . 317 ) traduit par rinitiativen ; je n 'ai pas qualité pour dis
cuter le sens du mot sanscrit , mais ne vois pas comment le sens d' initia
tiver pourrait être justifié pour souei-chouen. M . de La Vallée- Poussin , qui
rétablit ici hypothétiquement, et vraisemblablement à bon droit , suprati
panna, rend le terme par e parfait de doctrinen , ce qui paraît très satisfai
sant.
(9) Autrement dit, ce traité-ci, l'Abhidharmahrdayaśāstra en 600 stances.
M . de La Vallée Poussin donne l'impression de voir dans cette phrase une
proposition générale sur ce qui caractérise un traité excellent; je ne le croi
rais pas exact. (M . de La Vallée Poussin , à qui j'ai montré le manuscrit de
la présente note , me dit qu'il est d'accord avec mon interprétation. ]
(5) Ceci a presque l'air d 'un second titre donné à ce commentaire de
l'Abhidharmahrdayaśāstra. [M . de La Vallée Poussin me dit penser de même.]
MÉLANGES. 271
tion .Mais , après les cinq stances que j'ai traduites, on lit la
note suivante en petits caractères, due évidemment aux tra
ducteurs de 434 -435 :
Pour kouang -chouo , le mot sanscrit(1) est p’i-po-cha (vibhāsā ). Pour
ce qui est de tenir un juste milieu en disant l'ornement des sens de la
vibhāşă , les maltres qui ont expliqué ( che ) l’Abhidharmahşdaya de
Fa-cheng different par leur prolixité ( kouang ) ou leur concision ( lio ).
L 'explication ( che) due à Fa-cheng (lui-même) est la plus concise ( lio ).
Yeou-p ’o-chan -to (Upašānta ) a une explication ( che) en 8 .000 gātha
(16 kie ); il y a aussi un maître dont l'explication (che) est en
12.000 gāthā ; ces deux śāstra (louen ) sont ce que [les stances d'intro
daction appellent étendu (kouang ). Quantà une Houo-sieou
p 'an -t'eou ( Vasubandhu ) , comme le système ( fa ) de son explica
tion (che) en 6 .000 gălhă est secret et lointain , mystérieux et désolé ,
et qu'il n 'a pas d 'attaches avec les trois pițuka , c'est ce que [les stances
d 'introduction appellent un traité sans appui et vide(?).

L'explication ou glose due à Upaśānta nous est connue ;


c'est le n° 1 294 de Nanjio , traduit en 563 ; mais il est en prose
et ne porte que sur les 250 stances de Fa-cheng ; il semble donc
qu'en chiffrant en gāthā (kie ) les commentaires de l'Abhidhar
mahrdaya , les traducteurs de 434 -435 aient voulu simplement
indiquer le nombre de vers qui correspondrait comme étendue
à celle des textes en prose ; c'est alors un procédé de calcul, et
qui n'implique pas que les commentaires visés aient été vrai

(1) La variante fiy hou indiquée dans l'édition de Taisho au lieu de **


fan est probablement la leçon primitive ; on sait que l'emploi de hou au sens
de esanscrits a duré jusqu'au début du virº siècle , et que, dans un grand
nombre de cas , ce sont les éditeurs plus récents qui ont substitué fan au
hou primitif des textes.
(2) B n 'y a pas de doute que les traducteurs de 434-435 portent ici,
comme l'a vu M . de La Vallée Poussin ( qui me dit s'être appuyé sur une
remarque que je lui avais formulée en 1922 ) , un jugement sur le commen
taire de Vasubandhu. M . Kimura s'est trompé en cherchant dans ces épi
thètes le titre d 'un prétendu ouvrage Asanskrta-äkāša-fästra.
272 OCTOBRE-DÉCEMBRE 1930 .
ment rédigés dans une forme métrique. Il en devra donc être
ainsi, en particulier, pour la glose en 6 .000 gāthân due à
Vasubandhu, et qui portait, soit sur les seules 250 stances de
Fa-cheng commecelle d'Upaśānta , soit sur les 600 stances de
Fa-cheng et de Dharmatrāta ; la première solution est plus
vraisemblable.Mais il n 'y a pas de raison pour restreindre ce
mode de calcul aux traducteurs de 434-435 , et quand , une
vingtaine d 'années plus tôt, Fa-bien parle de l’Abhidharmahr
dayaśāstra en « environ 6 .000 gāthân qu'il avait rapporté de
Pāțaliputra , il y a bien des chances pour que ce soit là le com
mentaire même de Vasubandhu , en prose , mais d 'une étendue
qui , en vers , eût répondu à renviron 6 .000 gāthān. Fa-hien ,
nous dit-on , l'avait traduit en douze ou treize chapitres , mais
cette traduction était déjà perdue vers l'an 500 ; la raison de
cette disparition rapide est peut-être la condamnation portée
sur cet ouvrage par les traducteurs de 434 -435 , et qu'ils veu
lent faire remonter à Dharmatrāta lui-même. Il n 'est toutefois
pas sûr qu'ils aient raison sur ce dernier poin ', car une telle
solution exigerait que Vasabandhu eût écrit antérieurement à
Dharmatrāta , et cependant Vasubandhu cite Dharmatrāta dans
le Koša. Mais la question est liée à celle de la date de Vasu
bandhu , ou éventuellement de deux Vasubandhu ( sans compter
deux Dharmatrāta ), et elle est trop délicate et complexe pour
qu'on puisse l'aborder incidemment.

Note additionnelle : M . de La Vallée Poussin me commu


nique la note suivante, où il identifie le texte sanscrit d 'une
des stances de l'Abhidharmahrdaya de Fa-cheng (Dharmasri ?) :
< Vasubandhu, Abhidharmakośabbasya , début du chapitre 5
( trad. , p . 2 ; édit. de Kiokuga, XIX , 2 b ), cite une kārikā qui
est la kirikā 32 du chapitre 4 de l'ouvrage Abhidharmahrdaya
de Fa-cheng ( édit. Takakusu , 26 , p . 817-818 ).
· MÉLANGES. 273
cePar bonheur, Yaśomitra, dans Abhidharmakośavyākyā , re
produit la kārikā et la commente. C'est une āryā :
cittakleśakaratvād āvaraṇatvāc chubhair niruddhatvāt /
kusalasya copalambhād aviprayuktā ihānuśayāḥ ||
« Hiuan-tsang a traduit avec des pāda de huit caractères ;
Samghadeva avec des pāda de cinq , mesure étriquée.
Hiuan -tsang introduit la citation par les mots : « Quel est
re l'argument de raison ? » Yašomitra : « Pour ceci , ils citent le
śloka » (atrārtha ślokam udāharanti).» ]
P . Pelliot.

CCXVII .
INTRINYRIS SATIONALE .
274 OCTOBRE-DÉCEMBRE 1930.

S. A. R . LE PRINCE DAMRONG .

Le mercredi 4 juin 1930 , la Société asiatique recevait en séance


solennelle à l'amphithéâtre Richelieu , en Sorbonne , S. A . R . le prince
Damrong ,membre d'honneur de la Société . M . Finot , que ses fonctions
à la tête de notre École Française d'Extrême-Orient ont fréquemment
mis en rapport avec le prince, avait bien voulu se charger de retracer à
cette occasion l'ensemble de la grande æuvre que le prince Damrong a
accomplie au Siam dans l'ordre des recherches scientifiques et archéolo
giques; il nous a permis de publier cette notice dans notre Journal.

Il y a deux ans, la Société Asiatique, ayant élu membre


d'honneur S . A . R . le prince Damrong Rajanubhab ,me char
geait de lui remettre , à Bangkok, le diplôme, ou plutôt ( car
j'avais les mains vides ) le titre qui venait de lui être conféré.
Aujourd'hui m 'échoit la mission , non moins agréable , de rap
peler en quelquesmots les éminents services que notre illustre
confrère a rendus à l'orientalisme. C 'est en effet à son action
personnelle que le Siam doit plusieurs institutions savantes ,
qui toutes procedent d 'une double inspiration : l'amour intel
ligent de la tradition nationale et la franche application des
méthodes de la science moderne . Reliées entre elles par un
plan général mûrement conçu , elles se sont ajoutées l'une à
l'autre jusqu'à former une imposante construction où la science
et l'art sontheureusement associés.
Le noyau de cet ensemble, c'est la Bibliothèque nationale ,
@ uvre commune des fils du roi Mahā-Mongkut — dont elle
porte le nom de religieux : Vajirañāņa, — mais que le prince
Damrong a élevée à un point de perfection qu'elle n 'eût sans
doute jamais connu sans įui. Elle comprend d'abord une sec
MÉLANGES. 275
tion européenne excellemment composée et tenue à jour, en
suite une riche collection de manuscrits ; et c'est ici que com
mence à se dessiner le signe spécial des créations du prince
Damrong. Dans nos bibliothèques européennes , les manuscrits
sont modestement rangés sur des rayons. Mais , à Bangkok ,
c'est tout autre chose. Vous connaissez ces armoires à manu
scrits que la collection de M . Fernand Pila a popularisées il y
a quelques années, cesmeubles originaux en tronc de pyra
mide, où , sur un fond de laque noire, ressortent des scènes,
des paysages ou des ornements de nacre et d'or. Figurez -vous
une avenue de ces meubles charmants , et vous aurez une idée
de la section des manuscrits de la Bibliothèque Vajirañāņa.
Quand s'ouvrent leurs battants , on aperçoit de précieux fasci
cules de feuilles de palmier, dont certains sont d'une respec
table antiquité , et qui tous sont soigneusement gravés, enlu
minés , dorés , et en outre enveloppés d 'antiques soies brodées.
Là sont les éditions royales du Tripitaka et tout le trésor de la
littérature thai : chroniques , poèmes, traités techniques , etc.
Mais ce n 'est pas tout. Une bibliothèque peut être un cimetière
de livres , et qu 'importe alors que les tombeaux en soient fas
tueux ? Ce que nous demandons aujourd'hui à un établisse
ment de ce genre, c'est d'être non seulement un dépôt, mais
un centre vivant, actif et fécond , et voilà justement ce qu'on
a réalisé à Bangkok.
La Bibliothèque Vajirañāņa ne se borne pas à acheter et à
conserver des livres : elle en publie . Le nombre en est grand ,
et il se multiplie par suite d 'uneadmirable coutume siamoise ,
qui est au nombre des emprunts que l'Occident devrait bien
faire à l'Orient. Les commémorations, qui se font chez nous
par des discours , se font au Siam par des livres. Le fils qui
veut solenniser les funérailles de ses parents, le sexagénaire
qui désire commémorer l'accomplissement de son premier (et
unique) cycle , en un mot , quiconque aspire à planter une
18 .
276 OCTOBRE- DÉCEMBRE 1930.
borne dans l'écoulement de la durée , fait imprimer et distri
buer un volume. Et comme le choix d'un texte est délicat ,
comme l'impression est un travail compliqué, que fait-il ? Il va
frapper à la porte de la Bibliothèque nationale, où un prince,
aussi affable que savant, lui choisit un manuscrit correspon
dant à ses préférences, en fait surveiller l'impression et l'orne
même d'une préface qui, souscrite de son paraphe bien connu ,
garantit la qualité de l'ouvrage.
Voilà donc ce qu'est la Bibliothèque : un dépôt de livres , un
centre de travail,une maison d'édition . Elle est de plus , en
quelque mesure, un musée , par sa collection de stèles inscrites
et de tablettes votives.
Toutefois , la plupart des objets d'art et d'archéologie con
stituent le Musée proprement dit , qui est , plus encore que la
Bibliothèque nationale , l'æuvre propre du prince Damrong.
Ce musée est de date toute récente : il a été inauguré en 1926.
Auparavant, Bangkok possédaitdeux collections qui pouvaient
prétendre au titre de musée : l'une, rattachée au ministère du
Palais, contenait, mêlées à des pièces de valeur, d 'autres curio
sités d 'un intérêt moins immédiat , telles qu’un squelette de
baleine et une girafe empaillée; l'autre , d 'un niveau très su
périeur, avait été constituée et déposée au ministère de l'Inté
rieur par le prince Damrong . Le prince offrit généreusement
sa propre collection ; il choisit dans l'autre les objets dignes
d'une exposition publique; il sut orienter la libéralité de quel
ques collectionneurs , et ainsi se trouvèrent rassemblés les élé
ments d'un beau musée archéologique. Restait à lui trouver
un local. C 'est en tout pays un problèmeardu. Sans doute ,
on eût pu édifier un cube en ciment armé. Mais le goût du
prince Damrong ne pouvait se contenter d 'un expédient aussi
médiocre. Il fit mieux : il obtint pour son musée le palais du
Vang Na, exquise habitation princière du xviiiº siècle , avec ec

ses trois corps de bâtiments pour les trois saisons de l'année ,


MÉLANGES. 271
et dont le pur style siamois fournit un cadre idéal aux grandes
euvres de l'art thaiquiy sont réunies.
J'ai eu la chance de visiter le musée dans sa fraîche nou
veauté , et je ne saurais oublier l'impression profonde que pro
duit sur le visiteur un si parfait accord entre l'édifice et les
collections. Il serait trop long de décrire, même sommairement,
ce remarquable ensemble : tout à l'heure M . Goloubew vous
en fera connaître les pièces les plus intéressantes.
Mais il ne suffisait pas de grouper les objets d'art provenant
des vieux temples etdes antiques palais du Siam : plusimpor
tante encore est la tâche de préserver les monuments eux
mêmes, de prévenir la dispersion de tous les souvenirs du
passé, enfin d'extraire du sol les vestiges historiques qu'il
recèle. C 'est ce qui constitue la fonction propre d'un service
archéologique. Or, tandis qu'il existait un service de ce genre
dans l'Inde, à Ceylan , à Java , en Indochine, par une singu
lière anomalie, le Siam n 'en possédait pas. Cette lacune a été
comblée par l'ordonnance royale du 17 janvier 1924. Ai-je
besoin de dire qui fut l'instigateur de cette sage mesure ? Vous
CSUN

vous en doutez bien .


Ainsi donc, en un temps relativement court, le prince Dam
rong avait réussi à doter son pays d 'une excellente Bibliothèque,
d'un magnifique Musée et d'un Service archéologique, qui ne
devait pas tarder à faire ses preuves.
Il restait à coordonner ces institutions en leur assurant le
bénéfice d 'une direction commune. Tel fut l'objet de l'Institut
royal de littérature , d'archéologie et des beaux-arts, dont le
prince Damrong est président, et dont le secrétaire général
était jusqu'à ces derniers temps notre confrère M . Georges
Cædès. Je ne puis m 'empêcher de rappeler à ce propos que, si
M . Cædès a quitté ce poste pour celui de directeur de l'Ecole
française d'Extrême-Orient, c'est quele prince Damrong, avec
sa haute et sereine conception des intérêts généraux de la
278 OCTOBRE -DÉCEMBRE 1930.
science, a librement consenti à se priver des services d 'un col
laborateur qui possédait toute sa confiance et qui avait seconde
ses desseins avec le plus loyal dévouement et le plus complet
succès. Le prince nous a donné en cette circonstance un témoi
gnage d'amitié et de noble désintéressement qui a touché tous
les cæurs en Indochine et en France : qu'il en soit ici remercié !
Le temps memanque pour parler , comme il le faudrait ,
des voyages d'étude du prince : voyages dans toutes les parties
du Siam ; voyages en Indochine , dont les monuments n 'ont
plus de secrets pour lui, surtout ceux du Cambodge, qu'il étu
diait encore tout récemment au cours d'une tournée archéolo
gique dont M . Goloubew vous montrera tout à l'heure quel
ques images.
Je ne puis aussi que mentionner en passant ses savants tra
vaux historiques et archéologiques , dont les lecteurs français
ont pu apprécier la solide et pénétrante érudition dans un
article sur les monuments bouddhiques du Siam publié récem
mentpar une revue indochinoise. Mais je ne saurais sans ingra
titude omettre de rappeler l'accueil bienveillant et amical que
nos compatriotes et surtout les membres de l'École française
d'Extrême-Orient ont toujours trouvé auprès de lui, les pré
cieux conseils qu'ils ont dû à son expérience , les facilités de
travail que leur a ménagées sa puissante intervention et dont
j'ai été un des premiers à bénéficier.
Monseigneur, il y a plus d'un quart de siècle , je traversais
pour la première fois le Siam , sous la haute protection de
Votre Altesse Royale , alors ministre de l'Intérieur. Depuis lors ,
et notamment au cours de mes visites à Bangkok , vous n 'avez
cessé deme donner les marques d 'une sympathie dont vous
savez combien elle m 'est précieuse. Lorsque je prenais congé
de vous à Bangkok , il y a deux ans , alors qu'il n'était pas
question de votre présent voyage en Europe , je n 'espérais guère
vous rencontrer de nouveau , sinon sur les routes incertaines
MÉLANGES. 279

du Samsāra. C'est pour moi une joie profonde que de pouvoir


vous exprimer une fois de plus mon respectueux attachement
et la gratitude qu'inspirent à tous nos confrères ici réunis les
@ uvres que vous avez réalisées au grand honneur du Siam et
au grand profit des études orientales.
Louis Finot.
280 OCTOBRE -DÉCEMBRE 1930.

UN TEXTE GREC

RELATIF À L’AŚVAMEDHA.
Le rituel du sacrifice le plus imposant du culte védique,
l’Aśvamedha ou sacrifice solennel d 'un cheval, qu 'un roi victo
rieux seul peut offrir à Prajāpati, a été étudié assez récem
ment dans le plus grand détail par M . P . E. Dumont, actuel
lementprofesseur à l'Université John Hopkins de Baltimore(1).
Le volume qu'il a consacré à cette question , et sur lequel mon
incompétence m 'interdit de porter un jugement personnel ,
constitue, de l'avis des spécialistes , une monographie aussi
consciencieuse , aussi exacte et aussi complète que l'on pouvait
le désirer (2). Peu familiarisé avec l'étude des textes védiques ,
je crois cependant avoir été mis à même par le hasard , et dans
les cadres d'une discipline toute différente , d'apporter à la
connaissance de l’Aśvamedha une minime contribution .
Le seul texte grec , à ma connaissance, qui fasse mention de
ce sacrifice indien , ne figure pas dans l'Introduction de
M . Dumont,alors quel'auteur s'est cependant attaché à réunir,
après von Negelein (3), toutes les allusions de la littérature gréco
romaine à des sacrifices de chevaux soit chez les Barbares , soit
en Grèce ou à Rome. Ce texte ne figure d'ailleurs pas davan
tage dans le livre de J. von Negelein , ni dans les autres
ouvrages que j'ai pu consulter (4). Dois-je en conclure qu'il a

(1) L'Asvamedha. Description du sacrifice solennel du cheval dans le culte


védique d'après les textes du Yajurveda blanc, Paris, Geuthner, 1997.
(2) Cf. L . DE LA VALLÉE Poussin , dans Académie royale de Belgique, Bulletin
de la classe des Lettres , 5 . série, t. XIV, p. 150 et suiv.
(3) Das Pferd im arischen Altertum , Königsberg, 1903.
(4) Bibliographie : Dumont, op . cit ., p . xviii et suiv.
MELANGES. 281
échappé aux védisants ? Même dans le cas contraire , je crois
qu'il ne sera pas complètement inutile de confronter cette
notice avec les textes indiens, que l'étude de M . Dumont rend
maintenant accessibles aux profanes.

Parmi les renseignements qu'Apollonius de Tyane, à en


croire son biographe Philostrate , aurait recueillis au cours de
son voyage dans l'Inde figure celui-ci (Philostrate, Vit. Apoll.
Τμ., 2 , 19, 15) :
Φασί δε και ακούσαι των Ινδών, ως αφικνοϊτο μεν ο βασιλεύς επί τον
ποταμόν τούτον, ότε αναβιβάζομεν αυτού αι ώραι, θύοι δε αυτώ ταύρους
τε και ίππους μέλανας – το γαρ λευκόν ατιμότερον Ινδοί τίθενται του
μέλανος δι', oίμαι, το εαυτών χρώμα, – θύσαντα δε καταποντούν
φασι τα σοταμώ χρυσούν μέτρον, εικασμένον τώ απομετρούντι τον
σίτον, και εφ' ότω μεν τούτο πράττει ο βασιλεύς, ου ξυμβάλεσθαι τους
Ινδούς , αυτοί δε τεκμαίρεσθαι το μέτρον καταποντούσθαι τούτο ή υπέρ
αφθονίας καρπών, ους γεωργοί απομετρούσιν, ή υπέρ ξυμμετρίας του
ρεύματος, ως μη κατακλύσειε την γήν πολύς αφικόμενος.
Les Indiens, disent-ils, raconlentque le roi vient sur les bords de ce
fleuve (l'Indus), à la saison des crues, et qu'il lui sacrifie des taureaux
et des chevaux noirs ( en effet les Indiens estiment moins le blanc que le
noir , à cause , je pense , de leur propre couleur). Après ce sacrifice il
jette dans le fleuve une mesure d 'or, semblable à celle qui sert à mesu
rer le blé. Dans quel but le roi fait cela , c'est ce que les Indiens ne com
prennent pas, mais eux (Apollonius de Tyane et son compagnon) sup
posentque cette mesure est jetée dans l'eau pour obtenir soit l'abondance
des fruits de la terre , que les cultivateurs mesurent, soit la juste pro
portion de la crue, qui inonderait le pays, si elle était forte .

Assurément, Philostrate n 'est point un témoin d 'une valeur


historique irrécusable , et sa e biographie romancée » d'Apollo
nius de Tyane contient bien des détails purement imaginaires.
Pourtant cette æuvre , entreprise plus de deux siècles après la
mort du thaumaturge dont elle retrace l'existence , a des pré.
tentions évidentes à être une reconstitution historique, et il
282 OCTOBRE-DÉCEMBRE 1930.
semble bien que le tableau qu'elle nous donne de l'Inde vers
les années lo à 50 n 'est pas absolument fantaisiste . Ce curieux
témoignage mérite d 'être examiné de près .
A première vue , on pourrait croire que la description de ce
sacrifice de chevaux à l'Indus est inspirée du passage où Héro
dote raconte que les Perses , arrivés aux bords du Strymon ,
offrirent à ce fleuve des chevaux blancs (1), Mais Philostrate
nous donne sur le sacrifice des détails , dont il a cherché des
interprétations rationalistes qui rappellent les commentaires
explicatifs du Satapathabrāhmaṇa , ou , dans le domaine des
religions occidentales, les réponses de Plutarque aux Questions
romaines , et aux Questions grecques. Or ces détails s'accordent
suffisamment, commenous le verrons, avec le rituel connu par
les textes sanskrits , pour nous permettre d'écarter la suppo
sition d 'un emprunt à Hérodote .
Tout d 'abord la liste des animaux domestiques sacrifiés au
cours du 2 jour de pressurage de l’Asvamedha comprend, selon
la Vājasaneyisamhitā , trente taureaux d 'espèces et d'âges divers
(cf. P. E . Dumont, op. laud ., p . 137 et suiv., na 12, 113,
pau
114 , 116 , 134 -136 , 197 -220 ), sans parler du taureau
immolé au cours du sacrifice préparatoire à l'agricayana
( K . , 16 , 1. 5 -43 , cf. P . E . Dumont, ibid ., p . 55 ). Pour aucun
de ces animaux , il n 'est stipulé qu'il doit être noir , mais il n 'est
pas certain non plus que dans le texte de Philostrate ueharas 29 .

qui qualifie inmous se rapporte également à taupous.


En revanche, un des cas prévus dans la liturgie du Yajur.
veda noir, plus ancien que le Yajurveda blanc(2), est celui où le
cheval du sacrifice est entièrement noir (Apastamba- Srautasútra ,
20 , 2 ; 9 ; P . E . D ., ibid ., p . 249). Enfin , le rituel védique
nous fournit aussi l'explication de l'étrange cérémonie finale

(1) Hérod ., 7, 113.


(9) DUMONT, op. cit., p. 1.
MÉLANGES. 283

qui intriguait tant Philostrate, de cette mesure d'or que le


mesu

roi, après le sacrifice , jette dans le fleuve . En effet , les céré


monies du second jour de pressurage comportent deux puisées
de soma appelées puisées mahiman (puisée de grandeur, de
puissance) dont il est dit que la première doit se faire au
Duissa

moyen d'une coupe d 'or (S ., 13, 5 , 2 , 23; P . E . D ., ibid.,


p . 189 ).
D 'autre part , tous les objets qui onteu contact avec le soma
doivent être jetés dans l'eau , le dernier jour du sacrifice , au
cours de la cérémonie de l'avabhrtha (K ., 10, 9 , 5-6 ; P. E . D .,
p. 297). Ce qui est plus étrange, c'est que Philostrate nous
parle , non d'une coupe , mais d 'une mesure à blé. L'Ašvamedha
comporte , il est vrai , des oblations de graines, annāni, faites
au moyen de mesures (astamāni buitièmesn , of. P . E . D . ,
p. 314 et 321). C'est le cas, sans doute , des annahomas (obla
tions de nourriture) qui doivent s'accomplir dans la nuit du
premier au second jour de pressurage. Peut-être les Grecs ont
ils confondu ces e mesures , avec la coupe quiservait aux pui
sées de soma.
Mais c'est précisément dans deux autres assertions, celles-là
franchement inconciliables avec le rituel classique de l'Asva
medha, que réside le principal intérêt de notre texte . Tout
d 'abord le sacrifice y est offert , non à Prujāpati, mais au fleuve
sur les bords duquel il a lieu: ensuite le pluriel YTTous nous
oblige à admettre que plusieurs chevaux étaient immolés, pro
bablement en mêmetemps , en tout cas par le même sacrifiant,
qui renouvelait , semble-t-il, cette cérémonie chaque année .
Tout ceci est en contradiction formelle avec le caractère essen
tiel de l'Asvamedha décrit par les sūtras.
Ces particularités , qui différencient si nettement le témoi
gnage de Philostrate de celui des textes liturgiques hindous,
le rapprochent en revanche curieusement de trois stances
« gāthan alléguées par l'auteur du Satapatha-brāhmana pour
284 OCTOBRE -DÉCEMBRE 1930.
prouver que les rois des temps anciens ont pratiqué l'Aśvamedha.
Les voici, d'après la traduction qu'en donne M . P . E . Dumont
( p. 2 ).
Au bord de la Yamunā , Bharata Dauhșanti a sacrifié à Indra Vſtrahan
soixante-dix -huit chevaux ; au bord de la Gangā , il en a sacrifié cin
quante-cinq.
Après avoir sacrifié cent trente-trois chevaux qui convenaient au
sacrifice , le roi Saudyumni, plus habile que les autres , l'emporta sur
ceux qui manquaient d'habileté.
A Nādapil, l'Apsaras Sakuntalā conçut Bharata qui, après avoir con
quis la terre entière, offrit à Indra plus de mille chevaux convenant au
sacrifice.

Ce que ces textes ont de particulier, c'est tout d'abord la


présence constante , qu'ils attestent, d'un fleuve, au lieu où se
fait le sacrifice. A l'époque où le rituel de l'Aśvamedha nous
est connu dans le plus grand détail, on demande seulement
qu'il y ait , non loin du terrain du sacrifice, deux étangs dont
les eaux ne tarissent point et qui communiquent ensemble ,
mais ils peuvent être artificiels; la proximité d 'un fleuve ou
d 'une rivière n 'est exigée qu'implicitement par les bains d 'eau
courante que nécessite toute cérémonie religieuse hindoue(1),
Le grand nombre de chevaux offerts par le même sacrifiant
n'est pas moins étonnant : les textes , tant du Yajurveda noir
que du Yajurveda blanc ne parlent jamais que d 'un seul che
val. De sorte que les stances alléguées par les théologiens du
Satapathabrāhmaṇa prouvent précisément, au contraire de ce
qu'ils voudraient leur faire dire , que le sacrifice du cheval pra
tiqué par ces anciens rois était un sacrifice tout différent de
celui qu'ils décrivent. En effet il est offert , non à Prajapati ,

(1) Elle est encore exigée explicitement dans l'épopée : cf. Rāmāy. , I , 8 ,
15 : « Qu'on prépare le lieu du sacrifice sur la rive supérieure de la Sarayū.”
MÉLANGES . 285

mais à Indra , et en même temps semble attester, par l'impor


tance qu'y prend le voisinage d 'un fleuve , le souvenir d'une
époque antérieure , pendant laquelle il aurait été consacré à
Varuna, dieu des eaux, ou d 'un sacrifice du cheval à Varuna,
primitivement indépendant, qui se serait confondu avec celui
dont bénéficiait Indra.
Nous pouvons maintenant, me semble-t-il, joindre le curieux
passage de Philostrate à la liste trop brève des allusions à cette
forme ancienne et mal connue de l’Aśvamedha. Évidemment
Philostrate s'est permis beaucoup d 'anachronismes, et on ne
peut raisonnablement supposer qu'une cérémonie pareille à
celle qu'il décrit était encore en usage au r® siècle de notre ère.
Ce renseignement doit nous reporter à une époque antérieure
La détermination exacte de sa source , que je n 'ai point tentée,
nous permettrait peut- être quelque précision. En tout cas les
quelques phrases de Philostrate sont un peu plus explicites que
les stances sanskrites du Satapathabrāhmana. Elles nous per
mettent d'ajouter au Gange et à la Yamunā l'Indus comme l'un
des fleuves sur les bords duquel on a sacrifié des chevaux .
L 'époque de célébration de cet ancien sacrifice , qui coïnci
derait avec une période de crue annuelle de l'Indus pouvait
être déjà ( s'il s'agit de la crue de printemps) la quinzaine
claire du mois de phālguna. D 'ailleurs bien des détails de la
cérémonie devaient ressembler à ceux que nous montre la
forme évoluée et complète de l'Aśvamedha. A en juger, par le
récit du sophiste grec , déjà on sacrifiait des taureaux, et des
rites analogues à ceux que nous trouvons plus tard accom
pagnaient et suivaient le sacrifice du soma. Ces renseigne
ments , s'ils sont exacts , nous permettraient alors de croire
avec plus d'assurance à un rapport de filiation entre celte .
ancienne cérémonie et l’Aśvamedha proprement dit.

Roger Goossens.
286 OCTOBRE-DÉCEMBRE 1930.

LE SORT DES TRÉPASSÉS


DANS UN HYMNE À LA DÉESSE NUN -GAL
CONTEMPORAIN DE LA DYNASTIE D 'ISIN .

Le texte a été publié en autographie par Lutz (1), transcrit et


traduit par lui(2) en 1919, puis par Witzel(5)en 1929.
W . nous paraît avoir bien interprété le sens général du
texte, mais sa traduction ne s'impose pas dans le détail. De
plus , il admet six strophes de quatre stiques chacune: Cette
régularité absolue est exagérée. Nous croyons que le rédacteur
procéda plus librement.
Autant que l'autographie permet d 'en juger, l'écriture est
celle que l'on attribue généralement aux scribes contemporains
de la dynastie d'Isin .

La déesse Nun-gal , parèdre de "Bi-ir - túm , qui était le dieu


de l’Arallu , à Marki, serait, d'après ce texte , la fille d''Ereš-ki
gal, parèdre de Nergal.
1 lú lu + idim (4) zu -u-ne . . .
sig ,-alam (5)_bi . . .
3 murgu-bilú hul-gálba-sub-sub -. . .
4 ša(g )-ib- ba -bi ér-a -nir -ra ud-gig ni-ib- . . .

(1) Selected sumerian and babylonian Texts (University Museum ), Philadel


phie, 1919; n° 104.
(2) Loc . cit. , p . 68-70.
(3) Perlen sumerischer Poesie .. . Neue Folge , Jérusalem , 1999, p. 105
117 .
(4) On ne peut guère lire autrement ce second signe – avec W .
(5) Bunnunú. Ce n 'est pas la graphie connue d'alam , mais, par voie d 'éli
mination , il semble qu'on ne puisse songer à aucune autre valeur,
MÉLANGES. 287

1 Le mort . ..
son image(") . . .
3 A côté de lui, l'homme aux lamentations funéraires (2) dit ses for
mules (3);
4 son cøur troublé(á) des larmes et des gémissements , jour et nuit,

5 ud ab-túm (6) 6-kur ezen -gim né-bi-a ba-an-.. .


6 ki-[nam-Juar-ri íd -lú -šub -gu-da-an ba-lah-gi-es
7 zid-gub erím -gub bar-“ Ag ne-si-sá mu-un -u-. . .
8 erim-gái-la -ni st-im-ri-ri e-da- ni ki(º)-engar . ..-tim
9 ud-bi-u nin -e ni-te-a-ni(1) sal-zi(d) i-ri-ga-ám -me-en
10 dingir-nè kù “Nun-gal-la -ge(8) im -di-šù al-e
11 nin -me-en an-ni nam -mu-un-tar ga-e ma[k-dji-me-en
12 ' En -lil-li nam -gal ma-an -tuh é-gi-a -ni(")me-en
13 dingir-ri-ne mean-ki-a šu -mu-ši mu-gar-ri-eš

5 Le jour où on l'enterre( 0); où l'é-kur est comme en fête, où par son


éclat il .. .

