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ET DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE
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UPR DE GENETIQUE
MASTER 1 – BIOTECHNOLOGIE-BIOSECURITE-BIORESSOURCES
COURS MAGISTRAL
UE MUTATIONS ET HEREDITE
EXTRANUCLEAIRE
1
SOMMAIRE
OBJECTIFS DU COURS 3
ANNEXES 51
2
OBJECTIFS DU COURS
L’objectif général de ce cours est de faire connaître qu’une large part de la diversité que
nous constatons au sein et entre les espèces vivantes est génétiquement déterminée,
c’est-à-dire explicable par des facteurs génétiques.
Dans ses objectifs spécifiques, ce cours fera connaître :
- Le lien de cause à effet qui existe entre l’ADN (Acide Désoxyribonucléique) et la vie.
- Le lien de cause à effet qui existe entre la ressemblance et la dissemblance des êtres
vivants et les propriétés de l’ADN.
- L’intérêt génétique et les risques d’érosion de la diversité biologique.
3
CHAP. 1 – GENESE DE LA BIODIVERSITE
4
1. DEFINITION DE LA BIODIVERSITE
Les conditions environnementales qu’offre notre planète, la Terre, sont si propices à la
vie que celle-ci est présente partout. Dans les calottes glaciaires, les sources thermales
les plus chaudes, les abîmes les plus sombres des océans, dans le sol, l’air et sur terre
des êtres vivants pullulent. Mais qu’est-ce qu’un être vivant ? N’importe quel individu
humain sait faire la différence entre un bloc de pierre qui est un être inanimé non biotique
et un être vivant comme un poisson qui s’agite dans un aquarium. Et pourtant les
scientifiques n’arrivent pas à s’accorder sur la vie ou la non-vie de quelque chose.
Entre autres définitions de l’être vivant, celle que nous proposons dans le cadre de ce
cours est la suivante : « l’être vivant est cette entité qui se caractérise par sa composition
cellulaire, sa reproduction à partir du matériel héréditaire ou matériel génétique (l’ADN),
sa capacité de croître et de se développer, son aptitude à capter l’énergie dans son
environnement, à percevoir les signaux de cet environnement et à réagir en
conséquence, son haut niveau d’organisation et sa capacité d’évoluer, c’est-à-dire de
subir des changements dans sa structure et son comportement au cours des
générations ».
La biodiversité peut donc être définie comme étant la diversification de la vie à travers
l’infinie variabilité qu’exhibent les êtres vivants. Autrement dit, la biodiversité est la
variabilité que nous constatons au niveau des structures, des modes de vie et des
comportements des organismes vivants en relation avec des contextes
environnementaux physico-chimiques tout aussi diversifiés, le tout constituant des
complexes intégrés que nous appelons écosystèmes .
5
autotrophes et en hétérotrophes selon la manière dont elles accèdent à l’énergie pour
assurer leurs métabolismes. Si nous penons en compte leur rythme circadien
(organisation séquentielle des diverses fonctions d’un organisme au cours d’une période
de 24 heures), les animaux se distinguent en diurnes et en nocturnes, et si nous
considérons la durée de l’éclairement nécessaire pour déclencher leur floraison, les
végétaux se distinguent en plantes de jours courts et en plantes de jours longs. Un
échantillon de cette biodiversité dans le règne animal nous est présenté dans la figure 1.
Cette phase d’évolution de la terre a culminé avec l’apparition des premières formes de
vie qu’on identifie à des bactéries découvertes dans des couches sédimentaires dont
l’âge est estimé à environ 3,5 milliards d’années. Ces bactéries étaient probablement
des descendants du dernier ancêtre de toutes les cellules actuelles baptisé du nom de
LUCA (Last Universal Cell Ancestor). De l’évolution de ces bactéries primitives sont nées
les Archéobactéries, les bactéries anaérobies photosynthétiques et finalement les
Bactéries aérobies qui ont évolué à leur tour pour donner naissance aux cyanobactéries
(Algues bleues) qui sont des organismes unicellulaires eucaryotes. En effet, avec le
développement de l’activité photosynthétique, l’atmosphère terrestre primitive anoxique
s’est enrichie progressivement en oxygène libre dont on pense que la concentration
6
primitive atteignait 2 à 3 pour cent de son niveau actuel. Cela a eu pour conséquence
l’extinction d’un grand nombre de procaryotes primitifs et le confinement de certains dans
des milieux sans oxygène.
Le passage des procaryotes aux premiers eucaryotes unicellulaires s’est fait par une
lente évolution biologique qui a durée 2 milliards d’années environ. L’évolution biologique
est l’ensemble des transformations subies par les êtres vivants dans leur structure, mode
de vie et comportement en liaison avec les contraintes imposées par le milieu depuis
l’apparition de la vie sur terre. Comme on le voit, jusque-là, le monde vivant n’était que
très peu diversifié, faute de moyen pour innover. La reproduction ne se faisait que par
simple mitose (division cellulaire homéotypique) génération après génération.
7
de maintenir des possibilités virtuelles, c’est-à-dire non réalisées, de combinaisons
génétiques. De ce fait, une population animale ou végétale peut conserver une variabilité
génétique très supérieure à celle qu’elle pourrait présenter en raison de l’effectif limité de
ses individus. Au cours des générations qui se succèdent et selon les nécessités
d’adaptation aux conditions du milieu, cette variabilité peut passer du « virtuel » au
« réalisé ». C’est là que réside le grand avantage de la reproduction sexuée.
8
L’espèce, qui est un ensemble d’individus ayant des caractères communs, naturellement
interféconds et produisant des descendants viables et fertiles, constitue donc le premier
niveau d’organisation de la diversité biologique.
Il est donc évident que les différences sont beaucoup plus faciles à mettre en évidence
quand on compare des espèces appartenant à des genres différents ou des espèces de
familles différentes.
