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RÉPUBLIQUE DE CÔTE D'IVOIRE

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UPR DE GENETIQUE

MASTER 1 – BIOTECHNOLOGIE-BIOSECURITE-BIORESSOURCES

COURS MAGISTRAL
UE MUTATIONS ET HEREDITE
EXTRANUCLEAIRE

ECUE FONDEMENTS GENETIQUES DE LA


BIODIVERSITE

Dr. N’ZI Jean-Claude

1
SOMMAIRE

OBJECTIFS DU COURS 3

CHAP. 1 – GENESE DE LA BIODIVERSITE 4


1. DEFINITION DE LA BIODIVERSITE 5
2. HISTOIRE BREVE DE LA BIODIVERSITE 6
3. LES NIVEAUX DE STRUCTURATION DE LA DIVERSITE BIOLOGIQUE 8

CHAP. 2- DETERMINISMES GENETIQUES DE LA BIODIVERSITE 11

A: LES MECANISMES GENETIQUES QUI ENGENDRENT LA BIODIVERSITE 12


1. LA PROBLEMATIQUE DU LIEN ENTRE LA BIODIVERSITE ET LA GENETIQUE 12
2. LA COMPLEXIFICATION DE L’ADN ET DIVERSITE BIOLOGIQUE 14
3. LES MUTATIONS DE LA STRUCTURE ET DU NOMBRE DE MOLECULES D’ADN ET DIVERSITE BIOLOGIQUE 20
4. L’INFLUENCE DES PHENOMENES DE RECOMBINAISON GENETIQUE ET DE FECONDATION 38
5. LES ELEMENTS GENETIQUES MOBILES ET LA BIODIVERSITE 41

B. INTERET, EROSION ET CONSERVATION DE LA BIODIVERSITE 43


1. INTERET DE LA BIODIVERSITE 43
2. EROSION DE LA BIODIVERSITE 46
3. CONSERVATION DE LA BIO DIVERSITE 48
CONCLUSION 49

ANNEXES 51

2
OBJECTIFS DU COURS

L’objectif général de ce cours est de faire connaître qu’une large part de la diversité que
nous constatons au sein et entre les espèces vivantes est génétiquement déterminée,
c’est-à-dire explicable par des facteurs génétiques.
Dans ses objectifs spécifiques, ce cours fera connaître :
- Le lien de cause à effet qui existe entre l’ADN (Acide Désoxyribonucléique) et la vie.
- Le lien de cause à effet qui existe entre la ressemblance et la dissemblance des êtres
vivants et les propriétés de l’ADN.
- L’intérêt génétique et les risques d’érosion de la diversité biologique.

3
CHAP. 1 – GENESE DE LA BIODIVERSITE

4
1. DEFINITION DE LA BIODIVERSITE
Les conditions environnementales qu’offre notre planète, la Terre, sont si propices à la
vie que celle-ci est présente partout. Dans les calottes glaciaires, les sources thermales
les plus chaudes, les abîmes les plus sombres des océans, dans le sol, l’air et sur terre
des êtres vivants pullulent. Mais qu’est-ce qu’un être vivant ? N’importe quel individu
humain sait faire la différence entre un bloc de pierre qui est un être inanimé non biotique
et un être vivant comme un poisson qui s’agite dans un aquarium. Et pourtant les
scientifiques n’arrivent pas à s’accorder sur la vie ou la non-vie de quelque chose.

Entre autres définitions de l’être vivant, celle que nous proposons dans le cadre de ce
cours est la suivante : « l’être vivant est cette entité qui se caractérise par sa composition
cellulaire, sa reproduction à partir du matériel héréditaire ou matériel génétique (l’ADN),
sa capacité de croître et de se développer, son aptitude à capter l’énergie dans son
environnement, à percevoir les signaux de cet environnement et à réagir en
conséquence, son haut niveau d’organisation et sa capacité d’évoluer, c’est-à-dire de
subir des changements dans sa structure et son comportement au cours des
générations ».

La biodiversité peut donc être définie comme étant la diversification de la vie à travers
l’infinie variabilité qu’exhibent les êtres vivants. Autrement dit, la biodiversité est la
variabilité que nous constatons au niveau des structures, des modes de vie et des
comportements des organismes vivants en relation avec des contextes
environnementaux physico-chimiques tout aussi diversifiés, le tout constituant des
complexes intégrés que nous appelons écosystèmes .

En effet, relativement à la structure, au mode de vie et au comportement des êtres


vivants, les situations sont très diversifiées si nous comparons entre elles des espèces
vivantes comme la bactérie, la levure, l’algue, la fougère, le cacaoyer, le riz, le pleurote,
la paramécie, le mille-pattes, la mouche, le rat, le requin, le crabe, le crocodile,
l’escargot, l’aigle, le gnou, l’homme, etc. Ces espèces peuvent être distinguées en

5
autotrophes et en hétérotrophes selon la manière dont elles accèdent à l’énergie pour
assurer leurs métabolismes. Si nous penons en compte leur rythme circadien
(organisation séquentielle des diverses fonctions d’un organisme au cours d’une période
de 24 heures), les animaux se distinguent en diurnes et en nocturnes, et si nous
considérons la durée de l’éclairement nécessaire pour déclencher leur floraison, les
végétaux se distinguent en plantes de jours courts et en plantes de jours longs. Un
échantillon de cette biodiversité dans le règne animal nous est présenté dans la figure 1.

2. HISTOIRE BREVE DE LA BIODIVERSITE


Il y a un peu plus de 4,5 milliards d’années, se formaient tous les grands systèmes de
l’univers dont le système solaire auquel appartient la terre. Pendant le milliard d’années
qui a suivi la formation de la terre, a eu lieu une évolution dite chimique dans un contexte
environnemental terrestre caractérisé par une atmosphère primitive entièrement
réductrice, donc dépourvue d’oxygène à l’état libre. C’est l’étape d’un monde anoxique.
L’évolution chimique peut être définie comme étant l’ensemble des transformations
subies par la terre depuis sa formation et qui ont permis l’apparition de molécules
organiques pour la construction du vivant.

Cette phase d’évolution de la terre a culminé avec l’apparition des premières formes de
vie qu’on identifie à des bactéries découvertes dans des couches sédimentaires dont
l’âge est estimé à environ 3,5 milliards d’années. Ces bactéries étaient probablement
des descendants du dernier ancêtre de toutes les cellules actuelles baptisé du nom de
LUCA (Last Universal Cell Ancestor). De l’évolution de ces bactéries primitives sont nées
les Archéobactéries, les bactéries anaérobies photosynthétiques et finalement les
Bactéries aérobies qui ont évolué à leur tour pour donner naissance aux cyanobactéries
(Algues bleues) qui sont des organismes unicellulaires eucaryotes. En effet, avec le
développement de l’activité photosynthétique, l’atmosphère terrestre primitive anoxique
s’est enrichie progressivement en oxygène libre dont on pense que la concentration

6
primitive atteignait 2 à 3 pour cent de son niveau actuel. Cela a eu pour conséquence
l’extinction d’un grand nombre de procaryotes primitifs et le confinement de certains dans
des milieux sans oxygène.

L’augmentation de la concentration en oxygène de l’atmosphère primitive a été l’un des


évènements majeurs dans l’histoire de la vie sur terre, puisqu’elle a causé l’extinction de
nombreux organismes ancestraux, tout en donnant les bases de la naissance des
eucaryotes unicellulaires qui ont évolué pour générer les eucaryotes multicellulaires
complexes actuels.

Le passage des procaryotes aux premiers eucaryotes unicellulaires s’est fait par une
lente évolution biologique qui a durée 2 milliards d’années environ. L’évolution biologique
est l’ensemble des transformations subies par les êtres vivants dans leur structure, mode
de vie et comportement en liaison avec les contraintes imposées par le milieu depuis
l’apparition de la vie sur terre. Comme on le voit, jusque-là, le monde vivant n’était que
très peu diversifié, faute de moyen pour innover. La reproduction ne se faisait que par
simple mitose (division cellulaire homéotypique) génération après génération.

Cependant, avec le développement des eucaryotes multicellulaires et surtout l’apparition


décisive de la reproduction sexuée survenue il y a environ 1 milliard d’années, un
véritable élan diversificateur s’est emparé du monde vivant. Cet élan, que le cours de
l’évolution biologique subséquente n’a jamais pu freiner, est à l’origine de l’explosion
(augmentation spectaculaire) de la diversité biologique que nous constatons
actuellement. En effet, un mécanisme aussi complexe que la reproduction sexuée s’est
universellement imposé aussi bien dans le règne animal que végétal en raison des
avantages qu’il présente en termes de variabilité. Ainsi, alors que la reproduction
végétative ou reproduction asexuée (clonage naturel) reproduit un individu
génétiquement identique au géniteur, le mécanisme de la reproduction sexuée permet
de rebattre les cartes du patrimoine génétique si bien que chaque individu résulte d’une
combinaison nouvelle et le plus souvent unique de gènes. Ce mécanisme permet aussi

7
de maintenir des possibilités virtuelles, c’est-à-dire non réalisées, de combinaisons
génétiques. De ce fait, une population animale ou végétale peut conserver une variabilité
génétique très supérieure à celle qu’elle pourrait présenter en raison de l’effectif limité de
ses individus. Au cours des générations qui se succèdent et selon les nécessités
d’adaptation aux conditions du milieu, cette variabilité peut passer du « virtuel » au
« réalisé ». C’est là que réside le grand avantage de la reproduction sexuée.

Les grandes périodes de l’histoire de la vie sur terre et de sa spectaculaire diversification


à partir du Précambrien sont résumées dans la figure 2 et le tableau 1.

3. LES NIVEAUX DE STRUCTURATION DE LA DIVERSITE BIOLOGIQUE


La variabilité est la principale caractéristique des êtres vivants. Elle s’observe à tous les
niveaux de leur organisation. En effet, lorsqu’on compare les individus d’une même
espèce entre eux ou ceux d’espèces différentes, on est frappé par les différences qu’ils
exhibent par rapport à plusieurs caractères ou critères de polymorphisme. Ces
différences sont plus significatives encore lorsqu’on compare des espèces de plus en
plus éloignées ou des grands groupes d’espèces.
Si on considère une espèce comme la drosophile ou mouche du vinaigre (Drosophila
melanogaster), on est frappé par la grande variabilité des individus par rapport à un
caractère comme la forme des ailes. Selon les individus, les ailes sont allongées le long
du corps, dressées, arrondies, découpées, réduites, atrophiées, pointues, ondulées, etc.
Si on considère une autre espèce, l’homme par exemple, un caractère comme la couleur
de la peau présente une grande diversité et permet même de distinguer les grands
groupes (races) d’êtres humains : les leucodermes à peau blanche, les xanthodermes à
peau jaune et les mélanodermes à peau noire. A l’intérieur de ces groupes, toutes les
variantes existent. La variabilité intra spécifique est commune à toutes les espèces
animales et végétales et on la constate à première vue chez le chien, le chat, le cheval,
le bœuf, le poulet, l’aubergine, le piment, le riz, la mangue, etc.

