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LA PÉDAGOGIE COMPARÉE

DU MÊME AUTEUR

Introduction à la sociologie dit vagabondage, M. Rivière, 1956 (traduit en italien,


éd. Rizzoli, Milan).
Le clochard, étude de psychologie sociale, Desclée de Brouwer, 1957 (couronné par
l'Académie Française).
Sorokin's Psychological Theories, in Pitrim. A. Sorokin in Review, publié sous la
direction de Ph. J. ALLEN, Duke Univ. Press, 1963.
BIBLIOTHÈQUE SCIENTIFIQUE INTERNATIONALE
SECTION PÉDAGOGIE
dirigée par Marc-André BLOCH, Maurice DEBESSE et Gaston MIALARET

LA PÉDAGOGIE
C O M P A R É E
MÉTHODES ET PROBLÈMES
par

ALEXANDRE VEXLIARD
Professeur à la Faculté des Lettres de l'Université d'Ankara

PRESSES UNIVERSITAIRES DE FRANCE


108, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, PARIS
1967
DÉPOT LÉGAL
lre édition 4e trimestre 1967
TOUS DROITS
detraduction, dereproduction et d'adaptation
réservés pour tous pays
(Ç) 1967, Presses Universitaires de France
AVANT-PROPOS
Le présent ouvrage a été composé dans des conditions parti-
culièrement difficiles : nous avons dû reprendre la rédaction des
différentesparties decelivre à deux ou trois reprises, et modifier
son plan, parce que les événements qui ont affecté la pédagogie
comparée ont été particulièrement nombreux au cours des der-
nièresannées. Onseraitpresqueendroitd'affirmerquelesouvrages
importants qui ont vu le jour entre 1962 et 1967 sont plus nom-
breux que tous ceux qui ont paru depuis cent cinquante ans (1).
Au cours de cette mêmepériode, on a vu naître quatre nouvelles
revues consacrées à notre discipline, en France, en Angleterre, à
Berlin-Est, en U.R.S.S. D'autres événements significatifs ont
stimulé le développement de la Pédagogie comparée : la création
d'une Association européenne de pédagogie comparée, à qui on
doit, depuis 1963, la publication deplusieurs ouvrages collectifs,
àla suitedesescongrèstenusàHambourg,Paris, Berlin, Londres,
Gand; les enquêtes internationales de l'Unesco, en particulier
celleportant sur renseignementdel'éducation comparéeau niveau
universitaire, les travaux et les publications de divers autres
(1) Voici les titres de quelques-uns des ouvrages qui ont été publiés lorsque la
rédaction de ce livre était déjà avancée ; nous n'en signalons que quelques-uns parmi
des dizaines : E. J. KING, Education and Social Change, Pergamon Press, Oxford,
1966, et chez le même éditeur, une série de monographies, parmi lesquelles nous
citons, du même auteur : Society, Schools and Progress in U.S.A. ; des ouvrages por-
tant le même titre, sur la France, par W. HALLS, la Scandinavie, par W. DIXON ; le
Nigéria, par G. G. LEWIS, l'Angleterre, par G. BARON. — G. Z. F. BEREDAY et
J. A. LAUWERYS, The Education Explosion, London, Evans Brothers ; G. Z. F. BERE-
DAY, Comparative Methods in Education, Holt, Rinehart &Winston ; la Pédagogie
comparée de F. HILKER(trad. franç. : SEVPEN, Paris) ; Problems in Education —A
Comparative Approach de B. HOLMES; R. POIGNANT, L'enseignement dans les pays
du marché commun, S.E.V.P.E.N., I.P.N. ; M. REUCHLIN, L'orientation pendant
la période scolaire : idées et problèmes, Conseil de la Coopération Culturelle, Stras-
bourg; REGUZZONNI,La réforme de l'enseignement, Aubier, 1966; A. H. MOEHLMAN,
Comparative Education Systems, The Center of Applied Education Research, N.Y. ;
P. JACCARD, Sociologie de l'éducation, Payot ; E. FARAH, Le courant des réformes
scolaires, Genève ; Tradition and Change in Comparative Education, de A. KAzAMIAS
et B. MASSIALAS (Prentice Hall) ; Relevant Data in Comparative Education, Institut
de l'Unesco pour l'Éducation, Hambourg.
organismes internationaux, le Bureau International d'Éducation
à Genève, l'O.C.D.E., le Conseil de l'Europe et ainsi de suite.
Malgré les difficultés inhérentes à cette tâche, nous avons tenu à
donner au lecteur le maximum d'informations concernant les
développements récents de la pédagogie comparée.
Parmi d'autres défauts que l'on pourra reprocher à ce travail,
on relèvera peut-être certains déséquilibres : quelques passages
pourront paraître trop longs, tandis que d'autres sont insuffi-
samment développés. Cela n'est pas dû uniquement aux difficultés
que nous venons de signaler ; certains de ces déséquilibres sont
délibérés ; il nous a paru nécessaire d'insister sur certaines ques-
tions, soit parce qu'elles intéressent particulièrement le lecteur
français, ou bien parce qu'elles sont encore mal connues ou
négligées par les comparatistes ; par contre, d'autres passages
paraîtront singulièrement écou,rtés : nous avons voulu signaler là
des questions ou des problèmes dont le développement aurait
exigé non seulement plusieurs chapitres, mais plusieurs volumes
supplémentaires. Malgré ces défauts, nous espérons, par le biais
de cet ouvrage, intéresser le lecteur au développement d'une
discipline relativement jeune, qui fournit incontestablement des
données nouvelles susceptibles de promouvoir des solutions aux
graves problèmes que pose la restructuration de l'enseignement,
dans tous les pays.
Avant de terminer, nous tenons à exprimer notre gratitude à
ceux qui ont bien voulu encourager nos efforts, et faciliter la
publication de cet ouvrage : le pr Georges Heuyer, M. Philippe
Garcin, directeur littéraire des Presses Universitaires de France,
ainsi que les directeurs de la présente collection, les prs Maurice
Debesse, Marc-André Bloch et Gaston Mialaret, qui, par leurs
suggestions, nous ont rendu d'éminents services.
A. V.
PRINCIPALES ABRÉVIATIONS