En définitive, les affinités et les différences que présentent les êtres vivants ont permis
leur regroupement en espèces, les espèces en genres, les genres en familles, les
familles en ordres, les ordres en classes, les classes en embranchements et les
embranchements en règnes. Six règnes d’êtres vivants sont actuellement définis :
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- Le règne des Plantes
- Le règne des Champignons
- Le règne des Animaux
Règne : Animal
Embranchement : Vertébré
Classe : Mammifère
Ordre : Primate
Famille : Hominidé
Genre : Homo
Espèce : Homo sapiens
L’abondance des espèces dans les six grands groupes d’êtres vivants est matérialisée
par la figure 3.
10
CHAP. 2- DETERMINISMES GENETIQUES DE LA
BIODIVERSITE
11
A. LES MECANISMES GENETIQUES QUI ENGENDRENT LA
BIODIVERSITE
Il ne faut pas perdre de vue que les conditions du milieu dans lequel se développent les
êtres vivants exercent une pression permanente sur l’expression de l’ADN. Ainsi, la
typologie phénotypique globale que présente un être vivant à tout instant est la
résultante de l’interaction entre le génotype (l’ADN) et le milieu. Par exemple, si des
grains d’une même variété lignée pure de maïs (donc de génotype identique) sont
semés, les uns sur un sol pauvre en matières organiques et minérales et les autres sur
un sol riche, les plantes qui en seront issues présenteront des phénotypes très différents
comme si elles provenaient de génotypes distincts. Cependant, dans les
développements qui suivent, nous ne nous intéressons qu’à la seule contribution du
génotype à la diversification du monde vivant.
12
et qui est donc responsable de la stabilité sans laquelle les populations de cellules et
d’organismes ne pourraient exister.
Réplication
DOGME CENTRAL DE LA BIOLOGIE MOLECULAIRE
La vie étant apparue une seule fois sur terre, l’ADN de la cellule qui est l’ancêtre de
toutes les cellules actuelles est la mémoire de la parenté de tous les êtres vivants, c’est-
à-dire de leur origine commune. L’universalité du code génétique en est un indice
13
tangible comme le montre bien la transgénèse qui est le transfert de gènes (portions de
molécules d’ADN) d’un organisme dans un autre organisme appartenant à une espèce
différente. Un gène humain peut donc s’exprimer parfaitement dans un organisme
bactérien et vice versa.
Comme nous venons de l’évoquer, l’ADN est la mémoire de l’origine commune de tous
les êtres vivants. Nous avons signalé aussi le lien direct entre la variabilité génétique et
la diversité des phénotypes. Mais en quoi consistent les modifications qui ont affecté la
structure de l’ADN et qui ont permis, au cours de l’évolution biologique, la naissance
d’espèces nombreuses et variées ?
14
parfois que des portions d’ADN provenant des plasmides soient incorporées dans le
chromosome bactérien.
Chez les Eucaryotes, le matériel héréditaire est composé de plusieurs molécules d’ADN,
donc de plusieurs chromosomes formant ce que l’on appelle le génome nucléaire. En
dehors de l’ADN nucléaire, les eucaryotes possèdent aussi de l’ADN dans les
mitochondries (ADNmt) et les chloroplastes (ADNct). On parle de génomes mitochondrial
et chloroplastique ou plastidial.
Chaque espèce eucaryote est caractérisée par un nombre de chromosomes qui est
normalement constant dans chacune de ses cellules. Si par hasard deux espèces
possèdent le même nombre de chromosomes, la séquence des bases dans les
molécules d’ADN ainsi que la morphologie et la taille des chromosomes varient entre les
deux espèces. D’ailleurs, l’espèce dont nous avons déjà entamé une définition est un
groupe d’organismes possédant des ensembles de gènes essentiels en commun,
naturellement interféconds, produisant des descendants viables et fertiles et qui sont
incapables de se reproduire naturellement avec les individus d’une autre espèce. C’est la
différenciation génétique qui rend les chromosomes de deux espèces incompatibles et
entraine leur isolement reproductif.
15
Ce sont des espèces qui vivent à l’état haploïde sur la plus grande partie de leur cycle de
développement.
• Pleurotus (Basidiomycète) : n= 11
• Volvariella (Basidiomycète) : n= 15
Ce sont des espèces qui vivent à l’état haploïde sur une moitié de leur cycle de
développement et à l’état diploïde sur l’autre moitié.
Ce sont des espèces qui vivent à l’état diploïde sur la plus grande partie de leur cycle de
développement.
16
• Dauphin : 2n = 44
• Escargot : 2n = 24
• Rat : 2n = 42
• Souris : 2n = 40
• Cobaye : 2n = 64
• Lapin : 2n = 44
• Chat : 2n = 38
• Chien : 2n = 78
• Cheval : 2n = 64
• Poulet : 2n = 78
• Chimpanzé : 2n = 48
• Homme : 2n = 46
• Haricot : 2n = 22
• Soja : 2n = 40
• Petit pois : 2n = 14
• Chou : 2n = 18
• Oignon : 2n = 16
• Tomate : 2n = 36
• Mil : 2n = 14
• Sorgho : 2n = 20
• Maïs : 2n = 20
• Coton (Sauvage) : 2n = 26
• Coton (Cultivé) : 2n = 52
• Tabac (Sauvage) : 2n = 24
17
• Tabac (Cultivé) : 2n = 48
• Café (Robusta) : 2n = 22
• Café (Arabica) : 2n = 44
• Cacao : 2n = 20
• Taro (Colocasia) : 2n = 28
• Taro (Xanthosoma) : 2n = 26
• Canne à sucre : 2n = 80.