8
L’espèce, qui est un ensemble d’individus ayant des caractères communs, naturellement
interféconds et produisant des descendants viables et fertiles, constitue donc le premier
niveau d’organisation de la diversité biologique.

Rappelons que le nombre d’espèces découvertes actuellement et placées dans la


hiérarchie linnéenne s’élève à 1,5 millions environ, mais les estimations font état que ce
nombre est beaucoup plus grand et dépasserait les 30 millions. La découverte de
nouvelles espèces se poursuit à un rythme effréné et récemment des chercheurs
australiens ont découvert dans une grotte, à 4000 mètres de profondeur, des organismes
vivants minuscules auxquels ils ont donné le nom de « nanobe » ; leur taille se mesure
en nanomètre.

Le deuxième niveau de structuration de la biodiversité est le Genre, entité regroupant


toutes les espèces les plus proches. Si on considère le genre Dioscorea (les ignames)
comme exemple, il contient toutes les variétés d’ignames précoces appartenant à
l’espèce D. cayenensis et toutes les variétés d’ignames tardives appartenant à l’espèce
D. alata, pour ne citer, entre autres, que ces deux espèces. Nous convenons tous que
même l’observateur le moins avisé n’aura aucune difficulté à distinguer ces deux
catégories d’ignames.

Il est donc évident que les différences sont beaucoup plus faciles à mettre en évidence
quand on compare des espèces appartenant à des genres différents ou des espèces de
familles différentes.

En définitive, les affinités et les différences que présentent les êtres vivants ont permis
leur regroupement en espèces, les espèces en genres, les genres en familles, les
familles en ordres, les ordres en classes, les classes en embranchements et les
embranchements en règnes. Six règnes d’êtres vivants sont actuellement définis :

- Le règne des Bactéries


- Le règne des Archéobactéries
- Le règne des Protistes (Protophytes et Protozoaires)

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- Le règne des Plantes
- Le règne des Champignons
- Le règne des Animaux

Si nous considérons l’homme comme exemple, sa systématique se présente comme


suit :

Règne : Animal
Embranchement : Vertébré
Classe : Mammifère
Ordre : Primate
Famille : Hominidé
Genre : Homo
Espèce : Homo sapiens

L’abondance des espèces dans les six grands groupes d’êtres vivants est matérialisée
par la figure 3.

10
CHAP. 2- DETERMINISMES GENETIQUES DE LA
BIODIVERSITE

11
A. LES MECANISMES GENETIQUES QUI ENGENDRENT LA
BIODIVERSITE

Il ne faut pas perdre de vue que les conditions du milieu dans lequel se développent les
êtres vivants exercent une pression permanente sur l’expression de l’ADN. Ainsi, la
typologie phénotypique globale que présente un être vivant à tout instant est la
résultante de l’interaction entre le génotype (l’ADN) et le milieu. Par exemple, si des
grains d’une même variété lignée pure de maïs (donc de génotype identique) sont
semés, les uns sur un sol pauvre en matières organiques et minérales et les autres sur
un sol riche, les plantes qui en seront issues présenteront des phénotypes très différents
comme si elles provenaient de génotypes distincts. Cependant, dans les
développements qui suivent, nous ne nous intéressons qu’à la seule contribution du
génotype à la diversification du monde vivant.

1. LA PROBLEMATIQUE DU LIEN ENTRE LA BIODIVERSITE ET LA GENETIQUE


Au cours de la longue période d’évolution chimique du monde, de nombreuses
molécules avaient été formées mais aucune d’elles ne réunissait toutes les propriétés
pour l’exercice de la vie :

- Contenir toutes les informations nécessaires pour l’exercice et le contrôle des


fonctions vitales.
- Etre capable d’assurer la synthèse des protéines et de la réguler.
- Etre capable de subir des modifications structurales d’emblée héréditaires.
Les acquis actuels des biosciences et de la chimie permettent de dire que, pour le
moment, l’ADN est la seule molécule chimique qui réunit toutes les propriétés pour
l’exercice de la vie. Or, nous savons que l’ADN et l’hérédité sont consubstantielles car
c’est cette substance qui assure la production d’une descendance conforme à l’original

12
et qui est donc responsable de la stabilité sans laquelle les populations de cellules et
d’organismes ne pourraient exister.

Le schéma du dogme central de la biologie moléculaire que voici nous permet de


comprendre comment les individus d’une même espèce sont identiques (en ce sens
qu’ils présentent tous les caractères propres à leur espèce) mais en même temps
différents les uns des autres.
Transcription Traduction Expression
s
Chaîne
ADN ARN polypeptidique Caractère
(Génotype) (protéine) (phénotype)

Réplication
DOGME CENTRAL DE LA BIOLOGIE MOLECULAIRE

En effet, l’ADN (génotype) se reproduit à l’identique au cours du phénomène de la


réplication de sorte que la descendance qui en résulte est identique à l’original
(réplication conforme). Cependant, des erreurs (ou mutations) peuvent survenir au cours
de la réplication de l’ADN de sorte que la descendance qui en résulte est différente de
l’orignal : c’est la variation phénotypique induite par la mutation de l’ADN. Si nous
considérons l’exemple des bactéries, c’est par ce mécanisme qu’une souche bactérienne
sensible à un antibiotique pendant plusieurs générations peut devenir brusquement
résistante. Le lien entre la diversification biologique et la génétique ou hérédité apparait
ainsi dans toute sa réalité : la variabilité génétique se traduit par une diversité
phénotypique.

La vie étant apparue une seule fois sur terre, l’ADN de la cellule qui est l’ancêtre de
toutes les cellules actuelles est la mémoire de la parenté de tous les êtres vivants, c’est-
à-dire de leur origine commune. L’universalité du code génétique en est un indice

13
tangible comme le montre bien la transgénèse qui est le transfert de gènes (portions de
molécules d’ADN) d’un organisme dans un autre organisme appartenant à une espèce
différente. Un gène humain peut donc s’exprimer parfaitement dans un organisme
bactérien et vice versa.

Comme nous venons de l’évoquer, l’ADN est la mémoire de l’origine commune de tous
les êtres vivants. Nous avons signalé aussi le lien direct entre la variabilité génétique et
la diversité des phénotypes. Mais en quoi consistent les modifications qui ont affecté la
structure de l’ADN et qui ont permis, au cours de l’évolution biologique, la naissance
d’espèces nombreuses et variées ?

2. LA COMPLEXIFICATION DE L’ADN ET DIVERSITE BIOLOGIQUE


Comme nous le savons, depuis la découverte faite par James Watson et Francis Crick et
rendue publique dans un article historique publié en 1953, l’ADN est une double hélice
composée de deux longs filaments de nucléotides complémentaires et antiparallèles. Les
molécules d’ADN diffèrent les unes des autres à la fois par le nombre de paires de bases
qui les composent et par la séquence (ordre de succession) de ces paires de bases. Ce
sont justement les différences dans la séquence des bases qui constituent le fondement
des variations héréditaires.

Le premier niveau de complexification de l’ADN est l’association de la double hélice avec


des molécules de certaines protéines (histones et non histones) pour constituer un
complexe de nucléosomes appelé chromatine. La condensation de la chromatine donne
des structures particulières appelées chromosomes. A chaque chromosome correspond
donc une seule molécule d’ADN.

Chez les Procaryotes (Bactéries et Archées) le matériel héréditaire fondamental est un


chromosome unique ; en dehors de ce chromosome, les Bactéries possèdent aussi de
l’ADN enroulé en de petites molécules circulaires appelées plasmides. Il peut arriver

14
parfois que des portions d’ADN provenant des plasmides soient incorporées dans le
chromosome bactérien.

Quand la cellule n’est pas en division (interphase), la forme la plus condensée de


chromatine qui puisse être observée au microscope optique est appelée
hétérochromatine ; la forme la plus décondensée (la plus difficile à observer) est appelée
euchromatine. Les gènes qui sont des séquences d’ADN contenant l’information
nécessaire à la synthèse des protéines ou des molécules d’ARN sont situés dans
l’euchromatine.

Chez les Eucaryotes, le matériel héréditaire est composé de plusieurs molécules d’ADN,
donc de plusieurs chromosomes formant ce que l’on appelle le génome nucléaire. En
dehors de l’ADN nucléaire, les eucaryotes possèdent aussi de l’ADN dans les
mitochondries (ADNmt) et les chloroplastes (ADNct). On parle de génomes mitochondrial
et chloroplastique ou plastidial.

Chaque espèce eucaryote est caractérisée par un nombre de chromosomes qui est
normalement constant dans chacune de ses cellules. Si par hasard deux espèces
possèdent le même nombre de chromosomes, la séquence des bases dans les
molécules d’ADN ainsi que la morphologie et la taille des chromosomes varient entre les
deux espèces. D’ailleurs, l’espèce dont nous avons déjà entamé une définition est un
groupe d’organismes possédant des ensembles de gènes essentiels en commun,
naturellement interféconds, produisant des descendants viables et fertiles et qui sont
incapables de se reproduire naturellement avec les individus d’une autre espèce. C’est la
différenciation génétique qui rend les chromosomes de deux espèces incompatibles et
entraine leur isolement reproductif.

Les nombres chromosomiques caractéristiques de quelques espèces animales et


végétales sont donnés en exemple comme suit :

- Espèces à cycle haplobiontique :

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Ce sont des espèces qui vivent à l’état haploïde sur la plus grande partie de leur cycle de
développement.

• Neurospora (Ascomycète) : n=7

• Sordaria (Ascomycète) : n=7

• Pleurotus (Basidiomycète) : n= 11

• Volvariella (Basidiomycète) : n= 15

- Espèces à cycle haplodiplobiontique :

Ce sont des espèces qui vivent à l’état haploïde sur une moitié de leur cycle de
développement et à l’état diploïde sur l’autre moitié.

• Saccharomyces (levure) : n=8 ; 2n=16

- Espèces animales à cycle diplobiontique :

Ce sont des espèces qui vivent à l’état diploïde sur la plus grande partie de leur cycle de
développement.

• Drosophile (mouche du vinaigre) : 2n = 8


• Mouche domestique : 2n = 12
• Carpe : 2n = 104
• Truite : 2n = 80
• Alligator : 2n = 32
• Cobra : 2n = 38
• Grenouille : 2n = 26
• Poisson rouge : 2n = 94
• Etoile de mer : 2n 36

16
• Dauphin : 2n = 44
• Escargot : 2n = 24
• Rat : 2n = 42
• Souris : 2n = 40
• Cobaye : 2n = 64
• Lapin : 2n = 44
• Chat : 2n = 38
• Chien : 2n = 78
• Cheval : 2n = 64
• Poulet : 2n = 78
• Chimpanzé : 2n = 48
• Homme : 2n = 46

- Espèces végétales à cycle diplobiontique :

• Haricot : 2n = 22
• Soja : 2n = 40
• Petit pois : 2n = 14
• Chou : 2n = 18
• Oignon : 2n = 16
• Tomate : 2n = 36
• Mil : 2n = 14
• Sorgho : 2n = 20
• Maïs : 2n = 20
• Coton (Sauvage) : 2n = 26
• Coton (Cultivé) : 2n = 52
• Tabac (Sauvage) : 2n = 24

17
• Tabac (Cultivé) : 2n = 48
• Café (Robusta) : 2n = 22
• Café (Arabica) : 2n = 44
• Cacao : 2n = 20
• Taro (Colocasia) : 2n = 28
• Taro (Xanthosoma) : 2n = 26
• Canne à sucre : 2n = 80.

