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S OC IÉ T É

L’appropriation
culturelle dans la
mode
Une manifestation de
racisme ordinaire

Victoir… Le 10 févr. 2021

3 min de lecture

Les exemples d’appropriation culturelle sont


nombreux et encore actuels, particulièrement dans
la mode et la beauté. Il s’agit d’une forme de
racisme ordinaire, dans laquelle une culture
historiquement dominante sur une autre
s’approprie l’histoire et les codes à des fins de profit
économique, tout en dégradant son patrimoine.
Dans cet article on explique ce à quoi
l’appropriation culturelle peut correspondre dans la
mode à la lumière de quelques exemples concrets,
leurs conséquences sociétales et des pistes pour
permettre un échange culturel respectueux.

Merci à Clémence pour sa contribution et sa


participation à notre podcast ON(WARD)
FASHION sur le même sujet.

Qu’est-ce que
l’appropriation
culturelle et
comment lutter
contre ?
Qu’est-ce que c’est ?
On parle d’appropriation culturelle lorsque le
patrimoine d’une culture historiquement dominée
est utilisé par un groupe dominant à des fins de
profits (artistique, économique, politique). En
pratique dans la mode, lorsqu’un créateur utilise
un textile, un accessoire, une coiffure, un motif…
Etc et en revendique la propriété intellectuelle,
bien souvent en renommant l’élément concerné
ou en modifiant ses caractéristiques, sans
prendre en considération son histoire et sa
portée symbolique.

Des exemples dans la mode ?


Les exemples dans la mode sont nombreux : en
2015, un défilé Victoria Secret empruntait des
codes amérindiens, une coiffe portée dans cette
culture par des personnes respectées et haut
placées dans la hiérarchie, ici revêtue par Karlie
Kloss ; en 2013, Katy Perry s’habillait en Geisha
japonaise lors des American Music Awards,
l’image de la Geisha au Japon est à la fois très
respectée et très conservatrice. Elle enferme les
femmes dans une image de soumission et de
réduction de leur fonction à leur seule beauté,
objectivées par les hommes ; en 2019 un défilé
Gucci met en scène des turbans Sikhs revendus
à 790$ en boutique ; en 2017, Stella Mc Cartney
présentait plusieurs looks Printemps/Eté
contenant des batiks et du wax. Dernier en date,
le défilé de Virgil Abloh pour Louis Vuitton dans
lequel on trouvait des sacs présentant un
assemblage de cuir et de madras. Remarquons
qu’aucun des mannequins ici n’est apparenté à
la culture concernée par le détournement.

Pourquoi c’est grave ?


Ça appauvrit la culture concernée : bien
souvent, l’histoire empruntée est transformée :
on change le nom, on ignore la tradition, on
détourne les codes artistiques. Il ne s’agit pas
d’un emprunt qui rend hommage à ces codes
car on ne met pas en avant l’histoire et le
patrimoine du peuple concerné. A terme, la
société pense que le designer est l’inventeur
de l’élément culturel concerné, la communauté
à son origine – parfois depuis des siècles,
comme le madras – en est dépossédée ;
La culture concernée a un manque à gagner
économique : ce n’est pas elle qui perçoit les
profits ;
Ça contribue à effacer la culture concernée.
Ses acteurs en sont dépossédés, elle n’existe
“que parce qu’elle est passée entre les mains
des dominants. La communauté à l’origine
peut avoir l’impression de ne pas être capable
de défendre, promouvoir, profiter
économiquement de la richesse de sa culture ;
Ça renforce la suprématie blanche qui
profite de la propriété des personnes racisées,
tout en excluant ces personnes racisées. A
aucun moment on ne s’interroge sur le bien
fondé / la valeur ajoutée de l’élément culturel
dans une collection de mode, en dehors du fait
de générer du profit.

Des dreadlocks sur un défilé Marc Jacobs en


2016

Pourquoi c’est du racisme


ordinaire ?
Parce que l’élément culturel concerné amène à
des généralisations racistes ou des stéréotypes
sur les origines, alors qu’il est considéré cool ou
tendance lorsque les privilégiés se l’accaparent.
Par exemple, à Paris : le port du madras chez
une femme métisse de 50 ans peut passer pour
un défaut d’intégration, alors qu’il est considéré
cool chez une femme blanche de 20 ans.