18
codantes). C’est pourquoi, contrairement aux procaryotes, chez les eucaryotes les gènes
sont transcrits dans le noyau d’abord sous la forme d’un ARN pré messager (ARN
immature non traductible en protéine) avant de subir, toujours dans le noyau, une
maturation post-transcriptionnelle. Cette maturation se traduit par l’élimination des
introns et le raccordement des exons pour donner l’ARNm traductible en protéine qui
passe dans le cytoplasme pour la traduction. C’est le phénomène de l’excision-épissage
lié à la structure en mosaïque des gènes eucaryotes. En d’autres termes, nous pouvons
dire que la complexité d’un organisme n’est pas seulement fonction de l’accroissement
de la taille de son génome mais aussi de la complexification des mécanismes de
fonctionnement de ses gènes. En effet, des organismes plus complexes peuvent avoir
des mécanismes permettant la production de plus d’une protéine par gène simple. Un
exemple de ce type de mécanisme est l’épissage alternatif qui donne différentes
protéines ; la différence entre les protéines provient de la façon dont les introns sont
épissés de l’ARN transcrit pour la constitution de l’ARNm mature. On estime
qu’approximativement les 20 000 gènes humains sont responsables de la production
d’au moins 100 000 protéines.
19
qu’il peut intervenir dans la production de la diversité génomique nécessaire à l’évolution
des génomes et à la génération de la diversité phénotypique des individus.
Les mutations ponctuelles dont nous parlerons sont celles qui portent sur les portions
d’ADN codant des protéines (les gènes) et qui peuvent avoir des répercutions sur le
phénotype.
- une substitution d’une paire de bases par une autre, substitution qui peut être : soit
une transition quand une purine (A et G) remplace une purine ou quand une
pyrimidine (T et C) remplace une pyrimidine, soit une transversion lorsqu’une
purine remplace une pyrimidine et vice versa :
20
- une perte d’une paire de bases ou micro délétion.
- une insertion ou addition d’une paire de bases.
Certaines des protéines synthétisées conformément aux messages transmis par les
gènes sous forme d’ARNm sont des enzymes, c’est-à-dire des substances qui catalysent
toutes les réactions chimiques qui ont lieu dans les organismes vivants. Ce sont ces
réactions biochimiques qui assurent le développement des êtres vivants, donc la
manifestation de leurs caractères ou phénotypes. Toute modification de la composition
en acides aminés des enzymes provoquée par des mutations géniques aura des
répercutions sur l’activité enzymatique et, corrélativement, une incidence sur l’expression
phénotypique.
Pour mieux comprendre le lien plus ou moins direct qui existe entre les variations
structurales de l’ADN et la biodiversité, il est nécessaire de dire quelques mots sur le
développement d’un organisme ou ontogénèse. L’ontogénèse est l’embryologie d’un être
vivant, c’est-à-dire la séquence des transformations qui ont lieu depuis sa constitution
sous forme d’une cellule- œuf ou zygote jusqu’à son état adulte reproducteur. Les
différences fondamentales entre espèces trouvent leur explication dans les différences
qui existent lorsqu’on compare leurs séquences ontogéniques. On entend par séquence
ontogénique d’une espèce l’enchainement dans le temps des évènements qui sont
caractéristiques du développement d’un individu de cette espèce et commun à tous ses
individus. On appelle hétérochronie toute différence (ou transformation) dans la
séquence ontogénique d’une espèce par comparaison avec celle d’une autre espèce.
Les principales étapes de l’ontogénèse dans le règne animal sont :
- La formation du zygote,
21
- La croissance fœtale et post-natale qui permet aux organes déjà différenciés
d’acquérir progressivement leur taille, forme et proportions définitives.
Chez la drosophile par exemple, ces gènes homéotiques sont classés en trois groupes :
- Les gènes maternels qui commandent l’acquisition des polarités avant/arrière (c’est-
à-dire antéropostérieure) et haut/bas (c’est-à-dire dorso-ventral) de l’embryon.
- Les gènes sélecteurs homéotiques qui organisent les appendices (pattes, ailes,
antennes, etc.) caractéristiques de chaque segment. Les mutations de ces gènes
produisent d’étranges animaux : pattes en place d’antennes chez les mutants
antennapedia ; pattes en place de trompes chez les mutants proboscipedia ;
doubles paires d’ailes chez les mutants bi-thorax.
Nous pouvons donc dire, après cette brève évocation de l’ontogénèse, que l’édification
complète et harmonieuse d’un être vivant dépend à la fois de l’inaltération de son ADN
contenu dans le zygote et de la coordination parfaite (régulation) de l’expression des
gènes. Faute de quoi, certains individus présenteront un écart par rapport au modèle
phénotypique de leur espèce.
22
Donnons quelques exemples de l’incidence des mutations géniques sur l’expression
phénotypique.
La mélanine est le pigment qui assure la coloration de la peau, des cheveux, des yeux,
etc. Cette substance provient du métabolisme d’un acide aminé, la phénylalanine (Phe)
comme le montre la chaîne simplifiée des réactions biochimiques que voici :
E1 E2 E3 G3
G1 G2 Mélanine
L = type Lunulatum
De nombreux croisements entre ces races ont permis de montrer que le poly
chromatisme chez Sphaeroma est gouverné par quatre (4) couples d’allèles
23
indépendants notés D/d, L/l, O/o, S/s. Les interactions épistatiques entre ces gènes (les
allèles en majuscule sont dominants) se présentent comme suit :
DDLLOOSS
ou
DDLLOOSs
Type Signatum
ou
ddllooSS
ou
ddllooSs
DDLLOOss
ou
DDLLOoss
ou Type Ornatum
ddllOOss
ou
24
ddllOoss
DDLLooss
ou
DDLlooss
ou Type Lunalatum
ddLLooss
ou
ddLlooss
DDllooss
ou Type Discretum
Ddllooss
25
Le même phénomène s’observe chez les végétaux car le poly chromatisme des fleurs,
des fruits, des feuilles, des tiges, ainsi que les variations de la forme des feuilles, des
fruits etc. sont déterminés par des mutations géniques ponctuelles.