(Associations, organismes divers, revues, publications, éditeurs, le plus


souvent cités.)
A.I.P.A Association Internationale de Psychologie Appliquée.
B.I.E Bureau International d'Éducation à Genève (Palais
Wilson). Fondé en 1925.
B.I.T Bureau International du Travail, à Genève, désigné
parfois par les initiales O.I.T. (Organisation Inter-
nationale du Travail ou (-ii anglais : 1.1,,0.) Fondé
en 1919.
B. u. E Bildung und Erziehung (Formation et éducation),
revue allemande, consacrée en grande partie à l'édu-
cation comparée, fondée et dirigée par F. llilker.
B.U.S Bureau Universitaire de Statistiques, 29, rue d'Ulm,
75-Paris (5e).
C.E Comparative Education et titre de revue publiée
depuis 1964 par les Pergamon Press, Oxford, Angle-
terre, Dr A. Peterson.
CENTO Initiales désignant un traité de coopération essen-
tiellement militaire, groupant les États-Unis, l'Angle-
terre, la Turquie, le Pakistan, l'Iran, etc. Ce traité
a des incidences culturelles.
C.E.R Comparative Education Revieiv (Revue d,Êducation
comparée), trois numéros par an ; dirigée par
G. Z. F. Bereday. Secrétariat : Dr G. H. Read, Kent
State University, Kent, Ohio. E.-U.
H.R.W Holt, Rinehart & Winston : Éditions à New York.
I.P.N Institut Pédagogique National : 29, rue d'Ulm,
75-Paris (5e).
I.N.O.P Institut National d'Orientation Professionnelle (Pa-
ris), ou I.N.E.T.O.P. — Institut National d'Étude
du Travail et d'Orientation Professionnelle. Publie
un Bulletin : le BINOP.
O.C.D.E ......... Organisation de Coopération et de Développement
Économique —Anciennes initiales O.E.C.E. : Orga-
nisation Européenne de Coopération Économique :
2, rue André-Pascal, 75-Paris (16e).
O.I.T Voir B.I.T.
O.P. ou O.S.P.... Orientation Professionnelle ou Orientation Scolaire
et Professionnelle.
O.T.A.N Organisation du Traité Atlantique Nord. Traité à
buts essentiellement militaires, mais qui a des inci-
dences culturelles, comme le CENTO. Initiales
anglaises : NATO.
P.C Pédagogie comparée ou E.C. Éducation Comparée.
P.U.F Presses Universitaires de France.
R.E.P.E.R.E.S.... Initiales désignant laRevueEuropéennepourVExpan-
sion des Recherches Éducatives et Sociales, publiée
par l'Institut Pédagogique National, Paris (1964-
1966).
R.I.P Revue Internationale de Pédagogie, trilingue : alle-
mand, anglais, français. Institut de l'Unesco, pour
l'Education, à Hambourg : 70 Feldbrunnerstrasse.
S.E.V.P.E.N Service d'Editions et de Vente des Publications de
l'Éducation Nationale, 13, rue du Four, 75-Paris (6e).
U.S United States, initiales qui précèdent la désignation
de divers organismes officiels, tels que l'U.S. Office
of Education.
V.E.W........... Vergleichende Erziehungswissenschaft (AU.) : Science
de l'Éducation Comparée.
CHAPITRE PREMIER

