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Chapitre 28

Analyse complexe

28.1 Fonctions holomorphes


La dérivée complexe est discutée à la section 16.1.

28.1.1 Équations de Cauchy-Riemann


Notons que la formule (16.19) donne un développement limité pour les fonctions holo-
morphes. Si f est holomorphe en z0 alors si z est dans un voisinage de z0 , il existe une fonction
s : Ñ telle que limtÑ0 sptq{t “ 0 et

f pzq “ f pz0 q ` f 1 pz0 qpz ´ z0 q ` sp|z ´ z0 |q. (28.1)

Nous introduisons les opérateurs


ˆ ˙
B 1 B B
“B“ ´i (28.2a)
Bz 2 Bx By
ˆ ˙
B 1 B B
“ B̄ “ `i (28.2b)
Bz̄ 2 Bx By

Si f est une fonction -dérivable représentée par la fonction F “ P ` iQ, les équations de Cauchy-
Riemann signifient que P “ Q “ 0, c’est à dire que la fonction f a des composantes harmo-
niques.

Théorème 28.1.
Si f P C 1 p q alors nous avons équivalence des faits suivants :
(1) f est holomorphe sur ,
(2) f vérifie Bz̄ f “ 0.

Proposition 28.2.
Une application f : Ñ est -dérivable sur si et seulement si elle est différentiable et
$
’ Bu Bv

& “ (28.3a)
Bx By
’ Bu Bv

% “´ (28.3b)
By Bx

où f px ` iyq “ upx, yq ` ivpx, yq. Ces équations se notent de façon plus compacte

Bf
“ 0. (28.4)
Bz̄
Les équations (28.3) sont les équations de Cauchy-Riemann.

1525
1526 CHAPITRE 28. ANALYSE COMPLEXE

Démonstration. La différentielle de f : 2
Ñ 2 est donnée par la matrice
ˆ ˙
Bx upaq By upaq
T “ . (28.5)
Bx vpaq By vpaq
Cette matrice est
ˆ une
˙ similitude
ˆ ˙ si et seulement si les équations de Cauchy-Riemann sont satisfaites.
1 0
En effet si 1 “ et i “ , la matrice T est une similitude (écrivons – ` i— son coefficient) si
0 1
"
T p1q “ – ` i— (28.6a)
T piq “ ´— ` i–, (28.6b)
c’est à dire ˆ ˙
– ´—
T “ . (28.7)
— –
Identifier cette matrice à (28.5) fournit le résultat annoncé.

Proposition 28.3.
Si f : Ñ est holomorphe, alors nous avons

dfz0 “ pBz f qpz0 q (28.8)

au sens où l’opérateur linéaire dfz0 : Ñ est l’opération de multiplication par le nombre complexe
pBz f qpz0 q.

Démonstration. Soit f px ` iyq “ f1 px, yq ` if2 px, yq une fonction holomorphe. Les fonctions réelles
f1 et f2 sont assujetties aux équations de Cauchy-Riemann de la proposition 28.2 :
"
Bx f1 “ By f2 (28.9a)
Bx f2 “ ´By f1 . (28.9b)

Nous avons, en recourant à un petit abus de notation entre fi : 2 Ñ et fi : Ñ :


d” ı
dfz0 puq “ f pz0 ` tuq (28.10a)
dt t“0
d” ı
“ f1 pz0 ` tuq ` if2 pz0 ` tuq (28.10b)
dt ` t“0
˘
“ Bx f1 u1 ` By f1 u2 ` i Bx f2 u1 ` By f2 u2 (28.10c)
ˆ ˙ˆ ˙
Bx f1 By f1 u1
“ (28.10d)
Bx f2 By f2 u2
ˆ ˙ˆ ˙
Bx f1 By f1 u1
“ . (28.10e)
´By f1 By f2 u2
En utilisant le lemme 16.4 nous reconnaissons la matrice de multiplication par le nombre Bx f1 ´
iBy f1 . Or justement,
ˆ ˙
1 B B 1` ˘
Bz f “ ´i f “ Bx f1 ` iBx f2 ´ iBy f1 ` By f2 , (28.11)
2 Bx By 2
qui se réduit à Bx f1 ´ iBy f1 lorsque nous y appliquons les équations de Cauchy-Riemann.

28.1.2 Intégrales sur des chemins fermés


Lemme 28.4.
Si g est une fonction continue dans un ouvert Ä et si g admet une primitive complexe sur
alors ª
gpzqdz “ 0 (28.12)

pour tout chemin fermé “ de classe C1 contenu dans .


28.1. FONCTIONS HOLOMORPHES 1527

Démonstration. Nommons G une primitive de g. Par définition,


ª ª
g “ G1 (28.13a)
“ “
ª1
` ˘
“ G1 “ptq “ 1 ptqdt (28.13b)
0
ª1
“ pG ˝ g“q1 ptqdt (28.13c)
0
` ˘
“ Gp“p1qq ´ G “p0q (28.13d)
“0 (28.13e)
parce que le chemin est fermé : “p0q “ “p1q.

Lemme 28.5 (Goursat[346]).


Soit un ouvert dans et f une fonction continue sur , holomorphe sur moins éventuellement
un point (nommé z1 P ). Soit T , un triangle 1 fermé inclus dans . Alors nous avons
ª
f pzqdz “ 0. (28.14)
BT

Démonstration. Nous notons “ “ BT . Dans la suite nous allons définir une suite de triangles T pnq
et nous noterons “n “ BT pnq avec une orientation que nous allons expliquer. Pour commencer nous
posons T p0q “ T et “0 “ BT p0q .
Nous considérons le cas z1 R T , et nous posons
ª
c “ lp“q´2 | f |. (28.15)

Notre objectif est de montrer que c “ 0. Soit A, B, C les trois sommes du triangle ; nous divisons
le triangle de la façons suivante. D’abord nous considérons les points A1 , B, C 1 respectivement
milieux de BC, AC et AB. En traçant le triangle A1 B 1 C 1 , nous construisons quatre triangles que
p0q
nous nommons Ti . Le théorème de Thalès assure que le périmètre de chacun des quatre triangles
est la moitié du périmètre du grand triangle T .
Sur T nous choisissons l’orientation ABC. De façon à être « compatible », nous choisissons les
orientations AC 1 B 1 , BA1 C 1 et A1 CB 1 . La somme de ces trois triangles donne T plus le triangle
A1 C 1 B 1 . Par conséquent nous choisissons sur le triangle central l’orientation (inverse) AB 1 C 1 de
façon à avoir
ª ÿ4 ª
f“ f. (28.16)
p0q
“ i“1 BTi
p0q
Cela implique que pour au moins un des quatre triangles (disons Tk pour fixer les idées) nous
ayons ª ª
1
f• f (28.17)
p0q
BTk 4 BT p0q
Nous notons T p1q ce triangle. Comme noté précédemment nous avons
1
lpBT p1q q “ lpBT p0q q, (28.18)
2
et donc ª ª ª
1
lp“1 q´2 | |f “ 4lp“0 q´2 | f | • 4lp“0 q´2 | f | “ c. (28.19)
“1 “1 4 “0

En répétant le procédé nous construisons une suite de triangles T pnq qui satisfont toujours
1
lpBT pnq q “ lpBT p0q q. (28.20)
2n
1. Nous considérons ici le triangle « plein ».
1528 CHAPITRE 28. ANALYSE COMPLEXE

Ces triangles forment une suite de fermés emboités dont le diamètre tend vers zéro. Leur intersec-
tion contient donc exactement un point (lemme 18.119) que nous nommons z0 (et qui appartient
évidemment à ). Étant donné que f est holomorphe nous utilisons le développement limité (28.1)
autour de z0 :
f pzq “ f pz0 q ` f 1 pz0 qpz ´ z0 q ` sp|z ´ z0 |qpz ´ z0 q (28.21)
avec limtÑ0 sptq “ 0. Nous posons gpzq “ f pz0 q ` f 1 pz0 qpz ´ z0 q et nous considérons ‘ ° 0. Soit
– ° 0 tel que
|f pzq ´ gpzq| † ‘|z ´ z0 | (28.22)
pour tout |z ´ z0 | † –. Le – à choisir pour obtenir cet effet est celui qui donne sp|z ´ z0 |q † ‘. Soit
N P tel que lp“n q † – pour tout n ° N . D’autre part, deux points dans un triangle sont toujours
à distance moindre que la longueur d’un côté, donc pour tout z P T pnq nous avons |z ´ z0 | † – et
par conséquent pour tout z dans T pnq nous avons

|f pzq ´ gpzq| † ‘|z ´ z0 |. (28.23)

Notons que la fonction g est une dérivée : c’est la dérivée de la fonction


1
Gpzq “ zf pz0 q ` f 1 pz0 qpz ´ z0 q2 . (28.24)
2
Par conséquent nous avons ª
g“0 (28.25)
“n
par le lemme 28.4. Nous avons donc
ª ª
| f| “ | pf ´ gq| (28.26a)
“n “n

§ lp“n q maxt|f pzq ´ gpzq| tel que z P T pnq u (28.26b)


2
§ ‘lp“n q , (28.26c)

et par conséquent ª
c § lp“n q´2 | f | § ‘, (28.27)
“n
ce qui signifie que c “ 0 parce que ‘ est arbitraire. Nous avons donc prouvé le lemme de Goursat
dans le cas où le point de non holomorphie z1 est en dehors de T .
Si z1 est sur un côté, disons sur le côté AB, alors nous considérons un vecteur v P tel que
T‘ “ T ` ‘v ne contienne z1 pour aucun ‘. Le vecteur v “ z1 ´ C fait par exemple l’affaire. En
vertu du point précédent nous avons ª
f “0 (28.28)
BT‘

pour tout ‘ ° 0. Étant donné que la fonction f est continue (y compris en z1 ), l’intégrale sur BT
est également nulle.
Si maintenant le point z1 est à l’intérieur de T nous décomposons T en trois triangles ayant
z1 comme sommet commun. Si nous considérons les orientations Az1 C, ABz1 et BCz1 , alors nous
avons ª ª ª ª
f“ f` f` f, (28.29)
T Az1 C ABz1 BCz1
alors que par le point précédent les trois intégrales du membre de droite sont nulles.

Proposition 28.6 ([346]).


Soient un ouvert étoilé et f une fonction holomorphe sur sauf éventuellement en un point z1
où f est seulement continue. Alors si “ est un chemin fermé dans , nous avons
ª
f “ 0. (28.30)

28.1. FONCTIONS HOLOMORPHES 1529

Proposition
∞ 28.7.
Si f pzq “ n an z n a pour rayon de convergence R, alors f est -dérivable et nous pouvons dériver
terme à terme dans la boule ouverte Bp0, Rq.

Démonstration. Cela est exactement la proposition 16.43.

28.1.3 Lacets, indice et homotopie


Proposition-définition 28.8.
Soit “ un chemin fermé 2 dans . L’indice de la courbe “ est la fonction
Ind“ : z“ Ñ
ª
1 dÊ (28.31)

fi .
2fii “ Ê´z
Un chemin continu et fermé (au sens “p1q “ “p0q) est un lacet.
(1) La fonction Ind“ est continue et prend effectivement des valeurs entières.
(2) La fonction indice est constante sur chaque composante connexe de z“ et est nulle sur la
composante non bornée.

Le second point est en partie la proposition 6.36.

Définition 28.9.
Si “1 et “2 sont deux lacets en x0 P X (un espace topologique), une équivalence d’homotopie
est une application f : r0, 1s ˆ r0, 1s Ñ X telle que
(1) f p0, tq “ “1 ptq pour tout t ;
(2) f p1, tq “ “1 ptq pour tout t ;
(3) pour chaque t P r0, 1s, l’application s fiÑ f ps, tq est continue ;
(4) pour chaque s P r0, 1s, l’application t fiÑ f ps, tq est un lacet basé en x0 .

Exemple 28.10
Si “ est un cercle de centre z0 P et de rayon r, alors
#
2fii si z P Bpz0 , rq
Ind“ pzq “ (28.32)
0 sinon.
La seconde ligne provient directement de la proposition 28.8. Pour la première, le cercle “ se
paramètre par
“p◊q “ z0 ` rei◊ , (28.33)
et l’intégrale vaut ª ª 2fi
dÊ 1
“ irei◊ d◊ “ 2fii. (28.34)
“ Ê ´ z0 0 rei◊
L’indice de ce chemin va évidemment jouer un rôle particulier dans la suite. —

Théorème 28.11 (Cauchy, version homotopique[347]).


Soient un ouvert de et f une fonction holomorphe sur . Si “1 et “2 sont deux lacets homotopes
de classe C 1 dans , alors ª ª
f pzqdz “ f pzqdz. (28.35)
“1 “2

Corollaire 28.12 ([347]).


Soient a P ainsi que deux chemins “1 et “2 homotopes dans ztau. Alors Intp“1 , aq “ Indp“2 , aq.

Il y a aussi des choses sur l’indice dans [346].


2. Par abus de langage, nous désignerons par “ à la fois le chemin et son image.
1530 CHAPITRE 28. ANALYSE COMPLEXE

28.1.4 Théorème de Cauchy et analycité


Cette sous-section veut prouver le théorème de Cauchy. Comme d’habitude, une référence qui
ne peut pas rater est [346].

Théorème 28.13 (Formule de Cauchy).


Soient ouvert dans , z0 P et f une fonction holomorphe sur . Soit r ° 0 tel que Bpz0 , rq Ä .
Alors pour tout z P Bpz0 , rq nous avons
ª
1 f pÊq
f pzq “ dÊ. (28.36)
2fii BBpz0 ,rq Ê ´ z

Démonstration. Soit z P Bpz0 , rq. Considérons la fonction


#
f pÊq´f pzq
si Ê ‰ z
gpÊq “ Ê´z (28.37)
1
f pzq si Ê “ z.

Cette fonction est holomorphe sur Bpz0 , rqztzu et continue en z. Elle vérifie donc la proposition 28.6
et nous avons ª
g“0 (28.38)

où “ est le cercle de centre z0 et de rayon r. Nous avons donc


ª ª
f pÊq f pzq
0“ ´ , (28.39)
“ Ê ´ z “ Ê ´z

et ayant déjà calculé la seconde intégrale dans l’exemple 28.10 nous en déduisons
ª
f pÊq
dÊ “ 2fiif pzq, (28.40)
“ Ê´z

ce qu’il fallait.

Définition 28.14.
Une fonction f : Ñ est -analytique sur si pour tout z0 P , il existe une suite complexe
pcn q et r ° 0 tels que
8
ÿ
f pzq “ cn pz ´ z0 qn (28.41)
n“0

pour tout z P Bpz0 , rq.

Théorème 28.15.
Soient ouvert dans et f holomorphe sur . Soient encore z0 P et r0 tels que Bpz0 , r0 q Ä .
Alors :
(1) Sur Bpz0 , r0 q, la fonction f s’écrit
8
ÿ
f pzq “ an pz ´ z0 qn . (28.42)
n“0

(2) Nous avons


ª
f pnq pz0 q 1 f pÊq
an “ “ dÊ (28.43)
n! 2fii “ pÊ ´ z0 qn`1
où “ “ BBpz0 , rq avec |z ´ z0 | † r † r0 .
(3) En particulier f est infiniment dérivable.
28.1. FONCTIONS HOLOMORPHES 1531

Démonstration. Soit r ° 0 tel que |z ´ z0 | † r † r0 . La formule de Cauchy (théorème 28.13) nous


dit que ª
1 f pÊq
f pzq “ dÊ (28.44)
2fii “ Ê ´ z
où “ “ BBpz0 , rq. Nous pouvons paramétrer ce chemin par Ê “ z0 ` rei◊ et ◊ P r0, 2fis. Nous avons

ª 2fi
1 f pz0 ` rei◊ q
f pzq “ riei◊ d◊ (28.45a)
2fii 0 z0 ` rei◊ ´ z
ª
1 2fi f pz0 ` rei◊ q
“ d◊. (28.45b)
2fi 0 1 ´ e´i◊ pz ´ z0 q{r

Nous pouvons développer l’intégrante en puissance de pz ´ z0 q en utilisant la formule 16.355. Ici


le rôle de x est tenu par
e´i◊ pz ´ z0 q{r (28.46)
dont le module est bien plus petit que 1, par hypothèse sur r. Nous avons donc
ª 2fi ÿ
8
1
f pzq “ f pz0 ` rei◊ qe´in◊ r´n pz ´ z0 qn d◊. (28.47)
2fi 0 n“0

L’art est maintenant de permuter la somme et l’intégrale. Pour cela nous remarquons que ce qui
se trouve dans la somme est majoré en module par
ˇ ˇ
ˇ z ´ z0 ˇn
Mˇ ˇ ˇ (28.48)
r ˇ

où M est le maximum de |f | sur “. La borne (28.48) ne dépend pas de ◊ ; par conséquent la


convergence de la somme est uniforme en ◊ par le critère de Weierstrass (théorème 16.17). Le
théorème 16.19 s’applique 3 et nous pouvons permuter la somme avec l’intégrale.
Ce que nous trouvons est que
8
ÿ
f pzq “ an pz ´ z0 qn (28.49)
n“0

où ª 2fi ª
1 1 f pÊq
an “ f pz0 ` re qei◊ ´in◊ ´n
r d◊ “ . (28.50)
2fi 0 2fii “ pÊ ´ z0 qn`1
Cette formule est valable pour |z ´z0 | † r. Sur cette boule, la fonction est donc une série entière. Le
théorème de Taylor 16.105 nous permet donc d’affirmer que f est partout infiniment continument
dérivable (parce que en chaque point on a un voisinage sur lequel c’est vrai), et d’identifier les
coefficients (qui, eux, ne sont valables que localement) sous la forme

f pnq pz0 q
an “ . (28.51)
n!