Chez la courge (plante diploïde) par exemple, la forme du fruit est sous le contrôle
génétique de deux couples d’allèles indépendants A/a et R/r (les allèles en majuscule
sont dominants) en interaction épistasique (l'interaction existant entre deux ou plusieurs
gènes. Il y a épistasie lorsqu'un ou plusieurs gènes (dominants ou récessifs) masquent
ou empêchent l'expression de facteurs situés à d'autres lieux génétiques (locus)) telle
que :
- La présence simultanée de A et R à l’état homozygote ou hétérozygote dans le
génotype détermine le phénotype ‘’fruit en disque’’.
- La présence de A ou R à l’état homozygote ou hétérozygote dans le génotype
détermine le phénotype ‘’fruit rond’’.
- Le génotype double homozygote récessif détermine le phénotype ‘’fruit allongé’’.
Les correspondances entre génotypes et phénotypes sont les suivantes :
AARR AArr
ou ou
AaRR Aarr
ou Fruit en disque ou Fruit rond
AARr aaRR
ou ou
AaRr aaRr
26
Tableau 2 : Diversité phénotypique chez la Drosophile induite par les mutations géniques ponctuelles. Les couples d’allèles gouvernant
les caractères sont indiqués entre parenthèses
27
3.2. LES MUTATIONS CHROMOSOMIQUES STRUCTURALES ET BIODIVERSITE
Bien que les chromosomes soient des éléments relativement stables, ils peuvent subir
des changements structuraux accidentels, appelés aussi aberrations chromosomiques,
qui contribuent dans une large mesure à la diversification biologique.
Une aberration chromosomique qui ressemble à la précédente est la perte d’un segment
interstitiel de chromosome ; c’est ce que l’on appelle une « délétion ». Mais il arrive
parfois que l’on utilise le même terme « délétion » ou « déficience » pour désigner ces
deux types d’aberrations chromosomiques.
ABCD EF JKLM NO
A B
ABCD EF JKLM NO
2 paires de chromosomes originaux
28
Une autre modification structurale de chromosome est "l’inversion" qui se produit
lorsqu’un segment de chromosome occupe une position inversée par rapport à sa
situation d’origine (Figure 5A). On peut supposer que la formation de cette aberration
débute avec l’établissement d’une boucle suivie d’une double cassure. Les segments
isolés se soudent de telle manière que le segment provenant de la boucle soit inversé.
- Le Shift qui est le transfert d’un segment intercalaire d’un chromosome dans une
partie d’un autre chromosome non homologue. Cette opération requiert trois
cassures.
Dans la nature, les aberrations structurales comme les déficiences et les délétions ne
semblent jouer qu’un rôle très minime sur la diversification biologique. En effet, ces deux
types d’accidents chromosomiques en particulier ont généralement un caractère létal,
c’est-à-dire qu’ils sont incompatibles avec la vie.
Les translocations et les inversions, cependant, semblent avoir joué un rôle très
important dans la diversification biologique. Nous allons le montrer à travers quelques
exemples relatifs aux translocations.
29
• 2 paires de chromosomes Oe. franciscana
Dans la superfamille des Acridoïdae (insectes orthoptères), Robertson a montré par une
étude des caryotypes que chez la plupart des espèces le carotype est constitué par 23
chromosomes acrocentriques, soit 11 paires d’autosomes et 1 chromosome X. Chez une
minorité d’espèces, on a 2n=21, 2n=19, 2n=17, mais chez celles-ci il y a toujours
présence d’un certain nombre de chromosomes métacentriques, le nombre de bras étant
toujours égal à 23. Cette situation s’explique comme suit :
Chez l’homme, on sait que l’une des causes de l’apparition du mongolisme (trisomie 21)
ou syndrome de Down est la survenue d’une translocation équilibrée entre l’un des
30
chromosomes 21 et l’un des chromosomes de l’une des paires de chromosomes du
groupe D (13, 14, 15). Cette translocation qui implique le bras long (q) du chromosome
21 et le bras long du chromosome 13, 14 ou 15 est symbolisée par tDq21q (t13q21q,
t14q21q, t15q21q). Un individu mâle ou femelle porteur d’une translocation tDq21q a un
phénotype tout à fait normal, mais garde la possibilité de donner naissance à un enfant
mongolien suivant le mécanisme schématisé ci-après :
21
21
21 14
14 t14q21q
14
21 21 21
21
14 21 14 14 14 21
14 14
II III IV
I V
VI
31
héréditaire, et il est possible de prévoir son risque de récurrence dans une descendance.
Nous verrons qu’il existe aussi un mongolisme non héréditaire lorsque nous aborderons
les mutations chromosomiques numériques.
- Les variations numériques aneuploïdes qui n’affectent qu’une partie du stock ou lot
de chromosomes de la cellule ou de l’individu.
Elles peuvent revêtir plusieurs formes dont nous ne citerons que quelques unes :
32
• La monosomie quand un organisme diploïde perd un chromosome d’une paire
d’homologues (2n – 1).
• La trisomie quand un organisme diploïde possède un chromosome supplémentaire
(2n + 1).
• La double trisomie quand un organisme diploïde possède 3 exemplaires pour deux
des types de chromosomes (2n + 2).
• La tétrasomie quand un organisme diploïde possède une paire de chromosomes
homologues en 2 exemplaires (2n + 2). A la méiose, au moment où les
chromosomes homologues sont appariés, un organisme diploïde comme le mil
(2n = 14), s’il est tétrasomique (2n + 2 = 16), présentera 6 bivalents et 1
tétravalent.
Toujours chez la drosophile, les mouches monosomiques X sont mâles comme les XY.
33
20 à 25 ans ; 1,2/1000 chez des femmes âgées de 30 à 35 ans ; 21,7/1000 chez des
femmes âgées de 40 ans et plus, sur la base des données de Collman et al. (1962).
