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TC 140

GRAND ANGLE

Risques biologiques
et chimiques encourus
par les fossoyeurs
AUTEURS :
I. Balty, département Expertise et conseil technique, INRS
en V. Caron, département Études et assistance médicales, INRS
résumé

Les services de santé au MOT CLÉS


travail s’interrogent sur Fossoyeur / risque
les risques infectieux biologique /
encourus par les fossoyeurs risque chimique
/ rayonnement
lors des exhumations. Cet
ionisant /
article évalue ces risques évaluation des
en s’appuyant sur une risques.
analyse de la littérature,

© I. BALTY POUR L'INRS


des observations de terrain
et des entretiens avec des
fossoyeurs, des responsables
municipaux de cimetières
et des médecins du travail.
L’exhumation consiste à
ouvrir une sépulture afin d’en
retirer les restes d’un défunt.
L’article présente l’activité
Creusement manuel d’une sépulture en pleine terre.
de travail, étudie le

L
processus de décomposition
des corps ce qui permet
une évaluation du risque
biologique. Sont également
évoqués brièvement le a question des risques roulent dans les tous premiers jours
risque chimique et celui dû infectieux encourus par les fos- suivant le décès. Or, au moment de
aux radiations ionisantes. soyeurs lors des exhumations est l’inhumation ou des exhumations,
L’article propose enfin des régulièrement posée par des ser- la microflore aura évolué.
mesures de prévention et vices de santé du travail. S’il existe Cet article évalue les risques bio-
des conseils pour le suivi des publications, aussi bien en logiques encourus par les fos-
médical des fossoyeurs. France qu’à l’étranger, traitant des soyeurs. Par ailleurs, la décom-
risques biologiques dans les activi- position des corps conduisant à
tés de thanatopraxie, des pompes la formation de gaz de putréfac-
funèbres, de la médecine légale ou tion, la réflexion a été élargie aux
de la médecine de catastrophe, en risques chimiques. Cette évalua-
revanche il en existe peu concer- tion s’appuie sur une analyse de
nant les exhumations. la littérature, des observations
Lors des soins funéraires et de de terrain et des entretiens avec
la mise en bière, les personnels des fossoyeurs, des responsables
peuvent être exposés à des germes municipaux de cimetières et des
pathogènes présents dans le corps médecins du travail confrontés à
du défunt car ces activités se dé- ce problème.

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GRAND ANGLE
Risques biologiques et chimiques
encourus par les fossoyeurs

Le métier de fossoyeur nécessite fosses, démolition de monuments


LA PROFESSION l’obtention d’une capacité pro- funéraires, conduite d’engins de
DE FOSSOYEUR fessionnelle, formation de seize chantier, épandage de gravier dans
heures que le fossoyeur doit avoir les allées, entretien des tombes.
suivie dans les trois mois à comp-
ACTIVITÉS CONCERNÉES ter du début de l’exercice de son
Les fossoyeurs sont employés par activité. Cette formation porte sur CADRE RÉGLEMENTAIRE
les communes, ils font partie de la différents thèmes : législation et DES CIMETIÈRES
fonction publique territoriale. Leur réglementation funéraire, hygiène Le Code général des collectivi-
nombre est difficile à quantifier, et sécurité, psychologie et sociolo- tés territoriales régit tout ce qui
d’autant que dans les plus petites gie du deuil. concerne les cimetières, les sépul-
communes, l’activité de fossoyeur D’une part, les fossoyeurs parti- tures ainsi que les inhumations et
ne concerne qu’une partie des cipent aux inhumations, en creu- les exhumations. Il a été modifié
nombreuses tâches de l’employé sant une fosse ou en ouvrant un récemment suite aux recomman-
qui peut également exercer le mé- caveau pour y déposer le cercueil dations du rapport des sénateurs
tier de jardinier, de cantonnier… d’un défunt. Le caveau peut conte- Sueur et Lecerf [1].
Sur le site du ministère chargé du nir d’autres cercueils d’anciennetés Selon le Code général des collec-
Travail (www.travailler-mieux.gouv. fr), diverses. Du fait du développement tivités territoriales, les cimetières
les données chiffrées sur les popu- de l’incinération, l’ouverture de doivent être installés de préférence
lations prennent en compte l’en- la case d’un columbarium pour y sur les terrains les plus élevés et
semble des différents métiers : fos- déposer les cendres représente une exposés au nord. Ceux-ci doivent
soyeur mais aussi thanatopracteur, activité de plus en plus fréquente, être choisis sur la base d'un rapport
porteur, agent de crémation et agent avec des risques professionnels établi par un hydrogéologue se pro-
d’entretien pour les cimetières (en- moins importants. nonçant sur le risque que le niveau
cadré 1). D’autre part, les fossoyeurs pra- des plus hautes eaux de la nappe
,Encadré 1 tiquent des exhumations qui libre superficielle se situe à moins
consistent en l’ouverture d’une sé- d'un mètre du fond des sépultures
> LES MÉTIERS DU FUNÉRAIRE pulture afin de retirer les restes d’un (article R. 2223-2).
défunt. L’exhumation peut être dé- Chaque inhumation a lieu dans une
Les métiers du funéraire sont diversifiés et cidée par la commune à échéance fosse de 1,50 à 2 mètres de profon-
spécialisés : de la concession, ou bien être réali- deur sur 80 centimètres de largeur,
O Accueil, conseil, vente et organisation sée à la demande des proches pour ou dans un caveau. Les fosses sont
de prestations : conseiller ou assistant libérer de la place dans un caveau distantes les unes des autres de 30
funéraire. familial. Plus rarement, l’exhuma- à 40 centimètres sur les côtés, et de
O Réalisation des obsèques : maître tion peut être ordonnée sur déci- 30 à 50 centimètres à la tête et aux
de cérémonies, porteur, opérateur de sion judiciaire. Les exhumations pieds (article R. 2223-4). Les fosses
crémation.
suite à l’expiration des concessions ne sont pas maçonnées contraire-
O Prise en charge des défunts et des soins
sont de plus en plus fréquentes, ment aux caveaux. Une fois le cer-
funéraires : thanatopracteur, agent de
en particulier dans les villes où les cueil inhumé, la fosse est remplie de
chambre funéraire.
O Aménagement, gestion et entretien des
cimetières sont « saturés ». Ainsi, la terre bien foulée (article R. 2223-3). À
sépultures : fossoyeur, ouvrier marbrier ville de Paris procède annuellement l’inverse, le caveau n’est pas rempli
funéraire, graveur. en moyenne à 10 000 inhumations de terre.
et 9 000 exhumations (dont seu- Un caveau peut contenir plusieurs
Les activités qui participent au service des
pompes funèbres sont réglementées par le lement 1 200 à la demande des fa- cercueils superposés. Chaque cer-
Code général des collectivités territoriales. milles, les autres étant des reprises cueil est déposé dans une case indi-
Elles sont assurées par les communes ou de concession). viduelle séparée des autres par une
par des entreprises habilitées qui doivent Les fossoyeurs sont également char- dalle. Un vide sanitaire de hauteur
justifier de la formation de leurs personnels gés de certaines activités secon- variable selon les communes (arrê-
(articles L. 2223-19 à L. 2230, D. 2223-34 daires : entretien des divisions et des tés municipaux) sépare la dernière
à D. 2223-39, R. 2223-40 à R. 2223-55 de ce chemins du cimetière, travaux de case de la semelle fermant le caveau
Code). jardinage, confection des blindages (figure 1). À Paris, certains caveaux
utilisés lors du creusement des sont profonds de plus de dix mètres.