Corollaire 28.16.
Soit f une fonction continue sur un ouvert telle que pour toute boule Bpa, rq contenue dans ,
nous ayons ª
1 f p›q
f paq “ d›. (28.52)
2fii BBpa,rq ›´a
Alors f est holomorphe.
3. Étant donné que nous savions déjà que la somme était une fonction intégrable, nous sommes loin d’avoir utilisé
toute la puissance du théorème.
1532 CHAPITRE 28. ANALYSE COMPLEXE

Démonstration. Il suffit de recopier la démonstration du théorème 28.15 pour savoir que f se


développe en série de puissances et est donc en particulier dérivable.

Le fait qu’une fonction holomorphe soit C 8 comme dit dans la proposition 28.15 permet de
démonter un résultat de dérivation sous l’intégrale, qui dépend de pouvoir majorer la différentielle.

Proposition 28.17.
Soit une fonction continue g : ˆ Ñ . Nous supposons que pour tout t, la fonction z Ñ fi gpt, zq
est -dérivable (définition 16.1) et différentiable. Soit B compact dans et la fonction
ª
Gpzq “ gpt, zqdt. (28.53)
B

que nous supposons exister pour tout z.


Alors ª
G1 pzq “ g 1 pt, zqdt (28.54)
B
où le prime réfère à la -dérivée par rapport à la variable z à t fixé.

Démonstration. Nous fixons z P et nous considérons la suite de fonctions


gpt, z ` ‘i q ´ gpt, zq
gi ptq “ (28.55)
‘i

où ‘i est une suite de nombres complexes tendant vers zéro (‘i ›Ñ 0). Si la limite existe et ne
dépend pas de la suite choisie, alors limiÑ8 gi ptq “ g 1 pt, zq. Et vu que g est supposée dérivable,
c’est le cas.
Nous avons aussi, par linéarité de l’intégrale :
ª
G pzq “ lim
1
gi ptqdt. (28.56)
iÑ8 B

La difficulté est de permuter la limite et l’intégrale. Pour cela nous allons utiliser la convergence
dominée de Lebesgue (théorème 15.140). Afin de majorer |gi ptq| par une fonction intégrable en t
(uniformément en i), nous exploitons le théorème des accroissements finis, théorème 11.122. En
notant dg la différentielle de g par rapport à z à t fixé, pour chaque t et chaque i nous avons

|gpt, z ` ‘i q ´ gpt, zq| § sup }dg› }}‘i }. (28.57)


›Prz,z`‘i s

Vu que z est fixé et que › est dans le compact rz, z ` ‘i s et que dg est continue (parce que la
-dérivabilité implique la continuité de la différentielle parce que nous avons l’analycité par le
théorème 28.15), nous pouvons majorer }dg› } par une constante Mi pzq qui dépend a priori de i et
de z.
Heureusement, nous pouvons prendre a fortiori le supremum sur Bpz, |‘i |q (qui est tout autant
compact) et supposer que |‘i | est strictement décroissante ; de toutes façons, il y a un maximum
parce que |‘i | Ñ 0. Dans ce cas, il suffit de prendre le supremum de }dg› } pour › P Bpz, |‘1 |q et ça
contente tout le monde.
Quoi qu’il en soit nous avons une constante M pzq telle que

|gpt, z ` ‘i q ´ gpt, zq| § M pzq}‘i } (28.58)

et donc |gi ptq| § M pzq. La constante (par rapport à t) M pzq est évidemment intégrable sur le
compact B et nous pouvons permuter la limite avec l’intégrale :
ª ª ª
G pzq “ lim
1
gi ptqdt “ lim gi ptqdt “ g 1 pt, zqdt. (28.59)
iÑ8 B B iÑ8 B
28.1. FONCTIONS HOLOMORPHES 1533

Proposition 28.18.
Une fonction continue f est holomorphe si et seulement si la 1-forme différentielle f pzqdz est
localement exacte.

Démonstration. Si f est holomorphe, alors nous avons vu que f était différentiable et que dfz “
f pzqdz par la formule 16.25.
Dans le sens inverse, supposons que f pzqdz est localement exacte, et soit F telle que dF “
f pzqdz. Ce que nous allons faire est montrer que la dérivée de F existe et vaut f . En effet, la
définition de la différentielle nous dit que
ˇ ˇ
ˇ F pz ` hq ´ F pzq ´ dFz phq ˇ
lim ˇ ˇ “ 0. (28.60)
hÑ0 ˇ h ˇ

La limite vaut évidemment encore zéro si nous enlevons les modules :


F pz ` hq ´ F pzq ´ f pzqh
0 “ lim (28.61a)
hÑ0 h
F pz ` hq ´ F pzq
“ lim ´ f pzq. (28.61b)
hÑ0 h
Donc F 1 “ f . Cela montre que F est -dérivable et donc holomorphe. En conséquence du théo-
rème 28.15, la fonction F est infiniment dérivable et f l’est alors aussi. La fonction f est donc
holomorphe 4 .

28.1.5 Théorème de Brouwer en dimension 2


Pour d’autres versions du théorème de Brouwer, voir la sous-section 21.4.1.

Théorème 28.19 (Brouwer en dimension 2[4]).


Soit B la boule unité fermée de 2 . Alors toute application continue de B dans elle-même admet
un point fixe.

Démonstration. Supposons que la fonction f P C 0 pB, Bq n’admette pas de points fixes sur B “
Bp0, 1q. Pour x P B nous notons gpxq l’intersection entre BB et la demi-droite allant de f pxq vers
x. C’est bien parce que f n’a pas de points fixes que g est bien définie.
En reprenant le même début de la preuve de la proposition 21.26 nous savons que la fonction
g : Bp0, 1q Ñ BBp0, 1q
` ˘ (28.62)
x fiÑ ⁄pxq x ´ f pxq ` f pxq
est continue. De plus gpxq “ x sur BBp0, 1q. Nous allons montrer qu’une telle fonction 5 ne peut
pas exister.
Pour s P r0, 1s nous paramétrons le cercle BBp0, sq par
xs : r0, 1s Ñ BBp0, 1q
` ˘ (28.63)
t fiÑ s cosp2fitq, s sinp2fitq .
Ensuite nous considérons les chemins
“s : r0, 1s Ñ BBp0, sq
(28.64)
t fiÑ g ˝ xs .
L’application “s est continue et “s p0q “ “s p1q. Les chemins “s sont des lacets ; nous nous intéressons
maintenant à l’indice au point 0 de “0 et “1 . D’une part “0 ptq “ gp0q (lacet constant) et “1 ptq “ e2ifit
(parce que gpxq “ x sur le bord). Nous avons donc, en utilisant l’indice de la définition 28.8,
ª1 1
1 dÊ 1 “0 ptq
Ind“0 p0q “ Ind“0 “ dt “ 0, (28.65)
2fii Ê 2fii 0 “0 ptq
4. Dire que la dérivée d’une fonction holomorphe est holomorphe est un raisonnement classique.
5. Qui est nommée rétraction de la sphère sur elle-même.
1534 CHAPITRE 28. ANALYSE COMPLEXE

alors que ª1
1 2ifie2ifit
Ind“1 p0q “ dt “ 1. (28.66)
2fii 0 e2ifit
Nous considérons l’homotopie
“ : r0, 1s ˆ r0, 1s Ñ Bp0, 1q
(28.67)
ps, tq fiÑ “s ptq “ pg ˝ xs qptq.
Nous avons gp0q ‰ 0 parce que g prend ses valeurs sur le bord. Vu que c’est une équivalence
d’homotopie 6 entre “1 et “2 , les indices devraient être égaux par le corollaire 28.12.

28.1.6 Principe des zéros isolés


Théorème 28.20 (Principe des zéros isolés [346]).
Soit f une fonction holomorphe et a, une zéro non isolé de f . Alors f est nulle sur un voisinage
de a.

Démonstration. Nous écrivons f sous la forme d’une série entière autour de a :


8
ÿ
f pzq “ cn pz ´ aqn (28.68)
n“0

valable sur une boule Bpa, rq. Soit cm le premier coefficient non nul (si il n’existe pas c’est que f
est nulle sur tout Bpa, rq et alors le théorème est prouvé). Nous avons alors
` 8
ÿ ˘
f pzq “ cm pz ´ aqm 1 ` dk pz ´ aqk (28.69)
k“1

avec dk “ cm´k . Le rayon de convergence de la série k dk pz ´ aqk est le même que celui de (28.68)
parce que la suite dk rm`k reste bornée (critère d’Abel, lemme 16.28). Si nous posons
8
ÿ
gpzq “ 1 ` dk pz ´ aqk , (28.70)
k“1

alors g est une fonction continue et gpaq “ 1. De plus

f pzq “ cm pz ´ aqm gpzq. (28.71)

Soit une suite pzn q de zéros de f convergent vers a. Étant donné que g est continue, nous
devrions avoir limkÑ8 gpzk q “ gpaq “ 1, mais si f pzk q “ 0 avec zk ‰ a, alors gpzk q “ 0. Cela est
un paradoxe qui nous permet de conclure que si la suite zn existe bien, alors f est identiquement
nulle sur un voisinage, c’est à dire que tous les cn sont nuls.

Corollaire 28.21.
Soit f une fonction holomorphe sur un ouvert connexe . Si f s’annule sur un un ouvert (non
vide) de , alors f s’annule sur tout .

Démonstration. soit

N “ tz P tel que f “ 0 sur un ouvert autour de zu. (28.72)

Le fait que N soit ouvert est évident à partir de sa définition. Nous allons montrer que N est
également fermé dans , et donc conclure que N “ . Soit pzn q une suite dans N convergente vers
z P . Étant donné que f pzn q “ 0 et que f est continue, nous avons

f pzq “ lim f pzn q “ 0, (28.73)


nÑ8

6. Définition 28.9
28.1. FONCTIONS HOLOMORPHES 1535

ce qui fait de z un zéro non isolé de f . Par conséquent le principe des zéros isolés (théorème 28.20)
nous enseigne que f s’annule dans un voisinage autour de z, c’est à dire que z P N . L’ensemble N
est donc fermé.

Définition 28.22.
Si K est un compact de , nous disons qu’une fonction est holomorphe sur K si il existe un
ouvert contenant K sur lequel f est holomorphe.
Et si f n’est réellement définie que sur K, elle est holomorphe sur K si il existe une extension
holomorphe de f vers un ouvert contenant K.

Lemme 28.23.
Si f est une fonction holomorphe sur le compact K, alors il existe une fonction polynôme Pf et
une fonction holomorphe hf ne s’annulant pas sur K telles que f “ hf Pf .

Démonstration. Soit une fonction f vérifiant les conditions. Si f est identiquement nulle, alors il
suffit de prendre Pf “ 0 et c’est fait. Nous supposons donc que f n’est pas identiquement nulle.
Quantité finie de racines D’abord f ne peut s’annuler qu’un nombre fini de fois sur K. Si-
non, on pourrait considérer une suite des racines 7 de f dans K. Vu qu’une suite dans un
compact contient une sous-suite convergente (théorème 6.85), la fonction f aurait un point
d’accumulation de racines. Alors le principe des zéros isolés (théorème 28.20) nous donne
un ouvert sur lequel f est nulle et donc le corollaire 28.21 nous dit que f est identiquement
nulle.
Autour d’une racine Bref, la fonction f possède un nombre fini de racines sur K. Soit z0 l’un
d’eux.
Par le théorème 28.15(1), nous avons, sur un voisinage de z0 :
8
ÿ
f pzq “ an pz ´ z0 qn . (28.74)
n“0

En particulier, 0 “ f pz0 q “ a0 . Donc a0 “ 0. Soit k, le plus petit naturel pour lequel ak ‰ 0.


Nous avons
f pzq “ pz ´ z0 qk gpzq (28.75)
∞8
avec gpzq “ n“0 ak`n pz ´ z0 q .. Vu que ak ‰ 0 nous avons gpz0 q ‰ 0. Montrons à présent
n

que g est holomorphe sur un voisinage de z0 . Vu que la série définissant g est une sous-série
d’une série convergente sur un voisinage, elle converge sur un voisinage et la proposition 28.7
nous dit que g est -dérivable. C’est à dire holomorphe par définition.
Autour de toutes les racines Soient pzi q les racines (en nombre fini). Pour chaque i nous
avons une boule Bpzi , ri q sur laquelle f “ Pi gi où Pi est un polynôme de la forme pz ´ zi qk
et gi est holomorphe sur Bpzi , ri q. Nous définissons la fonction suivante :
$
f pzq

&± si z ‰ zi
hpzq “ k Pk pzq (28.76)
g
’ si z “ zi .
i

k‰i Pk pzq

Cette fonction ne s’annule jamais. Mais est-elle holomorphe ?


±
Si z ‰ zi (sous-entendu : pour tout i), alors sur un voisinage, h “ f { Pk qui est un
quotient de fonctions holomorphes dont le dénominateur ne s’annule pas. Elle est donc
holomorphe sur ce voisinage par le lemme 16.9.
Pour les autres notons que pour tout z P Bpzi , ri q,
gi
h“ ± . (28.77)
k‰i Pk

Cela est encore un quotient dont le dénominateur ne s’annule pas 8 .


7. Notez l’utilisation de la proposition 1.28 que je vous invite à ne pas considérer comme une trivialité absolue.
8. Nous avons choisi les ri de telle sorte que les boules ne s’intersectent pas.
1536 CHAPITRE 28. ANALYSE COMPLEXE

La réponse Nous avons, pour tout z P K :


π
f pzq “ hpzq Pk pzq. (28.78)
k

Afin de détendre l’atmosphère, nous allons laisser tomber l’analyse quelques instants et prouver
un résultat d’algèbre.

Proposition 28.24 ([1, 348]).


L’anneau des fonctions holomorphes sur un compact 9 donné de est principal 10 .