(1) Son cadavre (?).


(2) Cf. MEISSNER , Stud. assyr. Lexikogr., p. 50 , l. 299 : þul-gál - kispu .
(3) Dans ce contexte , il n'est pas sûr qu'il s'agisse de prières proprement
dites.
(6) Ib -ba : agámu.
(5) Si l'original permettait de lire ad , au lieu de ab, on aurait ad -du :
nissatu (référ. in S .A .I., 2756 ). Donc : au jour des lamentations (rituelles).
(6) Peut- être dyl.
(3) Ní-te-a-ni-ta : ina puluhtišu , cf. référ. Delitzscu, Glossar .
(8) Nun -gal, parèdre de "Bi-ir-túm , qui était le "Nergal deMarki. Réſér.
in DEIMEL , Pantheon , n° 400 .
( Sur é-gi-a , voir la note de Langdon in 0.C. T., VI, p . 3 , n. 5 .
(10) Tabálu , liqú, Enterrern , à cause du sens général du contextę ; d'au
tant que ki-túm = kibiru.
288 OCTOBRE-DÉCEMBRE 1930.
6 où , au lieu du destin , au Fleuve (1) les gens s'assemblent et qu'on se
presse,
7 où , près de 'Nabû (2), le bon se tient, le méchant se tient, où il est
jugé , où . . .
8 où le méchant( ) il abat, où, avec soi, dans l'engur, il emporte ,
9 en ce jour-là ,de la Souveraine la majesté, la fidélité puissé je pro
clamer.

10 La déesse puissante(s), Ja pure "Nun-gal, du sein de l'orage qui


éclate ("), dit :
11. C'est moi la Souveraine , dont an a fixé le destin ; c'est moi ! Celle
qui s'avance majestueusement, c'est moi !
12 “Enlil un grand destin m 'a fait : sa femmen, c'est moi!
13 Les dieux l'oracle du ciel et de la terre en ma main ont placé.

14 ama-uku-mu kù "Nin -ki-gal-la-ge gal-ni- šu unu (7-ni-ba


15 zè-kur "Babbar è-a engur-mah -mu mi-ni-ri
16 é-gal ki-durun-ků nam -lugal-la -gemà-e bar-bime-en
17 Ninni-ra gal mu-un -da-ne sag-gál-la me-en
18 Nin-tu-ri ki-nam -tur-zi-ka nam -da-an-gub-bi
19 gi-dur-kud -da nam -tar-ri-da inim - šá (g)-gi ga-mu-ba
20 nin izkim -zild) 'En-lil-lá me-en nig -ga-manig -gar-gar
21 gal(®)_nu-um -igi- gi-ma a -sir-bad ma-da-tab
99 188ag - zi-tim- mà a-gim-lủ la-ba-ra-an-ba
23 sag-gig -ga igi-mà mu-un-gál en -nu -un im -ag -e

(1) On sait depuis longtemps que les textes postérieurs parlent souvent da
Hubur, fleuve de l'Arallu . Cf. K .B., VI, 1, 301-329, spécialement 307-309
(9) Nabû ne figure ainsi dans aucun autre texte semblable.
(3) Littér. : son méchant ( = son adversaire).
(1) Ou : il va , il se tient, etc.
(5) Ne : emùau.
(6) Di : kašádu , aldku .
(5) La graphie ne paraît pas suggérer la lecture he de Witzel.
(8) L'autographie n 'est pas celle de uru.
MÉLANGES. 289
34 im -nam -vi-la šu-màmu-un-gál lú-zi(d)ne-in-gub
25 erim -gub á-ma la -ba-ra-è nig -hul-. . .
IV
14 La mère qui m 'a enfanté("), la pure “Nin-ki-gal(?) avec sa grande
( fille) partage sa demeure;
15 déchirant(s) la montagne, 'Babbar sortant dans mon auguste
engur(") a pénétré;
16 le palais , la demeure pure de la royauté - - sa voisine, c'est moi !
c'estmoi!
17 A "Ninni la grandeur(6) je dispute : la première , c'est moi (6)
18 A côté de «Nin -tu , à l'endroit où les enfants prennent vie, je me
tiens.
19 La prière (accompagnée ) du morceau (") de roseau dur et du sort
j'exauce ().
20 La dame attentive et fidèle d ' En - lil, c'estmoi ! Mon trésor est tou
ce qui existe.

21 A ma résidence inévitable un long (9)chemin conduit(10).


22 Que ma compassion , ma grâce , ni esclave( ), ni homme libre
n 'émeuvent(12)

(1) Ainsi Nun -gal serait la fille d''Ereškigal, parèdre de "Nergal.


(3) Ou Ereškigal.
(3) S'il s'agit de l'Arallu ou d'une partie de l'Arallu , les premiers mots
de la ligne désignent sans doute le soleil couchant dans ou par la montagne ,
et qui continue sa course vers l'Orient.
(W) Coupant, déchirant la montagne (ze : maláhu, malásu . baqamu ) ;
MEISSNER, Stud. Lexik ., p . 24 : 287, 289 ; p. 13 : 271-272.
(6) Littér. : comme grande.
(6) On ne voit pas bien la liaison qu 'il peut y avoir entre 18 -20 et ce qui
précède ou ce qui suit.
(7) Littér. : roseau dur coupé.
(8) Littér. : je fais cadeau . Il s'agit sans doute de e prièren accompagnée
de charmes.
(0) Littér. : éloigné.
(10) Ou : (?) conduit le pays (ma-da).
(11) Littér. : fils d 'esclave, (fils) d 'homme (libre).
(12) Qu'ils n 'espèrent pas émouvoir ; littér. : changer .
CCXVII . 19
IMPRIMERIE NATIONALR.
290 OCTOBRE -DÉCEMBRE 1930.
23 Les têtes noires sont sous (mon ) regard ; je fais la garde :
24 le souffle de vie est en (ma)main , (si) c'est un bon qui se pré
sente ;
25 (Si) c'est un méchant qui se présente, à mon bras qu'il n 'échappe
pas; le châtiment [qu'il n'élude pas!]..

Charles-F . JEAN .
MÉLANGES. 291

NOMS SOGDIENS

DANS UN TEXTE PEHLEVI DE TURFAN .

Dans la bigarrure ethnique et religieuse de l'Asie Centrale ,


des noms d'origine très diverse alternent et voisinent( ). On
voit ainsi, dans un texte turc de Xojo (2), un religieux toxarien
( toxri) porter le nom purement iranien de Vahmanxyāryazd ,
où , entre vahman et yazd , on reconnaît pehl. S .- 0 . hiyār « auxi
liaire » , qui répond , avec une aspiration secondaire , à pehl.
N .-O .adyāvar, cf. av .ady -t -. Or l'hymnaire pehlevimanichéen ,
le Mahrnāmay, dont F . W . K . Müller a édité magistralement
un fragment étendu (3), contient une longue liste de fidèles ,
hommes et femmes, dont les noms iraniens, turcs , indiens ou
chinois révèlent la nature composite de la communauté. Ces
noms se joignent parfois en hybridations variées : Tupa-ſuši
( turc et chinois ), Ypar-yazan -Bām ( turc et iranien ), Naveyân
Anlāu (iranien et chinois ), etc., sans que l'on puisse les rap
porter sûrement à un ou plusieurs personnages. Néanmoins ,
F . W . K . Müller a correctement interprété une partie de l'ono
mastique iranienne. On peut en expliquer une portion plus
large à partir de cette constatation essentielle que les noms
propres iraniens, dans leur ensemble , sont, non perses, comme
le croyait Müller ,mais sogdiens.
Plusieurs traits dialectaux en montrent la provenance sog
dienne : niyūšak-patanč (1. 127), féminin spécifique de niyā
(1) Pelliot, J. As., 1916 , 1 , p . 111 et suiv. ; Aurel STEIN , Innermost Asia ,
t. II , p. 581 et suiv.
(2) A . von Le Coq , Türk. Manich., I, p. 97, 1. 3 v.
(3) F . W . K . MÜLLER , Ein Doppelblatt aus einem manichäischen Hymnenbuch
(Maḥrnamag ), Abhand ). der preuss. Akad., 1919.
19 .
292 OCTOBRE-DÉCEMBRE 1930.
šakpat e chef des auditeurs » , parallèle à sogd. boudd . 'wp's'nch ,
By'npt'nčh , pr’mn’nčh , šmn’nčh (1), à man. niyāšakanč(2) caudi
trice » , et au nom de ville Cinanč-kað ee ville chinoise » (3). La
version sogdienne de l'inscription de Kara -Balgasun fournit le
féminin Srwenčw pts’k emonument soliden (l. 17) , cf.SB mynču
pts’k (1. 23)(4). La forme stw -y'n recent faveurs , (1. 99 ) in
dique sogd. satu (bouddh . et chr . stw ; non sato , Müller ) <
* satam , avec le traitement régulier - u de -am (5). De même pour
le nom de la lune, māx , dont le - h - intervocalique s'est norma
lement spirantisé. On le retrouve non seulement dans māx-farn
a gloire de la lune » (l. 104 ),navê-māx e nouvelle lune» (1. 84),
vano -māx e lune victorieuse » ( 1. 60) , mais aussi dans deux
noms que Müller a négligés : māx-yān e faveur de la lune,
(1. 69) [cf. rūgš-yān l. 100, Bām -yān l.123], qui n'a pasde
rapport avec skr. mahāyāṇa, lequel est écrit mhy'n (1. 81) ; et
wošy-m ’x (1. 57), qui semblerait parallèle à wxšy-frn e gloire
de joie» (1. 86 , 116 ), mais répond plutôt, suivant qu'on le
lit užše- ou vaxšē-, soit à munj. yumágå, yidg. yomgo, išk .
lömik, zeb . ilmek, sangl. dulmik (d- ?), vax. zəmak, etc.,
celunes , de *uxšya-māh -ka(6); soit à pašt. wağmaide * vaxša-māh
ka (7) e lune» , étymologiquement ce lune croissanten. Il n'est pas
douteux que le nõymāx de la ligne 84 doive être rétabli en
navē-māx e nouvelle lunen . C 'est évidemment la foimanichéenne
qui a placé tant de noms propres sous l'invocation de la Lune
divinisée.
Müller n'a pas reconnu non plus que xwend (l. 138 ) est
(1) Cf. Gramm . sogd. , II, p . 88.
(2) A . von Le Coq, Türk . Manich ., III , p . 41, n° 27, 1. 6 .
(3) Faussement lu Jinanjkath par BARTHOLD , Turkestan , p. 170 .
(6) O. HANSEN, Journ. de la Soc. finno-ougrienne, XLIV, 2 , 1930 , p. 19
et 21.
(5) Gramm . sogd. , II, p. 76 ; Reichelt, Indogerm . Jahrh., I, p. 37.
(6) Cf. Norsk Tidsskrift for Sprogvidenskap , III, p. 298.
(7) MORGENSTIERNE, Etym . Vocab. of pašto , p . 69, s. vº spõğmai.
MÉLANGES. 293

l'adjectif sogd. 'yws'nt, 'ywent « content, joyeux» , chr. xwenty'


cejoie », qui fournit, en face de pehl. et pers. xursand , un
nouvel exemple de la tendance sogdienne à amuir -s - devant
consonne(1). Étantdonnémāx-yān e faveur de la lunen (1. 69),
yišā- yān e faveur de Jésus , ( 1. 96 ) , le nom mašiyân (1 .52) peut
être composé avec un nom de divinité comme premier élé
ment. Aussi inclinerions-nous à le lire miše-yān e faveur de
Mithran , en tenant mis- pour la même formephonétique de
miêr- que dans le nom de mois sogdien miš-Böy « délivrance
par Mithra» (2). A la ligne 78 , cwm 'r recouvre sogd. bou
yum 'r e consolation , encouragement» (3), comme žw ’nk, (Byy)
žw ’n (1. 85 ) font sogd . žw 'n (ºk ) c vie , existencer. L 'origine sog
dienne n'est pas évidente pour byāman (varz-), l. 100, que
Müller (p . 33) propose, sans l'interpréter, de couper en be
aman, etque nous rattacherions à av. àiwyāma-ce très fort» ;mais
elle est manifeste pour « Baye-Birat, (1. 87 ); Müller traduit
ceGott findet» , mais l'emploi d'une forme verbale au second
terme de composés n'est usuel que dans les noms sémitiques.
Il faut lire Byy-Byrtsobtenu de (ou par) Dieu » ; Byrt, parti
cipe de sogd. bouddh. Byr- «obtenir » , chr. Byr- « trouver ».
Purement sogdien est rēž « plaisir , dans rēž-yān (1. 101), non
« Wille und Gnade» ,mais « faveur du bon plaisir (divin ), de
la volonté (divine)» , auquel se joint Baye-rėž e volonté de
Dieu » (1. 72 ). Cf. sogd. boudd. ryz - pe plaisir » , chr. ryż
cevolonté (divine)» , qui répond à sindhi rījha « plaisir, satis
faction (4).
Le nom transcrit Bayânôt (1. 117 ) et laissé sans interpréta
tion , doit se couper By =’nwt et contient un second terme iden

(1) M .S.L., XXIII, p. 128 , et particulièrement Reichelt, Z.I.I., IV , 1996,


p . 241.
(3) Ap. F . W . K . Müller , Sitz. Berl. Akad., 1907, p. 465.
(3) V. J., 1115 ; Gramm . sogd., II , p . 168.
(6) TEDESCO , Bull. Soc. Ling., XXIII , p . 116.
294 OCTOBRE -DÉCEMBRE 193,0 .
tique à sogd. bouddh . ’nwth e appui, soutien ; cf. D . 15 : 'krtyh
´yw pr čw ’nwth 'skw ’nt ce sont les actions où se trouvent les
appuis » (traduction Gauthiot à rectifier );ibid., 78 :mw protyh
'nwth « l'appui du Bouddha » ; V. J. 811 : 'pw ’nwtwh ’krtym
a je suis privée de soutien ». Il en a été produit récemment
deux attestations nouvelles , restées incomprises des éditeurs ;
dans un texte bouddhique(1) : kd ZK s'n pw yw i'w Bwt pu ’nwth
[couper pw ’nwth ] Bwt e quand l'ennemi est sans roi , il est
sans soutien n ; dans un texte manichéen (2), Jésus est dit zprttyy
'nwtmappui des saints » . Il ne reste donc qu 'à traduire By- nwt
par rappui de Dieu » .
Parmi les féminins, on relèvera comme caractéristiques :
(Byy-)Sy, correctementrendu e servante de Dieu » chez Müller,
p. 38 , qui équivaut à sogd. boudd. Syh e servante » , associé
généralement à Bntk « serviteur» dans l'expression Syh ny Bntk
- Bw &n e parfum , (1. 150); zrywnč e dorée » (1. 151), fém .
de zrywn'k ;vnônč-Bâm (1. 197) n 'a rien de commun avec l'étoile
Vega, av. vanant (Müller, p. 47) : wnwnč est le féminin de
wn’wn'k « victorieux» (3); et wnwně-ß 'm signifie réclat victo
rieux ».
En revanche, le colophon du Mahrnāmay nous donne le
nom vraisemblablement perse du scribe sous une forme que
Müller a transcrite ni.cvarig-rôšan et traduite hypothétiquement
« Lichtkeim » (l. 196, 217, 225 ). La graphie nxwryy doit
s'interpréter *nuxvariy, dérivé de nuxvír, qui est lui-même
tiré de * nax" « origine» ( arm . nax) et fait partie d'un groupe
de mots étudié dans la Rev. et. arm ., IX , 1929 , p . 5 -7 . De ce

(1) REICHELT, Soghd. Handschr . des Brit. Mus. , I , p . 31, 1. 273.


(9) WALDSCHMIDT-Lentz , Die Stellung Jesu im Manich ., p. 23, et F. W . K .
MÜLLER , Handschr . Reste , II, p . 100.
(3) Ainsi dans le fragment du Padmacintāmaạidhāraṇīsūtra (Müller , Sitz .
Berl. Akad. , 1926 , p. 2-8 ) , l. 35 : pr wyspu s'n ny pr kynßr wn'wn'k Bel,
litt. : sur tous les ennemis et haïsseurs il est victorievın .
MÉLANGES. 295

radical, le Mahrnāmay offre les dérivés (pad ) naxvēn « en pre


mier lieu » ( p. 25 , l. 336 ) et nux (non nôx ) e originel» , de
*nax'a-. Vraisemblablement, nuxvarīy-rāšan signifie « lumière
originelle ou primordiale ». Il y a lieu de ranger dans le même
groupe une autre forme restée inaperçue dansun fragmentturc
manichéen : nogdar(1), qui vaut nuxdār « quidétientla primautén .
On y reconnaît le prototype iranien qui avait fourni, d'une
part le titre arm . naxarar (* nax'-Sār-), de l'autre Nohodures,
nom d'un noble perse chez Ammien (XIV , 3 , 1 ; XVIII, 6 ,
16; 8 , 3 ; XXV, 3, 13).
VENISTB .

(9) A . von Le Coq , Türk. Manich ., III, p. 35 , n° 16 .


296 OCTOBRE -DÉCEMBRE 1930.

NOTE SUR L’ĀLAMBANAPARĪKŞĀ .


On ne peut dire trop de bien du mémoire que notre ami
Susumu Yamaguchi, en collaboration avec M4 H . Meyer, a
consacré à ce célèbre petit traité de Dignāga ( Journ. asiat.,
janvier-mars 1929). Le travail d'éditeur — versions chinoises ,
version tibétaine — est parfait. La traduction , que les richesses
extraites du commentaire embarrassent un peu , est très satis
faisante ; les notes et l'index sont utiles.
Peut-être les collaborateurs auraient pu lire le Tattvasam
graha dans Gaekwad 's Oriental Series, n° 30 , daté de 1926 ,
fallacieusement sans doute, car je viens seulement de recevoir
ce précieux volume.
L 'excellent Kamalaśīla , commentateur du Tattvasaņgraha ,
nous donne, p . 583, le texte de la sixième kārikā de Dignāga :
yad antarjñeyarūpam tu bahirvad avabhāsute
so 'rtho [viljñānarūpatvāt tatpratyayatayāpica ||
C'est-à-dire :
La forme qui est connue intérieurement el qui apparaît comme si
elle était extérieure , c'est là l'objet de la connaissance , parce que, en
même temps, elle donne sa forme à la connaissance et est la cause de la
connaissance .
Au même endroit, l'auto -commentaire du second pāda de
la kārikā 7 : atha vā śaktyarpaņāt krameņāpi so ’rthāvabhāsaḥ
svānurūpakāryotpattaye śaktim vijñānācārām karotītyavirodhaḥ.
La lecture vijñānācārām est suspecte , car le tibétain a rten
can (p . 10 ). — La traduction , p. 41, est obscure. La con
struction est certaine : « L 'arthāvabhāsa crée une puissance ,
résidant dans le mūla ou alayavijñāna , qui est capable de pro
duire un fruit semblable à lui-même. n — śaktyarpana , non
MÉLANGES. 297

pas « s'appuyer sur un pouvoir en puissance» , mais ceplacer,


créer un bīja , une puissance » ; le in et le li des versions chi
noises, p .22, et le hjog tibétain , p. 10, laissent peu de doute.
Kamalaśīla nous rend un troisième service. Il ne transcrit
pas la première kārikā ; mais il prétend mettre Dignāga en
contradiction avec lui-même, et il écrit : « Le Bhadanta lui
même a réfuté cela en disant : Quand bien même la partie
connaissable de la connaissance serait la cause de la connais
sance sensible , elle n 'en serait pas l'objet, pas plus que l'or
gane des sens n'est l'objet de la connaissance , puisque la con
naissance sensible n 'apparait pas avec la forme de cette partie
connaissable " :
yady apāndriyavijñapter grāhyāmśaḥ karaṇam bhavet |
atadābhatayā tasyā nākṣavad vişayaḥ sa tu |
Ceci parait bien être une e perversion , de la première
kārikā ; l'expression grāhyāmśa (1) remplaçant le mot paramā
navaḥ « les atomesn . On peut lire :
yady apāndriyavijñapteḥ karaṇam paramāņavaḥ |
atadābhatayā tasyā akşavad vișayo na te ||(2).
Admettons, si vous voulez , que les atomes sont la cause des repré
sentations sensibles : ils n 'en sont pas l'objet, car la représentation sen
sible n 'a pas l'aspect d 'atomes , mais l'aspect de cruche.

LA VALLÉE Poussin.

(1) Yamaguchi lit grāhyabhāga, p. 54 , que j'ai de sérieuses raisons de con


sidérer comme bon .
(2) Ou nākşavad viņayo hi te.
298 OCTOBRE - DÉCEMBRE 1930.

UN

ÉLÉMENT MÉSOPOTAMIEN DANS L 'ART DE L 'INDE.

A Bharhut nous rencontrons, dans la partie supérieure des


c railings » , le motif de décoration suivant :

Fig . 1.
Le même ornement a été employé d 'une manière semblable
dans les grottes d'Udayagiri et de Khaņdagiri, en Orissā , où
cependant le lotus est traité d 'une manière moins élaborée :

AWAYA
Fig . 2 .

A Sānchi, les lotus ne se retrouvent pas ; mais la bordure


est la même; on retrouve une fois le créneau ( ) ; quelque
fois ce e bâtiment» possède sept étages (c).

Fig . 3.

Il semble que cet élément décoratif reste un motif commun


dans l'art de l'Inde. Nous le verrons même aux temps de l'art
MÉLANGES. 299
gréco-bouddhique, comme par exemple sur deux pièces d'un
& railing , bouddhique réduit se trouvant à présent au musée
de Peshawar :
I쎈

ANDRIA
MINI VIZUALIZA

a Fig. 4.

Nous reconnaissons quelque chose de similaire dans la cou


ronne d'une sculpture de Sārnāth , conservée au musée de
Sārnāth , et à laquelle Herr Bachhofer assigne la date du
11° siècle avant J.-C.(1) :

Fig. 5.

Cet élément d'ornementation , consistant en une série de


motifs semblables à des tours à étages , placées l'une auprès
(1) L . BacadofER , Early Indian Sculpture , pl. 13, à gauche. Nous doutons
de l'exactitude de cette date.
300 OCTOBRE -DÉCEMBRE 1930.
de l'autre et parfois alternant avec des lotus gigantesques, est
purement mésopotamien d'origine , et largement répandu dans
toutle domaine de l'art assyrien , babylonien et perse. Nous ne
citerons ici que quelques exemples typiques .
Sur un bas-relief remontant au temps du roi Sennacherib
(705 -681 av. J.- C. ), à présent au Musée Britannique, la tente
royale porte la bordure suivante sur la partie supérieure des
côtés , au -dessous du toit(1):

MYY .
Fig. 6 .

On voit la même chose sur un bas-relief de Kuyunjik da


tant du temps d’Assurbanipal (669-6 26 avant J.-C .)(2) :

LY .
Fig . 7.

Le roi Darius est représenté sur le bas-relief de Bisutūn


( environ 510 avant J.- C .) portant une couronne , dont la res
semblance avec celle de notre figure 5 est frappante (s) :

Fig. 8 .

(1) British Museum , phot. n° 433.


(2) H . R. HALL , Assyrian Sculpture, etc. , pl. L .
(3) SARRE-HERZFELD , Iranische Felsreliefs , fig . 91.
MÉLANGES. 301

Il est très probable que ceci était la forme commune de la


couronne d'un roi (ou d'un dieu ), car nous la retrouvons
maintes fois jusqu'en des temps beaucoup plus récents. Il y en
a plusieurs à Naqsh-i Rustem , dont l'une est reproduite ici (1) :

Fig. 9 .

Des représentations similaires peuvent être retrouvées sur


des monnaies de Sbāpūr Ier et sur plusieurs autres bas-reliefs .
Même au temps de Khosrau II (590-628 après J.-C.), la cou
ronne royale a encore beaucoup de ressemblance avec les
exemples cités plus haut(2).
Nous tournantmaintenant vers des temps plus anciens, nous
sommes peut-être capables de retrouver les origines de cet élé
mentdécoratiſ. Nous proposons de l'identifier avec le zıkkurrat,
le temple ancien deMésopotamie , bien connu de sources diffé
rentes. Le chaînon qui nous manque entre le bâtiment monu
mental et le dessin purement ornemental peut être trouvé dans
deux stèles commémoratives du Musée Britannique, dont la
première représente le roi Shalmanasar II recevant l'ambassa

(1) SARRE-HERZFELD , loc. cit., pl. XIII. Cf. aussi pl. XLI et fig. 24 , 32
et 33.
(2) SARRE-HERZFELD , loc. cit., fig . 102.
302 OCTOBRE -DÉCEMBRE 1930.
deur et le tribut de Shua , roi de Gozan , Cette stèle date d'en
viron 859 avant J.-C.(1):

RELIEVO
HERE

Fig . 10 .
Il est évident qu'on a imité sur les sommets de ces mémo
rials» les temples des dieux , et que c'était cet élément même
qui se transforma plus tard en un dessin purement décoratif.
On rencontre une transformation similaire dans l'art boud
dhique. On y voit souvent une
ne rangée de petits stūpas, alter
MT

nant parfois avec des arbres sacrés, laquelle est employée dans
un but purement décoratif.
Nous pouvons donc affirmer avec sûreté qu'on trouve ici
dans l'art de l'Inde un motif décoratif qui vient d'un dessin
décoratif similaire de la Perse, et que ce dernier descendait
sans doute , en analyse dernière, d'une multiplication de zik
kurrat (2). Une identification du point de vue indien ne semble
pas possible. Des temples à degrés étaient complètement étran
gers à l'art de l'Inde.
D 'autres comparaisons indo-mésopotamiennes seront pu
bliées dans mon article destiné aux Mélanges Linossier .
Di C . L . FÁBRI.
(.) British Museum , phot. n° 401 , 407, 411, 351 B .
(2) Existe -t-il une parenté entre le ziķkurrat et les pyramides à degrés de
l'Égypte, et lequel des deux est le plus ancien ? C'est une question que je ne
veux pas trancher ici. Je veux cependant remarquer qu'il existe déjà une
représentation d 'un ziķkurral à trois degrés d 'Élam datant d 'environ 1100
avant J.-C . Voir Jeremias , Handbuch", p . 135.
CHRONIQUE

ET NOTES BIBLIOGRAPHIQUES.

PÉRIODIQUES.

Revue des Études islamiques,année 1929 , cahier III :


Abstracta islamica , p. 341-394 ; A . SÉkaly. Le problème des Wakfs
en Égypte (suite , p. 395-445 ); A . Vissère. Ouvrages chinois pour
l'étude de l'arabe (p . 455 -456 ) ; A . M . Kassim. Comparaison du code
civil lurc avec le code civil suisse (p .457-458).
Cahier IV :
R . Tresse. L'irrigation dans la Ghouta de Damas ( avec 10 planches
hors texte et des figures, p . 459-473 ); P . Marty . Les zaouias maro
caines et le makhzen (avec 10 annexes , p. 575-600) ; A . SÉKALY. Le
problème desWaķfs en Égypte (suite et fin , p . 601-659 ); Le XVIII. con
grès des Orientalistes à Leyde en 1931 (p . 661). Errata ; index du
tome III (p . 665-676).

Rocznik orjentalistyczny wydaje polskie towarzystwo orjen


talistycme. Lwów , tome VI, 1928, paru en 1929.
W . Kotwicz. Les tombeaux dits kereksur, en Mongolie ( p. 1-11);
A. Śmieszek und K . Winiewicz. Die Kabiren und die chettitischen Fels
reliefs von Jazyly-kaja (p . 12 -60 ); W . Kotwicz . Sur le besoin d'une
bibliographie complète de la littérature mandchoue (p. 61-75 );
D . Künstlinger. Die Herkunft des Wortes Iblis im Kurān ( p. 76-83 );
St. Przeworski. Ein assyrisches Reljeffragment aus einer krakauer Samm
304 OCTOBRE -DÉCEMBRE 1930.
lung (p . 84-88 ) ; N . D . Mironov. Kuchean Studies. I. Indian loan -wards
in Kuchean ( p. 89-169 ) ; Mº H . Willman-Grabowska. Les répétitions du
Śatapatha-Brāhmana ( p . 170-190 ); St. Stasiak. Fallacies and their clas
sification according to theearly hindu logicians ( p . 191-198 ) ; J. Kury
łowicz. Le genre verbal en indo-iranien ( p . 199-209) ; T. Kowalski. A
propos du Codex Comanicus, fol. 69', 9-10 ( p . 210 -215 ) ; E . Piekarski
i N . Popow . Przycznkido lecznictwa ludowego u Jakutów (p . 316 -999 ,
avec résumé en français ) ; P . Kop . Nieznany wiersz wileński Abrahama
Firkowicza (p . 230-234 , avec résuméen français ).
Comptes rendus et Cbronique ( p. 235- 276 ).

Hespéris , 1 " trimestre 1929 :


P. De Cénival. La cathédrale portugaise de Safi (p. 1-27, avec 5 fi
gures et 6 planches ); F. de La Chapelle . Une cité de l'Oued Dra' sous
le protectorat des Nomades : Nesrat ( p . 29-42 , avec une carte ) ;
G . S. Colin. Le parler berbère des Gmāra (p . 43-58 , avec une carte );
J. Herber. Peintures corporelles au Maroc. Les peintures au Harqūs
(p . 59- 77, avec la planches ); G . Marcy. Une tribu berbère de la confé
dération Ait Warain : les Ait Jellidasen (p . 79-142, avec 6 figures et
4 cartes ). Bibliographie (p . 143- 144).
2 -3° trimestres 1929 :
R . Montagne. Un magasin collectif de l'Anti - Atlas : l'Agadir des
Ikounka (avec 25 figures , 7 planches et 2 cartes , p . 145- 266 ; très
importante monographie , qui est une sorte de modèle des travaux
ethnographiques de ce genre ).
4º trimestre1929 :
Roland Lebel. Le Maroc dans les relations des voyageurs anglais aux
xvi°, xvii et xvimº siècles (p . 269 -294 ) ; Robert RICARD. Publications
portugaises sur l'histoire du Maroc. Notes bibliographiques ( p . 295
301) ; lieut. P. Dupas. Note sur les magasins collectifs du Haut-Atlas
occidental (avec 12 figures , 1 carte et 1 plan , p. 303-321 ); J. HERBER.
A propos de deux pétroglyphes du musée H . Basset ( p . 323- 324 ).
Bibliographie marocaine 1928-1929 par C . Funck -Brentano ( p . 325
394 ) ; supplément aux années 1921-1927 ( p. 395-414 ).
Tome X , 1930 , fascicule 1 :
F. KRENKOW . Deux nouveaux manuscrits arabes sur l'Espagne musul
mane acquis par le Musée britannique (p. 1-5 ); L. Brunot. Topogra
CHRONIQUE ET NOTES BIBLIOGRAPHIQUES LUDS .. 305
phie dialectale de Rabat (p. 7 -13); R. BLACRÈRE. Un pionnier de la
culture arabe orientale en Espagne : Şā'id de Bağdād ( p. 15- 36 ) ;
E . Laoust. Au sujet de la charrue berbère (avec 11 figures , p. 37-47);
E . Lévi-PROVENÇAL. Notes d'histoire almohade, III : un nouveau frag
ment de chronique anonyme (p. 49-90 , avec index ); G .-S. Colin .
Notes de dialectologie arabe, I : les trois interdentales de l'arabe hispa
nique; II : sur l'arabe marocain de l'époque almohade (p. 91-120);
E . Lévi-PROVENÇAL . A propos du « pont du cadi, de Grenade (p. 120 );
G .-S. Colin. Autour du Jåma' el-fna de Marrakech ( p. 122-123); La
fausse e plaine du preux, des traducteurs de Léon l'Africain (p. 123
124 ); Etymologies magribines , III (p. 125-127).

Institut français d'archéologie orientale du Caire.


Tome XXI des Mémoires publiés par lesmembres de la Mission archéo
logique française : Émile Chassinat. Le temple d'Edfou, t. IV , gr.
in-4°, 1929 (avant-propos , p. III-VII; extérieur du Naos, F', p . 1-326 ;
extérieur du Pronaos , Gʻ, p. 327-392; index des titres des tableaux,
p. 394-406 ).
La présente édition a été établie au moyen des copies prises sur
place par M . Chassinat au cours des hivers 1924 et 1926 ( p. v ). ,
Bulletin de l'Institut français d'archéologie orientale, tome XXVIII ,
petit in -4°, 1929, avec 17 planches contenantles articles suivants :
Émile Chassinat. Une nouvelle mention du pseudo-architecte du
temple d'Horus à Edfou (p. 1-10 , avec 3 figures ); Henri HENNE.
Papyrus Graux, nº 3 à 8 et papyrus du Caire , n° 49427, additions et
corrections (p. 11-14 ); Jean-David Weill. Textes épigraphiques (arabes )
inédits du Caire (p. 15-24 ); L. SAINT-PAUL GIRARD. Adversaria coptica
(p. 25-32, collation nouvelle du manuscrit copte de Paris 12945, folio
39 rº et suiv.); Geo. Nagel. Set dans la barque solaire (p. 33-39 , avec
1 figure); Bernard Bruyère. L'enseigne de Khabekhnet (p. 41-48 , avec
4 figures ); Ludwig Keimer. Sur quelques petits fruits en faïence émail
lée datant du moyen Empire (p. 49-97, avec 11 figures et des indices
hiéroglyphique, copte , hébreu , arabe, grec , latin et botanique);
L . Saint-Paul GIRARD. Adversaria coptica : la formule NETMOYAON
(p. 99-102);Charles Kuentz. Sur un passage de la stèle de Naucratis :
la lecture du signe (p . 104 -106 ); Charles Kuentz. A propos de
Westcar 6 /7 (p. 107-111); Charles Kuentz. Quelques monuments du
culte de Sobk ( p. 113-172, avec 11 figures); J.-J. CLÈRE. Monuments
CCXVII. 20
INPRIMERIE NATIONAL . .
306 OCTOBRE-DÉCEMBRE 1930.
inédits des serviteurs dans la place de vérité ( p . 173-201, avec 5 fi
gures ).
Gabriel FERRAND.