Pour aborder les mutations chromosomiques numériques euploïdes qu’on appelle aussi
la polyploïdisation, faisons une distinction entre le nombre de chromosomes du gamète
qui est désigné par la lettre n et le nombre de chromosomes constitutif du génome de
base qui est désigné par la lettre x. chez les diploïdes, 2n = 2x ; chez les polyploïdes,
cette relation n’est plus vérifiée comme nous le verrons à travers de nombreux
exemples.
Considérons une espèce végétale comme Festuca ovina qui contient des formes ou
sous-espèces ayant 14, 28, 42, 49, 56 et 70 chromosomes (Bidault, 1968). Pour
l’ensemble de ces nombres, le plus petit commun multiple (7) représente le nombre de
base de l’espèce ou génome de base ; on peut donc dire que dans cet exemple x=7. Le
nombre le plus faible de cette série (14) représente 2 fois le nombre de base et on dit
qu’il est le nombre diploïde de l’espèce ; on a 2n=2x=14 (n=x=7). Les autres formes dont
les nombres chromosomiques sont des multiples de 7 sont qualifiées de polyploïdes.
Dans cette série nous avons donc :
2n=4x=28= tétraploïde
2n=6x=42= hexaploïde
2n=7x=49= heptaploïde
2n=8x=56= octoploïde
2n=10x=70= décaploïde
34
Selon leur origine et leur constitution génomique, on distingue habituellement quatre
grandes catégories de polyploïdes : les autopolyploïdes, les allo polyploïdes
segmentaires, les allopolyploïdes vrais et les autoallopolyploïdes.
L’exemple classique d’allo polyploïdie segmentaire est celui que l’on connaît chez
Primula kewensis. Cette espèce végétale est issue du croisement spontané entre P.
verticillata et P. floribunda, deux espèces diploïdes (2n=2x=18). A l’origine, l’hybride F1
diploïde fut entièrement stérile mais au bout de quelques années, cet hybride vivace
donna naissance à un pied fertile tétraploïde (2n=4x=36) par la fusion de gamètes non
réduits.
● Les allopolyploïdes vrais : ils se forment comme les allopolyploïdes segmentaires mais
renferment des génomes nettement distincts. Leur méiose est donc caractérisée par la
formation exclusive de bivalentes homogénétiques. C’est pourquoi ils sont parfaitement
fertiles et sont aussi appelés amphidiploïdes.
35
Un exemple bien connu d’allopolyploïdes vrais est celui de l’espèce végétale Galeopsis
tetrahit qui est un allo tétraploïde avec 2n=4x=32 chromosomes. Muntzing (1930) a pu
réaliser expérimentalement une synthèse de cette espèce à partir de deux espèces
supposées parentes : Galeopsis pubescens (2n=2x=16) et Galeopsis speciosa
(2n=2x=16). L’hybride obtenu, moyennement fertile, a donné une descendance variée
parmi laquelle une forme triploïde (2n=3x=24) qui a été croisée en retour avec G.
pubescens pour obtenir G. tetrahit artificiel. La fécondation d’un gamète non réduit
(2n=24) provenant de l’hybride triploïde par un gamète normal (n=8) venant de G.
pubescens permet d’expliquer ce résultat. Le galeopsis artificiel créé par Muntzing se
croise parfaitement avec le galeopsis naturel.
B. napus (2n=4x=38)
B. oleracea x B. nigra
B. carinata (2n=4x=34)
Dans le complexe d’espèces de blé, il existe des diploïdes, des allo tétraploïdes et des
allo hexaploïdes tels que :
Chez les chrysanthèmes, il existe une série polyploïde à côté de l’espèce diploïde :
C. praealtum (2n=4x=36)
C. sibiricum (2n=6x=54)
C. arcticum (2n=8x=72)
C. pacificum (2n=10x=90)
● Les auto-allopolyploïdes : comme leur nom l’indique, ils sont une combinaison
d’autopolyploïdie et d’allo polyploïdie. Ils ne peuvent donc exister qu’à partir du niveau de
l’hexaploïdie. Nous nous contenterons de mentionner ici le cas le Phleum pratense qui
est hexaploïde et dont la formule génomique serait AAAABB, dans laquelle A est le
génome de P. nodosum et B celui de P. alpinum (Nordenskjold, 1941, 1945).
La polyploïdie, quasi inexistante dans le règne animal, a joué un rôle majeur dans
l’évolution des végétaux en assurant la diversification des familles et des genres (paléo
polyploïdie), ainsi que celle des espèces et des variétés (néo polyploïdie) (Wagner et
Wagner, 1979). En effet, elle est observée dans tous les grands groupes végétaux
(Algues, Bryophytes, Ptéridophytes, Gymnospermes et Angiospermes). Dans le cas des
Angiospermes, de nombreux auteurs ont estimé que la fréquence de la polyploïdie est
égale à 50% (Darlington, 1937), 47% (Grant, 1963), 30-35% (Stebbins, 1971).
38
Le fondement des recombinaisons génétiques réside dans la différenciation des
chromosomes induite par les mutations et qui rend les chromosomes homologues
fonctionnellement différents. Si nous ne considérons que la recombinaison inter
chromosomique, le nombre de types de gamètes qu’un individu diploïde est capable de
produire à la méiose est égal à 2n (n étant le nombre haploïde de chromosomes).
Par ailleurs, chaque gamète étant pur (première loi de Mendel), c’est-à-dire haploïde, la
rencontre de deux gamètes portant chacun un gène récessif pour le même locus permet
39
la formation d’un génotype homozygote et, subséquemment, l’expression phénotypique
des gènes récessifs masqués par l’hétérozygotie. C’est là que réside l’autre aspect très
important de la reproduction sexuée qui est de permettre une explosion de diversité
phénotypique corrélativement à la diversité génotypique.