Démonstration. Nous nommons A l’ensemble des fonctions holomorphes sur le compact K, et J


un anneau de A.
A est un anneau Le point délicat de la définition 1.32 est le fait que la somme et le produit
d’éléments de A sont des éléments de A parce que les résultats type « la somme de deux
fonctions holomorphes est holomorphes » sont valides sur des ouverts alors que nous sommes
ici sur un compact. Soient f et g dans A ; nous nommons f et g des ouverts contenant
K tels que f est holomorphe sur f et g sur g .
L’ensemble f X Êg est un ouvert (intersection d’ouverts) contenant K et sur lequel f et g
sont holomorphes. Donc f ` g et f g y sont holomophes.
Engendré par des polynômes Pour chaque f P J nous écrivons f “ Pf hf en vertu de la
décomposition donnée par le lemme 28.23. Vu que hf ne s’annule pas, 1{hf est encore
holomorphe sur K et nous déduisons que Pf “ f {hf est dans J. La partie

S “ tPf tel que f P Ju (28.79)

est génératrice de J parce que, par construction, tous les éléments de J sont des produits
d’éléments de S par des fonctions holomorphes sur K (donc, des éléments de A). Mais tous
les éléments de S sont dans J, donc pSq “ J.
Un polynôme pour tous les engendrer Soit M , l’idéal de rXs engendré par S. Attention :
J est l’idéal de A engendré par S. Mais l’idéal de rXs engendré par S est peut-être autre
chose. Vu que est un corps, le lemme 3.114 dit que rXs est principal. Donc M est un
idéal principal de rXs et nous avons un polynôme p P rXs tel que

M“ rXsp. (28.80)

Si vous avez compris le chausse trappe, vous saurez pourquoi il faut écrire M “ rXsp et
non utiliser l’écriture plus simple « M “ ppq ».
A rXs “ A L’inclusion A Ä A rXs est dûe au fait que 1 P rXs, et l’autre inclusion est le fait
que rXs Ä A alors que A est un anneau.
Suite des opérations Nous avons :

J “ AS Ä A rXsp. (28.81)

Voilà une inclusion de montrée. Reste à faire l’autre.


Vu que p P J nous avons aussi Ap Ä J. Et donc

A rXsp “ Ap Ä J. (28.82)

Avec ces deux inclusions, J “ A rXsp “ Ap. Donc J est engendré par un seul élément et
est principal.

9. Être holomorphe sur un compact signifie qu’il existe une extension holomorphe à un ouvert contenant le
compact.
10. Définition 3.63
28.1. FONCTIONS HOLOMORPHES 1537

28.1.7 Prolongement de fonctions holomorphes


Proposition 28.25.
Soient un ouvert de et f : Ñ une fonction holomorphe sur ztau (a P ). Nous supposons
qu’il existe r ° 0 tel que f est bornée sur Bpa, rq X . Alors f se prolonge en une fonction
holomorphe sur .

Le théorème de prolongement de Riemann 28.39 donnera plus d’informations.

Démonstration. Nous définissons la fonction g : Ñ par


#
pz ´ aqf pzq si z ‰ a
gpzq “ (28.83)
0 si z “ a.

Sur ztau, la fonction g est holomorphe (produit de fonctions holomorphes), et elle est continue
en a. Par conséquent elle est holomorphe sur . Nous la développons en série entière sur une boule
Bpa, rq :
8
ÿ
gpzq “ cn pz ´ aqn . (28.84)
n“0

Nous avons gpaq “ c0 “ 0. Nous posons


8
ÿ
Ïpzq “ cn`1 pz ´ aqn . (28.85)
n“0

Si z ‰ a, alors Ïpzq “ f paq parce que Ïpzq “ gpzq{pz ´ aq. Mais Ï est continue en a, et donc
holomorphe en a.
La fonction Ï est par conséquent un prolongement holomorphe de f en a.

28.1.8 Théorème de Runge


Le théorème que nous allons prouver n’est en réalité qu’une partie de ce qui est usuellement
appelle le théorème de Runge.

Théorème 28.26 (Théorème de Runge).


Soit K, un compact de tel que AK soit connexe. Si a P AK alors la fonction

1
Ïa pzq “ (28.86)
z´a

est limite uniforme de polynômes sur K.

Démonstration. Nous considérons P pKq, l’adhérence des polynômes sur K pour la norme uniforme
(sur K). Nous devons montrer que pour tout a P AK, la fonction Ïa est dans P pKq. Pour cela nous
considérons l’ensemble
A “ ta P AK tel que Ïa P P pKqu (28.87)

et nous allons montrer qu’il est à la fois non vide, ouvert et fermé dans le connexe AK.
Je répète : nous allons prouver l’ouverture et la fermeture pour la topologie de AK. Nous n’allons
pas prouver que A est un ouvert de . Ce qui sera par conséquent prouvé est que A “ AK.
Non vide Soit R “ supzPK |z| et a P AK tel que |a| ° R. Nous avons

1 ÿ ´ z ¯k
8 8
1 1 1 1 ÿ zk
Ïa pzq “ “´ “´ “ . (28.88)
a z
a ´1 a1´ z
a a k“0 a k“0
ak`1
1538 CHAPITRE 28. ANALYSE COMPLEXE

Ici la convergence de la série et sa limite sont assurées par le fait que |z{a| † 1 par choix
de R et a. La suite de polynômes
ÿn
zk
Pn pzq “ (28.89)
k“0
ak`1
converge uniformément sur Bp0, Rq et en particulier sur K. Donc Pn Ñ Ïa .
Fermé Nous allons montrer que la fermeture de A (dans AK) est inclue dans A, et donc qu’elle
est égale à A et donc que A est fermé. Par le lemme 6.12, la fermeture de A dans AK est
l’ensemble Ā X AK où Ā est la fermeture de A au sens usuel.
Bref, soit a P Ā X AK, et montrons que Ïa P P pKq. Vu que P pKq est déjà une fermeture,
nous aurons en fait Ïa P P pKq et donc a P A, ce qui signifierait que Ā X AA “ A et donc
que A est fermé.
Au travail.
Soit pan q P A une suite convergente vers a. Soit aussi d “ dpa, Kq ; on a d ° 0 parce que K
est compact et a est hors de a alors le complémentaire de K est ouvert. Nous choisissons
en plus la suite an pour avoir |an ´ a| † d2 ; au pire on prend la queue de suite. Soit z P K ;
nous avons ˇ ˇ ˇ ˇ
ˇ 1 1 ˇˇ ˇˇ an ´ a ˇ
ˇ
|Ïan pzq ´ Ïa pzq| “ ˇ ´ ˇ “ˇ ˇ. (28.90)
z ´ an z ´ a pz ´ an qpz ´ aq ˇ
Vu que an P Bpa, d2 q et que z P K et d “ dpa, Kq nous avons |an ´z| • d
2 ; et aussi |a´z| • d2 .
Nous pouvons donc majorer (28.90) par
|an ´ a|
|Ïan pzq ´ Ïa pzq| § 2 . (28.91)
d2
Donc nous avons
|an ´ a|
}Ïa ´ Ïan }K § 2 Ñ0 (28.92)
d2
où la norme }.}K est la norme supremum sur K. Donc a P P pKq “ P pKq et A est fermé.
Ouvert Vu que K est compact, il est fermé et donc AK est ouvert. Par conséquent, ainsi que
précisé dans l’exemple 6.13, les ouverts de AK sont les ouverts de contenus dans AK. Afin
de prouver que A est ouvert, nous prenons a P A et nous cherchons une boule (au sens de
) autour de a qui serait incluse dans A.
Soit donc h P « petit » dans un sens que nous allons préciser plus tard. Encore une fois
nous posons d “ dpa, Kq. Nous avons
8
1 1 1 ÿ hk
Ïa`h pzq “ “ “ . (28.93)
z´a´h z ´ a 1 ´ z´a
h
k“0
pz ´ aqk`1
Déjà ici nous demandons h † supzPK |z ´ a|. Puisque |z ´ a| ° d, nous avons alors
ÿ8
hk
|Ïa`h pzq| § † 8. (28.94)
k“0
dk`1
Cela pour dire que la somme à droite de (28.93) converge bien pourvu que h soit bien petit.
Nous pouvons donc poursuivre :
ÿ8 ÿ8
hk
Ïa`h pzq “ “ hk Ïa pzqk`1 . (28.95)
k“0
pz ´ aqk`1
k“0
Nous montrons maintenant que la convergence de la somme (28.95) est en réalité uniforme
en z. En effet
ˇ N
ÿ ˇ ˇ ÿ 8 ˇ
ˇÏa`h pzq ´ hk Ïa pzqk`1 ˇ “ ˇ hk Ïa pzqk`1 ˇ (28.96a)
k“0 k“N `1
8
ÿ
§ |h|k |Ïa pzq|k`1 . (28.96b)
k“N `1
28.2. INTÉGRALES DE FONCTIONS HOLOMORPHES 1539

Étant donné que Ïa est continue sur le compact K, elle y est majorée en module ; on peut
même être plus précis :
1 1
|Ïa pzq| “ § . (28.97)
|z ´ a| d
Nous pouvons donc écrire
8 ˇ ˇk
ˇ ÿN ˇ 1 ÿ ˇhˇ
ˇÏa`h pzq ´ h Ïa pzq ˇ §
k k`1 ˇ ˇ . (28.98)
k“0
d k“N `1 ˇ d ˇ
∞8
Étant donné que la somme k“0 |h{d|
k converge, la limite N Ñ 8 est nulle et nous avons

N
ÿ
lim }Ïa`h ´ a }K “ 0.
hk Ïk`1 (28.99)
N Ñ8
k“0

Pour avoir Ïa`h P P pKq, il faut encore savoir si les fonctions Ïka sont dans P pKq pour tout
k. Dans ce cas pour chaque N la somme sera encore dans P pKq et Ïa`h sera limite uniforme
d’éléments de P pKq.
Par hypothèse, Ïa P P pKq ; soit Pn une suite de polynômes qui converge uniformément vers
Ïa . Nous allons montrer qu’alors la suite de polynômes Pnk converge uniformément vers Ïka .
Soit n tel que }Pn ´ Ïa }K § ‘ et utilisons le produit remarquable

k´1
ÿ
ak ´ bk “ pa ´ bq ai bk´1´i (28.100)
i“0

pour obtenir
k´1
ÿ
|Pn pzqk ´ Ïa pzqk | § |Pn pzq ´ Ïa pzq| |Pn pzqi Ïa pzqk´1´i |. (28.101)
i“0

Vu que Pn et Ïa sont continues sur le compact K, on peut majorer la somme par une
constante M , et il restera

|Pn pzqk ´ Ïa pzqk | § M |Pn pzq ´ Ïa pzq|, (28.102)

ou encore
}Pnk ´ Ïka } § M ‘. (28.103)
Cela prouve que Ïka P P pKq et donc que Ïa`h est limite uniforme (sur K) d’éléments de
P pKq et donc fait partie de P pKq lui aussi.
Ceci achève de prouver que A est ouvert dans AK.
Conclusion L’ensemble A est non vide, ouvert et fermé dans AK, donc il est égal à AK. Le
théorème est ainsi démontré.

28.2 Intégrales de fonctions holomorphes


Nous commençons par le lemme technique.

Lemme 28.27 ([346]).


Soit f une fonction holomorphe sur Bpz0 , r0 q. Pour tout z P Bpz0 , rq (avec r † r0 ) nous avons
r (
|f 1 pzq| § ` ˘2 max f pz0 ` re q ◊P . (28.104)
i◊
r ´ |z ´ z0 |
1540 CHAPITRE 28. ANALYSE COMPLEXE

Démonstration. Par translation nous pouvons supposer que z0 “ 0. Étant donné que f est holo-
morphe, elle admet un développement en séries entières
8
ÿ
f pzq “ an z n (28.105)
n“0

et nous notons M “ maxtf pzq tel que z P Bp0, rqu. Nous avons rn |an | § M . Par conséquent
ˇ ˇ
ˇÿ 8 ˇ
ˇ n´1 ˇ
1
|f pzq| “ ˇ nan z ˇ (28.106a)
ˇn“1 ˇ
ˆ ˙
1ÿ n |z| n´1
§ r |an |n (28.106b)
r r
ÿ ˆ ˙n´1
M |z|
† n . (28.106c)
r r

À ce point nous devons utiliser la série de l’exemple 16.113. Nous avons alors

M 1 Mr
|f 1 pzq| § ´ ¯2 “ . (28.107)
r |z| pr ´ |z|q2
1´ r

Théorème 28.28 (Holomorphie sous l’intégrale[346]).


Soit un espace mesuré p , µq, un ouvert A dans et une fonction f : A ˆ Ñ . Nous voulons
étudier la fonction ª
F pzq “ f pz, ÊqdµpÊq (28.108)

pour tout z P A. Nous supposons que


(1) la fonction f p., Êq est holomorphe sur A pour chaque Ê.
(2) La fonction f pz, .q est mesurable sur p , µq.
(3) Pour tout compact K Ä A, il existe une fonction gK : Ñ telle que |f pz, Êq| § gK pÊq et
telle que ª
gK pÊqdµpÊq (28.109)

existe.
Alors la fonction F est holomorphe et
ª
Bf
1
F pzq “ pz, ÊqdµpÊq. (28.110)
Bz

Démonstration. Soient z0 P A et r ° 0 tels que K “ Bpz0 , rq Ä A. Pour chaque Ê P nous


considérons la fonction
fÊ : Bpz0 , rq Ñ
(28.111)
z fiÑ f pz, Êq.

Étant donné que Bpz0 , rq est compacte, la fonction |fÊ | est majorée par un nombre que nous
notons fK pÊq qui est indépendant de z (pour autant que z P K). Nous désignons par Spz0 , rq la
frontière de la boule Bpz0 , rq. Étant donné que la majoration est valable sur Bpz0 , rq, nous avons
en particulier
|fÊ pzq| § fK pÊq (28.112)
28.2. INTÉGRALES DE FONCTIONS HOLOMORPHES 1541

pour tout z P S. En utilisant la lemme 28.27 nous avons


r
|fÊ1 pzq| § maxtf pz0 ` rei◊ qu◊P (28.113a)
pr ´ |z ´ z0 |q2
rfK pÊq
§ . (28.113b)
pr ´ |z ´ z0 |q2

Cette majoration est valable pour tout z P Bpz0 , rq. Si nous supposons de plus que z P Bpz0 , r{2q
nous avons
rfK pÊq 4
|f 1 pzq| § ` ˘ “ fK pÊq. (28.114)
r 2 r
r´ 2
Étant donné que la boule Bpz0 , r{2q est convexe, la fonction fÊ est Lipschitz et pour tout h P
tel que |h| † r{2 nous avons
ˇ ˇ
ˇ fÊ pz0 ` hq ´ fÊ pz0 q ˇ 4fK pÊq
ˇ
ˇ
ˇ§
ˇ . (28.115)
h r

Soit maintenant une suite phn q qui converge vers 0 dans . Nous considérons la suite de fonctions
correspondantes
f pz0 ` hn , Êq ´ f pz0 , Êq
gn pÊq “ . (28.116)
hn
Cette suite de fonctions vérifie la convergence ponctuelle
Bf
gn pÊq Ñ pz0 , Êq. (28.117)
Bz

De plus gn est une fonction (de Ê) dominée par 4frK qui est intégrable. Par conséquent le théorème
de la convergence dominée nous indique que
ª ª
Bf
gn pÊqdµpÊq Ñ pz0 , ÊqdµpÊq, (28.118)
Bz

tandis que ª
F pz0 ` hn q ´ F pz0 q
F 1 pzq “ lim “ lim gN pÊqdµpÊq. (28.119)
nÑ8 hn nÑ8

Corollaire 28.29.
Si f est une fonction holomorphe sur l’ouvert › contenant la fermeture de la boule Bpz0 , rq, alors
pour tout z dans Bpz0 , flq (fl † r) les dérivées de f s’expriment pas la formule suivante :
ª
1 f p›q
pkq
f pzq “ d›. (28.120)
2fii BBpz0 ,rq p› ´ zqk`1

Démonstration. Nous faisons par récurrence.


Pour la dérivée première Nous appliquons le théorème 28.28 à la fonction

f p›q
gpz, ›q “ (28.121)
›´z

avec › “ BBpz0 , rq et A “ Bpz0 , flq avec fl † r. Étant donné que f est holomorphe, elle est
continue et donc bornée sur tout compact K Ä A par une constante M (qui dépend du
compact choisi). D’autre part, nous avons toujours |› ´ z| ° r ´ fl et donc

M
|gpz, ›q| § . (28.122)
r´fl
1542 CHAPITRE 28. ANALYSE COMPLEXE

La fonction constante gK “ r´fl


M
est évidemment intégrable. Le théorème conclut que f est
holomorphe (cela, nous le savions déjà 11 ), et
ª
1 f p›q
f 1 pzq “ d›. (28.123)
2ifi BB p› ´ zq2

Les dérivées suivantes Pour la récurrence[349] nous supposons que


ª
k! f p›q
pkq
f pzq “ d›, (28.124)
2ifi BBpz0 ,rq p› ´ zqk`1

et nous tentons de calculer f pk`1q pzq. Pour cela nous paramétrons l’intégrale de façon très
usuelle : ª
k! 2fi f preit q
pkq
f pzq “ ireit dt. (28.125)
2fii 0 preit ´ zq
Nous permettons de permuter la -dérivation (par rapport à z) et l’intégrale en vertu de
la proposition 28.17 appliquée à la fonction

f preit q
gpt, zq “ ireit . (28.126)
preit ´ zqk ` 1

Cela donne
ª 2fi ª
k! k`1 pk ` 1q! f p›q
f pk`1q
pzq “ it
f pre qire it
dt “ d›. (28.127)
2ifi 0 pre ´ zq
it k`1 2ifi BB p› ´ zqk`2

Théorème 28.30.
Si f est une fonction holomorphe sur le disque ouvert Bpz0 , Rq alors

ÿ8
f pnq pz0 q
f pzq “ pz ´ z0 qn (28.128)
n“0
n!

et cette série converge uniformément sur tout compact.