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,Figure 1 jours ou dans le cas d’un décès dû
à certaines maladies infectieuses CONDITIONS DE TRAVAIL,
> CONCEPTION D'UN CAVEAU dont la liste est fixée par arrêté TÂCHES ET GESTES
(exemple avec trois cases individuelles)
(encadré 2). Il est à noter que cette PROFESSIONNELS DES
liste concerne des maladies qui sont FOSSOYEURS
3EMELLE devenues extrêmement rares. L’ex-
humation du corps d’une personne Cette description s’appuie sur des
$ALLAGEß atteinte, au moment du décès, observations de terrain et des entre-
DEßRECOUVREMENT d’une de ces maladies, ne peut être tiens réalisés avec des fossoyeurs,
DUßCERCUEIL autorisée qu’après expiration d’un des responsables municipaux de ci-
délai d’un an après la date du décès metières et des médecins du travail.
2EDANS (article R. 2213-41). Le cercueil hermé- Cf. doubles pages suivantes.
tique ne doit céder aucun liquide au
1 . Ce dispositif milieu extérieur, doit contenir une
#ASES
consiste en matière absorbante et être muni INHUMATIONS
une cartouche d’un dispositif épurateur de gaz (1) Au moins trois corps de métiers in-
2ADIERßDEßFOND de charbon
actif disposée
(articles R. 2213-26 et R. 2213-27). À terviennent lors des inhumations :
 CASE   CM DE HAUTEUR
à l’intérieur du Paris, ces cercueils ne sont employés les employés de pompes funèbres,
cercueil. que dans que 2 % des inhumations les fossoyeurs et les marbriers.
Source AFIF, Association française
et concernent essentiellement les Deux grands types d’inhumation
d'information funéraire : www.afif.asso.fr
rapatriements de l’étranger et les existent : en pleine terre et caveau.
mises en caveau provisoire. Pour une inhumation en pleine
Les opérations d’exhumation, à Selon le Code des collectivités locales, terre, les fossoyeurs effectuent le
l’exclusion de celles réalisées par lors d’une exhumation, lorsque le creusement des fosses ce qui cor-
les communes pour la reprise cercueil est trouvé en bon état de respond à un déplacement de terre
des concessions et des sépultures conservation, il ne peut être ouvert de 2,5 à 4 m3 de terre. Cette activité
échues ou abandonnées, les opé- que s’il s’est écoulé cinq ans depuis le se fait à la pelle et à la pioche ou,
rations de réinhumation et de décès. Lorsque le cercueil est trouvé quand l’espace autour de la tombe
translation des corps doivent être détérioré, le corps est placé dans un le permet, à l’aide d’un petit trac-
réalisées en présence d’un membre autre cercueil ou dans une boîte à topelle. La terre est généralement
de la famille ou de son mandataire ossements (article R. 2213-42). Cepen- placée sur une bâche déposée à
et d’un fonctionnaire de police dant, en pratique, si le corps n’est proximité, dans l’allée ou sur la
(articles L. 2213-14 et R. 2213-40). Le pas décomposé, il semble que dans tombe voisine. Le plus souvent, il
délai avant exhumation peut être certaines communes, la tombe soit est nécessaire de blinder la fosse
fixé dans certaines communes par refermée sans procéder à l’exhu-
arrêté municipal. ,Encadré 2 mation. SUITE PAGE SUIVANTE
Les cercueils doivent être en bois
d’au moins 22 mm d’épaisseur, com-
portant une garniture étanche fa- > MALADIES CONTAGIEUSES PORTANT INTERDICTION
briquée dans un matériau biodégra- DE CERTAINES OPÉRATIONS FUNÉRAIRES
dable (article R. 2213-25). L’épaisseur
La liste de ces maladies est énumérée dans l’arrêté du 20 juillet 1998 modifié par décision du Conseil
minimale peut être réduite à 18 mm
d’État du 29 novembre 1999 [2]. Suite à un avis du Haut Conseil de santé publique de 2009 [3], un
si la durée de transport du corps est arrêté révisant cette liste est attendu.
inférieure à 2 heures ou à 4 heures Les corps des personnes décédées des maladies contagieuses suivantes ne peuvent être l’objet de
lorsque le corps a subi des soins de soins de conservation et doivent être déposés dans un cercueil hermétique équipé d’un système
conservation. Les fossoyeurs ne sont épurateur de gaz et ne peuvent faire l’objet de soins de conservation : orthopoxviroses, choléra,
donc jamais au contact du corps lors peste, charbon, fièvres hémorragiques virales.
de l’inhumation. Les corps des personnes décédées des maladies contagieuses suivantes ne peuvent être l’objet de
Un cercueil hermétique est obli- soins de conservation : hépatites virales (sauf hépatite A), infection à VIH, rage.
gatoirement utilisé dans le cas de Le choléra, la peste, le charbon, les fièvres hémorragiques virales et la rage chez l’homme sont
d’occurrence extrêmement rare en France. Quant à la variole (orthopoxvirose), il s’agit d’une maladie
dépôt du corps dans un caveau pro-
éradiquée.
visoire pour une durée excédant six

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Risques biologiques et chimiques
encourus par les fossoyeurs

> DESCRIPTION DES TÂCHES OBSERVÉES LORS D’EXHUMATIONS


Les quatre exhumations observées lors de l’étude correspondaient à des échéances de concession.

PREMIÈRE EXHUMATION DEUXIÈME EXHUMATION


Il s’agit d’un caveau, concession datant de plus Ce second cimetière situé à Rennes est construit
de cent ans, dans un cimetière situé à Paris sur un ancien marécage.
dont la dalle en marbre a été enlevée la veille. L’inhumation en pleine terre date de vingt ans.
Les fossoyeurs s’équipent d’une combinaison Le creusement est effectué par un seul homme à

© I. BALTY POUR L'INRS


jetable étanche, de gants imperméables la pelle sur une profondeur de 2,5 m (photo 3).
et d’un casque. Les fossoyeurs signalent Pour prévenir le risque d’ensevelissement du
fossoyeur, les parois sont progressivement
que cette combinaison n’est pas mise
blindées et les blindages maintenus en place
systématiquement. Elle est réservée pour
au moyen d’étais. Le fossoyeur ne porte pas de
des situations particulièrement salissantes
gants pour mieux tenir la pelle et ne pas en salir
ou si un contact avec des corps « gras » non le manche.
décomposés est prévisible. La terre est déposée au fur et à mesure sur
Une plaque en tôle est d’abord retirée. Il n’y a les tombes voisines qui ont été protégées par
pas d’eau dans la tombe, ce que les fossoyeurs des bâches. Il n’y a pas beaucoup d’eau dans la
attribuent à la présence d’arbres dans le tombe mais la terre est grasse. À l’ouverture
cimetière qui drainent le sol. Quatre cercueils du cercueil, apparaît un linceul enveloppant
sont empilés, séparés par des dalles en ciment un corps qui n’est pas décomposé, sans doute
qui seront cassés à la barre à mine. Tout parce qu’il baigne dans l'eau. Le fossoyeur sent
sous son pied la forme du torse enveloppé
d’abord les restes de bois du premier cercueil
Photo 2 : prise d’appui sur des redans dans le linceul. Il est donc décidé de le laisser
sont retirés. Une seule personne descend. Il pour descendre dans le caveau. en place. Avant de refermer la tombe, le
ne reste du corps que les os qui sont déposés
bois du cercueil est remis en place. Pour la
à la main dans une bassine en plastique. La manipulation des planches, l’employé met des
« terre » et les débris sont ensuite ramassés Du gaz chuinte au moment où le crochet gants épais étanches à longue manchette. Une
à la pelle et déposés dans une autre bassine. est planté dans le métal. Une fois le cercueil échelle sera nécessaire pour remonter.
L’opération est répétée pour les cercueils à la surface, le découpage du couvercle se
suivants. Les ossements sont soigneusement fait au moyen d’une hachette (photo 1) ,
regroupés dans une petite boîte en bois qui sans aucune précaution particulière puisque
sera transférée vers un ossuaire. l’inhumation date de plus de cent ans.
Le quatrième et dernier cercueil est L’utilisation d’une disqueuse n’est pas possible
métallique. Les formulaires détenus par la car susceptible d’exposer à des projections.
conservatrice en chef n’en indiquent pas la À l’intérieur, le corps est décomposé et il
raison. Selon elle, il s’agit plus probablement ne reste que des vêtements, des os et des
d’un transfert avant inhumation que d’un cheveux. Les vêtements sont envoyés à l’usine
décès par maladie contagieuse. Le cercueil doit d’incinération avec les débris de bois et la © I. BALTY POUR L'INRS

être sorti à l’aide de cordes et d’un crochet. terre.