Le deuxième niveau de complexification de l’ADN est l’accroissement du nombre de


paires de bases lorsqu’on passe des Procaryotes aux Eucaryotes. On parle
d’augmentation de la taille du génome. Par exemple, chez les plus petites bactéries (les
mycoplasmes), la taille du génome est de 650 Kb (Kb = Kilobase ; 1 Kb = 1000 paires de
bases). Ce génome contient environ 400 gènes. Chez les cyanobactéries, la taille du
génome est de 1000 Kb. Chez la bactérie E. coli, la taille du génome est de 4,6 Mb (Mb
= Mégabase ; 1 Mb = 1 million de paires de bases) et contient environ 4000 gènes. Chez
la levure de boulangerie, Saccharomyces cerevisiae, la taille du génome est de 12 Mb et
contient environ 6000 gènes. Le nématode Caenorhabditis elegans a une taille de
génome atteignant 97 Mb et contenant environ 19000 gènes. Chez la mouche du
vinaigre, le génome a une taille de 180 Mb et contient environ 13000 gènes. Chez
l’homme (Homo sapiens), la taille du génome atteint 3000 Mb et contient environ 20000
gènes. Chez une espèce végétale comme le maïs, la taille du génome est bien plus
grande encore et atteint 15000 Mb.

Le troisième niveau de complexification de l’ADN porte sur la taille et la complexité des


gènes. En effet, corrélativement à l’accroissement de la taille des génomes, la taille et la
complexité structurale des gènes augmentent aussi. Par exemple, la taille moyenne d’un
gène bactérien est de 1000 Pb (Pb = paire de bases) et le gène bactérien est dépourvu
d’intron. A l’opposé, un gène de mammifère peut être aussi grand que 600 000 Pb et
contient des introns (portions d’ADN non codantes) et des exons (portions d’ADN

18
codantes). C’est pourquoi, contrairement aux procaryotes, chez les eucaryotes les gènes
sont transcrits dans le noyau d’abord sous la forme d’un ARN pré messager (ARN
immature non traductible en protéine) avant de subir, toujours dans le noyau, une
maturation post-transcriptionnelle. Cette maturation se traduit par l’élimination des
introns et le raccordement des exons pour donner l’ARNm traductible en protéine qui
passe dans le cytoplasme pour la traduction. C’est le phénomène de l’excision-épissage
lié à la structure en mosaïque des gènes eucaryotes. En d’autres termes, nous pouvons
dire que la complexité d’un organisme n’est pas seulement fonction de l’accroissement
de la taille de son génome mais aussi de la complexification des mécanismes de
fonctionnement de ses gènes. En effet, des organismes plus complexes peuvent avoir
des mécanismes permettant la production de plus d’une protéine par gène simple. Un
exemple de ce type de mécanisme est l’épissage alternatif qui donne différentes
protéines ; la différence entre les protéines provient de la façon dont les introns sont
épissés de l’ARN transcrit pour la constitution de l’ARNm mature. On estime
qu’approximativement les 20 000 gènes humains sont responsables de la production
d’au moins 100 000 protéines.

Un dernier niveau de complexification de l’ADN est la duplication de séquences qui rend


les gènes de plus en plus redondants lorsqu’on passe des Procaryotes aux Eucaryotes.
Par exemple, on estime que la bactérie E. coli contient 1345 gènes dupliqués, alors
qu’un eucaryote comme la drosophile en contient au moins 5000. Ce phénomène se
traduit aussi par la répétition de certaines séquences de nucléotides dans les molécules
d’ADN. C’est le cas des séquences télomériques (aux extrémités des chromosomes),
exoniques et introniques. En dehors des gènes de structure qui sont en séquences
uniques, les autres séquences sont moyennement ou fortement répétées. Contrairement
aux eucaryotes, les procaryotes possèdent très peu de séquences répétées. On pense
que les séquences d’ADN répétées forment la partie non codante du génome qu’on
appelle « ADN poubelle » ou « ADN égoïste». Chez l’homme, elle constitue au moins
95% du génome. Le rôle de l’ADN poubelle n’est pas encore bien élucidé mais on pense

19
qu’il peut intervenir dans la production de la diversité génomique nécessaire à l’évolution
des génomes et à la génération de la diversité phénotypique des individus.

3. LES MUTATIONS DE LA STRUCTURE ET DU NOMBRE DE MOLECULES D’ADN


ET DIVERSITE BIOLOGIQUE
Des modifications aléatoires peuvent affecter la séquence des nucléotides dans les
molécules d’ADN au cours des divisions cellulaires (Mitose et Méiose) et porter sur une
ou plusieurs paires de bases. Mais ces modifications peuvent porter aussi sur le nombre
de molécules d’ADN de la cellule en augmentant ou en diminuant le nombre de
chromosomes caractéristique de l’espèce. Toutes ces modifications qualitatives et/ou
quantitatives de l’ADN cellulaire sont réunies sous le vocable "mutation".
Lorsque la mutation porte sur une seule paire de bases, on dit qu’elle est ponctuelle ;
lorsqu’elle porte sur plusieurs paires de bases au point d’affecter la morphologie du
chromosome, on dit qu’elle est chromosomique structurale. Enfin, lorsque la mutation
porte sur le stock de chromosomes de la cellule en faisant varier le nombre de l’un ou de
tous les types de chromosomes, on dit qu’elle est chromosomique numérique.

3.1. LES MUTATIONS PONCTUELLES ET BIODIVERSITE

Les mutations ponctuelles dont nous parlerons sont celles qui portent sur les portions
d’ADN codant des protéines (les gènes) et qui peuvent avoir des répercutions sur le
phénotype.

Les mutations géniques ponctuelles sont de natures diverses et peuvent consister en :

- une substitution d’une paire de bases par une autre, substitution qui peut être : soit
une transition quand une purine (A et G) remplace une purine ou quand une
pyrimidine (T et C) remplace une pyrimidine, soit une transversion lorsqu’une
purine remplace une pyrimidine et vice versa :

20
- une perte d’une paire de bases ou micro délétion.
- une insertion ou addition d’une paire de bases.

Certaines des protéines synthétisées conformément aux messages transmis par les
gènes sous forme d’ARNm sont des enzymes, c’est-à-dire des substances qui catalysent
toutes les réactions chimiques qui ont lieu dans les organismes vivants. Ce sont ces
réactions biochimiques qui assurent le développement des êtres vivants, donc la
manifestation de leurs caractères ou phénotypes. Toute modification de la composition
en acides aminés des enzymes provoquée par des mutations géniques aura des
répercutions sur l’activité enzymatique et, corrélativement, une incidence sur l’expression
phénotypique.

Pour mieux comprendre le lien plus ou moins direct qui existe entre les variations
structurales de l’ADN et la biodiversité, il est nécessaire de dire quelques mots sur le
développement d’un organisme ou ontogénèse. L’ontogénèse est l’embryologie d’un être
vivant, c’est-à-dire la séquence des transformations qui ont lieu depuis sa constitution
sous forme d’une cellule- œuf ou zygote jusqu’à son état adulte reproducteur. Les
différences fondamentales entre espèces trouvent leur explication dans les différences
qui existent lorsqu’on compare leurs séquences ontogéniques. On entend par séquence
ontogénique d’une espèce l’enchainement dans le temps des évènements qui sont
caractéristiques du développement d’un individu de cette espèce et commun à tous ses
individus. On appelle hétérochronie toute différence (ou transformation) dans la
séquence ontogénique d’une espèce par comparaison avec celle d’une autre espèce.
Les principales étapes de l’ontogénèse dans le règne animal sont :

- La formation du zygote,

- La multiplication cellulaire (division mitotique des cellules issues du zygote),

- La différenciation précoce (gastrulation, neurulation, mise en place des feuillets


embryonnaires, des tissus et des organes),

21
- La croissance fœtale et post-natale qui permet aux organes déjà différenciés
d’acquérir progressivement leur taille, forme et proportions définitives.

L’ontogénèse apparait ainsi comme une cascade d’évènements successifs


rigoureusement programmés et causalement coordonnés dans l’espace et dans le
temps. C’est l’information génétique codée dans les molécules d’ADN qui régule
l’ontogénèse et qui rend donc harmonieux le développement d’un être vivant. Les gènes
qui, dans les molécules d’ADN, sont spécialisés pour coordonner les séquences
ontogéniques sont appelés gènes du développement ou gènes homéotiques.

Chez la drosophile par exemple, ces gènes homéotiques sont classés en trois groupes :

- Les gènes maternels qui commandent l’acquisition des polarités avant/arrière (c’est-
à-dire antéropostérieure) et haut/bas (c’est-à-dire dorso-ventral) de l’embryon.

- Les gènes de segmentation qui commandent l’organisation segmentée du corps de


l’animal ; ce sont ces gènes qui positionnent la tête, le thorax et l’abdomen et qui
commandent donc la différentiation de l’avant et de l’arrière des segments.

- Les gènes sélecteurs homéotiques qui organisent les appendices (pattes, ailes,
antennes, etc.) caractéristiques de chaque segment. Les mutations de ces gènes
produisent d’étranges animaux : pattes en place d’antennes chez les mutants
antennapedia ; pattes en place de trompes chez les mutants proboscipedia ;
doubles paires d’ailes chez les mutants bi-thorax.

Nous pouvons donc dire, après cette brève évocation de l’ontogénèse, que l’édification
complète et harmonieuse d’un être vivant dépend à la fois de l’inaltération de son ADN
contenu dans le zygote et de la coordination parfaite (régulation) de l’expression des
gènes. Faute de quoi, certains individus présenteront un écart par rapport au modèle
phénotypique de leur espèce.

22
Donnons quelques exemples de l’incidence des mutations géniques sur l’expression
phénotypique.

Le premier exemple est celui de l’albinisme chez l’homme.