S. M . Nădir Snā .
Le 15 octobre 1999 , Mohammed Nadir Khān , vainqueur de l'aven
lurier qui avait un instant usurpé le trône laissé vide par le départ
d’Amān -Oullāh , puis du frère aîné de ce dernier, 'Ināyat-Oullāh , a été
proclaméroi d'Afghanistān. Le nouveau souverain n'appartient pas seu
lement par son père au clan des Mohammedzaï (ou Bārakzai ) qui est
aussi , depuis Dost Mohammed Khān (1829-1863), celui des cinq pré
cédents Emírs; il se rattache encore par sa mère à l'ancienne dynastie
royale des Sadouzaï, celle qu'Abmed Shāh Dourrāni fonda, en même
temps que le royaume, en 1747. Son père, Sirdār Mohammed Yoũsouf
Khān , et son oncle Sirdār Mohammed Asaf Khān , étaient, au temps de
l'Émir Habīb-Oullāh ( 1901-1919), lesdeux colonnes del'empire et leurs
nombreux fils occupaient sous Amăn -Oullāh les plus hautes charges de
l'État.
Le roi Mohammed Nādir Shāh est né en 1885. Après avoir fait de
brillantes études, il embrassa la carrière militaire avec le grade de colo
nel. Dès 1906 , il était général de brigade. L'année suivante , il accom
pagna l'Emir Habīb -Oullāh dans son voyage aux Indes. En 1919 , la
prompte répression d'une rébellion de tribus lui valut le titre de Näib
Sālār (adjoint au généralissime). Enfin il était généralissime (Sipah
Sālār ) quand éclata en 1919 la dernière guerre anglo-afghane. On sait
qu'à la dénonciation par Amān-Oullāh, dès son accession au trône, du
traité quiavait établi sur l'Afghanistān une sorte de protectorat britan
nique, l'Angleterre répondit par l'invasion du pays : mais d'une part elle
ne disposait que de régiments fatigués et d 'un matériel en mauvais état.
ramenés de Mésopotamie ; et, c’autre part, au lendemain de la guerre
mondiale, le vent ne portait guère à une politique de conquêtes. C'est
un fait que les envahisseurs ne dépassèrent pas Dakka, c'est-à-dire la
première étape sur la route de kāboul, et que les pourparlers de
Rawal-Pindi aboutirent très rapidement à la reconnaissance de l'indé
pendance afghane. Renommée et popularité en rejaillirent sur le géné
ralissime, et une colonne commémorative , érigée à Bāboul, porte cette
inscription :« A la gloire du grand patriote Mohammed Nādir Khăn qui,
CHRONIQUE ET NOTES BIBLIOGRAPHIQUES. 307
par la vaillancede son épée, conquit contre l'Angleterre l'indépendance
du pays."
Au lendemain de cette guerre de ţibération , Nādir Khăn prit le Minis
tère de la Défense nationale et se consacra à la réorganisation de l'armée .
En 1994 , il accepta le poste d'envoyé extraordinaire et ministre pléni
potentiaire à Paris , où sa courtoise affabilité lui créa de nombreuses
amitiés. En octobre 1926 , il démissionna pour raisons de santé et alla
se rétablir sous le climat de la Côte d'Azur. C'est là qu'il reçut en jan
vier 1998 la visite de son royal cousin Amān-Oullāh , lors du voyage
de ce dernier en Europe; et c'est là aussi qu 'en février 1929 les événe
ments vinrent le chercher pour rétablir l'ordre en Afghanistān. En dépit
de son absence d'ambition , la renommée des services rendus par lui à
son pays et son prestige personnel ont fait qu'il n'a pu se dérober au
trône. Les gouvernements l'ont aussitôt reconnu , et de son côté , il s'est
engagé à remplir les traités et conventions conclus avant son avènement.
Son altrayante personnalité , sa générosité naturelle , sa culture (il parle
cinq langues : le persan , le poushtoū, l'hindoustani, l'anglais et le fran .
çais) , la connaissance du monde qu'il a rapportée de ses longs séjours
à l'étranger, son esprit libéral et sagement 'réformateur, son dévoue
ment à son peuple et le souci qu'il a toutde suite marqué de développer
l'instruction publique , l'agriculture et les travaux publics, tout fait pré
sager une heureuse période de calme et de progrès dans l'histoire si
troublée de l'Afghanistān .
S . M . Mohammed Nădir Shāh a épousé une de ses cousines. Son fils
aîne est malheureusement mort de maladie en France, où il faisait ses
éludes ; il a encore cinq enfants vivants , le prince Mohammed Zāher,
aujourd 'hui âgéde quinze ans, et quatre filles. De ses quatre frères l'un ,
S . A . Mohammed Hāchim Khān , est président du Conseil etministre de
l'Intérieur; un autre, S . A . Shāh Mahmoūd Khān , est ministre de la
Guerre et commandant en chef; et le troisième, S . A . Shāh Vali Khān
est ministre plénipotentiaire à Londres .
René GrousSET.

À PROPOS D 'UNE EXPLORATION AU YÉMEN ,

MONSIEUR LE PRÉSIDENT(!),
J'ai lu avec un vif intérêt la note sur une Exploration au Yémen
publiée récemment par le Journal asiatique (juillet-septembre 1920,
(1) Le Journal publie volontiers l'intéressante lettre suivante adressée à
20 .
308 OCTOBRE - DÉCEMBRE 1930 .
p. 141-155). L'auteur, M . Carl Rathjens y donne des indications
curieuses et inédites sur quelques points d'archéologie et d'ethnologie ,
et on ne saurait trop le féliciter d'avoir réalisé tant d'observations nou
velles au cours de son excursion dans ce pays. Toutefois , il me paraît
ignorer quelque peu l'@ uvre de ses devanciers , tout au moins au point
de vue géographique, et en particulier celle de nos compatriotes. Je crois
pouvoir, quoiqu'il s'agisse d'un domaine un peu à côté de celui qui est
propre au Journal asiatique,mepermettre de vous signaler quelques-unes
des omissions faites à ce sujet par M . Rathjens et de rectifier certaines
assertions qui me paraissent erronées ; non que je veuille en aucune
façon lui en faire grief: je sais très bien, et lui-même nous en prévient,
qu'il s'est rendu au Yémen sans préparation suffisante, alors que son
projet était de visiter l'Asir ; il n'a pu faire, sans doute , les recherches
bibliographiques nécessaires , et, comme tous les voyageurs insuffisam
ment préparés, a cru qu'il découvrait , alors qu'il parcourait des itinéraires
bien connus. ~ Exploration , est un bien gros mot, peut-être, lorsqu 'on
l'applique à un territoire traversé et étudié auparavant par de nom
breuses personnes ( ). Ce me semble être un bien gros mot ici surlout,
alors qu'existe , de la moitié du secteur visité , une excellente carte en
couleurs au 1 /50.000 avec courbes de niveau (2); et, du reste , une
bonne carte d'ensemble au 1/250.000 .
C'est qu'en effet, depuis Niebuhr et Forskal, à l'æuvre desquels on
ne peut que rendre hommage, tant cette æuvre apparaît, encore même
à notre époque, de la plus complète exactitude, bien des voyageurs ont
été attirés par l'étrangeté et le mystère de l'Arabie Heureuse. I n 'y a
pas lieu , certes, de rappeler ici les beaux travaux faits par des Français
en ce qui a trait aux questions archéologiques et épigraphiques : les
voyages absolument extraordinaires d'Arnaud (3) et de Joseph Halévy.

notre Président, qui constitue un excellent complément à l'article de


M . Carl Rathjens.
(1) Faire le voyage d'Hodeïdah à Sanaa est en effet devenu , depuis
quelques années, presque banal. Le voyageur qui s'est rendu par cet itinéraire
à Sanaa et a réalisé quelques excursions aux environs de la capitale ne pos
sède guère plus le droit de parler d 'exploration du Yémen que celui qui a
pris à Djibouti le train d'Addis-abbeba ne possède celui de parler d'explora
tion de l'Éthiopie. Depuis notre dernier voyage, qui a pris fin en juin 1929,
une demi- douzaine de nos compatriotes , au nombre desquels se trouve l'écri
vain bien connu J. Kessel, a suivi ce même itinéraire.
(9) OEuvre de H. Lange (dressée en 1911, publiée à Bucarest en 1912).
(3) Journ. asiat., 1845 .
CHRONIQUE ET NOTES BIBLIOGRAPHIQUES. 309
Quant aux questions de géographie et de géologie, qu'on veuille bien
me permettre de ne point laisser passer sans les relever des phrases
comme « les résultats géologiques obtenus permettent d 'apercevoir pour
la première fois la stratigraphie et le caractère tectonique de l'Arabie
méridionaler. C'estmatériellement inexact, non moins d'ailleurs que les
prétentions d'un ingénieur américain , qui, de son côté , assure aussi
être le premier à donner des renseignements géologiques sur le Yémen ).
Si les Russes et les Italiens, qui opèrent aussi là -bas, affichent la même
revendication de priorité , nous assisterons à une réjouissante querelle.
Mettons les choses au point. Jusqu'en 1912 , aucune étude de géo
graphie physique ou de géologie n'a été faite sur le Yémen ( ). Les
courtes notes publiées, celles de C . A . Tenne et de A. Lacroix par
exemple (3), ne concernent que l'examen microscopique d'échantillonsde
roches rapportées par des voyageurs non spécialisés.
En 1912 , un ingénieur roumain , M . G . Botez(") publie le résultat
d'observations faites par lui sur l'itinéraire Hodeïdab -Sanaa , c'est-à-dire
précisément celui qu'a examiné M . C . Rathjens. C'est un travail sommaire
et rapide ,qui renfermede multiples erreurs : mais enfin c'est le premier
ouvrage sur la question , et on n'a pas le droit de ne pas le citer en
parlant du Yémen .
Vers la même époque, notre compatriote A. Beneyton fait paraître
sa remarquable carte géographique au 1/250.000ʻ, fruit de trois années
d 'étude etde levers(5). C'est le premier travail cartographique véritable,
car auparavant on n'avait fait que des levées d'itinéraires : il n'apparaît

(1) K . S. TwitchELL , A Singular Mission for a Mining Engineer. One that


illustrates that the seeker for minerals is the pioneer of civilization the
world around and throughout the ages . Mining a. Metall., New -York , jan
vier 1929 , vol. 10 , nº 265 , p. 7- 9 , une planche.
(2) Nous ne parlons pas ici des travaux relatifs au volcan d 'Aden et au
protectorat anglais de l'hinterland d'Aden , dont beaucoup sont antérieurs
à 1910 .
(3) Tenne , Gesteine aus dem Lande Yemen (Zeitschr. d. Deutsch. Geol. Ges.,
Bd XLV, p. 468-476 , 1893) ; A. Lacroix , Sur les granites et syénites quartzi
fères à ægyrine , arſvedsonite et ænigmatite de Madagascar (C. R. Acad . Sciences,
t. 130 , 1900 , p. 1208-121 1).
(1) Rapport définitif sur les études géo-hydrologiques faites en Jemen ( Arabie ),
Bucarest , Universala , 1912 , 78 pages , 10 figures , 6 planches hors texte et
5 pièces annexes. Les matériaux rapportés par M . Botez ont été étudiés par
M . Rotman Roman .
(5) Yémen . Chemin de ſer Hodeidah - Sanaa , Paris, Goury, 1913.
310 OCTOBRE-DÉCEMBRE 1930.
certes ni complet, ni parfait , et nul ne s'étonnera que cette ceuvre con
sidérable appelle des retouches . M . C . Rathjens en apporte , et d 'excel
lentes, pour la région avoisinant Sanaa. La petite carte publiée par lui
dans le Journal asiatique, comme celle qu'il a insérée dans le Zeitschr.
Ges. f. Erdk. Berlin (Sanaa, 1929 , n " 9-10, p. 329- 353 ) mérile des
éloges pour son exactitude, quoiqu'il reste quelques rectifications de
détail à y introduire , notamment en ce qui concerne la position des
appareils volcaniques. Il n 'en reste pas moins que c'est à Beneyton que
revient l'honneur d 'avoir mené à bien le gros æuvre et exploré la majenre
partie du Yémen ; les voyageurs qui, comme M . Rathjens ou comme
moi, n'ont fait que séjourner quelque temps au Yémen ne peuvent que
s'incliner devant lui.
Pendant la guerre , ainsi qu'on le sait, le Yémen s'affranchit de la
tutelle turque et demeure dans un complet isolement. Les Anglais y font
une mission secrète, laquelle , croyons-nous, ne réussit pas à dépasser
Taëz. Puis , limidement, quelques personnes se risquent à gagner Sanaa.
Deux d'entre elles y réussissent : ce sont des Français, M . Cherruan ,
d'une part, et M . Sicard , d'autre part. Il ne s'agit d'ailleurs que de ten
tatives commerciales et non de recherches scientifiques. Un peu plus
tard, sous la conduite de M . Cherruau , deux ingénieurs américains,
MM . Ely et Mac Govern , etmoi-même, partions pour Sanaa via Mokha
( Hodeïdah étant alors occupé par un parti eonemi) , et faisions du Yémen
la première étude géologique générale. Nous revinmes ensuite par Aden .
Ce parcours assez long nous mit à même de nous rendre compte de la
structure du pays. Je ne crois pas que mes confrères américains aient
rédigé autre chose que des rapports non publiés sur leur voyage, mais
demon côté ,j'ai fait paraître un certain nombre de noles préliminaires !)
concernant la géologie et la géographie de ce pays, notes qui renferment,
je crois , tout l'essentiel. Revenu en France avec un vif désir de retour
ner au Yémen , je manquai longtemps des moyens matériels nécessaires
et ne pus mettre mes projets à exécution que beaucoup plus tard , el ce ,
grâce à l'aide bienveillante de S . A . le Khédive Abbas Hilmi II.
Je profitai de sa haute recommandation et de son influence auprès du
souverain du Yémen , l'imam Yahya Mohammed de Sanaa, pour obtenir

(1) Observations géologiques sur l’ Yémen ( C . R . Acad. Sciences , t. 176 ,


3 avril 1923, p . 956 ); Note préliminaire sur la structure de la région du
Yémen (Arabie ) (C. R. Somm . Soc. Géol. France , n° 6, 19 mars 1923, p. 61);
L 'Arabie heureuse : le Yémen (Géogr., t. XLII , 1924 , p . 1-23); Le volcanisme
dans le Yémen (Bull. vulcanologique, 1925 , 4 pages ).
CHRONIQUE ET NOTES BIBLIOGRAPHIQUES. 311
la permission de visiter des parties du territoire demeurées inconnues
( pays de Khoban ) ou fortmal connues ( pays de Haggeh) , pays extrême.
ment curieux, fort beaux et relativement riches , qu'on avait jusque-là
soigneusement cachés , pour de multiples raisons, aux étrangers. Les
observations géographiques relatives à ce dernier voyage ont paru dans
la Géographie, tandis que les résultats géologiques sont consignés dans
un mémoire de la Société géologique de France. J'ai pu dresser deux cro
quis topographiques au 1 / 250 .000°, deux cartes géologiques dont l'une
emprunte la base topographique fournie par M . C . Rathjens avec
quelques retouches, et un index des nomsgéographiques avec leur ortho
graphe arabe.
Je n 'entends en aucune façon introduire ici une revendication de prio
rité. Je n'ignore nullement que M . G. Rathjens, au moment où il est
venu parler devant la Société asiatique, ne connaissait ni mon voyage,
ni mes publications et je ne doute pas qu'en raison de sa parfaite cour
toisie, que j'ai pu apprécier depuis , il n 'eût hésité à mettre lui-même
les choses au point et ne le fasse dans l'avenir.
Plus heureux que moi, il a pu retourner récemment au Yémen et
j'espère qu'il en rapportera encore nombre d 'observations intéressantes.
Je lui souhaite plein succès et m 'en félicite d'autant plus que, tout à fait
incompétent en épigraphie et archéologie , j'ai dû à mon vif regret lais
ser de côté les problèmes si passionnants que recèle encore à ces titres
l'Arabie Heureuse.

Il est unedernière remarque que je tiens à faire avant de terminer,


parce qu 'elle présente une portée générale, et s'étend à d'autres
domaines que celuide la géographie naturelle. C'est qu'on doit se garder
de porter un jugement sur le Yémen en se basant sur des observations
faites sur le seul itinéraire Hodeïdah - Sanaa . Ce que je sais du Yémen
m 'autorise à dire que cetitinéraire n'est en aucune façon typique et qu'au
contraire il présente un cas particulier ne comportant aucune possibilité
de généralisation et par conséquent ne pouvant servir d'exemple. Aussi
mettrai-je en garde contre les descriptions des voyageurs qui ne con
naissent que ce secteur : il en est de fort intéressantes (J. KESSEL ,
Matin , juin -juillet 1930 ; R . MONTAGNE , Nlustration , 14 juin 1930 ) mais
auxquels il ne faut attribuer qu'une valeur de récit de voyage et une
portée limitée. Les itinéraires Aden -Sanaa, Mokha-Sanaa, Lobeial -Sanaa
par Hagguh , pour ne parler que de ceux que je connais bien , se
montrent plus caractéristiques à tous les points de vue. En ce qui con
312 OCTOBRE -DÉCEMBRÉ 1930.
cerne les antiquités himyarites , c'est , je crois , dans la région de Damar
et de Yerim qu'il faudrait surtout pousser les recherches, sans négliger,
bien entendu, dès que ce sera possible , la région de Mareb . On doit
avouer, d'ailleurs, qu'en dehors de quelques itinéraires habituels et rela
tivement praticables, le Yémen demeure absolument inconnu , et ce ,
pour deux raisons : la première est qu'à part les quelques pistes aména
gées — bien médiocrement,mais suffisamment pour les caravanes et les
cavaliers — lesquelles pistes correspondent précisément aux itinéraires
principaux, il n 'existe que des sentes trop souvent impraticables pour
les montures , et même fort pénibles pour les piétons. La seconde rai
son découle de la méfiance , pas tout à fait injustifiée d'ailleurs , de
l'Imam Yahya vis-à-vis des étrangers. Ce souverain permet qu'on vienne
lui rendre visite , et pousse même l'amabilité jusqu'à considérer tout
voyageur comme son hôte. Mais cette autorisation ne vaut que pour le
trajet du port à la capitale. L'Imam comprend mal la curiosité désinté
ressée du chercheur et redoute que le but scientifique allégué ne soit
qu'un prétexte. Reconnaissons d'ailleurs que la nation qui est sa voisine
la plus immédiate a quelquefois agi de façon à motiver des soupçons.
Aussi, depuis que les Turcs ont quitté le Yémen, il n'est pour ainsi
dire pas un étranger qui ait été libre de se rendre où il le désirait.
L 'exception qui a été faite en ma faveur n'a été due qu'à la protection
de la haute personnalité que j'ai citée plus haut et au fait que l'on me
connaissait depuis assez longtemps. Je dois ajouter que j'ai tout lieu
d'espérer que l'attitude de méfiance de l'Imam vis-à - vis de tous ceux
qui, comme moi, aiment le Yémen et dont les travaux scientifiques ne
servent à dissimuler aucun but moins avouable, ira se modifiant peu à
peu de la façon la plus heureuse. L 'Imam a auprès de lui, comme con
seillers et secrétaires , deux personnes fort distinguées : je suis entré
plus particulièrement en relation avec celui des deux qui s'occupe des
Affaires étrangères , cadi Ragheb , lequel est d 'origine turque et parle
très correctement le français : esprit fin et cultivé, il comprend fort bien
ce dont a besoin le Yémen pour se développer, et favorise autant qu'il
est en son pouvoir les entreprises utiles des Européens. L'Imam se
montre lui-même fort désireux d'améliorer le sort de ses sujets , mais ,
comme le Négus Taffari en Éthiopie , il se heurte à la routine et au
mauvais vouloir ,non pas tant du peuple , que de la classe qui équivaut
à la noblesse et à certaine partie de la bourgeoisie. Il y a là-bas un
parti ultra -nationaliste , qui voit en tout étranger un espion , et , s'ima
ginant qu'il a tout à perdre à un changement, est plus conservateur
que le roi.
CHRONIQUE ET NOTES BIBLIOGRAPHIQUES. 313
Voici,Monsieur le Président, les quelques réflexions que m 'a suggé
rées l'article de M . Rathjens.Je ne puis que déplorer qu'un Allemand
trouve ainsi les fonds nécessaires à ses voyages , alors qu'un Français
ne peut que très difficilement obtenir des subsides de son gouvernement
ou de ses compatriotes. Mais c'est là , nous ne le savons que trop , le
sort commun des recherches scientifiques en France. Et, pour rentrer,
en terminant,dans le domaine qui est propre à votre Société, j'expri
merai mon vif regret, qui est certainement le vôtre aussi, de voir la
France abandonner à d'autres les ruines de Saba , qu'Arnaud et Halévy
découvrirent les premiers et où ils sont encore presque seuls à avoir été
au prix d 'efforts inouïs. Saluons sans rancune l'énergie de nos concur
rents étrangers, mais ici comme ailleurs , ne nous laissons pas trop
facilement enlever nos titres de priorité.
M . LAMARE.

ESSAL DE BIBLIOGRAPHIE DES TRAVAUX DE J . MARKWART.


(9-911-1864 — 4-11-1930.)
L'énumération qui suit des ouvres de J. Markwart (1) doit compléter
les paroles que j'ai eu l'occasion de prononcer à la séance du 14 février
1930 comme nous venions d'apprendre la disparition prématurée du
grand savant qui a marqué d'une empreinte si personnelle et si pro
fonde tous les domaines où il a promené son extraordinaire érudition ,
et sur lesquels il a projeté les éclairs « d'une véritable divination 7, selon
l'expression de P. Pelliot ( Journ. as., avril 1920, p. 129 et 185).
1 a . Die Assyriaka des Ktesias , Philologus , Supplementband VI/2 ,
Göttingen , 1891-1893, p. 501-658 (?).
1. Die Vorlage von Diodor B 1-34.
II. Die echtktesianischen Bestandtheile bei Diodor und in anrlern Frag
menten .

(1) Un premier état provisoire de la présente note a paru, avec un assez


grand nombre d'errata , dans le Bulletin of the School of Orient. Studies ,
Londres , 1930 , V , 40 partie. Il doit être tenu pour nul et non avenu.
(3) Cet ouvrage, dont les deux premières parties ont été écrites en 1889
et la troisième en 1891, a été présenté en février 1893 comme thèse de doc
torat à l'Université de Tübingen . (Voir plus bas , Addenda, nº 1.]
314 OCTOBRE -DÉCEMBRE 1930.
III. Die Quellen des Ktesias und die Art ihrer Benutzung.
Exkursus 1. Zur Seite 507.
Exkursus 2. Die Chronol. der Inschrift von Behistān .
Exkursus 3. Die griechische Wiedergabe der persischen au , wa und wi.
Exkursus 4 . Die ursprüngliche Heimat der Perser.
Exkursus. 5 Eine assyrisch-babylonische Königsliste bei Ja'qubi und Mas
'üdi.

2. Beiträge z,Geschichte und Sage v. Ērän , Z.D .M .G ., XLIX , 1895 ,


p. 628-673.
Erån.
Pahlau .
Hyrcani-Wirk ', Iberen .
Ariš.
Tiridates u. Spandijāt , Artabanos und Kai Xusrau.
Gotarzes I und Orodes I.
Die Listen d . ērān , und arm . Arsakiden.
Buzurg Kūšān- Šāh.
Der Stammbaum d. Būjiden .
Bau .
Die Suffixe č , 2 , či, zi.
Enclit. -ān = aw .nõ.
Altper. franah = farr .
Neuper, izad = Jazata .
Zu den Inschriften d. Artax. Il v. Susa und Hamadán .
3. Fundamente israelitischer und jüdischer Geschichte, Göttingen ,
1896, in -8°, 75 pages.
1. Das Lied der Debora.
2. Z. Liste der Edomiterkönige, Gen . 36 , 31.
3. Die Stammbäume des Samuel und Saul.
4 . D . Verzeichniss von Davids Helden , 2 Sam ., 23 .
5 . Zur Panammu-Inschrift.
6 . Davids Familie .
7 . Done .
8 . Tetpduvnolos (Tplunolos) = Tabnēt.
9. D . Organis. d. jud. Gemeinde nach dem sogenannten Exil.
10. Zu d. Apokryphen Daniel und Esther.
4 . Historische Glossen zu den alttürkischen Inschriften , W .Z.K .M .,
1898 , XII, p. 157-200.
1. [Der Ursprung der alt-türkischen Schrift.]
3. [Der Manichaismus der Toyuzyuz.]
CHRONIQUE ET NOTES BIBLIOGRAPHIQUES. 315
3 . [ Die Westtürken : einige Daten .]
6 . [ Der Ursprung der Chazaren.]
Nachträge.

5 . Die Chronologie der alttürkischen Inschriften . Mit einem Vorwort


von Prof. W . Bang , Leipzig , 1898, in -8°, 112 pages.
Exkursus I : Sogdiana , p . 56-72,
Exkursus II : D . bulgar. Fürstenliste , p . 72-99.
Anhang : [Kök-türkisch ), p. 99-109.

6. Chronologische Untersuchungen, Leipzig , 1900 , 86 pages (= Philo


logus, Supplementband VII, p. 637-720).
Berossos und die babylonische Königsliste.
Zur Chronologie der Hyksos .
Die Exodusberichte des Manetho und Chairemon.
Die XVIII. und XIX . Dynastie nach Manetho.
Die Chronologie der Aethiopen und Saiten.

7. Untersuchungen zur Gesch .v. Eran , I, Göttingen , 1896 , 72 pages


( Philologus, Bd 54 . 489-527, Bd 55 , 212- 240 ).
Diodors Nachrichten über das pont, und kappad. Fürstenhaus.
Das Verhältniss des Trogus z. Diodor,
Die angeblichen Zariadrismünzen und die Fürsten v. Sophene.
Zur assyrischen u . medischen Königsliste des Ktesias.
Zur Kritik des Fauslos v. Byzanz (1).
Hazārapet. ( )
Der altpersische Kalender,
Åpraão .
Erymandus.
Haraiwa.
Nachträge.

8 . Erānšahr nach der Geographie des Ps. Moses Xorenaci, Berlin ,


1901 (Abh. Gesell. Wiss.zu Göttingen , Phil.-hist. Klasse, Neue Folge ,
Band III. N° 2), 358 pages.
Erster Teil : Das Provinzenverzeichniss.
Zweiter Teil : Länderbeschreibung nach Ptolemaios.
(1) Trad. arménienne dans le Handes Amsorya , 1897, p. 5- 9 , 183-186 .
(2) Ibid ., 1898 , p . 316-33o.
316 OCTOB - DÉCEM 1 .
RE BRE 930
Exkursus I. Die armenischen Markgrafen (1).
Exkursus II. Z . hist. Topographie v . Kermān und Mukrān.
Exkursus III. Toxaristān (1. Tocharer und Ta-hia . 3 . Toxaristān unter den
Wei und T'ang. 3. Toxaristān in der Steuerliste des 'Abdallāh b. Tāhir.
4 . Ober- und Unter-Toxaristān. 5 . Itinerar von Balı nach Ober-Toxaristān .
6 . Xottal und Cayāniyān nach d . Itineraren Iştaxri's. 7. Itinerare in Trans
oxiana. 8 . Das Gebiet v. Balx südlich v. Oxus nach Ja 'qubi. 9. Die fünf hih
hóu -Provinzen der Jüeh -či. 10. Kābul. 11. Das Gebiet nördlich v. Oxus nach
Ja’qubi).
9. Osteuropäische und Ostasiatische Streifzüge, Leipzig , 1903,
557 pages.
Vorwort.
Bělaweža-Itil.
Die Bekehrung der Chazaren zum Judentum .
Die ältesten Berichte über d. Magyaren .
Der Raubzug d . Magyaren gegen Konstantinopel im Jahre 934 .
Das Itinerar des Mis'ar b . Muhalhil nach d . chinesischen Hauptstadt.
Masʼūdi's Bericht über die Slawen .
Analyse d . Berichte des Gaihanī über die Nordländer.
D . Reisebericht des Hārūn b . Jahjā .
Exkursus ). Zur Bekehrungsgeschichte d . Chazareo .
Exkursus II. Der Stammbaum d . Abdoritenfürsten .
Exkursus III. Mas'udi's Bericht über die Russen und d. Ursprung des
Namen Rös.
Exkursus IV . Der Ursprung d . iberischen Bagratiden (2).
Exkursus V. Gaihani's Bericht über die Slawen .
10. Untersuchungen z. Geschichte v. Ērān , II, Leipzig , 1905,
258 pages (Philologus, Supplementband X ,Heft I).
Die Namen d. Magier.
Alexanders Marsch v. Persepolis nach Herāt.
Ilapazodopas, llapotavisáda , Paradāta .
Uber einige skythisch-iranische Völkernamen .
Über einige Inschriften aus Kappadokien .

(1) Ibid ., 1903 , p. 1-5 , 111-119, traduit par P. Th. Ketikian , tirage
à part, Vienne, 1903, in -8°, 39 pages. [Nº 43 de la National Bibliothek. )
(2) Cet Exkursus (avec des additions de l'auteur ) a été traduit en arménien
par P . M . Hapozian . Handes Amsorya , 1912 , p. 333-339, 519-531, 719
730 ; 1913, 160-167, 210-221, 281-293, 463-475 , 659. Tirage à part ,
Vienne, 1913 , in-8°, av + 150 pages. [Nº 73 de la National Bibliothek . ]
CHRONIQUE ET NOTES BIBLIOGRAPHIQUES. 317
Die Chronol. d . Kambyses u. d. Lügenkönige und d. alt-pers. Kalender.
Zusätze (1).

11. Kaputra doux , der reskytische , Name der Maiotis, Keleti Szemle,
XI, 1910, p. 1-25 .
12. Die nicht-slavischen (altbulgarischen Ausdrücke in der bulgarischen
Fürstenliste , l'oung Pao , 1910 , XI, p. 649-680.
13 . Die alibulgarischen Ausdrücke in d . Inschrift v. Catalar und in der
altbulgarischen Fürstenliste , Izv . Russ. Archeol. Inst, v Konstantinopolė ,
XV, 1911, p. 1- 30 .
14 . Armenische Streifen (1. Historische Data z. Chronologie der
Vokalgesetze ; 2 . Nachtrag z. Ērānšabr : Sahastaninoknoy und zur Liste
der Provinzen v. Chorāsān ), Huschardzan (Festschr. d . Mechitaristen
Congregation), Wien , 1911, p . 291-302.
15 . Ueber einige Dolche und Schwerler mit arabischen Inschriften aus
Nord-Africa (mit 5 Tafeln ), Internat. Archiv für Ethnographie, t. 20 ,
1911, p. 103-108.
16 . Über d. Ursprung d .armenischen Alphabets in Verbindung mit der
Biographie d. h . Mašťoc', Handes Amsorya, (allemand) 1911, 530-543 ,
673-683; ( allemand etarménien ) 1912, 11- 54 , 199-216 ; ( arménien )
657-666 ; (allemand ) 742-750 (9)

17. Die Benin -Sammlung des (Niederländischen ) Reichsmuseums für


Völkerkunde in Leiden. Beschrieben und mit ausführ. Prolegomena z.
Gesch.der Handelswege und Völkerbewegungen in Nordafrika versehen ,
Leiden ( Brill) , 1912 , in - folio , CCCLXVII + 132 pages. (Veröff. d . Reichs
museums f. Völkerk . in Leiden , II , 7 .)
Vorwort, p. 9-12.
I. Teil. Prolegomena, p . 1-cccLxvII.