Il est à noter que lorsque
le quatrième cercueil est
enlevé, le fossoyeur qui se
trouve au fond de la tombe
n’est plus visible. Il remonte
en s’appuyant sur les rebords
saillants des parois (redans)
© I. BALTY POUR L'INRS

(photo 2) .
Enfin, la plaque métallique
est replacée et le pourtour
de la tombe soigneusement
balayé. Les fossoyeurs Photo 3 : creusement à la pelle d’une sépulture
en pleine terre.
retirent ensuite leurs gants
et leur combinaison.
Photo 1 : ouverture à la hachette d’un cercueil métallique.

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QUATRIÈME EXHUMATION
Il s’agit d’un caveau, concession datant de trente ans, dans un cimetière situé
à Rennes.
L’ouverture du caveau est difficile. Ce dernier est rempli d’eau et l’utilisation
d’une pompe est nécessaire. L’eau, boueuse, est rejetée dans l’allée du
cimetière. Le vide sanitaire est peu profond. Le premier cercueil est coincé
sous une dalle en béton armé que le fossoyeur dégage à l’aide d’une barre à
mine (photo 6) et d’un coupe-boulon (photo 7) pour couper les ferraillages.
Le cercueil est hermétiquement fermé par des boulons. Il est très difficile à
ouvrir, obligeant le fossoyeur à se servir d’une clé à molette. Cette opération
se fait dans une position instable, une posture contraignante, elle est gênée
par le ferraillage, source potentielle de blessure. Le corps est bien conservé,
sa forme apparaît nettement sous le linceul (photo 8). La tombe est donc
refermée.
Photo 4 : utilisation de la pelleteuse pour évacuer les planches
de la sépulture. © I. BALTY POUR L'INRS

TROISIÈME EXHUMATION
Cette exhumation d’une sépulture en pleine terre datant de plus
de quarante ans se situe à Rennes. La largeur des allées le permet-
tant, le creusement est commencé avec une pelle mécanique, qui
remonte terre, boue et planches (photo 4). La terre est très lourde
et les parois doivent être étayées. Les étais transversaux gênent
le travail du fossoyeur.
L’eau apparaît vers un mètre de profondeur. Le fossoyeur sonde
à travers le bois du cercueil à l’aide d’une fourche à ossements
et constate que le corps est décomposé. Il ne reste que les os,
les vêtements et les capitons du cercueil noyés dans la boue.
Le fossoyeur place les os et les objets dans un seau qu’il passe à dPhoto 6 : tentative
son collègue resté « en surface ». Celui-ci sépare soigneusement pour soulever et tordre
des ferraillages avec une
les os (crâne, tibias… jusqu’aux petits os des mains) des objets barre à mine. Risque de
(linceul, capitonnage, restes de vêtements). Ce travail est long blessure.
et difficile. Le fossoyeur resté au fond est régulièrement obligé
© I. BALTY POUR L'INRS

d’utiliser sa pelle pour creuser davantage. À ce moment-là, il


retire ses gants pour ne pas salir le manche. Les seaux remplis
de boue liquide sont passés à son collègue (photo 5). gPhoto 7 : risque de
Les os partent à l’ossuaire, anciennement appelé fosse blessure : lors de la
découpe des ferraillages.
commune. Les autres éléments seront incinérés. La tombe est
refermée en partie avec la pelleteuse.
© I. BALTY POUR L'INRS
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Photo 8 : ouverture du cercueil. La forme du corps apparaît sous


le linceul.
Photo 5 : remontée des seaux contenant de la boue liquide.

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pour éviter les éboulements. Pour corps est sorti et mis dans un cer- Ainsi, les observations de terrain ef-
la même raison, il est d’usage de ne cueil en pin. Quand le corps est laissé fectuées et les récits des fossoyeurs
pas creuser des fosses pour plus de en place, il est procédé au pompage montrent que les conditions de tra-
deux cercueils superposés. de l’eau. Cette opération ainsi que vail peuvent varier de façon impor-
Lors de la construction d’un ca- l’aération sont supposées accélérer tante selon les exhumations.
veau, le blindage est réalisé par des la décomposition. Dans l’autre cas, le
plaques en béton. cercueil et son contenu seront inci-
En général, ce sont les employés des nérés ou déposés dans un ossuaire. CONTRAINTES ET RISQUES
pompes funèbres qui descendent le Lorsqu’une famille souhaite placer PROFESSIONNELS PERÇUS
cercueil en présence des familles. un cercueil supplémentaire dans un Lors des différentes rencontres et
Ensuite les fossoyeurs referment caveau ou une tombe, il peut être observations de cette étude, les fos-
la fosse. La pose d’un monument nécessaire de réaliser une exhuma- soyeurs et les personnels chargés de
funéraire sera ensuite réalisée par tion afin de procéder à une réduc- la prévention des risques mettent en
les marbriers. Dans certaines com- tion de corps et ainsi libérer de l’es- avant l’exposition aux intempéries,
munes, les fossoyeurs peuvent être pace. Après ouverture du caveau, si la pénibilité du travail physique et le
amenés à descendre les cercueils ou les conditions d’hygiène et de sécu- volet psychologique. Les contraintes
à placer les marbres funéraires. rité ne sont pas satisfaisantes (corps physiques sont liées à l’activité elle-
non décomposé par exemple), la même (creusement à la pelle des
tombe peut être refermée sur déci- tombes dans des espaces restreints
EXHUMATIONS sion de l’autorité administrative. Il d’accès difficile, démolition des mo-
Seuls les fossoyeurs procèdent aux est alors demandé à la famille de numents funéraires à la masse…).
exhumations. Elles sont en géné- trouver une autre concession. Lorsque les abords de la tombe en
ral secondaires à l’expiration des À l’inverse, si le corps est entière- permettent l’accès, l’utilisation
concessions. Elles peuvent égale- ment décomposé, et qu’il ne reste d’une pelle mécanique ou de la grue
ment avoir lieu à la demande des fa- plus que les os, le corps est dit auxiliaire des camions réduit la
milles ou, plus rarement, suite à des « réductible ». Le bois de cercueil, les charge physique et le risque de bles-
décisions judiciaires ou adminis- restes de vêtements et de capiton- sure lors des creusements. Lorsque la
tratives. Si les conditions d’hygiène nage et les ossements sont retirés pelle mécanique n’est pas utilisable,
et de sécurité ne sont pas satisfai- de la sépulture. Les ossements sont un portique à treuil permet d’aider la
santes, le fonctionnaire chargé de placés dans une petite boîte en bois remontée des charges.
la surveillance des opérations peut (reliquaire) qui est remise dans la Les fossoyeurs évoquent également
faire interrompre la procédure [4]. tombe en cas de réduction de corps les chutes de plain-pied, les chutes
Quel que soit le motif de l’exhuma- (article R. 2213-42) ou transférée de hauteur et le risque d’ensevelisse-
tion, l’état du corps peut présenter vers un ossuaire. Le bois, les restes ment dans les fosses ou les caveaux
tous les stades de décomposition. de vêtements et de capitonnage profonds. Même si ce dernier risque
De fait, la vitesse de décomposition sont destinés à être incinérés. est peu fréquent, il reste un facteur
dépend principalement du temps Dans le cas d’une exhumation de- de préoccupation du fait des consé-
écoulé depuis l’inhumation et des mandée par la famille pour un chan- quences traumatiques possibles et
caractéristiques du terrain, humide gement de cimetière ou une mise en de sa dimension psychologique.
ou sec et de la présence d’arbres. Les caveau définitif, le cercueil, s’il est Durant les exhumations, existe un
tombes sont souvent remplies d’eau, intact, peut être sorti de la sépulture risque de blessures avec des clous
ce qui ralentit la décomposition du puis déplacé dans un autre lieu. ou ferrailles lors de l’ouverture des
corps. Les fossoyeurs confirment Les sépultures contiennent parfois sépultures ou avec les outils utili-
que les corps sont rarement décom- des cercueils hermétiques métal- sés pour ouvrir des cercueils métal-
posés au bout de 10 ans, et même au liques qu’il faut sortir avant de liques. Ainsi, les plaies et contusions
bout de 20 ans, si la quantité d’eau les ouvrir à l’aide d’une hachette. dues à la manutention représentent
est importante. Des auteurs ont rap- Les fossoyeurs ne sont parfois pas la majorité des accidents survenus
porté des faits similaires [4, 5]. informés de la présence de ces cer- aux fossoyeurs de la ville de Paris.
Au terme d’une concession, si le cueils. La décomposition des corps Les risques biologiques et chimiques
corps n’est pas décomposé, selon les est moins rapide dans un cercueil sont suspectés mais mal identifiés.
communes, soit la tombe est refer- hermétique métallique que dans L’odeur désagréable des corps en
mée pour plusieurs années, soit le un cercueil en bois. décomposition est perçue par les

