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Proposition de plan par : Mathieu Rodriguez, Pr. Agrégé SV-STU & doctorant iSTeP-ENS.
Introduction :
*La plus grande crise de l’histoire de la vie est l’apparition de l’oxygène dans
l’atmosphère, il y a 1.8 Ga. Seules les bactéries pourpres, ainsi que les autres bactéries dont
elles étaient le symbiote, étaient capables de lutter contre l’action toxique de l’oxygène via
leur chaîne respiratoire. Elles ont donc été sélectionnées. Limiter cependant le sujet aux temps
phanérozoïques, en raison de la présence d’organismes à « corps dur » fossilisables. Quitte à
ignorer 85 % de l’histoire de la vie!
La biodiversité du passé est inscrite dans les roches, qui constituent les archives de la vie
sur Terre. Mais ces données sont-elles représentatives de l’histoire de la biodiversité ?
L’utilisation des genres et des familles introduit un biais : un genre (ou une famille)
peut comprendre 50 espèces, un autre une seule espèce. Pour une approche quantitative de la
biodiversité, il est préférable d’utiliser l’espèce comme unité de mesure. Se pose alors la
question de la définition de l’espèce en paléontologie. Le critère de définition principal d’une
espèce vivante est l’interfécondité entre individus de la même espèce, et la production d’une
descendance elle-même interféconde… Critère difficilement applicable sur des fossiles !
Deux animaux peuvent appartenir à une même espèce sur le plan morphologique, mais
différer sur le plan génomique. Les limites d’une espèce en paléontologie sont parfois floues
et arbitraires. Ex. Les différentes espèces de globigérines, espèce de foraminifère asexuée
dont l’évolution est graduelle, sont définies selon le diamètre de leur Test. Autre exemple : le
cœlacanthe, dont la morphologie actuelle est proche des fossiles du paléozoïque, a
probablement beaucoup évolué sur le plan génomique sans que cela ne se répercute sur son
apparence.
b) Quels sont les biais à prendre en compte lorsqu’on estime la biodiversité à l’échelle
des temps géologiques ?
Les aléas de la fossilisation : seuls les tissus durs (squelette, dents, bois) se fossilisent
bien. Par conséquent, il existe peu de fossiles d’organismes constitués de tissus mous, comme
les méduses, les végétaux, et les micro-organismes. Des comptages ont permis de montrer que
seul 1% du plancton se retrouve dans le sédiment au fond de l’océan, en raison de leur
dissolution (lors du passage de la CCD) : les espèces qui y sont le plus sensibles ne sont donc
pas fossilisées. Il y a donc une forme de tri sélectif. Il y a de plus des périodes et des lieux où
les processus de fossilisation étaient plus ou moins efficaces. De plus, des sites fossilifères
peuvent subir une importante érosion, et ne pas être conservés au cours du temps - c’est ce qui
expliquerait en partie la très faible quantité de sites disponibles pour étudier la crise Permo-
Trias. Des méthodes d’extrapolation, qui postulent que le rapport entre organismes
fossilisables et non fossilisables est constant au cours du temps pour un environnement donné,
permettent de s’affranchir, dans une certaine mesure, des biais liés à la fossilisation, lorsque
couplées au principe d’actualisme.
Cependant, après chaque crise, la biodiversité augmente. Quelles sont les causes des
extinctions, et comment la biodiversité finit-elle par reprendre ses droits ?
Mise en évidence de la crise K/T, à partir des microfossiles (ex. d’affleurement en France,
la plage de Bidart au Pays Basque) : les couches du Maastrichtien sup. sont riches en
Globotruncanidés et en Hétérohélécidés, qui disparaissent dans les couches du Danien, au
profit des Globigérinidés. A partir de l’étude simple de deux lames minces nous mettons en
évidence la disparition d’espèces et leur renouvellement après une crise. Quelles sont les
causes de ces remaniements de la biodiversité ?
La crise biologique actuelle, conséquence des activités humaines, le montre bien : les
espèces biologiques disparaissent en réponse aux changements de leur milieu de vie, auxquels
elles ne sont pas adaptées. Ici, nous partons à la recherche des grands évènements naturels
susceptibles d’avoir modifié l’environnement des espèces et causé leur extinction, à l’époque
des grandes crises. Plusieurs causes, parfois contemporaines, sont identifiées :
Les météorites : des traces d’impact de météorites ont été trouvées pour les
crises K/T, P/T, T/J. L’exemple le plus connu est le cas du cratère du Chicxulub, au
Mexique, qui serait une des causes possibles de la crise K/T. En plus de ce cratère, la
limite K/T se caractérise stratigraphiquement par une concentration anormalement
élevée en Iridium, un élément caractéristique des météorites. L’anomalie en Iridium
est mondiale. La limite K/T est également enrichie en spinelle nickélifère, et en
minéraux choqués. Les impacts de météorite dégagent de la poussière dans
l’atmosphère, entraînant une baisse des températures ; ils génèrent des tsunamis si
l’impact a lieu dans l’océan ; ils entraînent la vaporisation de plusieurs éléments
contenus dans les roches ou la biomasse (composés destructeurs de la couche
d’Ozone, Soufre contenu dans le gypse (diminution de la T°), CO2 contenu dans les
carbonates (augmentation de la T°).