(1) La note additionnelle , p. 218-2 10 , a paru en traduction arménienne


dans le Handes Amsorya , 1906 , p . 33-44 , sous le titre Une page de la plus
ancienne histoire des Arsakides arméniens.
(2) Tirage à part en arménien ( P . A . Vardanian ), Vienne, 1913, in-8°,
vil + 59 pages; en allemand , Vienne, 1917, in -8°, 60 pages.
318 OCTOBRE-DÉCEMBRE 1930.
1. Die allen Berichte über Benin .
II. Der Ursprung der Beninkunst.
III. Altere Beziehungen Benins zum afrikanischen Binnenlande ( 7 Ex
kursus
11 . Die politischen und Verkehrsverhältnisse im Sudan im 9 . Jahrhundert
[16 Exkursus).
V. Entdeckungs- und Islamisirungsgeschichte des alten Guinea (des
Hinterlandes v. Marokko) ( 9 Exkursus).
VI. Überblick über die Geselichte von Ġāna [22 Exkursus).
VII. Auf d. Spuren der Ogane :
Die nubischen Reiche ;
Abessinien [ 23 Exkursus ).
JI, Teil. Beschreibung der Sammlung : p. 1 -133 et 14 planches.
Cartes : Der westliche Sudan in der Blütezeit des Reiches Maili ( x1v .Jahrh.).
Der Sudan im 9 -11. und im 19-16. Jahrhundert,
18, Guwaini's Bericht ü, d. Bekehrung der Uiguren , S. B.B.A., 1919,
I. Halbjahr, p. 486 -502.
19. Studien zumn Widsif , Festschrift Vilhelm Thomsen , Leipzig , 1912,
p. 98-110.
20. Südarmenien u . die Tigrisquellen nach griechischen und arabischen
Geographen , Handes Amsorya, (allemand et arménien ) 1913, 79-100 ,
357 -366 , 525-535 ; (allemand ) 1914 , 41-52, 106 -117, 177-183 ;
1915 , 126-135 ; 1920 , 103-110. [Voir plus bas , nº 36 .]
21. Über d. Herkunft und d. Namen d. Russen , Baltische Monatsschr.,
Riga, B . 76, Heft 10 , oct. 1913, p . 264- 277.
22. Über das Volkstum der Komanen , Osttürkische Dialectstudien ,
Abh . Gesell.d. Wissensch . zu Göttingen , N. F., Band XIII , N 1, Berlin ,
1914 , p. 25-238 (1).
$ 1 . Uzen u . Komanen . S 2 . Komanen u . Qün, $ 3, Komanen u . Qypiaq.
$ 4. Tatar u . But-kat. S 5 . Tatar u . Kinäk . $ 6 . Kīmäk u . Qypčaq . 57. Qyp
čaq u . Komanen . S 8 . Qangly, Kimak u . Qypčaq.

°) Voir deux analyses importantes de ce travail : P . PELLIOT, A propos des


Comans , Journ. A& ., 1920 , avril-juin , p. 125-185 ; et BARTHOLD, Noviy trud o
Polovtsax , Russ. istorič, žurnal, 1921, t. VII, p . 138-156
CHRONIQUE ET NOTES BIBLIOGRAPHIQUES. 319
Anhang 1. Kritik d . bisherigen Erklärungsversuche d . Namen « Falben , u .
Komanenn.
Anhang 2. Über die Herkunft d. Osmanen .
Anhang 3. ( Der Zug d . Chytai nach Westen .]
Anhang 4. Die Bedeutung d. historischen Topographie f. d. Textkritik des
Schah -nāma.
Nachtrag : [D. Chronologie d. Qara-Qytai.]
23. [ - und Groot), Das Reich Zābul und der Gott Zūn , Festschrift
f. E. Sachau , Berlin , 1915, p. 243-292.
24. Mipherqētund Tigranokerta , Handes Amsorya (allemand), 1916 ,
p .68-135. [Voir plus bas, n° 36 .]
25. Die Entstehung und die Wiederherstellung der armenischen Nation ,
Potsdam , 1919 (").
26 . Skizzen zur geschichtlichen Völkerkunde von Mittelasien und Sibi
rien , Ostasiatische Zeitschrift, 8. Jahrgang , Berlin , 1919-1920 , Verlag
Oesterheld und Co., p. 289-299.

27. Woher stammt der Name Kaukasus ? , Morgenland, Nº 1, Berlin ,


1922, Verlag Naher Orient, p. 3 -8.
28. Ein arabischer Bericht über d . arktischen (uralischen ) Länder aus
d. 10. Jahrhundert, Ungar. Jahrbücher , Berlin , IV , Heft 3-11, Dezember
1924 , p . 261-334 (?).
29. Np. aðina e Freitag ”, Festgabe J, Szinnyei, Ungar. Bibliothek ,
Nº 13 , Berlin , 1927, p. 57 -89.

30. Skizzen z . historischen Topographie und Geschichte von Kaukasien .


Das Itinerar von Artaxata nach Armastica auf d. römischen Weltkarte.
Handes Amsorya , 1927, Nº 11, col. 825 -866 (également comme tirage
à part, Vienne , 1928 , in -16 , 66 pages ).

(1) Traduction abrégée de Marie Basmadjian , L 'origine et la reconstitution


de la nation arménienne , Paris, 1919, in-8°, 36 pages.
(2) A partir de cette publication , le professeur Marquart a changé l'ortho
graphe de son nom en Markwart.
320 OCTOBRE -DÉCEMBRE 1930 .
31. Le berceau des Arméniens, Revue des Études arméniennes , Paris,
1928 , t. VIII, fasc. 2 , p . 210- 245.
32. Kultur - und sprachgeschichtliche Analekten , Ungarische Jahrbücher,
IX /1, April 1929, p. 68-103.
1. Die Namen der Wochentage bei den kaukasischen und den Wolga
Völkern (68-79 ).
2 . Das Alter des bulgarischen Wandels des alttürkischen $ > r (79-81).
3. Historische Zeugnisse für anlautendes alttürk . ď > j (81-88 ).
4 . Chronologische Data für d . bulgarisch -türkischen - Rhotazismus» (88 -95).
5. Geographische Namen als Appellativa (96-100 ).
Anhang 1 . Tien -tze.
Anhang 2. Čol.
33. [ - und BAUER .) Vebersetzung aus Moses Kalankajivac'i und d.
armenischen Chronik vom Jahre 6861687 bis zum Ende der Kaiserliste ,
dans Hippolytus, Werke, Bd IV, Leipzig , Hinrichs, 1929, p. 393-558.

34. Woher stammt der Name Kaukasus? Caucasica, fasc. 6 , 1. Teil ,


1930, p. 25-69(").
35 , Die Genealogie der Bagratiden und das Zeitalter der Mar Abas und
Ps. Moses Xorenac'i, Caucasica , fasc. 6 , 2. Teil, 1930, p. 10-77 (écrit
en 1927 , cf. ibid ., p. 10 ).
36 . Südarmenien und die Tigrisquellen nach griechischen und arabis
chen Geographen , Vienne, 1930, Mechitaristen -Buchdruckerei, 16°,
125 pages (Einleitung) + 648 pages ( édition posthume)( ).
Annexes, p. 453-554.
1. D . Fürsten von Südarmenien im Jahre g40 n . Chr.
2. Stammtafel d . Fürsten v . Taraun und Mokk'.
3. Stammtafel d. Gaḥbāfiden .
4 . Stammtafel d. Kajsikk' von Manazkert.
5 . Stammtafel d . Fürsten v. Waspurakan und d . Herren von Anzavac'ik '
aus d . Hause d . Arcrunier.
6 . Die Herkunft d. Fürsten v . Sasunk' im 11. und 12. Jahrhundert.

(1) Édition revue et complétée du n° 97 .


(2) Edition complétée des nºs 20 et 24 .
CHRONIQUE ET NOTES BIBLIOGRAPHIQUES. 321
7. Die lacóvia .
8 . Oủadapoexounohis .

37. Der Erste Kapitelder Gāthā uštavali (Jasna 43), édition posthume
de J. Messina, Rome, 1930 , in -4°, 8 + v + 80 pages. Publié comme
nº 50 de la série Orientalia du Pontificio Istituto Biblico.
38. Die Bekehrung Iberiens und bie beiden ältesten Dokumente der
iberischen Kirche, Caucasica , fasc. 7, 1931, p. 111-167 ( terminé le
13 juin 1928 )
39. Historische Data z. Chronologie d. Vokalgesetze im Armenischen ,
Caucasica , fasc. 7, 1931, p. 10-27 " ).
40. Iberer und Hyrcanier, à paraître dans Caucasica , fasc. 8 , 1931.
Voir également : Amedroz , Notes on two articles on Mayyafāriqin ,
J. R.A .S., 1909, p. 170- 176 (traduction d'une lettre personnelle de
Marquart concernant les dynasties des Kaisik , Rawwādi et Sallārī) et
Herzfeld , Am Tor von Asien , Berlin , 1920 , p. 39, 155 , 180 (citations
de lettres personnelles de Marquart concernant le moyen -persan ).
Ouvrages annoncés mais qui n'ont pas vu le jour :
a. Geschichte und historische Ethnographie des Daghestan (cf. Erān
šahr, p. 95 , . 1).
6. Wehrõt und Arang ( cf. Über d . Volkstum d . Komanen , p. 38, n .6 ).
De ce travail, 165 pages ont été imprimées par la maison Brill (Leide) ,
notamment les chapitres :
1. Ochos = Wabu (Weh ) als Flussname.
2. Osos und Weh-röt.
3 . Oxus und Indus.
4 . Wehrot , Wanubi, Dāyitya und Ranha.
5 . Die Raňha.

c. A la colonne 983 du numéro 11 du Handes Amsorya, 1927, on


trouve une lettre de J. Markwart, où il annonce l'envoi de huit articles

(1) Édition revue du n° 14 . 1.


CCXVII.
IMNINERIR NATIONALE .
322 OCTOBRE -DÉCEMBRE 1930 .
et exprime l'intention de les faire paraître en volume avec une dédicace
en arménien signée de Hovsep Bdešxakan ( = Joseph Markwart). Les
articles inclus étaient:
1. Iberer und Hyrkanier, mit Anhang 1. : Li-Kap.
2 . Die Sigynnen , mit Anhang 3. : Die iranische Völkerliste des Plinius VI,
48 , und ihre Verwandten .
3. Kapuatadoúyx , der skytischen Name der Maiotis.
4. Armenische Streifen , mit Anhang : Über das Schiksal der Endvokale .
5. Was bedeutet der Name Kaukasus ?
6. Mytische und skytische Völkernamen .
7. Das Itinerar von Artacata nach Armazi-cʻiche (sic !) auf der römischen
Weltkarte.
8 . Die iberische Königsliste bis zum Ende des 4. Jahrhunderts.

D'après l'obligeante communication de M . P. N . Akinian ( Vienne ,


24 mai 1930), tout cet envoi (à l'exception du n° 7 = nº 30 de notre
liste ) a été ensuite repris par le professeur Markwart. Comme on peut
le voir, les nº 1, 3 , 4 , 5 et 7 de cette liste correspondent aux nºs 40 ,
11, 39 , 34 et 3o de la présente bibliographie. Les nº 2 , 6 et 8 restent
inédits .

d. Armenische Urgeschichte des Mar Abas ( écrit en 1905 ), cf. Cau


casica , VI/2 , p. 18.
e. M . J.Messina, dans sa nécrologie (voir plus bas ),mentionne parmi
l'héritage littéraire de Markwart : quelques articles prêts (einige fertige
Abhandlungen ), des matériaux, tels que des traductions des écrivains
arméniens anciens, et une traduction incomplète des Gāthās.

NÉCROLOGIES DE J. MARKWART.

H. H . Schäder, Ungarische Jahrbücher, X/1-2, avril 1930, p. 113


119 ;
A . Abeghian , Handes Amsorya , 1930, n° 1, p. 115-194; cf. ibid.,
p . 114 ( portrait );
J. Messina, en tête du n°37 (voir plus haut) , p. 1-7 (avec portrait
et indicationsbibliographiques ).
W . Barthold , Izvestiya Akademii Nauk , 1930 .
P, Pelliot, l’oung Pao , 1930, 27, nº 2-3 , p. 236 -237,
CHRONIQUE ET NOTES BIBLIOGRAPHIQUES. 323

COMPTES RENDUS DES TRAVAUX DE MARKWART .

Ad 1 a. P. Krumbholz , Rein. Mus. f. Philol., 1895 , 50 , p. 205-940.


9.M.G.,5 4. Pielehrte Anzeigen,J.RAS., 1897,
Ad 2. Hüsing , Z .D .M .G ., 54 , p . 124-129.
Ad 3. Wellhausen , Götting. Gelehrte Anzeigen , 1897, 8 , p. 606 -608;
Meinhold , Theol. Rundschau , 1897, 1, p . 69-71; J.R .A.S., 1897, p . 672;
J. Halévy, Rev. sémit., 1897, 5 , p. 377 ; Siegfried , Deut. Litteraturz., 1898 ,
3 , p. 116 .
Ad 5 . Katanov, Izv. obšč. archeol., 14 , p. 698 ; Houtsma, Gött. Gel. Anz. ,
1899 , 51 , p. 384 -390 ; Winkler, Litt. Centralb., 1899 , 19, p . 662; Drouin ,
Rev.crit., 1899, 5 , p . 61-63.
Ad 6 . Rost, O .L .Z ., 1900 , 3 , p . 215-218 ; Justi , Berl. phil. Woch. , 1900,
p . 1074 -1077.
Ad 7. Justi, Berl. phil. Woch ., 1897, p. 1172-1177
Ad 8 . Chavannes , Journ . as. , 1901, série IX , t. 18 , p . 550-558 ( un
modèle de large et forte éruditionn); Schlegel, l’oung Pao, 1901, sér. II,
vol. 2 , p . 389-451; De Goeje , W .Z . K .M ., 1902 , XVI, p . 189-197; Bang ,
Keleti Szemle , 1902 , 3 , p. 230-241; Justi, Berl. phil. Woch., 1902, 22,
p . 1487 -1492 ; Hübschmann , Litt. Centralbl., 1909 , p . 317 ; Nõldeke ,
Z . D .M .G ., 1902, 56 , p . 497-536 (« glänzender Scharfsinn» ); Vetter, Theol.
Quartalsch., 1909, 84 , p . 162 ; S . Lévi, Rev. crit., 1902, 43 , p . 321;
Chabot, ibid., 43 , p. 363; Kētikian, Handés Amsorya , 1903, 16, p. 1105
408 ; Hommel, Byzan. Z ., 1907, 16 , p. 319- 321.
Ad 9 . M . Hartmann , D . Litt. Z., 1904 , p. 2104 -3108 ; Litteraturz.,
1904 , p. 1327 ; Helmolt , Allgem . Litt. Bl., 1904 , p. 108 ; Chavannes,
T’oung Pao, sér. II , vol. 5 , p. 214 -216 ; Gerland , Berl. phil. Woch., 1905 ,
25 , p . 927-930; J. Kulakovsky, Novyie domysly o proishož. imeni Rus', Uni
vers. Izv ., Kiev , 1908 , 46 , 6.
Ad 10. Chavannes , l’oung Pao , sér. II, vol. 6 , p . 512-515 ; Litteraturz.,
1906 , p . 1356 ; Justi, Berl. phil. Woch ., 1906 , 26 , p . 1058-1062; G . Mas
pero , Rev . crit., 1906 , 1, p. 24 ; Klauber, Allgem . Litt. Bl., 1908 , 17,
p . 173 ; Teuss , Jahresb. Fortsch . d . klass . Altert., 1909 , 142 , p. 7 -9 .

ADDENDA .

1. nav = ephraimisch 220 , Zeitschr. f. Alttestam . Wissensch ., 1888 ,


1, p. 151-155. (Cette note paraît être le premier travail publié de Mark
wart. ]

(1) Cette mise au point est exclusivement basée sur les données de l'Orien
lalische Bibliographie , jusqu'à l'année 1911 (dernière disponible ).
21
324 OCTOBRE -DÉCEMBRE 1930 .
16. Nachwort, dans A. Wirth , Aus orientalischen Chroniken , Frankfurt
a. M ., 1894.
8 a. Comptes rendus de Markwart des travaux suivants : Visser, De Grae
corum diis non referentibus speciem humanam , Leiden , 1900 , dans Intern .
Arch. f. Ethnogr ., 1901, 14 , p. 34 -40; de Jong , De Apuleio Isiacorum myste
riorum teste, Leiden , 1900 , ibid ., p. 133-137 ; Caland , Altind. Zauberritual,
ibid ., p. 243-246 ; W . Schmidt, Dre Sprache der Sakei, ibid ., 1909 , 15 ,
p . 68 -72.
: 86. The genealogies of Benjamin (Num ., xxvi, 38-40; 1 Chron ., m , 6 ;
vili, 1 ), dans Jewish Quart. Rev. , 1902 , 14 , p . 343-351.
9 a. Zur älteren Chronologie von Kasmir, dans Album Kern , Leiden ,
1903, in -4°, p . 341-348.
37 a. Das Naurõz, seine Geschichte und seine Bedeutung , dans J. J. Modi
Memorial Volume, Bombay, 1930 , p. 708-765.
Ad 40. Die Anfänge d. Christentums in Georgien , annoncé dans la Zeit
schr. f. Kircheng., 49 ( N. F. 12 ), 1930 , p. 98; paraît correspondre à notre
nº to.

P. S. Je tiens à remercier MM . Akinian , Benveniste , Deeters , v. Farkas ,


Hadank et Messina pour leurs aimables indications.

V. MINORSKY.
SOCIÉTÉ ASIATIQUE.

SÉANCE GÉNÉRALE DU 12 JUIN 1930.


La séance est ouverte à 3 heures, sous la présidence de M . Sylvain
Løvi, président.
Etaient présents :
M . Lévy et STCHOUPAK; Mes Cuisinier, Gallaud, Lalou; MM . Bas
MADJIAN, BÉRIDZÉ, BESSIÈRES, BOUVAT, A .- M . Boyer , Burot, CABATON ,
DELAPORTE, DURR, FADDEGON, FAVRE, FERRAND, Finot, Follet, GAUDEFROY
DEMOMBYNES , Graffin , GrenaRD , HANNIBAL , Kawasé, I. Lévy, LOURETTE ,
Mauss , Massignon , Meillet,MINORSKY,NAU,NIKITINE , Pelliot, PRZYLUSKI,
SAKISIAN , SIDERSKY, Vosy-BOURBON , VIROLLEAUD , WARE, Weill , membres ;
BenvenisTE , secrétaire.
Le procès-verbal de la séance du 13 juin 1929 est lu et adopté.
Le rapport de la Commission des Censeurs, n 'ayant pu être fait à
temps, sera lu à la séance de novembre .
Sont élus membres de la Société :
MM . Allen, présenté par MM . Lévi et BenvenisTE;
CHATIBAT , présenté par MM . Cohen et GAUDEFROY-DEMOMBYNES;
Sugimoto , présenté par MM . Pelliot et PrzyLUSKI ;
WINZER , présenté par MM . S . Lévi et GOLOUBEW .
M . Merllet faitune communication sur les archaïsmes indo-européens
en indo-iranien . Il montre que ces archaïsmes , dont plusieurs se
retrouvent en hittite , indiquent que les populations aryennes se sont
séparées à une date relativement haute du fonds indo- européen . A la
lumière de cette constatation et de plusieurs autres , les principaux pro
blèmes de la dialectologie indo-européenne devront être repris.
M . GAUDEFROY-DEMOMBYNES, au nom de M . Deny absent, résume les
trouvailles que celui-ci a faites dans les archives turques du Caire et
326 OCTOBRE-DÉCEMBRE 1930.
qu'il a consignées dans un récent volume intitulé :Sommaire des archives
turques du Caire .
M . GOLOudew étudie au point de vue artistique et archéologique les
figures des nagas de Sambor.
M . Cavagnac donne un bref aperçu de ses recherches sur différents
points d'histoire hitlite , à propos de sa publication des Annales du roi
Supiluliuma.
M . Mauss saisit la Société d'une proposition tendant à créer an sein
de la Société un organisme de qui relèveraient spécialement les ques
tions ethnologiques sur le domaine asiatique.
Le Président propose et fait adopter par la Société le principe du ré
tablissementdela souscription à vie dontles modalités sont: 1.600 francs
jusqu'à 35 ans; 1 .400 francs de 35 à 50 ans, et 1,200 francs à partir
de 50 ans. On peut s'acquitter en quatre annuités .
Il est procédé au dépouillement des votes concernant les membres
sortants. Par 35 voix contre une, ils sont réélus.
La séance est levée à 5 h . 30.
SOCIÉTÉ ASIATIQUE. 327

RAPPORT

DE LA COMMISSION DES CENSEURS


SUR LES COMPTES DE L 'ANNÉE 1929.

L'exercice 1929 se caractérise par deux chiffres exceptionnels :


Le montantde la cotisation : 47.187 fr. 80. Cette rentrée , de beau
coup supérieure à la normale , tient à ce que le nouveau trésorier, enfin
pourvu d'un service de comptabilité organisé , a reçu , avec les cotisations
de l'année courante , celles de 1926 , 1927 et 1928 qu'on n'avait pas
réclamées en leur temps. Nous devons l'en remercier, etaussi lesmembres
de la Société qui se sont acquittés avec bonne grâce. Mais il va de soi
que, pour l'avenir, on ne peutfaire fonds sur un pareil chiffre.
Le montant des frais d 'impression : 93.031 fr. 47. Cette dépense est
aussi exceptionnelle ; car le Journal Asiatique avait pris un retard consi
dérable . La publication a été remise à jour. D'autre part, la réimpression
d'un volume nécessaire pour compléter une collection a exigé une forte
somme. Les dépenses sont donc hors de la normale, comme les recettes.
Mais les frais d'impression ne cessent de monter; et d 'autre part, on ne
peut considérer comme une probabilité à nepas renouveler, des dépenses
pour impression d 'ouvrages .
De ces deux faits , il résulte que le reliquat d'exercice est seulement
de 9.684 fr. 14. Encore ce reliquat comprend-il 2.462 fr. 91 provenant
d'un remboursement de titres , et quelques cotisations perpétuelles ; il y
a là de quoi faciliter la trésorerie , non de quoi fournir à des dépenses.
On doit considérer que l'exercice 1930 ne reçoit à peu près rien de
l'exercice précédent.
Il importe donc que le bureau cherchedes ressources complémentaires.
Sinon , il n'y aurait d'autre recours que de restreindre l'activité de
notre Société , à laquelle le nouveau bureau a donné une si forte impul
sion. Il faut espérer que ce malheur sera évité.
328 OCTOBRE-DÉCEMBRE 1930.
Il a été procédé à un inventaire des titres de la Société , et tout le
portefeuille a été pointé , d'accord avec la Société Générale , au 21 dé
cembre 1929.
Le legs Senarta été placé ,en rentes 4 p. 0% 1925 pourla plus grande
partie.
Les comptes sont en règle ; la situation financière de la Société est
claire.
Nous vous proposons donc, sous le bénéfice des observations pré
sentées , d'approuver les comptes de la Société pour 1929.
A . MBILLET. R . DUSSAUD.
SOCIÉTÉ ASIATIQUË. 329

COMPTES DE L'ANNÉE 1929.

DÉPENSES.

Mémoires de l'Imprimerie nationale, 1929... ........ 71.014 16


Dépenses Librairie P. Geuthner, 1929 .. . .. 12.806 go
Frais généraux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 91.744 92
TOTAL . . . . . 105.565 28

RECETTES.

Encaissements coupons sur titres. . . . . . 24.011' 78


Remboursement d'obligations .. .. . 2.462 91
Subventions .. . . .. . .. ... . .. . . .. . 5 .700 00
Cotisations . . . 47.187 80
Ventes P. Geuthner .. . . .. . . .. . . 35.030 00
Intérêts et agios .. . . 856 93

TOTAL. . . . . . . 115.249 42

VU ET APPROUVÉ :
au nom de la Commission des fonds,
GAUDEFROY-DEMOMBYNES.
330 OCTOBRE-DÉCEMBRE 1930.

BILAN AU 31 DÉCEMBRE 1929.

DOJT.
Espèces en banque . . . .. 236 .151 '34
Espèces en caisse . . . . . . . 4 .813 ho
Portefeuillo titres.. . . ... . 566.042 06
Débiteurs divers . . . . . . . 28.688 g
Librairie P. Geothner . . .. .. . . . . .. . .. 26 .330 03
TOTAL . 856 .925 74

AVOIR .

Capital . . . . . . . . . . . . 566.042 '06


Legs M . Senart. . . . . . . 151.078 35
Imprimerie nationale . . . .
Divers . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
89.831 46
6 75
Résultats Exercice 1929 . .
Résultats antérieurs . . . . . .
. .... 9.684 14
40.282 98
49.967 19
TOTAL . . . . . . . 856.925 78
SOCIÉTÉ ASIATIQUE. 331

PROJET DE BUDGET POUR L'ANNÉE 1931.

DÉPENSES.
Honoraires du bibliothécaire... .. . 2400' 00
Secrétariat et bibliothèque. . .. . . 3.317 65
Contributions .. . . . . 476 801
Assurance contre l'incendie . . .. . . . 155 653 632 35
Réserve statutaire.... . . . . . . 1.400 00
Frais d'impression du Journal asiatique... .
Indemnité au rédacteur. . . . . . . . . . .
56.500 00
1.800 00
Honoraires des auteurs... . .. . . .. . . .. . . 1.500 00
Sociélé generale (droits de garde, timbras , etc.)... 150 00
Honoraires des agents comptables . . 2.700 00

Total des dépenses... .. .. 70.200 00

RECBTTX8 .
Cotisations,. . , . . . , 13.500' 00
Abonnements et vente des publications de la Société 26.500 00
lotérêts dos fonds placós. . . . . . . . . . . . . . . . . .. 25 .000 00
Souscription du Ministère de l'Instruction publique. . . . . 2.000 00
Crédit de l'Imprimerie nationale.. . . 3.200 00
Total des recetlos . . . . .. . 70, 200 00
332 OCTOBRÉ -DÉCEMBRE 1930.

RAPPORT SUR LA BIBLIOTHÈQUE POUR L'ANNÉE 1929- 1930 .


La Société a pris possession , en octobre dernier, du legs de son
regretté président, M . Émile Senart. Les ouvrages qui le composent ont
été déposés provisoirement rue de Lille , 4 ; dès que les circonstances le
permettront, ils seront installés dans notre salle des séances et catalo
gués . La famille GÉRARD nous a donné un nouveau témoignage de son
intérêt en prenant entièrement à sa charge les honoraires de M . GUÉRI
Not, chargé par la Société , d'accord avec la famille, de faire le tri des
ouvrages qui devaientnous revenir ; ce travail, long et minutieux , a pris
plusieurs mois.
En dehors du legs Senart, la Société a reçu , à titre de don ou
d'échange, environ 150 volumes et 70 plaquettes , plus 68 impressions
siamoises du Royal Institute of Literature, Archaeology and Fine Arts
deBangkok et 10 ouvrages chinois donnés par l'Institut de sinologie de
l'Université de Lyon ; M . Vosy-Bourbon a bien voulu se charger de cata
loguer ces derniers. Parmi les nouvelles entrées , les ouvrages d'art et
d'archéologie tiennent une place importante : nous citerons les derniers
volumes d ’Ars Asiatica , les publications de MM . BALTRUŠAITIS , BLOCHET,
SAKISIAN , STCHOUKINE , etc. L'échange avec la revue The Man in India a
été décidé. La Société a complété sa collection des Mémoires et du Bulle
tin de la Société de linguistique; les volumes manquants ont été acquis
au prix de faveur consenti à ses membres par la Société de linguistique.
Une sommede 300 francs a été versée comme suite à une souscription
d'avant-guerre.
Le transport des livres de M . Senart a coûté , au total, 439 fr .50. La
Société a acquis de M . G . Roustan , éditeur, les étagères et casiers qu'il
avait fait installer dans nos nouveaux locaux de la rue de Lille , le tout
pour une somme de 3.300 francs , bien inférieure à leur valeur réelle .

Le Bibliothécaire :
Lucien Bouvat.
Vu :
Gabriel FERRAND.
SOCIÉTÉ ASIATIQUE. 333

Fondation De GORJE EN 1930.


Communication.

1 . Le bureau de la fondation n 'a pas subi de modifications depuis le


mois de novembre 1928, et est ainsi composé : C . Snouck Hurgronje
(président), M . Th. Houtsma, Tj. De Boer, J. J. Salverda de Grave et
C. Van Vollenhoven (secrétaire-trésorier ).
2 . Depuis quelques mois le bureau s'occupe de la publication éven
tuelle de deux travaux dans le domaine de la littérature arabe.

3. Des huit publications de la fondation il reste un certain nombre


d 'exemplaires, qui sont mis en vente au profit de la fondation, chez
l'éditeur E. J. Brill, aux prix marqués : 1. Reproduction photogra
phique du manuscrit de Leyde de la Hamásah de al-Buậturf (1909 ),
fl. 96 ; 2. Kitab al-Fåkhir de al-MUFADDAL , éd . C. A. Storey (1915 ),f.6 ;
3. Streitschrift des Gazáli gegen die Bâținijja- Sekte , par I. Goldziher
(1916 ) , fl. 4 ,50 ; 4. BAR HEBRA EUS 's Book of the Dove, éd . A. J. Wen
sinck (1919 ), fl. 4 ,50 ; 5 . De Opkomst van het Zaidietische Imamaat in
Yemen , par C. Van Arendonk (1919 ), fl. 6 ; 6 . Die Richtungen der Isla
mischen Koranauslegung, par I. Goldziher (1920 ), fl. 10 ; 7 . Die Epi
tome der Metaphysik des Averroes, übersetzt und mit einer Einleitung
und Erläuterungen versehen, par S. Van den Bergh (1924 ), fl. 7,50 ;
8 . Les « Livres des chevaux ,, par G . Levi della Vida (1928), fl. 5,
COMPTES RENDUS.

Walter Eugene Clark, The ARYABHAȚĪya or ĀRYABHAȚA, an ancient Indian


work on mathematics and astronomy, translated with notes. - Chicago
(Illinois), The University of Chicago press , 1930 ; in- 12 , 90 pages.
Hendrik Kern, l'illustre indianiste de Leyde, a publié en 1874 le
texte de l'Aryabhatīya. Rodet en traduisit en 1879 la section mathéma
tique dans le Journal asiatique , dont Kaye fil une nouvelle traduction en
1908 dans le Journal of the asiatic Society of Bengal. M . G . en donne
dans ce petit volume la traduction intégrale, soigneusement annotée. Le
savant professeur de sanskrit à l'Université de Harvard a naturellement
utilisé tous les travaux parus depuis cioquante ans (cf. liste des abré
viations, p . XXVII- XXIX ) , à l'exception de la traduction de l'Aryabhatiya
de Prabodh Chandra Sengupta , qu 'il n 'a pas pu se procurer à temps
pour la mettre à profit. De l'aveu même de l'auteur ( p. vii) , la présente
traduction n 'est que provisoire : the present translation , with its brief
notes , makes no pretense at completeness. It is a preliminary study
based on inadequate material. Of several passages no translation has
been given or only a tentative translation has been suggested . A year's
work in India with unpublished manuscript material and the help of
compelent pundits would be required for the production of an adequate
translation . . . .. Telle qu'elle est, cette traduction sera utile , car elle
attirera l'attention des indianistes sur les problèmes que soulève ce texte
( p. vn ).
D 'après un passage de l'Aryabhatiya ( p. 54 ), ce texte aurait été
rédigé en 499 de notre ère. C 'est ainsi l'un des plus anciens textes ma
thématiques et astronomiques sanskrits. Ce serait même le plus ancien ,
si nous pouvions dater exactement les Sürya-, Paulisa-, Romaka- et Vāsi
sthasiddānta .
L'ouvre d'Aryabhața a été connue des Arabes, mais je crains bien
que le nom seul du mathématicien hindou leur soit parvenu , et qu'ils
n'aient pas possédé l'Āryabhațiya. Bīrūni le cite dans son Histoire
( cf, Alberuni's India , éd , el trad. Sachau ), Abū’l-ķāsim Sā'id bin Ahmad
336 OCTOBRE -DÉCEMBRE 1930 .
bin Sā'id l'Espagnol en fait égalementmention dans son Tabakāt al-umam
Ples catégories des peuples» ( éd . Cheikho , Beyrouth , 1912 , in -8°).
Celui-là écrit paſ le nom de l'astronome bindou , en rendant le bh
du sanskrit; celui-ci aj!, leçon fautive pour majl Arjbar ; l'une et
l'autre transcription représenlant assez fidèlement l'Aryabhața sanskrit.
Le texte des Tabaķāt al-umam dit d'abord que les doctrines astrono
miques de l'Inde sont bien connues , mais ajoute : Il ne nous est par
venu une connaissance précise quene dela
f u i ence d' duaprèsindhind
stdoctrine R a m inta
s les ang=essiddhānta
( cf.mon article sur Les grands rois du monde, dans Mélanges Rapson
actuellement sous presse) . J'ai l'impression , d'après les passages que
j'ai rencontrés dans les textes, que l' existence d’Aryabhața a été révélée
aux Arabes , mais que son traité ne fut pas traduit et leur est par con
séquent resté inaccessible. En fait, les transcriptions at et al
représentent le nom de l'auteur, et non celui de son œuvre, l'Āryabha
tiya.
La traduction de M . C . sera utile aux indianistes , aux arabisants et
aux mathématiciens et astronomes non orientalistes. Elle sc termine par
un double index : index général et index sanskrit. On ne peut que lui
en savoir gré.
Gabriel FERRAND.