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fossoyeurs comme l’indication d’un PUTRÉFACTION DÉBUTANTE DESSICCATION ET
danger possible. Pour autant, l’ana- Ce stade est marqué par la pro- TRANSFORMATION
lyse du vécu fait apparaître une lifération des micro-organismes SQUELETTIQUE
impression modérée d’exposition anaérobies présents dans le tube Les parties molles ont disparu et il
au risque infectieux, cantonné aux digestif. Des gaz tels que dioxyde ne reste que les os, les cartilages, les
effractions cutanées (infection et de carbone, hydrogène, méthane, cheveux et les ongles. Il n’y a plus
surinfection). hydrogène sulfuré, mercaptans, d’odeur. Le squelette va se décompo-
Les déclarations de maladie profes- ammoniac, ainsi que des liquides ser lentement. Dans certaines condi-
sionnelle sont liées pour la plupart nauséabonds (cadavérine, putres- tions, les os peuvent se fossiliser.
à des troubles musculosquelet- cine…) sont produits (encadré 3). La Pour un corps laissé à l’air libre,
tiques (TMS), principalement des formation d’ammoniac conduit à tous ces événements ont lieu théo-
affections de l’épaule et du rachis l’alcalinisation du milieu. riquement dans un délai de trois
lombaire. L’abondance des gaz conduit au mois : putréfaction débutante (7e
gonflement du cadavre qui débute au 23e jour), putréfaction avancée
au niveau de l’abdomen, partie du (24e au 50e jour), dessiccation (51e
corps la plus riche en germes anaé- au 64e jour) [6]. Ainsi, différentes
PROCESSUS DE robies. Les tissus mous se liquéfient phases anaérobie et aérobie se
DÉCOMPOSITION progressivement. L’emphysème succèdent pendant le processus de
DES CORPS putride provoque alors la fissu- décomposition, mettant en jeu des
ration du revêtement cutané et espèces bactériennes spécifiques.
La connaissance des processus qui l’écoulement des liquides par les Cependant, de multiples facteurs
interviennent dans la décomposi- orifices naturels. interviennent dans les transforma-
tion des corps est nécessaire à l’éva- tions post mortem et peuvent ra-
luation des risques encourus par les lentir leur déroulement « naturel »
fossoyeurs lors des exhumations. La PUTRÉFACTION AVANCÉE (cf. annexe en fin de texte). Deux
décomposition s’achève lorsque tous C’est l’étape qui correspond à la variantes majeures sont constatées
les tissus mous du corps humain ont perte de masse la plus importante. par rapport au déroulement habi-
disparu. Elle fait intervenir de nom- Le ballonnement décroît du fait tuel de la décomposition : la momi-
breuses réactions d’ordre physique, de l’issue des gaz et des liquides. fication dans des environnements
chimique et microbiologique [5, 6]. L’odeur est alors très importante. très secs (déserts…) et la saponifi-
Les tissus et les liquides de décom- cation des lipides dans des condi-
position sont exposés au milieu en- tions humides anaérobies, condui-
STADE INITIAL vironnant contenant de l’oxygène sant à la formation d’adipocire (ou
Après l’arrêt du cœur, le sang n’est et des micro-organismes capables « gras de cadavre ») qui empêche
plus pompé à travers le corps et les de poursuivre la dégradation des la décomposition. Ceci corrobore
tissus ne sont plus oxygénés. La molécules en aérobiose. ,Encadré 3 les récits des fossoyeurs : les corps
masse sanguine se déplace vers les
parties déclives du corps avec ap-
> GAZ DE PUTRÉFACTION
parition des lividités cadavériques.
Suite à la transformation du glyco- Les études expérimentales menées par le laboratoire de médecine légale de Lyon sur la
gène en acide lactique, les muscles décomposition de cadavres de cochons en sépulture étanche montrent que les différents composés
deviennent rigides entraînant la gazeux identifiés sont classés en trois grandes familles : composés soufrés (mercaptans et
rigidité cadavérique. Une autolyse hydrogène sulfuré), composés azotés (ammoniac et amines) et composés carbonés (aldéhydes,
des tissus, c'est-à-dire une dégra- alcools et cétones) [7].
dation des constituants cellulaires La production d’hydrogène sulfuré H2S est marginale par rapport à celle des mercaptans. Aucune
par les enzymes se produit. Le corps production de méthane n’est constatée. La composition des gaz produits varie en fonction des
semble intact extérieurement mais conditions dans lesquelles a lieu la putréfaction (ventilation ou non de la sépulture). Si la production
commence déjà à se décomposer. de gaz soufrés est abondante les deux premières années, l’avancement de la putréfaction se traduit
Tout l’oxygène ayant été consommé, par une diminution des dégagements gazeux soufrés et une intensification de la production
seuls les micro-organismes endo- d’ammoniac. Au bout de quatre ans, correspondant à la fin de la putréfaction, la quantité de
mercaptans libérée est faible (quelques mg.m-3). On observe aussi que la libération des gaz est plus
gènes anaérobies peuvent se mul-
importante en saison estivale du fait de l’activité plus importante des micro-organismes.
tiplier, à l’origine de la putréfaction.

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Risques biologiques et chimiques
encourus par les fossoyeurs