Les croisements entre simple mutants de souche pure dans lesquels ces deux
caractères sont impliqués donneront des descendants F1 double hétérozygotes de
phénotype sauvage. En suite, les croisements de ces mouches F1 entre elles donneront
des descendants parmi lesquels certaines mouches sont sauvages de génotype d+d+j+j+,
d+d+j+j, d+dj+j+ et d+dj+j, d’autres simple mutantes pour l’un ou l’autre des deux caractères
et de génotypes ddj+j+, ddj+j, d+d+jj, d+djj et d’autres encore, double mutantes de
génotype ddjj. Si les mouches double mutantes ainsi obtenues sont croisées avec des
mouches simple mutantes de race pure aux yeux marrons, par exemple, et de génotype
d+d+j+j+mama, on obtient en F1 des mouches triple hétérozygotes de phénotype sauvage
dont les croisements entre elles donneront des descendants présentant des génotypes
et phénotypes variés dont des triple mutants : d+d+j+j+ma+ma+, ddj+j+ma+ma+, d+d+jjma+ma+ ,
d+d+j+j+mama, ddj+j+mama, d+d+jjmama, , , ddjjmama, etc. Les génotypes sont écrits en ligne
pour ne pas tenir compte de l’indépendance ou de la liaison des gènes.
C’est de cette manière que nous pouvons obtenir à partir des 16 races simples mutantes
du tableau 2, 84 races doubles mutantes et 144 races triples mutantes. Donnons
quelques exemples de races double mutantes et simples mutantes :
41
Cependant, nous avons déjà montré qu’en dehors de la recombinaison homologue, les
variations structurales et numériques des chromosomes sont des mutations génétiques
susceptibles d’entrainer un changement brusque de l’identité fondamentale des espèces.
Vers le milieu du 20e siècle, on a découvert l’existence de divers processus de
recombinaison « illégitime » capables de réunir des fragments d’ADN ayant peu ou pas
d’homologie de séquence nucléotidique. Une telle recombinaison est souvent effectuée
par des éléments génétiques mobiles appelés éléments transposables ; ces éléments
sont des segments d’ADN, discontinus structuralement et génétiquement, capables de
se déplacer d’une molécule d’ADN à l’autre. Le terme de « gènes sauteurs » est souvent
utilisé pour désigner aussi les éléments transposables. L’unité d’élément génétique
transposable est appelé transposon. Chaque transposon est caractérisé par des
extrémités constituées de séquences nucléotidiques en répétitions inversées (Figure
9A). Le mouvement assurant le transfert du transposon est appelé transposition. Les
éléments transposables ont d’abord été découverts chez les céréales (plus précisément
chez le maïs par une généticienne américaine, Barbara McClintock, à la fin des années
1940, ce qui lui a valu le prix Nobel en 1983), puis chez les phages, bactéries,
champignons, insectes, virus, et animaux plus complexes.
Les éléments transposables peuvent être de deux types. Le premier est une séquence
relativement courte d’ADN qui a la capacité de « sauter » d’un point à un autre du
génome. Ces éléments contiennent généralement un ou quelques gènes, parmi lesquels
le gène d’une enzyme nécessaire à la transposition appelée transposase. Ces éléments
se retrouvent chez les Procaryotes et les Eucaryotes. Le second type d’éléments
transposables doit passer par un ARN intermédiaire (un ARNm) qui est converti en ADN
avant que ce dernier ne soit inséré en un nouveau site du génome. Ces éléments sont
dénommés rétrotransposons et montrent des analogies avec les rétrovirus. Ils se
rencontrent principalement chez les organismes eucaryotes. Par ailleurs, les éléments
transposables peuvent êtres fonctionnels, c’est-à-dire capables d’assurer eux-mêmes
leur transposition, ou non fonctionnels dans le cas ou ils ne pourraient induire à eux
seuls leur déplacement.
Il est apparu que le processus de la transposition joue un rôle non négligeable dans
l’organisation de l’information génétique et dans la régulation de son expression. Ainsi, la
transposition peut provoquer des mutations ; elle est donc une source potentielle de
modifications génomiques, et subséquemment, de diversité biologique.
En effet, les éléments transposables peuvent emmener dans leur déplacement des
séquences d’ADN adjacentes, engendrant ainsi des mutations ou peut-être des sites de
recombinaison au sein du génome. Lorsqu’un transposon se trouve inséré dans la région
42
codante d’un gène, il interrompt cette dernière et inactive l’expression du gène concerné.
De plus, les éléments transposables peuvent contenir des signaux de fin de transcription
et /ou de traduction qui bloquent l’expression d’autres gènes situés en aval du site
d’insertion, ce qui est le cas dans les opérons. Cet effet mutationnel unidirectionnel (ou
polarité) est décrit sous le terme de « mutation polaire ». La transposition peut aussi
aboutir à l’induction d’activités oncogéniques ou déclencheuses de cancer.
En provoquant des modifications génomiques brutales auxquelles sont associées des
variations phénotypiques inattendues, les éléments transposables se révèlent être une
source d’accélération de l’évolution à l’instar des variations structurales et numériques
des chromosomes. Quelques exemples de modifications phénotypiques provoquées par
les éléments transposables sont donnés par les figures 9B et 10.
1. INTERET DE LA BIODIVERSITE
Le terme biodiversité peut être remplacé aussi par le terme <<ressources génétiques >>
puisque ces deux concepts désignent l’ensemble des être vivants qui peuplent la terre.
Or, nous avons déjà vu que la taxonomie classique regroupe les être vivants en de
grands ensembles qui vont du règne à l’espèce. C’est dans cette logique que les
ressources génétiques sont divisées en deux grandes entités : les ressources
phytogénétiques (ensemble des être vivants constituant le règne végétal) et les
ressources zoo génétiques (ensemble des être vivants constituant le règne animal).
Dans ce cours, nous n’avons pas abordé le fonctionnement des écosystèmes dans
lesquels sont intégrées les ressources génétiques en fonction de leurs exigences vitales.