Mm. R. L . DevonSHIRE , EIGHTY MOSQUES AND OTHER ISLAMIC MONUMENTS IN


CAIRO. – Paris , Maisonneuve frères , 1930 ; in -12 , 64 pages , 8 planches
et un plan indiquant la situation des monuments du Caire.
Mme D . avait publié en français un guide du Caire à l'occasion du
Congrès international de géographie qui eut lieu en mars 1925 dans
cette ville. La présente brochure en est une édition anglaise revue et
augmentée. Ce nouveau guide prévoit des tournées touristiques pen
dant un séjour d'un jour, de deux jours, trois jours et quatre jours.
Elles ont été établies avec soin par l'auteur, qui connaît admirablement
la capitale d 'Égypte et s'attache à la faire visiter intelligemmentăpar les
touristes qui n'y font qu'un court séjour. Sur chaque monument sont
donnés les renseignements indispensables. Un index des noms propres
cités, une bibliographie des ouvrages en anglais sur l'Égypte et le Caire ,
enfin et surtout l'excellent plan indiquant la situation des monuments
rendent ce guide très pratique, et c'est le plus bel éloge qu'on en puisse
faire .
Gabriel Ferrand.
COMPTES RENDUS. 337
Giuseppe GABRIELI, MANOSCRITI E CARTE ORIENTALI NELLE BIBLIOTECHE E NEGLI
ARCHIVI D'ITALIA ; dati statistici e bibliographici delle collezioni, loro storia
e catalogazione. – Florence , Leo S . Olschki; 1930 ; petit in -4°, 89 pages ,
avec 4 fac-similés.
La Biblioteca di bibliographia italiana deCarlo Frati publie des sup
pléments périodiques à la Bibliofilia de Leo S. Olschki, dont le présent
livre est le dixième. Les noms des villes italiennes, métropolitaines et
coloniales, qui possèdent des manuscrits orientaux dans leurs biblio
thèques, sont rangés par lettres alphabétiques. Un index des langues
dans lesquelles sont rédigés lesmanuscrits , avec renvoi à la ville où ils
se trouvent, permet de s'y retrouver aisément.
Les manuscrits et documents orientaux dont il s'agit sont les sui
vants :
Manuscrits africains en langues chamitiques (3 );
Manuscrits arabes : 547 à la bibliothèque universitaire de Bologne ,
311 à la Laurentienne de Florence, 118 à la Magliabechiana et à la
Nationale , 25 à la bibliothèque universitaire de la Faculté des Lettres
de la même ville ; environ 400 + 1.790 à l'Ambrosienne de Milan , 16 à
la Trivulziana de la même ville ; 23 à l’Estense de Modène; 103 à la
Nationale et 20 à l'Institut oriental de Naples ; 29 à la Nationale de
Palerme; 40 à la Palatine de Parme; 10 au Museo Civico de Pavie;
16 à l'Angelica , 57 + 4 à la Casanatense , 18 à l'Institut biblique ,
162 aux Lincei , 1.628 à la Vaticane, 38 à la Vittorio Emanuele de
Rome, 36 à la Nationale universitaire, 41 à la bibliothèque du Roi, 8 à
l'Académie des sciences de Turin ; environ 100 à la Kutub -khaneh al
awķāf de Tripoli; 77 + 23 mixtes à la Marciana de Venise , et quelques
autres en petit nombre dans d 'autres bibliothèques ;
54 et quelques autres diplômes arabes à Florence (46), Gènes, Mo
dène, Pise, Palerme(?) , Tripoli (?) et Venise (?).
Manuscrits arméniens : plus de 2.000 à Venise chez les Mekhita
ristes , 136 à la Vaticane, 24 à la Casanatense de Rome, 10 à l'Am
brosienne de Milan , 10 à la Nationale de Naples ;
Manuscrits chinois et japonais : environ 70 à la Vaticane;
Manuscrits coptes : à Florence, Milan , Naples, Rome, en tout près
de 300 ;
Manuscrits hébreux : à la bibliothèque universitaire de Bologne (27) ,
à la Nationale de Florence (35 ), à la Laurentienne de la même ville
(200 ), à la communauté israélite de Mantoue ( 84 ou 170 ? sic ), à
l'Ambrosienne ( 901), à l'Estense de Modène (50), à Naples (12), à la
Palatine de Parme (1765 ), à la Casanatense (231), à l'Angelica (64),
CCXVII . 22
INRINERIR NATIONALE .
338 OCTOBRE-DÉCEMBRE 1930.
à la Vaticane de Rome (747) ; à la Capitulaire de Vérone (15 ) et dans
quelques autres bibliothèques ;
Papyri égyptiens ( hiéroglyphiques , hiératiques et démotiques ): une
dizaine environ ;
Manuscrits éthiopiens ; 35 au musée de la mission catholique de
Cheren ; 265 à la Vaticane, 20 à la Société de géographie de Rome et
quelques autres (il s'agit de manuscrits en gees et en amharique);
Manuscrits géorgiens : 34, dont 15 à la Vaticano et 15 à Torre del
Greco :
Manuscrits indiens (tamuls , mais surtout sanskrits ) : 87 à l'Institut
des Études supérieures, 416 + 389 à la Nationale Centrale de Flo
rence; 110 à la Vaticane, 15 à la Vittorio Emanuele de Roma et quel
ques autres;
Manuscrits indochinois (manuscrits du Tonkin ) : 93 à la Vaticane;
Manuscrits malais . Javanais etmadurais :6 à la bibliothèque univer
sitaire (Faculté des Lettres) de Florence ;
Manuscrits mexicaine : à Bologne, Florence et Rome (Vaticane);
Manuscrits persons : 54 à Bologne, 44 à la Laurentionne de Florence ;
48 aux Lincei, 138 à la Vaticane de Rome, 27 + 10 mixtes à Venise ,
13 à Turin ;
Manuscrits samaritains : 6 à Rome;
Manuscrits syriaques : 45 à Gênes, 689 à la Vaticane et quelques
autres ;
Manuscrits turks : 193 à Bologne , 51 de la Laurentienne de Flo
rence , 98 à Gênes , 13 à Naples ; 16 à la Casagatense , 19 aux Lingei ,
20 à la Nationale , 239 à la Vaticane de Rome; 29 à Turin ; 38 +
18 mixles (dont 1 en djagatai) à la Marciana de Venise.
D 'autres manuserits orientauxsont indiqués en appendice (p. 71- 76 ).
En appendice également figurent d'autres manuscrits georgiens (p. 87
89 ).
Pour beaucoup d 'entre nous, ce catalogue sera une révélation , et op
ne peut que savoir gré à M , G . de l'avoir rédigé,
Gabriel FARRAND

Ludwig FEKETB. - BinPÜHRUNG IN DIE OSMANISCHTÜRKISCHE DIPLOMATIK DER


TÜRKISCHEN BOTMÄSSIGKEIT IN UNGARN ( Introduction à l'étude de la Diplo,
matique ottomane durant la domination turque en Hongrie ), [ Publications
des Archives royales hongroises sous la direction du docteur Desiderius
COMPTES RENDUS. 389
Csánki; imprimé à l'imprimerie de l'Université royale hongroise à l'occasion
de son 350° anniversaire : 1577-1927 ). Budapest, 1926 ; in-folio , xvid
35 pages avec 16 planches de fac-similés.
Si les archives officielles avaient été conservées plus scrupuleusement
par les Turcs et leurs anciens sujets qu vassaux , si elles n'avaient pas
souffert des incendies et des injures du temps comme aussi de l'incurie
et même de la malveillance, on y aurait trouvé matière à refondre
l'histoire de la Turquie. Du moins est-il indispensable de publier ou
exploiter ce qui en reste dans ce pays et ailleurs, et il en reste malgré
tout suffisamment pour que cette tâche soit encore considérable. Il
faudra cortes plus d'une génération pour la mener à bien , mais il est
réconfortant de songer qu'elle a été commencée et qu'elle est continuée
dans de bonnes conditions, grâce à des travaux de plus en plus nom
breux en Allemagne et en Hongrie. L 'impulsion , et c'est l'un des rares
avantages de la récente (?) conflagration mondiale , a été donnée surtout
par la Grande Guerre. Le raid audacieux de deux cuirassés à Constan
tinople , au terminus de cette voie ferrée que la défaite de la Serbie et
l'entrée en lice de la Bulgarie devaient bientôt dégager, a ouvert la Turquie
non seulement à l'emprise militaire , mais aussi à la pénétration scien
tifique de l'Europe centrale. Le fait que Constantinople a servi pendant
plusieurs années de soupape à la pression exercée par les Alliés sur les
pays du Mittel-Europa a créé un appel d'air si puissant vers l'Est, que
malgré le recul du germanisme et l'avènement du kémalisme, ouverte
ment hostile à une alliance offensive avec ces pays, les effets de cette
solidarité de guerre se font encore sentir. On sait que l'Université turque
a été organisée pendant la guerre par des professeurs allemands. L'orien
talisme germanique a pris en même temps une forte teinte de turcologie ,
si l'on peut dire : les sémitisants (arabisants ), poussés soit par un inté
rêt national, soit par le désir de profiter de facilités jusque là inconnues ,
s'engagèrent de plus en plus délibérément sur un domaine nouveau ,
celui des langues turco-tartares. Ils n'hésitaient pas à consacrer ainsi,
entre deux disciplines différentes, l'arabe et la turque, un cumul qui
n 'est certes pas appelé à se perpétuer utilement dans l'avenir , mais que
l'état pen avancé des études turques pouvait, plus encore que la com
munauté de civilisation musulmane, justifier.
Pour les Hongrois, ce rapprochement avec les Turcs a pris une véri
table valeur sentimentale , qui chez les plus ardents s'inspire d'un atou
ranisme, plus ou moins vague, mais que les modérés expliquent non
sans raison , par un voisinage plusieurs fois renouvelé des deux peuples.
Aussipeut-on lire ces lignes dansl'avant-propos que M . Desiderius Csánki,
22 .
340 OCTOBRE -DÉCEMBRE 1930.
directeur général des archives d'État de Hongrie, a écrit pour l'ouvrage
de M . Fekete :
Les peuples turcs (Bulgares, Khazars, Petchenègues, Comans,
Osmanlis, etc.) ont exercé sur la vie de la nation hongroise une influence
décisive qu'on ne saurait vraiment comparer qu'à celle du christianisme,
et dans une mesure moindre à celle du germanisme. .. Dans la cruelle
lutte séculaire que leur imposait la mission ingrate de défendre l'Ouest
contre les Turcs , les Hongrois ont perdu beaucoup de leur force morale
et matérielle ().,
A ces raisons, il en faut joindre une fort importante , c'est que la
Hongrie a fait elle-même , à un moment donné, partie de l'Empire otto
man. Les Hongrois ontdonc conservé dans leur pays des archives admi.
nistratives turques , et en les étudiant aujourd'hui, ils apportent une
contribution ulile à leur propre histoire.
L 'avant-propos déjà cité nous donne sur les publications hongroises
de documents turcs des renseignements bibliographiques que nous ne
croyons pas inutiles de reproduire ici, lout en complétantcertaines indi
cations de titres et de dates principalement d'après Walther Björkmann ,
Ofen zur Türkenzeit, vornehmlich nach türkischen Quellen , Hamburg ,
1920, gr. in -8°, 78 pages (Hamburgische Universität, Abhandlungen
aus dem Gebiet der Auslandskunde : Fortsetzung der Abhandlungen des
Hamburgischen Kolunialinstituts, Band 3; Reihe B , Völkerkunde , Kul
turgeschichte und Sprachen , Band 2).
Peu après l'achèvement de la 2° édition de l'Histoire ottomane de
Hammer (1834 -1836 ; la 15e édition est de 1827-1833), Antoine (An
tal) Gévay, archiviste privé de la Maison impériale et royale de la Cour,
juge (Stublrichter ) au comital de Györ, publia les ouvrages suivants :
Az 1625 -diki május' 26 - dikán költ gyarmati békekötés' czikkelyei,
deákúl, magyarul és törökúl (les clauses du traité de paix conclu à Gyar
mat le 26 mai 1625 , en latin , hongrois et turc), Vienne, 1837.
(1) Sur la sympathie qui se serait maintenue entre les deux peuples malgré
les haines de religion , voir Robert Gragger, Türkisch-ungarische Kulturbezie
hungen , p . 2 , dans Literaturdenkmäler aus Ungarns Türkenzeit, nach Hands
schriften in Oxford und Wien bearbeitet von Franz Babinger, Robert Gragger,
Eugen Mittwoch und J.-H.Mordtmann , Berlin et Leipzig , 1927, in -8°, 231pages
(Ungarische Bibliothek herausgegeben von Ungarischen Institut an der Uni
versität, Berlin , Erste Reihe, n° 14 ). — Nolons en passant qu'il existe un
ouvrage français sur la question : Albert LeFaivre, Les Magyars pendant la
domination ottomane en Hongrie (1526 -1722), Paris, 1902 , 9 vol. in -8°.
COMPTES RENDUS. 341
Az 1627 -dik évi september 13-dikán költ szönyi békekötés' czikke
lyei, etc. (les clauses du traité de paix conclu à Szöny le 13 sep
tembre 1627, etc. ), mêmes lieu et date.
Urkunden und Aktenstücke zwischen Österreich , Ungarn und der Pforte
im 16 . und 17. Jahrhundert, l-II , Vienne , 1838-1842 (inachevé).
Le plan et l'@ uvre de Gévay furent repris, après une préparation
d'une quinzaine d 'années, en 1863, par la collection - Török Magyar
kori Történelmi Emlékek , kiadja a Magyar Tudományos Akadémia törté
nelmi bizottmánya (Monuments historiques de la période turco-hongroise ,
publiés par la section historique de l'Académie hongroise de Sciences).
La première partie (Első osztály ) de cette collection , intitulée okmánytár
(documents) , comprend neuf volumes parus entre les années 1863 et
1872, où l'on trouve les documents traduits par Aaron (Aron ) Szilády
(ou Alexandre Szilágyi), pasteur à Halas. Les deux premiers volumes
(Budapest , 1863) sont intitulés : Okmánytár a hódoltság történet éhez
Magyarországon . Nagy -Kőrös , Cegléd , Dömsöd, Szeged , Halas levéltá
raiból (Recueil de documents pour l'histoire de la région de la Hongrie
occupée . Archives de Nagy-Kőrös, . . . et Halas ). Le dernier volume est
intitulé A defterekről(Extraits des Defters), Budapest, 1872 ( ).
Indépendamment de cette collection , la même Académie a publié en
turc ou en hongrois , des registres ( defter ) importants pour l'histoirede
l'administration financière et douanière de la Turquie : Magyarországi
török kincstári defterek , kiadja a M . Tud . Akadémiai történelmibizottsága,
fordította Dr. Lászlófalvi Velics Antal, bevezetéssel ellátta és sajtó alá ren
dezte Kammerer Ernő (Registre du fisc turc en Hongrie publié par la
Section historique de l'Académie hongroise des Sciences, traduit par le
D ' Antoine Velics de Lászlófalú , accompagné d 'une préface et mis en
en ordre pour l'impression par ErnestKammerer ). Tome 1" , 1543-1635 ,
Budapest, 1886 ; tome II : 1540- 1639, Budapest , 1890.
(1) On publia plus tard ( Budapest, 1893 à 1916) , en cinq volumes , la
deuxième partie de cette collection , intitulée Irók ( Auteurs» , qui contient
les traductions des extraits d'historiens turcs se rapportant à la Hongrie , tra
ductions dues d'abord à Joseph Thúry, professeur au gymnase de Nagy-Körös ,
puis à Emerich (Imre ) Karácson , prêtre catholique. Seize historiens turcs ont
été utilisés ainsi : Nešri, Tursun , Sa'd -ed-din , Kemālpašazāde, Rūznāme de
Soliman, Lutfi paša , Ferdi, Jelālzāde Mustafa , Sinān Čauš, K 'ātib Mehemed ,
Quči bey, Evliya Çelebi, Ibrāhīm Pečevi , K'ātib Celebi , Na'imā. Le tome III
parut après la mort de Karácson en 1916 , vu et 446 pages ; il concerne les
années 1566 à 1659 (préface de Szekfű ). - Sur Karácson , voir la note sui
vante .
342 OCTOBRE- DÉCEMBRE 1930.
C'est encore l'Académie des Sciences qui a fait paraître les documents
sur Rákóczi recueillis par Karácson sous le titre A Rákóczi-emigráció
török ir atai, 1911.
Gabriel(Gabor ) Bálint, d'abord employé des douanes turques à la
frontière persane, puis professeur de langues ouralo- altaïques à Kolos
zvár, a fait paraître également des documents turcs (Budapest ,
1875 ).
On doit enfin à la St. Stephangesellschaft, entre autres publications,
le recueil de Karácson (1) intitulé Török-magyar Oklevéltár 1633-1789.
A konstantinápoli levéltárákban gyüjtötte és magyarra fordította néhai
Karácson Imre. A magyar kir. ministerelnökség megbizósábol szerkesztet
ték Thallóczy, L., Krcsmárik J., Szekfű Gy. (Recueil de documents
turco-hongrois 1533-1789. Recueillis dans les archives de Constanti
nople et traduits en hongrois par feu Emeric Karácson. Rédigé par
L . Thallóczy , J. Krcsmárik et Gy. Szekfű , sur ordre de la présidence
du Conseil des Ministres royaux), Budapest, 1914 , 416 pages.
Cette liste est incomplète , ajoute M . Csánki, mais suffit pour montrer
comment, « poussés par une ardeur active , un véritable sentiment du
devoir , les différents milieux intellectuels de la Hongrie ont réalisé ,mal
gré l'absence d'une direction , un grand effort de volonté pour s'orga
niser en vue d'un travail fructueux dans ce domaine assez étranger aux
préoccupations du grand public s.
M . Csánki fait remarquer qu'il lui serait d'ailleurs impossible d'épu
murer les nombreuses contributions à ces études , disséminées dans les
revues spéciales.
Cette observation ne peut s'appliquer qu'à la période postérieure à la
déclaration de la Grande Guerre (M . Fekete écrit , p . ix , 0 . 1, qu'avant
la guerre, on ne disposait que des articles de C . Truhelka et G . Jacob ).
Cependant, si l'on consulte la bibliographie de guerre et d'après-guerre
(1) Voir une notice nécrologique de Karácson par Neğib 'Aşim , dans la
Revue historique turque, I , p . 516 -520, et une autre par nous dans le Jour
nal Asiatique de juillet-août 1911, p. 183-186 . Nous trouvons dans la préface
de M . Fekete quelques détails que nous ignorions : Karácson serait mort (le
2 mai 1911) d'un empoisonnement du sang occasionné par le maniement des
archives turques en décomposition . Son carnet de notes ( Tagebuch ) est con
servé au Musée National hongrois. Il y serait question des # chicanesn de
toutes sorles que suscitèrent d'abord les bureaucrates turcs d'alors et certains
particuliers. M . Fekete ajoute que le mérite scientifique de Karácson réside
non seulement dans ses publications, mais aussi dans l'intérêt qu'il a réussi à
susciter chez les Turcs pour leurs archives.
COMPTES RENDUS. 343
de M . Jules Moravcsik (Ungarische Bibliographie der Turkologie und der
orientalischen Beziehungen 1914-1925 , in Körösi Csoma-Archiv du 31
décembre 1986), que nous n'avons nulle raison de croire incomplète ,
on constate que la liste des études consacrées aux documents d'archives
turcs n 'est pas d 'une longueur démesurée.
Voici celles que nous extrayons de cette bibliographie (p. 227 à 230) ,
on y comprenant les articles où il s'agit de documents rédigés en hon
grois :
Fekete L . (l'auteur de l'ouvrage qui fait l'objet de ce compte rendu),
Török iratok a gróf Zichy-család birtokában (Documents turcs appartenant
à la famille des comtes de Zichy ) in Levéltári Közlemények (Revue des
Archives d'État) , 2 (1924 ), 70 -85.
- Debrecen város levéltárának török oklevelei (Documents turcs des
archives de la ville de Debrecen ), ibid ., 3 (1995), 42-67.
- A török oklevelek nyelvezete és forrásértéke (Le style des documents
turca et leur valeur comme sources), ibid. , 3 (1925 ) , 6061224.
Mehmed Chalife « Tarich -ja as 1625 -1664 , évek eseményeiről
( L'bistoire des événements de 1625 à 1664 pár Mehemed Halife) in
Hadtörténelmi Közlemények (Revue de l'histoire de la guerre ), 26
(1925 ) , 887-427.
Kárffy Ö , Kászon basa levele Miskoloz városához (1663) ( Lettre de
K . pacha à la ville de Miskolos de l'an 1663 ), ibid., 17 (1916 ),
289-933.
Hamzabek János levelei a jolsvai és rátkai bírónak (Lettres de
Jean Hamzabek aux juges de Jolsva et de Rátka, du xvi° siècle ), ibid .,
17 (1916 ), 451.
*** Levelek a török hódoltság korából (Lettres datant de la domination
turque, 1559 , 1660 , 1669 et 1684), ibid ., 17 (1916 ), 199-196.
Merényi L ., Ibrahim egri påsa levele a kassai főkapitányhoz (Lettre
du pacha d'Egri au capitaine de Kassa , 1632), ibid., 17 (1916 ), 1950
197 .
Takáts S ., Bárátságajánló török levelek (Lettrès turques avec propo
sítion de paix ), Az Ujság , 1915, n°54.
- Ungarische und türkische Berufsschreiber im 16. und 17. Jahrhun
dert, in Ungarische Jahrbücher, 1 (1921), 204-214 .
Takáts S ., Eckhardt F., Szekfű Gy., A budai basák magyarnyelvű
levelezése (La correspondance en langue hongroise du Pacha de Buda
pest) , I , 1553-1589 , publié par la Commission linguistique de l'Aca
démie des Sciences , Budapest, 1915, vi-546 pages. ( Cité en note par
M . Fekete , p . xv).
344 OCTOBRE -DÉCEMBRE 1930.
Zsinka F ., Dömsödi török oklevelek (Documents turcs de Dömsöd ) ,
in Kőrösi Csoma-Archivum , 1 (1921), 115 -129.
- Die türkischen Urkunden der Wiener Sammlungen , ibid., (1924 ) ,
321 -324 .
R -r., Egy török levél 1666-ból (Une lettre turque de 1666 ), Horto
bágy, 1922 , n° 32 (Lettre d 'Oglar (?) Beg , commandant turc de la
place forte de Sikula ).
Ajoutons qu'un turcologue allemand bien connu , M . Georg Jacob,
s'est également occupé d'unemanière active des documents turcs dont
il a publié des spécimens à Kiel à l'usage du Séminaire oriental de
cette ville , où il a enseigné pendant la Guerre. Cette publication était
faile aux frais de la Doktor - Hermann - Thorning -Gedächtnis - Stiftung,
Türkische Urkunden aus Ungarn , Kiel, 1917, gr. in-8°. Fac-similé de
documents conservés à Vienne , Erlangen , Ulm , Münich , à l'Institut
Marsigli de Bologne.
M .Georg Jacob a aussi fait paraître ,aux frais de la même fondation ,
à Kiel , des documents turcs extraits d 'un manuscrit n° 137 conservé à
la Konsular-Akademie de Vienne qu'il a élaborés et traduits avec ses
élèves (Deutsche Übersetzungen türkischer Urkunden herausgegeben von der
Doktor -Hermann-Thorning -. . .- Stiftung durch das Orientalistische Seminar
zu Kiel, Kjel, 1919 et années suivantes. (Les documents relatifs à la
Hongrie sont contenus dans les quatre premiers cahiers, 1919-1920 ).
On a retrouvé dans les papiers de Bebrnauer des traductions d'extraits
du manuscrit nº 137 qui ont été confiées à Jacob , et qui sont, paraît-il,
inexactes.
M . Jacob a publié également un article sur les documents hongrois
dans Der Islam , VIII, p. 237-251 (avec un fac-similé ). La même revue
a publié des articles analogues de Hubert Neumann (VII , p. 286 -298 et
VIII , p. 113-133 , avec fac-similé) et de Faik Bey-Zadé ( IX , p. 100
105 ).
Il serait également injuste de ne pas mentionner ici le nom de l'excel
lent turcologue du xvue siècle , Mesgnien de Meninski, qui a donné le
lexte et la traduction de quatre documents datés des années 999 à
1004 de l'hégire, dans ses Institutiones linguæ turcicæ , Vienne, 1756 ,
t. II, p. 169-178.
Tels sont les ouvrages , relativement nombreux, qui concernent les
documents turcs de Hongrie (").
(1) En France même, on pourrait trouver des éléments pour une publica
tion de documents turco-hongrois. La Bibliothèque Nationale de Paris possède
COMPTES RENDUS. 345
Quant à ceux qui concernent les documents turcs ayant également
subi la domination ottomane conservés dans les autres pays, ils sont
très dispersés et souvent difficiles à trouver. Aussi n 'avons-nous pas la
prétention d'en donner ici une liste complète . Qu'il nous suffise d'indi
quer en quelques mots ce que nous savons de la situation des archives
turques de chacun de ces pays.
Crimée. — Les archives des kbans de Crimée ont beaucoup souffert
de la destruction et del'incurie. On peut espérer que beaucoup de docu
ments ont été conservés à Constantinople . On a du moins l'assurance
que les Archives centrales ( Ileatpapxub ) de Moscou en sont abondam
ment pourvues. Veliaminov-Zernov en a publié un assez grand nombre
(MatepiAjbi AAA acropiu Kpbmckaro xauctoa, Saint-Pétersbourg , 1864 ,
ouvrage qui nécessiterait malheureusement une révision d'après les ori
ginaux ). V . Smirnov a publié des firmans relatifs à la Crimée dans ses
Obraztsi (Chrestomathie ottomane, en russe), Saint-Pétersbourg, 2° édit.,
1903, p . 204-207, 210-211; voir aussi la 1" édition . On trouve de-ci
de-là des documents isolés, notamment à Odessa (Berezin , Yarliki (1)
krimskih hanov Mengli-Gireya i Muḥammed -Gireya, en russe , dans les Mé
moires [Zapiski] de la Société d'Histoire el d'Antiquité d'Odessa), à
Kiew (j'en possède des copies faites avant la Guerre ) et à Ialta ( voir un
article deGORDLEVSKI dans les Comptes rendus de l'Académie des Sciences
de l’U . R . S. S ., 1917, p . 219 à 224 ). Cf. aussi des contributions comme
celles de T. Kowalski et J. Dutkiewicz, Un « Yarlyk , tatar de 1763 (se
trouvant à Cracovie ), in Rocznik Orientalistyczny de Lwów , II , p. 213
219 , ou de Kraelitz -Greifenhorst , Aufforderungs- und Kontributions
schreiben des Tataren - Hans Murād Giraj vom Jahre 1683 an Wiener
Neustadt, Mitt. zur osm . Gesch . de Vienne, I, 1921-1922, cahier 4 ,
p. 223-231.
BULGARIE. — Jan Grzegorzewski (dontle nom est écrit Gržegorževsky
dans l'ouvrage recensé, p . vii) a publié en 1912, cent vingt-neuf docu
ments des archives de Sofia , relatifs à la campagne de Vienne, 1091
1096 de l'hégire ( Z sidżyllatów rumelijskich . .. Lwów , 264 pages de

un qanûn-ndme (ms. suppl. turc, 76 ) relatif à la région de Szegedin , Hatvan


etNeograd , auquel nous consacrerons une petite notice.
(1) Pour la bibliographie des yarläk des han tatars de Russie , voir Samoy
lovitch dans le Bulletin (Izu'estia ) de l'Académie russe des Sciences, 1918 ,
p . 1109 : cf. aussi son étude « Sur le mot paiza -baisa dans l'oulous de Djou
tchin , en russe , même Bulletin , 1926 .
346 OCTOBRE-DÉCEMBRE 1930.
texte polonais et 144 pages de texte turc. Cf. LačÜYEV, Kirjalitie (en bul
gare ), in Sbornik na narodni umotvorenya , XXII /XXIII , 1" section ,
Sofia , 1906 - 1907. Voir des renseignements bibliographiques par Jacob
dans Der Islam , VII , p. 178 , n. 2.
YOUGOSLAVIE . – Les archives turco -bosniaques ont fait l'objet de
quelques études isolées dans les Wissenschafiliche Mitteilungen aus Bos
nien und der Herzegovina, herausgegeben vom Bosnith -herzegowinischen
Landesinuseum in Sarajevo , II (Vienne , 1894 ), III (1894 ) , IV (1899 ) :
articles de K . Hörmann , Ali Efendi Kadič et Safvet Beg Bašagić (pour
plus de détails , voir Franz BABINGER , in Mitteilungen zur Osmanischer
Geschichte, I, 1921-1922, cahier 2- 3 , p . 171). On trouvera des contri
butions plus importantes dans les années 1911, 1919 et 1916 du Glas
nik zemaljskog muzeja u Bosni i Herzegovini, Sarajevo , 1889-1916 ,
organe du même musée . Les archives turques de la république de
Raguse , qui contienõent, d 'après M . Kraelitz (Osm .-Urkunden , p. 5 ),
plus de mille documents , ont été abordées également (C. Truhelka ,
Tursko-slovjenski spomenici dubrovačke archive , in Glasnik de 1911 : üne
partie en fut transportée, lors des guerres napoléoniennes à Vienne ,
d'où elle a été acheminée récemment en Yougoslavie (voir D ' Friedrich
KRAELITZ -GREIFENHORST, Osmanische Urkunden in türkischer Sprache aus
der zweiten Hälfte des 15. Jahrhunderts. Ein Beitrag zur Osmanischen
Diplomatik ,avec 14 planches, Vienne, 1922, in Sitzungsber. d. Ak. d . W .
in Wien , phil.- hist.KI., t. 197, 36 parlie ; contient vingt-quatre docu
ments de la secondemoitié du xv siècle : du 5 rejeb 860 ( 9 juin 1456 )
à la première décade demoħarrem go3 ( 30 août - 8 septembre 1497).
GRÈCE. Kambouroglou et Philadelfevs se sont principalement occu
pés de la Grèce sous la domination des Turcs.On trouve quelques docu
ments turcs traduits dans le Deltion . A moins d'une chance inattendue ,
on ne peutavoir que peu d 'espoir de retrouver des archives turques
importantes dans un pays où le souvenir de la domination ottomane était
généralement honni.