peuvent présenter des états diffé- telles les Clostridium, puissent maines. Pour exemple, à l'extérieur
rents selon les terrains : squelet- être également responsables du de l'hôte, le virus de l’hépatite B sur-
tique (le plus fréquent), momifié décès (septicémies). vit dans le sang pendant plusieurs
ou « gras ». semaines, le virus de l’immunodé-
La flore endogène normale de ficience humaine peut rester viable
l’homme (flore commensale) est pendant 2 semaines environ en
constituée en quasi-totalité par des solution aqueuse [17, 18].
ÉVALUATION DU RISQUE bactéries anaérobies, dont on dé-
BIOLOGIQUE nombre plus de 500 espèces culti- Bactéries
vables. On les retrouve dans diffé- La disparition progressive de l’oxy-
Plusieurs questions sont récur- rentes sites anatomiques (cavité gène ne permet pas non plus la
rentes : les micro-organismes pa- bucco-pharyngée, vagin, intestin) survie dans le corps des bactéries
thogènes présents dans le corps et sur la peau. La structure de ces aérobies telles que Mycobacterium
humain au moment de la mort sites permet de cantonner la flore tuberculosis.
sont-ils encore présents lors des anaérobie dans un territoire où elle Concernant les interrogations sur
exhumations ? Quels micro-orga- n’est pas pathogène [14]. la présence de Bacillus anthracis,
nismes participant à la décompo- La presque totalité des bactéries les cas d’infection chez l’homme
sition pourraient représenter un du colon est anaérobie stricte 2. Chez certaines sont rares. La sporulation de la
danger ? (Eubacterium, Bacteroides, Pep- bactéries, les spores bactérie dans un cadavre qui n’a
tococcus, Clostridium…). Les bac- constituent une pas été ouvert est peu probable.
forme de résistance
téries aéro-anaérobies telles les La présence de spores(2) de char-
à des conditions
MICROBIOLOGIE POST entérobactéries ne représentent environnementales bon dans les sépultures nécessite-
MORTEM qu’environ un millième de la flore défavorables. La rait une succession d’événements
S’il existe des publications concer- totale. Dans cette famille, E. coli est sporulation est (personne décédée du charbon,
nant l’identité des germes pouvant l’espèce prédominante, les espèces provoquée par écoulement de liquides biolo-
l’épuisement du
être retrouvés dans le corps de Proteus, Klebsiella, Enterobacter, giques contaminés au moment du
milieu en substrat
personnes récemment décédées, Serratia n’étant retrouvées qu’en nutritif et elle décès), rendant cette hypothèse
en revanche peu de littérature quantité bien moindre [15]. peut nécessiter hautement improbable.
concerne les micro-organismes La plupart des Clostridium pré- des conditions Après la mort, les bactéries anaé-
présents lors de la décomposition. sents dans l’intestin ne sont pas particulières : robies issues de la flore intestinale
absence d’oxygène
La microflore évolue dans le temps pathogènes (C. ramosum, C. inno- participent activement à la décom-
pour les clostridies,
en fonction des étapes successives cuum, C. butyricum, C. bifermen- présence d’oxygène position du corps. Elles gagnent peu
de la décomposition du corps. tans…). Certains peuvent devenir pour Bacillus à peu l’ensemble des tissus. Lors de
pathogènes (C. perfringens et C. anthracis [19]. l’avancement de la putréfaction, les
> MICRO-ORGANISMES PRÉSENTS difficile) lorsqu’ils sortent de leur La bactérie ne se tissus et les liquides se retrouvent
multiplie sous sa
DANS L’ORGANISME AU MOMENT milieu naturel. Parmi les espèces progressivement exposés au milieu
forme végétative
DU DÉCÈS présentes dans l’intestin, C. per- que dans environnant, la dégradation s’ache-
Au moment du décès, l’organisme fringens arrive en seconde place l’organisme vivant. vant en aérobiose par les germes
humain peut contenir des germes derrière C. ramosum [16]. présents dans l’environnement.
pathogènes (bactéries, virus…). Ainsi, durant la décomposition, se
Il contient également une flore > ÉVOLUTION DE LA MICROFLORE succèdent en théorie une phase aé-
commensale variée dite flore de APRÈS LE DÉCÈS robie de très courte durée, puis une
Veillon. phase anaérobie suivie d’une phase
Virus aérobie. Cependant, la décompo-
Les bactéries pathogènes éven- Très rapidement après le décès, la sition évolue différemment selon
tuellement présentes au moment disparition progressive de l’oxy- les tissus, rendant inhomogène la
du décès sont en général aérobies gène conduit à la mort cellulaire. Les présence d’oxygène. La survie des
(Mycobacterium tuberculosis, Le- virus sont incapables de se multi- micro-organismes et la sporula-
gionella pneumophila…) ou aéro- plier en dehors des cellules vivantes tion des bactéries anaérobies telles
anaérobies facultatives (Strepto- de l’hôte dont ils sont les parasites que C. perfringens est mal connue.
coccus pneumoniae…), bien que obligatoires. Leur survie est limitée Néanmoins, lors d’une étude réali-
certaines bactéries anaérobies, à quelques jours ou quelques se- sée par le laboratoire de médecine

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légale de Lyon [5], des Clostridium tant à la plupart des procédés phy- RISQUES BIOLOGIQUES
d’origine humaine sont constam- sico-chimiques qui inactivent les ENCOURUS
ment retrouvés dans les sépultures, agents conventionnels. Ils semblent PAR LES FOSSOYEURS
de même que des entérobactéries essentiellement constitués d’une Lors d’une inhumation, les tra-
apportées par les cadavres (encadré protéine, naturellement synthéti- vaux effectués par les fossoyeurs
4). Dans le cas d’une inhumation sée par l’organisme, ayant subi une n’entraînent aucun contact direct
en terrain saturé d’eau, cette étude modification de conformation la avec le corps puisque celui-ci est
conclut que la participation de la rendant très résistante à la dégra- confiné dans un cercueil. Le risque
flore tellurique à la décomposition dation par les enzymes. Les prions biologique est par conséquent lié
est faible, la dégradation s’effec- s’accumulent dans le cerveau et en- au contact avec la terre lors des tra-
tuant essentiellement grâce à la traînent une destruction cellulaire. vaux de terrassement.
microflore endogène. Ils sont responsables des différentes Lors des exhumations, les fos-
Par ailleurs, C. botulinum et C. te- formes de maladies de Creutzfeld- soyeurs peuvent se retrouver en
tani qui pourraient être retrouvés Jakob (MCJ). Depuis vingt ans, on présence de cercueils dans des
dans les sépultures seraient d’ori- enregistre chaque année en France états de conservation variable. Les
gine tellurique. quelques dizaines de décès des micro-organismes potentiellement
suites d’une MCJ [21]. présents peuvent être issus de la
Champignons microscopiques décomposition du corps ou être na-
Les champignons microscopiques Il a été montré expérimentalement turellement présents dans l’envi-
présents dans l’environnement que les prions résistent remarqua- ronnement. L’exposition dépendra
(Aspergillus, Candida, Penicil- blement bien aux processus natu- des conditions de travail (contact
lium…) peuvent jouer un rôle dans rels de décomposition dans le sol avec des éléments de cercueil, ma-
la décomposition [19]. En effet, ils [22, 23]. Les prions pourraient donc nipulation d’ossements…).
peuvent utiliser pour leur croissance persister dans la sépulture d’une
les nutriments provenant de la personne décédée d’une MCJ. Ce-
décomposition du corps et des bois pendant, les modes de transmis- > MICRO-ORGANISMES PROVENANT
de cercueil, si l’humidité ambiante sion connus ne se rencontrent pas DU CORPS
est importante. Ces conditions dans l’activité des fossoyeurs. En En théorie, ni les bactéries aérobies
d’ambiance existent généralement effet, dans l’état des connaissances, pathogènes ni les virus présents
dans les sépultures. Mais il n’existe les cas de MCJ acquis sont dus à une dans l’organisme au moment du
quasiment pas d’information dans inoculation intracérébrale ou une décès ne survivent à la phase de dé-
la littérature sur leur identité et leur greffe de cornée, à un traitement composition anaérobie. Les germes
concentration dans les tombes. par des hormones hypophysaires anaérobies potentiellement pré-
extractives utilisées avant 1985 ou à sents sont essentiellement des
Prions l’ingestion d’abats contaminés [24]. Clostridium. Parmi eux, C. perfrin-
Les prions sont des agents trans- Aucun cas de MJC n’a été rapporté gens pourrait être contaminant
missibles non conventionnels résis- ,Encadré 4 ce jour chez les fossoyeurs [25]. et être à l’origine de surinfections
cutanées après effraction cutanée,
voire de gangrène gazeuse en cas
> FLORE MICROBIENNE DES SOLS DE CIMETIÈRES de plaie profonde.
Le laboratoire de médecine légale de Lyon a étudié la flore présente dans les sols lors de 19
exhumations réalisées plus de 5 ans après le décès. La décomposition allait jusqu’au stade de
squelette dans 3 cas, et était incomplète dans 7 cas avec persistance de l’enveloppe tégumentaire
> MICRO-ORGANISMES PROVENANT
DE L’ENVIRONNEMENT
et fonte de la masse musculaire. Une relative conservation était observée dans 9 cas sur 21 [15].
Parmi les germes pathogènes tel-
La flore des échantillons de sols était abondante et diversifiée. Elle montrait la présence de :
luriques, certains se trouvent sous
O Clostridies (C. perfringens et C. bifermentans le plus souvent),
forme de spores bactériennes.
O nombreuses souches de Bacillus (espèces non identifiées),
C. tetani est réputé survivre dans
O entérobactéries ubiquitaires commensales de l’organisme humain apportées par les cadavres,
l’environnement sous forme de
O Pseudomonas fluorescens fréquent.
spores pendant des années. Les
sols sont contaminés par les déjec-
C. tetani était absent des échantillons.
tions des ruminants qui sont le