Dans les systèmes écologiques qui constituent la biosphère, les espèces vivantes sont
interdépendantes si bien que l’intégrité de chaque composante est indispensable pour
l’équilibre de l’ensemble. Autrement dit, l’existence de chaque espèce dépend de celle
des autres espèces. Comme nous le savons, la biosphère représente la partie de
l’écorce terrestre et de l’atmosphère contenant une vie organique. Le maintien de la
biosphère est assuré par l’existence-même de la biodiversité dont l’importance vitale
apparait ainsi. En effet, la diversité intra spécifique est indispensable pour assurer à
l’espèce une plus grande souplesse d’adaptation quand les conditions du milieu
changent radicalement. Cette assertion s’applique aussi aux genres, familles, ordres,
43
etc. C’est par ce principe qu’on peut expliquer la survie de nombreuses espèces
animales et végétales après la disparition en masse d’autres espèces tout au long de
l’histoire évolutive de la vie sur terre. Par exemple, dans le règne végétal les
gymnospermes étaient prédominants au carbonifère mais aujourd’hui ce sont les
angiospermes qui prédominent.
Dans les paragraphes qui vont suivre, nous allons seulement montrer comment l’homme
a su tirer profit de la biodiversité ou ressources génétiques en sélectionnant des espèces
animales et végétales adaptées à ses besoins par le phénomène de la domestication.
En effet, ayant constaté que sa survie dépendait des animaux et des plantes (arbres
fruitiers, tubercules, graminées, etc.), l’homme a commencé à organiser d’abord la
cueillette et la chasse, et ensuite l’agriculture et l’élevage. Les premiers champs
constitués par l’homme étaient basés sur des populations végétales naturelles. En
remarquant par exemple que certaines graminées sont plus abondantes dans certaines
zones écologiques que dans d’autres, l’homme s’est contenté dans un premier temps à
sauvegarder ces zones. Mais la gestion de ces réservoirs d’aliments n’était pas toujours
facile car, mis à part la distance qui séparait son habitat de la zone de cueillette, il n’était
pas le seul qui avait accès à ces ressources.
Certains historiens pensent que les premières guerres qui ont eu lieu entre les peuples
primitifs étaient justifiées par la farouche volonté de contrôler les zones comportant ces
ressources. L’homme a fini par décider de rapprocher ces ressources de son habitat, et
c’est ainsi que sont nés les premiers champs autour des zones d’habitation. Ces champs
contenaient évidemment des plantes alimentaires très variées que l’homme s’évertuait à
reproduire. De cet effort est née l’agriculture. L’homme s’est rendu compte que la
diversité était très avantageuse pour lui, car ce qui lui permettait de survivre dans les
périodes difficiles c’était de pouvoir disposer de ressources alimentaires dont
l’exploitation pouvait s’étaler sur toute l’année. De toute évidence, aucune espèce
végétale ne pouvait à elle seule satisfaire cette condition.
De plus, l’homme a remarqué que même pour une espèce végétale donnée, il existe des
formes plus vigoureuses que d’autres, des formes qui supportent mieux les conditions
climatiques que d’autres. Et comme il ne pouvait pas prédire la situation future dans
laquelle il se trouverait, il a judicieusement conservé la diversité naturelle. Dans ce
processus de domestication, l’homme s’est aussi rendu compte que la proximité qu’il a
artificiellement créée en regroupant différents individus de la même espèce qui ont des
44
caractéristiques différentes entrainait la combinaison entre ces caractères dans les
descendances.
Petit à petit, l’homme est arrivé à regrouper dans un nombre limité de génotypes ou
d’individus beaucoup de caractères intéressants pour lui. C’est ainsi que la
domestication a permis d’aboutir à l’amélioration variétale. Ce processus d’amélioration
qui a évolué à travers les âges est à la base de l’agriculture moderne. Il est donc évident
que l’homme est capable de changer le cours de l’évolution. Par la domestication, il a su
contrôler durant des milliers d’années la reproduction des espèces sauvages pour
adapter leur évolution à ses besoins propres. Du blé, du riz, du maïs, des vaches, des
poulets et des chiens sont tous dérivés d’espèces sauvages.
Dans le cas des espèces animales, il semble maintenant évident que le bétail bovin a été
domestiqué trois fois depuis le bœuf sauvage maintenant éteint (Bos primigenius) appelé
Auroch. Le résultat est l’obtention de deux espèces domestiquées : Bos taurus (le
taureau domestique) et Bos indicus (le zébu à bosse). Quant aux poulets actuels, ils ont
été domestiqués à partir d’une volaille de la jungle asiatique méridionale. Pour ce qui
concerne les chiens, ils ont été domestiqués à partir des loups gris en plusieurs étapes.
45
Ainsi, la remarquable diversité des chiens représente les effets d’une sélection artificielle
sur un nombre restreint de loups domestiqués (Figure 11).
2. EROSION DE LA BIODIVERSITE
L’histoire de la biologie évolutive montre qu’il existe de nombreuses pressions érosives
de la diversité biologique. Ces pressions sont d’origines naturelle et anthropique. En
effet, de nombreux facteurs naturels comme les incendies de forêt provoqués par des
foudres et des coulées de laves volcaniques chaudes, les émissions de gaz volcaniques
toxiques, les cataclysmes provoqués par les chutes de grosses météorites, les
glaciations etc., ont entrainé des extinctions à grande échelle d’espèces animales et
végétales, réduisant de manière impressionnante la biodiversité. Nous en avons pour
preuves, la crise de la fin du Dévonien (-365 millions d’années) qui a vu la disparition
d’environ 70 % des espèces, la crise de la transition Permien/Trias (-245 millions
d’années) qui a entrainé la disparition d’environ 95 % des espèces, celle de la fin du
Trias (-205 millions d’années) à laquelle on attribue la disparition de 60 % des espèces
et la dernière grande crise de la transition Crétacé/Tertiaire (-65 millions d’années) qui a
provoqué la disparition d’environ 70 % des espèces dont tous les gros reptiles comme
les Dinosaures. On pense qu’aucune espèce strictement terrestre de plus de 25
kilogrammes n’a survécu à cette crise.