La mélanine est le pigment qui assure la coloration de la peau, des cheveux, des yeux,
etc. Cette substance provient du métabolisme d’un acide aminé, la phénylalanine (Phe)
comme le montre la chaîne simplifiée des réactions biochimiques que voici :

Phe Tyrosine 2,4 Di hydroxy-phénylalanine

E1 E2 E3 G3

G1 G2 Mélanine

Chaque étape de la transformation de la phénylalanine en mélanine est catalysée par


une enzyme, et les enzymes intervenant dans la chaîne sont désignées E1, E2 et E3. Ces
enzymes sont codées respectivement par les gènes G1, G2 et G3. Toute mutation
ponctuelle portant sur l’un de ces gènes et dont la conséquence est la synthèse d’une
enzyme inefficace ou l’absence de synthèse de celle-ci provoquera l’arrêt de la
biosynthèse de la mélanine. C’est l’absence de ce pigment qui explique l’apparition du
phénotype albinos dans les populations humaines.

Le deuxième exemple est celui du crustacé isopode marin (Sphaeroma serratum).


En 1950, Bocquet et Teissier ont mis en évidence chez cette espèce cinq (5) types
morphologiques en relation avec la couleur du corps (Figure 4). Ils sont désignés par les
lettres A, D, L, O, S.

A = type Albicans O = type Ornatum

D = type Discretum S = type Signatum

L = type Lunulatum

De nombreux croisements entre ces races ont permis de montrer que le poly
chromatisme chez Sphaeroma est gouverné par quatre (4) couples d’allèles

23
indépendants notés D/d, L/l, O/o, S/s. Les interactions épistatiques entre ces gènes (les
allèles en majuscule sont dominants) se présentent comme suit :

- La présence de S à l’état homozygote ou hétérozygote dans le génotype détermine


l’expression du phénotype Signatum, quels que soient les allèles présents aux
autres loci.

- En l’absence de S, la présence de O à l’état homozygote ou hétérozygote


détermine l’expression du phénotype Ornatum, quels que soient les allèles
présents aux autres loci.

- En l’absence de S et O, la présence de L à l’état homozygote ou hétérozygote


détermine l’expression du phénotype Lunulatum, quels que soient les allèles
présents aux autres loci.

- En l’absence de S, L et O, la présence de D à l’état homozygote ou hétérozygote


détermine l’expression du phénotype Discretum.

- Enfin, le génotype quadruple homozygote récessif détermine l’expression du


phénotype Albicans.

Quelques correspondances entre génotypes et phénotypes chez Sphaeroma se


présentent comme suit :

DDLLOOSS
ou
DDLLOOSs
Type Signatum
ou
ddllooSS
ou
ddllooSs

DDLLOOss
ou
DDLLOoss
ou Type Ornatum
ddllOOss
ou
24
ddllOoss
DDLLooss
ou
DDLlooss
ou Type Lunalatum
ddLLooss
ou
ddLlooss

DDllooss
ou Type Discretum
Ddllooss

ddllooss Type Albicans

Un troisième exemple tout aussi révélateur est celui de la drosophile. Lorsqu’on


étudie des populations naturelles de drosophile où la souche sauvage ou souche de
référence a pu être identifiée, on constate l’existence de plusieurs souches (races) qui se
distinguent de la souche sauvage par un ou plusieurs caractères relatifs à toutes les
parties du corps de l’animal. Ces souches dites mutantes proviennent pour la plupart de
mutations ponctuelles portant sur des gènes qui gouvernent ces caractères. Dans le
tableau 2 nous rapportons quelques uns des caractères distinctifs, quand on compare
les races mutantes à la sauvage. L’interprétation du tableau 2 fait apparaître que les
mutations géniques ponctuelles sont une source inépuisable de diversité génétique. En
effet, les quelques exemples de mutations rapportés dans ce tableau permettent de
montrer l’existence de 16 races simple mutantes. Nous verrons plus tard comment la
recombinaison génétique et la fécondation permettent d’obtenir davantage de races
encore.

25
Le même phénomène s’observe chez les végétaux car le poly chromatisme des fleurs,
des fruits, des feuilles, des tiges, ainsi que les variations de la forme des feuilles, des
fruits etc. sont déterminés par des mutations géniques ponctuelles.
Chez la courge (plante diploïde) par exemple, la forme du fruit est sous le contrôle
génétique de deux couples d’allèles indépendants A/a et R/r (les allèles en majuscule
sont dominants) en interaction épistasique (l'interaction existant entre deux ou plusieurs
gènes. Il y a épistasie lorsqu'un ou plusieurs gènes (dominants ou récessifs) masquent
ou empêchent l'expression de facteurs situés à d'autres lieux génétiques (locus)) telle
que :
- La présence simultanée de A et R à l’état homozygote ou hétérozygote dans le
génotype détermine le phénotype ‘’fruit en disque’’.
- La présence de A ou R à l’état homozygote ou hétérozygote dans le génotype
détermine le phénotype ‘’fruit rond’’.
- Le génotype double homozygote récessif détermine le phénotype ‘’fruit allongé’’.
Les correspondances entre génotypes et phénotypes sont les suivantes :

AARR AArr
ou ou
AaRR Aarr
ou Fruit en disque ou Fruit rond
AARr aaRR
ou ou
AaRr aaRr

aarr Fruit allongé

26
Tableau 2 : Diversité phénotypique chez la Drosophile induite par les mutations géniques ponctuelles. Les couples d’allèles gouvernant
les caractères sont indiqués entre parenthèses

SOUCHES (RACES) CARACTERES ET PHENOTYPES


Couleur du corps Forme, taille, aspect des ailes Couleur des yeux
SAUVAGE Gris -Allongé le long du corps Rouge brique
-Arrondi
MUTANTES -Jaune (j+/j) -Découpé (d+/d) -Blanc (b+/b)
-Argenté (ar+/ar) -Atrophié (at+/at) -Rubis (ru+/ru)
-Sable (s+/s) -Réduit (rt+/rt) -Rouge vif (ro+/ro)
-Noir (n+/n) -Recourbé (re+/re) -Marron (ma+/ma)
-Miniature (mi+/mi) -Orange (or+/or)
-Ondulé (on+/on) -Rose (ro+/ro)

27
3.2. LES MUTATIONS CHROMOSOMIQUES STRUCTURALES ET BIODIVERSITE

Bien que les chromosomes soient des éléments relativement stables, ils peuvent subir
des changements structuraux accidentels, appelés aussi aberrations chromosomiques,
qui contribuent dans une large mesure à la diversification biologique.

Le changement structural le plus simple est la fragmentation par rupture d’un


chromosome. Quand cette rupture se produit en dehors de la région centromérique, elle
donne naissance à deux fragments. Le fragment « centrique » pourvu du centromère
persiste alors que le fragment « acentrique » dépourvu de centromère est éliminé. Il en
résulte un chromosome qui diffère de son homologue par l’absence d’un segment
terminal plus ou moins long. C’est ce que l’on appelle une « déficience ».

Une aberration chromosomique qui ressemble à la précédente est la perte d’un segment
interstitiel de chromosome ; c’est ce que l’on appelle une « délétion ». Mais il arrive
parfois que l’on utilise le même terme « délétion » ou « déficience » pour désigner ces
deux types d’aberrations chromosomiques.

La modification chromosomique structurale opposée à la délétion est la « duplication »


dans laquelle un segment intercalaire de chromosome s’ajoute au chromosome original
et provoque une redondance de certaines régions du chromosome. Une telle
modification peut survenir au cours d’un crossing-over inégal entre chromosomes
homologues ou par simple transposition d’un segment de chromosome dans une autre
région du même chromosome ou d’un autre chromosome comme le montre l’exemple
suivant :

ABCD EF JKLM NO
A B
ABCD EF JKLM NO
2 paires de chromosomes originaux

ABCD ECDF JKLM CDNO


A B
ABCD EF JKLM NO
Le segment CD est dupliqué sur l’un des chromosomes A et sur l’un des
chromosomes B .

28
Une autre modification structurale de chromosome est "l’inversion" qui se produit
lorsqu’un segment de chromosome occupe une position inversée par rapport à sa
situation d’origine (Figure 5A). On peut supposer que la formation de cette aberration
débute avec l’établissement d’une boucle suivie d’une double cassure. Les segments
isolés se soudent de telle manière que le segment provenant de la boucle soit inversé.

Le dernier type de modification chromosomique structurale est la « translocation ». Elle


résulte d’échanges de segments entre chromosomes non homologues. Il existe trois
types de translocations :

- La translocation simple qui consiste en un transfert d’un segment terminal d’un


chromosome sur l’une des extrémités d’un chromosome non homologue. Ce
phénomène ne requiert qu’une seule cassure.

- Le Shift qui est le transfert d’un segment intercalaire d’un chromosome dans une
partie d’un autre chromosome non homologue. Cette opération requiert trois
cassures.

- La translocation réciproque qui consiste en un échange de segments terminaux


entre deux chromosomes non homologues, ce qui nécessite deux cassures
(Figure 5B). Au niveau de chaque paire de chromosomes ayant subi une
translocation réciproque, on parle d’hétérozygotie (Figure 5C).

Dans la nature, les aberrations structurales comme les déficiences et les délétions ne
semblent jouer qu’un rôle très minime sur la diversification biologique. En effet, ces deux
types d’accidents chromosomiques en particulier ont généralement un caractère létal,
c’est-à-dire qu’ils sont incompatibles avec la vie.

Les translocations et les inversions, cependant, semblent avoir joué un rôle très
important dans la diversification biologique. Nous allons le montrer à travers quelques
exemples relatifs aux translocations.

Chez les onagres (plante diploïde à 2n = 14 chromosomes appartenant au sous-genre


Œnothera), l’espèce de référence appelée Œnothera hookeri présente à la méiose 7
bivalents. De cette espèce originale, sont dérivées 6 autres espèces par des
translocations réciproques ayant impliqué (Figures 6A et 6B) :

29
• 2 paires de chromosomes Oe. franciscana

• 3 paires de chromosomes Oe. rubrinervis

• 4 paires de chromosomes Oe. rubricalyx

• 5 paires de chromosomes Oe. strigosa

• 6 paires de chromosomes Oe. lamarckiana

• 7 paires de chromosomes Oe. muricata

Dans la superfamille des Acridoïdae (insectes orthoptères), Robertson a montré par une
étude des caryotypes que chez la plupart des espèces le carotype est constitué par 23
chromosomes acrocentriques, soit 11 paires d’autosomes et 1 chromosome X. Chez une
minorité d’espèces, on a 2n=21, 2n=19, 2n=17, mais chez celles-ci il y a toujours
présence d’un certain nombre de chromosomes métacentriques, le nombre de bras étant
toujours égal à 23. Cette situation s’explique comme suit :

• 2 translocations par fusion centromérique ayant impliqué 2 paires d’autosomes


permettent d’expliquer l’existence de l’espèce à 2n=21 (9 paires d’autosomes + 2
métacentriques + 1 X).

• 4 translocations par fusion centromérique de 4 paires d’autosomes permettent


d’expliquer l’existence de l’espèce à 2n=19 (7 paires d’autosomes + 4
métacentriques + 1 X).

• 6 translocations par fusion centromérique ayant impliqué 6 paires d’autosomes


permettent une explication de l’espèce à 2n=17 (5 paires d’autosomes + 6
métacentriques + 1 X).