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Risques biologiques et chimiques
encourus par les fossoyeurs

principal réservoir de cette bacté- hautement improbable dans un de l’ouverture d’une tombe conte-
rie. Le tétanos est une toxi-infec- cimetière. nant un corps inhumé récemment
tion grave. La transmission se fait Les champignons microscopiques ou au moment de l’ouverture d’un
par effraction cutanée. La mala- environnementaux (moisissures cercueil hermétique ou de son per-
die est devenue relativement rare ou levures) peuvent présenter cement accidentel. Néanmoins,
en Occident du fait d’une bonne un risque lorsqu’ils sont inhalés. il semble qu’il y ait moins de gaz
couverture vaccinale de la popu- Certaines exhumations peuvent dans les sépultures en pleine terre
lation (moins de dix cas par an en mettre en suspension des pous- que dans les caveaux.
France). sières contaminées par ces cham- Les cercueils étanches prévus dans
La présence de B. anthracis dans le pignons dans un milieu confiné le cas de certaines maladies infec-
sol paraît improbable (encadré 5) sans qu’il soit possible d’en évaluer tieuses doivent être munis d’un dis-
car il y a peu de chance qu’un ci- la quantité. Il est difficile de définir positif épurateur de gaz agréé par
metière soit installé sur un ancien ce qui pourrait favoriser l’appari- le ministre chargé de la santé après
« champ maudit ». tion de pathologies infectieuses avis de l’Agence nationale de sécu-
La littérature sur l’activité de fos- chez un individu (état d’immuno- rité sanitaire de l’alimentation, de
soyeur évoque fréquemment dépression, existence d’une cavité l’environnement et du travail et du
la possibilité de contracter une pulmonaire…). Conseil national des opérations fu-
leptospirose ou une hépatite A. néraires [2]. Cette disposition devrait
Certes, les leptospires excrétées réduire le risque d’exposition dans le
par les rats peuvent survivre dans cas d’un cercueil hermétique.
la nature de plusieurs semaines à ÉVALUATION DU RISQUE Dans le cas des exhumations peu
plusieurs mois si le milieu leur est CHIMIQUE profondes, où les voies aériennes
favorable. Mais la présence du ré- supérieures des fossoyeurs restent
servoir est essentielle, ce qui n’est Bien qu’il s’agisse de conditions ex- suffisamment proches de la sur-
pas le cas dans un cimetière, où périmentales différentes des condi- face, les concentrations de ces gaz
les rats ne trouvent pas des condi- tions rencontrées dans la réalité, ne semblent pas être suffisantes
tions de vie favorables (encadré 5). les résultats de certaines études en pour provoquer des irritations
Il en est de même du virus hu- sépulture étanche montrent une des yeux ou de la gorge. Elles sont
main de l’hépatite A. Ce virus se production abondante de gaz du- plutôt responsables d’une gêne
retrouve essentiellement dans les rant la putréfaction [7]. La question olfactive due à la présence de gaz
eaux usées, ce qui rend sa présence ,Encadré 5 de l’exposition à ces gaz se pose lors soufrés et d’amines malodorants.
Par contre, dans le cas de caveaux
> RAPPELS SUR LE CHARBON ET LA LEPTOSPIROSE très profonds, il faut se poser la
question de la teneur en oxygène
Le charbon est une maladie due à une bactérie aérobie capable de sporuler, B. anthracis. Le
qui pourrait diminuer du fait du
réservoir est animal, plus rarement humain. La bactérie se multiplie sous sa forme végétative dans
l’organisme vivant. À la mort de l’animal infecté, les spores peuvent se former dans les écoulements remplacement de l’oxygène par
de liquides biologiques. Les spores de B. anthracis survivent dans le sol durant de longues périodes (la les gaz de décomposition.
survie des spores est de l'ordre d'une centaine d'années). Cette résistance explique la persistance de la Cependant, aucun malaise ni acci-
maladie dans certaines régions ou sa résurgence lorsque des spores enfouies remontent à la surface à dent n’est rapporté ni par la litté-
la faveur de grands travaux (drainage, construction de routes ...). Néanmoins il y a peu de chance qu’un rature ni par les fossoyeurs.
cimetière soit installé sur un ancien « champ maudit » dans lequel un animal mort du charbon aurait
été enterré. En dehors de ces situations, les activités professionnelles à risque sont celles mettant en
contact avec des animaux malades du charbon ou leurs cadavres [26].

La leptospirose est une maladie due à une bactérie aérobie Leptospira interrogans. ÉVALUATION DU RISQUE
L’épidémiologie est étroitement liée aux écosystèmes : présence d’eau douce, conditions de LIÉ AUX RAYONNEMENTS
température et d’humidité, pluviométrie. Les leptospires survivent d’autant mieux dans la nature que IONISANTS
le milieu leur est favorable : humidité, température entre 20° et 30° C, zones ombragées, abritées du
rayonnement solaire (berges). Leur présence est corrélée à la présence de rats qui en sont le réservoir Trois situations peuvent impli-
principal et qui gardent leur vie durant la bactérie dans leur système urinaire sans être malades. Les quer la présence de radionucléides
activités professionnelles à risque sont celles mettant les travailleurs en contact avec les eaux douces
dans le corps humain au moment
ou les sols humides contaminés par les urines de rat [27].
du décès.

34 N° 130 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — JUIN 2012


O Les pacemakers : certains pace- de travail rapportent d’ailleurs
makers ont contenu dans le passé PRÉVENTION DES RISQUES, une prédominance des infections
des sources radioactives comme AMÉLIORATION DES cutanées suite à des piqûres ou
l'américium 241; ce n'est plus le CONDITIONS DE TRAVAIL des coupures dans les déclarations
cas depuis plus de 10 ans ; de plus, d’accident de travail. Le stade de
les bonnes pratiques impliquaient Les études de postes ont permis de décomposition ne semble pas
leur retrait au moment du décès. constater qu’en pratique, les corps modifier ce risque. Les gestes tels
O La médecine nucléaire diagnos- ne sont pas toujours décomposés que la démolition de monument
tique ou thérapeutique consiste en fin de concession, ce qui est funéraire, la découpe de ferrail-
à injecter ou à faire ingérer un préjudiciable aux conditions de lages, l’ouverture des cercueils
radionucléide à un patient afin travail. Même si elles ont peu d’in- au pied de biche ou à la hachette,
qu’il aille se fixer sur l’organe cible. fluence sur le risque biologique et l’utilisation du croc pour les cer-
Dans le premier cas, le radioé- le risque chimique, les mesures cueils en zinc, ou la manipulation
lément est rapidement éliminé. qui visent à favoriser la décompo- de planches (présence d’échardes,
Dans le deuxième cas, si le patient sition ne peuvent qu’améliorer les clous…) et d’ossements exposent à
vient à décéder peu après le trai- conditions de travail. des risques de plaies graves (photo
tement, des mesures spécifiques ci-dessous).
sont prises qui tiennent compte Il convient donc dans un premier
à la fois de la dose reçue par le AGIR SUR LES FACTEURS DE temps de rechercher des alterna-
patient et de la décroissance du DÉCOMPOSITION tives aux gestes dangereux et de
radionucléide concerné, de ma- Les facteurs ayant une influence réfléchir aux modes opératoires et
nière à protéger les personnels soi- sur la décomposition ont été dé- aux matériels utilisés.
gnants, les employés des pompes taillés en annexe. On peut retenir O Il est possible de réduire en par-
funèbres et la famille [28]. Dans qu’une sépulture mal drainée tie ce risque par la mécanisation
l’hypothèse d’une intervention de et mal ventilée et des cercueils (engins de levage et manuten-
fossoyeurs lors de l’inhumation, la en bois épais et relativement tion), quand la largeur des allées le
décroissance aura continué. étanches ralentissent la décompo- permet. La modification progres-
O La curiethérapie consiste à im- sition. Il en va de même des soins sive de l’agencement des cime-
planter une source radioactive funéraires consistant à injecter un tières devrait faciliter l’accès des
scellée au sein de l’organe à trai- produit contenant du formaldé- engins au plus près des tombes.
ter. Sauf dans le cas des cancers de hyde afin de ralentir la décompo- Cette exigence devrait être prise
la prostate, on procède en cas de sition. en compte lors de la conception
décès à l’ablation de ces sources. À Le drainage des sols pourrait être d’un nouveau cimetière.
l’heure actuelle, seule l’iode 125 est favorisé par la plantation d’arbres
implanté de façon durable dans d’espèces drainantes. La ventila-
l’organisme pour les cancers de tion des caveaux ou des cercueils
© I. BALTY POUR L'INRS