SYRIE. — J'ignore si notre Haut-Commissariat en Syrie possède des


archives turques. Il y a tout lieu de croire que le Patriarcat maronite et
les autres chefs de communautés religieuses détiennent des documents
au moins isolés , en langue turque. Un chercheur actif, le docteur Essad
Rouslom , professeur à l'Université américaine de Beyrouth , a réuni un
certain nombre de documents datant de la domination turque du
COMPTES RENDUS. 347
début du xix° siècle, dont quelques-uns en turc ; mais cette trouvaille
a été faite en Egypte!
PALESTINE. — Un ami anglais ,bien placé pour le savoir, m 'a parlé
de documents turcs conservés au Patriarcat grec-orthodoxe de Jérusalem .
EGYPTE. — Ce pays possède un fonds ture fort riche, quoique relati
vement peu ancien .Grâce à l'intelligente initiative du roi actuel , on a
tout lieu d'espérer que ces documents , qui ont été déjà reconnus en
gros, seront régulièrement mis à jour. Il existe deux fonds principaux :
celui de la Citadelle , ou du Defterhäne construit par Mehemet Ali en
1244 de l'hégire , et celuidu palais d'Abdine. Ce dernier contient uni
quement des archives de l'ancien Cabinet vice-royal (aujourd'hui royal ); ·
le premier, les autres archives du même service, plus celle des différents
autres dīwan pour la période des années 1805 à 1914. Pour le diwan
du Rouzdāma (service du Journal des allocations en terre , en espèces et
en nature, devenu aujourd 'hui le service des pensions), ces archives très
abondanles et fort importantes pour l'histoire administrative de l'Égypte ,
remontent au xvii siècle. Les deux fonds mentionnés plus haut con
tiennent environ trois mille registres et trois cent mille documents
détachés en langue turque.Un inventaire sommaire rédigé par le signa
taire de ce compte rendu est sous presse au Caire.
ALGÉRIE . — Sur les archives turques d'Alger, dont une partie semble
avoir disparu pendant la conquête , on trouvera des renseignements
dans la Revue africaine (articles de Devoulx et du signataire de ces
lignes ).
J'ignore s'il a été conservé des archives ottomanes dans les pays sui
vants : Caucasė, Roumanie!", Albanie, 'Iraq , Arabie , Chypre, Rhodes ,
Tripolitaine, Tunisie .
Quant aux archives turques conservées en Turquie, nous ne pouvons
en parler dans ce compte rendu déjà trop long ("). Bornons-nous à dire
qu'elles ont fait l'objet de nombreux articles dans la Revue hislorique
turque, par Safvet (mort le 13 décembre 1913), feu ‘Abd-ur-Raḥmān

(1) Cf. cependant l'article de M . N. Bånescu dont il est question plus bas ,
p . 348 , 1 . 1.
(2) Voir sur les archives turques notre article « Turquien dans Histoire et
historiens depuis cinquante ans , recueil publié à l'occasion du cinquantenaire
de la Revue historique, Paris, Alcan , 1927, t. 1, p. 438 à 454.
348 OCTOBŘE-DÉCEMBRE 1930.
Šeref, Mehemed 'Ārif, Halīl Edhem , Ahmed Refīķ , Mükrimin Halil,
'Osmân Ferid et Mehemed Gālib.
En résumé, c'est la Hongrie qui a fait le plus pour l'étude des docu
ments turcs.(") Aussi était-il naturel qu'un Hongrois tentât une synthèse
dans ce domaine. C'est ce qu'a fait M . Fekete.
Cette synthèse est renfermée dans les 67 pages de la partie théorique
( Theoretischer Teil)de l'Einführung in die osmanich-türkische Diplomatik ,
le reste de l'ouvrage étant intitulé Urkunden (Documents ). Cette partie
théorique comporte elle -même l'avant-propos (Vorwort) déjà cité de
M . Csánki (p. v et vi); une préface de M . Fekete ( vui à ıx ); une Palão
graphischer Teil (1 à xxvm ) qui comprend les subdivisions: Das Papier
(x à xil), Die äussere Einteilung der Urkunden (XII à xm ), Die Schrift
(xu à XXII), Die Schreibwerkzeuge ( xsi à xxV ), Verzierung der
Schrift ( xXIV à xxv), Die Abkürzungen ( xxv à xxvi), Das Siegel (xxvi à
XXVII), Das Verpacken der Schriftstücke (xxvii à xxvi ); une Diploma
tischer Teil, dont nous reproduisons la table des matières :
Allgemeines über die Urkunden .. .. ..
1. Weltliche URKUNDEN . . . . . . . . . . .. . XX
Die Sultansurkunden .. . .
· a . Der Name- und Hükmtypus . .
b. Der Berāt. . . . . . . . . XLVI
Die Schrifstücke der Oberbeamten der Zentralregierung . XLVII
a . Der Telhīs. . . . . . . . . . . . . . . XLVII
b. Der Mektūblypus; die Erlässe.. ... . . XLVIII
Schriftstücke der Beamten mit besonderen Befugnissen . LI

Schriftstücke der Bejlerbejs. .. . .. .. .. . LII

a. Die amtlichen Sendbriefe der Bejlerbejs . . . .. . . . . . . LII

(1) Jacob a donné une bibliographie des publications européennes relatives


aux documents turcs dans son Hilfsbuch , Berlin , 1917, p. 54-56. Voir aussi
douze titres ajoutés à cette liste par Babinger dans les Mitteil. zur osm .
Geschischte , I (1921-1922), p. 171-172 (relatives à des publications de docu
ments turcs en fac-similé) ; on peut y ajouter : 1° Jan GRZEGORZEWSKI, Dwa
fermany z w. XVI z dziejów handlu polsko-tureckiego (Deux firmans du
Xviºsiècle relatifs au commerce turco -polonais ), Cracovie , 1917, 39 pages,
extrait du Rocznik orientalistyczny ; 2° V . Smirnov, Obraztsi... (Chrestomathie
ottomane en russe ), Saint-Petersbourg , 1891, 15e édit., fac-similé d'un firman
de 1558 relatif à la Crimée ; 3° N . Banescu , Opt scrisori turcesti ale lui
Mihnea II « Turcitul, , București, 1926 (Academia Romana, Memorüle Sec
tiunii istorice , Seria III , t. VI, Mem . 8 ), 15 pages et 8 planches : huit docu
ments de 1584 provenant des archives de Venise et traduits en roumain par
D . G . logu ; 4° BABINGER , Aus Südslaviens Türkenzeit, Berlin , 1927.
COMPTES RENDUS. 349
b. Die Verordnungen ; der Bujuruldu .. ... . LIV

Die Schriftstücke der niedrigeren Provinzbehörden .. .. . . LV


Die Kopien . . . . . . . . . . . . . . . . . .. LVII
Der Defter.. . . . . LVIII
Die Bittschriften , Eingaben, Meldungen. .. LIX
Die Sendbriefe von Privatpersonen . .. . LX
Schriften der tatarischen Hāne. .. LXI

II. GEISTLICHE URKUNDEN. . . .. . . .. . LXII


Die Schrittstücke der ķādīs . ... LXII
Der Vakf-nāme
le .. .. .. . .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . LXIII
Das Fetvā . . . . . . . . . . LXIII
UNDEN .. .
STIL UND AUFBAU DER URKUNDEN . . . . . . . . . . . . . . . . . . ...... LXVI

Cette table des matièresmontre que M . Fekete a essayé de composer


unesynthèse assez vaste. Si, comme semble d'ailleurs le faire l'auteur lui
même (p. vui à 1x ), on considère l'étendue de la tâche qui attend encore
les érudits dansce domaine, une semblable tentative est forcément appelée
à se périmer dans l'avenir, mais ce n'était pas une raison pour ne pas
l'entreprendre . Aussi l'Einführung sera-t-elle la bienvenue, ainsi que les
travaux de M . Kraelitz qui l'ont précédée (").
M . Fekete s'en est tenu, avec raison, à la diplomatique ottomane,
mais il va de soi que quand celle-ci sera mieux connue, il faudra élor
gir le sujet par des comparaisons avec les diplomatiques auxquelles elle a
fait beaucoup d'emprunts, c'est-à-dire la persane et l'arabe. On sait que
pour cette dernière nous possédons un traité et un répertoire excellent
dans le Subh-el-A'šā de Qalqašandi, 14 vol. gr. in -8°, le Caire, 1913
1918.
Sans aller si loin , l'auteur aurait pu signaler un modeste mais hono
rable prédécesseur dans Herbin ( Essai de calligraphie orientale, formant
appendice à ses Développemens des principes de la langue arabe moderne,

(1) En dehors des Osmanische Urkunden déjà cités , nous devons à ce der
nier des articles parus dans les Mitteilungen zur osm . Geschichte : Die Tugra
der osmanichen Prinzen (I, 167-170); Legalisierungformeln in Abschriften
osmanischer kaiserlich Erlässe und Handschriften (II, 137-146 ); Die Handfeste
(Penče) der osman. Wesire (II, 257-268). C'est également lui qui a publié
d 'après un manuscrit de Berlin les documents ottomans les plus anciens connus
(ceux qui ont été édités par Feridun Bey étant apocryphes ) : ce sont quatre
berát émanant des premiers princes osmanlis et datés des années 759 , 787,
788 et 865 de l'hégire (dans la Revue historique turque, 50 année, p. 242 à
250 ).
350 OCTOBRE-DÉCEMBRE 1930.
Paris, Baudouin , 1803, p. 291 à 250, avec planches ). Cet ouvrage
aurait dû être au moins ajouté à la liste figurant p. II , a , , 1, de
même que l'ouvrage de Reinaud sur les Monuments arabes, persons et
turcs du cabinet de Blacas (Paris , 1828 , 2 vol.) aurait dû être cité dans
la note sur les cachets (p. XXVII,a , n . 1).
M . Fekete a utilisé par contre plusieurs sources inédites, comme des
manuscrits du Musée national hongrois, des archives de Vienne et de la
Bibliothèque (Millet) de feu Ali-Emiri à Stamboul, Les titres de ces
derniers sont seuls indiqués. Ce sont : n° 1101/2162, Meimū'a-i-akval
i-ahar ve mürekkeb ve kyaġid boyalarï Traité sur l'empois , l'encre et
les couleurs de papiers ; nº 1096, Hüşn -i-ha !t risālesi a Traité de calli
graphien ; nº 1108/2129 , Tezkere-i-hattațān.
Les elķāb ou formules d'appel et de titulature sont reproduits d'après
le Qanūn -nāme de Mehemed II publié dans la Revue historique turque,
comme supplément, en 1330 (1911- 1918 ),mais pourraient être com
plétés soit d 'après les documents eux-mêmes , soit d 'après d'autres listes
qu'on trouve dans d'autres qānūn et dans les recueils d'inšā .
Quant aux vingt et un documents déjà publiés dans le premier fasci
cule et qui sont le commencementde l'ouvrage proprement dit, ils sont
datés des années 1536 à 1575 (l'ordre chronologique n 'est pas stricte
ment observé).
Les numéros 2, 5 et 6 sont des écrits de Soliman le Magnifique à
Ferdinand ler d'Autriche, Le numéro 13 , du même à Maximilian 14 ,
Les autres signataires sont : le grand -vizir Ayas pacha , divers Beylerbeyi
de Bude, Sandjak bey (ou mīr-livā) et qādi de Hongrie.
Ces documents se classent ainsi par leur provenance : neuf sont aux
Archives de Vienne (nº 1 -3 , 5 -8 , 12 et 13), sept à celles de Debrecen
(n” 10, 11,14 , 15 , 17, 19 et 90 ), quatre à Gyöngyös ( n° 4 , 9 et 21),
un à Budapest (nº 16 ) et un à Jászberény (nº 18).
Ils sont publiés avec le plus grand soin , décrits avec précision et
annotés. Les particularités et les défaillances de l'écriture et de l'ortho
graphe sontminutieusement relevées. La disposition typographique est
élégante et claire et la traduction allemande, pour la plus grande commo
dité du lecteur, est placée en regard du texte turc , en deuxième colonne
sur la même page. Les fac- similé de tous ces documents figurent sur
seize belles planches volantes,mais réunis dans un carton.
Les difficultés du déchiffrement ont été surmontées avec succès et les
noms propres hongrois et occidentaux qu'il est souvent si malaisé
d'identifier sous l'écriture arabe, ont été soigneusement restitués .
Aussi , dans l'ensemble , je ne crois pas qu'il y ait aụcune critique
COMPTES RENDUS. 351
importante à formuler et je me bornerai à quelques observations de
détail.
L'auteur, qui relève régulièrementen note les négligencesdans l'ortho
graphedesmots arabes , aurait dû signaler également les graphies comme
Jäsel (p .5 , 1. 17 "")), Astail ( ibid. I. 1), au lieu de Jäsl, dood .
11 a par contre trop tendance, peut-être, à corriger l'orthographe
turque. Elle n'a jamais été assez fixe pour autoriser les notes ou correctifs
commençant par le mot richtig (l'auteur semble d'ailleurs s'en être rendu
compte, puisqu'il n'a pas tardé à remplacer ce mot par stått, moins
affirmatif).
Il n'est donc pas expédient de corriger les scriptiones defectivae est,
Dyj! ( p. 7 , 1. 3 , 8 , 9 ), jäl ( p . 8 , 1. 12), yus ( p. 8 , 1, 14 ) an scriptiones
plenae (ou phonetische [1] Schreibform , comme dit l'auteur, p . 11, n . 1 ).
La correction proposée p . 5 , n . 1 (1" document) introduit même une
erreur grammaticale là où il n'y en avait point: il faudrait, si l'on sui
vait M . Fekete ,mettre dans le texte le passif ble au lieu de l'actif love
(cf. p. 6 , 1, 19 : lola ).
Par contre , la graphie ‫ ) اكيدك‬p . 17, l. a ) pour ‫ ( آكلادق ) اكندق‬ast une
fauto , incontestablement , même pour une orthographe mal fixée, et
aurait dû être signalée comme telle.
P . 7, D. 2 : il est normal qu'on sépare la conjonction ki de la préposi
tion qu 'elle introduit ( cf, notre Grammaire turque, $ 956 ).
P . 10 : la note 3 manque de précision.
P. 15 , 1. 17 : la forme School chino méritait aussi d 'être signalée
comme fort curieuse , la combinaison du suffixe -(y )iği ( employé jel,
manifestement, comme substitut de -(y)eğek ) avec iken étant rarissime
( je confesse d 'ailleurs ne l'avoir pas mentionné non plus dans la gram
maire déjà citée).
P. 17, n , 1 : Rim papa est pris ici non dans le sens de pape (de
Rome)" ,mais de eRome, tout simplement. Ce passage m 'engagerait
même à être plus affirmatif dans ce sens que je ne l'ai été dans mes
Chansons des janissaires d'Alger (Mélanges René Basset, II , p. 97, n. 1).
P . 24 , 1. 8 : Budapest était en effet, avec l'Égypte et Diarbekir, le
seul endroit à fournir des gönüllü (Revue historique turque, 8 année,
p . 7 , 1. 5 d'en-bas).
P . 30, n. 6 : il n 'est pas exact de dire que le mot gāzi était un r Titel
niederen Ranges ». Ce mot correspond au terme laudatif français de
guerriers , sans aucune acception de grade.
(1) D'après le dénombrement des lignes de l'original du texte turc.
352 OCTOBRE -DÉCEMBRE 1930.
Les notes 2 de la page 9 et 5 de la page 19 comportent des renvois
à néant (les noms des mois chrétiens qu'elles visent avaient été intro
duits par les Grecs dans l'usage turc pour désigner parfois les mois
solaires).
Répétons-le, ces quelques inadvertances ou imprécisions de détail,
peu nombreuses d'ailleurs , n'enlèvent en rien de sa valeur à ce très
consciencieux travail, dont tous les turcologues et les historiens soubai
teront, avec nous, de voir paraitre la suite.
P . S . – Depuis que ce compte rendu est sous presse, un certain
nombre d'ouvrages déjà annoncés ou entièrement nouveaux ont eu le
temps de paraître.
Tels sont :
Asad Jibrail Rustum , Materials for a corpus of arabic documents rela
ting to the history of Syria under Mehemet Ali Pasha , American Press,
Beirut, 1930 , vol. I. Political papers for the year 1247 a. b . june 12 ,
1831 to may 31, 1832. IX -139 pages in -8° (cf. plus haut, p. 346 ).
Helmuth Scheel, Die Schreiben der türkischen Sultane an die preus
sischen Könige in der Zeit von 1721 bis 1774 und die ersten preussischen
Kapitulationen vom Jahre 1761. Zum ersten Male auf Grund der im
Preussischen Staatsarchiv zu Berlin -Dahlem aufbewahrten Originalur
kunden bearbeitet. M .S.O .S., 1930 , 130 pages et 7 fac-similés.
Franz Babinger , Bestallungsschreiben Ahmeds III für Chalil Pascha ,
Stathalter von Tripolis ( Berberei ) vom Jahre 1120/1708 , M .S.O.S., 1930,
8 pages, 1 planche.
J. Deny, Sommaire des archives turques du Caire, imprimé par l'impri
merie de l'Institut français d'archéologie orientale du Caire pour la
Société royale de Géographie d'Égypte, 1930 (Publications spéciales
sous les auspices de Sa Majesté Fouad Ie"), 638 pages et 56 planches
in -8° (cf. plus haut, p. 347 ).
J, Deny,

A . HOHENBERGER . DIE indiscHE FLUTSAGE UND DAS MATSYAPURANA. Ein Beitrag


zur Geschichte der Vişnuverehrung. — Leipzig , 0 . Harrassowitz , 1930;
in -8°, XVI-217 pages.
Trois sujets sont traités dans ce livre, l'auteur ayant été porté du
premier au troisièmepar le second , véritable centre de son travail , sinon
de son intérêt; car le D ' Hohenberger est un missionnaire luthérien
COMPTES RENDUS. 353
soucieux d 'histoire religieuse , et la philologie sanskrite n'a pour lui que
la valeur d 'un moyen. Les trois sujets concernent : la légende indienne
du déluge, l' exploration du Matsyapurāņa , la religion de Vişņu d'après
ce texte .
L 'examen de la légende indienne du déluge, que le titre pourrait
faire croire essentiel en cet ouvrage, ne consiste qu'en 25 pages, qui
expliquent la curiosité de l'auteur pour le Matsyapurāņa . Plusieurs
excellents travaux ont été déjà consacrés à ce sujet, et il ne restait qu'à
indiquer la place du M . parmi les documents qui en traitent. Voici sur
ce point la conclusion qui s'impose à la suite des confrontations : la
légende du déluge, sans doute empruntée aux Sémites, fut de plus
en plus incorporée à la religion de Vişņu . Dans le Çatapatha Brāhmana
le poisson , matsya, qui intervient miraculeusement auprès du Noé
indien , Manu , n'incarne encore aucun dieu particulier. Dans le Mahā
bhārata il se révèle comme Brahmā. Dans le M . le rôle de Brahmā se
borne à exécuter le væu de Manu , mais le poisson est Vişņu lui
même ( 24 ).
L'étude critique du M . le situe parmi la littérature purânique, dresse
le bilan de son contenu, recherche ses sources et ses connexions avec les
principaux ordres de production classique. La rédaction , imputée à
Vyāsa , ne saurait être antérieure à la fin du ve siècle de notre ère , car
mention est faite des Huns parmi les dynasties. L 'auteur a procédé avec
mélbode et sûreté.
La troisième partie comprend toute la seconde moitié du livre ; elle
fournit une contribution importante à l'investigation du Vaişņavisme.
A propos des divers aspects de la légende de Vişņu on mesure l'écart qui
sépare le contenu des texles antérieurs, des assertions présentées par le
purāņa. Entre le Vişņu védique et la systématisation des avatāras qui lui
sont attribués toute une évolution s'intercale.Mais la partie la plus neuve
de l'ouvrage consiste en l'enquête ouverte sur le culte de Vişņu (137
180) : les vrata , rites et adoration ( religiöse Übungen ); les libéralités
au bénéfice des brahmanes, pradānāni ; la confection et la vénération
d 'effigies divines : adhivasāna (Einweihung ) , snānā ou snapanu (Baden ),
sthāpana (Aufstellung) de l'idole ; les temples ; les pélerinages; les sortes
de prière. La comparaison avec le Çaivisme est partout sous-jacente,
l'auleur ayant eu quelquedessein de faire pour le culte de Vişņu ce que
le pasteur Schomerus avait effectué naguère pour celui de Çiva. Travail
consciencieux et utile.
P . MASSON-OURSEL.

CCXVII. 23
IMPRIMERIE SATIONALE
354 OCTOBRE -DÉCEMBRE 1930.
Giuseppe Tucci. Pre-DINNĀGA BUDDRIST Texts on LOGIC FROM CHINESE
Sources. (Gaekwad 's Oriental Series , XLIX ). - Baroda, Oriental Institute ,
1929, in -8°, xx + 40 + 32 + 89 + 91 pages.-
L'exploration de la logique indienneaccomplitderemarquables progrès.
Stcherbatsky a vu juste , en signalant dans leur ensemble les connexions
entre les théories de brahmanes et de bouddbistes ; par exemple en devi
nant le rôle de l'idéalisme mahāyāniste dans la constitution des logiques
tant orthodoxe qu'hétérodoxe. Il restait à descendre dans le détail des
textes , pour préciser, à travers simililudes et différences , des filiations.
G . Tucci s'y emploie avec autantde succès que de courage.
Ce livre est un recueil de travaux sur la base desquels l'auteur a con
struit une explication historique, Buddhistlogic before Dinnāga ( J. R.A .S.,
July 1929, 651), esquisse de l'évolution logique depuis Nāgārjuna
jusqu'à Vasubandhu , avec le 1ve siècle pour centre. Tucci a étudié
d'assez près le Tarkaçāstra et l'Upāyahrdaya pour opérer la restitution
de leur texte sanscrit. De la Vigrahavyāvartāṇī, composée par Nāgārjuna ,
il donne d 'après la version tibétaine une traduction anglaise ; et il en
ajoute une du Çataçāstra, dont il avait , dès 1925, publié une version
italienne ( Studi e materiali di storia delle religioni , vol. I). D 'excellentes
notes accompagnent ces divers textes.
Il résulte des recherches de Tucci que la logique du Grand Véhicule
a ses premiers principes dans le Lankävatära et dans la Prajñā Pāra
mitā , puis s'élabora chez Nāgārjuna et Āryadeva dans la lignée mādhya
mika, chez Maitreya (personnage historique ) et Asanga dans la lignée
yogācāra, pour aboutir seulement sous sa forme dernière à l'épistémo
logie de Dignāga et de Dharmakirti, si bien étudiée par Stcherbatsky.
Des règles de vāda (ou vivāda) s'imposèrent de bonne heure aux discus
sions entre écoles ; chaque secte devait posséder les siennes. Le Japonais
Ui a montré quelle étroite connexion relie l'Upāyahrdaya et la samhitā
de Caraka ; l'Allemand Ruben a comparé ces textes aux sūtrasdu Nyāya.
A la suite de ces deux « Forschers, et avec une possession très sûre du
canon bouddhique chinois, Tucciamorce une critique des sources du
Nyāya classique , constitué en partie par greffe sur le vieux tronc vai
çeşika , en partie par réaction contre la logique bouddhique , dont le
principal adversaire avoué était le système des Vaiçeşikas.
P. MASSON-OURSEL.
SOCIÉTÉ ASIATIQUE.

TABLEAU
DU CONSEIL D'ADMINISTRATION
CONFORMÉMENT AUX NOMINATIONS FAITES DANS L'ASSEMBLÉE GÉNÉRALB
DO 12 JUIN 1930.

BUREAU.
PRÉSIDENT.
M . Sylvain Lévi.
VICE- PRÉSIDENTS.
MM. P. Pelliot, W .Mançais.
SECRÉTAIRE.
M . E. BenvenisTE.
RÉDACTEUR-GÉRANT DU JOURNAL ASIATIQUE.
M . Gabriel FERRAND ; M . R. Grousset, adjoint.

BIBLIOTHÉCAIRE.
M . L . Bouvat.
TRÉSORIER ,
M . J. Bacot.
23 .
356 OCTOBRE -DÉCEMBRE 1930.

COMMISSAIRES DES FONDS.


MM. GAUDEFROY-DEMOMBYNES, MacLER , GRENARD.
MEMBRES ORDINAIRES DU CONSEIL ÉLUS POUR TROIS ANS.
MM . CARRA DE Vaux , FOUCHER , MELLET, PRZYLUSKI, A .-M . BOYER ,
DE Genouillac, H .MASPERO, THOREAU-Dangin , élus en 1928 .
MM. Dussaud , J.- B . CHABOT, ALLOTTE DE LA Fuře, MoRET, CONTENAU
Paul Boyer ,Massignon , Deny, élus en 1929.
MM . Nau , Calaton , Ferrand, Hackin , Bloch , Isidore Lévy, Massé ,
N ., élus en 1930.
CENSEURS
élus par l'Assemblée générale pour 1930-1931.
MM . Meiller, DUSSADD.

COMMISSIONS.
COMMISSION DU JOURNAL ASIATIQUB.
MM . Sylvain Lévi, Pelliot, Marçais , BENVENISTE, FERRAND, membres
de droil ; — Moret, Mellet, THUREAU-DANGIN , FOUCHER, H . MASPERO ,
membres élus par le Conseil parmi ses membres.
COMMISSION DE LA BIBLIOTHÈQUE
élue par l'Assemblée généralo parmi les membres de la Société.
MM . CABATON, FERRAND, MACLER , HACKIN , Masson -OURSBL , N .