Remarque : Une translocation réciproque impliquant 2 chromosomes acrocentriques par


fusion centromérique est appelée translocation équilibrée ou translocation
robertsonienne.

Chez l’homme, on sait que l’une des causes de l’apparition du mongolisme (trisomie 21)
ou syndrome de Down est la survenue d’une translocation équilibrée entre l’un des
30
chromosomes 21 et l’un des chromosomes de l’une des paires de chromosomes du
groupe D (13, 14, 15). Cette translocation qui implique le bras long (q) du chromosome
21 et le bras long du chromosome 13, 14 ou 15 est symbolisée par tDq21q (t13q21q,
t14q21q, t15q21q). Un individu mâle ou femelle porteur d’une translocation tDq21q a un
phénotype tout à fait normal, mais garde la possibilité de donner naissance à un enfant
mongolien suivant le mécanisme schématisé ci-après :

21
21
21 14
14 t14q21q
14

Six types de gamètes Méiose

21 21 21

21
14 21 14 14 14 21
14 14
II III IV
I V
VI

A l’issue de la méiose, un individu t14q21q, pris comme exemple, produit 6 types de


gamètes identifiés par les chiffres romains I, II, III, IV, V et VI.

A la fécondation, si un gamète de type IV fusionne avec un gamète normal qui a la


garniture chromosomique du gamète de type VI, l’enfant qui naîtrait serait mongolien
(trisomique 21) par translocation. Dans ce cas particulier on parle de mongolisme

31
héréditaire, et il est possible de prévoir son risque de récurrence dans une descendance.
Nous verrons qu’il existe aussi un mongolisme non héréditaire lorsque nous aborderons
les mutations chromosomiques numériques.

Chez la musaraigne, commune d’Europe, Sorex araneus (mammifère), on a observé une


variabilité chromosomique très importante induite par le phénomène des translocations.
Sur l’immense aire de distribution de cette espèce qui va de l’Europe de l’Ouest jusqu’au
lac Baïkal, le nombre d’autosomes varie de 18 à 30 en raison d’un polymorphisme
robertsonien. Plus impressionnant encore, cette espèce renferme plus de 50 races
chromosomiques différentes : d’une race à une autre, certains chromosomes
métacentriques ne sont homologues que par un seul bras, car ils ont été produits par des
translocations robertsoniennes différentes (Figure 7). En cas d’hybridation entre deux
races, cette homologie monobrachiale sera un obstacle à la formation de gamètes
normaux lors de la méiose. La fertilité même des hybrides est mise en cause par ce
processus qui établit ainsi une barrière d’isolement reproductif, empêchant du même
coup un flux de gènes entre les races. L’apparition de ces barrières reproductives
constitue les prémices de la spéciation, c’est-à-dire de la diversification des espèces.

3.3. LES MUTATIONS CHROMOSOMIQUES NUMERIQUES ET BIODIVERSITE

La variation numérique des chromosomes est une exception à la règle de constance du


nombre de chromosomes de chaque espèce. On distingue deux types de variations
chromosomiques numériques :

- Les variations numériques aneuploïdes qui n’affectent qu’une partie du stock ou lot
de chromosomes de la cellule ou de l’individu.

- Les variations numériques euploïdes qui affectent la totalité du lot de chromosomes


de la cellule ou de l’individu.

3.3.1. Les mutations chromosomiques numériques aneuploïdes

Elles peuvent revêtir plusieurs formes dont nous ne citerons que quelques unes :

• La nullisomie quand un organisme perd 2 chromosomes d’un complément donné


(2n – 2) ; elle est létale chez les organismes diploïdes.

32
• La monosomie quand un organisme diploïde perd un chromosome d’une paire
d’homologues (2n – 1).
• La trisomie quand un organisme diploïde possède un chromosome supplémentaire
(2n + 1).
• La double trisomie quand un organisme diploïde possède 3 exemplaires pour deux
des types de chromosomes (2n + 2).
• La tétrasomie quand un organisme diploïde possède une paire de chromosomes
homologues en 2 exemplaires (2n + 2). A la méiose, au moment où les
chromosomes homologues sont appariés, un organisme diploïde comme le mil
(2n = 14), s’il est tétrasomique (2n + 2 = 16), présentera 6 bivalents et 1
tétravalent.

Les variations chromosomiques numériques aneuploïdes ont une influence sur la


diversité biologique comme le montre les exemples suivants :

Exemple 1 : Chez la drosophile, les mouches monosomiques pour le chromosome IV (on


les appelle aussi haplo-IV) diffèrent phénotypiquement du type sauvage : elles sont plus
petites, moins vigoureuses, se développent plus lentement, ont des yeux plus rugueux,
et des soies plus courtes et fines.

Toujours chez la drosophile, les mouches monosomiques X sont mâles comme les XY.

Exemple 2 : Chez l’homme, les femmes monosomiques pour le chromosome X


présentent le syndrome de Turner ou syndrome de Bonnevie-Ulrich qui se caractérise
par une petite taille, une absence de la pilosité pubienne, des seins et de développement
des organes sexuels. Ces femmes sont donc impubertes et stériles. Elles exhibent un
habitus masculin.

Exemple 3 : Chez l’homme, les hommes disomiques pour le chromosome X présentent


le syndrome de Klinefelter qui se caractérise par une gynécomastie, une atrophie des
testicules et une stérilité. Ces hommes présentent un habitus féminin.

Exemple 4 : Chez l’homme, la trisomie du chromosome 21, liée à la non-séparation des


2 chromosomes 21 à la méiose et la formation de gamètes non réduits appelés gamètes
diplo-21, est responsable du mongolisme non héréditaire ou trisomie 21 libre. Sa
fréquence augmente dans les populations humaines avec l’âge de la mère (0,43/1000
naissances chez des femmes âgées de -20 ans ; 0,6/1000 chez des femmes âgées de

33
20 à 25 ans ; 1,2/1000 chez des femmes âgées de 30 à 35 ans ; 21,7/1000 chez des
femmes âgées de 40 ans et plus, sur la base des données de Collman et al. (1962).

Exemple 5 : La trisomie 13 chez l’homme cause le syndrome de Patau se traduisant par


des perturbations tellement graves que les sujets trisomiques 13 ont une durée moyenne
de vie de 5 mois.

Exemple 6 : La trisomie 18 chez l’homme est responsable du syndrome d’Edward. La


durée moyenne de la vie des mutants n’est aussi que de quelques semaines ou mois
comme dans le cas de la trisomie 13.

3.3.2. Les mutations chromosomiques numériques euploïdes

Pour aborder les mutations chromosomiques numériques euploïdes qu’on appelle aussi
la polyploïdisation, faisons une distinction entre le nombre de chromosomes du gamète
qui est désigné par la lettre n et le nombre de chromosomes constitutif du génome de
base qui est désigné par la lettre x. chez les diploïdes, 2n = 2x ; chez les polyploïdes,
cette relation n’est plus vérifiée comme nous le verrons à travers de nombreux
exemples.

Considérons une espèce végétale comme Festuca ovina qui contient des formes ou
sous-espèces ayant 14, 28, 42, 49, 56 et 70 chromosomes (Bidault, 1968). Pour
l’ensemble de ces nombres, le plus petit commun multiple (7) représente le nombre de
base de l’espèce ou génome de base ; on peut donc dire que dans cet exemple x=7. Le
nombre le plus faible de cette série (14) représente 2 fois le nombre de base et on dit
qu’il est le nombre diploïde de l’espèce ; on a 2n=2x=14 (n=x=7). Les autres formes dont
les nombres chromosomiques sont des multiples de 7 sont qualifiées de polyploïdes.
Dans cette série nous avons donc :

2n=4x=28= tétraploïde

2n=6x=42= hexaploïde

2n=7x=49= heptaploïde

2n=8x=56= octoploïde

2n=10x=70= décaploïde

34
Selon leur origine et leur constitution génomique, on distingue habituellement quatre
grandes catégories de polyploïdes : les autopolyploïdes, les allo polyploïdes
segmentaires, les allopolyploïdes vrais et les autoallopolyploïdes.

• Les autopolyploïdes : ils se forment par multiplication du génome originel. Si l’on


représente ce dernier par AA ou BB ou CC, …, l’autotétraploïde, pris comme exemple,
aura la constitution AAAA ou BBBB ou CCCC, … La caractéristique générale des
autopolyploïdes est leur stérilité car ils produisent à la méiose des gamètes
déséquilibrés. Ils sont donc très rares dans la nature et l’un des rares exemples connus
d’autotétraploïdes est la variété gigas d’Œnothera lamarckiana (une espèce végétale
appelée onagre). Un autre exemple connu est celui des peupliers du groupe des
trembles (Populus tremula) qui sont des autotriploïdes (2n=3x=57). Ces arbres se
multiplient végétativement et forment des clones vigoureux et à croissance très rapide.

● Les allopolyploïdes segmentaires : ils contiennent deux paires de génomes ayant en


commun un grand nombre de segments homologues de chromosomes ou même des
chromosomes entiers, mais qui diffèrent l’un de l’autre par un certain nombre de
segments de chromosomes ou de gènes. La réunion de tels génomes au niveau diploïde
se traduit par une forte stérilité. C’est ce qu’on observe lorsqu’on croise deux espèces
animales proches comme le cheval et l’âne : les hybrides obtenus, qui sont le mulet (âne
x jument) et le bardot (ânesse x cheval), sont stériles. La formation des allopolyploïdes
segmentaires est donc subséquente à une hybridation entre deux types ayant des
génomes voisins. Si les formules génomiques de ces types sont AA, BB, CC, etc. et A’A’,
B’B’, C’C’, l’hybride aura la constitution AA’, BB’, CC’, etc. S’il survient un doublement du
stock chromosomique de cet hybride, on obtient un allopolyploï-segmentaire ayant la
constitution AAA’A’, BBB’B’, CCC’C’, etc.

L’exemple classique d’allo polyploïdie segmentaire est celui que l’on connaît chez
Primula kewensis. Cette espèce végétale est issue du croisement spontané entre P.
verticillata et P. floribunda, deux espèces diploïdes (2n=2x=18). A l’origine, l’hybride F1
diploïde fut entièrement stérile mais au bout de quelques années, cet hybride vivace
donna naissance à un pied fertile tétraploïde (2n=4x=36) par la fusion de gamètes non
réduits.

● Les allopolyploïdes vrais : ils se forment comme les allopolyploïdes segmentaires mais
renferment des génomes nettement distincts. Leur méiose est donc caractérisée par la
formation exclusive de bivalentes homogénétiques. C’est pourquoi ils sont parfaitement
fertiles et sont aussi appelés amphidiploïdes.
35
Un exemple bien connu d’allopolyploïdes vrais est celui de l’espèce végétale Galeopsis
tetrahit qui est un allo tétraploïde avec 2n=4x=32 chromosomes. Muntzing (1930) a pu
réaliser expérimentalement une synthèse de cette espèce à partir de deux espèces
supposées parentes : Galeopsis pubescens (2n=2x=16) et Galeopsis speciosa
(2n=2x=16). L’hybride obtenu, moyennement fertile, a donné une descendance variée
parmi laquelle une forme triploïde (2n=3x=24) qui a été croisée en retour avec G.
pubescens pour obtenir G. tetrahit artificiel. La fécondation d’un gamète non réduit
(2n=24) provenant de l’hybride triploïde par un gamète normal (n=8) venant de G.
pubescens permet d’expliquer ce résultat. Le galeopsis artificiel créé par Muntzing se
croise parfaitement avec le galeopsis naturel.