la prostate sous forme de petits pourrait améliorer la décomposi-


grains. Sa demi-vie est de 60 jours. tion. L’allongement du délai pour
Cependant, on estime qu’immé- les exhumations a priori difficiles
diatement après l’intervention, il (terrains mal drainés…) pourrait
faudrait rester quarante heures être envisagé, comme le proposent
à 20 cm de l’abdomen du patient certains auteurs.
pour dépasser la valeur limite
annuelle de 1mSv, dose qui dimi-
nuera avec le temps d’exposition RÉDUIRE LE RISQUE
et la distance [29]. ACCIDENTEL
Lors des exhumations, il appa-
En conclusion pour les fossoyeurs, raît que le risque biologique est
le risque lié aux rayonnements essentiellement lié à la surinfec-
Risque de blessure avec les ferraillages.
ionisants peut être considéré tion des blessures. Les médecins
comme négligeable. du travail participant au groupe

JUIN 2012 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 130 35


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Risques biologiques et chimiques
encourus par les fossoyeurs

ODe même, une réflexion sur l’orga- aux exhumations doivent por- PRÉVENTION DU RISQUE
nisation du travail (panneautage ter un « costume spécial » qui est CHIMIQUE
des tombes, retrait des ferrailles ensuite désinfecté ainsi que leurs Une première mesure consiste
avant de descendre dans le caveau…) chaussures. Bien que ces termes à permettre la ventilation de la
devrait permettre de réduire ce paraissent obsolètes, ce costume sépulture avant l’exhumation en
risque de blessure. peut être entendu comme la tenue l’ouvrant quelques heures aupa-
O Par ailleurs, le pompage de l’eau de travail spécifique et la désin- ravant. Dans le cas d’exhumations
des sépultures devrait permettre fection comme un lavage efficace. peu profondes, il est suffisant de
de ne plus se servir de seaux pour Si les tenues de travail sont en proposer des masques destinés à
évacuer l’eau stagnante, pratique nombre suffisant pour permettre diminuer la gêne olfactive, comme
paraissant comme une source po- de se changer aussi souvent que des masques de protection respi-
tentielle d’accidents. nécessaire, il n’est pas utile de 3. Ces masques ratoire jetables anti odeurs (3). Les
O Enfin, le port des équipements faire porter systématiquement des comportent un masques munis de filtres antigaz
de protection individuelle (gants, combinaisons de protection imper- peu de charbon ne sont pas nécessaires.
actif de type A
bottes) est indispensable pour pré- méables jetables qui se déchirent Lorsqu’il s’agit d’un cercueil her-
pouvant capter
venir les blessures. et n’autorisent pas l’évacuation de des molécules métique, il semblerait logique de
la chaleur corporelle et l’humidité comme les le remonter à la surface avant de
(sueur). Le port d’une telle com- mercaptans, la l’ouvrir afin d’éviter l’émission de
RESPECTER LES MESURES binaison est à réserver pour une putrescine et la gaz au fond du caveau. L’utilisation
cadavérine, sans
D’HYGIÈNE exhumation en milieu humide ou d’un engin de levage permettrait
pour autant être
En complément des mesures pour l’ouverture d’un cercueil her- conformes aux de remonter le cercueil même s’il
d’hygiène prévues par le Code du métique du fait du contact possible exigences des est lourd, sans avoir à le percer
travail, il est conseillé d’aména- avec des liquides de putréfaction. filtres antigaz. pour faciliter l’écoulement des
ger les locaux de façon à respec- Le port de gants imperméables à liquides.
ter le principe de la « marche en manchette couvrant l’avant-bras Dans le cas de caveaux très pro-
avant », c'est-à-dire du sale vers et de bottes est indispensable pour fonds, il n’est pas exclu que la
le propre sans possibilité de croi- prévenir les plaies et le contact teneur en oxygène ait diminué.
sement ou de retour en arrière. direct avec l’eau stagnante et la Néanmoins le fait de sortir les cer-
Ainsi les locaux devraient com- boue. Le retrait des gants ne pose cueils un par un produit un bras-
porter une zone destinée au retrait pas de problème dans la mesure sage de l’air qui devrait éviter le
des vêtements de travail et à leur où la présence d’un bidon d’eau risque d’anoxie ou d’intoxication
rangement s’ils sont suffisam- et de savon permet de se laver par H2S. Dans tous les cas, les me-
ment propres pour être utilisés le les mains. En revanche, lorsqu’il sures à proposer doivent être adap-
lendemain. Une zone différente s’agit de les remettre, les mains tées au risque évalué, par exemple
sera consacrée à l’entreposage des touchent la surface souillée des ventilation mécanique et descente
vêtements de travail propres et gants et vont ensuite macérer. Il d’un détecteur de gaz avant de pé-
aux vêtements personnels. Idéale- est donc conseillé de se laver les nétrer dans la sépulture, port d’un
ment les locaux sanitaires seront mains gantées à l’eau et au savon détecteur de gaz (H2S, O2 et explo-
placés entre ces deux zones. avant de retirer les gants. simètre), surveillance par une per-
Les mesures d’hygiène habituelles Une boîte de premier secours doit sonne en surface…
(lavage des mains…) sont difficiles être à disposition au plus près du
à appliquer lors du travail à l’exté- lieu de travail (dans la camionnette
rieur. Aussi est-il recommandé de par exemple) dont le contenu est FORMATION-INFORMATION
mettre à disposition de l’eau et du défini par le médecin du travail. Il est important pour les fossoyeurs
savon à bord des camionnettes d’être informés des risques liés à
et de rappeler l’importance de se leur profession et d’indiquer leur
laver les mains après avoir retiré profession à leur médecin traitant
ses gants, tout particulièrement ou leur médecin spécialiste si né-
avant de fumer ou de boire. cessaire.
L’article R. 2213-42 précise que les La formation à l’hygiène, à l’évalua-
personnes chargées de procéder tion du risque et à la prise de déci-