LISTE DES MEMBRES SOUSCRIPTEURS,


PAR ORDRE ALPHABÉTIQUE, À LA DATE DU 31 DÉCEMBRE 1930.
Nota. Les nomsmarqués d'un sont coux des Membres à vio .
M . Abbas Egubal . [1928.]
ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET Belles -LETTRES, quai de Conti, 23, à
Paris ( vrº).
M . ÆŠKOLY-WEINTRAUB. (1927.)
SOCIÉTÉ ASIATIQUE. 357
MM. AHMED ZEKI Pacha ( Sou Exc.), ancien secrétaire du Conseil des
ministres, Bibliothèque A. Zeki Pacha , Kubbet el-Ghouri, au
Caire (Égypte ). [1991.)
Akashi( E .), rue Vasco-de-Gama,61, à Paris (XV°). [1930 .]
*ALLEN ( W . E . D . ), Buckingham Gate , 23 , à Londres. (1930.]
ALLOTTE DE LA Fuïs , colonel du génie en retraite , correspon
dant de l'Institut , rue d 'Anjou , 2 , à Versailles (Seine-et-Oise ).
[1884.]
ALPHANDÉRY (Paul), directeur d 'études à l'École pratique des
Hautes Études, rue de la Faisanderie, 104 , à Paris ( xvi )
[1930.]
ARCHAEOLOGICAL COMMISSIONER ( The), à Anuradhapura (Ceylan ). [1927. )
MM . ASSIER DE POMPIGNAN , capitaine de frégale , Villa des Acacias , à
Tamaris-sur-Mer (Var ). [1894.)
AUTRAN ( C .), rue des Colonies, 14 bis, à Paris (xinº). [1925. ]
*Bacot (Jacques ), quai d 'Orsay, 31, à Paris (vnº). (1908.)
BAGCAI (Prabodh Chandra ), University of Calcutta ( Inde Britan
nique). [1924.]
BAILLET ( Jules ) , agrégé des lettres , ancien membre de l'Institut
français d'archéologie orientale du Caire, rue d'Illiers, 35, à
Orléans (Loiret ). [1904 .]
BAÏRAKTAREVIĆ (le D ' Fahim ) , à Belgrade (Yougoslavie ). [1923.]
Balet (J.-C .), rue du Mont-Cenis , 59 , à Paris (XVIII"). 1931.]
*BARTHOUX (Jules ), rue de Jussieu , 39 , à Paris (vº). [1929. )
*BASMADJIAN (K .- J.) , directeur de la revue arménienne Banasér,
rue Gazan, 9 , à Paris (XIV°). [1901.]
“Basset (André), professeur à l'Institut des Hautes Études maro
caines, à Rabat. [1922.]
Baudouin ( Robert), administrateur-adjoint, à Aïn -M ’lila (départe
ment de Constantine] ( Algérie ). (1930.]
Becher ( Louis), chef du Service de l'Interprétariat, à la Direction
générale de l'Intérieur, à Tunis. [1930.
Bel ( Alfred ), directeur de la Médersa , à Tlemcen [ département
d 'Oran ) (Algérie ). [1900.]
*BELVALKAR (Shripad Krishna), Assistant Professor, Deccan College,
à Poona (Inde Britannique). [1913.)
BENHAMOUDA (A .) , chargé de cours à l'École des langues orientales
vivantes , avenue de la Grande -Armée , 30 , à Paris ( xvu") .
[1926. ]
358 OCTOBRE-DÉCEMBRE 1930.
MM . BENVENISTE ( Émile ), directeur d'études à l'École pratique des
Hautes Études, square de Port-Royal, 11, à Paris( x11"). [1921.]
Paris ).(
Béri 53,à(Chalva
Béripzé 893.) dièsplolettres,
), 1docteur (13 ) blog dSaint-Germain
me decorisboulevard eans (G ,
153, à Paris (viº). [1923.]
M " Berthet (Marie ). [1893.]
MM .*BESSIÈRES (René), élève diplômé de l'École du Louvre, rue du
Faubourg-Poissonnière , 155, à Paris ( ox"). [1906 .]
*Bézago (Louis), cours d'Aquitaine , 61, à Bordeaux (Gironde).
(1920.]
BIBLIOTHÈQUE AMBROSIENNE , à Milan (Italie ).
BIBLIOTHÈQUE CANTONALE ET UNIVERSITAIRE , à Fribourg ( Suisse ). (1995.)
BIBLIOTHÈQUE DE L'UNIVERSITÉ , à Utrecht (Hollande ).(1876. ]
BIBLIOTHÈQUE DE L 'UNIVERSITÉ Royale , à Lund (Suède ). ( 1925.]
BIBLIOTHÈQUE UNIVERSITAIRE , à Alger . [1883.]
BIBLIOTHÈQUE VATICANE , à Rome. (1911.]
MM .*BIGARRÉ (René), rue de Bièvre, 28 , à Paris (vº). [1918.]
BITON (Lucien ), rue Houdart -de - la - Motte , 8 , à Paris (xvº).
(1929 .)
BLACHÈRE (R .), professeur à l'Institut des Hautes-Études Maro
caines , à Rabat (Maroc). [ 1931.]
BLAKE (Robert P.), Harvard Library, à Cambridge (Massachu
sets ] (États-Unis ). (1923.]
BLOCH (Jules ), professeur à l'École des langues orientales , direc
teur d'études à l'École pratique des Hautes Études , rue Mau
rice-Berteaux, 16, à Sèvres (Seine-et-Oise ). [1908.]
BLONAY (Godefroy Dr ), château de Grandson (Vand) (Suisse ).
[1890.]
BOGDANOV ( L .), Santiniketan , P. O ., Birbhum Distt., Bengal ( Inde
Britannique). [1927. ]
*BOISSIER (Alfred ), LeRivage, à Chambésy , près Genève (Suisse ).
(1892.]
BONIFACY (A .) , lieutenant- colonel, avenue du Grand -Bouddha, 73 ,
à Hanoï (Tonkin ). [1906.7
BOReux (Charles ) , conservateur au Musée du Louvre , rue de l'Uni
versité, 3, à Paris ( viº). [1929. )
BOROWSKI ( Paul). [1925. ]
Boulos (Michel-Farès), docteur en droit,ancien magistrat, à Tar
tous (Syrie ). (1929. ]
Bounan ( Sauveur) , diplômé de l'École des langues orientales vi
vantes. [1925 .]
SOCIÉTÉ ASIATIQUE. 359
M " BOURBON-ORLÉANS (la princesse Françoise-Marie de ), Windsor Ride,
Sandhurst Royal Military College, Camberley, Surrey (Angle
terre). [1928 .]
MM . Bouvat (Lucien ), rue de Seine ,63, à Paris (vi'). [1899.]
Boyer (A .-M .) , rue du Bac, 114 , à Paris ( vuº).
BOYER (Paul ), administrateur de l'École des langues orientales
vivantes , rue de Lille, 2 ,à Paris (Virº).[1907.)
M " Boyer (Suzanne), rue Las-Cases , 15 , à Paris ( virº). [1931.]
MM . Bricteux (Auguste ), professeur à l'Université , à Liége ( Belgique ).
(1925. ]
BRUNEL (Louis ), contrôleur civil, à Meknès (Maroc ). [1928 .]
Me Brull (Odette ), attachée au Musée Guimet, avenue de Messine ,
10 , à Paris ( VIII ). [1931.)
MM . Brunot (Louis ), docteur ès lettres , chef du Service de l'enseigne
ment des indigènes , à Rabat (Maroc). [1921.]
BUDGE (E. A. Wallis ), Litt. D. F.S. A., Blomsburg Street,48,
Bedfort Square , à Londres. (1884.]
Bunot (Jean ), rue Gustave-Zédé, 4 bis , à Paris (XV1°). [1930.]
Burnay , Suriwongse Road , 3594 , à Bangkok (Siam ). [1998.j
M " BUTENSCHOEN (A . ) , Vettakollen , par Oslo (Norvège).[1894.]
MM . CABATON (Antoine) , professeur à l'école des langues orientales
vivanles et à l'École coloniale ,rue François-Bonvin , 21, à Paris
(xv°). [1897.]
CADIÈRE ( L . ), missionnaire, à Hué ( Indochine ). (1903.1
CANARD (Maurice), professeur à la Faculté des Lettres , cottage
Sainte-Anne , cité Fournier, à Alger. (1923.]
CANTINEAU (J. ) , licencié ès lettres , Boustan el-Heboubi, à Damas
(Syrie). (1927.]
*Chabot (l'abbé J.-B .), membre de l'Institut, rue de Paris , 127, à
Boulogne-sur-Seine ( Seine). (1892.]
Chaine (l'abbé Marius ), à Sevignac -sur- Save (Haute -Garonne).
[1913.)
CHAKRABARTY (N . P.) , 253 Shabanagar Road ,Kalighat, à Calcutta
(Inde Britannique). (1925.]
CHAKRAVERTY ( Sukumar ), B . A ., B . Sc., Lincoln 's Inn , 1, å Lon
dres. [1929.)
CHAMBARD (Roger ), élève interprète à la Légation de France , à
Addis-Ababa (Abyssinie ). [1997.]
CHARPENTIER (Jarl), professeur à l'Université, à Upsal (Suède).(1999. )
360 OCTOBRE -DÉCEMBRE 1930.
MM . Chatila (Khaled ) , boulevard Jourdan , 5 , à Paris ( XIV°). [ 1930 .]
CHATTERJI (B . R .), M . A .,Meerut College, à Meerut, U . P . (Inde
Britannique). [1925 . ]
CHATTERJI ( Suniti Kumar), professeur à l'Université , Sukea's
Road , 3 , à Calcutta ( Inde Britannique ).
Mºe Chauvin (Lucie ), rue Las-Cases, 15, à Paris (VII°). [1931.]
MM . CHRÉTIENNE (L .-A.), rue Florian , 5 , à Antony ( Seine-et-Oise ).
[1930.]
*CILLIÈRE ( Alphonse ), ministre plénipotentiaire , place des Pré
cheurs, 10, à Aix-en -Provence (Bouches-du-Rhône). (1887.)
*CLARK ( W . Eugen ), professeur à l'Université de Harvard , Cam
bridge,Mass. (États-Unis).
COEDÈS (George ), directeur de l'École française d 'Extrême-Orient ,
à Hanoï (Tonkin ). [1906.7
*Cohen (Marcel), directeur d'études à l'École pratique des Hautes
Études, professeur à l'École des langues orientales vivantes ,
rue Joseph - Bertrand, 20 , à Viroflay ( Seine - et - Oise ).
(1911. )
Cohn (Mare), rue Vauquelin , 9 , à Paris ( vº). [1927.)
*Colin (Georges-S.), professeur à l'École des Langues orientales
vivantes,rue de Poissy , 15 , à Paris (vº). (1925.]
COLLÈGE français de Zi-Ka-Wei, par Shanghaï (Chine). [1898.]
MM . COMBE (Étienne), avenue du Prince Ibrahim , 95 , Sporting, à
Ramleh (Égypte ). [1905.]
CONTENAU (le Di Georges ), conservateur adjoint au Musée du
Louvre, place Vintimille , 8, à Paris (ixº). [1913.)
*Conti Rossini (Carlo ) , correspondant de l'Institut, dott. comm . ,
via di Villa Albani, 8 , à Rome (XXXIV). (1909.]
*COOMARASWAMY (Ananda ), Museum of Fine Arts , à Boston , Mass .
(États -Unis ). [1921.]
Mme Corral (la comtesse de), rue de Vaugirard , 58 , à Paris ( viº).
[1930.]
MM . COUR (Auguste ), professeur de la chaire d'arabe, à Constantine
(Algérie ). (1905.]
Courant (Maurice ) , consul de France , professeur près la Chambre
de commerce de Lyon , professeur à l'Université de Lyon , che
min du Chancelier, 3, à Écully (Rhône ). [1891.]
COURTILLIER (Gaston ), chargé de conférences à la Faculté des
Lettres , avenue des Vosges, 67, à Strasbourg ( Bas-Rhin ).
[1924.]
SOCIÉTÉ ASIATIQUÊ. 361
M® Croï (la duchesse de ), rue des Marronniers , 14 , à Paris (XVI ).
(1929.)
M . CUENDET (Georges ),Miremont, 18, à Genève (Suisse ). [1922.]
Mile Cuisinier (J.), rue Robert-Estienne, 5 , à Paris ( v11 "). [1930 .]
MM . Cumont (Franz), membre de l'Institut, avenue Kléber, 13, à
Paris ( xviº). [1920. ]
Cuny ( A . ), professeur à la Faculté des Lettres, rue Raymond
Lartigue, 7 , à Bordeaux (Gironde). (1990.)
*DARRICARRÈRE ( Théodore Henri), numismale , à Beyrouth (Syrie ).
(1895.]
DAUTREMER ( Joseph) , consul général de France , professeur à
l'École des langues orientales vivantes , place de l'Église , 26 , à
Bièvres (Seine-et-Oise ). [1919.)
DELAPORTE (Louis) , docteur ès lettres , licencié ès sciences , rue
Saint-Guillaume, 26 , à Paris (vnº). [1908.]
DEMIÉVILLE (Paul), rue Mignard , 4, à Paris (X VE").[1919. ]
Deny (Jean ), professeur à l'École des langues orientales vivantes,
rue d'Ulm , 2, à Paris (vº). [1904.]
*Dessus LAMARE-LEENHOFP (A .), villa Minerva, parc Fontaine- Bleue ,
Mustapha-Supérieur, Alger. [1912.)
DESTAING (Edmond ), professeur à l'École des langues orientales
vivantes , voie de Chalais , 47, à l'Hay-les-Roses (Seine). (1906.]
M " Devonshire ( R . L .) , El-Maadi, au Caire. [1928. ]
MM . DIEDRICHSEN ( Th .), c/o American Express Co. , rue Scribe, 11,à
Paris (1x°). (1926 .)
DILLON (Myles ), professeur à l'Université , North Gt. George's
Street , , à Dublin (Irlande). [1927. )
DIVEKAR ( H . R .), Professor, Indian Women's University, Poona ,
rue Du Sommerard , 17, à Paris (vº).[1929.]
Doin (Georges) , lieutenant de vaisseau , aux bons soins de M . le
docteur Verne, rue de Varenne, 38 , à Paris ( v11"). [1925 . ]
DOMASZEWICZ (Michel) , Ministère des Affaires Étrangères , à Var
sovie (Pologne). (1929. )
Dorville (G .), consul de France en retraite , rue du Pavillon , 30,
à Bordeaux (Gironde). [1917 .]
Dossin (Georges ), chargé de cours à l'Université de Liége , rue des
Écoles, 20, à Wandre , près Liége ( Belgique). [1926. ]
DRIOTTON (l'abbé Etienne) , conservateur adjoint des Musées Na
tionaux, Palais du Louvre, à Paris (16"). [1929. )
362 OCTOBRE-DÉCEMBRE 1930.
MM . DUBARBIER (Georges ), chargé de cours à l'Institutdes Hautes Études
sinologiques , rue Eugène-Carrière, 7 bis, à Paris ( XVIII").[1928.]
DuBosco (André), rue des Archives , 9 , à Paris (IV ). [1924 .]
Ducournau (Christian ), membre de l'Institut français d'archéo
logie , Institut français , ambassade de France, Beyoğlu , à Is
tamboul ( Turquie ). (1930.]
Duda(D 'H . W .), B. P. 119,d Istamboul-Galata (Turquie). (1926 .]
DUFRESNE (G .) , inspecteur de l’Enseignement en Annam , chez
M .Boudon , avenue de la République, 72, à Montrouge (Seine).
r
(1930.]
, 1 0 , p e leve dipla :à Constan professeu a
*Dumézil (Georges ), docteur ès lettres , professeur à la Faculté des
lettres, Université turque, à Constantinople.(1925 . ]
DUMON (Raoul) , élève diplômé de l'École du Louvre , rue de la
Chaise , 10 , à Paris (vuº). [1896.)
Dunan (Maurice ), Mission archéologique française , à Djebail (By
blos] (Syrie ). [1922.]
DUROISELLE (C .) , Superintendent, Archæological Survey, à Man
dalay (Birmanie ).(1905.]
DURR ( Jacques ), docteur en philosophie et lettres de l'Université
de Fribourg, rue d'Ulm , 48, à Paris ( vº). [1929.)
*Dussaud (René) , membre de l'Institut, conservateur adjoint au
Musée du Louvre, professeur à l'École du Louvre , rue du Boc
cador, 3, à Paris (VIII"). [1899.]
Dutauit (Georges), attaché aux Musées Nationaux, rue César
Franck , 12 , à Paris ( xv°). [1930.]
Dutt (Nalinaksha ), 91/1 B ., Manicktola Street , à Calcutta (Inde
Britannique). [1931.]
Duvignau de Lanneau (Léon ), directeur de l'École Duvignau , an
cien membre du Conseil supérieur de l'Instruction Publique ,
rue Raynouard , 21, à Paris (xvi"). (1925 . ]
Me Edwards ( E. Dora) , Professor of Chinese at the School of Oriental
Languages, London Institution , Finsbury Circus, E . C . 2 , à
Londres. [1931.1
MM . Eisler ( le D 'Robert ), rue de Lille, 55 , à Paris ( v11"). (1925.)
Elisséev (Serge), ancien professeur à l'Université de Petrograd et
à l'Institut de l'histoire des Beaux- Arts, boulevard Pereire , 75 ,
à Paris ( xvii"). (1991.)
ESCARRA ( Jean ), professeur à la Faculté de droit de Grenoble ,
avenue Hoche, 4 , à Paris ( var"). [1927. ]
SOCIÉTÉ ASIATIQUE. 363
MM. FADDEGON ( Joban-Melchior), bibliothécaire de l'Union des Arts
décoratifs, rue Georges-Lafenestre , g , à Bourg-la-Reine (Seine).
[1921.]
* FaſtLOVITCH (le D ' Jacques ), Negach -Israel Street, 26 , à Tel-Aviv
(Palestine ). [1905.]
Farès (Édouard ), licencié ès lettres , P. R . 91, à Paris (vº).[ 1 931.]
Faure-Biquet (le général), avenue des Balives, 29, à Valence
(Drôme). (1899.]
FAVRE (le lieutenanl-colonel Benoit), avenue des Abbesses, 58 , à
Chelles (Seine-et-Marne).(1925 .]
Fazy (Robert) , juge au Tribunal fédéral, à Lausanne (Suisse ).
(1930.]
FÉGaali (Abdou ), rue Nicot, 39 , à Bordeaux (Gironde). (1928. )
FeQuali (Ms M .- T .), docteur ès lettres, maître de conférences à la
Faculté des lettres , rue Pierre-Duhesme, 36 , à Bordeaux (Gi
ronde). [1920 .]
"FBRRAND (Gabriel) , ministre plénipotentiaire, rue Racine, 28 ,
à Paris (vrº). [1884.]
FERRARIO (le professeur Benigno) , D . $ . D ., Casilla de Correio,
445 , à Montevideo (Uruguay). [1926. ]
FERRIED ( Th. ), commissaire de la marine, à l'Abbaye, à Moissac
(Tarn-et-Garonne). [1905.]
FÉVRIER (James), chargé de cours à l'École pratique des Hautes
Etudes , avenue de Vaucresson , 17 , à Vaucresson (Seine-et
Oise). [1929. )
FILLIOZAT (le D ' Jean ) , assistant des hôpitaux, rue des Fossés
Saint-Jacques , 23 , à Paris (vº). [1931.]
*Finot (Louis), professeur honoraire du Collège de France ,directeur
d 'études à l'École pratique des Hautes Études, villa Santaram ,
montée Queyras, Sainte-Catherine, à Toulon (Var). (1890. ]
*FOLLET (René), licencié ès lettres , rue Raynouard , 9 , à Paris
( XVI°). (1930.]
FOUCHER (A . ), membre de l'Institut , professeur à la Faculté des
Lettres de Paris , rue du Maréchal-Joffre, 15 , à Sceaux (Seine).
[1892 .]
Fukushima (N .), Université Impériale , à Tôkyð . [1929.]

GALBIATI ( le professeur DiGiovanni), préfet de la Bibliothèque


Ambrosienne, à Milan (Italie). (1930.]
364 OCTOBRE -DÉCEMBRE 1930.
M " Gallaud (Marie), statuaire, avenue de Neuilly, 136 bis , à Neuilly
sur-Seine (Seine). (1925.]
MM . Gallio (E .) , rue de Sèvres , 10g, à Paris ( vrº). [1927. ]
GARDNER (Charles Sidney), Higbland Avenue, 148, à Newton
ville, Mass. ( États-Unis).(1925.]
Gaudefroy -DEMOMBYNES (M .), professeur à l'École des langues
orientales vivantes, rue Joseph -Bara , 9 , à Paris (vrº). [1891.]
GAUTHIER (Léon ), professeur d'histoire de la philosophie mu
sulmane à l'Université , rue Naudot, 4 , à Mustapha (Alger ).
[1899.]
GenouiLLAC (l'abbé H . DE ), rue du Cherche-Midi,118, à Paris ( v7").
[1907.]
Gérard (Robert), rue Bayard , 16 , à Paris ( virº). [1929.]
M “. Getty (Alice ), avenue des Champs-Élysées, 75 , à Paris ( viº).
( 1913.]
MM . GEUTHNER (Paul), éditeur, rue Jacob , 13, à Paris (viº).[1910 .)
GIESELER (le D ' G .), médecin à la Compagnie des chemins de fer du
Nord , rue de Chabrol, 31, à Paris (xº). [1918.]
GODART ( A .), architecte , directeur général du Service archéolo
gique, à Téhéran. [1924.]
GOLOUBEW (Victor de ) , École française d 'Extrême-Orient, à Hanoi
Tonkin , [ 1908. ]
*GOMPEL (Robert ), diplômé de l'École des langues orientales
vivantes , boulevard Berthier, 23 bis, à Paris ( XVII"). (1905.)
GOURDON (Henri), ancien directeur général de l'enseignement en
Indochine, professeur à l'École des Sciences politiques, rue de
Bagneux, 16 , à Paris ( vrº). [1927. )
GRAFFIN (Ms"), président de la Société antiesclavagiste de France,
rue d'Assas ,47, à Paris (viº). [1888.]
Graner (Marcel), chargé de cours à la Sorbonne, professeur à
l'École des langues orientales vivantes, avenue Ernest-Reyer , 12 ,
à Paris ( XIV°). [1920.]
Gray (Louis H . ), professeur à la Columbia University, à New
York (États-Unis ). (1925.]
GRÉBAUT (l'abbé S .) , professeur à l'Institut catholique, à Neuf
marché ( Seine-Inférieure). [1926. ]
GRENARD ( F .) , ministre plénipotentiaire , quai de Béthune, 18, à
Paris (1vº). [1896 .]
GRIAULE (Marcel ), rue du Château , 82 , à Boulogne-sur-Seine
(Seine). (1927. ]
SOCIÉTÉ ASIATIQUE. 365

MM ."GRIMAULT (Paul), cour Saint-Laud , 14 bis, à Angers (Maine-et


Loire ). [1900.]
GROSLIER (George) , directeur des Arts Cambodgiens, à Phnom
Penh (Cambodge). [1921.]
GROUSSET (René), conservateur adjoint du Musée Guimet, rue
Monsieur-le- Prince , 26 , à Paris (vi'). [1924 .]
Goy (Arthur), consulgénéralde France, à Smyrne (Turquie).(1909.]
HACKIN (Joseph ) , conservateur du Musée Guimet, rue Debrousse ,
2, à Paris (Ivi'). ( 1908.]
HADJIBEYLI (Djeyhoun Bek) , membre de la Délégation de paix de
l'Azerbaïdjan, rue des Tennerolles, 36 , à Saint-Cloud (Seine-et
Oise ). [1922.]
HAGUENAUER (Charles ), Maison franco -japonaise , à Tokyo (Japon ),
via Sibérie. [1922. ]
Haidar Bey BAMMATE , ancien ministre des Affaires Étrangères de la
République du Caucase du Nord , rue François-Coppée , 4 , à
Paris (xv°). [1926.]
HAMBIS (Louis ), à Ligugé ( Vienne). [1929.]
HAMEL ( G .), ingénieur, à Astillero, province de Santander (Es
pagne ). (1901.]
HAMET (Ismaël) ,interprète-commandant, directeur d'études à l'In
stitut des Hautes-Études Marocaines , rue de Nîmes, 34, à Rabat
(Maroc ). [1905.)
HAMMOUDÉ (le D ' Mahmoud ) , directeur du service sanitaire , à La
Mecque (Hedjaz). [1926 . ]
HANEDA ( Toru ), professeur à l'Université Impériale, à Kyðto
( Japon ). [1920.]
HANNIBAL (Arcady), avenue de Versailles, 114 , à Paris (xvi").
(1926.]
Hariz (le D ' Joseph ), rue Mélingue , 31, à Paris (XIX°). [1921.1
HEBBELYNCK (M6 Adolphe) recteur honoraire de l'Université de
Louvain , à Meirelbeke, près Gand ( Belgique ). [1891.]
Hekmat, rue Chardon -Lagache , 22 , à Paris (XVI"). [ 1930.]
HENTZE (C .), chargé de cours à l'Université de Gand, rue Pijcke ,
60, à Anvers (Belgique). [1927.]
*HÉRIOT - Bunoust (Louis ) , Librairie Adrien -Maisonneuve, rue de
Tournon , 5 , à Paris (v1°). [1889.1
HÉROLD (Ferdinand), licencié ès lettres, ancien élève de l'École
des chartes , rue Thibaud, 11, à Paris (xivº).(1890.)
366 OCTOBRE -DÉCEMBRE 1930.
MM .*HILGENFELD ( D ' Heinrich) , professeur à l'Université , Fürsten
graben , 7 , à Iéna (Thuringe).
Hilmi ÖMER BEY, assistant à l'Université , Faculté des Lettres, à
Stamboul (Turquie ). [1930.]
HOLSTEIN (le major Otto ), Reserve United States Army, Apar
tado 1833 , à Mexico . [1924.]
M " *HOMBURGER ( Lilias ), docteur ès lettres , chargée de cours à l'Insti.
tut d 'ethnologie, rue Duban , 18 , à Paris (XVI°). (1922. ]
MM . Hosokawa (le marquis) , membre de la Chambre des Pairs, Takata
Oimatsucho , Koishikawaku , à Tokyo. [1927.)
*Huguet (le D '), rue Barrau , 41, à Toulouse (Haute-Garonne ).
[1908 .]
HUMBERT-Hesse (J. - M .), ancien directeur de l'Enseignement au
Cambodge , rue de la Redoute, 14 , à Saint-Cloud ( Seine-et
Oise ). [1928.]
HUMBERT ( Paul), recteur de l'Université, avenue Jean -Jacques
Rousseau , 4 , à Neufchâtel (Suisse ). [1913. ]
Hussein Kuan Alâ (Son Exc.), ministre de Perse , rue Fortuny, 5 ,
à Paris (Ivirº). [1927. )
* Hyde (James H.), Pavillon de l'Ermitage, rue de l'Ermitage, 7,
à Versailles (Seine-et-Oise ).[1908.]
HYVERNAT (l'abbé Henry ), professeur à l'Université catholique
d 'Amérique , 3405 , Twelfth Street (Brookland ), D . C ., à Was
hington. (1898.]
Ikowski (Petko P .), licencié ès lettres, élève diplôméde l'École des
Langues orientales , rue E .-Pivot , 23, à Sevran (Seine-et-Oise).
(1931.]
Institut DE CIVILISATION INDIENNE , galerie Richelieu , à la Sorbonne , à
Paris (vº). [1931.]
Institut des Hautes ÉTUDES CHINOISES DE L 'UNIVERSITÉ DE PARIS , galerie
Richelieu, à la Sorbonne, à Paris (vº). [1931. ]
Institut Français, Palais Azem , à Damas (Syrie ). [1931.]
Institut SÉMITOLOGIQUE DE L'UNIVERSITÉ TCHÈQUE (M . le professeur Dr. R . Ru
žička, directeur), Veleslavinova, 96 , à Prague (Tchéco-Slova
quie ). (1924.]
MM. ISMAÏL MÉRAT, directeur de l'Office scolaire de la Légation de
Perse , rue Fortuny, 5 , à Paris (xv11"). [1931.)
Itang Hsiu , rueLarrey, 17 ,à Paris (vº).[1931.]
JABLONSKY ( Witold ), Skrytka N . 11, Lomza (Pologne). (1930.)
SOCIÉTÉ ASIATIQUE. 367
MM , JANKÉLÉVITCH (Léon ), diplômé de l'École des Langues orientales
vivantes, rue de Rennes, 53, à Paris ( v1"). [1928. ]
JAWORSKI ( Jan ) , chargé de cours à l'Université , rue Smolna, 11,
: à Varsovie (Pologne). (1928. 1
JEAN (le R . P. Charles-F . ), lazarisle , rue de Sèvres, 95 , à Paris
(vrº). [1922.]
*JBANBERNAT BARTHÉLEMY De Ferrari Doria (Emmanuel ), docteur
en droit , avocat , boulevard Chave, Villa Doria , à Marseille
( Bouches-du-Rhône). [1924 .1
* JOHNSTON ( R . F .), C . M . G ., C . B. E., L . L . D . , Commissionner
of Weihawei, Government House , à Weihawei (Chine du Nord ).
(1920.]
M * • JOLICLER , avenue Kléber, 75 , à Paris ( xvi"). [1931.1
MM . Joliet (le R. P. Jehan ), Prieuré de Sishan , Shunking , Sechuan ,
via Sibérie (Chine). [1931.1
JOLY (Denys ), élève-interprète à l'ambassade de France , à Tokyð.
(1925 .]
Jouveau-Dubreuil (G.), docteur ès lettres , professeur au Collège.
rue Dumas , 6 , à Pondichéry (Inde Française). [1914 .]
Kak Ramchandra , Archæological Survey of India , à Simla (Inde
Britannique). [1919.)
KARLGREN (Bernard ), professeur à l'Université , à Göteborg (Suède).
[1920.)
M " *KARPELÈS (Suzanne), conservatrice de la Bibliothèque royale , à
Phnom Penh (Cambodge ). [1921.] "
MM . Karst ( Joseph ), professeur à l'Université, rue Ohmacht, 9 , à Stras
bourg (Bas-Rhin ). [1919.]
Kawasé ( K .) , professeur à l'Université, à Kyoto. [1930.]
KELLER ( le comte Michel) , Lumen , Saint-Clair, par Le Lavandou
(Var). [1931.1
* Kemal Ali, secrétaire d'ambassade. [1899.)
KEUPRULU Zadeh Meumet Fouad , doyen de la Faculté des Lettres ,
Université Turque , à Istamboul ( Turquie ). [1922.]
Klimas (Son Exc. P .), ministre de Lithuanie , place Malesherbes ,
14 , à Paris ( vwº). [1930.)
Koeculin (Raymond ) , présidentdu Conseil des Musées nationaux ,
boulevard Saint-Germain , 14 , à Paris (vº). [1928.)
Kowalski( le D ' Thadeus) , professeur à l'Université , Lokietha, 1 ,
à Cracovie (Pologne). (1929. )
368 OCTOBRE -DÉCEMBRE 1930.
MM . KRAEMER (H .), à Goudokoesoeman , Djogjakarta (Java) ( Indes
Néerlandaises ). [ 1921.]
KRAMERS (D : J. H .), Hooglandsche Kerkgracht, 21, à Leyde (Hol
lande).[1927.)
KROM (le Dr. J. N.), professeur à l'Université , Groenhovenstraat,
9 , à Leyde (Hollande). [1930.1
*Kuentz (Charles ), professeur à l'Université Égyptienne, rue Walda
Pacha, 6 , Garden City, au Caire . [1919.)
*LABOURT ( le chanoine Jérôme), docteur ès lettres, curé de Saint
Honoré-d 'Eylau , rue Boissière, 67, à Paris (XVI°). [1903. 7
LACOMBE (Olivier ) ,rue Pierre-Curie , 24, à Paris ( vº). [1929. )
LAJONQUIÈRE (Lunet de ), chef de bataillon d 'infanterie coloniale .
château de La Tenaille , par Saint-Denis-de-Saintonge (Charente
Inférieure).19
[1901.]
01 .

Mº. Lalou (Marcelle), rue de Seine, 6 , à Paris (vrº). [1921.