INTRODUCTION AUX CONTROVERSES


EN PÉDAGOGIE COMPARÉE

Dans le présent ouvrage, on se propose de montrer les prin-


cipaux aspects d'une discipline encore jeune, en plein dévelop-
pement depuis quelques années : la pédagogie ou éducation
comparée. La comparaison implique ici une confrontation des
différents systèmes d'éducation, afin de dégager les différences
et les ressemblances entre ces structures. Dans les chapitres
qui vont suivre, on traitera de l'histoire de la pédagogie compa-
rée, des bases théoriques et de la méthodologie des comparai-
sons, afin de mieux dégager les problèmes qui se posent actuel-
lement dans les cadres de notre discipline. Pour introduire
notre sujet, nous pensons qu'il est utile de donnei un aperçu
des controverses déjà fort nombreuses qui se poursuivent entre
« comparatistes », controverses qui portent en particulier sur
la terminologie (1). La pédagogie comparée a pour centre de ses
préoccupations, l'avenir de l'enseignement ; on reconnaît là le
problème majeur que doit résoudre notre société : les solutions
qui sont adoptées pèsent sur le présent et engagent notre avenir.
1) L'avenir de l'enseignement. — La jeune génération qui
doit être préparée à une existence adulte, sera appelée à vivre
dans un univers dont la représentation dépasse non seulement
nos possibilités de prévision, mais excède les bornes de notre
imagination. Dans tous les pays on s'interroge sur ce que devrait
être un enseignement —dans sa forme et son contenu — qui
pourrait garder sa valeur dans le monde à venir. Aussi assistons-
(1) Cf. M. DEBEssE, Qu'est-ce que l'éducation comparée ?, Bull, de la Société
française de Pédagogie, n° 125, 1958, p. 43-46. Voir aussi, la note finale du présent
chapitre, p. 13 et 14.
nous depuis quelques années à une véritable «épidémie »inter-
nationale de réformes — globales et partielles — de l'ensei-
gnement. Aussitôt amorcées, ces réformes sont en général sui-
vies de près par d'autres réformes, refontes ou retouches, créant
une atmosphère assez désagréable pour les «usagers ». Citons
(au hasard), quelques dates des principales réformes globales :
France : 1959 ; Union soviétique : 1958 ; Italie : 1958 et 1963 ;
Autriche : 1962 ; Pays-Bas : 1962 ; Danemark : 1958 ; Suède :
1964 ; Norvège : 1959 ; Turquie : 1960 et 1962 ; Grèce : 1960.
Entre 1946 et 1960, certains pays (Syrie, Liban...), ont connu
plus de vingt réformes, et quinze autres pays ont subi plus de
dix changements de ce genre.
Toutes, ou presque toutes ces réformes revêtent deux carac-
téristiques intéressantes : 10 Elles sont planifiées, c'est-à-
dire qu'elles s'échelonnent sur des périodes allant de cinq à
vingt ans. 20 En outre, toutes, ou presque toutes ces réformes
subissent peu de temps après leur promulgation, des remanie-
ments successifs et souvent importants, et ce, malgré des
périodes d'études préalables, d'expériences à échelle réduite, en
général prolongées et minutieuses. Les délais prévus pour la
réalisation des réformes témoignent de l'ampleur et de l'impor-
tance des tâches envisagées ; les remaniements entrepris peu
de temps après la promulgation des lois, montrent les grandes
difficultés et les complexités des réformes entreprises (1). Dans
les pays tels que les États-Unis, la Suisse, la République fédé-
rale d'Allemagne, où l'organisation de l'enseignement est décen-
tralisée, des réformes non moins importantes sont poursuivies ;
mais du fait de la décentralisation, elles sont moins
spectaculaires.
(1) Ainsi la réforme de l'enseignement en France, rendue publique le 6 jan-
vier 1959, et qui a reçu un commencement d'exécution en octobre 1960, ne devait
produire pleinement ses effets que dix ans plus tard, en 1969 ; or depuis 1945, onze
projets de réforme avaient été discutés, sans compter ceux qui étaient proposés
avant 1939. En Italie, on a prévu une réforme échelonnée selon un « plan de dix
ans », à partir de 1958, de même qu'en Norvège ; plan de 15 ans, au Danemark ;
de 20 ans, en Grèce, etc.
On sait qu'en France, à partir de 1960, de nombreux textes ont modifié les
dispositions primitives de la réforme de 1959 ; on a ainsi plusieurs dispositions
relatives au baccalauréat, à l'admission dans l'enseignement supérieur, etc. L'un des
textes, le plus important peut-être, est celui qui a créé les «collèges d'enseignement
secondaire »(dits collèges «multilatéraux »), qui doivent remplacer progressivement
les «collèges d'enseignement général », ex-cours complémentaires. En février 1966,
une nouvelle réforme a bouleversé la plupart des décisions antérieures, et ainsi de
suite...
Dans tous les pays industrialisés ou en voie d'industriali-
sation, on voit surgir les mêmes problèmes, à des niveaux
certes différents, mais on en prend conscience chaque jour avec
une acuité accrue. Ces problèmes pourraient être énumérés
comme suit : 1° Démocratisation de l'enseignement, par quoi on
exprime la nécessité d'étendre un enseignement d'un niveau
toujours plus élevé, à des couches toujours plus étendues de la
population ; 20 Partout l'on s'efforce de faire face (par cette
extension de l'enseignement) à la pénurie des ingénieurs, des
techniciens, des travailleurs scientifiques, et d'une manière plus
générale à la pénurie d'un personnel qualifié ; 3° Les efforts
entrepris en ce sens se heurtent par ailleurs à l'insuffisance
numérique dupersonnel enseignant, ainsi qu'au manque de locaux
scolaires, dont l'équipement est jugé également déficient ;
4° Sans parler de l'expansion démographique qui constitue un
multiplicateur à tous les problèmes pendants. Et nous mettons
entre parenthèses ici le problème de l'éducation des adultes,
comme celui de l'éducation permanente.
Toutes les questions relatives à l'éducation sont étroitement
imbriquées dans un ensemble de problèmes sociaux qui carac-
