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philOsOphie / B3
q1 2016 /17
J . F. C h e v r i e r des territoires
«Des territoires» regroupe au sein d’un même recueil une somme de texte
hétérogènes visant à traiter de manière protéiforme de cette notion de
territoire, «insistante, omniprésente dans le langage de l’art contemporain»
et qu’il est nécessaire pour l’auteur de réinvestir «telle qu’elle se déploie
dans les sciences du vivant et dans les sciences humaines» 1
Chevrier tente dans cet ouvrage d’éfiler ce mot-notion en explicitant
les multiples concepts qu’il sous-tend, principalement par le médium
photographique (qu’il considère comme principal vecteur de renouvellement
de l’art moderne et auquel il se consacre donc «fanatiquement» de 1979 à
1989).
Un premier regroupement de texte fait appel à la notion d’ «intimité
territoriale», notion «centrale dans l’élaboration de l’exposition des
territoires, présenté en 2001 à l’École des Beaux Arts», et issue du
séminaire éponyme que l’auteur mit en place.
Cette notion désigne une expérience d’appropriation qui serait capable de
redéfinir la nomenclature normalisée actuellement mise en place par les
politiques d’aménagement du territoire.
il est donc question ici de réinventer une pratique de l’espace publique qui,
comme une pratique artistique serait inhérente à l’expérience du corps d’un
individu ou d’un groupe d’individus (corps social).
«la notion de territoire est en effet indissociable de l’expérience du
corps.» 2 l’expérience du corps est considérée par Chevrier comme
génératrice d’une pratique d’un territoire, et cela peut être notamment
appliqué au territoire artistique (champs de l’art). il y a là pour moi
la sécrétion de cette notion importante qu’est l’investigation. Cette
investigation nécessite d’une part une action et d’autre part une notion de
mouvement structurant d’un réseau. Ce réseau — semblable à celui d’une
taupe 3, d’une araignée, ou à une échelle plus large (de l’ordre de la société
ou de la communauté) celui des fourmis — inscrit notre investigation, nos
déplacement dans un imaginaire vitaliste.
Cette continuité que l’on retrouve dans la nature est tout aussi vital à une
pratique artistique qui à tendance bien souvent à être réduite à une somme
de projets, «pour exorciser peut-être un ennui du présent et les erreurs, ou
les errances, de l’expérience». le projet est le morcellement de la pratique
artistique, et donc la mort de l’expérience artistique, la mort de l’expérience
du corps dans le champ d’investigation de l’art.
le projet cristallise le besoin d’un produit fini, d’une œuvre, d’un rendu
qu’il soit de l’ordre de l’objet plastique ou de l’objet performatif. Car si
l’art eu tendance à se focaliser sur une fétichisation de l’objet, la finalité
nécessaire, les pratiques performatives contemporaine ont tendance
à «remédier» à cela en incitant par le format de présentation à une
«consommation immédiate» 4 .
il apparait que l’auteur n’approuve pas le refus de l’image pour autant, mais
admette sa non-suffisance, la refuse en tant que fin en soit car l’expérience
participe de l’action, d’une prise de position par rapport à un territoire. les
expériences génèrent d’autres expériences, et donc d’autres prises de
position.
4. ibid., p. 9
J . F. C h e v r i e r des territoires
5. ibid., p. 188
6. id.,
7. ibid., p. 37
J . F. C h e v r i e r des territoires
Déplacer par l’expérience intime les cloisons qui ne bougent que par
intérêts religieux, marchands, géopolitiques me semble alors le propos de
l’intimité territoriale, croire en l’entreprise d’une investigation globale des
champs de création incluant un positionnement et une action génératrice
d’expérience allant du lieu vers l’espace, du singulier au pluriel, avec pour
front de cette expansion un seuil sans cesse en mouvement et en remise
en question.
Cette expansion de l’intimité territoriale est elle seul contre-pouvoir
au délires expansionnistes, totalitaires ou à la montée globalisée des
nationalismes ?
Amener du lieu dans l’espace, de l’ego au multi et donc à l’alter et retrouver
une forme de génie du lieu ?
Ce génie du lieu est abordé dans la deuxième partie du livre qui
succede l’entretien avec rem Koohaas dans lequel est abordé plusieurs
aspects du travail de l’architecte principalement avec l’OMA.
le travail de l’agence retracé sur 20 années dans l’ouvrage s, M, l, Xl
est marqué par un fort rapport à la modernité du dandy baudelairien et
son analyse foucaldienne. Une attitude de modernité doit, pour Foucault,
être accompagné d’une «haute valeur du présent» et d’un «acharnement à
l’imaginer, à l’imaginer autrement qu’il n’est» 9. la modernité de Baudelaire
selon Foucault n’est finalement pas si différente d’une pratique de l’intimité
8. ibid., p. 40
9. ibid., p. 58
J . F. C h e v r i e r des territoires
10. id.,
J . F. C h e v r i e r des territoires
le cadre reste large, suffisamment pour rendre compte d’un point de vue,
celui de l’enfant, sur une zone, un territoire qui est le sien. Aucun propos ne
peut être imputé à l’auteur. le rapprochement du réel sujet qu’est l’enfant
se fait ici non pas par l’image, mais par l’oral à l’aide de témoignages
récoltés sur les aires auprès d’enfants des pays-Bas et d’Afrique du sud.
Ces brefs récits apportent la voix manquante à ces espaces génériques, la
narration est cadrée sur la parole plutôt que sur l’icône, «la place (le cadre)
du visage reste vide». 12 le silence est alors rompu.
13. ibid., p. 80