Démonstration. Sans perte de généralité nous supposons que z0 “ 0. La formule de Cauchy (théo-
rème 28.13) fournit, pour z P Bp0, Rq,
ª ª
1 f p›q 1 f p›q d›
f pzq “ d› “ . (28.129)
2fii BB › ´ z 2fii BB 1 ´ pz{›q ›

En particulier notons que z P Bp0, Rq alors que › est sur le bord de cette boule ouverte. Donc
|›| ° |z| pour tous les › et z qui interviennent. Nous utilisons la série géométrique
8 ˆ ˙n
1 ÿ z
“ . (28.130)
1 ´ pz{›q n“0 ›

Permuter une intégrale et une somme En utilisant la mesure de comptage 12 sur (qui
est ‡-finie), nous pouvons écrire
ª ÿ8 ª ˆª ˙
z n f p›q
n`1
d› “ gp›, nqdmpnq d› (28.131)
BB n“0 › BB

11. Et cela fournit une preuve alternative à la réciproque du théorème de Cauchy : une fonction continue qui vérifie
la formule de Cauchy est holomorphe.
12. Définition 15.28.
28.2. INTÉGRALES DE FONCTIONS HOLOMORPHES 1543


g : BB ˆ Ñ
z n f p›q (28.132)
p›, nq fiÑn`1
.

Nous allons permuter les intégrales en utilisant le théorème de Fubini, selon la procédure
décrite en 15.240. Nous commençons par l’intégrale sur :
ª
f p›q ÿ z n 1 1
|gpn, ›q| “ | | | | “ |f p›q| . (28.133)
› nP › R 1 ´ |z|{R

Ici nous avons utilisé |›| “ R. Notons que z est fixé depuis longtemps à l’intérieur de la
boule de rayon R de telle sorte que |z{›| est une constante strictement inférieure à 1.
L’intégrale sur › P BB n’a pas à être effectuée explicitement : nous nous contentons de
prouver qu’elle est finie. La fonction f est continue sur le compact BB. Cela parce que B
est une boule fermée dans l’ouvert sur lequel f est continue. Au final l’expression à droite
de (28.133) est bornée sur le compact BB et son intégrale donne un nombre fini.
Tout ceci pour invoquer le corollaire 15.238 qui nous indique que g P L1 p ˆ BBq.
Une fois g intégrable sur l’espace produit ˆ BB, nous pouvons utiliser Fubini 15.239 pour
permuter les intégrales.
Une fois la somme et l’intégrale permutées, nous avons
8 ª 8 ˆ ª ˙
1 ÿ z n f p›q ÿ 1 f p›q
f pzq “ “ zn. (28.134)
2fii n“0 BB › n`1 n“0
2fii BB › n`1

Nous devons maintenant montrer que ce qui se trouve dans la grande parenthèse vaut f pnq p0q{n!.
Cela est immédiat en comparant avec la formule (28.120).

Proposition 28.31 (Morera [350]).


Soit ouvert dans et f continue. Si ª
f “0 (28.135)
BT
pour tout triangle (plein) T contenu dans , alors f est holomorphe sur .

Démonstration. Il est suffisant de prouver que f est holomorphe sur toute boule ouverte Bpa, rq
inclue dans . Nous posons, pour tout z P Bpa, rq,
ª
F pzq “ f, (28.136)
rp,zs

et nous considérons le chemin triangulaire a Ñ z Ñ z ` h Ñ a où h P est choisi assez petit pour


que z ` h P Bpa, rq. L’intégrale sur le triangle étant nulle, nous avons
ª ª ª
0“ f` f` f, (28.137)
aÑz zÑz`h z`hÑa

c’est à dire ª
F pz ` hq ´ F pzq “ f. (28.138)
zÑz`h
En paramétrant le chemin par z ` th avec t P r0, 1s, et en tenant compte de la remarque 21.40,
F pz ` hq ´ F pzq
F 1 pzq “ lim (28.139a)
hÑ0 h
ª
1 1
“ lim f pz ` thqhdt, (28.139b)
hÑ0 h 0

ce qui prouve que F est dérivable et F 1 “ f . Par définition (16.2), F est holomorphe, et donc C 8
par le théorème 28.15. Du coup f est également C 8 et donc en particulier holomorphe.
1544 CHAPITRE 28. ANALYSE COMPLEXE

28.2.1 Mesure de Radon


Définition 28.32.
Une mesure de Radon sur un compact K de est une forme linéaire continue sur CpKq. Si µ
est une mesure de Radon, on définit la transformée de Cauchy de µ par

µ̂ : zK Ñ
ˆ ˙
1 1 (28.140)

fi ´ µ .
fi ›´z

Théorème 28.33.
Si µ est une mesure de Radon sur K alors µ̂ est infiniment -dérivable sur “ zK et nous
avons ˆ ˙
n! 1
pnq
µ̂ pzq “ ´ µ . (28.141)
fi p› ´ zqn`1
Cette théorie permet de fournir une démonstration plus technologique du corollaire 28.29.

Lemme 28.34.
Si f est holomorphe sur et si B est une boule fermée dans alors pour tout z P IntpBq nous
avons ª
k! f p›q
f pkq pzq “ d›. (28.142)
2ifi BB p› ´ zqk`1
Démonstration. Appliquer le théorème 28.33 à la mesure de Radon
ª
µp„q “ „p›qd›. (28.143)
BB

Tout ce petit monde à propos de la mesure de Radon permet également de redémontrer que
ˆ ª ˙
1 f p›q
“ f pnq p0q{n!, (28.144)
2fii BB › n`1
comme nous l’avons déjà fait autour de l’équation (28.134). Nous utilisons le théorème de Ra-
don 28.33 à la mesure ª
µp„q “ „p›qd›. (28.145)
BB

La transformée de Cauchy est


ˆ ˙ ª
1 1 1 1
µ̂pzq “ ´ µ “´ d›, (28.146)
fi ›´z fi BB ›´z

et le théorème assure que


ˆ ˙ ª
n! 1 n! 1
µ̂pnq pzq “ ´ µ “´ d›. (28.147)
fi p› ´ zqn`1 fi BB p› ´ zqn`1

En comparant la formule (28.146) avec la formule de Cauchy nous voyons que µ̂pzq “ ´2if pzq.
Par conséquent ª
1 n! 1
f pnq pzq “ ´ µ̂pnq pzq “ d›, (28.148)
2i 2fii BB p› ´ zqn`1
et ª
n! 1
f pnq
p0q “ d›. (28.149)
2fii BB › n`1
28.3. CONDITIONS ÉQUIVALENTES À L’HOLOMORPHIE 1545

28.3 Conditions équivalentes à l’holomorphie


Nous nous proposons de lister les conditions que nous avons vues être équivalentes à l’holomor-
phie.

Théorème 28.35.
Soient un ouvert de et f : Ñ une fonction continue. Les conditions suivantes sont
équivalentes.
(1) f est holomorphe.

(2) Pour tout triangle (plein) T contenu dans , T f “ 0.
(3) f est -dérivable.
(4) f est C8
Bf
(5) Bz̄ “ 0 ; ce sont les équations de Cauchy-Riemann.
(6) La 1-forme différentielle f pzqdz est localement exacte.
(7) Pour toute boule Bpa, rq contenue dans nous avons
ª
1 f pzq
f paq “ dz. (28.150)
2fii BBpa,rq z ´ a

La fonction f est holomorphe en z0 si et seulement si il existe un voisinage Bpz0 , rq de z0 et


des nombres ak tels que sur la boule,
8
ÿ
f pzq “ an pz ´ z0 qn . (28.151)
n“0

Dans ce cas, f est holomorphe sur toute la boule.

Démonstration. (1) implique (2) est le lemme de Goursat 28.5. (2) implique (1) est le théorème
de Morera 28.31.
(3) est la définition de l’holomorphie, définition 16.2.
(4) implique (1) est un a fortiori sur la définition. (1) implique (4) est contenu dans le théorème
de développement en série entière 28.15.
L’équivalence entre (5) et l’holomorphie est le théorème 28.2.
L’équivalence entre (6) et (1) est la proposition 28.18.
L’équivalence entre (1) et (7) est d’une part le théorème 28.15 et d’autre part le corollaire 28.16.
En ce qui concerne la dernière affirmation, si f est holomorphe en z0 , alors le théorème 28.15(1)
donne la série. Si au contraire nous avons la série, la proposition 28.7 nous donne le résultat.

28.4 Singularités, pôles et méromorphe


Définition 28.36.
Si f est holomorphe sur un ouvert , alors une singularité de f est un point isolé du bord de .
(1) La singularité est effaçable si la fonction f s’y prolonge en une fonction holomorphe.
(2) La singularité Z est un pôle d’ordre k de f si elle n’est pas effaçable et si la fonction
z fiÑ pz ´ Zqk f pzq se prolonge en une fonction holomorphe en Z.

Exemple 28.37
La fonction
sinpzq
z ބ (28.152)
z
n’est pas définie en z “ 0, mais elle s’y prolonge en une fonction continue en posant f p0q “ 1. —
1546 CHAPITRE 28. ANALYSE COMPLEXE

Proposition 28.38.
Une singularité de f est un pôle si et seulement si

lim f pzq “ 8. (28.153)


zÑZ

Le théorème suivant compète la proposition 28.25.

Théorème 28.39 (Prolongement de Riemann).


Soient f : Ñ et Z une singularité de f . Nous avons équivalence de
(1) la singularité Z est effaçable ;
(2) f possède un prolongement continue en Z ;
(3) il existe un voisinage épointé de Z sur lequel f est bornée ;
(4) limzÑZ pz ´ Zqf pzq “ 0.

Définition 28.40 (Fonction méromorphe[351]).


Soient U un ouvert de et tpi u une suite de points dans U sans points d’accumulation (éventuel-
lement il y a un nombre fini de pi ). Si la fonction f est holomorphe sur Uztpi u et si chaque pi est
un point régulier ou un pôle de f , alors nous disons que f est méromorphe sur U.

Proposition 28.41.
Soient un ouvert de et fn : Ñ une suite de fonctions telles que pour tout compact K de
il existe NK • 0 tel que
(1) fn n’a pas de pôles dans K dès que n • NK ;

(2) la série n•NK fn converge uniformément sur K.
Alors
(1) La fonction
8
ÿ
f pzq “ fn pzq (28.154)
n“0

est méromorphe sur et ses pôles sont l’union de ceux des fn .


(2) Nous pouvons permuter la somme et la dérivée :
8
ÿ
1
f pzq “ fn1 pzq. (28.155)
n“0

Théorème 28.42 (Série de Laurent).


Soient C une couronne de rayons r1 † r2 centrée en zéro et une fonction f holomorphe dans cette
couronne. Alors nous avons la série de Laurent
ÿ
f pzq “ an z n . (28.156)
nP

(1) Cette série converge uniformément sur tout compact de C.


(2) Les coefficients sont donnés par
ª
1 f pzq
an “ dz (28.157)
2fii “ z n`1

où “ est un cercle centré en zéro.


(3) Ce développement en série est unique.
(4) La valeur des an ne dépend pas du choix du rayon du cercle “.
28.5. FONCTIONS D’EULER 1547

28.5 Fonctions d’Euler


Théorème 28.43 (Prolongement méromorphe de la fonction d’Euler[4]).
Nous considérons la formule ª8
pzq “ e´t tz´1 dt. (28.158)
0
Alors
(1) Cette formule définit une fonction holomorphe sur
P “ tz P tel que Ÿpzq ° 0u. (28.159)

(2) La fonction : P Ñ admet un unique prolongement méromorphe sur , lequel a des


pôles sur les entiers négatifs.

Démonstration. Holomorphie sous l’intégrale Pour étudier l’holomorphie de la fonction


sur P nous utilisons le théorème 28.28.
Nous considérons la fonction
g: P ˆ ` Ñ
(28.160)
pz, tq fiÑ e´t z z´1
et nous commençons par montrer que c’est holomorphe en z pour chaque t ° 0 fixé. Nous
le vérifions par le critère de Bz̄f “0 13 et en nous souvenant que ti “ elnpt q “ ei lnptq . Nous
i

obtenons rapidement que


Bg
“ 0. (28.161)
Bz̄
Le fait que la fonction t fiÑ gpz, tq soit mesurable pour tout z est d’accord.
Et enfin soit K compact dans P. Il faut trouver une fonction gK ptq intégrable sur r0, 8r
telle que pour tout z P K et t P r0, 8r nous ayons |f pz, tq § gptq|. Pour cela nous majorons
séparément les parties t P s0, 1r et t • 1.
Soit donc K compact dans P ; nous posons M “ maxzPK Ÿpzq et ‘ “ minzPK Ÿpzq.
Si t P s0, 1r alors nous avons
e´t tz´1 “ e´t epz´1q lnptq , (28.162)
de telle façon à que que
|e´t tz´1 | § |epx´1`iyq lnptq | (28.163a)
pŸpzq´1q lnptq
“ |e | (28.163b)
“ |tŸpzq´1 | (28.163c)
§ |t ‘´1
| (28.163d)
1
“ . (28.163e)
t1´‘
Cette dernière fonction est intégrable sur s0, 1r.
Nous considérons maintenant t • 1. Dans ce cas nous avons
|e´t z z´1 | “ e´t tŸpzq´1 § e´t tM ´1 . (28.164)
Cette dernière fonction est un produit d’une exponentielle décroissante avec un polynôme.
C’est donc intégrable entre 1 et l’infini.
La fonction gK que nous considérons est donc
$
1

& t1´‘ si t † 1
gK ptq “ borné si 1 § t § b (28.165)

% ´t M ´1
e t si t ° b.
13. Théorème 28.2.
1548 CHAPITRE 28. ANALYSE COMPLEXE

Cela est une fonction intégrable sur s08, r et qui majore f uniformément en z sur le compact
K de P. Le théorème 28.28 nous permet donc de conclure que
ª8
pzq “ f pz, tqdt (28.166)
0

est holomorphe en z sur P et que


ª8
Bf
1
pzq “ pz, tqdt. (28.167)
0 Bz

En deux morceaux Nous passons maintenant à la seconde partie du théorème. Pour z P P


nous coupons l’intégrale en deux :
ª1 ª8
pzq “ e t ´t z´1
dt ` e´t tz´1 dt (28.168)
0 1

≥1
Première partie Nous commençons par parler de la première partie : 0 e´t tz´1 dt dans laquelle
nous voulons utiliser le développement en série de l’exponentielle e´t . Nous devons donc
traiter
ª1 ÿ8
p´1qn n`z´1
t dt. (28.169)
0 n“0 n!