Dans le complexe d’espèces de chou (Brassica), on connait aussi de nombreuses


espèces allo tétraploïdes vraies formées par des hybridations entre espèces diploïdes.
Comme exemple, nous avons :

Brassica campestris (2n=2x=20) x B. nigra (2n=2x=16)

B. juncea (2n=4x= 36)

B. campestris x B. oleracea (2n=2x=18)

B. napus (2n=4x=38)

B. oleracea x B. nigra

B. carinata (2n=4x=34)

Dans le complexe d’espèces de blé, il existe des diploïdes, des allo tétraploïdes et des
allo hexaploïdes tels que :

Triticum monococcum (2n=2x=14, génome AA)


36
T. timopheevii (2n=4x=28, génome AAGG)

T. turgidum (2n=4x=28, génome AABB)

T. durum (2n=4x=28, génome AABB)

T. aestivum (2n=6x=42, génome AABBDD

Chez les chrysanthèmes, il existe une série polyploïde à côté de l’espèce diploïde :

Chrysanthemum argenteum (2n=2x=18)

C. praealtum (2n=4x=36)

C. sibiricum (2n=6x=54)

C. arcticum (2n=8x=72)

C. pacificum (2n=10x=90)

● Les auto-allopolyploïdes : comme leur nom l’indique, ils sont une combinaison
d’autopolyploïdie et d’allo polyploïdie. Ils ne peuvent donc exister qu’à partir du niveau de
l’hexaploïdie. Nous nous contenterons de mentionner ici le cas le Phleum pratense qui
est hexaploïde et dont la formule génomique serait AAAABB, dans laquelle A est le
génome de P. nodosum et B celui de P. alpinum (Nordenskjold, 1941, 1945).

La polyploïdie, quasi inexistante dans le règne animal, a joué un rôle majeur dans
l’évolution des végétaux en assurant la diversification des familles et des genres (paléo
polyploïdie), ainsi que celle des espèces et des variétés (néo polyploïdie) (Wagner et
Wagner, 1979). En effet, elle est observée dans tous les grands groupes végétaux
(Algues, Bryophytes, Ptéridophytes, Gymnospermes et Angiospermes). Dans le cas des
Angiospermes, de nombreux auteurs ont estimé que la fréquence de la polyploïdie est
égale à 50% (Darlington, 1937), 47% (Grant, 1963), 30-35% (Stebbins, 1971).

Dans la nature, les autopolyploïdes proviennent de la fusion de gamètes non réduits


issus d’individus d’une même espèce alors que les allopolyploïdes sont le résultat
d’hybridations interspécifiques suivies de doublement chromosomique par fusion de
gamètes non réduits.
37
Artificiellement, les polyploïdes sont produits par divers procédés : action du froid et de
certaines substances chimiques comme la colchicine, l’acénaphtalène, les dérivés
halogénés du naphtalène, etc.

Remarque : Dans certains cas, la variation de la longueur totale et de la morphologie


des chromosomes s’ajoute à la variation numérique des chromosomes pour engendrer
une diversité biologique. C’est ce qu’on constate lorsqu’on étudie l’évolution des
caryotypes dans le genre Crépis, comme le montre la figure 8. Cette évolution se
caractérise par une réduction du nombre (n=6, 5, 4 et 3), de la longueur totale et de la
morphologie des chromosomes. Les caryogrammes de la figure 8 ont été établis en
utilisant comme longueur de référence, la longueur totale des chromosomes de C.
kashmirica à laquelle on a attribué le chiffre 100 (E. Babcock, 1947).

4. L’INFLUENCE DES PHENOMENES DE RECOMBINAISON GENETIQUE ET DE


FECONDATION
Les modifications qui affectent la structure de l’ADN sous les formes de mutations
géniques ponctuelles, chromosomiques structurales et chromosomiques numériques
sont les seules sources d’innovations génétiques sans lesquelles la diversification
biologique (on dit encore évolution biologique) est impossible. Mais les gènes nouveaux
apparus suite aux mutations sont figés dans l’environnement des autres gènes avec
lesquels ils partagent le même chromosome. Par ailleurs, dans un contexte diploïde ou
polyploïde, l’expression phénotypique d’un gène mutant n’est immédiatement perceptible
que si celui-ci est dominant. Or, la plupart des gènes mutants sont récessifs et leur
incidence sur le phénotype n’est donc pas immédiate. C’est ici qu’intervient le rôle
déterminant des phénomènes de recombinaison génétique et de fécondation chez les
organismes à reproduction sexuée. Il existe deux types de recombinaisons génétiques :
la recombinaison inter chromosomique et la recombinaison intra chromosomique.

La recombinaison inter chromosomique assure un mélange entre chromosomes


homologues (d’origine paternelle et maternelle) à la métaphase de la première division
méiotique.

La recombinaison intra chromosomique assure une redistribution des gènes au niveau


de chaque paire de chromosomes à travers le phénomène du crossing-over.

38
Le fondement des recombinaisons génétiques réside dans la différenciation des
chromosomes induite par les mutations et qui rend les chromosomes homologues
fonctionnellement différents. Si nous ne considérons que la recombinaison inter
chromosomique, le nombre de types de gamètes qu’un individu diploïde est capable de
produire à la méiose est égal à 2n (n étant le nombre haploïde de chromosomes).

Donnons-en quelques exemples :

Drosophile : 2n = 24 = 16 types de gamètes

Mil : 2n = 27 = 128 types de gamètes

Cacao : 2n = 210 = 1024 types de gamètes

Escargot : 2n = 212 = 4096 types de gamètes

Souris : 2n = 220 = 1048576 types de gamètes

Homme : 2n = 223 = 8388608 types de gamètes

Canne à sucre : 2n = 240 > 109 types de gamètes.

A la fécondation, nous savons que les gamètes paternels et maternels se rencontrent au


hasard pour former les génotypes individuels. En prenant l’homme comme exemple, le
nombre minimal de génotypes individuels qu’un couple hétérosexuel peut produire à
chaque accouplement suivi de fécondation est égal à 2n x 2n = (2n) 2 = (223)2 ; on obtient
un chiffre qui avoisine les 65000 milliards (65 trillions) de génotypes ou descendants
différents. On imagine aisément que ce chiffre puisse être infini si nous faisons intervenir
simultanément les deux types de recombinaison génétique. De cette manière, chaque
fécondation donne naissance à un individu véritablement différent, équipé d’un ensemble
unique de gènes. Ainsi, vient d’être mis en évidence le caractère déterminant des
phénomènes de recombinaison génétique liés à la reproduction sexuée dont nous avons
déjà noté l’importance dans le paragraphe 2 du chapitre 1. En permettant de rebattre les
cartes du patrimoine héréditaire, la recombinaison génétique assure des possibilités
infinies d’association de gènes dans les gamètes, donc une augmentation de la diversité
génétique. Par la combinaison au hasard des gamètes à la fécondation, cette diversité
génétique est davantage amplifiée dans les génotypes qui en résultent.

Par ailleurs, chaque gamète étant pur (première loi de Mendel), c’est-à-dire haploïde, la
rencontre de deux gamètes portant chacun un gène récessif pour le même locus permet
39
la formation d’un génotype homozygote et, subséquemment, l’expression phénotypique
des gènes récessifs masqués par l’hétérozygotie. C’est là que réside l’autre aspect très
important de la reproduction sexuée qui est de permettre une explosion de diversité
phénotypique corrélativement à la diversité génotypique.

Pour concrétiser l’augmentation phénoménale de la diversité génotypique et


phénotypique sous les phénomènes de recombinaison génétique et de fécondation,
reconsidérons l’exemple de la drosophile rapporté dans le tableau 2. Les 16 phénotypes
simple mutants correspondent chacun à un génotype homozygote récessif résultant du
croisement entre mouches sauvages simple hétérozygotes. Pour le caractère « couleur
du corps », si nous considérons l’exemple du phénotype mutant « corps jaune », il
apparaît dans la descendance d’un croisement : j+j x j+j. Pour le caractère « forme des
ailes », le phénotype mutant « ailes découpées » apparait dans la descendance d’un
croisement de génotype : d+d x d+d, etc.

Les croisements entre simple mutants de souche pure dans lesquels ces deux
caractères sont impliqués donneront des descendants F1 double hétérozygotes de
phénotype sauvage. En suite, les croisements de ces mouches F1 entre elles donneront
des descendants parmi lesquels certaines mouches sont sauvages de génotype d+d+j+j+,
d+d+j+j, d+dj+j+ et d+dj+j, d’autres simple mutantes pour l’un ou l’autre des deux caractères
et de génotypes ddj+j+, ddj+j, d+d+jj, d+djj et d’autres encore, double mutantes de
génotype ddjj. Si les mouches double mutantes ainsi obtenues sont croisées avec des
mouches simple mutantes de race pure aux yeux marrons, par exemple, et de génotype
d+d+j+j+mama, on obtient en F1 des mouches triple hétérozygotes de phénotype sauvage
dont les croisements entre elles donneront des descendants présentant des génotypes
et phénotypes variés dont des triple mutants : d+d+j+j+ma+ma+, ddj+j+ma+ma+, d+d+jjma+ma+ ,
d+d+j+j+mama, ddj+j+mama, d+d+jjmama, , , ddjjmama, etc. Les génotypes sont écrits en ligne
pour ne pas tenir compte de l’indépendance ou de la liaison des gènes.

C’est de cette manière que nous pouvons obtenir à partir des 16 races simples mutantes
du tableau 2, 84 races doubles mutantes et 144 races triples mutantes. Donnons
quelques exemples de races double mutantes et simples mutantes :

Races double mutantes

•Corps jaune, ailes découpées


•Corps noir, yeux orange
•Corps argenté, ailes réduites
40
•Corps noir, yeux roses
•Corps jaune, ailes miniatures
•Corps sable, ailes ondulées
•Ailes découpées, yeux blancs
•Ailes atrophiées, yeux marrons.

Races triple mutantes

•Corps jaune, ailes découpées, yeux blancs


•Corps jaune, ailes découpées, yeux marrons
•Corps noir, ailes atrophiées, yeux rubis
•Corps argenté, ailes ondulées, yeux rouge vif
•Corps sable, ailes réduites, yeux orange
•Corps noir, ailes redressées, yeux rubis
•Corps argenté, ailées découpées, yeux roses
•Corps sable, ailes atrophiées, yeux marrons.