térisent notre époque : urbanisation, industrialisation, automa-
tisation (qui implique a-t-on dit, le remplacement de «l'acte
par la pensée »), mobilité croissante de la main-d'œuvre. La
plupart des problèmes actuels posés dans le cadre de l'ensei-
gnement ont été prévus et examinés de longue date, en parti-
culier, dans les ouvrages tels que ceux de Marcel et André Boll,
en 1946 (1), Georges Friedmann en 1950 (2), Alfred Sauvy (3),
parmi d'autres. Mais il semble qu'en France et dans d'autres
pays, les Pouvoirs publics ne sont passés à l'action qu'au moment
où, de toute évidence, on ne pouvait plus faire autrement.
Les problèmes de l'éducation sont abordés d'une manière
active ou âprement discutés, par les organismes les plus variés
tant sur le plan national qu'international : les assemblées muni-
cipales urbaines et rurales (4), les Chambres de Commerce, de
(1) M. et A. BOLL, L'élite de demain, Calmann-Lévy, 1946.
(2) G. FRIEDMANN,Humanisme du travail et humanités, A. Colin, 1950. Cf. égale-
ment les autres ouvrages de G. FRIEDMANN, qui touchent à ces problèmes, directe-
ment
1963. ou indirectement, en particulier, Le travail en miettes, Gallimard, 1959, 2° éd.,
(3) A. SAUVY, La montée des jeunes, Calmann-Lévy, 1959, et La nature sociale,
A. Colin, 1957.
(4) H. GROOTHOFF, Piidagogik, Hamburg, éd. Fischer, 1964, p. 49.
l'Artisanat, de l'Industrie, de l'Agriculture, aussi bien que par
les syndicats. Aux États-Unis, depuis 1957, deux lois fédérales
importantes relatives à l'enseignement ont été votées dans le
cadre de la «Défense nationale »(1). Sur le plan international,
ce ne sont pas seulement les organismes spécialisés, tels que le
Bureau international d'Éducation (B.I.E., Genève et l'Unesco),
qui s'en soucient, mais aussi de nombreux organismes dont les
préoccupations essentielles sont d'un autre ordre (social, écono-
mique, politique, voire militaire) ; citons enparticulier, leBureau
international du Travail (B.I.T., Genève), l'O.C.D.E. (2)
ex-O.E.C.E., le Conseil de l'Europe (3), enfin l'O.T.A.N. et
le CENTO dont les préoccupations sont en principe essentiel-
lement militaires (4).
Tel est le climat général dans lequel depuis la seconde guerre
mondiale la pédagogie comparée a connu un essor nouveau.
Le développement de la pédagogie comparée paraît lié aux
(1) Dans l'organisation très décentralisée de l'enseignement aux États-Unis,
le gouvernement fédéral, ayant en vue la «Défense nationale », ne peut guère inter-
venir que par des subventions aux établissements qui consentent à améliorer leurs
programmes et à ceux qui adoptent des plans de recherches tendant à améliorer les
méthodes d'enseignement.
(2) L'O.C.D.E. (O.E.C.E.) a commencé par des enquêtes assez nombreuses,
ayant un caractère plutôt économique, telles que : Prévoir les cadres de demain (1960).
Mais depuis 1962, on a publié de très nombreux volumes touchant plus directement
l'enseignement, de même que des manuels scolaires-types, tendant à favoriser
l'enseignement scientifique : Aptitudes intellectuelles et éducation, Presses Univer-
sitaires de France, 1962 ; La télévision au service de l'enseignement scientifique ;
Mathématiques nouvelles, 1961 ; L'enseignement des mathématiques dans les pays de
l'O.E.C.E. ; L'enseignement de la chimie ; L'éducation et le développement économique
et social ; on doit à l'O.C.D.E. une cinquantaine de publications de ce genre, éditées
depuis quelques années, avec le concours de pédagogues, sociologues et planificateurs
éminents appartenant aux pays membres.
(3) Le Conseil de l'Europe a commencé en 1964, une série de publications en
français et en anglais, sous le titre général L'éducation en Europe, comportant 4 sous-
séries : Ens. supérieur et recherche ; Ens. général et technique ; Éducation extra-
scolaire ; Activités générales. Huit titres ont paru en particulier : L'enseignement
primaire et secondaire, par J.-T. THOMASet J. MAJAULT; Les jeunes et l'aide au déve-
loppement ; Éducation physique et sports ; Civisme et éducation européenne dans l'ensei-
gnement primaire et secondaire ; La formation des ingénieurs ; Développements récents
dans le domaine de l'enseignement des langues vivantes ; Tendances nouvelles en matière
de recherche linguistique ; Recherches et techniques nouvelles au service de l'enseignement
des langues vivantes, Libr. génér. de Droit et de Jurisprudence, Paris, 1964.
(4) L'O.T.A.N. et le CENTO, subventionnent diverses recherches ainsi que des
établissements universitaires, en particulier des recherches en matières d'enseigne-
ment. Si des organismes de caractère essentiellement militaire s'intéressent aux
problèmes de l'éducation, c'est que l'on s'aperçoit que faute d'une formation générale
suffisante un nombre important de recrues est incapable d'assimiler l'instruction
nécessaire pour le maniement des armes modernes. D'autre part, on est anxieux de
promouvoir la recherche scientifique dans le domaine militaire. Cf. S. M. BROWNELL,
et al., Education and Freedom in a World of Conflict, Chicago, H. Regnery & Co.
Ouvrage collectif, publié sous les auspices de l'Institute of American Strategy, et
dont les collaborateurs sont aussi bien des militaires que des éducateurs.
grandes tourmentes internationales : 1° On situe en effet,
sa <( date de naissance » en 1817, c'est-à-dire après les guerres
napoléoniennes, lors de la publication de l'ouvrage de Marc-
Antoine Jullien de Paris, dont il sera question au chapitre
suivant ; 2° Après une longue période de mise en veilleuse,
elle prend un nouvel élan à partir de 1919, avec les travaux
de Kandel, Hessen, N. Hans, F. Schneider ; 3° La dernière
impulsion lui a été donnée à la suite de la seconde guerre mon-
diale ; après un aperçu historique, c'est à cette dernière phase
que sera consacré essentiellement le présent ouvrage.