Mais alors, que penser d’une


femme noire qui lisse ses
cheveux ?
Il ne s’agit pas d’appropriation, mais
d’assimilation culturelle par des femmes en
quête d’intégration par l’usage de codes blancs.
L’assimilation n’est pas un choix mais perçue
comme la nécessité de se plier à des codes
culturels dominants pour se faire une place.
Lorsque l’on décide de se déguiser en personne
racisée (correspondant au terme précis de
« Blackface »), il s’agit d’un choix : on peut retirer
ces attributs en rentrant le soir chez soi. Les
personnes racisées n’ont pas cette possibilité.
Les premières agressions racistes perçues par
un jeune enfant racisé se manifeste souvent par
le souhait de « d’enlever sa couleur : d’être
blanc » [3].
Par ailleurs, la notion d’appropriation est
fondamentale dans l’appropriation culturelle.
Lorsque Marc Jacobs coiffe ses mannequins de
« Mini-Buns » les Bantu Knots d’origine afro
portés par des milliers de femmes noires depuis
des siècles, il s’octroie la propriété de cette
coiffure en la renommant. Aucune femme noire
aux cheveux lissés n’a revendiqué un jour
l’invention voire la propriété de la queue de
cheval [2].

Les « Mini-Buns » sur un défilé Marc Jacobs en


2015, largement inspirés des traditionnels Bantu
Knots issus de la culture afro.

Est-il possible de s’inspirer et


de bien faire ?
Il semblerait que oui, à certaines conditions.
Il faut d’abord s’interroger sur la nécessité de
s’inspirer largement d’autres cultures : quel est
l’apport du turban Sikh dans la valeur créative
d’un défilé Gucci ? Dans la silhouette globale du
mannequin en tailleur ?
Ensuite, l’équité peut exister dans un réel
échange culturel qui implique le respect de la
culture opposée :

Inclure des personnes concernées par cette


culture, à chaque étape (décision, production,
shootings)
Assumer ces inspirations, avoir la décence de
connaître l’histoire associée et de la partager,
toujours faire état publiquement de la parenté
de l’idée à la culture qui en est propriétaire
Proposer ces produits à une clientèle qui fait
l’objet de cette représentation, afin de rendre
valide cet élément culturel pour toutes et tous,
quelle que soit sa différence.

Des références pour


comprendre
Notre podcast avec Clémence, experte sur le
sujet, de la chaîne Youtube Keyholes &
Snapshots
[1] Kiffe Ta Race , le podcast
[2] Keyholes and Snapshots , la chaîne de
Clémence
[3] Skin Colors, Way kids see it , sur Youtube
[4] BBC, What is representation ?

Victoire Satto

(5)

Commentaires
Victoire Satto
publié le 23/02/2021

Merci pour votre commentaire ! Aller chercher


des expert·es aux opinions extrêmes permet
de susciter le débat, les retours sur ce sujet
sont aussi divers que riches. Il y a beaucoup
de choses à dire sur le luxe à débordement
dont les vêtements inaccessibles sont copiés
par la fast-fashion à la vitesse de l’éclair (et
l’appropriation avec), le même luxe qu’on
souhaite non pas sauver mais voir se
transformer, plus durable, équitable,
représentatif de toutes & tous. Bref, nous
avons du travail et des questions (à continuer
de) soulever. Bonsoir

Nicolas Jambon
publié le 22/02/2021

vous vous prenez trop au sérieux, tout cela


doit être ludique;la mode, c’est du
paraitre!Que dire des « sappeurs », ou de tous
les gens qui portent des jeans dans le monde
entier..Dans votre article, il est question de
censure, il faut fermer, empècher,
culpabiliser..La pluspart des gens se foutent
de ces modes qu’on ne peut même pas se
payer.Bien sùr qu’il y a des limites à respecter,
des excuses à présenter, mais il faut arrêter
avec cette manie américaine de judiciarisation
latente.Vous essayez de sauver un navire de
luxe qu’on laissera bientôt rouiller à quai.Place
à la création individuelle, les gens qui ont
envie de se mettre en valeur n’ont pas besoin
de ces porte-étendard que sont ces
mannequins (chiens ou chiennes même pas
savantes, muettes ! libérons-les de cette
dictature.bonsoir à tous et merçi à J.P

Victoire Satto
publié le 15/02/2021

Quel bonheur de lire ce com ! Tu as tout à fait


raison, c’est ce que dit Clémence dans le
podcast : le problème est de rétablir la
parenté, transmettre les infos sur la culture
dont on s’inspire pour ne pas qu’on oublie d’où
elle vient, et enfin rétribuer si besoin
économiquement. Belle soirée à toi !

Hawa
publié le 15/02/2021

Souvent le problème n’est pas l’appropriation


en elle même mais plutôt le fait de ne pas
mentionner l’origine de l’inspiration. On ne dit
rien et on profite comme ci on l’avait inventé.
Voili voilou. Bravo Victoire pour votre site, il est
tellement riche. Hawa

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