On imagine aisément l’extraordinaire variabilité phénotypique que peut contenir une


population naturelle d’une espèce comme la drosophile, conséquence de l’immense
diversité génétique qu’elle recèle en liaison avec les mutations géniques, la
recombinaison génétique et la fécondation. Cette observation est générale à toutes les
espèces à reproduction sexuée.

5. LES ELEMENTS GENETIQUES MOBILES ET LA BIODIVERSITE


La recombinaison intra chromosomique par crossing-over dont nous avons déjà parlé est
une recombinaison homologue puisqu’elle requiert une ressemblance globale entre les
deux fragments d’ADN échangés. Autrement dit, il faut donc que ces fragments aient une
parenté structurale et un lien ancestral. Ainsi, chez les Procaryotes comme chez les
Eucaryotes, la variabilité génétique repose sur un mécanisme limité aux échanges entre
différents allèles de mêmes gènes ou entre gènes différents qui présentent des
similitudes quant à la séquence nucléotidique. Cette limitation réduit beaucoup la vitesse
de l’évolution (c’est-à-dire de la diversification biologique) par recombinaison
homologue ; en d’autres termes, on observe une persistance des espèces qui,
génération après génération, conservent leur identité fondamentale.

41
Cependant, nous avons déjà montré qu’en dehors de la recombinaison homologue, les
variations structurales et numériques des chromosomes sont des mutations génétiques
susceptibles d’entrainer un changement brusque de l’identité fondamentale des espèces.
Vers le milieu du 20e siècle, on a découvert l’existence de divers processus de
recombinaison « illégitime » capables de réunir des fragments d’ADN ayant peu ou pas
d’homologie de séquence nucléotidique. Une telle recombinaison est souvent effectuée
par des éléments génétiques mobiles appelés éléments transposables ; ces éléments
sont des segments d’ADN, discontinus structuralement et génétiquement, capables de
se déplacer d’une molécule d’ADN à l’autre. Le terme de « gènes sauteurs » est souvent
utilisé pour désigner aussi les éléments transposables. L’unité d’élément génétique
transposable est appelé transposon. Chaque transposon est caractérisé par des
extrémités constituées de séquences nucléotidiques en répétitions inversées (Figure
9A). Le mouvement assurant le transfert du transposon est appelé transposition. Les
éléments transposables ont d’abord été découverts chez les céréales (plus précisément
chez le maïs par une généticienne américaine, Barbara McClintock, à la fin des années
1940, ce qui lui a valu le prix Nobel en 1983), puis chez les phages, bactéries,
champignons, insectes, virus, et animaux plus complexes.
Les éléments transposables peuvent être de deux types. Le premier est une séquence
relativement courte d’ADN qui a la capacité de « sauter » d’un point à un autre du
génome. Ces éléments contiennent généralement un ou quelques gènes, parmi lesquels
le gène d’une enzyme nécessaire à la transposition appelée transposase. Ces éléments
se retrouvent chez les Procaryotes et les Eucaryotes. Le second type d’éléments
transposables doit passer par un ARN intermédiaire (un ARNm) qui est converti en ADN
avant que ce dernier ne soit inséré en un nouveau site du génome. Ces éléments sont
dénommés rétrotransposons et montrent des analogies avec les rétrovirus. Ils se
rencontrent principalement chez les organismes eucaryotes. Par ailleurs, les éléments
transposables peuvent êtres fonctionnels, c’est-à-dire capables d’assurer eux-mêmes
leur transposition, ou non fonctionnels dans le cas ou ils ne pourraient induire à eux
seuls leur déplacement.
Il est apparu que le processus de la transposition joue un rôle non négligeable dans
l’organisation de l’information génétique et dans la régulation de son expression. Ainsi, la
transposition peut provoquer des mutations ; elle est donc une source potentielle de
modifications génomiques, et subséquemment, de diversité biologique.
En effet, les éléments transposables peuvent emmener dans leur déplacement des
séquences d’ADN adjacentes, engendrant ainsi des mutations ou peut-être des sites de
recombinaison au sein du génome. Lorsqu’un transposon se trouve inséré dans la région
42
codante d’un gène, il interrompt cette dernière et inactive l’expression du gène concerné.
De plus, les éléments transposables peuvent contenir des signaux de fin de transcription
et /ou de traduction qui bloquent l’expression d’autres gènes situés en aval du site
d’insertion, ce qui est le cas dans les opérons. Cet effet mutationnel unidirectionnel (ou
polarité) est décrit sous le terme de « mutation polaire ». La transposition peut aussi
aboutir à l’induction d’activités oncogéniques ou déclencheuses de cancer.
En provoquant des modifications génomiques brutales auxquelles sont associées des
variations phénotypiques inattendues, les éléments transposables se révèlent être une
source d’accélération de l’évolution à l’instar des variations structurales et numériques
des chromosomes. Quelques exemples de modifications phénotypiques provoquées par
les éléments transposables sont donnés par les figures 9B et 10.

B. INTERET, EROSION ET CONSERVATION DE LA BIODIVERSITE

1. INTERET DE LA BIODIVERSITE
Le terme biodiversité peut être remplacé aussi par le terme <<ressources génétiques >>
puisque ces deux concepts désignent l’ensemble des être vivants qui peuplent la terre.
Or, nous avons déjà vu que la taxonomie classique regroupe les être vivants en de
grands ensembles qui vont du règne à l’espèce. C’est dans cette logique que les
ressources génétiques sont divisées en deux grandes entités : les ressources
phytogénétiques (ensemble des être vivants constituant le règne végétal) et les
ressources zoo génétiques (ensemble des être vivants constituant le règne animal).

Dans ce cours, nous n’avons pas abordé le fonctionnement des écosystèmes dans
lesquels sont intégrées les ressources génétiques en fonction de leurs exigences vitales.
Dans les systèmes écologiques qui constituent la biosphère, les espèces vivantes sont
interdépendantes si bien que l’intégrité de chaque composante est indispensable pour
l’équilibre de l’ensemble. Autrement dit, l’existence de chaque espèce dépend de celle
des autres espèces. Comme nous le savons, la biosphère représente la partie de
l’écorce terrestre et de l’atmosphère contenant une vie organique. Le maintien de la
biosphère est assuré par l’existence-même de la biodiversité dont l’importance vitale
apparait ainsi. En effet, la diversité intra spécifique est indispensable pour assurer à
l’espèce une plus grande souplesse d’adaptation quand les conditions du milieu
changent radicalement. Cette assertion s’applique aussi aux genres, familles, ordres,
43
etc. C’est par ce principe qu’on peut expliquer la survie de nombreuses espèces
animales et végétales après la disparition en masse d’autres espèces tout au long de
l’histoire évolutive de la vie sur terre. Par exemple, dans le règne végétal les
gymnospermes étaient prédominants au carbonifère mais aujourd’hui ce sont les
angiospermes qui prédominent.

Dans les paragraphes qui vont suivre, nous allons seulement montrer comment l’homme
a su tirer profit de la biodiversité ou ressources génétiques en sélectionnant des espèces
animales et végétales adaptées à ses besoins par le phénomène de la domestication.

En effet, ayant constaté que sa survie dépendait des animaux et des plantes (arbres
fruitiers, tubercules, graminées, etc.), l’homme a commencé à organiser d’abord la
cueillette et la chasse, et ensuite l’agriculture et l’élevage. Les premiers champs
constitués par l’homme étaient basés sur des populations végétales naturelles. En
remarquant par exemple que certaines graminées sont plus abondantes dans certaines
zones écologiques que dans d’autres, l’homme s’est contenté dans un premier temps à
sauvegarder ces zones. Mais la gestion de ces réservoirs d’aliments n’était pas toujours
facile car, mis à part la distance qui séparait son habitat de la zone de cueillette, il n’était
pas le seul qui avait accès à ces ressources.

Certains historiens pensent que les premières guerres qui ont eu lieu entre les peuples
primitifs étaient justifiées par la farouche volonté de contrôler les zones comportant ces
ressources. L’homme a fini par décider de rapprocher ces ressources de son habitat, et
c’est ainsi que sont nés les premiers champs autour des zones d’habitation. Ces champs
contenaient évidemment des plantes alimentaires très variées que l’homme s’évertuait à
reproduire. De cet effort est née l’agriculture. L’homme s’est rendu compte que la
diversité était très avantageuse pour lui, car ce qui lui permettait de survivre dans les
périodes difficiles c’était de pouvoir disposer de ressources alimentaires dont
l’exploitation pouvait s’étaler sur toute l’année. De toute évidence, aucune espèce
végétale ne pouvait à elle seule satisfaire cette condition.

De plus, l’homme a remarqué que même pour une espèce végétale donnée, il existe des
formes plus vigoureuses que d’autres, des formes qui supportent mieux les conditions
climatiques que d’autres. Et comme il ne pouvait pas prédire la situation future dans
laquelle il se trouverait, il a judicieusement conservé la diversité naturelle. Dans ce
processus de domestication, l’homme s’est aussi rendu compte que la proximité qu’il a
artificiellement créée en regroupant différents individus de la même espèce qui ont des

44
caractéristiques différentes entrainait la combinaison entre ces caractères dans les
descendances.

Petit à petit, l’homme est arrivé à regrouper dans un nombre limité de génotypes ou
d’individus beaucoup de caractères intéressants pour lui. C’est ainsi que la
domestication a permis d’aboutir à l’amélioration variétale. Ce processus d’amélioration
qui a évolué à travers les âges est à la base de l’agriculture moderne. Il est donc évident
que l’homme est capable de changer le cours de l’évolution. Par la domestication, il a su
contrôler durant des milliers d’années la reproduction des espèces sauvages pour
adapter leur évolution à ses besoins propres. Du blé, du riz, du maïs, des vaches, des
poulets et des chiens sont tous dérivés d’espèces sauvages.

Dans le cas des espèces végétales, la domestication a d’abord permis la création


d’espèces cultivées traditionnelles. Sous la pression de sélection continue exercée par
l’homme, on est passé des variétés traditionnelles à des variétés lignées pures ou des
variétés hybrides issues de croisements entre lignées pures. Les exemples du blé et du
maïs illustrent deux manières différentes selon lesquelles cette évolution s’est faite. Le
blé a évolué grâce à deux évènements polyploïdes de spéciation, le premier à conduit à
la production du blé dur (T. turgidum), le second à la formation du froment ou blé tendre
utilisé dans la panification (T. aestivum). Le maïs, d’autre part, a évolué directement à
partir d’une espèce sauvage appelée téosinte. Alors que le téosinte possède de longues
branches latérales, chacune pleine de structures reproductrices mâles, le maïs a des
branches latérales courtes, chacune inclinée avec des structures femelles. Ainsi, le maïs
produit plus de graines et donc plus de nourriture. Les études génétiques récentes
indiquent que les nombreuses différences en termes de forme entre le maïs et le téosinte
sont contrôlées par des variations dans la régulation d’un seul gène. Les premiers
fermiers d’Amérique Centrale (où a débuté la domestication du maïs) ont probablement
repéré un plant de téosinte présentant certaines mutations qui ont changé l’expression
de ce gène et, en multipliant sélectivement ce mutant, ont continué à guider l’évolution
du maïs à partir de téosinte.