Nous allons permuter la somme avec l’intégrale à l’aide du théorème de Fubini 15.239 en
posant la fonction
p´1qn n`z´1
gpn, tq “ t (28.170)
n!
et en considérant le produit entre la mesure de Lebesgue sur et la mesure de comptage
sur , c’est à dire que nous étudions
ª1ª
gpn, tqdndt. (28.171)
0

Pour permuter il suffit de prouver que |g| est intégrable pour la mesure produit, c’est à dire
que
ª1ª ˇ ˇ
ˇ p´1qn n`z´1 ˇ
ˇ
ˇ n! t
ˇ † 8.
ˇ (28.172)
0

Nous avons |tz “ tŸpzq |, donc

ÿ8 ˇˇ n`z´1 ˇˇ ÿ8 n
ˇt ˇ “ tŸpzq´1 t
“ tŸpzq´1 et . (28.173)
ˇ n! ˇ n!
n“0 n“0

Étant donné que nous avons fixé z P P, nous avons Ÿpzq ´ 1 ° ´1 et donc tŸpzq´1 est
intégrable entre 0 et 1. La partie et se majore sur r0, 1s par une constante quelconque. Nous
avons donc payé le droit d’inverser la somme et l’intégrale :
ª1 ÿ8 ª1 ÿ8 ÿ8
p´1qn n`z´1 p´1qn n`z 1 p´1qn
´t z´1
e t dt “ t dt “ rt s0 “ . (28.174)
0 n“0 0
n! n“0
n! n“0
n!pn ` zq

Nous avons donc l’intéressante formule suivante, valable pour tout z P P :


8
ÿ ª8
p´1qn
pzq “ ` e´t tz´1 dt. (28.175)
n“0
n!pn ´ zq 1
28.5. FONCTIONS D’EULER 1549

Prolongation de la première partie Nous voudrions montrer maintenant que la fonction


8
ÿ p´1qn
(28.176)
n“0
n!pn ´ zq
est méromorphe sur avec des pôles en les entiers négatifs. Pour cela nous considérons la
suite de fonctions
p´1qn
fn pzq “ (28.177)
n!pz ` nq
et nous allons utiliser la proposition 28.41. Si n • 0, la fonction fn est méromorphe sur
avec un pôle simple en z “ ´n. Soit K compact de et NK tel que K Ä Bp0, NK q. Pour
n • NK ` 1, la fonction fn n’a pas de pôles dans K et de plus pour tout z P K nous avons
ˇ ˇ
|z ` n| “ |z ´ p´zq| • ˇn ´ |z|ˇ • n ´ |z| • n ´ NK , (28.178)
et par conséquent
1
|fn pzq| § , (28.179)
n!pn ´ N q
ou pour le dire de façon plus snob :
1
}fn }8,K § , (28.180)
n!pn ´ N q

dont la série converge. Cela signifie que la série n•N fn converge normalement 14 sur K,
donc la fonction
8
ÿ
f pzq “ fn pzq (28.181)
n“0
est une fonction méromorphe dont les pôles sont ceux des fn , c’est à dire les entiers négatifs
(proposition 28.41).
La seconde partie Nous allons à présent prouver que la fonction
ª8
gpzq “ e´t tz´1 dt (28.182)
1
est holomorphe sur . Pour cela nous considérons la fonction de deux variables f pz, tq “
e´t tz´1 et nous utilisons le théorème d’holomorphie sous l’intégrale 28.28. D’abord pour z0
fixé dans nous avons ª8 ª8
|e´t tz0 ´1 | § e´t tŸpz0 q´1 dt, (28.183)
1 1
donc l’intégrale converge parce que c’est polynôme contre exponentielle. Par ailleurs pour
chaque t0 fixé sur r0, 8r, la fonction z fiÑ e´t0 tz´1
0 est holomorphe sur comme en témoigne
le calcul suivant : ˆ ˙
1 B B
`i tx`iy´1 “ 0. (28.184)
2 Bx By 0
Et enfin si K est compact dans nous avons
|f pz, tq| “ |e´t tz´1 | “ e´t |tŸpzq´1 | § e´t tM ´1 (28.185)
où M “ maxzPK Ÿpzq. Nous en déduisons que la fonction
ª8
z fiÑ e´t tz´1 dt (28.186)
1
est une fonction holomorphe sur .
Conclusion Au final nous avons prouvé que la fonction d’Euler admet le prolongement mé-
romorphe sur donné par
ÿ8 ª8
p´1qn
pzq “ ` e´t tz´1 dt. (28.187)
n“0
n!pz ` nq 1

14. Définition 11.54.


1550 CHAPITRE 28. ANALYSE COMPLEXE

28.5.1 Euler et factorielle


Proposition 28.44.
Nous avons la formule pnq “ pn ´ 1q! pour tout n P .

Démonstration. Nous partons de la formule


ª8
pnq “ e´t tn´1 dt (28.188)
0

que nous intégrons par partie en posant


u “ tn´1 u1 “ pn ´ 1qtn´1
(28.189)
v “ e´t v 1 “ ´e´t .

Les termes au bord s’annulent (ici il y a un passage à la limite qui n’est pas écrit) et nous trouvons
ª8
pnq “ pn ´ 1qe´t tn´2 dt “ pn ´ 1q pn ´ 1q. (28.190)
0

Pour conclure il suffit de remarquer que


ª8
p1q “ 0 “ 1.
“ ´re´t s8 (28.191)
0

28.6 Partition d’un entier en parts fixées


Proposition 28.45 ([4]).
Soient a1 , . . . , ak P ˚ des entiers premiers entre eux dans leur ensemble. Pour n • 1 nous posons
# +
k
ÿ
un “ Card px1 , . . . , xk q P ˚
tel que ai xi “ n , (28.192)
i“1

et u0 “ 1.
Alors nous avons l’équivalence de suite (pour n Ñ 8) :

1 nk´1
un „ . (28.193)
a1 . . . ak pk ´ 1q!

Démonstration. Pour chacun des i P t1, . . . , ku nous considérons la série entière


8
ÿ ÿ
z xai “ pz ai qx . (28.194)
x“0 k

Étant donné que |z ai | † 1 si et seulement si |z † 1|, cette série a un rayon de convergence égal à 1.
Nous allons calculer le produit de Cauchy de ces k séries, en nous souvenant que le théorème 16.33
nous assure que la série résultante aura un rayon de convergence au moins égal à 1 et vaudra le
produit des différentes séries.
Le coefficient de z n dans cette série vaut
ÿ
1 “ un (28.195)
k
∞ xP
xi ai “n

parce que dans chacune des séries, le coefficient de tous les z xai est 1. Nous définissons la fonction
˜ ¸
8 8
1
ÿ πk ÿ πk
f pzq “ n
un z “ z xai
“ . (28.196)
n“0 i“1 x“0 i“1
1 ´ z ai
28.6. PARTITION D’UN ENTIER EN PARTS FIXÉES 1551

La fonction f existe sur |z| † 1 parce que nous venons de voir qu’elle peut s’exprimer comme un
produit de Cauchy ; et la dernière égalité est simplement la somme de la série harmonique. D’autre
part la fonction f est la série génératrice de la suite pun q.
Nous sommes en présence d’une fonction ayant des pôles aux racines a1 ,. . . , ak e de l’unité.
Étant donné que 1 est une racine de l’unité de tous les ordres, le pôle en z “ 1 est de multiplicité
k. Les autres pôles sont de multiplicité strictement inférieure ; en effet
∞ soit Ê P tel que Ê “ 1
ai
15
pour tout i. Alors Bezout nous donne des entiers vi P tels que i vi ai “ 1. Alors nous avons

∞ k
π
Ê“Ê vi ai
“ pÊ ai qvi “ 1. (28.197)
i“1

Donc nous voyons que 1 est le seul à être racine de tous les ordres en même temps. Nous notons

P “ tÊ1 , . . . , Êp u (28.198)

l’ensemble des pôles avec Ê1 “ 1. Par ailleurs la fonction f est une fraction rationnelle dont nous
connaissons les racines du dénominateur (ce sont les Êi ) et à peu près leurs ordres. Nous utilisons
le truc de la décomposition en fractions simples en séparant le terme de puissance k qui n’existe
que pour la racine Ê1 “ 1 :

ÿp k´1
ÿ
– cij
f pzq “ ` . (28.199)
p1 ´ zqk
i“1 j“1
pÊi ´ zqj

Ce développement est valable pour tout |z| † 1. Nous considérons maintenant Ê P P et j P et


nous étudions la fonction
1
gpzq “ . (28.200)
Ê´z

Un rapide calcul (par exemple par récurrence) montre que

k!
g pkq pzq “ , (28.201)
pÊ ´ zqk`1

et étant donné que |Ê| “ 1 nous pouvons écrire la série

8
1 ÿ zk
“ , (28.202)
Ê ´ z k“0 Ê k`1

valable pour |z| † 1. Ce qui nous intéresse, c’est d’exprimer une série pour 1{pÊ ´ zqj ; et voyant
(28.201), nous voyons qu’il suffit de calculer les dérivées de la série de g. Nous dériver terme à
terme à l’intérieur du rayon de convergence. Avec quelques abus d’écriture, et en utilisant la bête

15. Théorème 2.33.


1552 CHAPITRE 28. ANALYSE COMPLEXE

formule (16.114) nous avons 16

1 g pj´1q pzq
“ (28.203a)
pÊ ´ zqj pj ´ 1q!
ˆ ˙pj´1q
1 1
“ (28.203b)
pj ´ 1q! Ê ´ z
8
1 ÿ 1
“ pz k qpj´1q (28.203c)
pj ´ 1q! k“0 Ê k`1

ÿ 1 1 k!
“ z k´j`1 (28.203d)
k“j´8
pj ´ 1q! Ê k`1 pk ´ j ` 1q!
8
ÿ 1pn ` j ´ 1q! n
“ z (28.203e)
n“0
Ê n`jn!pj ´ 1q!
8 ˆ ˙
ÿ 1 n`j´1 n
“ z . (28.203f)
n“0
Ê n`j n

Nous pouvons utiliser cela pour récrire la formule (28.199) de façon considérablement plus compli-
quée :
8 ˆ ˙ p k´1 8 ˆ ˙
ÿ n`j´1 n ÿ ÿ ÿ n ` j ´ 1 zn
f pzq “ – z ` cij . (28.204)
n“0
n i“1 j“1 n“0
n Êin`j

Mais nous savons que ce f est la série génératrice de la suite pun q et que nous pouvons donc utiliser
la formule (16.343) pour exprimer les nombres ul : ul est simplement le coefficient de z l divisé par
l!. C’est à dire
ˆ ˙ ÿ ÿ ˆl ` j ´ 1˙ 1
l`k´1
p k´1
ul “ – ` cij . (28.205)
l i“1 j“1
l Êil`j

Notre boulot est d’examiner le comportement de cela lorsque l Ñ 8, c’est à dire regarder quels
sont les puissances de l en présence. Notons que
En ce qui concerne le premier terme, la puissance dominante dans le coefficient binomial est
lk´1 . Dans les autres termes 17 , c’est lj´1 qui est de degré moins grand. Donc le comportement de
ul en terme de l est
lk´1
ul „ – . (28.206)
pk ´ 1q!
Il nous reste à voir ce que vaut –. Pour cela nous repartons de l’expression 28.196 que nous écrivons
sous la forme
1´z
πk
k
p1 ´ zq f pzq “ . (28.207)
i“1
1 ´ z ai

Nous reconnaissons l’inverse d’une somme harmonique partielle :

1
k
π
p1 ´ zqk f pzq “ . (28.208)
i“1
1`z` z2 ` ¨ ¨ ¨ ` z ai ´1

Par ailleurs, nous ne savons pas si f p1q existe parce que son rayon de convergence n’est que de
1 ; et nous savons même qu’elle n’existe pas (parce que ce serait la somme des un ). Mais nous

16. À ce niveau j’ai pas exactement le même coefficient binomial que dans [4], mais je n’exclus absolument pas que ce
soit moi qui me trompe. Écrivez-moi si vous pouvez infirmer ou confirmer l’erreur. Quoi qu’il en soit, cela ne change pas
le résultat asymptotique que nous cherchons.
17. Attention : les termes i “ 1 ont Ê1 “ 1 et il n’est donc pas possible de conclure simplement en disant que
Êil´j Ñ 0 pour l Ñ 8 ; bien que cela soit vrai pour tous les i ‰ 1.
28.7. EXPONENTIELLE ET LOGARITHME COMPLEXE 1553

savons aussi que le pôle de plus grande multiplicité de f est en z “ 1 et est de multiplicité k. Donc
p1 ´ zqk f pzq devrait converger pour z Ñ 1. Pour tout |z † 1| nous avons
p k´1
ÿ ÿ p1 ´ zqk
p1 ´ zqk f pzq “ – ` cij . (28.209)
i“1 j“1
pÊi ´ zqj
Lorsque z Ñ 1, tous les termes des sommes tendent vers zéro, y compris ceux avec i “ 1 parce que
j † k. Il reste donc
lim p1 ´ zqk f pzq “ –. (28.210)
zÑ0
En calculant la même limite avec (28.208) nous trouvons
1 1
k
π
lim p1 ´ zqk f pzq “ lim “ . (28.211)
zÑ1 zÑ1
i“1
1`z` z2 ` ¨¨¨ ` z a i ´1 a1 . . . ak
Donc
1
–“ , (28.212)
a1 . . . ak
et le résultat est prouvé.

28.7 Exponentielle et logarithme complexe


28.7.1 Définition et propriétés de l’exponentielle
Définition 28.46.
Soit z “ x ` iy P . Nous définissons l’exponentielle de z par
exp : Ñ
ÿ8
zn (28.213)
z ބ .
n“0
n!
Le rayon de convergence de cette somme est infini.

Proposition 28.47 ([352]).


Quelques propriétés de l’exponentielle.
(1) Le fonction exp est continue.
(2) Nous avons la formule ez`w “ ez ew pour tout z, w P .
(3) pez q´1 “ e´z
(4) pexppzqqn “ exppnzq.

Démonstration. L’exponentielle est continue parce qu’elle est la somme d’une série entière de rayon
de convergence infini (proposition 16.13).
Les séries exppzq et exppwq ayant un rayon de convergence infini nous pouvons utiliser le produit
de Cauchy (théorème 16.33) :
˜ ¸
ÿ8 ÿ z i wj
z w
e e “ (28.214a)
n“0 i`j“n
i!j!
˜ ¸
ÿ8 ÿn
z i wn´i
“ (28.214b)
n“0 i“0
i!pn ´ iq!
8 n ˆ ˙
ÿ 1 ÿ n i n´i
“ zw (28.214c)
n“0
n! i“0 i
8
ÿ 1
“ pz ` wqn (28.214d)
n“0
n!
“ exppz ` wq. (28.214e)
1554 CHAPITRE 28. ANALYSE COMPLEXE

Nous avons utilisé la formule du binôme (proposition 3.6).


Les autres propriétés énoncées sont des corollaires :

ez e´z “ e0 “ 1. (28.215)

Proposition 28.48.
Soit z P fixé. La fonction
E: Ñ
(28.216)
t ބ etz
est C 8 , sa dérivée est
E 1 ptq “ zetz . (28.217)
La fonction E est développable en série entière (voir définition 16.103) sur en t “ 0 et
ÿ8
zn n
etz “ t . (28.218)
n“0
n!

Démonstration. Nous fixons z P . Par définition 28.46, la série suivante est etz :
ÿ8
zn n
f ptq “ t . (28.219)
n“0
n!

Cette série a un rayon de convergence infini et la fonction f est donc C 8 sur . Nous pouvons la
dériver terme à terme :
ÿ8 ÿ8
z n n´1 z n´1 n´1
f 1 ptq “ nt “z t “ zetz . (28.220)
n“1
n! n“1
pn ´ 1q!

Théorème 28.49.
La fonction exponentielle vérifie les propriétés suivantes.
(1) exp est holomorphe.
(2) pez q1 “ ez .
(3) L’exponentielle est développable en série entière,
ÿ8
zn
ez “ (28.221)
n“0
n!

et la série converge normalement sur tout compact de .