2) L'essor de la pédagogie comparée. — La pédagogie comparée


est une discipline de recherches qui tend à dégager des connais-
sances nouvelles, d'ordres théorique et pratique, par la confron-
tation de deux ou plusieurs systèmes d'éducation en usage
dans divers pays, diverses régions ou à diverses époques histo-
riques ; la comparaison consiste à dégager et à analyser les
similitudes, ressemblances et différences entre différents sys-
tèmes d'éducation, entendant par là, l'organisation, la structure,
l'administration de l'enseignement aussi bien que les pro-
grammes, les méthodes pédagogiques, didactiques et de contrôle
en usage aux divers degrés et spécialités de l'enseignement.
Les études comparées peuvent porter sur deux ou plusieurs
systèmes dans leur ensemble, ou seulement sur certains de
leurs aspects, tels : l'organisation administrative, les pro-
grammes, le programme d'une matière en particulier, etc. Les
comparaisons peuvent porter sur des pays différents des régions
géographiques ou linguistiques, aussi bien que sur diverses
périodes historiques. Cependant, dans l'état actuel des choses,
les études comparées sont limitées essentiellement à la période
contemporaine.
La pédagogie comparée doit-elle être considérée comme une
discipline autonome, comme une branche de la pédagogie géné-
rale, ou de l'histoire de la pédagogie ? Ou bien se rattache-t-elle
à quelque autre domaine des sciences morales et humaines,
tel que la philosophie de l'éducation, la sociologie, la psycho-
logie ou les sciences politiques ? Ce sont là des questions qui,
à notre sens, ne sont pas d'un intérêt brûlant, bien que les
comparatistes (c'est ainsi que l'on nomme ceux qui s'occupent
de pédagogie comparée), consacrent beaucoup de temps et
d'énergie à débattre ces problèmes. Il semble légitime égale-
ment de la rapprocher d'autres recherches comparées que l'on
rencontre dans les domaines tels que l'anatomie, la géographie,
l'histoire, le droit, l'étude des religions, la linguistique, la litté-
rature. La comparaison devient alors ici comme ailleurs, un
procédé méthodologique important aussi bien pour la recherche
que pour l'enseignement (1). Cependant, l'on peut soutenir
aussi que la pédagogie comparée tend vers une certaine auto-
nomie, qui se justifie par la masse croissante des études et des
ouvrages qui lui sont consacrés ; par la quantité de revues
spécialisées qui sont entièrement ou partiellement vouées à ce
domaine ; par le nombre croissant de chaires et d'instituts
universitaires autonomes, créés en particulier aux États-Unis,
en Allemagne, en Angleterre ; par la multiplication des congrès
et colloques nationaux et internationaux, ainsi que des associa-
tions très actives de comparatistes qui organisent des voyages
collectifs, ainsi que des rencontres internationales, tendant à
promouvoir les recherches et l'enseignement de la pédagogie
comparée.
Éducation, ou Pédagogie comparée ? Autre question âpre-
ment débattue, doit-on dire «pédagogie comparée », ou «édu-
cation comparée » selon l'usage des pays anglo-saxons ? Ou
encore : « Science de l'éducation comparée », selon le modèle
allemand (Vergleichende Ersiehungswissenschaft) ?
Il semble, que, pour se conformer à l'usage français, il est
préférable d'employer l'expression pédagogie comparée ; de plus,
le terme pédagogie a l'avantage d'être compris pratiquement
dans toutes les langues, dès lors, il convient mieux à une disci-
pline qui se veut internationale (2). Toutefois, nous utiliserons
aussi dans le texte la tournure éducation comparée, ne fût-ce
que parce que son fondateur, Marc-Antoine Jullien de Paris,
utilisait cette dernière expression ; mais il avait pour cela une
bonne raison : le terme pédagogie n'était guère utilisé de son
temps. Certes, ce que l'on compare, ce sont des systèmes
d'éducation ; mais la comparaison revêt toujours le caractère
(1) L. FROSE, article Vergleichende Erziehungswissenschaft, in H. GROOTHOFF,
Pâdagogik, op. cit., 1964, p. 331.
(2) Dans toutes les langues, pédagogie (pedagogy, pâdagogik, pedagogika,
pedagoji...) a le sens de « science et art de l'éducation », tandis que éducation a des
consonances variées dans différentes langues : Erziehung, vospitaniye ou prosviest-
chenié, eghitim, maarif (respectivement en allemand, en russe, en turc, en arabe).
d'une analyse scientifique, pédagogique, c'est pourquoi à notre
sens, le terme pédagogie devrait être retenu. Au surplus, pour-
quoi faut-il employer une périphrase («science de l'éducation »),
lorsqu'il existe un terme simple désignant notre discipline ?
A-t-on proposé de dire «science de la vie »au lieu de biologie,
ou «science de la nature »au lieu de physique, parce que les
caractéristiques de ces disciplines ont été transformées au cours
des dernières décades ?
Malgré l'offensive de grand style qui se déploie en faveur
de l'expression «science de l'éducation », surtout en Allemagne,
et qui gagne aussi progressivement la France (en passant par
Genève) bon nombre de pédagogues, de comparatistes, ainsi
que les textes officiels, restent fidèles, même en Allemagne, au
terme pédagogie (1). S'adressant aux écrivains de langue
anglaise, M. J. Langeveld (2) prône également la réhabilitation
du termepedagogy. Maisles Anglo-Saxons semblent secomplaire
dans la confusion des termes.
3) Les influences anglo-saxones. — Ces querelles de termi-
nologie revêtent ici une importance certaine, car faute d'une
clarification, on risque de se heurter à d'innombrables confu-
sions. En effet, sous l'influence croissante des organismes inter-
nationaux, dont la terminologie s'inspire de l'usage anglo-saxon,
on tend de plus en plus à confondre : éducation, enseignement
et pédagogie. Si les querelles de mots constituent souvent une
plaie pour les sciences humaines, comme l'a souligné avec
humour et profondeur Pitrim A. Sorokin (3), il est des cas, où
comme ici, ces querelles ont leur raison d'être.
La langue anglaise, et les auteurs anglo-saxons ont connu et
utilisé la classique distinction entre : education, «instruction »
(dite parfois, « éducation intellectuelle ») et pedagogy. On
retrouve encore cette distinction, dans l'ouvrage souvent
réédité depuis 1926, de Bertrand Russell, On Education (4).
(1) Si Franz HILKER, intitule son ouvrage : Vergleichende Piidagogik, Munchen,
Max Hueber, 1962, traduit en français, cf. p. 1, n. 1, par contre, Hans ESPE,