36 N° 130 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — JUIN 2012


sion sont indispensables, même si POINTS À RETENIR
l’expérience des situations par le CONCLUSION
collectif de travail est irremplaçable. Les principales activités des fossoyeurs
Les médecins du travail s’inter- sont les inhumations et les exhumations.
rogent régulièrement sur les risques Lors des inhumations, les fossoyeurs ne
SURVEILLANCE MÉDICALE biologique et chimique auxquels sont pas en contact direct avec les corps.
VIS-À-VIS DES RISQUES sont exposés les fossoyeurs et sur la
BIOLOGIQUES surveillance médicale et la vaccina-
Lors des exhumations, le risque
biologique est essentiellement lié aux
La surveillance médicale devra être tion à mettre en œuvre. Ces risques
germes telluriques responsables de
adaptée à chaque individu. En ce sont également mal connus des surinfections graves des plaies.
qui concerne le risque biologique, fossoyeurs. Leur évaluation vient
une attention particulière sera por- s’ajouter à la prise en compte de la Les mesures de prévention à mettre en
tée aux personnes susceptibles de dimension psychologique et de la place sont essentiellement la prévention
des accidents de travail, dont les plaies
développer des surinfections cuta- pénibilité physique de ce métier.
(mécanisation des tâches, port de gants
nées : diabétiques, immunodépri- Le risque biologique est essentielle-
et de bottes…).
més, greffés … ment lié aux germes telluriques res-
L’information des salariés doit por- ponsables de surinfections graves Les mesures d’hygiène des mains sont
ter sur le respect des consignes de des plaies. Par ailleurs, le risque d’in- indispensables.
sécurité, le port des EPI, l’hygiène et toxication ou d’anoxie devrait être Le port d’une combinaison imperméable
la désinfection soigneuse de toute évalué dans le cas d’exhumations ne se justifie que pour certaines
plaie. Elle peut aussi être rassu- dans des caveaux profonds. exhumations précoces ou en milieu mal
rante à l’encontre d’autres patho- Les mesures de prévention seront drainé.
logies telles que la leptospirose ou essentiellement orientées vers la Le port de masque muni de filtre antigaz
l’hépatite A. prévention des plaies et des acci- n’est pas justifié.
Il n’y a aucune vaccination obli- dents de travail (mécanisation des
Le risque d’anoxie doit être évalué lors
gatoire au titre du Code du travail. tâches, port de gants et de bottes…).
des interventions dans les caveaux très
L’obligation de vaccination contre Le port d’une combinaison imper-
profonds.
l’hépatite B, la diphtérie, le tétanos méable se justifie pour certaines
et la poliomyélite, relevant du Code exhumations précoces ou en milieu Aucune vaccination n’est obligatoire
de la Santé publique, ne concerne mal drainé. Le port d’un masque mais les rappels dTP sont indispensables.
pas les fossoyeurs au contraire de de protection respiratoire jetable
Les vaccinations contre la leptospirose et
l’hépatite A ne sont pas justifiées.
certains employés des pompes anti-odeurs sera utile en cas de gêne
funèbres qui sont au contact des olfactive. Dans le cas des caveaux
corps. Les vaccinations contre la très profonds, l’aération préalable
leptospirose et l’hépatite A ne sont pourra être suffisante.
Les auteurs remercient les participants du groupe de
pas nécessaires. En tenant compte L’hygiène des mains est essentielle travail composé de médecins de prévention et de pré-
de l’évaluation du risque (blessure, et des moyens de lavage des mains venteurs des villes de Paris et Rennes, ainsi que les fos-
contact avec la terre), des rappels doivent être mis à disposition quelle soyeurs rencontrés et Christine Gauron (INRS) pour sa
collaboration.
réguliers de vaccination antité- que soit la situation de travail, au
tanique incluse dans les vaccins plus près des fossoyeurs.
trivalents (ou tétravalents pour les Il n’y a a pas de surveillance médi-
sujets jeunes) sont indispensables. cale spécifique, ni de vaccination
obligatoire. Les rappels de vaccin
antitétanique (dTP) sont indispen-
sables. Les vaccinations contre la
leptospirose et l’hépatite A ne sont
pas justifiées.
BIBLIOGRAPHIE
ET ANNEXE EN
PAGES SUIVANTES

JUIN 2012 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 130 37


GRAND ANGLE
Risques biologiques et chimiques
encourus par les fossoyeurs

BIBLIOGRAPHIE

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La décomposition des corps infectieuses/Risques-infectieux-

38 N° 130 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — JUIN 2012


ANNEXE Facteurs influençant la décomposition post mortem
Aujourd’hui, il arrive fréquemment que les corps ne soient était ralentie par rapport aux sépultures traditionnelles,
pas réduits à l’état d’ossements au moment de l’ouverture y compris dans les alvéoles avec évacuation des liquides,
des tombes, obligeant les fossoyeurs à les refermer sans qu’elles soient ou non ventilées [8].
avoir exhumé les corps. L’évolution des pratiques funéraires La même équipe a mené une étude expérimentale sur
conduit-elle à un allongement du temps nécessaire à la la décomposition de cadavres de porcs placés dans deux
décomposition ? En effet, le recours de plus en plus fréquent cases étanches en béton, l’une ventilée naturellement et
à des soins de conservation, l’inhumation dans des caveaux l’autre non ventilée. Cette étude a permis de suivre les
familiaux relativement étanches, parfois profonds et mal transformations macroscopiques des cadavres et l’évolution
drainés, ainsi que l’aménagement des cimetières face à la des effluents pendant quatre ans [7 à 11]. L’évolution post
pénurie de place (densité des sépultures, rareté des arbres) mortem était différente dans les deux cases : l’oxygénation
sont des éléments qui pourraient ralentir les processus de l’ambiance dans la case ventilée favorisait l’amorce rapide
naturels. de la putréfaction, alors que dans la case non ventilée, cette
décomposition était retardée de plus d’un an.
CARACTÉRISTIQUES DE LA SÉPULTURE Une étude conduite sur la décomposition de cadavres de
Le processus de décomposition est influencé par de porcs enterrés dans 3 sites différents au Royaume-Uni a
nombreux paramètres, notamment la température, montré l’influence de la nature du sol sur la décomposition
l’humidité et la disponibilité en oxygène. Tout ce qui réduit et l’importance du développement des flores aérobie et
l’exposition du corps à l’oxygène (ensevelissement, haute anaérobie dans le sol autour des animaux [12].
altitude, submersion…) ralentit la phase aérobie qui achève
normalement le processus de décomposition [6]. SOINS DE CONSERVATION DES CORPS
Quand le cercueil est déposé dans un caveau plutôt qu’en Les soins funéraires permettent de retarder le processus
pleine terre, il n’est pas en contact direct avec le sol et sa de décomposition des corps, de supprimer les odeurs et de
microflore qui participe à la décomposition. De plus, un donner au visage un aspect naturel et apaisé, ce qui explique
caveau étant relativement étanche, les effluents liquides que cette pratique soit en augmentation constante
peuvent stagner au fond et les échanges gazeux (évacuation (200 000 actes sont réalisés par an en France [5]).
des gaz de décomposition, apport d’oxygène) sont ralentis. Les soins de conservation consistent en l’injection dans
Lorsque le terrain est mal drainé, de l’eau peut s’infiltrer le système vasculaire de quatre à six litres d’un produit
dans un caveau ou une tombe en pleine terre. La présence conservateur contenant du formaldéhyde (de 15 à 35 % avant
d’eau stagnante est alors constatée à l’ouverture des dilution) destiné à remplacer la masse sanguine, qui est
tombes. La présence d’arbres joue un rôle dans l’accélération évacuée par drainage veineux. On y associe l’évacuation des
de la décomposition, sans doute en asséchant les terrains. liquides et des gaz contenus dans les cavités thoracique et
Il existe dans certains cimetières des caveaux, dits abdominale ainsi que les organes creux et l’injection d’un autre
« autonomes », étanches avec un dispositif de recueil produit conservateur contenant également du formaldéhyde.
des liquides et un épurateur de gaz. Les différences de Au total, 6 à 10 litres de produits sont injectés [13].
température entre l’intérieur du caveau et l’extérieur L’évacuation du contenu des intestins diminue de façon
permettent la ventilation naturelle de ces caveaux. La importante la flore commensale qui est responsable de la
décomposition n’y apparaît pas plus rapide mais les liquides putréfaction. En outre, à la dose employée, le formaldéhyde
ne s’écoulant pas en dehors du caveau, la contamination du est un fixateur des protéines et un bactéricide. Il va freiner la
sol est réduite. destruction cellulaire et entraver le développement bactérien.
À la fin des années 80, le laboratoire de médecine légale Plusieurs questions se posent : Quel est la proportion de
de Lyon a observé la transformation de corps placés tissus fixés qui pourraient ne pas se décomposer ? Quelles
dans des alvéoles étanches, pratique funéraire en cours sont les conditions et quel est le délai nécessaire pour
de développement à l’époque pour lutter contre les qu’une microflore démarre la putréfaction? … S’il est difficile
risques de pollution des sols, les nuisances olfactives et le de répondre à ces questions par manque de recul sur ces
développement d’insectes. Il a été constaté une liquéfaction pratiques relativement récentes, il est probable qu’elles
importante avec émission massive de gaz. La décomposition ralentissent notablement la décomposition.

JUIN 2012 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 130 39

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