Démonstration. En tant que application E : 2 Ñ , la fonction

Epx, yq “ ex pcos y ` i sin yq (28.222)

est C 8 . De plus nous avons


BE
px, yq “ ex`iy “ Epx, yq (28.223a)
Bx
BE
px, yq “ iEpx, yq, (28.223b)
By
et par conséquent la fonction E vérifie les équations de Cauchy-Riemann. ∞
Si r est fixé, par le critère d’Abel appliqué à la suite r{n! nous savons que la série z n {n!
converge normalement sur le compact Bp0, rq.
28.7. EXPONENTIELLE ET LOGARITHME COMPLEXE 1555

28.7.2 Intégrale de Fresnel


Nous allons calculer l’intégrale de Fresnel
ª8 ?
´ix2 fi ´ifi{4
e dx “ e (28.224)
0 2
en suivant la démarche présentée par Wikipédia[353]. Nous commençons par prouver que l’intégrale
est convergente en nous contentant de justifier la convergence de
ª8
sinpx2 qdx. (28.225)
0
≥a
Pour chaque a ° 0 fixé, l’intégrale 0 sinpx2 qdx ne pose pas de problèmes. Le lemme 21.186 nous
permet de passer à la limite ; nous devons donc seulement calculer
ªb
lim sinpx2 qdx (28.226)
bÑ8 a

où a est une constante strictement positive. Nous effectuons une intégration par partie en posant
1 1
u“ u1 “ ´ (28.227a)
x x2
1 ´ cospxq
v 1 “ x sinpxq v“ . (28.227b)
2
Notons que la primitive v a été choisie pour avoir vp0q “ 0. Nous avons
ªb „ ⇢b ªb
2 1 ´ cospx2 q cospx2 q ´ 1
sinpx qdx “ ´ dx (28.228)
a 2x a a 2x2
Pour le premier terme nous avons
„ ⇢b
1 ´ cospx2 q 1 ´ cospb2 q 1 ´ cospa2 q 1 ´ cospa2 q
lim “ lim ´ “´ . (28.229)
bÑ8 2x a bÑ8 2b 2a 2a

C’est borné. Pour le second terme de (28.228), la fonction

cospx2 q ´ 1
(28.230)
2x2
est majorée par la fonction 1{x2 qui est intégrable entre a et 8.
Nous allons calculer l’intégrale demandée en passant par la fonction
2
f pxq “ e´z (28.231)

définie sur le plan complexe. Nous l’intégrons sur le chemin “ “ “1 `“2 ´“3 indiqué à la figure 28.1.

“3 “2

“1

Figure 28.1 – Chemin d’intégration pour l’intégrale de Fresnel

Ces chemins sont donnés par


“1 : r0, Rs Ñ
(28.232)
t ބ t,
1556 CHAPITRE 28. ANALYSE COMPLEXE


“2 : r0, s Ñ
4 (28.233)
t ބ Reit ,

“3 : r0, Rs Ñ
(28.234)
t fiÑ teifi{4 .
Bf
Tout d’abord la fonction f est bien holomorphe par le critère du théorème 28.2. Le calcul de Bz̄
2
se fait simplement en posant f px, yq “ e´px`iyq . Le calcul est usuel :

----------------------------------------------------------------------
| Sage Version 4.8, Release Date: 2012-01-20 |
| Type notebook() for the GUI, and license() for information. |
----------------------------------------------------------------------
sage: f(x,y)=exp(-(x+I*y)**2)
sage: A=f.diff(x)+I*f.diff(y)
sage: A.simplify_full()
(x, y) |--> 0

Nous avons donc


ª ªR ª fi{4 ªR
2 2 2it 2 ifi{2
0“ f“ e´t dt ` e´R e Rieit dt ` e´t e eifi{4 dt . (28.235)
“ 0
loooomoooon 0
looooooooooomooooooooooon 0
loooooooooomoooooooooon
I1 pRq I2 pRq I3 pRq

L’intégrale est nulle pour tout R en vertu de la proposition 28.6. L’intégrale I1 est une gaussienne
et nous avons ?

lim I1 pRq “ (28.236)
RÑ8 2
par l’exemple 15.242. Nous montrons maintenant que limRÑ8 |I2 pRq| “ 0 18 . D’abord nous majo-
rons en prenant la norme puis nous effectuons le changement de variables u “ 2t :
ª fi{4
2 cosp2tq
|I2 pRq| § Re´R dt (28.237a)
0
ª fi{2
R 2 cospuq
“ e´R du. (28.237b)
2 0

Nous savons que le graphe du cosinus est concave : il reste au dessus de la droite que joint p0, 1q à
p fi2 , 0q. Du coup cospuq • 1 ´ fi2 u et par conséquent

2 cospuq 2 p1´ 2 uq 2 p 2 u´1q


e´R § e´R fi “ eR fi . (28.238)

Nous effectuons l’intégrale


ª
R fi{2 ´R2 2R2 u
|I2 pRq| § e e fi du (28.239a)
2 0
R 2
” fi ıfi{2
2R2 u{fi
“ e´R e (28.239b)
2 2R2 0
´R 2
fi fie
“ ´ , (28.239c)
4R 4R
18. Il y a moyen de démontrer cela via le lemme de Jordan[354]. Nous donnons ici une démonstration moins
technologique.
28.7. EXPONENTIELLE ET LOGARITHME COMPLEXE 1557

et nous avons bien limRÑ8 |I2 pRq| “ 0. Nous passons à la troisième intégrale. En tenant compte
que eifi{2 “ i, nous avons
ªR
2
I3 pRq “ ´ e´“3 ptq eifi{4 dt (28.240a)
0
ª
1 ` i R ´t2 2ifi{4
“´ ? e e (28.240b)
2 0
ª
1 ` i R ´it2
“´ ? e . (28.240c)
2 0

En passant à la limite R Ñ 0, de l’équation (28.235) il ne reste que


? ª8
2 1`i 2
0“ ´ ? e´it dt, (28.241)
2 2 0

ce qui signifie que ?


ª8 ?
´it2 2fi fi ´ifi{4
e dt “ “ e . (28.242)
0 2p1 ` iq 2

28.7.3 Logarithme complexe


28.7.3.1 La fonction argument
Nous savons la définition 28.46 de l’exponentielle complexe.

Définition 28.50.
Un logarithme de – P est une solution de l’équation ez “ –.

Notons bien que cela définit un logarithme, et non le logarithme.

Lemme 28.51.
Si z1 et z2 sont des logarithmes de – alors il existe k P tel que z1 “ z2 ` 2ikfi.

Démonstration. Nous commençons par déterminer les logarithmes de – “ 1. Nous avons besoin
de ea`bi “ 1 (a, b P ). Nous avons
ea ebi “ 1, (28.243)
et en prenant la norme nous trouvons |ea | “ 1, ce qui donne a “ 0. Ensuite ebi “ 1, qui signifie
b “ 2kfi. Les logarithmes de 1 sont donc les nombres de la forme 2ikfi.
Soient maintenant z1 et z2 des logarithmes de –. Alors ez1 “ ez2 , donc 19 ez1 ´z2 “ 1, ce qui
signifie que z1 ´ z2 est un logarithme de 1. Donc il existe un k P tel que z1 ´ z2 “ 2ikfi.

Remarque 28.52.
Jusqu’ici nous n’avons pas donné de conditions donnant l’existence d’un logarithme. Nous avons
seulement supposé des existences et donné des propriétés sur ces hypothétiques objets.

Définition 28.53 ([355]).


Si z P ˚ nous définissons la valeur principale de son argument le nombre ◊ P s´fi, fis tel que

z “ |z|ei◊ (28.244)

Nous le notons argpzq.

28.54.
Il ne faut pas se ruer sur argpx ` iyq “ arctanpy{xq.Pour rappel, la fonction arctan a été définie

19. C’est facile de dire « donc ». Il faut surtout citer la proposition 28.47(2).
1558 CHAPITRE 28. ANALYSE COMPLEXE

dans le théorème 19.39, et elle prend ses valeurs dans s´fi{2, fi{2r. La formule vpx, yq “ arctanpy{xq
n’est donc valable que pour x ° 0. Les valeurs sont :
$

’ arctanpy{xq si x ° 0


&fi ` arctanpy{xq si x † 0 et y • 0


argpx ` iyq “ ´fi ` arctanpy{xq si x † 0 et y † 0 (28.245)






2 si x “ 0 et y ° 0

% ´fi
2 si x “ 0 et y † 0.

Pour x ° 0 nous avons argpx ` iyq “ arctanpy{xq parce que justement la fonction arctan prend
ses valeurs en particulier entre ´fi et fi. Pour x † 0 et y ° 0 nous avons argpx`iyq “ fi`arctanpy{xq
(dans ce cas, arctanpy{xq † 0) et si x † 0, y † 0 nous avons argpx ` iyq “ ´fi ` arctanpy{xq.

28.55 (Les dérivées partielles de la fonction argument).


Vu que nous en aurons besoin plusieurs fois, nous calculons maintenant les dérivées partielles de
la fonction
Ï: 2 Ñ
(28.246)
px, yq ބ argpx ` iyq.
Nous commençons par la dérivée Bx Ïpx, yq. Et il y a de nombreux cas à séparer.
x ° 0 Nous avons
BÏ arctanpy{px ` ‘qq ´ arctanpy{xq
px, yq “ lim , (28.247)
Bx ‘Ñ0 ‘
qui n’est autre que la dérivée de la fonction x fiÑ arctanpy{xq. Nous pouvons la calculer
facilement avec le théorème 19.39(2) :
BÏ y
px, yq “ ´ 2 . (28.248)
Bx x ` y2
x † 0 Nous avons
` ˘
BÏ ˘fi ` arctanpy{px ` ‘qq ´ ˘ fi ` arctanpy{xq
px, yq “ lim (28.249)
Bx ‘Ñ0 ‘
où les signes ˘ dépendent du signe de y. De toutes façons, les termes en fi se simplifient et
le calcul est le même que celui du cas x ° 0. Encore une fois nous avons
BÏ y
px, yq “ ´ 2 . (28.250)
Bx x ` y2
x “ 0 Nous devons calculer
BÏ argp‘ ` iyq ´ argpiyq
p0, yq “ lim . (28.251)
Bx ‘Ñ0 ‘
Il y a quatre cas d’après les signes de ‘ (séparer limite à gauche et à droite) et y.
Si ‘ ° 0 et y ° 0 alors nous avons à faire le calcul
arctanpy{‘q ´ fi{2
lim (28.252)
‘Ñ0` ‘
qui se traite par la règle de l’Hospital. Cela donne ´1{y.
Les trois autres cas ne se distinguent que par des constantes au numérateur, lesquelles
disparaissent en appliquant la règle de l’Hospital 20 . Au final,
BÏ 1
p0, yq “ ´ . (28.253)
Bx y
20. Nonobstant le fait que ces constantes se mettent bien pour avoir un vrai cas d’indétermination 0{0, sinon la
règle de l’Hospital ne s’applique pas.
28.7. EXPONENTIELLE ET LOGARITHME COMPLEXE 1559

Nous avons calculé jusqu’ici :


BÏ ´y
px, yq “ 2 (28.254)
Bx x ` y2
pour tout px, yq P 2 ztp0, 0qu. En particulier vous avez noté que cette dérivée partielle est continue
sur 2 ztp0, 0qu.
Nous calculons à présent la dérivée partielle par rapport à y :

BÏ argpx ` iy ` i‘q ´ argpx ` iyq


px, yq “ lim . (28.255)
By ‘Ñ0 ‘
x ° 0 Nous avons à calculer
arctan y`‘
x ´ arctan x
y
lim , (28.256)
‘Ñ0 ‘
qui n’est autre que la dérivée de la fonction t fiÑ arctan xt en t “ y. Résultat :

BÏ x
px, yq “ 2 . (28.257)
By x ` y2

x † 0 et y ‰ 0 Le calcul à faire est :


` ˘
˘fi ` arctan y`‘
x ´ ˘fi ` arctan x
y
lim (28.258)
‘Ñ0 ‘
Une chose importante à remarquer est que dans le calcul de la limite nous pouvons supposer
que y et y ` ‘ aient le même signe, quelle que soit la valeur et le signe de ‘ (assez petit).
C’est pour cela que les deux termes ˘fi arrivent avec le même signe des deux côtés de la
différence, et se simplifient. Nous tombons sur une limite déjà faite et
BÏ x
px, yq “ 2 (28.259)
By x ` y2

x † 0 et y “ 0 Vu que x † 0 nous avons argpxq “ fi et nous devons calculer

argpx ` i‘q ´ fi
lim . (28.260)
‘Ñ0 ‘
La limite ‘ Ñ 0` est classique et donne 1{x.
Mais la limite ‘ Ñ 0´ n’existe pas :

´fi ` arctanp‘{xq ´ fi
lim (28.261)
‘Ñ0´ ‘
n’existe pas.
Donc

px, 0q (28.262)
By
n’existe pas pour x † 0.
x “ 0 et y ‰ 0 Le calcul est immédiat

argpiy ` i‘q ´ argpiyq


lim “ 0, (28.263)
‘Ñ0 ‘
donc

p0, yq “ 0. (28.264)
By
En ce qui concerne la continuité, nous avons que By Ï est continue partout sauf sur la demi-droite
tpx, 0q tel que x § 0u où elle n’existe pas.
1560 CHAPITRE 28. ANALYSE COMPLEXE

28.7.3.2 Une définition possible du logarithme


Définition 28.56.
Nous définissons la fonction logarithme par

ln : ˚
Ñ
` ˘ (28.265)
z ބ ln |z| ` i argpzq

où le ln à droite est le logarithme usuel sur `.

Remarque 28.57.
Cette fonction généralise le logarithme déjà vu sur s0, 8r Ä . En effet pour des valeurs de z dans
cette partie nous avons argpzq “ 0 et |z| “ z.

Lemme 28.58.
Le nombre lnpzq est un logarithme de z.

Démonstration. Nous avons

elnpzq “ eln |z| ei argpzq “ |z|ei argpzq “ z. (28.266)

Nous avons utilisé le fait que elnpxq “ x pour x P ` et |z|ei argpzq “ z par définition de la fonction
arg.

Notons que si on avait pris d’autres conventions pour définir arg, nous aurions eu d’autres
définitions possibles de ln.

Exemple 28.59
Nous avons
lnp´1q “ lnp1q ` i argp´1q. (28.267)
Mais lnp1q “ 0 et argp´1q “ fi (et non ´fi), donc

lnp´1q “ ifi. (28.268)

C’est cette définition du logarithme qui est prise par Sage, et c’est cela qui lui permet de donner
la primitive de 1{x comme lnpxq et non lnp|x|q, parce que Sage connaît les logarithmes de nombres
réels négatifs :

2 SageMath version 7.3 , Release Date : 2016 -08 -04


3 Type " n o t e b o o k ( ) " f o r the browser - based notebook interface .
4 Type " h e l p ( ) " f o r h e l p .
5

6 sage : ln ( -1)
7 I * pi
8 sage : f ( x ) =1/ x
9 sage : f . integrate ( x )
10 x | - - > log ( x )
tex/sage/sageSnip010.sage

Nous avons jusqu’ici défini une fonction sur ˚ qui fait correspondre à chaque nombre complexe
un de ses logarithmes. Il reste quelques questions à régler :
— Est-ce que cette fonction est continue ? Holomorphe ? (réponses : non et non)
28.7. EXPONENTIELLE ET LOGARITHME COMPLEXE 1561

— Si non, est-ce qu’il y avait moyen de trouver une définition plus efficace ? (réponse : non)

Lemme 28.60.
La fonction ln n’est pas continue sur s´8, 0s.

Démonstration. Attention à bien comprendre l’énoncé. La fonction


f : s´8, 0r Ñ
(28.269)
x ބ lnpxq

est continue. D’ailleurs c’est lnpxq “ lnp|x|q ` ifi. Ce dont il est question dans l’énoncé, c’est de la
fonction ln vue comme fonction sur ˚ .
Soit x ° 0 dans ; nous avons

lnp´xq “ lnpxq ` ifi. (28.270)

Cependant lim⁄Ñ0´ lnp´x ` ⁄iq va valoir lnp|x| ´ ifiq. En effet lorsque ⁄ † 0 est petit, l’argument
⁄P
de ´x ` ⁄i se rapproche de ´fi (et non de fi).

argpzq

´x ` ⁄i

Donc

lim lnp´x ` ⁄iq “ lim lnp|x ` ⁄i|q ` i argp´x ` ⁄iq “ lnp|x|q ´ ifi. (28.271)
⁄Ñ0´
⁄P

Nous n’avons donc pas continuité de la fonction logarithme comme fonction sur ˚.

Théorème 28.61.
La restriction
ln : zs´8, 0s Ñ (28.272)
est holomorphe.