F. SCHNEIDER, L. FROESE, maintiennent l'expression Erziehungswissenschaft.
(2) M. J. LANGEVELD, Desintegration and Réintégration of « Pedagogy », R.I.P.,
IV, 1958, n , 1, p. 56-65.
(3) P. A. SOROKIN, Tendances et déboires de la sociologie américaine et des sciences
apparentées, préf. de Georges GURVITCH, éd. Aubier, 1959.
(4) B. HUSSELL, On Education, Londres, Allen & Unwin, 1926, 13, éd., 1960.
Est-ce en vue de promouvoir la «précision scientifique », que
l'on a confondu sous le même vocable, education, trois notions
différentes (1) ? Or voici quelques-unes des confusions aux-
quelles cet état de choses donne lieu. J'ai demandé à un éditeur
américain, un catalogue d'ouvrages d'education, j'ai reçu une
liste de livres depédagogie ; mais à la suite de la même demande
adressée au mêmeéditeur à sa succursale de Londres, j'ai obtenu
une liste de livres de classe (enseignement). Par ailleurs, dans
l'usage anglo-saxon, on peut obtenir les titres de Licencié,
de Maître ou de «Docteur »en «Éducation », ce qui en français
prendrait un sens plutôt ironique. Ou encore : en anglais, un
individu qui n'a pas d'éducation, est un illettré ou tout au
moins quelqu'un de peu instruit ; en français, il s'agirait de
quelqu'un d'impoli ou grossier... Le terme pédagogie a l'insigne
avantage d'avoir une signification non équivoque, bien comprise
partout, et sa pseudo-dévaluation est une œuvremalencontreuse
d'un pédantisme déplacé. Ceci nous amène à examiner briève-
ment la question des définitions théoriques ou scientifiques,
qui constituent une autre source de confusion.
4) Les définitions descriptives. — En ce qui concerne les
disciplines de recherche, les sciences particulières (pédagogie,
psychologie, sociologie, etc.), seules les définitions descriptives
semblent légitimes, et de plus, elles sont nécessaires, afin d'indi-
quer «ce dont il s'agit ». Par contre, les définitions théoriques
ou scientifiques ont, ici du moins, le grave défaut d'introduire à
l'origine, une conception théorique de l'objet même et des
méthodes de ladite discipline, préjugeant d'avance, de « ce qui
serait à démontrer »; or cette prédétermination ne sera pas
nécessairement admise par tout le monde. Nous donnerons plus
loin quelques exemples, afin de montrer à quel point les défi-
nitions théoriques sont peu loyales. Quant aux définitions des-
criptives — qui ne sont jamais exhaustives — elles peuvent
être formulées légitimement à différents points de vue. C'est
ainsi que l'éducation peut être définie sans inconvénient alL-
points de vue : pédagogique, sociologique, philosophique (moral)
(1) R. ULICH, dans le compte rendu de l'ouvrage de F. lIILKER (op. cilJ,
Vergleichende Pddagogik, in C.E.R., 1963, le recenseur se félicite de ce qu'il n'y ait
pas en anglais de discussion possible à propos de l'adoption ou du rejet du terme
Pàdagogik qui est opposé à Erziehungswissenscha.lt par F. Hilker.
ou psychologique, à condition que le point de vue envisagé
soit au moins implicitement exprimé.
a) Ainsi, au point de vue pédagogique, l'éducation est définie
comme l'action exercée par un adulte qui en a la charge, sur
un être plus jeune en vue du développement physique, intellectuel
et moral de celui-ci et de son intégration dans le milieu où il est
destiné à vivre (1). Cette définition permet de comprendre que
l'enseignement, l'instruction, la transmission des connaissances,
sont englobés partiellement dans l'éducation (car tout ensei-
gnement n'est pas nécessairement éducatif), mais que l'éduca-
tion ne se ramène pas à l'enseignement seul, comme cela ressort
dans la terminologie anglo-saxone. Esquissons une définition
de la pédagogie, telle qu'elle peut être conçue dans l'état actuel
de son développement (2) : elle est entendue, comme l'art de
l'éducation des enfants, fondé sur la connaissance de la psycho-
logie de l'enfant et des différents autres facteurs (notamment
sociaux), qui sont susceptibles d'influencer la formation, le déve-
loppement de l'enfant, aux points de vue intellectuel, caractériel,
moral et physique. Comme pour la médecine, il s'agit d'un art,
fondé sur une série de connaissances scientifiques et qui
comporte un aspect scientifique propre sous forme de recherches
pédagogiques. Atitre d'exemples, nous citerons aussi des défi-
nitions de l'éducation formulées aux points de vue philoso-
phique (moral), sociologique, psychologique, qui se recoupent
d'ailleurs, dans la mesure où elles demeurent sur un terrain
théoriquement neutre ;
b) Au point de vue philosophique (moral), l'éducation est
la mise en œuvre des moyens propres à procurer le développement
de l'homme, principalement de ses facultés morales : sentiment,
volonté, sens des valeurs, etc. (3). On insiste ici donc principale-
ment sur l'aspect moral et caractériel de l'éducation (cf. l'ou-
vrage cité de B. Russel et Durkheim note suivante).
(1) R. LAFON et coll., Vocabulaire de psychopédagogie et de psychiatrie de l'enfant,
Presses Universitaires de France, 1963, p. 192. Article, Éducation, de M. BESLA Y.
(2) De la même manière, tout en conservant leurs caractéristiques fondamen-
tales, toutes les sciences pourraient recevoir des définitions aux nuances différentes,
aux différentes étapes de leur évolution (physique, biologie, etc.). Il est abusif par
exemple, à notre sens, de définir la psychologie comme étant « la science du compor-
tement », c'est-à-dire qu'elle doit être essentiellement béhavioriste — alors qu'en
fait, le psychologue, est intéressé par ce qu'il y a derrière le comportement.
(3) P. FOULQUIÉ et R. SAINT-JEAN, Dictionnaire de la langue ])hilosophi(iue,
Presses Universitaires de France, 1962, p. 200.
c) Au point de vue sociologique, et prenant en considération
les systèmes éducatifs qui existent ou qui ont existé, Durkheim
définit l'éducation comme Vaction exercée par les générations
adultes sur celles qui ne sont pas encore mûres pour la vie sociale.
Elle a pour objet de susciter, de développer chez l'enfant un certain
nombre d'états physiques, intellectuels et moraux que réclament
de lui la société politique dans son ensemble et le milieu spécial
auquel il est particulièrement destiné (1). Dans cette conception,
on fait ressortir surtout dans l'éducation l'aspect «socialisation »
ce qui est légitime de la part d'un sociologue.
d) Aupoint de vuepsychologique —Féducation est une action
délibérée (consciente de ses buts), exercée par un adulte, sur
l'enfant en voie de développement, dans le but d'entretenir, de