MM . Lalov (Louis ), secrétaire général de l'Opéra , place de l'Opéra,
à Paris (Ixº). [1923.]
LANGLOIS ( Pierre ), avenue de Californie , 53, à Nice (Alpes-Mari
times. [1922.]
Laoust,Mission archéologique , à Damas (Syrie ). (1928. ]
LARTIGUE (J.), lieutenant de vaisseau , Centre d'aviation mari
time, à Rochefort-sur-Mer (Charente-Inférieure ). [1920.]
LATIF (Qazi Abdul), M . A ., Cololoolla Street, 11, à Calcutta (Inde
Britannique). [1913.]
LAUFER (Berthold ), conservateur du Field Museum , à Chicago
[ Illinois ] (États-Unis ). [1912.]
LA VALLÉE POUSSIN (Louis DE), professeur à l'Université de Gand ,
avenue Molière , 66 , à Bruxelles. (1890.]
Law (N .), Amherst Street , 96 , à Calcutta ( Inde Britannique ).
[1911.]
M * LAVERGNE ( M .) , boulevard Saint-Germain , 49, à Paris (vº).
(1930.]
MM . Le Cerp (Georges ), lieutenant de vaisseau, avenue Malakoff, 15
à Paris (xviº). [1914.]
LEceRF (Jean ), professeur au Lycée français (Mission laïque), à
Damas (Syrie ). (1922.]
LECOMTE (G .), ministre de France , à Guatemala (Centre-Amérique).
Aux bons soins du Ministère des Affaires étrangères , bureau
du départ. [1929 .]
SOCIÉTÉ ASIATIQUE. 369
MM . LEDOULA (Alphonse), consul général de France en retraite, Grande
rue de Péra , 390 , à Istamboul. (1883.)
LEPŠVRE-PONTALIS (Pierre ), ministre plénipotentiaire, rue Pierre
Charron , 14 , à Paris (xvi'). [ 1886 .
LEGRAIN (L .). curateur du Musée de Philadelphie (États-Unis).
(1994.)
LE HARDÎ DE Beaulieu (Henri ), avenue Marnix , 16 , à Bruxelles.
(1920.]
LEHOT (Maurice), professeur au Lycée , à Aix-en -Provence (Bouches
du-Rhône). [1929.)
LEIBOVITCA (J. H .) , rue Kassed , 17 , Bab-el-Louk , au Caire.[1925 .]
*LERICHE (Louis), consul de France , à Rabat (Maroc ). [1886.]
*LE STRANGE (Guy), Panton Street, 63, à Cambridge (Angle
terre ). [1873.]
Lévi (Sylvain ), professeur au Collège de France, rue Guy-de-la
Brosse , g, à Paris.(vº). [1884.]
M® LÉVY (Esther ), attachée au Musée Guimet, rue La Bruyère , 54 , à
Paris (14°). [1929.)
MM . Lévy ( Isidore ), directeur d'études à l'École pratique des Hautes
Études, rue Adolphe-Focillon , 4 , à Paris (x1vº). [1904.]
Lévy -PROVENÇAL ( E .) , directeur de l'Institut des Hautes-Études Ma
rocaines , à Rabat (Maroc). [1921.]
LIBER (Maurice ), professeur à l'Ecole rabbinique, rue Lafayette ,
110, à Paris ( xº). [1910.]
LIGETI (le D' L.), aux soins de M . le docteur Gyula Ligeti,Balassa
gyarmat Ton , 3 (Hongrie ). (1926. )
*LINGAT (Robert), conseiller judiciaire du Gouvernement siamois,
963 British Club Lane, à Bangkok. (1927 .)
Lo KIAN-Lun, chargé de mission , c/o National University, à Pékin .
[1926 .]
*Loisy ( Alfred ), professeur au Collège de France, rue des Écoles ,
4 bis, à Paris ( vº). (1890.]
Loret (Victor ) , maitre de conférences à la Faculté des Lettres ,
quai Claude Bernard , 10 , à Lyon (Rhône).[1920 .]
Lorey (Eustache de ) , directeur de l'Institut français d'archéologie
et d'art musulman , à Damas (Syrie ). (1923.]
*Lou (Son Exc. J. Tseng-Tsiang René), abbaye de Saint-André, à
Lophem -lez-Bruges (Belgique. (1923.]
Lourette (Louis ), prote de la composition à l'Imprimerie natio
nale , place de la Madeleine, 6 , à Paris (vinº). [1929. )
CCXVII. 24
IMPRIMERIR YATIONALR .
370 OCTOBRE - DÉCEMBRE 1930.
MM . LUCE (G . H .), Rangoon University, à Rangoon (Birmanie ). (1997.)
Macler (Frédéric ), professeur à l'École des langues orientales vi
vantes, boulevard de Montmorency , 1 bis , à Paris (xvi"). (1902.)
*MADROLLE (C .), avenue du Roule , 95 , à Neuilly -sur-Seine (Seine).
[1900. ]
MAIGRET (Roger ), consul de France , à Djeddah (Hedjaz). [1929.)
MaisonNEUVE (Gaston ), libraire- éditeur, rue du Sabot, 3 , à Paris
(vrº). [1927.]
Maisonneuve (Gustave), libraire-éditeur, rue du Sabot, 3 , à Paris
. ( vrº). [ 1923 .]
M " MANNEVILLE (DE), rue de Varenne , 63 , à Paris (virº). [1930.]
MM . MARÇAIS ( Williain ), membre de l'Instilut, professeur au Collège de
France , boulevard Péreire, 99, à Paris ( XVII°). [1898.]
MARCHAL (Henri), conservateur des monuments , à Angkor (Cam .
bodge). [1927. ]
*MARGOLIOUTH (David Samuel), professeur d'arabe à l'Université ,
New -College, à Oxford ( Angleterre). [1893.]
MARGOULIÈS (Georges), avenue Kléber, 98, à Paris ( xvrº).
[1922.)
MARTINOVITCH (M .), Columbia University, Department of Slavonic
Languages, à New -York, U . S . A . [1926. )
MASPERO (Georges) , avenue de Wagram , 149, à Paris (XVII" ).
(1921. ]
*MASPERO (Henri), professeur au Collège de France , rue Scheffer ,
45, à Paris ( xviº). [ 1918.]
Massé (Henri), professeur à l'École des Langues orientales vi
vantes , rue Houdan ( en face de la ruede Bagneux ), à Sceaux
( Seine). [1918. ]
M " Massieu ( Isabelle ), rue de Prony, 54 , à Paris (XVII ). [1921.]
MM . MASSIGNON (Louis ), professeur au Collège deFrance , rue Monsieur,
21,à Paris (vilº).[1907.)
Masson -Oursel (Paul), directeur d'études à l'École pratique des
M Hautes192Études., Krue
-PA ( 6.1 o Univer ,c11lu bis,
ei deMilan
s b r fra à Paris (ixº). [1920.]
Matsumoto ( N .) , Keio University, Mita , Shiba, à Tokyo. (1927.[
Matsuo (Kuni ), secrétaire du Club franco-japonais , rédacteur en
chef de la « Revue franco -nipponen, rue du Débarcadère , 7 , à
Paris (XVII°). [ 1927.]
Mauss (Marcel), professeur au Collège de France , directeur
SOCIÉTÉ ASIATIQUE. 371
d'études à l'École pratique des Hautes Études, rue Bruller, e ,
à Paris ( XIV°). [1900. ]
MM . Mawas ( Alfred ), rue Fouad 1“ ,82,à Alexandrie (Égypte ).(1917 )
Mawson (C . O. Sylvester). [1910.]
*Mazon (André ), professeur au Collège de France, avenue de Suf
fren , 140, à Paris (xv°). [1910. ]
MEBRWARTH (A .) , Musée ethnographique de l'Académie des
Sciences , à Leningrad . (1927. )
"MEILLET (A . ), membre de l'Institut , professeur au Collège de
France, rue de Verneuil, 24, à Paris (v11"). [1890. )
Merger (Samuel) , Society of Oriental Research , à Grafton , Mass.
(États-Unis ).[1928.]
Mercier (Gustave), avocat à la Cour d'Appel, délégué financier,
Parc Gatlif,Mustapha-Supérieur,à Alger. [1922. ]
Mercier (Louis ), consul général de France , rue Gustave-Doré, 5 ,
à Paris (xv11°). [1919.]
Mestre (Édouard), Institut des Hautes-Études Chinoises , galerie
Richelieu , à la Sorbonne, à Paris (v"). [1928 .]
Meunier (Jean),avenue Burdeau , 4 ,à Neuville-sur-Saône (Rhône).
(1993. ]
M . Meyer (Henriette ), rue Humblot, 10 , à Paris (XV° ). [1994 .]
MM . Michalski-ISVIENSKI (le D St. F .) , Spilalna , 5, á Varsovie ( Po
logne). (1923. ]
Millor ( le D' ), professeur à la Faculté de Médecine , avenue du
Président-Wilson , 14 bis , à Paris (vii ). [1930.)
MINORSKY (Vladimir ), ancien conseiller de Légation de Russie ,
square Desnouettes , 8 , à Paris (xv° ).[ 1920 . ]
Misconi (Dominique). (1925.]
MITROPHANOW (Igor ) , ancien secrétaire de Légation de Russie,
Banque russo-asiatique, à Pékin . [1924. ]
MOHAMMED Atiya , licencié ès lettres , rue de Cluny, 11, à Paris ( vº ).
[1930.]
Mohammed Torki, chefdu bureau des traductions à l'Administration
des Habous, rue Dar El-Djeld , 37, à Tunis. [1922.]
MONTAGNE (Robert) , directeur de l'Institut français , à Damas
(Syrie ).(1931.)
Monet (Alexandre ), membre de l' Institut, professeur au Collège
de France , directeur d'études à l'École pratique des Hautes
Études , rue Vaneau , 54 , à Paris ( vuº). [1902.]
Me MORGENSTERN (Laure ), rue de la Cure, 4 , à Paris (xviº). [1931.]
24 .
372 OCTOBRE -DÉCEMBRE 1930.
MM. Mossé ( Jean ), professeur au Lycée Galliéni, à Tananarive (Mada
gascar ). [1930.]
MUKHERJI ( S.) , aux soins de MM .Grindley and Co., Hastings Street,
à Calcutla ( Inde Britannique). [1924 . ]
MUKrimin Khalil Bey, bibliothécaire de l'Institut d 'histoire turque ,
Palais de la Préfecture, à Constantinople. [1926.]
M " Murat (la princesse Achille ), avenue Montaigne, 51, à Paris
( VIII°). [1928.]
MM. *Mus ( Paul), membre de l'École française d'Extrême-Orient, à
Hanoï ( Tonkin ). [1925 .]
Mžik (D ' Hans von ), bibliothécaire adjoint à la Bibliothèque natio
nale , Leopold Müllergasse , 1, à Vienne. (1907. )
"Nao (l'abbé F .) , docteur ès sciences mathématiques , professeur
d 'analyse à l'Institut catholique, rue de Vaugirard , 74 , à Paris
(vrº). [1896 . ]
NÉMETH (Jules ), professeur à l'Université , Muzeum Körut, 6 , à
Budapest (Hongrie). (1925 .]
New York Public LIBRARY, à New York .
MM , Nicolas ( A .-L .-M .), consul général de France , rue Henri-Rivière ,
10 , au Perreux (Seine ).(1898.]
Nicolas (René) , professeur à l'Université Chulaļānkaraṇa, à Bang
kok. [1995.]
NIKITINE (Basile) , consul de Russie , rue La Fontaine, 47, à Paris
(IV°). [1924.]
M " Nittı (Luigia ) , rue Duguay - Trouin, 15 , à Paris ( vrº). [ 1930 . ]
MM . NYBERG (le D ' Henrik Samuel ),maitre de conférences à l'Univer
sité , Repslagaregatan , 16 , à Upsal (Suède). [1928. 1
*Nykl ( Aloys), professeur à l'Université , à Chicago ( États-Unis).
[1930.)
OHTANI (Shoshin) , professeur à l'Université impériale, à Tokyo.
[1928 .]
OKAMOTO (Kanéi), Kiyoshima-chồ, Asakusa , à Tòkyo . [1927. )
Okazaki (Fumio ), professeur adjoint à l'Université impériale de
Sendaï , Préfecture deMiyagi ( Japon). [1926.)
OLLONE (le général comte d'), rue Hamelin , 46 , à Paris (XV1").
[1909. )
ORSOLLE ( E. J.), avenue Louis - Lepoutre , 65, à Bruxelles,
(1928. )
SOCIÉTÉ ASIATIQUE. 373
MM . Ort -Geutaner (Georges ), boulevard du Montparnasse , go , à
Paris (XIV°). [1920 .]
OSTROM , rue Mouton-Duvernet , 14 , à Paris (XIV°). [1930. ]
'OSTROROG (le comte Léon ). [1896 .]
OUMNIAKOFF ( I. I.), professeur à l'Université , à Tachkent ( Turkes
tan , U . R . S. S .). [1929. )
PARANJPE (V . P.) , professeur au Fergusson College, à Poona (Inde
Britannique ) (1925. ]
* Pelliot (Paul) , membre de l'Institut, professeur au Collège de
France, rue de Varenne, 38 , à Paris ( v1°). [ 1897.]
Périer (l'abbé Jean ). [1907.)
PETITHUGUENIN (Paul) , directeur de la Compagnie Générale des
Colonies, rue Octave -Feuillet , 1 , à Paris (XVI°). [1908. )
PFISTER (R .) , rue Jean -Goujon , 21, à Paris ( vu "). [1929.)
PHILIPON (le comle René), avenue Élisée-Reclus , 9 , à Paris. ( vnº).
[1929. ]
PINASSEAU (Jean ), chef de bureau au Ministère des Finances, rue
d 'Ulm , 41, à Paris ( vo). [1925. )
POIDEBARD (l'abbé P. A.), Université Saint-Joseph, à Beyronth (Sy
rie ). (1923.]
M - POIRIER ( M .),agrégée de l'Université, rue Montprofit, 4 , à Bourg
la-Reine (Seine ). [1911.]
MM . Polain (Louis ), rueMadame, 60 , à Paris (vrº). [1919.)
Polignac (le comte Charles De), avenue de Villiers, 25, à Paris
( XVII°). [1920.]
Popper (William ), University of California , à Berkeley ( États
Unis ).
M " Porée (Guy) , avenue de Wagram , 149, à Paris (XV11"). [1929.)
MM . Posener (Georges ), boulevard Raspail , 280 , à Paris ( xivº).
( 1930.
PRZEWORSKI (le Di Stefan ), Marszalkowska,68 , à Varsovie (Po
logne). [1928. ]
PRZYLUSKI (J.), professeur au Collège de France , rue de Luynes,
9 , à Paris ( v11°). [1918.]
RANDER (J.), docteur ès lettres, professeur à l'Université, à Leyde
(Hollande). (1925.
RAPSON ( E . J.) , professeur de sanscrit à l'Université , 8 , Mortimer
Road , à Cambridge (Angleterre ). [1902.]
374 OCTOBRE -DÉCEMBRE 1930.
MM , RATCANEYSKI (Paul ), rue de l'École Polytechnique, 1 , à Paris
(vº). [1927 .)
Requin Safvet Bey, député à la Grande Assemblée Nationale , à
Ankara ( Turquie ). (1929.)
REIZLeR (Stanislas), bibliothécaire de la Société de Géographie ,
rue Boulard , 20, à Paris (XIV”). [1920 ]
M " *Renié (Colette ), archiviste-paléographe, bibliothécaire de l'École
des Langues orientales, rue de Lille , 2 , à Paris ( VIT®), (1929.)
MM. Renou (Louis ), directeur d'études à l'École pratique des Hautes
Études , rue Pierre -Cherest, 3 , à Neuilly - sur - Seine ( Seine).
(1923, ] .
REUTER (D ' J. N .), ducent de sanscrit et de philologie comparée
à l'Université , Museigatan , 15, à Helsingfors (Finlande).
[1887.)
*River ( D ' Paul), professeur au Muséum d 'histoire naturelle, rue
de Buffon , 61, à Paris (vº). [1928.]
RIVIÈRE (Georges-Henri), rue Lepic , 102, à Paris ( XVIII ), ( 1926.]
RIVIÈRE ( Jean ) , sous-directeur du Musée d'Ethnographie , boule
vard de Lorraine , 59, à Clichy (Seine), [1929.
Rıza Nour Bey ( D "), député de Turquie, ancien ministre , rue Dé
pinoy, 4 , à Malakoff (Seine). (1927 )
HOERICH (Georges ), licencié ès lettres del'Université Harvard , Ri
verside Drive , 310 , à New York City (États-Unis), (1923.]
ROLLAND (François-Grégoire ), rue Félix-Faure , 47, à Enghien -les
Bains (Seine-et-Oise ). (1925. ]
*RONFLARD (Arsène), consul de France, à Trébizonde ( Turquie ).
[1905.)
Ross (Sir Denison ), directeur de l'École des Études orientales ,
London Institution, Finsbury Circus , à Londres , E . C . [1913.)
RoTours (R. Des), rue Joseph-Bertrand, a, à Viroflay (Seine-et
Oise ). [1920 . ]
ROUGIER (Louis) , chargé de cours à la Faculté des Lettres , rue
Gambetta , 13, à Besançon (Doubs). [1927.)
*Rouse (W , H . D .) , Headmaster of Perse School, à Cambridge
(Angleterre ). (1892.]
Roussel ( L .) ,comptable à la Compagnie du Chemin de fer Franco
Éthiopien ,à Djibouti, via Marseille (Côte française des Somalis).
[1930.]
M " RUTTEN (Maggie ) , attachée au Musée du Louvre , quai de Jean
mapes, 94, à Paris ( rº). [1931.]
SOCIÉTÉ ASIATIQUE. 375
M . SAINT-VICTOR (Gabriel De), avenue Mac-Mahon , 23, à Paris (xvu").
(1920 )
M " SAISSET (L.), square Delambre , 1, à Paris (xivº). (1991.)
MM , SARAKI (R.), professeur à l'Université, à Kyoto (Japon ).(1909.)
SAKISIAN (Arménag Bey ), rue Le Laboureur, 18 , à Montmorency
( Seine-et-Oise ). [ 1929.)
Saleh Khan LOGHNAN (Hechmalos - Saltaneh), rue d'Obligado, 11,
à Paris (XVI"). [1920 ]
SALLES (Georges ), conservateur adjoint au Musée du Louvre , rue
du Chevalier- de-la-Barre , 24, à Paris ( XVIII").[1994 .]
Mme San Martino (la comtesse de), Académie Sainte-Cécile, Via Vitto
rio , 6 , à Rome(1921.]
MM . SAROUKHAN (Arakel) , avenue de France , 64 , à Anvers (Belgique).
(1910.]
* SARTON (George), directeur de la revue Isis , Harvard Library,
185 ,à Cambridge, 38, Mass. (États-Unis),[1930.]
SAOBIN (l'abbé Ant.), Maison Cousin de Méricourt, à Cachan
(Seine). [1927.]
SAUSSEY ( Edmond ), Palais Azem , à Damas (Syrie ). (1923.]
SAUVAGEOT ( Aurélien ), professeur au Collège Eötvös, à Budapest
(Hongrie ). [1919.)
Sauvaget (J.), Mission archéologique , à Damas (Syrie ), [1928. ]
SBATH (le R , P. Paul), B. P . 1905, au Caire. [1925.]
M * SCANURRENBERGER ( J.), rue de Vaugirard , 11, à Paris (viº).
1930. )
M . Schuul (Pierre-Maxime), agrégé de philosophie , boulevard Hauss
mann , 152 , à Paris (vnurº). [1930.)
M® Sahulu (le D '), rue Anatole -France , 56 , à Levallois - Perret
(Seine). (1930.)
MM , SEIDENPADEN ( le major Erik ), commandant la gendarmerie sia
moise, Villa Romsey , Hick's Lane, à Bangkok ( Siam ).
(1923.]
SKMÁLAS (Démétrios). [1917 )
ShauIduLLAH (Mohammed ), maitre de conférences à l'Université de
Dacca (Bengale ] (Inde Britannique). (1927 ) .
SIDDIKI ( le D ' Mohammed Zobeir), H . A ., M . A ., B . L., Ph. D.,
Sir Ashutosh professor of Islamic Culture, Calcutta University
( Inde Britannique). (1926. ]
SIDERSKY ( D .), ingénieur,avenue Pasteur, 46 , à Bécon -les Bruyères
(Seine). ( 1912.]
376 OCTOBRE-DÉCEMBRE 1930.
MM.* SIMONSEN (David ), grand rabbin , Skindergade, 28 , à Copenhague.
[1890.]
Sinapian (G .), avocat, rue Isabey, 5 , à Paris (XVI°).[1922.]
SIRÉN ( O .), conservateur du Musée National , à Stockholm .
[1924.]
Sưu Tchan - P10, Université Aurore , à Changhai (Chine). (1995.)
Smith (Helmer ), Postpack 7098, à Stockholm -7 (Suède).(1925. ]
Spire (le D ' Robert) , ancien médecin de la Marine , boulevard du
Temple, 30 ,à Paris (11"). [1931.]
Stabc-HOLSTEIN (le baron de) , professeur à l'Université , à Pekin .
(1924.]
STCHOUKINE (Ivan ), rue Lamblardie, 16, à Paris (XII°). [1926. 1
M " STCHOUPAK (Nadine), rue Leclère, 7, à Paris (xivº). [1925. ]
Sir *STEIN ( M . Aurel ), correspondant de l'Institut, Ph. D . , D . Litt. ,
D . Sc., c/o Dr. P. S. Allen , President, Corpus Christi.College,
à Oxford (Angleterre). [1894.]
MM . STEINILBER-OBERLIN ( Émile ), docteur en droit, rue de l'Abbaye,
14 ,à Paris (vrº). [1925.]
STERN (Philippe), conservateur adjoint du Musée Guimet, bou
levard Malesherbes, go , à Paris ( v111"). [ 1919.)
* SUGIMOTO ( Naojiro), professeur à l'Université Bundi , à Hirosbima
(Japon ). [1931.]
S.A .R . SUKRAVARN (le Prince ) , Légation de Siam , rue Greuze , 8 , à Paris
(XVI ). [1930.]

MM. Taua (Husseïn ) , professeur à l'Université , au Caire. [1919 .)


TakahATA (Kanga ), c/o Dairenji, Shimakitahama, à Tokyo . [1927.
Takaichvili (E .) , professeur à l'Université de Tiflis , à Leuville-sur
Orge, Château , par Montlhery (Seine-et-Oise ). [1925.]
Tandart (S .), avenue Flora , à Nice (Alpes-Maritimes ). [1928. ]
Tarazzi (le vicomte Philippe de ), fondateur-conservateur de la
Bibliothèque Nationale, à Beyrouth (Syrie ).[1922.]
Taver (Felix ), chargé de cours à l'Université, Prěmyslovska , 5 , à
Prague, XII ( Tchécoslovaquie). (1925 .]
TCHANG (K . S .), docteur en philosophie, ex -professeur à l'Univer
sitéde Pékin ,avenue Victor Hugo, 1, à Vanves (Seine). [1929.)
Tchou (Kia -Kien ), rue Pélacot, 86, Concession française , à Tien
tsing (Chine). [1916 .]
Terrasse (Henri ), professeur à l'Institut des Hautes Études Maro
caines , à Rabat. [1926.
SOCIÉTÉ ASIATIQUE. 377
M - Thiébaut (Madeleine), boulevard Haussmann, 170 bis, à Paris
( viu '). (1993.)
MM . THION DE LA Chaume (René), quai d'Orsay, 27, à Paris ( vuº).
[1922. ]
THOMAS (F . W .) , India Office Library ,Whitehall, à Londres S . W .
[1906 .]
THOREAU-Dangin ( F .),membre de l'Institut, rue de Grenelle, 102,
à Paris ( vnº). [1895 . ]
TomomaTSU (E . ), Université Taisho , Sugamo, à Tokyo. ( 1930. )
TOPTCHIBACHY (Ali Mardan Bek ), président de la Délégation de
paix de l'Azerbaïdjan , rue du Calvaire, 35 , à Saint - Cloud
(Seine-et-Oise ). (1925. ]
TOUSSAINT (Gustave - Charles), président de tribunal, à Changhaï
(Chine). (1909.]
M " TUBINI( B .), rue Blaise-Desgoffe , 2 , à Paris (viº). [1931.]
M. Tucci (Giuseppe ), professeur à l'Université de Rome, bibliothécaire
de la Chambre des Députés , Visvabharati, glo Italian Consul,
18 B Park Street, 9 Stephen Court , à Calcutta (Inde Britan
nique). (1993. ]

UNIVERSITÉ OTANI (Shigashi Honganji), à Kyoto. [1931.]

MM. VAIDYA ( P. L .), M . A ., Willingdon College, Sangli, à Bombay


(Inde Britannique). (1923.]
Vaux (le baron CARRA DE ), professeur honoraire d 'arabe à l'Institut
catholique , rue Aumont- Thiéville , 6 , à Paris (xvirº).
VENTURA (M .), licencié és leltres , rue de Noisy, 114, à Bagnolet
(Seine). [1926 .]
VERDEILLE (Maurice), rue Testard , 97, à Saïgon (Indochine).
[1926.)
VÉROUDART ( Paul ), rue de Béthune , 5 , à Versailles -le-Chesnay
(Seine-et-Oise ). [1923. ]
Viao ( Jean ), rue Soufflot , 5 , à Paris ( vº). [1922.
VIGNIER (Charles ), rue Lamennais ,4 , à Paris ( vinº). [1928.]
Vincent (l'abbé A .) , Château de la Cocove, par La Recousse (Pas
de-Calais ). [1926.]
VIROLLEAUD ( Ch.) , ancien directeur du service des Antiquités de
Syrie , rue Vauquelin , 15 , à Paris ( vº). [1903.]
*Vosy- BOURBON ( H .), rue de Poissy, 31, à Paris (vº). [1923.]
378 OCTOBRE-DÉCEMBRE 1930.
MM .WARE (James R . ), boulevard Saint-Germain , 173 , à Paris ( 11").
[1926.]
*WELL (Raymond) , directeur d'études a rÉcole pratique des
Hautes Études , rue du Cardinal-Lemoine, 71, à Paris (rº).
[1898.]
Wiet (Gaslon ), directeur du Musée Arabe, place Bab el-Khalk , an
Caire. [1909.]
Winzer, Archæological Survey of Ceylon , à Colombo (Ceylan).
[1930 .)
Mme WiLMAN-GRABOWSKA (Hélène de ) , professeur à l'Université , à Cra
covie (Pologne). (1991.)
MM . "Woods ( James Houghton ), professeur de philosophie à l'Université
Harvard , Prescott Hall, 16, al Cambridge (Massachusetts
( États-Unis). [1913.]
Woo ( K .) , rue Denfert-Rochereau, 26 , à Paris ( r ) (1931.)
XIMÉNEZ (Saturnino ), rue de Richeliau , 18, à Paris ( 1" ). [1924.)
YAMADA (Rioju ), à Kyoto ( Japon ). [1926.)
Yamaguchi (Susumu ), professeur à l'Université Otani, à Kyoto
( Japon ). [ 1928 . ]
Yanni ( G . ), à Tripoli de Syrie.
Yusuf Hussain , docteur ès lettres , Jamia Millia Karolbagh , à Delhi
(Inde Britannique). (1997.)
ZAYÂT (Habib), à Avallon ( Yonne), (1903.)
SOCIÉTÉ ASIATIQUE. 379
379
LISTE DES MEMBRES HONORAIRES.

MM . DAMRONG RAJANUBHAB (S . A . R . le prince), à Bangkok (Siam ).


(1928 . ]
ERMAN ( D ' Adolf) , professeur à l'Université , à Berlin . (1905.)

GOLENISCHEF (W . S.) , conservateur au Musée de l'Ermitage, Mu


sée des Antiquités, au Caire. [1905.]
GRIERSON (Sir George A .), C . I. E., correspondant de l'Institut,
Rathfarnham , Camberley (Surrey) [ Angleterre]. [1905.]
Griffith ( F . LI.), professeur à l'Université, Norham Gardens, 11,
à Oxford (Angleterre). [1905.]
Guidi (Ignazio ), membre associé de l'Institut, professeur à l'Uni
versité, Botteghe oscure, 24 , à Rome. (1905 .]
Lanman (Charles Rockwell ), correspondant de l'Institut, professeur
à l'Université Harvard , Farrar Street, 9 , à Cambridge (Massa
chusetts ] (Etats-Unis ). (1905.]
OLDENBURG (Serge d’),ancien secrétaire de l'Académie des Sciences ,
à Leningrad. (1905.]
Pinches (Theophilus Goldrige), conservateur au British Museum ,
Sippara, 10, Oxford Road , Kilburn , N . W . (Angleterre ). [1905.]
SCHIAPARELLI (Ernesto ), directeur du R . Museo di antichità , à
Turin ( Italie ). [1905.
Snouck HURGRONJE (Christian ) ,correspondant de l'Institut, conseiller
du Gouvernement colonial néerlandais, professeur honoraire à
l'Université , Rapenburg ,61, à Leyde (Hollande). [1910.]
WIEDEMAN (D ' Alfred ), professeur à l'Université, à Bonn (Alle
magne). [1905.]
TABLE DES MATIÈRES
CONTENUES DANS LE TOME CCXVII.

MÉMOIRES ET TRADUCTIONS.

La campagne du printemps de 1929 à Tello (M . H . DE GENouillac).. 1


Transcaucasica (M . V. MINORSKY)........ . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11
Quelques publications sémitiques récentes (M . F. Nau). . .. ... .. ... 113
Le texte du Draxt Asūrik et la versification pehlevie (E . BENVENISTB ). . 193
Stratification des langues et des peuples dans le Proche-Orient préhisto
rique ( E . FORRBR ) . . . . . . . . . . . . ... 297
Les mots mongols dans le Korye sd (Paul PELLIOT ). . . . . . . . . . . . . . . 253

MÉLANGES.
Note sur une éclipse du temps d'Açoka(?) (M . R. Fazy ).. .. . .... . .. 135
Sur quelques images de någas à Sambór Prei Kủk (M . V.Goloubow ). 137
Les stances d'introduction de l'Abhidharmahrdayaśāstra de Dharmatrāta
(Paul Pelliot). .... ... .... .... .. 267
S. A. R. le prince Damrong (Louis Finor).... ..... ...... ..... ...
Un texte grec relatif à l'Asvamedha (Roger Goossens).. . .. .. ... . .. .. 380
Le sort des trépassés dans un hymne à la déesse Nun-gal contempo
rain de la dynastie d'Isin (Charles-F. Jean )... 286
Noms sogdiens dans un texte pehlevi de Turfan (E. BENVENISTE )... .. 291
Note sur l'Alambanaparikṣā (La Vallée Poussin )... ... ..... ... ....
Un élémentmésopotamien dans l'art de l'Inde (D ' C. L. Fábri). . .. . 298
382 OCTOBRE-DÉCEMBRE 1930.

CHRONIQUE ET NOTES BIBLIOGRAPHIQUES.


Octobre-décembre 1930 : Périodiques. ..... 303
S. M . Nădir Shah (René GrousseT). ... ... .... .. 306
A propos d'une exploration au Yémen (M . LAMARE). .. . . .. ... .. .. . 307
Essai de MINO
bibliographie
RSKY
des travaux de J. Markwart (1864 -1930)
(M . V . ). . . . . ... .. . 313

SOCIÉTÉ ASIATIQUE.
Procès-verbal de la séance du 14 mars 1930.. . . . . .
Procès-verbal de la séance du 11 avril 1930....... .......... ....
Procès-verbal de la séance du 9 mai 1930... ...
Annexe au procès-verbal : La Géorgie et les lettres françaises( M . Ch. Bé
RIDZE ). . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Procès-verbal de la séance générale du 19 juin 1930 ... .. .. . .. . . .


Rapport de la Commission des censeurs sur les comptes del'année 1929.
Comptes de l'année 1929.. .. .. . . .. . . . . . .. . . . . .
Bilan au 31 décembre 1929 ... ... . . . . . .. . . . . . . . . .. . . .
Budget de l'année 1931.... .. ..... .. ...
Rapport sur la Bibliothèque pour l'année 1929-1930 (M . L. Bouvar)...
Fondation de Goeje . .. . . . . ........ ... . 333

COMPTES RENDUS .

Juillet-septembre 1930 : R. Said-Ruete , Said bin Sultan ; - W . Gort


SCHALK , Katalog der Handbibliothek der orientalischen Abteilung : -
K . Miller , Mappae Arabicae , Arabische Welt- und Länderkarten ; -
M . Gaudry, La femme chaouia de l'Aurès ; - Y . HUSAYN , L 'Inde mays
tique au moyen âge ; - SUARĂb , Das Kitāb ağă’ib al-akālim as-saba;
- Annual bibliography of Indian archaeology for the year 1998
(Gabriel FERRAND ). - TING TCỦAO- TS'Ing , Les descriptions de la
Chine par les Français (1650 - 1750); - Tcwan Tsoun-TCHUN , Essai
historique et analytique sur la situation internationale de la Chine ,
- Tseo PAK -LIANG, Recherches sur quelques 'minerais chinois de
tungstène et de molybdene; - Tsing TUNG-GIUN, De la production
TABLE DES MATIÈRES. 383
et du commerce de la soie en Chine (R . des Rotours). – A. Bey
SAKISIAN , La miniature persane du xiº au xvue siècle ; - L. DE CAS
TANHEDA , Historia do descobrimento da India pelos Portugueses
(1553- 1561); - Ars asiatica ; - Ceylon zur Zeit des Königs Bhuva
neka Bähu und Franz Xavers 1539-1552 (L . Bouvar). – J. Bacot,
Une grammaire tibétaine du tibétain classique ; – G . MARÇais, Les
faïences à reflets métalliques de la grande mosquée de Kairouan ; -
Fr. WELLER , Tausend Buddhanamen des Bhadrakalpa ; - E. H . John
ston, The Saundarananda ofAśvaghoṣa (Marcelle Lalou). — L. Dela
PORTE, Éléments de la grammaire hittite ; - L. DELAPORTE, Le sylla
baire hittite cuneiforme; - H . Fr. Lutz , Old babylonian letters
(Ch.- F . JEAN ). – J. BALTRUŠAITIS , Etudes sur l'art médiéval en
Géorgie et en Arménie ( K . J. BASMADJIAN ). – Gabriel FERRAND , In
troduction à l'astronomie nautique arabe ; - G . WEIL , Die Königs
lose (J.-M . FADDEGON ). – Ét. Lamotte , Notes sur la Bhagavadgitā
( 0 . LACOMBE ). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . 151
Octobre-décembre 1930 : W . E . Clark , The Aryabhatīya of Abyabhata ;
- M " R . L . DEVONSHIRÉ , Eighty mosques and other islamic monu
ments in Cairo ; - G . GABRIELI, Manoscritti e carte orientali nelle
biblioteche e negli archivi d'Italia (Gabriel FerrAND). — L. FEKETE,
Einführung in die osmanischtürkische Diplomatik der türkischen
Botmässigkeit in Ungarn (J. Deny). -- A . HONENBERGER, Die indische
Flutsage und das Matsyapurâņa ; - G . Tocci, Pre-Dinnāga Buddhist
Texts on Logic from Chinese Sources (P. Masson-OURSEL). .. . . . . .. . 335
Liste des membres. . . . . .. .. . 355

Le gérant-adjoini : Le gérant:
René GROUSSET. Gabriel FerraND.
LIBRAIRIE ORIENTALISTE PAUL GEUTHNER , S. A .

et de paraitre :
C . TOUSSAINT
PROFESSEUR À LA FACULTÉ DES LETTRES DE L'UNIVERSITÉ D'AIX -MARSEILLE

ORIGINES DE LA RELIGION D 'ISRAËL

L'ANCIEN JAHVISME
'n volume de 24 planches et cartes , 374 pages in-4° couronne, 1931. Prix : 100 fr.
- II. Introduction . Étude critique des documents.
Le cadre général : 1. Le pays. – 9. La race. – 3. Le milieu.
Les affinités : 1. La religion des premiers Sémites. – 2. La religion des Sémites d'Orient.
La religion des Sémites occidentaux (Amorites, Cananéens ). - 4. La religion des Sémites
Araméens, Arabes).
L’Elohisme patriarcal :
wi, El-Elyon , El-Olam .
1. Les légendes patriarcales. — 2. Les dieux des patriarches,
Les origines du Jahvisme : 1. Le nom de Jahvé. – 2. La fondation du Jahvisme. - 3. Ori
du Jahvisme.
Fahvé en Canaan : 1. La conquête de Canaan. - 2. Installation en Canaan . - 3 . Baal et
Jahvé sous les premiers rois : 1. Les traditions de Silo. – 2. L'arche à Jérusalem . - 3. Le
de Jérusalem .
Jahvé après le Schisme des dix tribus : 1. Causes ethniques , politiques , sociales etreligieuses
ission . — 2. Jahvé dans le royaume du Nord. - 3. Jahvédans le royaume du Sud.
.. Vue d'ensemble sur l'évolution du Jahvisme ancien .
s. Bibliographie et index,
e ne saurait mieux caractériser les premières étapes de la religion d'Israël durant la période qui va de Moise à
du prophétisme hébreu , c'est-à-dire du mº au 1° siècle avant notre ère. A ce stade de son développement reli
ne se différencie presque pas de ses congénères sémites et de ses voisins. Jahvé ressemble singulièrement à
ikom , et aux Baals cananéens de Tyr et de Sidon .
devait devenir le dieu unique et absolu de l'univers n'est encore, pour l'heure , qu'un dieu national, et même le
des dieux palestiniens. Le germe de monothéisme qu'il porte en lui, à l'origine, est à peine sensible el ne
ore qu'au terme d'une longue évolution , après l'es luttes des prophètes et les épreuves de l'exil babylonien . Jus.
-ne dépasse pas de beaucoup l'hénothéisme courant des autres nations; dans son ensemble , il reste polyth- iste el
s plus haut, comme speculations ou pratiques religieuses , que les peuples qui l'entourent. Certes , ce n'est pas li
ot entendre, dans leur tenenr actuelle et au sens obvie , les parties de la Bible qu'on nomme historiques, depuis
jusqu'aux livres des Rois. A les lire , on est porté à croire que le monothéisme date des premiers jours de l'hu
il s'est conservé, au milieu du polythéisme ambiant, grâce à quelques hommes d'élite qui sont les ancêtres du
1 . nation sainte , race d'élection que Dieu a choisie tont exprès pour continuer cette mission et garder au monde
eritage , jusqu'à l'heure où sonnerait le retour des esprits à la vérité. Telles sont les idées qui ont cours dans la
premiers chapitres de la Genése. A peine, ici et là , quelques débris de textes pour y contredire , mais ces frag
nabreux et isolés de leur contexte primitif, sont noyés dans la parration d'ensemble. Tout de même, leis qu 'ils
t soupçonner un état de choses qui n'est pas celui qu 'ont voulu décrire et imposer aux générations à venir les
teurs de la Thora. C'est avec ces épaves flottantes que la critique , au prix d'efforts tenaces et de tâtonnements
ssayé de rétablir par conjectures ce passé disparu .
que ce travail de reconstitution historique ait des bases solides, il ne suffit pas de de perdre dans des analyses
fin , qui aboutiraient à une sorte de scolastique aride et vide de réalité ; il faut se tenir en contact permanent et
les progrès de la philologie et de l'archéologie orientales, aussi bien qu'avec les données les mieux établies du
religions comparées.
umie
Ex Oriente Lux. C'est à l'assyriologie , à l'égyptologie , à la palestinologie qu'il faut deman
res que ne donnent ni les texte de l'Ancien Testament sous leur forme actuelle , ni même les hypo
ritique laissée à ses propres moyens. Voilà l'esprit et la méthode dont veut s'inspirer le livre qui a l'intention de
u jugement du lecteur désireux de connaître , sans parti-pris d'aucune sorte et sur le terrain de l'histoire , qui
da la théologie, los origines de la religion d'Israël.
TABLE
DES MATIÈRES CONTENUES DANS CE NUMÉRO .
Pages,
Le texte du Draxt Asūrik et la versification pehlevie ( E. Benveniste)... .. . .. . .. . 193
Stratification des langues et des peuples dans le Proche - Orient préhistorique

.
( E . FORRER ) . . . . . . . . .... ... ... ... .. . . 23
Lesmots mongols dans le Korye să (P. Pellior)...... 35 .
Mélanges : Les stances d'introduction de l'Abhidharmahrdayaśāstra de Dharmatrāta
(P. Pelliot). – S. A . R . le prince Damrong (Louis Finor). – Un texte grec
relatif à l'Afvamedha (Roger Goossens). - Le sort des trépassés dans un hymne
à la déesse Nun -gal contemporain de la dynastie d 'Isin (Charles-F . JEAN ) . – Noms
sogdiens dans un texte pehlevi de Turfan ( E . BENVENISTE). - Note sur l'Alambana
parikṣā (La Vallée Poussin ). — Un élément mésopotamien dans l'art de l'Inde
( D ' C . L. Fábri) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 257
Chronique et notes bibliographiques : Périodiques
Shāh (René Grousser). - A propos (Gabrielau Ferrand
d 'une exploration Yémen ).(M -. LAMARE
S. M . Nadir
). —
Essaide bibliographie des travaux de J. Markwart (1864 -1930) (V . Mikorsky ). . . . 3
Société asiatique : Procès-verbal de la séance générale du 12 juin 1930. — Rapport
de la Commission des censeurs sur les comptes de l'année 1929. – Comptes de
l'année 1929. – Bilan au 31 décembre 1929 . – Projet de budget pour l'année
1931. – Rapport sur la bibliothèque pour l'année 1929-1930 . – Fondation De
Goeje en 1930 . . . . . . . . . . . . . . . . .. .. 393
Comptes ren-lus... . . . . . . . . 333
W . E. Clank , The Aryabhatiya of Aryahhata; - M ** R . L. DEVONSHIRE, Eighty mosques
and other islamic monuments in Cairo ; - G . GABRIELI, Manoscrili o carte orientali nelle
biblioteche e negli archivi d'Italia (Gabriel Fernand). – L. FEKETE, Einführung in die
osmanischtürkische Diplomatik der türkischen Botmässigkeit in Ungarn (J. DENY ). - - A . Ho
HEYBERGER , Die indische Flutsage und das Matsyapuråna; - G . Tocci, Pre-Dinnāga Buddhist
Texts on Logic from Chinese sources (P. Masson-OURSEL ).
Liste des membres . . . . . . . . . . . . . . . 353

Nota. Les personnes qui désirent devenir membres de la Société asiatique doivent adresser
leur demande au Secrétaire ou à un membre du conseil. .
MM. les Membres de la Société s'adressent, pour l'acquiltement de leur cotisation an
nuelle (60 francs par an pour les pays à change déprécié , 120 francs pour les pays à change
élevé) au Trésorier de la Société Asiatique, Musée Guimet, Place d'léna, 6 , Paris (xv1"), -
pour les réclamations qu 'ils auraient à faire , pour les renseignements et changements d'adresse,
au Secrétaire de la Société Asiatique, rue de Seine, 1, Paris (v1"), et pour l'achat des ouvrages ,
publiés par la Sociétéaux prix fixés pour les membres, directement à la librairie PaulGeuthner.
rue Jacob , n° 13 (v1 ).
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Pour les abonnements au Journal asiatique, s'adresser à la librairie Paul Geuthner
libraire de la Société .
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IMPRIMERIE NATIONALE.
JULY 71 ER ,
N .MANCHEST
ANA
INDI

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