(Le Soufre entraîne une diminution de la T° sur 100 ans env. ; le CO2 entraîne
une augmentation de la T° sur 1000 ans env.)
Les causes invoquées pour les grandes crises sont souvent catastrophiques, et impliquent
une disparition rapide des espèces. Cependant, la disparition des Ichtyosaures (reptiles marins,
n'appartenant pas aux dinosaures(!)) au Crétacé sup. précède la crise et ne peut être attribuée
à l’action conjuguée de la météorite du Yutacan et des trapps du Deccan. De plus, on peut se
demander si l’enregistrement fossile, dont nous avons déjà exposé certains biais, permet de
discriminer entre une extinction en masse graduelle ou instantanée. L’enregistrement fossile
est en effet discontinu dans le temps. Lorsqu’une espèce est présente à la base et au sommet
d’une série sédimentaire, on en conclut qu’elle vivait pendant tout l’intervalle de temps
enregistré par la série. La répartition stratigraphique des occurrences étant aléatoire, se pose le
problème de la signification de la dernière occurrence d’une espèce, laquelle ne reflète
probablement pas le moment de la véritable extinction de cette espèce. Ainsi, des extinctions
apparentes dans l’enregistrement fossile anticipent les véritables extinctions, et donnent
l’impression d’extinctions graduelles. Ce problème est en partie résolu lorsqu’on attribue à
chaque occurrence d’espèce sur un affleurement donné un intervalle de confiance calculé à
partir de tous les spécimens découverts dans le monde. Pour le cas des ammonites de la baie
de Biscaye (voir doc.) l’extinction apparaît alors instantanée à la limite K/T. Cet artefact de
l’enregistrement sédimentaire porte le nom d’effet Signor-Lipps.
Les crises touchent des milieux écologiques aux vulnérabilités différentes : certaines
espèces disparaissent, d’autres sont fortement atteintes sans pour autant disparaître, d’autres
enfin ne sont qu’effleurées. De façon générale, on remarque une intensité différente des
extinctions entre le domaine continental et le domaine marin, une meilleure résistance du
benthos profond que du benthos littoral (les récifs sont ravagés par chaque crise). Les espèces
endémiques et spécialisées sont les plus fragiles, tout comme celles de grande taille.
Une extinction en masse fait évoluer le mode vivant et sa biodiversité par les
redéploiements et les reconquêtes des milieux redevenus plus hospitaliers à l’issue de la crise.
Les espèces « désastres », ou opportunistes : Ces formes de vie, rares avant la crise,
profitent de la crise pour se développer, avant de régresser puis de disparaître à la fin de la
période néfaste. Par exemple, après la crise du Permo- Trias, l’ensemble des fonds marins
était dévasté et appauvri en oxygène. Ces conditions ont favorisé la prolifération d’espèces
opportunistes, favorisées par ce genre de milieu car elles n’ont pas de concurrence écologique.
Ce sont généralement des espèces rudérales.
Les espèces survivantes ont des potentialités ou des comportements divers. Les
espèces pré-adaptées sont celles qui possèdent un caractère qui leur permet de s’adapter aux
conditions de la crise. Par exemple, l’endothermie a permis aux mammifères de passer la crise
K/T. Mais de façon générale, ce sont les espèces généralistes du point de vue de leurs
exigences écologiques, i.e. qui supportent de grandes variations de conditions du milieu
(ressources alimentaires, salinité, température…) qui traversent le mieux les crises. A la
différence des espèces opportunistes, ces espèces survivent mieux une fois de retour à des
conditions de vie normales. Un cas intriguant est celui des espèces Lazare, qui semblent
disparaître pendant la crise et réapparaissent au terme de celle-ci. Cet effet implique
l’existence, durant la crise, de refuges non repérés dans l’enregistrement géologique. Des
milieux de transition (marécages, eaux saumâtres) pourraient jouer le rôle de foyer de
recolonisation après les crises.
Les survivants les plus importants du point de vue de la biodiversité sont ceux qui
initient de nouvelles radiations après la crise : les géniteurs. Les géniteurs sont peux
nombreux pour un groupe donné, qui subit pendant la crise un goulot d’étranglement.
L’histoire des Ammonoïdes illustre bien cet effet, ce groupe ayant été ponctuellement décimé
par des crises pour s’éteindre définitivement à la crise K/T. Nous avons vu que les espèces de
petite taille sont favorisées en cas de crise.
Conclusion : tableau bilan sur les causes des crises + ouverture sur le rôle des crises
dans l’évolution. Le rôle de la contingence dans l'évolution : les crises, aléatoires (non
prévisibles), ponctuent l'histoire du vivant et permettent de "relancer les dés", i.e. : les
dinosaures, vertébrés dominant au secondaire, sont décimés à la crise K/T, et laissent la place
aux mammifères durant le tertiaire...
Références bibliographiques :