former (parfois de réformer et de favoriser) l'épanouissement de
ces potentialités innées.
Toutes ces définitions expriment un certain nombre d'idées
communes qui sont importantes pour nous : 1° l'éducation
implique une action délibérée, consciente de ses buts. Cela exclut
de ces définitions, les différentes influences fortuites, qui peu-
vent s'exercer sur l'enfant ; 2° Elles impliquent une action des
adultes, sur les jeunes générations ; ce qui condamne l'expression
« éducation des adultes » (si généralement adoptée, en parti-
culier, par les organismes internationaux) les textes officiels
français, emploient d'ailleurs dans ce dernier sens, des formules
à notre avis mieux appropriées : «Éducation culturelle et per-
fectionnement professionnel » (décret du 6-1-59, titre III) ;
3° Ces définitions suggèrent encore que l'éducation implique
les idées de perfectionnement, de développement, d'épanouisse-
ment des potentialités existantes chez les enfants. Pour le sens
commun, ce sont là des évidences ; mais elles sont oubliées
dans les définitions dites « théoriques » ou « scientifiques »
de l'éducation.
5) Les définitions théoriques ou scientifiques. — Les défini-
tions citées ci-dessus sont descriptives, mais elles se situent à
divers points de vue ; or, ceux qui proposent des définitions
(1) E. DURKHEIM, Éducation et sociologie, Presses Universitaires de France,
3e éd., 1934, avec une Introduction à l'œuvre pédagogique de Durkheim, par Paul
FAUCONNET, p. 49. — Voir A. BAYET, La morale de la science, 21 éd., Paris, 1947,
montre la valeur éducative de la morale de la science, ou plutôt de la morale du
savant.
dites scientifiques ou théoriques ne se contentent pas de cette
simplicité. Les définitions descriptives sont indispensables pour
éviter des malentendus, par exemple, dans une simple corres-
pondance. Par contre, les définitions théoriques aggravent
considérablement de tels malentendus ; et nous faisons grâce
au lecteur d'autres catégories de définitions que distinguent
les spécialistes (1).
Dans le domaine qui nous intéresse —la définition d'une
discipline de recherches —les définitions théoriques sont inadé-
quates et définitivement nuisibles. En effet, les définitions
«théoriques »de notre discipline imposent d'avance à la formule
qui devrait servir à identifier, à délimiter un champ de recher-
ches, une conception a priori de ce qui précisément est à décou-
vrir ; ce procédé tend aussi à décider d'avance des méthodes
qui devraient être employées à l'exclusion de toute autre, limi-
tant par là, arbitrairement, l'aire des investigations possibles ;
bien plus, dans certains cas, la formule même d'une définition
théorique, fait figure de «découverte », et semble dispenser de
toute recherche ultérieure !
Citons un exemple de définition de l'éducation qui est
donnée visiblement dans une perspective behaviouriste, par
Roger Cousinet : « L'éducation est l'ensemble des réactions
de l'élève à certaines réactions du milieu (humain ou non
humain), réactions utiles à son développement » (2). Si l'on
supprimait au début de cette phrase le mot «éducation », on
peut se demander si quelqu'un de non prévenu pourrait deviner
le sens de cette phrase. D'autres auteurs définissent l'éducation
par le conditionnement, ou encore par l'acculturation (3). Certes,
(1) On distingue ainsi, des définitions explicatives, interprétatives, nominales
(ou syntactiques), sémantiques, récursives, contextuelles, opérationnelles et quelques
autres encore. On trouvera de longues analyses de certaines de ces variétés dans :
G. MANDLER et \V. KESSEN, The Language of Psychology, X. Y., John Willey & Sons,
et Londres, Chapman & Hall, 1959.
(2) R. COUSINET, Qu'est-ce que l'éducation ?, Bulletin de psychologie (Sorbonne),
VII, 5 fév. 1954, p. 263. Numéro spécial : Psychologie de l'enfant et pédagogie.
L'auteur ajoute que «les qualités éducatives »sont «celles de ces réactions qui sont
volontaires, afin de distinguer l'éducation du développement ». Mais dans le cadre
du behaviorisme, a-t-on le droit de parler de «réactions volontaires » ?
(3) H. P. FAIRCHILD, Dictionary of Sociology and related Sciences, Littlefield
Adams & Co., 1962, p. 103 et 3. « L'éducation est l'acculturation d'un membre
nouveau et (ou) jeune d'une société par un autre membre, plus âgé. >1 Quant à
l 'acculturation, elle est définie comme un processus de conditionnement. Pour une
définition plus exacte de l'acculturation, cf. A. CUVILI.IER, Dictionnaire de sociologie,
Marcel Rivière, 1961, p. 7.
il peut y avoir une part de conditionnements (à des stimula-
tions), dans certains aspects de l'éducation (ceux qui se rappro-
chent du dressage), mais pour importants qu'ils soient, ce ne
sont pas essentiellement ces aspects-là que l'on a en vue lors-
qu'on prononce le mot éducation. Quant au terme acculturation,
il a été forgé spécialement pour désigner le processus d'assimi-
lation par des adultes, d'une culture qui leur est étrangère (et
en général supérieure), ceci, en conséquence de contacts suivis
avec cette dernière ; mais si l'on étend le sens de ce terme à
l'éducation des enfants en général, on se demande à quoi peut
bien servir la différenciation des mots ? Les quelques ressem-
blances parfois paradoxales et souvent spéculatives, que l'on
peut trouver entre l'éducation, d'une part, et le dressage, le
conditionnement ou l'acculturation, d'autre part, ne nous per-
mettent pas de conclure à l'équivalence de ces termes ; un
aspect partiel de l'éducation, ne saurait servir à sa définition
«en général ».
6) Autres distinctions. — Nous n'avons pas la prétention
d'éliminer d'un trait de plume tous les malentendus auxquels
on se heurte dans le domaine de la pédagogie. —Les compa-
ratistes insistent encore longuement sur la distinction entre
la pédagogie comparée et l'éducation à l'étranger — discipline
surtout descriptive des systèmes d'éducation (1) ; il est toutefois
entendu que cette description constitue une base de départ
indispensabe de toute étude comparative.
L'expression éducation internationale, est également parfois
employée comme équivalent à éducation comparée (2) ; or, par
éducation internationale, on doit entendre l'ensemble des moyens
de caractère éducatif mis en œuvre, en vue d'une meilleure
compréhension mutuelle entre les nations (3) ; parmi ces moyens
on trouve, entre autres : des programmes d'enseignement, les