Démonstration. Nous allons utiliser la proposition 16.7 et considérer la fonction


2
F: S Ñ
` ˘ (28.273)
px, yq ބ lnp|x ` iy|q, argpx ` iyq

où S “ 2 ztpx, 0q tel que x § 0u. Nous devons vérifier que F est différentiable et que sa différen-
tielle en un point de S est une similitude.
Nous posons `a ˘
upx, yq “ ln x2 ` y 2 (28.274)
et
vpx, yq “ argpx ` iyq. (28.275)
Les dérivées partielles de u ne sont pas très compliquées :

1 sage : var ( ’ x , y ’ )
2 (x , y )
3 sage : u (x , y ) = ln ( sqrt ( x **2+ y **2) )
4 sage : u . diff ( x )
5 (x , y ) | - - > x /( x ^2 + y ^2)
tex/sage/sageSnip011.sage
1562 CHAPITRE 28. ANALYSE COMPLEXE

c’est à dire
Bu x
“ 2 (28.276a)
Bx x ` y2
Bu y
“ 2 . (28.276b)
By x ` y2
Pour celles de v par contre, il faut se poser des questions, par exemples résister à la tentation
d’écrire vpx, yq “ arctanpy{xq et lire 28.54.
Nous avons déjà calculé les dérivées partielles de v dans 28.55, et nous avons vu qu’elles étaient
continues sur 2 privé de la demi-droite.
Vu que les dérivées partielles sont continues, la proposition 13.228 nous dit que F est différen-
tiable. La matrice de la différentielle est alors la matrice des dérivées partielles
˜ ¸
x y
x2 `y 2 x2 `y 2
´y x , (28.277)
x2 `y 2 x2 `y 2

qui a la forme requise (16.12) pour que la proposition 16.7 nous assure que ln soit -dérivable,
c’est à dire holomorphe.

28.7.3.3 Pas plus de continuité


Bon. La fonction logarithme que nous avons définie est holomorphe sur ˚ privé d’une demi-
droite U . Et elle n’est pas continue sur U ; elle y est cependant continue « par le haut ». Pouvons-
nous faire mieux ? Nous allons maintenant prouver quelques résultats d’impossibilité de faire mieux
que holomorphe partout sauf une partie pas si petite que ça.

Proposition 28.62.
Il n’existe pas de fonctions continues f : ˚ Ñ telle que ef pzq “ z pour tout z P ˚.

Démonstration. Pour tout z, le nombre f pzq est un logarithme de z. Or lnpzq en est également un.
Donc par le lemme 28.51
f pzq “ lnpzq ` 2ikpzqfi (28.278)
pour une certaine fonction k : ˚ Ñ . Sur le domaine d’holomorphie de ln, les fonctions ln et f
étant continues, la fonction k l’est aussi. Mais une fonction continue à valeurs dans est constante
(son domaine est connexe).
Il existe donc k P tel que
f pzq “ lnpzq ` 2ikfi (28.279)
au moins pour tout z P ˚ zU . Une telle fonction ne peut pas être continue sur U parce que ln ne
l’est pas.

Ok. Pas continue sur tout . Mais continue sur un peu plus que privé de toute une demi-
droite ? La proposition suivante répond que bof.

Proposition 28.63.
Soit un ouvert de contenant Sp0, rq (le cercle centré en 0 et de rayon r ° 0). Il n’existe pas
de fonction continue f : Ñ telle que ef pzq “ z pour tout z P .

Démonstration. Encore une fois, pour tout z P nous avons


f pzq “ lnpzq ` 2ifikpzq (28.280)
pour une certaine fonction k : Ñ . Sur zU , la fonction ln est continue et k doit également
l’être. Donc k est constante sur les composantes connexes de zU .
Vu que Sp0, rq est compact, on peut le recouvrir par un nombre fini de boules centrées en des
points de Sp0, rq. En prenant le minimum des rayons de ces boules, nous voyons que contient
une couronne
tz P tel que r ´ ” § |z| § r ` ”u. (28.281)
28.7. EXPONENTIELLE ET LOGARITHME COMPLEXE 1563

Soit le point x0 “ ´r. C’est un point de contenu dans U . Nous allons prouver que Bpx0 , ”qzU
est dans une seule composante connexe de .
Soit un point z1 P Bpx0 , ”q situé au-dessus de U , et z2 un point de Bpx0 , ”q situé en dessous de
U . Le cercle Sp0, rq coupe Bpx0 , ”q en deux points : un au-dessus et un en-dessous de U . On peut
lier z1 au point de « sortie » supérieur de Sp0, rq en restant dans Bpx0 , ”q ; ce point est ensuite relié
en suivant le cercle au point d’entrée inférieur du cercle dans Bpx0 , ”q. Ce dernier point est lié à
z2 par un chemin restant dans la boule.
Tout cela pour dire que z1 et z2 sont dans la même composante connexe de et que kpz1 q “
kpz2 q. Il existe donc k P tel que
f pzq “ lnpzq ` 2ikfi (28.282)

sur Bpx0 , ”qzU . Une telle fonction f ne peut pas être continue.

28.7.3.4 Pas d’unicité : autres déterminations de l’argument


28.64.
Nous avons pris la fonction d’argument arg : Ñ s´fi, fis. Il y en a évidemment beaucoup d’autres
de possibles. Par exemple pour – P nous pouvons considérer

arg–` : Ñ s–, – ` 2fis (28.283)

ou
arg–´ : Ñ r–, – ` 2fir. (28.284)

En posant
ln–˘ pzq “ lnp|z|q ` i arg–˘ pzq (28.285)

nous avons une fonction réciproque de l’exponentielle définie sur ˚ et holomorphe sur ˚ privé
d’une demi-droite D– (dépendante de la valeur de –).

La différence entre ln–` et ln–´ est seulement la valeur sur la demi-droite de non-holomorphie.
L’une sera semi-continue d’un côté et l’autre, de l’autre côté.

Remarque 28.65.
La fonction arg0´ a déjà été utilisée en 19.5.2 pour écrire un inverse de la fonction

Ï : r0, 2fir Ñ S 1
(28.286)
t ބ eit .

Définition 28.66 ([356]).


Soit un ouvert Ä ˚ . Nous disons que la fonction f : Ñ est une détermination sur si
elle est continue et vérifie
ef pzq “ z (28.287)

pour tout z P .

Les différents résultats vus jusqu’ici montrent qu’il n’existe pas de détermination du logarithme
sur ˚ .

Définition 28.67.
La détermination principale du logarithme est la restriction de notre logarithme 28.56

ln : ˚
Ñ
(28.288)
z ބ lnp|z|q ` i argpzq

à l’ouvert ˚ zU où U est la partie Ÿpzq § 0 de .


1564 CHAPITRE 28. ANALYSE COMPLEXE

Remarque 28.68.
Beaucoup de sources[357] ne définissent pas ln–˘ sur la droite D– . C’est à dire qu’ils notent ln–
notre fonction ln–` restreinte à ˚ zD– . Dans ce cas, les fonctions ln–` et ln–´ sont identiques 21 .
Cette remarque est importante parce que certains vont vous dire « le logarithme n’est pas définit
sur la demi-droite » ; de leur point de vue, la fonction que nous avons définie est une prolongation
(non continue) à U du logarithme, qui est continu.
(1) Certaines personnes pourraient vous dire que notre logarithme « n’est pas bien définit parce
que si on fait le tour dans un sens ou dans l’autre nous n’obtenons pas la même valeur pour
lnpzq lorsque z est sur U ». Et cela avec des arguments aussi forts que « 2fi et 0, c’est le
même point ».
Nous préférons être bien clairs 22 sur ce point : notre fonction ln est parfaitement définie sur
˚ et 2fi n’est pas la même chose que zéro. En particulier argpe2ifi q “ 0 et argpe´ifi q “ fi

et non ´fi.
(2) Il n’en reste pas moins que Sage donne lnp´1q “ Ifi et que nous avons choisi de faire de
même, parce que le Frido n’est pas un cours d’agrégation, mais un texte qui donne quelques
éléments de mathématique dans le but d’utiliser Sage efficacement.
(3) Tout ceci pour dire que si vous utilisez ce livre pour l’agrégation, vous devriez sérieusement
considérer l’option de ne pas donner du logarithme la définition donnée ici, mais bien sa
restriction.
En fait notre logarithme est maximum pour la propriété « être une réciproque de l’exponen-
tielle » alors que beaucoup de monde préfère avoir une fonction maximale pour la propriété « être
réciproque de l’exponentielle tout en étant continue ».

De toutes les fonctions ayant le droit de vouloir être appelée « logarithme », celle que nous
avons choisie (un peu arbitrairement) pour s’appeler « logarithme » et accaparer de la notation
« ln » est lnfi` . Elle est d’une certaine manière celle qui arrive le plus naturellement.
En effet si nous pensons au logarithme népérien ln : ` Ñ que nous voulons prolonger sur
, nous devons poser
lnp´xq “ lnp´1q ` lnpxq (28.289)
pour x ° 0. Que peut valoir lnp´1q ? Il doit vérifier elnp´1q “ ´1. La première valeur qui nous
tombe sous la main est lnp´1q “ fi. Bien entendu, d’autres possibilités étaient possibles, comme
lnp´1q “ 2017fi par exemple.

28.7.3.5 Pas d’unicité : développement en série


Pour z0 P ˚ nous pouvons écrire un développement en série de la réciproque de l’exponentielle
autour de z0 . La fonction ainsi définie est holomorphe sur la boule Bpz0 , |z0 |q et diverge en dehors
de cette boule.
Voilà encore une fonction « logarithme » pour chaque point de ˚ . Nous nommons lnz0 la
fonction
lnz0 : Bpz0 , |z0 |q Ñ (28.290)
donnée par la série.
En général nous n’avons pas lnz1 “ lnz2 sur l’intersection des disques de convergence. Si c’était le
cas, de proche en proche nous pourrions construire une fonction continue réciproque du logarithme
sur ˚ , ce qui est impossible.

28.7.3.6 Pas d’unicité : laquelle choisir ?


Bon. Pour chaque demi-droite D nous avons une détermination du logarithme sur ˚ zD. Et
pour tout z0 P ˚ nous en avons une sur Bpz0 , |z0 |q.
21. Cela n’est pas tout à fait évident ; vous devriez y penser.
22. Est-ce qu’il faut vraiment un pluriel ici ?
28.7. EXPONENTIELLE ET LOGARITHME COMPLEXE 1565

En pratique, quel logarithme choisir ? Cela dépend du problème.


Si vous avez besoin ou envie de travailler avec des série entières, le mieux est de choisir une
détermination donnée par un développement autour d’un point bien choisi par rapport à votre
problème.
Si vous avez surtout besoin d’holomorphie, et que vous en avez besoin sur un grand domaine,
vous devriez choisir une détermination sur un des ensembles ˚ zD– en choisissant – de telle sorte
que la demi-droite maudite ne passe pas par la zone sur laquelle vous travaillez.
Dans tous les cas, vous devez préciser très explicitement la détermination choisie. Dans ce texte,
sauf mention du contraire, nous utiliserons la détermination principale, et même son extension (non
continue) à ˚ . Lorsque nous aurions besoin d’holomorphie, nous préciserons que nous considérons
la restriction.

28.7.3.7 Logarithme comme primitive


Tout le monde sait que le logarithme ln : ` Ñ est une primitive de la fonction x fiÑ 1{x.
Qu’en est-il dans le cas complexe ? Tout d’abord précisons que nous ne comptons pas encore parler
d’intégrale sur , mais seulement d’intégrales sur d’une fonction à valeur complexes.

Proposition 28.69.
Si z P alors ª
1
dx “ lnpx ` zq (28.291)
x`z
Démonstration. Il est important de comprendre que la formule (28.291) est un abus de notation
pour dire que si nous considérons la fonction

Ï: Ñ
(28.292)
x ބ lnpx ` zq
1
alors nous avons Ï1 pxq “ x`z . Ici la dérivation est une dérivation sur et l’intégrale est une
intégrale sur , c’est à dire « composante par composantes ». La fonction Ï se décompose en
partie réelle et imaginaire qui sont à dériver séparément :

Ïpxq “ lnp|x ` z|q ` i argpx ` zq. (28.293)

Si z est imaginaire pur Nous posons z “ ⁄i avec ⁄ P ˚. D’abord nous avons

1 x ⁄
“ 2 2
´i 2 . (28.294)
x ` ⁄i x `⁄ x ` ⁄2
La partie réelle de Ïpxq est
`a ˘
Ï1 pxq “ ln x2 ` ⁄2 , (28.295)
dont la dérivée est
x
Ï11 pxq “ , (28.296)
x2 ` ⁄2
1
qui correspond bien à la partie réelle de x`⁄i .
En ce qui concerne la partie imaginaire, Ï2 pxq “ argpx ` ⁄iq, et sa dérivée n’est rien d’autre
que la dérivée partielle par rapport à x de la fonction argument, déjà calculée en (28.254) :

´⁄
Ï12 pxq “ . (28.297)
x2 ` ⁄
1
Cela est bien la partie imaginaire de x`⁄i .
Notons que nous n’avons pas de problèmes sur la demi-droite des réels négatifs parce que
nous ne considérons au final que la dérivée partielle par rapport à x de la fonction argument,
laquelle existe et est continue, même sur cette partie.
1566 CHAPITRE 28. ANALYSE COMPLEXE

Pour z quelconque Soit z “ s ` ⁄i avec s, ⁄ P . En posant Ï0 pxq “ lnpx ` ⁄iq nous avons
Ïpxq “ Ï0 px ` sq et donc
1 1
Ï1 pxq “ Ï10 px ` sq “ “ . (28.298)
x ` s ` ⁄i x`z
Tout va bien.

Exemple 28.70
Un petit calcul d’intégrale, que nous avions déjà faite dans l’exemple 21.94 (avec la méthode de
Rothstein-Trager). En passant par une décomposition en fractions simples :
ª ª ˆ ˙
1 1 1{2 1{2
“ ´ ´ (28.299a)
x3 ` x x x´i x`i
1 1
“ lnpxq ´ lnpx ´ iq ´ lnpx ` iq (28.299b)
2 2
1
“ lnpxq ´ lnpx2 ` 1q. (28.299c)
2
Attention aux justifications. Il n’est pas vrai en général dans le cas de nombres complexes a et b
que lnpabq “ lnpaq ` lnpbq. En effet, pour la partie réelle, ça passe parce que |ab| “ |a||b|. Mais en
ce qui concerne la partie imaginaire,

argpabq ‰ argpaq ` argpbq (28.300)

lorsque la somme dépasse les bornes de s´fi, fis. Le passage à (28.299c) fonctionne parce que dans le
cas particulier des nombres x`i et x´i, les arguments se somment à zéro : argpx`iq`argpx´iq “ 0.

28.8 Théorème de Weierstrass


Théorème 28.71 (Théorème de Weierstrass[358]).
Soit pfn q une suite de fonctions holomorphes sur un ouvert de que nous supposons converger
uniformément sur tout compact vers f . Alors f est holomorphe sur et pour tout k nous avons

fnpkq Ñ f pkq (28.301)

uniformément sur tout compact.


Dit en peu de mots, la limite uniforme d’une suite de fonctions holomorphes est holomorphe,
et on peut permuter la limite avec la dérivation.