Dans le cas des espèces animales, il semble maintenant évident que le bétail bovin a été
domestiqué trois fois depuis le bœuf sauvage maintenant éteint (Bos primigenius) appelé
Auroch. Le résultat est l’obtention de deux espèces domestiquées : Bos taurus (le
taureau domestique) et Bos indicus (le zébu à bosse). Quant aux poulets actuels, ils ont
été domestiqués à partir d’une volaille de la jungle asiatique méridionale. Pour ce qui
concerne les chiens, ils ont été domestiqués à partir des loups gris en plusieurs étapes.
45
Ainsi, la remarquable diversité des chiens représente les effets d’une sélection artificielle
sur un nombre restreint de loups domestiqués (Figure 11).

Tout comme chez les végétaux, le perfectionnement de la domestication a abouti à la


création d’animaux de race, c’est-à-dire de souche pure. Il existe aujourd’hui des
chevaux, des chiens, des moutons, des porcs, des bœufs, des poulets etc., de race
pure.

2. EROSION DE LA BIODIVERSITE
L’histoire de la biologie évolutive montre qu’il existe de nombreuses pressions érosives
de la diversité biologique. Ces pressions sont d’origines naturelle et anthropique. En
effet, de nombreux facteurs naturels comme les incendies de forêt provoqués par des
foudres et des coulées de laves volcaniques chaudes, les émissions de gaz volcaniques
toxiques, les cataclysmes provoqués par les chutes de grosses météorites, les
glaciations etc., ont entrainé des extinctions à grande échelle d’espèces animales et
végétales, réduisant de manière impressionnante la biodiversité. Nous en avons pour
preuves, la crise de la fin du Dévonien (-365 millions d’années) qui a vu la disparition
d’environ 70 % des espèces, la crise de la transition Permien/Trias (-245 millions
d’années) qui a entrainé la disparition d’environ 95 % des espèces, celle de la fin du
Trias (-205 millions d’années) à laquelle on attribue la disparition de 60 % des espèces
et la dernière grande crise de la transition Crétacé/Tertiaire (-65 millions d’années) qui a
provoqué la disparition d’environ 70 % des espèces dont tous les gros reptiles comme
les Dinosaures. On pense qu’aucune espèce strictement terrestre de plus de 25
kilogrammes n’a survécu à cette crise.

A cela, s’ajoutent les effets dévastateurs de l’environnement induits par les activités
relatives au développement humain : industrialisation polluante, urbanisation accélérée
(du fait de l’explosion démographique), déforestation à grande échelle pour la réalisation
de grands projets agro-industriels et de cultures de subsistance, incendies de forêts
allumés par l’homme, chasse incontrôlée des animaux, catastrophes maritimes
provoquées par l’exploitation et le transport de pétrole etc. Ces pressions anthropiques
érosives de la biodiversité sont si agissantes que de nombreuses espèces animales et
végétales actuelles ont disparu ou sont en voie de l’être (espèces endémiques). Mais
dans ce paragraphe, nous parlerons brièvement de l’érosion de la biodiversité sous la
seule pression de facteurs d’ordre génétique tels que la sélection naturelle, la sélection
artificielle, la dérive génétique aléatoire et la consanguinité. En d’autres termes, nous ne

46
donnerons rien qu’un bref aperçu des effets des forces d’érosion de la variabilité
génétique, c’est-à-dire de l’appauvrissement en gènes des espèces.

● La dérive génétique : C’est le phénomène qui conduit à la fixation des allèles dans les
lignées d’effectif génétique limité. Elle se produit à chaque génération du fait du faible
effectif des fluctuations aléatoires des fréquences alléliques qui vont jusqu'à entraîner la
perte de certains autres. Le processus de dérive conduit donc à une érosion complète de
la variabilité génétique s’il n’est pas compensé par un certain degré de migration, venant
éventuellement d’autres lignées en dérive, mais qui n’auront pas fixé les mêmes allèles
puisque c’est un processus aléatoire.

● La consanguinité : Elle consiste en des croisements (ou accouplements) d’individus


apparentés. Elle conduit aussi à la fixation aléatoire et complète d’un allèle de chaque
gène. Elle ne diffère pas de la dérive génétique lorsqu’elle a lieu dans une population de
faible effectif. Toutefois, l’application de systèmes de croisements consanguins de
manière systématique permet de parvenir plus vite à la fixation des allèles. Dans le cas
de croisements frères par sœurs, 10 générations suffiraient à obtenir l’homogénéité
d’une lignée.

Que ce soit la dérive ou la consanguinité, c’est la variabilité intra-lignée qui s’amenuise et


non la variabilité entre lignées.

● La sélection naturelle : C’est le phénomène qui agit sur les différences d’adaptation
des individus. En effet, dans un milieu de vie caractérisé par des conditions stables
(froid, chaleur, sécheresse, pluviosité, humidité, lumière, compétition, parasitisme,
prédation etc.), les individus dont les phénotypes sont les moins adaptés sont éliminés
en masse. Seuls les mieux adaptés survivent et transmettent à leurs descendants leurs
caractères adaptatifs. En éliminant directement les phénotypes les moins adaptés, la
sélection naturelle élimine indirectement les génotypes qui les gouvernent. De cette
manière, des espèces entières peuvent être éliminées au profit d’autres espèces qui
prennent le dessus. En agissant ainsi, la sélection naturelle occasionne une grande perte
de variabilité génétique.

● La sélection artificielle : Elle opère comme la sélection naturelle ; à la seule différence


qu’ici la pression de sélection est imposée par l’homme en fonction des besoins qu’il veut
satisfaire. Nous avons déjà montré que le perfectionnement de la domestication,
exigence de l’agriculture et de l’élevage modernes, a conduit à la création de variétés
lignées pures chez les végétaux et d’animaux de race pure. Malheureusement, ce
47
succès retentissant de l’agriculture et de l’élevage a eu pour conséquence l’abandon
progressif de nombreuses souches ou variété traditionnelles de plantes et d’animaux au
profit de variétés ou races améliorées plus productives. Aujourd’hui, nous pouvons
affirmer de manière péremptoire que de nombreuses variétés ont totalement disparu.
L’agriculture et l’élevage modernes ont conduit progressivement au remplacement de la
variabilité par l’uniformité.

Cette érosion génétique, consubstantielle à la sélection artificielle, est source de danger.


Un exemple concret nous vient du maïs dont la variété CMS-T (Cytoplasmique Male
Stérile-Texas) était utilisée pour la constitution des champs (80%) dans les années 60-70
aux USA. Malheureusement, l’apparition d’une souche mutante d’un champignon appelé
Helminthosporium maydis, à laquelle la variété CMS-T était seule sensible, a entrainé
une catastrophe agricole en 1970 par la perte de 80% de la production de maïs. Cet
évènement majeur a suscité une prise de conscience mobilisatrice de la nécessité
absolue de conserver la variabilité génétique. Ainsi, sont nés les grands programmes de
conservation des ressources génétiques.

3. CONSERVATION DE LA BIO DIVERSITE


La conservation de la diversité biologique peut se faire sous des formes variées.

3.1. CONSERVATION IN-SITU :

La conservation in-situ d’un matériel biologique consiste en son maintien dans son
écosystème naturel en prenant toutes les dispositions pour sauvegarder l’équilibre de cet
écosystème. Sous cette forme, on peut citer : les aires protégées, les parcs nationaux,
les forêts classées, les réserves naturelles et les forêts sacrées.

3.2. CONSERVATION EX-SITU :

Elle consiste en des collections qui peuvent revêtir plusieurs formes :

• Les collections vivantes : Elles sont constituées de matériels biologiques prélevés dans
différents écosystèmes pour constituer des parcs à bois (jardins botaniques,
collections spécialisées de plantes pérennes comme les caféiers et les cacaoyers par
exemple, les bois sacrés).

48
• Les Collections en champ : Elles sont faites pour les cultures vivrières, cultures
annuelles, plantes médicinales etc.

• Les collections en chambre froide : Elles sont faites pour les semences comme les
graines.

• Les collections in vitro : Elles consistent en la conservation de plantes sous forme de


micro-boutures repiquées en milieux de culture artificiels totalement aseptisés.

• La cryoconservation : Elle est faite pour les embryons ou autres structures cellulaires
embryogéniques, à des températures inhibant toutes les fonctions biologiques, sans
pour autant tuer les tissus.

CONCLUSION
Nous savons que les pressions venant des facteurs du milieu agissent directement sur
les phénotypes individuels. Les réponses différentielles produites par les individus sous
ces pressions déterminent leur adaptation ou leur élimination : c’est le phénomène de la
sélection naturelle. Les divergences intra spécifiques qui en résultent, si elles sont
accompagnées par des phénomènes d’isolement (l’isolement écologique par exemple),
peuvent conduire à la naissance d’écotypes. Un écotype se définit comme étant une
population dont les caractéristiques héréditaires sont le produit de la réaction entre les
génotypes et le milieu. C’est le résultat de l’action sélective des facteurs prédominants
du milieu qui éliminent les biotypes défavorables et produit des populations
génétiquement adaptées. Si cette différenciation intra spécifique se maintient et s’il s’y
ajoute des phénomènes d’isolement reproductif (isolement pré-zygotique, isolement
zygotique, isolement post-zygotique), elle conduira à la différenciation spécifique, donc à
la spéciation (c’est-à-dire la naissance de nouvelles espèces). La spéciation est le
moyen par lequel la diversité de la vie s’est produite.

Les différences génétiques entre individus au sein des populations d’une espèce
constituent donc le point de départ de l’explosion de diversité que nous constatons entre
les espèces et les grands groupes d’espèces.

C’est la biodiversité qui assure l’équilibre de la biosphère car toutes les espèces vivantes
sont interdépendantes. Malheureusement, les civilisations humaines sont en train de
compromettre cet équilibre. Grâce à la diversité génétique qui prédispose les espèces

49
vivantes à toutes les formes d’adaptation, les chances de survie aux changements
imprévisibles des conditions du milieu sont garanties à tous les groupes d’êtres vivants.
C’est pourquoi, nous pensons que le plus grand défi que toutes les civilisations
humaines actuelles se doivent de relever absolument est celui de la préservation de la
biodiversité. Du succès de cet enjeu dépendent notre survie et celle de toutes les autres
espèces.

50
ANNEXES

51
Figure 1 : Echantillon de la biodiversité dans le Règne animal

52
Figure 2

53
Tableau 1 :

54
Figure 3 :

55
56
Figure 5 :

57
Figure 6A

Figure 6B

58
Figure 7 :

59
60
Figure 9 :

61
Figure 10 :

62
Figure 11 : Diversification des chiens sous la pression de la domestication

63

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