échanges d'étudiants et d'enseignants, échanges également de
(1) Un exemple souvent cité, se parant « abusivement » du titre Comparative
Education, est celui de A. H. MOEHLHEIM et J. S. ROUCEK (N. Y., Holt Rinehard &
Winston, 1961, lre éd., The Dryden Press, 1951), où l'on présente essentiellement des
descriptions de treize systèmes éducatifs ; on y trouve cependant des éléments de
comparaisons assez bien systématisées.
(2) Cf. C. V. GOOD, Dictionarij of Education, McGraw Hill, 1959, p. 297, sens 3,
où les deux expressions sont données comme équivalentes.
(3) D. G. SCANLON, International Education, Columbia University, Teachers
College Publ., 1960, p. 7.
techniciens, de matériel pédagogique, l'assistance en matière
d'éducation aux régions en voie de développement, enfin des
échanges culturels variés. L'éducation internationale est parti-
culièrement stimulée par des organismes tels que l'Uncsco et
le Bureau international d'Éducation. C'est grâce à leurs efforts,
que dans la majorité des pays on a introduit dans les pro-
grammes d'enseignement cette matière nouvelle : l'éducation
internationale. On peut dire cependant, qu'il y a une relation
de coopération tacite entre la pédagogie comparée et l'éduca-
tion internationale — ce qui est conforme aux vœux de
M.-A. Jullien de Paris.
7) Unité et diversité des conceptions. — Dans les pages qui
précèdent, on a introduit le lecteur dans l'univers particulier
des comparatistes, en indiquant quelques-unes des questions
qui les préoccupent et en donnant quelques exemples de leurs
controverses. Malgré les apparences, il existe une certaine unité
de conception de la pédagogie comparée. Les dissensions (si
vraiment il y a dissension), proviennent en grande partie de
ce que les chercheurs qui manifestent un intérêt suivi pour la
pédagogie comparée ont des origines académiques très diverses :
on y trouve en effet, à côté d'une minorité de pédagogues et
d'historiens de la pédagogie, des philosophes, des psychologues,
des historiens, des sociologues, des professeurs de physique et
de biologie, des économistes, des spécialistes des sciences poli-
tiques et cette énumération n'est certes pas complète. Aussi
les problèmes de l'éducation comparée sont-ils abordés à des
points de vue variés, ce qui est à la fois un signe de vitalité et
un gage de fécondité ; mais ce «bouillonnement »ne se produit
pas sans heurts. Les différentes études se placent dans des
perspectives différentes, elles se situent à différents niveaux,
et elles s'orientent dans des directions diverses. La synthèse
que l'on peut attendre de cette variété n'en devient que plus
prometteuse (1).
(1) Voir en particulier : B. HOLMES et S. B. ROBINsoHN, Relevant data in Compa-
rative Education, Hambourg, Institut de l'Unesco pour l'Éducation, 1963. Traduction
française par G. MIALARET, 1965. Ce rapport très dense présente douze conceptions
de l'éducation comparée ; on y trouve une bibliographie «abrégée », comportant
près de 800 titres, en seize sections, montrant l'éventail des préoccupations des
comparatistes : 1° Histoire ; 2° Méthodologie et généralités ; 3° Le caractère national ;
4° Psychologie et philosophie ; 5° Administration ; 6° Sociologie et psychologie
sociale ; 7° Sciences politiques ; 8° Economie ; 9° Statistiques ; 10° Géographie et
Les chapitres qui vont suivre sont centrés sur les problèmes
qui constituent aujourd'hui l' « actualité » en pédagogie
comparée. Il nous paraît cependant utile de tracer un bref
historique de la pédagogie comparée, et de donner des indica-
tions sur la répartition géographique actuelle de ces études.
Deux chapitres seront consacrés aux théories et aux méthodes
de comparaison. Après avoir énuméré les problèmes qui se
posent aux comparatistes, nous traiterons avec plus de détails
de deux problèmes essentiels : la démocratisation de l'enseigne-
ment et de ses réformes récentes, ainsi que de la planification.
En appendice, le lecteur trouvera : un tableau comparatif des
structures de l'enseignement dans 25 pays, ainsi que des sché-
mas commentés de l'organisation de l'enseignement dans onze
pays ; pour la France, nous avons ajouté un tableau des prin-
cipaux projets de réformes entre 1919 et 1966. Dans nos
conclusions, nous montrerons que l'évolution actuelle des sys-
tèmes éducatifs revêt un caractère «prospectif », c'est-à-dire
qu'elle est déterminée bien moins par les traditions, par le
passé, que par les exigences de l'avenir.
démographie ; 11° Langues ; 12° Organisations internationales et centres d'édu-
cation comparée ; 13° Congrès ; 14° Périodiques ; 15° Annuaires ; 16° Bibliographies
et autres sources d'assistance pour la recherche.
En complément de la note (1), nous signalons ici quelques ouvrages importants
et récents en pédagogie comparée : F. HILKER, Pédagogie comparée (traduction
quelque peu abrégée, de l'ouvrage paru en allemand en 1962), I.P.N.-S.E.V.P.E.N.,
1964. G. Z. F. BEREDAY, Comparative Methods in Education, Holt Rinehart &
Winston, 1964 ; M. REGUZZONNI, La réforme de l'enseignement (dans la Communauté
économique européenne), Aubier-Montaigne, 1966. M. REUCHLIN, L'orientation
pendant la période scolaire — idées et problèmes, Conseil de la Coopération culturelle
du Conseil de l'Europe, 1964 (France : 33, rue Jean-Goujon, à Paris) ; le C.C.C. a fait
paraître une vingtaine d'ouvrages intéressant la pédagogie comparée, et publie
depuis 1965, une revue : Éducation et culture. D'autre part, l'Institut pédagogique
national a fondé une magnifique revue R.E.P.E.R.E.S. (Revue européenne pour
l'Expansion des Recherches éducatives et sociales), depuis 1964 ; malheureusement,
cette revue a cessé de paraître au bout de 2 ans : 8 numéros ont néanmoins vu le
jour. En Angleterre, depuis 1964, paraît la revue Comparative Education (Oxford,
Pergamon Press). R. POIGNANT, L'enseignement dans les pays du marché commun,
I.P.N.-S.E.V.P.E.N., 1966. En fait l'auteur examine dans ce volumineux ouvrage,
les récentes réformes dans une quinzaine de pays (et non seulement ceux du
marché commun). J. MAYAULT, La révolution de l'enseignement, Lafïont-Gonthier,
1967.
Une très importante bibliographie historique a été publiée par W. W. BRICKMAN,
Works of historical interest in Comparative Education (New York), vol. 7, n° 3,
fév. 1964, p. 324. Nous donnerons d'autres indications de caractère général, dans
les chapitres suivants.
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