A cela, s’ajoutent les effets dévastateurs de l’environnement induits par les activités
relatives au développement humain : industrialisation polluante, urbanisation accélérée
(du fait de l’explosion démographique), déforestation à grande échelle pour la réalisation
de grands projets agro-industriels et de cultures de subsistance, incendies de forêts
allumés par l’homme, chasse incontrôlée des animaux, catastrophes maritimes
provoquées par l’exploitation et le transport de pétrole etc. Ces pressions anthropiques
érosives de la biodiversité sont si agissantes que de nombreuses espèces animales et
végétales actuelles ont disparu ou sont en voie de l’être (espèces endémiques). Mais
dans ce paragraphe, nous parlerons brièvement de l’érosion de la biodiversité sous la
seule pression de facteurs d’ordre génétique tels que la sélection naturelle, la sélection
artificielle, la dérive génétique aléatoire et la consanguinité. En d’autres termes, nous ne
46
donnerons rien qu’un bref aperçu des effets des forces d’érosion de la variabilité
génétique, c’est-à-dire de l’appauvrissement en gènes des espèces.
● La dérive génétique : C’est le phénomène qui conduit à la fixation des allèles dans les
lignées d’effectif génétique limité. Elle se produit à chaque génération du fait du faible
effectif des fluctuations aléatoires des fréquences alléliques qui vont jusqu'à entraîner la
perte de certains autres. Le processus de dérive conduit donc à une érosion complète de
la variabilité génétique s’il n’est pas compensé par un certain degré de migration, venant
éventuellement d’autres lignées en dérive, mais qui n’auront pas fixé les mêmes allèles
puisque c’est un processus aléatoire.
● La sélection naturelle : C’est le phénomène qui agit sur les différences d’adaptation
des individus. En effet, dans un milieu de vie caractérisé par des conditions stables
(froid, chaleur, sécheresse, pluviosité, humidité, lumière, compétition, parasitisme,
prédation etc.), les individus dont les phénotypes sont les moins adaptés sont éliminés
en masse. Seuls les mieux adaptés survivent et transmettent à leurs descendants leurs
caractères adaptatifs. En éliminant directement les phénotypes les moins adaptés, la
sélection naturelle élimine indirectement les génotypes qui les gouvernent. De cette
manière, des espèces entières peuvent être éliminées au profit d’autres espèces qui
prennent le dessus. En agissant ainsi, la sélection naturelle occasionne une grande perte
de variabilité génétique.
La conservation in-situ d’un matériel biologique consiste en son maintien dans son
écosystème naturel en prenant toutes les dispositions pour sauvegarder l’équilibre de cet
écosystème. Sous cette forme, on peut citer : les aires protégées, les parcs nationaux,
les forêts classées, les réserves naturelles et les forêts sacrées.
• Les collections vivantes : Elles sont constituées de matériels biologiques prélevés dans
différents écosystèmes pour constituer des parcs à bois (jardins botaniques,
collections spécialisées de plantes pérennes comme les caféiers et les cacaoyers par
exemple, les bois sacrés).
48
• Les Collections en champ : Elles sont faites pour les cultures vivrières, cultures
annuelles, plantes médicinales etc.
• Les collections en chambre froide : Elles sont faites pour les semences comme les
graines.
• La cryoconservation : Elle est faite pour les embryons ou autres structures cellulaires
embryogéniques, à des températures inhibant toutes les fonctions biologiques, sans
pour autant tuer les tissus.
CONCLUSION
Nous savons que les pressions venant des facteurs du milieu agissent directement sur
les phénotypes individuels. Les réponses différentielles produites par les individus sous
ces pressions déterminent leur adaptation ou leur élimination : c’est le phénomène de la
sélection naturelle. Les divergences intra spécifiques qui en résultent, si elles sont
accompagnées par des phénomènes d’isolement (l’isolement écologique par exemple),
peuvent conduire à la naissance d’écotypes. Un écotype se définit comme étant une
population dont les caractéristiques héréditaires sont le produit de la réaction entre les
génotypes et le milieu. C’est le résultat de l’action sélective des facteurs prédominants
du milieu qui éliminent les biotypes défavorables et produit des populations
génétiquement adaptées. Si cette différenciation intra spécifique se maintient et s’il s’y
ajoute des phénomènes d’isolement reproductif (isolement pré-zygotique, isolement
zygotique, isolement post-zygotique), elle conduira à la différenciation spécifique, donc à
la spéciation (c’est-à-dire la naissance de nouvelles espèces). La spéciation est le
moyen par lequel la diversité de la vie s’est produite.
Les différences génétiques entre individus au sein des populations d’une espèce
constituent donc le point de départ de l’explosion de diversité que nous constatons entre
les espèces et les grands groupes d’espèces.
C’est la biodiversité qui assure l’équilibre de la biosphère car toutes les espèces vivantes
sont interdépendantes. Malheureusement, les civilisations humaines sont en train de
compromettre cet équilibre. Grâce à la diversité génétique qui prédispose les espèces
49
vivantes à toutes les formes d’adaptation, les chances de survie aux changements
imprévisibles des conditions du milieu sont garanties à tous les groupes d’êtres vivants.
C’est pourquoi, nous pensons que le plus grand défi que toutes les civilisations
humaines actuelles se doivent de relever absolument est celui de la préservation de la
biodiversité. Du succès de cet enjeu dépendent notre survie et celle de toutes les autres
espèces.
50
ANNEXES
51
Figure 1 : Echantillon de la biodiversité dans le Règne animal
52
Figure 2
53
Tableau 1 :
54
Figure 3 :
55
56
Figure 5 :
57
Figure 6A
Figure 6B
58
Figure 7 :
59
60
Figure 9 :
61
Figure 10 :
62
Figure 11 : Diversification des chiens sous la pression de la domestication
63