Démonstration. Chacune des fonctions fn étant holomorphes, si a P et r est tel que Bpa, rq Ä ,
nous avons par la formule de Cauchy 28.13 :
ª
1 fn p›q
fn pzq “ d› (28.302)
2fii BBpa,rq › ´ z

pour tout z dans un boule Bpa, flq incluse dans Bpa, rq. Étant donné que le cercle BB est compact,
elle y est majorée par une constante M . Montrons que de plus nous pouvons choisir M de telle façon
à avoir |fn p›q| § M pour tout n et tout › en même temps. D’abord nous utilisons la continuité de
la limite f sur le compact BB pour poser A “ maxzPBB |f pzq|. Ensuite nous considérons un ‘ ° 0
et N tel que | fn ´ f }BB § ‘ pour tout n • N . Nous savons maintenant que

t|fn p›q| tel que n • N, › P BBu (28.303)


28.9. THÉORÈME DE MONTEL 1567

est majoré par A ` ‘. Nous posons enfin

B “ max max |fn pzq|, (28.304)


n§N ›PBB

et alors le nombre M “ maxtA ` ‘, Bu majore |fn p›q| pour tout n et tout › P BB.
De plus pour tout › P BB et pour tout z dans la petite boule, nous avons |› ´ z| ° r ´ fl,
donc la fonction dans l’intégrale est majorée par une constante ne dépendant ni de n ni de ›. Nous
pouvons donc permuter l’intégrale et la limite sur n :
ª
1 f p›q
f pzq “ . (28.305)
2ifi BB › ´ z
Cela implique que la fonction f est holomorphe par le corollaire 28.16.
Nous voudrions maintenant parler des dérivées des fn et de f . Pour cela nous voulons permuter
l’intégrale et les dérivées, ce qui est fait au corollaire 28.29 :
ª
1 f pÊq
pkq
fn “ dÊ. (28.306)
2fii BBpz0 ,rq pÊ ´ zqk`1

Nous voulons la convergence sur tout compact contenu dans l’ouvert . Pour ce faire, nous allons
considérer un compact K Ä et prouver la convergence uniforme dans toute boule de la forme
Bpz0 , rq avec z0 P K et Bpz0 , rq Ä . Pour chaque tel couple pz0 , rq, nous aurons un Npz0 ,rq P
tel que si n • Npz0 ,rq ,
}fnpkq ´ f pkq }Bpz0 ,rq § ‘. (28.307)
Vu que ces boules Bpz0 , rq forment un recouvrement de K par des ouverts, nous pouvons en retirer
un sous-recouvrement fini et prendre, comme N , le maximum des Npz0 ,rq correspondants. Pour ce
N nous aurons
}fnpkq ´ f pkq }K § ‘. (28.308)
Au travail !
Pour z P Bpz0 , rq nous considérons r1 ° r tel que Bpz0 , r1 q Ä et nous avons
ˇ ˇ
ˇ 1 ª fn p›q ´ f p›q ˇˇ
ˇ
pkq pkq
|fn pzq ´ f pzq| “ ˇ d› ˇ (28.309a)
ˇ 2fii BBpz0 ,r1 q p› ´ zqk`1 ˇ
ª
1 |fn p›q ´ f p›q|
§ d›. (28.309b)
2fi BBpz0 ,r1 q |r ´ r1 |k`1

Nous avons pris ce r1 de telle manière que |› ´ z| soit borné par le bas par |r ´ r1 | ; sinon la
majoration que nous venons de faire ne marche pas. Étant donné que fn Ñ f uniformément, nous
pouvons considérer n assez grand pour que le numérateur soit plus petit que ‘ indépendamment
de › et de z. Donc pour un n assez grand,

‘ 2fir1
|fnpkq pzq ´ f pkq pzq| § (28.310)
2fi |r ´ r1 |k`1
pkq
pour tout z P Bpz0 , rq. Donc nous avons convergence uniforme fn Ñ f pkq sur cette boule. Par
l’argument de compacité donné plus haut, nous avons la convergence uniforme sur tout compact.

28.9 Théorème de Montel


Théorème 28.72 (Montel[4]).
Soient un ouvert de et F une famille de fonctions holomorphes sur , uniformément bornée sur
tout compact de . Alors de toute suite dans F nous pouvons extraire une sous-suite convergeant
uniformément sur tout compact de .
1568 CHAPITRE 28. ANALYSE COMPLEXE

Démonstration. Un ensemble équicontinu Nous commençons par prendre une suite de com-
pacts dans comme dans le lemme 8.59, et une suite ”n de réels strictement positifs tels
que
Bpz, 2”n q Ä Kn`1 (28.311)
pour tout z P Kn . Soient x, y P Kn tels que |x ´ y| † ”n ; nous notons BBpx, 2”n q le cercle
de rayon 2”n autour de x, parcouru dans le sens positif. La formule de Cauchy 28.36 nous
donne
ª ˆ ˙ ª
1 f p›q f p›q x´y f p›q
f pxq ´ f pyq “ ´ d› “ d› (28.312)
2fii BB › ´ x › ´ y 2fii BB p› ´ xqp› ´ yq

Nous majorons ça par


ª
ˇ ˇ
ˇf pxq ´ f pyqˇ § |x ´ y| |f p›q|
d› §
|x ´ y|
Mn . (28.313)
2fi BB 2”n2 ”n

Justifications :
— |› ´ x| “ 2”n et |› ´ y| • ”n parce que › est au mieux sur le rayon passant par x et y.
— |f p›q| § Mn où Mn est la borne uniforme de F sur le compact Kn .
— Nous avons aussi fini par calculer l’intégrale dans laquelle il ne restait plus rien, ça a
donné la circonférence du cercle de rayon 2”n .
Jusqu’à présent nous avons prouvé que l’ensemble

Fn “ tf |Kn tel que f P Fu (28.314)

est équicontinu. Il est aussi équiborné par hypothèse.


Application du théorème d’Ascoli L’ensemble Fn vérifie les hypothèses du théorème d’As-
coli 27.6. Donc l’ensemble Fn est relativement compact dans CpKn , q pour la norme uni-
forme. Autrement dit l’ensemble F̄ est compact et si nous avons une suite de fonctions dans
Fn , il existe une sous-suite convergeant dans F̄n , c’est à dire uniformément. Autrement dit
il existe une fonction strictement croissante Ï : Ñ telle que la suite k fiÑ fÏpkq converge
uniformément sur Kn . La limite n’est cependant pas spécialement dans Fn .
L’argument diagonal La suite k fiÑ fÏ1 ˝...Ïk pkq converge uniformément sur tous les Kn . Si
K est un compact de , alors les petites propriétés sympas du lemme 8.59 nous disent
que K Ä IntpKm q pour un certain m. Ladite suite convergeant uniformément sur Km ,
elle converge uniformément sur K et nous avons montré la convergence uniforme sur tout
compact de .

Corollaire 28.73 ([4]).


Soient un ouvert connexe borné de et a P . Soit f holomorphe sur telle que f paq “ a et
|f 1 paq| † 1.
Alors de pf n q on peut extraire une sous-suite convergeant uniformément sur tout compact de
vers la fonction constante a.

Démonstration. Nous considérons un voisinage de a inclus dans ; sachant que |f paq| † 1, nous
trouvons un voisinage encore plus petit de a sur lequel |f 1 pzq| † 1. Soit donc r tel que Bpa, rq Ä
et tel que |f 1 pzq| † 1 sur Bpa, rq. Étant donné que f 1 pzq est continue sur le compact Bpa, rq, nous
en prenons le maximum ⁄ (qui est strictement inférieur à 1) et nous avons au final

|f 1 pzq| § ⁄ † 1 (28.315)

pour tout z P Bpa, rq. Le théorème des accroissements finis 13.247 nous dit que
ˇ ˇ
ˇf pzq ´ aˇ § ⁄|z ´ a| (28.316)
28.10. ESPACES DE BERGMAN 1569

pour tout z P Bpa, rq. C’est ici que nous utilisons l’hypothèse de convexité de . Nous montrons
alors par récurrence que ˇ n ˇ
ˇf pzq ´ aˇ § ⁄n |z ´ a| § ⁄n r § r. (28.317)
L’ensemble A “ tf n tel que n • 1u est donc uniformément borné sur Bpa, rq par a ` r. Autre
manière de le dire : pour tout z P Bpa, rq nous avons

f n pzq P Bpa, rq. (28.318)

La suite pf n q est donc uniformément bornée sur tout compact de Bpa, rq. Le théorème de Mon-
tel 28.72 nous indique que l’on peut extraire une sous-suite convergente uniformément sur tout
compact. Au vu de (28.317) cette convergence ne peut avoir lieu que vers une fonction g qui vaut
la constante a sur Bpa, rq.
D’autre par la fonction g est holomorphe en tant que limite uniforme de fonctions holomorphes,
théorème 28.71. Or une fonction holomorphe constante sur un ouvert est constante sur tout son
domaine d’holomorphie (principe d’extension analytique, théorème 18.129).

28.10 Espaces de Bergman


Source : [228].
Soit un borné dans et D le disque unité ouvert de .

Définition 28.74.
L’espace de Bergman sur , noté A2 p q est l’espace des fonctions holomorphes sur qui sont
en même temps dans L2 p q.

Nous mettons sur A2 p q le produit scalaire usuel hérité de L2 :


ª
xf, gy “ f pzqgpzqdz. (28.319)

Lemme 28.75.
Soient un compact K Ä et une fonction f P A2 p q. Alors
1 1
max |f pzq| § ? }f }2 . (28.320)
zPK fi dpK, B q

Démonstration. Soient a P et r ° 0 tels que Bpa, rq Ä . Nous considérons aussi fl § r. La


formule de Cauchy (28.36) nous donne
ª ª
1 f p›q 1 2fi
f paq “ f› “ f pa ` flei◊ qd◊ (28.321)
2fii Bpa,flq › ´ a 2fi 0

où nous avons utilisé le chemin “p◊q “ a ` flei◊ , “ 1 p◊q “ iflei◊ et fl “ |› ´ a|. Maintenant une astuce
est d’écrire ªr
r2
f paq “ f paqfldfl, (28.322)
2 0
et d’y substituer la valeur de f paq que nous venons de calculer :
ªr ª
r2 1 2fi
f paq “ f pa ` flei◊ qd◊fldfl (28.323a)
2 0 2fi 0
ª
1
“ f pzqdz passage aux polaires (28.323b)
2fi Bpa,rq
1
“ x1, f yB produit scalaire sur Bpa, rq (28.323c)
2fi
1 a
§ x1, 1yB xf, f yB (28.323d)
2fi
1570 CHAPITRE 28. ANALYSE COMPLEXE

Nous avons donc


1a
r2 f paq § x1, 1yB xf, f yB , (28.324)

et donc
?
fir2 f paq § fir2 }f }2 , (28.325)

parce que xf, f yB § }f }22 . En effet le produit scalaire }.}2 est donné par une intégrale sur alors
que Bpa, rq Ä et que la fonction qu’on y intègre est positive (c’est |f pzq|2 ). En simplifiant,

1
f paq § ? }f }2 . (28.326)
fir

Mais r a été choisi pour avoir Bpa, rq Ä , donc r § dpa, B q et

1
|f paq| § ? }f }2 . (28.327)
dpa, B q fi

Maintenant si nous prenons a P K, nous avons encore la minoration dpa, BKq § dpa, B q et
donc
1
|f paq| § ? }f }2 . (28.328)
dpa, BKq fi

Théorème 28.76.
Soit un ouvert de .

(1) L’espace A2 p q est un espace de Hilbert.


(2) Si D est la boule unité dans , une base hilbertienne de A2 pDq est donnée par les fonctions
c
n`1 n
en pzq “ z (28.329)

pour n • 0.

Démonstration. Nous commençons par montrer que A2 p q est complet. Pour cela nous considérons
une suite de Cauchy pfn q dans A2 p q et un compact K Ä . Nous savons par le lemme 28.75 que

ˇ ˇ 1
max ˇfn pzq ´ fm pzqˇ § ? }fn ´ fm }2 . (28.330)
zPK fidpK, B q

Donc fn converge uniformément sur K. Par le théorème de Weierstrass 28.71, la fonction f est
holomorphe. Il existe donc une fonction holomorphe f qui est limite uniforme sur tout compact de
de la suite pfn q.
Mais L2 p q étant complet, la suite pfn q a une limite g P L2 p q. Ce que nous voudrions faire
est prouver que f “ g. Notons que tel quel, ce n’est pas vrai parce que f est une vraie fonction
alors que g est une classe. Ce que nous enseigne la proposition 27.15 est qu’il existe une sous-suite
(qu’on note pgn q) qui converge vers g presque partout. Dans cette dernière phrase, gn et g sont de
vraies fonctions, des représentants des classes dans L2 .
Nous déduisons que f “ g presque partout (ici f et g sont les fonctions) parce que la sous-suite
converge uniformément vers f en même temps que presque partout vers g. Donc f “ g dans L2 p q
(ici f et g sont les classes). Donc f P L2 p q et l’espace A2 p q est de Hilbert.
28.10. ESPACES DE BERGMAN 1571

Il nous faut encore prouver que pen qn•0 est une base orthonormale. En ce qui concerne les
produits scalaires,
c ª
pm ` 1qpn ` 1q
xem , en y “ z n z m dz (28.331a)
fi D
c ª ª 2fi
pm ` 1qpn ` 1q 1
“ fl dfl d◊flm`n ei◊pn´mq (28.331b)
fi2 0 0
c ª 2fi
pm ` 1qpn ` 1q 1
“ ei◊pn´mq d◊ (28.331c)
fi2 m ` n ` 2 loooooooomoooooooon
0
2fi”mn
c
pn ` 1q2 1
“ 2fi”nm (28.331d)
fi2 2n ` 2
“ ”nm . (28.331e)

Donc les fonctions données sont bien orthonormales. Nous devons montrer qu’elles sont denses
dans A2 pDq. Soit f P A2 pDq et cn pf q “ xf, en y ; nous allons montrer que
8
ÿ
}f }22 “ |xf, en y|2 , (28.332)
n“0

parce que le point (5) du théorème 26.44 nous indique que ce sera suffisant pour avoir une base
hilbertienne.
Étant donné que f est holomorphe sur D, le théorème 28.13 nous développe f en série entière :
8
ÿ
f pzq “ ak z k . (28.333)
k“0

En permutant la somme avec le produit scalaire,


ª c ª
n`1
cn pf q “ f pzqēn pzq “ f pzqz̄ n dz. (28.334)
D fi D

Afin de profiter de la convergence uniforme de la série (28.333) à l’intérieur de D, nous allons


exprimer l’intégrale sur D comme une intégrale sur |z| † r en faisant tendre r vers 1 (par le bas).
Pour ce faire nous considérons les fonctions
#
f pzqz̄ n si |z| † 1 ´ 1{k
gk pzq “ (28.335)
0 sinon.

Ces fonctions sont intégrables sur D et dominées par f pzqz̄ n qui est intégrable sans dépendre de
k. Mais nous avons évidemment gk pzq Ñ f pzqz̄ n . Le théorème de la convergence dominée permet
alors de permuter l’intégrale et la limite k Ñ 8. Cela nous permet d’écrire
c ª c ª 8
n`1 n`1 ÿ
cn pf q “ lim n
z̄ f pzqdz “ lim ak z k z̄ n . (28.336)
fi rÑ1´ |z|†r fi rÑ1´ |z|†r k“0

Par la convergence uniforme de la série entière à l’intérieur du disque D nous pouvons permuter
l’intégrale et la somme (proposition 16.48) :
c 8 ª
n`1 ÿ
cn pf q “ lim ak z k z̄ n dz. (28.337)
fi rÑ1´ k“0 |z|†r

L’intégrale proprement dite est vite calculée et vaut


ª
fir2n`2
z̄ n z k dz “ ”kn . (28.338)
|z|†1 n`1
1572 CHAPITRE 28. ANALYSE COMPLEXE

Nous pouvons donc continuer le calcul de cn pf q en effectuant la somme sur k qui se réduit à changer
k en n puis en effectuant la limite :
c c
n`1 ÿ fir2n`2 fi
cn pf q “ lim ak ”kn “ an . (28.339)
fi rÑ1 k
´ n`1 n`1

Nous effectuons le même genre de calculs pour évaluer }f }22 :


ª
2
}f }2 “ |f pzq|2 dz (28.340a)
D
ª 8
ÿ
“ lim f pzq āk z̄k dz (28.340b)
rÑ1´ |z|†r
k“0
8
ÿ ª ÿ ª
“ lim āk k
f pzqz̄ dz permuter et (28.340c)
rÑ1´ |z|†r
k“0
8
ÿ fir2k`2
“ lim āk ak intégrale déjà faite. (28.340d)
rÑ1´
k“0
k`1
a
Mais nous savons déjà que cn pf q “ fi{pn ` 1q, donc ce qui est dans la somme est fiāk ak {pn `1q “
|ck pf q|2 . Nous avons donc
8
ÿ
}f }22 “ lim |ck pf q|2 r2k`2 . (28.341)
rÑ1´
k“0

La fonction (de r) constante |ck pf q|2 domine |ck pf qr2k`2 | ∞


tout en ayant une somme (sur k) qui
converge ; en effet la proposition 26.24 nous indique que j |ck pf q|2 § }f }22 . Le théorème de la
convergence dominée nous permet d’inverser la limite et la somme pour obtenir le résultat attendu :
8
ÿ
}f }22 “ |ck pf q|2 . (28.342)
k“0

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